L`UMPveut uncodepénal desmineurs

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L`UMPveut uncodepénal desmineurs
Le Monde Argent
Quelles solutions pour
financer la dépendance
Supplément
Mercredi 30 novembre 2011 - 67e année - N˚20795 - 1,50 ¤ - France métropolitaine - www.lemonde.fr ---
L’UMP veut
un code pénal
des mineurs
Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directeur : Erik Izraelewicz
Johnny Depp, chantre du «journalisme gonzo»
t L’acteur, héros de « Rhum Express », raconte son ami Hunter S. Thomson P. 21
t Le parti a présenté son projet « sécurité » pour 2012
t Robert Badinter attaque le bilan de M. Sarkozy
L
’UMP tient, mardi 29 novembre, à Villeurbanne (Rhône), sa deuxième
convention nationale, destinée à présenter le deuxième volet de son projet
pour 2012 : après la compétitivité, la sécurité. Au triptyque républicain, le parti présidentiel accole, en effet, dans le « pacte »
qu’il propose, la sécurité et la laïcité.
L’UMP entend d’abord réformer la justice des mineurs. Elle veut « mettre désormais la priorité sur l’exécution de toutes les
peines, en particulier pour les mineurs ».
Aussipropose-t-elle l’élaboration d’uncode
pénal spécifique « pour adapter la justice
des mineurs aux nouveaux phénomènes de
délinquance et lutter contre le sentiment
d’impunité ». C’est, une nouvelle fois, l’ordonnance du 2 février 1945 sur laprotection
de l’enfance qui est en ligne de mire. Au
cœur de la réforme de la justice des
mineurs voulue par l’UMP, la transformation du rôle du juge des enfants.
Patrick Roger
a Lire la suite page 11
Johnny Depp dans le film de Bruce Robinson. PETER MOUNTAIN/GK FILMS
Confusion et exactions
lors des élections en RDC
Comment l’Eglise catholique Les mystères troublants des
veutévangéliserleGrandParis deux Français enlevés au Mali
Congo Des attaques meurtrières de bureaux de vote
ont eu lieu lundi 28 novembre pendant les scrutins
présidentiel et législatif. Le chef de l’Etat, Jospeh Kabila,
était candidat à sa propre succession. Page 3
Religion L’Eglise catholique lance une série de grands
chantiers pour adapter son implantation géographique
aux transformations de l’Ile-de-France. Avec l’objectif
d’« être au plus près du quotidien des gens ». Page 12
Lacriseest-ellelesésame
del’extrêmedroiteenEurope?
Incurable, le chômage de masse?
UK price £ 1,50
X
avier Bertrand a eu raison,
en ces temps électoraux, de
prendre ses précautions.
Avant même la publication des
chiffres du chômage d’octobre, le
ministre du travail a prévenu
qu’ils ne seraient « pas bons ».
Avec 2 814 900 sans-emploi en
France métropolitaine (+ 1,2 % sur
un mois et + 4,9 % sur un an), on
retrouve quasiment le plus mauvais niveau depuis douze ans, en
décembre 1999. En ajoutant ceux
qui ont exercé une activité réduite, il y a, pour la France entière,
4 459 400 demandeurs d’emploi.
Nicolas Sarkozy, qui ambitionnait de ramener le chômage sous
le seuil des 9% avant la fin de son
mandat, n’y parviendra pas. Même
en renouant avec le traitement
social, que naguère il condamnait,
il n’a pu enrayer la hausse du chômage de longue durée et l’explosion de la précarité. Avec la réces-
sion qu’annonce l’Organisation de
coopération et de développement
économique, le pire est à venir. En
2012, où les crédits des politiques
de l’emploi doivent baisser de 12 %,
l’année devrait s’achever sur un
taux de chômage de 10,4 %. Cette
pathologie sociale a un nom : le
chômage de masse.
Ravivé par une crise qui a montré les limites de l’Etat-providence, ce chômage de masse s’est
enkysté dans nos sociétés occidentales aussi riches qu’inégalitaires.
Editorial
Le mal sévit partout. Fin septembre, le taux de chômage harmonisé, calculé par Eurostat, s’établissait en moyenne à 10,2 % dans la
zone euro et à 9,7 % dans l’Union
européenne ; il était à 9,1 % aux
Etats-Unis, ce qui constitue aussi
Le regard de Plantu
un échec pour Barack Obama.
François Mitterrand avait dit
un jour qu’on avait « tout essayé »
contre le chômage. Et Lionel Jospin, qui avait pourtant réussi à le
faire baisser un temps, avait expliqué que « l’Etat ne peut pas tout ».
Le constat est là : le chômage de
masse signe l’échec des politiques
menées, par la gauche comme par
la droite, depuis quarante ans.
Même affaibli, l’Etat-providence a
un rôle à jouer. Il assure une protection sociale minimale et il peut
donner une impulsion. Mais c’est
aux entreprises et aux salariés de
prendre le taureau par les cornes.
Dans les pays scandinaves, on a
inventé le concept de « flexisécurité », qui mélange flexibilité et
sécurité. En échange d’un assouplissement du droit de licenciement, les salariés sont mieux
indemnisés et se voient offrir des
formations pour retrouver un
Terrorisme L’identité et les activités des deux Français
enlevés dans le Sahel suscitent une multitude de
questions. Parmi les hypothèses, la mise en place d’une
milice secrète contre Al-Qaida. Pages deux et 19
emploi. Le système a produit des
résultats. Le taux de chômage est
de 7,8 % en Finlande, 7,3 % en Suède, 7,1 % au Danemark et inférieur
à 4 % en Norvège. Il n’est pas transposable tel quel en France, ne
serait-ce que parce que les syndicats ne jouent pas le même rôle.
En France, la CGT et la CFDT ont
avancé l’idée d’une «sécurité sociale professionnelle ». Il s’agit d’attacher à la personne des droits en
matière d’orientation, de qualification, de formation et de mobilité avec un accompagnement à
revenus constants. Le principe de
la « sécurisation professionnelle »
a été repris dans un accord interprofessionnel. Il n’est pas trop
tard pour responsabiliser les partenaires sociaux et l’Etat autour
d’un pacte pour l’emploi qui se
donnerait les moyens de lutter
contre cette pathologie sociale. p
Débats L’arrivée de ministres d’extrême droite
à Athènes est passée inaperçue sous prétexte qu’ils se
sont rangés à l’orthodoxie financière. Deux chercheurs
sonnent l’alarme sur l’abandon du politique. Page 19
Arrêts maladie: tous inégaux
Santé L’annonce, puis le retrait, d’un quatrième jour de
carence pour les salariés du privé a révélé les injustices
de la couverture maladie. L’œil du Monde page 18
Lire pages 9 et 10
C’est fait, le pays
tout entier est
passé à la TNT
L
a télévision analogique s’est
éteinte dans la nuit du lundi 28 au mardi 29 novembre
dans le Languedoc-Roussillon.
Avec cette dernière région, s’achève le processus de déploiement de
la diffusion de la télévision numérique par voie hertzienne sur l’ensemble du territoire. En deux ans,
tous les émetteurs de France ont
été changés, et les Français se sont
équipés d’adaptateurs TNT ou de
téléviseurs compatibles. Cette
révolution technologique s’est faite en douceur. Elle permet aujourd’hui d’avoir accès à 19 chaînes gratuites, et s’est accompagnée d’un
chamboulement économique
dans les groupes audiovisuels.
FACILE LA VIE…
Se tenir au courant
24h/24 avec i-veille pour
ne pas perdre la partie.
De quoi s’offrir un peu de liberté.
Lire page 13
Algérie 150 DA, Allemagne 2,00 ¤, Antilles-Guyane 2,00 ¤, Autriche 2,40 ¤, Belgique 1,50 ¤, Cameroun 1 500 F CFA, Canada 4,25 $, Côte d’Ivoire 1 500 F CFA, Croatie 18,50 Kn, Danemark 25 KRD, Espagne 2,00 ¤, Finlande 2,50 ¤, Gabon 1 500 F CFA, Grande-Bretagne 1,50 £, Grèce 2,20 ¤, Hongrie 700 HUF, Irlande 2,00 ¤, Italie 2,20 ¤, Luxembourg 1,50 ¤, Malte 2,50 ¤,
Maroc 10 DH, Norvège 25 KRN, Pays-Bas 2,00 ¤, Portugal cont. 2,00 ¤, Réunion 1,90 ¤, Sénégal 1 500 F CFA, Slovénie 2,20 ¤, Suède 30 KRS, Suisse 3,00 CHF, Tunisie 2,00 DT, Turquie 6,50 TL, USA 3,95 $, Afrique CFA autres 1 500 F CFA,
0123
page deux
Mercredi 30 novembre 2011
Un VRP de Sa Majesté
nommé Bond, James Bond
L
e James Bond nouveau est
arrivé. Il est représentant de
commerce. Son ordre de mission ? Répondre au dernier défi
du renseignement mondial : la
cyberguerre.
Le GCHQ (Government Communications Headquarters), le
service secret britannique notamment chargé des écoutes, entend
vendre son savoir-faire technologique au secteur privé pour lutter
contre un ennemi inédit et polymorphe, les hackeurs, ces pirates
de l’ère numérique capables de
paralyser l’ensemble du réseau
informatique.
Officiellement, il s’agit d’aider
les fleurons économiques britanniques – à l’instar des entreprises
de défense, télécoms, pharmacie
et énergie ainsi que les services
financiers –, à se protéger des
conflits sur le Net. En fait, cette
agence fondée en tant que telle en
1946 entend surtout se procurer
des revenus supplémentaires en
ces temps d’austérité budgétaire.
1940-1941. En déchiffrant Enigma,
la machine de cryptage de l’information allemande, Alan Turing
était entré dans la légende. En
1954, l’inventeur de l’informatique et le pionnier de l’intelligence artificielle, persécuté pour son
homosexualité, s’était suicidé.
Traditionnellement, le GCHQ
travaille en étroite collaboration
avec les « cousins américains ».
Le plan britannique s’inspire
d’ailleurs de In-Q-Tel, la société
de capital-risque liée à la CIA qui
investit dans les start-up du secteur des technologies de l’information.
Dans les années 1970, au plus
grand désespoir de la balance des
paiements du Royaume-Uni, les
« grandes oreilles » de Sa Majesté
n’avaient pas su tirer profit de
l’une de leurs découvertes les
plus retentissantes : un système
de sécurité destiné à protéger les
transactions financières en ligne.
On peut aisément imaginer le
pactole qu’aurait rapporté ce brevet au Trésor d’outre-Manche
lors de l’explosion, une décennie
plus tard, de la Bourse !
Dépendant du ministère des
affaires étrangères, le GCHQ,
dont le budget est secret, est placé sous l’autorité du Conseil
national de sécurité. Cet organisme de l’ombre coordonne les différentes agences de renseignement du royaume et sert d’interface avec le 10 Downing Street. Et,
à la grande surprise des Buckinghamologues, son directeur,
William Nye, vient d’être nommé
directeur de cabinet du prince
Charles.
C’est un fait, même transformé en VRP, l’indémodable « 007 »
reste à la mode. p
Un label vendeur
Les écoutes sont un métier
trop sérieux pour que tous leurs
secrets soient divulgués sur la place publique. Pour cela, il y a les
romans de John Le Carré. Une infime partie des renseignements
obtenus par des matériels sophistiqués et traités par les linguistes,
informaticiens et mathématiciens maison seront proposés
aux entreprises. Rien n’a filtré
sur les tarifs ou les options
offerts aux clients.
Une chose est claire, le label
GCHQ est vendeur. Son prédécesseur, l’école de chiffrage et de
décodage née en 1919 et installée
dans le manoir de Bletchley Park,
avait joué un rôle-clé dans la
bataille de l’Atlantique en
Marc Roche
(Londres, Correspondant)
Les indégivrables Xavier Gorce
Récit Les deux Français enlevés la semaine dernière au Mali auraient eu, dans
le passé, des liens avec des mercenaires ou des services secrets. Géologues,
aventuriers ou barbouzes? Leur enlèvement suscite de nombreuses questions
Au Mali, les mystères
du rapt des otages français
le lendemain à Tombouctou, à 200 km
plus au nord. En plein jour, vendredi, juste
à l’heure de la prière, plusieurs touristes
(hollandais, suédois et sud-africains) sont
attablés dans une auberge du centre, non
loin de la « flamme de la paix ». Un groupe
armé arrivé en 4 × 4 parvient à se saisir de
trois d’entre eux. Un Allemand qui résistait est abattu. « Une balle dans le ventre,
une balle dans la tête : ce ne sont pas des
petits bandits », commente un élu de la
«Une milice était en train
d’être constituée en
secret pour aller
combattre AQMI»,
affirme une personnalité
religieuse de la région
L’hôtel Dombia, à Hombori (Nord du Mali), où les deux Français ont été pris en otages. SERGE DANIEL/AFP
Johannesburg
Correspondant régional
M
ême au regard des critères d’obscurité qui sont
la règle dans les affaires
d’enlèvements dans la
région du Sahel, celle
qui est en cours au Mali
est remarquablement mystérieuse. Dans
la nuit de mercredi 23 à jeudi 24 novembre,
dans la ville de Hombori, deux hommes
sont capturés dans leur chambre d’hôtel,
puis emmenés par des hommes en armes.
Les hommes d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), quiont fait de la prise d’otages un négoce pour financer leurs opérations et sont établis dans le nord du Mali,
devraient être les destinataires logiques
de cette opération, sans doute menée à ce
stade par des bandits de la région.
Seulement, il apparaît que l’identité et
l’occupation des deux hommes qui affirmaient être en mission dans le cadre d’un
projet de cimenterie – bien réel – de l’hommed’affaires malien Djibril Camara, soulèvent de nombreuses questions.
Dans le nord du Mali, où quatre
otages français étaient déjà
détenus, circulent trafiquants,
éleveurs, combattants d’AQMI et…
quelques négociateurs français
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Quelques mois plus tôt, le premier d’entre eux, Philippe Verdon avait rencontré
Djibril Camara à Paris. Cet homme d’affaires ayant développé sa petite entreprise
de bâtiment (Mandé Construction Immobilière) grâce à des marchés publics, cherche à installer une cimenterie au Mali,
sans passer par les grands groupes qui se
partagent le marché.
Philippe Verdon semble avoir convaincu son partenaire malien qu’il possédait
des compétences en géologie capables de
mettre le projet en valeur pour des investisseurs potentiels.
Le Philippe Verdon arrivé au Mali est-il
le même que l’aventurier de ce nom qui a
trempé dans des affaires véreuses, notamment aux Comores ou à Madagascar ?
Dans le passé, il s’est aussi présenté comme un proche de Bob Denard, le chef mercenaire dont les actions de chien de guerre
furent souvent conçues en bonne intelligence avec les services de renseignement
français. Philippe Verdon, toutefois, ne
participait pas aux tentatives de coups
d’Etat.Bob Denard avaitdéclaré l’avoir rencontré à plusieurs reprises, mais disait de
lui : « Ce n’est pas un soldat. »
Voici donc un aventurier aux confins
des genres, arrivé dans cette zone proche
du nord du Mali où sont déjà détenus quatre otages français et où circulent trafiquants, éleveurs nomades, katibas (« unités ») d’AQMI et… quelques négociateurs
français associés à des notables locaux. Un
de ces négociateurs a été blessé la veille à
un barrage de l’armée malienne. Qui étaitil ? Un nom a circulé, celui d’un ex-officier
de l’armée française. Ce dernier, contacté
par Le Monde, dément à la fois avoir été
blessé et s’être trouvé au Mali à ce
moment précis.
Le deuxième homme enlevé à Hombori, et présenté comme un « ingénieur », est
Serge Lazarevic, connu pour sa proximité
avec des réseaux des Balkans proches de
l’ex-DST françaises (aujourd’hui DRCI),
notamment au sein d’un groupe paramilitaire baptisé Pauk (« araignée «) accusé
d’avoir fomenté une tentative d’assassinat de l’ancien président serbe Slobodan
Milosevic, ou encore d’avoir aidé au recrutement de mercenaires serbes partis faire
la guerre pour le compte du maréchal
Mobutu, dans l’ex-Zaïre.
Les ravisseurs, arrivés dans un véhicule
en pleine nuit, ont bénéficié de la complicité d’un homme descendu au même hôtel
de Doumbia, et qui n’a pas rempli de fiche
avec son nom. Depuis, des forces militaires françaises et maliennes ont tenté de
donner la chasse aux ravisseurs, sans succès. AQMI n’avait pas revendiqué cet enlèvement mardi matin, 29 novembre.
Cetteaccumulationdeparticularitésestellel’effetduhasard ?Unepersonnalitéreligieuse influente de la région du nord du
Mali affirme qu’une « milice était en train
d’être constituée en secret avec des ex-combattants maliens revenus de Libye pour
aller combattre AQMI dans la région ».
Selon la même source, très introduite dans
les présidences de la région, «les deux Françaisauraientétéidentifiés commeresponsables de la formation et de l’encadrement de
cettemilice. Les gens d’AQMIétaient au courant et sont venus les prendre ».
Cette milice, organisée au cours des dernières semaines, aurait regroupé des combattants essentiellement touareg revenus
de Libye au cours de la dernière période du
régime de Mouammar Kadhafi. La même
source conclut : « C’est un groupe monté
par les services [secrets], sans doute de plusieurs pays, pour mettre en service un petit
groupe armé capable d’aller faire la guerre
à AQMI avec ses propres règles. »
Ce n’est pas la seule explication sur la
présence du « géologue et de l’ingénieur »
à Doumbia. D’autres sources penchent
pour un projet de négociation des quatre
Français enlevés en 2010 au Niger encore
détenus par AQMI dans le Nord du Mali, et
qui aurait mal tourné. Pour compliquer
l’affaire, un second enlèvement a lieu dès
région, qui insiste sur les « complicités
locales indispensables pour pouvoir quitter Tombouctou sans laisser de traces ».
Cet élu local, joint par téléphone,
demande qu’on respecte son anonymat
de peur « qu’on finisse par [lui] couper la
tête ». Il raconte les dérives de toute une
région, où ont prospéré les trafiquants de
drogue – résine de cannabis en provenance du Maroc et destinée à l’Egypte, ou cargaisons de cocaïne qui transitent par le
Sahara sur la route vers l’Europe. « Il y a
une mafia qui s’est développée, avec beaucoup de complicités. Ils cherchent tout ce
qui peut rapporter de l’argent. Moi, j’avais
un petit coopérant qui était chez moi, pour
une mission de quelques semaines. Un de
ces trafiquants m’a dit : “La tête d’un Blanc
cela vaut 100 millions de francs CFA. Passele moi, je l’amène aux barbus, et on partage.” Jusqu’à ce jour il m’en veut encore
d’avoir refusé. J’ai dit au coopérant : “Rentre dans ton pays et ne reviens jamais.” Il ne
sait pas ce qui a failli lui arriver. »
En plus de cette criminalisation, le nord
du Mali est confronté à l’arrivée de combattants originaires du pays, qui fuient la
Libye voisine. Plusieurs centaines, peutêtre près de deux mille hommes, ont quitté la Libye où ils servaient sous l’uniforme
des troupes de Mouammar Kadhafi. Ils
arrivent au Mali en passant par l’Algérie
ou le Niger, avec leurs armes. A l’arrivée,
certains des groupes ont été accueillis
dans les règles lors de cérémonies « officielles », comme à Kidal en octobre, et ont
promis de changer de vie.
Parmi eux, d’ex-rebelles touareg qui
ont quitté le Mali après les accords d’Alger
(2009) pour se rendre en Libye. Ils y
avaient retrouvé des compatriotes, intégrés parfois dans les forces armées libyennes depuis des décennies, ayant fait la
guerre contre le Tchad dans la bande
d’Aouzou. Une partie de ces hommes a
finalement refusé de prendre part au dernier combat de Mouammar Kadhafi.
C’était le cas d’Ibrahim Ag Bahanga, ex-leader charismatique de la rébellion touareg,
de retour au Mali après avoir déclaré son
soutien aux rebelles libyens du Conseil
national de transition (CNT).
Il est décédé dans des circonstances mal
élucidées en août, mais ses hommes
seraient à présent en train de rejoindre
l’ébauche d’un nouveau mouvement
armé, le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), qui hésite encore à se déclarer en faveur de la lutte armée.
Un responsable du MNLA, Moussa Ag
Hacharatoumane, joint par téléphone,
affirme que le mouvement « n’est pas une
rébellion, mais essaye plutôt de faire une
révolution » et s’est doté d’une branche
armée et d’un état-major, à la tête duquel a
été placé le colonel Mohamed Ag Najem,
revenu, lui aussi, de Libye. Le MNLA affirme avoir envoyé « des lettres » au gouvernement pour faire part de ses revendications, tout en affirmant « poser comme
préalable l’autodétermination de
l’Azawad » (Nord du Mali). p
Jean-Philippe Rémy
Lire aussi la tribune de Serge Michailov sur la
« Préoccupante afghanisation du Sahel » p. 19
international
0123
Mercredi 30 novembre 2011
3
Violences et confusion lors des élections en RDC
Le scrutin en République démocratique du Congo a été marqué par de nombreuses irrégularités
RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO
R É P.C E N T R A F R I CA I N E
CONGO
Mbandaka
Kinshasa
SO U DA N
Kisangani
OUG.
Bukavu
R.
B.
Kananga
Matadi Kikwit
ANGOLA
400 km
Mbuji-Mayi
Lubumbashi
ZAMBIE
Reportage
Kinshasa
Envoyé spécial
D
ans un pays où tant de promesses n’ont jamais été
tenues, le chef de l’Etat sortant, Joseph Kabila, a tenu sa parole : les élections présidentielle et
législatives ont bien eu lieu, lundi
28novembre,enRépubliquedémocratique du Congo (RDC). Mais à
quel prix? Celui d’une indescriptibleconfusion,associéeà desviolencesparfois meurtrièresmais localisées, qui soulève déjà la question
de la crédibilité voire de la validité
de ce scrutin pluraliste, le deuxième depuis l’indépendance de l’ancienne colonie belge en 1960 toujours traumatisée par deux guerres ravageuses de 1996 à 2003.
A Kinshasa, lundi, dès l’aurore,
des foules d’électeurs ont bravé les
trombes d’eau qui noyaient les
chaussées défoncées. Dans la cour
de l’école Epelingomo du quartier
surpeupléde Kingasani, ilsse bousculaient par centaines, hurlant
devant les portes des bureaux de
vote, leur carte d’électeurs brandie
au-dessus de la tête. « Les Congolais
n’aiment pas l’ordre », constatait
dépité le président du centre de
vote Israël Mbaya Tshimankinda.
Si les Congolais n’aiment pas
l’ordre, ils doivent alors aimer la
Commission électorale nationale
indépendante (CENI). Kiala Faustin, un enseignant de 48 ans, peut
en témoigner. « Comment je vais
voter ? », se lamente-t-il. En juillet,
il était venu dans cette même école pour s’inscrire. « On m’avait dit
Chef de l'Etat
Joseph Kabila
Superficie
2 345 000 km2
Population (hab.) 67,8 millions
Indice de
développement
humain
0,286
(185e sur 185 pays)
PIB par hab.
224 euros
Matières
premières
étain, diamant, or,
cobalt, cuivre...
Espérance
de vie
48 ans
SOURCE : BILAN DU MONDE 2011
que je voterais ici », se rappelle-t-il.
Mais sur sa carte d’électeur figure
un mystérieux collège Seneve où
il est censé se rendre mais dont
personne n’a jamais entendu parler, ici, dans ce dédale de ruelles
sablonneuses grand comme une
petite ville. « Erreur informatique
ou bureau fictif ? », se demande-t-il.
Avant le vote, on avait relevé de
fausses adresses de bureaux sur la
liste publiée par la CENI. L’oppositionyavaitvuunemanœuvrefrauduleuse de la part d’une CENI dirigée par un proche de Joseph Kabila.Aux bureaux fictifs, et donc sans
électeursle jourduvote,correspondront des procès-verbaux comptabilisés en faveur du président sortant, s’alarmait l’opposition.
En attendant d’en savoir plus,
M. Mbaya Tshimankinda cherche
surtout à éviter l’émeute dans sa
cour d’école. Ses bureaux ont
ouvert avec trois heures de retard,
lorsqu’enfin la CENI lui a fait parvenir la liste électorale les bulletins, « en nombre insuffisant », ditil. Et il doit faire sans isoloir en carton – « ils m’ont expliqué qu’il n’y
en a plus ».
Les électeurs s’asseyent donc,
certains pour la première fois, sur
un banc d’école et transpirent à
retrouver la photo de leur favori
sur une liste de 1 329 candidats à la
députation dans cette circonscription (pour 15 sièges) imprimée sur
un bulletin de 53 pages. Il n’y a pas
non plus de lampe pour le
dépouillement dans ce quartier
vivant souvent au rythme du
soleil. Ni d’encre indélébile pour
éviter les votes multiples. « Qu’est-
A Kinshasa, le 28 novembre, un partisan du candidat de l’opposition Etienne Tshisekedi à la présidentielle. JÉRÔME DELAY/AP
ce que ça doit être en province ? »,
soupire un observateur.
Autre casse-tête : les « omis »,
ces Congolais détenteur d’une carte d’électeur affiliée à un bureau de
vote mais qui n’apparaissent pas
« C’est un fiasco total,
que la communauté
internationale
a laissé faire »
Un membre du comité
technique électoral
sur les listes. La CENI leur a permis
au dernier moment de voter dans
leur centre d’inscription. Ce qui
ouvre le champ aux fraudes et à la
contestation post-électorale. Ainsi,
dans la salle numéro 4 du centre de
vote du quartier Masina II ouvert
dansles locauxd’uneparoissepres-
bytérienne, la liste d’émargement
de ces « omis » comporte déjà une
trentaine de noms écrits à la main
sur des feuilles volantes. S’y ajoute
celle des votes par dérogation. Au
total, près de 30 % d’électeurs supplémentaires qui, au soir du comptage, pourraient faire passer le
taux de participation au-dessus
des 100 %. Plus grave, peu de chose
empêche un « omis » de se rendre
dans un autre bureau de vote pour
recommencer l’opération.
Ceci dit, les onze candidats de la
présidentielle à un tour – système
imposé par Joseph Kabilapour battre une opposition divisée et compenser sa perte de popularité –
sont sur un pied d’égalité. Une égalité démocratique devant le chaos
que le chef de l’Etat partage avec
« l’opposant historique » Etienne
Tshisekedi (79 ans) et ses deux frères ennemis de l’opposition Vital
Kamerhe (51 ans), ex-président de
Un pillage systématique des richesses du sous-sol
Johannesburg
Correspondant régional
Le scandale a éclaté quelques jours
avant le scrutin. Un membre du
Parlement britannique, Eric Joyce,
chef de la commission interpartis
consacrée à l’Afrique des Grands
Lacs, a rendu public un rapport
dans lequel il livre son estimation
du montant des sommes détournées par le pouvoir congolais dans
le cadre de cession d’actifs
miniers : 5,5 milliards de dollars
(4,2 milliards d’euros). Il met en
ligne des contrats cachés jusqu’ici
et décrit ce qu’il qualifie de « façon
de procéder systématique, consistant à brader des actifs miniers
congolais à des compagnies écran,
presque toutes enregistrées aux
Iles Vierges (…) avant de les céder à
des proches ». Certaines de ces
sociétés ont été associées à l’homme d’affaires israélien Dan Gertler, qui avait déjà reçu du père de
l’actuel chef de l’Etat la concession
de la commercialisation de l’ensemble des diamants congolais.
L’estimation peut prêter à discussion, mais les contrats mis en
ligne par M. Joyce appuient l’idée
de son « modèle » de détournement. Le « pillage » des ressources
de la République démocatique du
Congo (RDC) n’est pas seulement
le fait de bandes armées dans l’Est
ou depuis les pays voisins. La
question est d’autant plus aiguë
que le pays a vu sa production
minière augmenter depuis la fin
de la seconde guerre du Congo
(1998-2003). Depuis 2005, la production de cuivre a été multipliée
par cinq. En 2010, la croissance de
la RDC s’établissait à 7,2 %.
Derrière la dimension politique
de l’élection se dissimule un enjeu
économique de taille. De nombreux observateurs se sont émus
des conditions dans lesquelles des
cessions d’actifs étaient faites à des
entreprises immatriculées aux Iles
Vierge (le député britannique en a
recensé 45), et estiment que les
bénéfices réalisés lors de ces cessions auraient servi à financer la
campagne électorale.
La Gécamines, l’ex-empire
minier national tronçonné, a été
particulièrement mise en cause. A
Kinshasa, Albert Yuma Mulimbi,
président du conseil d’administration de la Gécamines, reconnaît
«28accords de joint ventures avec
des étrangers dans lesquels nous
sommes partenaires minoritaires», mais assure avoir «décidé de
demander un audit de ces compagnies par un cabinet international», qui reste à identifier. Il remarque: «Depuis 2002, nous n’avons
touché aucun dividende, ce n’est
pas normal », tout en précisant
qu’il ne compte pas demander la
renégociation des contrats. C’est ce
qui est arrivé à plusieurs sociétés,
dont First Quantum Minerals qui
avait investi 450 millions de dollars dans une mine de Kolwezi,
avant de voir son contrat annulé
en 2009 et la mine cédée pour
175 millions au groupe ENRC.
«Le jeu de passe-passe avec les
droits miniers est en contradiction
avec les discours nationalistes du
pouvoir. De plus, ce ne sont pas des
pratiques nouvelles, mais de vieilles
ficelles», note Thierry Vircoulon, le
directeur Afrique centrale de l’International Crisis Group. La déréliction du système engendrée par ce
pillage avait entraîné la fuite du
maréchal-président Mobutu en
1997 tandis que l’Etat s’écroulait.
« Scandale géologique »
Joseph Kabila marche-t-il dans
les traces de l’homme à la toque de
léopard? Pour l’instant, note une
bonne source: «Les investisseurs se
bousculent encore, mais ce ne sont
pas les plus grandes sociétés minières.» Environ 3 milliards de dollars
ont été investis au Congo en 2010.
Le qualificatif de « scandale géologique» appliqué au pays sonnait
à l’origine comme un sifflement
admiratif, en référence à l’importance des réserves de minerais ou
pierres précieuses (cobalt, cuivre,
coltan, diamants, uranium, etc.).
Le Congo-Kinshasa a tous les
atouts pour devenir un géant régional, même si son économie est peu
diversifiée (73,7 % des exportations
du pays sont constituées de
métaux et 10,7% de diamants).
Des contrats douteux avaient
déjà été attribués avant le scrutin
du retour à la paix de 2006, remporté par Joseph Kabila. Dans la
foulée, il avait fallu faire le ménage
sous pression des institutions
financières internationales qui
accompagnaient parallèlement le
pays vers le point d’achèvement
de l’Initiative PPTE (Pays pauvres
très endettés). Atteint fin 2009,
celui-ci allait permettre de bénéficier d’une réduction de la dette
publique de 12,3milliards.
Une « revisitation» de
61 contrats a donc eu lieu, assimilée par une bonne source à un «racket». Deux contrats seulement
devaient être annulés, dont celui
de First Quantum Minerals.
Les responsables du Fonds
monétaire international (FMI)
avaient beau insister sur la nécessité de « renforcer l’Etat de droit ainsi
que d’améliorer la gouvernance»,
les cessions d’actifs dans des conditions troubles se sont multipliées.
Concernant le pétrole, la même
opacité prévaut. La production
congolaise est faible (23000 barils
par jour). Mais plusieurs blocs très
prometteurs situés au bord du lac
Albert, dans le nord-est du pays,
ont été découverts. Ils semblaient
promis au groupe Tullow, mais
ont été attribués à deux sociétés
inconnues, Caprikat et Foxwhelp,
dont le siège est aux Iles Vierges
britanniques. A leur tête se trouvent Khulubuse Zuma, le neveu
du président sud-africain, et un
avocat de ce dernier. p
l’Assemblée nationale et Léon Kengo (76 ans), président du Sénat.
Devant une telle anarchie, c’est
presqu’unmiraclesil’onnerapportait pas, mercredi matin d’incidents plus sérieux dans la capitale.
Ce ne fut pas le cas à Lubumbashi,
capitale du Katanga (sud-est), où
au moins dix personnes ont été
tuées lors d’une attaque d’un
bureau de vote. Dans le Kasaï occidental, fief d’Etienne Tshisekedi,
des bureaux de vote ont été incendiés après la découverte d’urnes
déjà bourrées. Dans l’Est, des combats entre groupes armés ont
conduit à la fermeture de bureaux.
« Difficile de dire aujourd’hui
quelle influence tout cela aura sur
le résultat final », relativisait un
observateur américain. Inquiet, il
se demandait si le même chaos
allait dominer les opérations de
comptage et de centralisation des
résultats. Beaucoup plus pessimiste, un membre étranger du
comité technique électoral (un
organe consultatif de la CENI) ne
voyait pas comment « la CENI, qui
affirmait dimanche, et contre toute évidence, être prête à 100 %,
pourra déclarer ce vote transparent ». Il ajoutait : « C’est un fiasco
total et pourtant prévisible que la
communauté internationale a
laissé faire. Et si cela dégénérait en
guerre civile ? »
Lundi soir sur les ondes de la
radio Okapi, Franklin Tshamala,
un cadre de la majorité présidentiel dont le candidat est donné
favori au regard de sa force de frappe financière, administrative et
sécuritaire, avait vu un vote « calme ». Du côté de Vital Kamerhe et
de Léon Kengo, en revanche, on
réfléchissait déjà à faire annuler le
scrutin. Une option écartée par
Etienne Tshisekedi qui, dès la fin
du vote, lançait la bataille des chiffres, invérifiables, au sujet de sa large victoire dans l’est du pays. Les
résultats de la présidentielle sont
prévus avant le 6 décembre. Ceux
des législatives, pas avant le mois
de janvier. La RDC entre dans une
zone de hautes turbulences. p
Christophe Châtelot
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0123
international
Mercredi 30 novembre 2011
Jour d’élections auCaire, où les Frères
musulmans quadrillent les quartiers
Le scrutin législatif égyptien s’est ouvert sans incident majeur, et la participation s’annonce massive
Récit
Le Caire
Envoyés spéciaux
L
es premières législatives de
l’après-Moubarak se sont
ouvertes, lundi 28 novembre,
dans un climat de tranquillité inespéré. Alors que bon nombre d’observateursredoutaient quedes violences ne viennent entraver le
déroulement du scrutin, aucun
incident majeur n’a été relevé, ce
qui a conduit à une participation
massive. A la sortie des bureaux de
vote, les électeurs confiaient souvent leur fierté et leur émotion
d’avoir participé au premier scrutin libre de l’histoire de l’Egypte.
Les 498 sièges de l’Assemblée du
peuple, la chambre basse du Parlement,seront attribuésdans un processusélectoral entroisphases,étalées jusqu’à la mi-janvier. Lundi,
une première tranche de neuf gouvernorats (sur 27) était appelée au
vote. Récit de la journée dans trois
quartiers du Caire, où 1 539 candidats se disputent… 54 sièges.
A Choubra, les combines des Frères musulmans Impossible de les
rater. Les militants des Frères
musulmans quadrillent les abords
de tous les bureaux de vote du Caire. A Choubra, un quartier du nordest de la capitale doté d’une forte
minorité copte, les partisans du
mouvement islamiste ont dressé
un stand en retrait de la rue principale. Officiellement, il ne s’agit que
de guider les électeurs égarés. En
quelques clics sur son ordinateur
portable, Hussein, un jeune militant en T-shirt et coiffé d’une casquette beige, les oriente vers leur
bureau de vote. « On a même des
accompagnateurs et des voitures
pour ceux qui ne veulent pas mar-
cher », dit le jeune homme. Mais
ces tracts qui récapitulent le programme du parti, grand favori du
scrutin, et ces affichettes avec la
bobine des candidats soutenus par
les Frères ne seraient-ils pas une
entorse à la réglementation qui
interdit de faire campagne le jour
du vote ? « Non, on rend juste service aux gens », se récuse Hussein.
Un pur altruisme, voilà tout.
Un peu plus loin, Mohammed,
un trentenaire en veste de cuir,
explique au profane le fonctionnement pyramidal de la confrérie. Au
sommet, le guide (mourchid) et
tout en bas, la famille (ousra), la
plus petite unité dans la galaxie des
Ikhwan (Frères). Composée d’une
«Je n’ai jamais vu
autant de femmes
sans voile de ma vie»,
s’extasie, à Zamalek,
unriverain
assis sur untabouret
demi-douzaine de membres, elle a
pour tâche de veiller sur un bloc
d’habitations au sein d’un quartier.
« Ces derniers jours, mon rôle dans
l’“ousra” a consisté à rencontrer les
gens de ma zone, à lister ceux qui
partagent nos valeurs et à prendre
leur numéro de téléphone, explique
Mohammed. Je les appellerai quelques heures avant la fermeture des
bureaux de vote pour m’assurer
qu’ils ont bien voté. » Chez les Frères, rien n’est laissé au hasard.
Sur la place Tahrir, les états
d’âme des révolutionnaires Les
motivations des électeurs, elles,
obéissent à des logiques dont les
résultats sont parfois déroutants.
Dans le quartier populeux de Bou-
laq, un jeune homme élégant se
dirige vers le bureau de vote avec
entrain : « Je vais voter pour la liste
des Frères musulmans et pour
Gamila Ismaïl (une candidate libérale indépendante, concurrente
des Frères). Pour les Frères parce
qu’un de mes voisins qui a
construit une clinique pour les pauvres dans mon quartier se présente
avec eux, et pour Gamila parce
qu’elle a été vraiment courageuse
pendant la révolution. »
Un peu plus loin, le long de la
rue du 26-Juillet envahie d’affiches électorales, trois enfants
s’acharnent sur le poster d’un candidat accroché à un lampadaire.
« On a besoin de ce papier et celuilà, c’est pas grave, personne le
connaît, il n’a aucune chance. De
toute façon, c’est les Frères qui vont
gagner. » Cet avis fait l’unanimité
dans la rue, où un policier, assis sur
une chaise au bord du trottoir, distribue nonchalamment des tracts
à l’effigie du Parti de la justice et de
la liberté, bras politique de la
confrérie. « C’est pour labonne cause ! », s’exclame-t-il, hilare.
A quelques kilomètres de là, sur
la place Tahrir cernée par les militaires, les révolutionnaires qui
maintiennent leur sit-in devant le
siège dugouvernement ne cachent
pas leur morosité. Beaucoup ont
décidé de boycotter le scrutin, sans
parvenir à empêcher nombre de
leurs camarades de s’éloigner de la
place pour aller mettre un bulletin
dans l’urne. Rassemblés sous une
effigie du maréchal Tantaoui pendue à un réverbère, les irréductibles ont tenté de persuader leurs
compagnons de ne pas aller voter
en chantant «Elections illégitimes !
Tantaoui illégitime !».
Ils ont reçu le soutien de plusieurs mouvements révolutionnaires, dont le Groupe du 6 avril, et
l’Union des jeunes coptes de Maspero. « Par égard pour le sang des
martyrs innocents qui a inondé la
place Tahrir ces derniers jours,
nous demandons le report des élections », ont-ils déclaré, en référence aux victimes de la répression
menée par le Conseil suprême des
forces armées (CSFA) contre les
manifestants depuis le 19 novembre, qui a fait plus de 40 morts.
A Zamalek, la résignation de la
gauche et l’espoir inquiet des
libéraux De l’autre côté du Nil,
dans le quartier aisé de Zamalek,
des colonnes de femmes font au
contraire la queue devant les
grilles des écoles dans un brouhaha revigorant. « Je n’ai jamais vu
autant de femmes sans voile de ma
vie », s’extasie un riverain assis sur
un tabouret. Les électrices ne cherchent pas pour autant à cacher
leurs désillusions sur le scrutin.
«Le CSFA nous a pris à la gorge et le
moment est très mauvais pour
tenir des élections, déclare Madiha
Doss, militante au Parti socialdémocrate. Mais on n’a pas le choix,
ilfautvotertoutencontinuantlesitin à Tahrir, c’est le seul moyen
d’avoir une petite légitimité pour
faire pression sur les militaires. »
La perspective d’une forte participation réjouit en effet les islamistes. Croisé à la sortie d’un bureau de
vote du quartier populaire de
Mokattam, Ossama Yacine (célèbre
représentant des Frères musulmans sur la place Tahrir) ne cache
pas sa joie : « C’est extraordinaire,
tout le monde est venu voter! Même
les paralysés, même les vieux, les
aveugles. Le taux de participation
va être exceptionnel, plus de 70 %
c’est sûr ! C’est un grand jour pour la
démocratie, vive l’Egypte! » p
Benjamin Barthe et
Claire Talon
Un mode de scrutin
très complexe
Calendrier électoral Les élections à l’Assemblée du peuple,
la Chambre basse, doivent avoir
lieu en trois phases, du 28 novembre au 11 janvier 2012. Chaque
phase consiste en deux tours de
deux jours chacun, espacés d’une
semaine. Les élections à l’Assemblée consultative, la Chambre
haute, se tiendront dans la foulée,
en trois phases également, du
29 janvier au 11 mars. Le scrutin
présidentiel est censé se dérouler
d’ici au mois de juin.
Observateurs Après s’être opposé à la venue du moindre observateur étranger, le conseil militaire
qui gère le pays depuis le départ
du président Hosni Moubarak
a donné son feu vert à sept ONG
internationales, dont le Centre
Carter pour la paix, qui seront
chargées de surveiller le déroulement des scrutins.
Des électeurs consultent la liste des candidats à Choubra (Le Caire), lundi 28 novembre. GORAN TOMASEVIC/REUTERS
Israëls’inquiète
del’affaiblissement
del’arméeenEgypte
Le gouvernement craint la montée en puissance
des islamistes et une instabilité au Sinaï
Jérusalem
Correspondant
P
ourIsraël, lesmotifs d’inquiétude liés à la situation égyptiennesemultiplient.L’attentat commis, lundi 28 novembre,
contre le gazoduc acheminant le
gaz égyptien vers Israël et la Jordanie (qui avait déjà subi une attaque
à l’explosif le 25 novembre) illustre
l’instabilitéde l’Egypteetlecaractère de plus en plus incertain de ses
relations avec Israël, estime-t-on à
Jérusalem. C’est la neuvième fois
en dix mois que ce pipeline, qui alimente 43 % de la consommation
de gaz des Israéliens et 80 % de celle des Jordaniens, est ciblé. Comme
les fois précédentes, l’attentat s’est
déroulé aux environs de la ville
égyptienne d’Al-Arich (nord du
Sinaï).
Cette nouvelle action conforte
les doutes des dirigeants israéliens
quant à la capacité du maréchal
Hussein Tantaoui de contrôler la
situation, puisque le chef du
Conseil suprême des forces
armées (CSFA) avait affirmé, le
5 octobre, que la zone du Sinaï était
« sécurisée à 100 % ». Les chefs de
Tsahal estiment que cette région
est devenue un « trou noir » propice à toutes les activités de contrebande et de terrorisme.
Une nouvelle preuve en a été
fournie le 23 novembre, lorsque
deux soldats égyptiens ont été
tués à la frontière par des contrebandiers bédouins. Enfin, la manifestationtrèsanti-israélienne organisée,vendredi auCaire, parles Frères musulmans renforce la conviction des dirigeants israéliens que
l’époque d’une relation relativement harmonieuse avec l’Egypte
est révolue.
Les slogans entendus à cette
occasion – « Un jour nous tuerons
tous les juifs ! » –, mis en exergue
par la presse israélienne, sont de
mauvais augure, estime-t-on à
Jérusalem. Les autorités n’en
tablent pas moins sur le maréchal
Tantaoui, qu’elles considèrent
commele meilleurgarant dumaintien du statu quo, et redoutent que
celui-ci soit « lâché » par les EtatsUnis. « Avec les militaires égyptiens, la coordination en matière de
sécurité se poursuit, nous avons des
interlocuteurs, on se parle, même si
tout est beaucoup plus difficile
qu’avant», constate un diplomate
israélien. « Nous recevons de leur
part des assurances fermes que l’accord de paix [signé en 1979] ne sera
pas remis en cause », assure-t-il.
« Nous ne nous attendons donc
pas à une rupture de nos relations,
mais à un lent pourrissement de la
situation », ajoute-t-il. Les dirigeants israéliens sont conscients
desubirl’enchaînement des événements en Egypte. Sachant que toute initiative intempestive de leur
part ne pourrait qu’envenimer la
situation, la consigne est toujours
d’éviter tout commentaire officiel.
Pour s’en être affranchi en estimant que les militaires israéliens
«commencent à réaliserque l’Egypte se dirige vers un conflit avec
Israël », le député travailliste Benyamin Ben Eliezer s’est fait officiellement rabrouer.
« Eviter un chaos général »
La plupart des experts ne
croient pas à un tel scénario, ne
serait-ce qu’en raison du moyen de
pressionqueconstitue l’aideaméricaine à l’Egypte. Le premier ministre, Benyamin Nétanyahou, s’est
borné à rappeler que la préservationdutraité depaix estdansl’intérêt des deux pays. Israël, a insisté le
ministrechargé deladéfensepassive, Matan Vilnaï, continue de faire
confiance au maréchal Tantaoui
pour « éviter un chaos général ».
Mais cette confiance est relative :
les Israéliens savent que 54 % des
Egyptiens se prononcent pour l’annulationdutraitéde paixet ilsdoutent désormais de la capacité des
militaires à endiguer la vague des
Frèresmusulmans et des salafistes.
Ilscraignent,d’autre part,lesconséquencesd’unevictoire dela Confrérie lors des élections, qui entraînera un renforcement de ses liens
avec le Hamas, issu de ses rangs.
De ce point de vue, il sembleavéré que le Hamas attend de connaître les résultats du scrutin égyptien avant de s’engager plus avant
dans la réconciliation avec le
Fatah, principal parti de l’Autorité
palestinienne : en cas de victoire
des Frères musulmans, il espère se
renforcer dans la perspective des
élections palestiniennes prévues
en mai. Disposant de peu de cartes
pour influencer la situation de
l’autre côté de sa frontière sud,
Israël renforce celle-ci. Outre qu’il
a été décidé d’installer une brigade
de Tsahal dans la région d’Eilat, les
travaux pour réaliser la barrière de
sécurité qui doit courir le long des
240kmdela frontièreégypto-israélienne s’accélèrent : celle-ci devrait
être achevée en octobre 2012, six
mois plus tôt que prévu.
Bardé de fibres optiques, de
radars et de caméras, cet ouvrage
était initialement destiné à donner
uncoup d’arrêtàl’immigrationillégale. « Il ne s’agit pas d’arrêter des
chars égyptiens, souligne un diplomateisraélien, maisavec la détérioration de la situation en Egypte,
l’objectif de cette barrière est aussi
de surveiller la frontière et d’empêcher l’infiltration de terroristes. » p
Laurent Zecchini
Un rapport commandé par l’ONU accuse la Syrie de «crimes contre l’humanité»
Tueries, viols, tortures… Les témoignages réunis par la commission, qui n’a pas pu se rendre sur place, sont accablants pour le régime de Damas
M
issionnée par le Conseil
des droits de l’homme de
l’ONU, la commission
d’enquête internationale indépendante sur la Syrie a conclu, lundi
28novembre,quelesforcesdesécurité avaient commis des « crimes
contre l’humanité », sur ordre du
régime,depuis ledébut du soulèvement syrien en mars 2011. Au terme de plus de deux mois de travail,
cette commission, composée de
trois membres, donne, dans son
rapport de 40 pages, un aperçu
d’ensemble des violations des
droits de l’homme en Syrie.
« Nous avons documenté tous
les types de violations des droits de
l’homme : tueries, torture, déten-
tions arbitraires, disparitions, abus
sexuels, atteintes aux enfants,
détaille Yakin Ertürk, une des trois
auteurs et spécialiste turque de la
violence faite aux femmes. Ces violations sont massives et systématiques. Des Syriens de tous âges, de
toutes origines sociales ou géographiques ont été visés. Nous avons
aussi remarqué que, partout dans
le pays, le pouvoir a mobilisé les
mêmes moyens : des forces armées,
des milices de civils armés (les “chabiha”). Rien de cela n’était sporadique. Il y a eu des ordres hiérarchiques, une chaîne de commandement et une stratégie destinée à
mettre fin aux manifestations. »
Lacommission n’a paspu se ren-
dre en Syrie, faute de réponse à sa
demande de visa. Damas n’a pas
répondu non plus au questionnaire détaillé envoyé par les enquêteurs. Ceux-ci ont donc interrogé
223témoinsetvictimesdelarépression réfugiés à l’étranger. Plusieurs
témoignages de déserteurs confirmentquelesordresdonnésauxsoldats étaient bien de « tirer pour
tuer». Le rapportcite lecas d’un soldat présent à Lattaquié en avril.
« Les manifestants lançaient des
appels à la liberté, ils portaient des
branches d’olivier et marchaient
avec leurs enfants, raconte-t-il.
Nous avions l’ordre de les disperser
ou de les éliminer, y compris les
enfants, nous avons ouvert le feu. »
Des tireurs embusqués ont également expliqué avoir tiré sur ceux
qui tentaient de secourir les blessés. Des soldats tirant volontairement en l’air racontent avoir été
arrêtés et torturés.
« 256 enfants tués »
Deux aspects de ce rapport sont
particulièrement inquiétants. Il
s’agit de l’utilisation des hôpitaux
comme lieux d’arrestation, voire
de torture et d’assassinat des manifestants blessés. Ainsi, des membres des forces de sécurité déguisés en médecins ont pu agir à l’hôpital militaire de Homs.
L’autre phénomène exceptionnel et révoltant est le nombre
extrêmement élevé d’enfants
tués. « Des sources fiables indiquent que 256 enfants ont été tués
par les forces gouvernementales
au 9 novembre », précise le Brésilien Paulo Pinheiro, président de
la commission d’enquête. Le rapport cite le cas de Thamer Al-Chari,
un jeune de 14ans, mort sous la torture à Saïda. Un homme raconte
aussi avoir été témoin du viol d’un
garçon de 11 ans par trois officiers.
Les enquêteurs demandent l’arrêtde la répression,l’envoi d’observateurs, la libération des prisonniers et appellent à l’instauration
d’un embargo international sur
les ventes d’armes à la Syrie. Le rapport doit être examiné très pro-
chainement par une session extraordinaire du Conseil des droits de
l’homme de l’ONU, qui pourra
décider de le transmettre à l’Assemblée générale des Nations
unies, faute de consensus, pour
l’instant, au Conseil de sécurité, où
la Russie bloque toute résolution
condamnant la Syrie.
Sur le plan diplomatique, la Turquiea annoncé qu’elle appliquerait
des sanctions économiques identiques à celles décidées, le 27 novembre, par la Ligue arabe. Mais elle a
écarté, pour le moment, l’idée de
corridors humanitaires avancée, le
23novembre, parle chef dela diplomatie française, Alain Juppé. p
Christophe Ayad
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0123
international & europe
Mercredi 30 novembre 2011
BarackObama
Royaume-Uni: vers la plus grande grève
presselesEuropéens depuis 30 ans dans la fonction publique
Le 30 novembre, deux millions de personnes devraient manifester contre les réformes et l’austérité
derésoudre
lacrisedeladette
Londres
Correspondance
Reçus le 28 novembre à Washington, les dirigeants
de l’UE s’agacent des pressions américaines
Washington
Correspondante
L
es Européens ont retrouvé
leur sommet Etats-UnisUnion européenne (UE). En
juin2010, Barack Obama avait boudé la réunion prévue à Madrid, estimant que ce genre de conférences
n’était pas assez productif. Voilà un
an, le sommet de Lisbonne n’avait
duré que quelques heures, dans les
couloirs du sommet de l’OTAN.
Les Européens ont appris la
leçon : lundi 28 novembre, pour le
premier sommet à la Maison Blanche depuis l’entrée en vigueur du
traité de Lisbonne, il y a deux ans,
l’ordre du jour était fait de sujets
qui intéressent les Américains,
comme la sécurité énergétique, le
commerce transatlantique et un
nouveau groupe de travail de haut
niveau sur l’emploi et la croissance.
Mais c’est la crise de l’Eurozone
qui a pris le pas sur le reste des discussions. Les Américains s’impatientent. « Le président a dit clairement qu’il voudrait voir des actions
plus audacieuses, plus rapides et
plus décisives », a précisé William
Kennard, l’ambassadeur américain
auprès de l’UE à Bruxelles.
Barack Obama a paru légèrement plus ouvert qu’au G20 de
Cannes sur une aide de Washington. Assis aux côtés du président
de l’UE, Herman Van Rompuy, et
du président de la Commission
européenne, José Manuel Barroso,
il a assuré que les Etats-Unis « se
Fitch menace de dégrader
la note des Etats-Unis
Le statut d’emprunteur des
Etats-Unis a été écorné, lundi
28 novembre, avec les menaces
de l’agence de notation Fitch de
faire perdre au pays leur note
« AAA », si les responsables politiques américains ne s’attaquent pas au déficit budgétaire,
ce qui risque de ne pas être le
cas jusqu’à l’élection présidentielle de novembre 2012. Pour
Fitch, il y a désormais « une probabilité légèrement supérieure à
50 % » de voir la note abaissée
dans les deux années à venir.
Fitch était la dernière des trois
grandes agences à maintenir
une perspective « stable » sur la
note « AAA » attribuée à la dette
de long terme des Etats-Unis.
Elle est désormais « négative »,
comme chez ses concurrentes
Moody’s et Standard & Poor’s.
tiennent prêts à prendre leur part
pour aider à résoudre » la crise. « Si
l’Europe se contracte, si l’Europe est
en difficulté, il sera bien plus difficile pour nous de créer des emplois
ici », a-t-il justifié.
« Demi-mesures »
Ce n’est pas la première fois que
les responsables américains perdent patience. Quelques jours
avant le G20, l'un d’eux grommelait contre les « demi-mesures» prises en Europe. A Cannes, M.Obama
avait reçu ce qu’il a appelé un
« cours accéléré » en institutions
européennes.Lundi,MM.VanRompuy et Barroso lui ont expliqué les
étapes d’ici au Conseil européen du
9 décembre. « Parfois, les décisions
prennent du temps », a avancé le
président de la Commission. « Bien
sûr que nous sommes inquiets, a
indiqué M. Kennard. Mais le président Obama est conscient des réalités politiques et des difficultés auxquelles l’Europe est confrontée dans
la recherche d’une solution. »
Comme à Cannes, les responsablesaméricains se sont bornés, ontils assuré, à prodiguer « conseils et
recommandations » à leurs partenaires. Ceux-ci ne cachent pas
qu’il ne saurait en être autrement,
compte tenu du palmarès des
Américains eux-mêmes dans la
réduction d’une dette qui approche les 100 % du PIB.
A ce propos, MM. Van Rompuy
et Barroso ont demandé à M. Obama ce qu’il comptait faire maintenant que le super-comité bipartite
chargé de la réduction des déficits
s’était séparé sur un échec, alors
que le G20 de Toronto a inscrit la
diminution de la dette dans les
obligations des pays en déficit. Les
Européens, selon le mot de l’un
d’eux, s’inquiètent d’être « pris en
otages » de l’élection présidentielle de novembre 2012 aux EtatsUnis. Dans le communiqué commun, ils ont fait inscrire qu’ils
attendent « des actes des EtatsUnis en direction d’une consolidation budgétaire à moyen terme ».
En privé, les responsables européens sont agacés par l’insistance
de la presse américaine à souligner
leurs tergiversations. « Les chiffres
des Américains sont pires que les
nôtres», glisse l’un d’eux. « Et combien de rapports sur la dette ? Combien de commissions de réduction
du déficit pour un pays qui n’a que
deux partis, un président et un
Congrès. Multipliez ça par 27 !» p
Corine Lesnes
Israël
Tirs de roquettes sur le nord d’Israël
JÉRUSALEM. Aucune formation politique libanaise n’avait encore revendiqué, dans la matinée de mardi 29 novembre, la responsabilité du tir
de plusieurs roquettes Katioucha (3 ou 4 selon les sources) qui sont tombées, dans la nuit de lundi à mardi, en Galilée. L’armée israélienne a
répliqué par des tirs d’artillerie sur le territoire libanais. Cet échange de
tirs n’a fait aucune victime et peu de dégâts du côté israélien. Israël a
estimé qu’il s’agissait « d’un incident grave », qui relève « de la responsabilité du gouvernement et de l’armée libanaise ». Le dernier incident à la
frontière libanaise remonte au 1er août, lorsque des militaires libanais et
israéliens avaient échangé des coups de feu. p Laurent Zecchini
Kosovo Nouveaux incidents entre OTAN et Serbes
PRISTINA. De nouveaux heurts ont eu lieu, lundi 28 novembre, entre les
soldats de la KFOR, la force de l’OTAN au Kosovo, et des Serbes. Vingt-cinq
soldats ont été blessés, dont deux par balles, ainsi que cent manifestants
serbes, selon Belgrade. Les incidents ont débuté lorsque la KFOR a démantelé une barricade serbe près de Zupce. Depuis des mois, les autorités
kosovares tentent de prendre le contrôle des postes frontières avec la Serbie, dans une zone très majoritairement peuplée par des Serbes. – (AFP.)
Emirats arabes unis L’émir gracie des militants
ABOU DHABI. L’émir Khalifa Ben Zayed Al-Nahyane a gracié, lundi
28 novembre, cinq militants pro-démocratie condamnés à des peines
de prison. Ils avaient été accusés d’avoir « humilié » les dirigeants de la
fédération qu’il dirige. – (AFP.)
P
our la première fois de sa vie,
Margaret Palmer va faire grève, mercredi 30 novembre.
Mais c’est la mort dans l’âme : à
44 ans, cette spécialiste des soins
psychologiques pour les enfants,
qui travaille dans une clinique de
Londres, n’a rien d’une militante.
Elle estime cependant que l’heure
est grave : « L’ensemble du secteur
public subit une attaque majeure.
Le gouvernement tente de faire
retomber sur nous les conséquences de la crise financière, qui est
pourtant la faute des banquiers. »
Le 30 novembre, elle ne sera pas
la seule à descendre dans la rue
pourla première fois.Trente syndicats, essentiellement de la fonction
publique, ont voté la grève. Environ deux millions de personnes
sont attendues, ce qui en fera le
plus grand mouvement social
depuis janvier 1979, quand « l’hiver
du mécontentement» avait immobilisé le Royaume-Uni. Pour certains syndicats, la décision est historique : celui des directeurs d’école appelle à la grève pour la première fois de son histoire de 114 ans.
Unegrande partie desécolesseront
fermées.Lesdouanes appelantégalement à arrêter le travail, le chaos
est attendu dans les aéroports.
L’ampleur de la colère est donc
inéditedepuisune génération.L’explication vient de la réforme des
retraitesde lafonction publique.Le
gouvernement négocie depuis
neuf mois un changement radical :
les salariés devront augmenter de
50 % leur contribution (qui passe
de 6 % de leur salaire à 9 %) ; ils toucheront une pension plus faible,
basée sur la moyenne des salaires
plutôt que sur les dernières
années ; et l’âge de la retraite, qui
s’étale actuellement entre 60 et
65 ans, va être augmenté à 65 ans
pour tous en 2018, puis 66 ans dès
2020 et progressivement jusqu’à
68 ans d’ici une trentaine d’années.
Jane Wilson, une collègue de
Mme Palmer, a calculé qu’elle allait
devoir contribuer d’environ
100 euros supplémentaires chaque mois pour toucher 100 euros
de moins par mois quand elle sera
àlaretraite:«Cetteréformeestidéologique et politique. »
Préparation des manifestations du 30 novembre prévues en Grande-Bretagne. OLIVIA HARRIS/REUTERS
Le gouvernement réplique que
l’allongement de la durée de vie
rend ces changements indispensables. De plus, il souligne que les
retraites dans le secteur privé sont
nettement moins généreuses : celles-ci fonctionnent sur la base de
fonds de pension, dont la valeur
s’est effondrée avec les différentes
crises boursières.
La colère de la fonction publique britannique va cependant
bien au-delà des retraites. Le vaste
plan d’austérité lancé par le gouvernement, en vigueur depuis le
début de l’année, se fait sentir très
fortement. Rien qu’au premier
semestre, 150 000 emplois du service public ont été supprimés, sur
un totalde six millions. Les collectivités locales sont les plus touchées, le gouvernement réduisant
les transferts vers elles d’un quart
en cinq ans.
A Kaleidoscope, le centre de
soins psychologiques pour
mineurs du sud-ouest de Londres
où travaille Mme Palmer, le budget a
été réduit de 25 % cette année. Une
dizaine d’emplois sur cinquante
ont été supprimés. La conséquence sur la qualité des soins se fait
sentir. En particulier, l’attente
pour recevoir les enfants pour leur
première visite est passée de trois
à quatre mois en moyenne. « Le
moral est très bas actuellement,
estime Mme Palmer. Pendant longtemps, travailler dans la fonction
publique apportait une garantie
de l’emploi. Ce n’est plus le cas. Les
retraites étaient le dernier avantage qu’on avait. »
A la mairie de Westminster, à
Londres, Jo, une assistante sociale,
La colère
de la fonction
publique britannique
va bien
au-delà de la question
des retraites
raconte la même histoire. Elle aussi
fait grève pour la première fois de
sa vie. « Dans quelques semaines,
on va perdre 20 % de nos effectifs.
Concrètement, ça veut dire que je
vais moins rendre visite aux gens
dont je m’occupe, que je ne vais pas
avoir le temps de bien les connaître.
C’est pour eux que je me bats.»
Si la colère est profonde, les syndicats prennent cependant un
important risque avec cettegrande
grève. Lesecteur privé ne suit pas le
mouvement : les transports – gérés
par des entreprises privées – fonctionneront presque partout pendant la mobilisation, par exemple.
«Lessyndicats n’ont pas réussiàfaire passer le message que la bataille
pour leur retraite était dans l’intérêt de tous », estime Paul Marginson,spécialiste desquestions sociales à l’université de Warwick.
Pour l’instant, les Britanniques
semblent solidaires : 61 % disent
soutenir la grève, selon un sondage de la BBC. Mais dans un pays où
les mouvements sociaux sont très
rares depuis les années Thatcher,
cette attitude est très fragile. L’opposition travailliste ne s’y trompe
pas et ne sera pas dans les manifestations. Les grévistes eux-mêmes
ne savent pas s’il s’agit du début
d’un long mouvement social ou
d’une action sans lendemain.
« Cela va être une journée-clé, estime Mark Perry, un collègue de
Mme Palmer. La grève peut galvaniser les énergies et lancer une vague
de manifestations. Mais beaucoup
de nos collègues disent qu’ils ne
sont pas prêts à se mobiliser plus
d’une journée.C’est sur cettefaiblesseque compte le gouvernement. » p
Eric Albert
«Le Pakistan n’est pas le complice des talibans»
Selon le général Athar Abbas, les bavures de l’OTAN ont déjà coûté la vie à 70 soldats pakistanais
Entretien
prévenir en cas d’échanges de tirs ?
L
De nouveau se pose la question
de vos liens avec les insurgés et
notamment les talibans, qui
pourraient être utilisés par le
Pakistan comme un outil de politique extérieure dans la région ?
e général Athar Abbas est le
porte-parole del’armée pakistanaise depuis 2008. Ce pilier
de l’establishment militaire au
Pakistan était, lundi 28 novembre,
de passage à Paris.
L’OTAN vient de tuer 24 soldats
pakistanais dans un poste frontière près de l’Afghanistan. Kaboul
avait fait état de tirs provenant
de cette zone, est-ce vrai ?
Non. Les deux postes avancés
bombardés par l’OTAN n’avaient
rien de refuges de talibans. Ils sont
établis sur des hauteurs et des drapeaux pakistanais y flottent de
façon visible. De plus, l’activité
insurgée est réduite depuis que
nous avons repris cette zone dans
l’agence de Mohmand. Il s’agit du
huitième incident de ce genre et
70 soldats pakistanais ont perdu la
vie à cause de l’OTAN.
Nous attendons le résultat de
l’enquête. Nous ne pouvons rester
dans une situation où nous sommes sans arrêt désignés comme
des complices de terroristes. C’est
le Pakistan qui a perdu le plus
d’hommes face aux insurgés.
Deplus, à quoi servent les procédures d’alerte mises en place de
part et d’autre de la frontière pour
Ce discours est inexact. Notre
armée est le premier ennemi des
insurgés. Nos services de renseignement,l’ISI, ont perdu 300 hommes. Ensuite, évidemment que
leur rôle est de savoir ce qui se passe dans les zones tribales frontalières et d’être au contact des talibans
et autres groupes insurgés. Cela ne
fait pas de nous des complices.
De même, nous ne négocions
pas en ce moment avec les talibans
pakistanais, contrairement à ce
qui a été dit.
Quant à nos relations avec les
talibans afghans, ce serait une
erreur de croire que nous pourrions reproduire un schéma de
relations identiques à celles qui
prévalaient entre 1996 et 2001,
lorsqu’ils dirigeaient l’Afghanistan. La guerre est passée par là.
Nous ne pouvons pas parier sur le
retour de tel ou tel groupe.
Enfin, nous devons aussi faire
face à une économie générée par la
guerre qui fait vivre des groupes
criminels, au Pendjab, en Inde, au
Pakistan et en Afghanistan. Ceuxlà, souvent liés à la drogue, ne veulent pas la fin de la guerre.
Cette frappe contre vos soldats
ne risque-t-elle pas d’exacerber
plus encore vos relations avec
les Etats-Unis qui vous accusent
souvent de double jeu ?
Nos deux pays partagent le
même objectif : s’opposer à la
menaceterroriste,mais nousdivergeons visiblement sur la méthode.
Nous n’avons aucun intérêt, de
partet d’autre, à casser notre lien et
nous voulons poursuivre notre
coopération avec Washington.
Dans les zones tribales, le seul
recours à la force, notamment au
Waziristan, ne peut fonctionner. Il
faut s’appuyer sur les tribus qui,
seules, peuvent tenir un territoire
ravagé par la guerre et qui, seules,
exercent une réelle autorité sur
des populations pauvres, illettrées
sans accès aux hôpitaux. Le raisonnement américain à l’adresse des
insurgés consistant à dire « morts,
capturés ou réintégrés » manifeste
une profonde méconnaissance de
cetterégion, essentiellementpachtoune. Ne pas prendre en compte
cette dimension sociale et politique est suicidaire.
Pour autant, nous avons repris
pied dans quatre agences tribales
sur sept, où cinq brigades sont à
l’action. Reste le nord Waziristan,
Orakzaï et Khyber à reprendre.
Nous ressentons beaucoup d’ingratitude des Etats-Unis. Quel intérêt avait l’ISI de tout faire pour faire rentrer chez lui Raymond Davis,
l’agent de la CIA arrêté à Lahore, en
janvier, après avoir tué deux Pakistanais, alors que le pays tout entier
voulait qu’il soit jugé ? Qu’avons
nous eu en retour, si ce n’est des
reproches ?
Quel bilan faites-vous de ces dix
ans de guerre afghane ?
Qu’il est très facile de déclarer la
guerre et qu’il est plus difficile de
construire et de faire vivre les gens
ensemble. D’ici le départ des troupes combattantes en 2014, les Américains doivent radicalement changerdeméthodeetremettrelapolitiquer au cœur de leur stratégie. Ils
doivent parier sur la réconciliation
en évitant de se disperser. Ils doiventsefocaliser sur unseul groupe,
puis le mouvement fera tâche
d’huile. Le Pakistan sera derrière
eux, même après 2014, à condition
qu’ils privilégient le développementetlesoutien auxforcesafghanesetnonla poursuited’unestratégie antiterroriste vaine. p
Propos recueillis par
Jacques Follorou
planète
0123
Mercredi 30 novembre 2011
7
Le maïs transgénique de nouveau légal en France
Le gouvernement cherche une riposte à la décision du Conseil d’Etat qui donne raison au semencier Monsanto
L
e Conseil d'Etat a tranché,lundi 28 novembre : la France ne
peut pas décider, seule, d’interdire sur son sol la culture de
semences génétiquement modifiées. Du moins pas de la façon
dont le gouvernement s’y était
pris en décembre 2007, en rédigeant un arrêté qui suspendait la
commercialisation et l’utilisation
du maïs MON810 puis en en interdisant la culture en février 2008.
Cette céréale génétiquement
modifiée (GM) du semencier américain Monsanto était la seule cultivée en France jusqu’alors. Critiquée par le Haut Conseil des biotechnologies, suspectée de toxicité pour les rongeurs, elle produit
une toxine Bt destinée à éliminer
les insectes.
Monsanto et nombre de négociants et producteurs de semences
avaient attaqué ces deux arrêtés
du ministère de l’agriculture et de
la pêche, arguant d’un « excès de
pouvoir ». Ils viennent de remporter une manche dans la longue
bataille des OGM : les décrets sont
annulés.
La ministre de l’écologie Nathalie Kosciusko-Morizet, s’est dite
« plus déterminée et plus convaincue encore qu’en 2008 de la nécessité » d’obtenir à nouveau la suspension du MON810. Avec son homologue de l’agriculture, Bruno Le
Maire, ils ont pris acte de la conclusion du Conseil d’Etat et uni leurs
voix pour affirmer que des incertitudes persistantes conduisaient
« le gouvernement à maintenir, sur
le territoire français, son opposition à la mise en culture du maïs
MON810 ».
Pourtant, les deux ministres ne
s’avancent guère sur les moyens
d’y parvenir. Cette prudence pourrait permettre au chef de l’Etat
d’avoir le privilège d’une annonce
sur ce thème, auquel l’opinion
publique est sensible. Nicolas
Sarkozy devait se rendre mardi
dans le Gers à la rencontre d’agriculteurs pour évoquer leurs conditions de vie et leurs moyens de production.
Cette réserve ministérielle correspond peut-être aussi à un certain embarras face à cet imbroglio
Un outil majeur dans les
pays en développement
Surfaces En 2010, selon l’International Service for the Acquisition
of Agri-Biotech Applications,
19pays en développement et dix
industrialisés ont cultivé 148 millions d’hectares de plantes OGM
(maïs, coton, soja, colza, tomate,
betterave, luzerne, etc.).
Palmarès Si les Etats-Unis sont le
plus gros cultivateur d’OGM
(66,8millions d’hectares), suivis
du Brésil (25,4), de l’Argentine
(22,9) et de l’Inde (9,4), le potentiel
est du côté des pays en développement. Plus de 90% des fermiers
qui en utilisent sont des cultivateurs du Sud à faibles ressources.
Europe 8 pays cultivaient des plantes OGM en 2010 : Espagne, Pologne, Slovaquie, Roumanie, Portugal (maïs Bt) ; République tchèque
(maïs Bt et pomme de terre) ; Allemagne et Suède (pomme de terre). 7 Etats membres ont fait jouer
la clause de sauvegarde contre le
maïs MON810 : Allemagne, Autriche, France, Grèce, Hongrie,
Luxembourg et Bulgarie.
politico-juridique. Sur la question
des OGM, la Commission et le Parlement européens sont plutôt
favorables à la subsidiarité des
Etats, ce qui leur permettrait de
décider, chacun, de cultiver ou
non des OGM. Mais faute d’accord
entre les Vingt-Sept, cette voie n’a
pas été retenue, pour l’instant.
Une première réunion technique pour trouver une échappatoire s’est tenue à Matignon lundi. La
décision du Conseil d’Etat n’est pas
une surprise, reconnaît le ministre
de l’agriculture. Elle était prévisible puisqu’elle découle de celle
que la Cour de justice de l’Union
européenne (CJUE) a rendue, le
8 septembre, en réponse aux questions préjudicielles posées par la
haute juridiction française.
Les juges européens ont stipulé
qu’un Etat membre ne pouvait pas
interdire un produit GM, sauf si
celui-ci était « de toute évidence
susceptible de présenter un risque
grave pour (…) l’environnement »,
pour la santé humaine ou animale
et à condition qu’il existe une
urgence manifeste à agir.
Le gouvernement n’a
pas su «bien ficeler
son dossier face à la
puissance de feu d’un
lobby tel Monsanto»
Jean-Luc Bennahmias
député Modem
Au moment où la juridiction
européenne rendait son avis,
Nathalie Kosciusko-Morizet a
déclaré que, si l’interdiction fran-
çaise était annulée pour des questions de procédure, le gouvernement prendrait « une nouvelle
clausede sauvegarde selonla procédure jugée adéquate par la CJUE,
car les questions environnementales, elles, demeurent sans réponse. »
Le dossier ne semble pas simple à
boucler. Le risque existe de voir les
promoteurs des OGM s’engouffrer
dans la brèche juridique.
« Nous accueillons de manière
positive le fait que le droit reprenne
le dessus, annonce Yann Fichet,
directeur des affaires institutionnelles de lafiliale française de Monsanto. Depuis 2007, on refuse de
laisser le choix aux agriculteurs, on
les a privés des OGM dont bénéficient des millions d’agriculteurs
sur des millions d’hectares dans le
monde, depuis des années. »
Autre partie requérante aux
côtés de la multinationale, l’Association générale des producteurs
de maïs « se félicite de constater
que le droit a enfin prévalu sur des
décisions arbitraires et démagogiques ». Céline Duroc, sa directrice
adjointe, renchérit : « Le dossier de
l’Etat est vide alors qu’une clause de
sauvegarde est une initiative très
encadréeau niveau communautaire. Ce ne serait pas raisonnable d’en
prendre une nouvelle après la décision du Conseil d'Etat : nous l’attaquerions à nouveau et nous gagnerions à coup sûr. »
Rappelant au passage que la
France est le premier producteur
européen et le principal exportateur mondial de semences de
maïs, elle renvoie à la loi de
mai 2008 et réclame la publication des décrets correspondants.
Ce texte, lui-même transposé
d’une directive européenne de
2001, était censé réglementer la
coexistence entre cultures traditionnelles et OGM.
Les réactions ne se sont pas fait
attendre sur ce dossier extrêmement sensible. La Confédération
paysanne, l’Union nationale des
apiculteurs, les associations de
défense de l’environnement, le
député européen José Bové pressent le gouvernement d’obtenir
une seconde interdiction du maïs
transgénique avant les semis du
printemps 2012. François Hollande et Corinne Lepage se sont joints
aux critiques. Le député Jean-Luc
Bennahmias (Modem) en profite
pour épingler le gouvernement
qui n’a pas su « bien ficeler son dossier face à la puissance de feu d’un
lobby comme Monsanto. » p
AU MOMENT OÙ le Conseil d’Etat
annulait la suspension de culture
de maïs OGM de Mosanto
MON810 en France, lundi 28
novembre, les députés ont adopté
une proposition de loi très controversée touchant au cœur de l’activité agricole. Ce texte relatif aux
« certificats d’obtention végétale »
instaure le versement d’une redevance pour l’utilisation des
semences dites de ferme. Cette
appelation désigne les semences
que les agriculteurs réutilisent
d’une année sur l’autre.
Un tel mécanisme existe déjà
pour le blé tendre : tout agriculteur qui livre sa récolte de blé tendre à un organisme collecteur
doit verser une contribution de
5 centimes d’euro par quintal de
blé livré.
Le texte adopté prévoit donc de
l’étendre à d’autres semences. La
liste n’est pas arrêtée, mais vingt et
une semences seraient concernées,
en particulier les céréales. Quid des
autres, comme les semences de
légumes? Leur réutilisation pourrait alors se voir interdites. La pratique des semences de ferme «doit
être autorisée, mais elle ne peut être
libre de droit comme elle l’est
aujourd’hui», a expliqué le ministre de l’agriculture Bruno Le Maire,
qui défendait le texte.
Cette proposition de loi, présentée par le sénateur UMP Christian Demuynck, avait été adoptée
par le Sénat en première lecture
le 8 juillet. Des syndicats d’agriculteurs comme la Confédération paysanne et la Coordination rurale
sont montés au créneau pour
dénoncer ce qu’ils qualifient de
«privatisation des semences ».
Selon Guy Kastler, de la Confédération paysanne : « Le vote à l’Assemblée, sans amender le texte pour
qu’il soit définitivement adopté
avant l’élection présidentielle représente un véritable passage en force. »
A l’inverse, le Groupement
national interprofessionnel des
semences (GNIS) se félicite d’un
texte qui « sécurise le financement
de la recherche et donne aux sélectionneurs les moyens de développer durablement des programmes
d’amélioration des plantes ».
Même satisfaction du côté de
syndicat agricole FNSEA. Pour son
président Xavier Beulin, « il est normal que les agriculteurs participent
au financement de la création
variétale puisqu’ils en bénéficient ».
Il souligne également que le montant des redevances sera discuté au
niveau de l’interprofession.
La Coordination rurale n’a pas
manqué de souligner que M. Beulin est aussi à la tête du groupe
Sofiprotéol, actionnaire de semenciers français comme Limagrain
ou Euralis Semences. La balle est
maintenant dans le camp de
Bruno Le Maire, qui doit préciser
les règles par décret. p
Laurence Girard
zegna.com * Vivre passionnément
L’Assemblée taxe
l’utilisation des semences
Martine Valo
Passion for Life*
Maroquineries en veau imprimé et Cravates
8
0123
planète
Mercredi 30 novembre 2011
En Belgique, victoire posthume
Un quart des sols
contre Eternit d’une victime de l’amiante mondiaux sont
La multinationale devra verser 250000euros à la famille, décimée par des cancers de la plèvre
très dégradés, selon
les Nations unies
Bruxelles
Correspondant
L
a multinationale Eternit a
subiune défaitejudiciairecinglante, lundi 28 novembre. La
firme, qui possède aussi des branches suisse et française, a été
condamnée par le tribunal civil de
Bruxelles à verser 250 000 euros
aux descendants d’une plaignante
mortedu mésothéliome, un cancer
de la plèvre causé par l’amiante. Le
jugeadénoncéle«cynismeincroyable» et la « chasse au profit » de dirigeants qui ont longtemps nié leur
responsabilité,avantde tenterd’invoquer la prescription des faits.
Dès lundi, l’entreprise a fait
savoir qu’elle ferait appel de cette
décision, une première dans un
pays qui a été longtemps le premier « consommateur » mondial
d’amiante. Les juges se sont inspirés d’arrêts intervenus dans
d’autres pays – dont la France. « Il
est rassurant de voir que, face à une
multinationale, une autre multinationale,celledesvictimesetdesjuristes, se met en place », commente
Alain Bobbio, le secrétaire national
d’Andeva, l’Association française
des victimes de l’amiante.
La nocivité de ce produit industriel « miracle », résistant à la chaleur et au feu, fut démontrée dès
1967. Il ne fut toutefois interdit
qu’en 1998 en Belgique et en Europe. On estime qu’il tue aujourd’hui
environ 100 000 personnes par an.
Autorisé dans d’autres parties du
monde et dans certains secteurs,
l’amianteestaujourd’huiessentiellementproduitdansdespaysémergents, en Russie et au Canada. Ce
dernier pays serait toutefois près
de stopper sa production.
Françoise Jonckheere était
l’épouse d’un ingénieur qui travaillait à Kapelle-op-den-Bos, la
principale unité belge d’Eternit.
Son mari est mort d’un mésothéliome en 1987, elle a succombé
treize ans plus tard. Refusant le
dédommagement (42 000 euros)
que lui proposait l’entreprise, elle
a fait promettre à ses cinq fils de
poursuivre soncombat. Deux d’entre eux sont morts, les trois autres
craignent d’être frappés par une
maladie qui se déclenche en général au bout de trente ans.
Acet égard,letribunaldeBruxelles a formulé une précision importante, qui pourrait faire jurispru-
La FAO appelle à une gestion plus raisonnée
des ressources en terres agricoles et en eau
U
Le 24 octobre, devant le tribunal de Bruxelles, Eric Jonckheree (au centre), dont les parents sont morts d’un
mésothéliome. Le père était ingénieur à Kapelle-op-den-Bos, principale unité belge d’Eternit. VIRGINIE LEFOUR/AFP
dence.Ilacontesté laversiond’Eternit, selon laquelle l’affaire devait
être prescrite puisque Mme Jonckheere avait été contaminée en
1958, moment de son installation à
Kapelle-op-den-Bos. Le juge a estiméque laprescriptionne peut courir si la victime ignore son mal.
Me Jan Fermon, l’avocat de la
famille Jonckheere, en appelle
désormaisau monde politique belge pour qu’il fasse en sorte que « le
pollueur soit le payeur ».
En vertu d’un accord conclu il y
a quelques années, un fonds
« amiante » indemnise les victimes
et,en échange, ces dernières renoncent à toute poursuite. Me Fermon
dénonce cette situation et le fait
que les indemnisations soient
acquittées par la collectivité et non
par les industriels.
Les ennuis judiciaires d’Eternit
ne sont, en tout cas, pas terminés.
A Turin, en Italie, le milliardaire
suisse Stephan Schmidheiny,
62 ans, et le baron belge Jean-Louis
Marie Ghislain de Cartier de Marchienne, 89 ans, respectivement
ex-propriétaire du groupe Eternit
et ancien actionnaire belge de la
branche italienne de l’entreprise,
sont poursuivis pour avoir provoqué une catastrophe environnementale et enfreint les règles de la
sécurité au travail. Ils risquent
vingt ans de prison, peine réclamée par le procureur. Le verdict
est attendu à partir de février 2012.
Lejugeadénoncéle
«cynismeincroyable»
etla«chasseau
profit»dedirigeants
quiontlongtempsnié
leurresponsabilité
«Les conditions de travail dans le
groupe Eternit étaient les mêmes en
Italie, en Belgique ou en France,
explique Bruno Pesce président de
l’Association des victimes de
l’amiante de Casale Monferrato,
dans le Piémont, siège de l’une des
plus grandes usines de la multinationale dans la Péninsule. Eternit a
toujours nié la dangerosité de ses
produits. Qu’un tribunal belge ait
reconnu sa responsabilité est une
excellente nouvelle. »
Dans son réquisitoire, en juillet,
le procureur de Turin avait évoqué
« une tragédie qui s’est déroulée
sous une unique responsabilité en
Italie et ailleurs, sans qu’aucun tribunaln’aitjamaisappelélesresponsables à répondre de leurs actes ».
On estime à 3 000 le nombre des
victimes en Italie, où, selon les
experts, l’amiante devrait tuer jusqu’en 2020.
Les deux prévenus n’ont jamais
daigné se déplacer au tribunal
pour affronter ce procès, le premier au pénal, ouvert en décembre 2009 et considéré comme le
plus grand jamais organisé sur le
drame de l’amiante. Au total, près
de 2 900 parties civiles demandent réparation d’un préjudice
estimé à 5 milliards d’euros.
En France, quelque 15000 plaintes pour indemnisation ont déjà
été déposées au civil et la plupart
ont débouché sur des condamnations. Andeva espère surtout que
la justice française se décidera,
comme en Italie, à traduire enfin
au pénal certains responsables, ce
qui conclurait des procédures initiées il y a plus de quinze ans. p
Jean-Pierre Stroobants
avec Philippe Ridet (à Rome)
n quart des terres mondiales est très dégradé ou affiche une forte tendance à la
dégradation, alors que 46 % sont
«peu ou moyennement dégradés »,
voire « en cours de bonification».
Partant de ce constat, le dernierné des rapports de l’Organisation
des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), consacré à « L’état des ressources en terreset eneau dansle monde» et présenté lundi 28 novembre, dessine
une voie censée permettre à l’agriculture mondiale de relever le défi
qui l’attend d’ici à 2050 : nourrir
plus de 9 milliards de personnes,
ce qui nécessiterait une augmentation de 70 % de la production agricole, selon la FAO.
« L’agriculture occupe déjà 11 %
de la surface des terres émergées de
la planète » et « utilise 70 % de toute l’eau tirée des aquifères, des
cours d’eau et des lacs », rappelle le
rapport. Cependant, le rythme de
croissance de la production agricole et d’amélioration des rendements ralentit depuis quelques
années. Rapport de cause à effet ?
« Les gains de production ont été
associés à des pratiques de gestion
qui ont dégradé les systèmes d’exploitation de la terre et de l’eau
dont dépend la production. »
Toute la planète est concernée,
selon la FAO, des hauts plateaux
d’Amérique centrale détériorés
par l’érosion à l’Europe occidentale, touchée par la pollution des terres et des eaux, mais l’Afrique et
l’Asie sont les continents où la
situation est la plus alarmante.
Les experts de la FAO affirment
que, d’ici à 2050, « il sera nécessaire
de produire un milliard de tonnes
de céréales et 200 millions de tonnes de produits animaux supplémentaires chaque année » pour
nourrir une population de plus en
plus nombreuse et aspirant à un
certain standard alimentaire.
« Plus des quatre cinquièmes de
l’augmentation de la production
agricoled’ici à2050 devraient résulter d’une amélioration de la productivité sur les terres actuelle-
Le climat pourrait être légèrement moins sensible au dioxyde de carbone
Le débat sur l’ampleur du réchauffement dû à la concentration atmosphérique en CO2 reste ouvert
D
eux degrés Celsius. Derrière
l’objectif affiché de la communauté internationale –
limiter à 2˚C le réchauffement du
climat terrestre, par rapport à la
période préindustrielle – se cache
un épineux problème scientifique.
Une question opportunément
remise sur le devant de la scène par
la revue Science alors que s’ouvrait,
lundi 28 novembre à Durban (Afrique du Sud), la conférence des
Nations unies sur le climat.
De quoi s’agit-il ? Simplement
de savoir à quel niveau de dioxyde
de carbone (CO2) atmosphérique
correspond une élévation de la
température moyenne de la terre
de 2˚C… Cette question qui demeure ouverte n’est abordée par les
scientifiques qu’en termes de probabilités.
Les travaux menés par Andreas
Schmittner (université de l’Etat
d’Oregon,Etats-Unis)etmis àl’honneur dans la dernière édition de
Science suggèrent qu’un doublement du CO2 dans l’atmosphère
conduirait à une élévation probable (avec une probabilité supérieure à 66 %) de la température comprise entre 1,7˚C et 2,6˚C, la meilleure estimation tournant autour de
2,3˚C.Ce seraitdonc là,selon M. Schmittner et ses coauteurs, l’élévationlaplusprobable detempérature en réponse à une stabilisation
du CO2 atmosphérique à 550 parties par million (ppm) – contre
275 ppm au XIXe siècle et environ
390 ppm aujourd’hui.
Couverture nuageuse
Cette nouvelle évaluation sonne comme une bonne nouvelle. En
effet, dans son dernier rapport,
publié en 2007, le Groupe intergouvernemental d’experts sur
l’évolution du climat (GIEC) estimait – à partir de la douzaine d’études alors publiées sur le sujet – que
le climat terrestre était légèrement plus sensible au CO2. Pour un
doublement de ce dernier, l’élévation de température estimée probable était comprise, selon le GIEC,
entre 2˚C et 4,5˚C. La meilleure estimation étant à environ 3˚C.
Ces résultats, écrivent les chercheurs, « impliquent une probabilité plus faible qu’escompté jusqu’à
présent, de l’imminence d’un changement climatique ». Pour autant,
mettent en garde la dizaine de climatologues qui tiennent le blog
RealClimate, « ces nouveaux tra-
vaux » ne sont pas « automatiquement meilleurs que les précédents », pas plus qu’ils ne les « remplacent ».
La méthode utilisée par M. Schmittner a été de rassembler les
donnéespaléoclimatiques (températures, concentration de CO2…) du
dernier maximum glaciaire, il y a
21 000 ans. Ils ont ensuite comparé ces données avec les résultats
du modèle climatique canadien et
ont observé la meilleure concordance entre les données et la simulation lorsque les paramètres du
modèle confèrent au climat une
sensibilité à un doublement du
CO2 comprise entre 1,7˚C et 2,6˚C.
Pour la paléoclimatologue
Valérie Masson-Delmotte, chercheuse (CEA) au Laboratoire des
sciences du climat et de l’environnement (LSCE), « cette étude est
intéressante en ce qu’elle utilise des
données des climats du passé pour
contraindre des modèles prédictifs ». Cependant, note la chercheuse, « le modèle utilisé est très simple et ne parvient pas bien, par
exemple, à reproduire l’amplification polaire », ce phénomène qui
provoque actuellement un
réchauffement exacerbé dans la
zone arctique.
Un pas vers une taxe carbone sur le commerce maritime
La Chambre internationale de la
marine marchande (ICS) devait,
dans une déclaration commune
avec les ONG Oxfam et WWF,
annoncer, mardi 29 novembre, à
Durban, un accord de principe
sur la taxation de ses émissions
de CO2. ICS, qui représente 80 %
de la flotte marchande mondiale, accepterait que des mesures
fondées sur le marché soient
mises en place pour inciter le
secteur à réduire ses émissions.
A l’instar du transport aérien, le
commerce maritime, qui est responsable de 3 % des émissions
mondiales, n’est aujourd’hui soumis à aucune contrainte.
L’argent recueilli pourrait, pour
partie, servir à alimenter le
Fonds vert destiné aux pays en
développement. La taxation du
commerce maritime est l’une
des pistes privilégiées par le
G20 dans le débat sur les sources de financements innovants.
Les climatologues-blogueurs
de RealClimate pointent pour leur
part le fait que le modèle utilisé
n’intègre pas les modifications
possibles de la couverture nuageusequi pourrait accélérer le réchauffement au lieu de le freiner…
De plus, ajoute Mme Masson-Delmotte, la base de données utilisée
par les chercheurs « intègre plus de
données océaniques que de données continentales, or nous savons
que l’augmentation des températures est toujours plus forte au-dessus des terres émergées qu’au-dessus des océans ». Conclusion : « Du
coup, il est normal que cette évaluation de la sensibilité du climat au
CO2 soit plutôt dans la fourchette
basse », estime la chercheuse.
Lesspécialistess’accordentgénéralement pour estimer que l’augmentation minimale de température consécutive à un doublement
du CO2 est d’un peu moins de 2˚C.
Mais définir la limite supérieure
est beaucoup plus compliqué. Certaines études situent celle-ci à plus
de 5˚C. Une étude publiée en 2005
dans Nature n’excluait pas la possibilité que celle-ci soit légèrement
supérieure à… 11˚C. p
Stéphane Foucart
ment exploitées », ajoutent-ils. La
surface des terres cultivées a augmenté de 12 % au cours des cinquante dernières années, une progressionqui correspondau doublement des surfaces irriguées.
Les pays qui devront augmenter le plus leur production sont
également les plus touchés par la
dégradation des sols, la surexploitation des ressources et le changement climatique. Dans ces pays à
faible revenu, la surface de terre
cultivée rapportée au nombre
d’habitants est de 0,17 hectare,
contre 0,37 pour les pays riches. « Il
existe un lien étroit entre pauvreté
et accès insuffisant aux ressources
en terres et en eau », constatent les
auteurs du rapport.
Plan Marshall
Pour améliorer la productivité
de l’agriculture tout en ménageant des ressources dont l’usage
risque de susciter des concurrences de plus en plus vives, la FAO
recommande une gestion intégrée des ressources en terres et en
eau, « l’inclusion systématique des
droits d’usage coutumiers et traditionnels dans les lois nationales »,
une décentralisation du contrôle
de l’irrigation, une réglementation plus efficace des retombées
environnementales ou encore
« une augmentation de la part des
ressources publiques allouées à
l’agriculture ». « Maintenir le statu
quo, en apportant éventuellement
quelques ajustements marginaux,
ne suffira pas », prévient l’agence
onusienne.
Le rapport évalue à 750 milliards d’euros les investissements
nécessaires entre 2007 et 2050
pour le développement et la gestion de l’irrigation dans le monde,
auxquels s’ajouteraient 120 milliards d’euros « pour la protection
et la mise en valeur des terres, la
conservation des sols et la lutte
contre les inondations ». Un véritable plan Marshall pour convertir
l’agriculture mondiale à des pratiques plus durables, en somme. p
Gilles van Kote
Sahel
Le Mali en crise
alimentaire
Les autorités maliennes cherchent
à acquérir près de 46 000 tonnes
de céréales pour pouvoir nourrir
gratuitement 1,7million de personnes menacées par la crise alimentaire, a-t-on appris, lundi
28 novembre, à Bamako. Selon
Yahya Nouhoum Tamboura, commissaire à la sécurité alimentaire,
il faudrait 54 milliards de FCFA
(plus de 82 millions d'euros) pour
faire face à cette situation urgente,
due à une faible crue du fleuve
Niger, à une installation tardive
des pluies et à un arrêt précoce des
précipitations. « Le Sahel dans son
ensemble, a-t-il ajouté, a connu
une pluviométrie limitée et mal
répartie dans le temps et l'espace. »
De plus, les prix du riz – très
consommé en Afrique de l’Ouest –
sont élevés sur le marché international. –(AFP.) p
Nucléaire Le convoi de
déchets a atteint Gorleben
Le convoi de déchets radioactifs a
atteint, lundi soir 28 novembre, le
site de Gorleben, dans le nord de
l’Allemagne. Parti mercredi
23 novembre de Valognes (Manche), le convoi a été plusieurs fois
paralysé par les adversaires de
l'énergie atomique. – (AFP.)
france
0123
Mercredi 30 novembre 2011
9
L’aggravation du chômage
Lamutationdumarchédutravail,undéfipolitique
Le chômage touche beaucoup les précaires, pourlesquelsles mesures pour l’emploisontpeu adaptées
L
es premières victimes de la
nouvelledégradation du marché de l’emploi, annoncée
lundi 28 novembre, sont les travailleurs précaires. Des employés
dont certains avaient retrouvé un
contrat à durée déterminée (CDD)
ou une mission d’intérim à la
faveur d’une embellie de courte
durée. En octobre, les fins de CDD,
en forte augmentation, ont représenté 26,6 % des entrées à Pôle
emploi, les fins de mission d’intérim 6,3 % et les « autres cas » (dont
les ruptures conventionnelles)
39,9%. Les licenciementséconomiques et les « autres licenciements »
ne constituaient respectivement
que 2,6 % et 8,4 % des motifs d’inscription au chômage.
Conséquence de cette transformation du marché du travail, les
outils traditionnels de la politique
de l’emploi (comme les mesures
figurantdanslesplansdesauvegarde de l’emploi, les contrats de transition professionnelle pour les
licenciés économiques, etc.),
deviennent en partie inopérants.
Ces outils sont adaptés aux salariés en place – ceux qu’on appelle
les « insiders » – et aux grandes
entreprises.Ilsn’ontpas étéspécifiquement conçus pour les personnels des PME et des TPE, ni pour les
précaires et les secteurs d’activité
(services à la personne, secteurs
associatifs…) moins bien protégés
collectivement que l’industrie ou
le BTP, qui connaissent à leur tour
des difficultés.
Pour la fin du quinquennat, le
chômagepose undéfiaugouvernement et à son ministre du travail,
Xavier Bertrand : il a augmenté de
1,2 % en octobre, soit 34 400 chômeurs de plus dans la catégorie A,
qui sert de baromètre officiel. Le
nombre des sans-emploi s’établit
ainsi à 2 814 900 en France métropolitaine.C’estleplusmauvaischiffre depuis décembre 1999. En y
ajoutant les personnes en activité
réduite (catégories B et C), le nombre des demandeurs d’emploi a
atteint 4 193 000 (et même
4 459 400 avec les Dom).
De plus, les mois prochains s’annoncentrudesavecunnouveaurisque de récession. Dans ses prévisions semestrielles d’automne,
l’Organisation de coopération etde
développement
économiques
(OCDE) prévoit pour la France une
contraction de l’activité au cœur de
l’hiver, ainsi qu’une croissance très
faible sur l’ensemble de 2012 :
+ 0,3 %, loin des 1 % des prévisions
gouvernementales.
Le taux de chômage monterait,
selon l’institution internationale, à
10,4 % à la fin 2012. « Tant que la
situation économique ne s’améliorera pas, je ne vois pas comment les
chiffres de l’emploi pourront réellement s’améliorer », a reconnu
M. Bertrand. Le ministre a admis,
pour la première fois, que le taux
de chômage ne repassera pas sous
labarredes 9% avantla findu quinquennat.
L’augmentation du chômage
concerne toutes les classes d’âge,
maiselle est particulièrement marquée chez les seniors (+ 13,8 % sur
un an chez les hommes, + 17,6 %
chez les femmes). Le chômage de
trèslongue durée(deux ansetplus)
est en forte hausse : + 16,9% sur un
an pour les 367 500 personnes
ayant entre deux et moins de trois
ans d’ancienneté au chômage, et
+ 21,5% pour les 407 600 chômeurs
depuis trois ans ou plus. Or, ce sont
ces personnes qui, en perdant leur
indemnisation à l’assurance-chômage, basculent dans les minima
sociaux et la grande pauvreté. Et ce
sont elles aussi qui sont les plus difficiles à ramener vers l’emploi.
En un an, le chômage
de longue durée est en
forte hausse: +21,5%
pour les 407600
chômeurs depuis
troisans ou plus
La timide reprise de 2010 et des
premiers mois de 2011 n’a pas été
suffisante pour que le pays retrouve ses niveaux d’emploi d’avant la
crise (il en manque encore
225 000 postes). La récession,
même légère, qui s’annonce, va
donc frapper des territoires et une
société qui ne se sont pas remis du
choc précédent. L’OCDE l’a souligné lundi : « Le nouvel épisode de
faiblesse de l’économie française
survient alors que le marché du travail porte encore les stigmates de la
récession de 2009 : le chômage de
longue durée et la proportion de
seniors au chômage ont continué
d’augmenter rapidement. Le risque
d’une augmentation du chômage
structurel est donc fort. » Faut-il
pour autant faire son deuil d’une
amélioration de l’emploi en période de croissance faible ? Sûrement
pas, assurent en chœur les syndicats, qui demandent au gouvernement de réagir et de mettre fin à la
détaxation des heures supplémentaires. Cette disposition de la loi sur
le travail, l’emploi et le pouvoir
d’achat (TEPA) de 2007 est, en bas
de cycle, contre-productive pour
l’emploi, selon les économistes, et
est fustigée par la gauche. Elle coûte4,5milliards d’euros à l’Etat, alors
quelescréditsdel’emploivontbaisser de 12 % en 2012.
Au-delà du développement de
l’alternance, difficile à promouvoir
en phase récessive, de la mobilisation des préfets sur l’emploi et de
l’augmentation conjoncturelle du
nombredescontratsaidés,leministre du travail assure qu’il veut s’occuper de la question de la soustraitance. Et avance l’idée de faire
bénéficier les intérimaires d’un
contrat de travail à durée indéterminée (CDI).
A cinq mois de la présidentielle,
l’opposition veut mener le débat
sur le chômage et attaque Nicolas
Sarkozy sur son bilan. « Réduction
aveugle des dépenses publiques,
subventions absurdes aux heures
supplémentaires qui jouent contre
l’embauche (…) : le gouvernement
estentrainde fabriquerune nouvellerécessionpar unepolitiqueabsurde», a estimélapremièresecrétaire
du PS, Martine Aubry.
Il ne faut pas « travailler plus »,
mais « travailler davantage plus
nombreux », a plaidé sur BFMTV-RMC, François Hollande,le candidat du PS à l’Elysée, tandis que
Cécile Duflot (Europe Ecologie-Les
Verts) proposait d’entamer « une
véritable transition écologique de
l’économie » plutôt que de « perfuser des industries entières ». p
Une progression inégale selon les régions
DEMANDEURS D’EMPLOI INSCRITS EN FIN DE MOIS À PÔLE EMPLOI (CATÉGORIES A, B, C), PAR RÉGION
(en milliers)
750,4
366,5
NORD-PASDE-CALAIS
332,8
HAUTENORMANDIE
19,1
BASSENORMANDIE
138,9
750,4
PAYS DE
LA LOIRE
BOURGOGNE
161,3
103,3
POITOUCHARENTES
ALSACE
151,1
CHAMPAGNEARDENNE
CENTRE
238,6
114,2
FRANCHECOMTÉ
72,5
LIMOUSIN
117,5
83,9
44,1
394,6
AUVERGNE
AQUITAINE
De 0,6 à 3,5
LORRAINE
ÎLE-DE-FRANCE
BRETAGNE
VARIATION SUR UN AN
ENTRE OCTOBRE 2010
ET OCTOBRE 2011, en %
PICARDIE
92,7
93,2
195,4
144,1
RHÔNEALPES
222,3
De 3,6 à 5
MIDI-PYRÉNÉES
De 5,1 à 6,5
206,5
De 6,6 à 8,4
LANGUEDOCROUSSILLON
220,5
PROVENCE-ALPESCÔTE D'AZUR
366,5
16,3
GUADELOUPE
64,1
GUYANE
19,1
MARTINIQUE
45,1
CORSE
RÉUNION
136,3
SOURCES : PÔLE EMPLOI, DARES
Claire Guélaud
Les coupes budgétaires dans les collectivités locales pèsent sur l’emploi
L’INQUIÉTUDE est générale. Dans
les régions industrielles, bien sûr,
comme la Lorraine ou RhôneAlpes, qui n’en ont jamais fini
avec les restructurations. Mais
aussi dans les bassins d’emploi
mono-industriels, comme de
l’automobile. « Autour de l’usine
Peugeot de Sochaux-Montbéliard,
qui emploie jusqu’à 30 % d’intérimaires en période faste, les équipementiers de rang 2 et 3 sont en
train de déposer leurs bilans », dit
Noëlle Barberet, secrétaire générale de la CFDT Franche-Comté.
Dans cette région peu diversifiée, l’Etat, le conseil régional et
les partenaires sociaux s’apprêtent – comme en Lorraine – à réactiver le dispositif de formation
mis en place au plus fort de la
récession de 2009. Il a permis à
12 000 salariés de se former. Il est
question aujourd’hui de l’ouvrir
aux jeunes et aux intérimaires.
«Les entreprises industrielles
sont de nouveau en panne. Et elles
n’ont pas les mêmes trésoreries
qu’en 2008, témoigne Elisabeth Le
Gac, de la CFDT Rhône-Alpes. Il y
aura du chômage partiel chez
Renault Trucks en décembre. La production baisse dans l’automobile.
Nous avons des craintes sur Alstom
et Areva. Et en Drôme-Ardèche,
c’est la débandade avec des fermetures d’entreprises dans le matériel
électrique, dans la papeterie, dans
le textile. L’usine Lejaby est en
dépôt de bilan alors que son dernier plan social date de neuf mois.»
En Bourgogne, où 20 000
emplois ont disparu depuis 2008,
ce sont surtout les intérimaires
qui pâtissent de la situation. « La
détérioration de la situation économique commence à peine à se
faire sentir ailleurs. Les TPE et les
PME perdent peu à peu le soutien
de leurs banquiers. Elles sont en
grande difficulté, et le climat
social se tend dans les grands groupes », observe Joseph Battault,
secrétaire général de l’Union
régionale interprofessionnelle.
« Dégringolade »
Sommées par l’Etat de ralentir
leurs dépenses, les collectivités
territoriales revoient leurs budgets à la baisse. En ChampagneArdenne, une région vieillissante
et déshéritée, les syndicats redou-
tent les effets de la frilosité des
investissements des collectivités
sur les entreprises du bâtiment.
Et s’inquiètent de la diminution
des effectifs de la fonction publique territoriale en Haute-Marne.
Les secteurs de l’action sociale
et du médico-social, pourtant sollicités en temps de crise, commencent à souffrir. Dans les services à
la personne, assure Laurent Berger, numéro 3 de la CFDT, 10000
emplois pourraient disparaître.
En Haute-Normandie, les
annonces de plans de sauvegarde
de l’emploi se multiplient depuis
le 1er octobre. Entre 1500 à
2 000emplois industriels sont
menacés, les syndicats s’attendent
à une « dégringolade» dans la banque, et l’aide à domicile connaît
ses premières difficultés.
Dans la région Provence-AlpesCôte d’Azur (PACA), tardivement
rattrapée par la crise, les services,
le tourisme, l’économie sociale et
solidaire souffrent. Un grand centre mutualiste marseillais a de
sérieuses difficultés financières.
Les associations subissent de
plein fouet la réduction des subventions de collectivités locales
souvent plombées par leurs
emprunts toxiques. Le chômage
des jeunes et des seniors s’envole.
Le nombre des demandes d’aides
financières déposées par les
familles auprès des caisses d’allocations familiales a bondi de 30 %,
et le surendettement fait des ravages. p
C. Gu.
Tantôt souhaitées, tantôt subies, les ruptures conventionnelles sont en forte hausse
Cette nouvelle procédure offre aux salariés des conditions de départ souvent avantageuses, mais permet aussi des licenciements déguisés
A
lors que le chômage augmente, le dispositif de la
rupture conventionnelle
connaît un succès sans précédent
depuis sa création, en 2008. Tandis que certains syndicats reprochent à cette procédure de se substituer à des licenciements en bonne et due forme, 137 000 ruptures
conventionnelles ont été officialisées au premier semestre 2011, soit
15 000 de plus que sur la même
période de 2010. Le Monde a
demandé à ses lecteurs de témoigner deleur expériencesur Lemonde.fr. La plupart font état d’un
choixcertes assumé, maisqui comporte des contraintes.
A 52ans, Michel (le prénom a été
modifié) vend sa librairie, à Perpignan. Le repreneur ne pouvant
maintenir l’emploi à temps partiel
de sa vendeuse, Michel lui a proposé une rupture conventionnelle
« pour la favoriser ». « Je l’emploie
depuis dix ans et je suis très content
de son travail. En tout, je lui ai versé
6 000 euros, qui vont permettre de
compenser, pendant deux ans, la
différence entre son salaire et les
indemnités chômage », explique-t-il,jugeantcettesolutionsatisfaisante pour tous deux. « Il est plus
pratique que son contrat se finisse
avec moi, dans de bonnes conditions, plutôt qu’elle soit licenciée
sans garantie par le repreneur »,
estime le libraire.
AhmedB., 46 ans, a subi en 2010
une rupture conventionnelle qu’il
dit ne pas avoir choisie. « Après un
arrêt longue maladie, on m’a fait
comprendre qu’on ne voulait plus
de moi par des comportements
vexatoires », raconte cet ancien
cadredansuneassociationd’éducateurs spécialisés basée à Paris.
« Après plusieurs mois de harcèlement, dit-il, le directeur m’a convoqué à un entretien préalable, au
cours duquel il s’est dit prêt à m’inventer une faute grave pour justifierunlicenciement. Maisilm’a proposé une alternative : la rupture
conventionnelle. »
« Contraint et forcé »
Usé, Ahmed B. accepte de partir
avec trois mois de salaire pour
deux ans d’ancienneté. Aujourd’hui, il dit «avoir un sentiment de
culpabilité ». « Je songe désormais
aux prud’hommes, parce qu’un
employeur n’a normalement plus
le droit de proposer une rupture
conventionnelle alors qu’il a lancé
une procédure de licenciement. »
Arnaud (le prénom a été modifié), 57 ans, cadre dans un établissement de santé privé breton, a senti,
lors de l’arrivée d’une nouvelle
directrice, en août, qu’il n’était plus
désiré dans l’entreprise. « Elle m’a
envoyé des lettres pour me faire des
reproches, puis convoqué pour un
entretien pour les lister », raconte-t-il. Il préfère prendre les
devants et propose une rupture
conventionnelle. « Je n’avais pas
envie de me battre avec une personnequiallaitme fairedéprimer », ditil. Avec deux ans d’ancienneté, il
obtient trois mois de salaire. Satisfait de cette procédure, il observe
néanmoins: « C’est contraint et forcé que j’ai proposé une rupture
conventionnelle.Sinonc’était soitla
démission, soit le licenciement. »
Danscertainesgrandesentreprises, la rupture conventionnelle est
intégrée dans les méthodes de ressources humaines. Bernard (qui a
préféré voir son nom modifié),
46 ans, a quitté son poste de cadre
dans unegrande multinationalede
l’électroménager. « Au sein de l’entreprise, nous savons qu’il y a régulièrement des ruptures conventionnellesetquec’estunmoyendepousser les gens dehors. J’ai senti mon
tour arrivé, assure-t-il. On m’a fait
des courriers et des allusions pour
me dire que mes résultats n’étaient
plus satisfaisants. »
Plutôt que de se battre, il préfère
négocier sur le montant de ses
indemnités et obtient deux fois
plus que les indemnités légales de
licenciement. « Les collègues qui
sont allés devant les prud’hommes
ont obtenu autant, mais après
s’être battus plusieurs années. »
Ces témoignages corroborent
une étude menée par le Centre
d’étude de l’emploi (CEE). « Souvent, les salariés ne sont pas à l’initiative de la rupture, mais sont
contents de partir, car leurs conditions de travail se sont trop dégradées et que partir est la seule solution », explique Evelyne Serverin,
directrice de recherche au CNRS,
associée au CEE. Mme Serverin précise que « la rupture conventionnelle
ne remplace pas les licenciements
économiques », car « elle est trop
complexe pour traiter de nombreux cas simultanément ». p
Jean-Baptiste Chastand
n Sur Lemonde.fr
La synthèse de tous les témoignages
10
0123
politique
Mercredi 30 novembre 2011
L’aggravation du chômage
M.Hollandeajustesacampagne
pourmieuxriposteràladroite
Le candidat socialiste veut désormais cibler les catégories populaires
et coordonner davantage la prise de parole dans son camp
J
Sandra Meunier (au centre), artiste-clown, dirige l’atelier « Expression et communication » à la Maison
de l’emploi de Sucy-en-Brie. Elle travaille depuis dix ans dans les hôpitaux. ANTONIN SABOT / POUR LEMONDE.FR
Blog ASucy-en-Brie, la Maison de l’emploi expérimente une thérapie
originale pour accompagner la recherche d’un contrat de travail
Lerirepourserécupérerquand
lechômagevousdémolit
Sucy-en-Brie (Val-de -Marne)
D
ans la salle de danse, aux
murs recouverts de fresques naïves à la manière
des artistes haïtiens, huit femmes
s’essayent à l’expression corporelle entre deux éclats de rire, deux
applaudissements, deux bougonnements parfois. Elles se prénomment Marie-Josée, Sandrine, Hélène, Dédé, Fatouma, Myriam, Kadiatou et Ghislaine, et ont entre 21 et
51ans. Elles partagent une certaine
timidité dans le geste, une évidente difficulté à bouger leur corps,
même en petit comité. Elles ont
sont au chômage depuis deux à
cinq ans.
Myriam Martin travaillait à La
Poste. Elle a enchaîné les CDD au
guichet, avant d’être remerciée il y
a deux ans. Hélène Abovici, titulaire d’un BEP depuis 2004, a essayé
dedevenir auxiliairedepuériculture, mais a dû se contenter de vacations dans l’animation. MarieJosée Berthereau a fait mille boulots aux Galeries Lafayette ou dans
la restauration. Son «dernier truc »,
dans une cantine, remonte à 2010.
Depuis, pour ces femmes, c’est
marée basse. « Marée très, très basse, vous pouvez le dire », opine
Marie-Josée Berthereau. « C’est la
galère totale, renchérit Myriam
Martin. Au début, on se blinde, on
est motivé. On multiplie les CV. Et
puis rien,pas d’entretien,pas même
deréponsesnégatives.Onsedemande ce qui cloche : est-ce que c’est le
parcours, la lettre de motivation,
l’âge [48 ans] ? Alors, peu à peu, on
perd confiance en soi, on finit par
s’enfermer dans sa coquille. » Dans
un sursaut d’orgueil, Myriam
Martin et les autres ont poussé la
porte de la Maison de l’emploi, qui
dépend de la mairie de Sucy-enBrie (Val-de-Marne).
Amabela Johnson recueille ces
naufragées du chômage, laminées
par une inactivité subie qui ronge
l’esprit et le corps. « Nous recevons
des femmes de tous niveaux, mais
ce sont souvent des personnes pas
ou peu qualifiées. Certaines n’ont
pas travaillé depuis si longtemps
qu’elles ont peur de ne plus en être
capables.» A ces « gueules cassées »
delacrise, ellepropose des« formules d’accompagnement à l’emploi »,
dontunstagede deux moisetdemi
baptisé « Objectif emploi».
Mme Johnson les oriente vers un
projet professionnel ou vers une
voie conforme aux possibilités du
marché du travail : auxiliaire en
puériculture, agent de service,
employée de restauration, etc. Des
cours d’informatique, du conseil
en image, des séances de relooking,
de l’entraînement aux entretiens
d’embauche et d’autres formations sont dispensés.
Plus original, plus périlleux aussi, est l’atelier « expression et communication » dirigé par Sandra
Meunier, 38ans, artiste professionnelle et clown de son état. Elle se
décrit comme « arthérapeuthe ».
«J’aide les gens en difficulté par des
pratiques artistiques », explique-t-elle. Elle travaille depuis dix
ans dans les hôpitaux, en aidant les
malades du cancer, mais également les personnels qui les accompagnent. La douleur, Sandra Meunier la côtoie partout dans la société. Elle sait comment le rire peut
être un indispensable onguent. Elle
a convaincu la mairie de Sucy. «Les
femmes qui sont ici ne souffrent pas
seulement de la crise, mais d’un
«Certaines femmes
n’ont pas travaillé
depuis si longtemps
qu’elles ont peur
de ne plus en être
capables»
Amabela Johnson
de la Maison de l’emploi
manque d’estime de soi, dit-elle.
Elles sont magnifiques, mais ne le
savent pas. »
Le défi, la gageure, est de les en
convaincre en cinq séances de
deux heures. Comment leur faire
reprendre confiance, abolir en si
peu de temps des années d’inhibition, de rebuffades vécues sur le
marché de l’emploi ? Sandra Meunier n’a qu’une arme à sa disposition : un nez rouge. « Le déguisement de clown est un média qui permet d’extérioriser ses sentiments,
de dire des choses qu’on n’oserait
pas dire autrement. Il révèle notre
partie sensible. Il doit amener à une
liberté de parole, de geste.»
La quatrième séance portait ainsi sur l’amour de soi. Elle consistait
à se complimenter les unes, les
autres, puis à s’auto-congratuler.
«Plus on sait les qualités qu’on a en
soi, plus on va rayonner », assure
SandraMeunier.Lesfemmesselancent,retrouventuneoncedenarcissisme. « Je suis dynamique et très
gentille», tente l’une. «Je suis généreuse », ose une autre. Certaines se
bloquent, se cabrent même.
«Je n’arrivepasàfaireuncompliment, explique l’une d’elles.
– Pourquoi ?, demande Sandra
Meunier.
– Je ne sais pas.
–Est-ce que tu pourrais le mettre
dans des gestes au moins?
–Même ça, c’est difficile.
–C’est pour ça que c’est plus facile avec ce nez rouge. On est des
enfants. Ce n’est pas sérieux.
–C’est compliqué de le dire.
–Tu n’as qu’àdire “boum, boum”
en mettant la main sur ton cœur.
– J’y crois pas, c’est des conneries
tout ça.
– Plus vous prenez tout cela au
sérieux, plus ce sera difficile. Il ne
faut pas prendre la vie au sérieux. »
La dernière séance consistait à
mimer un entretien d’embauche,
avec un déguisement. « Il faut
dé-dra-ma-ti-ser », martèle l’arthérapeuthe. « Prenez l’entretien
comme un jeu et ne considérez pas
le résultat comme une catastrophe », insiste-t-elle. « Tu sais, toi,
comment ça entre dans une pièce,
un patron ?», plaisante une stagiairequi doit mimer ce rôle. « Ben non,
j’ai jamais été patron », répond celle qui joue la candidate.
Le jeu de rôle est parfois difficile
àvivre, lesentiment du ridicule difficile à vaincre, et surtout ce fichu
nez rouge difficile, très difficile à
porter. « N’enlevez pas votre nez, il
est sacré », insiste Mme Meunier. « Je
ne respire pas avec ton tarbouif ! »,
tempête une stagiaire. Au début,
les femmes sont arrivées à reculons. « J’étais très sceptique, explique Mme Berthereau. Et puis ça m’a
plu. Je sors d’ici plus décontractée,
plus maîtresse de mon corps, avec
une plus grande confiance en moi. »
«Au moins, on ne reste pas chez soi
à se morfondre. Parce qu’une fois
qu’on a fait les courses et le ménage… Ici, on rencontre des gens avec
qui partager », assure Mme Martin.
Mais le taux d’absentéisme est
important. Sur la douzaine de personnes qui entament le processus,
la moitié se perd en route. Aux
autres,laMaisondel’emploipropose des emplois qu’elle déniche
auprès d’employeurs locaux. De
février à octobre, 74 postes ont ainsi été offerts, « tous pourvus », assure la responsable. A ceux qui ne
comprennent pas la démarche, qui
oublient que «le rire est le propre de
l’homme », fût-il blessé, Sandra
Meunier rappelle que Charlot fut
un exutoire à la crise aux EtatsUnis dans les années 1930. « Le
clown délivre toujours un message.
C’est un philosophe. » p
Benoît Hopquin
n Sur Lemonde.fr
Jusqu’à l’élection présidentielle de
2012, « Le Monde » pose ses valises
dans huit coins de
France. Des portraits
et des histoires au
jour le jour.
Lire le blog Terminus
Pavillon sur http://lemonde.fr/uneannee-en-france
usque-là, il n’omettait jamais
de souligner que l’avenir des
jeunes était la priorité de ses
priorités. Lundi 28 novembre, au
terme d’une visite de deux heures
de l’usine Placo-Saint-Gobain de
Vaujours (Seine-Saint-Denis),François Hollande n’a pas oublié « l’enjeude la jeunesse», mais ne l’a mentionné qu’au troisième rang de ses
« grandes priorités », derrière le
« redressement financier et industriel » puis la « justice ».
Après une séquence dominée
par ses interventions au congrès
du Mouvement de jeunes socialistes, le 19 novembre, au forum sur la
jeunesse organisé par France Inter
et Le Monde le 24 novembre, et au
Salon de l’éducation, le 27 novembre, le candidat socialiste à la présidentielleestbeletbienentraind’infléchir son discours. « François Hollande va se battre sur un front sensible qui concerne les couches populaires, celui de l’industrie et de l’emploi»,indiquesondirecteurdecampagne, Pierre Moscovici.
L’agenda a été pensé en conséquence.«L’idée, résumeuncollaborateur du candidat, est que François
aille à la fois en bas, à la rencontre
des gens, et en haut, où se prennent
les décisions importantes. » Dans le
premier cas, il s’agit de tirer profit
du différentiel de popularité qui
existe entre un François Hollande
qui « a un rapport positif avec les
Français » et un Nicolas Sarkozy
qui « a besoin d’un cordon de CRS
quand il se déplace », explique Vincent Peillon. Dansle second, ils’agit
de polir la stature présidentielle du
candidat, au moment même où le
chef de l’Etat, comme l’indiquent
les enquêtes d’opinion, profite de
lacrise dela zoneeuropourse refaire une santé.
Le déplacement prévu mercredi
à Bruxelles obéit clairement à ce
doubleobjectif:M.Hollandeyjouera à la fois la carte de la proximité,
en rencontrant les salariés d’Arcelor-Mittal-Florange, et celle de la
présidentialité, en s’entretenant
avec José Manuel Barroso, le président de la Commission européen-
ne. Le choix de la thématique – l’industrie – ne doit rien au hasard.
Comme l’a montré le dernier sondage réalisé par l’institut BVA, les
18 et 19 novembre, c’est auprès des
catégories populaires que le candidat du PS a le plus reculé.
Avec 20 % d’intentions de vote
auprès des ouvriers, il n’arriverait
qu’en troisième position au premier tour, loin derrière Marine Le
Pen(43 %)etmême, pourla première fois, derrière Nicolas Sarkozy
(22 %). Preuve que la question est
prise au sérieux : un séminaire de
travail est prévu, jeudi 1er décembre, entre M. Hollande et les
auteurs de Plaidoyer pour une gauche populaire (Le Bord de l’eau), un
ouvrage paru le 22 novembre dans
lequeldessociologuesetdespolitologues expliquent que « la capacité
à renouer avec les couches populaires » est, pour la gauche, « la clé de
son succès pour 2012 ».
Soucieux de repositionner son
discours sur le fond, M. Hollande a
aussi pour dessein de l’ajuster sur
la forme. « Il faut s’appliquer un
Le candidat accepterait
M. Bayrou dans sa majorité
« S’il fait un choix (…) au second
tour, il sera dans la majorité présidentielle qui se sera constituée
autour du vainqueur du second
tour », a répondu François Hollande, lundi 28 novembre, au
micro de RMC, quand on l’a interrogé sur le cas du président du
MoDem, François Bayrou.
Cette position a été aussitôt
dénoncée comme une « sinistre
danse du centre » par le Front de
gauche, qui estime que « François Hollande tire une balle dans
le pied de la gauche ».
Réponse de Pierre Moscovici,
directeur de campagne de M.Hollande : « Cela ne mérite aucune
forme d’émotion. Il ne s’agit pas
d’une alliance avec le centre,
mais d’une majorité présidentielle qui se construit autour de ceux
qui rejoignent le candidat dans
l’entre-deux-tours. »
minimum de protocole et de discipline», avait plaidé Benoît Hamon,
le porte-parole du PS, lors du
bureau national du parti, le
22 novembre. S’il reste « quelques
boulons à serrer », comme le concèdeunpoidslourd del’équipe,l’heure est désormais à une « coordination plus intense » des prises de
parole des uns et des autres. Un
calage a désormais lieu chaque
jour, sous la houlette de Manuel
Valls, responsable de la communication du candidat, avec les quatre
porte-parole de M. Hollande ainsi
qu’avec le sénateur de Paris, David
Assouline, secrétaire national du
PS à la communication, et Guillaume Bachelay, chargé dans l’équipe
de campagne des argumentaires.
« Marquées à la culotte »
L’objectifdecette réunion quotidienne, qui aura lieu d’ici quelques
jours dans le nouveau QG de campagnede M.Hollande, danslequartier de la Madeleine à Paris, est
notamment de mieux ajuster la
riposte face à une droite qui, concède un proche du candidat, « [les] a
un peu pris de court par la violence
de ses attaques ». Désormais, « tout
doit être ramené à l’impasse dans
laquelle Sarkozy a conduit la France », selon M. Valls. Plusieurs figuresdelamajoritéserontainsi«marquées à la culotte », comme François Fillon, Jean-François Copé,
Alain Juppé, Xavier Bertrand et surtout Claude Guéant. «Ce qu’on leur
réserve va en asseoir deux ou trois.
Ils ne sont pas à l’abri. Il y a du biscuit», prévient M. Hamon.
Outreles porte-parole de M.Hollande et les anciens candidats à la
primaire, une poignée de personnalités socialistes seront sollicitées pour mener la riposte, tels Bertrand Delanoë, Laurent Fabius,
Hubert Védrine, François Rebsamen, Jean-Marc Ayrault, Jean-Pierre Bel,Vincent Peillon et même LionelJospin,dont l’entourage du candidat indique qu’il pourrait intervenir prochainement. p
David Revault d’Allonnes
et Thomas Wieder
Force ouvrière, très hostile à la «RGPP»,
remporte les élections professionnelles
FO, qui a fait campagne contre les suppressions de postes, profite du
recul de la FSU, ancien premier syndicat de la fonction publique d’Etat
U
n revers pour le gouvernement. Force ouvrière (FO)
est désormais le premier
syndicat dans la fonction publique d’Etat. L’organisation de JeanClaude Mailly devance de peu la
FSU. Or, FO se veut le syndicat le
plus hostile à la révision générale
des politiques publiques (RGPP),
conçue par Nicolas Sarkozy comme un grand plan de modernisation de l’Etat.
Ce bouleversement découle des
élections professionnelles qui se
sont déroulées entre le 13 et le
20 octobre dans la plupart des
ministères, des administrations et
des opérateurs de l’Etat – puis le
22 novembre, à France Télécom et
au ministère de la justice. Selon les
données communiquées par plusieurs syndicats mais non encore
validées par le ministère de la fonction publique, FO arrive en tête
avec 17,8 % des voix, suivi de la FSU
(17,1 %), la CGT (16,4 %), l’UNSA
(15 %) et la CFDT (14,5 %).
Largementmajoritaireàl’éducation nationale qui regroupe près de
la moitié des fonctionnaires de
l’Etat, la FSU rétrograde surtout à
cause d’une participation plus faible que d’habitude des agents de ce
ministère (40,4 %, contre 62 % en
2008).Une part importante du personnel n’a pas pu prendre part au
vote électronique du fait de dysfonctionnements techniques. La
FSU a dénoncé « les conditions
désastreuses » du scrutin.
Pourtant, indépendamment du
recul de la FSU, FO a le vent en poupe. Par rapport aux scrutins précédents de 2008 à 2010, cette organisationenregistreuneforte progression (+2,41 %). Elle progresse au
ministère de l’éducation nationale
et à celui de l’écologie. Elle recule en
revanche à l’agriculture et à la
culture. Mais elle conserve la première place à la défense.
Un « front plus large »
FO est désormais pour l’Etat le
premier interlocuteur syndical.
Or contrairement à la FSU, « nous
sommes présents partout, affirme
Pascal Pavageau, secrétaire confédéral du syndicat. Nous opposons
un front plus large face au gouvernement ».
Dans un « livre noir » sur la
RGPP réactualisé en octobre, FO
calcule que 500 000 postes
d’agents auront été supprimés
entre 2007 et 2013 contre 150 000
selonle gouvernement. « Les résultats des élections montrent qu’une
forte proportion de fonctionnaires
se reconnaît dans nos critiques, »,
se félicite M. Pavageau.
De son côté, la CGT reste troisiè-
me mais améliore son score de
1,2%. La CFDT gagne3,2%. Cette dernière bénéficie toutefois des résultats des élections dans l’enseignement privé sous contrat qui votait
pour la première fois en même
temps que les agents de l’enseignement public. Hors secteur privé, la
CFDT gagne globalement 1,8 %. Ce
syndicat réformiste marque des
points. A France Télécom, il est en
seconde position avec 21,8 % des
voix. Un résultat stable mais qui
lui permet de devancer SUD, qui
recule, et la CGT qui reste première
mais régresse.
Les 2,1 millions de fonctionnaires inscrits sur les listes électorales étaient appelés pour la première fois à élire directement leurs
représentants aux comités techniques – équivalents des comités
d’entreprise dans le privé – et non
pas seulement les membres des
commissions administratives
paritaires qui examinent les situations individuelles.
FO était hostile à cette réforme
qui « nuit au pluralisme syndical »
en édictant des critères plus exigeants de représentativité des syndicats habilités à négocier. Opposé
àcetteréforme, FOenest paradoxalement, aujourd‘hui le principal
bénéficiaire, dans les urnes. p
Béatrice Jérôme
0123
politique
Mercredi 30 novembre 2011
11
La répression des délinquants
mineurs et l’exécution
des peines, priorités de l’UMP
Pour sa deuxième convention de synthèse, mardi 29novembre, le parti
présidentiel met la sécurité et l’immigration au cœur de son projet
aaa Suite de la première page
La spécificité de la justice pénale
des moins de 18 ans veut, en effet,
que le président du tribunal des
enfants puisse être celui qui a suivi le mineur pendant la phase de
l’instruction. Dans l’esprit de l’ordonnance de 1945, cette continuité
doit assurer une meilleure
connaissance du jeune et permettre une réponse individualisée –
éducative ou pénale – tenant
compte de la personnalité du
mineur. Elle lui garantit une protection supplémentaire, basée sur
la recherche du « relèvement éducatif et moral ».
« Nous voulons séparer ces deux
fonctions, pour mieux protéger les
mineurs victimes d’une part et
sanctionner plus fermement les
mineurs délinquants d’autre
part », affirme l’UMP. Ce faisant,
elle s’engouffre dans la brèche
ouverte par une décision du
Conseil constitutionnel du
8 juillet, en réponse à une question
prioritaire de constitutionnalité
(QPC) portant sur la composition
du tribunal des enfants.
Le projet de l’UMP va plus loin
dans ce qu’il appelle l’« exemplarité de la sanction » pour les
mineurs délinquants. Il veut que
puissent être infligés, dès le premier délit et dès 12 ans, des « travaux de réparation des actes commis, avec l’autorisation des
parents ». Il se prononce en outre,
de manière plus attendue, pour
« réserver » certains établissements publics d’insertion de la
Le projet de l’UMP
veut «des travaux de
réparation» dès 12 ans
et dès le premier délit
défense(Epide) aux mineurs délinquants et pour l’augmentation des
capacités des centres éducatifs fermés.L’UMP, en revanche,ne se prononce pas sur l’abaissement de la
majorité pénale.
Hors justice des mineurs, l’UMP
met l’accent sur l’exécution des
peines, en affirmant l’objectif
d’« atteindre 80 000 places de prison en 2017 ». Ainsi souhaite-t-elle
«confierdavantage la responsabilité de l’exécution des peines au parquet » ; le juge d’application des
peines verrait sa mission « se
concentrer sur le suivi des détenus
et sur les contentieux entre le parquet et le condamné ».
L’UMP entend également supprimer les remises de peine automatiques et les aménagements
automatiques pour les peines de
moins de deux ans, et interdire
toute libération conditionnelle
avant que la peine n’ait été purgée
aux deux tiers. Elle étend les peines planchers pour les réitérant et
plus seulement pour les récidivistes (ayant commis un délit ou un
crime identique au précédent ou
de même gravité).
En matière de sécurité, le projet
de l’UMP préconise la généralisation des « patrouilleurs » et une
meilleure coordination de la police nationale, de la gendarmerie et
de la police municipale, « véritable
troisième force de sécurité ».
Enfin, le « pacte républicain » de
l’UMP se fait fort de « maîtriser les
flux migratoires » et d’« affirmer
sans faiblesse les valeurs républicai-
Lors de la présentation du projet de l’UMP pour 2012, à Lambersart (Nord). O. TOURON/FEDEPHOTO/POUR LE « MONDE »
nes ». L’UMP veut durcir les conditions du regroupement familial et
conditionner strictement la délivrance de titres de séjour à l’entrée
légale sur le territoire, c’est-à-dire
mettre en pratique un principe de
« zéro régularisation ».
Outre l’augmentation des capacités des centresde rétentionadministrative, elle entend conditionner le nombre de visas délivrés et
l’aide au développement à la coopération des pays d’origine pour le
retour de leurs ressortissants.
Enfin, elle veut « recentrer » le dispositif de l’aide médicale d’Etat
(AME) pour les étrangers en situation irrégulière sur les seules situa-
tions d’urgence sanitaire et les risques épidémiques.
« Pas de naturalisation sans
manifester sa volonté de devenir
français », c’est-à-dire qu’un jeune
né en France de parents étrangers
et souhaitant acquérir la nationalité française doit en faire la demande; «pas de droit de vote etd’éligibilité sans citoyenneté française ou
européenne » ; « mettre en place un
parcours de citoyenneté, de civisme et de l’esprit de défense », tels
sont les principes-clés de la « cohésion sociale » vue par l’UMP.
L’UMP brandit de nouveau
l’étendard de la « laïcité » et de la
« lutte contre le communautaris-
me ». Parmi ses « propositions »,
l’interdiction qu’une personne
puisse récuser un agent de service
public à raison de son sexe ou de sa
religion, et l’extension des obligations de neutralité du service
public aux structures privées chargées d’une mission de service
public, en référence à l’affaire du
voile dans la crèche privée Baby
Loup.
L’UMP souhaite enfin que les
fonds étrangers destinés à la
construction ou à l’entretien de
lieux de cultes « transitent obligatoirement par une fondation nationale propre à chaque culte ». p
Patrick Roger
Robert Badinter: «Ne pas se satisfaire de proclamations, de slogans, d’impostures »
Entretien
La fondation Terra Nova, proche
du Parti socialiste, a présenté mardi 29novembre un rapport sévère
intitulé « L’imposture, dix années
de politique de sécurité de Nicolas
Sarkozy ». Deux magistrats,
Valérie Sagant et Benoist Hurel,
secrétaire général adjoint du Syndicat de la magistrature, et un avocat, Eric Plouvier, y démontent
avec rigueur la politique du chef
de l’Etat, l’ancien garde des sceaux
Robert Badinter en a signé la préface et analyse la portée de l’ouvrage.
Vous dénoncez « la charlatanerie » de l’exécutif.
Que voulez-vous dire ?
Le premier intérêt de cet ouvrage précis et rigoureux est de mettre au jour une mystification politique : faire croire au public à
coups de proclamations définitives et de statistiques illusoires
que le gouvernement a remporté
des succès éclatants dans la lutte
contre le crime et la délinquance.
Il s’agit là d’une véritable charlatanerie, c’est-à-dire une exploitation délibérée de la crédulité
publique.
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Le droit des victimes est-il
devenu une priorité ?
Rien n’est plus émouvant que
le malheur des victimes du crime.
Le ressort le plus assuré de popularité est pour un politique de proclamer hautement qu’il est du
côté des victimes. Ce qui sousentend que ses adversaires, eux,
sont du côté des criminels : j’ai
entendu ce refrain tout au long de
la lutte pour l’abolition de la peine de mort, et à chaque fois que je
défendais des principes fondamentaux de l’Etat de droit.
Selon le garde des sceaux, vingt
et une dispositions législatives
ont été votées en faveur des victimes depuis 2002. Le législateur
serait-il devenu à ce point incompétent qu’il lui faudrait sans cesse
remettre sur le métier son ouvrage ? Les choses sont pour moi simples : il faut faire tout notre possible pour venir en aide aux victimes d’infractions, les traiter avec
sollicitude et respect, il faut prendre en compte leur souffrance et
veiller à ce que leurs préjudices
soient rapidement et intégralement réparés.
De 1981 à 1986, nous n’avons
jamais cessé d’œuvrer en ce sens,
et quand j’ai quitté la chancellerie, les droits des victimes avaient
été portés au plus haut niveau des
législations européennes. Mais je
le dis fermement : la souffrance et
le malheur des victimes ne sauraient devenir un fonds de commerce politique, pas plus que le
procès pénal ne peut être l’instrument (très aléatoire) de leur deuil.
La délinquance est-elle « revenue en 2009 à son niveau de
1997 », après « l’explosion des
crimes et des délits » sous la gauche, comme l’indique l’Elysée ?
L’ouvrage met en cause la sincérité des statistiques présentées
par l’exécutif. La communication,
première préoccupation du gouvernement, fait toujours état d’un
chiffre global de « la » délinquance. Or parler d’une hausse ou
d’une baisse de la délinquance est
aussi trompeur que le serait un
indice de « la » maladie. Il n’existe
dans la réalité que « des » crimes
et délits de nature et de gravité
bien différentes, comme il n’existe que « des » maladies aussi diverses que le sida ou la grippe.
Réunir dans le même indice global le meurtre de vieilles dames
ou la consommation du cannabis
est une aberration qui ouvre la
voie à toutes les manipulations. Il
suffit en effet de modifier le mode
d’enregistrement des faits criminels ou délictueux, de les pénaliser ou non pour changer les statistiques. Sans doute des améliorations ont été apportées dans ce
domaine, mais on entend toujours les responsables politiques
se féliciter de la baisse de « la »
délinquance, alors que si le nombre de voitures volées diminue
grâce à l’amélioration des techniques de sécurité, au même
moment, le nombre de personnes
victimes d’agressions physiques
s’accroît sensiblement. Et comment réunir dans une même
appréciation globale le vol de portables avec les agressions de
convoyeurs de fonds réalisées par
des commandos ?
«Il s’agit là
d’une exploitation
délibérée de la
crédulité publique»
Le chef de l'Etat assure pourtant
que sa politique a permis
d’« épargner des victimes »…
Plus choquantes encore s’avèrent les déclarations fracassantes
de l’exécutif, ses bulletins de victoire sur la délinquance, décomptée
en terme de victimes épargnées. Ainsi en mars2007,
M.Sarkozy, alors ministre de l’intérieur, proclamait que, grâce à sa
politique, depuis 2002,
«1 553 000 victimes ont été épargnées». On demeure confondu
devant une telle annonce. D’où
vient ce chiffre si précis ? Il ne
s’agit pas ici de faits constatés
mais de victimes virtuelles qui ont
pour première qualité de ne pas
exister. De quelles infractions relèvent ces victimes virtuelles ? S’il
s’agit des victimes des accidents de
la route, on doit rappeler que, dans
ce cas, la victime est souvent
l’auteur de l’infraction, c’est-à-dire
le conducteur. De surcroît, l’appréciation de l’évolution des crimes et
délits en partant des victimes fait
l’impasse sur les infractions graves en raison de leur coût social,
comme la corruption ou les atteintes à l’environnement, qui ne causent pas de victimes directes.
Mais qu’importe la complexité
de la réalité, quand elle ne satisfait
pas les exigences de la communication politique. Nous avons
entendu M.Guéant répéter que la
politique du gouvernement avait
épargné 500 000 victimes ! Il est
temps qu’en France l’établissement des données en matière d’infractions soit confié à une organisation indépendante du pouvoir
politique, composée de spécialistes et de magistrats, et agissant
sous le contrôle de la Cour des
comptes. L’actuel Observatoire de
la délinquance dirigé par un pro-
che ami du chef de l’Etat, même
s’il constitue un progrès, ne
répond pas à ces exigences.
Ce que nous reprochons à la
politique de M. Sarkozy, c’est
moins son échec relatif dans un
domaine où l’action est difficile
que l’arrogance et le triomphalisme d’un discours que rien ne justifie. La lutte contre les criminels et
les délinquants aux multiples visages est une question trop complexe pour se satisfaire de proclamations, de slogans, de postures. p
Propos recueillis par
Franck Johannès
12
0123
société
Mercredi 30 novembre 2011
L’Eglise lance de grands projets en région A Marseille,
parisienne pour regagner de la visibilité des voleurs armés
Huit constructions doivent permettre d’aller chercher les fidèles dans les nouveaux quartiers
dekalachnikovs
D
éterminée à « aller chercher
les gens là où ils habitent, là
où ils travaillent, là où ils
prennent leurs loisirs », l’Eglise
catholique a entrepris de s’implanter dans les nouveaux quartiers
d’affaires et de vie d’Ile-de-France.
« C’est notre Grand Pari(s) à nous »,
sourit Bruno Keller, secrétaire
général des Chantiers du cardinal,
la structure qui finance une partie
des constructions d’églises à Paris
et en région parisienne. « Ce sont
des lieux que l’on ne peut pas laisser vides », ajoute-t-il.
Tout a été passé au crible : le
nombre de logements prévus
dans les prochaines années, la surface, en mètres carrés, des bureaux
construits et planifiés, le nombre
de personnes – résidents ou salariés – potentiellement concernées
par le pôle d’activités, l’arrivée prévisible d’un centre des congrès…
Même les « 17 millions de visiteurs
annuels du parc Eurodisney » et
les« 20 millions du centre commercial de Val d’Europe » (Seine-etMarne) ont été pris en compte.
L’annonce, mardi 29 novembre,
de « huit projets architecturaux
d’envergure dans les huit diocèses
d’Ile-de-France pour les huit prochaines années » coïncide avec les
80 ans des Chantiers du cardinal,
lancés en 1931 par le cardinal Verdier. Alors que Paris et sa banlieue
connaissaient une forte mutation
démographique, l’archevêque de
Paris affichait comme ambition
de « construire des églises pour
évangéliser Paris et sa banlieue et
pour procurer aux ouvriers au chômage un travail ».
Aujourd’hui, le « coup » marketing de ces diverses annonces est
Deux suspects sont morts et un policier a été
grièvement blessé lors de deux cambriolages
D
Le projet de chapelle à La Plaine-Saint-Denis des architectes Patrick Berger et Jacques Anziutti. BERGER/ANZIUTTI
assumé ; il en va de la « visibilité »
de l’Eglise catholique dans les nouveaux bassins de population. Et,
par ricochet, de sa capacité à lever
de nouveaux fonds.
«A chaque fois que nous voyons
un pôle d’activités se créer, nous
nous interrogeons sur notre mode
de présence sur place. On accompagne le développement urbain; c’est
important que l’Eglise soit au plus
près du quotidien des gens », indique Mgr Delannoy, évêque de SaintDenis, délégué aux Chantiers du
cardinal. Récusant l’idée d’une
désaffection croissante d’une gran-
Les huit principaux chantiers en Ile-de-France
Paris XVIIe
Montigny-lèsCormeilles
fin 2014début 2015
à l'étude
VAL-D'OISE
La Plaine-Saint-Denis
2013
BoulogneBillancourt
92
printemps2014
93
Val d'Europe
PARIS
Le Chesnay
à l'étude
94
été 2013
Créteil
printemps 2014
YVELINES
Plateau
de Saclay
SEINEETMARNE
2014
ESSONNE
92. HAUTS-DE-SEINE
93. SEINE-SAINT-DENIS
94. VAL-DE-MARNE
SOURCE : CHANTIERS DU CARDINAL
10 km
de partie de la population pour
l’Eglise, il souligne au contraire
« une attente spirituelle forte » en
région parisienne. L’implantation
d’églises dans ces nouvelles zones
entend donc « répondre aux nouveaux défis de l’évangélisation »,
avant même que la demande
n’émane de potentielles communautés de fidèles.
Lelancementdecesgrandschantiers – qui au final pourraient coûter plus de 25 millions d’euros –, lié
au rapprochement entre deux
structures jusque-là distinctes
(chantiersinter-diocésainsetChantiers du cardinal) vise aussi à mobiliser les croyants. « Présenter des
projets ambitieux, offrir aux fidèles
des lieux, neufs ou rénovés, où ils se
sentent bien, peut les inciter à donner plus », reconnaît M. Keller.
Présence assumée
Une urgence : entre 2000 et
2010, les Chantiers du cardinal ont
perdu la moitié de leurs 20 000
donateurs. La tendance s’est inversée en 2011, assure M. Keller ; la
structure dispose aujourd’hui d’un
budget de 2,5 millions d’euros,
mais l’Eglise évolue dans «un monde de ressources rares », insiste-t-il.
« En raison du manque de ressources des communes ou des diocèses,
13égliseset8chapellessont misesen
vente et 200 églises sont menacées
au niveau national », tient à préciser l’institution dans son dossier de
présentation des grands travaux.
La mutualisation des dons est
aussi censée réduire les déséquilibres entre les diocèses « historiques », plus riches, et les diocèses
récents, qui ne peuvent compter
sur les financements publics dus
aux lieux de culte construits avant
1905. Ainsi, sur les 110 églises parisiennes, 82 sont à la charge de la Ville.UneproportioninverseenSeineSaint-Denis, où seules 42 des 116
églises bénéficient de fondspublics
pour l’entretien et la rénovation,
ou dans le Val-de-Marne, qui compte 48 lieux de culte communaux
sur les 136 églises répertoriées.
Les nouvelles réalités démographiques et sociologiques s’accompagnent aussi pour l’Eglise d’une
adaptation au rythme de vie et aux
besoins des fidèles potentiels. « Si
l’on s’adresse à des gens qui travaillent, il faut des propositions de
trois quarts d’heure, une heure, pas
plus à l’heure de midi, souligne
Mgr Delannoy. Qu’il s’agisse d’un
temps de prière, d’une messe ou
d’une formation. » Il évoque aussi
«les petits-déjeuners après la messe
du matin », comme ceux offerts à
l’église Notre-Dame de Pentecôte,
installée depuis dix ans dans le
quartier d’affaires de la Défense.
Même l’affichage des nouvelles
constructions évolue. L’architecture des églises renoue avec une présence visible et assumée, en rupture avec certaines constructions des
années1960 et 1970 enfouies dans
le paysage urbain. Et, désormais,
l’on construit moins des « églises »
que des « maisons d’église », des
« maisons des familles » ou des
« centres ecclésiaux ». Une tentative pour attirer un public, au-delà
du seul participant à la messe du
dimanche. p
Stéphanie Le Bars
GérardBapt(PS)critiqueplusieursnominationsàl’Afssaps
La moitié des candidats retenus a débuté dans l’industrie pharmaceutique, regrette le député
D
écidément, la réorganisation de l’Agence française
desécuritésanitairedesproduits de santé (Afssaps) après le
scandaleduMediator n’estpassimple. Lundi 28 novembre, le député
socialiste Gérard Bapt a adressé un
courrier à Dominique Maraninchi,
le directeur de l’agence du médicament, dans lequel il critique les
choix des douze « préfigurateurs »,
dont la mission est de réfléchir au
fonctionnement futur des directions de l’agence. Déjà, la semaine
passée,lanominationcomme«préfiguratrice » du docteur Catherine
Rey-Quinio, chargée de l’Isoméride
chezServier,avaitcréél’émoi. Celleci a finalement renoncé.
M. Bapt, qui a contribué à l’éclatement du scandale du Mediator,
se dit tout particulièrement choqué par une autre nomination, celle du docteur France Rousselle,
chargée de la partie management
de la qualité à l’agence. Il souligne
qu’elle a intégré l’Afssaps en 1995
après avoir travaillé dans l’industrie pharmaceutique, et qu’elle a
signé en 2001 une modification de
l’autorisation de mise sur le marché du Mediator, auparavant refusée à Servier, ajoutant aux indications thérapeutiques celle d’adjuvant du régime adapté pour les diabétiques en surcharge pondérale.
Critères de recrutement
Plus largement, le député estime qu’il faut remettre à plat les
choixopérés en modifiantles critères de recrutement. « Je suis frappé
de constater que la moitié des préfigurateurs retenus a commencé sa
carrière dans l’industrie pharmaceutique, donc y a été formée ; et
frappé aussi qu’il ne soit pas indiqué dans la liste publiée par
l’Afssaps dans quels laboratoires ils
onttravaillé», explique-t-ilauMonde. Ce qui permettrait de savoir si
certains sont passés chez Servier.
Pour le nouveau directeur de
l’Afssaps, nommé en février pour
réformercette agence dont le manque de réactivité face au Mediator
avait été pointé, il s’agit là d’une
« fausse sonnette d’alarme ».
M. Maraninchi rappelle tout
d’abord que, pour toute signature,
Mme Rousselle a forcément suivi
des consignes de la direction générale. Il précise qu’elle a travaillé
pour les laboratoires Roussel,
Wyeth, SmithKline Beecham et
Astra. Mais pas chez Servier.Aucun
des autres préfigurateurs n’a travaillé pour le fabricant du Mediator, ajoute-t-il. Il avance que si cela
est jugé nécessaire, des précisions
sur les sociétés où chacun a travaillé pourraient être publiées.
Les candidats ont été sélectionnés en fonction de leur capacité de
management, dit-il. Mais, il le
reconnaît, le contexte est particulièrement tendu, certains se sont
retirés et des postes n’ont pas été
pourvus. S’il se refuse « à une chasse aux sorcières de principe », il fait
remarquer que d’anciens experts
ont quitté l’Afssaps.
Pour les choix futurs, il tient à
rassurer : « Rien ne dit que ceux qui
occupent ces postes de préfigurateurs seront par la suite nommés
directeurs,etil n’y aura pas àl’agence de poste de responsabilité avec le
moindre conflit d’intérêt, personnel ou familial. »
Pour M. Maraninchi, « le doute
ne doit pas être permis ». Avec l’affaire du Mediator, il s’est désormais légitimement installé partout. p
Laetitia Clavreul
euxmortsenuneseulejournée. En moins de vingt-quatre heures, Marseille et son
agglomération ont été le théâtre
d’actes de violence qui ont mis aux
priseslesforcesdel’ordreetdes jeunes malfaiteurs. Dans les deux cas,
les seconds, qui venaient de commettre des vols, étaient armés,
notamment de kalachnikovs.
A Vitrolles (Bouches-du-Rhône)
dans la nuit de dimanche 27 à lundi
28 novembre, un malfaiteur a été
tué, victime du tir de ses comparses
qui tentaient d’échapper à quatre
policiers de la brigade anticriminalité (BAC) d’Aix-en-Provence. Une
autrefusilladesurvenuedanslasoirée de lundi à Marseille a provoqué
la mort d’un homme qui venait
d’attaquer un magasin de bricolage
avec deux complices dans le quartier sensible de la Rose, situé au
nord de la ville.
Le trio, également armé de kalachnikovs, a été surpris par quatre
policiersalorsqu’ilsortaitdumagasin. Les policiers, deux
patrouilleurs en voiture et deux
motards d’une compagnie de sécurisation, avaient été alertés par un
adjoint de sécurité qui se trouvait à
l’intérieur du magasin au moment
du braquage. A l’issue de la fusillade, l’un des malfrats atteint d’une
balle a succombé à ses blessures,
malgré l’intervention des équipes
de secours. Ses deux comparses,
légèrement blessés, ont été admis
dans un hôpital de la ville. Selon
des sources policières, les trois
hommes sont des jeunes gens âgés
d’une vingtaine d’années.
Cette fusillade s’est déroulée
quelques heures après la visite du
ministre de l’intérieur, Claude
Guéant, qui s’était rendu au chevet
d’un policier gravement blessé,
après la fusillade survenue à Vitrolles. Atteint de trois balles de kalachnikov, deux à l’abdomen et une à la
tête, le fonctionnaire, âgé de 37 ans,
étaittoujours entre la vie et la mort,
mardiendébut dematinée. Ce policier avait pris part à une coursepoursuiteentaméecontre unebande de cambrioleurs originaires de
l’étang de Berre, qui écumait la
région dans la soirée de dimanche.
Avant d’être intercepté par deux
voitures de la BAC dans la zone des
Estroublans à Vitrolles, les malfaiteurs avaient dévalisé un supermarché à Saint-Martin-de-Crau,
non loin d’Arles, et un magasin de
produits surgelés à Venelle, près
d’Aix-en-Provence.
« Disproportion »
Poursuivis par les BAC aixoises,
ilsontétéstoppésparunehersedisposée en travers de la route. Selon
les policiers, ils auraient alors
ouvert le feu « à l’aveugle pour couvrir leur fuite », tuant par accident
l’un des leurs. Celui-ci, un jeune
homme d’une trentaine d’années,
connu pour des faits de vols à
mains armés, avait été arrêté à quarante et une reprises, la première
fois alors qu’il avait à peine 15 ans.
Mardi matin, ces trois complices,
activement recherchés par la brigade criminelle de Marseille, restaient introuvables. «Ce qui est surprenant, c’est la disproportion entre
l’objet et la violence de la réaction, a
déclaré Claude Guéant, constatant
l’utilisation d’armes automatiques
puissantes».
De leur côté, les syndicats de gardiens de la paix, Unité-SGP-Police
etAlliance,ontexpriméleurinquiétude face à cette montée de la violence. Alliance, proche de l’UMP, a
déploré que «des peines réellement
incompressibles contre les meurtriers de gendarmes et de policiers
n’aient pas été votées ». Unité-SGPPolice, majoritaire, a regretté que
les équipes qui ont pris en chasse
les malfrats de Vitrolles n’étaient
constitués que de « deux fonctionnaires par voiture, là où auparavant on en comptait trois ». p
Yves Bordenave
Sécurité sociale
Arbitrage pour compenser l’abandon
du quatrième jour de carence
Le gouvernement et le groupe UMP de l’Assemblée nationale se sont
accordés, mardi 29 novembre, sur un bouquet d’économies destiné à
compenser l’abandon du quatrième jour de carence pour les arrêtsmaladie des salariés du secteur privé. Le plafond de la Sécurité sociale
pour les indemnités journalières (50 % du salaire brut) est ramené de
2,15 smics à 1,8 smic. Le jour de carence appliqué dans la fonction publique l’est aussi, de manière explicite, dans les régimes spéciaux. Le bénéfice découlant de l’application d’un jour de carence dans la fonction
publique viendra en déduction des dépenses d’assurance-maladie.
Enfin, une série de mesures diverses, pour un total de 50 millions d’euros, permettra d’arriver aux 200 millions d’euros d’économies que réclamait le premier ministre, François Fillon, qui avait dû reculer devant
l’opposition des parlementaires de l’UMP à l’instauration de ce quatrième jour de carence (Le Monde du 24 novembre). p Patrick Roger
Justice Bissonnet, condamné à vingt ans pour avoir
commandité le meurtre de sa femme, est hospitalisé
Jean-Michel Bissonnet, 62 ans, condamné le 24 novembre par la cour d’assises d’appel de l’Aude, à vingt ans de réclusion criminelle pour avoir
commandité l’assassinat de son épouse, a été hospitalisé en urgence
dimanche après avoir fait un malaise cardiaque. « Ses jours ne sont pas en
danger», a déclaré Me Raphaële Chalié, avocate des deux fils Bissonnet. La
cour avait réduit de dix ans la peine qui lui avait été infligée en première
instance. Elle a confirmé la peine de vingt ans de prison pour Meziane Belkacem, qui avait avoué l’assassinat, et de huit ans de prison pour Amaury
d’Harcourt, coupable de complicité (Le Monde du 25 novembre)
Religion
Des profanations de lieux de culte
en forte progression depuis 2008
Le nombre de profanation de lieux de culte et de cimetières est passé de
304 en 2008 à 621 en 2010. Fin octobre, 509 affaires de ce type avaient
déjà été enregistrées, selon le rapport, publié mardi 29 novembre, du
groupe d’études sur la politique de lutte contre les profanations des
lieux de culte. Les faits concernent des lieux chrétiens (308 églises et
214 cimetières en 2010), musulmans (50 mosquées et 7 cimetières) et
juifs (30 synagogues et 12 cimetières). Les passages à l’acte, en majorité
le fait de mineurs, se produisent en groupe après une consommation
excessive d’alcool ou par désœuvrement. p S. L. B.
économie
0123
Mercredi 30 novembre 2011
13
En hausse
En baisse
Les cours du jour ( 29/11/11, 09 h 47 )
l’australie – Déjà notée triple A par les agen-
l’immobilier – Les ventes de logements
ces Standard & Poors et Moody’s, l’Australie s’est
vu conférer cette note d’excellence par Fitch
Ratings en raison de sa dette faible, mardi
29 novembre. Elle est le quatorzième pays coté
au maximum par les trois agences mondiales.
neufs ont chuté en France de 12,9 % sur un an au
troisième trimestre, selon les chiffres publiés,
mardi 29 novembre, par le ministère du logement. En douze mois, les ventes ont reculé de
10,7 % par rapport à la même période de 2010.
Euro
Or
Pétrole
Taux d’intérêt
Taux d’intérêt
1 euro
Once d’or
Lightsweet crude
France
Etats-Unis
1,3348 dollar (achat)
1 714,00 dollars
95,95 dollars
3,569 (à dix ans)
1,893 (à dixans)
La TNT a bousculé le paysage audiovisuel
Eric Besson, le ministre de l’industrie, devait éteindre, mardi 29novembre, le dernier émetteur analogique
Les petites dernières,
aux audiences
insignifiantes
en 2005,
se sont désormais
imposées
La TNT conquiert audience et recettes publicitaires
PART D’AUDIENCE ANNUELLE DES CHAÎNES (cible : individus de 4 ans et plus)
35 33,1
Apparition de la TNT
Une nouvelle norme
de diffusion : le DVB-T2
Pour diffuser davantage de chaînes par le biais de la télévision
numérique terrestre (TNT), le
gouvernement a notifié, en août,
à Bruxelles un projet d’arrêté instaurant une nouvelle norme de
diffusion : le DVB-T2. Une norme
déjà adoptée en Grande-Bretagne et en Suède.
Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a lancé en octobre un
appel à candidatures pour six
nouvelles chaînes en haute définition qui pourraient être
retransmises avec cette future
norme.
Mais les téléspectateurs
devront s’armer de patience.
Les premiers décodeurs numériques en DVB-T2 ne seront pas
commercialisés auprès du grand
public avant 2013. In fine, le
DVB-T2 ne devrait être qu’une
norme transitoire.
Sa fin est déjà programmée. En
2016, si le calendrier est respecté, il devrait à son tour laisser la
place à une nouvelle norme de
diffusion numérique : le HEVC.
France Télévisions
6,1 %
M6 21,4 %
TF1 44,3 %
30
3,6
TF1
25
37,2
1,8
W9
TMC
4,5
22,1
17,2
16,7
15
16,1 France 2
10 12,7
10,7 France 3
10,4 M6
5 4,1
3,7
3,7
i-Télé
NRJ 12
0,4
France 3
4,2
France 5
NT1
2,6
19,7 TNT
20
France 2
M6
24,5 TF1
0,3
France 4
3,0
2,5
2,0
1,9
1,4
10,0
BFM TV
Canal+
Gulli
Direct
Star
Autres
3,1 Canal+
0
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
Direct8
2010
3,3
PART D’AUDIENCE ANNUELLE DES CHAÎNES (cible : individus de 4 ans et plus)
2009
3,0
2010
2,0
1,6
0,7
Depuis 2005, la TNT a profondément bouleversé le paysage audiovisuel. « Il y a eu une démultiplication de l’offre », indique Patrick Ballarin, président de Digitime, filiale
commune de Médiamétrie et de
Netgem.
Les six télévisions historiques
sont désormais dix-neuf sur la
TNT. Les TF1, France 2, France 3,
Canal+, M6 et France 5/Arte ont dû
faire de la place aux TMC, W9, France 4, Direct 8, NRJ 12, NT1, Direct
Star, Gulli, BFM TV, i-Télé, Public
Sénat, LCP AN et France Ô.
Surtout, les nouvelles chaînes
ont fortement entamé l’audience
de leurs ancêtres. TF1, qui pesait en
moyenne 32,3 % de part d’audience en 2005, à l’arrivée de la TNT,
n’en réunit plus, en novembre 2011 que 23,6 %. La dégringolade est de même ampleur pour
France 2. La chaîne publique, qui
valait encore 19,8 % de part
d’audience en 2005, est tombée à
15 % six ans plus tard.
Dans le même temps, les petites
dernières, aux audiences insignifiantes en 2005, se sont désormais
imposées. TMC, contrôlée par TF1,
RÉPARTITION DES PARTS DU MARCHÉ PUBLICITAIRE DES CHAÎNES, en %
0,5
i-Télé
1,0
0,9
0,7
BFM TV
est devenue la cinquième chaîne
généraliste avec 3,5 % de part
d’audience en moyenne. Elle est
au coude-à-coude avec W9, filiale
de M6, et avec France 5.
Pourtant, malgré la progression
inexorable de la TNT, les grands
équilibres n’ont pas été totalement modifiés.
Un temps ébranlées par la
concurrence des petites chaînes,
TF1 et M6 ont retrouvé toute leur
superbe. Fin 2011, précise M. Paolini, TF1, renforcée par TMC et NT1,
attire « à nouveau 29 % de part
d’audience et même 33 % auprès
des ménagères de moins de
50 ans », la cible la plus recherchée
par les annonceurs.
M6 fait mieux. Elle a dépassé
France 3, et avec l’apport de W9, elle
flirte avec les 15 % de part d’audience. Alors que l’ancien PDG de TF1,
Patrick Le Lay s’était fortement
opposé au déploiement de la TNT,
son successeur, Nonce Paolini, s’en
féliciterait presque. « Elle nous a
amenés à diversifier nos ressources
et à aller sur de nouveaux terrains
de jeu», assure-t-il.
« La chaîne TF1 reste un cas unique en Europe », se félicite Nonce
Paolini. « Elle reste à un niveau
d’audience que n’atteint aucune
autre chaîne leader en Europe ».
Pour faire pièce à la TNT, « le groupe TF1 s’est renforcé superbement », ajoute M. Paolini. Selon le
PDG, « TMC et NT1 sont des escorteurs efficaces du navire amiral
TF1 ». Mais cette dernière a payé
cherce renfort. LaUne a dû débourser 422 millions d’euros pour
racheter TMC et NT1 au Groupe AB.
France Télévisions, pour sa
part, s’en est moins bien sortie. Le
groupe public n’a en effet pu lancer que France 4 sur la TNT, malgré
ses nombreux projets.
Aujourd’hui, c’est Canal+ qui
veut renforcer son offre gratuite
sur la TNT. La chaîne cryptée
reprend les chaînes de la TNT gratuite Direct8 et Direct Star au groupe Bolloré.
Un à un, les nouveaux entrants,
Lagardère, Groupe AB, Bolloré,
quittent la TNT. « Nouveaux
1,6
1,4
1,4
1,9
2,2
2,6
2,5
1,8
1,5
1,1
0,7
Direct Star
France 4
entrants, premiers sortis », grince
Nicolas de Tavernost, président du
directoire de M6.
Requinquées côté audience, les
chaînes historiques sont, en revanche, loin d’avoir retrouvé leurs
niveaux d’antan en termes de
recettes publicitaires. « L’arrivée
de nouvelles chaînes ne crée pas de
nouvelles ressources publicitaires », explique Dominique
Delport,PDG de Havas Media France. Le gâteau publicitaire reste le
même, calé entre 3 milliards et
3,4 milliards d’euros par an depuis
l’an 2000. « Ce sont les parts qui
sont de plus en plus fines », note
M. Delport. Il note que, depuis
2005, « pour attirer les annonceurs, les nouvelles chaînes baissent leurs prix ».
Selon Nicolas de Tavernost, le
coût GRP [le coût pour les annonceurs qui veulent toucher
1 000 téléspectateurs] a déjà bais-
NT 1
Direct8
sé de 40 %. Les Direct 8, NRJ 12 et
consorts « ont provoqué une poussée déflationniste », admet
M. Delport. Pour preuve, avance-t-il : « En 2005, le point d’audience générait 35 millions d’euros de
recettes publicitaires. En 2010, il ne
rapportait plus que 24 millions
d’euros. »
Selon lui, une seule chaîne a
échappé à cette « pression déflationniste sur le marchéde la publicité à la télévision : Canal+ ». La régie
publicitaire de la chaîne à péage a
connu « une croissance à deux chiffres de ses recettes même pendant
la crise », s’étonne M. Delport. Cette pression sur le marché publicitaire ne devrait pas s’atténuer car,
indique M. Delport, les nouvelles
entrantes de la TNT ont accumulé
« 500 millions d’euros de pertes
depuis six ans ».
Il n’empêche, certaines ont déjà
trouvé leur économie. « NRJ 12 sera
NRJ 12
Gulli
légèrement bénéficiaire fin 2012,
avec un budget annuel de 70 millions d’euros » annonce son propriétaire, Jean-Paul Baudecroux.
La chaîne d’information en continu, BFM TV, devrait également
être à l’équilibre fin 2011.
Après avoir franchi à lahausse le
seuil du million de téléspectateurs,
les championnes du numérique
hertzien visent désormais la barre
des deux millions. Direct 8 détient
le record d’audience de la TNT, en
2011. Le 13 juillet, la diffusion de la
finale de la Coupe du monde de
football féminin entre la France et
les Etats-Unis a attiré 2 325 000
téléspectateurs soit 16,7 % de part
d’audience. Ce soir-là, Direct 8 a
même enregistré un pic d’audience historique à 3 264 00 0 téléspectateurs lors des tirs au but.
Le succès de la TNT s’appuie
« sur les rediffusions de programmes forts des chaînes historiques »,
W9
TMC
SOURCES : MÉDIAMAT-MÉDIAMÉTRIE ; KANTAR MÉDIA
M
ardi 29 novembre, la Télévision numérique terrestre (TNT) a achevé son
déploiement. Le Languedoc-Roussillon, dernière région française
encore desservie par la télévision
analogique hertzienne, a basculé à
son tour vers la nouvelle technologie. Pour le symbole, Eric Besson,
ministre de l’industrie et de l’économie numérique, devait éteindre, ce mardi, à Montpellier, le dernier émetteur en analogique.
Lancée en mars 2005, la TNT
aura mis un peu plus de six années
à s’imposer. Désormais, quel que
soit son support de diffusion –
câble, satellite, ADSL ou TNT –, la
télévision se conjugue uniquement en mode numérique. Fin
novembre, 97,3 % de la population
sera couverte par la TNT. Les rares
zones d’ombre reçoivent la TNT
notamment via le satellite.
explique M. Ballarin. La TNT fait
son miel avec des films de catalogues et des compétitions sportives
de second rang. Pour preuve, le
cinéma rafle 7 des 10 meilleures
audiences de la TNT en 2011.
Mais cet âge d’or vit ses derniers
jours. Désormais, les chaînes
« seront à armes égales avec les télévisions historiques », indique
M. Delport. « Programmes premium » des historiques contre
« rediffusions » des nouvelles chaînes, signale M. Ballarin.
La TNT n’a pour autant pas fini
de grandir. En octobre, le Conseil
supérieur de l’audiovisuel a décidé
de lancer un appel à candidatures
pour six nouvelles chaînes en haute définition. Une vingtaine de candidats sont déjà dans les startingblocks. De TF1 à l’Equipe TV, tout le
monde veut sa chaîne. La décision
est prévue en mars 2012. p
Guy Dutheil
Une aide à l’équipement dans les zones non couvertes
DANS LA NUIT du 28 au 29 novembre, la France a basculé définitivement de la télévision analogique
à la télévision numérique terrestre (TNT). Les délais annoncés en
2005, lors des débuts des travaux,
auront été tenus. Mieux, le basculement a eu lieu avec vingt-quatre heures d’avance.
Autre motif de satisfaction : le
coût. La facture a été diminuée
par deux par rapport aux prévisions initiales, pour atteindre
150 millions d’euros.
Seul bémol : il reste une fraction non négligeable de Français
(environ 5 %) qui ne pourront accéder à cette TNT. Si l’on prend en
compte les foyers mal couverts
ou partiellement couverts pour
des raisons essentiellement géographiques, la part de la population non concernée par la TNT est
de 10 % à 15 %.
Pour ces 2,5 à 3,8 millions de
personnes, selon le GIP (groupement d’intérêt public) France
Télé Numérique et le Conseil
supérieur de l’audiovisuel, il faut
envisager des abonnements au
câble, à un satellite numérique,
ou l’achat d’une box Internet
ADSL.
Car, avec ces solutions, le basculement total sur la TNT ne pose
pas de problème majeur pour
continuer à recevoir la télévision.
En revanche, sont particulièrement concernés par le changement les foyers qui recevaient la
télévision analogique via les
satellites Atlantic Bird 3 (AB3) et
Astra.
Décodeur
Ces derniers, qui diffusent à la
fois des chaînes gratuites et des
chaînes payantes accessibles par
abonnement, ne le feront plus
qu’en numérique. Pour continuer
à les capter, il faut être équipé
d’un décodeur Fransat pour AB3
et TNTsat pour Astra.
Pour Fransat, le passage au
numérique relève du jeu d’enfant : il suffit de remplacer l’an-
cien démodulateur analogique
par le pack décodeur Fransat sans
rien changer à la parabole. Et
adjoindre un décodeur à chaque
téléviseur du foyer pour recevoir
la TNT dans toute la maison.
Tout cela a un coût : il faut
compter de 100 euros à plus de
200 euros en fonction du modèle
choisi et de ses performances techniques (possibilité d’enregistrer,
haute définition, etc.).
Mais un fonds spécial a été prévu. Pour les foyers non encore
équipés en TNT, un système
d’aide, plafonnée à 250 euros, a
été mis en place dans le cadre
d’une continuité de la réception.
Les critères d’éligibilité sont
les suivants : la demande doit
concerner un seul poste de télévision de la résidence principale. Il
faut habiter dans une zone non
couverte par la TNT et n’avoir toujours reçu, avant l’entrée en service de la diffusion numérique,
que six chaînes nationales, que
ce soit par une antenne râteau ou
une parabole orientée vers le
satellite AB3.
En outre, il faut présenter une
facture des frais engagés pour les
travaux ou les abonnements souscrits (ADSL, fibre). Enfin cette
demande d’aide doit être la première et elle est limitée dans le
temps : elle doit être adressée
moins de six mois après le passage au tout-numérique.
Il se peut aussi que, même
dans une zone a priori couverte
par la TNT, la réception soit mauvaise, voire quasi inexistante.
Pas de panique ! Il existe aussi
une aide dérogatoire à la
réception.
Les critères d’éligibilité sont
pratiquement identiques à ceux
requis pour l’aide normale, si ce
n’est qu’il faudra prouver que
l’installation n’est pas en cause
dans la qualité de la réception.
Une mauvaise réception attestée,
en outre, par un antenniste
professionnel. p
François Bostnavaron
14
0123
économie
Mercredi 30 novembre 2011
Avant même le lancement de son offre
mobile, Free déstabilise le marché
Le nouvel opérateur veut «changer le train de vie» de ses concurrents, Bouygues, Orange et SFR
J
amaisoffre detéléphoniemobile n’aura été tant attendue.
Depuis l’annonce de sa future
arrivée sur le marché, Free n’en
finit pas de déchaîner les passions.
Très secret sur les modalités et les
caractéristiques de son offre,
Xavier Niel, fondateur de Free (et
actionnaire à titre personnel du
Monde), n’a cessé de répéter que
son forfait serait bien moins cher
que celui des opérateurs historiques. Jusqu’à diviser la facture par
deux.
La communauté des « Freenautes » – ces adeptes de l’opérateur –
et les médias spéculent sur la date
de sortie et le prix des abonnements.Freearrivera-t-il surlesmarchés avant Noël, date où les opérateurs engrangent un quart de leur
clientèle annuelle ? Son forfait
sera-t-il « Sim only » ou proposera-t-il un téléphone subventionné ? Le premier prix débutera-t-il à
15 euros comme le dit la dernière
rumeur ? « Ils ont la même stratégie de communication qu’Apple. Ils
sonttrèssecrets, ce qui créede la tension et de l’attente. Sans oublier
qu’ilsont unecommunautésimilaire de fans irréductibles », remarque
Vincent Teulade, expert en télécoms au cabinet PWC.
Selon l’analyste, Free n’arrivera
peut-être pas à diviser par deux le
prix des forfaits, car ils ont baissé
depuis 2008, mais il devrait quand
même être capable de réduire la
facture, en renouvelant les formules magiques qui ont marché lors
de la sortie de son offre Internet
Freebox : une structure de coûts
plus légère et une offre simplifiée
et adaptée à ce que veut le client.
Prévoyant de vendre ses forfaits
uniquementsur Internet à l’exception de rares boutiques dans quelques grandes villes, l’opérateur
devrait économiser sur le service
et les charges salariales. A titre de
comparaison, ses futurs concurrents disposent chacun d’un
réseau allant de 800 à 1 200 boutiques en France.
« Les opérateurs ont du mal à
repenser les choses à partir d’une
feuille blanche pour faire moins
cher et c’est ce que s’apprête à faire
Free d’autant qu’il y a de la marge ! », précise M. Teulade qui insiste
sur la cherté des prix et notamment sur le SMS généralement facturé plusieurs fois « son prix de
revient, qui est très faible ».
«Ils se sont habitués à un certain
train de vie et nous allons changer
cela », dit une source interne chez
Iliad, maison mère de Free. Et
d’ajouter : « Nous voulons que
notre offre soit la plus attractive
possible, sur le prix mais aussi sur
les modalités : nous serons transparents et flexibles, les clients sauront
ce qu’ils payent. »
Mais Free ne pourra pas casser
les prix à l’infini, tempère un autre
analyste qui souhaite garder l’anonymat. Car, si dans son « souci de
transparence », il sépare le coût du
téléphone portable de celui du forfait, le consommateur finira dans
la plupart des cas par acheter un
terminal et donc payer un peu plus
cher que prévu. L’offre de subvention devrait alors se faire sous la
forme d’un crédit à la consommation en partenariat avec Sofinco,
anticipent les experts sans que
Free confirme.
Selon les analystes, l’opérateur
ne pourrapas nonplus rogner éternellement sur ses marges car, comme le rappelle Hervé Collignon du
cabinet At Kearney, « les marges
des grands opérateurs français
sont loin d’être les plus élevées d’Europe et sont par exemple en dessous de ce qui se passe en Italie ».
Marge de manœuvre
Pour autant, le cabinet de
conseil crédite Free d’une part de
marché de 8 % d’ici quatre ans, soit
presque 6 millions de clients.
Outre la fidélité des « Freenautes »
qui lui est acquise et son agressivité sur les prix, Free devrait bénéficier du fait que le nombre de cartes
sim par habitant est plus bas
qu’ailleurs en Europe. « Contrairement à ce que l’oncroit, ilreste encore des gens à équiper », fait remarquer M. Collignon. Les statistiques
le confirment : selon une étude du
cabinet, en 2010 la pénétration du
téléphone mobile était de 101 % en
France, contre 120 % au RoyaumeUni ou encore 157 % en Italie.
Pourtant, l’arrivée de Free commence déjà à bouleverser le marché.Bien, qu’ils comptent sur «l’accompagnementdu client et la supé-
riorité de leur service en magasin »,
les opérateurs historiques ont
déployé une série de mesures
pour anticiper l’événement et la
baisse des tarifs que cela ne manquera pas d’engendrer.
SFR clame que sa nouvelle offre
Eden n’a rien à voir avec le nouveauconcurrent. Il n’empêche,lancée en juin dernier, celle-ci prévoit
la baisse du prix du forfait dès que
le téléphone est payé. « Or c’est à ce
moment-là qu’ils se font leur marge sur le terminal ! », souligne
M. Colignon. Même chose pour les
forfaits Red de SFR, Sosh d’Orange
ou Be & you de Bouygues vendus
très peu cher sur Internet. « Ces
actions d’anticipation détruisent le
marchéenle faisant baisser», explique l’analyste.
Seul Orange a une marge de
manœuvre. Selon une source proche du dossier, l’opérateur se verrait reverser près d’un milliard
d’euros en trois ans par le nouvel
arrivant en redevance pour l’usage
de son réseau. A comparer avec un
chiffre d’affaires de 10,8 milliards
d’euros dans la téléphonie mobile
en 2010. p
Sarah Belouezzane
En gardant ses modalités secrètes, Free attise la curiosité autour de sa nouvelle offre. THOMAS COEX/AFP
Les prêts toxiques
de Dexia coûtent
cher au conseil
général du Rhône
Pour l’opposition PS, le surcoût est de 400millions
d’euros, soit «treize ans de budget logement»
U
n surcoût de 400 millions
d’euros, à ce jour la plus
grosse facture de toutes les
collectivités territoriales françaises ! Mardi 29 novembre, les élus
d’opposition du conseil général du
Rhône, présidé par le garde des
sceaux Michel Mercier, devaient
dévoiler leur estimation du coût
des « emprunts toxiques » – assis
sur des paramètres exotiques et
des formules complexes risquant
de faire exploser le coût de la dette
– dans les années 2000.
Une opération « vérité » sur les
finances du département, dans un
dossier où, estime Thierry Philip,
conseiller général socialiste et maire du 3e arrondissement de Lyon,
« M. Mercier fait preuve d’un manque de transparence et minimise les
risques, au détriment de l’intérêt
général.»
Décidés à faire la lumière, à
l’échelle du département, sur ce
scandale des prêts risqués, les élus
de gauche ont travaillé d’arrachepied pour évaluer la façon dont
leur taux d’intérêt pourrait évoluer ainsi que le coût final pour la
collectivité.
Le chiffrage de 400 millions
d’euros auquel ils parviennent a
été élaboré avec un expert, Emmanuel Fruchard, conseiller municipal PS de Saint-Germain-en-Laye
(Yvelines) et ancien financier.
C’est la somme que devra payer
le Rhône pour rembourser sa dette
au cours des dix-huit prochaines
années. Et que Dexia demanderait
auconseil généralsi celui-ci voulait
« sortir » de ces crédits à hauts risques pour les convertir en prêts
classiques à taux fixe, et sécuriser
ainsi sa dette.
« La grande inconnue, c’était la
perte latente pour le conseil général
du Rhône. On connait à présent la
vérité, déclare M. Fruchard. Il s’agit
d’une pénalité record ! » A titre de
comparaison, dans une affaire où
les risques sont fonction des marchésfinanciersetsontdonc trèsdifficiles à évaluer, le surcoût de ces
crédits était évalué à 58 millions
d’euros pour la ville d’Asnières
(Hauts-de-Seine) fin 2010.
« A bras-le-corps »
Pour le Rhône, la facture a été
accrue par la crise de la zone euro,
qui a fait évoluer les paramètres
des prêts d’une manière très défavorable et grimper les taux d’intérêts. « Les taux de certains crédits
dépendaient de l’évolution du
franc suisse contre l’euro et depuis
la crise, le franc suisse a beaucoup
monté », explique M.Fruchard.
Sur 23 emprunts souscrits
entre 1999 et 2010 pour 948,5 millionsd’euros, sept créditsreprésentant 483,9 millions seraient toxiques, dont cinq très toxiques. C’est
54 % de la dette sur cette période.
« Il est temps pour M.Mercier
d’ouvrir tous les livres et de prendre
le problème à bras-le-corps », estiment les élus socialistes du Rhône,
rangés derrière M. Philip. L’opposition souhaite que soit levée ce
qu’elle qualifie « d’épée de Damoclès » sur les finances publiques,
alors que, souligne-t-elle, « l’essentiel, des risques liés à ces prêts se
matérialisera après 2014 ».
Ces crédits ont en effet été
conçus pour faire faire des économies aux collectivités mais après
quelques années, au terme de cette bonification, leur taux s’envole
et rapporte beaucoup d’argent à la
banque.
Au nom de l’opposition, M.Philip demande à M.Mercier de déposer une plainte contre Dexia :
« 400 millions, c’est treize ans de
notre budget logement, deux ans
et demi du budget collèges ou encore deux ans de RSA ! », conclut-il. p
Anne Michel
Les Chinois sont prêts à investir leurs réserves financières en Europe
Lou Jiwei, patron du fonds souverain China Investment Corporation, vise en particulier les projets d’infrastructures
Shanghaï
Correspondance
L
’Europe, ses entreprises, ses
infrastructures… Voilà les
prochaines cibles de la Chine
et de ses colossales réserves de
change. En 2012, Pékin enverra
une délégation d’investisseurs
chinois pour « acquérir des entreprises européennes », a prévenu,
lundi 28 novembre, le ministre du
commerce, Chen Deming. « La
Chine veut investir son important
excédent commercial et ne veut
pas détenir des milliards qui se
déprécient », a-t-il argumenté.
Le même jour, dans un entretien au Financial Times, Lou Jiwei,
le patron du fonds souverain
China Investment Corporation
(CIC), s’est dit disposé à engager
ses fonds dans les infrastructures
en Europe et aux Etats-Unis, « qui
ont
sérieusement
besoin
d’investissement », et surtout au
Royaume-Uni.
« Les dépenses dans les infrastructures sont un important
moyen de stimuler la consommation et encouragent la croissance
économique », fait valoir Lou Jiwei
Or, les Chinois souhaitent désormais « investir, développer et opérer les projets », alors qu’ils étaient
jusqu’à présent confinés au rang
de seuls prestataires.
Lou Jiwei s’est déjà rendu à
Rome, en septembre, pour étudier
les opportunités. Mais l’Italie cherchait surtout à céder de la dette.
Trop risqué pour le CIC et ses
410 milliards de dollars que Lou
Jiwei est chargé de gérer en bon
père de famille. Le fonds cherche
du tangible. « Ils sont sous très forte visibilité, car sur les blogs on lit
souvent que les réserves sont l’argent du peuple », constate un
étranger en contact avec le CIC.
Les premiers investissements
du fonds – officiellement lancé en
2007 – furent d’ailleurs malheureux. CIC avait placé 3 milliards de
dollars dans le « hedge fund » américain Blackstone, puis 5 milliards
dans la banque d’affaires américaine Morgan Stanley, deux sociétés
qui ont enregistré de lourdes pertes avec la crise de 2008-2009. Lou
Jiwei et ses subalternes avaient
alors été accusés d’avoir fait des
folies avec l’argent des Chinois.
Aujourd’hui, Lou Jiwei, 60 ans,
semble destiné à de nouvelles responsabilités dans le domaine des
finances. Cela devrait se faire lors
de la passation de pouvoir au sommet de l’Etat-parti, fin 2012.
«La Chine veut
investir son
important excédent
commercial»
Chen Deming
ministre du commerce chinois
Nicholas Lardy, spécialiste de
l’économie chinoise au Peterson
Institute, décrit Lou Jiwei comme
un « technocrate financier », au
même titre que le gouverneur de
la banque centrale, Zhou Xiaochuan. « Que ces décideurs soient
choisis pour leurs talents plus que
leurs connexions politiques est un
signe de progrès de l’administration », juge-t-il.
Formé à la prestigieuse université de Tsinghua, en 1978, Lou
Jiwei a ensuite étudié l’économétrie à l’Académie des sciences
sociales, institution qui lui garantit une passerelle dans l’administration. Il a été nommé en 1988 à la
commission des réformes de
Shanghaï. Le maire de la ville, à
l’époque, est le futur premier
ministre Zhu Rongji, qui fait de
Lou Jiwei un de ses protégés.
Dean LeBaron, l’investisseur de
Boston, devenu un ami à cette
période, se souvient d’un homme
curieux et pragmatique, qu’il sort
au restaurant lorsqu’il vient aux
Etats-Unis au début des années
1990 : « Il voulait essentiellement
rencontrer les vraies gens, savoir
comment ils vivent. »
Envoyé ensuite faire ses classes
à la campagne, dans la province
du Guizhou, Lou Jiwei explique
alors à un correspondant du Washington Post que le Parti doit présenter des résultats économiques,
ou alors le peuple, ouvert sur le
monde extérieur, se retournera
contre lui.
Un constat qui sera plus que
jamais d’actualité lorsqu’il sera
placé, en 2007, à la tête du CIC,
chargé d’obtenir de meilleurs rendements que les simples bons du
Trésor américain.
Pour Lou Jiwei, la priorité doit
donc aller au tangible : infrastructures, mais aussi ressources naturelles. Le 10 août, CIC et GDF Suez
ont ainsi annoncé un accord par
lequel le fonds souverain a acquis
30 % des activités d’exploration et
de production du groupe français.
Selon Gérard Mestrallet, PDG
de GDF Suez, les critères d’implica-
tion de CIC sont de nature à rassurer : participation minoritaire,
investissement amical, présence
de long terme, guidée par la logique du marché. « L’accord avec CIC
est un label disant que nous sommes des alliés de la Chine, nous
avons été sélectionnés et certaines
concrétisations pourraient se faire
hors de Chine », souligne M. Mestrallet, qui connaît Lou Jiwei
depuis 2007 et ne tarit pas d’éloges à son sujet : intelligent, doté
d’une hauteur de vue, pas arrogant. p
Harold Thibault
0123
économie
Mercredi 30 novembre 2011
15
Shiseido veut devenir un «acteur mondial
représentatif de l’Asie»
Hisayuki Suekawa, PDG du groupe de cosmétique, vise 50% des ventes hors du Japon en 2017
Entretien
Tokyo
H
isayuki Suekawa, 52 ans,
PDG de Shiseido, cinquième groupe mondial de cosmétiques (45 000 employés,
6,4milliardsd’euros de chiffre d’affaires), dévoile sa stratégie.
La manière de consommer des
Japonais a-t-elle été modifiée
par la catastrophe du 11 mars ?
Après ce séisme majeur, les
consommateurs ont continué à
acheter, même des produits chers.
Cette tendance, observée avant le
11 mars, s’est même accentuée.
A-t-il fallu rassurer les consommateurs ?
Pour nous, la fonction d’un produitde beautécompte,mais c’est la
valeur de la marque qui fait acheter. Depuis les années 1990, les
consommateurs ont été confrontés à plusieurs incidents dans la
chaîne agroalimentaire, avec des
produits périmés ou des origines
falsifiées.Ilssedemandent àquifaire confiance. Là, c’est encore plus
vrai avec les risques de radioactivité liés à la centrale nucléaire. Il a fallu les rassurer.
Vos usines au Japon fonctionnent-elles normalement ?
Oui. Le site qui était dans la
zone sinistrée a été remis en marche quinze jours après le sinistre.
Depuis 2008, le groupe essaie
de s’internationaliser
davantage, mais le chiffre d’affaires reste majoritairement réalisé au Japon. Quels sont vos
objectifs ?
Depuis 2008, le chiffre d’affaires de Shiseido a baissé dans l’Archipel. C’est la raison pour laquelle
nous devons rétablir notre activité
sur notre marché.
Nous sommes présents en
Chine depuis trente ans. La croissance y est énorme mais la concurrence sévère. Enfin, dans la zone
asiatique, hors Japon et Chine, la
hausse du revenu moyen des
consommateurs est devenue une
réalité.
Désormais, nous souhaiterions
cibler des clients qui consomment
des produits « mass-tige », entre
les produits de masse et le prestige. Pour ce segment de marché,
nous avons les marques Za, Senka
et Tsubaki, présentes en Chine ou
dans les pays asiatiques.
Dans le programme triennal
adopté en 2011, nous visons une
augmentation annuelle de 10 % du
chiffre d’affaires à l’international.
A plus long terme, en 2017, notre
objectif est d’atteindre 50 % du
chiffre d’affaires à l’international
(contre 42,9 % aujourd’hui).
Notre objectif est de devenir
l’acteur mondial représentatif de
l’Asie dans dix ans. Ce n’est pas
évident, chaque groupe a sa stratégie. Notre groupe est né voici presque 140 ans et est imprégné de
culture japonaise. Nous ne pouvons pas concurrencer L’Oréal ou
Procter & Gamble en termes de
ventes ou de capitalisation boursière.
Quel est l’impact d’un yen très
fort pour Shiseido ?
En fait, l’impact est léger puisque notre groupe n’est pas exportateur. Nous fabriquons aux EtatsUnis pour le marché américain ;
en Chine pour le marché chinois ;
au Vietnam pour le reste de l’Asie.
Dans le parfum, vous allez
perdre la licence de Jean Paul
Gaultier en 2016. Comment
comptez-vous compenser ce
manque ?
Nous maintiendrons nos
efforts pour bien les vendre jusqu’à cette date. En juillet, nous
avons lancé le premier parfum du
couturier Elie Saab. Nous pensons
réitérer ce genre de lancement,
obtenir d’autres marques et aider
les efforts de développement de
BPI (la filiale parfum basée à Paris).
Après deux années de baisse,
en2008 et 2009, quand retrouverez-vous une croissance forte ?
Nous avons constaté en 2010
une reprise du volume d’affaires
en dehors du Japon. Depuis avril,
malgré l’impact négatif du séisme
qui nous a beaucoup affectés, nous
essayons de rétablir les ventes sur
notre marché domestique. En 2011,
nous prévoyons – 0,5 % sur le marchéjaponais,tandisquenousattendons + 3,9 % à l’international. Au
total, nous visons une croissance
de 1,4 % (à 680 milliards de yens).
Olympus est au cœur d’une crise
de gouvernance. Cela incite-t-il
Shiseido à modifier son propre
fonctionnement ?
L’organisation actuelle de notre
conseil d’administration a été
mise en place en 2006. Tous les
administrateurs, dont deux extérieurs, sont très actifs. Ils n’hésitent pas à donner leur opinion. Ils
sont loin d’être « trop gentils ». p
Propos recueillis par
Philippe Mesmer
(correspondance)
et Nicole Vulser
JÉRÉMIE SOUTEYRAT POUR « LE MONDE »
Le nombre d’acheteurs de produits cosmétiques en Chine
a-t-il dépassé celui du Japon ?
C’est bien possible. La population « cosmétique » en Chine a
franchi les 100 millions de personnes en 2010. Les prévisions font
état de200millions de consommateurs potentiels en 2015 et de
350 millions en 2020.
Le label « made in Japan » est-il
important ?
C’est rassurant. Surtout en
période de crise. Même si la production se fait en Chine ou aux
Etats-Unis, les dix centres de
recherche et développement dans
le monde bénéficient toujours de
l’appui technique des équipes
japonaises.
Après le rachat de la marque californienne Bare Escentuals, en
2010, êtes-vous prêt à de nouvelles acquisitions ?
Nous envisageons activement
d’acheter d’autres sociétés, si elles
correspondent à des segments qui
nousmanquent,sil’onpeutenvisager des synergies et si ces marques
peuvent être développées.
Quand le rouge à lèvres
redonne estime et courage
Tsuneyuki Abe, professeur de psychologie de l’université Tohoku de
Sendai, ignorait que ses travaux
allaient être expérimentés dans
des conditions extrêmes, après le
tremblement de terre du 11mars.
Cet universitaire assurait que le
fait de prendre soin de sa peau
avait un effet apaisant et pouvait
agir comme antidote au sentiment
de malheur. Il s’était aussi attaché à
démontrer que le geste de se
maquiller peut donner du courage
aux femmes.
C’est ce qu’a vérifié sur le terrain
Miyako Okamoto, la maquilleuse
la plus cotée de Shiseido. Celle qui
s’occupe habituellement d’embellir stars ou mannequins pour les
publicités ou les défilés de mode, a
participé, comme 359 bénévoles du
siège à Tokyo, aux actions d’aide
aux victimes du tsunami mises en
place par le groupe.
Miyako Okamoto est partie sur
les lieux «fin avril. Nous sommes
arrivés dans des paysages dévastés», raconte-t-elle. Les bénévoles
ont d’abord proposé aux réfugiés
des massages des mains et du visage. «Ils habitaient dans des refuges,
des écoles, des gymnases. Des cartons leur servaient à s’isoler, trouver
un peu d’intimité », dit-elle.
Shiseido avait envoyé massivement des produits d’hygiène de
première nécessité dans les
régions de Fukushima, Iwate et
Miyagi. Des produits à utiliser sans
eau, comme 10 000 bouteilles de
shampooing sec, autant de flacons
de savon liquide et de désinfectant
pour les mains. Avant de faire parvenir aux sinistrés une seconde
donation de 90000 démaquillants, des milliers de tubes de
crème pour les mains…
Miroirs
«Un mois après le séisme, les
femmes ne pensaient pas à se
maquiller, ce n’est qu’après qu’elles
ont souhaité retrouver ces gestes de
soins quotidiens, dit Miyako Okamato. Il faisait froid et les réfugiées
portaient des masques. On ne
voyait donc que leurs yeux et leurs
sourcils, que nous avons maquillés.
C’est la partie du visage la plus
importante pour les Japonaises.»
Un peu plus tard, les femmes
qui travaillaient de nouveau ont
recommencé à mettre du rouge à
lèvres. Cela leur donnait du courage. A leur demande, les sinistrées
ont aussi reçu des miroirs. «Le fait
de se maquiller permettait aux femmes de retrouver une estime d’ellesmêmes et rassurait aussi leurs
enfants, qui retrouvaient le visage
familier de leur mère», assure
Miyako Okamoto.
Mi-novembre, 71 565personnes
n’avaient toujours pas regagné
une maison et restaient dans des
logements précaires. Neuf cent
trente étaient encore abritées dans
des refuges, selon les autorités. p
N. V.
LÚon
confLuence
Laboratoire
de renaissance
eXPosition du 30 novembre 2011
au 29 janvier 2012 / entrée Libre
Cité de l’arChiteCture & du patrimoine
palais de Chaillot - 7 avenue albert de mun
paris 16 - m o troCadéro - CiteChaillot.fr
© HdM MDP - JP Restoy - Conception : Guillaume Lebigre
Tokyo
Envoyée spéciale
16
0123
économie
Mercredi 30 novembre 2011
Pertes & Profits | Chronique
Par Stéphane Lauer
Point de non-retour
En Afghanistan, l’Inde concurrence
la Chine dans l’exploitation minière
Un consortium a remporté un appel d’offres pour une mine de fer située à l’ouest de Kaboul
Facebook
I
ra. Ira pas. Pas un mois ne
s’écoule sans que l’hypothèse
d’une introduction en Bourse
de Facebook ne soit évoquée dans
les médias. Dernier épisode en
date : le Wall Street Journal annonce, mardi 29 novembre, que le
réseau social pourrait être coté
à New York entre avril et juin 2012.
Cette rumeur n’est pas la première, mais pourrait être… l’une
des dernières. Car plus le temps
passe, moins Mark Zuckerberg,
le fondateur de Facebook, aura de
marge de manœuvre pour retarder encore ce qui s’annonce comme l’une des plus grosses introductions en Bourse de l’histoire.
Pourtant, les raisons d’hésiter
ne manquent pas. La faible visibilité qu’offrent les marchés n’incite
guère à se lancer dans l’aventure.
Et quand on regarde le parcours
de ceux qui ont essuyé les plâtres
ces dernières semaines, il n’y a, de
fait, pas de quoi pavoiser.
Groupon, le site d’achat sur
Internet, après s’être envolé dans
la foulée de son introduction, s’est
effondré de 36 % au cours de la
semaine de Thanksgiving. LinkedIn, le réseau social professionnel,
connaît aussi un sérieux coup de
mou boursier, même si son cours
reste encore supérieur à son prix
d’introduction.
Mais comparaison n’est pas raison. D’autant que Facebook ne
peut plus tellement reculer. D’ici
àla fin de l’année, la start-up comptera plus de 500 actionnaires. Or
la Securities and Exchange Com-
mission, le régulateur des marchés financiers américains, oblige
les sociétés, au-delà de cette limite, à une publication plus approfondie de leurs informations
financières, notamment celles qui
concernent la rentabilité. Pour
Facebook, l’obligation doit s’appliquer à partir d’avril 2012.
Bien sûr, Mark Zuckerberg, qui
pendant longtemps n’a pas caché
ses réticences à introduire sa société en Bourse, peut se plier à ces
obligations légales sans aller jus-
Toute la planète
financière fantasme
sur l’entrée en Bourse
du réseau social
qu’à Wall Street. Le problème est
qu’il aurait tous les inconvénients
de la transparence financière, sans
en avoir les avantages.
Facebook est valorisé 100milliards de dollars (75 milliards d’euros). Même si l’entrée en Bourse
ne portait que sur environ 10 % du
capital, cela ferait beaucoup d’argent. Aujourd’hui, toute la planète
financière fantasme sur cette opération. Malgré les vicissitudes des
marchés, la magie opère encore.
Une fois ses comptes publiés, Facebook arrivera-t-il à entretenir son
propre mythe ? Comme disait
Georges Clemenceau : « Le
meilleur moment de l’amour, c’est
quand on monte l’escalier. » p
Retrouvez Pertes & Profits sur le Net :
lauer.blog.lemonde fr
Le Conseil d’Etat contraint
le gouvernement à relever
les tarifs du gaz cet hiver
La haute juridiction, saisie par des concurrents
de GDF Suez, a jugé le gel des prix illégal
I
l arrive que l’Etat ne respecte
pas une règle qu’il a édictée et
que le Conseil d’Etat soit làpour
le rappeler à l’ordre. C’est ce que la
haute juridiction administrative a
fait, lundi 28 novembre. Saisie en
référé par l’Association nationale
des opérateurs détaillants en énergie(Anode),regroupantles fournisseurs alternatifs (Direct Energie,
Poweo, Altergaz…), elle a émis « un
doute sérieux sur la légalité » du gel
des tarifs du gaz. Décidé au printemps, après la hausse de 5,2 %
intervenue au 1er avril, ce blocage
s’est appliqué au 1er juillet et a été
confirmé au 1er octobre.
La haute juridiction a donné un
mois à l’Etat pour revoir sa copie.
Le ministère de l’industrie a immédiatement répondu que le nouvel
arrêté tarifaire sera «conforme à la
décision du Conseil d'Etat », sans
dire s’il augmenterait les prix.
Coûts d’approvisionnement
Certes, syndicats et associations
de consommateurs dénoncent des
hausses (+ 60 % depuis 2005) qui
entraînent une montée alarmante
de la précarité énergétique. Mais
on voit mal comment le gouvernement pourra y échapper. Même si
c’est en plein hiver et à quelques
mois de l’élection présidentielle.
Le Conseil va d’ailleurs dans le
même sens que la Commission de
régulation de l’énergie (CRE). Celleci estime que les prix payés par les
9,7 millions de foyers utilisant le
gaz naturel auraient dû augmenter – de 8,8 % à 10 % – au 1er octobre
pour refléter les coûts d’approvisionnement des fournisseurs.
Lemontant de la facture des particuliers dépend des termes des
contrats à long terme. Le prix payé
par GDF Suez au norvégien Statoil,
au russe Gazprom ou à l’algérien
Sonatrach est largement indexé
sur les cours du pétrole. Il dépend
peu (10 %) des prix du gaz à court
terme (spot), plus favorables
depuis 2009. En mars, la CRE avait
proposé de porter cette part à 30 %,
afin de limiter la hausse des tarifs.
En septembre, elle suggérait
même, au nom de la concurrence,
d’abandonner les tarifs réglementés, tout en accroissant le nombre
de bénéficiaires des tarifs sociaux.
Gérard Mestrallet, le PDG de
GDF Suez, réclame « une règle du
jeu claire ». Le blocage a entraîné
un manque à gagner de 398 millions d’euros en 2011 pour le groupe. Et il affecte le cours de Bourse
de la société : au printemps, l’action avait décroché après l’annonce du gel ; lundi, elle a engrangé
7,72 % (à 19,53 euros) après la décisionduConseild’Etat,dansunmarché en forte hausse (+ 5,46 %).
Cette perte, considérable, ne
menace pas la survie de ce quasimonopoleconservant plus de 90 %
du marché. Cela explique que, tout
en déposant aussi un recours
devant le Conseil d’Etat, mi-octobre, GDF Suez n’a pas jugé bon de
suivre la procédure d’urgence du
référé. Le groupe était même prêt à
transiger : limiter la hausse d’octobre à 5 % et porter de 400 000
à 1,5 million le nombre de foyers
bénéficiant des tarifs sociaux.
En revanche, le Conseil d’Etat
a jugé qu’en affectant la marge des
petits concurrents de GDF Suez, le
blocage des tarifs « compromet
leurprésence sur lemarché de la distribution de gaz » et « l’objectif
public d’ouverture de ce marché à
la concurrence », généralisée le
1er juillet 2007. p
Jean-Michel Bezat
New Delhi
Correspondant régional
U
n consortium de sept entreprises indiennes, mené par
l’entreprise publique State
Authorityof India Ltd (SAIL),a remporté, lundi 28 novembre, l’appel
d’offres pour l’exploitation, en
Afghanistan, d’une mine de fer
située à Hajigak, dans la province
de Bamiyan, à 130 kilomètres
à l’ouest de Kaboul.
Cette « percée » indienne sur les
mines afghanes est une première.
Elle survient quatre ans après que
la compagnie publique chinoise
Metallurgical Corporation of
China (CMC) avait enlevé la concession sur la mine de cuivre d’Aynak,
à 40 kilomètres au sud de Kaboul.
Ces deux contrats sont les premiers d’une série d’investissements miniers sur lesquels le gouvernement afghan compte beaucoup pour élargir son autonomie
financière, alors que le retrait, prévu en 2014, des troupes de l’OTAN
va se traduire par un assèchement
des subsides internationaux.
Selon une évaluation du Pentagone, l’Afghanistan est riche d’un
potentiel minier – fer, cobalt, cuivre, or, chromite, lithium, pierres
précieuses (lapis-lazuli…) – évalué
à 1 000 milliards de dollars
(750 milliards d’euros). Les autorités locales évoquent la somme de
3 000 milliards de dollars. Ces
richesses minérales, à ce jour inexploitées du fait de l’insécurité et de
l’absence d’infrastructures, attisent l’appétit des puissances régionales, parmi lesquelles la Chine et
l’Inde sont les plus actives.
Le succès indien vient rééquilibrer une « lutte » qui a jusqu’alors
tourné à l’avantage de la Chine.
«C’estlapremière foisqu’unconsortium indien remporte un [appel
d’offres] sur une mine d’importance », écrivait, mardi 29 novembre,
le quotidien indien The Economic
Times. Le journal se félicitait qu’un
tel gain « renverse [la] tendance
déprimante de ces dernières
années, où les candidats indiens
échouaient à acquérir des actifs à
l’étranger, perdant principalement
contre les groupes chinois ».
En mettant la main sur les trois
« blocs » d’Hajigak, l’Inde aura
accès à un gisement de 1,8 milliard
de tonnes de minerai riche d’un
taux de fer de 62 %. Un quatrième
bloc a été remporté par la firme
canadienne Kilo Goldmines.
La réserve est considérée comme l’une des plus importantes au
monde. Le montant de l’investissement n’a pas été rendu public,
mais le ministère afghan des
mines mentionne « des milliards
de dollars ». Certaines sources évoquent 6 milliards de dollars, soit
plus que l’investissement chinois
(4 milliards de dollars) sur la mine
de cuivre d’Aynak.
Considérations stratégiques
Les Indiens n’ont pas ménagé
leurs moyens pour séduire
Kaboul, regroupant les forces de
sept entreprises, publiques et privées. S’inspirant de la méthode utilisée par les Chinois, le consortium
va investir sur l’extraction, mais
aussi sur des infrastructures et
équipements annexes. Il s’est ainsi engagé à financer une fonderie –
d’une capacité de production de
7 millions de tonnes d’acier – et un
réseau de chemin de fer. Selon certaines sources, celui-ci serait long
de 900 kilomètres et permettrait
d’exporter le minerai ou l’acier
vers l’Iran.
La décision de Kaboul doit beaucoup à des considérations stratégiques. L’Afghanistan cultive une
amitié politique ostensible avec
l’Inde dans le but d’alléger la pression du Pakistan, soupçonné de
soutenir en sous-main l’insurrection des talibans afghans.
Cepari stratégiquepourrait aussi aboutir à hypothéquer les ambitions indiennes. Le site d’Hajigak
se situe en effet à la charnière de
deux provinces, celles de Bamiyan
etdeWardak.Si la premièreestrelativement pacifique, la seconde est
un bastion des talibans. Dans un
contexteoùtoute formede présenceindienne en Afghanistan inquiète le Pakistan, le risque de voir les
installations d’Hajigak visées par
des attaques des talibans ne doit
pas être sous-estimé. p
Frédéric Bobin
Conjoncture et vie des entreprises
Consommation Les ventes
de détail sont
en hausse au Japon
Finance
Les ventes de détail au Japon ont
progressé en octobre de 1,9 %, portées par un bond des achats de
véhicules motorisés (+22,7 % par
rapport à octobre 2010). – (AFP.)
NEW YORK. Le juge new-yorkais Jed Rakoff a récusé un accord amiable
entre la Securities and Exchange Commission (SEC, contrôleur des marchés financiers américains) et Citigroup. En 2007, la banque avait placé
auprès d’investisseurs un produit financier hypothécaire pour 1 milliard
de dollars (750 millions d’euros), alors qu’elle misait en Bourse sur la chute de son cours. Ses clients avaient perdu 700 millions de dollars quand
Citigroup en avait gagné 160. La SEC avait négocié un abandon des poursuites contre un versement de 285 millions de dollars. L’accord n’est « ni
juste, ni raisonnable, ni adéquat, ni au service de l’intérêt public » et il
«empêche l’opinion de connaître la vérité », a tranché le juge accusant
Citigroup d’être un « récidiviste ». Depuis 1999, la banque, accusée à huit
reprises de fraude par la SEC, était parvenue à un accord amiable. Cet
arrêt «place la SEC en position difficile », juge Robert Brown, professeur
de gouvernance d’entreprise à Denver (Colorado). p Sylvain Cypel
Finance Nomura
a réduit son exposition
à la dette italienne
Le groupe japonais de services
financiers Nomura a annoncé, lundi 28 novembre, avoir réduit de
83 % son exposition à la dette de
l’Italie entre fin septembre et fin
novembre. Nomura, qui détenait
2,81 milliards de dollars (1,7 milliard d’euros) d’obligations en Italie, n’en possède plus que 467 millions de dollars, et a amoindri son
exposition aux obligations espagnoles et grecques. – (AFP.)
La justice américaine tance la SEC
ont annoncé, lundi 28 novembre,
des pertes sur neuf mois dues à la
décote des obligations d’Etat grecques (– 575 millions d’euros pour
la première et – 566 millions d’euros pour la seconde). – (AFP.)
Lourdes pertes pour
deux banques grecques
Transports Echec de la
médiation chez SeaFrance
Les deuxième et troisième banques grecques Eurobank et Alpha
Bank, qui vont fusionner en 2012,
Le médiateur nommé dans le dossier SeaFrance, société en liquidation judiciaire, n’a pas réussi, lun-
Marchés
di 28 novembre, à mettre d’accord
administrateurs judiciaires et syndicats qui réclament une reprise
des traversées vers l’Angleterre.
Cet accord devait permettre de réaliser un bilan technique des navires de la compagnie d’ici au
12décembre, afin qu’ils puissent
reprendre la mer. Ce sera au juge
des référés du tribunal de Paris de
trancher; il doit prendre une
ordonnance le 6 décembre. – (AFP.)
Le groupe français d’électronique
de défense Thales a décidé d’exercer l’option qui lui permet de monter de 25 % à 35 % dans le capital de
la société de construction navale
militaire DCNS, selon LaTribune
du 29 novembre. Un conseil d’administration convoqué pour le
15décembre pourrait donner son
feu vert à l’opération.
Distribution Non-respect
du smic : Carrefour
est débouté en cassation
La Cour de cassation a rejeté un
pourvoi de Carrefour qui avait été
condamné pour non-respect de la
réglementation sur le calcul du
smic. L’arrêt, rendu le 22 novembre et porté à la connaissance du
public lundi 28 novembre, « consacre le fait que l’incorporation du
temps de pause dans le salaire de
base constitue (…) une infraction
pénale», a déclaré Me Bertrand Salquain, l’avocat de la CFDT à l’origine de la procédure. – (AFP.)
Retrouvez l’ensemble des cotations sur notre site Internet :http://finance.lemonde.fr
LES BOURSES DANS LE MONDE 29/11, 9h47
VALEURS DU CAC40
Mardi 29 novembre 9h45
Valeur
Défense Thales pourrait
monter à 35 %
dans le capital de DCNS
Pays
Dernier
cours
Cours
préc.
ACCOR .........................◗
19,04
AIR LIQUIDE .......................◗ 89,26
ALCATEL-LUCENT ...........◗
1,22
ALSTOM ............................◗
23,70
ARCELORMITTAL................
12,42
AXA ....................................◗
9,72
27,48
BNP PARIBAS ACT.A ........◗
BOUYGUES .......................◗ 23,20
CAP GEMINI ......................◗ 25,86
CARREFOUR .....................◗
18,52
CREDIT AGRICOLE ............◗
4,24
DANONE ............................◗ 47,34
21,23
EADS ...................................◗
EDF ......................................◗
19,26
ESSILOR INTL ....................◗
51,54
FRANCE TELECOM ............◗
12,12
GDF SUEZ ...........................◗
19,33
LAFARGE ...........................◗ 24,55
L’OREAL ............................◗
77,22
LVMH MOET HEN. ............◗ 112,25
MICHELIN...........................◗ 44,80
PERNOD RICARD...............◗
68,15
PEUGEOT............................◗
12,94
PPR .....................................◗ 104,60
PUBLICIS GROUPE ...........◗
33,35
RENAULT............................◗
25,74
SAFRAN ..............................◗
21,55
29,11
SAINT-GOBAIN..................◗
SANOFI ...............................◗
49,73
SCHNEIDER ELECTRIC .....◗
38,78
SOCIETE GENERALE .........◗
16,61
STMICROELECTR. .............◗
4,47
SUEZ ENV. ..........................◗
9,16
TECHNIP.............................◗ 66,80
TOTAL .................................◗ 36,52
UNIBAIL-RODAMCO ........◗ 130,85
VALLOUREC .......................◗ 44,64
VEOLIA ENVIRON. .............◗
8,77
VINCI...................................◗ 30,67
VIVENDI ..............................◗
16,05
19,22
90,15
1,24
24,07
12,67
10,01
28,52
23,28
26,16
18,89
4,44
47,39
21,36
19,40
51,48
12,25
19,53
25,03
77,36
111,50
45,03
67,97
13,12
105,45
33,54
25,98
21,36
29,29
50,33
39,09
17,35
4,57
9,43
67,22
37,01
132,85
44,98
8,86
30,98
16,23
% var.
/préc.
% var.
31/12
Plus
haut
-0,96 -42,84
-0,99 -5,68
-1,13 -43,85
-1,52 -33,82
-1,97 -53,93
-2,86 -21,90
-3,66 -42,29
-0,37 -28,09
-1,18 -25,98
-1,96 -31,26
-4,44 -55,39
-0,09 0,69
-0,63 21,73
-0,72 -37,25
0,12 6,98
-1,06 -22,28
-1,02 -28,01
-1,94 -47,69
-0,18 -7,05
0,67 -8,81
-0,51 -16,56
0,26 -3,14
-1,45 -54,47
-0,81 -12,10
-0,57 -14,49
-0,94 -40,83
0,89 -18,70
-0,60 -24,39
-1,20 3,92
-0,77 -30,74
-4,27 -58,70
-2,17 -42,27
-2,78 -40,68
-0,62 -3,33
-1,32 -7,89
-1,51 -11,59
-0,74 -43,21
-1,09 -59,92
-1,02 -24,61
-1,05 -20,52
36,20
100,65
4,47
45,32
28,55
16,16
59,93
35,05
43,38
31,98
12,92
53,16
25,39
32,75
57,72
16,65
30,05
48,76
91,24
132,65
68,54
72,78
33,60
132,20
41,84
50,53
30,50
47,64
56,82
61,83
52,70
9,73
15,99
78,14
44,55
162,95
89,58
24,30
45,48
22,07
Plus
bas
Divid.
net
Code
ISIN
17,82 0,62 T FR0000120404
80,90 2,35 T FR0000120073
1,11 0,16 T FR0000130007
21,82 0,62 T FR0010220475
10,46 0,16 S LU0323134006
7,88 0,69 T FR0000120628
22,72 2,10 T FR0000131104
20,88 1,60 T FR0000120503
21,98 1,00 T FR0000125338
14,65 1,08 T FR0000120172
3,98 0,45 T FR0000045072
41,92 1,30 T FR0000120644
17,55 0,19 T NL0000235190
17,71 0,58 S FR0010242511
46,60 0,83 T FR0000121667
11,12 0,60 A FR0000133308
17,65 0,83 A FR0010208488
22,29 1,00 T FR0000120537
68,83 1,80 T FR0000120321
94,16 0,80 A FR0000121014
40,20 1,78 T FR0000121261
56,09 0,77 S FR0000120693
11,60 1,10 T FR0000121501
90,50 3,50 T FR0000121485
29,10 0,70 T FR0000130577
22,07 0,30 T FR0000131906
20,18 0,50 T FR0000073272
26,07 1,15 T FR0000125007
42,85 2,50 T FR0000120578
35,00 3,20 T FR0000121972
14,31 1,75 T FR0000130809
3,96 0,09 A NL0000226223
8,84 0,65 T FR0010613471
52,85 1,45 T FR0000131708
29,40 0,57 A FR0000120271
123,30 2,70 D FR0000124711
38,34 1,30 T FR0000120354
8,02 1,21 T FR0000124141
28,46 1,15 S FR0000125486
14,10 1,40 T FR0000127771
Cours en euros.
◗ : valeur pouvant bénéficier du service de règlement différé (SRD). # : valeur faisant l'objet d'un contrat d'animation.
Plus haut et plus bas : depuis le 1/1/2011. n/d : valeur non disponible. A : acompte, S : solde, T : totalité.
Indice
ROYAUME UNI
ETATS-UNIS
JAPON
% var.
Maxi
2011
Mini
2011
PER
CAC 40
2978,47 29/11
-1,14
4169,87 16/2
2693,21 23/9
DAX Index
5708,03 29/11
-0,65
7600,41 2/5
4965,80 12/9
9,50
FTSE 100 index
5291,29 29/11
-0,40
6105,77 21/2
4791,01 9/8
8,50
FRANCE
ALLEMAGNE
Dernier
cours
9,30
Dow Jones ind.
11523,01 29/11
2,59
12876,00 2/5
10404,49 4/10
11,20
Nasdaq composite
2527,34 29/11
3,52
2887,75 2/5
2298,89 4/10
15,80
Nikkei 225
8477,82 29/11
2,30
10891,60 17/2
8135,79 25/11
13,30
PER - Price Earning Ratio (ou cours/bénéfice) : cours de Bourse divisé par le bénéfice par action estimé pour l'exercice
courant. PER : FactSet JCF Estimates ; données : la Cote Bleue. n/d : valeur non disponible.
(Publicité)
SICAV ET FCP
0123
LA BOUTIQUE
SÉLECTION publiée sous la
responsabilité de l'émetteur
Dernier cours connu le 29/11 à 9h
Valeur
Cours
en euro
date
valeur
CM-CIC EUROPE
19,62 25/11
Du lundi au vendredi
9 h 30 à 18 h
Samedi 10 h à 14 h
Fonds communs de placements
CM-CIC EURO ACTS C
15,13 25/11
CM-CIC SELECT.PEA
6,29 25/11
CM-CIC MID EUROPE
17,16 25/11
CM-CIC TEMPERE C
161,05 25/11
CM-CIC DYN.EUROPE
28,33 25/11
CM-CIC FRANCE C
25,16 25/11
CM-CIC EQUILIBRE C
64,81 25/11
CM-CIC DYNAM.INTLE
24,24 25/11
CM-CIC OBLI C.T.D
131,84 28/11
CM-CIC MID FRANCE
28,23 25/11
........................................................................................
........................................................................................
........................................................................................
........................................................................................
........................................................................................
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0123
décryptages ENQUÊTE
Mercredi 30 novembre 2011
17
Stéphanie Le Bars
D
’abord il y eut des rumeurs,
puis des soupçons. La vérité sur la vie sexuelle débridée du fondateur des Béatitudes, Gérard Croissant, dit
Ephraïm, finit par sourdre.
On découvrit aussi des pratiques de « guérisons psycho-spirituelles », assez proches
de la manipulation mentale. A mots couverts, la communauté bruissa encore des
dérapages liés à la promiscuité entre les
religieux et les familles.
En 2008 enfin, l’année où « Ephraïm »
fut contraint de quitter ses ouailles, le frère Pierre-Etienne Albert, chantre respecté
des Béatitudes durant des décennies, passa aux aveux. Livré à la justice par des
membresde la communauté – immédiatement ostracisés – il a reconnu 57 agressions sexuelles sur mineurs entre 1975 et
2000. Pour ces faits, l’ancien religieux,
60 ans, comparaît mercredi 30 novembre
et jeudi 1er décembre devant le tribunal correctionnel de Rodez.
Ce procès sera celui d’un homme et de
ses perversions. Mais il devrait aussi souligner l’aveuglement d’une communauté
créée en 1973, dans l’euphorie post-soixante-huitarde du « renouveau charismatique », vanté alors par l’Eglise. Et questionner l’institution catholique qui n’a pas su
mettre un terme aux débordements
d’une aventure lancée par une poignée de
croyants « touchés, disaient-ils, par la grâce ». Sans garde-fous ni formation.
Marie L., entrée dans la communauté
voilà vingt-sept ans, s’affaire dans la cuisine collective de l’ancien couvent SainteCatherine-de-Sienne, à Blagnac (HauteGaronne), un ensemble de pierres rosées
construit au XIXe siècle, à quelques kilomètres de Toulouse. Sous le regard du pape
Benoît XVI, dont le portrait orne les murs,
cette mère de famille de 54 ans affirme
« n’avoir rien su » des turpitudes commises. «Appelée par le Seigneur à vivre une vie
chrétienne », elle est chargée de nourrir la
quarantainedemembresdelacommunauté des Béatitudes qui vivent dans la « maison ». Cette propriété des dominicains
hébergeaussiladirectiondelacommunauté, la plus importante des dix-sept encore
aux mains des Béatitudes en France.
Cetteancienneinfirmière,sonmari,rencontrédans la communauté,et leurdernière fille partagent avec les six prêtres, les
treize frères, les huit sœurs et la quinzaine
de laïcs du lieu, les déjeuners, les repas du
week-end et au moins trois heures de priè-
«On n’est plus face à
des pervers, mais plutôt
face à un mode
de gouvernement
tyrannique, par la peur»
Frère Henry Donneaud
dominicain chargé par le Vatican
de réformer les Béatitudes
resquotidiennes.C’est aussiavec eux qu’elle fait front aux révélations qui éclaboussent la communauté. Le choc est d’autant
plus rude que cette « association de fidèles» fut, jusqu’en 2007, adoubée et confortée par le Vatican.
En France, les membres des « maisons »
gérées par des « bergers », religieux ou
laïcs, ont tous croisé Pierre-Etienne Albert,
qui,en sa qualité de chantre, passait de lieu
en lieu. Marie L., mère de trois enfants,
regardait « avec jalousie » les familles dont
les enfants prenaient des cours de chant
avec cet homme « très doué » pour la musique. Aujourd’hui, elle condamne « les
péchés mais pas les hommes». « Quand on
donne sa vie à Dieu, on est dans une relation de confiance envers les autres », confie
sœur Marie de la Visitation, membre
LesBéatitudesen
redressement
spirituel
Au monastère Sainte-Catherine-de-Sienne, communauté des Béatitudes de Blagnac (Haute-Garonne), le 28 novembre. GUILLAUME RIVIÈRE POUR « LE MONDE »
depuis vingt ans d’une communauté qui
lui a fait « goûter le ciel ». « Et si on a pu
entendre des choses, on a parié sur le fait
qu’il s’agissait d’une chute passagère. »
Les premièresdénonciations des agissements du religieux auprès de responsables de la communauté remontent à 1998.
« Dieu se sert aussi des pécheurs », commente la religieuse, voilée et vêtue d’une
aube blanche couverte d’une chasuble
marron. Une conviction, ou une manière
de relativiser les faits, qui n’empêche pas
cette ancienne journaliste belge de s’interroger. « Je ne sais pas pourquoi l’Eglise n’a
pas réagi. »
Frère Henry Donneaud, le dominicain
chargé par le Vatican en 2010 de remettre
de l’ordreaux Béatitudes, avance des hypothèses. En dépit d’une politesse tout ecclésiale, il remet en question l’attitude de la
hiérarchiecatholique : « Je m’étonne queles
Béatitudes n’aient pas eu un accompagnement plus fort des évêques. » Sur ce point
comme sur l’ensemble du dossier, l’épiscopat français, réticent à s’exprimer, renvoie
sur… frère Donneaud.
Disert et précis, le religieux, qui reçoit
dans une petite pièce de l’imposant couvent des dominicains, à Toulouse, poursuit : « Le fait est que l’Eglise n’est pas toujours réactive,pas toujours armée et, enl’occurrence, elle n’a peut-être pas voulu casser
une dynamique. » Face à la crise des vocations qui, dès les années 1970, menaçait de
durer, il était tentant de laisser s’épanouir
« l’idéal monastique », « la ferveur », « les
vocations» des Béatitudes.
D’emblée, des clivages sont pourtant
apparus entre les évêques qui se
méfiaient de ces communautés nouvelles
et ceux qui y croyaient. « Ces derniers les
ont peut-être protégées au risque de ne pas
prendre la mesure des problèmes », avance
le frère Donneaud. Quant aux agressions
sexuelles, « infiniment regrettables », elles
doivent être replacées « dans le contexte
général d’impréparation, voire d’aveuglement des esprits et de la société, face au drame de la pédophilie avant l’affaire
Cette communauté,
créée en 1973,
est confrontée
au procès d’un
de ses membres,
accusé d’agressions
sexuelles sur
mineurs. L’Eglise,
qui a tardé à réagir
aux scandales et aux
dérives sectaires,
tente aujourd’hui de
remettre de l’ordre
d’Outreau », précise le religieux.
Concernée au premier chef par cet
« aveuglement », Solweig Ely, victime des
attouchements de Pierre-Etienne Albert
lorsqu’elle avait 10 ans, en 1990, conserve,
elle, un souvenir précis de l’homme et de
ses gestes. Dans un livre, Le Silence et la
Honte (Michel Lafon, 261 p., 17,95 euros),
elle détaille aussi le climat « d’enfermement et de culpabilité » de la « maison » où
elle a vécu durant un an avec sa famille.
«On vivait dans l’idée que le monde extérieur était dangereux et que la communauté nous protégeait, explique la jeune femme qui témoignera au procès. Pierre-Etienne disait “le Seigneur est amour” ; un câlin,
un baiser, c’était normal et si je n’aimais pas
cela, c’est que j’étais une mauvaise chrétienne.» Une croyance adoptée par ses parents,
qui l’ont emmenée chez un exorciste.
Certains, qui aujourd’hui veulent croire à la survie de la communauté, passée en
quelques années de 1 500 à 640 membres
à travers le monde, reconnaissent des
erreurs de jugement. « On était immatures, on vivait les uns sur les autres ; il y a eu
clairement un manque de prudence », estime sœur Thérèse, entrée aux Béatitudes
en 1983, avant de partir en mission à
l’étranger.
« Notre fonctionnement était voué à
l’échec », souligne-t-elle dans une allusion à l’emprise du « berger », responsable à la fois de l’organisation de la vie
matérielle des fidèles et de leur accompagnement spirituel. « Il y avait une infantilisation dans les rapports humains et
dans le rapport avec Dieu, témoigne
Solweig Ely. Mes parents demandaient
l’autorisation au berger pour nous amener chez le médecin ! »
Marie L. a traversé toutes ces années
avec l’impression que le « bon sens » finissait par l’emporter. « Au début, les familles
vivaient au milieu des autres dans un bout
de couloir, puis on a eu notre lieu de vie à
l’écart ; et, quand mon mari a voulu retravaillerpour que l’on ait des revenus autonomes, cela s’est fait naturellement », assure-t-elle. Aujourd’hui, Marie L. travaille
toujours bénévolement. Sa famille verse
une dîme à la communauté mais jouit
d’une maison indépendante sur le terrain
du couvent.
La dépendance matérielle a constitué
l’un des éléments d’emprise sur les nouveaux adeptes, appelés à se dépouiller de
leurs biens. Aujourd’hui, les plus anciens,
religieux ou laïcs, restent liés bon gré mal
gré à la communauté pour des raisons
financières. Muriel Gauthier, « dénonciatrice » de Pierre-Etienne Albert, installée
dans l’ancienne « maison » de Bonnecombes, vit aujourd’hui « de la générosité d’un
ami », en compagnie de deux autres fidèles. Ceux-ci, assure-t-elle, « touchent le RSA
aprèsplus devingt-cinq ans passés auxBéatitudes » sans avoir jamais été ni salariés
ni déclarés.
Pour d’autres, psychologiquement fragiles, la communauté fut et demeure un
refuge, dont ils ne peuvent guère sortir.
Sœur Anna-Katarina, venue d’Allemagne
pour seconder le frère Donneaud, reconnaît que les « maisons » ont été « trop
accueillantes à des gens blessés et fragiles.
Le déclin actuel est sain car au final les choses seront plus claires ».
E
n 2007, le Vatican a enfin réagi et exigé une stricte séparation entre les
frères, les sœurs et les laïcs ainsi que
la fin de la confusion entre spirituel et psychologique. Les pratiques de guérison psycho-spirituelles, mâtinées de mysticisme
et de diabolisation, « c’est fini », assure
Henry Donneaud. S’il ne nie pas l’éclosion
dans plusieurs diocèses de telles pratiques inspirées de la communauté, il tient
à en démarquer les Béatitudes.
L’Eglise, aujourd’hui comme hier,
s’acharne à sauver cette petite communauté pour «les beaux fruits » qu’elle a donnés,
selon le frère Donneaud. Parmi les séminaristes inscrits à la faculté de théologie de
Toulouse, une bonne partie est encore
aujourd’hui composée de frères des Béatitudes quise destinent à la prêtrise… Fermer
la communauté reviendrait aussi à reconnaître l’échec des nouvelles formes d’engagement apparues dans les années 1970.
Le processus actuel « d’assainissement »
est « la dernière chance » des Béatitudes,
estimele dominicain. Unargument à l’usage de ceux qui demeurent réticents à la
normalisation en cours. « La plupart des
fidèles sontloyaux et nesouhaitent pasfonder une “contre-secte” », dit-il. Mais d’anciens responsables s’arc-boutent sur leurs
prérogatives. « On n’est plus face à des pervers, analyse-t-il, mais plutôt face à un
mode de gouvernement tyrannique, par la
peur. » Une conséquence de l’enfermementdans lequel s’est complue la communauté durant des années. En février 2012,
elle devrait élire de nouveaux responsables. Sauf si le ménage entrepris pas Henry
Donneaud n’est pas achevé. p
18
0123
décryptages l’œil du monde
Mercredi 30 novembre 2011
Pour un même salaire, des indemnités très variables
Le Monde a choisi de comparer la situation d’un travailleur à temps plein,
payé 2 000 euros bruts. Voici, en fonction de quatre statuts différents,
la rémunération d’une personne qui doit s’arrêter un mois pour maladie.
Un salarié protégé
Un fonctionnaire d’Etat
Un salarié peu protégé
Un précaire en CDD
Salarié en CDI d’une grande entreprise
de l’industrie pétrolière
Enseignant
Salarié en CDI d’une PME depuis plus d'un an
Salarié en CDD avec moins d’un an d'ancienneté
2000 1900 1490 887
€
Accord d’entreprise très favorable, qui
prévoit la prise en charge intégrale de la
rémunération le premier mois. L’employeur
compense la carence des trois premiers
jours, puis complète les indemnités de la
Sécurité sociale les jours suivants.
€
L’Etat prend en charge l’intégralité
du traitement les trois premiers mois,
mis à part certaines primes liées à l’activité,
qui restent marginales dans l’éducation
nationale, mais peuvent représenter bien
plus dans d’autres corps. L’instauration
d’un jour de carence, votée par les députés
le 16 novembre, fait toutefois perdre
un jour de traitement.
€
Le salarié ne bénéficie d’aucun accord
d’entreprise ni de convention collective plus
favorables que la loi. Aucune rémunération
pendant les trois jours de carence, puis 50 %
du salaire brut du 4e au 7e jour sont versés
par l’assurance-maladie. Les indemnités
journalières sont ensuite complétées
par son employeur du 8e au 30e jour,
pour atteindre 90 % du brut.
€
Le salarié ne bénéficie d’aucun accord
d’entreprise ni de convention collective
plus favorables que la loi. Avec cette
ancienneté, l’employeur n’est pas tenu de
verser un complément. Les indemnités
journalières de la Sécurité sociale ne sont
versées qu’à partir du 4e jour et représentent
50 % du brut.
SOURCE : ESTIMATION LE MONDE
INFOGRAPHIE LE MONDE
Arrêtsmaladie:tousinégaux!
En voulant ajouter un quatrième jour de carence aux salariés du privé,
le gouvernement a mis le nez dans un système complexe et injuste
L
a mesure passera-t-elle
cette fois-ci ? Après
avoir reculé sur la baisse
du montant des indemnités journalières, puis
sur la création d’un quatrième jour de carence pour les
salariés du privé, la majorité doit
dire, mardi 29 novembre, où elle va
trouver 220 millions d’euros à économiser sur les dépenses de santé,
principalement surles arrêtsmaladie. Le groupe des députés UMP
avait une semaine pour trouver
des pistes et faire ses propositions
au gouvernement.
Les deux précédents reculs donnent l’impression d’un pilotage à
vue du côté de la majorité. Revenons fin septembre. En présentant
lebudget dela Sécuritésociale pour
2012, Xavier Bertrand, ministre de
la santé, avait annoncé un changementdu modedecalculdesindemnitésdecongésmaladie,etglissé au
détour d’une phrase qu’il s’agissait
d’une « simple mesure d’harmonisationducalculdesindemnitésjournalières [qui devait] se traduire par
une perte d’à peine plus d’un peu
plusd’uneuroparjourpourunepersonne au smic ».
Mais patatras. A quelques mois
de l’élection présidentielle, et des
législatives, cette décision a aussitôt été jugée injuste, y compris par
une bonne partie des députés de la
majorité. Un euro par jour en arrêt
maladie : c’est en fait près de
40 euros par mois amputés sur la
déjà faible indemnité de
680 euros perçue par un smicard.
Le gouvernement a beau rappeler
que la plupart des entreprises couvriraient la différence, il ne peut
qu’admettre queles salariés précaires, sans ancienneté ou travaillant
dansles PME, seraient, eux,directement touchés.
Face à la fronde des députés,
Xavier Bertrand accepte une solution de repli. Plutôt que de toucher
aux indemnités, pourquoi ne pas
ajouter un quatrième jour de
carence, non pris en charge par la
Sécurité sociale. L’avantage ? « Il
touche davantage les arrêts courts
et répétitifs, plus souvent signe
d’abus, et préserve les arrêts longue
maladie », défend alors Yves Bur,
député UMP rapporteur du projet
de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Pour faire accepter plus facilement la mesure aux
salariés du privé, le gouvernement
fait même voter par les députés la
création d’un jour de carence chez
les fonctionnaires. Mais il n’empêche, les salariés du privé n’ont pas
tous la chance d’être couverts par
leur entreprise.
La bonne idée va d’ailleurs tourner court. Quatre jours pour le pri-
vé, un jour pour les fonctionnaires ? L’effet d’affichage est désastreux sur l’électorat UMP, très rapidement relayé par les députés de
la droite du parti, qui crient « au
maintien d’une distorsion injustifiée ». La réalité a beau être plus
complexe – l’Etat ne compensant
pas ce jour de carence quand 56 %
des entreprises du privé payent les
trois jours à leurs employés –, le
gouvernement doit une nouvelle
fois reculer.
Une cacophonie dont les députés UMP et le gouvernement se
rejettent mutuellement la responsabilité. Désormais, ils assurent
vouloir trouver une mesure qui
épargne les plus pauvres. Car l’enchaînement des polémiques aura
révélé une réalité : les travailleurs
sont inégaux devant les arrêts
maladie. Pour la contourner, le
gouvernement a tenté de mettre
l’accent sur la fraude et les abus, en
justifiant ses mesures par la hausse des dépenses : « Les indemnités
journalières maladie, qui représentent 6,6 milliards d’euros, progressent à un rythme élevé et difficilement justifiable (+ 3,9 % en 2010,
après + 5,1 % en 2009) », argumentait le gouvernement le 15 novembre pour justifier l’ajout d’un jour
de carence.
Mais les dépenses liées aux
arrêts maladie sont en fait plutôt
maîtriséesdepuis2004,grâceàl’extension des contrôles des patients
et des médecins par l’Assurancemaladie. La hausse s’explique principalementparl’augmentation des
EVOLUTION DES MONTANTS REMBOURSÉS EN INDEMNITÉS JOURNALIÈRES
POUR LES SOINS DE VILLE, indice base 100 en 1999
Montants remboursés
Montants remboursés déflatés de l’évolution
du salaire moyen
170
Renforcement
des contrôles par
l’assurance maladie
auprès des patients
et des médecins
160
150
140
L’essentiel de la hausse
après 2003 correspond
à l’augmentation
des salaires
130
120
110
100
90
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
SOURCE : ASSURANCE MALADIE
salaires, sur la base desquels sont
calculées les indemnités versées, et
également par le vieillissement de
la population active. En moyenne,
les plus de 55 ans s’arrêtent en effet
moins souvent, mais plus longtemps. D’ailleurs, la hausse des
dépenses est peu imputable aux
75 % d’arrêts de courte durée, mais
surtout aux congés de longue
durée, et notamment ceux liés aux
troubles ostéo-articulaires comme
les lombalgies.
Pas forcément bien vue par les
patients, la stigmatisation des
arrêts maladies orchestrée par le
gouvernementest aussi fortement
critiquée par les médecins, qui
insistent sur le fait que, médicalement, l’arrêt de travail est aussi
nécessaire que la prescription de
médicaments. Si les praticiens ne
nient pas les abus, des patients
comme des médecins eux-mêmes,
ils estiment que les refus d’arrêts
maladie pour éviter une baisse de
revenus sont plus nombreux.
Pistes inexplorées
D’autres moyens existent pourtant pourréduire les dépenses d’arrêts maladie, sans toucher au porte-monnaie des malades, ni creuser les inégalités. L’assurancemaladie avait avancé une autrepiste en juin : la mise en place de
recommandations du nombre de
jour à prescrire, pathologie par
pathologie, pour guider les médecins. Une mesure qui permettrait
de réduire les fortes hétérogénéités des jours prescrits d’un praticien à l’autre. Des économies non
négligeables peuvent ainsi être
attendues. Mais pas avant plusieurs années, car cela implique
une appropriation par les médecins. Dans sa logique de rigueur, le
gouvernement a fait le choix de ne
pas attendre. p
Jean-Baptiste Chastand
et Laetitia Clavreul
4,6
millions
de salariés du privé
ont été arrêtés par
leur médecin en 2010
Selon la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM), l’année
précédente, le chiffre s’élevait à
4,9 millions. En 2007, on en comptait 4,7 millions.
0123
décryptages débats
Mercredi 30 novembre 2011
19
L’extrême droite, passager clandestin de l’«orthodoxie financière»
Dominique
Linhardt
Chercheur au CNRS
Cédric Moreau
de Bellaing
Maître de conférences à l’Ecole
normale supérieure
D
irigé par l’ancien vice-président de la Banque centrale
européenne (BCE) Lucas
Papadémos, le nouveau
gouvernement grec compte dans ses rangs, outre des
membres des formations majoritaires de
la gauchesocialiste et de la droite conservatrice, deux ministres issus du parti Laïkos
Orthodoxos Synagermos (LAOS) [Alerte
populaire orthodoxe]. On ne peut qu’être
frappéparle registreeuphémiquequiaservi à décrire ce retour de l’extrême droite
aux affaires de l’Etat, lorsqu’il n’a pas tout
simplement été ignoré. Le LAOS a en ligne
de mire le scrutin national prévu en
février 2012 et cherche dans le surplus de
légitimité queconfère la participation gouvernementale, un tremplin pour renforcer
sa position électorale. Que le calcul s’avère
juste ou non, reconnaissons qu’il s’agit
d’une stratégie de conquête du pouvoir.
Le président du parti annonçait au
moment de sa création en 2000 que sa formation ne comportait pas de «communistes », de « francs-maçons », d’« homosexuels» et de «juifs ». Ce mélange de racisme et d’homophobie, de négationnisme et
de conspirationnisme, on le retrouve aussi
chez Adonis Georgiadis, le nouveau ministreadjointaudéveloppementetàlamarine
marchande.Récemment,ilaaccuséle«peuple juif [de contrôler] le système bancaire
mondial », en n’oubliant pas, au passage,
d’assimilerlesmusulmansàdes«déchets».
Le scandale que représente l’entrée de
l’extrême droite dans ce gouvernement se
démultiplie par l’accueil qui a été réservé
au nouvel exécutif : il a été salué par la plupart des responsables et des commentateurs autorisés. C’est que le gouvernement
Papadémos montre patte blanche : il fait
preuve de « sagesse », il adhère à la rigueur
réclamée par l’UE, la BCE et le Fonds monétaire international, il « rassure les marchés ».
Surlefrontdel’établissementdesa«crédibilité », le parti LAOS n’a pas été en reste.
Dès le premier plan de sauvetage de la Grèceenmai 2010, lefondateur du LAOS,Geor-
ges Karatzaferis, a mis un zèle particulier à
jouer le jeu du « réalisme ». La promesse de
la poursuite brutale du démantèlement de
l’Etat social et de la dégradation des conditions de vie des Grecs valait bien, après
tout, que l’on tienne pour négligeable l’entrée de l’extrême droite au gouvernement.
Mais il est possible de tirer une conclusion plus générale de cette situation. Elle
Le scandale que
représente l’entrée
de l’extrême droite dans
le gouvernement grec se
démultiplie par l’accueil
qui a été réservé au
nouvel exécutif
indique une profonde transformation de
la légitimité politique : la conformation
aux injonctions du réalisme financier en
est le critère principal. Ce n’est certes pas la
première fois dans l’histoire que des gouvernements se heurtent à des contraintes
économiques et infléchissent leur politique.Maislanouveautérésideencequel’appel au réalisme devient une position politique à part entière.
Si on les présente volontiers comme les
fruitsabstraitsdudeusexmachinadumarché, les contraintes financières sont portées comme un argument par des groupes
et des organisations qui y trouvent leur
compte. Nulle main invisible, nulle loi
d’airain du marché, mais des mobilisations
d’acteurs qui jouent la carte des contraintes du marché pour promouvoir des intérêts particuliers – ceux des banques et des
multinationales, ceux des fonds de pension et des agences de notation, ceux des
spéculateurs et des investisseurs.
La grande trouvaille est de laisser croire
que cette politique n’en est pas une. Or, il
est difficile de trouver plus politique que
l’action actuelle des agences de notation.
Non qu’elles prendraient directement part
aux décisions politiques (encore qu’elles
sachent repérer où, dans le spectre politique, se trouvent leursintérêts). Le montage
estplussubtil:souslesatoursdel’objectivité et de la neutralité, elles alimentent ceux
qui, dans le champ politique, jouent la carte du one best way (« une et une seule
voie») économique.
Le compteur de la dette publique (debt
clock) est érigé en un instrument semblable au sismographe. Qui prétendrait
contrôler les mouvements de l’écorce terrestre ? De la même manière, on ne pourrait que se soumettre aux mouvements de
la finance mondiale. La supercherie réside
dans la négation de la différence qui sépare
les phénomènes naturels des institutions
sociales. Et jusqu’à preuve du contraire, les
marchés et leurs mécanismes appartiennent aux secondes.
Les naturaliser, c’est accepter une altération du sens que la notion de politique a
acquis avec l’avènement des démocraties
modernes : la formulation d’une volonté
souveraine portée par le peuple représenté. Et dans le même mouvement, c’est
accepterles effets sociaux dévastateurs des
politiques d’austérité.
Lorsque les représentants, en dépit de
toutes les dénégations, deviennent les simples relais des contraintes économiques et
financières,ladémocratiesevidedesasubstance.Lapertedelafacultédejugerduscandale de l’entrée dans le gouvernement d’un
Etat européen d’acteurs politiques pour
qui Auschwitz est un « mythe » en est plus
qu’unsigne:uncorollaire.LeLAOSenprofite, en passager clandestin des « forces du
marché».
L’ironie amère de cette situation est que
la démocratisation de la société grecque,
après la chute de la dictature des colonels
(1967-1974), est allée de pair avec le projet
d’adhésion à l’UE. Aujourd’hui qu’elle en
fait partie, ce sont les dirigeants européens
qui en viennent à saluer la formation d’un
gouvernement comportant des représentants d’un parti qui cultive la nostalgie sordide de cette même dictature. p
Préoccupante afghanisation du Sahel
Pour un nouveau modèle
Cequedémontrentlesprisesd’otagesauMali énergétique français
Il faut un choix raisonnable
Serge Michailof
Professeur à Sciences Po et consultant
pour la Banque mondiale
L
’enlèvement de deux de nos compatriotes
jeudi 24 novembre, cette fois-ci au Mali,
près de Mopti, fait suite à une série d’enlèvements de nos ressortissants survenus
au Niger en septembre 2010 et en janvier 2011. Il souligne la dégradation de la
sécurité dans ces régions, où les touristes et les ONG
évoluaient il y a peu en toute tranquillité. Ces enlèvements signifient-ils que le nord du Sahel est en voie
d’afghanisation, comme l’évoquait en 2010 le quotidien algérien El Watan ? Ou avons-nous affaire à une
nouvelle forme de banditisme dans laquelle les ressortissants occidentaux seraient devenus un gibier
hautement monnayable, tout comme les navires au
large de la Somalie ?
Bamako oùs’affirme aujourd’huiune nouvelleclasse de jeunes entrepreneurs n’est certes pas Kaboul ;
heureusement, aucun pays de la région ne joue le rôle
déstabilisateur du Pakistan en Afghanistan. Mais ce
parallèle avec l’Afghanistan ne doit pas être traité à la
légère.Danslesdeux cas,eneffet,lescarencesdel’appareild’Etatdansdesrégionsoù historiquementsemanifestait de longue date un farouche irrédentisme ont
provoqué l’apparition puis l’extension de zones grises
où le pouvoir central ne peut pas exercer ses fonctions
régaliennes. Dans les deux cas, l’extension des zones
grises est accélérée par une crise malthusienne induite
par l’écart croissant entre ressources et population.
Dans les deuxcas, face au chômage des jeunes et à l’absence d’alternatives, se développent tous les trafics.
En Afghanistan, la culture du pavot, extrêmement
rentable, est la réponse logique à une crise agraire provoquée dans les vallées montagneuses, par la destruction des systèmes d’irrigation traditionnels. C’est là
une conséquence de la « guerre des Soviétiques » puis
du manque d’entretien et du désintérêt des donateurs.
Dans un contexte de très forte démographie, le
retour du Pakistan de 4 millions d’émigrés a fait déborder le vase à partir de 2002. La reprise de contrôle par
les talibans est d’abord le produit de l’absence totale
d’Etat en zone rurale, c’est-à-dire de justice et de police.
Elle répond aussi à la crise agraire et à la nécessité de
protéger les activités liées au trafic de l’opium, seule
solution pour sortir de la misère.
Alors, attention à ces zones subsahariennes. Déjà
ces régions sont devenues au fil des sécheresses, faute
d’Etatetfauted’alternativeséconomiquespourlesjeunes, des zones de non-droit en proie à tous les trafics :
cocaïne latino-américaine en transit pour l’Europe,
comme l’a révélé l’affaire du Boeing détruit en 2009
sur une piste clandestine du Mali, faute d’avoir pu
décoller après avoir livré sa cargaison ; trafic d’essence,
de cigarettes et de biens de consommation pour profiter des différences de prix, de subventions et de tarifs
douaniers entre l’Algérie et les pays voisins ; trafic de
véhicules volés en Europe revendus dans tous les pays
côtiers; trafic de travailleurs migrants clandestins en
route vers les pays du Golfe et l’Europe.
LaguerreenLibyeafaitrefluerversleSaheldesdizai-
nes de milliers de travailleurs désormais sans emploi
et soupçonnés de collusion avec l’armée libyenne. Elle
fait aussi refluer des armes en grand nombre. Or,
au-delà de la frange subsaharienne particulièrement
déshéritée, on peut aussi s’interroger sur la viabilité à
terme de pays à très faible potentiel agricole comme le
Niger, dont la population explose : 4 millions à l’indépendance en 1960, 16 millions aujourd’hui,58 millions
en 2050, selon les démographes.
Peu importe par conséquent qu’Al-Qaida au
Maghreb islamique (AQMI), avatar du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) algérien
représente très peu de choses en termes militaires :
peut-être une centaine de combattants dispersés et
quelques centaines de sympathisants actifs ? Peu
importe que les responsables des enlèvements de nos
compatriotes soient des gangs mafieux agissant ou
non pour le compte d’AQMI. Il s’agit de toute façon de
brandons enflammés qui circulent au-dessus d’un
tonneau de poudre !
Dans un tel contexte, retenons les enseignements
que l’on peut retirer du désastre occidental en Afghanistan. En premier lieu, retenons que l’approche sécuritaire qui ne se fonde pas sur la reconstruction des
institutions régaliennes nationales et sur la construction d’institutions de gouvernance locale démocratiques est vouée à l’échec.
Jean-Louis Bal
Président du Syndicat des énergies
renouvelables
R
Peu importe que les responsables
des enlèvements de nos compatriotes soient
des gangs mafieux agissant ou non
pour le compte d’AQMI
En second lieu, que des programmes de développement massifs sont indispensables pour espérer stabiliser les régions proches des zones grises ; or de tels programmes sont d’autant plus difficiles à conduire que
l’économiesubsahariennefondéesurunélevagetranshumant et une petite agriculture d’oasis s’est largement effondrée, que les conditions naturelles sont difficiles, les solutions techniques parfois incertaines, et
les populations dispersées sur de vastes territoires.
Pourtant difficile ne veut pas dire impossible. La
recherche agronomique et les agences de développement qui étudient ces régions depuis un demi-siècle
ont de multiples propositions dans leurs cartons pour
relancer le développement agricole et pastoral des
régions arides. Il est possible d’organiser un retour de
l’eau par des aménagements fonciers fondés sur des
terrasses, des reboisements, des aménagements de
mares temporaires.
Une formation technique aux métiers de base du
bâtiment et de la mécanique permettrait aux jeunes
de ces régions, où de toute façon une forte émigration
régionale est incontournable, d’échapper aux petits
boulots dégradants de livreur d’eau ou de gardiens
qu’ils exercent dans les villes du Sud. La France, dont
l’expertise en matière de développement de ces
régions est reconnue, pourrait utilement prendre le
leadership des partenaires externes multilatéraux
dont les financements sont indispensables en ce
domaine. Encore faudrait-il qu’elle ait pour cela, comme les Britanniques en d’autres régions, une politique
de coopération cohérente et des instruments financiers appropriés. Mais c’est là un autre sujet… p
¶
Serge Michailof
est l’auteur
des « Apprentis
sorciers du
développement »
(Economica,
1987) et de
« Notre maison
brûle au Sud »
(Fayard, 2010)
amener le débat énergétique à
la seule question du nucléaire
est très réducteur, alors que la
question majeure est celle du
mix énergétique et de ses
impacts environnementaux
et économiques.
Le débat actuel crispe les positions sur
deuxvisionsmanichéennes:sortirenquelques années d’une filière nucléaire désormais vouée aux gémonies ou rester accroché ad vitam aeternam à un modèle monolithique du siècle passé.
Entre ces choix extrêmes, nous pourrions suivre des chemins médians plus crédibles, plus souhaitables, et permettant de
conserver la possibilité de faire de vrais
choix à l’horizon 2030. Mais pour rédiger
une feuille de route ambitieuse et réaliste,
encore faut-il revenir sur la longue liste des
préjugés qui entourent les énergies renouvelables. Comme le nucléaire, les énergies
renouvelablessontprisonnièresd’unelogique du tout ou rien nourrie par les intégristes des différentes chapelles. La réalité est
pluscomplexeetseprêtemalauxchoixguidés par l’idéologie.
La réflexion sur notre avenir énergétiquedoitêtrepréciseetrationnelle.Lesbénéficesattendusconstituentlecahierdescharges que le bouquet énergétique devra remplir. Nous devons donner la priorité à quatre préalables pour construire un mix énergétique performant:
1. Garantir un taux élevé d’indépendance énergétique et un haut niveau de sécurité d’approvisionnement.
2. Prémunir tous les consommateurs de
fortes hausses de prix.
3.Préserverl’environnementparledéveloppementdeproductions propres et sûres
dont les risques sont maîtrisés.
4. Assurer la sûreté du système énergétique et garantir l’équilibre entre l’offre et la
demande.
Lesénergiesrenouvelablespeuventreleverenpartiece défi,mêmesielles nerépondrontpasseules,àcourtterme,àcesexigences, dans la mesure où :
1.Elles sont produites localement et peu
sujettes à une quelconque tension géopolitique.
2.Leurs coûts diminuent avec leur développementetleurexploitation.C’estleprincipe des systèmes aux coûts d’investissement élevés et aux coûts d’exploitation fai-
bles.Ellessuiventunecourbed’apprentissage inverse de celle des énergies conventionnelles dont le coût ne cesse d’augmenter.
3.Les énergies renouvelables ne produisent ni CO2 ni déchet. Leur réversibilité est
avérée. Quoi de plus simple que de démonter un parc éolien ou solaire?
4.Leurintermittenceest gérable,selon le
réseau de transport d’électricité, d’autant
que des progrès dans le domaine du stockage et des réseaux intelligents sont déjà une
réalité.
5. Les équipements domestiques utilisant une source de chaleur renouvelable,
chauffage au bois, chauffage solaire ou
pompe à chaleur performante diminuent,
en hiver, l’appel de puissance et réduisent
les importations d’électricité.
Ne considérons pas avec arrogance les
pays qui ont déjà fait le choix de s’engager
dans la voie des renouvelables, mais tironsen des leçons des retours d’expérience.
J’ajouterai que le développement d’un mix
énergétiqueperformantdoitcontribueràla
réindustrialisation de notre pays, à l’heure
Comme le nucléaire,
les renouvelables sont
prisonnières d’une
logique du tout ou rien
nourrie par les intégristes
des différentes chapelles
où, quels que soient les choix énergétiques
qui seront faits, nous devrons investir dans
lerenouvellementdesoutilsdeproduction.
Le décrochage industriel, souligné par
Patrick Artus dans son dernier ouvrage, ne
fait plus débat. Il est urgent de construire de
nouvelles filières industrielles. Les énergies
renouvelablesnousoffrentcetteopportunité.Avecdéjà 100000 emplois,et desprojections à 250 000 emplois en 2020, elles
répondentàcetenjeuetentrentdanslacatégorie des filières industrielles d’avenir. Ce
sont des filières technologiques où PMI et
grands groupes peuvent jouer un rôle
majeur sur les produits haut de gamme.
Elevons le débat pour que nous puissions jouir des bénéfices de ces énergies. La
guerre de religion à laquelle se livrent les
pourfendeurs des renouvelables d’un côté
et du nucléaire de l’autre ne permet ni de
convaincre nos concitoyens ni d’arbitrer de
façon sensée un choix de société qui nous
engagera pour plusieurs décennies. Nous
devons construire un nouveau modèle
énergétique, basé sur une consommation
rationnelle, dans une Europe exemplaire
dans la préservation du climat. C’est autour
de cet enjeu que le débat doit s’articuler. p
20
0123
décryptages analyses
Mercredi 30 novembre 2011
Conseils d’entreprises aux Etats
A
vec la crise, il est devenu patent qu’un
Etat pouvait être au bord du dépôt de
bilan,voirfairefaillite. Commeuneentreprise. Clair aussi qu’un gouvernement devrait
avoir une stratégie économique qui tienne
compte de la concurrence – des pays émergents
en particulier –, des barrières à l’entrée sur un
marché – telle l’existence d’une main-d’œuvre
qualifiée. Comme une entreprise.
Les cabinets de conseil en stratégie, comme
les américains Boston Consulting Group (BCG)
et Bain, et l’allemand Roland Berger, qui
conseillent les dirigeants des grands groupes
de la planète sur leur stratégie et sa mise en
œuvre, ont donc multiplié les occasions de faire savoir qu’ils pouvaient appliquer leur expertise à la définition de stratégies gouvernementales, un marché qui fait partie de leur propre…
stratégie. « Beaucoup de débats sont menés par
des financiers, des économistes, des responsables politiques. Nous voulons apporter un
regard d’entreprise », explique ainsi Stéphane
Albernhe, codirecteur général du cabinet allemand Roland Berger, du nom de son fondateur.
Celui-ci serait très écouté de Wolfgang
Schäuble, ministre des finances allemand, et de
la chancelière Angela Merkel.
Les Etats-Unis, la France, la Commission européenne, les pays du Golfe, d’Amérique du Sud
jouxtent les noms des plus grandes entreprises
dans les portefeuilles de clients des cabinets de
consultants en stratégie. Ils n’avaient pas attendu la crise pour s’en occuper. En Grande-Bretagne, tout d’abord. En France plus tardivement.
Car « la haute fonction publique française avait
une expertise solide », explique Agnès Audier,
directrice associée du BCG à Paris.
Les conseils aux gouvernements représentent désormais 5 % à 10 % de leur chiffre d’affaires. Sans compter les avis prodigués pro bono,
c’est-à-dire gratuitement, par les consultants,
en leur nom propre ou au nom de leur cabinet.
Par civisme et (ou) intérêt bien compris. Pour
asseoir leur notoriété, avoir un accès privilégié
auxentreprises et aux gouvernements,influencer,« prendre sa part dans le débat public », com-
Analyse
p ar An n ie Ka hn
Service Economie
me le formule Stéphane Albernhe.
Les sujets abordés sont divers. Par exemple,
appliquer à la Grèce le modèle mis en œuvre
pour l’ex-Allemagne de l’Est. Le projet Eureca,
présenté dès septembre par le cabinet Roland
Berger au gouvernement allemand, consiste à
confier aux institutions européennes la création d’une société holding, qui achèterait des
actifs de l’Etat grec pour 125milliards d’euros, les
restructurerait, puis les vendrait au privé à un
prix non bradé,ce quiserait probablement le cas
s’ilsétaientvendusenl’état.Cettesolutionréduirait la dette grecque, relancerait l’économie du
pays, créerait des centaines de milliers d’emplois à terme, affirment ses promoteurs.
Lesconseils aux
gouvernements représentent
désormais 5% à 10% de leur
chiffred’affaires. Sans compter
les avis prodigués
«pro bono» par les consultants
Ce modèle est une transposition de celui de la
Treuhand, adopté lors de la réunification allemande pour la privatisation des actifs de l’exAllemagne de l’Est, et auquel le cabinet Roland
Berger avait beaucoup participé.
Créer une agence de notation européenne
sous la forme d’une fondation. Cet autre projet
de Roland Berger, également présenté aux Allemands en septembre, préconise la création
d’une agence de notation européenne. Elle
aurait le statut d’une fondation – un modèle
d’entreprise fréquent en Allemagne. Les institutions financières en seraient les fondateurs. Et
sonfonctionnementserait« transparent», etéliminerait tout conflit d’intérêts, à la différence
Ecologie | Chronique
par Hervé Kempf
de la situation actuelle, disent ses concepteurs.
Réindustrialiser l’Europe en centrant l’effort
sur des secteurs sélectionnés. L’étude du BCG
« Made in America, à nouveau. Quelles industrieset pourquoi ? » metle projecteur surles secteurs industriels pour lesquels l’importance
des coûts de transport et la faiblesse relative des
coûts de main-d’œuvre pourraient justifier une
relocalisation aux Etats-Unis. Roland Berger
estime qu’il faut surtout persévérer sur les secteursoù l’UE esten position de force : aéronautique, ferroviaire, pharmacie, nucléaire, et secteur du luxe.
Ne pas céder au protectionnisme. Même si
lesdroits de douane sont encore 2,2fois plus élevés dans les pays émergents, même si les baisses des tarifs douaniers de ces pays sont largement hypocrites, il ne faut pas céder au protectionnisme sous peine de rétorsion immédiate.
Comme la Chine a commencé de le faire en
retardant l’achat d’une dizaine d’Airbus A380,
pour contrer une directive européenne visant à
faire payer les émissions de CO2 des avions afin
de lutter contre le changement climatique
(Le Monde du 8 octobre).
En début d’année, le cabinet Bain était sollicité par le gouvernement français pour l’éclairer
sur l’image queles investisseurs internationaux
ont de la France. Rapport confidentiel, dont l’objectif est de faciliter l’arrivée d’investisseurs
étrangers sur le territoire. Le type de sujet que le
cabinet connaît pour avoir étudié un dossier
similaire… pour des pays du Golfe soucieux d’attirer des industries pérennes et des emplois
dans l’ère de l’après-pétrole.
Les pôles de compétitivité, qui réunissent
entreprises françaises et étrangères, laboratoires de recherche, ont ainsi été créés pour améliorerl’efficacitédusystèmederechercheetd’innovation français ; mais aussi pour attirer des laboratoires de recherche et des entreprises étrangères sur le territoire. Pour « structurer une offre
visible sur l’innovation », comme l’explique
Agnès Audier. Un vrai langage de consultant! p
[email protected]
Après les neiges d’antan
L
e sommet de Durban sur le climat? Oh, c’est loin, et puis ça
concerne les îles du Pacifique,
non? D’ailleurs, les inondations, il
y en a en Indonésie ou en Chine –
c’est bien triste, mais enfin, ce n’est
pas chez nous. De toute façon,
vous ne croyez pas qu’il y a plus
urgent à résoudre que le réchauffement, comme problème, avec la crise, les banques, la croissance en berne? Alors le climat, bonjour!
On osera imaginer que de telles
pensées ont parcouru le cerveau
de quelques-uns des organisateurs
de Jardin des neiges, une manifestation qui s’est tenue à Lyon du 23
au 26 novembre. Des mètres cubes
de neige artificielle y ont été apportés à grands frais pour donner
envie aux petits Lyonnais d’aller
skier. Admirable idée! Mais cette
opération publicitaire a exigé de la
neige artificielle, car de neige naturelle sur les montagnes, il n’y a pas
plus que de cheveux sur la tête à
Mathieu…
Les bulletins d’enneigement des
stations de ski indiquent que la dernière neige est tombée en mars. La
saison s’annonce mal – comme de
plus en plus souvent. Aussi les stations fourbissent leurs armes,
c’est-à-dire des canons à neige, qui
vont puiser dans des réserves
d’eau rares – la sécheresse a touché
aussi les montagnes – tout en
consommant moult énergie, provoquant l’émission de 2 à 8 tonnes
de gaz carbonique par hectare. Pas
question ici de céder à la peur
moyenâgeuse, ni de revenir à la
bougie… Neige il n’y a pas ? Neige il
y aura, foi de progressiste !
En fait, ce qui se passe dans nos
massifs montagneux est une première manifestation du changement climatique. Comme l’a
constaté le projet de recherche
Scampei sur le climat des zones de
montagnes, dont Météo France a
publié la conclusion, lundi
28novembre, «les résultats s’accordent sur une diminution significative de la couverture neigeuse au-dessous de 2 000 m d’altitude dès les
prochaines décennies ». De son
côté, l’Observatoire savoyard du
changement climatique observe
Deneige naturelle
sur les montagnes,
il n’y a pas plus que
de cheveux sur la tête
à Mathieu…
que «les zones de montagne seront
les premières touchées par de longues sécheresses des sols à partir de
la moitié du siècle ».
Les montagnards sont notre
avant-poste face au changement
climatique. Leur économie s’est
développée depuis quarante ans
sur le tourisme de ski. Celui-ci, du
fait du réchauffement, commence
à se contracter. Le choix ? Continuer aveuglément, jusqu’à la dernière goutte d’eau. Ou réfléchir
maintenant, et engager la transition écologique. p
[email protected]
Livre du jour
Tous minoritaires !
Riche de 200 cartes, cet atlas retrace la longue histoire des « minorités »
à travers le monde. Depuis les quatre systèmes dominants
(européen, musulman, indien et chinois) jusqu’aux populations contemporaines
(la communauté bio, les homosexuels…), en passant par les populations
autochtones (Kurdes, Pachtouns…) ou issues des migrations (Roms, Palestiniens…),
cet ouvrage de référence nous conduit à ce constat :
nous faisons tous partie d’une minorité.
Une «remondialisation» vertueuse?
D
¶
Jean-Michel
Severino est
l’ancien directeur
général de l’Agence
française de
développement,
et Olivier Ray
est économiste
200 cartes
188 pages
ans ces temps où les populismes se
font bruyants, Le Grand Basculement, de Jean-Michel Severino,
ex-directeur général de l’Agence française
de développement, et d’Olivier Ray, économiste, tranche par son humanisme. Leur
livre commence par faire froid dans le dos
quand il rappelle les grands déséquilibres
qu’a engendrés notre humanité depuis la
révolutionindustrielle.Basculementdémographique : d’un milliard en 1800, nous
seronsneufmilliardsen2050,dontlamajorité au Sud. Basculement économique : les
bas salaires de la Chine et de l’Inde et leur
«tout-export »leurontvaluunecroissance
qui a ravagé les industries occidentales et
fait glisser le centre de gravité de la planète.
Le Grand Basculement
Jean-Michel Severino et Olivier Ray
Ed. Odile Jacob, 300 p., 25,90 ¤
Basculement environnemental : l’eau, l’air
et la terre s’épuisent sous notre fringale
insatiable.
L’homme était rare et précieux ; il est
devenu innombrable et jetable. La nature
était inépuisable ; elle est devenue chiche
et hors de prix. Mais ces basculements ne
poussent pas les auteurs à l’emporte-pièce.
« Notre monde est d’une telle complexité
que les meilleures grilles d’analyse ne sont
guère que les moins mauvaises », écriventils. Qui dit complexité dit ambivalence.
Plus d’hommes sont sortis de la pauvreté
depuis cinquante ans qu’entre l’ère de
notre cousin de Neandertal et le milieu du
XXe siècle, ce qui n’empêchera pas le nombre des personnes vivant avec moins de
1 dollar par jour d’enfler d’un à deux milliards durant ce siècle.
Il est légitime de s’interroger sur la croissance, tout comme sur la capacité des peu-
ples à supporter les « trente soucieuses »
auxquelles nous sommes promis jusqu’à
ce que les salaires asiatiques aient rejoint
les nôtres. Pas question pour les auteurs de
succomberaurepliouau protectionnisme.
Sinousvoulons«cohabiterdemanièreheureuse», il nous faut bâtir une «remondialisation vertueuse », c’est-à-dire que le Nord
et le Sud, les riches et les pauvres, doivent
faire converger leurs politiques. Le local ne
doit plus s’opposer au global.
Il faut taxer la nature et détaxer l’homme, autrement dit imposer les émissions
de carbone pour alléger les cotisations
sociales. Le social doit être réhabilité dans
nos économies et enfin respecté dans les
pays émergents. Il conviendrait de créer un
filet mondial de sécurité pour assurer une
dignité minimale, afin d’aller plus loin que
les Objectifs du millénaire de l’ONU contre
la pauvreté. «Les sommes qui ne seront pas
investies en préventif, prédisent les
auteurs,serontdépenséessurunmodecuratifaucentuple »,pour contrer lesdégâts des
terrorismes, de l’immigration sauvage et
des fascismes.
Mêmesi cela est aride, « il fautapprendre
à aimer la gouvernance globale (…) pour la
convergence progressive des visions qu’elle
permettra d’obtenir ». Utopie? Peut-être la
seule pour résoudre l’un des nombreux
dilemmes de notre temps, celui qui a donné aux auteurs l’envie d’écrire leur livre :
dans une grande banque, les administrateursn’arriventpas àsedécidersurlefinancement d’un investissement dans un pays
du Maghreb, car il risque de détruire des
emplois en France. Jusqu’à ce que l’un
d’eux demande : «Les Arabes, vous les voulez où ? Chez eux ou à Marseille ? » Réponse
impossible,saufsil’écouteprécèdele partage pour corriger nos « basculements». p
Alain Faujas
Rectificatifs&précisions
EN PARTENARIAT
AVEC
CHEZ VOTRE MARCHAND DE JOURNAUX
Edition Laurence Biava, qui a fait
entrer Maxime Brunerie au jury
du Prix littéraire du savoir et de la
recherche qu’elle a créé (Le Monde
daté 20-21novembre 2011), a
publié son livre aux éditions
InOctavo, à compte d’éditeur et
non à compte d’auteur.
Radioactivité L’ACRO n’est pas
l’Association pour le contrôle de la
sûreté nucléaire, comme écrit par
erreur (Le Monde du 24novembre),
mais l’Association pour le contrôle
de la radioactivité dans l’Ouest.
culture
0123
Mercredi 30 novembre 2011
ppp excellent
ppv à voir
pvv pourquoi pas
21
vvv à éviter
JohnnyDepp:«Sescendresretombèrentsurnous»
L’acteur évoque la vie, la mort et les funérailles de son ami l’écrivain Hunter S.Thompson
Rencontre
H
unter S. Thompson se distingue de l’immense majorité des journalistes par sa
capacité d’absorption (d’alcool,
de stupéfiants), par son statut de
personnage de fiction (il est le
héros de deux longs-métrages, et
une figure récurrente de la bande
dessinée américaine Doonesbury)
et surtout par son talent hors du
commun.
Dans les années qui ont précédé sa mort, le 20 février 2005, à
57 ans, il a trouvé en Johnny Depp
un admirateur et une âme sœur.
«Cet homme élégant,
ungentleman sudiste,
très moral, très
chevaleresque, avait
uncôté très sauvage,
il se consumait»
L’acteur l’a incarné une première
fois dans Las Vegas Parano, de
Terry Gilliam (1998). Il a ensuite
fait publier un roman inédit,
Rhum Express (Gallimard) avant
d’en produire et interpréter
l’adaptation. L’acteur raconte son
amitié pour le père fondateur du
journalisme gonzo.
Je me trouvais à
Aspen, Colorado,
en décembre 1994,
je crois. Un type que je connaissais m’a demandé de me trouver à
la Wood Creek Tavern à minuit en
me disant “Hunter viendra”.
J’étais là à minuit, et vers une heure et demie, Hunter est arrivé. La
porte du bar s’est ouverte et je n’ai
vu que des étincelles. Il a fendu la
mer des clients, dans sa main gauche il tenait un aiguillon électrique pour bestiaux d’un mètre de
long et dans sa main droite un
Taser.
Avec Hunter, j’ai senti un lien
difficile à expliquer. Tous les deux,
nous sommes nés et nous avons
grandi dans le Kentucky. Quand
on grandit au pied des Appalaches,
on baigne dans cette culture baptiste intense qu’il a combattue
dans sa jeunesse comme je l’ai
combattue. Dans le Kentucky, on
distillait du Moonshine (de
l’alcool de contrebande), c’est propre à l’Etat, on en trouve peut-être
dans le Tennessee, pas ailleurs. Les
Y
Dans « Rhum Express », petite virée dans les bas-fonds de Porto Rico pour Johnny Depp et ses copains. PETER MOUNTAIN/GKFILMS
armes à feu en font aussi partie.
Depuis que j’ai 5 ou 6 ans, je tire
sur des trucs, c’est normal. Un de
mes grands-pères faisait passer du
Moonshine du Kentucky en Virginie-Occidentale. De ce point de
vue, nous nous sommes reconnus.
La nuit où je l’ai rencontré,
après avoir quitté le bar, nous
sommes allés chez lui. J’ai fait
une remarque sur une très belle
carabine nickelée de calibre 12 qui
était au mur. Et il m’a demandé :
“Tu veux tirer ?” Il était trois heures du matin et il a ajouté : “On
fabrique une bombe et on tire dessus”, ce que nous avons fait parce
que ça avait l’air drôle, impulsif,
insolent. Cet homme très élégant,
un gentleman sudiste, très moral,
très chevaleresque, avait un côté
très sauvage, il se consumait.
Ce fut une amitié instantanée,
très rapidement nous sommes
devenus très proches. Ensuite, on
m’a demandé de tenir son rôle
dans le livre sur Las Vegas. Je
redoutais, si je réussissais à bien le
jouer, de mettre à mal notre amitié. C’était un personnage extrême, et je sentais la nécessité de
jouer au plus près de cette dimension. J’avais peur que ça le trouble,
comme de se regarder trop longtemps dans la glace, mais il savait
exactement qui il était.
J’ai trouvé le manuscrit de
Rhum Express dans une caisse
chez lui. Je préparais Las Vegas
Parano, et nous fouillions dans
des cartons, il y avait des serviettes de restaurant, des étuis d’allumettes. Hunter était surpris, il
n’avait jamais pensé à le finir,
juste fourré dans un carton. Nous
nous sommes assis par terre,
nous l’avons lu. C’était très bon,
de toute évidence il fallait le
publier.
Dès le début du livre, il y a un
côtéCasablanca,Le Port de l’angoisse. Pour Hunter, en 1959, il s’agissait d’écrire le “grand roman
américain”. Voilà un homme qui
avait littéralement recopié mot
pour mot, à la machine à écrire,
Gatsby le Magnifique, et plus
d’une fois. C’était un grand fan de
Nathaniel West et bien sûr d’Hemingway. A ce moment de sa vie,
Une balade enivrante au cœur du journalisme gonzo
ppv
© Marcos Lopez «Amanda», 2005. Galerie mor.charpentier.
Johnny Depp, coproducteur du
film, rêvait depuis longtemps
d’adapter Rhum Express, un
roman de son regretté ami Hunter S. Thompson, créateur du journalisme gonzo. Le livre, rédigé au
début des années 1960, s’inspire
des méthodes d’investigation iconoclastes de Thompson qui
conjuguaient alcool, stupéfiants,
enquête de terrain, plume incisive et ultrasubjective, sans
oublier l’engagement politique.
Rhum Express se déroule à la
fin des années 1950. Lassé de sa
vie new-yorkaise, Paul Kemp
(Johnny Depp), un journaliste
qui aime bien abuser de la bouteille, débarque à Porto Rico
pour travailler dans un quotidien local et tomber sous le charme de Chenault, la fiancée de
Sanderson, un homme d’affaires
TONEELGROEP AMSTERDAM
IVO VAN HOVE
Hedda GaBler
1er > 3 DEC 20H00
LUK PERCEVAL
dIsGraCe
15 > 17 MARS 21HOO
© Jan VersweyVeld
Rhum Express
qui se propose de bâtir une station balnéaire de luxe sur une
petite île des environs. Kemp se
retrouve face à un dilemme : mettre sa plume au service de cet
homme d’affaires corrompu, ou
dénoncer publiquement ses sordides trafics…
Transposer à l’écran le style
flamboyant et halluciné de
Thompson est un exercice
périlleux. Terry Gilliam s’était
déjà heurté à cette difficulté avec
Las Vegas Parano. Bruce Robinson (Withnail et moi), qui n’avait
pas tourné depuis près de
vingt ans, souffre de l’inévitable
comparaison avec le film de
Gilliam : adaptation d’un livre du
même auteur, même interprète
– Johnny Depp – dans les rôles
des alter ego de Thompson.
Alcoolisme fonctionnel
Rhum Express n’évite pas toujours les longueurs, édulcore la
charge du roman de Thompson,
si bien que l’on cherche parfois
l’âme du journaliste sous l’intrigue immobilière. Mais, s’il est
imparfait dans sa tentative de
recréer la folie sarcastique de
Thompson, Rhum Express se
regarde avec jubilation, comme
une visite guidée et alcoolisée
dans les bas-fonds du Porto Rico,
à la fin des années 1950. Le récit
un peu décousu, les images vaporeuses (le film a été tourné en
16 mm), le font décidément tomber sous le coup des textes réprimant la mise en scène en état
d’ébriété.
Mais la plus grande réussite
du film, la jubilation irrémédiable qu’il procure, est due à ses
personnages et aux acteurs qui
les interprètent. Johnny Depp est
parfait dans ce rôle d’antihéros,
enveloppé de vapeurs d’alcool,
qui sort de son état d’anesthésie
générale grâce à un sursaut
moral. Il est aussi très bien entouré : Aaron Eckhart prête à merveille sa plastique froide à un
entrepreneur américain sans
scrupules, Michael Rispoli et Giovanni Ribisi donnent chacun une
version convaincante de l’alcoolisme fonctionnel, et la sublime
Amber Heard apporte une touche de beauté dans cet univers
poisseux et enfumé. A la fin du
film, on est pris d’une irrésistible
envie de boire un verre de rhum
avec Johnny Depp et ses comparses. Bon d’accord, surtout avec
Johnny Depp. p
on voit Hunter lutter pour se hisser au niveau de ses héros.
Je comprends son départ. Puisqu’il avait dicté les conditions de sa
vie, il fallait qu’il dicte celles de son
départ. Tous ceux qui l’ont connu
savaient qu’il ne serait jamais le
genre de type à s’écrouler dans sa
soupe, à table. Il s’en occuperait
avant que ça arrive. Il savait très
bien qu’en raison de sa prodigieuse faculté d’absorption, il risquait
de vivre trente ans de trop. Quand
c’est arrivé, nous l’avons maudit,
mais nous avons compris qu’il ne
pouvait pas en être autrement.
Je savais quelle était sa dernière
volonté… Quel animal. Il voulait
que ses cendres soient tirées dans
les airs d’un canon de 153 pieds de
long en forme de poing. Je n’avais
pas lechoix. Donc nous avonsorganisé une cérémonie avec des amis,
des gens qu’il avait rencontrés au
fil des années, John Kerry, qui
aurait dû être président des EtatsUnis. Douglas Kennedy, qui avait
été son rédacteur en chef au
San Juan Star, à Puerto Rico. Nous
avons joué la musique que Hunter
aimait, Sympathy For the Devil, Spirit In the Sky, Mr. Tambourine Man.
Et nous l’avons fait. Il a fallu
beaucoup de travail pour construire ce poing à deux pouces, mais
nous l’avons fait, nous l’avons projeté dans le ciel au son de Mr. Tambourine Man et ses cendres sont
retombées sur nous. J’avais
envoyé les cendres de Hunter du
Colorado à travers le pays.
Deux amis ont transporté Hunter jusqu’à une fabrique de feux
d’artifice. Il est devenu trente projectiles géants, il est devenu un
chargeur de munitions. Pour quelqu’un qui aimait tant les armes, il
y a de la beauté, de la symétrie. » p
Propos recueillis par
Thomas Sotinel
D’où vient cette impression devant Je disparais,
mis en scène par Stéphane Braunschweig,
d’assister à la naissance d’une écriture neuve,
dérangeante et captivante à la fois ?
Fabienne Pascaud – Télérama.
de
Arne Lygre
mise en scène
Stéphane Braunschweig
du 4 nov. au 9 déc. 2011
Sophie Walon
Film américain de Bruce Robinson
avec Johnny Depp, Richard Jenkins,
Aaron Eckhart, Amber Heard, Giovanni
Ribisi et Michael Rispoli. (1 h 50).
www.colline.fr - 01 44 62 52 52
22
0123
cinéma
Mercredi 30 novembre 2011
ppp excellent
Papa, maman, les films et moi
Mathieu Demy puise chez Jacques, son père, et Agnès Varda, sa mère, la matière d’une œuvre à lui
Americano
I
pvv pourquoi pas
vvv à éviter
Magistral final
pour Béla Tarr
Le cinéaste hongrois porte à son paroxysme
la radicalité hypnotique de son cinéma
ppv
maginez que vous vous appeliez Mathieu Demy. Imaginez
que votre père, Jacques, ait été
le cinéaste le plus enchanteur du
cinéma français. Que votre mère,
AgnèsVarda,photographepuis réalisatrice, ait contribué de son côté,
parallèlement à la Nouvelle Vague,
àl’émergencede lamodernitécinématographique. Imaginez qu’au
lieu de choisir tout autre métier
qui se présentera, vous deveniez
acteur de cinéma.
Puis, non content de frayer dans
les mêmes eaux que vos géniteurs,
vous décidiez de leur emboîter le
pasenréalisantvotre premierlongmétrage. Ce serait déjà amplement
suffisant. Eh bien non ! Imaginez
pour finir que vous interprétiez le
rôle principal de ce film, dont l’histoire met en scène, cerise sur le
gâteau, un fils qui doit faire lepoint
sur sa situation familiale à l’occasion de la mort de sa mère… Ne
seriez-vous pas suspect, eu égard à
la problématique toujours un peu
irritante des « fils et filles de » et
souscouvertd’autofiction, d’aggraver considérablement votre cas ?
Face à une telle démarche, deux
réponses critiques sont possibles.
La première consiste à refuser tout
net le miroir aux alouettes de
l’autofiction. A faire comme si de
rien n’était et à considérer le film
au même titre que n’importe quelle fiction : la mise en scène d’un
récit avec des acteurs. Americano
serait alors l’histoire d’un jeune
type irrésolu qui s’appelle Martin
(Mathieu Demy), qui vit à Paris
avecunejoliefillequis’appelle Claire (Chiara Mastroianni), à deux
doigts de la séparation.
Un coup de fil nocturne la suspend in extremis : la mère de
Martin vient de mourir à Los Angeles. Il y part aussitôt pour s’occuper
des formalités administratives,
pour retrouver en réalité un autre
chapitre suspendu de sa vie : son
enfance solitaire en Californie, aux
côtésd’unemèredépressivedélaissée par son père (Jean-Pierre Mocky, distant mais aimant), lequel
finira par faire revenir son fils à
Paris.
ppv à voir
Le Cheval de Turin
ppp
U
Dans un bar louche avec Martin (Mathieu Demy) et Lola (Salma Hayek). RONALD MARTINEZ/LES FILMS DE L’AUTRE
Tout cela lui revient par vagues,
à travers les plans mélancoliques
d’un film tourné alors qu’il était
enfant,danscelieuoùildoitaujourd’hui assumer en même temps que
liquider l’héritage de son enfance.
L’image lointaine d’une fillette
mexicaine dont il partageait les
jeux, et à laquelle sa mère a légué
une partie de ses biens, réapparaît
aussi. Mais Martin ne pense qu’à
fuir cette soudaine résurgence du
passé. L’accomplissement des dernières volontés de sa mère en sera
le prétexte.
Un road-movie commence, au
volant d’une Mustang décapotable
rouge,àlarecherchedecettemystérieuse Lola, localisée à Tijuana. Le
passage de la frontière mexicaine
signale l’entrée du film dans une
zone plus incertaine, plus irréelle,
pour le personnage comme pour le
film. Voiture désossée par les
enfants des rues, perte des papiers
d’identité, incarnation de Lola (Salma Hayek) en bombe sexuelle d’un
bar louche (l’Americano), hostilité
fuyante de la jeune femme qui prétendêtre une autre, passage à tabac
du héros opiniâtre…
On entre ici de plain-pied dans
le domaine du conte initiatique,
avec cette belle métaphore qui
consiste à opérer la psychanalyse
du héros sur le lit de Lola et au tarif
desa passe. Gardonssecrètela résolution de l’énigme, pour constater
que le voyage de Martin s’apparente lointainement à celui d’Œdipe,
qui accomplit son destin en
croyant le fuir.
Mathieu Demy est,
d’une certaine
manière,
le fils de leurs œuvres
avant d’être celui
de ses parents
C’est la raison pour laquelle il
serait stupide d’ignorer la part profondément personnelle de ce film,
avec ce jeu de piste filial qu’il met
plus ou moins explicitement en
œuvre. Mathieu Demy emprunte à
la fois au cinéma de son père et à
celui de sa mère. Le film dans le
film, dont les extraits font office de
retours en arrière, est une citation
de Documenteur, réalisé en 1981
par Agnès Varda. La famille Demy
se trouve alors à Los Angeles, pour
un projet de Jacques qui ne verra
jamais le jour. La réalisatrice y met
en abyme sa situation en confiant
à Sabine Mamou, sa monteuse, le
rôle de l’assistante délaissée d’un
cinéaste, et à son propre fils
Mathieu, 8 ans, celui de son fils,
baptisé Martin.
C’est bien ce jeu vertigineux
entre réel et fiction que reconduit
Mathieu Demy en réincarnant le
personnagede Martin.Dès qu’Americano franchit la frontière, on passe sur le territoire de Jacques
Demy. Celui de la fable, de la variation sur le cinéma de genre, de la
transfiguration du réel. Le personnage de Lola y renvoie non seulement au film homonyme réalisé
par Jacques Demy en 1961, dans
lequel Anouk Aimée incarne une
chanteuse de cabaret abandonnée
par le père de son enfant, mais plus
encore à Model Shop, le seul film
tournéparJacquesDemy auxEtatsUnis, en 1969, à Los Angeles. Au
point qu’Americano peut être vu
comme un remake implicite de ce
film méconnu, qui voit un jeune
homme en bisbille avec sa fiancée
partir sur les routes en décapotable
(verte) et s’amouracher au passage
de Cécile (Anouk Aimée encore),
une Française qui pose pour des
photos érotiques sous le nom de
Lola, et qui se languit de son fils resté en France.
Un enfant en rade gît dans chacun des films dont s’inspire
Mathieu Demy. Comme ils ont été
réalisésparses parents,ilssontaussi pour lui des films de famille, une
mémoire documentaire, intime,
de sa vie. Tel est sans doute le vrai
sujet d’Americano, qui nous suggèrequeMathieuDemyest,d’unecertaine manière, le fils de leurs
œuvres avant d’être celui de ses
parents. Un enfant-cinéma, en exil
de la vraie vie, qui ne peut espérer
sortir du cercle magique qu’en y
entrant à son tour, pour tenter de
devenir, au moins, fils de ses propres œuvres. Il y a suffisamment
de courage et d’élégance dans Americano pour penser que ce rêve
n’est pas vain. p
Jacques Mandelbaum
Film français de Mathieu Demy. Avec
Mathieu Demy, Salma Hayek, Chiara
Mastroianni, Géraldine Chaplin, Carlos
Bardem, Jean-Pierre Mocky (1 h 45).
Exposition
au Musée de la musique
jusqu’au 15 janvier 2012
Du mardi au samedi de 12h à 18h
Le dimanche de 10h à 18h
Billet coupe-file sur
www.citedelamusique.fr/klee
Cité de la musique
www.citedelamusique.fr | 01 44 84 44 84
ISABELLE GIORDANO
11h - Les Affranchis
Avec tous les mercredis la chronique
de Sandrine Blanchard du journal
franceinter.fr
n cinéaste fait toujours le
même film, dit-on. Entre
son premier long-métrage,
Nid familial, réalisé en 1977, et
Le Cheval de Turin, qui sort aujourd’hui (tous sont visibles à Paris à
partir du 3 décembre, dans le cadre
de la rétrospective qu’organise le
Centre Pompidou), le Hongrois
Béla Tarr est certes passé de l’ère
communiste à celle d’après, de la
ville à la campagne désolée, du
gros plan à l’épaule aux larges travellings à la grue… Pour autant,
comme le souligne Jacques Rancière dans Béla Tarr, le temps
d’après (éd. Capricci, 2011, 96 p.,
7,50 euros), ses films tracent inlassablement le même mouvement,
« un voyage avec retour au point
de départ ».
Lors de sa présentation à Berlin
en février, le cinéaste a annoncé
que Le Cheval de Turin serait le dernier film de sa carrière. Avec le
générique de fin, on comprend
pourquoi. Après avoir déployé ce
mouvement, dont parle Rancière,
avec une ampleur symphonique
dans Satantango ou Les Harmonies Werkmeister, il travaille ici
son motif au plus près de l’os. Qui a
vu ses films sait à quel point on en
sort terrassé, le souffle coupé par
l’extraordinaire puissance d’évocation de ses plans-séquences en
noir et blanc et par le pessimisme
absolu avec lequel il dépeint l’humanité. La folie terrifiante du Cheval de Turin tient au fait que
l’auteur y pousse sa logique jusqu’à un point de non-retour, radicalisant une démarche artistique
qui passait pour le parangon de la
radicalité cinématographique.
A l’exception de la séquence
d’ouverture, l’espace est réduit ici
à une cuvette enclavée, dominée
par un arbre mort battu par le
vent, et au fond de laquelle vivent,
dans une cabane, un vieux cocher
et sa fille. Reprenant des acteurs
avec qui il a déjà travaillé (Jànos
Derzsi, le jeune homme de Sonate
d’automne, et Erika Bók, la petite
fille dans Satantango), reproduisant certains plans caractéristiques de son style, le cinéaste donne l’impression de verrouiller à
double tour une boucle qui ne
pourra plus jamais s’ouvrir.
Le film commence pourtant par
une note d’humour. Noir, certes,
mais qui sert à concentrer l’attention sur une anecdote, laquelle,
pour être grave, n’en est pas moins
amusante. Il s’agit d’un incident
qui aurait bouleversé la vie de Friedrich Nietzsche. Alors qu’il effectuait un trajet en calèche, le cheval
a cessé d’avancer. Incapable de le
remettre en marche, le cocher a
battu la bête, ce qui suscita chez le
philosophe un élan de compassion. Nietzsche se pendit au cou de
l’animal et passa ensuite les dix
dernières années de sa vie dans un
état de démence légère.
Quant au cheval, on ne sait pas
ce qu’il est devenu, conclut une
voix off. Alors, à l’image surgit
d’un épais brouillard un homme
conduisant une voiture à cheval.
Le plan s’étire, happant le spectateur, sans qu’aucune parole ait
besoin d’être prononcée. L’homme, le cheval, le mouvement de la
charrette, la campagne brumeuse,
archaïque et post-apocalyptique,
et ce prologue, qui suggère que le
mal est là, précédant toute histoire
à venir… Voilà qui suffit à Béla Tarr
pour faire naître un monde sous
nos yeux. Pendant les deux heures
et demie qui suivent, il ne nous
laissera pas nous en échapper.
On en sort terrassé,
le souffle coupé
par l’extraordinaire
puissance d’évocation
Les journées se répètent à l’identique, rythmées par les mêmes gestes, mécaniques, effectués dans le
même ordre, sans qu’une parole
soit échangée entre le père et sa
fille. En contrepoint, une phrase
musicale très simple redouble ce
rythme métronomique. Dans ces
longs plans-séquences hypnotiques,lamoindrevariationdeson,le
moindre écart de geste se chargent
d’une intensité explosive. Aussi le
surgissementd’unebandedeTziganes qui dévalent la pente de la colline dans une danse macabre est-il
porteur des plus sombres augures.
L’inquiétante troupe disparaît aussi vite qu’elle est arrivée, non sans
avoir semé sur son passage un poison mortel qui va tout engloutir.
C’est sur le cheval, véritable
héros du film, comme en atteste
un sidérant gros plan qui continue
de vous hanter après la fin de la
projection, que se manifestent les
premiers signes de la malédiction.
Opposant à l’homme sa subjectivité muette et le mystère de son irréductible altérité, l’animal cesse de
s’alimenter. Ce refus opaque résonne avec l’histoire de Friedrich
Nietzsche, suggérant la vanité de
toute volonté de puissance, et par
là, de toute entreprise humaine.
Comment après cela Béla Tarr
pourrait-il faire un autre film ? p
Isabelle Regnier
Film hongrois de Béla Tarr. Avec Janos
Derzsi, Erika Bók, Mihaly Kormos, Riscsi
(2 h 26).
0123
cinéma
Mercredi 30 novembre 2011
ppv à voir
pvv pourquoi pas
vvv à éviter
Humour juif et amour filial
Les films de la semaine
nRetrouvez l’intégralité
de la critique sur Lemonde.fr
Quand un fils éclipse son père, cela donne une comédie brillante, drôle et amère à la fois
pppexcellent
Footnote
U
Le Cheval de Turin
ppv
ne comédie intello vraiment drôle ? Succédant à
Woody Allen et aux frères
Coen, Joseph Cedar en livre avec
Footnote un bel exemple, après
avoir été révélé par Beaufort, un
film de guerre sur l’occupation
israélienne au Liban qui lui avait
valu l’Ours d’argent du meilleur
réalisateur à la Berlinale 2007. Le
cinéaste confirme son originalité
avec ce quatrième long-métrage,
une plongée drôle et grinçante
dans le monde étroit de l’érudition universitaire, qui a reçu le
Prix du scénario en mai au Festival
de Cannes.
Dans la famille Shkolnik, où
l’on est chercheur de père en fils,
Eliezer et son fils Uriel partagent le
même champ d’étude : le Talmud,
ce commentaire de la Bible hébraïque qui constitue l’un des textes
fondamentaux du judaïsme. Mais
leur relation souffre lourdement
de la différence de reconnaissance
dont ils jouissent dans le monde
académique : alors qu’Uriel, avec
ses thèses novatrices, accumule
les récompenses universitaires,
Eliezer, lui, attend toujours de voir
son travail reconnu.
Gros plans grimaçants
Travailleur acharné, il a voué sa
vie à l’examen des textes, mais il a
toujours joué de malchance. Eliezer n’a jamais obtenu d’autre gloire qu’une mention dans une note
de bas de page dans l’ouvrage de
référence d’un autre chercheur,
qu’il soupçonne de lui avoir volé
ses propres découvertes…
Amer, Eliezer vit coupé de sa
famille, enfermé dans son bureau.
Film hongrois de Béla Tarr (2 h 26).
ppvà voir
Film français
de Mathieu Demy (1 h 45).
Footnote
Film israélien
de Joseph Cedar (1 h 45).
Rhum Express
Film américain
de Bruce Robinson (1 h 54).
nGros-pois et petit-point
Jusqu’au jour où il reçoit un appel :
l’académie a décidé de lui décerner
le plus grand prix israélien en
matière scientifique. Mais très vite,
sonfilsUrielestconvoquéauministère, où les jurés du prix lui annoncent qu’une secrétaire s’est trompée de prénom, que c’est en fait à
lui que le prix est attribué. Que doit
faire Uriel ? Préférer la compassion
en laissant à son père le titre prestigieux qui lui était dû ou bien privilégier la vérité et recevoir le prix au
risqueque ce nouveaucoup du sort
soit fatal à son géniteur ?
Ce quiproquo fait de Footnote
une farce noire et amère, à l’image
des nombreux gros plans, sombres et grimaçants, que multiplie
Joseph Cedar sur le visage
d’Eliezer. Tragi-comédie familiale,
le film traite avec humour et amertume de la rivalité sournoise entre
un père et son fils en même temps
que de l’hystérie des mœurs universitaires. La virulente jalousie
du père à l’égard de son fils, dont il
méprise les travaux universitaires,témoigne ainsi du désarroinarcissique de cet homme en manque
de reconnaissance,comme le montre la réjouissante scène d’ouverture, où Eliezer assiste, le regard morne, à la remise d’un prix (encore
un !) à son fils. Uriel, lui, tente
désespérément de plaire à son
père, qu’il admire. Ironiquement,
malgré leur connaissance érudite
du langage, les deux seront incapables de communiquer…
Quantàl’étroitessedumicrocosme universitaire, Cedar en offre
uneimagesaisissantedansunescène où Uriel discute avec d’autres
professeursdumalheureuxquiproquo dans une salle bien trop étroite
pour contenir tous ces ego… L’ironie mordante de cette comédie, qui
évoque parfois A Serious Man des
frères Coen, donne à ce film où le
cérébral le dispute au grotesque un
aspect résolument divertissant. p
Sophie Walon
Film israélien de Joseph Cedar. Avec
Lior Ashkenazi, Shlomo Bar-Aba, Aliza
Rosen et Micah Lewensohn (1 h 45).
«Vienne pour mémoire», de la fuite au retour via l’exil
Le scénariste Georg Stefan Troller revient sur les souvenirs de guerre qui ont inspiré sa trilogie
S
ept ans, ce peut être une éternité. Entre 1938 et 1945, pour
un jeune juif autrichien qui
avait fui l’antisémitisme de ses
compatriotes, puis échappé de justesse à l’avance de la Wehrmacht
en France, avant de revenir à Vienne sous l’uniforme américain, il y
avait assez de jours pour vivre plusieurs vies.
De quoi aussi écrire plusieurs
films. Georg Stefan Troller, bientôt
90 ans, est l’auteur des scénarios
des trois longs-métrages qui composent la trilogie Vienne pour
mémoire (en allemand Wohin und
zurück, approximativement « aller
et retour ») que réalisa Axel Corti
entre 1980 et 1986. Né en 1933, élevé en France, Corti est mort en
1993. Si Welcome in Vienna, le dernier volet, présenté à Cannes en
1986, est sorti en salles en France et
y a rencontré le succès, les deux
autres films ont été diffusés à la
télévision et rarement projetés.
Pour tirer le portrait de cette
petite fraction de la population juive germanophone qui a échappé à
l’extermination, au prix de l’exil
et de deuils innombrables, Troller
et Corti ont eu recours à la fiction.
Les incidents qui ont marqué la
fuite, l’exil américain et les campagnes en Europe du scénariste ont
été réarrangés. Dans son apparte-
ment parisien, Georg Stefan Troller se souvient de ce moment, au
début des années 1980, où, pour la
première fois, il a raconté son histoire, « que personne ne [lui] avait
demandée » jusqu’alors. Les télévisions autrichienne et suisse commandèrent à Corti et Troller (qui
avaient déjà travaillé ensemble)
un film sur l’émigration.
« Je me suis “outé” », dit en riant
le vieil homme à la barbe impeccablement taillée. Il veut dire qu’à ce
moment personne ne savait que
Georg Stefan Troller, journaliste
vedette de la télévision allemande, était un juif autrichien. Il habitait en France, d’où il présentait un
« Journal parisien » très populaire.
Ses spectateurs le prenaient pour
un Français et lui jouait le jeu, se
faisant passer pour alsacien.
L’écriture de Dieu ne croit plus
en nous, le premier film de la trilogie, l’a fait replonger dans son histoire. Cette première partie
dépeint la fuite sans fin, de pays
en pays, à la recherche de papiers,
de visas, toujours refusés. Une foule de personnages se croisent et se
perdent au gré des catastrophes.
C’est une œuvre de fiction faite de
souvenirs irréfragables. Détenu
neuf mois dans des camps d’internement français, Troller a bien
entendu le commandant du der-
nier d’entre eux annoncer aux
détenus juifs qui demandaient à
être libérés avant l’arrivée des
nazis : « Vous allez retrouver vos
compatriotes. »
Diffusé en 1982 sur les chaînes
allemande et autrichienne, Dieu
ne croit plus en nous a rencontré
un écho suffisant pour qu’une suite soit mise en chantier. Santa Fe
met en scène ce moment de l’exil
où les forces viennent à manquer.
Les personnages apprennent les
Fuite sans fin, de pays
en pays, à la recherche
de papiers, de visas
toujours refusés
suicides de Walter Benjamin et de
Stefan Zweig, peinent à vivre, eux
qui sont arrivés à survivre. Les exilés se sont installés à New York,
que Freddy (Gabriel Barylli), l’alter
ego de Troller, rêve de quitter pour
le Nouveau-Mexique. Ce séjour
new-yorkais a été filmé à Vienne et
à Trieste. « Axel Corti était un génie
pour faire beaucoup avec peu de
moyens », se souvient Troller.
Cette frugalité n’a pas empêché
le cinéaste de voir plus grand pour
Welcome in Vienna, le troisième
volet du triptyque. Tourné en
35 mm (les précédents films
l’avaient été en 16 mm), le film
était destiné au cinéma. Ce récit
du retour tragique de Freddy dans
sa ville natale a été froidement
accueilli en Autriche. « Le Kronen
Zeitung [quotidien populaire
viennois] a écrit que messieurs
Troller et Corti allaient se faire
beaucoup d’argent avec le malheur des réfugiés », raconte le scénariste. On est en 1986, après l’élection controversée de Kurt Waldheim à la présidence autrichienne. Welcome in Vienna montre des
Viennois adressant à des réfugiés
juifs de retour des reproches comme : « Vous avez eu de la chance de
partir, alors que nous avons souffert pendant la guerre. » Troller :
« Je n’ai jamais vu ailleurs cette apitoiement sur soi-même. »
Cette lumière crue éclaire aussi bien les victimes que les bourreaux. Le petit monde de l’émigration est dépeint sans concessions, sans refuser le risque de la
comédie. « Kafka riait en lisant
ses textes », rappelle Georg Stefan
Troller. p
Thomas Sotinel
Dieu ne croit plus en nous (1982,
1 h 50), Santa Fe (1985, 1 h 55), Welcome in Vienna (1986, 2 h 01), films
autrichiens d’Axel Corti.
SHAME
MICHAEL
FASSBENDER
CAREY
Documentaire anglais
de Sue Bourne (1 h 35).
Tourné lors du 40e championnat
du monde de danse irlandaise, en
mars 2010 à Glasgow, Jig met en
scène 6 000 jeunes danseurs,
leurs familles et professeurs. Sue
Bourne insuffle à son documentaire un vrai sens du suspense. p S. W.
nKidnappés
Americano
Papa Shkolnik (Shlomo Bar-Aba, à droite) et son fils (Lior Ashkenazi). LEON SOKOLETSKI/RAN MENDELSON
nJig
Film d’animation suédois d’ Uzi et
Lotta Geffenblad (43 min).
Ce moyen-métrage d’animation,
à la fois pédagogique et onirique,
fera le bonheur des petits. On suit
les deux personnages à travers
leurs expériences ludiques :
redécorer leur salon, imaginer
des dessins en reliant les étoiles,
construire un bateau… Ils donneront aux enfants une foule d’idées
pour occuper leurs samedis
après-midi. p S. W.
nHara-kiri :
mort d’un samouraï
Film japonais
de Takeshi Miike (2 h 05).
Cette tragédie féodale est mise en
scène avec une retenue étonnante de la part d’un cinéaste aussi
excessif que Takeshi Miike. Cette
modération formelle donne plus
de force à une critique sans pitié
du code d’honneur samouraï,
mis en pièces par l’égoïsme des
privilégiés face à un chevalier
désargenté qui aspire au suicide
rituel. p Jean-Luc Douin
nTerritoire perdu
Documentaire belge
de Pierre-Yves Vandeweerd (1 h 15).
Trente-cinq ans après le début du
conflit entre les Sahraouis du
Front Polisario et l’armée marocaine, Pierre-Yves Vandeweerd filme
les camps de réfugiés et la barrière
érigée par le Maroc dans le Sahara.
Ces images sont accompagnées de
récits de guerre et d’exil. Et la combinaison de ces vues presque hiératiques et de cette parole presque
épuisée à force d’avoir été répétée
sans être entendue donne un film
qui met en scène la vie dans l’oubli
du reste du monde. p T. S.
pvvpourquoi pas
nJe m’appelle
Bernadette
Film espagnol
de Miguel Angel Vivas (1 h 22).
Une famille bourgeoise est agressée à son domicile par trois cambrioleurs qui retiennent la mère et
la fille en otage pendant que l’un
d’entre eux emmène le père vider
les distributeurs. Sur un schéma
rappelant Funny Games (1997) de
Michael Haneke, Miguel Angel
Vivas joue avec les nerfs des spectateurs et force ceux-ci à s’interroger sur un plaisir sadique suscité
par un pur ressentiment de
classe. p Jean-François Rauger
nLa Vie murmurée
Documentaire français
de Marie-Francine Le Jalu
et Gilles Sionnet (1 h 42).
Osamu Dazai est un écrivain japonais révéré dans son pays, autant
pour son œuvre, qui exalte la faiblesse de l’homme, que pour son
destin, conclu tragiquement sur
son suicide en 1948, à 39ans. L’originalité de ce documentaire consiste à montrer à quel point l’œuvre
de Dazai résonne encore dans la
société japonaise. Sa faiblesse est
de ne pas éclairer suffisamment la
nature de cette œuvre. p J. M.
nLe Chat potté
Film d’animation américain
de Chris Miller (1 h 30).
Sans doute dans l’espoir qu’il sera
au marché hispanique ce que le
panda fut au marché chinois, le
studio Dreamworks a offert un
long-métrage au chat à l’accent
espagnol. Il aurait été sage de lui
offrir aussi un scénario, plutôt
qu’un collage de contes et de comptines qui ne servent qu’à justifier
des effets de relief pour parcs
d’attractions. p T. S.
nLes Lyonnais
Film français
d’Olivier Marchal (1 h 42).
La célèbre saga du gang des Lyonnais, groupe phare du grand banditisme des années 1970, revue et
romancée par Olivier Marchal,
policier passé cinéaste. La reconstitution de leurs hauts faits se mêle
donc au retour inattendu du vieux
Edmond Vidal (Gérard Lanvin)
aux affaires, dans un récit tragique
d’amitié et de trahison. Une partition un peu mécanique. p J. M.
nThe Lady
Film français de Jean Sagols
(1 h 49).
En 1858, à Lourdes, la Vierge apparaît plusieurs fois à Bernadette,
jeune fille pauvre et illettrée. Les
autorités religieuses et politiques
s’alarment bientôt du désordre
causé par cette jeune fille tenace…
Jean Sagols brosse un portrait complexe et convaincant de Bernadette Soubirous incarnée avec force
par Katia Miran. p S. W.
Film français
de Luc Besson (2 h 07).
Portrait de la dirigeante birmane
Aung San Suu Kyi (Michelle Yeoh),
The Lady témoigne du respect que
Luc Besson lui porte. Mais ce respect va jusqu’à le paralyser, le laissant incapable de mener à bien
son projet: montrer le combat politique de l’opposante à la junte militaire à travers le regard de son
mari, l’universitaire britannique
Michael Aris (David Thewlis). p T. S.
« Intouchables » approche les dix millions d’entrées
Pour la quatrième semaine consécutive, Intouchables est en tête du classement dans les cinémas français. Le film d’Olivier Nakache et Eric Toledano avait réuni 9 556 950 spectateurs le 27 novembre, selon les chiffres
d’Ecran total. Parmi les films sortis le 23 novembre, on remarque la bonne tenue du film de science-fiction américain Time Out, avec près de
370 000 entrées, des Adoptés, le premier film de Mélanie Laurent
(81 256 entrées sur 152 copies), et de L’Art d’aimer, d’Emmanuel Mouret,
qui a réuni plus de 70 000 spectateurs. Résultat plus décevant pour
L’Or noir, de Jean-Jacques Annaud, avec 122 596 entrées. p
MULLIGAN
FESTIVAL DE VENISE 2011
PRIX D'INTERPRÉTATION
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F I L M
D E
STEVE MCQUEEN
AU CINÉMA LE 7 DÉCEMBRE
Design : Benjamin Seznec / TROÏKA • Crédits non contractuels.
ppp excellent
23
& vous
24
0123
Mercredi 30 novembre 2011
S’asseoir dans la cour
des grands
Ces chaises et ces fauteuils sont signés Andrée Putman, Sylvain Dubuisson, Alberto Pinto, Philippe Starck,
Jean-Michel Wilmotte, Christophe Pillet… Seize designers ont conçu des sièges qui ont pour point commun
d’avoir été réalisés dans la plus ancienne manufacture
de ce type de mobilier en France, à Liffol-le-Grand (Vosges), où l’on est depuis six générations maîtres menuisiers, ébénistes, sculpteurs et tapissiers. Loin de l’idée
que l’on se fait parfois des manufactures, Henryot & Cie,
labellisée entreprise du patrimoine vivant, donne vie
aux créations des plus grands designers et a créé sa propre ligne de design, la ligne H. La galerie parisienne
Snart 7 expose quelques-unes de ces pièces dans une
mise en scène en noir (pour les ossatures des sièges) et
blanc (pour les assises), les deux couleurs de la charte graphique de la manufacture. p Mélina Gazsi (PHOTOS DR)
« 16 chaises/16 designers », Galerie Snart 7, 17, rue Duvivier,
Paris 7e. Du mardi au samedi de 10 heures à 13 heures et de 14 heures à 19 heures. Jusqu’au 2 janvier 2012. Snart7.com
L’abus d’alcool inquiète les parents
Les familles estiment que les adolescents s’enivrent de plus en plus jeunes
Retard de sommeil:
attention danger
Santé
De plus en plus de personnes souffrent de
désynchronisation de leur horloge biologique
L
’alcool chez les jeunes est un
sujet de préoccupation
majeur pour les parents. Pour
83 % d’entre eux, il est « une source
d’inquiétude », selon un sondage
réalisé par OpinionWay auprès de
557pères etmères d’enfantsscolarisés pour l’Association des parents
d’élèves de l’enseignement libre
(entretiens effectués sur Internet
entre les 19 et 28 octobre) et rendu
public mardi 29 novembre.
Les trois quarts des parents estiment que la consommation
d’alcool par les filles a augmenté
par rapport à la leur, et 59 % qu’elle
a grimpé pour les garçons. Le plus
inquiétant, de leur point de vue,
est le fait que « les jeunes consomment de plus en plus souvent de l’alcool de façon excessive, jusqu’à
l’ivresse » (40 %), « le fait qu’ils boivent de plus en plus jeunes » (28 %)
et « qu’ils ne puissent plus envisager une soirée entre amis sans qu’il
y ait de l’alcool » (20 %).
En revanche, quand il s’agit de
leurs propres enfants, les parents
sontplus confiants.Seulement14 %
des parents d’enfants âgés de 12 ans
ou plus estiment que leur consommation a augmenté par rapport à la
leur au même âge. «Le foyer appa-
raît comme un rempart, commente
OpinionWay. Reste à savoir si ce
rempart constitue une réalité ou
une illusion qui freine leur prise de
conscienceetrenddefaitplusdifficile l’efficacité des campagnes.»
Dans les services des urgences,
les jeunes seraient de plus en plus
nombreuxàarriverencomaéthylique. Xavier Pommereau, psychiatre et responsable du centre aquitain de l’adolescence au CHU de
Bordeaux, s’inquiète à double
titre : il constate un rajeunissement considérable des jeunes qui
s’enivrent et une proportion de
fillesde plus en plus forte. « Ces jeunes sont de tous milieux et ne se
limitent plus aux 15 % de ceux qui
vont mal. Dès 11-12 ans, ils se livrent
à des ivresses répétées; les 13-16 ans
organisent des fiestas qui sont de
véritables beuveries. Chaque weekend, en moyenne, deux jeunes filles
de moins de 15 ans arrivent aux
urgences du CHU de Bordeaux en
état d’ébriété avancé ou en coma
éthylique », commente-t-il.
Cessoirées alcooliséescommencent dès le jeudi soir avec les étudiants, puis le vendredi soir, avec
les lycéens et – fait nouveau – les
collégiens. On débute à la bière,
avant de passer à la vodka. Les jeunes choisissent cet alcool parce
qu’il rend ivre très vite, qu’il est
incolore et qu’on peut le cacher
dansdes bouteillesd’eau. Pouraugmenter ses effets, les jeunes prennent des boissons énergisantes.
Les fiestas sont l’occasion de jeux à
base de questions, de charades, où
celui qui se trompe doit boire cul
«Dès 11- 12 ans,
les jeunes se livrent à
des ivresses répétées»
Xavier Pommereau
psychiatre
secun verre d’alcool fort. «Dans ces
fiestas, les adolescents retrouvent le
monde de l’insouciance, font des
batailles de polochons. Mais quand
ils sont ivres, ils se lâchent, comme
ils disent, peuvent avoir des rapports sexuels non protégés, se mettre en danger en rentrant en deuxroues », raconte Xavier Pommereau.
Le psychiatre « déconseille très
fortement aux parents de laisser
seuls des adolescents de moins de
16 ans faire une fiesta à la maison.
Si le comportement de leur enfant
les inquiète, il faut qu’ils en parlent
avec lui sans le braquer ». Par
ailleurs, en cas de sortie, il incombe
aux parents de prévoir un retour
sécurisé, quitte à prendre un taxi.
Philippe Batel, psychiatre, chef
du service d’addictologie de l’hôpital Beaujon à Clichy-sur-Seine
(Hauts-de-Seine), plaide pour une
prévention précoce. « Il faut ouvrir
ledialoguedèsl’âge de 10ansetparler aux enfants des problèmes de
drogue, de tabagisme et bien sûr
d’alcool. » Les études, ajoute-t-il,
montrent que les jeunes qui ont
connu des ivresses répétées entre
15 et 20 ans développent une sensibilité aux addictions de toutes sortes (alcoolisme, toxicomanie…), y
compris vingt ans après. « Je suis
frappé de voir que les parents nous
amènent leur ado parce qu’ils ont
trouvé un joint dans sa chambre,
mais qu’ils ne réagissent pas quand
il rentre ivre le samedi soir », déplore le spécialiste.
Selon l’enquête HBSC (Health
Behaviour in School-Aged Children) publiée en 2008, l’ivresse a
fortement augmenté entre 2002 et
2006 : 41 % des jeunes de 15 ans
déclarent avoir été ivres, contre
30 % en 2002. Ces ivresses touchaient davantage les garçons que
les filles : 9 % des garçons de 11 ans
pour 4 % des filles du même âge et,
à 15 ans, 44 % contre 38 %. p
Martine Laronche
Santé
INDISPENSABLE!
Le guide Hi-Fi pour faire le bon choix
Les médecines naturelles séduisent
Les Français sont de plus en plus préoccupés par leur santé. C’est ce qui
ressort d’une étude du groupe de protection sociale Malakoff Médéric
et de l’institut Médiascopie, présentée lundi 28 novembre et réalisée
auprès de 800 personnes. Interrogées sur l’univers de la santé, les personnes se montrent inquiètes au sujet des maladies, au premier rang
desquelles le cancer, et celles liées à l’âge comme la maladie d’Alzheimer. « L’étude montre une perception positive des nouvelles approches
telles que les médecines naturelles ou la télémédecine », souligne Isabelle
Hébert, directrice de la stratégie et du marketing de la branche santé de
Malakoff Médéric. p Pascale Santi
U
ne personne sur trois se
plaint de son sommeil. Un
phénomène qui n’est certes pas nouveau mais qui s’amplifie. Ces troubles « encore imparfaitement prévenus et traités » peuvent avoir des conséquences parfois dramatiques, ont rappelé, le
25novembre, les Académies nationales de médecine et de pharmacie. En cinquante ans, le temps de
sommeil moyen a diminué de
1 h 30 pour s’établir à 6 h 58 en
semaine et à 7 h 50 le week-end,
selon l’Institut national du sommeil et de la vigilance (INSV).
Favorisés par les nouvelles
habitudes de vie – notamment le
temps passé devant les écrans,
surtout chez les jeunes –, les troubles du sommeil entraînent fatigue et troubles de l’humeur. Plus
grave, ils peuvent causer la somnolence au volant. Sans parler de
l’absentéisme ou des difficultés
scolaires. La dette de sommeil
pourrait aussi être à l’origine de
maladies cardio-vasculaires, voire de cancers.
Les Académies de médecine et
de pharmacie préconisent de « faire du sommeil de l’enfant et de
l’adolescent une question de santé
publique ». Ceux-ci, qui « se couchent de plus en plus tard, ont une
dette de sommeil de plus en plus
importante, qui entraîne une grande fatigue, laquelle peut avoir des
effets sur leur vigilance et leur performance », constate le professeur Yvan Touitou, chronobiologiste, membre de l’Académie de
médecine.
En cinquante ans,
le temps de sommeil
moyena diminué
de 1 h 30
Or un enfant ou un adolescent
se plaignant régulièrement d’être
fatigué doit être écouté, souligne
le professeur Touitou. Les
parents ont l’impression qu’il suffit de dormir plus pendant le
week-end. Or il faut se coucher et
se lever à heures régulières, y
compris le week-end, insistent les
spécialistes.
Conséquence de cette dette de
sommeil : de plus en plus de personnes souffrent de désynchronisation de leur horloge biologique
(avance ou retard de phase des
rythmes circadiens). Si l’on ne fait
rien, l’enfant ou l’adolescent se
retrouvent dans une situation de
retard de phase qui peut se transformer en troubles du sommeil. p
Pascale Santi
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0123
disparitions
Mercredi 30 novembre 2011
Pionnier de la télévision
et défenseur de la littérature
Batteur de jazz
et compositeur
Pierre
Dumayet
I
I
l se voyait comme un « artisan » du
petit écran. Il restera comme l’un
des pères de la télévision moderne
etl’inventeur des émissionslittéraires sur le petit écran. Producteur,
réalisateur, scénariste, journaliste
et écrivain, Pierre Dumayet, mort, jeudi
17 novembre, à l’âge de 88 ans, s’est frotté à
tous les genres cathodiques et littéraires.
Né en 1923, Pierre Dumayet a 24 ans
quand, licence de lettres en poche, il entre
à la Radio-Diffusion, l’ancêtre de Radio
France, où il collabore au service livres de
Jean Lescure. Deux ans plus tard, en 1949,
il collabore aux premiers journaux télévi-
24 février 1923 Naissance à Houdan
(Yvelines)
1949 Premiers journaux télévisés
27 mars 1949 Lancement
de « Lectures pour tous »
9 janvier 1959 Premier numéro
de « Cinq colonnes à la une »
Juin 1968 Sabordage de l’émission
après les événements de Mai 1968
1990 Emission « Lire et écrire »
17 novembre 2011 Mort à Paris
sés de la France d’après-guerre. Le 27 mars
de la même année, il lance « Lectures pour
tous », la première émission littéraire, et
se fait ainsi connaître du public, du moins
de ceux qui possèdent alors un poste, et
dont le nombre, en 1953, ne sera encore
que de 60 000.
Chaque mercredi soir, après la « Piste
aux étoiles » – cravate, costume trois pièces et petites lunettes –, Pierre Dumayet
reçoit Colette, Marguerite Duras, Raymond Queneau, François Mauriac… Une
télévision et des conversations respectueuses de la parole et des silences de ses
invités. « C’est que les téléspectateurs
n’étaient pas considérés comme des
clients. Ils étaient, plutôt, des lecteurs d’un
genre nouveau. Des lecteurs de visages »,
commente-t-il dans son Autobiographie
d’un lecteur (Pauvert), publiée en 2000. A
la fin des années 1950, après avoir créé
avec Claude Barma « Agence Nostradamus », le premier feuilleton télé, ce défricheur devient une figure populaire et
l’une des personnalités les plus marquantes du petit écran.
Sur les postes de l’époque, toujours en
noir et blanc, on ne peut voir qu’une seule
chaîne et à peine cinquante heures de programmes par semaine. Parmi elles, « Cinq
colonnes à la une », dont le premier numéro est diffusé le 9 janvier 1959. Un choc :
produite par Pierre Lazareff, Pierre Desgraupes et Pierre Dumayet – les « 3 P » – et
réalisée par Igor Barrère, l’émission popularise le grand reportage télévisé. Le public
peut enfin observer et sentir le monde
vibrer devant ses yeux. La guerre d’Algérie, le Vietnam, mais aussi Edith Piaf ou
Johnny Hallyday s’invitent dans les foyers
grâce à cette émission hors normes qui
captive jusqu’à 80 % de l’audience.
Les couleurs du journalisme
Portant haut les couleurs du journalisme malgré la censure du ministère de
l’information et la faiblesse de ses moyens
techniques, « Cinq colonnes à la une » est
née avec le gaullisme. Elle mourra aussi
avec lui. Avant de disparaître de l’antenne
en décembre 1968, l’émission se saborde
pendant la contestation étudiante. En
juin 1968, dansune tribune publiéedansLe
Monde, Pierre Dumayet justifie la grève de
l’ORTF : « Les coupables sont les membres
des gouvernements et de leurs délégués qui
inlassablement, depuis bientôt plus de dix
ans, ont œuvré pour que la télévision françaisedonneaupublicuneversiondel’actualité conforme à leurs besoins politiques. »
Deux ans plus tard, en septembre 1970,
les « 3 P » et Igor Barrère se retrouveront
pourtant pour faire « Information Première », un nouveau magazine conçu sur le
modèle de « Cinq colonnes à la une ».
Touche-à-tout, toujours animé d’une
farouche volonté de faire passer l’intelligence des deux côtés du téléviseur, Pierre
Paul Motian
l a joué avec Bill Evans, Coleman Hawkins, Thelonious Monk, Stan Getz,
Paul Bley, Charlie Haden, Keith Jarett…
Musicien en mouvement, qui déployait
une approche aussi maîtrisée que déstructurée, hors de la ponctuation classique,
Stephen Paul Motian est mort, le
22 novembre, à Manhattan (New York), à
l’âge de 80 ans, d’une affection maligne de
la moelle osseuse.
Si le jazz d’aujourd’hui sonne comme il
sonne, il le doit en partie à ce musicien, batteurmélodiste etcoloriste, maisaussicompositeur. Il avait commencé à jouer en 1955
25 mars 1931 Naissance à Philadelphie
1943 Début à la batterie
1959-1961 Dans le trio de Bill Evans
1972 Premier album en leader
22 novembre 2011 Mort à Manhattan
Pierre Dumayet chez lui, en Normandie, en 2000. JEAN-FRANÇOIS JOLY
Dumayet produit alors des émissions aussi bien pour Antenne 2 et FR3 que pour TF1.
Il enchaîne les scénarios de fictions (Monsieur Bais en 1978, Malevil en 1981) et les
séries culturelles ambitieuses bien que
confidentielles. Les titres de ses émissions
– « Lire c’est vivre » (1976), « Des millions
de livre écrits à la main » (1975), « Lire et
écrire » (1990) – soulignent combien la lecture reste pour lui au premier plan. « Le
livre est quelque chose qui doit circuler
entre l’auteur et l’interviewer, disait-il. Et
cette circulation doit être perceptible par
les téléspectateurs. Ladite circulation ne
concerne pas l’histoire qui se met en avant
dans le livre, mais des détails qui nous permettent d’entrer (ou d’en avoir l’impression) dans la personnalité de l’auteur. »
Passionné par Gustave Flaubert, Pierre
Dumayet consacrera plus d’une vingtaine
d’émissions à l’auteur de Madame Bovary.
« Si j’ai longtemps persévéré dans le discours dit culturel, c’est aussi par indignation contre ce qui se fait communément en
la matière, déclarait-il au Monde en 1975.
Pour démontrer, qu’au-delà des penseurs à
la petite semaine dont la médiocrité galon-
née inonde notre télévision, pensent un
Roland Barthes, un Michel Serres. » Sur RTL
puis sur Antenne 2, Pierre Dumayet sait
aussi se faire canaille. Il lance au milieu
des années 1970 la mode des questions
décalées avec « Questions sans visages ».
« Vous ne trouvez pas regrettable que les
seins et les fesses d’une femme ne se trouvent pas du même côté ? » Du Ardisson
avant l’heure. « J’en avais marre des questions sur mesure », dira-t-il.
Dans les années 1990, l’arrivée de la
télé privatisée et des animateurs-producteurs l’éloigne peu à peu du petit écran.
Face à cette télévision qui ne prend plus le
temps d’écouter, Pierre Dumayet devient
spectateur. A Bages, dans sa maison de
l’Aude, il écrit. La Nonchalance (Verdier,
1990) ; La vie est un village (1992) ; Le Parloir (1995) ; La Maison vide (1996)… Dans
son autobiographie, il revient sur ses
années de jeunesse et son apprentissage
de la lecture. « Je n’avais pas compris que
lire servait à apprendre. Je croyais que lire
servait à lire exclusivement. Je crois n’avoir
pas changé. » p
Guillaume Fraissard
Sulfureux réalisateur britannique
Ken Russell
R
ien ne réjouissait autant Ken
Russell que de susciter la
fureur:cellesdes censeursbritanniqueslorsqu’il miten scène deux hommes nus (Oliver
Reed et Alan Bates) enlacés
dans Love (1969) ; celle de l’Eglise catholique qui demanda l’interdiction des Diables
(1971), film inspiré de l’affaire des possédés
de Loudun; celles des mélomanes, furieux
3 juillet 1927 Naissance à
Southampton (Royaume-Uni)
1969 « Love », d’après D. H. Lawrence
1975 « Tommy », d’après les Who
27 novembre 2011 Mort à l’hôpital
de voir Tchaïkovski présenté sous les traits
d’un homosexuel refoulé (Music Lovers,
1970) ou Franz Liszt sous l’habit d’une rock
star(Lisztomania,1975).Cegoûtdelaprovocation a parfois masqué le talent de ce
cinéaste singulier qui est mort dans son
sommeil, la nuit du dimanche27 au lundi
28novembre. Il avait 84 ans.
Ken Russell est né le 3 juillet 1927 à
Southampton. Après avoir été marin et
aviateur, il est embauché à la BBC où on lui
confie rapidement la réalisation de documentaires biographiques. Ses méthodes
peu orthodoxes (il utilise des séquences
jouées par des comédiens dans un film
consacré à Elgar) suscitent l’intérêt des producteurs de cinéma. Ses deux premiers
En 1985. LEBRECHT/RUE DES ARCHIVES
longs métrages (French Dressing, 1964, et
Un cerveau d’un milliard de dollars, en 1967
d’aprèsun roman d’espionnagede Len Deighton) attirent moins l’attention que les
films qu’il continue de réaliser pour la télévision, qu’ils évoquent Isadora Duncan ou
le douanier Rousseau.
La sortie de Love, adapté de Femmes
amoureuses, de D. H. Lawrence, déclenche
en revanche une polémique immédiate.
Russell suit à la lettre le programme érotique du romancier, développant en images
les métaphores sexuelles, dévêtant ses per-
25
sonnages au risque d’encourir les foudres
de la censure. Au passage, le cinéaste offre à
son quatuor d’acteurs (Glenda Jackson,
Vanessa Redgrave, Oliver Reed et Alan
Bates) des rôles d’anthologie. Glenda Jackson remporte d’ailleurs l’Oscar pour son
interprétation.
Les Diables, inspiré du livre qu’Aldous
Huxley avait consacré à l’affaire de
Loudun, va encore plus loin dans la provocation.Russellmontredanstoutesadimension érotique la possession démoniaque
d’un prêtre, incarné par le fidèle Oliver
Reed, et des religieuses qui l’entourent. La
version intégrale du film devrait sortir en
2012auRoyaume-Uniàl’occasionducentenaire de la commission de censure cinématographique. Fasciné par le motif du créateur réprimé, Russell a utilisé le langage du
rock pour évoquer des musiciens classiques. Il a confié le rôle de Liszt à Roger Daltrey,lechanteurdes Who,aprèsavoiradapté Tommy, l’opéra rock du groupe en 1975.
Pendant cette période chaotique de grande
célébrité, il alterne les échecs, comme une
biographiedeRudolfValentino(1977)interprétée par Rudolf Noureev, et les succès
comme Au-delà du réel (1980), avec
William Hurt, dont la thématique psychédélique a fait un film culte.
Dans les années 1980, Kenn Russell se
consacre à la mise en scène d’opéra. Il
revient aucinéma en1989 avecGothic, film
d’horreur qui raconte la conception de
Frankenstein par Mary Shelley. Si sa tendance au grotesque s’est un peu émoussée,
son talent pour découvrir de nouveaux
acteurs ne se dément pas : Gabriel Byrne,
NatashaRichardsonsontau génériquependantque son film suivant, Le Repaire du ver
blanc, révèleHugh Grant.Le succèsdécroissant de ces longs métrages l’avait contraint
à produire lui-même des films de format
variable, qu’il réalisait parfois dans son jardin. Dernier scandale, il avait participé en
2007 à l’émission de télé-réalité Celebrity
Big Brother, qu’il avait quittée avec fracas
au bout de quatre jours. p
Thomas Sotinel
avec le pianiste Bill Evans, puis, à partir de
1959, avec le contrebassiste Scott LaFaro,
formant ainsi, jusqu’à la mort accidentelle
de ce dernier, en 1961, un trio historique où
la répartition des rôles était totalement
réinventée : l’interaction devint à la fois le
moyen et l’objectif, là où traditionnellement le pianiste vedette était flanqué de
ses deux accompagnateurs.
Peu de musiciens auront autant suscité
des comparaisons picturales. « Il avait des
pinceaux au bout des mains », souligne
son confrère Aldo Romano. Selon lui,
« Motian pratiquait le silence à la Jankélévitch, la poésie du silence, l’ombre de la
note. Il était plus moderne par son attitude
que par son jeu, assez linéaire et avec un
sensde laponctuation sans influences afrolatines. »
ROBERT LEWIS/ECM RECORDS
D’origine arménienne, Paul Motian
avait d’abord joué de la guitare avant
d’adopter la batterie à l’âge de 12 ans. Il se
fixe à New York après avoir servi dans la
Navy et mutiplie les collaborations musicales. Après le trio d’Evans, une longue
relation musicale va notamment l’unir à
deux autres pianistes, Paul Bley (à partir
de 1963) et Keith Jarrett (depuis 1967) et au
contrebassiste Charlie Haden. Motian
joue avec son style personnel, souvent
qualifié d’abstrait, dont l’évolution se
poursuivra au fil des décennies, au gré de
son goût pour l’aventure musicale.
Paul Motian savait aussi bien trouver
sa place au sein d’un grand orchestre que
se lancer dans d’intrépides duos sans filet,
commeceux qu’il enregistra avec le pianiste italien Enrico Pieranunzi (Doorways,
2004). Il n’avait jamais figé sa musique à
une étape de son évolution, afin d’avoir
toujours quelque chose d’autre à jouer
demain. En septembre, il se produisait
encore dans son club fétiche à New York, le
Village Vanguard. p
Paul Benkimoun
Sur 0123.fr
Sena Jurinac, représentante de l’âge
d’or de l’opéra viennois, par Marie-Aude
Roux.
David Messas, « l’âme de la communauté juive de Paris », par Stéphanie Le Bars.
Isaac Celnikier, peintre et graveur rescapé de l’extermination, par Philippe
Dagen.
Guy Dejouany, ancien PDG de la Compagnie générale des eaux, par Isabelle ReyLefebvre.
Henri Karayan, avant-dernier survivant
de l’« Affiche rouge », par Dominique Buffier.
26
météo & jeux
< -10°
-5 à 0°
-10 à -5°
0 à 5°
5 à 10°
Mercredi 30 novembre
Faibles pluies du Pays Basque à l’Alsace
10 à 15°
45 km/h
Cherbourg
11 13
50 km/h
99
5
6 9
Strasbourg
Rennes
5 12
4 10
7 12
Dijon
Poitiers
7 10
10 17
Montpellier
Marseille
9 15
7 15
10 15
Alger
Aujourd’hui
D
Front froid
10 14
Occlusion
Thalweg
Jérusalem
Le Caire
Etats-Unis Toujours doux et assez ensoleillé
7 17
Lever 12h16
Coucher 22h53
Jeudi
Le front froid perdra de son activité,
apportant quelques pluies des Pyrénées à
l'Alsace surtout le matin. De larges
éclaircies résisteront à l'avant sur les
régions du sud-est. D'autres se
développeront de la façade atlantique au
Bassin Parisien, alors que quelques ondées
arroseront la Normandie et le
Nord-Pas-de-Calais. Les thermomètres
conserveront un niveau élevé pour la
saison.
Tripoli
Tripoli
Dépression
Front chaud
Ajaccio
20 km/h
Lever 08h20
Coucher 16h55
Saint André
Coeff. de marée 70/65
Anticyclone
Beyrouth
Rabat
En Europe
Températures à l’aube 1 22 l’après-midi
Athènes
Tunis
Tunis
9 11
11 11
9 12
13 14
5 13
6 14
9 16
8 13
8 16
9 17
Amsterdam
Athènes
Barcelone
Belgrade
Berlin
Berne
Bruxelles
Bucarest
Budapest
Copenhague
Dublin
Edimbourg
Helsinki
Istanbul
Kiev
La Valette
Lisbonne
Ljubljana
Londres
Luxembourg
Madrid
Moscou
Nicosie
Oslo
Prague
Reykjavik
souventdégagé
9
largementdégagé 9
beautemps
12
beautemps
0
souventdégagé
1
éclaircies
3
largementdégagé 5
largementdégagé 0
beautemps
-3
souventdégagé
8
souventdégagé
8
6
souventdégagé
6
trèsnuageux
8
beautemps
largementdégagé 1
aversesmodérées 16
9
beautemps
largementdégagé 0
6
souventdégagé
aversessporadiques 4
3
beautemps
-2
éclaircies
souventdégagé 11
aversesmodérées 8
1
souventdégagé
-8
éclaircies
Riga
Rome
Sofia
Stockholm
Tallin
Tirana
Varsovie
Vienne
Vilnius
Zagreb
10
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10
7
3
8
11
10
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4
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5
12
7
14
0
18
10
5
0
2 6
8 15
-1 11
5 7
4 7
6 16
0 6
-1 3
1 3
1 6
souventdégagé
beautemps
beautemps
souventdégagé
souventdégagé
largementdégagé
souventdégagé
largementdégagé
souventdégagé
beautemps
Dans le monde
Alger
largementdégagé
Amman
souventdégagé
Bangkok
souventdégagé
Beyrouth
largementdégagé
Brasilia
risqueorageux
Buenos Aires largementdégagé
Dakar
largementdégagé
Djakarta
risqueorageux
Dubai
largementdégagé
Hongkong largementdégagé
Jérusalem souventdégagé
Kinshasa
souventdégagé
Le Caire
souventdégagé
Mexico
beautemps
Montréal
aversesmodérées
Nairobi
averseslocales
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21
11
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New Delhi
New York
Pékin
Pretoria
Rabat
Rio de Janeiro
Séoul
Singapour
Sydney
Téhéran
Tokyo
Tunis
Washington
Wellington
largementdégagé
largementdégagé
beautemps
souventdégagé
beautemps
risqueorageux
fortespluies
risqueorageux
risqueorageux
beautemps
averseslocales
averseslocales
largementdégagé
beautemps
14 25
10 14
-3 5
17 26
10 21
22 29
6 8
26 29
21 28
1 8
11 17
15 20
5 11
11 18
Cayenne
Fort-de-Fr.
Nouméa
Papeete
Pte-à-Pitre
St-Denis
largementdégagé
largementdégagé
éclaircies
averseslocales
largementdégagé
averseslocales
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27
24
26
24
25
Outremer
31
28
26
28
29
28
Météorologue en direct
au 0899 700 703
1,34 € l’appel + 0,34 € la minute
7 jours/7 de 6h30-18h
Jours suivants
Vendredi Samedi
Dimanche
Nord-Ouest
5
10
9
12
7
11
Ile-de-France
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Nord-Est
9
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Sud-Ouest
9
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3
10
11
14
Sud-Est
12
13
5
10
5
14
sez quelques photos pour un pêle-mêle original. » Je ne traîne pas ma
souris sur quelque site de personnalisation d’agendas, non ! Sur celui
d’un objet ? Oui, vous brûlez !… Je suis sur fire-design.fr, qui « habille »
les extincteurs, joignant l’utile à l’agréable. Pourquoi gloussez-vous
devant celui qui semble emballé dans du papier journal ?
(tinyurl.com/7754sfu). C’est pourtant le modèle que j’aurais volontiers
préconisé à notre comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ! Et, voyez celui aux allures d’un jéroboam d’un bordeaux
supérieur de 2005 « élevé en fût de chêne » (tinyurl.com/7dfvfhu). Enivrant ! Mais ne perdons pas de vue l’usage premier de cet objet. Car, en
France, un incendie domestique se déclare toutes les deux minutes, un
sur deux dans la cuisine, un sur quatre en raison d’une installation électrique défectueuse, et à 70 % la nuit (tinyurl.com/d83gt8j).
Si votre demeure était en feu, quels objets sauveriez-vous des flammes ? Plutôt matérialiste ou sentimental(e) ? Quelques victimes poten-
Ankara
1025
Séville
Nice
Perpignan
10 15
Istanbul
Madrid
4 12
A
Bucarest
Sofia
Rome
Barcelone
Barcelone
A
Biarritz
Odessa
Zagreb
Belgrade
Lisbonne
Lisbonne
9 16
Toulouse
Budapest
Berne
A
7 12
Kiev
Munich Vienne
Paris
Lyon
Moscou
1020
Londres
-2 8
Bordeaux
St-Pétersbourg
Minsk
Amsterdam Berlin
Varsovie
1025
Prague
Bruxelles
Dublin
Grenoble
30 km/h
Helsinki
Riga
Chamonix
H
8 12
« Laissez libre court à votre imagination… Créez, dessinez ou choisis-
1015
Copenhague
Milan
Clermont-Ferrand
Limoges
Au feu!
985
1005
8 10
5 11
25 km/h
D
D
101
5
10
20
Besançon
102 7 11
5
Orléans
Nantes
10
05
8 9
C’est tout Net! Marlène Duretz
> 35°
975
995
Edimbourg
Metz
Votez pour votre île préférée
et tentez de gagner un séjour
au Village Club Med Columbus Isle
aux Bahamas.
Sur voyage-bahamas.lemonde.fr
* Les îles des Bahamas
tielles ont déposé leurs biens les plus précieux au pied de l’objectif du
photographe Robert Holden (theburninghouse.com). Pour Erin Schubert de Chicago, styliste de 25 ans (tinyurl.com/d78p4pu), ce serait son
tee-shirt préféré, ses vieilles baskets, le collier de sa grand-mère, mais
aussi une pelle à tarte, son passeport et une boîte de cigares cubains.
E. István, 22 ans et étudiant en génie civil à Cluj, en Roumanie, emporterait sa Bible, sa guitare, ses pinceaux et son chevalet
(tinyurl.com/78f5yxc). Dans la précipitation, Carla Bertomeu, lycéenne
de 16 ans à Barcelone, se saisirait de ses brosses à dents et à cheveux –
« J’en ai besoin », justifie-t-elle – mais aussi de son ours en peluche, d’un
livre dédicacé par son auteur préféré, d’une boule à neige d’Allemagne
que lui a offert son père (tinyurl.com/869urr5). Une galerie touchante
et intimiste où convolent objets à valeur pécuniaire et sentimentale. p
Courriels
Assemblée nationale Trop de députés !
Il est un sujet dont les Français n’ont pas conscience, parce que la presse
le considère comme acquis, c’est celui de la création de 12 sièges de
députés pour les Français de l’étranger (…) et d’un ministère spécialisé
(…). Un ministre a dit que cela ne coûterait rien puisqu’on supprime en
même temps 12 sièges en métropole. Cela est absurde car, si on peut
supprimer 12 sièges dans l’Hexagone, il ne faut surtout pas les remplacer et descendre à 565 députés, ce qui nous laisse encore avec une représentation pléthorique. En période de finances catastrophiques, ce n’est
pas le moment de rajouter des dépenses : il faut supprimer l’utile pour
ne garder que l’indispensable (…) et en ajoutant un ministère spécialisé
alors que le candidat Sarkozy avait dit, en 2007, qu’il n’aurait que des
ministères restreints ! Un tel sujet, sans être capital pour nos finances,
est emblématique et montre que nos gouvernants se moquent du monde (…) pour se faire réélire (…) car ils espèrent que ces 12 sièges iront à la
majorité. Robert Drouard, Paris
Les soirées télé
Les jeux
Mots croisés n˚11-285
Sudoku n˚11-285
Solution du n˚11-284
Mardi 29 novembre
TF 1
1
2
Mercredi 30 novembre 2011
965
Oslo
Stockholm
4 9
6 10
5 11
9 13
D
30 à 35°
30.11.2011 12h TU
T
Châlonsen-champagne
PARIS
Caen
Brest
25 à 30°
www.meteonews.fr
5 9
5 10
20 à 25°
Reykjavik
Amiens
Rouen
15 à 20°
En Europe
Lille
5 10
0123
écrans
3
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10 1 1 12
7
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4
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5
8
1
6
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6
1
5
Facile
5
Complétez toute la
grille avec des chiffres
allant de 1 à 9.
4 9
6 2
Chaque chiffre ne doit
être utilisé qu’une
9
2
5
seule fois par ligne,
colonne et par
5 1
4
7 3 par
carré de neuf cases.
Réalisé par Yan Georget (http://yangeorget.blogspot.com)
V
VI
VII
VIII
20.50 Les Experts : Manhattan. Série.
Ce qui est fait est fait. L’Heure de la vengeance
(saison 7, 20 et 21/22, inédit) U ; Des secrets
au placard (S5, 22/25) U. Avec Gary Sinise.
23.20 Un homme de loi. Magazine U.
0.55 Harry Roselmack derrière
les portes du pénitencier (110 min) U.
FRANCE 2
Loto
X
Résultats du tirage du lundi 28 novembre.
Horizontalement
Verticalement
1, 2, 11, 15, 24 ; numéro chance : 9.
I. Délicieusement craquante et
croquante. II. Bien diminué.
Laissa aller son imagination.
III. Vénéneuse herbe de saint
Christophe. Amoureusement
déposé. IV. Dangereuse rencontre.
Altéré et dégradé. V. Préposition.
Amoureusement contée. VI. Vous
fera sortir de vos gonds. Cœur de
miche par la droite. VII. Lourd
souvenir d’une Allemagne
disparue. Franchit le pas.
Ouverture scolaire. VIII. Quand
les mots ne viennent pas. Cadeau
du ciel. Réponse enfantine.
IX. Chaton en campagne. On le
croit à gauche. X. Premier choix.
1. Une domination qui n’est pas
du goût des puristes. 2. Homme à
charge. 3. A régler à la fin. Entre les
mains du pêcheur. 4. Opposés aux
Gibelins. Préposition. 5. Ne
rumine plus aujourd’hui. Fait très
mauvaise impression.
6. Conjonction. Les hommes chez
Barack O. Accord de la France d’en
haut. 7. Grand ouvert. 8. Trentedeux sur la rose. Sur la touche.
9. Mise sous tension. Diane y
attendait Henri. 10. Balance un
peu. Un grand chez les lourds.
11. Prière. Mauvaise habitude.
Saint régional. 12. N’importe qui.
Rapports :
Philippe Dupuis
Solution du n° 11 - 284
Horizontalement
Verticalement
I. Illustrateur. II. Nouveautés.
III. Oq. Enter. Cas. IV. Fureta.
Emois. V. Feu. Inusable. VI. Etirées.
Ta. VII. Nénés. Up. Rye. VIII. Suée.
Prou. Sn. IX. Ise. Alpins.
X. Festivalière.
1. Inoffensif. 2. Loqueteuse. 3. Lu.
Ruinées. 4. Uvée. Rée. 5. Senties.
Aï. 6. Tatane. PLV. 7. Rue. Usurpa.
8. Atres. Poil. 9. Té. Mat. Uni.
10. Escobar. Se. 11. Ail. Ys.
12. Rassérénée.
5 bons numéros et numéro chance : 7 000 000,00 ¤ ;
5 bons numéros : 57 246,50 ¤ ;
4 bons numéros : 570,30 ¤ ;
3 bons numéros : 6,60 ¤ ;
2 bons numéros : 4,10 ¤.
Numéro chance : grilles à 2 ¤ remboursées.
Joker : 0 838 280.
Les résultats du Loto sont publiés dans nos éditions
datées dimanche-lundi, mardi, mercredi et vendredi.
Tous les jours Mots croisés et sudoku.
Rédaction : 80, boulevard Auguste-Blanqui,75707 Paris Cedex 13
Tél. : 01-57-28-20-00 ; télex : 202806F ;
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Emploi : www.talents.fr/ Immobilier: http ://immo.lemonde.fr
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Collection : Le Monde sur CD-ROM : CEDROM-SNI 01-44-82-66-40
Le Monde sur microfilms : 03-88-04-28-60
TF 1
20.50 Mentalist.
Série. Père et flic (saison 3, 21/24, inédit) ;
Combat de chefs. Fils prodige (S2, 15 et 10/23).
23.20 Chase. Série.
Recherche mère célibataire U. Double face V
(S1, 14 et 10/18, inédit). Avec Kelli Giddish.
0.55 24. Série (saison 6, 1 et 2/24, 100 min).
FRANCE 2
20.35 Louis XVI,
20.35 Fais pas ci, fais pas ça.
l’homme qui ne voulait pas être roi.
Documentaire. Thierry Binisti (France, 2011).
22.05 Versailles, le rêve d’un roi.
Documentaire (France, 2007).
23.45 FBI : portés disparus. Série.
Le Protecteur. Partir (S5, 9 et 11/24, 104 min).
Série. Qui a envie d’être aimé. Emmerdements
durables (saison 4, 5 et 6/8, inédit).
22.20 Avant-premières.
Invités : Bernard-Henri Lévy, Patrick Bruel,
Claude Askolovitch, Eddy Mitchell, Laurent
Lafitte, Narjiss Nejjar et Lulu Gainsbourg.
0.25 Journal, Météo.
0.45 Des mots de minuit (90 min).
FRANCE 3
20.35 Louis la Brocante.
IX
Mercredi30novembre
Série. Louis mène l’enquête. Avec Victor Lanoux,
Evelyne Buyle, Etienne Durot (France, 2010).
22.20 et 2.40 Soir 3.
22.45 Ce soir (ou jamais !).
Présenté par Frédéric Taddeï (120 min).
CANAL +
20.55 The Reader
Film Stephen Daldry. Avec Kate Winslet,
Ralph Fiennes, David Kross (EU - All., 2008) U.
22.55 Amore p p
Film Luca Guadagnino. Avec Tilda Swinton,
Flavio Parenti, Edoardo Gabbriellini (It., 2009) U.
0.50 Concert privé Kasabian (60 min).
ARTE
20.39 Thema - Poussière mortelle.
20.40 Le Grand Procès de l’amiante. Documentaire.
Niccolo Bruna et Andréa Prandstaller (2011).
22.05 Débat. Invités : Annie Thébaud-Mony,
Pierre Pluta, Bernd Eisenbach.
22.30 Havana - Miami.
Les temps changent. Documentaire (Fr., 2010).
23.30 ARTE Lounge.
Invités: Giora Feidman, Casper, Nils Mönkemeyer...
0.35 Die Nacht/La Nuit (55 min).
FRANCE 3
20.35 Histoire immédiate.
Le Diable de la République. 40 ans de Front
national. Documentaire. Jean-Charles Deniau.
22.10 Débat. Présenté par Samuel Etienne.
23.20 et 1.35 Soir 3.
23.45 Doc 24. Documentaire (55 min).
CANAL +
20.55 Happy Few pp
Film Antony Cordier. Avec Marina Foïs, Nicolas
Duvauchelle, Roschdy Zem (France, 2010) V.
22.35 Inside Job pp
Film Charles Ferguson (EU, 2010, v.o.).
0.20 Je ne dis pas non
Film Iliana Lolic. Avec Sylvie Testud (Fr., 90 min).
ARTE
20.40 Les Mercredis de l’Histoire.
De Garibaldi à Berlusconi. [1 et 2/2] 150 ans
d’histoire de l’Italie. Documentaire (2011).
22.40 Le Dessous des cartes. Magazine.
22.55 Cœur animal p
Film Séverine Cornamusaz. Avec Camille Japy,
Olivier Rabourdin (France - Suisse, 2009).
0.25 La Lucarne - Armando
et la politique. Documentaire (v.o., 135 min).
M6
M6
20.50 Maison à vendre. Magazine.
22.30 On ne choisit pas ses voisins.
20.50 La France a un incroyable talent.
Sommaire : Anastasia, Linda et Jonathan...
0.30 Recherche appartement
ou maison. Télé-réalité (55 min).
Deuxième demi-finale. Divertissement.
23.05 « La France a un incroyable talent »,
ça continue. Divertissement (70 min).
0123
carnet
Mercredi 30 novembre 2011
Michèle Egreteau,
Ses enfants
Et ses petits-enfants
Et toutes leurs familles,
Le Carnet
Faites part
de vos événements
par téléphone : 01 57 28 28 28
par e-mail : [email protected]
par fax : 01 57 28 21 36
Tarifs 2011 (prix à la ligne)
Naissances, Anniversaires
de naissance, Mariages,
Fiançailles… : 18 TTC
Décès, remerciements,
Avis de messe, Anniversaires
de décès, Souvenirs : 24 TTC
Thèses : 15 TTC
Réduction abonnés
ont le chagrin de faire part du décès de
Gaston EGRETEAU,
survenu le 27 novembre 2011, à Paris.
La cérémonie religieuse sera célébrée
le vendredi 2 décembre, à 14 h 30, en
l’église d’Haimps (Charente-Maritime),
suivie de l’inhumation dans le caveau
de famille.
La famille ne souhaite ni plaques
ni fleurs artificielles.
10, rue du Général-Delestraint,
75016 Paris.
Le Moulin du Cluzeau,
17160 Haimps.
Sceaux. Châtillon (Hauts-de-Seine).
Lyon. Annecy. Paris.
Un justificatif d’identité sera demandé.
AU CARNET DU «MONDE»
Décès
Evelyn Askolovitch,
son épouse,
Claude Askolovitch
et Myriam Ohayon,
ses enfants,
Felix Askolovitch,
son frère,
Camille, Theo, Noa, Amnon et Yael,
ses petits-enfants,
Annie Sulzbach,
sa belle-mère,
Isabelle Crevoulin
et Maurice Askolovitch,
ses neveux
Et tous leurs proches,
ont la tristesse d’annoncer le décès de
Roger ASKOLOVITCH,
dit Roger ASCOT,
écrivain, journaliste,
français et juif,
sioniste et homme de gauche,
le 27 novembre 2011.
L’enterrement aura lieu le mercredi
30 novembre, à 15 heures, au cimetière
parisien de Bagneux.
La famille recevra au 39, rue des
Batignolles, Paris 17e.
Sans fleurs ni couronnes.
On nous prie d’annoncer le décès de
Helen AVATI,
née WEINSTEIN,
survenu à Paris, le 23 novembre 2011,
dans sa quatre-vingt-huitième année,
au terme d’une longue maladie.
Journaliste de nationalité américaine,
spécialisée dans les questions énergétiques,
elle était l’épouse de
Mario AVATI,
peintre-graveur,
décédé le 26 février 2009.
Seule la mort a pu les séparer depuis
leur mariage il y a soixante-deux ans.
Seule la maladie a fait renoncer Helen
à ses articles qu’elle a continué à rédiger
jusqu’à la fin de l’été.
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Les obsèques auront lieu le mercredi
30 novembre, à 15 h 30, au crématorium
du cimetière du Père-Lachaise, Paris 20e.
Cet avis tient lieu de faire-part.
Bernard Agop BEYLERIAN,
chevalier du Mérite
de l’ordre du Saint-Sépulcre,
s’est endormi dans la Paix du Seigneur,
le 25 novembre 2011,
à l’âge de soixante-quinze ans.
La messe sera célébrée le jeudi
1 er décembre, à 10 heures, en l’église
Notre-Dame de Versailles.
De la part de
Marie-Danielle,
son épouse,
Boris, Marie et Ludovic,
ses enfants,
Jean,
son frère,
Marie-Jeanne et Yvan,
sa sœur et son beau-frère,
Michelle, Yanne,
ses belles-sœurs,
Tous ses neveux, nièces et filleuls,
Des familles Schneider et Pagenaud
Et de ses nombreux amis.
Il a rejoint dans la Paix, son fils,
Fabrice,
ses frères,
Jacques et Michel,
ses parents,
Sarkis et Germaine.
Cet avis tient lieu de faire-part.
Jean et Marie-Françoise Faisandier,
Marie-Thérèse de Nomazy
et Pierre de Nomazy,
Yves Faisandier et Lise Bérégovoy,
ses enfants et leurs conjoints,
Ses sept petits-enfants,
Ses dix-sept arrière-petits-enfants,
ont la tristesse de faire part du décès de
Mme Georgette FAISANDIER,
née LE MOAL,
survenu à Sceaux,
dans sa quatre-vingt-quatorzième année.
Elle a rejoint son époux,
Jacques
décédé en 2004.
Le service religieux sera célébré le jeudi
1er décembre 2011, à 10 heures, en l’église
Saint-Jean-Baptiste de Sceaux, 1, rue du
Docteur-Berger.
Ni fleurs ni couronnes mais des dons
à l’association Valentin Haoüy.
Nous avons la tristesse d’annoncer
le décès de
M. Gérard HARDIN,
professeur agrégé d’anglais,
ancien président
de l’APLV et de la FIPLV,
survenu le 25 novembre 2011, à Paris.
Les obsèques auront lieu le jeudi
1 er décembre, à 14 h 30, au cimetière
de Pléneuf-Val-André (Côtes-d’Armor).
De la part des
Familles Hardin, Delbove
et Grosrichard.
Annik Hardin,
27, rue des Martyrs,
75009 Paris.
Philippe et Nathan Lévy,
Cécile Perrier,
Yvette Negrel, Suzanne Lévy,
Les nièces et les neveux,
Les « peupliers et les silex »
de Pierrefeu,
ont la tristesse d’annoncer le décès du
docteur Jean-Louis LÉVY,
survenu le 26 novembre 2011, à Paris,
à l’âge de quatre-vingt-onze ans.
Ses obsèques auront lieu le mercredi
30 novembre, à 15 heures, au cimetière
parisien de Bagneux, à Montrouge.
Jean-Louis Lévy, chevalier de l’ordre
de la Légion d’honneur, petit-fils du
capitaine Alfred Dreyfus, eut à cœur toute
sa vie de rétablir l’humanité de Dreyfus
masquée par la force symbolique de
l’Affaire. Résistant puis médecin
généraliste pendant plus de quarante ans
dans le 12e arrondissement de Paris, c’était
un homme d’une grande culture et d’une
rare capacité d’écoute. Ami de René Char
et de tant d’autres, il avait collaboré à de
nombreuses reprises au journal Le Monde
dans des « Libres Opinions » et entretenu
une correspondance avec Hubert BeuveMéry, son fondateur.
Cet avis tient lieu de faire-part.
3, rue de la Terrasse,
69004 Lyon.
15, avenue Berthollet,
74000 Annecy.
28, avenue Bugeaud,
75016 Paris.
David Finkelstein,
son neveux,
Peter Livaudais,
son filleul,
ont la grande tristesse d’annoncer le décès
de
Janet FINKELSTEIN,
ingénieur du CNRS,
survenu le 25 novembre 2011.
Ses amis et ses proches pourront lui
témoigner leur affection au crématorium
du cimetière du Père-Lachaise, le vendredi
2 décembre, à 16 heures.
Pierre Franco et Elizabeth Guerlot
et leurs enfants,
Marie-Charlotte, Ulysse, Alice,
Monique,
sa femme,
Denise Taïeb,
sa sœur,
ses enfants et petits-enfants,
Les familles Dana, Bessis, Sefar,
Nous rappelons à votre souvenir sa
sœur,
Madeleine,
déportée,
ses filles,
Françoise et Madeleine,
sa femme,
Janine,
son frère,
Etienne.
« La seule signature au bas de la vie
blanche, c’est la poésie qui la dessine. »
René Char.
19 bis, rue du Tapis-Vert,
93260 Les Lilas.
On nous prie de faire part du décès de
Simone OURBAK,
née BOSSY,
survenu à Saint-Servan,
le 28 octobre 2011.
L inhnumation aura lieu à Fribourg
(Suisse).
Elisabeth Ourbak-Mauchand,
La Ville Es Loing,
22550 Ruca.
ont la tristesse de faire part du déces de
Victor Haï FRANCO,
« Bébé » pour ses amis
du lycée Carnot de Tunis,
survenu le 24 novembre 2011,
à Bardos (Pyrénées-Atlantiques),
dans sa quatre-vingt-deuxième année.
Cet avis tient lieu de faire-part.
Catherine Garet,
son épouse,
Jean-Michel et Marie-Catherine Garet,
son fils et sa belle-fille,
Frédérique, Lucile, Paul,
ses petits-enfants,
Julien, Rémi, Clara, Maceo,
ses arrière-petits-enfants,
Pierre Tauzias
et sa famille,
La famille Bellanger,
La famille Bellettre,
Tous ses proches et amis,
font part avec tristesse du décès,
le 26 novembre 2011,
à l’âge de quatre-vingt-quinze ans, de
Jean-Louis GARET,
docteur es Lettres,
ancien professeur
au collège Sainte-Barbe.
La levée de corps aura lieu le mercredi
30 novembre, à 9 h 15, à l’hôpital Cochin.
La cérémonie religieuse se déroulera
le 1er décembre, à 14 h 15, au funérarium
de Bayonne, suivie de l’inhumation
au cimetière Saint-Léon.
Catherine Garet,
37, boulevard Saint-Germain,
75005 Paris.
Jean-Michel Garet,
[email protected]
Jean PERRET
est mort le lundi 23 novembre 2011,
accompagné jusqu’au bout de sa maladie
d’Alzheimer par Framboise, sa compagne
de trente ans de vie commune, de Caroline,
Dominique et Jenny Chabannais et de son
groupe d’amis l’entourant de tendresse,
de rires, de fêtes, d’amour et d’amitié
profondes.
Il a eu une belle vie riche, directeur
général de la SCOOL pendant vingt-cinq
ans, militant depuis toujours, conseiller
national d’Amnesty international et
créateur de la commission « Droits de
l’Enfant ».
Poète, il a publié dans de nombreuses
revues et anthologies. Son dernier livre
Au hasard de l’homme paru aux éditions
« Le Dé bleu ».
De la part de
Marie-Françoise Chabannais,
dite « Framboise »,
sa compagne,
La famille Chabannais
Et de la chaîne des 30 Amis de Jean
(dont Christian et Patrick Lecoq,
ses amis de toujours).
« Quand il est mort le poète...
quand il est mort le poète,
tous ses amis,
tous ses amis pleuraient... »
Quentin, Claire et Thibaud Pontillon,
ses petits-neveux,
ont la tristesse de faire part du décès de
Eliane PONTILLON,
survenu le 22 novembre 2011.
Laurent Przyswa,
son mari,
Aron et Leonard,
ses enfants
Marc et Silvia Autran,
ses parents
Estelle Blanc, Sébastien Autran,
sa sœur et son frère
et leur famille,
Cécile Autran,
sa grand-mère,
Jean-Marc et Liliane Przyswa,
ses beaux-parents,
27
Elsa,
sa femme,
Valerio et Emma,
ses enfants,
Salvatore d’Acunto,
son beau-fils,
Alice et Ottavia,
ses petites-filles,
ont la très grande douleur de faire
part du décès survenu à Bruxelles,
le 18 novembre 2011, de
Armando
TOLEDANO LAREDO,
ancien directeur
au service juridique
de la Commission européenne,
Toute sa famille
Et ses nombreux amis fraternels,
ont l’immense douleur de faire part
du décès brutal de leur très chère
fidèle lecteur du Monde.
Débat
Delphine PRZYSWA,
née AUTRAN,
SOS Ecole Billancourt
organise un débat
avec Anne-Marie Châtelet,
professeur à l’université de Strasbourg,
autour du thème:
« Architecture et pédagogie :
130 ans dans les écoles Ferry »,
le 3 décembre 2011, de 9 h 30 à 11 h 30,
au lycée Etienne-Jules Marey
154, rue de Silly,
92100 Boulogne-Billancourt.
survenu le 25 novembre 2011,
dans sa trentième année.
La cérémonie d’adieu se déroulera
en l’église Sainte-Marie des Batignolles,
Paris 17e, le mercredi 30 novembre 2011,
à 13 heures.
Rouiba l’Alma. Ladapeyre (Creuse).
Larrivière-Saint-Savin (Landes).
Exposition
Jeanne-Marie,
son épouse,
Laurent et Alexandra,
ses enfants,
Clément,
son petit-fils chéri,
Christian,
son frère,
Les familles Riera, Gornes,
Ses cousins,
Ses amis,
Rétrospective de l’œuvre
de Deverne
à l’hotel Frison,
37, rue Lebeau, à Bruxelles,
du 3 au 23 décembre 2011.
Communications diverses
Le Centre communautaire de Paris :
jeudi 1er décembre 2011, à 19 h 30, leçon
« Les intellectuels contemporains face
à la question juive » par Eric Marty.
Tél. : 01 53 20 52 52. PAF.
www.centrecomparis.com.
ont l’immense tristesse de faire part
du décès du
colonel (h)
Yves PURTSCHET,
né le 3 novembre 1941
à l’Alma (Algérie),
chevalier de la Légion d’honneur,
officier de l’ordre national du Mérite,
croix du combattant volontaire,
croix du Mérite agricole,
officier de l’ordre du Mérite centrafricain.
Université populaire du quai Branly
à Paris
Saison 2011-2012
Prochains rendez-vous du théâtre
Claude Lévi-Strauss
Ses obsèques religieuses auront lieu le
mercredi 30 novembre 2011, à 15 heures,
en l’église de Larrivière-Saint-Savin.
Histoire mondiale de la colonisation
Jeudi 1er décembre, 18 h 30,
Nasser, par Antoine Sfeir, journaliste,
directeur des Cahiers de l’Orient.
L’inhumation se fera au cimetière
de Courbiac, à Villeneuve-sur-Lot (Lotet-Garonne), le jeudi 1 er décembre,
à 10 heures.
Jeudi 15 décembre, 18 h 30,
Léopold Sédar Senghor,
par Souleymane Bachir Diagne,
philosophe sénégalais,
professeur à l’Université Columbia.
220, route de Saint-Sever,
40270 Larrivière-Saint-Savin.
Pierre et Christine Romestain,
Michel et Marie-Thérèse Romestain,
Suzanne et Pierre Denuelle,
ses enfants,
Ses petits-enfants,
Ses arrière-petits-enfants,
Grand Témoin
Vendredi 16 décembre, 18 h 30,
Charles Malamoud, directeur d’études
honoraire des religions de l’Inde
à l’Ecole pratique des Hautes Etudes :
l’Inde millénaire et les Védas.
ont la tristesse de faire part du décès de
Entrée libre
dans la limite des places disponibles.
Renseignements : 01 56 61 70 00.
www.quaibranly.fr
Mme Madeleine ROMESTAIN,
née DURAND,
survenu le 13 novembre 2011,
à l’âge de quatre-vingt-dix sept ans.
Soutenance thèse
La cérémonie religieuse a eu lieu
le jeudi 17 novembre en l’église de
Scionzier (Haute-Savoie), suivie de
l’inhumation au cimetière de SaintGervais-les-Bains.
Damien Degeorges, doctorant en
science politique, jeune chercheur
à l’Institut de recherche stratégique
de l’École militaire (IRSEM), soutiendra
une thèse sur « Le rôle du Groenland dans
les enjeux de l’Arctique », le mercredi
30 novembre 2011, de 14 heures
à 17 heures, à l’université Paris Descartes,
Faculté de Droit, salle des Actes.
www.legroenland.fr
Cet avis tient lieu de faire-part.
201, boulevard Malesherbes,
75017 Paris.
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0123
0123
Mercredi 30 novembre 2011
La filière française
du diamant
Lettre de la City
Marc Roche
I
l ne s’est jamais occupé de mines ni de
gemmes. Il est né en France et non pas
en Afrique du Sud, là où, un matin de
1866, un jeune garçon avait découvert un
diamant de 21,25 carats qui avait déclenché la plus formidable ruée d’aventuriers
mus par l’espoir insensé d’une fortune. Et,
pourtant, le Français Philippe Mellier est
celui que la famille Oppenheimer,
l’Anglo American et le gouvernement du
Botswana, les trois actionnaires de la De
Beers, ont absolument voulu pour diriger
la première compagnie diamantaire au
monde. Il est vrai que ce Lyonnais de
56ans s’était forgé une image à la fois d’industriel et de gestionnaire de marque.
Pourquoi cette vénérable compagnie,
non cotée en Bourse, qui a inventé la filière diamant et continue de l’incarner,
a-t-elle choisi un outsider ? « Le directeur
général devait avoir un profil de manager
international, au fait des négociations
avec les gouvernements. Il devait aussi
avoir une expérience de la production
comme de la commercialisation… Par
ailleurs, dans ma vie professionnelle antérieure, j’ai éprouvé les coups de tabac, les
cycles, la rude concurrence. Je cochais
beaucoup de cases », répond l’intéressé,
qui a choisi de donner sa première interview depuis sa prise de fonctions en
juillet 2011 au Monde.
Le ton égal et l’allure tranquille surprennent, tout comme la simplicité d’un chef
d’entreprise qui vous reçoit en bras de chemise. Notre interlocuteur semble un peu
perdu dans les fastes immenses mais glacés de l’empire sud-africain des brillants.
Pourtant, dans son bureau d’angle du
17Charterhouse Street, l’ambiance est
chaude. Des toiles colorées des plus
grands maîtres contemporains que l’intéressé a choisies dans la collection de la
De Beers égayent le lieu. Des maquettes
illustrent les étapes pivots de son parcours professionnel. Deux poids lourds
Renault Magnum et Premium, les gammes de la Régie qu’il a fait évoluer lors de
ses trois années à la tête de Renault VI puis
de Renault Trucks. Le tramway de Lyon et
le train du record du monde de vitesse, les
trophées de sa présidence durant huit ans
d’Alstom Transport.
« Chaque train est unique… Mais on
peut standardiser leur fabrication et il y a
des leçons à tirer pour l’industrie minière», déclare celui qui se présente comme
« un touche-à-tout ». En revanche, pas la
moindre trace à la ronde d’un diamant
DFlawless blanc, c’est-à-dire de la meilleure qualité. Lesdites marchandises sont
enfermées dans les coffres du sous-sol de
cet immeuble austère gardé comme
Fort Knox.
D’un directeur général d’une compagnie qui contrôle toute la chaîne diamantaire, de la mine à la bijouterie à l’exception de la taille et du polissage, on attend
un grand mince au costume sur mesure,
chemise blanche impeccable et cravate
assortie. Son langage serait inévitablement châtié et les louvoiements seraient
de règle. Philippe Mellier, lui, est un costaud aux larges épaules. Il est aussi direct,
carré et méthodique, comme il sied à un
diplômé de l’Ecole nationale supérieure
des techniques avancées et de l’Institut
européen d’administration des affaires de
Fontainebleau.
L’intéressé apparaît plus motivé par les
pelleteuses, excavatrices et camions qui
broient et transportent la kimberlite, la terre bleue diamantifère déchiquetée à
coups d’explosifs, que par les pierres de
légende des monarques et des stars. Reste
que trois mois seulement après sa nomina-
Le Français PhilippeMellier
estcelui que
les trois actionnaires de la
DeBeers ont absolument
voulu pour diriger
la première compagnie
diamantaire au monde
tion surprise, à l’issue d’une tournée de
toutes les mines du groupe en Afrique du
Sud, en Namibie, au Botswana et au Canada, cet homme sort de l’ombre.
Ainsi, le fils d’un directeur d’une entreprise de travaux publics montre avec
une fierté désarmante la photo de la dernière découverte de la De Beers : un diamant exceptionnel de 198 carats sorti de
la mine de Snap Lake, dans le Grand Nord
canadien. Un « mastercutter » doit transformer cette pierre fabuleuse défiant la
raison et le temps en brillants prêts à
être sertis par les plus grands joailliers.
« Sur 300 tonnes de minerais, on peut
extraire, si on est chanceux, 60 grammes
de diamants. On s’aperçoit de la complexité du processus qui demande humilité et
passion. La détermination du prix – il
n’existe pas de cours mondial – est un processus aussi complexe que de positionner
une nouvelle voiture avec toutes ses
options dans le marché automobile mondial. »
L’establishment diamantaire, pour qui
le nouveau venu n’avait pas tout à fait le
genre de la maison, le reconnaît en bougonnant: «Philippe a vite appris. »
Mais le premier producteur mondial en
valeur, avec 35% du marché planétaire, a
besoin d’un nouveau plan de bataille. Le
groupe, qui a trop longtemps vécu sur sa
réputation, s’est fait tailler des croupières
par ses concurrents, le russe Alrosa ou
l’anglo-australien Rio Tinto. Surtout, la
vente au conglomérat minier Anglo American, le 4 novembre, par la famille fondatrice Oppenheimer de sa participation
dans la De Beers a bouleversé la donne.
Mellier avait été personnellement sélectionné par le président de De Beers, Nicky
Oppenheimer. Au terme de la cession, qui
devrait être conclue à l’été 2012, la
De Beers deviendra une filiale d’« Anglo ».
Philippe Mellier a l’intuition de la
nécessité d’un renouvellement et en a les
recettes. Anglo American lui en donnera-t-il les moyens ? p
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C’est tout vu ! | Chronique télé
par Isabelle Talès
Braqueurs en série
L
es gyrophares tournent. D’un
flash à l’autre, de chaîne en
chaîne. Et quand l’un s’éloigne, un autre s’allume. Samedi
26 novembre, braquage mortel à
Cannes; lundi matin, course-poursuite mortelle à Vitrolles ; lundi
soir, braquage mortel à Marseille.
Des reporters parlent devant une
bijouterie, des entrepôts, un magasin de bricolage. Derrière eux, des
scènes de crime, un pare-brise criblé de balles. Sur le plateau du
« 20 heures » de France 2, David
Pujadas s’interroge : « Faut-il parler de série noire ou de montée en
puissance des braqueurs ? »
Les gyrophares tournent. D’un
prime time à une deuxième partie
de soirée, de chaîne en chaîne. Et
quand un film ou une série s’achève, un documentaire commence.
Sur RTL, Braquage, de David
Mamet (2001), histoire d’un as du
cambriolage; sur Canal+, la saison 2 de « Braquo », série plus que
noire; sur Jimmy, « Les Rois du casse», retour sur les fric-frac d’un
autre siècle. On s’interroge aussi :
faut-il parler de loi des séries ou de
montée en puissance du braqueur, du flic, du voyou, voire du
flic-voyou, dans notre imaginaire?
Les films de hold-up sont vieux
comme les hold-up eux-mêmes.
On demande à l’histoire de compter autant de tiroirs qu’un coffrefort de combinaisons, mais sans
être aussi hermétique qu’une banque helvétique ; on exige des braqueurs de cinéma qu’ils soient seulement des cerveaux et n’aient
jamais de sang sur les mains. A ces
scénarios sophistiqués – comme
celui de David Mamet –, s’opposent les histoires simples qu’ont
racontées les envoyés spéciaux :
ultraviolence, armes de guerre,
butins dérisoires.
A cet égard, on a peut-être
mieux compris, grâce aux « Rois
du casse », pourquoi l’histoire du
gang des Lyonnais est devenue un
film de cinéma. Policiers, ex-braqueur et journalistes ont reconstitué minutieusement, pour le documentaire passionnant de Florence
Nicol, le casse de la poste de Strasbourg, en juin1971. «Je suis admiratif, avoue le commissaire Charles
Pellegrini. Avec du sang, des
dégâts collatéraux, on n’aurait pas
dit la même chose. Là, c’est un job
bien fait. Pas moral, mais bien
fait.» Pour toutes ces affaires, son
ex-collègue Olivier Marchal,
Les gyrophares
tournent. D’un prime
time à une deuxième
partie de soirée,
de chaîne en chaîne
auteur du film Les Lyonnais, est
sans doute le meilleur témoin.
Dimanche soir, dans le journal de
France 2, il a tenu à marquer la différence entre les voyous des
années 1970 et ceux de 2011 :
«C’est pas du tout ma came, ce
genre de décérébrés qui tirent à
tout-va. »
On pourrait lui rétorquer que sa
série « Braquo» est pleine de déprimés, de déglingués, de détraqués
qui… tirent à tout-va. Et on a tellement l’habitude à chaque épisode
de regarder les hommes, les femmes et les limites tomber qu’on
s’est déjà surprise à imaginer le
pire, qu’il arrive, et qu’on n’en soit
pas fière. Pourtant, les images de
vidéosurveillance montrant des
braquages réels, diffusées dans les
journaux lundi, nous ont paru
plus violentes, plus dérangeantes
encore. « Braquo », après tout, on
peut l’éteindre. Dehors, les gyrophares continuent de tourner. p
CONTREHISTOIRE
DE LA PHILOSOPHIE
« Une histoire parallèle de la pensée
qui réhabilite la tradition hédoniste
et matérialiste, ressuscitant
gnostiques, libertins baroques,
Ultras des Lumières, socialistes
dyonisiaques, hérétiques, libres
esprits et autres illuminés. »
Robert Maggiori, Libération
(à propos des Sagesses antiques et
du Christianisme hédoniste)
« L’art de la philosophie buissonnière. »
Aude Lancelin, Art Press
(à propos des Libertins baroques)
« Bonheur et violence de la pensée. »
Franck Delorieux, L’Humanité
(à propos des Sagesses antiques et
du Christianisme hédoniste)
« Un des rares auteurs à avoir le génie
de sortir durablement la philosophie
des salles de classes. »
Stéphane Floccari, Le Magazine Littéraire
(à propos des Sagesses antiques et
du Christianisme hédoniste)
A ne pas manquer sur 0123.fr
a Environnement Sommet de Durban
La 17e conférence de la Convention-cadre des
Nations unies sur les changements climatiques
s’est ouverte à Durban (Afrique du Sud), le
28 novembre, pour deux semaines. Les représentants de 193 pays sont réunis pour lutter contre
le réchauffement climatique. Suivez pendant
toute la quinzaine l’évolution des négociations
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Michel Onfray
Grasset