La théorie de l`efficient breach of contract

Transcription

La théorie de l`efficient breach of contract
Remerciements
Je tiens à présenter mes sincères remerciements à :
- Monsieur Vincent CADORET, pour sa disponibilité, ses précieux conseils et sa patience.
- Monsieur Daniel MAINGUY, en sa qualité de Professeur et Directeur du Master II Droit du
Marché.
- Madame Maryvonne JAN - ESCAFIT, pour avoir entièrement lu ce mémoire et m’avoir
supportée durant les derniers jours de rédaction.
- Tous mes amis, pour leur écoute et leur soutien durant cette période
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SOMMAIRE
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Ϯ
INTRODUCTION
« La réception de la théorie de l’efficient breach of contract en droit français », et le
silence fut… Ô drame ! Ô désespoir ! Contract signifie bien contrat, non ? Une notion de
droit anglais tenterait-elle de s’introduire dans notre système juridique français ? Pis encore,
le droit français accueillerait cette notion presque…barbare ! Mais au fait, qu’est-ce que
l’efficient breach of contract ?
Le juriste français serait bien tenté de fuir à la seule vue de cette expression. Mais que
l’on s’en garde bien, l’efficient breach of contract n’a rien d’effrayant et traduit au contraire
d’une idée dont les avantages méritent d’être soulignés. Mais avant tout, le voile doit être levé
concernant les origines de cette notion.
C’est sous l’angle d’un droit se voulant libéral, pragmatique et pratique qu’a pu naitre
et se développer, aux Etats-Unis, ce que l’on nomme l’analyse économique du droit dont est
issue la théorie de la violation efficace du contrat - théorie dite de l’efficient breach of
contract -. A l’origine de ce mouvement, on trouve les travaux du célèbre juge américain
Olivier Wendell Holmes1. Dès la fin du XIXe siècle, ce dernier invite le juriste à se
débarrasser de ces préjugés moraux et à prendre conscience qu’en pratique, une obligation
contractuelle offre au débiteur le choix entre l’exécution de ses obligations et leurs violation
moyennant compensation pécuniaire ; un choix qu’il exercera au gré de ses intérêts
changeants2. Le juge Holmes se base sur l’accord des volontés des parties et estime ainsi que
« dans la mesure où la relation entre les parties se créée par leurs volontés, les conséquences
de cette relation doivent elles aussi rester dépendante de ces volontés.3 » Le droit permettrait
de garantir au créancier de recevoir des dommages-intérêts de la part du débiteur si ce dernier
ne remplit pas ses obligations contractuelles initialement prévues. Les fondements de la
théorie de l’inexécution efficace du contrat sont ainsi posés dès la fin du XIXe siècle. Ce n’est
1841-1935. Juge à la Cour Suprême des Etats-Unis de 1902 à 1932.
O.W HOLMES, The Path of Law, Harvard Law Review (vol.10), 1897, p. 456
3
O.W HOLMES, The Common Law, 1881.
1
2
ϯ
que cinquante ans plus tard qu’éclot et se développe l’analyse économique du droit. Avant de
retracer son origine, on peut dès lors avancer que du concept de la violation efficace du
contrat est né l’analyse économique du droit.
A l’origine de cette discipline, on évoque traditionnellement la volonté de certains
économistes américains4 d’appliquer « leurs concepts et leurs méthodes à des questions
considérées jusqu’alors comme hors de leur discipline »5 ; période parfois qualifiée
d’impérialisme économique6. Dans une économie de marché, les cadres institutionnels et
juridiques mis en place, que ce soit au niveau étatique au travers de la loi ou bien au niveau
particulier au travers des contrats, ont pour objectif premier de maximiser la satisfaction,
l’utilité des individus. Le législateur aussi bien que le cocontractant ont vocation et intérêt à
tenir compte des répercussions économiques prévisibles qu’aura soit la loi soit le contrat.
Partant de ce postulat, il est évident que l’économie détient un rôle de premier plan dans les
relations juridiques et c’est précisément cela qu’ont souhaité mettre en exergue les initiateurs
du mouvement de l’analyse économique du droit. Néanmoins, ce sont la publication à
l’Université de Chicago, en 1958, de la revue « Journal of Law and Economics » et plus
particulièrement l’article de Ronald Coase, économiste, publié en 1960 sur le coût social, qui
ont donné une véritable dimension à cette nouvelle discipline. Coase va démontrer que les
parties liées par un différend, pour la résolution de celui-ci, vont toujours opter pour la
solution qui leur est la plus profitable. Autrement dit, la résolution du conflit ne dépend pas de
la règle juridique applicable mais du coût de chacune des solutions envisageables. Sa
démonstration a été stigmatisée en 1966 par Stigler à travers le « Théorème de Coase ». Nous
aurons l’occasion d’expliciter ce théorème au cours de notre étude.
Il y aurait donc un choix, presque naturel, pour les parties à s’orienter vers la solution
permettant une allocation optimale des ressources. Partant de ce constat et s’appuyant sur les
travaux du juge O.W Holmes, Birmingham théorise en 1970, grâce à la publication d’un
article intitulé « Breach of contract, damage measures, and economic efficiency », le concept
de la rupture efficace du contrat.
La théorie de l’efficient breach of contract énonce que la violation délibérée du contrat
est légitime, bien qu’illicite, tant qu’elle aboutit à une allocation optimale des ressources. Tel
En 1957 Downs émit une théorie économique de la démocratie ; Becker soutint une thèse portant sur
l’économie de la discrimination.
5
E. MACKAAY & S. ROUSSEAU, Analyse économique du droit, Dalloz, Ed. Thémis, 2ème édition 2008, p.8
6
E. MACKAAY & S. ROUSSEAU, prec. cit.
4
ϰ
est le cas si le cocontractant réalise un gain supplémentaire en contractant avec un tiers en
rupture du contrat initialement conclu. Ainsi, le choix sera laissé au débiteur d’exécuter ou
non ses obligations contractuelles à condition que la non exécution de ses obligations soit
justifiée par des effets socialement et économiquement plus efficaces, plus bénéfiques que si
il les avait exécutées.
Le terme de solution efficace est à prendre ici dans son acception économique, telle
que définie par Pareto (dénommée aussi la Pareto optimalité). Ainsi, une solution est efficace
au sens de Pareto7 s’il n’existe pas d’autre solution qui soit meilleure ou aussi bonne pour
toutes les parties et strictement préférée par au moins l’une des parties.8 En contrepartie, le
débiteur de l’obligation contractuelle inexécutée devra la compenser par un équivalent
monétaire, permettant de rendre « indifférente la victime de l’inexécution vis-à-vis de
l’exécution régulière et des sanctions de l’inexécution »9 et ce conformément au principe
d’indifférence (indifference principle) soutenu par Eisenberg dans la recherche des sanctions
appropriées à l’inexécution du contrat. L’allocation de dommages et intérêts apparait donc ici
comme un « remède » à l’inexécution par l’une des parties de ses obligations contractuelles.
En effet, la partie décidant de ne pas exécuter ses obligations contractuelles car il lui est plus
économiquement avantageux de ne pas le faire (gain en efficacité), devra permettre à la partie
victime de cette inexécution de se trouver dans une situation similaire à celle qu’elle était en
droit de s’attendre si le contrat avait été régulièrement exécuté. Ainsi, les deux parties
contractantes ne perdent pas en efficience, telle que définie au sens économique du terme.
L’exportation de l’analyse économique du droit en dehors du continent américain a
notamment été rendue possible, grâce aux nombreux travaux et publications réalisés par
Richard A. Posner10, qui ont contribué à élargir cette discipline à tous les domaines du droit.
C’est vers le milieu des années soixante-dix, que les pays comme l’Australie, le Canada, la
Suède et l’Angleterre11, se sont intéressés à cette nouvelle approche juridique. Dès 1980, les
juristes et économistes allemands s’intéressent à l’analyse économique du droit et plus
Vilfredo Pareto, économiste italien (1848-1923)
P. GARELLO, Les économistes et le contrat : Mélanges Mouly, Litec, 1998, p.34
9
E. MACKAAY & S. ROUSSEAU, Analyse économique du droit, Dalloz, Ed. Thémis, 2ème édition 2008, p.440
10
Richard POSNER né en 1939, Professeur à la faculté de droit de Chicago et juge fédéral depuis 1981; a publié
en 1972 un opus s’inspirant des travaux de Coase, intitulé Economic Analysis of Law, destiné aux étudiants en
droit et appliquant l’analyse économique du droit à tous les domaines du droit.
11
En 1981 est institué en Angleterre la International Review of Law and Economics.
7
8
ϱ
particulièrement au sein de l’Université d’Hambourg. Les Pays-Bas et la Belgique se sont
emparés de cette discipline. Elle a fait son entrée sur le territoire français dès la fin des années
1970 avec l’intervention d’Henri Lepage12 et la publication de nombreux articles réalisée sous
la responsabilité de Jean-Jacques Rosa et Florin Aftalion. Ils faisaient partie de ce que l’on
nommait les « nouveaux économistes »13. Toutefois, la volonté d’apporter une culture
économique nécessaire à la compréhension de l’analyse économique du droit, fut perçue
comme un « message idéologique de droite»14 et donc délaissée par la majorité des juristes
français. Cependant, la création de l’Université d’été de la Nouvelle économie à Aix-en-
Provence en 1978, par Jacques Garello15, sur proposition de Pascal Salin, a contribué au
maintien de l’analyse économique du droit sur le territoire français. Il en est de même avec la
création en 1990, sous la direction de Jean-Pierre Centi, du Journal des Economistes et des
Etudes Humaines à l’Université d’Aix-Marseille III. A partir des années 1990, l’analyse
économique du droit intéresse de plus en plus les juristes français. Des ouvrages16 ainsi que
des thèses17 y sont consacrés.
Le droit n’échappe pas à l’influence du contexte économique dans lequel il se trouve.
Dans une économie de marché qui par définition est en constant mouvement, le contrat ayant
pour fonction de « fixer », d’organiser les règles de conduite entre les parties apparait
instinctivement en contradiction avec cette dynamique. La théorie de l’efficient breach of
contract prend en considération cette opposition presque naturelle qu’il existe entre le contrat
et l’économie de marché. Autoriser les cocontractants à se délier de leurs obligations si des
enjeux économiques l’imposent, c’est admettre que droit et économie coexistent sans pour
autant prétendre à la primauté de l’un sur l’autre.
Henri LEPAGE né en 1941 est un économiste français libéral.
E. MACKAAY & S. ROUSSEAU, Analyse économique du droit, Dalloz, Ed. Thémis, 2ème édition 2008, p.15
14
E. MACKAAY & S. ROUSSEAU, prec. cit.
15
Jacques GARELLO, économiste libéral français, est depuis 1966 agrégé des Facultés de Droit et d’Economie
et Professeur d’Economie à l’Université d’Aix-Marseille III. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages de politique
économique et a reçu de nombreux prix pour ses travaux.
16
M.A FRISON-ROCHE, sous la direction de G. CANIVET, Mesurer l’efficacité économique du droit, LGDJ,
2005.
17
A. FABRE-MAGNAN, Essai d’une théorie de l’obligation d’information dans les contrats, thèse Paris I,
1991.
G. MAITRE, La responsabilité civile à l’épreuve de l’analyse économique du droit, thèse Paris I, 2004. 12
13
ϲ
A priori, le droit français ne peut pas accepter une telle théorie. Elle s’oppose
évidemment au principe de la force obligatoire des conventions. L’article 1134 alinéa 1er du
Code civil impose que les parties tenues par un contrat ne peuvent y renoncer. Les
cocontractants sont enfermés dans la « cage contractuelle » inébranlable, construite par leurs
promesses. Par ailleurs, ce serait porter un coup derrière la nuque de la responsabilité
contractuelle que d’admettre la possibilité pour l’un des cocontractants de sortir librement du
contrat, en échange d’une simple réparation par équivalent du préjudice subit par
l’inexécution contractuelle. En y regardant d’un peu plus près, la réception de la théorie de
l’efficient breach of contract heurte le principe d’intangibilité des conventions, corollaire de
la force obligatoire. La modification des circonstances économiques ne peuvent justifier une
modification des stipulations contractuelles voire une rupture unilatérale des conventions, du
moins celles à durée déterminée. De plus, la notion de la violation efficace du contrat ne
respecte pas le rang de principe conféré à l’exécution forcée en nature en droit positif français.
Elle permet au débiteur de se « délier » en fournissant au créancier de simples dommagesintérêts.
Ces premières impressions sont presque innées chez le juriste. L’incompatibilité
apparente des principes fondateurs du droit français des contrats avec la théorie de l’efficient
breach of contract conduit à arrêter notre étude ici mais ca ne sera évidemment pas le cas.
En poussant les recherches, l’on peut constater que c’est le droit français des contrats
qui s’ouvre à la théorie de la violation efficace de la convention. Les principes fondateurs se
modèlent peu à peu afin de s’accorder avec le contexte de l’économie de marché. Cette
dernière fait rendre compte que ce qui fonctionnait hier, ne peut plus l’être aujourd’hui.
Cette étude tentera de faire ressortir les brèches existantes aujourd’hui en droit français
des contrats, favorables à l’accueil de la théorie de l’efficient breach of contract. Il convient
de se consacrer aux deux principes majeurs intéressant la matière de la violation efficace du
contrat à savoir le principe d’intangibilité des contrats (PARTIE 1) ainsi que l’exécution
forcée en nature (PARTIE 2), et de découvrir que s’ils étaient viables hier dans leur
conception la plus aboutie, cela semble difficilement le cas aujourd’hui.
ϳ
Partie I : Du « faux » concept d’intangibilité des contrats au
XXIème siècle
La naissance du concept d’intangibilité part d’un double constat. D’un côté, il est
considéré que les parties sont totalement libres de se soumettre à des obligations
contractuelles, par la seule manifestation de leur volonté. Il en résulte naturellement que la
promesse ainsi faite soit respectée. De l’autre, les rédacteurs du Code civil de 1804 ont estimé
que l’ordre social devait nécessairement « asseoir la stabilité contractuelle18 ». Ainsi a été
créé le principe de la force obligatoire des conventions, au sein de l’article 1134, dans sa
version la plus « rigide », où la possibilité d’y déroger a quasiment été réduite à néant. De la
force obligatoire est née son corollaire : le principe d’intangibilité. En effet, puisque les
parties ont décidé de figer librement l’expression de leur volonté dans un rapport contractuel,
la stigmatisation de ceci, en interdisant la révocation et la modification du contrat, s’est
dégagée de façon naturelle. Néanmoins, l’évolution de la pratique contractuelle depuis deux
siècles a imposé un assouplissement voire une remise en cause du principe d’intangibilité des
contrats (TITRE 1), remise en cause que l’on peut clairement constater en jurisprudence
(TITRE 2).
TITRE I : L’INEVITABLE ADAPTATION DU PRINCIPE D’INTANGIBILITE A
LA REALITE PRATIQUE
L’approche traditionnelle du principe d’intangibilité est issue de la théorie de
l’autonomie de la volonté qui plaide en faveur de l’immuabilité du contrat fondée sur une
perception théorique des rapports entre cocontractants (CHAPITRE 1).
Toutefois cette conception ne semble plus viable au XXIème siècle du fait que l’on assiste à
un véritable déclin du principe d’intangibilité (CHAPITRE 2).
18
X. MARIN, Nature humaine et Code Napoléon, Droits, 2, 1985, p. 120.
ϴ
Chapitre 1 : De la théorie autonomiste classique du principe
d’intangibilité
Avant de démontrer que la conception du principe d’intangibilité, apprécié sous
l’angle de la théorie de l’autonomie de la volonté, ne correspond pas à la pratique (SECTION
2), il convient de cerner toute la teneur du concept d’intangibilité selon cette approche
(SECTION 1).
Section 1 : De l’exposé de la théorie de l’autonomie de la volonté
La théorie de l’autonomie de la volonté prône une intangibilité absolue du contrat en
ce que chaque homme étant libre de contracter ou non est apte à se donner sa propre
loi. Cristalliser de façon immuable sa volonté n’est pas perçu comme une contrainte mais
comme la protection de l’ampleur de toute sa volonté (PARAGRAPHE 1). Ceci est renforcé
par le fait que chacun des cocontractants étant libre de décider de ce qui lui convient le mieux
et
libre
de débattre des stipulations contractuelles ; le contrat sera forcément juste et
équilibré (PARAGRAPHE 2).
§1 : Un concept d’intangibilité contractuelle fondé sur la liberté
« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont
faîtes.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les
causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi. »
ϵ
L’article 1134 du Code civil tel qu’énoncé ci-dessus et principalement son alinéa 1er,
se révèle être le berceau du principe d’intangibilité ainsi que celui de la force obligatoire des
contrats dans notre droit positif. De ce fait, le contrat, à condition qu’il ait été valablement
formé, s’impose aux parties et au juge avec force de loi. Aucune des parties au contrat ne peut
se soustraire à l’engagement conclu (alinéa 1er) et chacune d’entre elles est tenue de
l’exécuter de manière loyale (alinéa 3). Enfin, ce que le consentement a fait, seul le
consentement peut le défaire (contrarius consensus19) ce qui, a priori, érige en principe
l’interdiction d’une révocation unilatérale (alinéa 2).
Irrévocabilité et force obligatoire sont indissociables, le premier apparaissant comme
le fondement du second. Le principe de la force obligatoire serait commandé par l’autonomie
de la volonté, dans ce sens où, ce qui a été librement décidé par les parties s’impose à elles
dans les conditions qu’elles ont elles-mêmes fixées. Ce principe est exprimé par l’article 1134
alinéa 1er en plaçant la volonté des parties au rang de loi. Le principe de force obligatoire est
alors conçu de manière absolue, et l’on en déduit l'intangibilité ou l'immuabilité du contrat.
Par ailleurs, le juge n'a pas le pouvoir de réviser les contrats en cours, même si les
circonstances économiques ont changé. Enfin, le législateur ne peut pas modifier les contrats
en cours selon la règle de la survie de la loi ancienne.
La signification de l’article 1134 du Code civil ici présentée, correspond toutefois à
une conception classique du contrat à savoir celle de l’autonomie de la volonté.
Cette théorie avance l’idée selon laquelle la volonté de l’homme est apte à se donner
sa propre loi. L’essence de cette doctrine juridique est avant tout philosophique et plus
particulièrement empreinte de l’individualisme juridique répandu au XIXème siècle. D’un
point de vue philosophique, la liberté de chaque homme érigée en tant que droit naturel est à
la base de ce courant doctrinal. Tout individu est doté d’une volonté autonome dont il est le
seul maître. Il a le choix de contracter ou pas, et dispose des moyens de se doter de sa propre
loi. Il en résulte que d’un point de vue juridique, la volonté serait l’unique « source et mesure
des droits subjectifs.20 »
P. MALAURIE, L. AYNES, Les obligations, Défrénois, 3e édition, 2007, p.345.
P. MALAURIE, L. AYNES, op. cit.
19
20
ϭϬ
§2 : Un concept d’intangibilité présupposant l’équilibre ab initio entre les
cocontractants
L'ayant fait volontairement et librement, le débiteur s’est lié pour que le contrat
sauvegarde ses intérêts puisque « Quand quelqu’un décide quelque chose à l’égard d’un
autre, il est toujours possible qu’il lui fasse quelque injustice : mais toute injustice est
impossible quand il décide pour lui-même.21 » La déduction est alors aisée : assurer une
liberté contractuelle absolue, aussi bien dans les modalités que dans le contenu du contrat, est
gage d’une certaine équité et d’une certaine égalité au sein des rapports contractuels (source
de ce que l’on peut dénommer la justice contractuelle). Puisque chacun des cocontractants
aura librement déterminé et accepté de se soumettre à ce dont il a besoin, le contrat ainsi crée
ne pourra qu’être juste. Ce qu’avait clairement avancé Fouillé : « Qui dit contractuel, dit juste
». Permettre au juge ou au législateur d’intervenir au niveau des stipulations contractuelles
ouvre la porte à l’injustice et au déséquilibre contractuel. Selon la conception autonomiste,
l’idée de justesse n’a pas à être regardée de manière objective entre la valeur de la prestation
donnée et celle reçue. A partir du moment où le contrat est conclu, l’on en déduit que les
parties considèrent que la répartition des droits et obligations est équilibrée. C’est cette idée
qui est parfaitement exprimée à travers la définition des contrats synallagmatiques
commutatifs. L’article 1104 alinéa 1er du Code civil dispose en effet qu’ « Il [le contrat] est
commutatif lorsque chacune des parties s’engage à donner ou à faire une chose qui est
regardée comme l’équivalent de ce qu’on lui donne, ou de ce qu’on fait pour elle. » A titre
exceptionnel, le déséquilibre objectif pourra être constaté et sanctionné avec le mécanisme de
la lésion, mécanisme que nous étudierons plus loin.
Par ailleurs, les partisans de l’autonomie de la volonté s’appuient sur deux autres
célèbres articles du Code civil mettant en exergue cette théorie. On peut tout d’abord citer
l’article 1108 du Code civil qui pose le principe du consensualisme selon lequel le contrat n’a
nul besoin de formalités particulières pour être valablement conclu ; seule la rencontre des
volontés suffit. Par ailleurs, l’article 1156 du même Code énonce la règle de l’interprétation
volontariste du contrat imposant au juge de rechercher la commune intention des parties lors
KANT, Doctrine du droit, cité par GOUNOD, Le principe de l’autonomie de la volonté en droit privé, étude
critique de l’individualisme juridique, Dijon, 1912, p. 78-79.
21
ϭϭ
de l’interprétation de l’accord. C’est ainsi que le juge, tout comme les parties, est soumis aux
stipulations contractuelles décidées par ces dernières et ne peut y déroger.
Selon l’acception classiquement retenue, le contrat est perçu comme un ensemble
intouchable, immuable, sur un pied d’égalité avec la loi. Trois conséquences22 peuvent dès
lors être admises :
•
Le contrat est intangible, c'est un bloc cristallisé de droits et d'obligations né de
l'accord des volontés. Selon J. Mestre, le contrat est le « choc frontal de 2 idées
contraires, qui ne peut être remis en cause ».
•
Le contrat est imperméable, c’est un monde clos dans lequel la loi et le juge doivent
•
Le contrat est insensible, il est quasiment indestructible. Cette insensibilité s’exprime
interférer le moins possible.
à plusieurs égards : l'écoulement du temps et les changements de circonstances
économiques (refus de la révision du contrat pour imprévision) ; les changements
d'avis individuels des parties (pas de révocation unilatérale des contrats en principe) ;
les propres déséquilibres internes au contrat (refus de contrôle objectif de l'équilibre
des prestations par le juge) ; et la loi nouvelle (règle de survie de la loi ancienne).
C’est la volonté qui crée le contrat et s’impose dès lors aux parties, au juge et au
législateur.
C’est sous l’influence d’une vision autonomiste classique du principe d’intangibilité,
que « le contrat se présente donc comme une citadelle imprenable, sauf du consentement de
ceux-là mêmes qui l’ont édifié.23 »
A.S BOLZAN sous la direction de J.L RESPAUD, Intangibilité des contrats et justice contractuelle, mémoire,
Avignon, 2008.
23
G. PAISANT, Que reste-t-il de l’intangibilité du contrat ?, Dr. et patr., mars 1998, n°58, p. 43.
22
ϭϮ
Section 2 : Des limites pratiques de la théorie de l’autonomie de la
volonté
Alors que la conception du principe d’intangibilité des contrats au XIXème siècle
puisait sa force et sa justification dans des considérations d’ordre moral et que le modèle de
contrat par excellence était le contrat instantané (PARAGRAPHE 1), la pratique au XXIème
siècle nous démontre que l’on est désormais passé à un fondement beaucoup plus économique
et l’on observe un important développement des contrats à exécutions successives. De cette
évolution,
le
principe
(PARAGRAPHE 2).
d’intangibilité
a
nécessairement
subi
un
assouplissement
§1 : De la morale et du contrat instantané au XIXe siècle
Il est à noter que lors de la rédaction du Code civil en 1804 et plus particulièrement
celle de l’article 1134 du Code civil, le « modèle cognitif 24 » des rédacteurs du Code était le
contrat de vente. Preuve en est qu’il occupait la part la plus importante dans les travaux
préparatoires relatifs aux contrats nommés25. Or, le contrat de vente est un contrat à caractère
instantané, il s’exécute en un trait de temps. Dans ce contexte, où la majeure partie des
échanges se traduisait par un contrat de vente, on peut facilement admettre et comprendre que
le prononcé en faveur d’une immuabilité contractuelle absolue n’était pas si paralysant pour
les cocontractants. En effet, le risque pour elles de ne plus être en accord avec les stipulations
initialement conclues, que ce soit pour des changements de circonstances économiques ou
encore changement d’avis individuel d’une des parties, était largement limité du fait que la
durée du contrat était, par essence, restreind à la livraison du bien et au paiement du prix de ce
dernier (article 1582 du Code civil). A ce titre, Georges Rouhette énonce que « le Code civil,
au sortir de la tourmente Révolutionnaire, véhicule une conception anti-héraclitéenne du
C. JAMIN, Révision et intangibilité du contrat, ou la double philosophie de l’article 1134 du Code civil, Dr. et
patr., mars 1998, n°58, p. 48.
24
P.A. FENET, Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, t. 14, réimpression de l’édition de
1827, Zeller, 1968, p. 4-206.
25
ϭϯ
temps. Le temps y est considéré abstraitement, comme le cadre homogène, indifférencié et
vide dans lequel les évènements naissent et se continuent dans la stabilité, ou alternent par
rupture. (…) Il ne désigne que la prolongation d’un état statique.26»
Le contrat était donc, traditionnellement, perçu comme un moyen offert aux parties
leur permettant d’avoir une emprise sur l’avenir, et de prévenir l’imprévisible. Il était
considéré comme un « instrument de prévisibilité au service de la sécurité27 » en ce sens,
qu’il constituait un monde clos qu’aucune influence extérieure ne pouvait venir perturber. Dès
lors, assurer une intangibilité contractuelle totale et absolue permettait de servir au mieux
cette conception du contrat. Ainsi sous l’Ancien Régime, ce principe constituait un pilier
essentiel voire le pilier fondateur du droit des contrats.
La seconde justification de l’intangibilité des contrats tenait à des considérations
d’ordre moral. En effet, lorsque l’homme s’engageait contractuellement, il le faisait d’abord
envers Dieu. Ainsi, le respect de la parole donnée était de mise. D’une part, il devait respecter
ce à quoi il s’était engagé (principe de la force obligatoire des contrats) et l’on en déduisait
d’autre part, une immuabilité absolue des stipulations contractuelles. Selon cette acception,
« Une fois conclu, le contrat apparaît comme une création statique s'imposant aux parties, à
la volonté desquelles il échappe désormais, s'imposant au juge, en principe impuissant à le
modifier, et au législateur dont la loi nouvelle ne peut produire sur lui aucun effet.28 »
Ainsi, une fois la rencontre des consentements réalisée, le contrat constituait un bloc
totalement indépendant de la volonté des parties, imperméable à toutes les modifications
pouvant intervenir.
Toutefois, une relecture du droit canonier nous montre que le respect de la parole
donnée devait s’apprécier lors de la conclusion du contrat et qu’en cas de bouleversement des
circonstances existant au jour de sa conclusion, les cocontractants n’étaient plus tenus de
G. ROUHETTE, La révision conventionnelle du contrat, RID comp., 1986, spéc. n°2, p. 372.
C. THIBIERGE-GUELFUCCI, Libre propos sur la transformation du droit des contrats, RTD civ. 1997, p.
357.
28
C. THIBIERGE-GUELFUCCI, op.cit.
26
27
ϭϰ
s’exécuter. En effet, le cocontractant « n'est pas infidèle en ne remplissant pas sa promesse
parce que les conditions ont changé.29 »
Justifier la force obligatoire du contrat et le principe d’intangibilité en premier lieu, par
des considérations d’ordre moral apparait aujourd’hui obsolète. Force est de constater que le
fondement économique a pris le pas sur le fondement moral et que le développement des
contrats à caractère successif impose de repenser le principe d’intangibilité des contrats.
§2 : A l’évolution des pratiques contractuelles au XXIe siècle
On ne peut que constater une évolution de la conception du contrat pris dans son
ensemble mais aussi du principe d’intangibilité, support de la présente étude, et ce depuis la
fin du siècle dernier. Une première constatation s’impose, le contrat bien qu’il ne puisse
exister que parce que deux personnes, au moins, ont décidé de créer un rapport d’obligations
entre elles, celui-ci a néanmoins évolué dans le sens d’une objectivisation. En effet, le contrat
se détache de la personne des cocontractants pour former une véritable entité contractuelle,
ensemble autonome de droits et d’obligations. Ceci se perçoit aisément du fait que l’on
admette la valeur patrimoniale du contrat pouvant être cédé dans son ensemble. A titre
d’illustration l’on peut retenir l’hypothèse de la cession légale des contrats de travail lors
d’une modification de la situation juridique de l’employeur. Au terme de l’article L1224-1 du
Code du travail, dans le cas où un nouvel employeur prend la direction de l’entreprise, celui-ci
sera automatiquement substitué à l’ancien employeur, partie aux contrats de travail. Comme
le constate le Professeur Catherine Thibierge-Guelfucci30, l’approche traditionnelle du contrat
se caractérise par une utilité abstraite et unilatérale du contrat façonnée par l’intangibilité
absolue, en ce qu’il garantissait au seul créancier l’accomplissement des obligations par le
débiteur. Une approche contemporaine nous indique un reversement de la tendance jadis. En
effet, l’utilité est davantage envisagée de manière concrète et réciproque : le contrat se
SAINT-THOMAS d’ACQUIN cité par C. THIBIERGE-GUELFUCCI, Libre propos sur la transformation du
droit des contrats, RTD civ. 1997, p. 357.
30
C. THIBIERGE-GUELFUCCI, Libre propos sur la transformation du droit des contrats, RTD civ. 1997, p.
357.
29
ϭϱ
présente comme un instrument d’échange économique permettant la réalisation de biens et de
services.
La seconde observation qu’il y a lieu de faire est que si hier, le modèle de contrat par
excellence était le contrat à exécution instantanée et plus particulièrement le contrat de vente,
aujourd’hui, l’on ne peut que constater la multiplication des contrats à exécution successive
comme le contrat d’entreprise ou le contrat de société. Le contrat se présente désormais
comme un instrument d’organisation en plus d’être un instrument d’échange. Par conséquent,
les rapports d’obligations entre les cocontractants s’envisagent de plus en plus sur la durée.
L’allongement de la durée induit une augmentation du risque d’un changement de
circonstances au cours de l’exécution contractuelle. A supposer que les parties prévoient des
solutions à l’intégralité des éventualités pouvant venir perturber les stipulations initialement
conclues, ce que les économistes appellent le contrat complet31, le principe d’intangibilité
absolu des contrats, tel que nous l’avons précédemment défini ne poserai pas en soi de
difficultés. Néanmoins, cette hypothèse est un cas d’école et par principe les contrats complets
n’existent pas. Les parties évoluent donc dans un avenir incertain, or maintenir le principe
d’intangibilité selon sa conception initiale mettrait en échec les fonctions du contrat.
Le principe d’intangibilité des contrats, pris dans sa forme traditionnelle, s’est trouvé
dépassé et inadapté face à une évolution de la pratique, évolution imposant sa remise en
cause.
Chapitre 2 : Au déclin du principe d’intangibilité des contrats
Deux mouvements sont venus renforcer le caractère obsolète du principe
d’intangibilité des contrats en droit positif : d’un côté la pratique qui impose que le principe
d’intangibilité des contrats soit écarté (SECTION 1) et de l’autre l’environnement juridique
périphérique au droit français des contrats renforçant cette idée (SECTION 2).
Le contrat complet ou contrat parfait désigne « un contrat dans lequel, par hypothèse, les parties,
parfaitement informées et agissant rationnellement, prévoient une solution pour toute éventualité pouvant se
produire en cours d’exécution. Tous les accidents de parcours auraient été envisagés dans de tels contrats.» déf.
In E. MACKAAY et S. ROUSSEAU, Analyse économique du droit, Dalloz, éd. Thémis, 2e édition, 2008.
31
ϭϲ
Section 1 : La nécessaire remise en cause du principe d’intangibilité
La remise en cause du principe d’intangibilité contractuelle suppose que l’on admette
la possible révision du contrat lorsque les circonstances préexistantes à la conclusion de ce
dernier se trouvent modifiées. Toutefois, une définition précise de la notion de révision
pouvant remettre en cause le principe d’intangibilité s’avère nécessaire (PARAGRAPHE 1)
avant de voir son application à un modèle de contrat en pleine expansion : le contrat
relationnel (PARAGRAPHE 2).
§ 1 : De la notion de révision contractuelle
Dans un premier temps, il convient de dégager les exceptions au principe
d’intangibilité ne le remettant pas en cause étant donné que se sont, selon l’adage
communément admis, des exceptions qui confirment la règle ou du moins ici le principe (A).
Ceci permettra dans un second temps de cerner précisément la notion de révision
incompatible avec le principe d’intangibilité (B).
A - Les exceptions confortant le principe d’intangibilité
L’article 1134 alinéa 2 dispose que les conventions légalement formées « ne peuvent
être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise ». Les
parties peuvent donc conjointement révoquer leur contrat et a fortiori le modifier. En effet, la
loi leur offre la possibilité de prévoir, au moment de la formation du contrat, des clauses
adaptant le contrat aux éventuelles modifications pouvant intervenir lors de son exécution.
Des clauses de toutes sortes peuvent être insérées au contrat mais on trouve principalement :
ϭϳ
−
la clause monétaire indexant le prix sur la valeur d’un bien ou d’un service;
−
la clause de force majeure qui a pour effet principal de suspendre l’exécution du contrat en
−
la clause du client le plus favorisé qui aligne les conditions du contrat sur celles les plus
cas d’impossibilité d’exécution
favorables qui seraient, à l’avenir, consenties à un tiers.
Si l’une de ces clauses est actionnée au cours de l’exécution du contrat, il y a certes
une atteinte au principe d’intangibilité du contrat. Toutefois, cette modification est aussi
l’œuvre de la volonté des parties dès la conclusion de l’accord. Il en résulte que la révision
conventionnelle n’est pas en concurrence avec le principe d’intangibilité au point de le
remettre en cause.
Par ailleurs, le principe d’intangibilité pris dans sa conception classique, interdit au
juge de s’immiscer dans la loi des parties. Néanmoins, le Code civil permet une telle
immixtion au terme de l’article 1152 alinéa 2 relatif à la révision de la clause pénale. Celle-ci
est définie comme « la clause comminatoire en vertu de laquelle un cocontractant s’engage
en cas d’inexécution de son obligation principale ou de retard dans l’exécution, à verser à
l’autre à titre de dommages-intérêts une somme forfaitaire.32» Les cocontractants peuvent
donc au moment de la négociation des stipulations contractuelles, envisager que le
manquement par l’un ou l’autre donnera lieu à une réparation sous la forme de dommages-
intérêts. Le montant de ces derniers est choisi librement par les parties et il ne pourra être
changé. Le principe d’intangibilité de la clause pénale est énoncé à l’alinéa 1 de l’article 1152
du Code civil. Cependant, son alinéa 2 dispose que « Néanmoins, le juge peut, même d’office,
modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou
dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite. »
Le juge dispose donc d’un pouvoir d’intervention dans les stipulations contractuelles
des parties. Toutefois, l’alinéa 2 propose un garde-fou au risque d’arbitraire lors de
l’immixtion du juge dans la loi des parties, en ce qu’il la limite aux seuls excès manifestes.
Du fait de l’encadrement rigoureux de la révision du contrat par le juge, cette exception au
principe d’intangibilité n’est pas de nature à le remettre en cause.
G. CORNU, Association H.CAPITANT, Vocabulaire Juridique, PUF, 7e édition, 2005, p. 175.
32
ϭϴ
Enfin, l’article 1135 du Code civil énonce qu’en plus d’être tenues aux stipulations
contractuelles, les parties sont tributaires d’un certain équilibre contractuel imposé par la
notion d’équité. Par principe, le recours à cette notion ne permet en aucun cas au juge de
porter atteinte au principe d’intangibilité. Toutefois, lors des premières applications de
l’article 1135, la jurisprudence a pu décider que la référence à l’équité permettait au juge de
faire produire au contrat certains effets non initialement prévus, dès lors que ces derniers
paraissaient juste. Dès 191133, c’est sur ce fondement que le juge a imposé pour les contrats
de transport de personne une obligation de sécurité, entendue comme une obligation de
résultat. Il en a été de même pour les obligations d’informations et de conseils à la charge des
personnes dotées de compétences techniques particulières, (les notaires, les avocats, tous les
membres du corps médical ou encore les architectes), face à un cocontractant non initié. On
retrouve donc ces obligations principalement dans les contrats de prestations de services. Mais
là encore, cette exception sert plus le principe d’intangibilité qu’elle ne le remet en question.
Après avoir écarté les exceptions de révision contractuelle et d’intervention du juge
dans le contrat, n’étant pas de nature à remettre en cause le principe d’intangibilité; il convient
de cerner la notion de révision « pure » ne pouvant s’accorder avec le principe susvisé.
B - La notion de révision remettant en cause le principe d’intangibilité
La révision « pure » pouvant faire échec au principe d’intangibilité doit constituer une
modification des circonstances rendant le contrat soit inadapté soit inexécutable. De ce fait,
les parties, sans l’avoir décidé au préalable, ou le juge, procèderont à un ajustement du contrat
aux nouvelles circonstances. Christophe Jamin définit la révision « pure » comme « un
contrat valablement formé, dont les circonstances autorisent qu’il soit modifié au cours de
son exécution, sans pour autant que cette modification, qui n’engendre pas un nouveau
contrat, soit le fruit d’un texte spécifique ou d’un accord entre les parties.34»
Cass. Civ. 21 nov. 1911, S. 1912. 1. 73, note Lyon-Caen. D. 1913. 1. 249, note Sarrut.
C. JAMIN, Révision et intangibilité du contrat, ou la double philosophie de l’article 1134 du Code civil, Dr. et
patr., mars 1998, n°58, p. 48.
33
34
ϭϵ
De cette définition, l’imprévision vient naturellement à l’esprit. La théorie de
l’imprévision postule en faveur d’une intervention du juge pour la révision du contrat, à la
demande d’un des cocontractants, dès lors qu’un évènement étranger à la volonté de ces
derniers et imprévisible lors de la conclusion du contrat, rend l’exécution de ce dernier
beaucoup trop onéreuse et risque de ruiner l’une des parties. Bien qu’admise en droit
administratif35, la Cour de cassation a rejeté la théorie de l’imprévision par le célèbre arrêt
Canal de Craponne36. C’est sous le visa de l’article 1134 alinéa 1er du Code civil, berceau de
la force obligatoire dont découle le principe d’intangibilité, qu’elle énonce que :
« Dans aucun cas, il n’appartient aux tribunaux, quelque équitable que puisse leur paraître
leur décision, de prendre en considération le temps et les circonstances pour modifier les
conventions des parties et substituer des clauses nouvelles à celles qui ont été librement
acceptées par les contractants. »
Elle réaffirma sa position avec fermeté en 1933 en précisant en quoi l’article susvisé fermait
la porte à la théorie de l’imprévision :
« La règle que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les
ont faites est générale et absolue : en aucun cas, il n’appartient aux tribunaux de prendre en
considération le temps et les circonstances pour modifier les conventions des parties et ils ne
pourront davantage, sous prétexte d’une interprétation que le contrat ne rend pas nécessaire,
introduire dans l’exercice du droit constitué par les contractants, des conditions nouvelles,
quand bien même le régime ainsi institué paraîtrait plus équitable à raison des circonstances
économiques.37 »
Toutefois, il convient de souligner que même si le juge administratif consacre la
théorie de l’imprévision lorsque l’économie du contrat est bouleversée par une modification
des prix, le juge peut accorder non pas la révision du contrat mais une indemnité pour la partie
lésée. Quand le déséquilibre est définitif, le Conseil d’Etat, dans un arrêt Compagnie des
CE, 30 mars 1916, Gaz de Bordeaux, in GAJC, 10ème éd., n°49 ; D. 1916. 3. 25, concl. Chardenet ; S. 1916. 3.
p. 17., note Hauriou.
36
Cass. civ., 6 mars 1876, Canal de Craponne, in Fr. Terré et Y. Lequette, Les grands arrêts de la jurisprudence
civile, Tome 2, Dalloz 2000, n°163.
37
Cass. Civ. 15 novembre 1933 : S. 1934. 1. p.13.
35
ϮϬ
tramways de Cherbourg du 9 décembre 193238, a jugé qu’il y a lieu de résilier le contrat. On
en déduit donc, qu’autant les juges administratifs que judiciaires sont réticents quant à la
modification du contenu initial du contrat. Ce qui montre bien leur attachement ou plutôt leur
difficulté de détachement qu'ils ont concernant les vieux principes gouvernant notre théorie
générale du droit des contrats, et en l’espèce le principe d’intangibilité. Toutefois, cette
divergence entre les jurisprudences administratives et judiciaires démontre clairement que la
question de l’acceptation de la théorie de l’imprévision de manière homogène en droit
français n’est pas tranchée.
Comme il a été observé précédemment, le principe d’intangibilité des contrats
constitue un pilier dans notre droit positif et ce quand bien même la pratique pousse à un
assouplissement de ce principe. En effet, la multiplication des contrats de longue durée
s’accorde mal avec l’immuabilité absolue de l’accord. Face à cette double constatation, la
doctrine a proposé que la théorie de l’imprévision soit appliquée de manière distributive, c'est
à dire, uniquement aux contrats à longue durée appelés aussi contrat relationnel.
§ 2 : A sa possible application : l’exemple du contrat relationnel
Le foisonnement des contrats de longue durée impose de reconsidérer le point de vue
franco-français relatif à la théorie de l’imprévision. En effet, ne pas autoriser la révision des
contrats à exécution successive revient à négliger ce type de contrat sous deux aspects :
l’équilibre des obligations n’est pas assuré et le développement nécessaire du contrat est
impossible. L’équilibre des obligations peut être assuré par l’équité prévue par l’article 1135
du Code civil au terme duquel « Les conventions obligent non seulement à ce qui y est
exprimé, mais encore à toutes les suites que l’équité, l’usage ou la loi donnent à l’obligation
d’après sa nature. » Cependant, le bouleversement des circonstances rompt cet équilibre et,
ne pas le considérer, entraîne inéluctablement soit la ruine d’un des cocontractants soit la mort
du contrat. De plus, les contrats à exécution successive contiennent, par nature, de
l’imprévision puisque exécutés sur la durée. Les incohérences d’une telle situation sont
facilement identifiables. C’est cette idée de limiter le champ d’application du principe
38
GAJA, 10ème éd., n°49 ; D. 1933. 3. p. 17.
Ϯϭ
d’intangibilité et donc d’accueillir l’imprévision, qui prédomine dans la théorie des contrats
dits relationnels.
Le mouvement doctrinal ayant initié la catégorie des contrats relationnels, propose de
retrouver une cohérence en accueillant la théorie de l’imprévision à ce modèle de contrat et a
fortiori en limitant le champ d’application du principe d’intangibilité. Ces types de contrats
ont été élaborés par la doctrine juridique et économique américaine. Les contrats relationnels
peuvent être définis comme ceux instaurant une relation durable entre les parties et supposant,
dès lors, une importante coopération entre elles. La notion de contrat relationnel a été
principalement élaborée par Ian R. Macneil, qui l’oppose aux « transactions discrètes ». La
transaction discrète correspond à un simple échange de biens entre des parties qui ne se
connaissent pas et n’ont pas à se connaître. Toute dimension psychologique ou sociale (telle la
confiance, la réputation…) est absente de ce type de contrat. Les contrats relationnels quant à
eux reposent sur une implication des parties, une prise en compte de leurs caractéristiques
singulières, l’instauration d’une relation durable et le fait qu’il est une source de satisfaction
entre les parties. L’auteur ajoute même que l’objet de ce contrat serait « l’obligation de faire
ensemble.39» La caractéristique essentielle de ce type de contrat consiste en « l’organisation
d’un partenariat économique durable et souple.40 » Le contrat relationnel est donc quelque
chose de vivant et d’évolutif, d’où la nécessité d’en admettre la révision si son exécution est
rendue particulièrement difficile ou onéreuse pour l’une des parties - sans quoi il ne sera
d’ailleurs plus une source de satisfaction pour les contractants -.
Bien que cette catégorie de contrat n’existe pas dans l’ordre juridique français, elle
« correspond à une réalité juridique et économique.41» Il faut alors en premier lieu rechercher
des critères de définition de cette catégorie au regard du droit positif afin de s’interroger sur
l’opportunité d’appliquer aux contrats relationnels un régime particulier en matière de
révision judiciaire. Le Doyen Carbonnier met en exergue les différences entre contrat à
exécution instantanée et contrat à exécution successive dont les « philosophies »42 divergent
au point qu’il serait opportun de limiter l’application de la théorie de l’imprévision aux seuls
39
H. BOUTHINON-DUMAS, précit, p. 359.
Op. cit. p. 353
H. BOUTHINON-DUMAS, Les contrats relationnels et la théorie de l’imprévision, Revue internationale de
droit économique, vol. 15, n°3, 2001, p. 339 et s.
42
J. CARBONNIER, Droit Civil. Les obligations, 21ème éd., PUF, 1998, p. 264, n° 141.
40
41
ϮϮ
contrats « relationnels». Le Doyen Hauriou parle quant à lui de « contrat-institution.43» Ces
contrats se caractérisent par une communion d’idées et d’intérêts entre les parties au sein
d’une relation durable. Ainsi, le juge, en révisant le contrat pour imprévision, n’est que
l’interprète du contrat. La révision n’est plus une mesure d’équité, elle est simplement
commandée par la nature même du contrat, et n’est donc pas une exception au principe de la
force obligatoire.
Le contrat « relationnel » a pour principal attribut sa vocation à perdurer, ou plus
précisément, à organiser une relation durable entre les parties. Cette définition se rapproche
alors fortement de celle des contrats à exécution successive, pourtant, il semble qu’il faille les
différencier. Comme le souligne H Bouthinon-Dumas, « la catégorie des contrats relationnels
est incluse dans celle des contrats à exécution successive, mais elle n’est pas confondue avec
elle. Il existe des contrats à exécution successive qui ne sont pas des contrats relationnels »44,
comme par exemple les contrats de vente échelonnée. Le contrat relationnel est d’abord
déterminé par un but que les parties veulent atteindre, ainsi, « les devoirs découlant de la
relation contractuelle doivent primer sur les obligations du bloc contractuel »45. De là à y
voir la primauté de l’exécution de bonne foi sur l’intangibilité du contrat, il n’y a qu’un pas…
Et c’est ce pas que semble franchir Ch. Jamin, en avançant que la théorie de l’imprévision se
heurte au pivot du droit des contrats que constitue l’article 1134 alinéa 1er. Selon lui il faudrait
alors changer de pivot et lui substituer l’article 1134 alinéa 346 : « En usant de l’article 1134
alinéa 3, nous aurions trouvé la parade à l’article 1134 alinéa 1er ; un moyen susceptible
d’assouplir dans un certain nombre de cas la règle technique de l’intangibilité ; un moyen
permettant en définitive d’admettre la révision pour imprévision, sans se heurter à
l’interdiction pour le juge de statuer en équité ».
Ce mouvement doctrinal relatif aux contrats relationnels prend de l’ampleur et met en
exergue la possibilité de concilier les fondements de la théorie générale des contrats avec
M. HAURIOU, La théorie de l’institution et de la fondation. Essai du vitalisme social, in Aux sources du
droit : le pouvoir, l’ordre et la liberté, Caen, Publication du centre de philosophie politique et juridique, 1990.
43
44
H. BOUTHINON-DUMAS, précit, p. 358.
45
Op. cit. p. 358.
Ch. JAMIN, Révision et intangibilité du contrat, ou la double philosophie de l’article 1134 du Code Civil, Dr.
et patr., mars 1998, n° 58, p. 46 et s.
46
Ϯϯ
l’évolution de la pratique. Toutefois, cela traduit un déclin avéré du principe d’intangibilité en
droit français des contrats, renforcé par l’influence de l’environnement périphérique au droit
français des contrats.
Section 2 : L’influence de l’environnement juridique périphérique au
droit français des contrats
La notion de clause abusive ou déséquilibrée (PARAGRAPHE 1) ainsi que les projets
internationaux d’uniformisation, plus particulièrement les principes UNIDROIT et les
principes de droit européen des contrats (PARAGRAPHE 2) sont la traduction d’un
mouvement en faveur de l’abandon du principe d’intangibilité.
§ 1 : De la notion de clause abusive ou déséquilibrée
Les clauses abusives conclues entre professionnels et consommateurs (A) mais aussi
celles passées entre cocontractants professionnels ayant pour effet de créer un déséquilibre
contractuel (B) témoignent d’une remise en cause du principe d’intangibilité.
A - De la clause abusive à l’égard du consommateur
La clause abusive est définie par l’article L.132-1 du Code de la Consommation qui
dispose :
« Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels
ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour
effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur,
un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties
au contrat ».
Ϯϰ
A l’origine, la loi du 10 Janvier 1978 dressait une liste exhaustive des clauses
abusives à laquelle il fallait se reporter pour vérifier si la clause litigieuse entrait dans le
champ de la protection légale et, par ailleurs, ne déclarait la clause abusive que si elle était
imposée par un abus de puissance économique du professionnel lui conférant un avantage
excessif dans le contrat. Ces conditions ne sont donc plus nécessaires depuis la nouvelle
réglementation, et la nouvelle définition est désormais en conformité avec celle prescrite par
la directive du 5 avril 1993. Le nouvel article L.132-1 ne fait que confirmer les avancées
jurisprudentielles en matière de lutte contre les clauses abusives : d’une part celles qui
présument l’abus de puissance économique dès lors que le contrat est un contrat d’adhésion47,
et d’autre part celles qui reconnaissent au juge, en l’absence de tout décret d’interdiction, le
pouvoir de déclarer nulle et non écrite une clause limitative de responsabilité48.
Les clauses abusives sont réputées non écrites. Ceci emporte trois conséquences:
Il est possible d’obtenir du Tribunal compétent l’annulation de toute clause considérée
−
comme abusive au sens de l’article L.132-1, qu’elle soit réglementée ou non et qu’elle ait
ou non fait l’objet d’une recommandation par la Commission des clauses abusives.
Dès lors que des clauses sont jugées abusives, la suppression vaut pour tous les contrats
−
du même type et proposés par le même professionnel49.
Enfin, les dispositions de l’article L.132-1 étant d’ordre public, un Tribunal peut
−
désormais, à l’occasion d’un litige, soulever d’office la nullité d’une ou plusieurs clauses
abusives d’un contrat. Toutefois, la nullité de la ou des clauses abusives n’invalide pas le
contrat qui reste applicable s’il peut subsister sans la ou les clauses en question.
La portée du régime des clauses abusives est générale. La protection offerte au
consommateur s’étend à tout type de documents contractuels et à tout type de clauses, étant
précisé que le caractère abusif d’une clause peut s’apprécier en se référant à toutes les
circonstances qui ont entouré la conclusion du contrat, de même qu’à toutes les autres clauses
du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend juridiquement. Toutefois, la sanction des
Voir notamment Cass. Civ 1ère, 6 janvier 1994 : JCP 1994, II, 22237.
47
48
Voir notamment Cass. Civ 1ère., 14 mars 1991 : D. 1991, J, p. 449.
49
TGI Brest, 21 décembre 1994, UFC contre SA Gymnasium franchise : RJDA, 1995, n° 2, p. 218.
Ϯϱ
clauses abusives ne permet pas de corriger un déséquilibre économique au sein du contrat.
Cette limite est posée par l’article L.132-1 alinéa 7 du Code de la Consommation50.
Tandis que certains auteurs51 ne voient pas d’atteinte au principe d’intangibilité des
contrats lors de l’éradication des clauses abusives, en ce qu’elles sont nulles ab initio et que le
juge ne fait que constater l’état licite du contrat, il convient de souligner que pour constater la
nullité de ce type de clauses, il faut agir en justice. Par conséquent, sans intervention du juge,
la clause sera maintenue et produira ses effets. C’est donc l’intervention judiciaire qui donne
au contrat son aspect « licite » et il y a alors bien une modification par le juge du contrat
initialement conclu, ce qui correspond bien à l’hypothèse de révision judiciaire. Il y a donc
bien atteinte au principe d’intangibilité puisque la révision judiciaire, normalement proscrite
selon ce principe, est ici admis.
B - Aux clauses créant un déséquilibre économique
Il convient de se pencher sur deux types de clauses emportant un déséquilibre. Tandis
que le Code de commerce prévoit la sanction des clauses dites déséquilibrées entre
professionnels, sur le fondement de l’article L.442-6 tel qu’il est issu de sa nouvelle rédaction
(1). Le Code civil permet quant à lui la sanction de l’inégalité objective de la valeur constatée
entre une prestation fournie et celle reçue grâce au concept de la lésion (2).
1 - La sanction des clauses entrainant un déséquilibre entre professionnels
D’inspiration consumériste, la nouvelle rédaction de l’article L.442-6 du Code de
commerce issue de l’ordonnance du 13 novembre 2008, prévoit que sera engagée la
responsabilité civile du professionnel « producteur, commerçant, industriel ou personne
immatriculée au répertoire des métiers », qui tente de soumettre ou soumet son partenaire
commercial à des obligations créant soit une disproportion manifeste eu égard à la
Article selon lequel l’appréciation du caractère abusif ne porte ni sur la définition de l’objet principal du
contrat, ni sur l’adéquation du prix ou de la rémunération du bien vendu ou du service offert.
51
Voir nota. C. JAMIN in Révision et intangibilité du contrat, ou la double philosophie de l’article 1134 du
Code civil, Dr. et patr., mars 1998, n°58, p. 48.
50
Ϯϲ
contrepartie consentie, soit un « déséquilibre significatif dans les droits et obligations des
parties ». Contrairement au régime des clauses abusives conclues entre professionnels et
consommateurs qui prévoit leur nullité ; l’article L.442-6 du Code de commerce envisage
quant à lui la responsabilité délictuelle du cocontractant professionnel à l’origine du
déséquilibre contractuel. Dès lors qu’il est prévu que peut être engagé la responsabilité du
cocontractant professionnel si celui-ci créé, au moyen de stipulations contractuelles, un
déséquilibre contractuel ; cela suppose que soit conféré au juge le pouvoir de contrôler
l’existence ou non d’un déséquilibre existant entre les parties. Le juge peut donc légitimement
s’immiscer dans la loi des parties et engager la responsabilité du contractant, à l’origine de ce
déséquilibre. De ce fait, le juge dispose du pouvoir de le condamner à ce que soit rétablit un
équilibre au sein du contrat. Le contractant jugé responsable sera donc tenu de réparer, au
moyen de dommages-intérêts, le dommage ainsi causé. Le juge s’érige de nouveau en garant
de l’équilibre contractuel, a priori proscrit par le concept de l’immuabilité des contrats pris
dans son acception initiale. Ceci témoigne donc à nouveau, du déclin du principe
d’intangibilité.
2 - La sanction du déséquilibre économique : la lésion
La lésion peut être définie comme « le préjudice pécuniaire que cause à l’une des
parties, l’inégalité objective de valeur entre la prestation qu’elle fournit et celle qu’elle
reçoit.52 » Cette définition fait l’objet de deux théories. La première dite subjective qui
considère que la lésion est un indice de l’existence d’un vice du consentement. De ce fait, elle
devrait être admise dans tous les contrats. La seconde dite objective qui envisage cette notion
comme un déséquilibre économique entre les parties. Toutefois, le Code civil s’inspire
davantage de la théorie objective puisqu’il réserve la lésion à deux types de contrat
synallagmatique commutatif : la vente immobilière et le partage. La jurisprudence est
rapidement venue confirmer que la nature de la lésion était distincte des vices du
consentement53. L’article 1674 du Code civil sanctionne la lésion uniquement lorsque c’est le
vendeur qui est victime de plus des sept douzièmes du prix de l’immeuble. L’article 887
alinéa 2 du même code est relatif au partage. Cet article prévoit quant à lui la sanction de la
lésion de plus d’un quart au détriment de l’un des copartageants. Dans ces deux hypothèses, la
52
53
Y. BUFFELAN-LANORE et V. LARRIBAU-TERNEYRE, Les obligations, Sirey, 11e édition, 2008, p. 328.
Cass. Req., 21 mars 1933, DH 1933. p. 235.
Ϯϳ
lésion doit être appréciée au jour de la formation du contrat. L’action en rescision, dès lors
que la lésion est constatée, ouvre droit à une option pour l’acheteur (article 1681 du Code
civil). Soit il opte pour la nullité de la vente qui entrainera la remise de la chose au vendeur
« en retirant le prix qu’il en a payé », soit l’acheteur décide de racheter la lésion en payant au
vendeur le supplément du juste prix, moins un dixième. Cette dernière hypothèse suppose là
encore une intervention du juge dans la loi des parties. Ce dernier n’a pas à contrôler la justice
du prix en vertu du principe d’immuabilité des conventions. Dans ces cas précis la protection
de l’équilibre économique du contrat prime sur l’intangibilité des conventions, puisqu’elle
commande au juge d’y veiller et d’éventuellement rétablir l’équilibre dès lors que celui-ci a
manifestement disparu.
La notion de clauses abusives ainsi que celle créant un déséquilibre au sein du contrat,
militent en faveur de l’assouplissement du principe d’intangibilité mais de façon plutôt timide
puisqu’elle ne concerne qu’une catégorie bien définie où l’intervention du juge est envisagée.
Au sein des projets internationaux d’uniformisation des droits, des illustrations plus générales
sont admises.
§ 2 : Les projets internationaux d’uniformisation des droits
Alors que les principes UNIDROIT envisagent l’insertion de clause de sauvegarde
dite de hardship imposant une obligation de renégociation dès lors qu’à la suite de
circonstances
extérieures
les
prestations
contractuelles
deviennent
profondément
déséquilibrées (A), les principes du droit européen des contrats traitent quant à eux de cette
obligation de renégociation, quand bien même aucune clause relative à cette obligation ne
serait insérée dans le contrat (B).
A - Les principes UNIDROIT
Ϯϴ
Les principes UNIDROIT54 relatifs aux contrats du commerce international prévoient,
dans leur section 2, la situation particulière de hardship. L’article 6.2.1 en donne la définition
suivante : « Les parties sont tenues de remplir leurs obligations, quand bien même l’exécution
en serait devenue plus onéreuse, sous réserve des dispositions suivantes relatives au
hardship ». Ainsi, même si l’exécution devient difficile, le contrat ne peut pas, de ce seul fait,
être révisé ou permettre à l’une des parties de se soustraire à ses obligations. Le hardship est
une situation d’imprévision strictement encadrée par l’article 6.2.2 :
« Il y a hardship lorsque surviennent des évènements qui altèrent
fondamentalement l’équilibre des prestations, soit que le coût de
l’exécution des obligations ait augmenté, soit que la valeur de la
-
contre-prestation ait diminué, et :
que ces évènements sont survenus ou ont été connus de la partie
lésée après la conclusion du contrat ;
que la partie lésée n’a pu, lors de la conclusion du contrat,
raisonnablement prendre de tels évènements en considération ;
que ces évènements échappent au contrôle de la partie lésée ;
que le risque de ces évènements n’a pas été assumé par la partie
lésée ;
La clause de hardship permet donc à l’une des parties de demander un réaménagement
du contrat si un changement intervient et impose une rigueur injuste. Cette incitation à
renégocier est d’autant plus forte que l’alinéa 3 de cet article précise que c’est « faute
d’accord entre les parties » que celles-ci peuvent saisir le Tribunal. Il y a donc une phase
précontentieuse durant laquelle les contractants vont chercher à pallier aux difficultés de
façon consensuelle. C’est la clause de hardship qui va alors prévoir cette renégociation.
Si aucun accord n’est trouvé, il appartiendra au Tribunal de se prononcer sur
l’existence ou non d’un cas de hardship. Dans l’affirmative, il lui appartiendra alors :
-
soit de mettre fin au contrat à la date et aux conditions qu’il fixe ;
soit d’adapter le contrat en vue de rétablir l’équilibre des prestations ;
C’est à ce niveau que l’on retrouve l’idée d’imprévision puisque le juge aura le
pouvoir de résilier le contrat si sa poursuite est impossible en raison des évènements
Adoptés par le Conseil de Direction d’UNIDROIT à sa 83ème session tenue à Rome (Italie) les 19-21 avril
2004.
54
Ϯϵ
nouveaux, soit de modifier lui-même le contrat. Dans ce dernier cas, le juge se détache alors
pleinement de son rôle d’interprète de la loi des parties pour s’immiscer dans le contenu
même du contrat. Si l’intangibilité du contrat est respectée par la clause de hardship, en ce
qu’elle permet aux parties de renégocier en cas de circonstances nouvelles et imprévues, elle
est par ailleurs gravement atteinte par le déroulement de la phase judiciaire du hardship, en ce
qu’elle impose un véritable forçage du contrat par le juge. Ce forçage est voué à « rétablir
l’équilibre entre les prestations ». En d’autres termes, le juge peut modifier le contenu du
contrat en s’appuyant sur des considérations d’équité et de justice.
B - Les principes du droit européen des contrats
Le changement de circonstances prévu par les principes du droit européen des contrats
(1997) n’autorise pas l’application de la théorie de l’imprévision. L’article 6.111 dispose en
effet que :
« Une partie est tenue de remplir ses obligations, quand bien même
l’exécution en serait devenue plus onéreuse, soit que le coût de l’exécution
ait augmenté, soit que la valeur de la contre-prestation ait diminué. ».
Ainsi, le changement de circonstances n’autorise ni l’extinction du contrat, ni sa révision pour
imprévision. Toutefois, l’article ajoute que :
« Cependant, les parties ont l’obligation d’engager des négociations en
vue d’adapter leur contrat ou d’y mettre fin si cette exécution devient
onéreuse à l’excès pour l’une d’elles en raison d’un changement de
circonstances :
a) qui est survenu après la conclusion du contrat
b) qui ne pouvait être raisonnablement pris en considération au moment
de la conclusion du contrat
c)
et dont la partie lésée n’a pas à supporter le risque en vertu du
contrat ».
On retrouve, dans ce second alinéa, les conditions de l’imprévision. Elle impose aux
parties une obligation de renégociation. Dès lors, les parties sont tenues de réviser les
ϯϬ
stipulations contractuelles initialement conclues et devenues inadaptées face aux changements
de circonstances. Toutefois, si les parties n’arrivent pas à s’accorder sur la modification du
contrat, le juge peut à ce moment là, soit mettre fin au contrat, soit procéder lui-même à
l’adaptation des stipulations contractuelles. Dans l’hypothèse où l’une des parties n’a pas
remplit de bonne foi son obligation de renégocier, le juge peut la condamner à réparer le
préjudice subit par l’autre partie.
Ainsi, tant les principes UNIDROIT que les principes de droit européen des
contrats privilégient la renégociation, et donc la survie du contrat. En effet, l’intervention
judiciaire dans le rapport contractuel n’est envisagée qu’en dernier recours.
Le constat d’une évolution de la pratique avec la multiplication des contrats de longue
durée ainsi que l’influence notamment a nationale sont autant de signes qui affaiblissent de
façon notoire le principe d’intangibilité des contrats. Vient s’ajouter à cela un mouvement
jurisprudentiel renforçant l’idée que l’immuabilité des contrats n’est plus viable au XXIème
siècle.
ϯϭ
ϯϮ
TITRE II : UN MOUVEMENT JURISPRUDENTIEL REVELATEUR DE LA REMISE
EN CAUSE DU PRINCIPE D’INTANGIBILITE
C’est en matière de distribution que les accords constituant une relation commerciale,
au sens de l’article L. 442-6 du Code de commerce, visant à organiser une relation durable
entre le fournisseur et le distributeur, sont les plus nombreux. Ce domaine favorisant la
conclusion de contrats s’exécutant sur la durée, est le terrain propice à un assouplissement du
principe d’intangibilité. C’est précisément sur cette voie que s’est engagée la Cour de
cassation avec son célèbre arrêt Huard qui a marqué le point de départ d’un mouvement
jurisprudentiel posant petit à petit les jalons de la remise en question du principe
d’intangibilité des contrats. Par ailleurs, l’on ne peut que constater un accroissement des
pouvoirs du juge dans la loi des parties. Cela témoigne bien d’une volonté grandissante de
garantir un équilibre contractuel (CHAPITRE 1). Ce mouvement traduit la prise en
considération de l’évolution de la pratique et aborde le contrat sous un aspect beaucoup plus
contemporain et a fortiori plus objectif en ce qu’il constitue un instrument d’échange
économique. Afin que les échanges de biens et de services puissent se réaliser, il s’avère donc
nécessaire d’assurer le maintien du contrat en l’adaptant aux éventuelles circonstances
extérieures qui viendraient le perturber (CHAPITRE 2).
Chapitre 1 : La volonté croissante de rétablir l’équilibre contractuel
Il y a une quinzaine d’années les juges judiciaires ont, par deux fois, admis que
l’équilibre économique du contrat n’avait pas été respecté et qu’il convenait de le rétablir en
se fondant sur l’exécution de bonne foi des conventions énoncée par l’article 1134 alinéa 3 du
Code civil (SECTION 1). Parallèlement, les pouvoirs du juge se sont vus accroitre notamment
en matière de détermination des prix (SECTION 2).
ϯϯ
Section 1 : La bonne foi au service de l’équilibre contractuel
Le premier pas, bien que timide, vers la remise en cause du principe d’intangibilité des
contrats a été opéré par la Cour de cassation en 1992, par son célèbre arrêt Huard55. En
l’espèce, M. Huard était lié par un simple contrat de distribution à la société BP qui disposait,
à côté, d’un réseau de commissionnaires pour la distribution d’hydrocarbure. Par la suite, M.
Huard rencontra des difficultés financières du fait, notamment de la concurrence avec les
commissionnaires BP. La société BP vendait le carburant à un prix équivalent tant aux
commissionnaires qu’à Monsieur Huard, cependant les commissionnaires profitaient de
marges arrières. Il ne pouvait alors pas proposer un tarif équivalent à celui des
commissionnaires puisque M Huard devait rajouter à ce prix de vente ses frais. M. Huard ne
pouvant plus pratiquer des prix concurrentiels, il demanda le soutien à son fournisseur BP, qui
le lui refusa. M. Huard assigna donc la société en paiement de dommages-intérêts, sur le
fondement que l’économie du contrat avait été modifiée en raison de son impossibilité de
concurrencer les autres distributeurs du réseau BP. Les Hauts magistrats approuvèrent la Cour
d’appel qui avait « pu décider qu’en privant M. Huard des moyens de pratiquer des prix
concurrentiels, la société BP n’avait pas exécuté le contrat de bonne foi. » En effet, la société
BP en appliquant le même tarif à l’ensemble de ses distributeurs à conduit les distributeurs, ne
bénéficiant pas de marges-arrières, à voir leur pérennité économique mise en péril. Ainsi le
rapport entre les parties du contrat se trouvait modifié et devait conduire à une renégociation.
La décision des juges venaient donc directement atteindre le principe d’intangibilité du
contrat.
S’il est vrai que la Cour a rendu une décision, à l’époque inédite, il convient de
relativiser la portée de l’obligation de négociation. Le statut de revendeur de M. Huard face à
ses concurrents commissionnaires l’a empêché d’agir sur le fondement de l’article 36-1 de
l’ordonnance du 1er décembre 1986. En effet, l’on ne pouvait parler de pratique d’achat ou de
vente, telle que définie dans cette ordonnance. Il semblerait que la Cour de cassation ait voulu
Cass. Com., 3 novembre 1992 : Bull. civ. IV, n° 340, p. 242 ; JCP éd. G 1993, II, 22164, note G.-J.
Virassamy ; RTD civ. 1993, p. 124, n° 7, obs. J. Mestre.
55
ϯϰ
combler un vide propre au droit de la concurrence en condamnant la pratique des prix
discriminatoires, sans qu’il soit fait de distinction, selon le statut juridique des distributeurs56.
Néanmoins, l’arrêt Chevassus-Marche57 , rendu par la Chambre commerciale de la
Cour de cassation, le 24 novembre 1998, témoigne d’une volonté grandissante d’insérer une
obligation de renégociation dès lors que les circonstances extérieures empêchent l’une des
parties d’exécuter « utilement » ses obligations. En l’espèce, M. Chevassus-Marche, agent
commercial se voit confier un mandat de distribution exclusive, par différents fabricants
d’agroalimentaire (Danone, Evian et Kronenbourg), sur le territoire de l’Océan Indien. Par la
suite, M. Chevassus-Marche subit la concurrence, du fait d’importation parallèle de centrales
d’achat s’approvisionnant en métropole et revendant les biens à des prix nettement inférieurs
qu’il revendait lui-même. L’agent commercial sollicita la résiliation du contrat ainsi que des
dommages-intérêts. C’est sous le visa de l’article 4 de la loi du 25 juin 1991 relatif aux agents
commerciaux, que la Cour de cassation fit droit à la demande de l’agent commercial. Cet
article disposant que « les rapports entre l'agent commercial et le mandant sont régis par une
obligation de loyauté et un devoir réciproque d'information... Le mandant doit mettre l'agent
commercial en mesure d'exécuter son mandat. » Elle décida que « le mandant doit mettre
l'agent commercial en mesure d'exécuter son mandat... ». Les fabricants, mis au courant des
difficultés de leur mandataire, auraient dû prendre des « mesures concrètes pour (lui)
permettre de pratiquer des prix concurrentiels, proches de ceux des mêmes produits vendus
dans le cadre de ces ventes parallèles et de le mettre ainsi en mesure d'exercer son
mandat.58» La Cour, avec sa position, porte là encore atteinte au principe d’intangibilité du
contrat puisqu’elle reconnait une obligation au mandant de renégocier le contrat afin que le
mandataire puisque continuer d’exécuter son contrat.
Il est clair que l’obligation de loyauté du mandant est poussée à son paroxysme.
Quand bien même les importations parallèles n’étaient pas à l’initiative du mandant et, que la
différence des prix entre les biens proposés par M. Chevassus-Marche et les centrales d’achat
résultait du jeu normal de la concurrence, le mandant se voit tenu d’une obligation de
renégociation envers l’agent commercial, afin de lui permettre de se maintenir sur le marché.
Voir nota. C. JAMIN in Révision et intangibilité du contrat, ou la double philosophie de l’article 1134 du
Code civil, Dr. et patr., mars 1998, n°58, p. 55.
57
Cass. Com., 24 nov. 1998, N° 96-18.357 Bulletin 1998 IV N° 277 p. 232
56
ϯϱ
S’appuyant sur le principe de bonne foi, et afin de corriger d’éventuels déséquilibres
contractuels, le juge a vu ses pouvoirs renforcés en ce qui concerne son intervention dans la
loi des parties. Cela vient confirmer son rang en tant que gardien de l’équilibre contractuel.
Section 2 : Le renforcement des pouvoirs du juge
Parallèlement aux arrêts précédemment étudiés, la Cour de cassation est venue
renforcer les pouvoirs du juge notamment en matière d’abus dans la détermination du prix.
L’article 1108 du Code civil énonce les quatre conditions essentielles à la validité d’une
convention. Outre le consentement des parties, la capacité et la cause licite dans l’obligation,
c’est la notion d’objet certain qui retiendra ici notre attention. L’article 1129 du Code civil
précise que l’objet doit être, entre autre, déterminé ou du moins déterminable. En effet, au
terme de cet article « il faut que l’obligation ait pour objet une chose au moins déterminée
quant à son espèce. La quotité de la chose peut être incertaine, pourvu qu’elle puisse être
déterminée. » Un problème s’est fait ressentir concernant le prix de la chose objet du contrat.
En matière de contrat de vente, il est prévu que « le prix de vente doit être déterminé et
désigné par les parties » (article 1591 du Code civil). Dès lors, l’article 1129 a servi pendant
longtemps de fondement pour prononcer la nullité des contrats-cadres dans lesquels le prix
n’était pas déterminé ou déterminable. La déterminabilité du prix constituait une condition de
validité de la convention. La difficulté est que le contrat-cadre est une convention dont l’objet
est de fixer les normes régissant les contrats d’application que les parties passeront
ultérieurement entre elles. Ces contrats-cadres se retrouvent majoritairement dans le secteur
de la distribution et durant de longues années, l’application de l’article 1129 du Code civil en
matière de prix a entraîné une insécurité juridique permanente. Néanmoins, dès 1994, les
prémices d’un revirement jurisprudentiel se font ressentir. La première chambre civile59
précisa que si le prix était fixé par référence à un tarif et le contrat exécuté de bonne foi, le
contrat était valable. Mais c’est le 1er décembre 1995, par cinq arrêts rendus, que l’Assemblée
plénière de la Cour de cassation est venue mettre un coup d’arrêt à l’applicabilité de l’article
1129 du Code civil au prix. Concernant les contrats-cadres, elle précisa que « lorsqu’une
convention prévoit la conclusion de contrats ultérieurs, l’indétermination du prix de ces
contrats dans la convention initiale n’affecte pas, sauf dispositions légales particulières, la
59
Cass. Civ. 1ère, 29 nov. 1994, D. 1995. 122, note Aynès
ϯϲ
validité de celle-ci, l’abus dans la fixation du prix ne donnant lieu qu’à résiliation ou
indemnisation.60 »
Dès lors, la fixation du prix peut faire l’objet d’un contrôle du juge s’il est
manifestement excessif au regard du bien ou du service, contrepartie de l’obligation.
Concernant l’abus dans la fixation du prix, ce n’est plus la nullité qui sera prononcée mais la
résiliation ou indemnisation. Par conséquent, le juge se voit attribuer le pouvoir de contrôler
l’abus dans la détermination du prix, non plus sur le terrain de la formation du contrat mais
dans le cadre de l’exécution du contrat. C’est donc un contrôle a posteriori de l’abus qui sera
effectué. La fixation du prix constitue pourtant un élément essentiel du contrat étant donné
qu’il s’agit de l’objet d’une obligation essentielle. De ce fait, le contrôle devrait concerner la
formation du contrat et non pas l’exécution. En déplaçant le contrôle du juge relatif à l’abus
dans la détermination du prix, la Cour de cassation met en exergue sa volonté d’assurer un
équilibre économique au sein du contrat. C'est le juge qui est le garant de cet équilibre
contractuel et qui voit, ainsi, ses pouvoirs renforcés en matière d’intervention dans la loi des
parties.
On assiste bien à une volonté grandissante d’assurer un équilibre entre les parties au
contrat. Les juges semblent avoir trouvé dans le principe de la bonne foi, le moyen d’assurer
l’équilibre contractuel. Mais au-delà de la conception morale que revêt la bonne foi, l’on peut
déceler la volonté du juge de garantir l’efficacité économique du contrat.
Chapitre 2 : Un plaidoyer en faveur d’une plus grande efficacité
économique
L’équilibre économique du contrat peut être assuré au moyen d’une obligation de
renégociation dès lors qu’un changement de circonstances intervient lors de l’exécution des
Ass. Plén. 1er dèc. 1995, JCP 1996. II 22565, 1ère et 3ème esp., concl. Jéol et note Ghestin ; D. 1996. 13, concl.
Jéol et note Aynès
60
ϯϳ
obligations contractuelles. La Chambre civile de la Cour de cassation61 est d’ailleurs venue
dessiner et préciser les contours de la renégociation (SECTION 1). Serait-ce un pas
supplémentaire vers la reconnaissance de la théorie de l’imprévision en droit positif français ?
(SECTION 2).
Section 1 : Vers une obligation de renégociation ?
Le 16 mars 2004, la première Chambre civile de la Cour de cassation est venue
dessiner les contours de l’obligation de renégociation reconnue en l’espèce. En 1974, la ville
de Cluses confia l’exploitation d’un restaurant à caractère social à l’Association Foyer des
Jeunes Travailleurs. Dix ans plus tard, l’association et la commune conclurent un contrat de
concession avec la Société les Repas Parisiens au terme duquel l’association sous-concèderait
l’exploitation du restaurant à la société en contrepartie du paiement d’un loyer à l’association
et d’une redevance à la commune. Arguant d’une « impossibilité économique de poursuivre
l’exploitation »
notamment
du
fait
des
conditions
d’exploitation
manifestement
disproportionnées déterminées par la commune, qui entrainèrent un déséquilibre dans
l’économie générale du contrat; la société prétendit rompre unilatéralement le contrat. La
Cour de cassation rejeta le pourvoi au motif « que la (société) mettait en cause le déséquilibre
financier existant dès la conclusion du contrat et non le refus injustifié de la commune et de
(l’association) de prendre en compte une modification imprévue des circonstances
économiques et ainsi de renégocier les modalités du sous-traité au mépris de leur obligation
de loyauté et d’exécution de bonne foi (et que la société) ne pouvait fonder son retrait brutal
et unilatéral sur le déséquilibre structurel du contrat que, par sa négligence ou son
imprudence, elle n’avait pas su apprécier. »
Par cette décision, la Cour apporte des précisions concernant l’obligation de
renégociation. Tout d’abord, elle exclut du champ de l’obligation de renégociation le
« déséquilibre structurel » existant dès la conclusion du contrat. En effet, le cocontractant
ayant librement accepté la conclusion d’un tel accord, ne peut, par la suite, invoquer que les
conditions sont manifestement disproportionnées puisque nul ne peut se prévaloir de sa propre
turpitude. La Cour dénonce cela comme une forme de « négligence ou d’imprudence » de la
part du cocontractant. Par une lecture a contrario de la solution, l’on peut avancer que seul le
déséquilibre au cours de l’exécution du contrat est susceptible de donner lieu à une obligation
61
Cass. 1ère Civ., 16 mars 2004, no 442 FS-P, Sté LRP c/ Assoc. Foyer des jeunes travailleurs.
ϯϴ
de renégocier et par conséquent celle-ci sera écartée si le déséquilibre trouve sa source dans la
conclusion du contrat. Par ailleurs, la Chambre civile s’applique à déterminer les
caractéristiques des circonstances à l’origine du déséquilibre pouvant ouvrir la voie à
l’obligation de renégociation. Les caractéristiques ici présentées renvoient à celles relatives à
l’imprévision mais avec certaines nuances mais aussi certaines lacunes. Si le Conseil d’Etat
exige un « bouleversement de l’économie du contrat » résultant d’un événement
« imprévisible », la première chambre civile se contente d’une « modification imprévue » des
circonstances économiques, sans même évoquer le seuil du déséquilibre imposant la
renégociation.62 » De plus, la Cour évacue l’exigence de l’extériorité, aux parties, de
l’évènement modifiant les circonstances économiques du contrat. Comme le souligne Dimitri
Houtcieff63, cela semble ce justifier par le fait que dans les arrêts Huard et ChevassusMarche, rendus par la chambre commerciale, l’origine du déséquilibre n’était pas étranger
aux parties puisqu’il appartenait au fournisseur (Huard) et au mandant (Chevassus-Marche)
soit, de permettre au distributeur de pratiquer des prix concurrentiels, soit de permettre au
mandataire d’exécuter sa prestation.
Dès lors que ces diverses caractéristiques sont constatées, une obligation de renégocier
s’impose alors aux cocontractants afin que soit restauré un équilibre ou du moins une
proportionnalité entre les obligations réciproques des parties. Cette obligation de renégocier
constitue naturellement une obligation de moyen64 en vue d’adapter le contrat initial aux
nouvelles circonstances économiques (« clause de hardship générale et implicite. ») En cas
d’échec de la renégociation, le juge pourra procéder à la résiliation du contrat si elle lui
semble préférable (solution implicitement admise dans l’arrêt Chevassus-Marche où il a été
reproché aux juges du fond de n’avoir pas admis la résiliation).
Bien que cette solution ne consacre pas une obligation générale de renégocier à la
charge des cocontractants, dès lors qu’une modification des circonstances intervient au cours
D. HOUTCIEFF, L’obligation de renégocier en cas de modification imprévue des circonstances, Revue Lamy
Droit civil, n° 6, 2004
63
D. HOUTCIEFF, Op. cit.
64
Com. 3 oct. 2006, énonce qu’une « clause de renégociation n’oblige nullement les parties à réviser les
contrats, mais en autorise seulement la possibilité.» Par conséquent, en l’absence de clause, on n’en déduit que
l’obligation de renégocier ne correspond, elle aussi, qu’à une obligation de moyen.
62
ϯϵ
de l’exécution, il est indéniable que cela ne fait que confirmer le déclin progressif du principe
d’intangibilité des contrats.
ϰϬ
Section 2 : Le pas vers la reconnaissance de l’imprévision ou
l’abandon du principe d’intangibilité des contrats ?
Puisqu’il est clairement constaté que ce qui est contractuel n’est pas forcément juste, le
mouvement jurisprudentiel tend depuis plus d’une dizaine d’années de rompre
progressivement avec les principes tels qu’ils étaient envisagés par la théorie de l’autonomie
de la volonté. En effet, le principe d’intangibilité des conventions s’accorde mal avec
l’évolution des pratiques contractuelles ainsi que la réalité des rapports entre les
cocontractants. Selon le courant du « solidarisme contractuel », que l’on oppose
traditionnellement à la théorie autonomiste, les rapports entre les cocontractants sont par
essence égoïstes. Le contrat est perçu comme un instrument permettant à chaque
cocontractant de retirer un bénéfice qui lui est propre. En effet, il y a contrat parce que
chacune des parties souhaite satisfaire son intérêt personnel par l’obtention de ce que l’autre
possède. C’est précisément cet intérêt purement individuel qui poussera naturellement les
parties à collaborer afin de satisfaire leur besoin respectif. Se soucier de l’intérêt de l’autre est
le seul moyen de satisfaire son propre intérêt puisque l’intérêt de l’un constitue la source de
l’intérêt de l’autre. Cette collaboration doit dès lors, permettre une réalisation effective,
efficace du contrat. Par ailleurs, du fait que les parties contractent dans le but de servir leur
propre intérêt, l’on présuppose que la convention peut être initialement et objectivement
déséquilibrée ; l’équilibre pouvant uniquement se réaliser lors de la satisfaction réciproque
des intérêts respectifs des parties à l’accord. Or, « dans un contexte d’inégalité, chacune des
parties, et non pas seulement la plus puissante, doit pouvoir tirer un bénéfice du contrat 65 ».
Cependant, le principe d’intangibilité des contrats impose que les parties soient
« enfermées » dans le cadre initialement consenti puisqu’elles s’y sont soumis de manière
volontaire ce qui induit une justesse, un équilibre initial. Le courant solidariste plaide quant à
lui en faveur de la recherche et du maintien d’un équilibre au cours de l’exécution du contrat.
Dans l’hypothèse où cet équilibre venait à être rompu, les parties souhaitant réaliser leur
bénéfice propre, auront intérêt à mettre en œuvre leur collaboration afin de satisfaire leur
objectif. Dès lors, le contrat doit faciliter cette collaboration quand bien même les parties ne
l’auraient pas initialement prévu. Cette vision du contrat apparait en adéquation avec
65
Ch. Jamin, La nouvelle crise du contrat, Dalloz 2003, p. 19.
ϰϭ
l’évolution de la pratique. Au cours de ces dernières années, on ne peut que constater la
volonté croissante du législateur et de la jurisprudence, d’adapter les normes juridiques à ce
nouveau contexte. Admettre la théorie de l’imprévision en droit français ne serait que
l’aboutissement du mouvement actuel qui tend vers la recherche d’un plus grand équilibre au
sein des relations contractuelles. Ce serait conférer au contrat toute son utilité. La
reconnaissance de la théorie de l’imprévision a d’ailleurs été prévue dans l’avant-projet
Catala66 ainsi que dans l’avant-projet de réforme du droit des contrats de la Chancellerie67.
Tandis que le rapport Catala réservait l’application de la théorie de l’imprévision aux seuls
contrats à exécution successive ou échelonnée68, le projet de la Chancellerie l’étend à tous les
types de contrats. En effet, l’article 136 prévoit que :
«Si un changement de circonstances, imprévisible et insurmontable, rend l'exécution
excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque, celleci peut demander une renégociation à son cocontractant mais doit continuer à exécuter ses
obligations durant la renégociation.
En cas de refus ou d'échec de la renégociation, le juge peut, si les parties en sont d'accord,
procéder à l'adaptation du contrat, ou à défaut y mettre fin à la date et aux conditions qu'il
fixe »69.
L’idée de garantir un équilibre économique au sein du contrat permet d’assurer
pleinement sa qualité d’instrument d’échange au service des parties. Lorsqu’il devient
excessivement onéreux pour l’une des parties de poursuivre l’exécution de ses obligations, le
contrat, tel qu’il a été initialement conçu, perd alors tout son intérêt. Il convient donc de
l’adapter, voire d’y mettre un terme afin d’assurer son effectivité.
Rapport Catala présenté au garde des sceaux le 22 septembre 2005.
Projet de réforme du droit des contrats de la Chancellerie, juillet 2008.
68
L’article 1135-1 dispose : « dans les contrats à exécution successive ou échelonnée, les parties peuvent
s’engager à négocier une modification de leur convention pour le cas où il adviendrait que, par l’effet des
circonstances, l’équilibre initial des prestations réciproques fût perturbé au point que le contrat perde tout
intérêt pour l’une d’entre elles. »
66
67
69
Article 136 du projet de réforme du droit des contrats de la Chancellerie, juillet 2008.
ϰϮ
Considérer que les contrats doivent rester statiques dans une économie de marché
semble, aujourd’hui, incohérent, puisque cela revient à soumettre les cocontractants à un
principe inadapté à la réalité pratique, empêchant le contrat de se réaliser en tant
qu’instrument économique d’échange de biens et de services. Cette objectivisation de la
fonction du contrat a été prise en considération par le législateur et la jurisprudence, ce qui a
inéluctablement conduit à un recul du principe d’intangibilité. Les nombreuses entorses faites
à l’immuabilité des contrats, au cours de ces dernières années, ne peuvent plus être regardées
comme de simples exceptions confortant l’intangibilité contractuelle dans son rang de
principe. Comme l’a justement évoqué le Doyen Carbonnier, il y a t-il « encore des gens qui
croient à l’intangibilité du contrat et la respectent ; quelles sortes de gens ?70 »
Cité in J.P. CHAZAL, De la signification du mot loi dans l’article 1134 alinéa 1er du code civil, RTD civ.
2001, p. 265.
70
ϰϯ
Partie II : A l’inefficacité économique de l’exécution forcée en
nature
L’exécution en nature, au même titre que le principe d’intangibilité, vient en renfort de
la force obligatoire des conventions. On retrouve à la base du contrat, en droit français, le
principe du consensualisme au terme duquel, d’un point de vue théorique, seule la rencontre
des volontés suffit. C’est donc l’autonomie de la volonté qui justifie la force obligatoire. Les
parties acceptent volontairement de se soumettre à ce qu’elles ont librement consenti. L’on
estime donc, que le créancier d’une obligation non exécutée a le droit d’obtenir du débiteur
l’exécution en nature de l’obligation. Car accorder un simple équivalent au créancier
reviendrait à nier toute la force du consentement. Toutefois, l’exécution forcée en nature
présente des distorsions de manière inhérente (TITRE 1) que la jurisprudence tente toutefois
de corriger dans certains domaines (TITRE 2).
TITRE I : DES DISTORSIONS INHERENTES A L’EXECUTION FORCEE EN
NATURE
Les distorsions de l’exécution forcée en nature se caractérisent à deux niveaux. Tout
d’abord, celles-ci apparaissent entre son champ d’application légale qui lui réserve une place
relativement restreinte et la jurisprudence qui l’a interprété, quant à elle, de manière expansive
(CHAPITRE 1). Par ailleurs, l’exécution forcée en nature en droit français se heurte à des
considérations économiques qui, au XXIème siècle, ne peuvent plus être négligées
(CHAPITRE 2).
ϰϰ
Chapitre 1 : Du domaine légal restreint et de la primauté
conventionnelle de l’exécution forcée en nature
Il convient de cerner la teneur de la restriction légale du domaine de l’exécution forcée
en nature (SECTION 1) avant d’en envisager son élargissement opéré par la jurisprudence
(SECTION 2).
Section 1 : Du domaine légal restreint de l’exécution forcée en nature
A des fins pédagogiques, il convient de déterminer ce que représente l’exécution
forcée en nature (PARAGRAPHE 1) pour pouvoir par la suite envisager son champ
d’application tel que définit par le Code civil (PARAGRAPHE 2).
§1 : De l’identification de l’exécution forcée en nature
« L’obligation contractuelle n’est pas seulement un lien de droit unissant le créancier
à son débiteur mais un moyen, un lien fonctionnel permettant d’atteindre un résultat : la
satisfaction du créancier.71»
Ce lien fonctionnel existant entre un créancier et son débiteur s’exécutera, dans
l’hypothèse la plus faste, de façon volontaire. Dès lors, si le débiteur remplit les conditions
posées par les articles 1235 et suivants du Code civil, pour l’exécution de son obligation
contractuelle, celle-ci s’éteindra et ce conformément à l’article 1234 du Code civil72.
Cependant, il existe des situations où le débiteur ne s’exécutera pas de façon
spontanée. Dans cette hypothèse et afin que le créancier soit satisfait, le droit met à sa
Y.M LAITHIER, La prétendue primauté de l’exécution en nature, RDC 2005, p.161.
L’article 1234 du Code civil dispose que « Les obligations s’éteignent par le payement, par la novation, par la
remise volontaire, par la compensation, par la confusion, par la perte de la chose, par la nullité ou la rescision,
par l’effet de la condition résolutoire (…), et par la prescription, (…). »
71
72
ϰϱ
disposition des mécanismes que l’on peut qualifier de « remèdes à l’inexécution73». Il en
existe plusieurs. On trouve tout d’abord, l’exception d’inexécution qui consiste en un « moyen
de défense qui permet à un débiteur d’être provisoirement dispensé d’exécuter son obligation
envers son créancier tant que celui-ci, débiteur envers lui d’une obligation réciproque ou
connexe n’a pas rempli son propre engagement.74 » On trouve dans le Code civil ce remède à
l’inexécution, de manière ponctuelle pour des contrats nommés (articles 1612 et 1653 pour les
contrats de vente, article 1704 pour le contrat d’échange, etc…). Néanmoins, la jurisprudence
l’a étendu à tous les contrats synallagmatiques75.
Par ailleurs, le créancier peut agir en résolution judiciaire pour inexécution du contrat. En se
fondant sur l’article 1184 du Code civil, le créancier lésé peut demander au juge de prononcer
la résolution du contrat. Toutefois, celui-ci n’y est pas tenu et dispose d’un certain pouvoir
d’appréciation. Pour finir, le créancier peut demander l’exécution forcée du contrat et c’est
précisément ce point qui mérite de plus amples développements.
Comme nous venons de l’évoquer, l’exécution forcée constitue l’un des remèdes, en
droit français, à l’inexécution du contrat. Au même titre que la résolution judiciaire, l’article
1184 alinéa 2 du Code civil qui dispose que « la partie envers laquelle l’engagement n’a
point été exécuté, a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est
possible, ou d’en demander la résolution avec dommages et intérêts », offre au créancier la
possibilité de demander au juge de contraindre le débiteur à s’exécuter soit en nature, en
fournissant le bien, objet précis du contrat; soit par équivalent par le versement de dommages
et intérêts. Dès lors, comment s’arbitre le choix entre exécution forcée en nature et exécution
forcée par équivalent ?
Comme il a été vu, au terme de l’article 1184 alinéa 2 du Code civil, le créancier est a
priori libre d’opter pour le mode de réparation, en nature ou par équivalent, dès lors que le
débiteur n’a pas exécuté ses obligations contractuelles. Ainsi, le juge devrait prononcer, à
l’encontre du débiteur, la sanction pour laquelle le créancier a opté. Néanmoins, le Code civil
et la jurisprudence apportent des précisions sur ce point.
D. MAINGUY et J.L. RESPAUD, Droit des obligations, coll. Ellipses, Ed. 2008, p.205
G. CORNU, Association H.CAPITANT, Vocabulaire Juridique, PUF, 7e édition, 2005, p. 478.
75
Cass. Soc. 31 mai 1956, Bull. civ. IV, n° 503.
73
74
ϰϲ
§2 : A la détermination du champ d’application de l’exécution forcée
en nature
Une lecture combinée des articles 1101 et 1142 du Code civil, permet de cerner les
champs d’application respectifs et de l’exécution forcée en nature et de l’exécution forcée par
équivalent. Dans un premier temps, l’article 1101 du Code civil dispose : « Le contrat est une
convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent, envers une ou plusieurs
autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose ». Cet article présente ainsi la
summa divisio tripartite classique des objets possibles des obligations : donner, faire ou ne pas
faire. De plus, l’article 1142 du Code civil énonçant que « Toute obligation de faire ou de ne
pas faire se résoud en dommages et intérêts, en cas d’inexécution de la part du débiteur »,
laisse à penser, par une lecture a contrario, que seules les obligations de donner seraient
susceptibles d’une exécution forcée en nature. En effet, l’article 1142 se justifie par des
« considérations fondamentales tenant à la conception de l’être humain, prohibant toute
menace physique, toute coercition musclée héritée de cette longue évolution du droit de la
responsabilité »76, conformément à l’adage nemo praecise cogi potest ad factum77.
Que constitue dès lors l’obligation de donner pouvant ouvrir la voie à une exécution
forcée en nature ? Selon l’article 1136 du Code civil, cette obligation de donner « emporte
celle de livrer la chose et de la conserver jusqu’à la livraison ». L’obligation de donner
consiste à transférer la propriété d’une chose. On la retrouve dans la livraison d’un corps
certain ou encore dans l’individualisation d’une chose de genre. Sont donc a priori exclues des
obligations de faire « les actions de remise, les livraisons.78» On observe que la catégorie des
obligations de faire est très large et qu’ainsi « est obligation de faire, tout ce qui n'est pas
obligation de donner79 ».
D. MAINGUY et J.L. RESPAUD, Droit des obligations, coll. Ellipses, Ed. 2008, p.208
« Personne ne peut être contraint d’accomplir un fait ».
78
G. PIGNARRE, A la découverte de l’obligation de praestare, RTD Civ. 2001, p. 41.
79
G. PIGNARRE, op. cit.
76
77
ϰϳ
Un article pertinent du Professeur M. Fabre-Magnan80 a poussé le raisonnement
encore plus loin en démontrant que cette obligation de donner n’existerait pas. L’auteur
avance que le transfert de propriété ne peut être l’objet d’une obligation en ce qu’il constitue
un concept abstrait, puisque celui-ci s’effectue toujours de plein droit, de façon automatique,
dès lors que le débiteur de l’obligation de livrer la chose l’a réalisée. Ainsi, le débiteur ne peut
jamais être contraint de donner, c’est-à-dire de transférer la propriété, mais uniquement de
réaliser des actes matériels desquels découleront automatiquement le transfert de propriété.
Ainsi, le transfert de propriété est acquis par le créancier dès la naissance des obligations entre
ce dernier et le débiteur. Cette affirmation s’accorde parfaitement avec la lettre de l’article
1583 du Code civil au terme duquel la vente « Est parfaite entre les parties, et la propriété est
acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du
prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé ».
Partant de ce constat, l’on peut avancer que l’obligation principale de donner telle que
définie par le Code civil, s’exécutant de manière automatique suppose que le débiteur ne soit
effectivement tenu de réaliser qu'une obligation de faire, c'est à dire un acte positif. De ce fait,
l’obligation de donner serait subordonnée à l’accomplissement d’une obligation de faire. La
catégorie des obligations de donner semble dès lors réduite à peau de chagrin.
Par ailleurs, le Code civil encadre strictement, au sein des articles 1143 et 1144, les
cas où l’exécution en nature est possible. « Le créancier a le droit de demander que ce qui
aurait été fait par contravention à l’engagement soit détruit », et la destruction se fera aux
dépens du débiteur, sans préjudice de dommages-intérêts éventuels (article 1143). Il est
également possible au créancier, en cas d’inexécution, de « faire exécuter lui-même
l’obligation aux dépens du débiteur » (article 1144). Et la loi du 9 juillet 1991 a ajouté à
l’article 1144 la disposition suivante : « celui-ci [le débiteur] peut être condamné à faire
l’avance des sommes nécessaires à cette exécution. »
80
M. FABRE-MAGNAN, Le mythe de l’obligation de donner, RTD Civ. 1996, p. 85.
ϰϴ
Le domaine légal de l’exécution forcée en nature initialement restreint par la loi, a
toutefois fait preuve d’une extension considérable par la jurisprudence en l’élevant au rang de
principe au détriment de l’exécution forcée par équivalent.
Section 2 : A l’affirmation jurisprudentielle de la primauté de
l’exécution forcée en nature
Conférer à l’exécution forcée en nature la place de principe en droit français permet au
juge de garantir toute la valeur des consentements et donc d’asseoir le principe de la force
obligatoire des conventions (PARAGRAPHE 1). La primauté de cette sanction est garantie
par la souplesse des conditions requises pour le prononcé de l’exécution forcée en nature
(PARAGRAPHE 2).
§1 : L’exécution forcée en nature corollaire du principe de la force
obligatoire
Mais à contre courant de ces observations, il s’avère que l’exécution forcée en nature
occupe un rang privilégié par rapport à l’exécution forcée par équivalent. On observe que « la
jurisprudence a progressivement mis entre parenthèses les termes de l'article 1142 pour faire
du droit à l'exécution forcée (en nature) le principe.81» Ainsi, la primauté de cette sanction
résulte d’une pure création prétorienne où l’on constate donc une absence de fondements
légaux. Toutefois, la discussion du bien fondé de ce rang privilégié n’a pas son intérêt ici.
Mais il convient de se pencher sur les causes ayant poussé la jurisprudence à opérer de telle
sorte et les conséquences qu’il en résulte.
J. MESTRE, Observations sur l'attitude du juge face aux difficultés d'exécution du contrat, in Le juge et
l'exécution du contrat, PUAM, 1993, p. 91, spéc. p. 93.
81
ϰϵ
Depuis fort longtemps, la théorie générale des contrats opère une connexion voire une
dépendance entre exécution forcée en nature et force obligatoire du contrat. L’exécution en
nature trouverait en réalité son fondement au sein de l’article 1134 alinéa 1er du Code civil ;
« le droit à l'exécution [en nature] est l'effet le plus direct du principe de la force obligatoire
du contrat82 ». Elle permet ainsi au créancier d’obtenir exactement ce pour quoi il s’était
engagé à savoir l’objet du contrat. Cette conception se rattache au dogme de l’autonomie de la
volonté dont le contenu a été évoqué précédemment. L’obligation contractuelle est assimilée à
une promesse dont l’exécution en nature permet d’incarner, au mieux, la volonté des parties.
Tel que le présente Yves-Marie Laithier : « Eriger [l’exécution forcée en nature] en principe,
c'est rappeler aux parties l'intangibilité juridique de leur violation. En somme, l'exécution
forcée en nature est la manifestation contentieuse du respect de la parole donnée.83 »
L’exécution en nature apparait comme le « mode idéal de réparation.84 » Opérer un
rattachement entre la force obligatoire et l’exécution forcée permet par ailleurs, de brider le
pouvoir d’appréciation du juge. En effet, en accordance avec la théorie volontariste, puisque
celui-ci ne peut intervenir dans la loi des parties en ce qu’elle est l’expression de leurs
volontés toutes puissantes, ordonner une autre sanction que l’exécution en nature trahirait
leurs volontés. Selon cette acception, le prononcé d’une exécution par équivalent lors d’une
inexécution contractuelle revient à substituer un objet à un autre et constituerait donc une
atteinte grave à la loi contractuelle.
Bien que la Cour de cassation reconnaisse en principe aux juges du fond un large
pouvoir d’appréciation quant au choix du mode de réparation, il est communément observé
que les Hauts magistrats encadrent cette liberté dans l’objectif de maintenir la primauté de
l’exécution forcée en nature.
§2 : Les conséquences de la primauté de l’exécution forcée en nature
G. VINEY, P. JOURDAIN, Traité de droit civil (dir. J. GHESTIN), Les effets de la responsabilité, 2e éd.,
LGDJ, 2001, no 19 et s.
83
Y.M LAITHIER, La prétendue primauté de l’exécution en nature, RDC 2005, p.161.
84
Ph. Le TOURNEAU et L. CADIET, Droit de la responsabilité, 1996, Dalloz, no 1274
82
ϱϬ
Au niveau de la pratique, le maintien de la primauté de l’exécution forcée en nature se
traduit par deux conséquences. La première est que le juge ne peut rejeter la demande
d’exécution forcée émanant d’un créancier85 que s’il constate, soit l’existence d’une
impossibilité juridique, notamment lorsqu’un tiers possède de bonne foi des droits sur l’objet
de la prestation contractuelle, soit l’existence d’une impossibilité matérielle, notamment
lorsque l’objet du contrat a été perdu par le débiteur, étant précisé que celle-ci doit revêtir un
caractère absolu : l’objet perdu n’existait qu’en un seul exemplaire. La seconde est
l’assouplissement des conditions d’obtention de l’exécution forcée en nature. Alors que la
démonstration d’un préjudice est nécessaire pour obtenir des dommages-intérêts86 ; en matière
d’exécution forcée en nature, seule l’existence de la créance doit être démontrée87. Par
conséquent, le clivage initial obligations de faire et de ne pas faire/dommages-intérêts et
obligations de donner/exécution en nature, réalisé par le Code civil, n’a plus beaucoup de
consistance. Les juges sont tenus de prononcer l’exécution en nature d’une obligation de faire,
dès lors qu’elle n’implique pas une contrainte sur la personne même du débiteur. Ainsi, on ne
saurait contraindre le peintre d’achever ou de divulguer son œuvre88 même sous astreinte.
Toutefois, la Cour de cassation a jugé qu’un représentant du personnel, irrégulièrement
licencié par son employeur, avait le droit d’obtenir en justice sa réintégration dans
l’entreprise89.
La première des distorsions inhérentes à l’exécution forcée en nature étant déterminée,
il convient désormais de s’attacher aux limites économiques inhérentes, elles aussi, à cette
sanction.
Voir par ex. Cass. Civ. 3ème, 27 juin 1984, n° 83-11.581, Bull civ. 1984 III, n° 126
86
Civ. 3e, 3 déc. 2003, Bull. Civ. III, n° 221, RDC 2004 359, obs. J.-B. SEUBE réaffirmé par Com. 13 mars
2007, Petites Affiches 11 sept. 2007, p. 7, note M.-L. LANTHIEZ
87
Cass. Civ 3e, 9 déc. 1970, Bull. civ. III, n°363, « attendu que l’action tendant à l’exécution d’une obligation
contractuelle n’est pas subordonnée à l’existence d’un trouble ou d’un préjudice personnels. »
88
Cass. civ. 14 mars 1900, aff. Whistler.
89
Cass. civ 3e, 19 fèvr. 1970, Bull. Civ. III, n°123, RTD civ., 70.785, note G. DURRY.
85
ϱϭ
Chapitre 2 : Aux limites économiques de l’exécution forcée en nature
Là encore il convient de subdiviser les limites économiques de l’exécution forcée en
nature. D’un côté, l’étude portera sur le fait que l’exécution forcée en nature constitue un frein
à l’efficacité économique (SECTION 1), et de l’autre, l’on s’interrogera sur l’opportunité
économique du recours au pouvoir d’injonction du juge (SECTION 2).
ϱϮ
Section 1 : L’exécution forcée en nature comme obstacle
à l’efficacité économique
Avant de constater que la place résiduelle de l’exécution forcée en nature dans les pays
du common law est liée à des considérations économiques (PARAGRAPHE 1), l’on
envisagera la question de la disproportion économique pouvant résulter du prononcé de
l’exécution forcée en nature, notamment dans le domaine des constructions immobilières
(PARAGRAPHE 2).
§1 : Les dérives potentielles résultant de l’exécution forcée en nature
L’illustration des dérives qui peuvent résulter de l’exécution forcée en nature se
manifestent clairement dans le domaine particulier des constructions immobilières. Ici, la
Cour de cassation bride considérablement - surement dans un souci de protéger le droit de
propriété - le pouvoir d’appréciation des juges en ce qu’elle impose fréquemment la
démolition de l’ouvrage lorsque celui-ci a été construit en ne respectant pas les stipulations
contractuelles initiales90. Le choix de l’exécution forcée en nature est donc préféré bien qu’à
cet égard on ne peut que déplorer l’excessivité d’une telle sanction par rapport au dommage
causé. L’illustration peut être trouvée dans l’arrêt rendu par la troisième chambre civile de la
Cour de cassation en date du 11 mai 200591. En l’espèce, des époux ayant fait bâtir une
maison individuelle avaient demandé aux juges du fond d'ordonner la condamnation de la
société de construction à la démolition de la maison, puis à sa reconstruction, en raison d'une
insuffisance de niveau de 0,33 mètre par rapport aux stipulations contractuelles. Ce que la
Cass. 1re civ. 1er mars 1965, D. 1965, 560 ; Cass. 3e civ. 7 juin 1979, JCP 1980.II.19415, note Ghestin; 19 mai
1981, Bull. civ. III, no 101
91
Cass. civ. 3e, 11 mai 2005, Bull. civ. III, n°103.
90
ϱϯ
cour d'appel avait refusé au motif qu'une telle non-conformité ne rendait pas l'immeuble
impropre à sa destination et à son usage et ne portait pas sur des éléments essentiels et
déterminants du contrat. L'arrêt est cassé sous le visa de l'article 1184 du code civil au motif
que « la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté peut forcer l'autre à
l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible ; (...) qu'en statuant ainsi, alors qu'elle
avait constaté que le niveau de la construction présentait une insuffisance de 0,33 mètre par
rapport aux stipulations contractuelles, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales
de ses propres constatations, a violé le texte susvisé ».
L’exécution en nature, bien que possible en l’espèce, se révèle totalement
déraisonnable eu égard à des considérations économiques mais la force obligatoire n’a pas de
prix. La Cour d’appel en préférant une réparation par équivalent de la mauvaise exécution
contractuelle à l’exécution forcée en nature des stipulations contractuelles initiales, a semble
t-il opéré un contrôle de proportionnalité fondé sur les coûts respectifs de mise en œuvre de
chacun de ces modes de réparation. Il s’avérait que le dommage caractérisé par l’insuffisance
de niveau minime ne rendant pas l’immeuble impropre à sa destination et son usage, ne
nécessitait pas une réparation en nature se révélant excessivement onéreuse par rapport au
degré du préjudice subit.
Les magistrats de différentes Cours d’appel ont tenté, à plusieurs reprises92 mais en
vain, de faire fléchir la Cour de cassation afin qu’elle introduise un contrôle de
proportionnalité entre le dommage et la réparation de celui-ci. On peut citer à ce titre l’arrêt
rendu par la troisième Chambre civile le 15 février 197893 censurant la décision qui « pour
allouer seulement des dommages-intérêts aux demandeurs, se borne à indiquer qu’il est hors
de proportion avec le dommage causé d’ordonner la démolition d’une maison construite
depuis plus de dix années, sans relever une impossibilité de procéder à la destruction et à la
reconstruction à l’emplacement prévu. » Face à l’exécution forcée en nature, la Cour de
cassation semble donc inflexible sur le fait de prendre en considération les éventuelles
conséquences économiques désastreuses lors du prononcé d’une telle sanction.
92
93
Cass. civ.1ere, 10 nov. 1965 bull. I,n°604 ; Cass. civ.1re, 26 juin 1967, D.1967, p.673
Cass. civ. 3e, 15 févr. 1978, D. 1978, IR, p. 414.
ϱϰ
Position d’autant plus critiquable, qu’il existe aujourd’hui un contrôle de
proportionnalité opéré par la jurisprudence afin de contrôler si les prestations respectives des
parties ne présentent pas de déséquilibres économiques excessifs. On retrouve ce contrôle
notamment pour les relations contractuelles entre banquier et caution, entre employeur et
salarié à propos d’une clause de non-concurrence ou entre fournisseur et détaillant à propos
d’une clause d’approvisionnement94. La Cour de cassation relève en l’espèce que la clause
litigieuse ne présentait pas « un caractère raisonnable » et que « l’obligation ainsi imposée
était disproportionnée » par rapport aux possibilités du cocontractant. Ce contrôle de
proportionnalité permet ainsi de rectifier, dans un but économique, les déséquilibres au sein
du rapport contractuel. Ce qu’il faut souligner c’est que les juges procèdent à une vérification
de la proportionnalité au sein du contrat, non pas entre les obligations échangées entre les
parties mais entre l’engagement du débiteur et ses facultés. Par conséquent, un débiteur n’a
pas à assumer une obligation manifestement excessive pour lui. La recherche d’un équilibre
économique du contrat est en parfaite adéquation avec l’évolution des pratiques contractuelles
étudiée précédemment. L’application prétorienne de la théorie de la proportionnalité sert
activement la volonté d’asseoir une plus grande justice contractuelle. Etendre ce contrôle de la
formation du contrat à son exécution, et en particulier au contrôle de proportionnalité, lors du
choix de la sanction d’une mauvaise ou d’une totale inexécution, va dans le sens de
l’évolution que connait le droit des contrats. S’assurer que le coût de l’exécution en nature
imposé au débiteur n’est pas disproportionné par rapport au préjudice causé par la violation
des obligations, c’est veiller à concilier l’intérêt du créancier, du débiteur et des tiers. Si une
telle disproportion est constatée, il conviendra d’adopter l’exécution forcée par équivalent,
permettant de réparer le dommage causé au créancier et d’éviter au débiteur des conséquences
financières désastreuses. Au final, c’est opter pour la solution économique qui s’avère la plus
efficace.
Alors que les juges en droit français ont tendance à méconnaitre les conséquences
économiques désastreuses pouvant résulter du prononcé de l’exécution forcée en nature, l’on
observe à l’inverse, dans les droits du common law, l’importance du critère économique dans
le choix de la sanction qui se traduit par la préférence de l’allocation de dommages-intérêts au
détriment de l’exécution forcée en nature.
94
Com. 13 mai 1997, Sté Estée Lauder/Sté parfumerie Jerbo, JCP 1999, I. 114, obs. M. Fabre-Magnan.
ϱϱ
§2 : La place résiduelle réservée à l’exécution forcée en nature dans les
pays du common law
La « quête » de l’efficacité économique de la sanction relative à l’inexécution
contractuelle est observable dans les pays du common law. Alors qu’en droit positif français
les magistrats ordonnent l’exécution forcée en nature dès lors que celle-ci est possible à
mettre en œuvre, les juges anglais et américains notamment, exigent de la sanction qu’elle
présente aussi un critère d’efficacité. Ce critère d’efficacité s’apprécie selon une acception
économique qui s’inspire fortement de l’analyse économique du contrat initiée par la doctrine
américaine. Les droits du common law défendent l’idée selon laquelle si les dommages-
intérêts « permettent techniquement de satisfaire l’intérêt du créancier, en lui accordant en
valeur l’exact avantage que lui aurait procuré une exécution complète et ponctuelle du
contrat
» et que cette sanction protège l’intérêt positif tout en garantissant une allocation
95
optimale des ressources, alors il n’y a pas lieu de forcer le débiteur à exécuter ses obligations
contractuelles en nature. La place préférentielle occupée par l’exécution forcée par équivalent
en droit anglais et en droit américain est clairement exprimée dans chacun de ces deux
systèmes. La chambre des Lords dans l’importante décision Co-operative Insurance v. Argyll
Stores Ltd96 rappela la prééminence accordée aux dommages-intérêts, en droit anglais, fondée
sur le caractère adéquat de la sanction. En l’espèce, un bail avait été conclu entre le
propriétaire d’un centre commercial et une chaîne de supermarchés dans lequel le preneur
s’engageait à maintenir son établissement ouvert durant toute la durée du contrat (35 ans).
Subissant de graves pertes financières, Argyll Stores décida en 1995 la fermeture de
l’établissement en ayant parfaitement conscience de violer intentionnellement ses
engagements. La présence du supermarché étant essentielle au bon fonctionnement du centre
commercial, le bailleur exigea sa réouverture immédiate, sanction accordée par la Cour
d’appel. Cette décision fut infirmée par la Chambre des Lords au motif notamment que
« l’exécution en nature n’a pas à être ordonnée lorsque les dommages-intérêts constituent un
Y. LAITHIER, Etudes comparatives des sanctions de l’inexécution du contrat, LGDJ, coll. Bibliothèque de
droit privé tome 419, 2004, p. 380.
96
Co-operative Insurance v. Argyll Stores Ltd., 21st May 1997, 3 W.L.R. 27
95
ϱϲ
remède adéquat ». En droit américain on retrouve cette règle exprimée à travers l’article 359
(1) du Restatement (Second) of Contracts : l’exécution en nature n’a pas à être ordonnée si les
dommages-intérêts protègent de façon adéquate l’intérêt positif du créancier97.
Ainsi, comme le démontre clairement Yves-Marie Laithier98, les restrictions du
domaine de l’exécution en nature tiennent à deux éléments : à la fois au caractère adéquat de
la sanction mais aussi au coût global de la sanction. Il est notoire de préciser que ces deux
notions sont autonomes99.
En premier lieu, il est indéniable que l’exécution en nature a l’avantage de procurer au
créancier l’objet précis de son engagement, et donc de répondre à l’attente légitime du
créancier qui ne se réduit pas uniquement à la valeur objective – la valeur marchande – du
bien ou du service mais qui inclut nécessairement une valeur subjective. Ce que l’analyse
économique stigmatise dans la notion de consumer surplus. Néanmoins, l’allocation de
dommages-intérêts est tout à fait apte à compenser cette valeur subjective et donc de présenter
un remède adéquat à l’inexécution. Par ailleurs, les pays du common law impose, à la charge
du créancier, un devoir de minimiser le dommage. Le créancier sera ainsi tenu de répondre
des « pertes et dépenses qu’il aurait raisonnablement pu éviter.100 » On avancera facilement
l’argument selon lequel cette obligation de minimiser le dommage est incompatible avec le
prononcé d’une exécution forcée en nature. L’obligation reste donc cantonnée au domaine de
l’exécution forcée par équivalent. En effet, dès lors que le bien ou le service objet de la
prestation contractuelle est disponible sur le marché, le devoir de minimiser le dommage se
traduira par la nécessité faite au créancier de remplacer le bien ou le service en question. Par
conséquent, la sanction des dommages-intérêts permet au créancier d’opérer plus rapidement
le devoir de remplacement qui lui est imposé. A contrario, chaque fois que le bien ou le
service objet du contrat présente un caractère d’unicité, en ce sens qu’il est indisponible sur le
Restatement (Second) of Contracts § 359 (1): « Specific performance or an injunction will not be ordered if
damages would be adequate to protect the expectation interest of the injured party. »
98
Y. LAITHIER, op. cit., p. 420.
99
L’exécution en nature sera écartée si elle est jugée adéquate, mais qu’elle est trop coûteuse à mettre en œuvre.
Et réciproquement.
100
T. WEIR, « Mise en demeure, dommages et intérêts. Droit anglais », in M. FONTAINE, G. VINEY, Les
sanctions de l’inexécution des obligations contractuelles, Etudes de droit comparé, cité par Y. LAITHIER op.
cit., p. 394.
97
ϱϳ
marché ; les juges préfèreront prononcer l’exécution forcée en nature à l’exécution forcée par
équivalent. Excepté toutes les fois où le coût d’une telle sanction apparait disproportionné.
Le second critère restreignant le domaine de l’exécution forcée en nature est donc
celui du coût de la sanction. Les juges anglais et américains rejetteront l’exécution forcée en
nature dès lors qu’elle fait subir au débiteur un grave préjudice financier (great hardship). Les
magistrats veillent donc à ce que le coût financier ou social de la mise en œuvre de la sanction
ne nuisent pas à l’intérêt du débiteur de manière excessive, quand bien même ce dernier serait
reconnu fautif dans l’inexécution de ses obligations contractuelles. La disproportion est
caractérisée dès lors que le montant des dépenses résultant de l’exécution forcée en nature est
manifestement « élevé que ce qui avait été convenu ou envisageable.101 »
Il a pu être démontré que l’esprit des droits du common law est animé par la place des
contrats dans une économie de marché en constante mouvance au sein de laquelle ces derniers
doivent s’adapter. L’exécution forcée en nature s’accorde assez mal avec la dimension
économique du marché en ce qu’elle bloque le processus d’allocation optimale des ressources
du fait qu’elle maintienne les parties en situation de « monopole bilatéral
». En effet, une
102
fois la condamnation prononcée, les négociations postérieures au jugement ne pourront
intervenir qu’entre elles, et il leur sera impossible de se retourner vers un tiers susceptible de
valoriser la valeur du bien, objet du contrat.
Dans les pays du common law, bien que le juge puisse ordonner une exécution forcée
en nature, la place occupée par cette dernière se trouve considérablement réduite, au regard
des considérations économiques. Ce n’est pas uniquement le domaine de l’exécution en nature
qui se trouve restreint mais aussi le pouvoir d’injonction du juge qui est mis à mal, au regard
d’une analyse économique.
101
102
Y. LAITHIER, op. cit., p. 414.
Y. LAITHIER, prec. cit.
ϱϴ
ϱϵ
Section 2 : L’opportunité du pouvoir d’injonction du juge au regard
de l’analyse économique du droit
L’analyse économique du droit nous éclaire sur l’opportunité économique qu’on les
parties à recourir au pouvoir d’injonction du juge. Le théorème de Coase envisage
l’opportunité économique du pouvoir d’injonction du juge (PARAGRAPHE 1), et permet de
rendre compte de la solution économique la plus efficace, c’est celle de ne pas y recourir
(PARAGRAPHE 2).
§1 : De la teneur du Théorème de Coase
Le théorème de Coase permet de mettre en exergue et de comprendre cet argument. A
travers sa théorie, Ronald Coase103 tenait initialement à démontrer que les parties liées par un
différend, opteraient toujours pour la résolution de celui-ci pour la solution qui leur est la plus
profitable, la plus efficace. Le terme de solution efficace est à prendre ici dans son acception
économique, telle que définie par Pareto (dénommée aussi la Pareto optimalité). Ainsi, une
solution est efficace au sens de Pareto104 s’il n’existe pas d’autre solution qui soit meilleure ou
aussi bonne pour toutes les parties et strictement préférée par au moins l’une des parties.105
Autrement dit, la résolution du conflit dépend moins de la règle juridique applicable que du
coût de chacune des solutions envisageables. Et ce quand bien même la responsabilité d’une
des parties, auteur du préjudice, est avérée. L’auteur démontre que la partie à l’origine du
différend, aura toujours intérêt à proposer une solution préventive afin que le dommage ne se
réalise pas. Si le responsable avéré du préjudice ne propose pas une telle solution, la victime
potentielle du dommage à venir disposera alors d’un moyen pour agir en justice afin
R. COASE économiste américain qui publia en 1960 un article relatif au coût social. Sa démonstration sera
stigmatisée six ans plus tard à travers le « Théorème de Coase ».
104
V. PARETO, économiste italien (1848-1923)
105
P. GARELLO, Les économistes et le contrat : Mélanges Mouly, Litec, 1998, p.34
103
ϲϬ
d’engager la responsabilité civile de la partie fautive ; et a fortiori de la possibilité de
contraindre le responsable à réparer le préjudice, au moyen d’une mesure d’injonction posée
par le juge. La démonstration de Coase se heurte toutefois à certains obstacles. En effet, les
parties opteront pour la solution économique qui leur est la plus favorable mais uniquement
dans l’hypothèse où les coûts de transaction sont négligeables voire inexistants. Ces coûts de
transaction sont engendrés par tout échange économique, toute transaction sur le marché.
L’auteur explique que « lorsque l’on souhaite opérer une transaction sur un marché, il est
nécessaire de rechercher son ou ses cocontractants, de leur apporter certaines informations
nécessaires et de poser les conditions du contrat, de conduire les négociations instaurant
ainsi un véritable marché, de conclure le contrat, de mettre en place une structure de contrôle
des prestations respectives des obligations des parties, etc.106 » L’ensemble des coûts induits
par ces actions forment les coûts de transaction. Mais dès lors que les coûts de transaction se
révèlent significatifs, notamment parce que les parties ont du mal à trouver un accord, on
s’aperçoit qu’elles n’opteront plus pour la solution la plus optimale. Cependant, au terme de
sa démonstration, Ronald Coase prouve que la variable des coûts de transaction n’a aucune
incidence sur le fait que l’auteur du préjudice aura économiquement intérêt à prévenir le
dommage en implantant une solution préventive permettant de l’éviter. La solution préventive
évince le dommage et par là même le droit pour la victime de bénéficier d’une mesure
d’injonction de la part du juge afin que le préjudice soit réparé. En d’autres termes, la solution
constitue le rachat, par le responsable, du droit que possède la victime à agir en justice si le
dommage venait à se réaliser.
Le postulat de départ du théorème de Coase est simple107. Une usine et un cabinet
médical s’avoisinent. Tout va bien dans le meilleur des mondes, jusqu’au jour où l’usine
installe des machines plus puissantes qui nuisent à l’exercice paisible de l’activité du
médecin. Les conséquences sont une diminution de la clientèle et donc de revenus pour le
médecin. Afin de prévenir l’éventuel dommage caractérisé par une perte durable de clientèle
trois solutions peuvent êtres envisagées à savoir l’isolation de l’usine, la construction d’un
nouveau cabinet éloigné de cette dernière ou l’allocation du montant correspondant à la
diminution de l’activité du médecin. L’on se situe donc dans la phase ex ante à la réalisation
R. COASE, L’entreprise, le marché et le droit, éd. d'Organisation, 2005, p. 23.
E. MACKAAY & S. ROUSSEAU, Analyse économique du droit, Dalloz, Ed. Thémis, 2ème édition 2008,
p.187.
106
107
ϲϭ
du dommage. Toutefois, il a été démontré que l’absence ou l’existence de coûts de transaction
ne modifiera pas le fait que les parties n’auront pas intérêt à avoir recours au pouvoir
d’injonction du juge. Par ailleurs, l’existence de ces coûts correspond à la réalité des
échanges. Il s’avère donc judicieux de n’envisager que l’hypothèse où les coûts de transaction
sont significatifs.
En présence de coûts de transaction, trois cas de figures des solutions précédemment
énoncées sont à envisager. Le premier cas de figure est que l’isolation de l’usine coûte moins
chère que la construction d’un autre cabinet éloigné, elle-même moins onéreuse que la valeur
de la perte de clientèle. Le second est que le coût de la construction d’un cabinet est moins
important que l’isolation de l’usine, elle-même moins coûteuse que les pertes subites par le
médecin. Enfin, le montant des pertes se révèle être moins cher que la construction et que
l’isolation. D’un point de vue juridique et conformément à notre sujet d’étude, nous
retiendrons uniquement l’hypothèse selon laquelle la responsabilité de l’usine est avérée avec
possibilité pour le médecin qu’il obtienne une injonction de la part du juge enjoignant l’usine
de réparer le préjudice subit, dans le cas où le dommage viendrait à se réaliser. La
responsabilité de l’usine l’oblige à initier la recherche d’un accord avec le médecin.
Après avoir précisé les contours du théorème de Coase ainsi que son postulat de
départ, il convient d’en faire une démonstration concrète afin d’en vérifier la teneur. Nous
reprendrons donc tour à tour les hypothèses envisagées précédemment.
§2 : A l’inefficacité économique du pouvoir d’injonction du juge
Dans la première hypothèse, l’isolation de l’usine coûte moins cher (10.000) que la
construction d’un cabinet éloigné (12.000), elle-même moins onéreuse que le coût représenté
par la perte de clientèle (15.000). Dans ce cas, l’usine n’ayant pas besoin de l’accord du
médecin et bénéficiant d’un surplus de 1000 par rapport à la construction d’un autre cabinet;
ϲϮ
elle procèdera naturellement à l’isolation. Ici, la partie responsable, rachètera au médecin son
droit de recourir à une injonction du juge et ce au prix le plus bas puisque l’isolation s’avère
être la solution économique la plus efficace.
Dans la seconde hypothèse, la construction d’un cabinet éloigné (10.000) coûte à la
fois moins cher que l’isolation de l’usine (12.000) ainsi que le montant auquel s’élève la perte
de clientèle (15.000). L’usine ne pourra pas disposer de la solution économique la plus
favorable sans avoir l’accord préalable du médecin, puisqu’elle consiste en la construction
d’un autre cabinet. Toutefois, la valeur que représente la perte de clientèle pour le médecin
étant supérieure aux deux autres solutions, ce dernier refusera tout naturellement de conclure
un accord correspondant à un montant inférieur à celui de la valeur du dommage subit
(15.000). L’usine procèdera alors son isolation, bien que ça ne soit pas la solution optimale,
cela reste cependant moins onéreux que d’assumer la perte de clientèle. Là encore, il est
économiquement judicieux pour le responsable du dommage, d’éviter la réalisation du
dommage pouvant conduire à une mesure d’injonction.
Dans la dernière hypothèse, il coûte moins cher pour l’usine d’assumer le dommage
causé par la perte de clientèle (10.000) que de procéder à son isolation (12.000) ou à la
construction d’un cabinet éloigné (15.000). Ici, les coûts de transaction jouent un rôle
déterminant dans le choix de la solution préventive. A priori, l’usine et le médecin
s’accorderaient sur l’indemnisation de la perte de clientèle (10.000), solution moins onéreuse
que l’isolation (12.000). Or pour parvenir à un accord, l’usine devra engager des frais qui
peuvent être engendrés par exemple par un audit sonore (2.000) et un audit commercial
chiffrant la perte de clientèle du médecin (2.000). Le préjudice total s’élèvera donc à 14.000.
L’usine n’aura donc pas intérêt à proposer l’indemnisation du préjudice mais à procéder à son
isolation (12.000).
La constatation est que dans toutes les hypothèses la partie à l’origine du différend et
tenue pour responsable du dommage, aura économiquement intérêt à racheter, à la victime,
son droit d’agir en justice afin d’actionner le pouvoir d’injonction du juge, permettant de
réparer le préjudice subit. Si la démonstration de Coase permet d’avancer que le recours au
ϲϯ
pouvoir d’injonction du juge n’est pas souhaitable d’un point de vue économique, il convient
de relativiser sa portée. En effet, cette analyse se situe avant la réalisation effective du
dommage. Cela induit un effort d’anticipation de la part des parties puisqu’elles sont
supposées trouver un arrangement avant la réalisation du dommage. Mais quand bien même la
recherche d’un accord aurait débuté, les coûts de transaction nécessaires à la conclusion de cet
accord reposent sur des mécanismes ayant vocation à s’étendre dans le temps. Dès lors, le
facteur temps fait accroitre la probabilité de la réalisation du dommage. S’il survient au cours
de la recherche d’un arrangement, le fondement de l’accord disparaitra et la victime aura dès
lors économiquement intérêt à ce que le juge prononce une mesure d’injonction visant à
réparer le préjudice subit.
Il a été vu que l’exécution en nature présentait des distorsions entre son champ
d’application initialement restreint par la loi et son rang de principe conféré par la
jurisprudence. Mais aussi que le prononcé de l’exécution forcée en nature comme sanction
normale de l’inexécution des obligations contractuelles était source de disproportion par
rapport à la valeur du préjudice et qu’elle n’était tout simplement pas la sanction
économiquement la plus efficace. Cela étant dit, l’on peut tout de même constater en
jurisprudence et plus particulièrement en matière de sanction des promesses de contrats, la
prise en considération des méfaits économiques qui résultent de l’exécution forcée en nature.
TITRE II : A LA CONSIDERATION JURISPRUDENTIELLE DES DISTORSIONS
INHERENTES A L’EXECUTION FORCEE EN NATURE
ϲϰ
La prise en compte par la jurisprudence des distorsions de l’exécution forcée en nature
est clairement constatée en matière des promesses de contrat (CHAPITRE 1) puisque la Cour
de cassation privilégie l’exécution forcée par équivalent de ce type de contrat. Cela tend à
reconsidérer la place des dommages-intérêts en droit français (CHAPITRE 2).
Chapitre 1 : La jurisprudence en matière de sanctions des promesses de
contrat
Il est certain que le délaissement de l’exécution forcée en nature au profit de
l’exécution forcée par équivalent, en matière de sanction de promesses de contrat (SECTION
1) a suscité de violentes critiques de la part de la doctrine (SECTION 2).
Section 1 : Une position défavorable à l’exécution forcée en nature des
promesses de contrat
Avant de faire un point sur l’évolution de la jurisprudence en matière de sanction des
promesses de contrat (PARAGRAPHE 2), il convient de définir la nature de ces promesses
(PARAGRAPHE 1).
ϲϱ
§ 1 : La nature de la promesse unilatérale de vente et du pacte de préférence
Parce qu’ils sont envisagés par le même article108 au sein du Code civil, la promesse
unilatérale de vente et le pacte de référence présentent tout naturellement certaines
analogies109. Ce sont des contrats unilatéraux en ce sens que seul le promettant - propriétaire s’engage au profit d’un bénéficiaire. Par ailleurs, la chose objet de la convention doit être
déterminée. De plus, dans les deux conventions, le droit du bénéficiaire est transmissible et
cessible, sauf stipulation contraire même tacite ou intuitu personae. Cependant, le promettant
d’un pacte de préférence ne s’engage pas à vendre contrairement à la promesse unilatérale de
vente. Le pacte de préférence est seulement une promesse de vente conditionnelle puisqu’il
porte sur une éventualité : si le propriétaire décide de vendre son bien, il sera tenu de le
proposer en premier lieu au bénéficiaire du pacte. Ce dernier dispose donc d’une option
potestative définie au sein de l’article 1170 du Code civil comme « celle qui fait dépendre
l’exécution de la convention d’un événement qu’il est au pouvoir de l’une ou de l’autre des
parties contractantes de faire arriver ou d’empêcher. »
Le bénéficiaire d’une promesse unilatérale de vente dispose d’une option pendant un
certain temps. Alors que le promettant est définitivement engagé à la vente, le bénéficiaire
peut librement lever l’option ou y renoncer. La formation de la vente s’opère donc en deux
temps. Elle est parfaite à l’égard du propriétaire du fait de la promesse de vente consentie et
elle devient parfaite à l’égard du bénéficiaire, dès qu’il lève l’option. La promesse confère au
bénéficiaire un droit personnel à l’égard du promettant, mais en aucun cas de droit réel sur la
chose objet de la promesse. Pendant la durée de l’option, le promettant est débiteur de
l’obligation de ne pas se rétracter et a fortiori de ne pas vendre l’objet de la promesse à un
tiers.
Art. 1589 C. civ. : « La promesse de vente vaut vente lorsqu’il a consentement réciproque des deux parties sur
la chose et sur le prix. »
109
P. MALAURIE et L. AYNES, Les contrats spéciaux, Droit civil, Defrénois, 3ème éd., 2007, p.92.
108
ϲϲ
Ce qui nous intéresse ici c’est la sanction encourut par le promettant dans l’hypothèse
où ce dernier se rétracterait avant la levée de l’option par le bénéficiaire. Le bénéficiaire peut-
il prétendre à une exécution forcée en nature de la promesse ou à une simple exécution par
équivalent ?
§ 2 : La rétrospective d’une jurisprudence constante
En 1993110, la troisième chambre civile de la Cour de cassation décida que la violation
par le promettant de son obligation de ne pas se rétracter, ne pouvait ouvrir droit qu’au
prononcé de dommages-intérêts. En l’espèce, Mme Godard consentit une promesse
unilatérale de vente aux consorts Cruz, disposant d’un délai pour lever l’option jusqu’au 1er
septembre 1987. Néanmoins, le 26 mai 1987, la promettante notifia aux bénéficiaires son
intention de ne plus vendre. Malgré cette notification, le 10 juin 1987 les consorts Cruz
levèrent l’option et entendirent donc acquérir le bien promis. Dès lors, La question de
l’efficacité de la rétractation du promettant apparaissait opportune. La Cour rendue la solution
suivante qu’elle confirma par la suite111 : « Mais attendu que la cour d'appel, ayant
exactement retenu que tant que les bénéficiaires n'avaient pas déclaré acquérir, l'obligation de
la promettante ne constituait qu'une obligation de faire et que la levée d'option, postérieure à
la rétractation de la promettante, excluait toute rencontre des volontés réciproques de vendre
et d'acquérir. »
Tel qu’il est clairement énoncé, la solution tient au fait qu’elle considère que
l’obligation du promettant, tant que le bénéficiaire n’a pas levé l’option, ne constitue qu’une
obligation de faire, à savoir celle de maintenir son offre durant le délai d’option. Par
conséquent, si le bénéficiaire de la promesse de vente lève l’option postérieurement à la
rétractation du promettant, la Cour estime qu’aucun contrat de vente ne peut être valablement
formé entre les parties étant donné « l'absence de rencontre des volontés réciproques de
Cass. Civ. 3ème, 15 déc. 1993, cons. Cruz, Bull. civ. III, n° 174 ; D., 1994.507, n. Fr. Bénac-Schmidt; somm.
230, obs. O. Tournafond; D., 1995, somm. 87, obs. Crit. L. Aynès.
111
Solution confirmée par Cass. civ. 3ème, 26 juin 1996, Bull. civ. III, n° 165.
110
ϲϳ
vendre et d'acheter ». Les deux arguments avancés par la Cour ne laissent la place qu’à une
exécution forcée par équivalent de la promesse. Comme il a été précédemment vu, qualifier
l’obligation du promettant durant le délai d’option comme une obligation de faire, renvoie à
l’article 1142 du Code civil qui prévoit qu’une telle obligation se résout en dommagesintérêts. La Cour fait donc une application stricte du champ d’application de l’exécution.
Le refus de prononcer l’exécution en nature pour les promesses unilatérales de vente a
été initialement étendu aux pactes de préférence, dans le cas où le promettant vend le bien à
un tiers sans respecter la priorité à donner au bénéficiaire112. Toutefois, un arrêt rendu par la
chambre mixte de la Cour de cassation le 26 mai 2006, a abandonné cette solution. En
l’espèce, le 18 août 1957 un acte de donation-partage assortie d’un pacte de préférence est
attribué à Mme A. Le 7 août 1985, une parcelle dépendant du bien est transmise par voie de
donation-partage à M. R qui quatre mois plus tard la vend à la SCI Emeraude, en violation du
pacte de préférence, sans qu’il soit donné préférence aux attributaires-copartageants. Mme X,
une des bénéficiaires de pacte de préférence, invoque la violation du pacte de préférence et
demande à ce titre la substitution dans les droits de l’acquéreur ainsi que des dommages-
intérêts à titre subsidiaire. La Cour d’appel se fondant sur la jurisprudence antérieure et donc
l’article 1142 du Code civil, lui refuse la substitution mais lui accorde l’allocation de
dommages-intérêts. Déboutée en partie, Mme X se pourvoit en cassation au moyen que le
droit de préemption doit s’analyser en une obligation de donner et conduit à prononcer la
nullité de la vente passée avec le tiers ainsi que la substitution du bénéficiaire du pacte à
l’acquéreur. Par ailleurs, la publicité faite du pacte à la Conservation des hypothèques,
dispense de subordonner la substitution à une faute commise par le tiers.
La Cour de cassation admet le moyen avancé par le demandeur puisqu’elle décide que
« le bénéficiaire d'un pacte de préférence est en droit d'exiger l'annulation du contrat passé
avec un tiers en méconnaissance de ses droits et d'obtenir sa substitution à l'acquéreur » mais
subordonne ce droit à la condition que « ce tiers ait eu connaissance, lorsqu'il a contracté, de
l'existence du pacte de préférence et de l'intention du bénéficiaire de s'en prévaloir. »
L’analyse de cette solution sera faite ultérieurement.
Cass. civ. 3e, 30 avril 1997, Médecins du monde, Bull. civ. III, n°986, D. 1997.475, note D. Mazeaud et
1998.203, obs. Chr. Atias ; RTD civ. 1997.685, obs. crit. P.-Y. Gautier.
112
ϲϴ
Récemment, la chambre civile de la Cour de cassation a rendu un arrêt inédit113, en
décidant que les parties à une promesse unilatérale de vente sont libres de prévoir que le
défaut d’exécution par le promettant de son engagement de vendre, peut se résoudre en
nature. La Cour admet qu’une stipulation contractuelle vienne contrecarrer le domaine de
l’exécution forcée définit à l’article 1142 du Code civil ; fondement invoqué pour refuser de
prononcer l’exécution forcée en nature de la promesse unilatérale de vente dans l’hypothèse
où le promettant aurait bafoué son engagement en se rétractant. Bien que cet arrêt concerne le
domaine des promesses unilatérales de vente, il doit être rapproché de la décision du 26 mai
2006 relative à la sanction de la violation du pacte de préférence. Ainsi semble être caractérisé
un assouplissement des conditions requises par la Chambre mixte de la Cour de cassation,
pour que le bénéficiaire puisse obtenir l’exécution forcée en nature de la violation de la
promesse de vente ou du pacte de préférence. Néanmoins, les parties en l’espèce n’ayant pas
prévu une telle dérogation dans leurs stipulations contractuelles, la Cour rappelle que
constatation faite, c’est l’article 1142 du Code civil qui trouve à s’appliquer. La jurisprudence
de 1993 n’est donc pas abandonnée puisqu’il est rappelé que la sanction normale d’une
promesse unilatérale de vente reste l’exécution par équivalent, fondée sur l’obligation de faire
à la charge du promettant à savoir l’obligation de maintenir l’offre durant le délai d’option
laissé au bénéficiaire.
Les solutions retenues par la Cour de cassation sont quasiment inchangées depuis
1993. Malgré de violentes critiques opposées par la doctrine, la Cour ne semble pas vouloir
fléchir. Ce qui revient à tenter d’accepter la solution et lui admettre son efficacité.
Section 2 : Une solution critiquée toutefois justifiable
Il convient de voir que les critiques de la sanction en matière de promesse de contrat se
dirigent en majeure partie vers le non-respect du principe de la force obligatoire des
conventions (PARAGRAPHE 1) mais que la remise en cause de la notion traditionnelle de la
promesse unilatérale de vente, permet de retrouver une cohérence avec la position de la Cour
(PARAGRAPHE 2).
113
Cass. civ. 3e, 27 mars 2008, n° 07-11.721, inédit.
ϲϵ
§ 1 : Les critiques virulentes opposées au choix de la sanction des promesses de
contrat
Le choix de l’exécution forcée par équivalent comme sanction de la violation d’une
promesse unilatérale de vente, a été décrié par la majorité de la doctrine à de nombreux
égards. Une note de l’arrêt du 15 décembre 1993 réalisée par Denis Mazeaud114, rend compte
des divers critiques qui ont pu être opposées à la solution retenue par la Cour de cassation. De
manière générale, refuser de prononcer l’exécution forcée en nature à l’égard du promettant
constituerait une atteinte au principe de la force obligatoire posé par l’article 1134 alinéa 1er
du Code civil, pilier en matière contractuelle. Deux principales critiques sont avancées.
Premièrement, les motivations de la Cour seraient inexactes et de plus, la solution se
révèlerait inopportune. Tout d’abord, l’obligation faite au promettant de maintenir son offre
ne peut constituer en une obligation de faire puisqu’une telle obligation suppose une acte
positif à accomplir. Or, une fois que le propriétaire a consenti la promesse de vente, il adopte
une attitude passive puisque la formation du contrat de vente dépendra uniquement de l’option
levée par le bénéficiaire. Selon les auteurs, le promettant ne peut être soumis soit qu’à une
obligation de donner115 - transférer le bien promis -, soit à une obligation de ne pas faire116 –
ne pas vendre le bien à un tiers -. Il peut être rajouté que le refus du prononcé de l’exécution
forcée en nature ne serait pas justifié au regard de sa primauté consacrée par la jurisprudence
en droit positif français. De plus, la rétractation du promettant ne ferait pas obstacle à la
conclusion de la vente mais seulement à son exécution étant donné que le propriétaire est déjà
considéré comme vendeur. Le promettant aurait dores et déjà donné son consentement à la
vente qui pour être formée, n’aurait besoin que du consentement du bénéficiaire caractérisé
par la levée de l’option. Pour ces diverses raisons, le bénéficiaire disposerait bien du droit de
demander l’exécution forcée en nature de la promesse. Enfin, le rejet de la Cour en faveur
d’une exécution en nature de la promesse non respectée serait une position inopportune en ce
JCP G, 1995.II.22366, n. crit. D. MAZEAUD
En ce sens, V. A. Bénabent, Droit civil, Les contrats spéciaux, Domat, Montchrestien 1993, spéc. n° 93. F. Collart Dutilleul, op. cit., n° 227. - Contra L. Boyer, préc., n° 28. - B. Gross et Ph. Bihr, op. et loc. cit.
116
En ce sens, V. P. Bloch, L'obligation de transférer la propriété dans la vente : RTD civ. 1988, n° 673, et spéc.
n° 34.
114
115
ϳϬ
qu’elle ôte à la promesse toute son efficacité en portant atteinte à la sécurité juridique. La
sanction des dommages-intérêts ne constituerait pas une sanction suffisamment dissuasive
pour le promettant, ne pas rompre son engagement. Il serait ainsi libre de respecter ou non sa
promesse.
La doctrine majoritaire a toutefois perçu comme une lueur d’espoir lorsque la Cour de
cassation s’est prononcée en faveur d’une condamnation en nature de la violation d’un pacte
de préférence, le 26 mai 2006. Espoir grandissant à partir du moment où la solution fut
effectivement implantée, suite à un arrêt du 14 février 2007117. Dès lors qu’une vente est
conclue en méconnaissance d’un pacte de préférence, le bénéficiaire peut enfin envisager
d’obtenir l’exécution en nature de la promesse faite. Il peut obtenir le droit à la fois de
demander l’annulation du contrat passé entre le promettant et le tiers mais aussi la substitution
au tiers acquéreur. Toutefois, si la nullité de la vente conclue avec le tiers et la substitution du
bénéficiaire à l’acquéreur est rendue possible, ce n’est qu’à titre d’exception, le principe
restant l’engagement de la responsabilité civile du promettant118. L’adage fraus omnia
corrumpit justifie la position de la Cour en matière de sanction du pacte de préférence. Par
ailleurs, la Cour ne se fonde plus sur le domaine légal de l’exécution forcée de l’article 1142
du Code civil pour faire obstacle à la substitution demandée ; ce qui semble donc davantage
en conformité avec la place habituellement faite à l’exécution forcée en nature. En théorie, ce
revirement jurisprudentiel constitue une véritable avancée en ce qu’elle abandonne la position
antérieure et devrait être probablement élargie au domaine des promesses unilatérales de
vente.
Cependant, la doctrine a rapidement relevé que cette solution profitait davantage au
tiers acquéreur et s’avérait inopérante ou si peu en pratique. Comme le relève très justement le
Professeur Daniel Mainguy, « la solution nouvelle propose bien une forme d'exécution forcée
en nature du pacte de préférence et, demain sans doute, de la promesse unilatérale de vente.
Pour autant, les portes de l'annulation et de la substitution ne sont pas si aisément franchies
dans la mesure où la jurisprudence maintient son exigence d'un élément de preuve essentiel, à
savoir que le bénéficiaire du pacte de préférence établisse la connaissance par le tiers, au
Cass. com., 14 février 2007, n° 0521.814, publié au Bull.
V. CADORET, De la sanction du pacte de préférence dans la jurisprudence du fond, RJR 2008, n°11.
117
118
ϳϭ
jour de la conclusion du contrat avec le promettant, de l'existence du pacte et de l'intention du
bénéficiaire de s'en prévaloir. 119 » Les juges circonscrivent donc l’exécution forcée en nature
du pacte de préférence, en cas de violation de celui-ci, dans le giron de la fraude et de la
probatio diabolica. A fortiori, la Cour de cassation admet de manière implicite que le tiers
puisse contracter en violation du pacte de préférence du fait de cette exigence probatoire
quasiment impossible. A ces conditions, « il eût été préférable de s'en tenir à la solution
ancienne, sauf à permettre au juge du fond de prononcer, dans des cas précis, une sanction
plus musclée.120 »
Ces observations faites, il semble délicat de parler de revirement jurisprudentiel,
d’abandon de la solution retenue en 1993. A titre principal, la violation du pacte de préférence
engagera donc la responsabilité civile contractuelle du promettant. Etant donné que le pacte
de préférence ne traduit pas le consentement à la vente de l’auteur de la promesse121, le
préjudice sera caractérisé par la perte d’une chance du bénéficiaire de conclure cet acte122,
ouvrant ainsi le droit à l’allocation de simples dommages-intérêts en réparation du dommage
causé. A titre subsidiaire, l’exécution forcée en nature sera possible si le bénéficiaire
démontre que le pacte de préférence a été faite avec la complicité d’un tiers, connaissant
l’existence du pacte et la volonté du bénéficiaire de s’en prévaloir. La violation de la
promesse unilatérale de vente constituée par la rétractation du promettant avant l’échéance du
délai d’option offert au bénéficiaire sera sanctionnée par des seuls dommages-intérêts. La
possible exécution forcée en nature accordée au pacte de préférence n’a toutefois pas été
étendue aux promesses unilatérales de vente. Comme il a été vu, la doctrine considère que le
promettant ayant dores et déjà donné son engagement à la vente, il serait naturel que le
bénéficiaire puisse obtenir l’exécution forcée du contrat.
D. MAINGUY, Réflexions à contre-courant en matière de violation d'un pacte de préférence, D. 2007, p.
1698.
120
D. MAINGUY, op. cit.
121
Cass. civ. 3ème, 15 janvier 2003, Bull. civ. III, n° 9 ; Cass. civ. 3ème, 18 novembre 1998, n° 97-10.473
122
CA Aix-en-Provence, 10 mai 2006, jurisdata n° 2006-305895 ; CA Angers, 19 décembre 2006, jurisdata n°
2006-330903 ; CA Aix-en-Provence, 30 avril 2007, jurisdata n° 2007-3339984
119
ϳϮ
La principale critique objectée est que le prononcé de dommages-intérêts constitue une
atteinte au principe de la force obligatoire des conventions posé par l’article 1134 du Code
civil. Néanmoins, il s’avère que cette solution n’est pas en contradiction avec ce principe, si
l’on s’accorde à envisager les choses sous un autre angle
§ 2 : La sanction des promesses unilatérale de vente respectueuse du principe de
la force obligatoire
La jurisprudence en matière de promesse unilatérale de vente telle qu’elle se présente
aujourd’hui, est justifiable. Un article pertinent du Professeur Daniel Mainguy123, à contre-
courant de la doctrine majoritaire, invite à concevoir que cette jurisprudence est respectueuse
des principes fondateurs du droit des contrats et plus particulièrement de la force obligatoire.
Pour ce faire, l’auteur propose une démarche analytique inverse de celle communément
admise. Alors que la doctrine majoritaire part de la conception initialement retenue de la
promesse unilatérale de vente pour déclarer que la solution retenue par la Cour n’est pas
conforme à celle-ci, l’auteur opère, quant à lui, une lecture de la solution pour en déduire une
nouvelle conception de la promesse unilatérale de vente.
Tout d’abord, il apparait que la sanction admise par la jurisprudence en matière de
promesse unilatérale de vente ne nie pas la force obligatoire des conventions, si l’on s’accorde
toutefois à envisager les choses sous un autre angle ; ce que l’auteur propose. Refuser le
prononcé d’une exécution en nature dès lors que le promettant se rétracte avant la levée de
l’option par le bénéficiaire, reviendrait à évincer la force obligatoire née de la promesse
unilatérale de vente et donc à réduire à néant toute son efficacité. C’est ainsi que la doctrine
majoritaire considère que la force obligatoire a pour corollaire l’exécution forcée en nature.
Autrement dit, l’exécution forcée en nature constituerait un critère de la force obligatoire. La
connexion existante entre ces deux notions résulterait d’une confusion entre la formation et
123
D. MAINGUY, L'efficacité de la rétractation de la promesse de contracter, RTD civ. 2004, p.1.
ϳϯ
l’exécution du contrat124. En effet, la force obligatoire prend naissance lors de la formation du
contrat mais on opère un constat de cette dernière au moment de l’exécution de la convention
ou plutôt au moment de son inexécution. De ce fait, cela revient à assujettir la naissance de la
force obligatoire à la façon dont le contrat sera exécuté. La conception en droit français de
l’exécution forcée correspond donc uniquement, à l’exécution forcée en nature, manifestation
de la force obligatoire.
Toutefois, si l’on considère que « l’effet obligatoire de la promesse s’inscrit dans la
perspective du contrat promis125 », la solution de la Cour n’apparait plus en contradiction
avec la force obligatoire. Les promesses unilatérales de vente ne peuvent être assimilées à des
contrats. M. Daniel Mainguy relève que les promesses unilatérales de vente s’inscrivent dans
un processus de négociation d’un autre contrat. En ce sens elles doivent être rapprochées de
l’offre puisque toutes deux ont vocation à préparer la conclusion d’un autre contrat. De ce fait,
elles appartiennent à la catégorie des avant-contrats. Cependant, la promesse unilatérale de
vente constitue un contrat autonome des autres contrats qui viendraient à être conclus
ultérieurement. Cette promesse de contrat a donc, elle aussi, force obligatoire au même titre
que les contrats a proprement parlé et il ne s’agit en aucun cas de la contester ou de la
bafouer. C’est la mise en œuvre de cette force obligatoire qui apparait critiquable. La
promesse de vente, tel que perçu par l’auteur, impose au promettant l’obligation principale de
maintenir son offre de vendre – obligation de moyen - et non pas de vendre – obligation de
résultat - . Dès lors, plaider en faveur de l’exécution forcée en nature de la promesse
unilatérale de vente revient à opérer un amalgame entre le consentement à la promesse et le
consentement à la vente ; ce serait obliger le promettant à consentir. Ceci est évidemment
inenvisageable au titre de la liberté contractuelle. Afin d’éclaircir ce point, l’auteur opère une
distinction entre le consentement – visant la rencontre des volontés – et la volonté – visant la
manifestation de la volonté de l’un des cocontractants. Cette définition s’accorde bien avec la
solution retenue par la Cour de cassation lorsqu’elle vise que « l'absence de rencontre des
volontés réciproques de vendre et d'acheter » empêche la formation du contrat de vente. Cela
ne signifie pas que le promettant n’a pas donné son consentement à la promesse et qu’il n’en
F. BELLIVIER et R. SEFTON-GREEN, Force obligatoire et exécution en nature du contrat en droits
français et anglais : bonnes et mauvaises surprises du comparatisme, in Le contrat au début du XXIe siècle :
études offertes à J. Ghestin, Paris, LGDJ, 2001.
125
D. MAINGUY, L'efficacité de la rétractation de la promesse de contracter, RTD civ. 2004, p.1.
124
ϳϰ
est pas moins tenu. Non pas tenu au titre de l’obligation de maintenir son offre jusqu’à
l’expiration du délai d’option dont dispose le bénéficiaire, mais tenu par le contrat de
promesse au titre de la force obligatoire. Dès lors que le promettant rétractera son
consentement, il sera tenu d’indemniser son cocontractant en vertu du principe de la force
obligatoire des conventions. Comme le souligne le Professeur D. Mainguy, la rétractation de
la promesse unilatérale de vente est en réalité une résiliation unilatérale, telle qu’elle existe de
façon ordinaire. Bien que l’article 1134 alinéa 2126 du Code civil proscrive cette possibilité
pour les contrats à durée indéterminée, sauf dans les cas de faute ou péril imminent, cela ne
signifie pas qu’elle soit inefficace. Le cocontractant peut résilier unilatéralement un contrat
mais il devra en subir les conséquences indemnitaires, cela étant constitutif d’une faute. Telle
est la solution choisie en matière de promesse unilatérale de vente. En cas d’inexécution de la
part d’un des cocontractants l’exécution forcée autorisée sur le fondement de la force
obligatoire, ne peut plus être réduite à la seule exécution forcée en nature.
La solution admise en matière de sanction de promesse de contrat invite le juriste à se
débarrasser de ses préjugés relatifs à la relation intime qui existerait entre la force obligatoire
et l’exécution forcée en nature d’une part, et d’autre part entre l’exécution forcée et
l’exécution forcée en nature. Il s’agit d’opérer une déconnexion à deux niveaux. Tout d’abord,
déconnecter la force obligatoire et l’exécution forcée en nature permet dans certains cas
d’éviter un « débordement » de la force obligatoire, d’éviter qu’elle ne développe des effets
au-delà de ce qui a été initialement consenti par les parties. L’exécution forcée en nature
d’une promesse de contrat revient à forcer le consentement du promettant au contrat de vente.
La connexion traditionnellement opérée entre ses deux notions se révèle néfaste dans ces
hypothèses et au final méconnait le principe de la force obligatoire des conventions. Par la
suite, une déconnexion entre exécution forcée et exécution forcée en nature s’avère nécessaire
puisque là encore, l’exemple jurisprudentiel en matière de sanction des promesses de contrat
démontre bien que le prononcé de dommages-intérêts est en mesure de satisfaire le créancier
de l’obligation inexécutée, notamment le créancier de promesse de contrat.
Art. 1134 al. 2 du Code civil « Elles [les conventions] ne peuvent être révoquées que de leur consentement
mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. »
126
ϳϱ
Si l’on s’accorde à considérer que les promesses de contrat n’ont pour objet que le
consentement à la promesse de contracter et non pas à la vente, la sanction de la violation de
ses promesses fondée sur le respect de la force obligatoire ne peut constituer qu’en une
exécution forcée par équivalent, à savoir l’allocation de dommages-intérêts. La solution
retenue par la Cour de cassation retrouve alors toute sa cohérence et ne heurte en aucune
façon le principe de la force obligatoire des conventions. Le prononcé de cette sanction
respecte donc le principe de la force obligatoire.
Les développements précédents ont démontré que de façon générale la place belle était
faite à l’exécution forcée en nature au détriment des dommages-intérêts, lorsqu’il est constaté
une inexécution des stipulations contractuelles. Les dommages-intérêts étant considérés
comme une simple exécution forcée par équivalent et donc non susceptibles d’apporter pleine
satisfaction au créancier victime de l’inexécution de son cocontractant. Néanmoins, plusieurs
arguments plaident en faveur d’une reconsidération de l’inexécution forcée par équivalent.
Chapitre 2 : Vers une reconsidération de l’exécution forcée par équivalent
Au terme d’une analyse économique, l’on peut constater que le prononcé de
l’exécution forcée par équivalent comme sanction de la violation d’une promesse unilatérale
de vente ou d’un pacte de préférence est économiquement efficace en ce qu’elle permet une
augmentation de la valeur du bien objet de la promesse de contrat, contrairement au prononcé
d’une exécution forcée en nature (SECTION 1). Par ailleurs, l’affirmation que l’exécution
forcée en nature constitue la sanction idéale de l’inexécution contractuelle, est remise en
question selon la conception classique qui considère que l’inexécution est exempte de la
notion de faute (SECTION 2).
ϳϲ
Section 1 : Un plaidoyer en faveur de l’efficacité économique des
promesses de contrat
Pourquoi la jurisprudence permet-elle que la rétractation du promettant soit efficace,
en n'étant pas tenu de conférer au bénéficiaire de la promesse de contrat, le bien promis ?
Hormis le point que nous venons de développer, il semblerait que la question de la violation
de la promesse de contrat, que ce soit une promesse unilatérale de vente ou un pacte de
préférence, revête naturellement une dimension économique. En effet, si le promettant se
rétracte c’est probablement qu’il a trouvé mieux ailleurs, « soit pour garder la chose, parce
que la rareté de celle-ci ou les circonstances du marché l'incitent à la conserver, soit pour la
vendre plus cher à un tiers127, dont on doit d’ailleurs présumer la bonne foi ». La violation de
la promesse de contrat ouvrira droit pour le bénéficiaire à l’allocation d’une indemnité
compensant la rupture de la promesse de contrat avant son terme. L’on retrouve clairement
l’application de la notion de l’efficient breach of contract. Le droit contractuel américain
autorise « la violation du contrat dès lors que la victime est compensée et que l'auteur de la
violation retire un bénéfice supplémentaire de son inexécution en ayant conclu un marché
plus avantageux avec un autre contractant.128 »
Il convient de démontrer que l’exécution forcée par équivalent sanctionnant la
violation d’une promesse de contrat s’avère être la sanction économiquement la plus efficace
pris en comparaison avec l’exécution forcée en nature. Ce qui détermine la valeur du bien
c’est le jeu du marché qui se caractérise par la concurrence des offres (1). Dans l’hypothèse
où le juge ordonnerait la vente forcée du bien (2) en cas d’inexécution d’une promesse
unilatérale de vente ou un pacte de préférence, cela conduirait inéluctablement à la
dévalorisation du bien puisqu’il n’y a plus qu’un seul offreur et qu’aucune enchère n’est utile
dans la mesure où le surenchérisseur se verrait ensuite dépossédé de son bien. A l’inverse, si
l’exécution forcée n’a lieu que par équivalent (3), cela valorisera le bien, puisque le tiers
D. MAINGUY, op. cit.
L. GRYNBAUM, Doctrine américaine contemporaine : le droit des contrats partagé entre l'empire de
l'économie et l'aspiration à la justice sociale, RDCO 2008-4-050, Oct. 2008, n°4, p. 1383
127
128
ϳϳ
surenchérisseur devra proposer un prix équivalent à au moins la somme qui sera versée au
bénéficiaire de la promesse de contrat à titre de dommages-intérêts.
Afin d’expliciter ces arguments, il convient de les illustrer par des exemples concrets
dont leur teneur a été développée par M. Vincent Cadoret.
1 – La détermination de la valeur du bien par la concurrence des offres
Admettons que P soit propriétaire d’un bien immobilier qu’il évalue à 180.000. A est
prêt à l’acheter 200.000, B est prêt à l’acheter 250.000 et C est prêt à l’acheter 300.000. Le jeu
normal du marché veut que le bien sera valorisé à 250.001, soit juste au-dessus de la seconde
offre plus élevée. En effet, une fois que C aura proposé d’acheter le bien à 250.001, B ne
surenchérira plus.
Considérons à présent que A soit bénéficiaire d’un pacte de préférence sur le bien dont
P est le propriétaire et envisageons successivement les effets de l’exécution forcée en nature
et de l’exécution forcée par équivalent sur la détermination de la valeur du bien.
2 – La dévalorisation de la valeur du bien résultant du prononcé de la vente forcée
Le bien sera vendu à A pour une somme comprise entre 180.000 qui correspond à la
somme en-deçà de laquelle P préfèrera conserver le bien, et 200.000 qui correspond à la
somme au-dessus de laquelle A ne voudra plus acheter. B et C ne peuvent surenchérir que
s’ils sont certains que A ne pourra pas se substituer à eux, ni financièrement, ni juridiquement.
Par conséquent, avec l’exécution forcée en nature, qui se traduira par une substitution, toute
surenchère devient risquée. Ce risque diminue corrélativement le prix maximum que B et C
sont prêt à mettre. S’ils évaluent chacun de risque à 10%, B sera prêt à acheter le bien au
ϳϴ
maximum à 225.000 (250.000 – 10%) ; C quant à lui sera prêt à mettre 270.000 (300.000 –
10%).
C pourra donc surenchérir à 225.001, somme supérieure à la surenchère maximum de B et
suffisante pour que A, même s’il est en mesure de demander judiciairement la substitution, ne
dispose pas de la finance nécessaire à celle-ci. Son offre maximum étant 200.000. La vente se
fera donc pour 225.001 représentant une perte sèche pour le marché équivalent à 25.000. Et
encore, pour que B et C proposent une offre efficace, il faut qu’ils connaissent le prix au-delà
duquel A ne peut pas demander la substitution. Or, c’est une information qu’ils ne détiennent
pas et même s’ils sont en mesure de faire une surenchère efficace, ils hésiteront certainement
à formuler une offre en ce sens, voire renonceront à acheter le bien dès qu’ils apprendront
l’existence d’un pacte de préférence sur ce bien.
Par conséquent, le bien ne se vendra qu’entre 180.000 et 200.000 ce qui constituera une perte
sèche pour le marché comprise entre 70.001 (250.001 - 180.000) et 50.001 (250.001 –
200.000).
3 – La valorisation de la valeur du bien résultant du prononcé de dommages-intérêts
Admettons maintenant qu’au lieu de prononcer l’exécution forcée en nature de la
promesse et donc de la vente, P soit condamné à des dommages-intérêts d’un montant de
75.000. B et C ne risquent plus d’être évincés et ils seront à nouveau prêt à mettre
respectivement 250.000 et 300.000. Ce qui change en revanche, c’est que P déclinera toute
surenchère inférieure à 255.000. En effet, sur cette somme il retranchera les 75.000 qu’il
devra à A à titre de dommages-intérêts (255.000 – 75.000 = 180.000 soit le prix en-deçà
duquel il préfère ne pas vendre). B sera donc hors course. En revanche, C peut proposer
260.000. Si A apprend cette surenchère, il peut proposer 190.000. La proposition de A est
plus avantageuse pour P puisque les 190.000 sont des gains bruts, là où il faut retrancher
75.000 des 260.000 offerts par C, soit 185.000. C surenchérira à 270.000, puis A à 200.000,
jusqu’à ce que C surenchérisse à 275.001, soit au-dessus de l’offre maximum de A plus les
dommages-intérêts que P devra verser à A.
ϳϵ
Il est démontré que non seulement le prononcé de dommages-intérêts en cas
d’inexécution d’un pacte de préférence ou d’une promesse unilatérale de vente n’a pas fait
diminuer la valeur du bien, mais elle l’a même fait augmenter. Cette augmentation de valeur
n’est pas systématique. Si C avait été prêt à offrir jusqu’à 270.000, il aurait été plus
avantageux pour P de vendre l’immeuble à A pour un prix de 200.000. Mais même dans cette
hypothèse où la valeur du bien n’augmente pas, la sanction des dommages-intérêts incite le
bénéficiaire à faire sa meilleure offre.
Après avoir démontré que la sanction par équivalent d’une promesse de contrat était la
solution économiquement la plus efficace en comparaison de l’exécution forcée en nature, il
convient d’observer que les dommages-intérêts, selon la doctrine classique du Code civil,
constituait le remède normal à l’inexécution.
Section 2 : Les dommages-intérêts face au « faux concept de la
responsabilité contractuelle129 »
La place des dommages-intérêts en droit français pour sanctionner l’inexécution ou la
mauvaise exécution d’une obligation contractuelle est relativement restreinte, au profit de
celle laissée à l’exécution forcée en nature. La raison de cette primauté conférée à l’exécution
forcée en nature peut être trouvée dans le fait que l’inexécution contractuelle constitue un cas
de responsabilité. L’inexécution contractuelle est donc constitutive d’une faute obligeant son
auteur à la réparer. A ce titre, l’engagement contractuel ayant pour fonction de conférer à
l’autre partie l’avantage escompté, la jurisprudence favorise largement la réparation en nature
au détriment d’une simple réparation par équivalent. Il y a donc une volonté de « punir » le
débiteur de l’inexécution contractuelle en le contraignant à fournir, dans la majorité des cas,
l’objet précis du contrat. L’allocation de dommages-intérêts ne pouvant intervenir que si le
créancier établit qu’il a subit un préjudice distinct de l’inexécution contractuelle.
129
P. REMY, La « responsabilité contractuelle » : histoire d’un faux concept, RTD civ., 1997, p. 323
ϴϬ
Habituellement l’on présente la responsabilité civile contractuelle par opposition à la
responsabilité civile délictuelle. Toutefois, cette présentation de la responsabilité contractuelle
fait immédiatement référence à la responsabilité délictuelle. C’est en ce sens qu’une partie de
la doctrine contemporaine, en se fondant sur la doctrine classique, avance que la
responsabilité résultant de l’inexécution d’une convention est un « faux concept
». La
130
responsabilité contractuelle serait taillée sur le modèle de la responsabilité délictuelle. Ce que
le Doyen Carbonnier met parfaitement en exergue lorsqu’il énonce que « le débiteur a
l’obligation de réparer le dommage causé au créancier par l’inexécution (fautive) du contrat,
comme tout homme, en général, est tenu de réparer le dommage causé à autrui par sa faute
(art.1382-1383).131 » Néanmoins, la conception contemporaine qui retient que l’inexécution
contractuelle constitue un cas de responsabilité est critiquable à plusieurs égards.
Dans un premier temps, cette conception n’est pas conforme à celle retenue par la
doctrine classique. Pour Domat et Pothier « l'inexécution du contrat n'est pas la cause d'une
obligation nouvelle ; c'est le contrat lui-même qui est la cause de la dette de dommages et
intérêts, au cas d'inexécution132 ». Est clairement exprimée l’idée que la fonction d’exécution
forcée des dommages-intérêts n’est pas de réparer un préjudice subi mais bien d’assurer une
exécution par équivalent de l’inexécution contractuelle. C’est précisément cette conception
qui est retenue par le Code civil. L’illustration est probante lorsque l’on aborde l’article 1147
qui prévoit que le débiteur est condamné à des dommages-intérêts « à raison de
l’inexécution » et non à raison du dommage causé au créancier par sa faute. L’article 1150 du
Code civil dispose que sauf en cas de dol, le débiteur est tenu non de rétablir le créancier en
l’état où il se trouverait si un dommage ne lui avait pas été injustement causé, mais de lui
procurer l’équivalent de l’avantage qu’il pouvait légitimement attendre du contrat. La
conception classique confère une place prépondérante aux dommages-intérêts. D’une lecture
littérale des textes relatifs à la sanction de l’inexécution, il peut être déduit que le débiteur
s’oblige soit à exécuter précisément ce à quoi il s’est engagé, soit à exécuter son engagement
par équivalent caractérisée par une indemnité pécuniaire, permettant de placer le créancier au
même état que si l’exécution avait eu lieu. Les dommages-intérêts correspondent à un
P. REMY, op. cit.
J. CARBONNIER, Droit civil, t. IV, 154, p. 257 cité in P. REMY, op.cit.
132
P. REMY, La « responsabilité contractuelle » : histoire d’un faux concept, RTD civ., 1997, p. 323
130
131
ϴϭ
paiement forcé, à un remède à l’inexécution contractuelle où la fonction de réparation y est
totalement exclue. Ceci renvoie expressément aux droits du common law au sein desquels la
faute n’entre aucunement dans la définition du breach of contract et les dommages-intérêts
apparaissent comme le remède normal à l’inexécution contractuelle. La doctrine classique
française envisage l’exécution forcée en nature comme un substitut à l’exécution forcée par
équivalent. Retenir cette acception fait disparaitre les distorsions contemporaines existantes
entre le champ d’application légal restreint et la primauté accordée à l’exécution forcée en
nature. La cohérence est alors retrouvée.
La seconde critique objectée à la considération de l’inexécution contractuelle
susceptible d’engager la responsabilité du débiteur, est que l’on fait supporter au contrat des
intérêts extracontractuels. L’inexécution de l’obligation contractuelle a pour effet d’éteindre le
contrat; mais, parce qu’elle est constitutive d’une faute, cela entrainera la création d’une
nouvelle obligation à savoir la dette de la nécessaire réparation du dommage causé. Or, le
contrat est un instrument d’échange de biens et de services permettant la circulation des
richesses. Envisager l’inexécution contractuelle comme un cas de responsabilité confère au
contrat la fonction de réparer le dommage causé. Cela fait évidemment sourire car existe-t-il
un juriste qui envisage la fonction du contrat de cette manière ? Toutefois, c’est précisément à
cela qu’aboutit la considération de l’existence d’une responsabilité contractuelle dans notre
droit positif.
M. Philippe Rémy à travers sa remarquable étude133, constate que la responsabilité
contractuelle est un « faux concept » puisqu’elle est en réalité fondée sur le modèle de la
responsabilité délictuelle. Il s’agit donc de mécanismes de même nature, la différence de ces
deux types de responsabilité résidant dans leur régime. Le fait générateur de la responsabilité
contractuelle résulte de l’inexécution d’une obligation découlant d’une convention. Ce constat
fait perdre au principe du non-cumul sa rationalité134. Cette règle qui interdit d'invoquer les
mécanismes de la responsabilité délictuelle en cas de dommage causé au créancier par
l'inexécution d'une obligation se comprend aisément lorsqu'on reconnaît aux dommages-
intérêts contractuels leur véritable nature. Il est impossible d'invoquer un mécanisme qui sert à
133
134
P. REMY, La « responsabilité contractuelle » : histoire d’un faux concept, RTD civ., 1997, p. 323
E. SAVAUX, La fin de la responsabilité contractuelle ?, RTD civ., 1999, p. 1
ϴϮ
réparer un préjudice lorsque l'on réclame en réalité l'exécution d'une obligation. Deux
techniques n'ayant pas le même objet ne risquent pas d'être confondues. En revanche, le
principe devient difficilement justifiable lorsque l'on attribue à la responsabilité délictuelle et
à la « responsabilité contractuelle » la même nature et le même objet.
L’auteur invite à un retour aux sources doctrinales du code, non pas en vue de
proposer une unification des deux types de responsabilité mais afin de ne conserver que la
seule vraie responsabilité : la responsabilité délictuelle. L’auteur souhaite donc débarrasser
l’inexécution contractuelle de tout « moralisme » en réattribuant aux dommages-intérêts leur
nature initiale de payement forcé. Cette solution aurait le mérite à la fois de retrouver la
cohérence perdue relative à la place prédominante des dommages-intérêts au sein du Code
civil mais aussi de s’inscrire parfaitement dans le mouvement grandissant en faveur de
l’objectivisation du contrat. C’est donc ici la reconnaissance de la théorie de la violation
efficace qui s’exprime.
Le prononcé de dommages-intérêts suite à une inexécution contractuelle, sans que la
démonstration d’un préjudice soit exigée, a trouvé un écho en jurisprudence sur le fondement
de l’article 1145 du Code civil. Ce dernier dispose que « si l’obligation est de ne pas faire,
celui qui y contrevient doit des dommages-intérêts par le seul fait de la contravention. »
L’article précise bien que les dommages-intérêts sont dus sans qu’il soit nécessaire de prouver
l’existence d’un préjudice. Néanmoins, jusqu’en 2005, la première chambre civile de la Cour
de cassation décidait que « l'article 1145 du Code civil, qui dispense de la formalité de la mise
en demeure lorsque le débiteur a contrevenu à une obligation de ne pas faire, ne dispense pas
celui qui réclame réparation de la contravention à cette obligation d'établir le principe et le
montant de son préjudice.135 » L’interprétation du texte se révélait ainsi conforme aux règles
gouvernant la responsabilité contractuelle. Les dommages-intérêts ont vocation à réparer le
préjudice subi et suppose que l’existence d’un dommage distinct de l’inexécution
contractuelle soit démontré.
Cass. civ. 1ère, 26 févr. 2002, Bull. civ. I, n° 68, Defrénois 2002. 759, obs. Savaux ; RTD civ. 2002. 809, obs.
Mestre et Fagès.
135
ϴϯ
Mais par un revirement en 2005136 qui fut confirmé en 2007137, la Cour affirma que
lorsque l’obligation inexécutée est une obligation de ne pas faire, celui qui y contrevient doit
des dommages-intérêts sans qu’il soit nécessaire d’établir un préjudice. La Cour opère une
application littérale des dispositions de l’article 1145 du Code civil et redonne ici l’acception
classique des dommages-intérêts. Ils ne visent pas à réparer un préjudice mais permettent
d’exécuter le contrat par équivalent. Est-ce un premier pas annonçant la disparition de la
responsabilité contractuelle ? Affaire à suivre…
Ces observations faites n’ont pas pour objectif d’abandonner l’exécution forcée en
nature au profit de l’exécution forcée par équivalent. Simplement de réapprécier, à sa juste
valeur les dommages-intérêts comme remède efficace à l’inexécution contractuelle.
L’introduction d’un critère d’efficacité économique dans le choix de la sanction, apparait
opportune. En effet, lorsque qu’un bien présente une certaine unicité, il s’avère que les
dommages-intérêts ne sont pas forcément satisfactoires pour le créancier. L’exécution forcée
en nature serait alors requise.
Cass. civ. 1ère, 10 mai 2005, Bull. civ. I, n° 201, D. 2005. IR. 1505 ; RTD civ. 2005. 594, obs. Mestre et
Fages.
137
Civ. 1ère, 31 mai 2007, D. 2007. AJ. 1725, obs. I. Gallmeister etJur. 2784, note C. Lisanti ; RTD civ. 2007.
568, obs. B. Fagès ; JCP 2007. I. 185, obs. P. Stoffel-Munk.
136
ϴϰ
CONCLUSION
La théorie de l’efficient breach of contract trouve un écho en droit français. C’est avec
des instruments juridiques, comme la doctrine ou la jurisprudence, mais aussi des instruments
économiques que nous avons pu démontrer que les principes fondateurs en droit des contrats
subissent bon nombre d’exceptions, peut être trop pour que l’on puisse encore parler de
principe. Tel est le cas pour le principe d’intangibilité des contrats. Au XXIème siècle, ce
principe n’a guère sa place. Bien qu’il soit difficile de parler d’application concrète de cette
théorie, du fait que notre droit positif français se refuse toujours à reconnaitre la théorie de
l’imprévision, l’on peut constater un assouplissement des principes favorable à l’application
de cette notion.
Domat et Pothier l’avaient pressenti en chassant de l’exécution forcée par équivalent
toute fonction de réparation d’un dommage injustement causé. « L'inexécution du contrat
n'est pas la cause d'une obligation nouvelle ; c'est le contrat lui-même qui est la cause de la
dette de dommages et intérêts, au cas d'inexécution138 ». Le concept même de responsabilité
contractuelle n’existerait pas au moment de la rédaction du Code civil, ce qui explique que les
dommages-intérêts occupent une telle place dans le Code civil par rapport à l’exécution forcée
en nature, lorsqu’il s’agit de sanctionner l’inexécution.
L’on ne peut que souhaiter, dans une économie de marché que la reconnaissance de la
théorie de l’efficient breach of contract soit enfin reconnue, affirmée. Le mouvement à la fois
jurisprudentiel et doctrinal, bien qu’ils ne soient pas toujours à l’unisson, présage que la
théorie de la violation efficiente du contrat soit rapidement admise en droit français.
P. REMY, La « responsabilité contractuelle » : histoire d’un faux concept, RTD civ., 1997, p. 323
138
ϴϱ
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION ------------------------------------------------------------------------------------------------- 1
PARTIE I : DU « FAUX » CONCEPT D’INTANGIBILITE DES CONTRATS AU XXIEME
SIECLE -------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 8
TITRE I : L’INEVITABLE ADAPTATION DU PRINCIPE D’INTANGIBILITE A LA REALITE PRATIQUE ----- 8
Chapitre 1 : De la théorie autonomiste classique du principe d’intangibilité ------------------------ 9
Section 1 : De l’exposé de la théorie de l’autonomie de la volonté --------------------------------- 9
§1 : Un concept d’intangibilité contractuelle fondé sur la liberté -------------------------------- 9
§2 :
Un
concept
d’intangibilité
présupposant
l’équilibre
ab
initio
entre
les
cocontractants-------------------------------------------------------------------------------------------11
Section 2 : Des limites pratiques de la théorie de l’autonomie de la volonté ---------------------13
§1 : De la morale et du contrat instantané au XIXe siècle ----------------------------------------13
§2 : A l’évolution des pratiques contractuelles au XXIe siècle ----------------------------------15
Chapitre 2 : Au déclin du principe d’intangibilité des contrats ---------------------------------------16
Section 1 : La nécessaire remise en cause du principe d’intangibilité -----------------------------17
§ 1 : De la notion de révision contractuelle ---------------------------------------------------------17
A - Les exceptions confortant le principe d’intangibilité --------------------------------------17
B - La notion de révision remettant en cause le principe d’intangibilité --------------------19
§ 2 : A sa possible application : l’exemple du contrat relationnel ------------------------------21
Section 2 : L’influence de l’environnement juridique périphérique au droit français des contrats
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------24
§ 1 : De la notion de clause abusive ou déséquilibrée ---------------------------------------------24
A - De la clause abusive à l’égard du consommateur ------------------------------------------24
B - Aux clauses créant un déséquilibre économique -------------------------------------------26
1 - La sanction des clauses entrainant un déséquilibre entre professionnels -------------26
2 - La sanction du déséquilibre économique : la lésion -------------------------------------27
§ 2 : Les projets internationaux d’uniformisation des droits -------------------------------------28
A - Les principes UNIDROIT --------------------------------------------------------------------28
B - Les principes du droit européen des contrats------------------------------------------------30
TITRE II : UN MOUVEMENT JURISPRUDENTIEL REVELATEUR DE LA REMISE EN CAUSE DU PRINCIPE
D’INTANGIBILITE ---------------------------------------------------------------------------------------------
33
Chapitre 1 : La volonté croissante de rétablir l’équilibre contractuel -------------------------------33
Section 1 : La bonne foi au service de l’équilibre contractuel--------------------------------------34
ϴϲ
Section 2 : Le renforcement des pouvoirs du juge ----------------------------------------------------36
Chapitre 2 : Un plaidoyer en faveur d’une plus grande efficacité économique ---------------------37
Section 1 : Vers une obligation de renégociation ? ---------------------------------------------------38
Section 2 : Le pas vers la reconnaissance de l’imprévision ou l’abandon
du
principe
d’intangibilité des contrats ?----------------------------------------- ------------------------------------41
PARTIE II : A L’INEFFICACITE ECONOMIQUE DE L’EXECUTION FORCEE EN
NATURE -----------------------------------------------------------------------------------------------------------44
TITRE I : DES DISTORSIONS INHERENTES A L’EXECUTION FORCEE EN NATURE ------------------------44
Chapitre 1 : Du domaine légal restreint et de la primauté conventionnelle de l’exécution forcée
en nature----------------------------------------------------------------------------------------------------45
Section 1 : Du domaine légal restreint de l’exécution forcée en nature----------------------------45
§1 : De l’identification de l’exécution forcée en nature-------------------------------------------45
§2 : A la détermination du champ d’application de l’exécution forcée -------------------------47
en nature -------------------------------------------------------------------------------------------------47
Section 2 : A l’affirmation jurisprudentielle de la primauté de l’exécution forcée en nature ---49
§1 : L’exécution forcée en nature corollaire du principe de la force obligatoire --------------49
§2 : Les conséquences de la primauté de l’exécution forcée en nature -------------------------50
Chapitre 2 : Aux limites économiques de l’exécution forcée en nature-------------------------------52
Section 1 : L’exécution forcée en nature comme obstacle ------------------------------------------53
à l’efficacité économique---------------------------------------------------------------------------------53
§1 : Les dérives potentielles résultant de l’exécution forcée en nature -------------------------53
§2 : La place résiduelle réservée à l’exécution forcée en nature dans les pays
du
common
law--------------------------------------------------------------------------------------------------------56
Section 2 : L’opportunité du pouvoir d’injonction du juge au regard de l’analyse économique
du droit------------------------------------------------------------------------------------------------------60
§1 : De la teneur du Théorème de Coase------------------------------------------------------------60
§2 : A l’inefficacité économique du pouvoir d’injonction du juge ------------------------------62
TITRE II : A LA CONSIDERATION JURISPRUDENTIELLE DES DISTORSIONS INHERENTES A
L’EXECUTION FORCEE EN NATURE ----------------------------------------------------------------------------64
Chapitre 1 : La jurisprudence en matière de sanctions des promesses de contrat ------------------65
Section 1 : Une position défavorable à l’exécution forcée en nature des promesses de contrat 65
§ 1 : La nature de la promesse unilatérale de vente et du pacte de préférence -----------------66
§ 2 : La rétrospective d’une jurisprudence constante----------------------------------------------67
Section 2 : Une solution critiquée toutefois justifiable-----------------------------------------------69
§ 1 : Les critiques virulentes opposées au choix de la sanction des promesses de contrat ---70
ϴϳ
§ 2 : La sanction des promesses unilatérale de vente respectueuse du principe de la force
obligatoire -----------------------------------------------------------------------------------------------73
Chapitre 2 : Vers une reconsidération de l’exécution forcée par équivalent ------------------------76
Section 1 : Un plaidoyer en faveur de l’efficacité économique des promesses de contrat ------77
Section 2 : Les dommages-intérêts face au « faux concept de la responsabilité contractuelle »80
CONCLUSION----------------------------------------------------------------------------------------------------85
ϴϴ
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Ass. Plén. 1er dèc. 1995, JCP 1996. II 22565, 1ère et 3ème esp., concl. Jéol et note Ghestin ; D. 1996. 13, concl.
Jéol et note Aynès ͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺϯϱ
CA Aix-en-Provence, 10 mai 2006, jurisdata n° 2006-305895 ͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺϲϳ
CA Aix-en-Provence, 30 avril 2007, jurisdata n° 2007-3339984 ͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺϲϳ
CA Angers, 19 décembre 2006, jurisdata n° 2006-330903 ͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺϲϳ
Cass. 1ère Civ., 16 mars 2004, no 442 FS-P, Sté LRP c/ Assoc. Foyer des jeunes travailleurs. ͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺϯϲ
Cass. 1re civ. 1er mars 1965, D. 1965, 560 ; Cass. 3e civ. 7 juin 1979, JCP 1980.II.19415, note Ghestin; 19 mai
1981, Bull. civ. III, no 101 ͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺϱϬ
Cass. Civ 1ère, 6 janvier 1994 : JCP 1994, II, 22237.ͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺϮϱ
Cass. Civ 1ère., 14 mars 1991 : D. 1991, J, p. 449.ͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺϮϱ
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Cass. civ 3e, 19 fèvr. 1970, Bull. Civ. III, n°123, RTD civ., 70.785, note G. DURRY. ͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺϰϵ
Cass. Civ 3e, 9 déc. 1970, Bull. civ. III, n°363, ͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺϰϵ
Cass. civ. 14 mars 1900, aff. Whistler. ͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺϰϵ
Cass. Civ. 15 novembre 1933 : S. 1934. 1. p.13. ͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺϮϬ
Cass. civ. 1ère, 10 mai 2005, Bull. civ. I, n° 201, D. 2005. IR. 1505 ; RTD civ. 2005. 594, obs. Mestre et Fages. ϳϴ
Cass. civ. 1ère, 26 févr. 2002, Bull. civ. I, n° 68, Defrénois 2002. 759, obs. Savaux ; RTD civ. 2002. 809, obs.
Mestre et Fagès. ͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺϳϳ
Cass. Civ. 1ère, 29 nov. 1994, D. 1995. 122, note Aynès ͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺϯϱ
Cass. Civ. 21 nov. 1911, S. 1912. 1. 73, note Lyon-Caen. D. 1913. 1. 249, note Sarrut. ͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺϭϵ
Cass. civ. 3e, 11 mai 2005, Bull. civ. III, n°103. ͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺϱϬ
Cass. civ. 3e, 15 févr. 1978, D. 1978, IR, p. 414.ͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺϱϭ
Cass. civ. 3e, 27 mars 2008, n° 07-11.721, inédit.ͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺϲϰ
Cass. civ. 3e, 30 avril 1997, Médecins du monde, Bull. civ. III, n°986, D. 1997.475, note D. Mazeaud et
1998.203, obs. Chr. Atias ; RTD civ. 1997.685, obs. crit. P.-Y. Gautier ͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺϲϯ
Cass. Civ. 3ème, 15 déc. 1993, cons. Cruz, Bull. civ. III, n° 174 ; D., 1994.507, n. Fr. Bénac-Schmidt; somm. 230,
obs. O. Tournafond; D., 1995, somm. 87, obs. Crit. L. Aynès.ͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺϲϮ
Cass. civ. 3ème, 15 janvier 2003, Bull. civ. III, n° 9 ͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺϲϳ
Cass. civ. 3ème, 18 novembre 1998, n° 97-10.473 ͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺϲϳ
Cass. civ. 3ème, 26 juin 1996, Bull. civ. III, n° 165. ͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺϲϮ
Cass. Civ. 3ème, 27 juin 1984, n° 83-11.581, Bull civ. 1984 III, n° 126ͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺϰϴ
Cass. civ., 6 mars 1876, Canal de Craponne, in Fr. Terré et Y. Lequette, Les grands arrêts de la jurisprudence
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Cass. civ.1ere, 10 nov. 1965 bull. I,n°604 ; Cass. civ.1re, 26 juin 1967, D.1967, p.673 ͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺϱϭ
Cass. com., 14 février 2007, n° 0521.814, publié au Bull. ͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺϲϲ
Cass. Com., 24 nov. 1998, N° 96-18.357 Bulletin 1998 IV N° 277 p. 232ͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺϯϰ
Cass. Com., 3 novembre 1992 : Bull. civ. IV, n° 340, p. 242 ; JCP éd. G 1993, II, 22164, note G.-J. Virassamy ;
RTD civ. 1993, p. 124, n° 7, obs. J. Mestre. ͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺϯϯ
Cass. Req., 21 mars 1933, DH 1933. p. 235. ͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺϮϳ
Cass. Soc. 31 mai 1956, Bull. civ. IV, n° 503. ͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺϰϰ
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CE, 30 mars 1916, Gaz de Bordeaux, in GAJC, 10ème éd., n°49 ; D. 1916. 3. 25, concl. Chardenet ; S. 1916. 3. p.
17., note Hauriou.ͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺϮϬ
Civ. 1ère, 31 mai 2007, D. 2007. AJ. 1725, obs. I. Gallmeister etJur. 2784, note C. Lisanti ; RTD civ. 2007. 568,
obs. B. Fagès ; JCP 2007. I. 185, obs. P. Stoffel-Munk.ͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺϳϴ
Civ. 3e, 3 déc. 2003, Bull. Civ. III, n° 221, RDC 2004 359, obs. J.-B. SEUBE réaffirmé par Com. 13 mars 2007,
Petites Affiches 11 sept. 2007, p. 7, note M.-L. LANTHIEZ ͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺϰϵ
Com. 13 mai 1997, Sté Estée Lauder/Sté parfumerie Jerbo, JCP 1999, I. 114, obs. M. Fabre-Magnan. ͺͺͺͺͺͺͺϱϭ
Com. 3 oct. 2006 ͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺϯϴ
Co-operative Insurance v. Argyll Stores Ltd., 21st May 1997, 3 W.L.R. 27 ͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺϱϯ
GAJA, 10ème éd., n°49 ; D. 1933. 3. p. 17.ͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺϮϬ
TGI Brest, 21 décembre 1994, UFC contre SA Gymnasium franchise : RJDA, 1995, n° 2, p. 218. ͺͺͺͺͺͺͺͺͺͺϮϱ
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