Lolita ou le fantasturbaire déguisé en crime parfait
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Lolita ou le fantasturbaire déguisé en crime parfait
ﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋ e-mail : [email protected] ’Ashtaroût Cahier hors-série n° 6 (décembre 2005) ~ Matriochkas & autres Lolitas / Le Cinquantenaire de Lolita, pp. 141-153 ISSN 1727-2009 Amine Azar Lolita ou le fantasturbaire déguisé en crime parfait 1. 2. 3. 4. I. Le Sujet À en croire sa conclusion, Lolita ne comporterait pas de sujet psychologique. Humbert Humbert, le narrateur de l‟histoire, est une conscience morbide parfaitement transparente à elle-même qui, au lieu de faire fonction de sujet psychologique est, en fait, un stratagème permettant à l‟auteur d‟écrire un roman moderne. À cet égard, nous dit Brown, ce roman est un véritable défi aux axiomes de l‟Âge de la Psychologie. Il faut clairement entendre par là qu‟un psychanalyste freudien confronté à la Lotita de Nabokov n‟aura d‟autre ressource que de déposer la plume et de donner sa langue au chat. Je présume que Nabokov a dû être très satisfait de cette conclusion. Comme on le sait, il était luimême un contempteur de la psychanalyse. De fait, Lolita fourmille de notations ironiques de toute sorte Ŕ justes, injustes, virulentes ou cocasses Ŕ où le médecin viennois est parfois nommément égratigné. Faut-il donner raison à Roger Brown ? On peut du moins lui donner acte que, depuis bientôt cinquante ans, aucun psychanalyste n‟a songé à relever ce défi. Si je m‟y aventure ce n‟est nullement par esprit de corps. D‟autant moins que la plupart des psychanalystes qui se sont occupés de littérature se sont surtout illustrés par l‟étroitesse d‟esprit, et que le discrédit où est tombé ce type d‟exercice de style est largement mérité. Ŕ C‟est la brillante analyse de Lolita par Brown qui m‟a conduit à renverser sa propre thèse. Un défi Une façade en trompe-l‟œil craquelée Comment engourdir le sens critique ? Y a-t-il un sujet psychologique dans Lolita ? II. L’Objet Quel est le véritable sujet de ce roman ? Matrimoine, ravage & fantasturbaire Le complexe d‟Œdipe Quelques épisodes remarquables Ŕ Sentiments paroxystiques Ŕ Amours platoniques Ŕ Sexualité fruste 9. L‟ambiguïté entre tendresse & volupté 5. 6. 7. 8. 10. 11. 12. 13. III. Conclusions Le scribe du crime parfait Le pervers est-il vraiment un pauvre diable ? En résumé Pour terminer ● Références ________ I. Le Sujet 1 Un défi La recension de Lolita par Roger Brown (1959) [7] est un texte brillant. Il est également d‟une exceptionnelle pertinence, du moins au niveau où s‟est placé le célèbre psycholinguiste, alliant avec un rare bonheur la psychologie à la linguistique et à l‟esthétique du roman. Façade en trompe-l’œil craquelée 142 2 Ma première remarque se rapporte à l‟art du romancier. Si c‟est un art, c‟est qu‟il procède d‟artifices. N‟étant pas un aliéniste, Nabokov n‟a nullement un exposé de cas en vue. Il écrit un roman et non une pathographie. Néanmoins, nous sommes prévenus d‟emblée Ŕ dès l‟Avantpropos Ŕ que Lolita est une pathographie habillée en œuvre romanesque. En conséquence, notre rôle en tant que clinicien consiste à faire à rebours le chemin que Nabokov, en tant qu‟artiste, a franchi à sa manière, moitié consciente, moitié inconsciente, comme tous les créateurs. Il nous faut donc établir d‟abord une distinction tranchée entre superstructure et infrastructure. Autrement dit, entre d‟une part le niveau de l‟expression, qui est ici l‟œuvre littéraire (le roman), et, d‟autre part, le niveau de la pathographie, qui est ce qui nous intéresse en tant que cliniciens. Encore faut-il prendre garde à ne pas s‟égarer dès ce premier pas. Or c‟est là justement qu‟il faut en quelque sorte se méfier de la forme littéraire conférée au cas sous-jacent, dont le dessein est toujours de « tromper l‟ennemi ». Cet ennemi est évidemment le clinicien capable de dévoiler la misère humaine sur laquelle la littérature a (entre autres) la fonction de jeter un voile esthétique, Ŕ dans le cas de Lolita ce voile est richement travaillé. Deux principes nous guident : le modèle du rêve et les craquelures de sa façade. La distinction entre superstructure et infrastructure correspond à la distinction entre le contenu manifeste du rêve et son contenu latent. Le travail du rêve est équivalent au travail de l‟œuvre. Les rêves comportent une « façade », mise sur le compte de ce que Freud (1900a) [12] nomme l‟élaboration secondaire. Cette façade mérite d‟être minutieusement scrutée. Aucune façade n‟offre de surface complètement lisse et unie. Des craquelures la parcourent. Des incohérences, des contradictions ou des incompatibilités trahissent la présence active et perturbatrice d‟une infrastructure. Il faut les considérer comme des signes de piste permettant d‟aller de la superstructure à l‟infrastructure. Tous les autres moyens de mise en œuvre du contenu latent pour aboutir au contenu manifeste du rêve Ŕ dont Freud a dressé un catalogue précis Ŕ se retrouvent dans le travail de l‟œuvre, et les mêmes techniques de décryptage s‟appliquent ici et là. 3 Comment engourdir le sens critique ? Les artistes disposent d‟un large éventail de moyens traditionnels pour étourdir ou engourdir notre sens critique, et ils rivalisent de zèle pour en inventer de nouveaux. L‟un des plus importants est l‟ensemble des conditions de l‟énonciation. En ce qui concerne Lolita, Nabokov y a manigancé trois niveaux d‟énonciation : 1/ L‟Avant-propos, supposé rédigé par un certain John Ray Jr., docteur en philosophie. 2/ Le récit de Humbert Humbert. Cette « confession » comporte deux parties. La première est divisée en 33 chapitres ; la seconde, légèrement plus étendue, en 36 chapitres. 3/ Une note intitulée « À propos d‟un livre intitulé Lolita », publiée en revue trois ans après l‟édition originale et signée par l‟auteur. Cette note a été jointe en appendice à toutes les éditions ultérieures de Lolita, et mérite donc d‟être considérée comme une « Postface ». Du fait de sa publication tardive, elle doit aussi être considérée comme un « remords ». La répartition du roman sur trois niveaux d‟énonciation permet de créer des effets de sens démultipliés, comme, quand on place un sujet entre plusieurs miroirs inclinés, ses images prolifèrent selon les angles qu‟ils forment. Nabokov ne s‟est pas privé de faire « jouer » ou de faire varier dans Lolita les rapports entre les trois ni143 veaux d‟énonciation, et parfois même au sein de chacun. Voici trois exemples pris entre mille : nous indique. Il cherche à nous faire prendre le système sanguin pour le système nerveux. D‟une manière générale, ce n‟est pas auprès de l‟auteur que nous sommes susceptibles de trouver le chemin d‟accès aux « coordonnées subliminales » de son œuvre, mais à l‟œuvre elle-même, en faisant jouer à rebours les niveaux de son énonciation. Un dernier exemple encore. Cette fois il ne s‟agit pas d‟un jeu de contradictions entre les différents niveaux d‟énonciation, mais d‟un tir groupé. Les trois niveaux d‟énonciation conspirent à attirer notre attention d‟un seul côté, du côté soi-disant scandaleux, sulfureux ou scabreux du roman, dont le sujet (subject matter) serait : l‟obscénité, la pornographie, la pédophilie et l‟inceste. Diversion suprême Ŕ diabolique Ŕ où la critique a donné tête baissée avec une naïveté vraiment confondante. Il n‟y a pas de contrat de confiance entre auteur et lecteur, mais un rapport de type agonistique plus ou moins accusé, fait de ruses et de tromperies. Cela fait partie de ce qu‟on appelle le mensonge de l‟art, et c‟est de bonne guerre. Bon gré malgré, tous les auteurs jouent plus ou moins au chat et à la souri avec leur lecteur. En ce qui concerne Nabokov et sa Lolita, le rapport agonistique avec le lecteur est porté à un haut degré d‟intensité. Au demeurant nous en sommes avertis par les déclarations (implicites) d‟allégeance à la manière de James Joyce, parsemées généreusement dans le roman, Ŕ un orfèvre en la matière. Ŕ Jeu entre (1) et (2) : John Ray Jr. dit que Humbert aurait dû consulter un bon thérapeute en août 1947, alors que Humbert cherche à démontrer par sa confession que la psychanalyse est impuissante à le guérir, et que le seul soulagement qu‟il peut espérer c‟est celui de pouvoir transformer sa misère psychologique en œuvre d‟art 1. Ŕ Jeu entre (1) et (3) : John Ray Jr. affirme qu‟en sus de sa valeur psychologique et de sa valeur littéraire, Lolita a une valeur morale et éducative. Dans sa Postface Nabokov dit exactement le contraire : « ... et, quoiqu‟en dise John Ray, Lolita ne trimballe derrière lui aucune morale ». Ŕ Jeu entre (3) et (2) : Dans sa Postface, Nabokov essaye de prendre son lecteur par les sentiments, en lui faisant des confidences de toute sorte. À un moment donné il nous confie que son roman comporte « certains points, chemins de traverse, recoins favoris » (certain points, byroads, favorite hollows), et il se met en devoir d‟en dresser la liste. Après quoi il nous assène péremptoirement que ces points-là sont en réalité les lignes de force du roman. Voici textuellement ce qu‟il dit 2 : Tels sont les nerfs du roman. Tels sont les points secrets, les coordonnées subliminales au moyen desquels est tramé le roman Ŕ même si, j‟en suis parfaitement conscient, ces scènes et bien d‟autres encore seront lues superficiellement ou passeront inaperçues, etc. Apparemment, l‟auteur voudrait nous offrir charitablement son aide ; en réalité c‟est là une tentative de brouillage et de diversion. Les lignes de force du roman ne sont nullement celles qu‟il 4 Y a-t-il dans « Lolita » un sujet psychologique ? Quel est le sujet psychologique de Lolita ? Malgré le titre tout à fait explicite du roman, Roger Brown centre sa recension sur le personnage de Humbert, et nous dit que Lolita est l‟histoire d‟un homme sexuellement attiré par des nymphettes, c‟est-à-dire des fillettes de neuf à quatorze ans. C‟est d‟ailleurs ce que le public NABOKOV : Lolita, avant-propos ; II, 31 ; et II : 36. NABOKOV : Lolita (postface) ; V : 315-316 ; Tf1 : 497-498 ; Tf2 : 550-551. Ŕ Malgré leur intérêt et leurs mérites, qui sont grands, je ne reprends pas toujours tel quel le texte des deux traductions françaises existantes de Lolita, mais les amende librement dans les détails pour mieux coller à la littéralité de l‟original anglais. 1 2 144 averti, tout comme le grand public, ceux qui lisent et ceux qui vont au cinéma, s‟accordent à penser. Tout le monde est d‟accord là-dessus avec Roger Brown. Au surplus, l‟Avant-propos du roman, rédigé par le suave John Ray Jr., comporte une déclaration fort explicite 1 : Effectivement, le personnage focal est Humbert, qui est également le narrateur, tandis que Lolita ne nous est présentée qu‟en extériorité. Comment soupçonner dans ces conditions que Lolita est bien le sujet psychologique du roman ! Tout le long du livre, c‟est le « cas » de Humbert qui s‟étale bien en vue, et rien ne nous est Ŕ apparemment Ŕ révélé de la psychologie de Lolita, de ce qui se passe dans sa tête. En fait, du point de vue du clinicien où nous nous plaçons, le livre tout entier est à prendre comme une « fantaisie » de Lolita, une rêverie diurne. Autrement dit, nous devons considérer que tout le livre se passe dans la tête de Lolita. En tant qu‟histoire de cas, Lolita deviendra sans doute dans les cercles psychiatriques un classique. Or, la démonstration de Roger Brown est impeccable, et on ne peut qu‟entériner sa conclusion : Humbert n‟est pas un sujet psychologique mais une fonction narrative. Néanmoins, le fait que Humbert ne soit pas le sujet psychologique de Lotita n‟implique nullement qu‟il n‟existe pas de sujet psychologique dans ce roman. Cela prouve seulement que Nabokov a pleinement réussi son opération de diversion. Du fait qu‟il s‟agit d‟un roman à la première personne, on s‟est mépris, et on a cru que le narrateur en était aussi le héros. Point du tout ! Le narrateur est tout au plus une victime. Il suffit de reprendre la déclaration plus haut citée de John Ray Jr. en la débarrassant de ses italiques : c‟est bien Lolita qui est le sujet psychologique de ce roman. Dans une suprême tentative de diversion Ŕ à laquelle Roger Brown s‟est laissé prendre en bonne compagnie Ŕ le narrateur se reproche, après plus de 400 pages de prose travaillée, de ne rien savoir de la pensée intime de sa dulcinée 2 : II. L’Objet 5 Quel est le véritable sujet de ce roman ? Après avoir repéré le sujet psychologique de Lolita, qui n‟est autre que Lolita elle-même, faisons un pas de plus et demandons-nous : quel est le véritable sujet du roman, sa matière (en anglais subject matter), ou encore son objet. L‟origine de l‟auteur, né à Saint-Pétersbourg, nous met sur la bonne voie. Lolita est une poupée russe, Ŕ une Matriochka. Ce qui veut dire que le thème général en est l‟Éternel Féminin en tant qu‟emboîtement des différents âges de la femme les uns avec les autres, ou plutôt les uns contre les autres. Plus spécifiquement, Lolita se concentre sur deux moments cruciaux de cette saga. D‟une part, le moment où le bourgeon s‟ouvre pour fleurir ; d‟autre part, le moment où le fruit mûr va commencer à s‟altérer. Mieux, le roman met ces deux moments en regard et en conflit. Regardons-y de plus près en procédant méthodiquement. ... pendant que mes genoux automatiques montaient et descendaient [en cadence], j‟ai été frappé de ce que je ne savais tout simplement rien [du fonctionnement] de l‟esprit de ma chérie. Un peu plus loin notre bonhomme ajoute encore : « J‟avais pour habitude et pour principe d‟ignorer les états mentaux de Lolita » 3. Lolita (avant-propos) ; V : 5 ; Tf1 : 8 ; Tf2 : 27. Lolita (II, 32) ; V : 284 ; Tf1 : 449 ; Tf2 : 496. 3 Lolita (II, 32) ; V : 287 ; Tf1 : 453 ; Tf2 : 500. 1 Matrimoine, ravage & fantasturbaire 2 145 6 Par matrimoine on convient de désigner un certain nombre d‟organisateurs de rôles féminins, tant anciens que modernes. Ce sont des manières de dire et des manières de faire transmises de génération en génération en lignée féminine et qui servent à la modulation du secteur préconscient de l‟appareil psychique [1]. Hélas, un canal majeur de cette transmission est la relation mère/fille, dont la neutralité laisse à désirer... Les perturbations dont ce canal est le siège font d‟ailleurs partie intégrante des messages transmis. Le slogan de McLuhan des années soixante trouve ici à se vérifier : « le medium est le message ». Lacan, qui savait de quoi il retourne, a placé la relation mère/fille à l‟enseigne du « ravage » [17][19][20]. Un lourd contentieux grève, en effet, cette relation à chaque étape de la vie. Considérons un peu le paysage [7]. Assez tôt la petite fille se rend compte qu‟elle a été lésée dans une partie de son corps, et elle en attribue le préjudice à sa mère. Constamment elle espérera un dédommagement, mais c‟est pour être à chaque fois désabusée. Elle est perdante sur deux tableaux. Par rapport aux garçons, elle ne peut mieux faire que de jouer au garçon manqué, et l‟on ne se fait pas faute de la reprendre. Par rapport aux femmes, et à sa mère en particulier, elle ne peut jouer qu‟à la poupée, car il lui manque les caractères sexuels secondaires (seins, hanches, etc.), tout comme l‟usage de la mascarade (hauts talons, maquillage, etc.). Et de ce côté également on ne se fait jamais faute de la reprendre. Jusque là elle a donc été constamment perdante et constamment envieuse. Elle n‟a espéré que pour se morfondre. C‟est dans ces conditions que se présente pour elle la puberté, dans une relative soudaineté. Car un beau jour tout bascule 1. Elle se rend compte qu‟elle a gagné le gros lot. L‟heure de la revanche a sonné. Elle n‟est pas seulement une aurore naissante qui se mire dans la solitude de sa salle de bain. Au mépris des petits garçons vient maintenant se substituer le regard subjugué des hommes. Et à l‟arrogance passée des femmes, et de sa mère plus particulièrement, vient se substituer leurs appréhensions de prendre de l‟âge. Nabokov se saisit très exactement de ce moment-là où les conflits se radicalisent dramatiquement. Le roman de Nabokov est une approche du pubertaire tel qu‟il advient au féminin singulier. Étant entendu que le mot puberté est au corps ce que le pubertaire est à la psyché (Gutton) [15][16]. Par pubertaire on entend la sexualisation du travail psychique créant un matériau à élaborer. De façon concomitante, la puberté institue une génitalisation des représentations incestueuses et leur idéalisation organisatrice, dénommés processus adolescens. Ce que j‟ai dénommé fantasme masturbatoire pubertaire (fantasturbaire en abrégé) est une pièce maîtresse à cheval sur les deux versants. J‟en ai traité brièvement dans ma présentation du style d‟Emily Brontë [2], puis d‟une manière beaucoup plus circonstanciée à propos du film Malèna de Tornatore [3]. 7 Le complexe d’Œdipe De même que j‟avais considéré que Malèna est la description judicieuse du fantasturbaire au masculin, je propose de considérer que Lolita est la description judicieuse du fantasturbaire au féminin, à l‟instar de ce que Paola Samaha [21] a démontré pour La Princesse de Clèves. Que se passe-t-il dans la tête de Lolita ? Elle réinvente tout simplement le complexe d‟Œdipe. Elle rêve de tuer sa mère (Mrs. Haze) et d‟épouser son « beau » père (Humbert). Pour lune de miel ce sera un voyage à travers l‟Amérique. Au bout d‟un certain temps, Lolita en a marre de se rejouer cette fantaisie. Elle la complique d‟un épisode de plus où une doublure de père prend la relève (Clare Quilty). Entre-temps elle a 1 Et si ça ne bascule pas, c‟est bien pire, parce que cela bascule pour les autres. 146 grandi, ce n‟est plus une nymphette. Quand la nouvelle version de son fantasturbaire s‟est usée à son tour, elle est déjà engagée dans une relation amoureuse sérieuse avec un jeune homme de sa génération (Dick). Elle prend alors plaisir à liquider l‟une après l‟autre et l‟une par l‟autre les deux imago de père avec quoi elle s‟était amusée. Elle épouse son Dick et en attend un bébé. Telle est la « lecture clinique » du roman. Pour passer de cette structure profonde à la structure de surface constituée par le texte du roman, les bretelles sont faciles à rétablir, les transpositions étant suffisamment transparentes. Attachons-nous plutôt à scruter quelques épisodes du fantasturbaire de Lolita propres à éclairer la version féminine du pubertaire. 8 très consciencieux mémorialiste (very conscientious recorder) 1 a consigné 2 : Plus tard, j‟ai entendu un vacarme de portes claquées et autres cacophonies émanant des abîmes tempétueux où les deux rivales se crêpaient le chignon. Soulignons au passage le terme très explicite de rivales. En retournant trois pages en arrière, nous découvrons que cette rivalité remonte très loin, à la toute petite enfance de Lolita 3 : Elle n‟avait pas un an, je vous demande un peu, qu‟elle était déjà malfaisante (spiteful) et s‟amusait à jeter ses jouets hors de son berceau pour que sa mère ne cesse de les ramasser, l‟infâme bambine ! Nous apprenons au passage, incidemment et comme quelque chose allant de soi, que Lolita avait avec sa mère des bagarres routinières (routine row) 4. L‟explication ne tarde cependant pas à venir, placée dans la bouche de la mère 5 : Quelques épisodes remarquables Attardons-nous à quelques épisodes remarquables que je regrouperai en trois thèmes : les sentiments paroxystiques, les amours platoniques, et la sexualité fruste et immature. Le personnage le moins marqué dans le texte manifeste du roman est Mrs. Haze, la mère de Lolita. Pour un peu on oublierait que Lolita a une mère. C‟est avec cette mère que le récit débute, mais comme elle est éliminée au bout de quelques chapitres en passant sous les roues d‟une voiture, on finit par oublier son existence. Or c‟est là un personnage essentiel du fantasturbaire, d‟une part en tant qu‟initiateur de l‟intrigue, d‟autre part en tant que cible de sentiments paroxystiques exceptionnellement intenses de la part de Lolita. Cet aspect est souligné brièvement en deux ou trois passages du roman. Lolita s‟est mal conduite à table et sa mère lui a supprimé la baignade du lendemain à moins qu‟elle demande pardon. Elle n‟en fit rien, et voici ce que notre You see, she sees herself as a starlet ; I see her as a sturdy, healthy, but decidedly homely kid. This, I guess, is at the root of our troubles. Voyez-vous, elle se voit comme une starlette ; je la vois comme une enfant vigoureuse et saine, mais franchement banale. Voilà, j‟imagine, ce qui est à la source de nos querelles. Nous avons là à peu de frais une confirmation du fait que Nabokov s‟est saisi très exactement du moment où les conflits entre mère et fille se radicalisent, comme je le disais plus haut. Naturellement, puisque le roman épouse le point de vue de Lolita, il faut tout mettre sur le dos de la mère. Toute adolescente en est intimement convaincue. C‟est pourquoi le joli passage sui- 1 Lolita (I, 17) ; V : 72 ; Tf1 : 112 ; Tf2 : 139. Dans l‟avant-propos, John Ray Jr. le traite de « chroniqueur fou » (demented diarist). 2 Lolita (I, 11) ; V : 48 ; Tf1 : 73 ; Tf2 : 98. 3 Lolita (I, 11) ; V : 46 ; Tf1 : 70 ; Tf2 : 95. 4 Lolita (I, 15) ; V : 64 ; Tf1 : 99 ; Tf2 : 126. 5 Lolita (I, 15) ; V : 65 ; Tf1 : 100 ; Tf2 : 126. 147 me l‟extase du gueux (beggar’s bliss) 2. Humbert ne parvient pas à ses fins. Le « grand moment » une fois arrivé, c‟est tout autre chose qui a lieu 3 : vant me semble être un morceau directement détaché d‟une rêverie d‟adolescente 1 : Oh, elle détestait littéralement sa fille ! Le plus vicieux je pense est qu‟elle accédait à un état second en rédigeant avec empressement les réponses à un questionnaire inséré dans un livre inepte qu‟elle possédait (Un Guide de la Croissance de Votre Enfant), publié à Chicago. Cette bouffonnerie (rigmarole) se répétait d‟année en année, et maman était censée remplir une sorte d‟inventaire à chaque anniversaire de son enfant. Lors du douzième anniversaire de Lo, le 1 er janvier 1947, Charlotte Haze, née Becker, avait souligné les qualificatifs suivants, dix sur un total de quarante, dans la rubrique « La personnalité de votre enfant » : agressive, turbulente, critique, méfiante, impatiente, irritable, indiscrète, indolente, négative (souligné deux fois) et têtue. Elle avait tout bonnement ignoré les trente adjectifs restants, parmi lesquels gaie, serviable, énergique, et ainsi de suite. J‟avais imaginé que des mois, des années peutêtre, s‟écouleraient avant que j‟ose me dévoiler devant Dolores Haze ; or, à six heures elle était complètement éveillée et à six heures un quart nous étions techniquement amants. Je vais vous dire quelque chose de très étrange : ce fut elle qui me séduisit. « Techniquement » amants, qu‟est-ce exactement ? Avant de l‟apprendre une autre surprise nous attend. Nous avions cru jusque là, et l‟on ne s‟est pas fait faute de nous le faire croire, que Lolita est une nymphette, certes allumeuse, mais vierge, innocente, candide et pure. Soudain elle nous est présentée sans transition comme étant « totalement et irrémédiablement dépravée » (utterly and hopelessly depraved) 4. Que veut donc dire « techniquement amants » ? On va bientôt l‟apprendre par la théorie et par la pratique. La théorie repose sur deux axiomes 5 : À ces sentiments chauffés à blanc d‟un côté, correspondent de l‟autre côté des sentiments tout aussi paroxystiques mais avec une valence contraire. À la violence et à la rage de Lolita contre sa mère correspond la violence et la rage du désir concupiscent de son « beau » père pour elle. Pas la peine d‟y insister puisque tout l‟ouvrage y est consacré... Outre cette exacerbation des sentiments, il faut relever la nature platonique des amours pubertaires. C‟est là un point qui contraste avec le contenu très souvent salace des rêveries pubertaires. Cette apparente incohérence se manifeste en clair dans le texte même du roman où les deux attitudes contradictoires coexistent, et hantent parfois la même phrase. Il serait fastidieux d‟en faire le relevé. Contentons-nous de quelques curieux exemples. La délectation sexuelle de Humbert consiste dans son esprit à endormir Lolita avec un narcotique pour la contempler en paix, la caresser éventuellement, et atteindre ainsi ce qu‟il dénom1 1/ « Très bizarrement Ŕ et cela allait durer fort longtemps Ŕ elle considérait toutes les caresses à l‟exception des baisers sur la bouche ou de la fornication brute (stark act of love) comme “anormales” ou d‟une “sentimentalité à l‟eau de rose”. » 2/ « Tout ce que faisaient les adultes aux fins de procréation n‟était pas son affaire. » Avec une théorie si bien arrêtée, que peut signifier la « fornication brute » ? Cette pratique nous est décrite par le menu : La petite Lo manipula ma vie de manière énergique, terre-à-terre, comme si c‟était un gadget insensible déconnecté de moi. Naturellement, comme Nabokov pratiquait la langue de Molière, il faut substituer mentale2 Lolita (I, 11) ; V : 42 ; Tf1 : 65 ; Tf2 : 89. L‟extase du gueux est nommée par Lacan la jouissance de l‟idiot [18a]. 3 Lolita (I, 29) ; V : 132 ; Tf1 : 206 ; Tf2 : 240. 4 Lolita (I, 29) ; V : 133 ; Tf1 : 208 ; Tf2 : 242. 5 Lolita (I, 29) ; V : 133 ; Tf1 : 207-208 ; Tf2 : 241-242. Lolita (I, 19) ; V : 80-81 ; Tf1 : 125126 ; Tf2 : 153-154. 148 nent pas chez Dolly, ne forment pas, si je puis m‟exprimer ainsi, un... un ensemble harmonieux. » Ses mains encerclèrent un melon invisible l‟espace d‟un instant. ment mon vit à ma vie, et conclure que, dans la conception de Lolita, le rapport sexuel n‟est pas une copulation. Il se réduit à une caresse manuelle et/ou buccale donnée à un objet partiel. On peut noter incidemment que ce n‟est ni avec Humbert ni avec Quilty que Lolita pouvait avoir un rapport sexuel « normal ». L‟un s‟adonne à la volupté du gueux, l‟autre est impuissant 1. D‟autre part, Lolita elle-même ne prend pas une grande part aux ardeurs qu‟elle suscite 2. En tout cas, elle n‟a vibré pas une seule fois sous les caresses du narrateur, au point qu‟il la dénomma avec amertume « Ma Frigide Princesse » 3. Le dernier thème que je voudrais encore relever, celui de l‟immaturité sexuelle de Lolita, prolonge d‟une certaine façon le précédent consacré à sa sexualité fruste. Il appartient au chapitre le plus amusant du livre. Le dernier bulletin de Lolita ayant été lamentable, son « beau » père est convoqué par la directrice de l‟établissement, Miss Pratt. Avant d‟annoncer la couleur, Miss Pratt demande à Humbert s‟il n‟est pas par hasard un papa vieux jeu... Puis elle enchaîne 4 : Avant de commenter ce passage surprenant, citons un autre extrait de cette amusante entrevue où Miss Pratt fait de la psychologie : ... bref, on se demande tous si quelqu‟un de la famille a appris à Dolly les mécanismes de la reproduction chez les mammifères. Notre impression générale est que, malgré ses quinze ans, Dolly affiche une indifférence morbide envers les questions sexuelles ou, pour être exact, réprime sa curiosité afin de masquer son ignorance et de protéger son amourpropre. D‟accord Ŕ quatorze. Voyez-vous, Mr. Haze, Beardsley School ne croit pas aux abeilles et aux fleurs, aux cigognes et aux tourtereaux, en revanche elle croit très fermement à la nécessité de préparer ses élèves à s‟accoupler de manière mutuellement satisfaisante et d‟élever comme il faut les enfants. 5 On croit rêver, c‟est le monde à l‟envers ! Nabokov s‟est certainement beaucoup amusé à rédiger ce chapitre qu‟il se garde bien de citer parmi ses recoins favoris. Je regrette d‟ailleurs de ne pouvoir le citer en entier. Incontestablement il constitue un point névralgique du roman. C‟est aussi une oasis souriante au cours d‟un long récit plutôt oppressant. Évitons d‟abord de glisser sur la peau de banane placée adroitement sous notre pied. En tant que contempteur de la psychanalyse, Nabokov ne laisse pas d‟en être passablement informé. C‟est à la cuiller qu‟il nous fourre les stades oral, anal et génital. À un premier niveau de lecture, on veut donc nous faire gober que Lolita a une fixation orale, et qu‟elle oscille entre le stade anal et le stade génital. Mais Nabokov aurait beaucoup rigolé s‟il s‟était trouvé un psychanalyste pour entériner ce type de diagnostic, hélas fort courant chez certains confrères. Il en a été pour « Dolly Haze est une enfant charmante, dit-elle, mais les prémices de la maturation sexuelle semblent lui causer quelques problèmes. » Je courbai légèrement l‟échine. Que pouvais-je faire d‟autre ? « Elle continue d‟osciller », dit Miss Pratt, montrant comment avec ses mains couvertes de taches de vieillesse, « entre les zones anale et génitale de son développement. Elle est, pour l‟essentiel, une adorable... Ŕ Je vous demande pardon, dis-je, quelles zones ? Ŕ Voilà l‟Européen vieux jeu qui refait surface ! » s‟écria Pratt, m‟administrant une petite tape sur ma montre-bracelet et découvrant soudain sa dentition. « Je veux simplement dire que les pulsions biologiques et psychologiques Ŕ vous fumez ? Ŕ ne fusionLolita (II, 35) ; V : 298 ; Tf1 : 471 ; Tf2 : 518. Lolita (II, 7) ; V : 133 ; Tf1 : 287 ; Tf2 : 324. 3 Lolita (II, 3) ; V : 166 ; Tf1 : 259-260 ; Tf2 : 295. 4 Lolita (II, 11) ; V : 193-194 ; Tf1 : 304-305 ; Tf2 : 341-342. 1 2 5 149 Lolita (II, 11) ; V : 195 ; Tf1 : 307 ; Tf2 : 344. ses frais, peut-être parce que les psychanalystes ne lisent pas beaucoup... L‟autre passage me semble être comme on dit une vraie tranche de vie. Cette Lolita qui a une activité fantasmatique intense et débridée, est plutôt en retard par rapport à ses condisciples en matière d‟éducation sexuelle, au point qu‟on s‟en inquiète à l‟école. Ce paradoxe est courant, et la clinique nous en fournit de nombreux exemples. Ainsi, malgré les tripotages burlesques dans lesquels Nabokov se complait, il touche çà et là les bonnes cordes. 9 en rupture de ton avec le reste, même si l‟on a parfois l‟impression qu‟un je ne sais quoi arrive à transparaître timidement. Abordons par exemple le passage suivant 2 : Je me rappelle certains moments, appelons-les des icebergs au paradis, où après m‟être repu d‟elle Ŕ flasque et zébré d‟azur que j‟étais après avoir besogné de manière fabuleuse, insensée Ŕ, je l‟enveloppais dans mes bras en poussant, enfin, un sourd gémissement de tendresse humaine (sa peau luisant dans la lumière du néon qui arrivait de la cour dallée à travers les lattes du store, ses cils fuligineux tout emmêlés, ses graves yeux gris plus vides que jamais Ŕ l‟image parfaite d‟une petite malade encore hébétée par une drogue après une grave opération) Ŕ et la tendresse s‟approfondissait en honte et en désespoir, et je consolais et berçais dans mes bras de marbre Lolita ma seule lumière, et je gémissais dans ses cheveux tièdes, et je la caressais au hasard et sollicitais silencieusement sa bénédiction, et au paroxysme de cette tendresse humaine déchirante et désintéressée (mon âme littéralement cramponnée à son corps dénudé, toute prête à se repentir), tout d‟un coup, ironiquement, horriblement, le désir concupiscent s‟enflait de nouveau Ŕ « oh, non », disait alors Lolita en soupirant au ciel, et l‟instant d‟après la tendresse et l‟azur Ŕ tout était saccagé. L’ambiguïté entre tendresse & volupté Nabokov sait aussi traiter sérieusement les choses sérieuses. C‟est avec doigté et dextérité que la nature de la sexualité prépubère est dévoilée. Les paradoxes et les incohérences que j‟ai relevés nous préparent à ce dernier point. Il est exposé, avec un sens très sûr du pathétique, dans un chapitre de la fin du livre, et constitue à mes yeux un autre point névralgique que l‟auteur s‟est abstenu de signaler parmi ses recoins favoris. Ce chapitre pourrait être intitulé « examen de conscience », à la manière de Dostoïevski. La piste Dostoïevski nous est d‟ailleurs clairement et honnêtement indiquée en toutes lettres en un autre point névralgique du roman 1. Cette référence, pour qui sait du moins la décoder, signifie que Humbert Humbert est un homme du soussol. Souvenons-nous de cet incipit fabuleux : Conformément à notre option, ce n‟est pas le bonhomme qui nous intéresse, mais Lolita. Il suffit d‟avoir l‟oreille un peu fine pour entendre Lolita tout le long du livre pousser son « oh, non » en soupirant au ciel. De quoi s‟agit-il ? Le cours du chapitre, où les phrases font des méandres et des entrelacs savants, est des plus explicite, et il aurait suffi d‟y renvoyer si nous n‟avions pas pour objectif de mettre les points sur les i. L‟adolescente danse sur la lisière où imperceptiblement le langage de la tendresse flirte avec l‟ambiguïté sensuelle. À un âge beaucoup plus précoce, Ferenczi [11] a démontré les effets délé- Je suis un type malade. Un mauvais type. Repoussant, voilà qui je suis comme type. D‟une certaine manière, Lolita pourrait être intitulé : Notes d’un souterrain. Encore un coup, n‟oublions pas que Nabokov est né à SaintPétersbourg. La même atmosphère oppressante pèse sur les deux livres. Comme chez Dostoïevski, l‟examen de conscience n‟est pas non plus ici 1 Lolita (I, 17) ; V : 70 ; Tf1 : 109 ; Tf2 : 136. 2 150 Lolita (II, 32) ; V : 285 ; Tf1 : 450-451 ; Tf2 : 497. tères de la confusion de langue entre adultes et enfant. À la puberté, il ne s‟agit plus de confusion, mais d‟une ambiguïté sciemment Ŕ et parfois ardemment Ŕ recherchée entre tendresse et volupté. Cette ambiguïté est un caractère essentiel de la sexualité de l‟adolescente qui marquera définitivement sa féminité. Cela n‟est pas propre à la relation entre une adolescente avec un adulte. Même avec des partenaires de son âge, malgré les provocations les plus insistantes, il ne faut surtout pas aller plus loin. Un petit pas de plus et ce serait trop. L‟adolescente ne suit pas. Elle reste suspendue. Elle reste en attente [5]. Elle attend quelque chose, oui... mais ce n‟est pas ça. Cet aspect essentiel de la sexualité féminine, qui prend un relief saisissant à la puberté, a mérité d‟être frappé par Lacan en une formule borroméenne : « Je te demande de refuser ce que je t’offre parce que ce n’est pas ça » 1. perpétré sur la personne de Mrs. Charlotte Haze, la mère de Lolita, et un second crime parfait beaucoup plus affreux, un meurtre d‟âme, perpétré cette fois sur Lolita. Or, si nous allons au terme de son récit, nous sommes surpris de retrouver cette Lolita, soi-disant sauvagement meurtrie, en très bonne santé à la fois physique et morale. C‟est une jeune fille mariée au jeune homme qu‟elle aime et dont elle porte l‟enfant. Si Lolita avait été ce qu‟on appelle en allemand un Bildungsroman, un roman d‟apprentissage, ce serait là le couronnement d‟une éducation parfaite, telle que la Beardsley School de Miss Pratt en aurait été tout à fait fière. Maintenant, si nous reprenons le livre par l‟autre bout, par son avant-propos, nous apprenons que notre scribe est déjà décédé de la rupture d‟un anévrisme. C‟est au point que si nous avions affaire à une intrigue policière, le livre aurait pu s‟intituler : Mon propre meurtre, avant que le titre ne soit pris [9]. Le crime parfait, si crime parfait il y a, ce serait plutôt Lolita qui devrait en être soupçonnée. Après tout, c‟est bien à elle que profite le crime. C‟est à elle que profitent les trois décès successifs, celui de sa mère (Mrs. Haze) maquillé en accident de la circulation, celui de l‟ami de la famille (Quilty) tué par Humbert, et celui de son « beau » père (Humbert) qui se supprime luimême par une rupture d‟anévrisme. Humbert n‟est donc un scribe qu‟à titre posthume. Cette dernière qualité trahit le dessous des cartes. Car, en tant que scribe, il assume une fonction narrative qui n‟est autre que l‟écriture du fantasturbaire de Lolita. On le croyait le meurtrier de son âme, et il se révèle qu‟il n‟est que la victime des fantaisies libidinales de Lolita. C‟est un coup de génie que Nabokov lui eût fait assumer par condensation, comme dans l‟élaboration du rêve, une triple fonction : celle de III. Conclusions 10 Le scribe du crime parfait Est-il trop injuste d‟avoir écarté le dénommé « Humbert Humbert » de notre horizon de pensée ? Si c‟est bien une injustice, essayons de la réparer. Qui est Humbert ? Il le dit lui-même : c‟est un homme de lettres et un très consciencieux mémorialiste. Autrement dit un scribe. Que consigne-t-il ? La relation d‟un crime parfait et même d‟un double crime parfait. Il se trouve, certes, en prison pour être jugé du meurtre qu‟il a commis sur la personne d‟un autre homme de lettres, le dramaturge Clare Quilty. Mais ce n‟est que la partie apparente de l‟iceberg. En tant que scribe, il nous raconte un premier crime parfait 1 LACAN : Le Séminaire Ŕ Livre XIX : ... ou pire (1971-1972), séance du 9 février 1972. Séminaire inédit. Repris in [18b]. 151 meurtrier, celle de victime, et celle de scribe. On ne peut que lui tirer notre chapeau. 11 sans le savoir, au bénéfice d‟un autre, pour la jouissance duquel il exerce son action de pervers. » [6]. Cet autre étant ici Lolita. Les Lolitas échappent à la justice pénale parce qu‟elles ne sont pas coupables ; cela ne veut pas dire qu‟elles soient innocentes. Les appâts et tout l‟arsenal de la séduction féminine, y compris les provocations sous toutes leurs formes, ne sont nulle part considérés comme des armes offensives. On peut dire en jouant à peine sur les mots que les Lolitas pèchent en eau trouble. C‟est même leur spécialité. Elles manient avec dextérité un miroir aux alouettes où de pauvres diables de pervers se laissent prendre avec plaisir... mais non sans de lourdes peines ! Humbert (ou Nabokov) nous décrivent fort bien cette chasse à l‟homme 4 : Le pervers est-il vraiment un pauvre diable ? Il est arrivé un jour à Freud de dire que les pervers sont de pauvres diables 1 : In Wahrheit sind die Perversen eher arme Teufel, die außerordentlich hart für ihre schwer zu erringende Befriedigung büßen. En vérité, les pervers sont plutôt de pauvres diables, qui expient d‟une façon extraordinairement dure une satisfaction qu‟ils conquièrent difficilement. Rien ne pourrait lui donner autant raison que les malheurs de Humbert. À des moments fugitifs, qu‟il faut saisir au vol, Humbert expose parfois son cœur à nu dans un lambeau de phrase comme ceux-ci : Je savais, bien sûr, que ce n‟était qu‟un jeu innocent de sa part, un bout de pitrerie en queue de poisson imitant quelque simulacre d‟idylle feinte, et comme (ainsi que vous le dira le psychothérapeute [psychotherapist], aussi bien que le violeur [rapist]) les limites et les règles de ces jeux de petite fille sont fluides, ou du moins d‟une subtilité trop enfantine pour que le partenaire adulte les saisisse Ŕ j‟avais affreusement peur d‟aller trop loin et de la voir reculer en un sursaut de répulsion et d‟effroi. Ŕ « ... de l‟extase escomptée, il n‟allait rien résulter d‟autre que de la souffrance et de l‟horreur. » 2 Ŕ « ... le regard concupiscent est morose ; la volupté n‟est jamais assurée... » 3 Suivons cette piste à la trace. On a vu que le rôle essentiellement dévolu à Humbert est une fonction narrative, celle de scribe du fantasturbaire de Lolita. Or, il arrive que des êtres en chair et en os veuillent assumer ce rôle dans la vie quotidienne. On les nomme justement des « pervers ». Il en existe, on en rencontre. Leur statut n‟en demeure pas moins le même que celui dévolu au scribe de Lolita : ce sont des victimes consentantes qui se plaisent au service de leurs maîtres. Ils se font l‟objet de la jouissance de l‟autre. La définition du pervers que j‟ai avancée en m‟inspirant de Lacan se vérifie ici : « Le pervers occupe lui-même la place de l‟objet, mais Le psychologue et le violeur, mis ici avec adresse et à juste titre dans le même sac, sont gens à noyer le poisson. Leur botte secrète à tous deux est de tirer parti du halo d‟incertitudes dont ils enveloppent la notion d‟inceste [4]. Humbert, naturellement, ne se fait pas faute de le faire explicitement, à quatre reprises si j‟ai bien compté 5. Pourtant le code pénal de tous les pays du monde sanctionne dans un chapitre spécial les attentats contre des mineurs, quelle qu‟en soit la nature. Pas besoin de casuistique : malheur à qui s‟engage sur la pente glissante... FREUD : (1916-1917) Leçons d’introduction à la psychanalyse, 21e conférence, GW, 11 : 333 ; SE, 16 : 321 ; OCF, 14 : 332. 2 Lolita (I, 28) ; V : 125 ; Tf1 : 194 ; Tf2 : 228. 3 Lolita (I, 28) ; V : 125 ; Tf1 : 195 ; Tf2 : 229. 1 Lolita (I, 27) ; V : 113 ; Tf1 : 176 ; Tf2 : 207. Lolita (I, 19, 23, 27 & II, 32) ; V : 80, 101, 119, 287 ; Tf1 : 125, 157, 187, 454 ; Tf2 : 153, 187, 219, 501. 4 5 152 Comme disaient si bien les stoïciens : sustine et abstine Ŕ endure (leur charme) et abstiens-toi ! Malgré la vigoureuse dénégation de Nabokov 1, c‟est bien le suave John Ray Jr. qui a parfaitement raison 2 : Énumérons les conditions principales du pubertaire spécifiquement féminin : 1/ Le coup d‟envoi est le rapport de la fille à sa mère. Ce rapport est à placer sous le signe du ravage, et il prend la suite d‟un lourd contentieux. [Lolita is] a tragic tale tending unswervingly to nothing less than a moral apotheosis. [Lolita est] une histoire tragique qui tend sans relâche à rien de moins qu‟à une apothéose morale. 12 2/ Le conflit entre mère et fille s‟aiguise quand l‟une est une aurore naissante tandis que l‟autre est à son Zénith. Il atteint son acmé quand la puberté de l‟une coïncide avec la ménopause de l‟autre. 3/ La nymphette sortant de la chrysalide traîne un lourd passé. Jusque là elle avait été constamment perdante et constamment envieuse. Elle n‟avait espéré que pour être détrompée. Vis-à-vis des garçons, elle n‟a pu être tout au plus qu‟un garçon manqué. Vis-à-vis des femmes elle est dépourvue des attributs du sexe. Et c‟est sa mère qu‟elle rend responsable de ces préjudices. En résumé Récapitulons. 1/ J‟ai proposé de voir dans Lolita une description judicieuse du fantasturbaire féminin, cette pièce maîtresse de l‟adolescence, à cheval sur le pubertaire et les processus adolescens. 2/ Pour accéder à cette description, il faut aller prospecter l‟infrastructure qui sous-tend le roman. Deux approches se sont présentées : scruter les craquelures de la façade du texte, et demeurer attentifs aux jeux de rôles distribués aux différents niveaux de l‟énonciation. Ces points de méthode ont fait l‟objet de la première partie de cette étude. 4/ Tout bascule pour elle à la puberté avec une relative soudaineté. C‟est l‟heure de la revanche et des représailles. Le regard subjugué des hommes la venge du mépris des garçons ; la jalousie des femmes sur le retour la venge de leur arrogance passée. D‟envieuse elle tourne en despote. 5/ Le « fantasturbaire » se met en place au cours d‟une réinvention du complexe d‟Œdipe alors que les sentiments sont exacerbés jusqu‟au paroxysme. La fantaisie favorite évolue en deux temps. Dans un premier temps la mère succombe dans la lutte et est sauvagement éliminée, tandis que le père se rend et devient esclave. Dans un second temps, le père lui-même est liquidé, et dégage la voie au prince charmant. 3/ C‟est alors que, dans la deuxième partie, le travail clinique pouvait s‟amorcer, avec comme fil directeur le présupposé que tout le roman n‟est rien d‟autre que la fantaisie pubertaire de Lolita, le condensé de ses rêveries diurnes, dont Humbert n‟est que le scribe. Un certain nombre de leçons se dégagent de cette exploration, qui montrent à l‟évidence que le pubertaire féminin diffère profondément du pubertaire masculin, Ŕ lequel avait fait l‟objet d‟une exploration méthodique antérieure [3]. 6/ Une série de paradoxes balisent le pubertaire féminin tout comme le pubertaire masculin. Des amours platoniques coexistent avec des explorations salaces et une immaturité sexuelle. Générosité et cynisme. Sentimentalisme et pragmatisme. Naïveté et roublardise. Innocence et dépravation. Effronterie et timidité. Audace et honte. Bonté et méchanceté... Lolita (postface) ; V : 314 ; Tf1 : 496 ; Tf2 : 207. « Despite John Ray‟s assertion, Lolita has no moral in tow » / « Malgré ce que déclare John Ray, Lolita n‟a pas de morale en remorque ». 2 Lolita (avant-propos) ; V : 5 ; Tf1 : 7 ; Tf2 : 26. 1 153 AZAR, Amine [1] (1997) : « Le bon usage du “matrimoine” en psychopathologie », in Adolescence, printemps 1997, tome 15, n°1, fascicule n° 29, pp. 287-298. [2] (2000) : « Le style d‟Emily Brontë », in ’Ashtaroût, cahier hors-série n° 3, septembre 2000, pp. 6-12. [3] (2002b) : « Malèna... ou le fantasturbaire de Renato & Giuseppe », in ’Ashtaroût, cahier hors-série n° 5, décembre 2002, pp. 46-59. [4] (2003) : « L‟inceste est-il concevable ? », in ’Ashtaroût, bulletin volant n° 2003∙0726, juillet 2003, 23 p. (À paraître in ’Ashtaroût, cahier hors-série n° 7, fév. 2006, pp. 121-145) [5] (2004a) : « Que veut la femme ? Ŕ À propos de la phénoménologie de l‟attente », in ’Ashtaroût, bulletin volant n° 2004∙0918, septembre 2004, 5 p. (Ici même, pp. 6-9) [6] (2004b) : « Les perversions sexuelles au regard de la sexualité féminine », in ’Ashtaroût, bulletin volant n° 2004∙0925, septembre 2004, 6 p. (Ici même, pp. 10-14) Néanmoins, un dernier paradoxe se manifeste d‟une manière très aiguë seulement au cours du pubertaire féminin, c‟est la confusion entre le langage de la tendresse et celui de la sensualité. Chez les garçons ce qui est le plus courant c‟est plutôt la non confluence voire le clivage entre les deux courants [13], et non pas leur confusion. 7/ L‟adolescente danse sur la lisière où imperceptiblement le langage de la tendresse flirte avec l‟ambiguïté sensuelle. Malheur à celui qui, à l‟instar de Humbert, glisse de l‟autre côté... 13 AZAR, Sandra [7] (2005) : « Pour une nouvelle révision de la théorie de la séduction à partir de la séance de maquillage », in ’Ashtaroût, bulletin volant n°2005∙1114, nov. 2005, 15p. (À paraître in ’Ashtaroût, cahier hors-série n° 7, fév. 2006, pp. 148-159) Pour terminer Pour finir, un point essentiel mérite d‟être soulevé. Dans Lolita, Nabokov ne couvre pas tous les aspects de l‟adolescence, loin s‟en faut. En particulier, il préserve béant le hiatus entre le moment premier, celui de la nymphette, et le point terminal, celui de la maturité, représenté dans le roman par une femme qui attend un enfant de l‟homme qu‟elle aime. N‟ayant apparemment pas grand chose à dire de ce passage, Nabokov le saute. Le moment premier est décrit attentivement à travers la sexualité phallique de Lolita. En tant que nymphette, celle-ci n‟est pas intéressée par la reproduction des mammifères, pas plus que par ce que font les adultes aux fins de procréation. En pratique, seuls les baisers sur la bouche lui importent et ce qu‟elle appelle fornication brute, laquelle se ramène à une simple manipulation de l‟organe masculin. La complémentarité des sexes [15a] est hors de son concernement. Nabokov laisse cette évolution de côté, ne la mentionnant qu‟à la fin du roman en évoquant son résultat. Mais il est vrai que nos manuels classiques décrivent ces processus-là en détail [15][16]. BROWN, Roger [8] (1959) : « Recension de la Lolita de Nabokov », repris in Psycholinguistics, selected papers, New York, Free Press, 1970, pp. 370-376. (Trad. franç. ici même, pp. 131-135) COUSIN, Michel [9] (1960) : Mon propre meurtre, Paris, Presses de la Cité, 191 p. DOSTOÏEVSKI, Fédor Mikhaïlovitch (1821-1881) [10] (1864) : Notes from underground, translated and edited by Michael R. Katz, New York, Norton Critical Edition, 11989, ²2001, in-8°, XIV+258 p. [Trad. franç. in Folio, Livre de Poche, GF-Flammarion...] FERENCZI, Sándor [11] (1933) : « Confusion de langue entre les adultes et l‟enfant : le langage de la tendresse et de la passion », trad. franç. in Psychanalyse 4, Paris, Payot, 1982, pp. 125-135. FREUD, Sigmund [12] (1900a) : Traumdeutung / L’Interprétation du rêve, OCF, tome IV. Ŕ Élaboration secondaire, pp. 539sqq. [13] (1912d) : « Du rabaissement généralisé de la vie amoureuse », OCF, 11 : 129-141. [14] (1916-1917) : Leçons d’introduction à la psychanalyse, OCF, 14. GUTTON, Philippe [15] (1991) : Le Pubertaire, Paris, PUF. (a) Chap. 1er. [16] (1996) : Adolescens, Paris, PUF. LACAN, Jacques [17] (1973) : « L‟étourdit », in Scilicet, n°4, Paris, Seuil, 1973, pp. 5-52, (cf. p. 21) ; repris in Autres Écrits, Paris, Seuil, 2001, pp. 449-495, (cf. p. 465). 154 [18] [19] LE SEMINAIRE Ŕ Livre XX : Encore (1972-1973), Paris, Seuil, 1975, in-8°, 139 p. (a) Jouissance de l‟idiot, pp. 75 & 86. (b) Formule : « Je te demande de refuser... », p. 101. (1975) : « Conférences et entretiens dans des universités nord-américaines », in Scilicet, n°6/7, Paris, Seuil, 1976, pp. 5-63. Ŕ (Cf. p. 14.) 1958 1959 2001 2005 LESSANA, Marie-Magdeleine [20] (2000) : Entre mère et fille : un ravage, Paris, Pauvert. 1re éd. américaine publiée par Putnam, New York. Tf1 → Trad. franç. d‟Eric H. Kahane. Réédition, Paris, Livre de Poche n° 958-959, 1963, 501 p. Tf2 → Trad. franç. de Maurice Couturier. Réédition, Paris, Gallimard, Folio n°3532, 2004, 553 p. V → 50th Anniversary Edition, New York, Vantage Books, a division of Random House, 317p. SAMAHA, Paola [21] (2002) : « Le pubertaire foudroyé de la Princesse de Clèves », in ’Ashtaroût, cahier hors-série n°5, déc. 2005, pp. 62-67. NABOKOV, Vladimir (1899-1977) 1955 Lolita, éd. orig. publiée à Paris par Olympia Press. ﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋﻋ e-mail : [email protected] ’Ashtaroût Cahier hors-série n° 6 (décembre 2005) ~ Matriochkas & autres Lolitas / La Chambre des enfants, pp. 154-166 ISSN 1727-2009 Melanie Klein (1936) Le sevrage MELANIE KLEIN (1936) : « Weaning », repris in The Writings of Melanie Klein, vol. I, 1975, pp. 290-305, et note explicative pp. 434-435. Traduction française établie par Sandra Azar, revue avec Amine Azar & rewritée avec Laurence Klein. On y a surtout cherché la simplicité et l‟élégance. La segmentation, les titres et les inter-titres sont le fait de la rédaction. On a également ajouté quelques notes et une bibliographie. 17. 18. 19. 20. 21. 22. 23. 24. 25. 26. 27. I. Le cadre théorique 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. La première gratification L‟activité mentale la plus primitive Projection & introjection Objets partiels & objet total Stimuli & premières coordinations corporelles « Bon » & « mauvais » sein Le sadisme La culpabilité Réparation & cadeaux Phantasme & réalité NOTE EXPLICATIVE des éditeurs anglais Il s‟agit ici de la contribution de Melanie Klein à un cycle de conférences publiques données par des psychanalystes. Cette série de conférences a été publiée en 1936 dans un petit livre Sur la Manière d’élever les enfants (On Bringing up children). En 1952, lors de la parution de la seconde édition, Melanie Klein a ajouté une préface et une postface. Initialement, dans « Les principes psychologiques de l’analyse précoce » (1926), Melanie Klein avait décrit le sevrage comme un traumatisme inaugurant le complexe d‟Œdipe, considérant que la frustration infligée par la mère nourricière détournait l‟enfant d‟elle et le tournait vers son père. Plus tard, dans son étude intitulée « Une contribution à la psychogenèse des états maniacodépressifs » (1935), étude où elle a exposé sa théorie II. Le sevrage 11. Perte, frustration & privation 12. La petite Rita III. La mère suffisamment bonne 13. 14. 15. 16. Sevrage du pouce & masturbation L‟apprentissage de la propreté Le nursage Favoriser l‟autonomie de l‟enfant Ne pas chercher à accélérer sa croissance Développement sexuel & séduction Faire dormir le bébé dans sa chambre Comment pratiquer le sevrage du sein Les bébés n‟ayant pas été allaités Sur l‟échec d‟une adaptation véritable « Weaning from » & « weaning to » Un bon contact Patience & compréhension L‟intervalle entre les prises alimentaires L‟usage de la tétine 155