L`éducation de demain : Conférence de Jean
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L`éducation de demain : Conférence de Jean
Jean Marie PETITCLERC L'EDUCATION DE DEMAIN Conférence prononcée à l'UNESCO, le 23 septembre 2013 Je suis à la fois très heureux et très honoré de venir partager avec vous quelques réflexions sur l'éducation de demain, tant je sais qu'il y a parmi vous des personnes plus expertes que moimême. Mon propos aura une triple inspiration : 1 – En premier lieu, celle liée à mon expérience éducative Voilà trente cinq ans que je travaille en qualité d'éducateur spécialisé auprès d'adolescents en difficultés, majoritairement domiciliés dans les quartiers qualifiés de sensibles. Et puisque la spécificité du discours de l'éducateur réside à mes yeux dans l'articulation avec son champ de pratique, permettez-moi deux mots de brève présentation de l’association Le Valdocco, que je dirige. Cette association a été créée en 1995 à Argenteuil, sur le quartier emblématique dit de « la Dalle », à partir de l’initiative d’un collectif d’habitants, inquiets pour le devenir de leurs enfants dans le contexte d’une cité qui avait été traumatisée par la violence des émeutes urbaines du début des années 90. À Argenteuil, le Valdocco ce sont deux équipes de prévention spécialisée qui œuvrent sur quatre cités sensibles de la ville, un centre d’accueil de jour pour adolescents dits « décrocheurs » et un institut de formation professionnelle, l’Institut de Formation aux Métiers de la Ville, spécialisé dans la question de la médiation sociale. En 2005, nous avons ouvert une antenne à Lyon, et le Valdocco Grand Lyon, ce sont, là encore, deux équipes de prévention qui travaillent sur deux cités de Lyon V°, et deux cités de Vaulx-en-velin, un atelier-chantier d’insertion et un foyer d’adolescents en grandes difficultés, habilité par le Ministère de la Justice, qui comporte un petit internat et un centre d’accueil de jour. Une troisième antenne du Valdocco a été ouverte à Nice en septembre 2012, spécialisée dans les questions posées par le décrochage scolaire. La plus grande difficulté de ces jeunes accompagnés par le Valdocco réside, à mes yeux, dans le fait qu’ils circulent tous les jours dans trois lieux, porteurs d’une culture différente : la famille, qui reste marquée par les traditions du pays d’origine ; l’école, inscrite dans la tradition républicaine ; la rue, elle aussi porteuse de valeurs (je citerai en premier lieu un certain sens de l’honneur) et de codes de communication, dans le registre du langage et de la violence. Et la différence entre un jeune inscrit et un jeune en voie de marginalisation peut se mesurer à l’aune du temps passé dans la rue. Pour le premier, celle-ci est un lieu de circulation ; pour le second, un lieu de stagnation, de résidence. Il y passe beaucoup de temps et se laisse imprégner par ses valeurs. Dans chacun de ces lieux, des adultes sont, qu’on le veuille ou non, porteurs de repères pour les plus jeunes : les parents en famille, les enseignants à l’école, les grands dans la rue (on sait le poids de l’influence des plus grands sur les adolescents). Et chacune de ces catégories d’adultes, qui fait référence pour l’enfant, passe le plus clair de son temps à discréditer les deux autres. Les enseignants parlent de parents démissionnaires et des voyous de la rue ! Les parents reprochent aux enseignants de ne plus savoir faire leur travail correctement et craignent les mauvaises influences de la rue. Et les grands de dire : « De toute façon, que tu travailles ou non, tu es dans un collège sans avenir (et il est vrai que le fossé s’est creusé entre les collèges de Zone d’Education Prioritaire et ceux du centre ville), et tu sais, tes vieux sont d’une autre génération, ils ne comprennent plus rien à rien ! » On comprend alors, dans un contexte marqué par une telle incohérence, combien la transmission des repères, des limites est difficile pour la jeune génération. Aussi, au Valdocco, tentons-nous de mettre en place une approche globale de l’enfant et de l’adolescent, en le rejoignant dans chacun de ces trois champs : - celui de la rue, grâce aux actions d’animation de rue, menées par l’équipe éducative sur les places auprès des enfants ne fréquentant pas les structures du quartier, et le travail de rue mené auprès des adolescents qui squattent les cages d’escalier, dans le cadre d’un agrément de prévention spécialisée ; - celui de l’école, par le service d’accompagnement éducatif et scolaire, qui assure soutien dans la scolarité et médiation famille / école ; - celui de la famille, l’association étant agréée dans le dispositif Réseau d’Ecoute, d’Appui et d’Accompagnement des Parents. Nous animons des groupes de parole de parents, souvent débordés par le comportement de leurs enfants et de leurs adolescents, et leur permettons d’échanger et de s’interroger sur la pertinence de leurs réponses. Nous gérons également un service de médiation familiale. Le maître mot de l’action éducative menée est celui de la médiation : créer des liens entre les différents adultes qui cheminent auprès de l’enfant. Car le premier droit de l’enfant, à l’orée du XXI° siècle, n’est-il pas celui de la cohérence des adultes qui l’accompagnent sur son chemin de croissance ? 2 – En deuxième lieu, celle du sociologue qui, comme vous le savez, a beaucoup travaillé auprès du politique, puisqu'à côté de mon expérience de terrain, j'ai travaillé dix ans comme conseiller d'un député-maire, Pierre Cardo, maire de Chnteloup-les-vignes, dix ans comme conseiller auprès du président du Conseil Général des Yvelines, Franck Borotra, et plus récemment, comme conseiller du ministre du logement et de la ville, Christine Boutin. Mon travail était continuellement centré sur la question des politiques de la jeunesse à mettre en œuvre dans les quartiers qualifiés de sensibles. 3 – En troisième lieu, celle liée à l’héritage pédagogique de Jean Bosco, fondateur de la congrégation à laquelle j’appartiens. Il peut paraître étonnant qu’un éducateur du XXIème siècle se réfère à un pédagogue du ème XIX , tant la situation socio-économique de notre Europe d’aujourd’hui est différente de celle d’alors. Mais nos deux époques ont en commun de connaître d’importantes mutations sociétales. Au temps de Don Bosco, on passait d’une société rurale et paysanne à une société urbaine et industrielle. Aujourd’hui, nous passons d’une société industrielle et libérale à une société que les économistes qualifient de post-industrielle et néo-libérale. Nous assistons à une véritable mutation sociétale, et chaque fois que la société a traversé une telle période, nous assistons à des phénomènes de turbulences de la jeunesse. C’était vrai à l’époque de Don Bosco dans les faubourgs de Turin, et c’est vrai aujourd’hui, en particulier dans les quartiers qualifiés de sensibles. Dans un tel contexte, Don Bosco était porteur de deux intuitions, tout à fait pertinentes pour notre aujourd’hui. La première résidait dans le fait, selon lui, que lorsque la confiance s'estompe dans les grandes institutions (de son temps, il s'agissait des institutions liées à la monarchie, aujourd'hui, il s'agit des grandes institutions républicaines), la capacité à transmettre était plus liée à la qualité de la relation adulte-jeune plutôt qu'à la qualité organisationnelle d'un système institutionnel. Aussi nous légua-t-il toute une pédagogie centrée sur la qualité de la relation éducative. Il entrevoyait déjà que l'autorité serait de moins en moins liée au statut de celui qui l'exerce, mais de plus en plus à sa crédibilité. Voilà pourquoi j'aime dire aux politiques d'aujourd'hui que nous assistons moins à une crise de l'autorité qu'à une crise de crédibilité des porteurs d'autorité. Sa deuxième intuition, c'était de décoder les phénomènes de violence qu'il observait déjà dans les faubourgs des grandes villes comme symptôme de la faillite du système éducatif. Car, n’oublions pas que la violence constitue en fait la manière la plus naturelle de gérer le conflit. Tous les scénarios d’enfants sauvages ne sont-ils pas des scénarios d’enfants violents ? Ce qui est loin d’être naturel, mais est le fruit de l’éducation, c’est la convivialité et la paix, l’établissement d’une relation respectueuse vis-à-vis de celui qui est différent. Comme le souligne André Comte-Sponville, « Penser la violence, ce n’est pas s’étonner qu’elle existe, puisqu’elle est naturelle, au moins pour une part, et inévitable : c’est s’étonner qu’elle recule parfois, pour laisser place à la paix, à la concorde, à la douceur1… » Bien des parents, des instituteurs, des animateurs m’interpellent en affirmant que les enfants d’aujourd’hui sont de plus en plus violents, et de plus en plus tôt. J’aime leur répondre que le bébé du XXIème siècle ne naît pas plus violent que celui du XXème.” Dans un collège, où sont rassemblés plusieurs centaines d’adolescents, ce n’est pas tant l’observation de phénomènes de violence qui, en soi, est étonnant : chacun veut affirmer sa personnalité, et bien souvent imposer ses désirs, ses volontés, à moins qu’il ne s’agisse de masquer ses peurs. Par contre, c’est l’instauration d’un climat convivial et pacifique qui n’est pas naturelle : elle est le fruit de l’éducation. Autrement dit, ce problème de la violence des jeunes, si médiatisé aujourd’hui dans notre société, n’est pas d’abord à considérer comme un problème de jeunes, ainsi que je l’entends dire trop souvent. Il s’agit en fait d’un problème d’adultes. La véritable question à se poser est celle-ci : comment se fait-il que notre génération d’adultes rencontre plus de difficultés que celle d’hier à apprendre à la jeune génération à gérer son agressivité et à réguler sa violence ? N’est-ce pas en effet aux adultes qu’il incombe d’apprendre à l’enfant à maîtriser son agressivité, afin qu’elle ne se transforme pas en violence ? Le problème central, c’est celui de l’éducation. Telle fut l’intuition de Jean Bosco, ce prêtre éducateur dans le Turin du XIXème siècle, qui sut décoder les phénomènes de violence qu’il observait dans les faubourgs de la ville comme symptôme de la faillite du système éducatif. Et aux autorités italiennes d’alors qui disaient « ces jeunes, venus des campagnes, développent en ville des comportements délinquants, une seule solution : enfermons-les ! », il répondait « leur violence est le signe de notre faillite éducative : une seule solution, tous ensemble retroussons les manches et éduquons-les. » Et j’aime souvent rappeler la pointe du discours qu’il tint en France, lors de son voyage triomphal en 1883, « Ne tardez pas à vous occuper des jeunes, sinon ils ne vont pas tarder à s’occuper de vous ! » Mais, venons-en à notre thème : « L’éducation de demain ». Je voudrais commencer par évoquer brièvement les grandes mutations que traversent nos sociétés aujourd’hui, et qui changent la donne sur le plan éducatif. Dans un deuxième temps, nous nous arrêterons sur l’importance du phénomène du décrochage scolaire. Il ne suffit pas pour un pays de financer son système scolaire pour que le problème de la transmission soit résolu. Cette réflexion nous permettra, dans un troisième temps, de dégager quelques objectifs qui me paraissent prioritaires pour l’éducation de demain. I – UN CONTEXTE DE MUTATION S’il est un mot qui caractérise notre époque, c’est celui de crise. Mais ce que l’on appelle crise n’est pas seulement un événement conjoncturel. Car une crise qui dure depuis 40 ans, ce n’est pas une crise, c’est une mutation. Et celle-ci n’est pas uniquement d’ordre économique, elle est aussi, et peut-être surtout, d’ordre culturel et social. On peut parler d’une véritable mutation sociétale, car ce ne sont pas seulement nos structures de production qui sont en jeu, mais aussi nos modèles de consommation, d’habitat, notre rapport à l’espace, à la nature, au temps, nos formes de vie sociale, culturelle, familiale. Aussi la crise peut-elle être lue, pour reprendre une expression de Jacques Attali, comme « bruit entre le présent et l’avenir »2. Elle est à lire comme passage d’un ordre à un autre, d’un monde qui n’en finit pas de mourir à un monde qui émerge, et dont on voit aujourd’hui les germes. Ainsi que le pressentait Edgar Morin dès 1975, « c’est la dislocation, l’atrophie, la fissuration, voire la décomposition à la fois d’un monde qui n’arrive pas à mourir, d’un monde qui 1 Intervention de A. Comte-Sponville au colloque « La violence est-elle un accident ? » organisé par l’Institut Européen des Cynidiques les 20 et 21 novembre 1997 à la Sorbonne. 2 J.ATTALI – Les trois mondes – Fayard 81 p. 52 n’arrive pas à naître. D’où cet état hybride ambigu, incertain, non décisif, état mixte que l’on peut appeler dans ce sens intermédiaire : Moyen-Age. »3 1 . Cinq mutations Cinq grandes mutations, selon J.C. Guillebaud, « se mêlent et invisiblement se conjuguent.» 4 La première, d’ordre géopolitique, consiste en un décentrement du monde. A la confrontation Est/Ouest qui structurait la planète depuis le début du XXème siècle, succède un monde polycentré qui voit émerger de nouvelles puissances. Alors que pendant quatre siècles, la marche de l’Histoire semblait gouvernée par un centre, l’Occident, qui dominait, avec la prétention de civiliser la périphérie, le centre de gravité glisse aujourd’hui vers l’Asie. La deuxième mutation, d’ordre économique, se nomme mondialisation. L’économie de marché, jusqu’alors parquée dans les enclos des Etats Nations, s’est libérée de toute attache, obéissant à un seul principe, le profit. La troisième mutation, d’ordre biologique, se nomme révolution génétique. Voici que, pour la première fois dans l’histoire, elle donne aux hommes la possibilité d’agir directement sur les mécanismes de la vie. Cette mutation, riche de promesses (thérapie génique, pouvoir de donner la vie accordé à ceux qui en étaient privés, …) est aussi lourde de menaces (eugénisme, clonage, …). La quatrième mutation, d’ordre technologique c’est la révolution numérique, qui n’est aujourd’hui qu’à ses débuts. Elle révolutionne le champ de la communication, permettant à tous les humains de communiquer entre eux et d’avoir accès à la quasi-totalité de la connaissance disponible. Elle révolutionne en particulier le champ éducatif, le bouleversement étant encore plus important que celui de l’apparition de l’imprimerie. Enfin, dernière mutation, celle de la prise de conscience écologique. Avec le réchauffement climatique, la ruine de la biodiversité, l’accaparement de l’eau potable, l’empoisonnement des océans, un seuil critique a été franchi et un degré d’urgence atteint. L’homme ne pourra jamais plus penser sa présence dans le monde comme par le passé. C’est dans un tel contexte que grandissent les jeunes d’aujourd’hui, fils et filles d’un temps bien différent de celui où leurs éducateurs ont grandi. Et toutes les institutions éducatives sont traversées aujourd’hui par une véritable crise de la transmission. L’éducation ne peut plus être pensée comme hier. 2 . Trois changements Si, à la lumière des éléments précités, nous réfléchissons à ce qui caractérise le contexte dans lequel les jeunes grandissent aujourd’hui, je crois qu’on peut le comparer à celui de la Renaissance, pour reprendre une thèse développée dans le dernier essai de Jean Louis Servan Schreiber, préfacé par Edgar Morin, et intitulé Aimer (quand même) le XXIème siècle.5 Nous assistons à trois grands changements, qui ont de grands retentissements sur l’éducation. Un changement de vision du monde A la renaissance, Copernic annonce que la terre n’est pas le centre de l’univers, et Christophe Colomb découvre le Nouveau Monde. L’enseignement dispensé jusqu’alors vacille sur des bases en voie d’effondrement. Aujourd’hui, la mondialisation rend obsolète la conception des relations entre nations. L’Occident a perdu sa place centrale, un glissement s’effectuant de manière irrésistible vers l’Asie. Pour bien des jeunes, le patriotisme semble, dans un tel contexte, une valeur dépassée. La prise de conscience écologique contribue au développement de la notion de « citoyen de la planète». 3 E.MORIN – L’esprit du temps 2 : Nécrose – Grasset 75 p.262-263 J.C. GUILLEBAUD – Une autre vie est possible – L’Iconoclaste 2011 p.123 5 J.L. SERVAN SCHREIBER - Aimer (quand même) le XXIème siècle – Albin Michel 2012 p. 21 à 27 4 Un changement de mode de communication Au XVème siècle, Gutenberg invente l’imprimerie, qui permet l’accès à l’écrit, n’obligeant plus à mémoriser l’oral. Au XXIème siècle, le numérique permet à tous les habitants de la terre d’avoir accès à la quasi totalité de la connaissance disponible, grâce à internet, et de pouvoir communiquer aux quatre coins de la terre grâce aux réseaux sociaux. Les jeunes d’aujourd’hui habitent le virtuel. Comme le souligne Michel Serres, dans son remarquable ouvrage sur la jeunesse d’aujourd’hui qu’il a intitulé « Petite Poucette », « les sciences cognitives montrent que l’usage de la Toile, la lecture ou l’écriture au pouce des messages, la consultation de wikipédia et de facebook n’excitent pas les mêmes neurones ou les mêmes zones corticales que l’usage du livre, de l’écritoire ou du cahier. Ils peuvent manipuler plusieurs informations à la fois, il ne connaissent, ni n’intègrent, ni ne synthétisent comme nous, leurs ascendants. Ils n’ont plus la même tête. Par téléphone cellulaire, ils accèdent à toutes les personnes ; par GPS, à tous lieux ; par la toile, à tout le savoir : ils hantent donc un espace topologique de voisinages, alors que nous vivions dans un espace métrique, référé par des distances. Il n’habitent plus le même espace. Sans que nous nous en apercevions, un nouvel humain est né, pendant un intervalle bref, celui qui nous sépare des années 70. Il ou elle n’a plus le même corps, la même espérance de vie, ne communique plus de la même façon, ne perçoit plus le même monde, ne vit plus dans la même nature, n’habite plus le même espace. »6 Un changement du rapport à la vérité La Renaissance est synonyme de généralisation du doute. Hier, Luther a créé le doute sur l’infaillibilité de l’Eglise catholique et, à travers elle sur les dogmes, comme le faisait Copernic pour la Science. Cette contestation ébranle les piliers du temple des certitudes qui enfermaient la société d’alors. Telle est la caractéristique de notre époque. Alors que les générations précédentes vivaient dans un monde sûr de lui, défendant convictions et certitudes, les jeunes d’aujourd’hui vivent dans un contexte socio culturel basé sur un fond d’incertitude fondamentale. « Le problème de la modernité, souligne Edgar Morin, c’est qu’on se rend compte qu’il y a de l’incertitude partout. Le vrai problème pour nous est de dialoguer avec l’incertitude. Sans arrêt, nous voulons la refouler, nous avons peur d’elle, nous croyons que l’incertitude veut dire angoisse et qu’elle va nous névroser. Pour moi, je crois que le vrai problème aujourd’hui, c’est : est-ce que l’homme ne peut pas essayer de vivre avec une incertitude fondamentale, quant à savoir d’où il vient, où il va, son destin, sa vie, sa mort ? Rien n’est promis et je trouve qu’on peut avoir l’espoir, non dans la certitude, mais dans l’incertitude. Je crois que l’incertitude est en réalité un tonique, alors qu’on en a peur, qu’on en fait un dissolvant. Je pense que ce qui est terrible, ce sont les idéologies-drogues. Il faut nous dédroguer du besoin de certitude. »7 Ainsi, selon cette thèse admirablement développée dans l’ouvrage intitulé « Pour sortir du XXème siècle », l’incertitude serait une des valeurs de la modernité. Elle peut être une force, une vertu, pour celui qui a le courage d’affronter la complexité du réel, refusant le caractère simplifiant, illusoire, confusionnel de toute pensée unidimensionnelle. 3 . La difficulté de la transmission De telles évolutions rendent plus difficiles la transmission. Le défi de l’éducation se pose aujourd’hui de manière cruciale. D’autant qu’il s’agit toujours d’éduquer aujourd’hui pour demain. 6 7 Michel SERRES – Petite Poucette – Edition Le Pommier 2012, p. 12-13 Edgar MORIN - Pour sortir du XXème siècle – Fernand Nathan 1981 Il ne s’agit pas de préparer les jeunes à entrer dans la société d’aujourd’hui, mais de leur permettre de bâtir celle de demain. II – LE DECROCHAGE SCOLAIRE L’époque, où l’on pensait qu’il suffisait de financer un système de scolarité pour que la question de l’éducation soit résolue, est aujourd’hui révolue. L’expérience, ici en Europe, montre qu’il ne suffit pas qu’un adolescent soit inscrit dans un collège ou un lycée pour qu’il y reste ou qu’il apprenne. La question du décrochage scolaire se pose aujourd’hui de manière cruciale dans beaucoup de pays. Mon expérience va être inévitablement teintée par la réalité française, mais elle me paraît facilement transposable. On parle beaucoup d’adolescents décrocheurs. Je réfute quant à moi une telle formulation. Car parler ainsi consiste à faire porter sur les épaules du jeune la responsabilité du décrochage. Toute société, toute institution a souvent tendance à faire peser sur l’exclu la responsabilité du parcours d’exclusion. Le décrocheur serait un jeune qui ne voudrait pas travailler à l’école, alors que le décrochage est lié au dysfonctionnement de la relation entre l’institution scolaire et l’adolescent, et dans la relation, on est deux ! Pourquoi alors parler d’adolescent décrocheur et non pas d’institution décrochante ? Le décrochage scolaire, c’est un processus. Arrêtons-nous un instant sur les facteurs entraînant le décrochage, d’abord du côté du jeune, mais aussi du côté de l’école. 1) Du côté du jeune Ce processus peut avoir plusieurs facteurs. Voilà pourquoi il n’existe pas de profil type du jeune décrocheur. Une première série de facteurs, d’ordre psychologique, est liée à l’incapacité de l’enfant de se concentrer en classe. Il n’existe pas, dans notre système scolaire, de corrélation entre le niveau d’intelligence de l’enfant et la réussite scolaire. Des enfants précoces sont souvent en situation d’échec, alors que des enfants moins doués, mais très gratifiants pour les enseignants, peuvent mobiliser autour d’eux et très bien réussir. Il existe par contre une corrélation entre la capacité d’attention et la réussite scolaire. Bon nombre d’enfants ne réussissent pas à l’école, non pas parce qu’ils ne comprennent pas, mais parce qu’ils n’écoutent pas. Et s’ils sont incapables de mobiliser leur attention, c’est qu’ils ont bien souvent en tête des préoccupations importantes, le plus souvent liées à leur histoire familiale ou sociale. On croit parfois qu’il faut avoir la tête bien pleine pour réussir à l’école, c’est faux ! Il faut au contraire être capable de vider sa tête pour se concentrer sur le contenu de l’enseignement. On peut assister à l’effondrement de résultats scolaires d’un enfant, lorsqu’un proche est malade, lorsque des parents se disputent, divorcent, ou bien qu’un huissier menace de venir saisir le mobilier ! Une deuxième série de facteurs, d’ordre plus sociologique, est liée à l’investissement de la réussite scolaire par l’environnement. Si, statistiquement, ce sont les enfants d’enseignants qui réussissent le mieux à l’école, ce n’est pas seulement parce qu’ils connaissent le mieux le système, mais c’est parce que, lorsqu’on est enfant d’enseignant, cela parle pareil à la maison et à l’école. Ce qui est important dans un lieu l’est aussi dans l’autre. L’enfant baigne alors dans une osmose culturelle. Dans les quartiers, qualifiés de sensibles, où je travaille, tel n’est pas souvent le cas ! et, à l’âge de l’adolescence où l’enjeu principal consiste à exister sous le regard des copains, si la réussite scolaire n’est pas investie comme valeur par le groupe, l’adolescent a bien du mal à accorder de l’importance à sa scolarité. La grande différence entre un collège de centre ville et un collège ZEP (Zone d’Education Prioritaire), c’est que dans le premier, il est encore un peu valorisant d’être premier de classe, alors que dans le second, c’est dangereux. L’adolescent est qualifié « d’intello », de « bouffon », de « suceur de notes ». Combien je connais d’enfants dans ces quartiers qui décident de sacrifier leur scolarité pour sauver leurs alliances ! Car, pour bon nombre de jeunes, exister sous le regard des copains passe avant exister sous le regard de l’adulte ou de l’institution. Une troisième série de facteurs, enfin, est d’ordre plus pédagogique. Au lieu de mettre d’abord l’accent sur ce que l’enfant sait faire, ses connaissances, ses réussites, on se focalise sur ce qui lui manque pour être au niveau exigé. Alors, accumulant des expériences d’échec, l’enfant perd confiance peu à peu, et entre dans une terrible spirale : l’échec génère la perte de confiance, la perte de confiance génère la réitération de l’échec, et le découragement est au rendez-vous. Lorsque l’enfant n’aime pas l’école, ce n’est pas tant l’école comme lieu pour apprendre (il est toujours intéressant d’apprendre, et l’enfant est naturellement curieux), mais c’est qu’il vit l’école comme un lieu de mise en situation d’échec. Et personne n’aime fréquenter un lieu où il se sent en échec. La France compte parmi les trois pays de l’OCDE qui dépensent le plus pour leur école, en termes de pourcentage du PIB (6,3%). En termes d’efficience, nous oscillons selon le classement PISA entre la 21° et la 27° place ! Si on regarde du côté des pays qui, en Europe, réussissent le mieux,- je songe aux pays nordiques-, on s’aperçoit que la principale différence concerne le regard porté sur l’enfant. Là-bas, on est attentif à ce que l’enfant sait, et à sa progression, alors que chez nous on est d’abord préoccupé par ce qui lui manque pour être au niveau ! Un collégien de 4ème, même s’il n’a pas toujours été attentif, en sait forcément plus qu’un collégien de 6ème. Mais comment l’aide-t-on à s’en rendre compte ? Il avait 5 de moyenne en 6ème, il a toujours 5 de moyenne en 4ème, puisqu’à chaque fois qu’il progresse, on élève le niveau attendu ! Alors, il commence à penser que l’école ne lui sert à rien, puisqu’elle ne lui permet pas de progresser. On touche ici un facteur important du décrochage. 2) Du côté de l’école Il s’agit tout d’abord de prendre en compte la diversité culturelle, en veillant à une meilleure prise en compte de l’enfant et de l’adolescent, de sa vie, de ses préoccupations. Il faut renforcer dans les écoles la présence éducative des adultes. Car, bien souvent, les phénomènes de phobie ou de décrochage scolaire sont liés à un mal-être relationnel de l’enfant. Il faut aussi veiller au maintien d’une mixité sociale à l’intérieur des établissements scolaires. En France, il me paraît aberrant de scolariser tous les enfants des tours en bas des tours ! Quand plus de 80% des enfants issus de l’immigration sont scolarisés dans moins de 20% des établissements scolaires, comment promouvoir une vraie politique d’intégration ? La culture du quartier envahit l’école, et on fabrique alors des jeunes scotchés dans les cages d’escalier. Lorsque, dans notre pays, on a scolarisé les enfants de paysans, on n’a pas créé une école en plein champ les rassemblant tous. On a financé un système de bus, permettant aux enfants de la campagne d’être scolarisés avec les enfants des villes et de bâtir ensemble l’avenir de la maison « France ». On devrait faire de même en ce qui concerne les jeunes des quartiers qualifiés de sensibles. Voilà pourquoi je défends l’idée du « busing », consistant à faire sortir les enfants des quartiers et à répartir les effectifs dans les différents établissements scolaires de la ville, de manière à permettre aux enfants et adolescents de réinvestir leur scolarité. Il s’agit aussi de développer la solidarité, en donnant, dans le groupe « classe », la possibilité de développer du lien entre élèves permettant de favoriser les apprentissages. Avec un brin de provocation, j’aime dire à un enseignant qui se plaint de la taille de son groupe, que toutes les évaluations ont montré qu’il n’y avait aucun lien 8 entre la réussite des enfants et l’effectif de la classe. Il s’agit beaucoup plus des méthodes pédagogiques utilisées. 8 sauf dans le cas de l’apprentissage d’une langue Aussi, à cet enseignant qui se plaint d’avoir trente élèves, j’ose dire “mais quelle chance vous avez ! Vous expliquez une première fois, vous en avez quinze qui comprennent, vous expliquez une seconde fois, vous avez seize profs pour quinze ! Un pour un, c’est extraordinaire !” Mais souvent, il ne réfléchit pas ainsi. L’éducateur a tendance à percevoir seulement une addition de relations individuelles, alors qu’il s’agit de jouer de l’interactivité des membres du groupe entre eux, de voir dans le groupe, non pas un poids, mais une chance pour le développement de la responsabilité des uns vis-à-vis des autres. Il s’agit de développer la solidarité entre élèves. Il s’agit enfin de donner sens aux apprentissages. La véritable question qui se pose aujourd’hui en France dans les collèges, fortement touchés par le phénomène de décrochage scolaire, est bien celle-là, et elle ne saurait être résolue par l’affectation de deux enseignants supplémentaires par collège. La véritable question qui se pose, c’est « quel est le sens, dans la tête des adolescents d’aujourd’hui, des apprentissages qu’on exige d’eux ? » J’aime rappeler aux enseignants, chaque fois que j’anime une journée pédagogique consacrée à la question du décrochage scolaire, que la principale mission d’un professeur d’histoire, ce n’est pas de transmettre un contenu historique, mais de transmettre le sens que cela a de faire de l’histoire pour vivre sa vie de citoyen du XXIème siècle. De même, la principale mission d’un professeur de mathématiques, ce n’est pas de transmettre un contenu mathématique, mais de transmettre le sens que cela a d’utiliser l’outil mathématique pour vivre sa vie de citoyen du XXIème siècle. La question centrale qui se pose aujourd’hui, c’est bien celle du sens. III – QUELQUES OBJECTIFS POUR L’EDUCATION DE DEMAIN Dégageons de ces réflexions quelques pistes pour définir des objectifs que nous devons considérer comme prioritaires pour l’éducation de demain. 1. Développer la faculté d’adaptabilité Toute période de crise, avec son lot de mutations technologiques et d’indispensables restructurations, est lourde d’incertitudes. Qui peut réellement prévoir de quoi demain sera fait ? La vitesse d’évolution est aujourd’hui si fulgurante … Aussi, l’une des qualités essentielles à développer par l’éducateur est à mes yeux l’adaptabilité. Plutôt que de préparer les jeunes à un unique type d’emploi, avec le statut social qui en découle, il s’agit de les rendre aptes à pouvoir s’adapter à différentes fonctions, à développer leurs capacités d’adaptabilité. Puisqu’on ne peut aujourd’hui établir de manière sûre le contenu de la formation nécessaire à demain, il s’agit de développer chez les jeunes la soif de continuellement poursuivre des cycles de formation. Le mot clef ne peut plus être l’adaptation (à tel métier, à telle fonction, …) mais l’adaptabilité. Et si finalement, ce que l’on nomme intelligence se définissait véritablement aujourd’hui par la faculté de s’adapter ? 2. Développer l’apprentissage de la mobilité Comme le rappelait François Ascher, dans son introduction au colloque de Cérisy, organisé par l’Institut pour la Ville en Mouvement, « le mouvement est au cœur des dynamiques de nos sociétés. Il l’est socialement, économiquement, urbanistiquement. Sans utiliser trop de grands mots, on peut dire que le mouvement est au cœur de la vie (…) Aujourd’hui se déplacer est devenu indispensable pour accéder à la plupart des loisirs, des services et des relations sociales»9, au point qu’il soit possible aujourd’hui de parler d’un véritable droit à la mobilité. 9 Sous la direction de Sylvain Alleband, François Ascher, et Jacques Lévy, Les sens du mouvement, éditions Belin 2004. Dans le monde moderne, seule la mobilité peut garantir l’intégration sociale. Comme le souligne Eric Le Breton, « la capacité de mobilité et le statut social d’un individu croissent ou décroissent de concert. La personne est immobile, et l’immobilité disqualifie. »10 Il est temps de prendre conscience que l’absence de mobilité constitue aujourd’hui un véritable handicap pour l’insertion sociale et professionnelle des jeunes. Dans une communication que j’effectuais au Conseil Scientifique et d’Orientation de l’Institut pour la Ville en Mouvement, lors de sa réunion à Mantes-la-Jolie le 21 avril 2006, j’établissais lien entre l’absence de mobilité dans l’espace, et la difficulté à se mobiliser sur un projet d’avenir. La mobilisation sur un projet ne suppose-t-elle pas la mobilité ? Car il faut être un peu mobile dans sa tête pour pouvoir se projeter ailleurs que dans le présent. Et n’est-ce pas le développement de la capacité à se déplacer qui permet l’apprentissage d’une telle mobilité ? 3. Développer l’apprentissage de la diversité culturelle Le racisme constitue aujourd’hui une grande plaie de nos sociétés. Et le racisme est souvent lié à la peur de l’autre. Seule la connaissance de l’autre permet de vaincre la peur… Aussi me paraît-il urgent que l’école soit le lieu de l’apprentissage de la diversité ethnique, culturelle, sociale, religieuse. Dans ce monde marqué par la pluralité, combien il est important d’apprendre aux enfants à vivre le rapport à la différence, non pas sous l’angle de la menace, mais sous celui d’une source d’enrichissement. 4. Eduquer à la solidarité L’action éducative ne peut plus être pensée aujourd’hui de manière singulière mais de manière collective. Dans notre monde actuel, enfants, jeunes et adultes, nous sommes pris dans une toile d’araignée de relations, de liens, d’informations, de connaissances, de jeux sociaux, auxquels personne ne peut échapper. Et la question qui se pose est la suivante : Comment, dans un tel réseau vivre l’esprit de solidarité ? L’apprentissage par le jeune, dès son plus jeune âge, de la vie de groupe permet d’ouvrir des pistes de réponse. La vie partagée dans le groupe permet au jeune de se situer face aux autres (chaque membre du groupe doit reconnaître les autres, s’il veut lui-même être reconnu), de découvrir les exigences inhérentes à la vie collective, mais aussi les joies du partage. Elle permet de développer chez le jeune deux sens, qui revêtent une importance considérable pour la construction du monde de demain : - celui de la responsabilité (le jeune est coresponsable du groupe auquel il appartient, et il peut être amené à prendre en charge l’organisation de telle ou telle activité ) ; - celui de la justice et de la solidarité (le développement solidaire de l’humanité). La solidarité constitue un des enjeux les plus fondamentaux pour demain, si l’on se refuse à construire une société fonctionnant sur un principe d’exclusion de tous ceux qui n’auront pas les aptitudes nécessaires pour prendre place dans le jeu socio-économique. Aussi pouvons-nous juger regrettable – et ceci est sans doute un des signes de montée de l’individualisme qui caractérise si fortement l’évolution de nos sociétés occidentales – que bien des propos actuellement tenus sur l’éducation insistent essentiellement sur la dimension psycho-affective de la relation éducative.la dimension socio-politique me semble pourtant à privilégier de la même façon si l’on veut concourir à la construction d’un monde plus juste et fraternel. « L’éducation a une importance fondamentale pour la formation des rapports inter-humains et sociaux » rappelait avec force Jean Paul II dans le discours qu’il prononça à l’Unesco le 2 juin 1980. 5. Eduquer à la signification La question du sens devient centrale dans un monde marqué par la pluralité et le risque de l’éclatement. « Pourquoi conquérir la lune si c’est pour s’y suicider ? » écrivait André Malraux 11. 10 Eric Le Breton, Les sens du mouvement, op. cit. p. 118 Interrogation pleine d’angoisse, qui pose la question fondamentale du « pourquoi vivre ». Lorsque les conditions de vie sont rendues de plus en plus difficiles par la crise, cette question résonne avec une ampleur nouvelle. La question du sens devient incontournable. Il est vrai que dans notre monde, marqué par le pluralisme des positions d’ordre éthique, moral, philosophique ou religieux, l’abord de la différence conduit de fait le plus souvent tantôt à l’exclusion et à l’intolérance, tantôt à la juxtaposition et à l’indifférence. Les jeunes trouvent difficilement aujourd’hui, dans notre monde pluriel et mobile, des aînés qui soient préparés à ce genre de confrontation et qui soient capables d’y opérer la quête du sens. La crise rend de plus en plus nécessaire le développement chez les jeunes d’aujourd’hui de la faculté de construire du sens, de trouver de la signification. « Le problème capital de la fin du siècle sera religieux. » prédisait Malraux. L’ampleur de la crise lui donne aujourd’hui raison. CONCLUSION Et je conclurai cette réflexion sur « l’éducation de demain » par ce mot d’Emmanuel Kant, prononcé voici deux siècles : « Voici un principe de l’art de l’éducation que particulièrement les hommes qui font des plans d’éducation devraient avoir sous les yeux : on ne doit pas seulement éduquer les enfants d’après l’état présent de l’espèce humaine, mais d’après son état futur, possible et meilleur, c’est-à-dire conformément à l’idée de l’humanité et à sa destination totale. Ce principe est de grande importance. Ordinairement, les parents élèvent leurs enfants seulement en vue de les adapter au monde actuel, si corrompu soit-il. Ils devraient bien plutôt leur donner une éducation meilleure, afin qu’un meilleur état pût en sortir dans l’avenir. »12 Et il ajoutait avec quelque malice : « Il est deux découvertes que l’on est en droit de considérer comme les plus difficiles : l’art de gouverner les hommes, et celui de les éduquer ; et cependant on en est encore à se disputer sur les idées. » Puissent ces quelques pistes de réflexion contribuer à ce débat d’idées toujours actuel ! Jean Marie PETITCLERC 11 12 ANDRE MALRAUX, Le miroir des limbes, Le livre de poche EMMANUEL KANT, Réflexions sur l’éducation, Vrin 1984, p.79-80