TANGER : une mtropole en devenir, face une urbanisation rapide

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TANGER : une mtropole en devenir, face une urbanisation rapide
TANGER : une métropole méditerranéenne en devenir face à une urbanisation exponentielle
Une population multipliée par 4 en 25 ans et la construction depuis 2004 du premier port à conteneurs de la Méditerranée. C’est sur la base de ces deux constats
que les étudiants du Mastère spécialisé Ingénierie et Gestion de l’Environnement de l’ISIGE – MINES ParisTech ont débuté leur atelier urbain consacré à Tanger.
Carrefour des cultures et des civilisations depuis plus de trois millénaires, cette ville a connu lors du siècle dernier de grandes évolutions urbanistiques sous
l’influence des européens. Quelque peu délaissée par le pouvoir central depuis l’indépendance du Maroc en 1956, le début du règne de Mohamed VI a marqué un
renouveau sans précédent de Tanger : nouveau pôle économique du pays, elle accueille chaque mois de grands projets industriels et de nouvelles infrastructures.
Quels en sont les conséquences et les enjeux en termes d’urbanisme ?
Une croissance forte de la population, une urbanisation peu contrôlée
Le dernier recensement effectué à Tanger date de 1994. A l’époque, on dénombrait 627.963
habitants et on prévoyait d’atteindre un million d’administrés en 2020. Ce chiffre a été atteint en
2007 et la croissance n’a pas fléchie depuis lors. L’espérance de vie (63,48 ans en 1990 et
71,22 ans en 2007) et l’exode rural massif faisant suite à l’industrialisation de la région sont à
l’origine de cette forte poussée démographique.
Aujourd’hui, 40 % de la population tangéroise a moins de 15 ans et 23 % des actifs sont au
chômage (10 % au Maroc). Autant de défis sociaux et sociétaux à prendre en
considération pour les années à venir !
D’un point de vue strictement urbanistique, la forte augmentation de la population se traduit par
une inadéquation de l’offre de logements et de transports avec les besoins réels des tangérois.
Pression foncière et insalubrité de l’habitat
L’accroissement démographique de ces dernières décennies n’avait pas été anticipé. Tanger
fait ainsi face à un manque de logements et au développement de l’insalubrité. Pour les 10
prochaines années, il faudrait ainsi construire 8.000 nouveaux logements par an pour couvrir le
déficit actuel. Seulement 3.300 unités ont vues le jour en 2008. Par ailleurs, même si 82 % des
logements sont reliés au réseau public d’assainissement et 90 % raccordés à l’eau potable et
alimentés en électricité, une grande majorité d’entres-eux est considérée comme insalubre
(source : CERED).
Programme
Jour 1
Conférence « La ville arabe » - M. Mohamed METALSI,
Directeur des actions culturelles du monde arabe
Jour 2
Exercice de dérive urbaine (approche personnelle et sensible
de la ville)
Jour 3
Conférence « Tanger, une ville multiculturelle et plurielle en
mutation » - M. Rachid TAFERSSITI, écrivain, Président de
l’association Al Boughaz
Visite de la ville
Jour 4
Visite de Tanger Free Zone
Visite de l’AZIT (Association de la Zone Industrielle de Tanger)
Jour 5
Visite de Tanger Med
Visite de la station d’épuration de Tanger
Rencontre au Centre Régional d’Investissement TangerTétouan
Un réseau de transport insuffisant
L’urbanisation accélérée a conduit à un étalement urbain non planifié et donc à une inadaptation des transports aux flux actuels. Bien que très dense, le réseau de
voiries ne fait plus face aujourd’hui à l’affluence et certains axes et carrefours principaux sont aujourd’hui saturés. Le réseau des transports publics souffre quant-àlui d’un manque de lignes transversales et de dessertes du centre-ville, compliquant ainsi les trajets des usagers. Les difficultés de déplacement au sein de la ville
sont donc très marquées, notamment entre le centre et les périphéries ; situation d’autant plus compliquée que les principaux équipements administratifs,
hospitaliers et commerciaux sont installés dans le centre-ville.
Des projets structurants, l’émergence d’une métropole méditerranéenne
Depuis 2001, un vent nouveau souffle sur Tanger et sa région. Premier déplacement officiel du règne de Mohamed VI, la ville est au centre de multiples projets
économiques et industriels structurants pour le Maroc. Considérant sa position géostratégique privilégiée, SM le Roi a décidé de faire de cette région l’un des
moteurs de son pays. Inventaire non exhaustif des initiatives prises et mises en œuvre depuis une décennie.
Tanger Med, un projet prometteur pour Tanger et sa région
Situé à 35 km du centre-ville, le complexe portuaire doit devenir à terme devenir le premier port d’Afrique et de Méditerranée avec une capacité annuelle de 3,5
millions de conteneurs à l’horizon 2015. A la croisée des plus grandes routes maritimes, il vise un marché de proximité de 600 millions d’habitants comprenant
l’Europe de l’Ouest, l’Afrique du Nord, ainsi que l’Amérique du Nord. La seconde phase du projet baptisée Tanger-Med II, qui devrait entrer en fonctionnement en
2012, portera la capacité globale du port à 8,5 millions de conteneurs.
Véritable locomotive de développement de la région et du pays, il pourra accueillir 7 millions de passagers et 700.000 camions TIR par an. Le port est enfin censé
assurer la création de plus de 120.000 emplois : 20.000 directement liés à l’activité portuaire et 100.000 notamment dans les zones franches.
Tanger, ville en mouvement
Projet pharaonique en soi, Tanger Med a également entrainé une profonde restructuration et un développement considérable des infrastructures de la région. Ont
été mis en place ou sont en cours de construction :
- Une liaison autoroutière de 61 Km reliant l’autoroute du Nord (Rabat-Tanger) au Port ;
- Une connexion ferroviaire de 45 km connectant Tanger Med au réseau ferroviaire national ;
- Une Autoroute reliant Tanger à Asilah (35km), représentant le dernier tronçon de l’axe Rabat-Tanger ;
- Une transformation de la route reliant Tanger à Tétouan en une voie express ;
Un schéma directeur de la périphérie de Tanger a par ailleurs été mis en place pour faire face à l’urbanisation prévue des 20 prochaines années. Au total, ce sont
2000 hectares devant permettre la mise sur le marché de 150.000 nouveaux logements qui ont été alloués.
Le projet prévoit également l’allocation de budgets importants pour mettre à niveau le cadre urbain et requalifier l’espace. Au programme : optimisation les transports
collectifs, réhabilitation de la médina, renforcement des équipements sociaux, aménagement de voies suburbaines autour du centre-ville…
QUATRE VISITES DE SITES : FOCUS
Zone Industrielle Moghogha : un site soumis à des inondations amplifiées par le non-respect des règles d’urbanisme
La zone industrielle Moghogha est le principal pôle industriel du Nord du Maroc et le deuxième du pays. Avec plus de 130
entreprises employant 30.000 salariés sur une superficie de 138 hectares, elle constitue l’un des principaux créateurs de
richesses dans la région de Tanger-Tétouan. Elle contribue à la création et au développement d’un environnement propice à
l’investissement dans la ville de Tanger.
L’Association de la zone industrielle de Tanger (AZIT), a été créée en 1990. Ses missions sont la gestion et l’entretien de la
zone industrielle de Tanger, l’organisation d’activités de formation et de sensibilisation, l’accompagnement à la mise à niveau,
la représentation du tissu industriel de Tanger dans ses différentes démarches avec l’autorité, les élus, l’administration et les
organismes publics et privés.
Jeudi 23 Octobre 2008, des pluies diluviennes s’abattent sur Tanger et sa région. En fin d’après-midi, le niveau de l’eau
atteint 1m60 dans les bâtiments et déverse des torrents de boue emportant et détruisant une grande partie de la Zone. Face
à la rapidité de la montée des eaux, le personnel reste bloqué pendant plus de 4 heures.
L’implantation de la zone industrielle est loin d’être idéale et elle se dégrade à cause des transgressions et violations dans
son environnement proche : par exemple, les constructions et habitations situées à proximité évacuent sans autorisation leurs
eaux usées et de pluies en les déversant dans les canaux de déviation de la Zone, aggravant ainsi la situation en cas
d’inondations.
Depuis cette date, l’AZIT met tout en œuvre pour amorcer le plan de protection de la zone : élargissement et renforcement du grand canal de déviation des eaux
usées et de pluies et réalisation de deux barrages collinaires.
Plus d’informations : www.azit.ma
Zone Franche aéroportuaire d'exportation de Tanger : 345 hectares entièrement dédiés à l’entrepreneuriat et l’investissement
Créée en 1997, la Zone Franche aéroportuaire d'exportation de Tanger est gérée par la société Tanger Free Zone (TFZ). Elle est composée de deux zones – la
zone industrielle sous douane et la zone logistique - qui répondent aux normes internationales relatives à la qualité des équipements et des services, à la sécurité
des biens et des personnes et à la préservation de l'environnement.
Entièrement accompagné dans leurs démarches d’installation, les entrepreneurs bénéficient par ailleurs de nombreux avantages administratifs et fiscaux :
- TFZ fonctionne en tant que guichet unique. Elle accueille les investisseurs, les oriente et effectue pour leur compte toutes les démarches nécessaires à la
réalisation de leur projet. Dans ce cadre, TFZ a notamment reçu une délégation d’autorité pour attribuer les permis de construire sur sa zone d’activité ;
- Les entreprises de la Zone sont exonérées de tous les droits, taxes et surtaxes liées à l’importation, la circulation, la consommation, la production et l’exportation
de marchandises ;
- Elles bénéficient également de nombreux avantages fiscaux : exonération de l'impôt sur les sociétés durant 5 ans puis taux réduit ; exonération de la TVA sur les
marchandises ; exonération de l'impôt des patentes pendant 15 ans ; exonération de la taxe urbaine pendant 15 ans ; exonération de la taxe sur les produits des
actions, des parts sociales et revenus assimilés pour les non résidents ; exonération des droits d'enregistrement et de timbre pour la constitution ou l'augmentation
du capital et pour les acquisitions des terrains ; rapatriement libre des bénéfices et capitaux.
Fort de ces avantages, TFZ connaît un grand succès en accueillant aujourd’hui près de 400 entreprises venues du monde entier dans des secteurs aussi variés que
le textile, l’électronique, la métallurgie. Ces entreprises embauchent plus de 40.000 personnes. Une extension de la Zone est en cours pour renforcer l’offre
immobilière et foncière.
Plus d’informations : www.tangerfreezone.com
Centre Régional d’Investissement Tanger-Tétouan : attirer et simplifier l’implantation des nouveaux investisseurs
Le CRI agit en tant qu’interlocuteur unique des investisseurs et créateurs d’entreprises. Le guichet d’aide à la création d’entreprises prend en charge l’ensemble des
formalités obligatoires dans un lieu unique. Le guichet d’aide à l’investissement accompagne l’investisseur jusqu’à l’aboutissement de son projet, étudie toutes les
demandes d’autorisation administrative, prépare les actes nécessaires des secteurs industriels, miniers, touristiques et artisanaux.
Pour les projets d’un montant supérieur à 200 millions de DH (24 millions d’euros), le CRI prépare les conventions d’investissement conclues par la suite par l’Etat.
Interlocuteur incontournable de la région en matière d’investissement, le CRI Tanger-Tétouan a permis la création de plus de 5.000 entreprises et a instruit
favorablement près de 1.000 projets d’investissement d’un montant d’environ 97 milliards de DH (11,6 milliards d’euros) entre 2003 et 2008.
Plus d’informations : www.investangier.com
Système de dépollution de la baie de Tanger : un enjeu prioritaire pour une ville en plein essor
Un vaste projet de dépollution de la baie de Tanger a été engagé dès 2002 par le Groupe Veolia Environnement Maroc
afin de réhabiliter les réseaux existants, collecter l’ensemble des eaux usées de la ville, construire une station de
prétraitement et un émissaire marin, permettant de rejeter ces effluents, une fois traités, au large du Détroit de
Gibraltar. L’objectif : arrêter la pollution créée par le déversement de la quasi-totalité des eaux usées générées par
Tanger, directement dans les oueds et la mer sans traitement.
Le projet de dépollution a été réalisé en trois phases :
- Phase 1 : mise en place d’un système d’intercepteurs permettant la collecte de tous les rejets d’eaux usées
existants, puis leur transfert et leur relevage vers un point de traitement
- Phase 2 : construction d’une station de prétraitement intégrée à son environnement (port, porte de la médina)
permettant de réaliser des traitements physiques préliminaires (dégrillage, dessablage et déshuilage), avant le rejet de
ces eaux usées, dans le milieu naturel
- Phase 3 : construction d’un émissaire marin par lequel ces eaux traitées sont évacuées à 2 km au large des côtes.
Un traitement plus poussé pourrait être envisagé à long terme pour compléter le dispositif actuel.
A LA DECOUVERTE DE TANGER : TOUTE UNE HISTOIRE !
La médina, cœur historique des villes marocaines
La ville marocaine est composée de trois parties :
- La ville historique, la médina, matérialisation de la culture arabo-islamique ;
- La ville coloniale largement influencée par le Maréchal Lyautey ;
- La ville post-indépendance avec l’urbanisation périphérique des zones pauvres, riches, des zones commerciales et
industrielles.
Intéressons-nous à la Médina, cœur historique des villes marocaines. Lieu de rencontre et de métissages, elles deviennent
progressivement l’outil d’arabisation et d’islamisation du pays. Chaque grande dynastie a en effet fondée une nouvelle
capitale (Fès par les Mérinides, Marrakech par les Saadiens) tout en détruisant les ouvrages de leurs prédécesseurs : les notions
de patrimoine et de monuments n’existaient pas avant la colonisation.
« Les médinas sont des villes protégées, constituées par des quartiers eux-mêmes enveloppés. Une première clôture exprime la
frontière entre le monde urbain et le monde rural, le monde organisé et le monde chaotique non soumis à la loi musulmane, le
monde sédentaire et le monde nomade ou transhumant. Toutefois, un lieu fermé est un non-lieu donc le monde citadin restait
ouvert avec des portes qui sélectionnaient les entrées et les sorties. » Mohamed Métalsi, Directeur des actions culturelles de
l’Institut du Monde Arabe.
La désorganisation de la ville marocaine n’est par ailleurs qu’une apparence. Le domaine privé y tient un rôle prépondérant et
l’organisation spatiale demeure le reflet de l’organisation sociale. Les bâtiments religieux et du pouvoir se situent toujours au
centre de la Médina, en hauteur si possible. Du point de vue des commerces, le centre accueil les produits les plus
valorisés (livres, bijoux, objets religieux…), tandis que la périphérie abrite les métiers bruyants, salissants ou ayant besoin d’un
cours d’eau (potiers, tanneurs, maréchaux-ferrants).
La médina de Tanger regroupe plusieurs spécificités :
- Un grand nombre d’habitations disposent de fenêtres ouvertes sur l’extérieur, contrairement aux bâtisses traditionnelles
centrées sur un patio central) ;
- Des balcons agrémentent les façades, l’étroitesse des ruelles permettant à certains d’entres-eux, face-à-face, de se toucher ;
- Des couleurs vives sur le bas des murs des maisons rendent la médina lumineuse et surprenante à chaque coin de rue.
Tanger, la mythique
Aujourd’hui encore, il n’est qu’à se perdre au gré des ruelles et placettes de cette antique cité portuaire pour comprendre pourquoi Tanger n’a cessé d’envoûter
voyageurs, artistes et écrivains. Morceaux choisis :
Delacroix, 1832
« Je suis en ce moment comme un homme qui rêve et qui voit des choses qu'il craint de voir lui échapper. »
« Rome n'est plus dans Rome. »
Henri Matisse, 1913
Matisse n’est pas venu au Maroc pour se livrer à des exercices orientalistes, pas plus qu’il n’entend suivre les traces de Delacroix. Sa réflexion porte sur la manière
de « construire un art décoratif qui […] produise au sein même de la peinture de chevalet un bouleversement des données du regard qui se porte sur elle ». Ce
bouleversement, Matisse va le provoquer lors d’un second séjour à Tanger, entre octobre 1912 et février 1913. Cette fois, il va éprouver pour la première fois ce qu’il
appelle «l’indicible douceur du quand ça vient tout seul ».
Paul Morand, 1938
« Je n'aime pas beaucoup Tanger. C'est une personne officielle, une fiction diplomatique. Elle ne pousse pas de racines profondes dans la terre d'Afrique. Ville
internationale, ses égouts sont espagnols, son électricité anglaise, ses tramways français, et dans ce guêpier inventé par les chancelleries (afin d'empêcher que
l'entrée de la méditerranée occidentale n'appartienne à un seul), il y a peu de vrais Marocains. Mais Tanger est beau à la minute où, de l'Atlantique, on l'embrasse
avec Gibraltar d'un seul coup d'œil. »
William Burroughs, fin des années 1950
« C’est à Tanger que j’ai rêvé d’une folie aussi crédible. Oui, un écrivain aux prises avec ses propres démons, comme moi quand je marchais tard dans la nuit, ivre
et perdu dans les ruelles du Socco. Oui, ce festin était le mien aussi »
Paul Bowles, 1972
"Aujourd'hui encore (ndw 1972), (...) l'image de Tanger reste à peu près inchangée. Les gens y viennent toujours en rêvant de se plonger dans l'atmosphère faite
d'excès et de prodigalité qui régnait ici dans les années quarante; parfois, ils prétendent même que le rêve est devenu réalité."
Mohamed Choukri, 2003
« Quand je suis arrivé, il y avait deux Tanger : le Tanger colonialiste et le Tanger arabe, fait de misère et d’ignorance. A l’époque, pour manger, je faisais les
poubelles. Celles des Européens de préférence, car elles étaient plus riches. »
Crédits photo : ISIGE – MINES ParisTech
Textes : Xavier Moquet