(In)égalité filles-garçons à l`école primaire

Transcription

(In)égalité filles-garçons à l`école primaire
MÉMOIRE DE FIN D’ETUDES DU MASPE
(In)égalité filles-garçons à
l’école primaire
Regards et représentations des enseignant-es
du second cycle en Valais
Auteur : Johan Epiney
Identifiant : P24479
Directrice de mémoire : Julie Jarty
Membre du jury : Chantal Tièche Christinat
Lausanne, le 4 janvier 2013
La première catégorie, la plus fondamentale, est celle du sexe : elle est une forme de
racisme, mais elle a une telle apparence de naturel qu’elle ne permet aucun soupçon
sur son injustice et sa fausseté. Bien loin d’être un fait naturel, c’est au contraire un
fait culturel (Gianini Belotti, 1973, p. 167)
Lutter contre le sexisme, c’est […] d’une manière générale, revendiquer pour
chacun-e le droit de construire sa vie comme [il/elle] l’entend […] l’objectif étant bien
d’abolir tout carcan psychologique ou toute délimitation rigide des rôles sociaux liés
au seul sexe d’un individu (Duru-Bellat, 2004, p. 241)
Source de l’image (page de garde) : Formoso, E. (20 mai 2012). Le débat du mois – Filles et garçons : égaux ? [Page Web]. Accès :
http://1jour1actu.com/france/filles-et-garcons-meme-education/ [20.12.12]
Résumé
Chaque personne a sa propre représentation du monde et en particulier des hommes et des
femmes, de leur place et de leur rôle dans la société… (Fontanini, 2005, p. 110).
Notre mémoire porte sur les représentations de l’égalité des sexes des enseignant-es et plus
particulièrement sur leur rôle vis-à-vis des garçons et des filles qu’ils-elles côtoient, sur la
mixité scolaire, sur les différences de sexe, sur la formation initiale reçue ainsi que les
éventuelles différences de représentations des jeunes enseignant-es par rapport à leurs
collègues plus expérimenté(e)s. Ceci permet d’évaluer la qualité de la formation actuelle en
matière d’égalité des sexes à l’école et, en fin de recherche, de proposer quelques suggestions
d’amélioration. Notre démarche étant qualitative nous avons opté pour une méthode
d’enquête adaptée à l’étude de groupes restreints : notre échantillon porte sur huit enseignantes de l’école primaire en Valais.
Dans un premier temps, nous évaluons brièvement l’état de la situation scolaire en Suisse du
point de vue de l’équivalence dans l’enseignement et de la formation des futurs membres du
corps enseignant en nous appuyant sur les ultimes recommandations émises par la CDIP en
vue de l’égalité de l’homme et de la femme dans le domaine de l’enseignement et de
l’éducation. Puis, notre cadre théorique se focalise sur la socialisation scolaire différenciée
des élèves selon leur sexe et sur ses conséquences avant d’analyser deux facteurs contribuant
au modelage de leurs représentations : la formation enseignante ainsi que les conceptions des
différences de sexe des enseignant-es.
L’enquête basée sur l’entretien semi-directif permet de répondre à nos hypothèses de
recherche à l’aune des différents éléments théoriques retenus.
Ainsi, il apparaît que l’ensemble des enseignant-es, considérant le milieu social égalitaire,
perçoit la mixité scolaire comme une situation positive et souvent même garante de l’égalité
des sexes à l’école. Cet « aveuglement » aux inégalités sexuées transparaît d’ailleurs dans leur
discours. En effet, la majorité n’a pas conscience d’adopter des pratiques inégalitaires qui
renforcent les différences entre garçons et filles et contribuent involontairement à une
orientation professionnelle différenciée. La formation initiale semble être encore lacunaire en
matière d’égalité, car peu propice à engendrer une réelle prise de conscience susceptible
d’induire une modification des pratiques. Nous posons donc, en fin de travail, les jalons d’une
formation des enseignant-es au genre qui permettrait de parer aux défaillances du système tout
en préparant le corps enseignant aux défis actuels. Pour ce faire, la formation doit prévoir, au
préalable, une phase permettant de « déconstruire » les représentations tenaces des
participants afin de désamorcer leurs résistances, avant de mener une réflexion sur le fond,
soit l’inégalité de sexe.
Mots clés : représentation sociale, égalité des sexes, genre, socialisation scolaire, stéréotypes
de sexe, formation des enseignant-es
3
Table des matières
1.
2.
Introduction ...................................................................................................................... 11
1.1.
Motivations ........................................................................................................................... 12
1.2.
Apports professionnels.......................................................................................................... 13
L’égalité entre les sexes dans l’institution scolaire : état des savoirs .............................. 16
2.1.
La socialisation, un processus qui (trans)forme .................................................................... 16
2.2. Institutionnalisation de la problématique de l’égalité entre les sexes dans le milieu scolaire
helvétique.......................................................................................................................................... 18
1972 : principes relatifs à la formation des jeunes filles .............................................................................. 18
1981 : mêmes chances de formation pour jeunes filles et garçons ............................................................. 18
1993 : recommandations en vue de l’égalité de l’homme et de la femme dans le domaine de
l’enseignement et de l’éducation ................................................................................................................. 19
2.3.
De l’égalité théorique… aux pratiques inégalitaires.............................................................. 20
2.4.
La mixité scolaire, source d’inégalités… ................................................................................ 21
…du côté des garçons ................................................................................................................................... 21
…du côté des filles ........................................................................................................................................ 22
Vers une évolution positive ? ....................................................................................................................... 23
2.5.
Etat des lieux sur l’équivalence dans l’enseignement ........................................................... 23
Des moyens d’enseignement en retard sur leur temps ............................................................................... 23
Vers une évolution positive ? ....................................................................................................................... 24
L’égalité dans l’enseignement ...................................................................................................................... 25
2.6.
Etat des lieux sur le langage et autres formes de communication ....................................... 25
Des interactions qualitativement et quantitativement différenciées .......................................................... 25
Un « management » de la classe inscrit dans la différence ......................................................................... 27
Le langage épicène : une solution ? ............................................................................................................. 27
2.7.
Etat des lieux sur la formation initiale et le perfectionnement des enseignants ................. 28
L’égalité dans la formation enseignante : un besoin réel ............................................................................ 28
L’égalité des sexes : une thématique complexe ........................................................................................... 28
Le genre : un impensé dans la formation pédagogique des enseignant-es ................................................. 29
2.8.
3.
Bilan de l’égalité entre les sexes dans l’institution scolaire .................................................. 30
Problématisation ............................................................................................................... 32
3.1.
Représentations sociales et catégorisation sociale ............................................................... 32
3.2.
Représentations et catégorisation sociales des enseignant-es............................................. 34
Des représentations sexuées tenaces .......................................................................................................... 35
3.3.
La formation enseignante et la problématique de l’égalité des sexes.................................. 35
4
Des Ecoles normales aux Hautes Ecoles Pédagogiques................................................................................ 36
Vers une féminisation de l’enseignement primaire? ................................................................................... 36
Recommandations de 1981 : un changement à deux vitesses .................................................................... 37
Contenu de la formation dans les Ecoles normales ..................................................................................... 38
Contenu de la formation des HEPs ............................................................................................................... 39
Le cas de la HEP du Valais ............................................................................................................................. 40
La thématique de l’égalité des sexes dans la formation initiale et continue ............................................... 40
Bilan de la problématique dans la formation enseignante .......................................................................... 41
3.4.
Curriculum caché ................................................................................................................... 42
3.5.
Norme implicite d’équité ...................................................................................................... 43
3.6.
Des attentes pas si anodines… .............................................................................................. 44
Rôle actif des élèves ..................................................................................................................................... 44
Des enseignant-es influencé-es par leurs attentes ...................................................................................... 44
Bilan de ces attentes sexuées....................................................................................................................... 46
3.7.
La prophétie autoréalisatrice comme cercle vicieux............................................................. 46
3.8.
Des difficultés aux conséquences sexuées opposées ........................................................... 47
Des normes d’attributions différenciées… ................................................................................................... 47
…à des réactions opposées .......................................................................................................................... 47
3.9.
3.10.
Des évaluations pas si objectives… ....................................................................................... 48
Le sexe comme régulateur des performances scolaires ................................................... 49
Rapports au savoir différenciés .................................................................................................................... 49
Illustration : mathématiques versus français ............................................................................................... 49
Un clivage des savoirs lourd de conséquences ............................................................................................ 50
Faisons le point de la situation… .................................................................................................................. 51
3.11.
L’étonnant « aveuglement » des professionnel-les .......................................................... 51
…Et des élèves .............................................................................................................................................. 52
3.12.
Répercussions sur l’estime de soi...................................................................................... 52
3.13.
Impact de cette socialisation différenciée sur l’orientation ............................................. 53
Des choix professionnels stéréotypés .......................................................................................................... 54
Autres facteurs explicatifs inhérents aux sujets ........................................................................................... 55
Bilan de la socialisation scolaire différenciée ............................................................................................... 56
3.14.
Diverses conceptions des différences de sexe .................................................................. 57
La conception essentialiste .......................................................................................................................... 57
Bémols à relever face à cette conception .................................................................................................... 58
Existence de différences naturelles entre les sexes ..................................................................................... 60
Nécessité d’une autre conception des différences de sexe ......................................................................... 60
5
La conception constructionniste .................................................................................................................. 61
Une conception source d’évolutions (pour l’égalité des sexes) ................................................................... 62
Une théorie permettant de concilier inné et acquis….................................................................................. 63
Impact sur l’égalité des sexes ....................................................................................................................... 64
3.15.
Hypothèses de recherche .................................................................................................. 65
3.16.
Méthodologie .................................................................................................................... 65
Conditions de validité de l’entretien ............................................................................................................ 66
Justification du choix de cette méthode ...................................................................................................... 67
Résistance probable ..................................................................................................................................... 68
Population de l’enquête ............................................................................................................................... 68
Entretien à usage principal ........................................................................................................................... 69
La construction discursive du genre et de l’égalité ...................................................................................... 70
Analyse des discours produits ...................................................................................................................... 71
Une enquête qualitative ............................................................................................................................... 72
4.
Analyse des résultats et discussion................................................................................... 74
4.1.
Profil et généralités ............................................................................................................... 74
Parcours de formation individuels et motivations variées ........................................................................... 75
Pas d’influence des associations militantes ................................................................................................. 75
Sensibilisation à la thématique de l’égalité quasi inexistante dans le milieu familial .................................. 75
Sources d’influences sur l’in-égalité extérieures à l’école ........................................................................... 76
Prudence dans les propos des enseignant-es .............................................................................................. 78
Bilan du profil de nos sujets ......................................................................................................................... 79
4.2.
L’égalité ................................................................................................................................. 80
L’égalité : une notion vague et utopique ..................................................................................................... 80
Un milieu social prétendument égalitaire, mais une thématique de l’égalité des sexes néanmoins
pertinente..................................................................................................................................................... 82
L’égalité hommes-femmes majoritairement peu problématique ................................................................ 84
Les domaines professionnel et familial : enjeux actuels de l’égalité hommes-femmes .............................. 85
L’égalité en classe : une situation peu problématique ................................................................................. 86
Bilan de l’égalité ........................................................................................................................................... 87
4.3.
La mixité scolaire ................................................................................................................... 88
L’école : un milieu aux relations interpersonnelles égalitaires .................................................................... 89
La mixité scolaire : une vision positive et majoritairement garante de l’égalité entre les sexes ................. 90
Une féminisation de l’enseignement primaire mal perçue .......................................................................... 92
Bilan de la mixité scolaire ............................................................................................................................. 95
4.4.
Conception des différences de sexe ...................................................................................... 95
6
Des différences entres garçons et filles à plusieurs niveaux ........................................................................ 96
Origines des différences de sexe : le rôle prépondérant des parents et de la société................................. 98
Des conceptions des différences de sexe hétérogènes .............................................................................. 102
Le système scolaire face aux différences de sexe : dédouanement de la responsabilité et idéalisme ...... 103
Bilan de la conception des différences de sexe .......................................................................................... 105
4.5.
Formation enseignante ....................................................................................................... 105
Une légère sensibilisation à la thématique de l’égalité des sexes chez les « jeunes »............................... 106
Une vision peu favorable de l’éducation à l’égalité des sexes à l’école primaire ...................................... 108
Peu d’apport du matériel didactique en lien avec cette thématique ........................................................ 111
Non-pertinence d’une formation continue à l’égalité des sexes ............................................................... 112
Bilan de la formation enseignante ............................................................................................................. 113
4.6.
Rôle de l’enseignant-e ......................................................................................................... 114
Des pratiques pédagogiques neutres face à des êtres asexusés ................................................................ 114
Relations indifférenciées envers les garçons et les filles ............................................................................ 116
Relations des élèves en fonction du sexe de l’enseignant-e ...................................................................... 116
Interactions majoritairement similaires avec les garçons et les filles ........................................................ 117
Langage épicène à l’école primaire : inutile, voire absurde ....................................................................... 118
Impact relativement minimisé des propos stéréotypés ou sexistes .......................................................... 120
Impact quasi nul sur l’orientation future des élèves selon leur sexe ......................................................... 121
Bilan du rôle de l’enseignant ...................................................................................................................... 122
5.
Retour sur les hypothèses............................................................................................... 124
Hypothèse n°1 : influence du parcours de vie ............................................................................................ 124
Hypothèse n°2 : vision de la mixité scolaire ............................................................................................... 124
Hypothèse n°3 : influence de la conception des différences de sexe ........................................................ 125
Hypothèse n°4 : impact de la formation initiale ........................................................................................ 126
Hypothèse n°5 : « aveuglement » des professionnels ............................................................................... 127
6.
Vers une formation appropriée à l’égalité des sexes ..................................................... 129
6.1.
Conditions pour une formation au genre ............................................................................ 131
Sur la forme… ............................................................................................................................................. 131
Sur le fond…................................................................................................................................................ 132
6.2.
Outils à disposition des enseignant-es ................................................................................ 133
6.3.
Typologie des réactions face à l’égalité des sexes .............................................................. 134
6.4.
Résistances probables ......................................................................................................... 135
6.5.
Stratégies de contournement des résistances .................................................................... 137
6.6.
Conditions supplémentaires pour davantage d’efficacité .................................................. 139
6.7.
Piliers d’une formation appropriée à l’égalité des sexes .................................................... 140
7
7.
Conclusion ....................................................................................................................... 142
8.
Références bibliographiques .......................................................................................... 144
9.
Liste des annexes ............................................................................................................ 150
9.1. Recommandations en vue de l'égalité de l'homme et de la femme dans le domaine de
l'enseignement et de l'éducation du 28 octobre 1993 ................................................................... 151
9.2.
Organisation des cours HEP-VS ........................................................................................... 153
9.3.
Guide d’entretien ................................................................................................................ 154
9.4.
Tableaux d’analyse thématique (26) ................................................................................... 158
9.5.
Le langage épicène .............................................................................................................. 201
9.6.
Profil des différents sujets ................................................................................................... 202
9.7.
Liste non-exhaustive d’outils pour une éducation à l’égalité des sexes à l’école primaire 210
9.8.
Liste des abréviations .......................................................................................................... 211
8
Informations
Pour la rédaction de ce mémoire, nous avons utilisé le pronom « nous » (pluriel de modestie)
à la place du pronom « je ». C’est pour cette raison que nous n’accordons pas les verbes qui
suivent ce « nous » au pluriel.
Langage épicène
Pour rédiger ce mémoire, nous avons choisi d’utiliser le langage épicène, soit – tel que le
mentionne Petrovic (2004a) en début de son article – d’écrire « avec une grammaire et une
orthographe où le masculin ne l’emporte pas sur le féminin, c’est-à-dire qui nomme, et donc
représente graphiquement et symboliquement les deux sexes1, car les mots sont le support de
nos représentations. Ainsi, chacun [chacune], en ressentant la gêne produite par cette
présentation grammaticale inhabituelle, pourra mesurer l’importance et la portée des
résistances aux changements, aussi minimes soient-ils » (p. 78-79). Les citations cependant
sont reprises textuellement, indépendamment de l’application ou non du langage épicène.
Remerciements
Je tiens à remercier tout particulièrement ma directrice de mémoire, Mme Julie Jarty, pour sa
générosité intellectuelle, son soutien, sa précieuse aide et ses nombreux conseils tout au long
de l’élaboration de cette recherche.
Un grand merci aussi à mes huit sujets d’entretien, enseignants et enseignantes primaires, qui
ont généreusement accepté de consacrer du temps pour répondre à mes questions - parfois
intrusives - et sans qui cette recherche n’aurait pu être réalisée.
Je remercie également chaleureusement Mme Josée Hayoz, Mme Véronique Tapparel, Mme
Muriel Thalmann, ainsi que Mme Fabienne Salamin pour leur relecture, leurs propositions
d’améliorations ainsi que leurs précieux conseils.
Je remercie aussi Mme Nicole Jacquemet et Mme Danielle Périsset pour leurs références et
leur aide, notamment au sujet de la formation enseignante.
Finalement, j’adresse un grand merci à Mme Danielle Tapparel, pour son soutien moral tout
au long des différentes étapes de ce travail, ainsi que pour sa minutieuse relecture. Merci enfin
à Mme Myriam Posse, pour ses conseils en début de projet.
1
…Il est à préciser que tous les dictionnaires de langue française d’aujourd’hui présentent toujours les mots sous leur forme
masculine comme norme uniquement, leur féminisation étant une adaptation (ibid).
9
Attestation d’authenticité
Je certifie que ce mémoire constitue un travail original et j’affirme en être l’auteur. Je certifie
avoir respecté le code d’éthique et la déontologie de la recherche en le réalisant.
Sierre, le 4 janvier 2013.
Johan Epiney
10
1. Introduction
Le sexe constitue la caractéristique biologique par excellence permettant de différencier et de
catégoriser un groupe d’individus par rapport à un autre, en l’occurrence les hommes et les
femmes. En effet, à quelques rares exceptions près, il présente des avantages de visibilité,
d’universalité et de permanence (Duru-Bellat, 2004). Au cours de la socialisation, une
multitude d’attributs spécifiques viennent se greffer sur cette base anatomique et contribuent à
l’apparition de rôles, d’attitudes, de comportements typiques et conformes aux normes de
chaque sexe, instituant par là même certains rapports sociaux entre les individus. Ainsi, les
garçons deviennent de « vrais petits garçons » et les filles de « vraies petites filles », les deux
groupes s’opposant de manière relativement dichotomique, les premiers s’inscrivant en
position de domination par rapport aux secondes. Puis, à l’école, les enseignant-es accueillent
ces « petits modèles stéréotypés » et ont pour principale mission de les former. Toutefois,
ayant certaines conceptions des garçons et des filles, ils/elles concourent aussi, bien souvent
sans en avoir conscience, à la (re)production ou au maintien de ces différences prégnantes,
soit aux inégalités de sexe. Nous désirons donc dans ce travail de recherche explorer les
représentations de quelques membres du corps enseignant vis-à-vis de leurs élèves
filles/garçons et de l’(in)égalité de sexe.
Dans un premier temps, notre analyse porte sur le contexte institutionnel dans lequel ont
évolué et évoluent encore les sujets de notre enquête. Plus particulièrement, notre regard
s’attarde sur les principes et recommandations émises par la Conférence suisse des directeurs
cantonaux de l’instruction publique [CDIP] en vue d’une égalité entre hommes et femmes. En
effet, nous cherchons à déterminer la situation actuelle de la Suisse en matière d’équivalence
dans l’enseignement, de langage et de formation des enseignant-es. Ceci permet de nous faire
une première idée des représentations des membres du corps enseignant ainsi que de
l’évolution de celles-ci.
Dans un deuxième temps, nous parcourons diverses facettes du domaine scolaire, pour
déterminer si les élèves « subissent » ou non une socialisation différenciée au niveau primaire.
Nous faisons ensuite un détour du côté de la formation enseignante ainsi que des conceptions
des différences de sexe ; deux éléments permettant d’expliquer les variations des
représentations des enseignant-es.
Suite à l’analyse des propos des enseignant-es de notre population d’enquête, ainsi qu’un
retour sur nos hypothèses, finalement, l’ultime chapitre est consacré à une réflexion sur une
éventuelle formation appropriée à l’égalité des sexes selon les résultats de notre recherche.
11
1.1. Motivations
Diverses motivations sont à l’origine de ce mémoire de recherche. Tout d’abord, les
problématiques liées aux rapports de genre dans la société sont une thématique qui nous
intéresse depuis fort longtemps, surtout du point de vue des premières instances de
socialisation que représentent le milieu familial et le milieu scolaire, deux sources d’influence
prépondérantes dans la construction de l’identité sexuée de l’enfant (Epiney, 2011).
D’ailleurs, nous cherchons sans cesse à sensibiliser notre entourage à cette problématique de
manière à ce que soit dispensé aux enfants ou aux élèves, selon leur statut de parent et/ou
d’enseignant-e, une éducation ou un enseignement se rapprochant d’une certaine forme
d’égalité des sexes.
Par ailleurs, en tant qu’homme soucieux d’une thématique dont les femmes sont
majoritairement les victimes – et ayant, qui plus est, un parcours de formation non-conforme
aux normes de sexe – nous pensons pouvoir influencer les personnes que nous tentons de
sensibiliser. En effet, selon Fontanini (2005), « beaucoup moins d’hommes que de femmes,
universitaires ou de terrain, s’intéressent à l’égalité entre les sexes » (p. 112). Par expérience,
nous avons pu constater que la majorité de nos interlocuteurs, étonnés qu’un homme soit
interpellé par ce thème, prennent le temps de nous écouter, puis d’argumenter, débattre et
discuter, ce qui permet probablement de les sensibiliser. Ainsi, par notre sexe, nous évitons
l’argument simpliste avancé par bon nombre de personnes résistantes à ce sujet, prétendant
que cette problématique est une « affaire de femmes » ou que seules les féministes s’en
préoccupent au travers de leur « combat ».
En outre, étant partisan de la perspective constructionniste – c’est-à-dire persuadé que la
différence des sexes « est une pure construction sociale » (Guilbert, 2004, p. 13), résultant
donc de l’éducation et de la culture – nous sommes convaincu par la théorie de la plasticité
cérébrale, à la base de tout apprentissage et prônant la prédominance de l’acquis sur l’inné :
« à la naissance, les grandes lignes de l’architecture du cerveau sont définies, mais la
construction du cerveau est loin d’être terminée : 90% des circuits de neurones vont se former
dans les 15-20 ans suivant la naissance » (Vidal, 2007, cité par Marguerite, 2008, p. 2). Ainsi,
le cerveau se modelant en fonction de l’expérience et de l’apprentissage, nous prenons
conscience de l’influence de la famille, de l’école, de la culture et de la société en général
dans cette construction (Vidal, 2006) mais aussi et surtout de l’importance d’un traitement
égalitaire des garçons et des filles au niveau de l’éducation et de l’enseignement.
Finalement, étant enseignant primaire, nous estimons donc avoir un rôle notable à jouer à
l’école au niveau de l’égalité entre les garçons et les filles, même si nous savons
pertinemment que l’environnement familial influence déjà passablement les enfants en
12
fonction de leur sexe, tout comme l’éducation préscolaire, au sein des crèches par exemple
(Cresson, 2010). C’est dans ce sens que Petrovic (2004) affirme que « l’école obligatoire […]
peut offrir à l’enfant une alternative à l’éducation qu’il-elle reçoit dans l’huis clos familial
[…]. L’institution scolaire semble être par conséquent le lieu stratégique pour interférer sur
les processus qui conduisent aux inégalités entre les sexes constatées à l’âge adulte » (p. 148).
Toutefois, nous tenons à relever que nous ne souhaitons nullement inverser la tendance ou
« transformer » les garçons en filles ou vice versa, mais plutôt nous assurer que chacun-e
puisse se développer pleinement selon son potentiel, ses intérêts et ses motivations,
indépendamment de son sexe2. Ainsi, suite aux connaissances acquises par ce travail de
recherche, nous nous efforcerons de dispenser un réel enseignement garantissant l’égalité des
chances du point de vue des sexes de chaque élève en matière de formation, tant pour le
présent que pour l’avenir. En effet, nous sommes conscient que « la question de l’égalité des
chances à l’école renvoie aussi […] à l’égalité des chances dans la vie » (Duru-Bellat, 2004b,
p. 45) !
Nous tenons à relever pour terminer que la partie théorique de ce travail – synthétisant entre
autres de nombreuses recherches sur les pratiques différenciées des enseignant-es envers les
garçons et les filles à l’école – peut contribuer à faire connaître cette problématique auprès des
professionnels de l’éducation. En effet, Mosconi (2011) prétend que « les apprentissages
scolaires eux-mêmes sont producteurs d’inégalités de sexe et le système scolaire n’est en
définitive pas plus – pas moins non plus – égalitaire que les autres champs du social. Mais ces
recherches sont peu connues » (p. 57).
1.2. Apports professionnels
D’un point de vue professionnel, cette recherche devrait, dans un premier temps, donner un
nouvel éclairage sur la construction discursive du genre et des inégalités de sexe dans le corps
enseignant : quelle est la place accordée à l’égalité entre les sexes et, dans le même temps,
quelles sont les représentations que les enseignant-es se font (et, partant, qu’ils/elles
véhiculent) du masculin et du féminin ? En effet, nous savons très peu de choses sur la
manière dont les enseignant-es parlent du genre, interprètent les différences et les inégalités
de sexes, perçoivent leur potentiel de transmission d’un ordre de genre plus ou moins
transformatif à l’égard des normes dominantes en la matière. Or, ce questionnement nous
semble d’autant plus pertinent que leurs représentations (genrées) du monde, leurs attentes
envers les filles et les garçons sont susceptibles d’impliquer des pratiques différenciées en
2
Comme le mentionnait d’ailleurs Gianini Belloti dans son introduction en 1973 déjà: « faire en sorte que chaque individu
[…] ait la possibilité de se développer de la façon qui lui convient le mieux, indépendamment du sexe auquel il appartient »
(p. 12).
13
fonction du sexe de l’élève, et donc d’agir, à terme, sur la (re)production d’inégalités sexuées
et sur les orientations différenciées. Mais ils peuvent aussi faire office de levier de
transgression des normes de genre, de remise en question du « système sexe/genre » (Kergoat,
Guichard-Claudic & Vilbrot, 2008), c’est-à-dire du principe de différenciation et de
hiérarchisation des sexes. Ils/elles peuvent donc contribuer à développer une attitude ouverte
et tolérante chez leurs élèves face à la « transgression des rôles de sexes » (p. 14), tel que
préconisée par Marro et Vouillot (2004), indispensable à leurs yeux pour « penser et former à
la mixité » (p. 19).
Dans un deuxième temps, nous souhaitons mettre en évidence une certaine corrélation entre le
courant théorique sous-tendant – implicitement ou non – la conception des différences de sexe
et la position adoptée par les enseignant-es face à l’égalité des sexes à l’école, donc vis-à-vis
de leurs élèves en fonction de leur sexe. En effet, nous pensons qu’une vision essentialiste des
différences filles/garçons – quoique soutenue par une partie des féministes dites « naturalistes
» – risque de mener à davantage de résistances dans cette lutte pour l’égalité des sexes. En
effet, à quoi bon s’efforcer de tenter de modifier ou atténuer ce qui est inscrit à la base dans
les gènes ? Pourquoi chercher à éduquer/enseigner de la même manière alors que filles et
garçons sont fondamentalement opposé-es de nature ? A l’opposé, nous estimons qu’une
vision constructionniste amène plutôt l’enseignant-e à tenter de réduire les différences
constatées entre garçons et filles. Ainsi, nous pensons que le fait de nous situer plutôt dans
l’une ou l’autre perspective peut avoir un impact sur la manière de concevoir l’enseignement,
notamment en matière d’(in)égalité des sexes. Nous reviendrons sur ces aspects en fin de
problématisation.
Des enjeux de formation entrent enfin en ligne de compte. Dans l’idéal, il est possible que
nous parvenions aussi à rendre manifeste le niveau de sensibilisation à la problématique genre
entre la génération des enseignant-es formés dans les Ecoles normales [ENs] et celle sortant
des Hautes Ecoles Pédagogiques [HEPs]. En effet, nous estimons qu’une certaine
sensibilisation – le simple fait même de considérer les différences comme ne découlant pas
exclusivement de la nature – peut contribuer au traitement plus égalitaire des filles et des
garçons à l’école par le personnel enseignant.
Dans le même ordre d’idée, nous souhaitons aussi parvenir à étudier la réponse de la
formation actuelle des enseignant-es – tout au moins, la perception que les enseignant-es ont
en – suite à l’introduction des mesures d’égalité, notamment en termes de formation. Il
semble intéressant d’analyser l’opinion des enseignant-es, ainsi que l’intégration de ces
mesures dans les représentations et de ce fait, dans leurs pratiques. Si le parcours de vie de
chaque individu joue probablement un rôle bien plus important du point de vue de la
sensibilité à cette thématique que la formation suivie pour devenir enseignant-e, celle-ci n’en
14
demeure pas moins une facette des expériences individuelles du genre peu étudiée jusqu’à
présent.
Finalement, il nous semble pertinent de mettre en évidence la légitimité de cette
problématique, c’est-à-dire de déterminer aux yeux des enseignant-es quelle place occupe
l’égalité des sexes et quelle importance ils/elles lui assignent, après le parcours de formation,
dans les établissements scolaires.
15
2. L’égalité entre les sexes dans l’institution scolaire : état des
savoirs
De nombreux travaux francophones traitent de la question de l’égalité entre les sexes dans
l’institution scolaire. Pour débuter cette recherche, nous avons jugé indispensable d’en
retracer les apports principaux en nous tournant du côté des principes et recommandations sur
l’égalité émis par la CDIP, car ces derniers alimentent et sont à l’origine de notre
questionnement. Par ailleurs, ils nous permettent de brosser le contexte institutionnel de notre
population d’enquête. Ainsi, notre propos tiendra tout particulièrement compte du contexte
suisse tout en réinsufflant des réflexions plus larges, car la thématique de l’égalité des sexes
dans le milieu scolaire dépasse bien entendu les frontières helvétiques.
Nous avons donc choisi de nous attarder sur l’évolution de l’égalité des sexes entre les filles
et les garçons à l’école en nous posant la question initiale suivante : « quelles mesures ont été
mises en place en Suisse pour faire évoluer les représentations des enseignant-es en termes
d’égalité des sexes depuis les années 70 et quelles ont en été leurs conséquences dans la
pratique ? ». Pour répondre à cette question, nous allons tout d’abord dresser l’historique
suisse de ces différents principes et recommandations de manière à connaître l’évolution au
niveau des textes officiels. Dans un deuxième temps, suite à un rapide détour du côté d’une
« révolution pédagogique » majeure de ces dernières décennies – soit la mixité scolaire –
notre regard va se porter sur la situation actuelle de la Suisse en matière d’égalité entre
hommes et femmes dans le système éducatif, mais uniquement du point de vue de
l’équivalence dans l’enseignement ainsi que de la formation du personnel enseignant. Ceci
nous permettra de prendre conscience du contexte institutionnel dans lequel les enseignant-es
évoluent actuellement et d’évaluer les progrès réalisés et ceux qui restent à faire du point de
vue de cette égalité des sexes. Mais avant tout, ouvrons une brève parenthèse pour présenter le
niveau du processus de socialisation opérant sur les garçons et les filles qui fait l’objet de
notre analyse.
2.1. La socialisation, un processus qui (trans)forme
Darmon (2010) définit la socialisation par ces termes : « l’ensemble des processus par
lesquels l’individu est construit […] par la société globale et locale dans laquelle il vit,
processus au cours desquels l’individu acquiert […] des façons de faire, de penser et d’être
qui sont situées socialement » (p. 6). Ainsi, les individus – garçons ou filles – sont formés et
transformés par cette société (ibid). Cette auteure parle d’ailleurs de « force formatrice » et de
« puissance transformatrice » (p. 8) pour montrer à quel point ce processus de socialisation est
influent. En effet, nous savons désormais que, dès la naissance, petits garçons et petites filles
16
connaissent une socialisation différenciée en fonction du sexe qui leur a été assigné, d’où
l’expression « socialisation de genre » (Rouyer et al., 2010, p. 7) utilisée par certain-es auteures. Selon Ferrand (2004), sa principale fonction est « d’inculquer à l’enfant et de lui faire
« incorporer » comme naturelles, les qualités socialement associées à son sexe anatomique et
construites en fonction de la société où il va vivre » (p. 6).
Pour Dafflon Novelle (2006), il existe plusieurs instances de socialisation : la famille, l’école
– y compris les crèches et les écoles enfantines – ainsi que la société de manière générale. De
plus, la même auteure affirme que certains « agents périphériques de socialisation » (p. 361)
destinés aux garçons et aux filles, soit les jouets, les habits et le sport, participent également à
ce processus spécifique tout comme d’autres vecteurs tels que les médias, la télévision, les
livres et albums illustrés, la publicité, les œuvres d’art, etc. Ces différents vecteurs et
instances de socialisation contribuent à faire vivre à l’enfant des « expériences de socialisation
différenciées » (Gaudron, 2009, p. 3)3.
Selon une conception diachronique de ce processus, la plupart des sociologues distinguent la
socialisation primaire de celle secondaire, la première ayant lieu au sein du cercle familial
alors que la seconde renvoie à toutes les autres instances de socialisation de l’enfant (Darmon,
2010). Selon Berger et Luckmann (1986), cités par Zaidman (1996), cette dernière « consiste
en tout processus postérieur qui permet d’incorporer un individu déjà socialisé dans des
nouveaux secteurs du monde objectif de sa société » (p. 15). L’école concourt donc à cette
socialisation secondaire : en effet, les différentes instances de socialisation préscolaires et
scolaires participent « à la construction sexuée des enfants et à la socialisation différenciée
des filles et des garçons » (Murcier, 2005, p. 4). Les enseignant-es jouent donc un rôle dans ce
processus de socialisation sexuée des élèves en prolongeant les expériences vécues dans la
famille. C’est dans ce sens que Darmon considère l’école comme la « plaque tournante de la
socialisation primaire » (p. 61).
Bien que la socialisation primaire soit essentielle, car inculquant « à l’individu les
connaissances et attitudes « fondamentales » » (Darmon, 2010, p. 10), nous avons choisi de
focaliser notre recherche uniquement sur la socialisation secondaire opérée par l’école,
principalement par le personnel enseignant. Déterminons ainsi à présent le contexte dans
lequel ces enseignant-es ont évolué et évoluent actuellement en analysant les mesures mises
en place pour favoriser l’égalité à l’école en Suisse. Pour ce faire, appuyons-nous sur le
rapport de tendance de 2006 du Centre Suisse de coordination pour la Recherche en
Education [CSRE], rédigé par Grossenbacher.
3
Pour de plus amples informations à ce sujet, nous laissons le soin à nos lecteurs-trices de se référer à l’ouvrage d’Anne
Dafflon Novelle Filles-garçons. Socialisation différenciée ? publié en 2006.
17
2.2. Institutionnalisation de la problématique de l’égalité entre les sexes dans
le milieu scolaire helvétique
La situation des femmes et des hommes ainsi que des filles et des garçons dans le système
éducatif n’a pas toujours constitué, en Suisse, un centre d’intérêt. En effet, bien que la mixité
à l’école ait été introduite dans les années 1960, ce n’est qu’au début des années 70 que la
société a réellement commencé à se poser des questions sur l’égalité des sexes. C’est dans ce
sens que la CDIP a publié, à plusieurs reprises – en 1972, en 1981, puis en 1993 – des
recommandations et des principes en vue d’une certaine égalité entre les hommes et les
femmes (Grossenbacher, 2006).
1972 : principes relatifs à la formation des jeunes filles
Suite au constat de la sous-représentation du sexe féminin dans les formations secondaires et
tertiaires, la CDIP a cherché à instaurer l’égalité entre filles et garçons dans la formation au
niveau de l’école obligatoire, à travers ses Principes relatifs à la formation des jeunes filles,
émis le 2 novembre 1972. Ces principes visaient d’une part à supprimer les nombreuses
discriminations du système éducatif envers les filles – nombre inférieur de disciplines
déterminantes reçues telles que les mathématiques ou les sciences, cours obligatoires basés
sur le travail domestique – et d’autre part, à favoriser leur accès aux écoles supérieures
(Chaponnière, 2006). A cette époque, la politique de l’éducation s’est basée sur le modèle
prévalant dans la société, soit une conception bourgeoise de la famille : le père nourricier – la
mère au foyer. Ainsi, garçons et filles suivaient des programmes distincts qui correspondaient
aux caractéristiques différentes « naturelles » attribuées aux hommes et aux femmes
(Grossenbacher, 2006). Comme personne ne se penchait sur « la perception différenciée des
rôles sociaux […] à l’origine des inégalités entre filles et garçons à l’école » (ibid, p. 8), la
situation n’a que peu évolué.
1981 : mêmes chances de formation pour jeunes filles et garçons
Au début des années 80, suite à la vérification de l’application de ces Principes relatifs à la
formation des jeunes filles par une commission spéciale, la CDIP a mis à jour – le
30 octobre 1981 – d’autres recommandations : Mêmes chances de formation pour jeunes filles
et garçons (CDIP). A travers celles-ci, la CDIP cherchait à offrir réellement les mêmes
possibilités de formation aux deux sexes au cours de la scolarité obligatoire, de manière à ce
que les filles ne soient plus sous-représentées au niveau de la formation professionnelle et des
hautes écoles (Grossenbacher, 2006). La politique d’éducation a alors profondément changé et
s’est basée sur un modèle fondé sur le principe de l’égalité : généralisation de la mixité,
garantie d’une éducation complète pour les deux sexes, égalité des plans d’étude ainsi
18
qu’abandon de l’attribution de rôles stéréotypés à chaque sexe à plusieurs niveaux, etc. (ibid).
Ces recommandations ont d’ailleurs inscrit le principe d’égalité dans la Constitution.
Dix ans plus tard, une autre commission ad hoc a vérifié l’adoption de ses recommandations.
Les résultats ont mis en évidence que, malgré les progrès réalisés par les filles et jeunes
femmes, il subsistait toujours un écart entre les sexes dans le domaine de la formation. De
plus, cette commission a aussi relevé le difficile démantèlement des stéréotypes, impliquant
des rôles sexués. Par ailleurs, une analyse bibliographique incluse dans son rapport démontrait
« combien le pouvoir de socialisation de l’école [induisait] des comportements différents
selon les sexes » (CDIP, 1992, p. 52 cité par Grossenbacher, 2006, p. 11). D’une part, la
mixité semblait renforcer les stéréotypes plutôt que de les éliminer, et ce, tant du côté des
élèves que des enseignant-es. D’autre part, de nombreuses études certifiaient que l’école
engendrait des désavantages sexospécifiques dans plusieurs domaines (ibid) : structure
scolaire, didactique, contenus de l’enseignement, moyens d’enseignement, langue
d’enseignement, interactions entre enfants ou adolescents, interactions entre corps enseignant
et élèves ainsi que violence à l’école. Suite à ces constats, il n’est pas anodin de se poser la
question de la pertinence de la mixité à l’école pour lutter contre les inégalités. Cependant, la
commission a conclu qu’il ne fallait pas renoncer à la mixité, mais qu’il convenait de
« concevoir l’enseignement mixte de telle sorte qu’il ne discrimine ni les filles ni les garçons
[et de] promouvoir un enseignement qui attache la même attention à la formation des filles et
des garçons » (ibid, p. 12). Elle a donc préconisé d’agir sur les structures scolaires (plans
d’études, moyens d’enseignement, interactions entre élèves, langue) de manière à modifier la
traditionnelle imputation des rôles garçons/filles et d’encourager le développement des
compétences sociales des premiers et de la confiance en soi des secondes (ibid).
1993 : recommandations en vue de l’égalité de l’homme et de la femme dans le domaine
de l’enseignement et de l’éducation
Le 28 octobre 1993, la CDIP adopte ses Recommandations en vue de l’égalité de l’homme et
de la femme dans le domaine de l’enseignement et de l’éducation suite aux conclusions plutôt
alarmantes présentées ci-dessus. Ces recommandations, visant l’égalité des sexes dans le
système éducatif, renforcent, mais surtout élargissent des principes déjà émis par le passé
(Grossenbacher, 2006). Focalisons-nous sur deux points particulièrement intéressants en ce
qui nous concerne4.
4
Formulation personnelle ; l’intégralité des recommandations se trouve en annexes
19
Equivalence dans l’enseignement (point 3) :

Esprit d’ouverture et respect de l’environnement quotidien et professionnel des deux
sexes dans l’enseignement et les moyens d’enseignement

Respect de l’équivalence des deux sexes dans le langage et les autres formes de
communication
Formation initiale et perfectionnement des enseignants (point 4)

L’égalité des sexes est une discipline obligatoire du programme de formation

Les enseignantes et les enseignants doivent être amenés à reconnaître tout ce qui peut
être préjudiciable à ce principe, et à y remédier (Grossenbacher, p. 16, 2006)
Qu’en est-il aujourd’hui – près de vingt ans plus tard ? Les pratiques des enseignant-es ontelles évolué ? Les moyens d’enseignement respectent-ils la neutralité entre les sexes ? La
formation enseignante offre-t-elle les outils nécessaires pour lutter contre les inégalités
sexuées ou faire bon usage de cette mixité scolaire ? Avant de passer à un aperçu de la
situation actuelle de la Suisse à ces différents niveaux, débutons par une parenthèse sur la
mixité scolaire – et la représentation que s’en font les enseignant-es – et ses effets sur les
élèves. En effet, à ce stade, il nous semble important de connaître en quoi elle implique une
socialisation différenciée en fonction du sexe des élèves.
2.3. De l’égalité théorique… aux pratiques inégalitaires
La mixité scolaire – anciennement « coéducation » – introduite dans les années 1960
(Chaponnière, 2006), a été perçue par certains comme l’une des plus grandes révolutions
pédagogiques du siècle. En effet, celle-ci partait du présupposé que la cohabition des filles et
des garçons produirait « naturellement » de l’égalité (Petrovic, 2004b). En étroite corrélation
avec le principe d’égalité entre les sexes, elle a consisté au droit égal de tout individu à
l’instruction : droit d’accès à tous les savoirs, cursus, filières, diplômes et donc à toutes les
professions (Mosconi, 2011). Ainsi, elle était bien « la condition nécessaire de l’égalité
d’instruction entre les sexes » (Mosconi, p. 1). Cependant, cette condition n’a pas semblé
suffisante : bien que la mixité ait représenté un immense progrès en faveur de l’égalité, de
nombreuses recherches (Baudoux & Noircent, 1995 ; Bereni et al., 2008 ; Chaponnière,
2006 ; De Boissieu, 2007 ; Duru-Bellat, 1995, 2004b ; Marguerite, 2008 ; Marro & Vouillot,
2004 ; Mosconi, 2011 ; Petrovic, 2004b ; Rouyer, Croity-Belz & Prêteur, 2010 ; Zaidman,
1996) ont relevé que sa mise en œuvre n’avait malheureusement pas vraiment mené à une
éducation égalitaire ! Selon Zaidman, auteure d’une recherche importante sur la mixité à
20
l’école primaire, « la manière dont la mixité s’est imposée dans l’école sans réflexion
pédagogique préalable continue à peser sur la façon dont l’école gère les relations entre les
sexes » (p. 16).
Selon Marro et Vouillot (2004), citant Vouillot (2001), cela s’explique par les deux
principaux obstacles suivants : l’« absence de réflexion, de conception de la mixité » (p. 5)
d’une part et le manque de formation des enseignant-es à une coéducation d’autre part. Par
rapport à cette première difficulté, Rouyer et al. (2010) préconisent que la mixité scolaire ne
devrait pas être une « simple juxtaposition d’individus appartenant à des catégories » de sexe
et de genre différentes, mais plutôt être pensée « en lien avec les processus de socialisation de
genre […] à l’œuvre dès la naissance de l’enfant dans notre société et ses institutions » (p.
216) telles que l’école. En ce qui concerne la formation enseignante, les chercheurs et
chercheuses démontrent par exemple que les pratiques enseignantes ne vont pas dans le sens
d’une éducation à l’égalité des sexes (Mosconi, 2011). Ainsi, nous assistons à une « égalité de
principe dans le système scolaire [mais à des] pratiques enseignantes inégalitaires » (ibid, p.
1), car les membres du corps enseignant ne considèrent pas cette mixité comme un objet de
réflexion ou un instrument pédagogique (Zaidman, 2006) : aujourd’hui encore, la mixité
semble donc aller de soi et ne faire l’objet d’aucune attention éducative particulière. Ainsi,
elle est perçue par les enseignant-es comme « quelque chose qui ne pose pas problème »
(Fontanini, 2005, p. 109). Petrovic (2004) soutient pourtant que « la croyance en une
institution scolaire égalitaire et hermétique aux valeurs dominantes de notre société […] doit
être à l’avenir à abandonner » (p. 159). Cette représentation de la mixité positive et garante de
l’égalité entre les sexes n’aurait-elle donc pas évolué chez les enseignant-es depuis son
introduction dans les années 60 ? Nous reviendrons plus tard sur cet aspect.
2.4. La mixité scolaire, source d’inégalités…
Identifions donc les différentes inégalités provenant de cette mixité. Nous pouvons relever
deux types d’inégalités sociales en fonction du sexe se manifestant tout au long de la scolarité.
…du côté des garçons
D’une part, bon nombre de chercheurs ou chercheuses mettent en évidence « l’inégalité de
réussite scolaire à l’avantage des filles » (Bereni et al., 2008, p. 96). Les filles réussissent en
effet mieux que les garçons à l’école, et ce, à tous les niveaux du système scolaire (Baudelot
& Establet, 2007 ; Chaponnière, 2006 ; Courtinat-Camps & Prêteur, 2010 ; Dafflon Novelle,
2006 ; De Boissieu, 2007 ; Fontanini, 2005 ; Marguerite, 2008 ; Mosconi, 1998 ; Petrovic,
2004b ; Rouyer et al., 2010) : elles ont de meilleurs résultats, redoublent moins souvent et
font des études plus longues! Maccoby (1990) et Ehrlich (2001), cités par De Boissieu,
21
expliquent ces résultats par la meilleure intériorisation des normes scolaires par les filles.
Cette dernière auteure s’aventure même à dire que « les filles semblent mieux adaptées aux
études, étant plus studieuses, mieux organisées, plus assidues » (p. 2). De leur côté, les
garçons présentent ainsi un taux d’échec plus élevé que ces dernières (Gavray &
Adriaenssens, 2010).
…du côté des filles
Cette réussite scolaire des filles est cependant à relativiser ! En effet, la seconde inégalité,
cette fois à l’avantage des garçons, réside dans l’orientation scolaire (Bereni et al., 2008). En
dépit de leur réussite scolaire supérieure, de plus d’études générales, du taux d’accès plus
élevé à l’université, de l’obtention de plus de diplômes, donc de la « domination scolaire »
(Zaidman, 1996, p. 113) des filles, ces dernières se concentrent dans un nombre restreint de
filières – par ailleurs moins souvent professionnalisées – et délaissent les filières les plus
prestigieuses (Duru-Bellat, 1994, 2004b ; Fontanini, 2005 ; Moreau, 2011 ; Rossi-Neves &
Rousset, 2010) telles que celles scientifiques ou les grandes écoles d’ingénieurs pour occuper
de manière massive les emplois situés au bas de la hiérarchie (Baudelot & Establet, 2007).
Ainsi, elles préfèrent s’investir dans des filières dites « relationnelles », leur donnant accès à
des métiers du social, de la santé ou de l’éducation (Bereni et al.). Elles se retrouvent donc
« accomplir sur le plan professionnel les tâches qui étaient les leurs dans la sphère familiale :
éduquer, soigner, assister » (Baudelot & Establet, p. 16). Au final, tel que nous le décrit
Mosconi (2009), « les filles ont une meilleure réussite scolaire que les garçons, jusqu’à
l’Université, mais les hommes ont une réussite professionnelle nettement meilleure que celle
des femmes ». En d’autres termes, comme l’ont montré Baudelot et Establet (1992/2007),
cités par Courtinat-Camps et Prêteur (2010), d’un côté, les filles investissent mieux l’école,
mais de l’autre, les garçons la réinvestissent mieux au niveau de leur carrière professionnelle.
Nous reviendrons sur cet aspect lorsque nous approfondirons la question de l’orientation et
des choix professionnels différenciés des garçons et des filles. Retenons simplement pour
l’instant que la mixité scolaire, fondée sur le principe théorique d’égalité des chances entre les
sexes contribue en réalité à la (re)production d’inégalités, ce qui fait dire à Marro et Vouillot
(2004), qu’« il n’y a pas plus d’égalité d’accès, qu’égalité de traitement (et par suite qu’égalité
de réussite) entre filles et garçons au sein des filières de notre système éducatif » (p. 4). Mais
faut-il pour autant, comme le préconisent certains chercheurs anglo-saxons, abolir la mixité
scolaire pour revenir à une division des sexes en vue d’éviter la comparaison (Courtinat-Camp
& Prêteur)? A ce sujet, Gianini Belotti certifiait déjà quarante ans auparavant:
22
soutenir qu’il vaudrait mieux que les petits garçons et les petites filles soient
franchement séparés à partir de l’école primaire, revient à souligner leur incapacité à
vivre ensemble […] la solution n’est pas de les séparer parce qu’ils sont différents
[mais] d’abolir cette différence en les élevant comme des individus et non comme
appartenant à l’un ou l’autre sexe. (1973, p. 199-200)
Vers une évolution positive ?
Selon Durand-Delvigne (1998), cité par Petrovic (2004b), malgré la présence de ces
inégalités, « ce n’est pas la mixité qu’il faut remettre en cause, mais ses effets » (p. 168), car
seule la situation de mixité permet de réellement modifier les rapports sociaux de sexe
existants, de provoquer un changement de société profond visant davantage d’égalité entre les
femmes et les hommes (Petrovic). En effet, la mixité rend possible « l’apprentissage de l’être
ensemble, de l’altérité dans le respect de l’autre » (ibid, p. 171), mais à la seule condition de
renoncer « au leurre de la neutralité éducative » (Zaidman, 1996, p. 212) – que nous
examinerons dans notre problématisation – de manière à réellement prendre en compte les
différences entre les sexes produites par la société. Il convient donc de passer d’une mixité
non-pensée à une mixité maîtrisée ou réfléchie (Vouillot, 2001, cité par Petrovic) en
développant une « pédagogie appropriée » (Baudoux & Noircent, 1995, p. 5). Pasquier (2010)
prétend ainsi que la mixité scolaire doit être perçue « comme un instrument pédagogique
pouvant conduire au rééquilibrage des relations entre les sexes » (p. 63), et non à la simple
coexistence des deux sexes, comme c’est encore le cas aujourd’hui. C’est peut-être à ce
niveau-là que les enseignant-es ont un rôle à jouer…
Nous allons, à présent, nous baser principalement sur le rapport de tendance du CSRE,
intitulé vers l’égalité des sexes à l’école (2006), pour analyser la situation actuelle en Suisse
en matière d’égalité entre hommes et femmes dans le système éducatif. Cet état des lieux fait
suite à la publication des diverses recommandations par la CDIP. Cependant, notre attention
se focalisera uniquement sur les deux points principaux susmentionnés, retenus des
recommandations de 1993, soit l’équivalence dans l’enseignement – constituée de
l’enseignement, des moyens d’enseignement et du langage – et la formation initiale et
continue des enseignant-es.
2.5. Etat des lieux sur l’équivalence dans l’enseignement
Des moyens d’enseignement en retard sur leur temps
En ce qui concerne l’équivalence dans l’enseignement, « l’enseignement et les moyens
d’enseignement doivent être conçus dans un esprit d’ouverture et dans le respect de la
diversité de l’environnement quotidien et professionnel des deux sexes » (CDIP, 1993, p.
23
247). Le matériel didactique ne remplit pas encore cette condition. En effet, plusieurs
spécialistes (Baudelot & Establet, 2007 ; Baudino, 2007 ; Baudoux & Noircent, 1995 ; Bereni,
Chauvin, Jaunait, & Revillard, 2008 ; Duru-Bellat, 1995, 2004b ; Gianini Belotti, 1973 ;
Mosconi, 1998, 2011 ; Moreau, 1994 ; Petrovic, 2004a, 2004b ; Rouyer, 2007 ; SinigagliaAmadio, 2010) ont constaté que les manuels scolaires, les supports (ouvrages, logiciels, etc.)
et/ou les contenus pédagogiques étaient truffés de stéréotypes sexistes, qu’ils ne contenaient
que peu de modes de vie, comportements ou de modèles non conventionnels pour les filles et
les garçons et que les femmes et jeunes filles étaient quantitativement sous-représentées, sousvalorisées et souvent présentées dans la seule sphère familiale, et ce, indépendamment de la
discipline scolaire analysée. Pourtant, une éducation respectueuse de l’égalité des sexes
devrait entre autres sous-tendre « des moyens d’enseignement […] axés sur la diversité des
modes de vie actuels » (Hofacher et al., 2008).
De plus, ces manuels transmettent des savoirs dits « androcentristes », c’est-à-dire focalisés
sur l’histoire ou la vie sociale des hommes. Ceux-ci tendent ainsi à persuader les filles
qu’elles n’ont jamais rien fait d’important, que ce soit au niveau des sciences, de l’histoire, de
la littérature, de la culture, des arts, de la politique, etc. (Mosconi, 2011) et qu’elles sont donc
moins « intéressantes » et moins importantes que les garçons. Cela s’explique d’une part, par
la non remise en cause de ces médiateurs – « légitimés par l’institution scolaire » (SinigagliaAmadio, 2010, p. 46) – qui font donc partie intégrante du fonctionnement de la classe à titre
de références et d’autre part, par la transmission aux enfants de représentations sexuées
discriminantes et souvent faussées du monde dans lequel ils vivent (Dafflon Novelle, 2006 ;
Rouyer et al., 2010), « systématiquement en retard par rapport aux pratiques sociales »
(Zaidman, 1996, p. 31), les empêchant ainsi de développer pleinement leur potentiel.
Vers une évolution positive ?
Toutefois, il est intéressant de relever qu’en Suisse, « les manuels plus récents respectent
nettement mieux les normes destinées à instaurer l’égalité » (Grossenbacher, 2006, p. 60) et
qu’un guide pour l’élaboration de matériel didactique respectueux de l’égalité a vu le jour en
2004 aux éditions scolaires du canton de Zurich5. Ce dernier porte une attention particulière
au texte, au langage, aux illustrations et aux représentations des hommes et des femmes. Ce
vade-mecum nous semble essentiel, car comme nous le verrons par la suite « en l’absence
d’une formation à la lutte contre les discriminations sexistes dans le cursus des enseignants, la
garantie que les valeurs véhiculées par les manuels scolaires sont égalitaires pourrait
constituer un garde-fou bien utile » (Baudino, 2007, p. 5). L’amélioration de la situation du
point de vue de l’égalité semble être sur la bonne voie au niveau du matériel didactique,
5
Ryter, A. et al. (2004). Kann jeder auch ein Mädchen sein? Leitfaden zur Erarbeitung von geschlechtergerechten
Lehrmitteln. Zürich: Lehrmittelverlag
24
même s’il reste encore beaucoup à faire. Nous ne nous attarderons donc pas davantage sur ce
domaine si ce n’est en posant les interrogations suivantes (que nous ne n’aborderons pas dans
notre enquête) : quelles représentations ont les enseignant-es de ces manuels scolaires ? Ontils/elles conscience des stéréotypes sexistes et des modèles traditionnels véhiculés par ces
derniers ? Contribuent-ils/elles à renforcer ou au contraire à atténuer ces différentes valeurs
inégalitaires ? En effet, nous considérons que, vis-à-vis de ces moyens d’enseignement, c’est
à ces niveaux-là que les enseignant-es ont véritablement un rôle à jouer.
L’égalité dans l’enseignement
Au sujet de l’enseignement, les données scientifiques suisses étant rares, nous ne pouvons pas
en dire grand-chose si ce n’est qu’« il est évident que l’égalité ne constitue pas une
préoccupation prioritaire. La responsabilité de traiter ce thème est dans une large mesure
dévolue aux membres du corps enseignant » (Grossenbacher, 2006, p. 75). Ainsi, les
enseignant-es accordent peu d’attention à la problématique genre, que ce soit au niveau du
choix des matières ou des moyens d’enseignement (ibid). D’ailleurs, l’auteure conclut qu’il
serait important pour le futur de promouvoir l’application de cette recommandation dans
l’enseignement et d’y consacrer davantage de travaux de recherche. Nous approfondirons et
analyserons les pratiques enseignantes de manière générale dans notre problématisation.
2.6. Etat des lieux sur le langage et autres formes de communication
Des interactions qualitativement et quantitativement différenciées
La deuxième partie de cette 3ème recommandation, consacrée au langage et autres formes de
communication, stipule que « les enseignantes et les enseignants respectent l’équivalence des
deux sexes au niveau du langage et de toutes autres formes de communication » (CDIP, 1993,
p. 247). Les nombreuses études faites dans ce domaine (Baudino, 2007 ; Baudoux &
Noircent, 1995 ; Courtinat-Camps & Prêteur, 2010 ; Dafflon Novelle, 2006 ; Duru-Bellat,
1995, 2004 ; Jarlégan & Tazouti, 2007 ; Mosconi, 2001, 2009, 2011 ; Petrovic, 2004b ;
Rouyer, 2007 ; Zaidman, 1996) démontrent que les interactions enseignant-es/élèves en classe
demeurent différenciées en fonction du sexe.
De manière quantitative, les enseignant-es interagissent davantage avec les garçons – traités
comme une somme d’individualités distinctes – qu’avec les filles, perçues comme un groupe
indifférencié (Petrovic, 2004b). Dans le même ordre d’idée, les enseignant-es passent plus de
temps à attendre les réponses des garçons (temps de latence) (Duru-Bellat, 1995). D’ailleurs,
les chercheurs et chercheuses estiment à 44% le temps consacré aux filles et à 56% celui
accordé aux garçons (Duru-Bellat, 2004). Bien que cette différence puisse de prime abord
paraître insignifiante, elle prend tout de suite plus d’ampleur mise en regard avec le temps
25
passé par un élève à l’école obligatoire : au minimum 15'000 heures (Rutter, Maughan,
Mortimer, & Ouston, 1979). Toutefois, ces différences d’attention selon les sexes doivent être
nuancées par la domination de l’espace sonore par les garçons (Dafflon Novelle, 2006),
synonyme de prise de pouvoir, ou du moins d’affirmation de soi, mise en évidence dans de
nombreux travaux tels celui de Zaidman (1996). En effet, ces derniers prennent davantage et
de manière spontanée la parole pour répondre aux questions de l’enseignant-e et interrompent
plus souvent que les filles le déroulement de la classe (Rouyer, 2007), d’où une visibilité des
élèves différente selon leur sexe: les garçons se mettant en avant, les filles se fondant
davantage dans le décor (Zaidman).
D’un point de vue qualitatif, la forme des interactions varie passablement selon le sexe. Les
garçons reçoivent davantage de critiques et de réprimandes (Duru-Bellat, 2004) mais aussi
plus d’aide, de contacts pédagogiques, de louanges et d’encouragements (Chaponnière, 2006).
Il est intéressant de noter que ces derniers portent essentiellement sur les performances du
côté des garçons, alors que pour les filles, ils font surtout référence à leur comportement ou à
leur soin (Duru-Bellat, 1995, 2004b ; Chaponnière, 2006 ; De Boissieu, 2007). Quant aux
critiques, elles concernent, pour les garçons, principalement leur comportement ou leur travail
(Duru-Bellat, 1995, 2004b) tandis qu’elles se rapportent, presque exclusivement à des
compétences intellectuelles pour les filles (Rouyer, 2007). Duru-Bellat (1995, 2004b)
explique ces différences qualitatives d’interactions entre les sexes comme suit : les
enseignant-es, ayant des attentes stéréotypées selon les sexes, perçoivent les garçons comme
des « sous-réalisateurs » (p. 77) ; des personnes n’exploitant pas tout leur potentiel
intellectuel, ne faisant pas assez d’efforts. Ils/elles attribuent ainsi aux garçons des capacités
qui dépassent leurs performances effectives (Mosconi, 2009). A leurs yeux, il convient donc
de les stimuler, de les pousser à réussir à travers davantage de réprimandes, mais aussi
d’encouragements. Courtinat-Camps et Prêteur (2010) nous invitent à contempler le revers de
la médaille : les filles ne posant pas de problème en classe – car exerçant plus facilement leur
métier d’élève par une capacité d’adaptation aux attentes de l’institution – « elles deviennent
moins visibles dans la classe et captent moins l’attention des enseignants qui de fait
interagissent moins avec elles » (p. 100).
Nous nous apercevons donc que, contrairement aux recommandations préconisées au niveau
de la communication, la fréquence et les modalités des interactions enseignant-es/élèves
varient en fonction du sexe, les filles étant généralement exposées à des interactions moins
stimulantes (Murcier, 2005) et moins nombreuses que les garçons. Pourtant, nous prenons
conscience des conséquences fâcheuses de ces interactions différenciées en nous référant à De
Boissieu (2007) qui affirme que « le langage joue un rôle primordial dans la transmission de
valeurs, de normes, d’idées… au-delà de ce que disent les mots » (p. 5)… En fonction de leur
26
représentation de l’égalité des sexes à l’école, les enseignant-es cherchent-ils/elles à équilibrer
les interactions de leurs élèves quantitativement parlant ? Portent-ils/elles une attention
particulière aux formes d’interaction émises de manière à ne pas créer d’avantages
d’inégalités ?
Un « management » de la classe inscrit dans la différence
Par ailleurs, ces interactions différenciées s’étendent au niveau de la gestion du groupe-classe
pour certaines stratégies pédagogiques (Huguet, 2003) : les filles – considérées comme plus
adaptées à la culture scolaire et plus disciplinées – sont utilisées par les enseignant-es comme
« auxiliaires pédagogiques » (Chaponnière, 2006, p. 132 ; mais aussi Bereni et al., 2008 ;
Rouyer et al., 2010 ; Zaidman, 1996), c’est-à-dire au niveau disciplinaire pour créer une
bonne ambiance et au niveau pédagogique, pour aider les garçons en difficulté, que ce soit par
le prêt d’affaires ou par un soutien direct pour les meilleures (Zaidman). Ainsi, par cette
technique de « management » de la classe, les enseignant-es opposent les filles et les garçons,
ce qui renforce davantage la division et la différence entre les sexes (Duru-Bellat, 1995).
Le langage épicène : une solution ?
Par ailleurs, nous nous interrogeons sur une forme de langage qui permettrait de respecter
l’équivalence des deux sexes, tant à l’oral qu’à l’écrit : le langage épicène. Ce dernier consiste
« à adapter le langage pour […] éliminer toute discrimination linguistique entre femmes et
hommes » (Grossenbacher, 2006, p. 22). En effet, la langue française se base sur le masculin
universel – « le masculin englobe le féminin et […] les accords [sont] toujours faits avec le
masculin » (Bureau cantonal de l’égalité, 2008, p. 4) – évinçant et dévalorisant ainsi les
femmes et les filles. Bien que certaines personnes estiment que la controverse à ce sujet est
exagérée, prétendant que l’utilisation de la langue ne joue aucun rôle au niveau de l’égalité
des sexes, une étude réalisée à l’Université de Berne a démontré que « l’utilisation d’un
langage épicène suscite de plus nombreuses associations féminines que le masculin générique
et […] contribue ainsi à la visibilité des femmes » (Gabriel & Mellenberg, 2004, cités par
Grossenbacher). Selon le rapport de tendance de 2006, nous savons que les cantons appliquent
le respect de l’équivalence des deux sexes dans la plupart des textes officiels. De plus, il
apparaît que de nombreuses personnes ont été sensibilisées à l’utilisation de ce langage
spécifique dans les médias suisses, mais qu’en est-il des membres du corps enseignant ?
Malheureusement, aucune information n’est disponible au sujet de l’utilisation quotidienne du
langage épicène oral dans les écoles. Une question surgit : la représentation de l’égalité des
sexes entre les filles et les garçons à l’école passe-t-elle ou non par l’utilisation d’un langage
neutre des enseignant-es à l’intérieur de l’institution?
27
2.7. Etat des lieux sur la formation initiale et le perfectionnement des
enseignants
L’égalité dans la formation enseignante : un besoin réel
Selon la 4ème recommandation de la CDIP (1993), traitant de la formation initiale et du
perfectionnement des enseignants, « l’égalité des sexes est un thème qui doit obligatoirement
figurer dans le programme de formation des enseignants. Les enseignants doivent être amenés
à reconnaître tout ce qui peut être préjudiciable à ce principe, et à y remédier » (p. 247). En
1996, la Commission formation des enseignants et la Commission pédagogie de la CDIP se
sont réunies et ont publié un document plaidant pour une formation des enseignant-es
favorisant l’égalité à l’école. L’idée de base était la suivante : le système éducatif reflète les
rapports sociaux existants et, de ce fait, restreint les chances de développement et de
formation des élèves (CDIP, 1996, cité par Corradi Vellacott & Wolter, 2006). Leurs
principales critiques concernaient le matériel didactique – trop orienté autour du monde
masculin – ainsi que les différences de traitement des garçons et des filles par les enseignantes. Selon ces auteurs, « les enseignants jouent un rôle central, non seulement en tant que
références et modèles d’identification, mais aussi en tant que personnes, car ils contribuent à
structurer l’enseignement et la vie scolaire » (Grossenbacher, 2006, p. 35). C’est pour cette
raison que les deux commissions concluent leur document en pointant l’importance
« d’accorder une place prépondérante à l’égalité dans la formation des enseignants » (Corradi
Vellacott & Wolter, p. 78) permettant d’aboutir à une réelle éducation respectueuse de
l’égalité des sexes, soit « l’acceptation et l’encouragement d’une multitude de centres
d’intérêt, de possibilités de développement et de moyens d’action pour les garçons et filles »
(Hofacher et al., p. 44, 2008). La formation actuelle dispensée aux membres et futurs
membres du corps enseignant répond-elle donc aux besoins en termes d’égalité des sexes ?
Contribue-t-elle à la prise de conscience de l’importance de cette problématique genre ?
L’égalité des sexes : une thématique complexe
Il est primordial de ne pas sous-estimer la complexité d’un tel thème dans la formation des
enseignant-es. En effet, la plupart des chercheurs-euses s’accordent sur le fait que des recettes
toutes faites ne peuvent venir à bout de ce problème ! Selon Grünewald (2001), cité par
Grossenbacher (2006), il conviendrait plutôt de développer des compétences dans le domaine
du genre telles que la prise de conscience de l’importance de la catégorie sexe, la motivation
pour agir en faveur de la démocratie entre les sexes, la prise en compte d’attitudes et de
manières autres pour appréhender la réalité ainsi que des connaissances et un savoir-faire
spécifiques à cette thématique. Dans le même ordre d’idée, Lehmann (2003), cité par
Grossenbacher, juge – suite à une étude réalisée sur les cours de perfectionnement sur
28
l’égalité des sexes – que la réflexion sur son propre vécu et l’étude de la problématique genre
font partie des dimensions indispensables pour parvenir à enseigner en respectant cette
égalité. Une alternative judicieuse est celle de Chaponnière (2006) qui propose une formation
aux questions de genre combinant un aspect théorique et un aspect pratique, permettant ainsi
d’« expérimenter des pratiques d’enseignement respectueuses du genre ». Finalement,
Grossenbacher, s’inspirant de Grünewald et al. (2003), établit dans son rapport un listing non
exhaustif de nombreuses difficultés dont il faut tenir compte dans cette thématique sensible.
Nous reviendrons en fin de recherche sur les résistances des individus « confrontés » à une
formation à l’égalité des sexes.
Par ailleurs, il convient de garder à l’esprit que, d’une part, le genre est une construction
sociale (nous y reviendrons plus bas lors de la présentation de la seconde conception des
différences de sexe), mais également une construction historique, c’est-à-dire que les rapports
de pouvoir sous-tendant cette notion sont variables dans le temps, donc potentiellement
transformables ! D’autre part, le genre est le produit d’interactions (voire l’article de West &
Zimmerman) : la différenciation et la hiérarchisation des catégories de sexe se font ainsi au
travers des interactions quotidiennes.
Le genre : un impensé dans la formation pédagogique des enseignant-es
Faisons donc le point sur la situation en Suisse en matière de formation du personnel
enseignant. L’intégration de la problématique genre dans cette formation semble poser
problème, tant par la complexité du sujet que par les difficultés qu’elle peut engendrer6. Nous
ne sommes donc que peu étonné d’apprendre que, d’après les résultats du rapport de tendance
« vers l’égalité des sexes à l’école », la mise en œuvre de cette recommandation ne fait que
débuter (Grossenbacher, 2006)! D’ailleurs, nous n’avons trouvé que peu d’informations dans
la littérature scientifique à ce sujet. Pourtant, il semblerait que la création des HEPs ait permis
d’intégrer cette thématique dans la formation du personnel enseignant (ibid). Toutefois, « les
problèmes spécifiques au genre [sont] le plus souvent traités dans le cadre de modules
généraux consacrés à l’hétérogénéité » (ibid, p. 36). Ainsi, en formation initiale, il semblerait
qu’aucun cours spécifique à la problématique genre ne soit dispensé (Baudino, 2007). Dans le
même ordre d’idée, Chaponnière (2006) souligne qu’aucune formation n’est dispensée aux
membres du corps enseignant au sujet de la construction de l’identité sexuée, une construction
cognitive pourtant essentielle (Epiney, 2011). Est-ce parce qu’on prétend que devenant
obligatoire, « une telle formation […] est contre-productive pour les enseignants qui ne
veulent pas entrer en matière sur ce sujet » (Chaponnière, p. 139) ?
6
Pour de plus amples informations à ce sujet, se référer à l’article de Fontanini de 2005.
29
De plus, les quelques cours proposés touchant à cette thématique demeurent la plupart du
temps optionnels dans les cursus de formation (Baudino, 2007). Selon le rapport de tendance
de 2005, la majorité des cantons (18) met à disposition des enseignant-es des cours de
formation continue sur l’égalité. Ceux-ci visent principalement deux objectifs : sensibiliser les
enseignant-es ainsi que d’autres acteurs-trices de l’éducation et accroître leurs compétences en
matière d’égalité hommes-femmes (Coradi Vellacott & Wolter, 2005). Mais, ces cours n’étant
pas obligatoires, ils ne touchent prioritairement que des personnes déjà sensibilisées à cette
problématique (Baudino, 2007, Grossenbacher, 2006). Quant aux premières expériences et
projets pilotes réalisés dans ce domaine, « on ne dispose pas encore de résultats d’études
approfondies sur l’impact des mesures de sensibilisation ou de la transmission de
compétences sur les membres du corps enseignant et sur leur manière d’organiser
l’enseignement » (Grossenbacher, p. 68). Par ailleurs, certains cantons accordent plus
d’importance à la sensibilisation et formation des cadres scolaires et personnes de référence –
direction d’école, inspection scolaire, administration, formation des formateurs et formatrices,
etc. – plutôt que du personnel enseignant (ibid), quotidiennement en contact avec des
enfants… Nous reviendrons sur la formation initiale et continue des enseignant-es dans notre
problématisation.
Pour clore cet état des lieux, nous tenons particulièrement à citer les propos de Grossenbacher
(2006) qui illustrent bien à quel point la sensibilisation et la formation initiale des enseignantes à cette thématique spécifique est essentielle :
Les enseignants devraient en effet connaître les origines historiques des rôles sociaux
des deux sexes, savoir qu’il est possible de les modifier et prendre conscience de leur
propre rôle de femme ou d’homme. Ils devraient être amenés à réexaminer leurs valeurs
et à reconsidérer leur vécu et leur apprentissage, à s’intéresser à la dimension genre et à
mesurer la marge de manœuvre dont ils disposent pour garantir un enseignement
respectueux de l’égalité. A cet effet, l’égalité ainsi que les relations sociales entre
hommes et femmes devraient figurer parmi les matières obligatoires de la formation.
(p. 35)
2.8. Bilan de l’égalité entre les sexes dans l’institution scolaire
Suite à ce tour d’horizon – de trois points de vue – de la situation actuelle en Suisse en
matière d’égalité hommes et femmes dans le système éducatif, nous constatons que les
enseignant-es ne semblent pas être assez sensibilisé-es et donc conscient-es de la
problématique de l’égalité entre les filles et les garçons à l’école. En effet, nous avons tout
d’abord constaté qu’à leurs yeux, la situation de mixité ne semble pas poser de problème, car
30
perçue comme nécessairement garante d’une certaine égalité entre garçons et filles, même si
cela n’est absolument pas le cas. De plus, la communication en classe – au travers
d’interactions quantitativement et qualitativement différenciées – contribue à renforcer les
différences entre les deux sexes. Ceci nous interpelle, car, partant du constat que le langage
est à ce point-là contrasté selon les deux groupes de sexe, nous nous interrogeons sur les
pratiques enseignantes sur le terrain, manifestement méconnues et ne faisons pas l’objet en
Suisse d’analyses ou de rapports récents. Par ailleurs, en dépit d’une certaine amélioration ces
dernières années, le matériel didactique à disposition n‘aide pas non plus à faire un pas en
direction de cette égalité des sexes, car truffé de stéréotypes de sexe et de représentations
faussées de la société actuelle, des hommes et des femmes. L’état de la situation paraît ainsi,
du point de vue de l’égalité à l’école, bien terne. Tel que l’a souligné récemment l’association
de recherche sur le genre en éducation et en formation [ARGEF], il serait donc aujourd’hui
grand temps de passer à l’action en transformant les « déclarations d’intention et textes de loi
en une pratique quotidienne de l’égalité » (2012), en l’occurrence en mettant en application
les recommandations émises par la CDIP près de vingt ans plus tôt en vue de l’égalité
homme-femme dans le domaine de l’enseignement et de l’éducation. En effet, celles-ci
paraissent « peu connues des enseignant-e-s et leur application dépend de leur curiosité, de
leur bon vouloir ou de leur militantisme » (Pasquier, 2010, p. 60), d’où un « écart entre
l’égalité formelle et réelle » (Gavray & Adriaenssens, 2010, p. 11) à ce niveau-là. Seule une
formation à l’égalité des sexes semble pouvoir améliorer nettement cette situation, en
sensibilisant, de manière appropriée, les enseignant-es, ce qui devrait mener à une
modification de leurs représentations – donc de leurs pratiques – et un pas en direction d’une
mixité réfléchie. Pourtant, comme mentionné ci-dessus, tant au niveau de la formation initiale
que continue, ceci ne semble pas être encore le cas7.
7
Pour nous en assurer, nous analyserons d’ailleurs le contenu de la formation dispensée dans une HEP dans notre
problématisation.
31
3. Problématisation
Débutons en posant la question de recherche nous intéressant : qu’en est-il actuellement des
représentations des enseignant-es exerçant dans les classes primaires sur la problématique de
l’égalité des sexes? Il nous semble indispensable de déterminer les conceptions des membres
du personnel enseignant en matière de genre et d’égalité entre les sexes. En effet, ces
représentations auront probablement une influence sur leurs pratiques, qui à leur tour,
influenceront les élèves en fonction de leur sexe. Par ailleurs, cette question finalement assez
globale engendre de multiples questionnements, plus précis quant à eux et touchant à
différents domaines: quelles sont les origines de ces représentations ? La formation initiale et
continue exerce-t-elle une influence sur les représentations de l’égalité des sexes ? Selon leur
conception des différences de sexe (naturelle ou construite), les enseignant-es ont-ils/elles des
représentations différentes des garçons et des filles, donc de l’égalité? Estiment-ils/elles qu’au
travers de la mixité scolaire, l’égalité des sexes à l’école est établie ? Jugent-ils/elles que
l’égalité des sexes à l’école est une problématique légitime ? Pensent-ils/elles pouvoir
influencer leurs élèves selon leur sexe au travers de leurs pratiques pédagogiques ? Le
personnel enseignant contribue-t-il à atténuer ou renforcer les différences entre les garçons et
les filles à l’école ? Est-il conscient de ce qu’il véhicule ? Cherche-t-il à atténuer les
différences constatées entre ses élèves ? Les membres du corps enseignant ont-ils des attentes
différenciées selon le sexe des élèves ? Les disciplines scolaires sont-elles considérées comme
unisexes ? Toutes ces questions reflètent le nombre incalculable d’enjeux de société qui
pèsent sur les enseignant-es – au-delà de tout ce qui leur est déjà implicitement demandé
d’être, soit éducateur, psychologue, administrateur, technicien, assistant social, policier,
conseiller… – qui doivent rester vigilant-es de manière à ne pas produire davantage
d’inégalités entre les sexes. Tentons à présent d’apporter quelques éléments de réflexions qui
nous aideront à répondre à ces différentes questions en nous appuyant sur des ouvrages,
articles et recherches pédagogiques, sociologiques, psychologiques, des sciences de
l’éducation, voire anthropologiques. Pour débuter, clarifions notre question de recherche en
définissant le terme « représentation ».
3.1. Représentations sociales et catégorisation sociale
Tout d’abord, précisons que notre intérêt porte sur les représentations dites « sociales ». En
effet, nous nous intéressons aux représentations de l’égalité des sexes par quelqu’un qui
possède un certain bagage social et culturel, mais aussi des expériences personnelles (Jodelet,
1984) : en l’occurrence, les représentations, ou images (Cornet, Maréchal & Delhaye, 2010)
du personnel enseignant sur les garçons et les filles et leur mise en relation à l’école. La
32
définition de ce terme n’est pas aisée. Selon Jodelet, ce concept désigne « une forme de
connaissance spécifique, le savoir de sens commun, dont les contenus manifestent l’opération
de processus génératifs et fonctionnels socialement marqués. Plus largement, il désigne une
forme de pensée sociale » (p. 361). Cornet et al. la clarifient : c’est une reconstitution mentale
du réel - à travers un processus de simplification de la complexité de cette réalité - auquel
chaque individu attribue une signification spécifique. Ces représentations sociales – mélange
d’informations, d’opinions, de croyances (Moliner & Vidal, 2003) et de valeurs (Cornet et al.)
– orientent donc notre communication, mais aussi notre compréhension et notre maîtrise de
l’environnement social (Jodelet). Elles se manifestent ainsi dans nos comportements, attitudes
et manières de vivre (Cornet et al.) ; en d’autres termes, à travers notre langage et nos actions.
Dans le même ordre d’idée, Moscovici (1961) précise que ces représentations sociales
influencent grandement la manière dont nous comprenons le monde, comme nous le verrons
par la suite. Selon Rateau (2007), cité par Cornet et al., elles assument de ce fait, une fonction
de savoir, d’orientation, de justification, mais aussi une fonction identitaire, d’où leur
prégnance et leur importance dans la vie des individus.
Il est intéressant, voire même pertinent, de rapprocher ce concept de celui de catégorisation
sociale, telle que proposée par Tajfel (1972). Celle-ci est « un processus d’ordonnancement
des individus en catégories qui « sert à systématiser et à ordonner l’environnement social […]
et joue un rôle dans l’orientation pour l’action et l’actualisation des valeurs » » (Tajfel, p. 293,
cité par Moliner & Vidal, 2003, p. 158). Ainsi, les divers individus faisant partie de notre
environnement social sont « classés » dans certaines catégories en fonction de traits ou
caractéristiques prétendus spécifiques à une population donnée et souvent considérés, de
manière aveuglante, comme « naturels ». Ces derniers constituent ce que l’on appelle
communément les stéréotypes (Moliner & Vidal). A leur sujet, Baudelot et Establet (2007)
parlent de « caricature de la réalité » (p. 19). Ainsi, à partir de cette catégorisation sociale,
nous pouvons également définir la place de chaque individu dans la société. Pour revenir à
notre premier concept, Jodelet (1984) affirme que les représentations sociales ne sont autres
que « des catégories qui servent à classer […] les individus auxquels nous avons affaire » (p.
360). Nous produisons donc, à partir de nos représentations sociales, un système de
catégorisation des individus qui nous entourent. Ces deux notions de « représentation
sociale » et de « catégorisation sociale » semblent donc très voisines, dans le sens où, dans les
deux cas, nous avons affaire à des « savoirs naïfs que les individus élaborent à propos [d’un]
groupe » (Moliner & Vidal, p. 161). Qu’en est-il des représentations des enseignant-es par
rapport aux deux groupes distincts que sont les garçons et les filles ? Celles-ci engendrentelles des pratiques différenciées ?
33
3.2. Représentations et catégorisation sociales des enseignant-es
Tout d’abord, nous savons que « chaque personne a sa propre représentation du monde et en
particulier des hommes et des femmes, de leur place et de leur rôle dans la société »
(Fontanini, 2005, p. 110). A l’école, les enseignant-es traduisent ces représentations en des
pratiques concrètes différenciées en fonction du sexe, comme nous le constaterons de manière
plus approfondie par la suite. C’est d’ailleurs ce qui fait dire à Goguikian Ratcliff (2006) que
« chaque personne est inconsciemment imprégnée des représentations de sexe qui soustendent les pratiques éducatives » (p. 236). Ainsi, les représentations, par effet d’attentes,
influencent le comportement des enseignant-es et au final, l’enseignement dispensé (Jarlégan
& Tazouti, 2007)! C’est pour cette raison que Fontanini affirme qu’« en classe, garçons et
filles ne sont pas sollicités de la même manière, les représentations et les attentes implicites
des adultes étant différentes » (p. 101). En effet, selon Jarlégan et Tazouti, les enseignant-es
attribuent des caractéristiques différentes aux élèves sur la base de stéréotypes sexués. Ces
derniers sont, pour Granié (2010), « un ensemble de croyances sur ce que signifie être un
homme ou une femme » (p. 52) au niveau des attitudes, des traits de personnalité, des intérêts,
des relations sociales, des occupations, de l’apparence physique et bien d’autres
caractéristiques encore. Ferrand (2004), cité par Rouyer et al. (2010), affirme que ces
stéréotypes sont puissants, car reposant sur des croyances fermes en la différence naturelle des
sexes. C’est pourquoi ils « ordonnent nos conduites dans la vie quotidienne et en particulier
dans la vie scolaire [en influençant] les représentations, les attentes et les jugements des
enseignant-es vis-à-vis des élèves de chaque sexe » (Mosconi, 2009). Ainsi, ils poussent les
enseignant-es à croire que les élèves, en fonction de leur sexe, sont plus doués ou plus
intéressés par certaines disciplines que par d’autres. Ces différentes représentations des
disciplines influencent au final les enseignant-es au niveau des jugements des travaux de leurs
élèves, des normes d’attribution de réussite ou d’échec, de la fréquence et de la qualité des
interactions (Jarlégan & Tazouti) et bien d’autres aspects dont nous reparlerons de manière
plus détaillée. Ainsi, tel que nous le disent Flamigni et Pfister Giauque (2011), ces stéréotypes
sexués « influencent les relations au sein de la classe et peuvent avoir un impact important sur
le parcours professionnel » (p. 6) ou les choix d’orientation futurs des élèves. En effet, comme
nous le précise Héritier (2010), « les autres, le regard des autres, leur jugement, leurs
discours : c’est par eux que nous sommes façonnés et que nous façonnons à notre tour »
(p. 34). Ce rapide aperçu du traitement différencié des élèves à l’école permet de prendre
conscience du poids des représentations sur les attentes et les comportements des enseignantes. Néanmoins, nous pouvons nous demander d’où proviennent ces représentations sexuées et
34
pourquoi elles sont aussi profondément ancrées en nous au point d’influencer notre pratique
quotidienne.
Des représentations sexuées tenaces
Nous sommes conscient que les représentations sont difficiles à faire évoluer, tant à l’école
qu’ailleurs. En effet, « les représentations et les discours sont largement porteurs de
l’idéologie de la société dans laquelle les individus vivent » (Fontanini, 2005, p. 106). De ce
fait, les représentations tendent souvent vers des savoirs de sens commun, ancrés
profondément en chacun d’entre nous (Mosconi, 2009). D’ailleurs, une des principales
critiques envers l’école est qu’elle « a tendance à laisser agir les mécanismes sociaux du genre
tels qu’ils existent dans l’ensemble de la société » (Mosconi, 2011, p. 1). C’est pourquoi, cette
même auteure précise que « tant qu’on laisse jouer les mécanismes spontanés dans la vie
scolaire quotidienne, les rapports sociaux de sexe, tel qu’ils existent dans l’ensemble de la
société, comme rapports de dominance du sexe masculin sur le sexe féminin, tendent à se
perpétuer » (p. 1). Ainsi, l’école n’étant pas un îlot dans la société, elle est imprégnée de
préjugés et de valeurs qui façonnent son public : élèves, mais aussi et surtout enseignant-es. A
ce sujet, Gianini Belotti (1973) affirmait : « l’insécurité humaine a besoin de certitudes, et les
préjugés en fournissent […] ils sont présentés comme vérités indiscutables depuis l’enfance et
ne sont jamais plus remis en question par la suite » (p. 17-18). Ces valeurs contribuent donc à
la perpétuation des inégalités dans les comportements et les pratiques et « enjoignent les
enseignant-es à faire la différence et à trouver cela égalitaire » (Baudino, 2007, p. 10), ce qui
pose problème (cf. Norme implicite d’équité, ci-dessous)! De plus, les préjugés des
enseignant-es pourraient devenir, au fil du temps, des prophéties auto-réalisatrices (Merton,
1949, cité par Flamigni & Pfister Giauque, 2011). Nous reviendrons sur ces différents aspects
dans la suite de notre travail de recherche. Mais n’existe-t-il pas d’autres facteurs pouvant
influencer les représentations des enseignant-es du point de vue de l’égalité des sexes ? Le
parcours de formation n’entre-t-il pas en ligne de compte ?
3.3. La formation enseignante et la problématique de l’égalité des sexes
Il est possible que les représentations des enseignant-es sur la différence des sexes soient en
partie influencées par leur formation initiale. Passons donc à présent à une brève analyse de la
formation enseignante en Suisse. Débutons par un rapide aperçu de l’évolution de la
formation enseignante à partir du début des années 70 avant de nous focaliser sur son contenu
du point de vue de l’égalité des sexes et donc, du potentiel niveau de sensibilisation des
enseignant-es à cette problématique.
35
Des Ecoles normales aux Hautes Ecoles Pédagogiques
Pour dresser le portrait historique des ENs en Valais de 1970 à 2000, nous allons nous référer
aux différents articles de Périsset (2000, 2003, 2012) ainsi qu’à sa thèse de doctorat publiée en
2000.
Les ENs – crées en 1846 pour les garçons et en 1850 pour les filles – ont été selon Périsset
(2012) « les premiers instituts de formation à l’enseignement mis en place par l’Etat »
(p. 226). Jusque dans les années septante, un numerus clausus garantissait un certain équilibre
entre le nombre d’hommes et de femmes suivant cette formation : davantage de filles étaient
accueillies, de manière à combler les nombreux départs dus aux maternités ou aux mariages,
alors que le quota des garçons demeurait constant. Cependant, les deux sexes restaient formés
séparément. En 1978, suite au recours d’un député, ce numerus clausus – garant de la
régulation des admissions – est abandonné. Pour éviter une féminisation certaine du métier, le
Conseil d’Etat réagit par l’introduction d’examens différents selon le sexe des étudiant-es
dans l’optique de préserver l’équilibre entre filles et garçons. Cette façon de procéder semble
pouvoir s’imposer à l’époque. Toutefois, trois députés des principaux partis politiques font
recours, considérant que ces examens sont discriminatoires et constituent une « entorse à la loi
fédérale sur l’égalité entre hommes et femmes » (Périsset, 2003, p. 7). S’ensuit un débat
houleux qui donne gain de cause aux femmes : l’admission à l’EN se fait donc en fonction des
résultats, indépendamment du sexe des candidat-es. Dès 1983, les effectifs de l’EN des
instituteurs diminuent ce qui conduit à la mise sur pied des premières classes mixtes. En 1987,
les ENs des garçons et des filles sont regroupées. Les garçons y resteront toujours
minoritaires, représentant en moyenne 27% des effectifs. En 1994, la loi sur la formation des
enseignants est votée, signifiant la fermeture prochaine des ENs et l’ouverture de l’Ecole
pédagogique supérieure, sous le nom de Haute Ecole Pédagogique [HEP] par la loi de 1996.
Les années 2000 marquent ainsi l’ouverture des différentes HEPs en Suisse. Bien que la
formation soit mixte, les étudiants demeurent ultra-minoritaires avec une représentation
moyenne de 10%. Apparemment, en dépit d’une certaine ouverture de la société à l’égalité,
l’éducation des enfants jusqu’à 12 ans semble rester « une affaire de femmes » (Périsset,
2003, p. 7) et ce, partout dans la société occidentale.
Vers une féminisation de l’enseignement primaire?
Selon des statistiques de l’Institut de recherche et de documentation pédagogique [IRDP] de
Neuchâtel, datant de 2011, il semblerait que la proportion d’enseignants reste largement
inférieure. Ainsi, en 2008/2009, on dénombre 360 hommes sur les 1'503 membres du corps
enseignant en Valais, soit un taux de 76% d’enseignantes. Nous dirigeons-nous pour autant
réellement vers une féminisation de l’enseignement primaire ? Pour le savoir, profitons de la
36
richesse de la banque de données de l’office fédéral de la statistique [OFS]. Selon le
document Corps enseignants selon le degré d’enseignement et personnel des hautes écoles,
couvrant une période de 13 ans, le taux de femmes enseignant au degré primaire passe de
70,7% en 1998/1999 à 81,1% en 2011, soit une augmentation de plus de 10%, ce qui dénote
effectivement une féminisation de l’enseignement primaire. Quel impact peut-elle avoir sur
les élèves ? Peut-elle renforcer les inégalités ?
Deux éléments de réponses ressortent de la littérature scientifique. Suivant la théorie des role
models (Jones, 2006, citée par Moreau, 2011) – fortement prégnante dans le contexte
britannique – la féminisation semble avoir un effet néfaste principalement sur les garçons par
une féminisation des valeurs transmises, mais surtout un manque de modèles de référence.
Dans cet ordre d’idée, Courtinat-Camps et Prêteur (2010) affirment que « les garçons ne
trouvent […] pas assez, dans leur environnement scolaire, de professionnels masculins
auxquels ils puissent s’identifier » (p. 101), d’où un déficit de modèles de rôle impliquant leur
sous-réussite scolaire. Pourtant, Moreau (2011) déplore « l’absence de fondements théoriques
et empiriques valides » à cette conception.
Selon Duru-Bellat (1995b), une structure hiérarchique fortement sexuée divise le personnel
enseignant que ce soit au niveau d’une féminisation inégale des corps d’enseignant-es –
femmes majoritaires en maternelle et au primaire et minoritaires dans l’enseignement
supérieur – ou au niveau de la fonction exercée. En effet, encore aujourd’hui, la direction
d’établissement primaire (en ce qui nous concerne) est majoritairement assurée par des
hommes (Duru-Bellat, 1995b ; Zaidman, 1996). Cette inégale distribution selon les sexes
transmet implicitement un message aux enfants sur la division du travail entre les femmes et
les hommes (Duru-Bellat), du moins au niveau de l’enseignement. Ainsi, en primaire, ils
associent l’activité de formation/éducation à la catégorie de sexe qui s’en charge
majoritairement, à savoir les femmes.
Recommandations de 1981 : un changement à deux vitesses
Revenons aux recommandations de la CDIP pour mettre en évidence celles touchant à la
formation enseignante. Il est intéressant de relever qu’une des recommandations du 30
octobre 1981, stipulait déjà d’« ouvrir les filières de formation des enseignants aux deux sexes
et veiller à ce que le respect du principe de l’égalité entre jeunes filles et garçons dans la
formation constitue un sujet central de cette formation » (Grossenbacher, 2006, p. 9). En effet,
ceci signifie que dans les années suivant ces recommandations, l’accès à l’école normale
aurait dû être indifférencié selon le sexe du/de la futur-e enseignant-e d’une part, mais surtout
qu’ils/elles auraient dû bénéficier d’une formation relativement importante à l’égalité des
sexes.
Nous avons vu qu’à partir de 1987, les filières de formation sont devenues mixtes suite à
37
l’admission des candidat-es sans distinction de sexe, basée sur un principe d’égalité des
chances. D’ailleurs, la commission ad hoc chargée d’évaluer la mise en œuvre des
recommandations de 1981 a estimé qu’« à quelques exceptions près, les filières de formation
pour enseignants étaient ouvertes aux deux sexes au moment de l’enquête » (Grossenbacher,
2006, p. 10). Toutefois, en ce qui concerne l’attractivité de cette profession, nous avons vu
que cette ouverture ne permet pas de conduire à une représentation équilibrée des sexes, avec
un net déséquilibre en défaveur des étudiants. Pire encore : cette représentation masculine
semble même diminuer au fil des décennies, ce qui fait dire à Périsset Bagnoud et Darbellay
(2002) que « selon l’évolution actuelle, si aucune mesure sociale favorisant le recrutement
masculin n’est rapidement prise, l’équilibre […] se rompra nettement en faveur des femmes »
(p. 7), jusqu’à une féminisation totale du métier. Nous avons souligné plus haut les
potentielles conséquences d’une telle féminisation. Néanmoins, au-delà de ce bémol qui ne
concerne pas l’objet de cette recherche, l’ouverture aux filières de formation des enseignantes aux deux sexes, préconisée par les recommandations de 1981, semble donc avoir été
respectée.
En ce qui concerne l’introduction d’une formation à l’égalité entre garçons et filles dans la
formation enseignante, les constats sont bien plus décevants. La même commission ad hoc a
jugé qu’il était urgent de s’attaquer à de nombreux problèmes, dont une « réflexion sur les
mécanismes de la discrimination entre les sexes, notamment du modèle d’interaction
sexospécifique dans la formation […] des enseignants » ainsi qu’à l’« adoption de l’égalité
des sexes dans tous les services pédagogiques en tant que thème prioritaire » (Grossenbacher,
2006, p. 12). Il semblerait ainsi qu’aucune formation n’ait été mise en place au niveau de
l’égalité des sexes, du moins dans les ENs. Nous pensons d’ailleurs que c’est pour cette raison
que le 4ème point des recommandations de 1993 préconise l’égalité des sexes comme
discipline obligatoire du programme de formation initiale et continue des enseignant-es (ibid).
Contenu de la formation dans les Ecoles normales
Intéressons-nous aux contenus de la formation des enseignant-es dans les ENs en nous basant
sur la recherche de Périsset (2012) touchant à l’évolution du contenu des différents plans
d’études des écoles de formation du personnel enseignant de 1847 à 2003. Les différentes
disciplines enseignées peuvent être regroupées en trois catégories :

La formation au rôle social, dont l’enjeu des disciplines, différenciées en fonction du
sexe, était d’instruire de manière civique et morale : la religion, l’histoire, l’agriculture
et ouvrages manuels, le chant, la gymnastique, la comptabilité, l’hygiène scolaire ainsi
que la sociologie (basée sur la doctrine sociale de l’Eglise). L’idée étant d’éduquer
chaque sexe à son rôle social, cette formation a été prédominante dans les contenus
38
d’enseignement du 19e siècle jusque dans les années 1960, avant de disparaître
totalement du plan d’étude de 1977.

La formation générale – dont les contenus servent à former la culture générale,
constituée de la langue française, de l’arithmétique (puis des mathématiques), de la
géographie, de l’histoire, mais aussi du chant et de la gymnastique à partir d’une
certaine période. Cette culture générale prend de plus en plus de place dans la
formation des enseignant-es jusqu’en 1977 avant de disparaître du plan d’études des
HEPs, la formation au degré secondaire ayant pris le relais.

La formation professionnelle a pour but de « doter les futurs enseignants des savoirs à
enseigner nécessaires pour l’exercice de leur fonction » (Périsset, 2012, p. 227),
comme la pédagogie, le dessin, la calligraphie, le chant, la gymnastique ainsi que
toutes les disciplines enseignées actuellement dans les HEPs basées sur les aspects
sociologiques, psychologiques, didactiques et pédagogiques (sciences de l’éducation).
Cette formation spécifique, quasi inexistante au 19e siècle, croît au fil du temps
jusqu’à occuper l’ensemble du plan d’études de la HEP en 2003.
Ce rapide aperçu de l’évolution des contenus de formation nous permet de soutenir qu’aucune
formation en lien avec l’égalité des sexes n’a été dispensée dans les ENs, ce que confirme par
ailleurs Périsset suite à ses nombreuses recherches sur ces écoles (2000a, 2000b, 2003, 2012) :
il n’y a « pas [eu] de formation explicite sur [cet] objet dans les Ecoles normales »
(communication personnelle, 19 janvier 2012).
Contenu de la formation des HEPs
Analysons brièvement le contenu de la formation actuelle des enseignant-es. Dispensée dans
les HEPs (degré tertiaire), elle est de type successive, dans le sens où elle propose uniquement
une formation professionnelle pour faire suite à la formation générale préalablement reçue.
Selon Périsset (2012), les plans d’études sont orientés par « l’efficacité des processus
d’enseignement-apprentissage » (p. 233), en d’autres termes, par les didactiques, mais aussi
par les phénomènes sociaux actuels tels que les migrations, l’adéquation aux besoins
régionaux, l’hétérogénéité… La thématique de l’égalité des sexes devrait ainsi faire partie de
cette hétérogénéité ou être, du moins, considérée comme un phénomène social contemporain.
En effet, selon Grossenbacher (2006), la création des hautes écoles pédagogiques aurait dû
permettre d’intégrer la thématique de l’égalité des sexes dans la formation des enseignant-es.
De plus, considérant que Périsset est d’avis que les contenus de la formation pédagogique
doivent reposer sur les résultats significatifs des recherches en éducation, nous pensons et
39
espérons que les nombreuses recherches des dernières décennies dans le domaine du genre
(Etudes Genre8) devraient en faire partie.
Le cas de la HEP du Valais
Les HEPs suisses n’ayant pas organisé leur formation de la même manière, illustrons notre
propos en nous concentrant exclusivement sur la HEP du Valais et l’organisation de ses cours.
Selon le site de cette institution9, le programme de formation initiale est construit sur la base
de domaines d’enseignements imposés par la loi et de champs professionnels rencontrés par
le/la future enseignant-e dans sa pratique professionnelle (cf. Organisation des cours HEP-VS
en annexe). Les domaines d’enseignement couvrent la formation pédagogique, psychologique
et sociologique, la didactique générale et celle des disciplines, la formation pratique, la
formation scientifique aux diverses disciplines, la formation artistique et culturelle ainsi que
l’initiation à la recherche. Quant aux champs professionnels, ils touchent majoritairement à
l’enseignement et à l’apprentissage, mais aussi aux conditions-cadres de l’enseignement (dont
la société et l’institution) et à l’acteur-trice de l’enseignement. Ainsi, la jonction entre
domaines d’enseignements et champs professionnels génère les différents thèmes enseignés
aux étudiant-es.
La thématique de l’égalité des sexes dans la formation initiale et continue
Intéressons-nous aux thèmes susceptibles de toucher à l’égalité des sexes, c’est-à-dire à la
jonction entre la formation pédagogique, psychologique et sociologique et le champ société et
institution. Les deux thèmes de formation sociologique, « éléments de sociologie de
l’éducation » et « aspects sociologiques de l’éducation », nous semblent pertinents. Selon le
descriptif de ce premier thème, sur les huit concepts abordés durant le semestre en question,
constitué de douze cours, seul celui du « genre » nous semble pouvoir clairement établir un
lien avec l’égalité des sexes à l’école. En effet, cette notion – partant de la question du
traitement des filles et des garçons par l’école – est brièvement « analysée » sous les trois
angles suivants : les enseignant-es, les apprenant-es et le système scolaire, avec un petit
accent sur les manuels scolaires et la littérature enfantine. Par ailleurs, les concepts
« socialisation » ou « rôle et statut » de ce thème peuvent aussi pousser les étudiant-es à une
certaine réflexion à ce sujet. Toutefois, étant passé par les bancs de cette institution, nous
estimons que la brièveté et la simplification du contenu des informations transmises ne
permettent pas une réelle prise de conscience de l’importance de cette thématique pour la
pratique future, donc une réelle appropriation de la problématique de l’égalité des sexes à
l’école.
8
Pour de plus amples informations à ce sujet, prière de se référer à la brochure les Etudes genre en Suisse, publiée en 2005
par le Fonds national suisse et le Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes.
9
www.hepvs.ch [02.01.2013]
40
Le second thème semble davantage correspondre à nos attentes. En effet, de nombreuses
thématiques traitées telles que « les inégalités de carrières scolaires », « les enjeux de la
scolarité » et « les contextes et pratiques : effet-établissement et effet-maître » sont en forte
corrélation avec l’égalité des sexes. Néanmoins, ces thématiques ne sont pas orientées sur la
seule dimension genre, mais également sur deux autres variables sources d’inégalités : le
milieu social et l’origine culturelle. Cette articulation ne permet donc pas une focalisation sur
la variable sexe comme sujet principal d’enseignement. Ainsi, il est possible que les étudiantes ne prennent pas conscience de l’importance de cette variable, « noyée » parmi d’autres
problématiques. En définitive, bien que, selon Baudino (2007), il n’existe pas en formation
initiale de cours spécifique de formation au genre, les enseignant-es sortants des HEPs
devraient avoir été sujet-tes à un début de sensibilisation à cette thématique.
Par ailleurs, il est important de relever qu’au niveau de la même jonction entre champ
professionnel et domaine d’enseignement, un cours optionnel consacré exclusivement à la
problématique genre est proposé aux futur-es enseignant-es lors de leur formation initiale. Il
s’agit du thème « genre et éducation » qui traite des concepts suivants : le genre, le rôle, les
stéréotypes, l’identité, l’égalité, l’équité, la discrimination et la domination masculine. Celuici correspond donc totalement à nos attentes ! Cependant, selon les propos d’une de ses
intervenantes principales, Mme Jacquemet, ce cours n’est pas proposé toutes les années et il
arrive qu’il ne soit pas donné « faute d’un nombre suffisant de « combattant-es » » inscrit-es
(communication personnelle, 24 janvier 2012), soit huit participant-es au minimum. Enfin,
comme le précisent Baudino (2007) et Grossenbacher (2006), ces cours étant facultatifs, ils ne
touchent prioritairement que des personnes déjà sensibilisées à cette problématique !
Finalement, le programme de formation continue – qui permettrait de poursuivre cette
sensibilisation vis-à-vis de l’égalité des sexes – ne propose aucun cours en lien avec la
problématique genre, et ce, même de manière indirecte ! Mme Jacquemet avance l’explication
suivante : un cours de ce type avait été proposé quelques années auparavant en collaboration
avec le Bureau de l’égalité, mais aucune inscription n’avait été enregistrée (communication
personnelle, 24 janvier 2012), d’où son absence.
Bilan de la problématique dans la formation enseignante
La formation du personnel enseignant n’intègre donc pas – ou du moins, pas encore – de
sensibilisation directe et obligatoire à l’égalité des sexes. En effet, comme nous le verrons de
manière approfondie ci-dessous, dans leurs pratiques, les enseignant-es contribuent à
accentuer les différences entre les garçons et les filles à l’école, plutôt qu’à les atténuer. Nous
estimons donc que, pour ces différentes raisons, les pratiques enseignantes, tout comme les
représentations dont elles sont issues, n’évoluent guère.
41
3.4. Curriculum caché
Passons à présent à l’analyse plus fine des nombreux processus psychosociaux présents dans
la relation enseignant-e/élèves à l’école au travers de la situation de mixité. Quels sont donc
les effets constatés de cette mixité scolaire sur les garçons et les filles ? Chaponnière (2006),
citant Duru-Bellat (1995) tire un bilan sévère de ceux-ci:
La mixité exposerait […] les filles à une dynamique relationnelle dominée par les
garçons, qui se traduit pour elles par des interactions pédagogiques moins stimulantes,
avec à la clé de moindres progressions intellectuelles, une moindre confiance dans leurs
possibilités, une passivité grandissante […] et de manière plus générale, une moindre
estime de soi. La mixité aurait également des effets du côté des garçons : […] elle les
contraint plus fortement à afficher leur virilité. Les élèves sont donc conduits à canaliser
leurs investissements et leurs préférences intellectuelles en fonction des qualités et
attributs censés être conformes à leur sexe, en complicité avec les maîtres, et avec en
arrière-plan plus global, la division du travail entre les sexes. (p. 134)
Ainsi, l’école ne proposerait pas une neutralité des sexes à travers sa mixité. Il semblerait que
ces résultats différenciés soient dus au curriculum caché – ou latent – c’est-à-dire à « ces
choses qui s’acquièrent à l’école (savoirs, compétences, rôles, valeurs) sans jamais figurer
dans les programmes officiels ou explicites » (Forquin, 1985 cité par Mosconi, 2009), mais
tout de même inculquées aux enfants, de manière plus diffuse (Duru-Bellat, 2004). D’autres
auteures citent aussi les contenus, les comportements (Petrovic, 2004b), les normes ou les
représentations (Chaponnière, 2006), en parlant de ces éléments appris de façon implicite par
les élèves à l’école. Zaidman (1996) parle même de « programme caché » pour désigner tout
ce qui « participe à cet apprentissage des comportements de genre attendus par la société » (p.
106) : du cadre matériel à la gestion et au mode de transmission pédagogique, en passant par
les matériaux didactiques. Bien entendu, il ne s’agit nullement d’un complot contre les élèves,
ce curriculum caché leur étant transmis de manière involontaire par les différents acteurs et
actrices de l’éducation (Petrovic). Il n’empêche, il participe au maintien, à la légitimation et à
la (re)production des stéréotypes de sexes, mais aussi et surtout « des rapports sociaux de
sexes, et peut servir à expliquer ce hiatus entre la meilleure réussite des filles et sa nonrentabilisation en terme d’orientation d’abord, puis d’emploi » (Petrovic, p. 160). Ainsi, ce
curriculum caché exerce des effets différenciés selon le sexe des élèves (Duru-Bellat, 1995) et
participe donc à une « discrimination ambiante » (Zaidman, p. 38) : il produit une définition
scolaire de la masculinité et de la féminité par laquelle les goûts et performances scolaires
différentes des élèves en fonction de leur sexe vont être considérés comme naturels (Mac
42
Donald, 1980, cité par Duru-Bellat, 1995), ce qui implique des conséquences sur l’enfant et
son avenir. Les enseignant-es transmettraient-ils/elles donc un curriculum caché différencié en
fonction du sexe de l’enfant ? Pourtant, selon les valeurs actuelles prônées par la société, la
majorité des membres de ce corps enseignant ne cherche-t-elle pas justement à instaurer une
relation égalitaire – soit indépendante du sexe – entre garçons et filles, mais aussi entre
enseignant-e et élèves ?
3.5. Norme implicite d’équité
Les enseignant-es, suivant le principe pédagogique numéro un, considèrent les élèves comme
neutres : « sans religion, sans appartenance sociale et sans sexe » (Chaponnière, 2006, p. 132).
Le but fondamental et inhérent à l’école obligatoire étant de réaliser l’égalité des chances
entre des individus présentant une forte hétérogénéité, ils adoptent donc le principe de
l’indifférenciation entre les élèves, de manière à éviter la création d’inégalités (ibid). Ils
pensent ainsi les traiter tous de la même manière. Pourtant, selon Mosconi (1989), cité par
Duru-Bellat (1995), « la mixité véhicule tout un curriculum caché qui loin d’être neutre, est
plutôt « masculin neutre » » (p. 86), dans le sens où ce traitement égal « dissimule en réalité
une norme qui commande de « favoriser » les garçons » (Mosconi, 2009). En effet, il
semblerait qu’il existe à l’école une norme implicite d’équité – ou d’égalité ; termes différents
selon les références – consistant à les favoriser au niveau de l’attention, du temps accordé et
d’une plus grande tolérance à l’indiscipline (Mosconi, 2001, citée par De Boissieu, 2007).
Nous nous trouvons donc face à une certaine « idéologie de la neutralité pédagogique »
(p. 207), pour reprendre les termes de Zaidman (1996), qui gomme aux yeux des enseignantes les différences entre les sexes (Rouyer et al., 2010). Néanmoins, Duru-Bellat (2004), sans
justifier ces différences de traitement, tente de les expliciter : « il faut « tenir » les garçons,
qui revendiquent une grande part d’attention, et qui ont par ailleurs plus de difficultés à
s’adapter aux normes scolaires » (p. 67). La mise en évidence de cette neutralité ne serait-elle
donc qu’un masque utilisé par les enseignant-es pour cacher les véritables rapports entre les
sexes se produisant à l’école ?
Par ailleurs, et c’est paradoxal, lorsque, expérimentalement (voire Spender, 1982), les
enseignant-es tentent, « avec force culpabilité » (Duru-Bellat, 1995, p. 79), de corriger ce
déséquilibre, ils ont l’impression de favoriser les filles (Murcier, 2005), tout comme les
garçons de la classe d’ailleurs, qui se plaignent de la négligence de l’enseignant-e à leur égard
(Mosconi, 2009) au point tel de menacer de « porter plainte aux autorités » (Baudoux &
Noircent, 1995, p. 8) ! Pourtant, d’après les résultats de ces études, ces enseignant-es
accordent dans le meilleur des cas seulement environ 45% de leur temps aux filles (Duru43
Bellat, 1995, 2004b). Ainsi, enfreindre cette norme implicite culpabilise les enseignant-es eu
égard à une autre norme : la neutralité de l’enseignement (Duru-Bellat, 2004) ! Nous pouvons
donc affirmer que selon ces recherches, la norme de neutralité à l’école consiste bel et bien à
favoriser les garçons. Les questions suivantes nous interpellent : une réelle égalité entre les
garçons et les filles ne serait-elle donc pas possible à l’école de manière pratique ? Quel est le
rôle joué par les enseignant-es dans ce maintien des inégalités ? En ont-ils/elles conscience ?
Quant aux élèves, ne sont-ils donc que des « réceptacles passifs » intériorisant les différents
rôles, valeurs, comportements… qu’on leur assigne ? Déterminons en quoi les enseignant-es
contribuent à renforcer les différences entre les garçons et les filles plutôt qu’à les atténuer.
3.6. Des attentes pas si anodines…
Rôle actif des élèves
Comme le précise Murcier (2005), l’école est une instance de socialisation qui participe « à la
construction des conduites sexuées des enfants et à la socialisation différenciée des filles et
des garçons » (p. 4). Bien entendu, la cohabitation pousse les élèves à contrôler et renforcer
certains comportements ou attitudes propres à leur groupe de sexe tout en se dénigrant
réciproquement, de manière à distinguer leur groupe de l’autre (voire la valorisation
différentielle des sexes, Dafflon Novelle, 2006 et Rouyer, 2007). C’est dans ce sens que
Grossenbacher (2006) affirme que « la présence d’élèves des deux sexes dans une même
classe accentue […] les comportements correspondant [aux] stéréotypes » (p. 59) traditionnels
chez les élèves. Ainsi, les membres du corps enseignant ne sont pas les seuls responsables de
la création ou du maintien des inégalités entre les filles et les garçons. En effet, de multiples
mécanismes psychosociaux en lien avec l’identité sexuée des élèves contribuent à cette
différenciation filles/garçons (pour de plus amples informations à ce sujet, voire identité
sexuée et scolarité, Epiney, 2011) : « l’enfant n’est pas l’objet passif de sa socialisation », il
existe de nombreux « processus divers où il interviendrait comme « acteur » » (Darmon,
2010, p. 44).
Des enseignant-es influencé-es par leurs attentes
Cependant, les enseignant-es jouent un rôle particulièrement important dans l’accentuation
des différences entre les sexes, et ce, à plusieurs niveaux. Selon Baudino (2007), ils
« distribuent les rôles dans la classe [et] orchestrent la domination des garçons et la
« bémolisation des filles » » (p. 10). En effet, les enseignant-es ont des attentes envers les
enfants basés sur leurs représentations des deux sexes ; représentations prenant souvent
sources dans les stéréotypes de sexe : ils pensent donc que garçons et filles ont des capacités,
des intérêts (Minuchin & Shapiro, 1983, cités par Rouyer, 2007), des comportements (Bereni
44
et al., 2008.), des compétences (Duru-Bellat, 2004) et des traits différents (Goguikian Ratcliff,
2006). Ainsi, les filles se voient attribuer de nombreuses qualités positives telles que la
maturité, l’investissement scolaire, l’autonomie dans l’organisation, le soin dans le travail ;
qualités renvoyant ipso facto à la norme scolaire (Rouyer). A l’opposé, le portrait des garçons,
bien plus négatif, laisse déjà entrevoir le refus scolaire (Zaidman, 1996). Dans le même ordre
d’idée, Héritier (2002), cité par Goguikian Ratcliff, énumère certains traits connotés comme
masculins ou féminins dans notre culture occidentale et qui s’opposent : actif-passif, fortfaible, belliqueux-paisible, compétent-incompétent, supérieur-inférieur, aventureux-casanier,
etc. Marro et Vouillot (2004) prétendent d’ailleurs que les enseignant-es « ont en tête et
évoquent quasi automatiquement » (p. 6) ces caractéristiques opposées « typiques » de l’un ou
l’autre groupe de sexe.
Nous ne sommes donc pas étonné des résultats de l’étude de Jarlégan et Tazouti (2007) sur les
représentations enseignantes des différences liées au sexe des élèves: l’application, le soin, la
patience et l’ordre sont des termes qualifiés de typiquement féminins alors que l’agressivité,
l’agitation et la compétition – tous connotés plutôt négativement dans le milieu scolaire, si ce
n’est la dernière notion qui peut être discutée – sont des attributs considérés comme
typiquement masculins. Au niveau des comportements, les enseignant-es s’attendent à
nouveau « à ce que les filles soient sages et les garçons dissipés, les filles au premier rang et
les garçons au dernier » (Bereni et al., 2008), les filles responsables et prêtes à rendre service
(Duru-Bellat, 1995) ; de nombreux comportements considérés comme « naturels » par les
enseignant-es selon leurs représentations stéréotypées du masculin et du féminin. Pourtant, le
poids des stéréotypes pousse le personnel enseignant à surestimer les différences de
comportements entre les filles et les garçons (ibid). Ainsi, les filles sont souvent perçues
comme parlant trop – stéréotype basé sur la représentation sociale des filles comme bavardes
– alors qu’en réalité, elles parlent moins que les garçons, et parfois jusqu’à trois fois moins
(ibid) ! Dans le même ordre d’idée, en dépit de réelles différences intrasexes, les enseignantes considèrent les garçons comme turbulents (Goguikian Ratcliff, 2006).
Par ailleurs, ces diverses attentes du comportement modulent les réactions enseignantes, dans
le sens où le comportement de chaque élève doit correspondre à son sexe, sous peine d’être
mal perçu ou d’entraîner des conséquences négatives. Ainsi, un comportement d’agitation ou
d’agressivité est jugé condamnable lorsqu’il s’agit d’une fille, car contre-nature, alors qu’il est
considéré déplorable et inévitable, mais « naturel » pour un garçon (Mosconi, 1989, cité par
Duru-Bellat, 1995). A nouveau, selon la même auteure, une fille se plaçant au fond de la
classe – places habituellement occupées par des garçons – est perçue comme une opposante
en puissance. Nous nous trouvons donc face à des standards de comportements différents pour
les garçons ou les filles (Duru-Bellat).
45
Bilan de ces attentes sexuées
Au final, ces différentes attentes stéréotypées influencent logiquement les comportements
adoptés par les enseignant-es selon le sexe de l’enfant (Chaponnière, 2006). Ainsi, les
représentations stéréotypées attribuées à chaque sexe perpétuent les idées préconçues tout en
incitant à des modalités éducatives différentes (Goguikian Ratcliff, 2006). Nous comprenons
donc mieux les raisons pour lesquelles les enseignant-es interagissent différemment avec les
filles et les garçons à l’école. Nous rejoignons l’hypothèse de Duru-Bellat (2004) présentée
plus haut : les enseignant-es, ayant des attentes et représentations stéréotypées des élèves en
fonction de leur sexe, considèrent les garçons comme des « sous-réalisateurs » – à l’opposé
des filles, mieux adaptées à la culture scolaire – et se sentent donc investis de la mission de les
pousser à réussir, d’où une plus grande attention leur étant accordée. Mais ces attentes des
enseignant-es, différenciées en fonction du sexe de l’élève, n’influencent-elles pas aussi les
attitudes de ce dernier ? Ne vont-elles pas conforter l’élève dans son rôle de sexe et son
« identité d’élève-fille [ou] d’élève-garçon » (De Boissieu, 2007, p. 3) ?
3.7. La prophétie autoréalisatrice comme cercle vicieux
Nous tenons à mettre en exergue l’apparition d’un cercle vicieux entre les attentes de
l’enseignant-e et le comportement des élèves : « le comportement des filles et des garçons
conforte les attentes de l’enseignant, et les attentes de l’enseignant maintiennent le
comportement des enfants » (Minuchin & Shapiro, 1983, cité par Rouyer, 2007). Duru-Bellat
(2004) soutient d’ailleurs l’existence d’une certaine dynamique entre les élèves qui se
comportent de manière différente – due à leur socialisation antérieure – et les enseignant-es
qui y réagissent et amplifient, de ce fait, les différences. Nous nous posons donc la question
suivante : les différences de traitements des garçons et des filles par les enseignant-es sontelles donc le simple reflet des différences de comportements (Duru-Bellat, 2004b) ? Mais les
élèves eux-mêmes, ne se comporteraient-ils pas de manière différente en fonction du sexe de
l’enseignant-e ? En effet, selon Zaidman (1996), une certaine connivence ou complicité de
genre apparaîtrait entre enseignant-e et élève du même sexe, alors qu’une sorte de séduction
se ferait sentir vis-à-vis des élèves du sexe opposé.
Quoi qu’il en soit, il est désormais prouvé que les attentes enseignantes fonctionnent comme
des prophéties autoréalisatrices (Duru-Bellat, 2004) : selon l’effet Pygmalion – mis en
évidence par Rosenthal et Jacobson en 1972 déjà – une théorie fausse au départ peut s’avérer
exacte à l’arrivée uniquement parce que nous y croyons ! En effet, l’enfant s’efforce « de
devenir ce qu’on lui demande plus ou moins explicitement d’être » (Duru-Bellat, 1995, 2004,
p. 67). Cet effet autoréalisateur pervers provoque donc un renforcement mutuel entre les
attentes enseignantes et les comportements des élèves, « dans le sens d’une reproduction des
46
stéréotypes de genre » (Bereni et al., 2008, p. 99). Mosconi (2009) prétend que c’est ainsi que
les enseignant-es apprennent aux garçons à s’exprimer, s’affirmer et contester l’autorité des
adultes alors que les filles apprennent à « prendre moins de place, physiquement et
intellectuellement », moins s’exprimer publiquement, être moins valorisées, se soumettre à
l’autorité et supporter la dominance des garçons, sans protester... soit tout un « ensemble
d’apprentissages psychologiques et sociaux » (Baudoux & Noircent, 1995, p. 6) différencié
selon le sexe. Nous reviendrons sur l’influence que cet effet peut avoir sur la connotation des
disciplines scolaires, donc sur l’orientation des élèves. Mais analysons tout d’abord son
influence sur la confiance et l’estime de soi des enfants à l’école.
3.8. Des difficultés aux conséquences sexuées opposées
Des normes d’attributions différenciées…
Plusieurs enquêtes à l’école ont mis en évidence des différences significatives de normes
d’attributions du personnel enseignant selon le sexe de l’élève (Bereni et al.,
2008 ; Chaponnière, 2006 ; Dafflon Novelle, 2006 ; Duru-Bellat, 2004 ; Mosconi, 2009). En
effet, les enseignant-es ont tendance à imputer les réussites et échecs des garçons et des filles
à des causes différentes (Chaponnière) : alors que les réussites scolaires des garçons sont dues
à leurs capacités intellectuelles (Bereni et al.) ou à leur « talent », celles des filles dépendent
de leur effort, de leur travail (Bereni et al. ; Dafflon Novelle) ou de leur attention (Jarlégan &
Tazouti, 2007), faisant donc « tout ce qu’elles peuvent » pour réussir (Mosconi, 2009). Quant
aux échecs, ils proviennent pour les filles de leurs aptitudes insuffisantes tandis que la paresse
(Dafflon Novelle) ou le manque de motivation en sont les causes pour les garçons, soustendant toujours cette idée de « sous-réalisateurs » (Duru-Bellat) qui « peuvent mieux faire »
(Mosconi). Ces normes d’attribution différentes, intériorisées petit à petit par les garçons et
les filles, influencent leur image d’eux-mêmes et le sentiment de leur propre compétence
(Duru-Bellat, 1994). Ainsi, Chaponnière affirme que les filles attribuent souvent leurs succès
à la chance – un facteur externe instable selon Rouyer (2007) – ou à leur travail acharné tandis
que leurs échecs sont dus à leur manque d’aptitude (facteur personnel stable, mais
incontrôlable selon la même auteure) ou à la difficulté de la tâche. A l’inverse, les garçons
attribuent leurs succès à leurs compétences et leurs échecs au manque de travail ou à la
malchance (Chaponnière).
…à des réactions opposées
Les différentes causes retenues pour expliquer l’échec influencent la manière dont l’élève
garçon ou fille aborde ses difficultés : « soit par une attitude orientée vers la maîtrise de la
tâche (avec intensification de l’effort, concentration, stimulation), soit par une attitude de
47
dépendance ou de défaitisme (avec démobilisation, détérioration) » (Duru-Bellat, 1994, p.
129). Dans le premier cas, l’individu attribuant l’échec à son manque d’effort ou à d’autres
facteurs contrôlables tend à être stimulé par la difficulté, tandis que dans le second, la
difficulté affaiblit l’élève, qui attribue son échec à des facteurs incontrôlables. De manière
générale, la première attitude est souvent observée chez les garçons et la seconde chez les
filles (ibid), ce qui entraîne « une rapide amélioration des résultats chez les premiers, tandis
qu’ils ont l’effet inverse sur les secondes » (Dweck & Bush, 1976, cité par Rouyer, 2007, p.
121). Il en résulte un manque de confiance (Dafflon Novelle, 2006) et une baisse d’estime de
soi du côté des filles. A l’inverse, « les garçons ont une faculté d’estime de soi plus élevée
[…], associée à une ambition supérieure » (De Boissieu, 2007, p. 2). Une question pertinente
surgit à ce niveau de l’analyse: ces normes d’attribution n’influencent-elles donc pas aussi les
enseignant-es au niveau des évaluations ?
3.9. Des évaluations pas si objectives…
Certaines études ont relevé des différences dans les évaluations selon le sexe de l’élève et/ou
la matière enseignée. Tout d’abord, Duru-Bellat (1994) affirme que « les notes scolaires ne
sont pas exemptes de biais en fonction du sexe de l’élève » (p. 118). De manière générale, les
garçons sont lésés au niveau de la notation qui semble être plus sévère à leur égard,
l’hypothèse étant que les enseignant-es tiennent aussi compte de leurs comportements (moins
soigneux et moins appliqués) (Duru-Bellat, 2004). A l’opposé, ils notent les filles avec plus
d’indulgence en comparaison à leur niveau « réel » de connaissances (Duru-Bellat, 1994).
Néanmoins, les commentaires ou appréciations des enseignant-es concernent davantage le
fond, la qualité intellectuelle du travail (Bereni et al., 2008), la correction scientifique, la
concision, l’intérêt pour la discipline ou la richesse des idées (Spear, 1984, cité par DuruBellat, 1995) pour les garçons – aspects valorisant leurs performances – alors qu’ils touchent
davantage à la présentation et la forme pour les filles (Bereni et al.). Les bonnes copies des
garçons sont d’ailleurs louées pour leur richesse ou originalité alors que celles des filles le
sont pour leur propreté (Bereni et al. ; Duru-Bellat, 1995)!
Au niveau des disciplines, dans certaines matières connotées comme masculines (nous les
énumérerons ci-dessous), les enseignant-es ont tendance à être plus indulgent-es avec les
travaux faibles de filles que pour ceux de garçons, mais aussi plus sévères pour les copies
émanant de filles fortes dans ce domaine (Chaponnière, 2006) ; performance sans doute
considérée inconsciemment comme « anormale ». Ainsi, les enseignant-es « valorisent la
conformité des filles » (Bereni et al., 2008, p. 99). Malgré un prétendu traitement égalitaire
entre les garçons et les filles, les enseignant-es considéreraient-ils/elles donc inconsciemment
ou non que certaines disciplines sont plus appropriées pour l’un ou l’autre sexe ? Si tel est le
48
cas, quels sont donc les effets de cette bi-catégorisation des disciplines sur les élèves ?
Attardons-nous quelque peu sur le rôle joué par le personnel enseignant au sujet de ces
disciplines et sur leurs effets sur les élèves.
3.10.
Le sexe comme régulateur des performances scolaires
Rapports au savoir différenciés
Le personnel enseignant joue un rôle essentiel dans la « constitution de rapports au savoir
différenciés chez les élèves » (Mosconi, 2003, cité par Murcier, 2005, p. 5). En effet, dans les
disciplines connotées sexuellement, les enseignant-es ont des attentes stéréotypées
particulièrement différenciées en fonction du sexe des élèves et « tendent [ainsi] à prévoir des
succès inégaux, chez les […] garçons et filles » (Murcier, p. 5). Ces disciplines sexuellement
connotées sont principalement les mathématiques et les sciences, mais aussi l’éducation
physique pour les garçons et les branches littéraires telles que le français et la lecture pour les
filles ; disciplines pour lesquelles chaque sexe est prétendu meilleur que l’autre selon les
représentations stéréotypées enseignantes (Dafflon Novelle, 2006). De ce fait, les
comportements des enseignant-es diffèrent en fonction du sexe de l’élève et de la branche. Il
en résulte des interactions (remarques d’ordre cognitif, questions ouvertes, temps de latence),
des encouragements (stimulations ou sollicitations), des découragements et des évaluations
différenciées (Baudoux & Noircent, 1995 ; Chaponnière, 2006 ; Coradi Vellacott & Wolter,
2006 ; Dafflon Novelle, 2006 ; Duru-Bellat, 1995, 2004).
Illustration : mathématiques versus français
Prenons l’exemple des mathématiques et du français. Plusieurs recherches soulignent le fait
que les enseignant-es consacrent plus de temps aux filles en lecture et aux garçons en
mathématiques (Murcier, 2005). Ces derniers bénéficieraient d’ailleurs statistiquement
d’environ 35 heures de cours de mathématiques de plus que les filles, entre le primaire et la
seconde année du collège (Huguet, 2003). Au niveau des disciplines, l’effet Pygmalion –
présenté plus haut – est particulièrement prégnant : « les garçons ont davantage de difficultés
en lecture quand les enseignant-es en sont convaincu-es que dans le cas contraire et
réciproquement pour les filles par rapport aux mathématiques » (Murcier, p. 5). Ainsi, les
comportements enseignants confortent les élèves dans l’idée que certaines branches sont
masculines et d’autres féminines (Chaponnière, 2006). Petrovic (2004b) souligne d’ailleurs
qu’en dépit de différences avérées entre les sexes en début de scolarité, les différences de
réussites se creusent au fil de la scolarité obligatoire, à l’avantage des filles en français et des
garçons en mathématiques. C’est pourquoi Mosconi (1998) prétend que les filles ont le dessus
en grammaire, en vocabulaire, en orthographe et en maîtrise du sens du texte. Nous assistons
49
donc bel et bien à une division sexuée des disciplines apparaissant dès l’école primaire et
distinguant les garçons et les filles en termes de performances (Petrovic).
Par ailleurs, il en est de même par rapport aux attitudes des élèves : après contact prolongé
avec l’école, le sentiment de propre compétence, la motivation et l’intérêt des élèves pour les
disciplines ne correspondant pas à leur sexe sont faibles (Coradi Vellacott & Wolter, 2006 ;
Petrovic). Ainsi, en mathématiques par exemple, les filles affichent généralement moins de
confiance en elles et déclarent s’intéresser moins à cette discipline que les garçons. A
l’opposé, les garçons présentent nettement moins d’intérêt et de motivation pour la lecture
(Coradi Vellacott & Wolter).
Un clivage des savoirs lourd de conséquences
Petrovic (2004b) résume les méfaits de ce rapport négatif au savoir mathématique pour les
filles : percevant au fil de leur scolarité que cette discipline est une matière « de garçon »,
elles « agissent en conséquence, soit en réussissant moins bien, soit en se sous-évaluant et en
déclarant ne pas aimer cette discipline » (p. 161). Une anecdote intéressante à relever est
l’expérience de Leder (1974), citée par Baudoux et Noircent (1995) qui a constaté que pour
un même problème mathématique, les filles réussissent mieux lorsqu’il s’agit de recettes de
cuisine plutôt que de sacs de ciment. Ainsi, selon Dafflon Novelle (2006), le poids des
stéréotypes peut réellement influencer les performances scolaires des élèves selon leur sexe :
« le fait d’avoir une réputation d’infériorité dans un contexte évaluatif […] peut suffire à
provoquer une menace psychologique [anxiété, doutes sur ses capacités], laquelle […] va
entraver le raisonnement et […] nuire à la performance » (p. 370). Cette baisse de
performance implique deux conséquences : diminution des chances de réussite de l’élève et
renforcement des stéréotypes et de leurs effets négatifs (ibid), d’où, à nouveau, un cercle
vicieux…
Cependant, ces rapports différenciés au savoir selon le sexe ont des conséquences au niveau
de l’orientation des élèves. En effet, la connotation sexuée des disciplines influence
négativement l’estime de soi des élèves pour les branches ne correspondant pas à leur sexe, et
par conséquent, leur fait opter pour des choix professionnels stéréotypés (Chaponnière, 2006).
A ce sujet, Petrovic (2004b) rappelle que les mathématiques – discipline connotée comme
masculine, favorisant donc les garçons – sont une « matière entrant en compte pour être
orienté vers des filières valorisées socialement et économiquement » (p. 160). Nous
reviendrons sur cet aspect lorsque nous approfondirons l’orientation et les choix
professionnels des élèves.
50
Faisons le point de la situation…
A ce niveau de l’analyse, deux éléments nous semblent essentiels : d’une part, au travers de la
norme implicite d’équité, les enseignant-es visent une certaine égalité entre les sexes et
l’affirment d’ailleurs dans leurs discours; d’autre part, par leurs attentes stéréotypées et les
comportements qui en découlent, ils/elles contribuent à la constitution d’un rapport au savoir
différencié chez les garçons et les filles, rapport qui a des répercussions sur leurs choix
d’orientation futurs et qui engendre donc davantage d’inégalité entre les sexes. Nous nous
trouvons donc face à un étrange paradoxe. Les enseignant-es n’auraient-ils/elles donc pas
conscience de ces divers mécanismes dont ils/elles sont les vecteurs et qui produisent plus
d’inégalités auprès de leurs élèves qu’ils n’en atténuent ? Quant aux élèves – principalement
les filles – pourquoi ne se « révoltent »-elles pas et/ou ne dénoncent-elles pas ces pratiques
inégalitaires ?
3.11.
L’étonnant « aveuglement » des professionnel-les
Il est donc étonnant de relever « l’aveuglement » tant des enseignant-es que des élèves aux
différences de traitement selon le sexe (Chaponnière, 2006 ; Baudino, 2008) ! En effet, les
enseignant-es traitent les garçons et les filles de manière inégalitaire par des mécanismes dont
ils/elles n’ont pas conscience (Fontanini, 2005). Selon Collet et Grin (2011), les membres du
personnel enseignant « ont du mal à croire qu’ils peuvent être inconsciemment inéquitables »
(p. 31) et s’en défendent d’ailleurs avec vigueur (Baudino). En effet, le constat d’une école
inégalitaire et la prise de conscience de leurs rôles dans ce maintien des inégalités sont vécus
par les enseignant-es comme une « stigmatisation intolérable de leur pratique » (Fontanini, p.
109) et engendrent de ce fait défense, rejet et agressivité de leur part.
Petrovic (2011) prétend que « la majorité [des personnes] s’est construit une illusion de
l’égalité entre les sexes dans la société » (p. 32), tout comme les enseignant-es d’ailleurs
croient ou veulent croire que dans le système scolaire, l’égalité est acquise (Mosconi, 2011).
Héritier (2010) propose à ce sujet une piste de réflexion : « l’existence de la loi comme balise
de l’évolution d’une société a […] des effets ambigus […] : ceux de faire croire que les
choses sont acquises et qu’il n’y a plus à lutter pour conquérir de nouveaux domaines » (p.
177). Rappelons-le : le présupposé même de la mixité scolaire établissait que la cohabitation
des filles et des garçons ne pouvait engendrer que plus d’égalité… Pour preuve, une recherche
auprès de professeur-es a relevé que l’école était majoritairement mentionnée comme le lieu
d’égalité par excellence dans notre société (Fontanini, 2005) ! A cet égard, ne sous-estimons
pas non plus l’omniprésence et l’emprise d’une prétendue norme implicite d’équité supposée
garantir la neutralité de l’enseignement à l’école. Par ailleurs, Dafflon Novelle (2006) affirme
que les représentations sur l’égalité des sexes ont évolué beaucoup plus rapidement que les
51
pratiques, dans le sens où les enseignant-es « sont toujours plus convaincus d’adopter un
comportement égalitaire envers les enfants des deux sexes » (p. 283), alors que ce n’est pas
nécessairement le cas! Ainsi, n’ayant pas conscience ou niant l’existence de ces inégalités
entre filles et garçons, l’égalité des sexes ne semble pas constituer un défi à leurs yeux (DuruBellat, 1995).
…Et des élèves
Les élèves ont eux aussi l’impression qu’entre filles et garçons « l’égalité des chances » est
acquise (Heimberg & Opériol, 2005, cité par Dafflon Novelle, 2006). Marguerite (2008)
prétend que « pour eux, la perception d’équité n’est pas synonyme d’égalité de résultats ou de
traitement entre les sexes » (p. 5) ce qui peut expliquer pourquoi les garçons, mais surtout les
filles ne ressentent pas le besoin d’améliorer leur situation respective. Ainsi, pour les
enseignant-es (Moreau, 2011) comme pour leurs élèves, les inégalités de sexes à l’école sont
largement occultées par la mixité scolaire. Mais qu’implique cette socialisation scolaire
différenciée pour les enfants au-delà des murs de cette institution ?
3.12.
Répercussions sur l’estime de soi
En définitive, comme nous avons pu le constater, les enseignant-es ont des représentations et
attentes stéréotypées des filles et des garçons à l’école qui vont influencer leurs pratiques au
niveau des comportements adoptés selon le sexe de l’élève. Basés sur une pseudo norme
implicite d’équité, en réalité inégalitaire, ces comportements se traduisent par des réactions,
des interactions, des normes d’attributions des réussites et des échecs, des encouragements,
des critiques, des évaluations et des appréciations différenciés en fonction du sexe qui
aboutissent à la constitution de rapports au savoir différenciés chez les élèves filles ou
garçons. Et c’est là que le bât blesse : les performances des élèves tout comme leurs attitudes
– sentiment de propre compétence, motivation et intérêt – se distinguent selon la connotation
masculine ou féminine des disciplines. Comme nous le précise Chaponnière (2006), il en
résulte « une influence sur les comportements présents et futurs des élèves, et sur leur image
de soi » (p. 130).
Ainsi, à travers divers mécanismes basés sur leurs représentations des filles et des garçons, les
enseignant-es véhiculent bel et bien des stéréotypes de sexe à l’école, qui ont de nombreuses
répercussions, notamment sur l’estime de soi des élèves (Baudoux & Noircent, 1995 ;
Chaponnière, 2006 ; Epiney, 2011). De manière générale, les filles semblent moins sûres
d’elles à l’école (De Boissieu, 2007) et ont tendances à se dévaloriser en dépit de résultats
scolaires satisfaisants (Courtinat-Camps & Prêteur, 2010). Il n’est donc pas étonnant
d’apprendre que parmi les élèves qui réussissent bien, tout comme parmi ceux qui réussissent
52
moins bien, les garçons ont toujours une meilleure image d’eux-mêmes que les filles, comme
l’a démontré Sears (1963), citée par Baudoux & Noircent. Duru-Bellat (2004) fait alors
l’hypothèse suivante : à travers les pratiques enseignantes différenciées – dépendantes d’une
norme implicite d’égalité valorisant les garçons – « les filles apprennent […] qu’elles méritent
moins l’attention des enseignants, qu’elles sont moins intéressantes, que leur réussite est
moins importante… » (p. 67). Cette moindre estime de soi des filles aura de grandes
conséquences au niveau de l’orientation, et ainsi des choix professionnels futurs – constituant
« l’aboutissement des scolarités » pour Duru-Bellat (2004b, p. 145) – comme nous allons le
voir à présent.
3.13.
Impact de cette socialisation différenciée sur l’orientation
Selon Mosconi (2011), les recherches à l’école ont « montré une socialisation scolaire
quotidienne […] dans les rapports entre enseignant-es et élèves […] qui a tendance à
reproduire des inégalités de sexe » (p. 57). D’un point de vue du genre, cette socialisation
scolaire est donc différenciée et inégalitaire ! Ainsi, les différences entre les élèves-filles et les
élèves-garçons sont renforcées à plusieurs niveaux par le personnel enseignant et ont des
conséquences quasi irréversibles sur l’orientation et les choix professionnels des enfants en
fonction de leur sexe (Bereni et al., 2008 ; Chaponnière, 2006 ; Dafflon Novelle, 2006 ; DuruBellat, 1994, 1995, 2004b ; Marguerite, 2008 ; Marro & Vouillot, 2004 ; Meunier, 2008 ;
Mosconi, 2011 ; Petrovic, 2004b ; Rossi-Neves & Rousset, 2010). En effet, l’orientation
semble « teintée par le genre dans les choix de cours […], d’études et de professions »
(Gavray & Adriaenssens, 2010, p. 11).
En dépit de leur « domination scolaire » (Zaidman, 1996, p. 113), les filles ne conservent pas
cet avantage au niveau de l’exercice de la profession (voire la mixité scolaire, source
d’inégalités dans le présent travail) : plutôt que de rentabiliser leurs meilleurs résultats par une
orientation susceptible de valoriser cette réussite, elles s’orientent de manière générale vers
« des filières plus restreintes, moins professionnalisantes et moins prestigieuses » (Petrovic,
2004b, p. 157), menant à des professions socialement dévalorisées, d’où l’apparition de ce
que les spécialistes qualifient d’une ségrégation verticale (Marry, 2000, citée par Duru-Bellat,
2004b). Ceci contribue à expliquer le fait qu’a posteriori, moins de femmes occupent des
postes à responsabilité, plus sont touchées par le chômage et, à emploi et compétences
équivalents, elles sont moins bien rémunérées (Dafflon Novelle, 2006), d’où une inégalité de
succès (Fassa, Fueger, Lamamra, Chaponnière & Ollagnier, 2010). Bihr et Pfefferkorn (2002),
cité par Petrovic (2004) interprètent ce taux plus élevé de chômage comme suit : la
concentration des filles dans des secteurs restreints entraîne une sursélection – par
53
comparaison aux garçons sous-sélectionnés – donc davantage de difficultés à s’insérer au
niveau professionnel.
Des choix professionnels stéréotypés
Selon Chaponnière (2006), les apprentissages tout comme les choix de filières restent très
stéréotypés selon le sexe ! Ainsi, les filles ne cessent de faire des « choix professionnels
massivement stéréotypés » (Dafflon Novelle, 2006, p. 372) concentrés dans un nombre de
spécialités limité du tertiaire (Duru-Bellat, 2004) – domaine de la vente, de l’habillement, des
soins corporels ou médicaux, de l’éducation et du bureau (secrétariat, comptabilité, etc.) –
tandis que ceux des garçons, plus diversifiés, touchent aux secteurs de l’industrie
(métallurgique ou du bois), du bâtiment, des machines ou de l’hôtellerie (Chaponnière, 2006 ;
Petrovic, 2004b). Ceci fait dire à Baudelot et Establet (2007) que « la vie professionnelle
actuelle valide toujours les stéréotypes de sexe les plus archaïques » (p. 35). Cette ségrégation
horizontale (Marry, 2000, citée par Duru-Bellat, 2004b) est d’ailleurs confirmée au niveau
helvétique par les statistiques émanant de la brochure l’égalité publiée en 2005 par le Bureau
de l’égalité entre femmes et hommes du canton du Valais. Selon son auteure, « malgré
l’amélioration du niveau de formation des femmes, on aurait tort de croire que l’égalité dans
le domaine de la formation est réalisée » (Jurisch Praz, p. 11). De manière globale, les garçons
accèdent plus fréquemment à des formations professionnelles tandis que les filles se dirigent
plutôt vers des formations générales (Duru-Bellat, 2004). Nous assistons donc à ce que Marro
et Vouillot (2004) qualifie de « sexuation de l’orientation » (p. 5).
Se basant sur de nombreuses recherches, Petrovic (2004b) affirme que « c’est parce que
l’école n’offre pas la même éducation aux filles et aux garçons [au niveau du curriculum
caché] que cette « différence » d’orientation existe et se traduit en termes d’inégalités sociales
et économiques » (p. 159). En effet, par de nombreux mécanismes inconscients, ce curriculum
entraîne au final la constitution de rapports au savoir différenciés comme vu précédemment.
D’ailleurs, selon Meunier (2008), les choix d’orientation des élèves sont influencés par la
perception de leur niveau scolaire, mais surtout par leur rapport aux différentes disciplines.
Ainsi, les mathématiques, différemment rendues accessibles et valorisées selon le sexe ont
pour effet – outre le fait de creuser un écart entre garçons et filles dans cette matière – la
dévalorisation des filles, et par là même leur disparition « dans l’orientation des filières à haut
prestige professionnel » (Petrovic, p. 165) telles que celles scientifiques, permettant l’accès à
des professions exigeantes, mais prestigieuses. Selon, Rossi-Neves et Rousset (2010), elles se
détournent de ces filières, car « l’orientation vers ces études ne leur est pas « naturelle » » (p.
131). Ainsi, dès la fin de la scolarité obligatoire, la mixité a tendance à disparaître dans les
orientations des élèves au niveau des filières professionnelles et techniques (Mosconi, 2011).
Nous savons pourtant que ce sont justement ces dernières qui donnent davantage
54
d’opportunités de carrière tout en garantissant des professions moins touchées par le chômage
et mieux rémunérées (Dafflon Novelle, 2006). La constitution de rapports au savoir
différenciés entraîne de ce fait des différences entre les deux sexes au niveau des résultats
scolaires, de la motivation et de l’intérêt pour les disciplines ainsi que de la perception de soi ;
nombres de facteurs influençant le choix professionnel (Corradi Vellacot & Wolter, 2006).
L’école contribue donc à travers le « jeu des attentes sociales et des stéréotypes qui pèsent sur
les catégories de genre […] au maintien du caractère sexué des choix de carrière et des
trajectoires scolaires et professionnelles » (Croity-Belz et al., 2010, p. 163), d’où des
inégalités qualitatives en terme d’éducation reçue (Duru-Bellat, 2004b). Mais les élèves ne
sont-ils que les simples marionnettes d’une conspiration sexuée dont les ficelles sont tirées par
les professionnels de l’éducation ? Ne jouent-ils pas eux-mêmes aussi un rôle majeur dans ce
choix d’orientation ?
Autres facteurs explicatifs inhérents aux sujets
Les recherches avancent deux autres facteurs explicitant l’orientation différente des garçons et
des filles. D’une part, les filles semblent faire preuve d’une plus forte auto-sélection, dans le
sens où elles vont choisir certaines filières à haut prestige professionnel uniquement
lorsqu’elles sont particulièrement bonnes (Duru-Bellat, 2004), d’où des « choix » – qui n’en
sont pas – moins ambitieux que les garçons. D’ailleurs, il n’est pas rare que des filles ayant de
bons – mais pas d’excellents – résultats scolaires et pouvant donc envisager une filière
scientifique, ne le fassent pas (ibid) par crainte de l’échec. En effet, Ferrand (2004) souligne
la « sous-estimation relative des filles » (p. 60), à l’opposé des garçons qui ont plutôt tendance
à se surestimer. A ce sujet, rappelons le rôle clé joué par les normes d’attributions des
réussites et des échecs sur le sentiment de propre compétence et l’estime de soi. De plus, bien
souvent et aussi étonnant que cela puisse paraître, les professionnel-les de l’orientation
suivent un principe de respect des demandes des jeunes et ne se permettent donc pas
d’« ouvrir les horizons en proposant quelque chose qu’ils n’ont pas demandé » (Duru-Bellat,
p. 70) !
D’autre part, dans le choix d’orientation des garçons et des filles, on assiste régulièrement à
une anticipation des rôles d’adulte (Baudelot & Establet, 2007 ; Coradi Vellacott & Wolter,
2006 ; Cornet et al., 2010 ; Duru-Bellat, 2004 ; Jonas, 2011 ; Meunier, 2008 ; Zaidman,
1996 ; Rossi-Neves & Rousset, 2010). Ainsi, dans leurs projets de vie, ils/elles pensent tous
deux indissociablement à leur avenir professionnel et familial, la famille représentant même
une valeur très forte chez les jeunes (Cornet et al., 2010). Toutefois, les filles accordent une
place bien plus importante que les garçons à cette potentielle famille (Saffon-Mottay, 1997,
cité par Duru-Bellat). Cette dernière parle ainsi de « choix de compromis » au sujet de ces
professions moins valorisées choisies par les filles qui rendent le temps partiel possible et
55
dans lesquelles les conditions de travail sont plus souples, permettant l’articulation de leur
futur métier avec des obligations familiales. Ainsi, « les jeunes doivent apprendre à se
construire et à se former en se confrontant […] aux normes de genre et aux enjeux sociaux,
que ce soit en termes de distribution des métiers, des choix d’orientation, ou encore de la
répartition des rôles dans la famille, etc. » (Rouyer, et al., 2010, p. 210). Les projets de vie des
garçons et des filles étant différenciés, ils/elles choisissent donc des filières de formation
distinctes, ce qui les amène à une vie professionnelle différenciée, d’où une reproduction des
rapports sociaux de sexe (Gaudron, 2008).
Néanmoins, Gavray et Adriaenssens (2010) relèvent de manière optimiste que certaines
recherches récentes laissent penser que « les jeunes filles font preuve de ressources et de
capacités à prendre leurs distances par rapport aux normes genrées et travailler à leur propre
destinée » (p. 11).
Bilan de la socialisation scolaire différenciée
En définitive, le problème est que ces « inégalités d’orientation […], bien plus que les
inégalités de réussite [scolaires], modèlent les inégalités de carrières entre les sexes » (DuruBellat, 2004, p. 70). En effet, il existe une « division socio-sexuée des savoirs » entre les
garçons et les filles qui se traduit par une « division socio-sexuée du travail professionnel et
familial » (Mosconi, 2009). Meunier (2008), se basant sur les propos de Mosconi (1989),
résume de manière simple l’impact de la socialisation scolaire différenciée sur les élèves selon
leur sexe :
A travers de multiples mécanismes implicites, les relations entre enseignants et élèves
concourent à faire vivre des expériences différentes selon les genres où les identités
sexuées vont se construire, se transformer et favoriser avec d’autres influences des
trajectoires scolaires, universitaires et professionnelles différentes. (p. 21)
56
3.14.
Diverses conceptions des différences de sexe
Suite à l’analyse du rôle des enseignant-es dans l’accentuation des différences entre les sexes
à l’école, essayons de déterminer dans quelle mesure certains d’entre eux cherchent
probablement à se rapprocher de l’égalité des sexes à l’école, même si l’égalité pure relève de
l’utopie au niveau pratique, comme nous l’avons vu plus haut.
En fonction du courant idéologique qui sous-tend, inconsciemment ou non, leur représentation
des différences entre garçons et filles, les enseignant-es ont probablement des attentes et des
comportements différents face à leurs élèves. En effet, comme nous le précise Vidal (2010),
« quelle est la part de la culture et celle de la nature dans les comportements » (p. 68-69) des
élèves ? Si les membres du corps enseignant perçoivent ces différences comme provenant
exclusivement de la nature, l’égalité des sexes à l’école ne leur semblera probablement pas un
défi à relever, car nul ne peut s’opposer à ce qui a été biologiquement prédéterminé. A ce
sujet, Tostain (2010) démontre d’ailleurs que pour les adultes, la tolérance à la transgression
des rôles de sexe est liée de façon négative aux explications biologiques. Au contraire, si les
différences relèvent à leurs yeux de la culture, pour une part au moins, il leur tiendra
certainement plus à cœur de se rapprocher d’une pseudo-égalité entre les sexes, du moins au
niveau discursif. Prenons donc le temps d’examiner les deux grandes théories permettant
d’expliquer les différences entre les sexes : la conception essentialiste et celle
constructionniste.
La conception essentialiste
La théorie essentialiste ou naturaliste – soit le modèle archaïque dominant – cherche « des
origines physiques et biologiques pour justifier les différences de comportements entre les
sexes » (Petrovic, 2004a, p. 79). Ainsi, certain-es scientifiques s’efforcent de rechercher des
éléments de preuves – poids, volume, anatomie ou organisation des cerveaux, activité de
l’intelligence (théorie des deux cerveaux), gènes, nombres de neurones, etc. – permettant
d’établir un lien de cause à effet entre les différences biologiques et la répartition
dichotomique des comportements et des rôles entre les femmes et les hommes, ceci en vue
d’attester l’existence de différences innées et immuables entre les sexes (ibid). C’est dans cet
ordre d’idée que Vidal et Benoît-Browaes (2005), citées par Jonas (2011), tirant un parallèle
avec le 19e siècle et ses mesures physiques du cerveau et du crâne, tiennent les propos
suivants : « il semble que les 20e et 21e siècles, en se servant des tests cognitifs, des gènes et
des techniques sophistiquées de l’imagerie cérébrale, poursuivent toujours le même objectif
[…] expliquer la hiérarchie entre les sexes, les races et les classes sociales » (p. 53). Ainsi, des
différences d’ordre biologique sont invoquées pour expliquer, légitimer et par là même,
57
occulter des inégalités d’ordre social (Marro & Vouillot, 2004) : la Nature devient « la raison
suprême qui justifie et rend incontournable les inégalités (Guillaumin, 1992, citée par DuruBellat, 2004b, p. 63). Héritier (2010), célèbre anthropologue, ne soutient pas du tout cette
théorie. A son sujet, avec une pointe d’ironie, elle parle d’« illusion « naturaliste » » pour
illustrer cette recherche constante et saugrenue de justifications biologiques à « l’inégalité
socialement constatée » ; justifications « tapies dans les corps […] qu’il serait donc illusoire
de vouloir nier » (p. 13)… A ses yeux, il semble évident qu’à la catégorie de sexe est
superposé un certain nombre de caractéristiques dont on postule ou présume qu’elles
découlent alors même qu’« il apparaît à l’examen que le lien organique supposé ne peut être
clairement déterminé » (ibid, p. 12).
Bémols à relever face à cette conception
Deux aspects nous semblent problématiques :
1. Une telle vision légitime « les différences psychologiques [et sociales] et les inégalités
entre les sexes » (Petrovic, 2004a, p. 80), souvent à l’aide de stéréotypes les attribuant
à la nature (Baudelot & Establet, 2007), nous amenant donc à laisser de côté toute
réflexion pouvant aller dans le sens d’une potentielle égalité entre les hommes et les
femmes dans la société, ainsi qu’entre les garçons et les filles à l’école. En effet, ces
théories qui essentialisent les différences entre les sexes (Tostain, 2010), impliquent
« des visions déterministes qui considèrent nos aptitudes intellectuelles et nos
comportements comme « programmés » dans le cerveau » (Vidal, 2010, p. 79) et/ou
les hormones, soit un déterminisme biologique. Ainsi, nul-le ne peut sortir de sa
« destinée naturelle » dont chacun est dépendant et doit se soumettre, sous peine
d’apparaître contre nature (Petrovic). Selon cette conception des différences, de par
une « indiscutable essence biologique » (ibid, p. 80), les individus du monde
deviennent ainsi clivés en deux sous-groupes distincts dont les spécificités de chacun
des groupes de sexe s’opposent à l’autre. Ainsi, pourquoi chercher à atteindre une
quelconque égalité des sexes à l’école ? Cela ne reviendrait-il pas à aller à l’encontre
de la nature, donc à mettre en place un dispositif d’ores et déjà voué à l’échec?
2. Ces théories sont largement médiatisées par certain-es « spécialistes » qui ont l’art de
simplifier la complexité de la réalité et de la réduire au quotidien observable – ce qui
semble rendre ces théories infaillibles et permet d’assurer le consentement des
lecteurs-trices – par des vulgarisations présentées comme des « vérités scientifiques »
qui rencontrent d’ailleurs un succès indéniable auprès d’un large public. Celui-ci,
« même « éclairé », est dans l’incapacité de faire la part entre faits avérés et
spéculations » (Vidal, 2006, p. 50) et se laisse ainsi facilement berné par ces « fables
58
naturalistes » (Jonas, 2011, p. 14). Dans ce sens, Vidal (2010) nous met en garde
contre ce genre de lecture, car « en arrière-plan, se profile toujours le spectre de
l’utilisation de la biologie comme justifications des inégalités entre les sexes et entre
les groupes humains » (p. 80). Ces « preuves scientifiques objectives » permettent
ainsi d’ailleurs d’évacuer « les raisons sociales et culturelles aux inégalités entre les
sexes » (Vidal, 2006, p. 57), déresponsabilisant ainsi l’entourage social – par là même,
les membres du corps enseignant – dans l’accentuation des différences entre les sexes.
Une large part du succès de ces ouvrages de vulgarisation est à chercher du côté des recettes
miracles prescrites par ces « bonimenteurs » (Jonas, 2011, p. 123) à travers une littérature de
développement personnel : pour parvenir à une relation de couple saine et la maintenir, pour
assurer une bonne éducation des enfants, etc. S’inspirant de la psychologie évolutionniste –
aux relents conservateurs – qui prône un certain réductionnisme biologique en postulant que
les comportements, les pensées et les caractéristiques physiques sont le simple résultat de
l’évolution (ibid), les différences hommes-femmes – évidemment « jamais analysées en
termes de hiérarchies sociales » (ibid, p. 85) – donc les inégalités, deviennent ainsi justifiées.
Par ailleurs, pour donner du poids à leurs propos et tromper aisément leur public par une
« propagande « sexiste » » (ibid, p. 124), ces expert-es de l’épanouissement personnel
n’hésitent pas à faire appel à des théories invalidées, à falsifier des données scientifiques, à
utiliser le mythe ou « l’effet Barnum10 » ainsi qu’à avoir recours à d’autres procédés
d’instrumentalisation peu orthodoxes (pour une description plus détaillée de l’ensemble des
techniques de validation non scientifiques, nous prions nos lecteurs-trices de se référer au
chapitre les dessous chics de la littérature « psy » évolutionniste de Jonas (2011), citée en
références bibliographiques).
Pour ne citer que quelques exemples, prenons le best-seller tout public de John Gray de 1992,
Les hommes viennent de mars, les femmes viennent de Vénus caricaturant et catégorisant les
deux sexes de manière biologique ainsi que sa série de livres cultes qui ont suivi sur « Mars et
Vénus ». Dans le même ordre d’idée, nous pouvons citer les écrits du couple de psychologues
Allan et Barbara Pease – ou plus récemment Sabra E. Brook et Joseph F. Dooley (2005) –
s’intitulant tous à l’aide de la même formule répétitive pourquoi les hommes (…) et les
femmes (…) ? et prétendant que chacun de nous est déterminé par son sexe. Un ultime
exemple est le dangereux ouvrage d’Ellen Willer Les hommes, les femmes, etc. publié en 2001
et démontrant « que toutes les différences entre les femmes et les hommes ont une origine
physiologique » (Guilbert, 2004, p. 33). Nous ne nous attarderons pas davantage sur ces
quelques exemples.
10
Selon Jonas (2011), l’ « effet Barnum » est un processus par lequel un individu se reconnaît spontanément dans ce qu’il
croit être la description de lui-même » (p. 48). Celui-ci s’applique à la voyance, à l’astrologie, aux horoscopes, etc.
59
Catherine Vidal, neurobiologiste, nous met cependant face à une réalité déconcertante : « si
nos capacités mentales [et] nos talents sont inscrits dans la nature biologique de chacun, […] à
quoi bon […] la mixité ? Si l’on donne une explication « naturelle » aux différences sociales
et professionnelles entre les hommes et les femmes, tout programme social pour l’égalité des
chances devient inutile » (2012, p. 55). Dans le même ordre d’idée et pour provoquer nos
lecteurs-trices, pourquoi les enseignant-es s’efforceraient-ils de pousser les garçons à
apprendre les langues et les filles à faire des sciences ou des mathématiques étant donné que
cela ne correspond, apparemment pas, à leur « nature » ?
Existence de différences naturelles entre les sexes
Mais pour autant, n’y a-t-il tout de même pas une certaine part d’inné jouant un rôle et
contribuant à différencier, même de manière infime, les garçons et les filles ? Comment
expliquer alors le succès de ces théories naturalistes et des nombreux ouvrages tout public
contribuant à leur diffusion ? Selon Héritier (2010), il existe bien des différences naturelles :
« des différences fonctionnelles sont là, une asymétrie biologique dans la reproduction est
constatée » (p. 35). Par ailleurs, il existe bien des différences biologiques et anatomiques
importantes entre les cerveaux féminins et masculins (Baudelot & Establet, 2007). Nous y
reviendrons ci-dessous lorsque nous aborderons la principale théorie de Catherine Vidal.
Néanmoins, quoi qu’il en soit, les différents aspects biologiques ne prédisent en rien le futur
destin psychosocial des garçons ou des filles, pas plus qu’ils ne justifient l’inégalité entre les
sexes d’ailleurs (Héritier). C’est dans ce sens que la même auteure affirme que cette inégalité
« n’est inscrite ni dans l’évolution de la sexuation, ni dans nos gènes, ni dans la
différenciation sexuée intra-utérine, ni dans le fonctionnement cérébral » (p. 35). Selon
Darmon (2010), citant Blöss (2001), c’est parce qu’une intériorisation « silencieuse » des
modèles sexués s’opère durant la socialisation primaire que la différence entre les sexes « a le
plus de chances « de s’imposer avec l’évidence du naturel et le naturel de l’évidence » » (p.
38), d’où une autre part d’explication du succès de ces théories naturalistes.
Nécessité d’une autre conception des différences de sexe
Quelques questions permettent d’introduire la présentation de la seconde grande conception
des différences de sexe. La première est ainsi formulée à partir de résultats d’études sur
l’ambiguïté génitale et ses conséquences : si la prépondérance du rôle de la nature est telle,
comment expliquer le fait que des enfants génétiquement mâles élevés en filles se pensent-ils
filles et adoptent des comportements correspondant à cette identité particulière et inversement
pour des sujets génétiquement filles élevées en garçon (Mercader, 2010) ? De plus, nous
rapportant à une autre étude, comment expliquer que le comportement de jeunes enfants en
groupe face aux deux grandes catégories de jeux ou jouets change de manière draconienne en
60
fonction de l’absence ou de la présence d’un ou plusieurs adultes dans la pièce (Guilbert,
2004)? Finalement, nous appuyant sur des recherches se penchant sur des « socialisations au
cours desquelles « l’improbable est devenu possible » » (Marry, 2004, citée par Darmon,
2010, p. 41), comment justifier la primauté de la socialisation familiale de genre sur la
« pseudo-nature » biologique de sujets devenus des cas atypiques ? Il semblerait donc qu’une
autre théorie soit nécessaire pour expliquer la différence des sexes ou du moins compléter
cette première vision des choses. La socialisation des sexes agissant en effet dès la naissance,
il « est impossible de dissocier l’influence de la biologie sur le comportement de celle de
l’environnement » (Duru-Bellat, 2004b, p. 66).
De nombreux et nombreuses anthropologues, ethnologues, sociologues, psychologues et
historien-nes « ont remis en question le tracé de la frontière entre nature et culture, biologique
et social » à un point tel que « le territoire du naturel s’est réduit comme une peau de
chagrin » (Baudelot & Establet, 2007, p. 20). C’est dans ce sens que Darmon (2010) affirme
que bien que la différence biologique entre femmes et hommes puisse paraître importante,
« elle est pourtant très faible au regard de celle que la société construit et institue entre eux »
(p. 38). Ainsi, à l’heure qu’il est, d’un point de vue scientifique, la majorité des justifications
biologiques des inégalités entre femmes et hommes a été réduite à néant par les sciences
humaines et sociales (Baudelot & Establet). Pour ne citer qu’un exemple, les différences
biologiques, fonctionnelles et anatomiques importantes entre le cerveau des hommes et celui
des femmes – mentionnées ci-dessus – « se traduisent [en réalité] par des différences très
faibles dans le domaine cognitif et comportemental » (Jollant, 2006, cité par Baudelot et
Establet, p. 23).
La conception constructionniste
La théorie constructionniste s’oppose radicalement à la première. En effet, ses partisans
distinguent le sexe du « genre ». Historiquement parlant, ce terme a été utilisé pour la
première fois par un psychologue américain, John Money, en 1955 déjà (Mercader, 2010)
pour faire référence « à un processus, à un système social qui crée des groupes […] et les
hiérarchise en leur attribuant une identité et un statut différent » (Roux et Pannatier, 2001,
p. 4). Ainsi, le genre fait référence à la construction sociale et culturelle (Cornet et al., 2010),
dans le sens où il est « le produit d’une éducation, d’un environnement culturel, il n’est
qu’artifice » (Guilbert, 2004, p. 13). En revanche, le sexe – biologique ou génétique selon les
références – provient de la nature. Dans ce sens, selon ce même auteur, le seul aspect
différenciant les femmes des hommes est leur appareil reproducteur, à partir duquel « la
société greffe une multitude de différences artificielles » (p. 13), d’où l’importance capitale de
l’assignation du sexe à la naissance – soit masculin, soit féminin – pour les parents et
l’entourage, comme l’ont montré bon nombre de chercheurs et chercheuses (Baudelot &
61
Establet, 2007 ; Dafflon Novelle, 2006 ; Duru-Bellat, 2004b ; Eliot, 2009/2011 ; Gaudron,
2008 ; Le Maner-Idrissi, 1997 ; Murcier, 2005 ; Rouyer, 2007). De manière quelque peu
choquante, Duru-Bellat (2004b) parle même « [d’]assignation d’un destin en fonction du sexe
(donc fixé à la naissance), assignation qui constitue d’ailleurs la définition même du sexisme,
à l’instar du racisme qui affecte une personnalité et un rôle social à partir de la couleur de la
peau ou de certaines caractéristiques biologiques » (p. 232).
Les êtres humains se servent donc du sexe en tant que marqueur social pour opposer et
différencier des groupes soi-disant naturels alors qu’ils sont principalement construits
socialement. C’est dans cet ordre d’idée que Baudelot et Establet (2007) affirment que « la
différence anatomique de départ va se traduire par la construction immédiate d’un mur
séparant deux mondes sociaux bien distincts, celui des filles et celui des garçons » (p. 42).
Nous pouvons donc, pour vulgariser notre propos, rapporter le genre au sexe social, dans le
sens où celui-ci peut être modifié par l’action éducative, sociale ou politique : à l’inverse du
sexe, le genre est donc contingent, construit et variable (Bereni et al., 2008) et s’élabore à
travers la socialisation primaire, décrite en début de ce travail. Héritier (2010) nous parle
même d’un « dressage différentiel allant dans le sens de la hiérarchie » (p. 173), se produisant
dès la naissance. A ses yeux, l’inégalité sociale entre les sexes est de ce fait « construite
exclusivement dans le monde des idées, ces structures mentales développées par nos ancêtres
pour donner du sens aux faits bruts qu’ils observaient, transmises sans difficulté de génération
en génération et qui imprègnent l’ensemble de nos représentations » (ibid, p. 35). A cet effet,
Gianini Belotti démontrait déjà en 1973, le « conditionnement » subi par les petits garçons et
les petites filles (surtout) dès leur naissance. Plus récemment, dans son ouvrage de 2004,
Guilbert dénonce avec vigueur et dégoût l’existence de ce qu’il nomme « la dictature du
genre », soit une certaine forme d’« endoctrinement » (p. 30) que nous subissons toutes et
tous en fonction de la catégorie de sexe – homme ou femme – dans laquelle chacun a été
assigné, menant à un « déterminisme social » (Rouyer et al., 2010, p. 8)!
Une conception source d’évolutions (pour l’égalité des sexes)
Cette position théorique nous permet donc d’être optimiste face aux différences entre les
sexes étant donné que celles-ci sont socialement connotées : elle permet d’envisager un
certain progrès au niveau social (Petrovic, 2004a). En effet, selon Guilbert (2004), « les
constructionnistes remettent sans cesse en question tout rôle, tout attribut, tout mode de
pensée traditionnellement considéré comme féminin ou masculin » (p. 23).
A l’école, les attentes sociales des enseignant-es à l’égard de leurs élèves sont normées, soit
construites dans l’imaginaire individuel et collectif en fonction du sexe de l’enfant (Héritier,
2010). Les enseignant-es ayant conscience de cette construction sociale pourraient ainsi avoir
une représentation autre de la différence entre les sexes et donc de l’égalité. Cela impliquerait62
il une plus grande sensibilisation ou davantage d’actions en faveur de l’égalité des sexes à
l’école ?
Une théorie permettant de concilier inné et acquis…
Passons brièvement en revue la théorie de Catherine Vidal sur la plasticité cérébrale. Celle-ci
permet de concilier plus ou moins les deux courants théoriques présentés ci-dessus en donnant
une part de « responsabilité » à l’inné et à l’acquis – bien que tout de même largement en
faveur de ce dernier – dans la différence des comportements et aptitudes selon le sexe. Le
cerveau posséderait donc une caractéristique essentielle : la « plasticité », soit « la propriété
[de] se modeler en fonction de l’expérience » (2006, p. 52). Ainsi, à la naissance, le cerveau
du nouveau-né – qu’il soit un petit garçon ou une petite fille – est inachevé : il dispose d’une
centaine de milliards de neurones, mais seuls 10% des synapses, soit les connexions entre ces
neurones, sont déjà établies (2006, 2010, 2012), d’où la part de la nature. Qu’en est-il des
90% de synapses restantes ? C’est à ce niveau-là qu’intervient la culture. En effet, ces circuits
neuronaux vont progressivement se construire en fonction des influences de la famille, de
l’environnement, de la société, de la culture… soit « au gré de notre histoire personnelle »
(2010, p. 73). Il en résulte une variabilité importante entre les cerveaux des individus,
indépendamment du sexe (2010, 2012). Nous nous posons donc la question suivante : d’où
proviennent alors les différences de comportements observables entre garçons et filles à
l’école ?
C’est là qu’entre en jeu, ce qu’Eliot (2011) appelle le « formatage culturel » (p. 90) : les
différences initiales entre les sexes sont largement amplifiées par autrui « parce que les bébés
prennent leur place dans un monde qui les considère tous […] soit comme des garçons, soit
comme des filles » (ibid, p. 83). Ainsi, les garçons vivent des expériences « de garçons »
selon les stéréotypes sexués prévalant dans notre société et inversement pour les filles. Les
différences de sexe s’expliquent donc aussi de la manière suivante : « étant donné les
propriétés de « plasticité » du cerveau, […] des différences de stratégies cérébrales entre les
hommes et les femmes [apparaissent], puisqu’ils ne vivent pas les mêmes expériences dans
l’environnement social et culturel » (Vidal, 2010, p. 75-76), d’où des comportements
différents. C’est dans ce sens qu’Héritier (2010) affirme que « c’est la création et
l’agencement de synapses particulières, dus à l’apprentissage, qui sont à l’origine des
différences de compétence » (p. 17). Bien que ces différences ne soient apparemment pas
uniquement de l’ordre du naturel, mais fabriquées au fil des expériences, qu’advient-il de
l’enfant une fois la totalité des synapses connectées ? Ces différences deviennent-elles
irréversibles à partir d’un certain âge ? Les enseignant-es ne peuvent-ils/elles donc que
constater les différences de comportements et d’aptitudes de leurs élèves ?
Une attitude orientée vers le « défaitisme » – à comprendre une démobilisation dans cette lutte
63
pour l’égalité des sexes – n’est de loin pas la bonne réponse. En effet, le cerveau est en
perpétuel développement (Vidal, 2006, 2010, 2012). Bien que la plasticité cérébrale soit
particulièrement prononcée chez l’enfant, elle est néanmoins toujours fonctionnelle chez
l’adulte (Vidal, 2006), ce qui fait dire à cette même auteure que « rien n’est jamais figé dans
le cerveau » (p. 52). L’éducation, l’apprentissage et l’expérience sont les mécanismes
essentiels qui rendent possible cette évolution permanente. Selon Vidal (2010), ils modifient
« la structure et le fonctionnement des circuits du cerveau » (p. 74) « dont les connexions se
réorganisent en permanence dans le temps et dans l’espace » (Jonas, 2011, p.41). Il a ainsi été
démontré qu’en ce qui concerne les activités cérébrales, par l’apprentissage, à force de
répétitions, les femmes et les hommes peuvent atteindre au final les mêmes performances
(Vidal, 2010, 2012). L’enseignement-apprentissage à l’école peut donc contribuer à atténuer
les différences entre garçons et filles étant donné qu’elles ne sont nullement inscrites dans le
cerveau et peuvent évoluer. Il suffit « simplement » que l’enseignant-e croie aux propriétés de
plasticité du cerveau de ses élèves et souhaite faire un pas en direction de cette égalité des
sexes.
Impact sur l’égalité des sexes
Les enseignant-es peuvent donc avoir deux attitudes opposées face à l’égalité entre garçons et
filles à l’école, en fonction du courant théorique sous-tendant leur représentation des
différences de comportements et d’aptitudes de leurs élèves selon le sexe : soit une position
privilégiant le statu quo (Martin et Parker, 1995, cités par Tostain, 2010), voire même une
attitude orientée vers une certaine démobilisation dans cette lutte pour l’égalité des sexes –
même si probablement inconsciente et non avouée, car politiquement incorrecte – estimant
qu’il existe en soi des différences innées et immuables entre les élèves en fonction de leur
sexe ; soit une position orientée vers la recherche d’une certaine égalité – car conscients que
pour beaucoup, les différences ont été construites par la société, et sont donc relatives,
arbitraires et modifiables (Tostain) – idéalement par des tentatives de réduction des inégalités
ou du moins une prise en compte égale des élèves, de manière discursive en tout cas,
indépendamment de leur sexe.
64
3.15.
Hypothèses de recherche
Suite à notre cadre théorique, nous posons les hypothèses suivantes que nous tenterons de
confirmer ou infirmer à l’aide de nos entretiens et des résultats de notre recherche :
1) Les enseignant-es sensibilisé-es à la thématique de l’égalité des sexes dans leur
parcours de vie (famille, association(s), etc.) s’efforcent de réduire les inégalités entre
les sexes à l’école.
2) Les enseignant-es perçoivent la mixité scolaire comme une situation positive et
garante de l’égalité entre les sexes à l’école.
3) Les enseignant-es ayant une conception essentialiste des différences de sexe
considèrent la thématique « égalité des sexes » comme peu pertinente et ne recourent à
aucune mesure particulière pour atténuer les inégalités entre les garçons et les filles à
l’école, tandis que ceux/celles qui adhèrent à la conception constructionniste estiment
que l’égalité des sexes fait partie des objectifs éducatifs et cherchent à atténuer les
inégalités entre leurs élèves filles et garçons.
4) Les enseignant-es expérimenté-es n’ont pas été sensibilisé-es à la problématique genre
dans leur formation initiale et n’intègrent de ce fait que peu l’égalité des sexes dans
leur pratique, tandis que les jeunes enseignant-es11, davantage sensibilisé-es à cette
thématique dans leur parcours de formation, cherchent à réduire les inégalités de sexe
entre leurs élèves.
5) A travers un traitement égalitaire affirmé au niveau discursif, la majorité des
enseignant-es n’a pas conscience d’adopter des pratiques inégalitaires envers leurs
élèves et de renforcer, de fait, les inégalités entre les garçons et les filles à l’école, et
par conséquence, de différencier leur orientation future.
3.16.
Méthodologie
Dans le cadre de notre recherche, nous nous sommes tourné vers la méthode d’enquête de
l’entretien, qui est adaptée à l’étude de groupes restreints ainsi qu’à notre objectif de saisie
des représentations enseignantes du genre et de l’égalité, et de leur prise de conscience à
l’égard de leur rôle dans la reproduction d’un « ordre sexué » (Sénac-Slawinski, 2007). Nous
nous référons principalement à l’ouvrage théorique de Blanchet et Gotman (1992/2007) et au
manuel de Quivy et Van Campenhoudt (1995) sur la recherche en sciences sociales pour les
différents éléments méthodologiques.
11
Nous qualifions de « jeunes » les enseignant-es ayant été formés dans les nouvelles structures de formation enseignante
que sont les HEP et ayant de ce fait moins de 10 ans d’expérience d’enseignement.
65
Conditions de validité de l’entretien
Pour débuter, analysons les principales caractéristiques – et par là même, conditions de
validité – de cette méthode particulière. Tout d’abord, elle est un fait de parole. En effet, selon
Labov et Fanshel (1977), cités par Blanchet et Gotman (1992/2007), l’entretien est « un
speech event (événement de parole) dans lequel une personne A obtient une information d’une
personne B, information qui était contenue dans la biographie de B » (p. 17). Par le terme
« biographie », les auteurs cherchent à mettre en exergue le caractère subjectif, donc vécu et
assimilé de l’information recueillie. Par ailleurs, notons aussi le contact direct entre le
chercheur et ses sujets, contrairement à l’enquête par questionnaire (Quivy & Van
Campenhoudt, 1995). A ce propos, Blanchet et Gotman mettent les chercheur-es en garde de
veiller constamment à établir un rapport suffisamment égalitaire entre l’interviewé-e et luimême de manière à ce qu’il n’estime pas être astreint de donner des informations.
Pour ce faire, nous avons présenté en guise d’introduction et pour poser le cadre de
l’entretien, à chacun-e de nos interviewé-es, le thème de la recherche – jusque-là non
annoncé, de manière à ne pas « préparer » nos sujets par un regard plus affûté vis-à-vis de
cette égalité en classe les jours précédant l’entretien et à obtenir ainsi des réponses
spontanées, donc certainement plus proches de la réalité – ainsi que le déroulement de
l’entretien. Chacun a ainsi pu prendre connaissance des principaux aspects de l’entretien –
questions ouvertes et optionnelles sur différents thèmes, confidentialité des propos et
anonymisation lors de la retranscription – et a eu l’occasion de poser préalablement des
questions, en vue d’établir un rapport égalitaire entre le chercheur et les sujets d’enquête. De
plus, un entretien-test nous a rendu attentif à l’importance d’expliquer en préambule que nous
cherchions simplement à connaître leurs représentations et que de ce fait, aucune réponse
n’était bonne ou mauvaise et que nous n’allions pas poser de questions pièges.
Cependant, l’entretien comme fait de parole et le contact direct ne permettent pas encore de
distinguer l’entretien de l’interrogatoire de police, de la confession ou de la simple
conversation pour ne citer que quelques exemples.
La seconde caractéristique, à savoir l’activité de la recherche – le fait que l’entretien soit
mené à la demande de A et au profit de la recherche ou de sa communauté – permet de le
différencier d’autres faits de parole, tels que l’entretien thérapeutique ou la plainte de police,
tous deux produits à l’initiative de B et à son bénéfice (Blanchet & Gotman, 1992/2007).
Finalement, la nature de l’information produite constitue l’ultime caractéristique de cette
méthode. En effet, l’enquêteur cherche à faire produire chez l’interviewé-e une « réponsediscours obtenue par [ses] interventions indirectes » (Blanchet & Gotman, p. 7), soit des
questions ouvertes ou des réactions, de manière à ne pas perdre de vue les objectifs de la
recherche (Quivy & Van Campenhoudt, 1995). Dans ce sens, par sa faible directivité,
66
l’entretien comporte ainsi un certain nombre d’inconnues, donc de risques, d’où les termes
d’« improvisation réglée » (p. 19) utilisés par Bourdieu en 1980 pour définir cette méthode
spécifique. Pour cette enquête, nous avons ainsi choisi de nous tourner du côté de l’entretien
semi-directif, à la fois « dirigé » par notre guide d’entretien et ouvert par le style de questions
posées. Nous y reviendrons ci-dessous.
Justification du choix de cette méthode
Nous avons choisi l’entretien, car il permet de mettre en évidence les pratiques sociales ou,
surtout, les systèmes de représentation des individus (Blanchet & Gotman, 1992/2007), ce qui
nous intéresse tout particulièrement dans cette recherche. Ces mêmes auteur-es désignent
l’ensemble des représentations par le terme d’« idéologie » (p. 23) ; concept utilisé pour
définir l’activité sociale consistant à se fabriquer une image ou une représentation de la vie en
société. Cependant, celle-ci est une « image-croyance », dans le sens où elle semble être la
vérité alors qu’elle « occulte les distorsions et les déformations qu’elle véhicule
inéluctablement » (p. 23). De manière politique, selon Wirth (1936), cité par Blanchet et
Gotman, cette idéologie – soit les diverses représentations d’un individu – rend possible le
maintien de l’ordre existant par l’orientation et la direction de nos activités. L’entretien
devient donc pertinent pour analyser « le sens que les acteurs donnent à leurs pratiques [...],
les systèmes de valeurs et les repères normatifs à partir desquels ils s’orientent et se
déterminent » (ibid, p. 24). Nous souhaitons donc connaître les représentations de l’égalité des
sexes des membres du corps enseignant à l’école primaire, leur vision de la mixité scolaire
ainsi que leur conception des différences de sexe qui, à notre avis, est étroitement liée à ces
premières. Nous nous intéressons aussi au rôle joué par ces individus au niveau de la
socialisation différenciée selon le sexe des élèves.
Notre enquête porte ainsi à la fois sur les représentations et les pratiques des enseignant-es.
Selon Blanchet et Gotman (1992/2007), ce type d’enquête vise « la connaissance d’un
système pratique (les pratiques elles-mêmes et ce qui les relie : idéologie, symbole, etc.), [et
nécessite] la production de discours modaux12 et référentiels13, obtenue à partir d’entretiens
centrés d’une part sur les conceptions des acteurs et d’autre part sur les descriptions des
pratiques » (p. 30).
Nous avons opté pour un mode d’accès direct, par la recherche de contact visuel avec chaque
sujet, lors d’entretien face-à-face qui, selon Blanchet et Gotman (1992/2007) présente les
meilleures conditions de neutralité. Toutefois, en dépit des précautions mises en œuvre pour
12
13
Discours traduisant l’état psychologique de l’interviewé
Discours décrivant l’état des choses
67
établir un rapport le plus ouvert possible, la pénétration de nos entretiens est sujette aux
limitations naturelles de la communication sociale.
Résistance probable
En sus de la nécessité d’établir un rapport le plus neutre possible, Blanchet et Gotman
(1992/2007) nous mettent aussi en garde contre un type de résistance pouvant apparaître au
cours d’un entretien et le biaiser: le processus d’objectivation. La transformation de
l’expérience cognitive du sujet constitue cette difficulté. Rappelons-le, l’entretien consiste en
la production d’un discours, en l’occurrence à propos d’un thème encore peu présent dans
l’esprit des personnes qui vont être interviewées. Ainsi, le discours du sujet se construit au fur
et à mesure qu’il s’exprime. De ce fait, « explicitant ce qui n’était encore qu’implicite,
s’expliquant sur ce qui jusqu’ici allait de soi, extériorisant ce qui était intériorisé, l’interviewé
passe de l’insu au dit et s’expose » (ibid, p. 26). Ainsi, il est probable qu’il devienne réticent à
parler devant l’incongruité ou la nouveauté de ses propos. Nous nous sommes efforcé de lutter
contre ce biais en mettant nos différents interlocuteurs-trices à l’aise par la prise de
connaissance préalable des principaux aspects de l’entretien ainsi que la possibilité de poser
des questions. De manière éthique, nous avons aussi veillé à ne pas émettre de commentaires
personnels tout au long de l’entretien ainsi qu’à adopter une attitude de non jugement. A cet
effet, la reformulation des propos de nos sujets, sous forme de questions, a été utilisée à de
nombreuses reprises.
Population de l’enquête
Notre population est constituée de membres du corps enseignant exerçant leur profession
exclusivement au niveau primaire dans des classes mixtes. Pour « réduire certains biais » liés
à la différence d’âge des élèves, nous avons choisi de cibler uniquement le personnel
enseignant du second cycle primaire, soit de la 3ème à la 6ème primaire14. Nous avons établi
deux critères de choix : d’une part le sexe et d’autre part, le type de formation pédagogique
initiale (EN ou HEP). Nous avons donc sélectionné dans notre cercle élargi de connaissances
quatre enseignants et quatre enseignantes et avons veillé à ce que notre population comporte
le même nombre de jeunes enseignant-es – formés auprès d’une HEP – que d’enseignant-es
plus âgé-es, issu-es d’une EN. Bien que non représentative, car limitée au niveau de la taille et
faussée de par la répartition équilibrée des sexes, nous estimons que notre panel peut
néanmoins refléter la population enseignante du niveau primaire moyen.
Le tableau ci-dessous donne un aperçu des sujets composant notre population ainsi que leurs
principales caractéristiques. Rappelons tout d’abord que nous avons utilisé des prénoms
14
De la 5ème à la 8ème selon Harmos
68
fictifs. Les caractéristiques principales que nous avons tenu à relever sont l’âge, la situation
familiale [SF] – soit le fait d’être célibataire [c] ou marié-e [m] ainsi que la composition de la
famille actuelle (nombre d’enfants garçon(s) [g] et/ou fille(s) [fi]) et celle dans laquelle la
personne a vécu (frère(s) [f] et/ou sœur(s) [s]) – le(s) degré(s) d’enseignement actuel [DEA],
les années d’expérience [AE] ainsi que la formation pédagogique [FP], soit l’Ecole Normale
[EN] ou la Haute Ecole Pédagogique [HEP].
Enseignants
Jeunes
Caractéristiques
Enseignantes
Expérimentés
Jeunes
Expérimentés
Jeff
Bill
Luigi
Jimy
Gertrude
Sophie
Âge
27
24
53
42
25
24
SF
c ; 3f
c ; 2f
m, 3g,
m, 1g,
c ; 1s,
1fi ; 1f
1fi ; 2s
2f
DEA
6P
5P
3/4P
5P
5P
AE
5
2
33
17
FP
HEP
HEP
EN
EN
Francine Caroline
55
45
c ; 1s,
m, 2g ;
1f
1s
3P
5/6P
4P
2
2
35
24
HEP
HEP
EN
EN
c ; 2f
Tableau 1: population d'enquête et caractéristiques
La population retenue est très hétérogène. Au-delà des deux critères volontairement choisis
pour les distinguer – soit le sexe et la formation pédagogique – nos sujets se différencient
aussi logiquement au niveau de l’âge, s’échelonnant de 24 à 55 ans, de la situation familiale
(5 célibataires et 3 marié-es ayant eu entre 2 ou 4 enfants ; chacun de ces individus ayant vécu
dans une famille composée de 1 à 3 frères et/ou sœurs) ainsi que des années d’enseignement,
de 2 ans pour les plus jeunes à 35 ans pour les plus expérimenté-es. Ces propriétés divergentes
« de base » constituent autant de biais qui se glisseront dans les propos de nos sujets, donc
dans l’analyse, dont il ne sera pas toujours possible de tenir compte A ce stade, retenons
simplement l’hétérogénéité émergeant de notre population d’enquête.
Entretien à usage principal
L’entretien constituant, dans notre cas, le mode unique de collecte de l’information, il
s’agissait d’une enquête par entretien à usage principal. C’est pour cette raison que d’une part,
des hypothèses ont été établies et « agencées en présuppositions explicatives » (Blanchet &
Gotman, 1992/2007, p. 42) et que, d’autre part, un guide d’entretien a été conçu et structuré
(cf. annexes) de manière à confronter les données recueillies à ces hypothèses. Celui-ci a été
élaboré à partir de notre problématique, mais aussi de l’état des savoirs, tous deux provenant
de multiples sources de la littérature scientifique (articles et ouvrages).
Nous avons donc organisé notre guide en différents thèmes à explorer lors de l’entretien,
notamment l’égalité, la mixité scolaire, la conception des différences de sexe, la formation
69
enseignante ainsi que le rôle joué par ces enseignant-es. Désireux de mener des entretiens à
structure forte, car disposant « d’informations […] précises sur le domaine étudié et sur la
façon dont il est perçu et caractérisé (enquête principale) » (Blanchet & Gotman, 1992/2007,
p. 59), nous avons aussi émis quelques questions d’ordre général pour chaque thème. Par
ailleurs, nous avons prévu pour la plupart d’entre elles, des questions de relances, de manière
à pousser nos sujets à la réflexion. Parfois même, lorsque nous le jugions nécessaire, nous
n’avons pas hésité à poser des questions dérivées pour connaître le fond de la pensée de nos
sujets. Conscient toutefois que notre guide devait se contenter de structurer l’entretien sans le
diriger (ibid), nous n’avons pas exclu pour autant les divers développements parallèles
émanant de nos sujets, tel que recommandé par Quivy et Van Campenhoudt (1995). Nous
avons ainsi mené des entretiens semi-directifs, dans le sens où les questions-guides relatives à
chaque thème ont simplement servi à recentrer l’entretien sur les thématiques de la recherche
à chaque fois que le sujet s’en écartait ou à passer en revue certains thèmes qui n’étaient pas
spontanément abordés par notre interlocuteur (ibid).
La construction discursive du genre et de l’égalité
A ce stade, il convient de relever que notre travail porte sur la manière dont les enseignant-es
se représentent l’égalité des sexes, principalement dans le domaine scolaire, en situation de
mixité. Ces individus nous ont ainsi fait part de leur vision de cette égalité, de leurs pratiques
professionnelles – soit de leur rôle dans la socialisation différenciée – de la formation
enseignante et ont esquissé les grandes lignes de leur conception des différences de sexe…
Nous allons donc analyser une certaine représentation du monde, un discours sur l’égalité, soit
une « reconstruction de ce qui a été vécu en classe » (Pasquier, 2010, p. 64). Selon Moreau
(2011) inspirée de Foucault (1969), le discours est « un ensemble de pratiques sociales qui
produisent ce qu’elles prétendent décrire et construisent ce qu’il est possible de penser, dire et
être » (p. 122). Nous accordons donc du sens à ce que ces membres du personnel enseignant
disent qu’ils/elles pensent ou font, bien que ce discours puisse être idéalisé de manière à
correspondre aux attentes, valeurs et principes fondamentaux de notre société. De nombreuses
recherches ont ainsi démontré l’existence d’écarts entre les discours pédagogiques des
membres du corps enseignant et ce qu’ils mettent « réellement en œuvre dans leur pratique
quotidienne » (Keddie, 1971, cité par Pasquier, 2010, p. 64). En effet, les individus souhaitent
transmettre une bonne image d’eux-mêmes et se présentent sous leur meilleur jour. Ainsi, « le
discours et le langage ne reflètent pas le réel, ils sont constitutifs de celui-ci » (Moreau, p.
122). Dans le même ordre d’idée, comme a pu l’illustrer Zaidman (1996) dans son travail sur
la mixité, face à des questions portant sur un problème sensible, les interviewé-es répondent
avec une certaine dose de prudence, de manière à ne pas être jugé ou – en l’occurrence dans
notre recherche – de se voir qualifier de sexiste, de machiste ou de féministe. Ainsi, cette
70
construction discursive de l’égalité peut représenter un biais relativement important de notre
travail de recherche. Toutefois, selon Blanchet et Gotman (1992/2007), « la reconnaissance
d’un biais fondamental n’est pas la marque de l’invalidité d’une méthode, mais au contraire,
la condition nécessaire pour que cette méthode atteigne un statut scientifique » (p. 115). Il
convient donc de rester vigilant et d’être conscient de cette conception « performative15 » du
langage (Moreau). Nous estimons que notre guide d’entretien participe à cette vigilance en
posant des questions tant sur la mise en pratique de l’égalité en classe que sur les
connaissances et idéologies relatives au genre.
Analyse des discours produits
Finalement, nous avons systématiquement soumis le corpus de nos entretiens à l’analyse de
contenu à l’aide de tableaux d’analyse thématique dont nous parlerons plus bas. Ce procédé a
permis d’analyser et comparer les discours pour mettre en évidence les systèmes de
représentations (Blanchet & Gotman, 1992/2007) ainsi que certaines pratiques et de ce fait,
vérifier les hypothèses de recherche (Quivy & Van Campenhoudt, 1995). Pour ce faire, nous
avons opté pour l’analyse thématique, consistant à découper transversalement par thèmes
chaque entretien en vue d’aboutir à une « cohérence thématique inter-entretiens » (Blanchet &
Gotman, p. 96). En effet, selon ces mêmes auteurs, cette analyse est adaptée à « la mise en
œuvre de modèles explicatifs de pratiques ou de représentations » (p. 96). Bien entendu, nous
avons veillé à ce que notre analyse réponde aux trois principes suivants mis en exergue par
ces auteurs : le principe d’extension – soit le fait de tenir compte de la quasi-totalité du corpus
– la fidélité de la restitution, ainsi que l’autosuffisance de l’analyse (ibid).
Pour analyser de manière thématique le contenu des propos des différents sujets, nous nous
sommes basé sur notre guide d’entretien. Celui-ci a été divisé en six thèmes, dont le premier
(profil et généralités) fait office d’introduction et le dernier (autres) de conclusion, sous
forme d’une invitation libre à s’exprimer davantage sur sa conception de l’égalité des sexes à
l’école. Chaque thème était composé d’une ou de plusieurs question(s) principale(s),
généralement dérivée(s) ou approfondie(s) à l’aide de questions de relance et constituant dans
leur totalité ce que nous appelons un « groupe de questions ». Ainsi, chaque thème – à
l’exception du dernier dont nous n’avons pas tenu compte – avait son lot de groupes de
questions : quatre pour profil et généralités, cinq pour l’égalité, trois pour la mixité scolaire,
trois pour le thème conception des différences de sexe, quatre pour le thème formation
enseignante et sept pour le thème rôle de l’enseignant-e. Au total, notre guide d’entretien était
composé de vingt-six groupes de questions qui ont été repris dans autant de tableaux
d’analyse thématique préalablement constitués. Ces derniers présentent ainsi une vue
15
Selon Duru-Bellat (2004b), un discours performatif vise à « créer ce qu’il affirme » (p. 238)
71
d’ensemble des représentations des membres du corps enseignant pour chaque groupe de
questions (cf. annexes).
Une enquête qualitative
Cette recherche nous permet d’analyser les différents propos des enseignant-es en matière
d’égalité des sexes et de thèmes s’y rapportant. Les tableaux d’analyse nous permettent de
cibler chaque groupe de questions pour en dégager les représentations en fonction des quatre
types suivants :
1) Représentations générales de l’ensemble du corps enseignant ;
2) Représentations des enseignants différentes de celles des enseignantes ;
3) Représentations des jeunes enseignant-es différentes de celles des enseignant-es
expérimenté-es ;
4) Représentations divergentes des membres du corps enseignant, indépendamment de
l’expérience et du sexe.
En ce qui concerne les représentations générales de l’ensemble du corps enseignant, nous
allons mettre en évidence pour certains groupes de questions les représentations communes de
la totalité, voire de la quasi-totalité des sujets. Bien entendu, nous ne serons pas en mesure de
garantir scientifiquement la validité de toutes les tendances mises en exergue. En effet, il nous
est impossible de tester chacune de ces tendances auprès d’un échantillon représentatif.
Rappelons que de nombreuses difficultés peuvent venir biaiser les résultats de notre recherche
comme la taille restreinte de notre population, sa grande hétérogénéité interindividuelle ainsi
que les résistances présentées ci-dessus. Par une approche qualitative, nous nous intéressons
plutôt à connaître ce qui se cache derrière les représentations des membres du corps
enseignant.
En ce qui concerne les représentations selon le sexe et celles selon la génération, nous
estimons que certaines seront plus pertinentes à analyser en terme de différences émergeant
soit selon le groupe d’appartenance de sexe, soit plus probablement en fonction de la
formation pédagogique initiale suivie (et par la même, les années d’expérience). Nous
procéderons à cette analyse uniquement lorsque nous la jugerons judicieuse. Par ailleurs,
rappelons à ce sujet la grande hétérogénéité interindividuelle de la population sous revue. En
effet, au-delà des caractéristiques mentionnées plus haut – sexe, âge, situation familiale, degré
d’enseignement, années d’expérience professionnelle et formation pédagogique – ces
enseignant-es se distinguent aussi au niveau de leur parcours de vie 16. Ainsi, l’époque dans
laquelle ils ont vécu, les valeurs et principes véhiculés au sein de leur famille, leur entourage
16
Pour une revue suisse à ce sujet, voire Sapin, M., Spini, D. & Widmer, E. (2007). Les parcours de vie – de l’adolescence
au grand âge. Lausanne : Presses polytechniques et universitaires romandes.
72
(proches, conjoint-s, ami-es) et leurs idées, leurs origines sociales et/ou culturelles, leur
engagement dans des associations ou clubs et bien d’autres aspects encore font partie
intégrante de leur expérience de vie et peuvent influencer leur vision de l’égalité des sexes et
des garçons/filles à l’école. Il est donc essentiel de garder en mémoire la variabilité des
représentations des enseignant-es que les approches comparatives jeunes-expérimenté-es ou
hommes-femmes tendent à gommer au profit d’une description d’une certaine homogénéité
intragroupe (Croity-Belz, Almudever, Cayado & Lapeyre, 2010).
Finalement, l’hétérogénéité caractérisant volontairement les individus de notre population, il
est vraisemblable que pour certains groupes de questions, les représentations des enseignantes soient tellement hétéroclites que nous ne serons pas en mesure de dégager de tendances
générales, voire mettre en avant des différences selon le sexe ou l’expérience. Dans ce cas,
nous nous contenterons de relever et de classer ensemble les représentations distinctes
apparaissant chez nos sujets.
73
4. Analyse des résultats et discussion
Les interviews ont duré en moyenne 66 minutes – s’échelonnant de 49 à 81 minutes, pour une
durée totale de 529 minutes – et ont permis de dégager une vue d’ensemble des différentes
représentations des membres de notre panel grâce aux vingt-six tableaux d’analyse thématique
(cf. annexes). Nous allons à présent passer en revue les différents thèmes en les analysant
selon un des quatre types de représentation explicités ci-dessus, avant de les mettre en lien
avec des éléments du cadre théorique lorsque cela s’avère opportun. Afin de rester le plus
fidèle possible à la vision des enseignant-es, nous allons nous baser sur des citations extraites
des différentes interviews. Il est important de relever que nous avons opté pour une
retranscription écrite plutôt que littérale. En effet, afin de faciliter la lecture de ces textes
oraux, nous avons choisi « [d’]effacer les traces expressives du discours au profit des
éléments de contenu, [de] ponctuer le texte selon le rythme et les signes « usuels » des textes
écrits [et de] corriger les fautes grammaticales » (Blanchet & Gotman, 1992/2007, p. 113).
4.1. Profil et généralités
Nous explorons ici le contexte de vie de nos sujets, soit le parcours au niveau de la formation,
au niveau militant ainsi qu’au niveau familial. Ceci nous permet d’identifier une éventuelle
source de motivation en lien avec l’égalité – de manière générale ou uniquement des sexes –
en milieu scolaire. En effet, il ressort de la recherche de Guenneuguès (2011) sur des
professeur-es de collèges, que « c’est le plus souvent au cœur de leur histoire personnelle
qu’ils/elles puisent leurs motivations à s’emparer de cet objectif » (p. 84), à savoir la
promotion de l’égalité des sexes. Ainsi, selon l’école (les écoles) de formation suivie, les
valeurs transmises et défendues par une ou plusieurs associations ou l’influence des membres
de la famille, le sujet peut y être plus ou moins sensibilisé, ce qui peut logiquement avoir un
impact sur ses représentations et sur les garçons et les filles.
Par ailleurs, portant un regard plus large sur l’ensemble des données des membres de notre
population d’enquête, nous avons décidé de saisir les diverses sources d’influences
mentionnées contribuant à l’accentuation ou l’atténuation des différences filles/garçons à
l’école, face auxquelles les enseignant-es s’estiment impuissants ou pensent n’avoir qu’une
moindre influence. En effet, il nous semble intéressant de percevoir quels sont, à leurs yeux,
les obstacles (ou difficultés) à l’égalité dans le milieu scolaire. Finalement, nous avons tenu à
relever les caractéristiques typiques de la construction discursive du genre pour mettre en
lumière les biais inévitables auxquels nous avons été confronté tout au long des entretiens.
74
Parcours de formation individuels et motivations variées
L’hétérogénéité caractérise notre population d’enquête. Bien que toutes et tous soient
actuellement enseignant-e primaire au second cycle, leur parcours de formation ainsi que leurs
motivations pour exercer cette profession diffèrent. Indépendamment de leur formation
pédagogique initiale – EN pour une moitié, HEP pour l’autre – ces individus se distinguent au
niveau de l’orientation. Ainsi, certains ont bifurqué vers des études pédagogiques suite à une
réorientation (école de commerce, école polytechnique fédérale ou éducation spécialisée).
Dans l’ensemble de ces cas, celle-ci a fait suite à une expérience dans le milieu scolaire –
remplacement ou stage – ou avec des enfants (colonies de vacances). D’autres ont suivi une
orientation par défaut, dans le sens où ils se sont laissés guider par les résultats de tests
effectués auprès d’un orienteur professionnel. Quant au dernier groupe, la profession
enseignante semble toujours avoir été une évidence. Par ailleurs, il nous semble intéressant de
relever que trois de ces enseignant-es – en l’occurrence, Jeff, Jimy et Francine – ont choisi de
se perfectionner et de devenir praticien-ne formateur-trice au sein de la HEP, en vue de
former les futur-es enseignant-es dans leur classe lors de stages.
En ce qui concerne leurs motivations, nous relevons que certains d’entre eux-elles n’en citent
aucune particulière (en l’occurrence trois), indépendamment de l’orientation suivie. Les cinq
autres sujets citent le travail avec les enfants comme motivation principale, suivie de la
transmission des savoirs/connaissances et du plaisir de voir les élèves progresser. D’autres
sources de motivations ont aussi été mentionnées à une reprise: la joie de communiquer, la
gestion d’un groupe et l’apport au niveau de la personnalité.
Pas d’influence des associations militantes
Il semblerait qu’aucun membre de notre population ne fasse partie d’une association militante
qui aurait pu avoir une quelconque influence sur leurs représentations de l’égalité. Toutefois,
nous tenons à relever que Bill est membre du parti radical de sa commune.
Sensibilisation à la thématique de l’égalité quasi inexistante dans le milieu familial
Notre population d’enquête a aussi été questionnée au sujet de son vécu familial pour
identifier à quel point leurs parents respectifs étaient sensibles à la thématique de l’égalité et
auraient pu les y sensibiliser. Bien que l’hétérogénéité caractérise le parcours de ces individus,
il semblerait que pour la majorité (en l’occurrence six), l’égalité n’a pas été une thématique
abordée dans leur famille. D’ailleurs, certains relèvent même avoir vécu dans une famille dans
laquelle la répartition des tâches et des rôles entre les parents était assez traditionnelle : « les
domaines étaient assez bien définis […] c’était bon quand même une famille assez
traditionnelle » (Luigi, l. 156-157). L’égalité/l’inégalité ne paraît pas avoir été une thématique
problématique : alors que pour Jeff, l’égalité « n’était pas quelque chose qui posait conflit
75
dans la famille » (l. 102-103), Luigi relève qu’il n’a « pas l‘impression que c’était une grande
souffrance à cause de l’inégalité, qui était de toute façon […] normale […] entre les sexes et
entre les gens » (l. 157-160). Une petite minorité d’enseignant-es mentionnent tout de même
qu’un de leur parent « essayait » (Gertrude, l. 109 ; Jeff, l. 105) de tendre vers davantage
d’égalité – de manière exclusivement discursive – mais dans les deux cas, ceci s’est avéré être
un échec : dans le premier, il s’agissait, à l’exception évidente de la maman, d’une famille
composée uniquement d’hommes; dans le second, les rôles étaient et sont restés très
diversifiés (et traditionnels) entre les garçons et les filles. Cette variable familiale ne semble
donc pas avoir trop influencé les représentations de nos enseignant-es vis-à-vis de l’égalité.
Dans un deuxième temps, nous avons cherché à identifier la perception de ces individus par
rapport à leur éducation vis-à-vis de leur(s) frère(s) et/ou sœur(s). Ainsi, un peu plus de la
moitié prétend avoir été éduquée de manière identique ou plutôt identique, alors que les autres
pensent que l’éducation a été différente. Intéressons-nous plus particulièrement à ces derniers
pour déterminer le rôle du sexe. A l’exception de différences au niveau des sorties (citées à
deux reprises) et d’une plus grande liberté au niveau éducatif, il s’avère que le fait de naître
garçon ou fille n’ait pas, à leurs yeux, une grande importance au niveau de l’éducation.
D’ailleurs, deux enseignantes affirment même que le sexe ne joue pas un rôle considérable :
« j’ai plus senti la place dans la famille, mais pas garçon-fille » (Francine, l. 123-124). La
position (aîné-e, cadet-te, benjamin-e) occupée par l’enfant dans la famille (citée par la moitié
de nos sujets) ainsi que l’âge semble en effet être les facteurs principaux de différenciation
entre les enfants d’une même fratrie : « plus il y a d’enfants, moins il y a de restrictions à la
fin » (Gertrude, l. 129-130).
Sources d’influences sur l’in-égalité extérieures à l’école
Avant de plonger au cœur du sujet, il convient de relever, à ce stade, les différentes influences
mentionnées au cours des entretiens, qui peuvent jouer un rôle en matière d’inégalité – par
l’accentuation des différences – entre les garçons et les filles à l’école. Tout d’abord, la
religion (en l’occurrence l’Islam) s’avère avoir un effet négatif : « je fais tout pour être
égalitaire entre les garçons et les filles, après c’est vrai que par rapport aux religions, les
élèves le perçoivent peut-être pas forcément comme ça » (Sophie, l. 257-258). Une autre
enseignante s’interroge d’ailleurs « les garçons musulmans […] comment est-ce qu’ils traitent
les filles ? […] il y a quand même […] des facteurs qui interviennent à l’école entre garçons
et filles » (Caroline, l. 285-290). De plus, le milieu familial semble aussi pouvoir influencer
les enfants selon leur sexe : « je pense que d’après le milieu d’où ils viennent, ils ne sont pas
traités de la même manière à la maison, si ce sont des garçons ou des filles » (Caroline,
l. 279-280). Ainsi, la socialisation primaire, soit l’éducation au sein de la famille, paraît être
76
différenciée : « ça dépend de la manière dont ils ont été éduqués, quelles sont les valeurs qui
leur ont été transmises » (Gertrude, l. 513-514). En outre, Jeff mentionne l’influence des
pairs : « les enfants ils se « co-formatent », si on laisse comme ça, ça va de mal en pis »
(l. 382-383). Par cette illustration, il sous-entend ce qu’ont montré Dafflon Novelle (2006),
puis Rouyer (2007) au travers du concept de valorisation différentielle des sexes.
Par ailleurs, et de manière bien plus positive, la génération dans laquelle vivent ces enfants
semble pouvoir contribuer à atténuer les différences entre les sexes, ou du moins les ouvrir à
certaines perspectives davantage orientées vers l’égalité. Caroline explicite ainsi sa vision de
la génération actuelle :
Je pense que plus les générations avancent, plus les choses se normalisent […] la
génération de mon mari, les mamans ne travaillaient pas, donc elles faisaient tout à la
maison et eux ils se faisaient servir. Tandis que maintenant, les jeunes qui arrivent, les
mamans travaillent, donc ils ont certainement dû faire plus de choses à la maison. Je
pense donc que pour eux c’est plus normal de donner un coup de main. Je pense que
c’est aussi une question de génération (l. 184-189).
D’autre part, comme relevé plus tôt, les enseignant-es peuvent aussi avoir été influencé-es
différemment en fonction de leur parcours de vie. Mais ce n’est pas tout ! De manière assez
pertinente, Jeff relève « je ne suis pas sûr effectivement que les gens de plus de cinquante ans
soient vraiment sensibilisés à la chose, quoique ça dépend tout de l’intérêt de la personne »
(l. 470-472). Ce dernier n’a pas tort. En effet, Caroline estime qu’il est important de se former
continuellement principalement au travers de lectures, mais aussi de la discussion ou de
cours :
Je lis pas mal de choses quand même sur différents sujets par rapport à l’école, ça peut
être la discipline, la lecture... Enfin, j’achète pas mal de bouquins, je regarde, je
m’informe, quand il y a des cours aussi, j’essaie d’évoluer quoi, j’espère ne pas être
restée à l’époque de l’Ecole Normale […] il y a pas mal d’autres choses qui ont été
découvertes ou approfondies […] des fois je préfère aller lire, discuter avec [nom d’un
enseignant de la HEP] ça m’apporte pas mal de choses oui (l. 214-223).
Comme nous le verrons par la suite, ces lectures ont une influence sur certaines de ses
représentations. Qui plus est, à nouveau, la génération peut avoir un impact sur le regard que
pose les enseignant-es sur cette égalité des sexes. Ainsi, Jeff atteste « je suis quand même de
la jeune génération, je pense que je suis plus sensibilisé à ça [l’égalité des sexes] que
d’autres » (l. 342-343).
77
Prudence dans les propos des enseignant-es
A de nombreuses reprises au cours de nos entretiens, nous avons pu constater que les
enseignant-es faisaient preuve d’une certaine dose de prudence dans leurs propos (mis en gras
dans cette section). Rappelons à ce sujet ce que nous avons évoqué par rapport à la
construction discursive du genre. Tout d’abord, lorsqu’ils/elles mentionnent des différences
entre filles/garçons, souvent fondées sur des stéréotypes de sexe, les enseignant-es utilisent
des termes tels que « plutôt », « quand même », « en général », « presque toujours », « la
majorité », « la plupart du temps », « en moyenne », « dans l’ensemble » sous-entendant
qu’un sexe a, « de manière générale », « c’est vrai » davantage tendance à adopter un tel
comportement qu’un autre. De plus, pour atténuer le poids de leurs dires, ils/elles ont recours
à des verbes évoquant leur incertitude tels que penser, avoir l’impression, sembler ou font
appel à des termes tels que « des fois » ou « peut-être », couramment utilisés : « j’ai
l’impression qu’elles collaborent plus, qu’elles sont plus soigneuses, j’ai l’impression
qu’elles écoutent plus ce que je dis » (Luigi, l. 503-504). Francine s’aventure à dire : « la
femme elle peut être plus douce, je ne sais pas peut-être […] mais peut-être mais ça dépend,
plus sensible » (l. 290-292). Dans le même ordre d’idée, ils/elles soutiennent que ces
stéréotypes ne prévalent pas forcément pour tous et qu’il existe, bien entendu, certains
garçons ou certaines filles faisant figure d’exception : « je dirais que les personnes les plus
studieuses et les plus appliquées, la majorité ce sont des filles, mais j’ai aussi des garçons
qui travaillent bien, mais quand même une majorité de filles » (Caroline, l. 404-406). De
même, Jeff soutient que « les filles sont plus dociles de manière générale, après il y a
toujours des exceptions » (l. 286-287). En outre, certain-es affirment même s’appuyer sur le
sens commun : « une femme ça a plus la relation de maman […] ça a plus la réputation, bon
c’est un peu cliché, mais d’être plus cajoline, peut-être plus gentille, plus douce » (Caroline,
l. 301-303). Rappelons à ce sujet que Mosconi (2009) affirme, d’ailleurs, que les
représentations tendent souvent vers des savoirs de sens commun, ancrés profondément en
chacun d’entre nous.
Illustrons encore cette retenue à l’aide de deux cas. Voyez avec quelle précaution cette
enseignante met en évidence une différence dans le travail scolaire des filles par rapport à
celui des garçons :
Dans le travail, mais en règle générale, une fille, mais pas toute, pas nécessairement,
mais les filles ont quand même l’étiquette « plus soucieuse, plus travailleuse », mais ce
n’est pas vrai nécessairement (Francine, l. 320-322).
Dans la même optique, nous percevons à quel point cette prudence peut rendre les propos
confus et/ou contradictoires : « je ne peux pas dire ça (rire), ouais dans les branches peut78
être les branches plus techniques, et c’est vrai les travaux manuels ou les… c’est peut-être
non, mais même pas. C’est vrai qu’on pense toujours que pour les travaux manuels, peutêtre les garçons devraient peut-être plus travailler avec le bois » (Bill, l. 346-349).
Par ailleurs, deux de nos sujets affirment avoir besoin de références pour pouvoir certifier ce
qu’ils disent : « je n’ai pas l’impression que ce soit différent, mais je n’ai pas de données
objectives » (Luigi, l. 215), « je n’ai pas de points de repère » (Luigi, l. 382) ou « c’est
difficile de penser quand tu n’as pas les vraies données, vous voyez ? » (Caroline, l. 460).
Finalement, deux enseignantes relèvent avoir pris conscience de l’existence de stéréotypes de
sexe. De manière détaillée, Caroline développe : « je m’aperçois qu’il y a aussi des
stéréotypes qui existent qui ne sont pas toujours justes forcément : que les filles sont
forcément plus studieuses, plus ci, plus ça, plus soignées… alors qu’il y a des filles qui ne
sont pas du tout studieuses, qui ne sont pas du tout soignées, comme il y a des garçons qui
sont très studieux, qui sont aussi très propres dans leurs travaux […] il y a aussi des fois des
stéréotypes à ce niveau-là » (l. 242-246). Ainsi, cette dernière semble être assez lucide sur le
poids de ces stéréotypes qui ne correspondent pas nécessairement à la réalité et sur l’influence
qu’ils peuvent exercer dans le milieu scolaire. D’ailleurs, elle soutient chercher à les éviter :
« mais je n’arrive pas [à dire], moi je n’aime pas trop les stéréotypes » (l. 420-41).
Bilan du profil de nos sujets
L’hétérogénéité caractérise donc bien notre population d’enquête. D’une part, au niveau du
parcours de formation, les orientations diffèrent, d’où des motivations professionnelles
hétéroclites, bien que nullement liées à une volonté explicite de parvenir à davantage d’égalité
à l’école. Par contre, la formation pédagogique initiale peut avoir sensibilisé différemment
nos sujets, comme nous le verrons par la suite. L’adhésion à une association militante faisant
figure d’exception, les membres de notre population n’ont pas plus été influencés à ce niveaulà. Enfin, même le milieu familial ne semble pas avoir eu un grand impact sur ces enseignantes, la thématique de l’égalité n’ayant jamais été abordée et/ou les parents revêtant des rôles
assez traditionnels. Il convient de relever dans ce contexte que les quelques tentatives
d’ouverture effectuées ont par ailleurs échoué. Dans le même ordre d’idée, les différences
liées au sexe en matière d’éducation sont minimisées au profit de celles se rapportant à la
position occupée par l’enseignant au sein de la fratrie. Toutefois, l’intérêt porté à la
thématique de l’égalité ainsi que la génération à laquelle appartiennent les enseignant-es
semblent avoir eu pour certain-es un impact sur leurs représentations. Relevons par ailleurs
que notre enquête ne nous a pas permis d’explorer les multiples caractéristiques du parcours
de vie de nos sujets capables d’altérer leurs représentations de l’égalité dans un sens ou dans
l’autre. Pour davantage d’informations à ce sujet, nous revoyons nos lecteurs-trices à
l’ouvrage susmentionné de Sapin et al. (2007).
79
En ce qui concerne leurs élèves, la socialisation primaire – à travers la religion, la famille et
les pairs – s’avère avoir une influence considérable au niveau de l’accentuation des
différences filles/garçons. Le fait d’appartenir à une nouvelle génération semble avoir un
impact potentiellement positif et contribuer à une certaine ouverture à l’égalité des sexes. Ces
sources de différenciation extérieures à l’école peuvent-elles déstabiliser ou décourager les
enseignant-es dans cette lutte pour l’égalité ? Qu’en pensent-ils/elles ? Nous y reviendrons
plus bas.
Finalement, notre enquête fait face à un biais inévitable vu la précaution avec laquelle nos
sujets répondent aux questions. Néanmoins, nous considérons que cet impact est relativement
faible au niveau du contenu des représentations: atténuation du poids des propos, confusion
ou contradiction probable, absence de réponse par manque de références, voire désir de se
soustraire au sens commun. En effet, à l’exception de l’atténuation du poids des propos, les
autres marques de prudence s’avèrent être passablement minoritaires dans notre panel.
4.2. L’égalité
En abordant ce thème, nous plongeons au cœur de notre recherche. Nous voulons tout d’abord
connaître les représentations se cachant derrière le terme « égalité », soit les variables
associées et les éléments donnant l’impression à nos sujets d’évoluer dans un milieu
égalitaire. Dans un deuxième temps, nous souhaitons déterminer la position occupée par la
variable sexe et son importance aux yeux des enseignant-es aux niveaux privé et
professionnel. Dans un troisième temps, et de manière plus « concrète », nous cherchons à
percevoir de quelle manière se décline cette égalité dans leur classe respective, que ce soit au
niveau des paroles ou des actes.
L’égalité : une notion vague et utopique
Que représente l’égalité de manière générale pour les enseignant-es ? La définition de cette
notion semble être ardue pour les membres du corps enseignant qui témoignent de
représentations passablement hétéroclites. Néanmoins, pour plus de la moitié d’entre eux,
l’égalité a trait aux traitements, aux droits et/ou aux chances identiques données aux
individus: « l’égalité c’est avoir tous les mêmes chances, les mêmes droits, les mêmes
obligations, c’est être égal à égal » (Jimy, l. 40-41). Elle s’apparente ainsi à l’« approche
« contre les discriminations » ou « pro-égalité » » (p. 40) préconisée par Sensi et Manço,
(2010). Souvent d’ailleurs, cette égalité est mise en lien avec les différentes variables sources
d’inégalités dont nous parlerons ci-après. Caroline expose ainsi sa vision de l’égalité :
80
C’est que tout le monde ait les mêmes droits […] que ce soit civiques, professionnels,
quelle que soit ta couleur de peau, quel que soit le pays d’où tu viens, que tu sois
homme ou femme, que tu sois pauvre ou riche (l. 23-27).
Toutefois, relevons que l’égalité ne semble de loin pas signifier devenir tous pareil :
« l’égalité ce n’est pas être tous formatés ou semblables » (Luigi, l. 77). Dans le même ordre
d’idée, Jeff, parlant des élèves, soutient que « ce n’est pas demain la veille que finalement un
garçon ou une fille, ça ne change pas grand-chose. Mais ça ne doit pas le devenir ainsi, pour
moi l’égalité ce n’est pas ça » (l. 184-186).
A l’opposé, quelques enseignant-es (en l’occurrence trois) estiment que l’égalité est une
notion idéale qui ne semble pas signifier grand-chose. Leur postulat de base est le suivant :
tous les humains étant différents, on ne peut pas, de ce fait, être égaux. Voici ce que nous en
dit Luigi :
Pour moi ça n’existe pas vraiment, il n’y a pas d’égalité […] en prenant l’axiome de
départ, on n’est pas égal dans tout […] dans la société, il n’y a que des inégalités.
L’égalité est un idéal, mais pas un fait […] l’inégalité est la norme (l. 28-39).
Et Bill de rajouter : « on est tous différents, donc est-ce qu’on est vraiment égaux ? » (l. 30).
En ce sens, ils/elles sous-entendent ou affirment clairement qu’à leurs yeux, les inégalités sont
normales. Illustrons ceci par ce que nous dit ce même enseignant au sujet des métiers
connotés comme étant « masculins » ou « féminins » : « il y a encore, mais c’est normal en
fait, pourquoi on changerait ça, je ne sais pas, mais il y a des métiers qui sont marqués »
(Bill, l. 115-116). D’ailleurs, pour éviter l’utilisation d’un terme éloigné de leur réalité ou les
dérangeant, ces individus (ainsi que d’autres de notre population d’enquête), préfèrent parler
de respect, voire même d’équité pour l’un d’entre eux : « l’égalité c’est un mot, voilà, pour
moi c’est plus important le respect » (Gertrude, l. 490-491). Bien souvent, ce respect est
corrélé aux différences ou aux inégalités existant d’office entre les personnes. Pour Luigi par
exemple, « l’égalité, ça devrait être de respecter les inégalités […] qu’il y ait un respect
mutuel des autres » (l. 114-118).
Les variables citées produisant des inégalités dans notre société semblent être, avant tout, la
religion, l’apparence physique et le sexe pour la moitié de nos sujets, suivis de près par l’âge
et la nationalité puis, dans une moindre mesure, le capital financier et les handicaps. D’autres
variables telles que la culture, l’origine sociale ou la situation familiale sont aussi
mentionnées à une reprise. Dans l’espoir de connaître la place assignée au sexe, les
enseignant-es ont été invité-es à déterminer quelle variable leur semblait produire le plus
d’inégalité à leurs yeux. Il s’avère qu’actuellement dans notre société, l’origine physique – à
81
comprendre tous les traits caractérisant une personne comme étant étrangère au lieu de
résidence (apparence, couleur de peau, prénom) – et le sexe soient les sources principales
d’inégalités (cités à deux reprises chacune), suivis de la culture et du capital financier.
Relevons toutefois que deux de nos sujets n’ont pas été en mesure de répondre à cette
question, estimant que cette variable dépend du lieu, du moment, voire du domaine sur lequel
on se focalise.
La variable sexe semble avoir une importance moindre – les inégalités s’atténuant avec le
temps (Jimy) – voire pas d’importance pour la moitié des individus interrogés. Les raisons
invoquées sont les suivantes : pour Bill, le sexe ne rentre pas en ligne de compte, tandis que
pour Gertrude et Luigi, les hommes et les femmes étant différents, les inégalités (qui n’en sont
pas à leurs yeux) sont normales.
Par ailleurs, tous nos sujets estiment que l’égalité (dans son sens le plus large) est une utopie,
bien que la plupart jugent qu’il faille tendre vers celle-ci. Les quelques enseignant-es
considérant ci-dessus l’égalité comme un idéal pensent logiquement que les gens étant
différents, ils ne peuvent pas être égaux. De manière philosophique, Bill affirme ainsi :
C’est Socrate qui le dit : « la plus grande inégalité, c’est de traiter de manière égale des
choses qui sont inégales », donc […] ça ne peut pas jouer (l. 75-76).
Une minorité soutient que les inégalités seront toujours présentes : « il y aura toujours de
l’inégalité je pense de toute façon, mais on peut travailler pour que ça se passe le mieux
possible […] on tend vers une certaine égalité, mais elle n’existe pas toujours dans les faits
[…] je pense que oui, ça restera quand même toujours une utopie » (Caroline, l. 51-59).
Quant à Sophie, bien qu’ayant une vision plutôt optimiste de la situation, elle conçoit au final
que l’égalité reste bel et bien actuellement une utopie : « je pense qu’on peut tous être traités
de la même façon, il faut juste se donner les moyens. Je pense que c’est tout à fait réalisable,
tous au même niveau » (Sophie, l. 41-43).
Un milieu social prétendument égalitaire, mais une thématique de l’égalité des sexes
néanmoins pertinente
En ce qui concerne les représentations du corps enseignant de l’égalité dans la société, la
quasi-totalité a l’impression d’évoluer dans un milieu égalitaire. A titre d’exemples, ils
évoquent spontanément le milieu professionnel (pour la moitié de nos sujets) ainsi que celui
familial, dans une moindre mesure. En ce qui concerne le milieu enseignant, ces individus
affirment qu’il est égalitaire – traitement, salaire et exigences identiques – bien que la
répartition hommes-femmes ne le soit pas. Nous reviendrons plus tard et de manière plus
approfondie sur cet élément. Retenons, pour l’instant, simplement ce qu’a mis en évidence
82
Petrovic (2011) : la plupart des gens se sont « construits une illusion de l’égalité entre les
sexes dans la société » (p. 32), ce qui semble être le cas de nos sujets. A l’opposé, un seul
enseignant estime que le milieu n’est pas égalitaire : « non, c’est de nouveau le postulat de
départ […] on n’est pas égaux » (Luigi, l. 199). Toutefois, il rejoint l’avis de ses collègues
concernant le milieu enseignant.
En second lieu, les individus de notre population soutiennent à l’unanimité que les rapports
sociaux de sexe ont évolué. A titre d’exemples, ils citent principalement l’ouverture au niveau
des rôles de sexe – à comprendre l’effacement du modèle traditionnel « père au travail-mère
au foyer » – puis des éléments comme la répartition des tâches ménagères et le droit de vote et
enfin, de manière minoritaire, l’ouverture aux métiers atypiques, les droits au niveau de la
justice ainsi que l’accès à la formation. Selon Fassa et al. (2010), la conviction que l’égalité
est réalisée « s’appuie [justement] sur les transformations qui se sont produites tout au long du
dernier siècle et qui ont été radicales durant les dernières décennies » (p. 6). C’est
probablement pour cette raison que la majorité pense que le milieu social est égalitaire.
Néanmoins, les enseignant-es ne portent pas tous le même regard vis-à-vis de cette évolution.
Plus de la moitié d’entre eux-elles la considèrent comme étant positive ou plutôt positive.
Luigi par exemple, nous expose sa vision de l’évolution à travers ces mots :
Il y a, je pense, moins de codes, de prescriptions suivis par les sexes […] des codes de
conduite typiquement masculins ou féminins, je pense que ça a évolué dans ce sens-là
(l.245-248).
A l’inverse, les quelques enseignant-es restants ont une vision bien plus négative de la
situation : Bill parle ainsi de « féministes dangereuses [essayant] d’inverser la tendance »
(l. 194-195), Gertrude d’« inversion dans les rôles » (l. 155) due à « la femme [qui] veut aller
trop loin » (l. 156) et finalement, Jimy prétend que « les femmes […] ont pris trop de
pouvoir » (l. 163) et que « l’homme a perdu un petit peu sa place de [...] sexe fort » (l. 206207).
Pourtant, la grande majorité des enseignant-es juge la thématique de l’égalité des sexes
pertinente. Les raisons évoquées pour le justifier sont multiples : cette égalité spécifique n’est
pas encore acquise et semble même être irréalisable ; il y a nécessité d’éduquer les enfants à
cette thématique, tant par rapport à la vision de la place de la femme générée par leur religion
qu’à l’ouverture à d’autres perspectives au niveau des rôles ; cette égalité est de toute façon
pertinente dans le reste du monde, si elle ne l’est pas dans notre pays. Luigi est le seul à
penser que l’égalité des sexes n’est pas pertinente. Se référant à son postulat de départ selon
lequel nous sommes tous inégaux, il affirme :
83
Vouloir l’égalité […] c’est de l’énergie à mon avis mal placée […]. Ce qu’il faudrait
c’est déjà […] que tout le monde se respecte, ce serait ça l’égalité, ce serait simplement
se respecter les uns les autres et l’égalité serait là (l. 264-267).
L’égalité hommes-femmes majoritairement peu problématique
Quelle importance revêt l’égalité hommes-femmes dans la vie de nos sujets, de manière
générale puis professionnellement parlant ? Il ressort, tout d’abord, que pour un peu moins de
la moitié, celle-ci ne semble pas être une thématique significative dans leur vie de tous les
jours : « ça ne me change rien, ce n’est pas important, je ne fais pas de cas quoi » (Bill, l. 9697). Quant à l’autre majorité, l’égalité hommes-femmes semble leur importer principalement
au niveau de leur vie de couple (en l’occurrence pour la moitié), et dans une moindre mesure,
de leur profession et de la formation. Au sujet des couples, les relations homme-femme, bien
que parfois inégalitaires, ne sont nullement considérées comme problématiques. En effet,
Luigi parle de « coopération » (l. 146) avec sa femme, Caroline de « complémentarité »
(l. 73) homme-femme, Jimy de « meilleure entente » (l. 98) rendue possible à travers l’égalité
établie, tandis que Jeff mesure cette dernière à l’aune du sentiment de satisfaction des deux
membres du couple. Notons enfin les représentations antagonistes de Sophie et Caroline en
matière d’égalité des sexes dans leur vie de tous les jours: alors que la première se révolte
contre le traitement inférieur infligé aux femmes au niveau professionnel, la seconde – bien
que constatant l’existence de petites inégalités quotidiennes – a l’impression que l’égalité est
acquise à plusieurs niveaux.
Au niveau de la pratique professionnelle, quelques enseignant-es considèrent que cette égalité
est importante vis-à-vis de leurs élèves : deux s’efforcent d’instaurer en classe une égalité des
chances ou de traitements entre les enfants tandis que le dernier affirme sensibiliser ses élèves
à l’aide d’anecdotes touchant aux tâches domestiques. D’un autre point de vue, plus de la
moitié des membres de notre population nous parlent spontanément de cette égalité vis-à-vis
de leurs collègues et d’eux-mêmes. A l’exception de Sophie qui atteste d’une plus grande
crédibilité des hommes face à leur employeur ou aux élèves des grands degrés, les autres
jugent que l’égalité est instaurée entre enseignants et enseignantes. Celle-ci rend d’ailleurs
possible un certain nombre d’éléments apparemment positifs : une « collaboration saine »
(Jimy, l. 101), un travail dans la « transparence » (l. 103) et le « respect » (Jimy, l. 104), la
« confiance » (Luigi, l. 85), « l’échanges d’idées » (l. 73) et « le partage de sensibilité »
(Francine, l. 77). Par ailleurs, il est intéressant de relever un certain clivage de points de vue
entre les jeunes enseignant-es et ceux-celles plus expérimenté-es : alors que pour les premierères (à l’exception de Sophie), l’égalité hommes-femmes est importante du point de vue de
84
leurs élèves, elle semble l’être davantage au niveau des collègues et d’eux-elles-mêmes pour
les second-es.
Dans un deuxième temps, nous avons voulu savoir à quel point les membres du corps
enseignant se sentaient concernés par cette égalité hommes-femmes. Nous constatons que les
représentations sont, à ce niveau-là, passablement hétérogènes. Il en ressort que seule une
minorité estime l’être, et ce, autant dans le domaine privé que professionnel. Néanmoins,
quelques-un-es jugent l’être partiellement : bien que concerné-es, Bill n’en est pas « obsédé »
(l. 147), Sophie l’est « de loin » (l. 120) alors que Luigi ne se « sent pas impliqué à un taux
[élevé] » (l. 134). Quant aux autres (en l’occurrence trois), ils/elles ne se sentent pas
concerné-es. Les raisons invoquées pour justifier ce désintérêt sont de types plutôt
égocentriques : Jeff soutient qu’étant « né dans un endroit où ça ne posait pas de problème »
(l. 95), ça ne lui en pose pas, tandis que Francine estime être bien où elle est, prétendant ne
pas percevoir actuellement d’injustices entre hommes et femmes où elle vit.
Les domaines professionnel et familial : enjeux actuels de l’égalité hommes-femmes
L’ensemble de nos sujets attribue au domaine professionnel une problématique d’égalité
hommes-femmes. Le plafond de verre a été mis en évidence par plus de la moitié de nos
sujets, soit l’existence d’une structure hiérarchique empêchant l’accès aux niveaux supérieurs
aux femmes. Ainsi, Caroline prétend qu’« une femme, à un moment donné, a moins de chance
d’accéder à des postes de hautes responsabilités » (l. 46-47). Dans le même ordre d’idée, Jeff
soutient poétiquement que « dans les hiérarchies au boulot, c’est souvent ceux qui ont un
poste plus important […] qui ont des poils au menton » (l. 88-89). Sophie va plus loin encore
en affirmant :
Une femme qui dirige une entreprise ça se voit rarement, parce que c’est un métier
d’homme le fait de diriger, d’être chef ou des choses comme ça (l. 104-106).
D’autre part, une minorité relève l’existence de métiers connotés comme « féminins » ou
« masculins » ce qui renforce inévitablement les inégalités: « il y a des métiers qui sont
marqués. Il y a des métiers […] qui sont associés au sexe féminin et d’autres qui sont associés
au sexe masculin » (Bill, l. 116-117). Quant à Luigi, il a une vision particulière de ce
domaine : il postule que « les femmes veulent conquérir l’inégalité qu’elles ont subie ou
qu’elles croient subir par rapport aux hommes […] alors elles compensent en essayant de
faire carrière » (l. 100-102).
En second lieu, la moitié des enseignant-es considère le domaine familial/domestique comme
source d’inégalités, que ce soit au niveau de la répartition des tâches ménagères (relevée à
85
deux reprises), de l’éducation ou du choix opéré par les femmes pour concilier vie privée-vie
professionnelle. A ce sujet, il est intéressant de relever les propos suivants :
Etre une femme ça t’oblige […] à choisir si tu veux être mère de famille ou travailler, je
pense à un moment donné tu dois faire un choix. Tandis qu’un homme je pense qu’il
n’aura jamais à faire ce choix-là (Caroline, l. 109-111).
Cette enseignante fait allusion à l’anticipation du rôle d’adulte pour les femmes dans leur
« choix » d’orientation que nous avons abordée plus haut. Enfin, le domaine financier,
politique, de la formation et scolaire sont aussi évoqués par une minorité d’enseignant-es.
Notons donc, qu’à l’exception de deux enseignant-es – l’un mentionnant le caractère
sexuellement typé des maths (Jeff), l’autre l’image différente véhiculée au sujet de l’autorité
de l’homme et de la femme dans l’enseignement (Caroline) – l’école ne semble pas être un
domaine dans lequel l’égalité de sexe est un enjeu. Ainsi, tel que l’a relevé Duru-Bellat
(1995), l’égalité des sexes ne leur semble pas constituer actuellement un défi. Nous
reviendrons sur cet aspect.
L’égalité en classe : une situation peu problématique
Comment l’égalité entre les hommes et les femmes se décline-t-elle dans la classe des
enseignant-es interrogé-es ? A nouveau, une vision assez homogène émerge de leurs propos.
En effet, la quasi-totalité indique ne pas mettre en place de mesure particulière à cet effet.
Cela sous-entend-il qu’ils considèrent l’égalité entre les sexes comme acquise (Mosconi,
2011) ? L’école serait-elle donc, comme nous l’affirme Duru-Bellat (2008), citée par
Guenneuguès (2011) « sexiste par abstention » (p. 74) ? Certains indices laissent déduire
qu’ils ne considèrent pas cette thématique comme problématique. D’une part, la moitié de nos
sujets estime dispenser un traitement égalitaire. Ceci rejoint les propos de Gianini Belotti
(1973) : ils « refusent toute responsabilité en déclarant : « je les traite tous de la même
manière ». [Ils] ne manifestent pas la moindre intention d’essayer, dans les faits, de changer
quelque chose. Pour [eux], tout est bien ainsi » (p. 162). D’ailleurs, deux enseignantes les
considèrent même comme des individus asexués :
Pour moi j’ai des élèves en face, qui ont chacun leurs besoins, que ce soit des filles ou
des garçons […] ce sont des élèves quoi (Caroline, l. 246-247).
Ainsi, alors que cette même enseignante estime avoir une « manière d’enseigner assez
uniforme » (l. 209), Jimy instaure un « climat de respect » (l. 232) envers ces élèves, garant
d’une « égalité de chance » (l. 237). Seul le cours d’éducation physique semble être, pour une
minorité, une source de traitements différenciés, que ce soit au niveau des performances
86
physiques ou de la force. Nous retrouvons donc ici « l’aveuglement » des professionnels aux
traitements différenciés, mis en avant par certaines recherches dans le cadre scolaire.
Quelques enseignant-es affirment compter sur leurs élèves pour leur signaler les éventuelles
injustices commises au niveau du sexe : « les élèves le remarquent assez vite s’il y a une
inégalité entre les filles et les garçons » (Gertrude, l. 190-191). Ils partent donc du principe
que les élèves sont sensibles aux inégalités de sexe : cela signifie que tant qu’ils ne se
manifestent pas, aucune inégalité n’est commise en classe (donc aucune action n’est à
entreprendre). Ainsi, ils n’ont pas conscience que les élèves sont tout aussi « aveugles » à
cette problématique et ont, par conséquent, l’impression d’être traités de manière égalitaire
(Marguerite, 2008). Dans le même ordre d’idée, la moitié de nos sujets soutient utiliser la
discussion – ou envisager de le faire en cas de nécessité – pour régler les problèmes lors de
situations conflictuelles entre les garçons et les filles : « conseil de classe » (Bill, l. 239),
« conseil de coopération » (Gertrude, l. 205), « discuter [lors de] bagarre » (Sophie, l. 221222) entre filles/garçons ou « résoudre des problèmes en donnant la parole » (Luigi, l. 286287). Toutefois, il est intéressant de relever que parmi cette première catégorie d’enseignantes, deux sont tout de même conscients de l’existence d’inégalités entre les filles et les
garçons : pour Luigi, « l’école […] est plutôt faite pour les filles » (l. 274-175) car elles « sont
plus à l’aise et doivent passer une scolarité en général plus agréable que les mecs » (l. 272274). Quant à Caroline, à travers ses lectures, elle a appris que « les filles et les garçons n’ont
pas forcément la même manière de fonctionner » (l. 204-205), les garçons semblant être plus
stimulés par la compétition, les défis et la performance.
A l’opposé, un enseignant affirme chercher à parvenir à davantage d’égalité au travers de
petites tâches atypiques proposées aux élèves, de la participation équilibrée des deux sexes
indépendamment de la matière enseignée et des encouragements destinés aux filles au niveau
des performances physiques. A titre d’exemple, voici ce qu’il nous dit sur ces tâches
atypiques : « de la même manière que j’essaie de faire fonctionner les garçons pour nettoyer,
j’essaie de faire fonctionner les filles pour porter des choses » (Jeff, l. 167-169). Nous tenons
à informer nos lecteurs-trice qu’une analyse plus détaillée des représentations de l’égalité des
sexes à l’école sera traitée dans notre dernier thème : le rôle des enseignant-es.
Bilan de l’égalité
L’égalité ne représente pas nécessairement la même chose pour les enseignant-es. Néanmoins,
bien qu’étant considérée comme une utopie, elle consiste soit à des possibilités identiques
offertes aux élèves, soit à un certain respect entre eux, mais ne vise nullement l’uniformité.
Par ailleurs, aucune variable ne semble produire davantage d’inégalités qu’une autre. En ce
qui nous concerne, le sexe ne semble d’ailleurs pas être important, ou du moins, pas plus que
l’origine physique. Est-ce parce que nos sujets considèrent l’égalité des sexes comme
87
acquise ? En effet, se basant probablement sur l’évolution des rapports sociaux de sexes qu’ils
ont constatée, les enseignant-es ont le sentiment de progresser dans un milieu social égalitaire
(Petrovic, 2011). Dans le même ordre d’idée, l’égalité hommes-femmes – de manière privée
ou professionnelle – paraît être majoritairement peu problématique, voire acquise. Toutefois,
des progrès semblent envisageables, sinon pourquoi juger la thématique de l’égalité des sexes
comme actuellement encore pertinente ? Ainsi, certains efforts s’avèrent nécessaires dans le
domaine professionnel de manière générale – principalement en lien avec les positionnements
hiérarchiques au travail – et dans une moindre mesure, dans le domaine familial.
A contrario, le milieu scolaire ne semble pas être, aux yeux des enseignant-es, un domaine
dans lequel l’égalité des sexes est réellement un enjeu (Duru-Bellat, 1995)! C’est
probablement la raison pour laquelle la quasi-totalité ne cherche pas concrètement à parvenir
à davantage d’égalité entre garçons et filles à l’école. Plusieurs éléments laissent penser que
ces professionnel-les sont « victimes de l’aveuglement aux traitements différenciés »
qu’ils/elles dispensent vraisemblablement (Chaponnière, 2006 ; Baudino, 2008) à des élèves
pas plus lucides qu’eux (Marguerite, 2008). Analysons, dans cette optique, ce que pensent les
enseignant-es de la situation de mixité scolaire et de ses effets sur l’égalité entre les garçons et
les filles.
4.3. La mixité scolaire
Quelles sont les représentations de la situation de mixité à l’école ? Nous avons vu qu’en
dépit des problèmes qu’elle suscite au niveau scolaire chez les garçons et au niveau de
l’orientation chez les filles, la mixité scolaire n’est pas remise en cause par les membres du
corps enseignant (Zaidman, 1996), ne semblant pas poser de problème (Fontanini, 2005). De
plus, le principe même de la cohabitation – synonyme de droit égal à l‘instruction
indépendamment de son sexe – semble garantir l’égalité entre les élèves (Mosconi, 2011).
Nous analysons donc d’une part, l’actualité de cette vision positive et garante de l’égalité
entre les sexes et d’autre part, l’existence de différences significatives dues à la formation des
sujets de notre panel.
Dans un deuxième temps, nous analysons les représentations des enseignant-es au sujet de la
féminisation de leur métier. Nous avons, en effet, démontré que la répartition hommesfemmes est largement déséquilibrée (IRDP, 2011) et que cet écart se creuse encore (OFS,
2011). Cela nous permet d’évaluer l’impact de cette féminisation sur les élèves ainsi que son
influence et sa contribution au renforcement des inégalités.
88
L’école : un milieu aux relations interpersonnelles égalitaires
Les enseignant-es estiment, pour la grande majorité, évoluer dans un milieu social égalitaire
(cf. Evolution dans un milieu égalitaire). Nous avons cherché à analyser à quel point le milieu
scolaire était aussi considéré comme tel, et ce, au niveau des élèves, puis du personnel
enseignant. A nouveau, les représentations des individus de notre population sont
passablement homogènes.
En ce qui concerne les élèves, la plupart des enseignants soutiennent qu’ils évoluent dans un
milieu scolaire égalitaire. Ainsi, garçons et filles semblent y être traités de manière identique
ou ne subissent du moins pas de discrimination liée à leur sexe : « je ne vois pas dans la
classe quelque chose qui pourrait être différent » (Francine, l. 208-209). Néanmoins, un peu
moins de la moitié de notre population relève une certaine non-mixité dans la cour de
récréation. Jeff parle ainsi de « grand fossé entre les garçons et les filles » (l. 184), Sophie,
d’élèves qui ne « se mélangent pas tellement » (l. 261), tandis que Jimy constate que
« garçons et filles jouent facilement ensemble » (l. 301) et sont « souvent mélangés » (l. 302)
jusqu’à un certain point, mais qu’il assiste à une formation soudaine de « petits clans »
(l. 303) entre les sexes au niveau des grands degrés. Relevons aussi qu’une minorité
d’enseignantes mentionnent la religion comme source d’inégalités entre les sexes à l’école.
Voici les propos de l’une d’entre elles :
Moi je fais tout pour être égalitaire entre les garçons et les filles, après c’est vrai que
par rapport aux religions, les élèves le perçoivent peut-être pas forcément comme ça.
Eux ils vont peut-être se dire que les garçons sont supérieurs parce qu’on leur a appris
ça à la maison (Sophie, l. 257-259).
A contrario, deux enseignants n’ont pas l’impression de voir les élèves évoluer dans un milieu
égalitaire. Alors que Jeff prétend ne pas être « dans un fonctionnement égalitaire » (l. 193),
Luigi affirme percevoir l’existence d’inégalités entre garçons et filles au niveau des
apprentissages. Toutefois, ce dernier rejoint l’avis de ses collègues et perçoit l’école comme
un milieu égalitaire pour les élèves au niveau des relations sociales.
Il est intéressant de relever que l’ensemble de nos sujets estime vivre des relations égalitaires
au niveau du personnel enseignant. Jeff souligne toutefois l’existence d’un plafond de verre
(sans le mentionner tel quel) – mentionné plus haut – et de « petites piques [ou] gags […] à
caractère sexuel » (l. 176-177) (nous y reviendrons en fin d’analyse). Par ailleurs, la moitié de
notre population constate, à un moment donné ou un autre, l’existence d’une répartition
inégale en fonction des degrés :
89
Plus on va vers le haut, moins il y a de femmes et plus on va vers les petits enfants,
moins il y a d’hommes (Jeff, l. 237-238).
Nous rejoignons donc là les propos de Moreau (2011), à savoir que « la proportion de femmes
parmi la main d’œuvre enseignante évolue […] en proportion inverse de l’âge des élèves »
(p. 28). A l’inverse, Jimy, s’appuyant sur son expérience, mentionne l’existence d’un certain
équilibre au niveau de la répartition hommes-femmes dans les différents degrés. En outre,
plus de la moitié met en avant la représentation inégale d’hommes et de femmes dans
l’enseignement primaire, largement en défaveur des premiers. Citons, à titre d’exemple, les
propos de Bill:
Au niveau du nombre non, clairement non. C’est-à-dire qu’on est beaucoup moins, nous
les hommes, à exercer cette belle profession (l. 294-295).
De plus, pour quelques enseignants, ceci ne semble pas être en voie d’amélioration, ce que
nous avons statistiquement prouvé: selon Luigi, « il n’y a quasiment plus d’hommes qui sont
intéressés par ce job et il y a bientôt plus que des femmes » (l. 312-313) alors que Jeff soutient
que « ça ne va pas dans le bon sens » (l. 232). Nous analyserons de manière plus fine les
conséquences de cette féminisation du métier ci-après.
La mixité scolaire : une vision positive et majoritairement garante de l’égalité entre les
sexes
Le regard des enseignant-es sur la mixité scolaire est à l’unanimité positive, voire très
positive. Ceci peut paraître étonnant, au regard du constat établie par Duru-Bellat (2004b), à
savoir qu’elle « tend à brider le développement intellectuel et personnel d es
élèves
[…] »
(p. 100). Identifions les différentes raisons évoquées par nos sujets. Notons tout d’abord que
celle-ci semble tellement évidente pour deux enseignant-es, qu’une situation de non-mixité ne
paraît même plus envisageable. En effet, en réfléchissant par l’absurde, il/elle affirment que
séparer garçons et filles serait tout aussi aberrant et inapproprié que de le faire pour les
suisses/les étrangers (Caroline), les blancs/les noirs ou les enfants ayant un QI supérieur à
120/ceux étant entre 100 et 120/ceux étant en dessous de 100 (Bill)… En effet, au final, « on
peut tout séparer quoi » (Caroline, l. 307) ! Nous percevons là, à quel point les enseignant-es
semblent attaché-es au principe de mixité scolaire, qui à leurs yeux, comporte de multiples
avantages. En premier lieu, celui-ci permet, pour la moitié de nos sujets, l’apprentissage du
vivre ensemble. Ainsi :
90
Dans le monde, on ne sera jamais qu’entre hommes ou qu’entre filles, il faut apprendre
à vivre ensemble, c’est comme ça, le monde ça ne sera pas qu’avec des garçons ou
qu’avec des filles (Sophie, l. 269-271).
De même, Gertrude certifie qu’« il faut apprendre à vivre ensemble, enfin si on n’est pas
capable de vivre entre garçons et filles, où va le monde ? » (l. 235-236). En second lieu, dans
cette même optique, la mixité rend aussi possible la connaissance de l’altérité, pour un peu
moins de la moitié des enseignant-es :
Je pense que c’est bien de voir qu’on est différent, de voir comment on est différent et
puis d’accepter ces différences pour en faire quelque chose […] un win-win (Jeff, l.
203-205).
Nous sommes ici proche des propos de Petrovic (2004b) qui affirme que la mixité rend
possible « l’apprentissage […] de l’altérité dans le respect de l’autre » (p. 171). A ce sujet
d’ailleurs, Jimy, ayant vécu la non-mixité en tant qu’élève, nous fait part d’un de ses
souvenirs : « je me rappelle qu’on regardait un peu les filles, un peu bizarrement quoi » (l.
316). Ainsi, « ça provoque moins de regards, de dire « c’est quoi une fille ? » […] c’est une
grande ouverture d’avoir mixé les sexes en classe » (l. 313-319). De plus, se basant sur
l’existence de différences entre garçons et filles, d’autres estiment que cette situation
particulière permet d’atteindre un équilibre. Francine, de manière relativement stéréotypée,
estime de ce fait que « ça fait un équilibre, un juste équilibre parce que peut-être que les filles
sont plus soucieuses et les garçons un peu plus enfoutistes » (l. 223-225). Finalement, deux
enseignants considèrent la mixité comme positive à l’école, étant le reflet de la société. Pour
Luigi, « la mixité est une bonne chose, parce que c’est la réalité quoi, tu te confrontes à la
réalité de la vie » (l. 336-337). De son côté, Bill soutient :
Pour moi, elle est normale, dans la société, on ne vit pas que les garçons d’un côté, les
filles de l’autre. L’école c’est l’image de la société (l. 335-336).
Dans un deuxième temps, nous avons cherché à définir le lien entre cette situation
apparemment positive de mixité et l’égalité des sexes à l’école. Pour la majeure partie de nos
sujets, elle permet de se rapprocher de l’égalité entre garçons et filles. Ainsi, « l’idée que la
mixité suffit à l’égalité » (Mosconi, 2008, citée par Guenneuguès, 2011, p. 74) semble donc
bien ancrée dans le milieu professionnel. A ce sujet, relevons la réflexion pertinente de
Francine, justifiant son opinion :
Pourquoi ils sont arrivés là ? Pourquoi est-ce qu’on a fait que l’école devienne mixte ?
Le but c’était bien d’arriver, oui [à l’égalité] (l. 241-242).
91
Quant aux autres, ils/elles se réfèrent principalement aux avantages cités précédemment pour
justifier leurs propos. Ainsi, en lien avec l’apprentissage du vivre ensemble, Sophie est d’avis
qu’« en mélangeant, les garçons doivent un peu s’adapter aux filles, les filles […] aux
garçons et puis c’est comme cela qu’on arrive à l’égalité et à vivre ensemble dans une bonne
ambiance » (l. 281-283). Jeff, renvoyant à la connaissance de l’autre, affirme « si on ignore
l’autre, si on ne connaît pas l’autre, on ne peut pas être égalitaire » (l. 212). A l’opposé,
seule une minorité considère que la mixité scolaire ne permet pas de tendre vers davantage
d’égalité. Alors que pour Bill, elle consiste en une ouverture à l’autre sexe, Luigi soutient
qu’elle n’a pas d’incidence sur l’égalité/l’inégalité vis-à-vis de l’autre sexe.
Nous avons aussi voulu analyser la perception d’éventuels inconvénients de la mixité scolaire
par les membres du corps enseignant. Relevons tout d’abord qu’à l’exception d’une
enseignante, aucun autre sujet n’a relevé spontanément de désavantages. En effet, seule
Caroline est consciente – suite à la lecture d’une recherche réalisée en Angleterre – que la
situation de mixité est corrélée à des performances moindres chez les élèves, indépendamment
du sexe. Ce n’est qu’en réponse à notre question, que plus de la moitié des enseignant-es
relèvent certains inconvénients. Toutefois, tel que le mentionne Sophie, il ne s’agit dans
l’ensemble, pas de « gros inconvénients » (l. 289) : problèmes en cours d’éducation physique
– au niveau des vestiaires notamment – ou aux activités créatrices manuelles pour certain-es,
ainsi que lors de discussions touchant plus l’un ou l’autre sexe ou lors de conflits (cités à une
reprise). Seuls Caroline (ci-dessus) et Luigi font part de difficultés plus conséquentes : ce
dernier laisse entendre que les garçons semblent être moins captivés par l’école. Il se pose
d’ailleurs des questions à ce sujet. A l’inverse, un peu moins de la moitié ne perçoit aucun
inconvénient. Au contraire même, un enseignant et une enseignante n’en citent même que des
avantages : confrontation d’idées et diminution de problèmes liés à la sexualité (Jimy),
revalorisation des filles ainsi qu’égalité des chances entre les élèves (Francine). Relevons les
propos de cette dernière qui fait preuve d’un certain idéalisme référant à notre cadre
théorique:
On peut tous arriver très bien à de bons résultats pour un bon métier, […] on voit que
les filles et les garçons peuvent avoir des notes autant convenables donc ça peut mener
à tous les métiers (l. 250-252).
Une féminisation de l’enseignement primaire mal perçue
Quelle est la représentation des enseignant-es au sujet de la féminisation du métier ? La
plupart des sujets en ont une vision négative. En témoignent par exemple les propos de Jeff
« c’est terrible ! » (l. 232) ou ceux de Bill « ça fait peur ! Ca fait très peur ! » (l. 360). Ils
justifient leurs propos en relevant différents types d’arguments. En premier lieu, ressort le
92
besoin de l’enfant d’avoir un modèle de son sexe sous peine de connaître un certain manque,
tel que l’ont mis en évidence Courtinat-Camps et Prêteur (2010). Ainsi :
J’ai l’impression que ça peut poser quand même pas mal de problèmes de ne pas avoir
vécu avec la présence d’un adulte masculin ou féminin, enfin les deux justement, il
risque d’y avoir un manque dans son éducation, voire peut-être justement [dans] la
manière dont il se comporte avec l’autre sexe (Jeff, l. 249-251).
A leurs yeux, l’enseignante véhicule une image maternelle alors que l’enseignant fait office
de modèle (Gertrude, Sophie), d’identification (Caroline) ou d’image masculine (Jimy). Ces
propos sont relativement proches de la théorie des role models (Moreau, 2011). Nos sujets
justifient ainsi l’importance d’avoir les représentants des deux sexes à l’école en associant les
filles à l’enseignante et les garçons à l’enseignant : « les filles elles aiment bien avoir des
dames parce que ça leur rappelle leur maman […] les garçons aiment bien avoir un homme
parce que c’est plus le modèle » (Sophie, l. 591-592). Jimy, à travers ces propos, résume assez
bien ce premier argument :
Cette fibre maternelle un jour il faut la couper aussi, il faut qu’il y ait quelqu’un qui
[…] pose un cadre un peu plus masculin. D’avoir une image masculine je pense que
c’est important dans l’enseignement, qu’ils aient les deux visages (l. 364-368).
En second lieu, suit, pour la moitié de nos sujets, un fonctionnement différent. Gertrude
affirme ainsi « je pense que c’est important d’avoir les deux, d’avoir des hommes et des
femmes, ne serait-ce que pour les différents styles d’enseignement […], ce n’est pas la même
présence en classe […] pas la même manière de fonctionner non plus » (l. 300-305). Le
troisième argument découle en quelque sorte du précédent : les enseignant-es étant différents,
il est nécessaire d’avoir une représentation équilibrée des deux sexes, sous peine d’être face à
un déséquilibre néfaste pour les élèves. C’est dans cet ordre d’idée que Luigi argue le besoin
d’avoir
une sorte de parité pour qu’il y ait une représentation de l’humain au niveau des
enfants qui soit respectée, simplement ça […] en sachant que les gens sont différents,
qu’on est différent entre homme et femme de toute façon, ça ne peut être qu’un
appauvrissement de n’avoir plus qu’un côté, qu’un sexe qui est représenté à ce niveaulà (l. 379-386).
Suivent d’autres arguments mentionnés de manière minoritaire. D’une part, il semblerait
qu’avoir affaire à des enseignants soit bénéfique pour « remplacer » les pères absents de
certaines familles monoparentales. Ainsi, pour Caroline, « il y a de plus en plus de familles
93
monoparentales. Je trouve que c’est bien que peut-être les enfants qui ont plus tendance à
vivre avec leur maman aient aussi une autorité masculine qui les pousse un peu, je trouve que
c’est aussi important ça » (l. 344-347). A ce sujet, Moreau (2011) parle justement de menace
dans « la constitution d’une identité de genre « masculine » […] notamment chez les garçons
des familles monoparentales dont le père est « absent » » (p. 130). D’autre part, certains sujets
estiment que les enseignantes – travaillant pour la plupart à temps partiel – constituent une
problématique. Examinons les raisons évoquées par Caroline : « beaucoup de femmes
travaillent à temps partiel, donc du coup, il y a de moins en moins je dirais de gens dans les
centres scolaires. Et puis des pleins-temps, je dirais que c’est quand même des gens qui
assurent la stabilité, c’est un peu des piliers du centre autour desquels tournent les temps
partiels »
(l.
340-343).
Finalement,
la
dévalorisation
du
métier
d’enseignant
primaire constitue un ultime argument, évoqué à une reprise: « aux yeux de la société, je
pense que ça dévalorise le métier d’enseignant primaire [parce que] dans l’inconscient
collectif […] le fait qu’il y ait un métier qui soit exclusivement pratiqué par des femmes par
exemple, ça sera un métier qui sera moins valorisé » (Gertrude, l. 271-276). Les deux
enseignant-es ne s’étant pas prononcé-es de manière négative à ce sujet ont une vision
particulière: alors que Jimy n’a pas conscience de cette féminisation, estimant que « c’est bien
mélangé […] bien équilibré » (l. 276-278), Sophie y porte un regard neutre. En effet, elle
soutient : « moi ça ne me dérange pas, il pourrait y avoir plus d’hommes ou plus de femmes,
moi ça m’est égal tant qu’ils font bien leur travail » (l. 238-239).
Ainsi, la quasi-totalité des sujets – une enseignante ne se prononçant pas – estime que la
féminisation de l’enseignant a un impact négatif sur les élèves. Il semblerait même que pour
plus de la moitié, elle aurait même un impact sur la production d’inégalités. Pour le justifier,
certain-es évoquent l’image renvoyée de l’enseignement primaire due à cette féminisation.
Ainsi, Bill mentionne :
Ca renvoie l’image d’un métier enseignant réservé aux femmes, où l’accès est réservé
aux femmes (l. 374-376).
Dans le même ordre d’idée une enseignante, se plaçant du point de vue des garçons, émet
l’hypothèse suivante : « ils vont se dire qu’être enseignant c’est un métier de filles […] et puis
ils se diront que les garçons, ça doit faire un autre métier » (Sophie, l. 307-308). Duru-Bellat
(1995b) a d’ailleurs confirmé, à ce sujet, la transmission implicite d’un message de division
du travail entre les hommes et les femmes aux enfants, menant à l’association entre l’activité
de formation/éducation et ces dernières. Quant aux trois sujets restants, deux ignorent
l’impact sur la production d’égalité/d’inégalité tandis que le troisième estime que « ça ne va
94
pas provoquer des inégalités » (Jimy, l. 372), et ce, indépendamment du sexe de l’enseignante.
Bilan de la mixité scolaire
La majorité des enseignant-es estime bel et bien évoluer dans un milieu scolaire égalitaire
(Mosconi, 2011), du moins d’un point de vue social. L’unique source d’inégalités mentionnée
par rapport aux élèves est, d’ailleurs, d’origine externe à l’école, réduisant de ce fait l’emprise
et la responsabilité des enseignant-es dans la (re)production ou le maintien des différences.
Les membres du corps enseignant considèrent-ils ainsi n’avoir aucune influence au niveau du
genre sur les garçons et les filles ? Estiment-ils que l’école ne soit pas un facteur contribuant à
l’accentuation des différences ? Nous l’analyserons dans le thème suivant.
En ce qui concerne le personnel enseignant, bien que constatant une représentation et une
répartition inégale des hommes et des femmes (IRDP, 2011), nos sujets revendiquent
néanmoins l’égalité relationnelle. La féminisation de l’enseignement primaire ne fait de loin
pas l’unanimité des enseignant-es qui énumèrent un nombre relativement élevé de
désavantages. En effet, celle-ci semble avoir, pour la majorité, un impact négatif sur les élèves
– principalement par le manque de modèles (Moreau, 2011) et d’équilibre qu’elle entraîne – et
mener, de ce fait, à la production d’inégalités.
Pourtant, postulant, pour la grande majorité, vivre dans un milieu social et scolaire égalitaire,
l’ensemble de notre population est entièrement favorable à la situation de mixité à l’école.
Cette dernière semble d’ailleurs garantir l’atteinte de l’égalité entre les sexes, ou, du moins, ne
pas avoir d’effets néfastes, sinon à quoi bon en être arrivé là ? Par ailleurs, la plupart des
enseignant-es s’avèrent être « aveuglé-es » et ignorer ses conséquences paradoxales sur les
enfants (Petrovic, 2004b), voire même désastreuses pour les filles (Duru-Bellat, 1994, 2004b ;
Baudelot & Establet, 2007 ; Zaidman, 1996) : nos sujets ne relèvent que quelques
inconvénients dérisoires, voire aucun. De même, lorsque des désavantages plus conséquents
sont mis en évidence, ils ne concernent que les garçons. La mixité scolaire n’est généralement
pas perçue comme une situation problématique (Fontanini, 2005) au regard de ces enseignantes. Manifestement cette représentation positive de la mixité scolaire, garante d’une éducation
égalitaire, ne semble pas avoir vraiment évolué chez les enseignant-es depuis son
introduction ! Pour de plus amples informations à ce sujet, nous renvoyons nos lecteurs-trices
à l’intéressante recherche de Zaidman qui reste d’actualité.
4.4. Conception des différences de sexe
Ce quatrième volet explore les représentations des enseignant-es au sujet des différences
filles/garçons. Nous souhaitons analyser à quel point les élèves leur paraissent dissemblables
95
en fonction de leur sexe. En effet, bien souvent, les attentes du personnel enseignant découlent
de stéréotypes de sexe et influent, de ce fait, sur leurs comportements et pratiques en classe
(Chaponnière, 2006). Dans un deuxième temps, nous voulons identifier les diverses origines
des différences de sexe, ceci en vue de déterminer la place de l’école, mais aussi l’orientation
dominante de chacun de nos sujets vers l’une des conceptions des différences de sexe
présentées plus haut. Cette posture a-t-elle un impact sur la manière dont les membres du
corps enseignant conçoivent leurs enseignements et considèrent la thématique de l’égalité des
sexes à l’école? Finalement, nous avons cherché à saisir leur évaluation de la contribution du
système scolaire à l’accentuation et/ou l’atténuation de ces différences entre les élèves : est-ce
une vision plutôt optimiste ou défaitiste du rôle de l’école dans cette lutte pour l’égalité?
Des différences entres garçons et filles à plusieurs niveaux
Les représentations des différences filles/garçons déterminent la conception des différences de
sexe de chaque enseignant-e. L’ensemble des sujets interrogés relève ainsi l’existence de
différences entre les sexes. Bien que les enseignant-es restent prudent-es au niveau de leur
propos, comme nous l’avons mentionné plus haut, nous pouvons au final classer l’origine des
différences en fonction de quatre catégories. Pour plus de détails, nous prions les lecteurstrices intéressé-es de se référer au tableau d’analyse n°13 en annexe.
Au niveau biologique, un peu plus de la moitié des enseignant-es a mis en exergue des
différences physiologiques. Il est cependant fort probable que quelques sujets ne l’ont pas
mentionné tant ceci leur semblait être une évidence ou peut-être par gêne17. La majorité relève
aussi des différences dans le domaine social, principalement au niveau des activités qui
semblent être différenciées en fonction de l’énergie dispensée ou du style de jeux. Des
différences psychologiques sont aussi évoquées, soit les comportements (cités par la plupart
de nos sujets), ainsi que plus minoritairement, les interactions, la gestion des émotions ou
celle des conflits. Finalement et en ce qui nous concerne, les enseignant-es soutiennent
observer des différences entre garçons et filles au niveau scolaire. Tout d’abord, le travail
scolaire est essentiellement mis en avant : les filles semblent être plus appliquées, plus
studieuses et plus travailleuses… donc être plus scolaires ou à l’aise en milieu scolaire que les
garçons. Dans le même ordre d’idée, deux enseignants estiment qu’elles possèdent une plus
grande capacité de concentration. Nous retrouvons ici la meilleure intériorisation des normes
scolaires par les filles, mise en évidence par De Boissieu (2007). A l’inverse, certains sujets
évoquent l’attitude plus négative des garçons envers l’école : ils râlent plus et sont toujours en
désaccord avec les règles mises en place (Jimy), ont des réactions plus explosives (Luigi) et
disent ne pas aimer l’école (Francine). Il nous est difficile de distinguer entre un fait réel ou
17
Interprétation personnelle
96
une simple intériorisation des stéréotypes de sexe. C’est peut-être ce que cherche à nous
expliquer Jeff par ces mots : « c’est un peu ce qu’on connaît, je crois, et ce que je remarque
surtout. Après est-ce que je remarque parce que je connais ? » (l. 298-299). En effet, nous
référant à notre cadre théorique, rappelons d’une part que les enseignant-es ont des attentes
envers les enfants basées sur leurs représentations des garçons et des filles qui découlent des
stéréotypes de sexe. Rouyer (2007) a ainsi prouvé que, tel qu’il apparaît dans nos résultats, les
qualités attribuées aux filles renvoient à la norme scolaire tandis que celles des garçons
laissent, selon Zaidman (1996), entrevoir le refus scolaire. D’autre part, gardons en mémoire
les propos de Marro et Vouillot (2004), selon lesquels les enseignant-es « ont en tête et
évoquent quasi automatiquement » (p. 6) les caractéristiques opposées « typiques » de l’un ou
l’autre groupe de sexe. C’est d’ailleurs dans cet ordre d’idée que Duru-Bellat (2004b)
souligne l’habituelle sur-estimation des différences d’attitudes entre filles et garçons par les
membres du corps enseignant, due au poids des stéréotypes.
Dans un deuxième temps, nous avons étudié les représentations enseignantes concernant
l’existence de compétences différentes selon le sexe en fonction de la matière. En d’autres
termes, percevoir si les filles sont plus douées en français et les garçons en math, pour
reprendre notre illustration précédente. Majoritairement, il semble que cela ne soit pas le cas.
En effet, la plupart des membres de notre population estiment que les compétences sont
indépendantes du sexe. Il s’avère que l’apparition de compétences différenciées soit plutôt
une « question de motivation » (Jeff, l. 305), d’« intérêt » (Bill, l. 425 ; Sophie, l. 362-363) ou
de « volonté » (Francine, l. 343), soit des facteurs intrinsèques de l’individu. A l’opposé, une
minorité d’enseignantes pensent qu’en début de scolarité les enfants ont des compétences
différentes selon leur sexe. Néanmoins, Sophie affirme, de manière optimiste, que « ça peut
s’atténuer avec le temps » (l. 355-356) tandis que Caroline souligne l’importance de
l’influence de l’environnement familial, ainsi que d’autres facteurs. Nous ne retrouvons donc
pas dans notre population d’enquête la constitution d’un rapport au savoir différencié selon le
sexe (Murcier, 2005). Toutefois, rappelons d'une part qu’une telle pratique différenciatrice
n’est politiquement pas correcte et que d’autre part, elle est vraisemblablement inconsciente :
ainsi, il n’est pas étonnant que, de manière discursive, les enseignant-es soutiennent ne pas
prévoir de succès inégaux selon la branche et le sexe.
Finalement, nous avons questionné les membres de notre population sur l’existence ou non de
compétences intellectuelles distinctes selon le sexe : un peu plus de la moitié l’infirme. Il est
intéressant de relever que quelques-un-es mentionnent, que bien qu’elles soient identiques à la
base, elles se développent différemment par la suite. Ainsi, voici l’avis de Sophie :
Je pense qu’ils ont les mêmes compétences, mais qu’elles se développent différemment
[…] selon le domaine […] qui les touche plus je pense (l. 361-363).
97
Notons que ces propos sont relativement proches de la théorie de la plasticité cérébrale (Vidal,
2006, 2010, 2012), dont nous reparlerons ci-dessous. A l’inverse, Bill prétend que les
compétences intellectuelles sont différentes. Néanmoins, il nous semble important de relever
qu’il les associe avec l’habitude, soit l’expérience accumulée : « je trouve que les filles sont
beaucoup plus à l’aise en expression orale que les garçons parce qu’elles ont peut-être plus
l’habitude de parler […] dans les activités physiques, les garçons sont beaucoup plus à l’aise
que les filles parce qu’ils ont peut-être plus l’habitude de bouger, de jouer dehors » (l. 432436). Ainsi, ces compétences ne semblent pas être immuables.
Origines des différences de sexe : le rôle prépondérant des parents et de la société
Quelles sont les origines des nombreuses différences biologiques, sociales, psychologiques et
scolaires des élèves ? Débutons par lister les diverses origines mentionnées par nos sujets
ainsi que les divers facteurs qui y sont associés avant de les attribuer à la conception
essentialiste ou constructionniste.
Tout d’abord, relevons que les enseignant-es sont conscient-es de l’importance de
l’environnement familial. En effet, la famille (principalement représentée par les parents) est
le facteur à l’origine des différences entre les sexes majoritairement cité : le papa et la maman
semblent jouer un rôle direct et indirect – soit à l’aide de vecteurs de socialisation – sur
l’enfant. Il existe, d’une part, des différences au niveau de l’éducation (relevées par la moitié
de nos sujets). Jeff résume, de manière assez ironique, mais intéressante, sa vision de la
socialisation différenciée par les parents en fonction du sexe du bébé:
Voilà « ahh c’est un garçon » bon tiens, habillons-le en bleu d’abord, donnons-lui une
voiture pour s’amuser, voilà tiens, tiens une voiture, allez broum broum, allez accident,
« super ! ». Pis après « ohhh ah voilà une petite sœur », ok bon tiens un petit nœud dans
les cheveux tout rose, « super, t’es mignonne, t’es trop mignonne, ah t’es coquette ? »,
tiens, tiens on va te donner un autre bébé en jouet, allez occupe-toi de lui, donne-lui le
biberon, « hmmm superbe. Il a fait caca ? Ok va le changer » (l. 328-333).
Nous percevons à quel point l’éducation semble être stéréotypée à ses yeux. Toutefois,
Caroline, mère de famille, nuance ces propos en affirmant que cette influence est, à son avis,
involontaire : « même si on ne veut pas, je pense qu’automatiquement on va pousser les
enfants […], oui on les influence même si on ne veut pas, on entre dans ce jeu-là […] on le
fait par l’éducation, une fille ou un garçon, on ne l’éduque pas de la même manière » (l. 541554). Dans le même ordre d’idée que Jeff, nous tenons à relever la pertinente prise de
conscience de Francine durant l’entretien au sujet de la connaissance du sexe de l’enfant à la
naissance et même avant :
98
Est-ce qu’on fait depuis la naissance la différence ? […] Si on réfléchit bien, pourquoi
les gens veulent savoir si c’est une fille ou un garçon ? […] Donc il n’y a pas l’égalité
si on veut savoir si c’est une fille ou un garçon, si c’était égal on s’en foutrait de savoir
si c’est une fille ou un garçon. Déjà on veut même savoir avant la naissance (l. 398402)
L’assignation du sexe à la naissance, voire même avant – rendue possible par l’échographie –
semble donc être importante. Nous rejoignons ici ce que bon nombre de chercheur-euses ont
démontré. D’autre part, les parents semblent aussi jouer un rôle direct particulièrement au
niveau des interactions, à travers les renforcements et leurs réactions entre autres. Gertrude
s’exprime ainsi au sujet des renforcements : « Que font les parents ? T’es une fille, tu dois
faire de la danse. T’es un garçon, tu dois faire du foot » (l. 360-361). Dans la même optique,
« t’es un homme tu ne pleures pas, voilà je trouve que c’est tout à fait l’éducation ça »
(Caroline, l. 485-486). Les attentes des parents peuvent d’ailleurs aussi fonctionner selon
l’effet Pygmalion. Gertrude mentionne ainsi que « s’ils disent à un enfant « ah de toute façon
dans la famille on a toujours été nul en math, il n’y a aucune raison que tu sois doué en
math », il n’y a effectivement aucune raison qu’en classe il se donne de la peine en math »
(l. 377-380). Par ailleurs, selon la moitié de nos sujets, les géniteurs-trices font aussi office de
modèles pour l’enfant, que ce soit à travers l’image qu’ils véhiculent ou de ce qu’ils en
disent :
Dans une famille il y a quand même un papa, il y a une maman et en principe, ils ne
sont pas en même temps en train de faire les mêmes choses. Des fois, ils ont des métiers
différents, des fois, il y a des mamans qui restent à la maison, donc il y a des images qui
sont de toute façon véhiculées (Luigi, l. 494-497).
De même, Gertrude affirme : « les origines des différences, peut-être parce qu’à la maison ils
entendent ça » (l. 370). Finalement, dans l’environnement familial, les enfants sont aussi
influencés selon leur sexe à l’aide de vecteurs de socialisation, tels que – par ordre de
fréquence dans les propos de nos sujets – les jouets, les habits ou les couleurs. L’exemple de
Jeff susmentionné était assez éloquent à ce sujet.
La société semble être, pour la plupart de nos sujets, le second facteur à l’origine des
différences de sexe. Néanmoins, relevons qu’il est difficile de cerner qui de l’environnement
familial ou de la société joue un rôle majeur sur l’enfant, les deux éléments paraissant se
combiner et s’influencer mutuellement. C’est d’ailleurs probablement dans cet ordre d’idée
que Gertrude nous parle de « contexte » (l. 400). Toutefois, la société s’avère jouer un rôle
indirect sur l’enfant au travers de vecteurs identiques à ceux du milieu familial – jeux ou
99
jouets, habits et couleurs – ou les médias. A ce sujet, les enseignant-es citent, par ordre
d’importance, l’influence de la télévision, de la littérature jeunesse et de la presse, puis des
clips vidéos ainsi que de la publicité et enfin d’Internet et des jeux vidéo. Il semblerait que ces
nombreux éléments véhiculent des images différenciées des garçons et des filles. C’est dans
ce sens que Luigi soutient :
Il y a les images que les sociétés donnent des hommes et des femmes, certainement qui
les influencent […] le balèze musclé pour l’homme et la jolie poupée pour la femme
(l. 483-486).
Quant à Sophie, elle estime que ces images proviennent des différents médias : « l’image que
renvoie la société […] toutes les images que les enfants ont à leur disposition à la télé, dans
les jeux vidéo dans les livres » (l. 391 + l. 401-402). De plus, la société semble, de manière
plus directe, dicter des normes ou codes genrés, propres aux garçons et aux filles :
Tout ce qu’elle inculque : les filles faut jouer avec les barbies […] les garçons faut
jouer avec les voitures, les LEGO techniques, donc effectivement la société peut
orienter (Gertrude, l. 382-384).
De manière plus explicite, Luigi affirme que « c’est […] des sortes de normes qui se mettent
en place, des sortes de codes, ce n’est pas dit qu’elles n’aimeraient pas courir tout le temps
quoi » (l. 406-408). A son avis d’ailleurs « il y a certainement un code de conduite qu’on
demande aux hommes et puis un code de conduite informel qui est demandé aux femmes »
(l. 499-500).
De manière évidente, même si peu mentionnés de manière spontanée, les aspects biologiques
jouent aussi un rôle pour certains de nos sujets. Toutefois, ici, l’hétérogénéité des
représentations des enseignant-es est flagrante. Une minorité considère les aspects génétiques
comme étant à l’origine de la grande majorité, voire de toutes les différences. Ainsi, Bill
prétend que « le plus grand facteur est dans les gènes, il est dans le cerveau, dans le
fonctionnement du cerveau » (l. 594-595). Dans la même optique, Jimy soutient :
Il y a une différence génétique […] c’est une différence qui a toujours existé et qui fait
que voilà, pour les jeux, pour les observations, pour l’école, pour tout, cette différence
est toujours là. Pourquoi un garçon fait ça et pas une fille ? Pourquoi une fille fait ça et
pas un garçon ? Ces différences existeront toujours (l. 461-463).
Néanmoins, nous ne souscrivons pas aux théories essentialistes, affirmées chez Bill,
probablement intériorisées suite à la lecture ou à la connaissance d’une ou plusieurs
100
vulgarisations scientifiques dont nous avons parlé dans notre problématisation. En effet, il
certifie : « on le sait d’après des études que les cerveaux féminins et masculins ne
fonctionnent pas la même chose » (l. 401-402). Cette vision de la différence pourrait avoir des
conséquences désastreuses sur ses représentations des garçons et des filles : « biologiquement
parlant pour moi dans le cerveau, une femme réfléchit comme une femme et elle va plus
facilement s’orienter vers des métiers sociaux et de la santé […] » (l. 123-126). Ces théories
naturalistes ont un poids tel à ses yeux que, bien qu’ayant connaissance d’autres facteurs
pouvant influencer les garçons et les filles, il les considère comme bien moins pertinents:
« c’est vrai que maintenant qu’on m’y a fait penser, c’est sûr qu’il y a peut-être la littérature
jeunesse qui entre en jeu ou peut-être la télévision ou les dessins animés et tout ça, mais […]
est-ce que vraiment ça influence ? Franchement je ne pense pas » (l. 448-452). Quant à Jimy,
il évoque, après un certain temps, des différences au niveau de l’éducation, mais sans
réellement en relever l’importance. A titre d’exemple, évoquant le cas de son fils qu’il
généralise, il affirme « on ne leur a pas appris par rapport au fusil, mais ils trouvent un bout
de bois […] puis ils font un fusil quoi, on ne leur a pas appris comment il fallait faire, on
dirait que c’est inné chez les garçons » (l. 393-395). Par ailleurs, la moitié des enseignant-es
estiment que les aspects biologiques ne jouent qu’un rôle restreint principalement au niveau
physique, soit au niveau de la masse musculaire ou comme base de développement. Nous y
reviendrons lorsque nous aborderons la théorie de la plasticité cérébrale (Vidal, 2006, 2010,
2012). Finalement, une enseignante ne considère pas ces aspects biologiques comme à
l’origine des différences alors qu’un autre, par ignorance avouée, ne se prononce pas.
Il est intéressant de relever l’interrogation de quelques enseignant-es concernant l’influence
de l’inné versus celle de l’acquis. En effet, ils/elles semblent ne pas avoir d’avis tranché sur la
question. Ainsi, Gertrude avoue « je ne sais pas dans quelle mesure c’est appris ou bien c’est
inné […] je pense qu’il y a une part des deux » (l. 313-315), tout comme Luigi relève « je n’ai
aucune idée. Je ne sais pas si c’est hormonal ou bien si c’est un code de conduite » (l. 464).
La vision de Caroline est particulièrement éloquente à ce sujet :
Est-ce que le cerveau est différent […] parce qu’on nous fait faire des choses différentes
à la base ou il est physiologiquement différent ? […] L’inné et l’acquis quoi… si tu
prends un cerveau scientifiquement et que tu décortiques quand tu nais, est-ce que c’est
réellement différent une fille ou un garçon ou c’est après, le fait que la société a dévolu
plutôt certaines tâches, certaines compétences qui en font des cerveaux un petit peu
différents ? (l. 464-470).
De manière moins directe, certain-es enseignant-es mentionnent aussi l’influence de l’école:
sans entrer dans les détails, Jeff nous parle de « collègues qui sont peut-être moins
101
égalitaristes » (l. 348-349) que lui et Caroline de « l’influence de l’école » (l. 535) dans le
développement de compétences « moindres au départ » (l. 538). Quant à Sophie, elle illustre
le rôle de l’école à travers un intéressant exemple d’autoréalisation de la prophétie :
En tant qu’enseignant, je pense que si on dit « ah tu es une fille tu n’es pas capable… »
[…] ça créer des inégalités. « Ah je suis une fille, alors je n’arrive pas à le faire, c’est
normal que je n’arrive pas à le faire, si je suis une fille » (l. 395-398).
Nous reviendrons sur le rôle de l’enseignant-e plus tard. Par ailleurs, Jeff est le seul
enseignant à mentionner l’influence des pairs qui « se co-formatent » (l. 353).
Des conceptions des différences de sexe hétérogènes
Les représentations de l’ensemble des enseignantes ainsi que de Jeff semblent se rapprocher
de la perspective constructionniste. En effet, ces individus citent le rôle prépondérant des
parents ainsi que de la société dans la socialisation différenciée des enfants selon leur sexe.
De plus, ils considèrent tous que les aspects biologiques ne sont que peu, voire pas influents
du tout. Par ailleurs, relevons que trois d’entre eux tiennent des propos proches de la théorie
de la plasticité cérébrale (Vidal, 2006, 2010, 2012). Pour rappel, celle-ci considère que le
cerveau se modèle et se structure en fonction des expériences et de l’apprentissage. Dans ce
sens, Caroline soutient :
La biologie est une base, après à mon avis tu peux l’améliorer, tu peux la modifier, il
n’y a jamais rien de définitif, surtout chez un bébé. Tu pars avec une base et tu peux
développer […] je ne pense pas que ce soit définitif à la naissance (l. 528-531).
Quant à Jeff, évoquant les différences de compétences entre les enfants, il affirme qu’« à la
base, ils n’ont pas de compétences différentes non […] après, peut-être qu’ils développent des
compétences différentes » (l. 320-321). Dans le même ordre d’idée, Sophie suppose que les
compétences se développent chez les jeunes en fonction de leurs affinités. Une telle vision des
différences de sexe laisse à notre avis présager d’une attitude ouverte et optimiste envers
l’égalité des sexes, considérant que les différences ne sont pas immuables.
A l’opposé, Bill et Jimy semblent se rapprocher d’une conception essentialiste des différences
de sexe. Bien que relevant – non pas de manière spontanée – les rôles que pourraient
éventuellement jouer les médias (Bill, l. 449-450) ou l’éducation (Jimy, l. 471-472), ils
insistent sur l’importance des facteurs biologiques, tels que les gènes ou le cerveau. Pour ces
enseignants, l’égalité des sexes n’est probablement pas une thématique importante, les
différences entre les sexes étant naturelles, donc immuables.
Finalement, il est difficile d’attribuer une conception à Luigi qui ne s’est pas clairement
102
positionné dans le débat inné-acquis. Néanmoins, quelques indices nous font supposer qu’il se
rapproche davantage de la perspective constructionniste, en évoquant les images de la société
(l. 483), certains vecteurs de socialisation – la publicité, la télévision et les clips vidéo (l. 488)
– ainsi que le rôle des parents en tant que modèles pour l’enfant (l. 492-498), comme facteurs
susceptibles d’influencer le comportement des garçons et des filles.
Le système scolaire face aux différences de sexe : dédouanement de la responsabilité et
idéalisme
Avant de saisir la pertinence de la problématique de l’égalité dans la pratique enseignante, soit
d’identifier le rôle joué par l’école dans l’accentuation ou l’atténuation des différences, nous
avons, dans un premier temps, cherché à connaître la représentation des enseignant-es en
matière de socialisation primaire de l’enfant, à travers le cercle familial. Alors que nos sujets
considèrent avoir été éduqués de manière (plutôt) égalitaire ou que la variable sexe n’avait
que peu d’importance dans la famille (cf. Sensibilisation à la thématique de l’égalité quasi
inexistante dans le milieu familial), l’ensemble des membres de notre population estime que
les garçons et les filles sont élevé-es différemment. Ils relèvent d’une part, l’influence de
vecteurs de socialisation indirects tels que les jouets, les habits et les activités ou, dans une
moindre mesure, les couleurs et d’autre part, les différences issues de l’éducation –
principalement de la liberté concernant les sorties – et des interactions, telles que les
renforcements. Toutefois, pour une minorité, cette différenciation selon le sexe de l’enfant
semble involontaire. Les enseignant-es considèrent-ils/elles néanmoins la problématique de
l’égalité dans la pratique enseignante comme pertinente ? Estiment-ils/elles être en partie
responsables de ces différences ? La socialisation secondaire par l’école peut-elle jouer un
rôle positif ou non au niveau de l’égalité ?
Les représentations des enseignant-es au sujet de l’accentuation des différences entres garçons
et filles sont passablement hétérogènes. Nous pouvons catégoriser nos sujets en trois groupes :

le système scolaire renforce les différences

le système scolaire n’a aucune influence sur les différences

le corps enseignant a une influence sur les différences.
En ce qui concerne la première catégorie, Luigi affirme que « le système scolaire […]
convient moins aux garçons qu’aux filles » (l. 549-550) en mettant l’accent sur certaines
compétences telles que la collaboration et la constance qui les desservent. Caroline, de
manière un peu plus vague, se rapproche de cette idée, mais en la généralisant à l’ensemble
des élèves : « on n’a peut-être pas développé toutes les compétences pour que tout le monde
ait les mêmes chances » (l. 572-573). Quant à Jeff, bien que cela semble être peu
103
problématique à ses yeux, il soutient que si les enseignant-es n’y prêtent pas attention, les
différences sont accentuées au niveau scolaire, dues au « co-formatage » des élèves. Ainsi,
dans ces trois cas, l’enseignant-e ne semble pas directement responsable du renforcement des
différences entre garçons et filles : c’est soit le système scolaire dans son ensemble, soit les
élèves par leur influence réciproque qui en sont incriminés.
A l’exception de Jimy, les enseignant-es de la deuxième catégorie (Bill et Francine) ne sont
pas en mesure d’étayer leurs propos : de manière assez idéaliste, celui-ci estime qu’« au
niveau des programmes […] tout est fait pour qu’il y ait une égalité entre sexes » (l. 477478).
Une minorité met en évidence le rôle-clef joué par l’enseignant-e dans l’accentuation ou non
de ces différences. Pour Gertrude :
Tout dépend de l’enseignant. C’est aussi lui qui forme sa classe […] il peut avoir une
sacrée influence en disant « les garçons sont plutôt destinés à faire des métiers comme
ça, les filles plutôt des métiers comme ça », mine de rien, les paroles d’un enseignant
c’est quand même quelque chose d’important, c’est une personne qui est quand même
avec l’enfant 6 à 8 heures par jour (l. 435-440).
Tel que Rutter et al. (1979), elle souligne donc l’influence de l’enseignant-e et l’importance
de ses paroles en regard du temps passé par les élèves dans la classe. Sophie est à ce sujet, à
peu près sur la même longueur d’onde que sa collègue: « ça dépendra de l’enseignant après,
comme il gère sa classe, comment il traite ses élèves, s’il dit « les garçons vous faites ça, les
filles vous faites ça », voilà, il y aura de grosses différences […] ça dépend de sa
personnalité, de sa façon d’enseigner » (l. 429-432). Cette vision de l’enseignant-e est
relativement proche de celle de Grossenbacher (2006) : « les enseignants jouent un rôle
central […] en tant que personnes, car ils contribuent à structurer l’enseignement et la vie
scolaire » (p. 35).
Nous avons enfin examiné l’influence du système scolaire en matière d’atténuation des
différences de sexe. A l’unanimité, toutes et tous affirment que le système scolaire pourrait –
dans l’idéal – atténuer les différences entre garçons et filles. La plupart affirment d’ailleurs
que c’est déjà le cas actuellement, de part la responsabilité de l’enseignant-e – par des petites
tâches atypiques ou la remise en question des rôles lors de discussions – ou de part la situation
de mixité, garantie d’une égalité de traitements ou des chances… Luigi ne partage toutefois
pas cette dernière opinion : à ses yeux, le système scolaire n’atténue pas les différences.
Permettre aux garçons « d’être impulsifs et de ne pas être constants » (l. 569-570)
104
constituerait une solution. Quant à Caroline, bien que positive à ce sujet, elle ignore comment
le système scolaire pourrait atténuer les différences.
Bilan de la conception des différences de sexe
Selon les enseignant-es, il existe bien des différences biologiques, sociales, psychologiques et
scolaires entre les garçons et les filles. Il ressort particulièrement qu’à l’école, les filles
semblent davantage correspondre à la norme scolaire (De Boissieu, 2007 ; Rouyer, 2007). Le
regard de nos sujets est-il biaisé par l’omniprésence (et l’omnipotence) des stéréotypes de
sexe ou est-ce vraiment le cas ? Selon Rossi-Neves et Rousset (2010) « des travaux dans le
champ de l’éducation […] montrent que les filles sont plus « formatées» par l’école et plus
conformes au métier d’élève » (p. 134). Quoi qu’il en soit, les membres du corps enseignant
ont ainsi de nombreuses attentes au sujet de leurs élèves-filles et élèves-garçons qui,
manifestement, diffèrent, d’où des pratiques vraisemblablement aussi différenciées. Toutefois,
cet « aveuglement » empêche leur identification. Bien que les différentes études existantes
avancent une constitution d’un rapport au savoir différenciée selon le sexe des élèves, les
membres de notre population d’enquête infirment majoritairement cette conclusion, tout
comme l’existence de compétences intellectuelles distinctes.
Le rôle direct et indirect de l’environnement familial, ainsi que du contexte social à travers ses
différents vecteurs constitue le principal facteur de différenciation filles/garçons. Malgré des
représentations hétéroclites quant à l’influence des facteurs biologiques, ces derniers
paraissent, dans l’ensemble, moins importants. Quant au milieu scolaire, peu cité, il ne semble
pas revêtir une importance particulière. Au sujet du rôle des enseignant-es, nous pouvons
d’ores et déjà affirmer que la plupart cherchent à se déresponsabiliser en ce qui concerne
l’éventuelle accentuation des différences de sexe par l’école en les ignorant ou en rejetant la
faute sur d’autres facteurs ; ils/elles font de plus preuve d’un certain idéalisme quant à
l’atténuation de celles-ci par le système scolaire. Nos résultats se rapprochent de ce qu’avance
Plateau (2011) suite à une expérience de sensibilisation des enseignant-es d’une école à
l’égalité des sexes: « tout se passe comme si, en attribuant les différences et stéréotypes à des
agents extérieurs à l’école, les enseignants élaboraient une stratégie (inconsciente)
d’exonération qui les dégagerait du même coup de toute responsabilité par rapport au
sexisme ».
4.5. Formation enseignante
A notre avis, la formation initiale influence en partie les représentations enseignantes de la
différence des sexes et de la thématique de l’égalité. En effet, elle est susceptible de
développer chez nos sujets un certain degré de sensibilisation à cette problématique. Suite à
105
l’historique et l’analyse respective du contenu de la formation enseignante de l’EN et de la
HEP, nous avons constaté qu’à l’inverse de cette dernière, l’EN ne dispensait aucune
formation en lien avec l’égalité des sexes (Périsset, 2012). Quant à la HEP, bien que
proposant une certaine ouverture à la problématique genre au travers d’une formation
sociologique, nous pensons qu’elle n’intègre néanmoins pas encore suffisamment de
sensibilisation à l’égalité des sexes. En cause, la brièveté de cette formation spécifique et la
simplification des informations, ainsi que le fait qu’elle ne soit pas focalisée sur la seule
dimension genre, mais prend aussi en compte le milieu social et l’origine culturelle. Nous
identifions d’abord le degré de sensibilisation à la problématique de l’égalité des sexes dans
leur formation respective avant de nous pencher sur leur perception de l’utilité d’une telle
éducation dans le milieu scolaire primaire. Dans le même ordre d’idée, nous cherchons à
déterminer leur connaissance et utilisation d’outils et matériel spécifiques à une telle
éducation. Enfin, nous voulons connaître leur position vis-à-vis d’une offre de cours de
perfectionnement en lien avec la thématique de l’égalité des sexes. Nous formulons
l’hypothèse que les représentations des enseignant-es seront fonction de leur formation
initiale.
Une légère sensibilisation à la thématique de l’égalité des sexes chez les « jeunes »
Nous avons analysé, d’une part, l’intégration de la thématique d’« égalité des sexes » dans le
parcours de formation pédagogique initiale ainsi que son efficacité et, d’autre part, l’adhésion
des enseignant-es à cette problématique. Tel qu’attendu, un clivage sépare les jeunes
enseignant-es des plus âgé-es : alors que tous les sujets formés à la HEP estiment avoir été
sensibilisés à cette thématique, ceux ayant suivi une formation à l’EN affirment n’en avoir
jamais entendu parler. L’historique et l’analyse du contenu de la formation enseignante
effectués en début de problématisation (Périsset, 2012) confirment ce constat. Caroline
témoigne d’ailleurs :
Ce n’était pas un sujet qui était traité à l’époque […] je viens quand même d’une
époque où les filles et les garçons étaient séparés, donc déjà on n’était pas mixte […] la
question ne se posait pas, c’était les filles d’un côté, les garçons de l’autre (l. 584-594).
Focalisons-nous donc sur ces jeunes enseignant-es et analysons leurs représentations
respectives. Bien que sensibilisés au travers d’un cours de sociologie (qu’ils évoquent tous
d’une manière ou d’une autre), ils relèvent que cette thématique a plutôt été abordée: Jeff
affirme que « ce n’était pas un long thème […] un gros thème, c’était plus un moment sur les
trois ans » (l. 413-414). Dans le même ordre d’idée, Bill parle de « petite tranche pour le
concept de genre » (l. 524). Gertrude soutient : « il me semble pas qu’on ait passé des heures
106
là-dessus. On en a parlé pendant ce cours-là, mais après » (l.469-470). Quant à Sophie, elle a
l’impression que « ça n’a pas eu une très très grande importance » (l. 442). Qu’en ontils/elles donc pour autant retenu? De manière encourageante, toutes et tous mentionnent l’un
ou l’autre aspect du cours susmentionné : Jeff évoque la socialisation différenciée dès le
berceau (l. 410-411), Bill la littérature jeunesse susceptible de créer des inégalités (l. 504505), Gertrude la collection de livres « Lab-elle » (l. 465-466) et Sophie – bien qu’avouant,
dans un premier temps, ne pas se souvenir de grand-chose – le document « s’exercer à
l’égalité » (l. 471). Par ailleurs, deux enseignants gardent un bon souvenir de cette thématique
dans leur cursus de formation pédagogique : alors que Bill parle de « thématique […] très
captivante » (l. 498-499), Jeff assure avoir été « marqué » (l. 409) par ce thème. Voici ce qu’il
nous en dit :
C’est quand même un sujet qui parle à tous parce que justement on est tous soit garçon,
soit fille donc par défaut, j’ai l’impression qu’il nous parle quand même plutôt bien.
C’est quelque chose de concret, qu’on connaît tous d’une manière ou d’une autre
(l. 418-421).
Néanmoins, quelques enseignant-es témoignent de résistances à l’égard de cette thématique.
D’une part, Gertrude avoue avoir été quelque peu dérangée par celle-ci : « J’ai fait exprès de
jouer la grosse rustre parce que ça m’énervait autant de féminisme (rire) » (l. 459). D’autre
part, Sophie doute de la pertinence d’un tel thème à l’heure actuelle : « Je pense qu’on n’a pas
besoin d’aborder cette thématique, parce que […] ce n’est pas nécessaire, chacun est comme
il est et puis on doit traiter nos élèves de la même façon et ça, moi je pense qu’on le sait »
(l. 446-448). En effet, elle estime que « maintenant c’est rentré dans les mœurs […] que la
femme a les mêmes capacités et doit être traitée de la même façon [que l’homme] » (l. 459460). Enfin, Bill semble même douter du bien-fondé des connaissances acquises à ce sujet :
« C’est peut-être un endoctrinement le cours qu’on a reçu parce que je suis sûr que les
gamins ils ne s’en portent pas plus mal […] on nous dit, que ce soit vrai ou pas, il y a des
études qui le prouvent toujours, on nous dit, à cause de ça […] on crée des inégalités
hommes-femmes » (l. 260-267). Toutefois, bien que cela puisse paraître contradictoire avec les
propos évoqués ci-dessus, il nous semble intéressant de relever l’importance de cette
sensibilisation. Jeff et Bill semblent être sur la même longueur d’onde : le premier affirme que
les enseignant-es sorti-es de la HEP sont plus sensibilisé-es à cette thématique que les autres
(l. 466-467) tandis que le second est persuadé que « c’est des collègues qui sont beaucoup
plus âgés que moi, qui n’ont pas suivi les mêmes cours que moi, et je me dis que s’ils avaient
suivi les mêmes cours que moi, ils ne feraient pas ça » (l. 258-260). A ses yeux, la prise de
107
conscience s’avère ainsi essentielle pour modifier sa pratique et, probablement, éviter
d’accentuer les différences entre les sexes à l’école:
Si on n’a pas mis ça en lumière, qu’on n’a jamais remis en question ce genre de
procédures, pourquoi on les changerait ? (Bill, l. 269-279).
Ses propos rejoignent ceux de Pasquier (2010) : « qui ne se sent pas concerné-e par les
questions de genre risque donc de les ignorer durant toute sa carrière » (2010, p. 63).
Dans un deuxième temps, nous avons voulu savoir si les membres du corps enseignant avaient
bénéficié d’une éducation à l’égalité des sexes à proprement parler au sein de leur formation.
En effet, une telle formation nous semble indispensable pour être à même d’en dispenser une
à ses élèves. A ce sujet, les représentations des enseignant-es sont relativement homogènes :
la plupart certifient ne pas en avoir eu une. Quant aux sujets restants, répondant par
l’affirmative, les éléments mentionnés portent à penser qu’ils ne relèvent pas d’une telle
éducation.
Une vision peu favorable de l’éducation à l’égalité des sexes à l’école primaire
Quelle est la pertinence d’une éducation à l’égalité des sexes pour les élèves à l’école
primaire ? Les représentations sont très hétérogènes. La moitié semble être plutôt favorable à
une telle éducation, mais sous certaines conditions. Elle devrait se faire uniquement en
fonction des besoins des élèves ou en cas de problèmes. Sophie soutient ainsi que « ça doit se
faire au cas par cas […] dans le sens où ça ne sera pas forcément tous les enfants dans toutes
les classes, il faudra aborder cela si de gros problèmes surviennent entre quelques élèves, des
choses comme ça, vraiment au cas par cas » (l. 483-487), soit une éducation « ciblée » (l.
491). Caroline est dans la même optique, estimant qu’une éducation à l’égalité des sexes doit
se faire « lorsqu’il y a eu un problème au coup par coup » (l. 618). Quant à Gertrude, elle
pense :
Il faut toujours partir du besoin des élèves et de la classe […] si tout à coup je
remarque qu’il y a un besoin, après je vais en parler c’est clair, je mets en place les
choses […] s’il n’y a pas le respect entre les garçons et les filles (l. 486-491).
En effet, cela dépend à ses yeux de l’éducation et des valeurs reçues au sein du milieu
familial. Toutefois, notons que certaines jugent nécessaire de le faire pour des raisons
religieuses et/ou culturelles. Voici ce que nous en dit Sophie au sujet de ses élèves de religion
musulmane : « je pense qu’on a dans notre rôle d’enseignant à les éduquer à l’égalité, au fait
que dans la société suisse, la femme doit être traitée de la même façon qu’un homme » (l.
188-191). Dans le même ordre d’idée, Caroline prétend qu’« en ayant des religions et des
108
pays mélangés, peut-être qu’un cours comme ça, ça passerait pas mal, au vu de l’éducation
que doivent recevoir certains élèves » (l. 610-612). D’autre part, plus de la moitié des
individus de notre panel, dont un seul a exprimé une vision défavorable de la chose, relèvent
ou laissent entendre qu’une telle éducation ne doit en tout cas pas devenir obligatoire « sinon
on va faire que des trucs comme ça, on peut faire un cours d’éducation routière par semaine,
un cours de dégustation pour les goûts, un cours justement autour des problèmes de genre, et
cetera, enfin il y a plein de trucs qu’on pourrait mettre à l’école » (l. 443-445), « je pense que
l’école n’est pas un fourre-tout » (Jeff, l. 509-510) ! Dans la suite de cette idée, Sophie
certifie qu’il ne faut « pas imposer cela dans le cursus scolaire, il y a déjà bien assez ! » (l.
487). Et Gertrude, de rajouter : « il y a aussi tout un programme » (l. 492-493). Par ailleurs,
une minorité d’enseignant-es s’interroge quant au rôle des parents en la matière : « Je pense
que c’est aux parents en premier lieu à éduquer leurs enfants, alors que j’ai souvent
l’impression de me substituer à eux » (Jeff, l. 509-511). Francine va même plus loin en
attestant de la nécessité, en premier lieu, d’« éduquer les parents à l’égalité des sexes » (l.
452), voire même « la société en général » (l. 461). En effet, à ses yeux :
Il faudrait qu’on prêche l’égalité […] déjà dans toute la société, qu’on prenne les
adultes, les enfants… toute la société. S’il n’y a qu’une partie de la société [en
l’occurrence l’école] qui essaie de prôner l’égalité, je ne sais pas si tu arrives à
quelque chose » (l. 464-467).
En définitive, ces sujets considèrent que l’école seule n’a que peu, voire pas d’influence tant
que les parents ne remplissent pas leur mission éducative: « il faut un tout, il ne faut pas rien
que certains [les enseignant-es], parce que s’il y a que certains qui font un effort dans un
domaine, ça change quoi ? » (Francine, l. 461-462). Dans le même ordre d’idée, Jeff prétend
que « l’école ne peut pas tout faire tout le temps, on est quand même là en priorité, non pas
justement pour éduquer, même si on le fait beaucoup, on est là pour seconder les parents
dans l’éducation, on est là pour former » (l. 448-450). Au final, la moitié des individus de
notre population favorable à cette éducation la considère utile à l’école primaire, selon les
besoins des élèves ou de manière ponctuelle.
A l’inverse, l’autre moitié y est défavorable. Tout d’abord, un enseignant estime que cette
thématique est inutile, l’égalité allant de soi : « c’est inutile […] je pense que ça serait plutôt
l’inverse qu’on devrait faire, c’est-à-dire aucune éducation et faire comme si c’était normal
qu’on soit égaux […] il n’y a pas besoin de dire « regardez on est la même chose », enfin moi
ça me fait rire ça. Je trouve ça absurde, vraiment absurde » (Bill, l. 527-531). Pour une
minorité d’enseignants, celle-ci risque d’ailleurs même d’être contre-productive ! Bill certifie
109
ainsi que « plus on va la [la différence] mettre en avant, plus le fossé va se creuser » (l. 568).
De même, Luigi estime :
Le fait de devoir éduquer les gens à être égaux, c’est dire « je ne respecte pas la
différence qui est chez les autres ». Si c’est ça l’apprentissage de l’égalité, ce n’est pas
juste (l. 590-592).
Jimy, de manière plus optimiste, mais idéaliste, considère que l’égalité des chances et des
moyens étant effective entre les élèves de l’enfantine à la fin de la scolarité, une telle
éducation n’a pas lieu d’être. Quant à Francine, pour les raisons évoquées ci-dessus, elle ne
semble pas y être favorable : « Si moi je prône l’égalité, qu’il faut […] veiller à l’égalité à
l’école, et qu’autour il n’y a personne qui fait quelque chose, ça sert à quoi ? » (l. 480-482).
De manière évidente, ces enseignant-es ne jugent ainsi pas qu’une éducation à l’égalité des
sexes à l’école primaire soit pertinente.
Par ailleurs, comme mentionné en début d’analyse, nous retrouvons quelques individus
considérant que le respect des différences est plus important que l’égalité : « Plutôt que de
parler d’égalité il faut parler de respect » (Gertrude, l. 497). Dans le même ordre d’idée, Jimy
estime qu’« on essaie de gommer toutes les différences par le respect de la personne »
(l. 506-507). Finalement, Luigi témoigne qu’« il faut apprendre aux gens à se respecter en
tant qu’êtres simplement et puis à ce moment-là, l’inégalité qu’il y a de toute façon entre les
sexes est un enrichissement et pas quelque chose d’inégalitaire. C’est une richesse, mais pas
un déficit […] l’apprentissage du respect, ça doit être quelque chose qui doit être pour tout »
(l. 586-593). Nous retrouvons à travers ces propos l’« approche « pro-diversité » (nos
différences nous enrichissent) » (p. 40) de Sensi et Manço (2010).
Rappelons à ce sujet que le milieu scolaire ne semble pas avoir le monopole sur les élèves. En
effet, d’autres éléments entrent en jeu et peuvent influencer le regard de l’enfant vis-à-vis de
l’égalité des sexes (cf. Sources d’influences sur l’in-égalité extérieures à l’école) : le milieu
familial, la religion, le rôle des pairs, sa génération ainsi que la société et ses différents
vecteurs de socialisation. De ce fait, il est relativement compréhensible que certain-es
enseignant-es aient une position orientée vers le défaitisme et émettent quelques doutes face à
la réelle emprise d’une éducation à l’égalité des sexes à l’école primaire. Illustrons cette
perplexité à l’aide de propos de trois enseignant-es. Tout d’abord, Jeff, conscient de la
primauté de la socialisation primaire sur les enfants affirme :
Pendant 4 ans quand même ils ne vivent qu’avec leurs parents. Ils ont beaucoup
d’influence. Puis après est-ce que ce n’est pas déjà trop tard ? Parce que c’est vrai
110
qu’une fois qu’on les voit à l’école, ils sont déjà bien formatés dans leur rôle. Alors
après de les dé-formater c’est difficile (l. 336-339).
Dans le même ordre d’idée, Caroline soutient qu’« on peut donner notre point de vue, une
certaine image, mais si à la maison c’est le contraire qui est dit, je dirais qu’on est quand
même limité dans ce qu’on enseigne, dans ce qu’on montre par rapport à l’égalité » (l. 315317). Quant à Bill, évoquant les métiers typiques de chaque sexe, il estime : « il y a des
métiers qui sont marqués […] et ce n’est pas une journée en 6ème primaire sur le thème « osez
tous les métiers » qui va bousculer cela » (l. 116-118). Ainsi, à leurs yeux, l’influence de
l’école vis-à-vis de cette égalité ou inégalité des sexes est limitée et dépend d’autres facteurs,
bien plus influents.
Peu d’apport du matériel didactique en lien avec cette thématique
Existe-t-il du matériel pédagogique permettant de dispenser une éducation à l’égalité des
sexes ? Un clivage apparaît à nouveau entre les jeunes enseignant-es et les plus expérimentées. Alors que les premiers considèrent avoir du matériel à disposition, l’ensemble des
membres du second groupe estime ne pas en avoir et/ou ne jamais avoir utilisé de matériel
didactique à ce sujet. Comme relevé précédemment, nous mettons ces résultats distincts en
lien avec la formation initiale suivie. Intéressons-nous donc plus particulièrement aux
enseignant-es formé-es à la HEP. D’une part, tous et toutes sont capables de citer un outil,
comme les documents de l’« école de l’égalité » (Jeff et Bill) – mais sans en connaître le nom
– la série de livres « Lab-elle » (Gertrude) ou le document pédagogique « s’exercer à
l’égalité » (Sophie). De manière paradoxale, Francine, qui pensait ne pas en disposer, cite
l’existence d’un CD présentant l’histoire de jeunes hommes et femmes exerçant des métiers
atypiques. Tous ces instruments existent, mais ne sont pas pour autant utilisés. C’est
uniquement dans le cadre de la journée « Osons tous les métiers » et non de manière
spontanée que trois d’entre eux l’ont fait. Jeff avoue d’ailleurs :
Je ne pense pas que j’utiliserais ce genre de matériel s’il n’y avait pas une journée
obligatoire dédiée à cette thématique (l. 506-507).
Par ailleurs, ils ne portent pas le même regard sur l’apport d’une telle éducation. Pour une
minorité, celle-ci est positive, que ce soit au niveau de l’ouverture d’esprit ou de la prise de
conscience. La perception de Bill sur un de ces outils est bien plus négative et laisse entrevoir
une certaine résistance : « Il n’y avait vraiment vraiment rien du tout quoi. Et je l’avais trouvé
inutile au possible […] elle n’apportait rien […] les enfants en avaient rien à foutre et
franchement ce n’était pas plus intéressant que tant » (l. 541-550). Nous retrouvons à
nouveau l’opinion de certain-es jeunes enseignant-es considérant que l’éducation à l’égalité
111
des sexes est de trop dans le cursus scolaire, qui semble être déjà bien chargé. Ainsi, Jeff
soutient qu’« il y a assez de choses à faire avec le programme officiel » (l. 509). De même,
Gertrude affirme qu’« il y a assez d’autres choses à faire donc ne pas perdre son énergie à se
renseigner sur deux millions de choses alors qu’on va jamais en utiliser une » (l. 526-527).
De plus, d’autres arguments mentionnés précédemment sont aussi mis en évidence à une seule
reprise : le rôle des parents et la pertinence d’une telle éducation en fonction des besoins des
élèves. Finalement, il semblerait qu’indépendamment du matériel didactique mis
officiellement à disposition des enseignant-es, il soit possible de dispenser, au jour le jour, une
certaine éducation à l’égalité des sexes (mentionnée par la moitié de nos sujets), que ce soit à
l’aide de petites tâches atypiques ou de la discussion. Sophie pense ainsi :
On peut transmettre pas mal de soi, dans ce thème-là […] comment on a été éduqué, ce
qu’on pense de l’homme et de la femme, comment on les perçoit, ses représentations
(l. 494-500).
Bill nous en donne un exemple concret : « par exemple la répartition des tâches ménagères,
leur dire « mais on a deux bras, deux jambes, on peut autant bien faire que des femmes »
(l. 107-108). Les enseignant-es semblent ainsi douter du réel apport de ces documents
pédagogiques officiels : utilisation restreinte à l’obligatoire, résistances diverses et inutilité de
tels outils au jour le jour.
Non-pertinence d’une formation continue à l’égalité des sexes
Quel serait l’intérêt de mettre en place un cours de formation continue en lien avec cette
thématique ? Il nous a semblé intéressant d’évaluer l’intérêt des enseignant-es expérimenté-es,
apparemment non sensibilisé-es à cette problématique, qui auraient l’occasion de combler
certaines « lacunes » ainsi que celui des jeunes enseignant-es, en vue d’approfondir leurs
connaissances à ce sujet. Aucun des enseignant-es interviewé-es n’a actuellement suivi un
cours de formation continue de ce type et personne n’envisage de le faire. Francine pense
même qu’un tel cours n’existe pas (l. 520). Bill, vraisemblablement agacé par cette question,
répond ainsi : « Si on commence à se focaliser là-dessus, après va falloir qu’on fasse un cours
de perfectionnement de l’égalité par rapport aux cheveux : « est-ce que les enfants qui ont les
cheveux roux ils sont traités de la même façon que ceux avec les cheveux noirs en classe ? »
Pour moi c’est absurde » (l. 564-567). L’égalité des sexes semble donc être une thématique
non pertinente. Quelques enseignantes estiment qu’il existe d’autres aspects plus essentiels à
l’école. Ainsi, Gertrude affirme :
112
Je n’en ferai pas une priorité [car] il y a peut-être d’autres choses, d’autres
problématiques qui sont prioritaires […] l’égalité oui c’est un joli terme, on peut bien
en parler, mais en classe, quotidiennement, il y a d’autres choses aussi (l. 544-553).
Comme le relèvent Baurens et Schreiber (2010), « d’autres difficultés scolaires [semblent]
plus légitimes » (p. 73) que l’égalité des sexes. Dans la même optique, Sophie certifie avoir
« d’autres priorités en termes de formation continue » (l. 540) et Caroline « d’autres chats à
fouetter » (l. 637). Néanmoins, de manière optimiste, cette dernière prétend être prête à le
faire si elle se « rend compte que c’est une problématique » (l. 638) et que modifier sa
manière d’enseigner pourrait contribuer à mieux développer les compétences des élèves.
Quant aux deux enseignantes susmentionnées, elles relèvent ne pas le faire par manque de
temps.
Bilan de la formation enseignante
Un clivage net apparaît entre les enseignant-es selon la formation initiale suivie. Ainsi que
mis en évidence dans notre cadre théorique, celles/ceux ayant été formé-es à la HEP semblent
bel et bien avoir été légèrement sensibilisé-es à la thématique de l’égalité des sexes au travers
d’un cours de sociologie. Ils/elles témoignent néanmoins de certaines résistances à son égard.
Par ailleurs, personne n’a bénéficié d’une éducation à l’égalité à proprement parler, d’où une
vision réservée à son égard. En effet, les individus qui y sont favorables ne le sont qu’à
certaines conditions – éducation facultative, ponctuelle et/ou bénéficiant du soutien parental –
tandis que la majorité considère l’éducation au respect (des différences) prioritaire. Ainsi, nul
ne semble disposé à dispenser une éducation à l’égalité des sexes en classe. Cette dernière
ferait-elle donc partie de ces nouvelles missions allouées aux enseignant-es, dont parle
Moreau (2011), qu’ils/elles « ne perçoivent pas toujours comme étant de leur ressort »
(p. 35) ? Une autre explication réside dans l’influence d’autres facteurs qui paraissent limiter
le pouvoir de l’enseignant-e dans cette recherche d’égalité entre les sexes. Il/elle peut donc
douter de son emprise sur l’enfant et s’en désintéresser.
A nouveau, un clivage quasi similaire se forme au niveau du matériel didactique. Bien que
l’ensemble des jeunes enseignant-es ait connaissance d’au moins un des outils à leur
disposition dans le milieu scolaire, tous ne les ont pas pour autant utilisés. C’est d’ailleurs
dans le cadre d’une « utilisation forcée » – à comprendre obligatoire, car prescrite – qu’une
petite minorité l’a fait. A travers leurs propos, nous déduisons qu’elle semble même douter de
l’apport de tels instruments.
Enfin, la formation continue ne semble pas être une solution envisageable, car d’autres
aspects de la vie quotidienne scolaire paraissent prioritaires. Ainsi, nous inférons que les
enseignant-es ne considèrent pas vraiment l’égalité des sexes comme une thématique sensible,
113
donc prioritaire dans le milieu scolaire. Est-ce dû à leur « aveuglement aux différences de
traitement selon le sexe », tel que mis en évidence par Chaponnière (2006) et Baudino
(2008) ? Nous allons l’explorer dans le chapitre suivant.
4.6. Rôle de l’enseignant-e
Le dernier thème de notre entretien touchait à la pratiques des enseignant-es en classe. En
effet, nous avons cherché à cerner d’une part, le poids de la norme implicite d’équité (De
Boissieu, 2007) et d’autre part, l’intensité de leur « aveuglement à la socialisation scolaire
différenciée » dont ils sont les principaux acteurs. Ces deux aspects sont à notre avis,
corrélés : plus l’enseignant-e considère dispenser un enseignement neutre, moins il/elle est
conscient-e d’être différenciateur-trice selon le sexe de ses élèves. Souvenons-nous en : selon
Fontanini (2006), les membres du corps enseignant traitent les garçons et les filles de manière
inégalitaire par des mécanismes dont ils/elles n’ont pas conscience. Nous allons donc explorer
leurs pratiques pédagogiques, les relations enseignant-e/élèves et vice versa, leurs interactions
ainsi que leur rôle dans l’orientation des élèves. En ce qui concerne les interactions, nous
avons cherché à connaître leur opinion sur le langage épicène, présenté comme une solution
envisageable à l’école permettant de respecter l’équivalence des deux sexes.
Bien entendu, nous nous reposons uniquement sur les renseignements obtenus de manière
discursive. Ainsi, leur pratique est vraisemblablement différente de la réalité qu’ils/elles
décrivent (cf. La construction discursive du genre et de l’égalité). Les observations qui nous
auraient permis de confirmer ou d’infirmer leurs dires pourraient faire l’objet d’une recherche
ultérieure plus complète sur notre sujet.
Des pratiques pédagogiques neutres face à des êtres asexusés
Quel est l’impact des pratiques enseignantes sur les élèves selon leur sexe ? La plupart des
interviewé-es estiment avoir des pratiques pédagogiques neutres : « J’agis et j’interagis
exactement la même chose des deux côtés pour ne pas marquer de différences justement »
(Jimy, l. 542-545). Rappelons à ce sujet la norme implicite d’équité qui prévaut en milieu
scolaire. Néanmoins, ce constat ne semble pas forcément être généralisable: Gertrude estime
que cela dépend de chaque enseignant-e, de sa façon de voir les filles et les garçons et de son
éducation (l. 559-560). De plus, Sophie avoue néanmoins pouvoir peut-être dispenser plus
d’aide aux filles lors des travaux manuels, car elles semblent avoir plus de peine que les
garçons. A l’inverse de cette première catégorie d’enseignant-es, Jeff admet :
Sûrement que je ne suis pas totalement neutre, mais j’ai l’impression […] d’être le plus
neutre possible et je ne peux pas vous donner d’exemples où je ne suis pas neutre parce
que je ne me rends pas compte en fait (Jeff, l. 546-548).
114
Tout comme la moitié de ses collègues, il laisse sous-entendre l’éventuelle possibilité de faire
involontairement une différenciation entre ses élèves selon le sexe. Ainsi, Francine affirme
« Je ne fais pas de différence, il ne me semble pas, mais peut-être qu’on le fait
inconsciemment peut-être » (l. 200-201). Caroline s’interroge d’ailleurs à ce sujet « Il me
semble que je suis neutre, mais est-ce que je le suis réellement ? Ça c’est difficile à dire »
(l. 643-644). De même, Bill, de manière lucide, soutient « Il faudrait venir l’observer et me
dire si j’en fais [des différences] pour savoir, car j’en suis inconscient » (l. 622-623).
Le dernier de nos sujets certifie que les pratiques pédagogiques ne sont pas neutres « parce
que de toute façon ce sont des personnes différentes » (Luigi, l. 613). Toutefois, dans son
raisonnement, il affirme que ce traitement différencié l’est indépendamment du sexe de
l’élève. Comme vu précédemment, cet enseignant, ainsi que l’ensemble des membres de notre
panel d’enquête garantit, à un moment ou l’autre de l’entretien, avoir affaire à des individus
asexués ou du moins, à les considérer comme tels :
Je travaille avec des humains, je ne travaille pas avec des garçons ou des filles, pour
moi ça [la variable sexe] n’entre même pas en ligne de compte (Bill, l. 61-62).
« Ce sont des élèves et voilà, peu importe qu’ils soient filles ou garçons » (Caroline, l. 660) ;
« On n’a pas une étiquette, on a un individu, on a une personnalité, ce n’est pas une
étiquette » (Gertrude, l. 599-600) ; « Je ne fais pas de distinction entre filles et garçons »
(Jimy, l. 563-537) ; « On ne fait pas un cours pour les garçons et un cours pour les filles,
c’est un cours pour tout le monde » (Sophie, l. 555-556) ; « Je suis différent, mais je ne suis
pas différent parce que c’est un garçon ou parce que c’est une fille » (Jeff, l. 543-544) ; « Je
ne pense pas faire de différences que ce soit un garçon ou une fille » (Francine, l. 542). Nous
percevons aisément à ce niveau-là l’« aveuglement » (Chaponnière, 2006) des professionnels
de l’éducation à la socialisation scolaire différenciée entre filles et garçons, telle que mise en
évidence par de nombreuses recherches. Est-ce dû à cette « idéologie professionnelle » (DuruBellat, 2004b, p. 103) qu’est la neutralité ? Nous en reparlerons plus tard. Notons encore
l’utilisation par Luigi de filles comme « auxiliaires pédagogiques » (pour ne citer qu’une
référence : Rouyer et al., 2010) tel que vu dans notre cadre théorique. Au niveau de la
formation des groupes, il affirme : « Je trouve que les filles collaborent plus, peut-être que je
vais essayer de justement répartir les gens dans les groupes de manière à ce qu’il y ait plus
de collaboration, donc je vais peut-être utiliser les filles pour qu’il y ait de la collaboration »
(l. 624-627). De même, il atteste utiliser davantage les filles comme tutrices : « Si j’ai besoin
d’avoir de l’empathie, je vais peut-être plutôt me diriger vers une fille comme tutrice d’une
personne qui aurait plus de problèmes […] faire en sorte qu’elle donne un coup de main à
quelqu’un qui a vraiment des problèmes » (l. 634-638). Ainsi, cet enseignant dote « les filles
115
du statut d’auxiliaire didactique de l’adulte auprès des élèves en difficulté » (Pasquier, 2010,
p. 65).
Relations indifférenciées envers les garçons et les filles
Dans un deuxième temps, nous avons voulu saisir les représentations que se font les
enseignant-es des relations qu’ils/elles entretiennent avec les garçons et les filles dans leur
classe. Partant du postulat de « l’individu asexué », toutes et tous, à l’exception d’un,
affirment ne pas entretenir de relations différentes avec leurs élèves selon leur sexe. Les
différences constatées sont plutôt de l’ordre de la « personnalité » (Caroline, l. 658) ou du
« caractère » (Gertrude, l. 592) des enfants. A l’opposé, Luigi pense ne pas avoir le même
type de rapport : « J’ai vraiment l’impression de ne pas être […] la même chose avec les
garçons et les filles […] au niveau de la parole, de la manière de dire les choses, je pense que
je ne suis pas tout à fait la même chose […] j’ai l’impression d’avoir peut-être plus de
retenue avec les filles qu’avec les garçons » (l. 655-661).
Par ailleurs, bien que les relations entretenues avec leurs élèves ne soient pas différentes, une
minorité de nos sujets affirme avoir plus de difficultés avec les garçons : étant moins
scolaires, moins dociles et ayant plus d’oublis, « ça marche moins bien à l’école avec eux j’ai
l’impression » (Jeff, l. 559). Dans le même ordre d’idée, Caroline soutient qu’« il y a peutêtre plus […] de cas de garçons qui ont des problèmes de discipline » (l. 668-669). Nous
retrouvons là ce qu’ont mis en évidence Courtinat-Camps et Prêteur (2010), à savoir que les
filles ne posent pas de problème en classe, car exerçant plus facilement leur métier d’élève par
une capacité d’adaptation aux attentes de l’institution. Quant aux autres, ils/elles estiment que
ça se passe aussi bien (ou mal ?) avec les garçons qu’avec les filles à l’école. Selon Francine,
« il y a avec certains que ça ne marchera pas et avec certaines que ça ne marchera pas,
indépendamment du sexe » (l. 556-557).
Relations des élèves en fonction du sexe de l’enseignant-e
Nous avons analysé la nature des relations des enseignant-es avec leurs élèves en fonction de
leur sexe. La quasi-totalité de nos sujets considère que les filles et les garçons ont des
relations différentes selon le sexe de l’enseignant-e. Seul Bill prétend que ce n’est pas le cas.
Rappelons à ce sujet la dynamique apparaissant entre les attentes d’un enseignant-e et le
comportement des élèves (Rouyer, 2007). Nous pouvons relever trois types de propos. D’une
part, certain-es soutiennent que les filles semblent être plus proches d’une enseignante et les
garçons d’un enseignant. Ainsi, « une fille viendra plus se confier chez moi que chez un
enseignant » (Francine, l. 543). De même, Jimy atteste que, bien que ça ne corresponde pas à
son cas,
116
les filles auront plus de discussions avec une enseignante du même sexe et vice versa
(l. 565-566).
D’autre part, un petit nombre relève le « jeu de séduction » (Gertrude, l. 342) que les élèves
du sexe opposé tentent d’établir : « Les filles […] joueront plus la carte séduction avec un
homme qu’avec une femme » (Jeff, l. 566-567). A ce sujet, Gertrude pense que petits, les
élèves sont assez innocents, mais que « plus ils deviennent grands, plus ils jouent sur la
séduction, dans le sens voilà, peut-être que j’arriverais à obtenir ce que je veux comme ça »
(l. 609-610). Ainsi, cette séduction s’avère être une sorte de stratégie que les élèves du sexe
opposé à celui de l’enseignant-e développent pour obtenir certains avantages. Nous
retrouvons, de ce fait, ce qu’a mis en évidence Zaidman (1996) dans sa recherche : une
certaine connivence ou complicité de genre apparaît entre enseignant-e et élève du même
sexe, alors qu’une sorte de séduction se fait sentir vis-à-vis des élèves du sexe opposé.
Finalement, Caroline estime que certains facteurs, tels que l’éducation et/ou la religion entrent
en ligne de compte à ce niveau-là : « Je pense que déjà, à la base, la relation qu’ils ont avec
leur papa, avec leur maman, l’image qu’ils ont d’un homme et d’une femme, je pense que
dans leur tête ça influence quand même la relation avec leur enseignant si c’est un homme ou
une femme » (l. 690-692).
Interactions majoritairement similaires avec les garçons et les filles
Quelle est la nature des interactions selon le sexe des élèves ? A nouveau, la plupart des
enseignant-es interrogé-es estiment que les interactions sont indifférenciées : « Ce n’est pas
possible, enfin, un enseignant ne peut pas traiter un garçon et une fille différemment dans la
façon de lui parler quoi » (Sophie, l. 451-452). Pour justifier son propos, Jeff – tout comme
Jimy d’ailleurs, hors entretien – relève l’utilisation d’un système de répartition de la parole
équitable selon les garçons et les filles :
Quand je donne la parole à une personne, après je regarde si c’est un garçon ou une
fille […] si c’est une fille qui vient de me poser la question, je dis « voilà maintenant
laisse répondre à un garçon, enfin choisis un garçon ». Puis après fille, garçon…
comme ça je suis sûr, en tout cas au niveau du genre, que je suis assez proche du 50-50
(l. 538-542).
Ainsi, cette façon de procéder semble garantir une certaine égalité des interactions au niveau
quantitatif. Mais qu’en est-il qualitativement parlant ? Par ailleurs, nous retrouvons deux
éléments déjà mentionnés : d’une part, des allusions à ces « êtres asexués » que sont les élèves
en classe, d’autre part, des enseignant-es conscient-es de leur inconscience au niveau d’une
potentielle différenciation involontaire entre les sexes.
117
A l’inverse, une minorité affirme ne pas avoir les mêmes types d’interactions avec les garçons
et les filles. Nous nous situons ainsi davantage au niveau qualitatif : alors que Luigi pense
« avoir plus de retenue avec des filles qu’avec les garçons » (l. 661), Francine évoque l’idée
des garçons « sous-réalisateurs » de Duru-Bellat (1995, 2004b). En effet, elle prétend devoir
« plus les motiver » (l. 582) car elle aimerait « qu’ils aient des résultats à la hauteur de leur
capacité » (l. 579-580). Dans ce sens, elle sent « qu’ils ont autant de capacité que les filles »
(l. 563-564). C’est pourquoi elle souhaite « qu’ils montrent tout ce qu’ils ont… parce que les
garçons montrent peut-être moins » (l. 572-573). Ces propos sous-entendent donc que les
garçons n’exploitent pas tout leur potentiel ou ne font pas assez d’efforts à l’école.
Langage épicène à l’école primaire : inutile, voire absurde
En lien avec les interactions, quelle est l’opinion des enseignant-es au sujet du langage
épicène ? Tous ignorent le sens de ce terme et pensent n’en avoir jamais entendu parler.
Néanmoins, relevons que ceci ne signifie pas que les jeunes enseignant-es n’en ont jamais été
informé-es, mais plutôt que cette problématique du langage ne les a simplement pas marquées. Ainsi, de manière à saisir les représentations des enseignant-es, nous leur avons fait
prendre connaissance de ce qu’était le langage épicène (cf. annexes). Plus de la moitié de nos
sujets a une perception négative de ce langage spécifique : alors que Francine estime qu’il
« faut être fou » (l. 612) pour utiliser un tel langage, d’autres le qualifient d’« horrible » (Jeff,
l. 582), d’« affreux » (Bill, l. 645), de « ridicule » (Luigi, l. 699 ; Bill, l. 633) ou de
« connerie » (Gertrude, l. 629 ; Luigi, l. 691). Jeff se dit « choqué » par ce langage (l. 657)
tandis que Bill semble être révolté : « ça a été pendant 150 ans en disant « ceux », mais
maintenant en 2012, il faut dire « celles et ceux », non mais c’est n’importe quoi ! » (l. 643644). Différentes raisons sont invoquées pour justifier leur réaction négative. De manière
assez relativement majoritaire, ces enseignant-es parlent de complexification du langage, due
à l’extension de la phrase ou des redondances qu’il produit : « S’il faut encore réfléchir à ce
qu’on dit de manière à utiliser le « il » et le « elle », on ne s’en sort plus » (Gertrude, l. 654655). Une minorité prétend qu’utiliser le langage épicène mène justement à l’effet inverse,
soit à la stigmatisation des deux sexes. Luigi pense ainsi :
Dire du masculin et du féminin, c’est-à-dire de vraiment stigmatiser les deux sexes,
puisque je devrais bien montrer que dans ma classe il n’y a pas que des hommes, mais
qu’il y a des hommes et des femmes, qu’il n’y a pas que des êtres que je respecte tous,
mais il y a des « êtresses » et puis il y a des êtres et que c’est complètement différent
(Luigi, l. 696-699).
118
Dans le même ordre d’idée, Francine s’interroge « Mais pourquoi allez dire ça ? Là, on a
dans l’idée que les filles et les garçons sont différents […] donc, dans ta tête, tu as déjà une
idée préconçue de l’inégalité » (l. 614-616). D’autres pensent que l’utilisation d’un tel
langage n’aura de toute manière pas l’effet escompté sur l’égalité entre les sexes : « Pas
besoin de tout décliner au féminin et masculin, on s’en tape, ça ne change rien, c’est du vent
pour moi » (Jeff, l. 593-595). Bill affirme d’ailleurs que « c’est aller chercher la petite bête
pour rien du tout » (l. 633-638). Dans la suite de cette idée, certain-es enseignant-es certifient
que l’utilisation du masculin générique n’a pas d’impact négatif sur les élèves – qu’ils soient
filles ou garçons – car ils se sentent tous autant concerné-es. Gertrude est ainsi persuadée :
C’est normal, on comprend, on est habitué, il faut arrêter, ça ne choque pas. Ca ne
détruit pas l’identité de quelqu’un, même si c’est une fille (l. 656-658).
Jeff trouve d’ailleurs que « c’est aussi à l’intelligence des personnes de faire la différence »
(l. 592) que le langage ne fait pas. Finalement, ce même enseignant argue que l’utilisation
d’un tel langage est « très artificielle » (l. 603).
A l’opposé, quelques membres de notre panel d’enquête en ont une vision plutôt positive :
Sophie pense que « c’est très bien » (l. 610), mais compliqué et Caroline que « c’est
intéressant » (l. 721). De son côté, Jimy affirme l’utiliser – mais ne pas connaître le terme
« épicène » – et ainsi, ne pas en être surpris. A ses yeux, ce langage est essentiel pour donner
le même poids aux garçons et aux filles en classe : « Si je le fais, c’est pour qu’il y ait autant
d’importance du côté masculin que du côté féminin. Je trouve important […] pour montrer
qu’il y a les deux […] que tout le monde existe quoi » (l. 600-606). Quant à Caroline, avouant
qu’elle n’y avait pas pensé jusque-là, elle serait prête à faire un pas en direction de cette forme
de langage si les résultats s’avéraient concluants: « Si ça peut apporter […] un plus au niveau
de l’égalité en faisant cette petite amélioration de langage, je veux dire ça ne coûte pas
grand-chose. Je le ferais volontiers oui, si on me dit que c’est intéressant de le faire, que ça
vaut la peine […] que ça apporte une réelle amélioration pour l’égalité » (l. 726-737). Nous
retrouvons à ce niveau-là, le même optimisme perçu précédemment auprès de cette
enseignante vis-à-vis d’une potentielle formation continue en lien avec l’égalité des sexes, en
cas de réelle nécessité.
La moitié des membres du corps enseignant n’utilise pas du tout ce genre de langage à l’école.
Bill garantit d’ailleurs que c’est « exclu » (l. 635) qu’il le fasse. D’autres affirment l’utiliser
parfois : Gertrude par exemple, à l’aide de termes unisexes tels que « les élèves ». Toutefois,
cela se fait « de manière naturelle » (Jeff, l. 597-598), donc indépendamment de cette optique
d’égalité :
119
Ce n’est même pas par rapport à l’égalité, voilà, c’est que ça vient comme ça, c’est
dans la façon dont je m’exprime, ce n’est pas réfléchi (Sophie, l. 624-626).
Par ailleurs, la majorité des sujets juge que l’utilisation d’un tel langage à l’école primaire est
inutile. Seul Jimy semble y être favorable, pour la raison susmentionnée. D’ailleurs, il prétend
même qu’ainsi « les choses se font encore plus facilement » (l. 611). Quant à Caroline,
l’utilité de ce langage est fonction des résultats. Par curiosité, les enseignant-es ont aussi été
interrogé-es sur l’utilisation de ce langage en général. Il en ressort qu’il est majoritairement
utilisé pour tout ce qui est officiel, tel que les lettres ou les discours. Selon Bill, il ne l’est en
tout cas « pas à l’école mon Dieu ! » (l. 653).
Impact relativement minimisé des propos stéréotypés ou sexistes
Quelles sont les représentations des enseignant-es au sujet des stéréotypes de sexe qu’ils/elles
seraient susceptibles de véhiculer ? Celles-ci semblent être, indépendamment du sexe et de la
formation, assez hétérogènes. En effet, la moitié considère que leurs collègues n’en véhiculent
pas tandis que les autres, dont Bill, pensent l’inverse. Ce dernier estime néanmoins que ceuxci n’ont toutefois pas un grand impact : « On a été éduqué comme ça aussi […] on m’a dit ça
quand j’étais petit et je ne m’en porte pas plus mal aujourd’hui » (l. 659-663). Ainsi
minimisés, ces stéréotypes de sexe ne semblent pas être si néfastes. A nouveau, une moitié –
pas nécessairement les mêmes individus – soutient ne pas utiliser de stéréotypes de sexe face
à leurs élèves. Gertrude certifie d’ailleurs ne pas le faire devant la classe « parce que c’est
destructeur » (l. 687). Bill fait partie de la part d’enseignant-es supposant en véhiculer.
Néanmoins, il garantit que lorsque cela arrive, il « essaie de corriger le tir direct, sur le
moment même » (l. 672-673), d’où une réduction partielle, voire totale de leurs effets sur les
élèves. Il est intéressant de relever que, comme mentionné plus haut, certains sujets (en
l’occurrence quatre) sous-entendent être conscients de leur inconscience. Sophie relève à ce
sujet :
Inconsciemment je pense oui, parce que c’est dans la société, c’est comme ça, c’est des
clichés qui sont ancrés dans la société, puis on les utilise (l. 643-644).
Dans le même ordre d’idée, Caroline s’interroge : « Est-ce que de temps en temps je laisse
quand même échapper une phrase [stéréotypée] ? C’est possible » (l. 763-764).
Finalement, nous avons cherché à explorer un registre supérieur aux stéréotypes de sexe, soit
les propos sexistes en milieu scolaire. A l’exception des deux enseignantes expérimentées,
nos sujets ne se souviennent pas avoir entendu de propos sexistes chez des collègues ou des
professionnels de l’éducation. Certains (Bill, Gertrude et Jimy) affirment, du moins, ne pas en
avoir été « choqués ». Par contre, la quasi-totalité mentionne le caractère humoristique de ce
120
genre de propos : Jeff parle de « gags sexués » (l. 177), Bill de « blagues » (l. 682), Jimy de
« gags » (l. 632), Gertrude de « côté humoristique » (l. 693-694) et Sophie de « petites
réflexions pour plaisanter » (l. 639). Ainsi, ces propos « à caractère sexuel » (Jeff, l. 177)
sont à leurs yeux « pour rigoler » (Jimy, l. 633-634) ou « pour plaisanter » (l. 639) : « c’est
rigolo, c’est de l’humour » (Gertrude, l. 695-696). Quelques-uns relèvent qu’ils ne sont en
rien utilisés pour blesser autrui:
Des gags pour décontracter l’atmosphère […] c’est en tout cas pas pour blesser une
personne ce sont des gags quoi (Jimy, l. 632-635).
De même, Sophie certifie que c’est « plus pour plaisanter que pour être méchant ou pour
vraiment créer des inégalités » (l. 639-640). De ce fait, les propos sexistes ne sont pas
considérés comme choquants, sauf s’ils sont sérieux : « des blagues, donc jamais vraiment
sérieusement » (Jeff, l. 682-683). Nous assistons à une certaine minimisation des effets des
propos sexistes sur les personnes, qui deviennent ainsi légitimés dans le milieu scolaire à titre
humoristique. Citons à ce sujet les propos pertinents de Mosconi (2011) : « on observe
souvent une tolérance singulière au sujet des plaisanteries ou des injures sexistes […]. D’où
vient cette tolérance, alors qu’on tolère beaucoup moins les plaisanteries ou les injures
racistes ? N’y a-t-il pas une sorte d’acceptation résignée ou complice du sexisme ordinaire
[…] ? » (p. 58). Quant aux deux autres enseignantes, elles ont toutes deux été, à une reprise,
victimes de tels propos réducteurs. Caroline raconte ainsi : « Quand j’ai commencé à
travailler à mi-temps, on était deux femmes. Un collègue qui était […] quand même plus âgé
disait que « de toute façon les femmes qui étaient à temps partiel, elles travaillaient moins que
les autres » » (l. 768-770). Francine nous fait part, à ce sujet, d’une situation
d’injustice qu’elle a mal vécue: « Une fois, ils m’ont enlevé le poste parce qu’ils m’ont
répondu « petit degré femmes, grand degré hommes » » (l. 42-43). Néanmoins, Caroline
prétend qu’en général, elle a l’impression « qu’on vit dans un milieu assez aseptisé pour ça
quand même » (l. 775-776).
Impact quasi nul sur l’orientation future des élèves selon leur sexe
L’ultime groupe de questions de notre entretien touchait à l’orientation future des élèves. La
totalité n’a pas l’impression d’exercer une influence sur les élèves selon leur sexe. Pour Jimy
même, de manière idéaliste, l’orientation semble relever du libre-arbitre de chacun-e :
« Chacun va où il veut » (l. 647) ! Quant à Bill, il tient des propos essentialistes qui semblent
le déresponsabiliser de son rôle à ce niveau-là : « On est dans l’ordre physiologique, les filles
elles ont plus une veine santé-sociale, les garçons ils ont plus une veine mécanique-technique,
est-ce qu’on va vraiment changer ça ? Non, je ne pense pas » (l. 118-121). A nouveau, nous
121
retrouvons, à plusieurs reprises, des allusions à des individus asexués que nos sujets côtoient
en classe : « on peut influencer n’importe qui vous savez […] indépendamment du sexe »
(Luigi, l. 739-741). Gertrude a néanmoins conscience de l’influence que peuvent exercer les
enseignant-es, même si cela ne semble pas être son cas : « L’enseignant a un rôle super
important et peut inculquer des choses qui peuvent être dévastatrices, qui peuvent permettre à
l’élève de se construire, il y a quand même un rôle qui est énorme et en fonction du regard
que l’enseignant peut avoir sur tel ou tel élève, ça peut avoir une influence » (l. 699-702). Par
ailleurs, une minorité estime avoir une certaine emprise au niveau du métier enseignant, mais
ce, autant du côté des garçons que des filles : Sophie parle ainsi de « donner le goût du métier
d’enseignant » (l. 657) tandis que Caroline soutient qu’« un enseignant, qu’il soit homme ou
femme, peut donner l’envie à un garçon ou une fille d’être enseignant plus tard » (l. 780-781).
Toutefois, rappelons à ce sujet ce qu’avaient mis, plus tôt, en évidence certains enseignants au
niveau de l’image véhiculée du métier d’enseignant primaire… Il semblerait donc que les
membres de notre panel d’enquête ignorent tout de leur rôle dans cette orientation différenciée
selon le sexe. Les propos de Bill sont éloquents :
Je ne me rends pas compte dans quel genre on pourrait exercer un impact comme ça.
Comment on pourrait exercer un tel impact » (l. 690-691).
Nous avons également cherché à connaître l’utilisation du matériel didactique en lien avec
l’orientation des élèves. Une moitié affirme n’en avoir jamais utilisé, alors que l’autre l’a fait.
Cependant, nous remarquons qu’ils/elles l’ont fait exclusivement dans le cadre de journées
organisées pour la promotion des métiers atypiques chez l’un et l’autre sexe, soit de manière
relativement obligatoire : « Osons tous les métiers » (Jeff et Francine), « Futur en tous
genres » (Gertrude) ou ancienne « Journée des filles » (Caroline). Personne ne semble avoir
eu recours à un tel matériel en dehors de ces journées. Par ailleurs, Sophie et Caroline
justifient le fait de ne pas utiliser un tel matériel au regard de l’âge des enfants qu’elles
côtoient : respectivement, elles estiment qu’ils sont « trop petits » (l. 664) ou « trop jeunes »
(l. 790). Ceci semble indiquer qu’elles n’ont pas conscience de pouvoir les influencer, au jour
le jour, selon leur sexe.
Bilan du rôle de l’enseignant
La plupart des enseignant-es prétendent recourir à des pratiques pédagogiques neutres. Pour
preuve, toutes et tous admettent avoir affaire à des individus asexués ou, du moins, à les
considérer comme tels. La norme implicite d’égalité semble donc être manifestement
effective dans le milieu scolaire. Elle l’est à un point tel que les professionnels de l’éducation
ne perçoivent pas la socialisation scolaire différenciée qui prévaut entre filles et garçons à
122
l’école. Il semblerait donc bien que prévaut dans le milieu scolaire un certain « leurre de la
neutralité éducative » (p. 212), dont parle Zaidman (1996) dans son ouvrage. Illustrons cet
« aveuglement » par le mot de la fin relativement idéaliste proposé par Jimy lors de son
entretien :
J’espère que l’école continue à aller dans ce sens-là, parce que je trouve qu’en tout cas
en classe, les élèves ne sentent pas qu’il y a de différences quoi […] à l’école pour moi
il n’y en a pas (l. 653-659).
La quasi-totalité estime que les relations et les interactions vis-à-vis de leurs élèves sont
similaires d’un point de vue du sexe. Néanmoins, une partie des enseignant-es relève tout de
même être conscient-es de leur inconscience. En effet, ils/elles conçoivent pouvoir
éventuellement être différenciateurs-trices de manière involontaire. A l’inverse, la plupart de
nos sujets affirment que les élèves, filles et garçons, ont des relations différentes selon le sexe
de l’enseignant-e. La mise en évidence de cette connivence et/ou séduction serait-elle un
moyen d’atténuer leurs propres responsabilités dans ces potentielles différenciations
inconscientes, avouées à demi-mot ? A un autre niveau, l’évocation des garçons « sousréalisateurs » (Duru-Bellat (1995, 2004b) par l’un de nos sujets nous paraît d’ailleurs aller
dans le sens de cette hypothèse.
Estimant évoluer dans un milieu scolaire égalitaire en primaire, la majorité des enseignant-es
ne perçoit pas l’utilité du langage épicène, auquel certain-es s’opposent d’ailleurs fermement.
De plus, la pseudo-légitimation des propos stéréotypés ou sexistes par une partie de nos sujets
– à travers la minimisation de leurs effets néfastes ou la mise en évidence de leur caractère
purement humoristique – va d’ailleurs dans le même ordre d’idée.
Finalement, nous constatons qu’à l’exception du métier d’enseignant pour une minorité,
l’ensemble de nos sujets n’a pas conscience d’exercer une influence sur l’orientation
professionnelle de leurs élèves filles/garçons. A nouveau, nous relevons « l’aveuglement »
des enseignant-es par rapport à leur rôle dans cette orientation différenciée. Ainsi, tel que mis
en évidence par Duru-Bellat (2004b), s’appuyant sur les propos de Kelly (1987), l’égalité des
sexes « ne semblent pas constituer un « challenge » aux yeux des maîtres » (p. 104). Pourtant,
notre cadre théorique a établi à quel point ils/elles en sont des acteurs importants.
123
5. Retour sur les hypothèses
Hypothèse n°1 : influence du parcours de vie
Les enseignant-es sensibilisé-es à la thématique de l’égalité des sexes dans leur parcours de
vie (famille, association(s), etc.) s’efforcent de réduire les inégalités entre les sexes à l’école.
Il est difficile de répondre à cette hypothèse pour diverses raisons. D’une part, les influences
dans le parcours de vie des individus sont multidimensionnelles (Sapin et al., 2007). Il n’est,
de ce fait, pas possible d’évaluer leur impact sur les représentations de l’in-égalité entre les
garçons et les filles. D’autre part, au sein de notre panel d’enquête, ni le milieu familial, ni les
associations militantes, ne semblent avoir été le théâtre d’une sensibilisation particulière à
cette thématique. Ainsi, il est peu probable que ces facteurs soient à l’origine d’un
engagement en faveur de l’égalité à l’école. Cependant, la formation pédagogique initiale a pu
contribuer à modifier leurs représentations à ce sujet, comme nous l’explorerons dans la
quatrième hypothèse. Nous pouvons néanmoins confirmer que l’intérêt porté à cette
thématique ainsi que la génération dont sont issu-es les enseignant-es ont vraisemblablement
joué un rôle dans leur sensibilité à l’égalité, sans toutefois pouvoir déterminer si celui-ci a été
suivi d’un engagement concret. Ces points en suspend pourraient être traités dans une
recherche ultérieure et plus complète sur notre sujet.
Hypothèse n°2 : vision de la mixité scolaire
Les enseignant-es perçoivent la mixité scolaire comme une situation positive et garante de
l’égalité entre les sexes à l’école.
La plupart des enseignant-es pensent, dans un premier temps, évoluer dans un milieu scolaire
égalitaire d’un point de vue relationnel (Mosconi, 2011), tant du côté des élèves que des
enseignant-es, tout comme ils/elles ont la conviction que le milieu social l’est aussi (Petrovic,
2011). Forte de ces constats, la totalité affirme, dans un deuxième temps, être entièrement
favorable à la situation de mixité scolaire, qui paraît d’ailleurs garantir l’égalité entre les sexes
ou, du moins, ne pas avoir d’effets contraires à son égard. Pour preuve, seuls quelques
inconvénients mineurs ont été mis en évidence. A l’exception d’un de nos sujets, personne ne
semble ainsi se rendre compte de l’impact différencié de cette « co-éducation » sur les
garçons et les filles et sur leur orientation professionnelle future. La mixité scolaire n’est donc
pas perçue comme une situation problématique (Fontanini, 2005). Nous précisons donc notre
hypothèse comme suit :
124
Les enseignant-es perçoivent la mixité scolaire comme une situation positive et. La majorité
même estime qu’elle est garante de l’égalité entre les sexes à l’école.
Hypothèse n°3 : influence de la conception des différences de sexe
Les enseignant-es ayant une conception essentialiste des différences de sexe considèrent la
thématique « égalité des sexes » comme peu pertinente et ne recourent à aucune mesure
particulière pour atténuer les inégalités entre les garçons et les filles à l’école, tandis que
ceux/celles qui adhèrent à la conception constructionniste estiment que l’égalité des sexes fait
partie des objectifs éducatifs et cherchent à atténuer les inégalités entre leurs élèves filles et
garçons.
A première vue, cette hypothèse est trop réductrice et généralise de manière trop simpliste. La
situation serait plus complexe : comme relevé dans l’analyse, de multiples facteurs entrent en
ligne de compte et modifient les représentations des enseignant-es vis-à-vis de l’égalité de
sexe. Ainsi, il s’avère difficile d’évaluer le « poids » de leur conception respective des
différences de sexe dans cette recherche ou non d’une certaine égalité à l’école. De manière
générale – soit indépendamment de cette conception – nous avons vu que le milieu scolaire ne
semble pas être un domaine dans lequel l’égalité des sexes soit réellement un enjeu (duruBellat, 1995), tout comme il ne paraît pas revêtir une importance particulière comme facteur à
l’origine des différences entre les sexes. Dans le même ordre d’idée, nous constatons que la
plupart des enseignant-es se déresponsabilisent, d’une manière ou d’une autre, de la
(re)production ou du maintien des différences de sexe à l’école et/ou font même part d’un
certain idéalisme quant à l’atténuation de celles-ci. La représentation de l’école et de leur rôle
vis-à-vis de l’égalité des sexes s’avèrent donc relativement neutres, voire même positives.
Toutefois, nous avons tout de même pu établir chez nos sujets, une corrélation entre la
conception des différences de sexe et leur représentation de l’éducation à l’égalité des sexes à
l’école. Il ressort que la totalité des sujets définis comme « constructionnistes » estime qu’une
telle éducation est pertinente – mais sous certaines conditions – à l’école primaire, tandis que
nos deux enseignants « essentialistes » la considèrent inutile (cf. Profil des différents sujets,
en annexe). Est-ce parce que ces derniers considèrent les différences de sexe comme innées,
donc immuables ? Nous ne pouvons cependant pas corréler ces représentations à un
engagement ou non en faveur de l’égalité garçons-filles en classe. Nous proposons donc de
rectifier notre hypothèse comme suit :
125
Les enseignant-es ayant une conception essentialiste des différences de sexe considèrent la
thématique « égalité des sexes »
l’éducation à l’égalité des sexes comme peu pertinente et ne
recourent à aucune mesure particulière pour atténuer les inégalités entre les garçons et les filles
tandis que ceux/celles qui adhèrent
à l’école,
à l’inverse des adeptes de la conception constructionniste, sous
certaines conditions de cette différence des sexes estiment que l’égalité des sexes fait partie des objectifs
éducatifs et cherchent à atténuer les inégalités entre leurs élèves filles et garçons.
La plupart des
enseignant-es se déresponsabilisent de la (re)production ou du maintien des différences de
sexe et/ou font part d’idéalisme vis-à-vis de leur atténuation par l’école.
Hypothèse n°4 : impact de la formation initiale
Les enseignant-es expérimenté-es n’ont pas été sensibilisé-es à la problématique genre dans
leur formation initiale et n’intègrent de ce fait que peu l’égalité des sexes dans leur pratique,
tandis que les jeunes enseignant-es, davantage sensibilisé-es à cette thématique dans leur
parcours de formation, cherchent à réduire les inégalités de sexe entre leurs élèves.
Bien qu’étant en partie correcte, il nous est impossible de valider cette hypothèse telle quelle.
En effet, nous avons constaté l’existence d’un clivage entre les jeunes enseignant-es et ceuxcelles expérimenté-es au niveau de la formation: à l’inverse des seconds (Périsset, 2012), les
premiers ont été légèrement sensibilisés à la thématique de l’égalité des sexes et ont
connaissance d’une partie du matériel didactique disponible pour dispenser une éducation de
ce type. Toutefois, plusieurs indices nous laissent supposer qu’au niveau pratique, ces
« jeunes » ne cherchent pas réellement plus que les enseignant-es plus agé-es à réduire les
inégalités de sexe entre leurs élèves, sans doute en partie parce qu’ils estiment sur le terrain
que la mixité garantit l’égalité (Mosconi, 2008, citée par Guenneuguès, 2011). La formation
continue n’est, par exemple, envisagée par personne comme une solution, les enseignant-es ne
considérant vraisemblablement pas l’égalité des sexes comme une thématique sensible, donc
prioritaire dans le milieu scolaire (Baurens & Schreiber, 2010). A nouveau, il semblerait
qu’un engagement en faveur de l’égalité des sexes dans leur pratique dépende de multiples
facteurs.
Néanmoins, nous ne remettons pas pour autant en doute l’importance et la pertinence d’une
telle sensibilisation à la problématique genre ou à l’égalité des sexes dans la formation
enseignante. La plupart des jeunes individus de notre panel d’enquête sont, d’ailleurs, de notre
avis. En effet, celle-ci représente, à nos yeux, un moyen incomparable pour conscientiser les
enseignant-es et ainsi favoriser leurs pratiques en faveur de plus d’égalité entre les filles et les
garçons en classe. Nous postulons cependant que les résistances et doutes évoqués par certaines jeunes sont symptomatiques de lacunes dans cette formation spécifique. Nous retrouvons là
ce qu’a récemment pointé Plateau (2011), soit « l’absence ou la faiblesse de prise en compte
126
de la dimension de genre dans la formation initiale et continuée du corps enseignant ». C’est,
à notre avis, la raison pour laquelle certaines représentations étonnantes de ces individus
sensibilisés rejoignent celles des enseignant-es expérimenté-es, comme vu dans notre analyse.
De plus, la non conscience des traitements différenciés dont nous parlerons dans l’hypothèse
suivante corrobore notre supposition d’une formation inadaptée ou du moins, incomplète.
Nous allons donc en conséquence, dans la dernière partie de notre travail, poser les bases
d’une formation que nous jugeons appropriée à la thématique de l’égalité des sexes. Notre
hypothèse est donc modifiée comme suit :
Les enseignant-es expérimenté-es n’ont pas été sensibilisé-es à la problématique genre dans
leur formation initiale et n’intègrent de ce fait que peu l’égalité des sexes dans leur pratique,
tandis que les jeunes enseignant-es, davantage sensibilisé-es à cette thématique dans leur parcours de
formation, cherchent à réduire les inégalités de sexe entre leurs élèves
y ont été sensibilisés. Cependant,
la formation reçue est insuffisante et peu adaptée aux enjeux réels que ce mémoire tend,
modestement, à pointer. Ainsi, les jeunes enseignant-es n’ont pas bénéficié d’un
approfondissement amenant une prise de conscience susceptible de modifier les pratiques.
Hypothèse n°5 : « aveuglement » des professionnels
A travers un traitement égalitaire affirmé au niveau discursif, la majorité des enseignant-es
n’a pas conscience d’adopter des pratiques inégalitaires envers leurs élèves et de renforcer, de
fait, les inégalités entre les garçons et les filles à l’école, et par conséquence, de différencier
leur orientation future.
Cette hypothèse est confirmée. En effet, la majorité des enseignant-es prétend adopter des
pratiques pédagogiques neutres. Dans le même ordre d’idée, les interactions et relations
entretenues avec leurs élèves sont prétendues similaires. D’ailleurs, à de nombreuses reprises,
ils/elles font allusion à des individus asexués à qui ils/elles ont affaire en classe. La variable
sexe ne revêt donc pas, de manière discursive, une importance considérable à leurs yeux : la
norme implicite d’égalité (Mosconi, 2009) qui prévaut semble donc garantir la neutralité
pédagogique dans le milieu scolaire (Zaidman, 1996). A ce sujet, rappelons que ce dernier
n’est pas considéré comme un domaine dans lequel l’égalité des sexes est réellement un enjeu
(Duru-Bellat, 1995, 2004b). Pourtant, suite à l’évocation de nombreuses différences existantes
entre les deux groupes de sexe, nous sommes persuadé que les enseignant-es expriment des
attentes envers leurs élèves-filles et élèves-garçons (Rouyer, 2007) qui, manifestement,
diffèrent, d’où des pratiques vraisemblablement aussi différenciées. Tout au long des
entretiens se dégage ainsi « l’aveuglement » des enseignant-es à la socialisation scolaire
différenciée des garçons et des filles à l’école (Chaponnière, 2006 ; Baudino, 2008).
127
D'ailleurs, certain-es avouent même être conscient-es de leur inconscience vis-à-vis de
potentiels traitements différenciés involontaires. De plus, cet « aveuglement » caractérise
aussi leur rôle dans l’orientation professionnelle des élèves : ils/elles n’ont, en effet, pas
conscience de pouvoir exercer un impact à ce sujet. La plupart des membres du corps
enseignant, ainsi « aveugles » aux différences intersexes et à leur propre influence sur
l’orientation de leurs élèves, ne considèrent pas le langage épicène comme utile à l’école
primaire, ne cherchent pas concrètement à parvenir à davantage d’égalité entre garçons et
filles à l’école et ne semblent ainsi pas disposés à dispenser actuellement en classe une
éducation à l’égalité des sexes.
128
6. Vers une formation appropriée à l’égalité des sexes
Les enseignant-es considèrent majoritairement évoluer dans un milieu scolaire (et social)
égalitaire. Selon Fassa et al. (2010), « on observe actuellement un backlash en ce qui
concerne l’égalité entre les sexes. Ce dernier tient en partie à la certitude partagée par
beaucoup que, dans le domaine de la formation tout au moins, l’égalité est réalisée » (p. 6).
Ainsi, « l’aveuglement » des membres du corps enseignant aux traitements différenciés selon
le sexe des élèves, mis en évidence dans de nombreuses recherches, dont la nôtre, découle
vraisemblablement de cette représentation égalitaire. Pourtant, nous savons désormais qu’en
dépit d’une prétendue norme implicite d’égalité, « l’école est loin d’être neutre du point de
vue du genre » (Peillon & Vallaud-Belkacem, 2012). Les enseignant-es tendent, en effet, à
appliquer – au jour le jour, à travers divers mécanismes inconscients – un traitement
préférentiel aux garçons, lourd de conséquences au niveau des orientations scolaires et
professionnelles, donc de l’avenir des enfants. En effet, « la limitation du « champ des
possibles de chacun » (Adriaenssens, 2010, p. 167) semble être la principale conséquence de
la différenciation entre garçons et filles. Une prise de conscience de cette socialisation
différenciée paraît donc indispensable afin de parvenir à une égalité de facto entre les sexes à
l’école ou du moins, à s’en approcher le plus possible. En effet, « de manière générale, les
enseignants en formation montrent une grande foi dans le pouvoir émancipateur et égalitariste
de l’école et ils ont du mal à croire qu’ils peuvent être inconsciemment inéquitables » (Collet
& Grin, 2011, p. 31).
Une formation à l’égalité des sexes dans la formation initiale des enseignant-es s’avère, à nos
yeux, indispensable. Baurens et Schreiber (2010) sont, d’ailleurs, tout autant convaincues
« qu’une formation des enseignant-e-s à l’égalité de genre est fondamentale » (p. 85). A ce
sujet, nous avons pu constater que l’ouverture des HEPs a fait un pas dans ce sens : en effet,
les enseignant-es étant passé-es par cette institution ont manifestement bénéficié d’une
certaine sensibilisation à la problématique genre ; constat qui ne peut que nous réjouir.
Néanmoins, celle-ci ne semble pas suffisante ! A ce propos, Fassa et al. (2010) soutiennent
d’ailleurs que « les questions de genre ne font toujours pas partie de la formation du corps
enseignant – ou alors à un dosage si homéopathique que nous pouvons douter de son
efficacité » (p. 9). En effet, dans notre panel, les jeunes enseignant-es paraissent ne pas être
notoirement plus égalitaires que leurs collègues expérimenté-es et sont, d’ailleurs, tout autant
aveugle aux différences de traitements entre garçons et filles en classe. Ainsi, tel que l’a
souligné récemment l’ARGEF :
Aujourd’hui encore, certaines pratiques enseignantes entretiennent des inégalités de fait,
préjudiciables aux élèves des deux sexes. C’est la raison pour laquelle il est urgent de
129
former tout-e-s les enseignant-e-s et l’ensemble des personnels qui concourent à
l’éducation et à l’orientation des élèves. (2012)
Sans prétention aucune, notre souhait est donc de poser les jalons d’une formation appropriée
au genre dans les HEPs, qui nous l’espérons, permettront aux enseignant-es de dispenser, à
leur tour, un réel enseignement égalitaire à l’école primaire. D’ailleurs, Fassa et al. (2010)
soulignent l’importance d’une telle formation :
La plupart des auteurs et des autrices mettent en relief la nécessité d’une formation
approfondie au genre pour les professionnel-le-s de l’éducation et de l’intervention
sociale, tant son absence laisse la place aux idéologies ordinaires et aux
explications/justifications de type naturalisant. (p. 10)
Rappelons-le : nous ne cherchons nullement à « inverser la tendance », mais voulons, comme
Peillon et Vallaud-Balkacem (2012) – respectivement ministre de l’Education Nationale en
France et ministre des droits des femmes ainsi que porte-parole du gouvernement –
qu’indépendamment de leur sexe, les filles et les garçons, « les femmes et les hommes aient le
choix, aient tous les choix possibles, parce que c’est un impératif citoyen, un impératif social
et un impératif économique ». Le but ultime d’une telle formation à l’école est donc de
(trans)former les enfants en des citoyen-nes « [émancipé-es] capables de comprendre,
d’interroger voire de critiquer le fonctionnement de la société et d’exercer leur libre-arbitre »
(ibid), de manière à pouvoir opérer des choix libres, soit non-contraints par les normes
genrées ou les stéréotypes sexués, tant du côté des garçons que des filles. En effet, « on ne
pourra produire des rapports égalitaires que si l’on éduque réellement les enfants et les jeunes
à l’égalité des sexes » (Mosconi, 2011, p. 56), mais pour cela faut-il encore que les
enseignant-es déjà y soient éduqué-es ou du moins, sensibilisé-es de manière adéquate. Ainsi,
l’objectif d’une formation à la problématique genre dans le cursus initial des enseignant-es est
principalement de provoquer une prise de conscience de l’existence d’inégalités de genre dans
leurs pratiques, qui nous l’espérons, déclenche une dynamique de questionnement et ait pour
conséquence de les modifier (Baurens & Schreiber, 2010). Dans un deuxième temps, dans
l’idéal, nous osons croire que ces enseignant-es désirent transmettre cette formation
spécifique à leurs élèves au travers d’une éducation à l’égalité des sexes à l’école.
Par ailleurs, relevons que nous sommes néanmoins conscient de l’existence de nombreuses
sources d’influences autres sur les enfants. Ainsi, l’école « n’est qu’une instance qui agit avec
et parmi d’autres » (Fassa et al., 2010, p. 14). Cependant, nous sommes persuadé que le
milieu scolaire peut largement contribuer à renforcer l’égalité entre les élèves et, par là même,
atténuer les différences de sexes, au travers d’une « pédagogie antisexiste » (Pasquier, 2010,
130
p. 60) en classe, soit le traitement égal des élèves filles/garçons et le refus de corréler le sexe à
un quelconque rôle prédéfini à tenir dans la société. Les propositions et pistes de réflexion qui
vont suivre, basées sur différents articles, pourront donc éventuellement être à même de
guider les personnes désirant former les futur-es enseignant-es à cette problématique genre.
6.1. Conditions pour une formation au genre
Partant, tout d’abord, du constat optimiste d’Eliot (2009/2011) : « L’égalité des sexes peut
s’apprendre […] les études montrent que les enseignants [à qui] l’on aide à prendre
conscience de leurs préjugés, et à qui l’on propose des techniques précises pour les surmonter
[…] finissent bel et bien par éduquer plus équitablement les deux sexes » (p. 235). Sous
quelle forme devrait donc se présenter, idéalement, une telle éducation à l’égalité des sexes
dans le cursus de formation initiale des futur-es enseignant-es et quel devrait en être son
contenu ?
Sur la forme…
Tout d’abord, il faudrait systématiquement rendre cette formation au genre obligatoire et non
plus optionnelle comme c’est encore trop souvent le cas (Petrovic, 2011). En effet, les
étudiant-es « disposent de peu de connaissances liées à leur profession, et encore moins sur le
genre à l’école » (Baurens & Schreiber, 2010, p. 79). Dans la même optique, Fontanini (2005)
met aussi en évidence l’ignorance de la plupart de ces individus vis-à-vis des savoirs émanant
des sciences humaines et sociales, soit, entre autres, les connaissances au niveau du genre. De
plus, comme relevé à quelques reprises dans notre travail, les formations facultatives touchent
de manière évidente majoritairement des personnes déjà sensibilisées. Logiquement, peu de
résistances surviennent, ces individus étant à la recherche de réponses à leurs questions et/ou
d’outils pédagogiques. Ainsi, rendre cette formation obligatoire signifie pour les formateurstrices, être prêt-es, non pas à faire « face », mais plutôt à essayer de faire « avec » des
personnes non volontaires, d’où le risque accru d’apparition de réactions virulentes ou de
résistances, comme nous le verrons ci-dessous, telle que la remise en question de la légitimité
actuelle de cette thématique.
De plus, « la compréhension et l’assimilation [des] connaissances » (Fontanini, 2005, p. 108)
– termes et concepts spécifiques à cette thématique – tout comme la prise de conscience et la
remise en question – de ce qui allait jusqu’à présent de soi – qui s’en suit, nécessite du temps.
Petrovic (2011) propose ainsi la mise en place de plusieurs séances espacées « pour permettre
aux participants de s’interroger et développer avec eux les points qui suscitent le plus
d‘intérêt, avec des documents, vidéos, exposés, etc. » (p. 33). Mosconi (2009) confirme
d’ailleurs ces propos, certifiant qu’une certaine durée est indispensable pour que se fasse dans
131
ce domaine un travail en profondeur. Plus concrètement, Collet et Grin (2011) parlent
d’« ateliers hebdomadaires d’une heure et demie » (p. 30), tandis que Baurens et Schreiber
(2010) vont plus loin, suggérant une formation de deux heures. Quant à la durée, Fontanini
préconise que ces différentes séances s’étalent sur une année, de manière à parvenir à « une
véritable formation qui ne se réduit pas à quelques constats et éléments d’explication, mais
qui donne les outils d’analyse permettant de construire de l’égalité à l’école » (p. 108).
Plateau (2011), de manière quelque peu utopiste, parle même de plusieurs années, prétendant
que l’incorporation d’une telle matière « se fait progressivement […] et n’est jamais
terminé ». La problématique genre, questionnant des savoirs constitutifs de l’identité de
chaque personne – tels que l’in-égalité des sexes, les différences intersexes, ainsi que les
origines de cette différenciation – « provoque des remises en question identitaires et des
interrogations pas toujours sereines sur son éducation, celle donnée comme celle reçue »
(Petrovic, p. 33), d’où l’émergence potentielle de résistances. Ainsi, il serait judicieux d’opter
pour une telle forme pour permettre aux étudiant-es de « faire des va-et-vient entre théorie et
pratique » (Fontanini, p. 112) et prendre ainsi conscience, de manière individuelle, de ces
pratiques inégalitaires à l’école. Par ailleurs, il conviendrait d’avoir affaire, dans l’idéal, à des
groupes de participants restreints, d’une vingtaine de personnes au maximum (Petrovic,
2011), vraisemblablement pour impliquer davantage les étudiant-es et leur permettre
d’exprimer plus librement leur opinion. En outre, Fontanini suggère de varier les manières de
travailler : individuel, par groupes et collectif.
Sur le fond…
Petrovic (2011) propose ainsi de débuter une telle formation en faisant émerger les diverses
représentations des sujets – « si profondément ancrées et partagées » (p. 33) – par un tour de
table auquel chacun-e est invité-e à s’exprimer sur l’in-égalité de manière personnelle,
professionnelle et/ou sociale. En effet, selon Plateau (2011), « il ressort la nécessité
impérieuse de prendre en compte les représentations initiales des acteurs concernés pour
espérer influer les pratiques ». Pour déconstruire ces représentations tenaces, il convient,
d’une part, de désamorcer les résistances (nous identifierons des stratégies ci-dessous), puis
de mener « une réflexion de fond sur les inégalités de sexe. Pratiques enseignantes,
programmes scolaires, supports pédagogiques… doivent être évalués à l’aune d’une mixité
réfléchie, assumée, volontariste pour être véritablement émancipatrice » (ARGEF, 2012).
Nous nous inspirons des « points de vigilance » proposés par Baurens et Schreiber (2010) et
les complétons à l’aide des connaissances acquises lors de ce travail pour soumettre
différentes thématiques pertinentes à aborder avec les étudiant-es en formation dans le cadre
de leur future profession (l’ordre est sans importance et la liste non-exhaustive): la mixité
scolaire et ses effets, la norme implicite d’équité, les interactions différenciées, les stéréotypes
132
sexués et leurs conséquences (effet Pygmalion, autoréalisation de la prophétie), les manuels
scolaires, le langage épicène ainsi que les conceptions des différences de sexe. Pour chacun de
ces thèmes, les formateurs-trices pourront d’ailleurs trouver, dans notre cadre théorique, des
références intéressantes.
Néanmoins, selon Mosconi (2009), l’erreur serait de dispenser uniquement une formation de
type théorique, à savoir constituée de cours et de conférences. Celle-ci s’avère, en effet,
inefficiente : comme vu précédemment, les savoirs de sens commun, profondément
intériorisés et sources de nombreuses représentations, guident inconsciemment les enseignantes et les poussent à adopter involontairement des pratiques inégalitaires en classe envers leurs
élèves de sexe différent (Mosconi). Ainsi, de l’avis de cette même auteure, « l’exposé
théorique entre en contradiction avec les savoirs de sens commun, mais surtout met les
personnes face à leurs propres contradictions et leurs incohérences entre leurs idéaux
d’égalité, de laïcité et de neutralité républicaine et leurs pratiques effectives » (p. 5), suscitant
l’apparition de fortes résistances. Tel que préconisé par cette auteure, il convient donc plutôt
de jongler entre apports théoriques et mises en situation concrètes : jeux de rôles, auto/hétéroobservations à partir de vidéos ou en classe, ou d’autres éléments impliquant personnellement
chacun-e. Dans le même ordre d’idée, la présentation et l’utilisation d’instruments d’analyse
peuvent aider les futur-es enseignant-es à prendre conscience de certaines pratiques
inégalitaires dans le milieu scolaire: analyse de manuels, grilles d’observation, exemples
d’innovations égalitaires, etc. (Baurens & Schreiber, 2010). D’un autre point de vue, relever
un certain nombre d’outils pédagogiques concrets utilisables en classe avec leurs élèves –
nous y reviendrons - et les inviter à en tester au moins un s’avère aussi être une stratégie
intéressante pour les impliquer. Par ailleurs, Fontanini (2005) soutient que l’intervention ou le
témoignage d’hommes et de femmes du « terrain », tels que des personnes exerçant un métier
atypique et/ou des membres actifs d’associations liées à cette thématique, ainsi que de
spécialistes peuvent contribuer à sensibiliser davantage les étudiant-es. Nous percevons donc
les différentes dimensions, théoriques et pratiques, à explorer au cours d’une formation à la
problématique genre, pour varier son contenu et impliquer un maximum d’étudiant-es.
6.2. Outils à disposition des enseignant-es
Selon Pasquier, « la prise en compte de l’égalité des sexes est parfois difficile à articuler avec
les enseignements traditionnels, faute d’outils ou de contenus pédagogiques déjà constitués et
aisément transposables dans une pratique personnelle » (2012, p. 67). Plateau (2011), dans sa
conclusion, pointe d’ailleurs aussi le manque d’outils ou de propositions d’activités concrètes
relevé par les enseignant-es suite à son intervention. Nous souhaitons donc, à ce stade, relever
un certain nombre d’instruments ou matériels didactiques à disposition des enseignant-es du
133
primaire, permettant d’éduquer leurs élèves à l’égalité des sexes en classe ou d’assurer leur
évolution dans un milieu le plus neutre possible (à l’aide d’une littérature égalitaire par
exemple). Nous nous adressons donc tant aux formateurs-trices qu’aux membres du corps
enseignant désireux de faire un pas en direction de l’égalité des sexes à l’école. Bien entendu,
nous n’avons pas la prétention d’établir un listing exhaustif des nombreux outils existants
dans ce cadre-là, mais plutôt de relever quelques-uns nous semblant pertinents à utiliser avec
nos élèves. Nous laissons donc le soin à nos lecteurs-trices de se référer au tableau en annexe,
s’intitulant Liste non-exhaustive d’outils pour une éducation à l’égalité des sexes à l’école
primaire. Par ailleurs, Sensi et Manço (2010) proposent une série de six ateliers-animations
intéressants à mener avec ses élèves en classe sur l’égalité filles/garçons et les stéréotypes de
genre.
Toutefois, nous tenons à relever le « travail paradoxal » (Pasquier, 2010, p. 68) dans lequel se
lancent les enseignant-es souhaitant travailler avec leurs élèves sur l’égalité des sexes. En
effet, « il est loin d’être simple de construire des pratiques pédagogiques non-marquées par la
différenciation entre les sexes » (Fassa et al., 2010, p. 12). Nous recommandons d’ailleurs
l’article de Pasquier susmentionné, car il est éloquent au sujet des enjeux et craintes d’une
telle éducation à l’école primaire.
6.3. Typologie des réactions face à l’égalité des sexes
Nous savons que les enseignant-es ont, selon leur parcours de vie et leurs intérêts, des
représentations et des besoins très différents sur la problématique genre en éducation et sur
l’in-égalité des sexes. Suite à leur enquête, Collet et Grin (2011), ont pu ainsi catégoriser trois
types d’enseignant-es en fonction de leurs réactions face à une telle formation. D’autres
chercheuses, telles que Baurens et Schreiber (2010), Mosconi (2011) ou Plateau (2011)
confirment d’ailleurs l’existence de ces mêmes trois catégories.

Une petite minorité semble être déjà convaincue par cette problématique, car elle y a
été sensibilisée précédemment. Néanmoins, ces individus ont l’impression d’être
isolés et considère leur conviction comme peu légitime. Des outils et de la pratique
leur seraient nécessaires pour passer concrètement à l’action en classe.

La majorité des membres du corps enseignant, semble avoir déjà vaguement entendu
parler de la question. Le sujet leur paraît intéressant, mais ils « ne voient pas
particulièrement en quoi, aujourd’hui, dans leur classe, ils sont concernés » (Collet &
Grin, 2011, p. 31), d’où le rejet de la responsabilité sur les familles, les médias, leurs
collègues machos, etc. – des éléments relevés dans nos résultats – mais, en tout cas pas
134
sur eux-mêmes ou sur l’école, ainsi qu’une réticence à agir à ce niveau-là (Mosconi,
2011).

Une minorité est composée de résistants, soit de personnes s’opposant violemment à
ce type de discours, soit parce qu’il « porte atteinte à leur identité professionnelle
[et/ou] personnelle » (Mosconi, 2009) car contredisant leurs propres valeurs ou
croyances (Mosconi, 2011), soit par transformation du réel message délivré par les
formateurs-trices en « discours idéologique discriminant » (Collet & Grin, 2011,
p. 31). Ces mêmes auteures, en accord avec Baurens et Schreiber (2010), nous mettent
d’ailleurs en garde contre les individus de ce dernier groupe, car « leurs interventions
souvent véhémentes confortent les deux autres groupes dans leur position et risquent
de rendre finalement tout le dispositif contreproductif » (p. 31). C’est pourquoi nous
estimons, à présent, pertinent de relever, d’une part, les différentes résistances
« passives ou explicites » (ibid, p. 74) pouvant apparaître au cours d’une formation au
genre et, d’autre part, de proposer des stratégies pour les désamorcer.
6.4. Résistances probables
Appuyons-nous sur les propos de Baurens et Schreiber (2010) pour identifier la nature des
attitudes défensives présentes chez les enseignant-es au cours d’une formation à la
problématique genre : une résistance est « une réaction à une menace ressentie : menace de
perte de liberté pédagogique et de liberté de jugement, voire même de perte identitaire »
(p. 82). Ainsi, il est évident que, questionnant, voire remettant en doute leurs propres
pratiques dans le milieu scolaire, du point de vue d’une égalité paraissant acquise, certain-es
étudiant-es se sentent menacé-es et se défendent, de manière parfois agressive. En effet, ce
sujet touche à une « zone sensible de l’identité », car il « renvoie directement à sa propre
manière de gérer sa vie affective, sexuelle, parentale, domestique, professionnelle… » (Sensi
& Manço, 2010, p. 42). Petrovic (2004a) certifie d’ailleurs que « si les remises en questions
sont difficiles, elles le sont d’autant plus lorsqu’elles concernent notre identité et notre rapport
à l’autre » (p. 84). Fontanini (2005) explique l’apparition ou non de résistances, comme suit :
Les contenus de [cette] formation peuvent entrer en contradiction avec certains éléments
des représentations personnelles (Fischer, 1996). Si le degré d’incohérence n’est pas
trop grand, il y a interrogation, débat et, éventuellement, adaptation de [cette] grille de
lecture pour qu’elle [la personne] intègre l’élément nouveau. Si l’incohérence devient
trop forte, il y a rejet de cet élément comme perturbateur, et le rejet est d’autant plus
violent que la contradiction est grande. (p. 110)
135
De ce fait, il convient, d’une part, de connaître les principales résistances, puis de mettre en
œuvre certaines « stratégies » pour les contourner ou du moins, assurer que l’incohérence dont
parle cette dernière auteure ne soit pas trop importante.
Le « mythe de l’égalité des sexes » constitue l’une des principales résistances (Petrovic, 2011,
p. 32). En accord avec nos résultats, la plupart des enseignant-es prétendent, en effet, que
l’égalité entre les sexes est réalisée dans la société, d’où le risque de remise en question des
statistiques et des savoirs transmis, comme l’a montré Fontanini (2005), voire même de « déni
des inégalités sexuées » (Plateau, 2011). De ce fait, l’égalité n’étant pas un problème de
société, nous comprenons qu’ils/elles puissent douter de la pertinence d’une formation à
l’égalité des sexes, qui s’apparente à un « combat passéiste » (Baurens & Schreiber, 2010, p.
81). Pour rappel, relevons les propos de Sophie par rapport à la formation reçue au niveau de
la problématique genre :
Je pense qu’on n’a pas le besoin d’aborder cette thématique […] je pense que ce n’est
pas nécessaire […] à l’ancien temps, enfin au tout début où la femme commençait à
s’imposer dans la société, égale à l’homme, là je pense qu’il y avait le besoin de
rappeler à certains ou certaines que la femme avait les mêmes capacités, devait être
traitée de la même façon, mais maintenant c’est rentré dans les mœurs. (l. 446-460)
Il s’avère donc primordial de débuter une telle formation par « apprendre à désapprendre »
(Petrovic, 2011, p. 32) ce mythe spécifique, soit de faire reconnaître cette illusion d’égalité
sous peine de compromettre cet enseignement particulier, par l’émergence de fortes
résistances. D’ailleurs, dans la suite de cette idée, Fassa et al. (2010) mettent en exergue
l’existence d’une même « illusion de neutralité » (p. 9) dans le milieu scolaire. Ainsi, Plateau
(2011), suite à une expérience de sensibilisation à l’égalité filles/garçons dans une école,
affirme que les enseignant-es considéraient « qu’il n’était pas nécessaire d’intervenir dans un
contexte scolaire où […] la question des inégalités était dépassée ». Ainsi, affirmer que
l’école est inégalitaire et que les enseignant-es contribuent au maintien, voire à la
(re)production de ces inégalités peut être mal vécu et provoquer de leur part, « rejet, défense
et agressivité » (Fontanini, 2005, p. 109). Dans son article, Petrovic propose de nombreuses
pistes intéressantes à appliquer pour dépasser certains arguments et opinions à ce sujet.
Néanmoins, elle souligne à quel point il est indispensable de répondre sans fermer la
discussion « au risque d’instaurer un rapport de dominant à dominé entre celui-celle qui
détiendrait un savoir « juste » et celui-celle qui aurait un savoir « faux » » (p. 33), ce qui
aurait pour unique conséquence de conforter le sujet résistant dans son opposition. Quant à
Plateau, elle suggère l’utilisation « [d’] une grille de lecture intégrant la dimension de genre
136
afin de repérer les multiples manifestations, parfois voilées, du sexisme dans le monde de
l’école ».
Baurens et Schreiber (2010) évoquent deux autres certitudes pouvant faire obstacle à une telle
formation chez les futur-es enseignant-es. La première est une vision des inégalités sexuées
constatées résultantes en réalité de différences normales – donc naturelles – entre les garçons
et les filles, soit une confusion entre les termes « inégalité » et « différence » (Fontanini,
2005) chez certaines personnes. Ainsi, des résistances se font jour par « peur du
bouleversement de l’« ordre naturel » entre les sexes » (Fassa et al., 2010, p. 12). Au nom
d’une prétendue « différence et complémentarité des sexes, elles défendent la légitimité de
rôles sexués différenciés et d’un ordre sexué sous lequel elles masquent et se masquent les
inégalités sexuées réelles » (Mosconi, 2011, p. 58). Ceci engendre de la perplexité par rapport
à la véracité du contenu des éléments scientifiques exposés et/ou des interrogations générales
sur la thématique ou sur les « risques des mesures égalitaires » (Baurens & Schreiber, 2010, p.
81). Rappelons à ce sujet, le discours de Bill :
C’est peut-être un endoctrinement le cours qu’on a reçu parce que je suis sûr que les
gamins ils ne s’en portent pas plus mal […] on nous dit, que ce soit vrai ou pas, il y a
des études qui le prouvent toujours, on nous dit, à cause de ça […] on crée des
inégalités hommes-femmes (l. 260-267).
La conviction relativement commune que l’école n’y peut rien, qu’elle n’a pas de réel pouvoir
vis-à-vis de cette égalité des sexes constitue le deuxième écueil. Ceci génère doutes et craintes
– comment faire ? – face à leur rôle dans ces changements égalitaires, menant de ce fait à un
certain sentiment d’impuissance, d’où, parfois, « une remise en question de [la] pertinence »
de cette thématique en classe (Baurens & Schreiber, 2010, p. 80).
Mosconi (2011) suggère un type de résistance différent : la question de l’égalité des sexes
divisant actuellement toujours la société au travers de différents courants opposés, les
enseignant-es craignent peut-être de se positionner, de s’engager dans ces conflits et de
« prendre des initiatives, dans un domaine si controversé » (p. 57).
6.5. Stratégies de contournement des résistances
En dépit de ces résistances tenaces, suite à une expérience de six ans, Baurens et Schreiber
(2010), expertes au niveau de la formation genre en Institut universitaire de formation des
maîtres [IUFM] dressent néanmoins un bilan positif de l’impact de ces cours particuliers sur
les futur-es enseignant-es: « La majorité s’inscrivent dans une dynamique de questionnement,
de vigilance, ou même déclarent vouloir modifier leur pratique » (p. 81). En effet, elles ont
137
élaboré, affiné et usent, actuellement encore, de différentes stratégies « [concourant] à
désarmer au maximum les points de menace [et] à rassurer les stagiaires sur la faisabilité et la
légitimité de la tâche à entreprendre » (ibid, p. 82). Nous tenons donc à en présenter quelquesunes. Pour de plus amples informations, nous prions nos lecteurs-trices intéressé-es de se
référer à leur article.
Tel que préconisé par Petrovic (2011) précédemment, ces auteures mettent en évidence
l’importance d’un brainstorming en début de formation, rendant possible l’émergence des
représentations des étudiant-es. En effet, permettre à chacun-e de prendre la parole et de
donner son avis par rapport aux idées d’autrui « [crée] un climat de coopération et […]
décharge » (Baurens & Schreiber, 2010, p. 82) les formateurs-trices de leur statut de
contradicteurs-trices souvent corrélé à leur position hiérarchique. Cette stratégie est d’ailleurs
aussi un moyen d’impliquer ces étudiant-es pour qu’ils/elles se sentent concerné-es. Ainsi,
évoquant leurs expériences – « par le bas » – des différences de genre dans le milieu scolaire,
anticipant vraisemblablement certaines thématiques de la formation, nul besoin de « plaquer
des connaissances par le haut » (ibid, p. 83), ce qui facilite la reconnaissance de la thématique
genre. Dans ce même ordre d’idée, lors du premier cours, il serait judicieux de présenter
brièvement les différents thèmes susceptibles d’être abordés dans la formation (cf. Conditions
pour une formation au genre), puis de laisser les étudiant-es sélectionner ceux les interpellant,
de manière à les approfondir lors des séances suivantes. Cette stratégie a, selon ces mêmes
auteures, deux effets bénéfiques : « susciter un désir de vouloir en savoir plus » et mettre en
relief « que le genre infiltre toutes les pratiques enseignantes » (ibid, p. 84).
De plus, souhaitant éviter de paraître dogmatique, de prêcher la bonne parole ou de prescrire
une vérité absolue, il convient de s’adresser au groupe-classe pour prendre quelques
précautions vis-à-vis des généralisations utilisées lors du cours. Une étape cruciale consiste
donc à « desserrer le lien entre le cas général […] et l’expérience de chacun-e » (Baurens &
Schreiber, 2010, p. 83). Il est indispensable que les étudiant-es sachent qu’il existe, en effet,
des variances dans les moyennes statistiques : bien que la plupart des garçons/filles agissent
par exemple de telle manière, il n’est pas possible de prédire de manière individuelle un
comportement, d’où l’existence d’attitudes, de comportements, de rôles atypiques. Par
ailleurs, il est nécessaire que ces individus prennent conscience que la formation vise à œuvrer
pour le bien des deux sexes et que la mixité scolaire cherche dans tous les cas à être préservée.
En effet, certain-es peuvent percevoir l’action des formateurs-trices comme cherchant à
« sauver » les filles (féministe) ou les garçons (masculiniste) ou – mettant en évidence les
dysfonctionnements de la mixité – comme une volonté implicite de retour à la non-mixité. Il
est donc primordial d’aboutir à une connivence entre étudiant-es et formateur-trice à ces
niveaux-là. Finalement, pour désamorcer les résistances liées au doute sur la légitimité d’une
138
telle fonction égalitariste de l’école, il convient de mettre en exergue la loi et les missions
officielles de cette institution dévolues aux étudiant-es: « Le cœur de leur mission étant la
transformation individuelle et sociale, ils sont bien là pour proposer d’autres modèles que
ceux qui existent déjà dans l’histoire de l’élève et dans son environnement » (ibid, p. 85).
Nombres de déclarations d’intentions, recommandations ou textes de loi existent à ce sujet,
mais sont, bien souvent, méconnus des futur-es enseignant-es, comme souligné dans de
nombreuses recherches. Ces mêmes auteures estiment que cette façon de procéder permet
ainsi de dépasser leur sentiment d’impuissance susmentionné.
Ces quelques pistes stratégiques, ainsi que d'autres, non mentionnées, permettent ainsi
d’aboutir à une intervention des formateurs-trices « moins conflictuelles », dans une
« ambiance plus sereine » (Baurens & Schreiber, 2010, p. 85), ce qui facilite logiquement
l’apprentissage.
6.6. Conditions supplémentaires pour davantage d’efficacité
Selon Collet et Grin (2011), deux conditions complémentaires s’avèrent toutefois essentielles
pour agir concrètement sur les pratiques et représentations des enseignant-es. Tout d’abord,
« pour désenclaver et dépersonnaliser la question du genre en éducation » (p. 31), il est
nécessaire d’assurer un relais entre tous les formateurs et toutes les formatrices. Ceci nous
semble être un sérieux obstacle, dans le sens où, bien souvent, chaque formateur-trice se
spécifie dans un domaine particulier et ne s’aventure que rarement à faire des liens
interdisciplinaires, surtout lorsque les connaissances leur manquent. Bernard Schneuwly –
directeur de l’Institut universitaire de formation des enseignants de Genève – interviewé par
Collet (2011), suggère une « approche intégrée du genre […] dans les modules d’approche
transversale et dans les didactiques » ; méthode permettant d’éviter « de faire du genre un
sujet spécifique, à part et donc sans rapport avec le reste de l’enseignement » (p. 33). Ainsi, le
genre devrait, dans l’idéal, être traité tout au long de l’année dans la formation et permettre
aux futur-es enseignant-es de prendre conscience de l’omniprésence de cette thématique dans
le quotidien de la classe. Dans cette optique, une formation à long terme s’avère nécessaire :
en effet, « pour pouvoir « chausser les lunettes du genre » en éducation, il faut y avoir été
plusieurs fois sensibilisé » (Collet & Grin, p. 30) ! Nous rejoignons là les propos de Fontanini
(2005).
D’autre part, dans la suite de cette idée, il convient d’articuler une telle formation avec les
cours de perfectionnement proposés aux enseignant-es, soit la formation continue. Sensi et
Manço (2010) sont d’ailleurs de cet avis, tout comme Adriaenssens (2010) qui estime qu’il
serait nécessaire d’aboutir à une « réelle prise en compte de la dimension de genre dans
l’enseignement tant au niveau de la formation initiale que continue des […] acteurs de
139
l’éducation » (p. 169). En effet, intégrer cette problématique à la formation continue
permettrait, à nos yeux, de rester continuellement vigilant vis-à-vis de cette thématique
spécifique, de faire des « allers-retours » entre théories et terrain, ainsi que d’évaluer les
progrès établis en termes pratiques dans sa classe. Sur ces deux pistes de réflexion
additionnelles, nous concluons cette discussion sur la nécessité de mettre en place une
formation « appropriée au genre » dans le cursus initial des futur-es enseignant-es.
6.7. Piliers d’une formation appropriée à l’égalité des sexes
Pour résumé, passons brièvement en revue les différents éléments essentiels à la mise en place
d’une formation adéquate à l’égalité des sexes dans le cursus initial des futur-es enseignantes. Tout d’abord, il convient de régler les problèmes formels liés à l’aspect facultatif, à la
brièveté et à la concentration d’une telle formation (Fontanini, 2005). Ainsi, nous proposons
de mettre sur pied une formation obligatoire composée de séances hebdomadaires de 1h30 à 2
heures s’étalant au minimum sur une année, permettant un réel travail sur le fond et un allerretour entre théorie et pratique sur le terrain. En effet, un « projet one shot » ne semble pas
constituer la solution idéale : son inefficacité a d’ailleurs été démontrée par Plateau (2011).
Par ailleurs, pour une question de stimulation et de participation des étudiant-es, chaque
groupe devrait dans l’idéal comporter un maximum de vingt participants.
Le contenu de cette formation doit aussi être à même d’impliquer les futur-es enseignant-es.
Ainsi, nous suggérons de varier les apports théoriques – constitués de différentes thématiques
touchant à la vie quotidienne scolaire – et les aspects pratiques : mises en situation concrètes,
présentation et utilisation d’instruments d’analyse et d’outils pédagogiques, interventions
et/ou témoignages de personnes-ressources ou de chercheurs-euses.
Néanmoins, nous sommes totalement conscient des difficultés qu’une telle formation est
susceptible d’engendrer. En effet, trois grandes certitudes – le mythe de l’égalité réalisée, les
inégalités perçues comme naturelles et l’impuissance de l’école/de l’enseignant-e – sont
sources de nombreuses résistances, car leur remise en question respective menace certains
individus. Un tour de parole en début de formation pour identifier les représentations, ainsi
que l’utilisation de stratégies adaptées tout au long des séances permettent de désamorcer ou
contourner nombre de résistances. De ce fait, nous estimons que de telles précautions
s’avèrent nécessaires afin de ne pas compromettre les objectifs d’une formation à la
problématique genre. Nous appuyant sur le rapport de Grossenbacher (2006), nous
considérons que c’est au sein des HEPs qu’une telle formation appropriée au genre doit être
mise en place :
140
L’idéal serait que cette recherche [les études genre] reste aussi proche que possible de la
réalité scolaire et qu’elle implique aussi directement que possible les enseignantes et les
enseignants. Mandatées pour combiner formation, recherche et perfectionnement, les hautes
écoles pédagogiques sont les mieux placées pour assumer cette tâche. (p. 73)
141
7. Conclusion
Nous avons constaté dans un premier temps que la situation scolaire en matière d’égalité des
sexes en Suisse paraissait bien terne. Il serait donc grand temps de réellement mettre en
application certains textes d’intention, telles que les recommandations émises par la CDIP, il
y a déjà vingt ans, pour modifier représentations et pratiques enseignantes.
Notre enquête a permis d’explorer les représentations de l’égalité des sexes de huit
enseignant-es
du
second
cycle
primaire
en
Valais.
Mentionnons
tout
d’abord,
qu’indépendamment du parcours de formation suivi, aucune différence significative n’a été
relevée entre les représentations des enseignants et celles des enseignantes. Selon le retour sur
nos hypothèses, nous retenons que les membres du corps enseignant considèrent la mixité
scolaire comme une situation non-problématique conférant d’ailleurs quasi-exclusivement des
avantages aux enfants, voire même garante de l’égalité entre filles et garçons. Tel qu’illustré
dans notre problématisation et/ou les propos de nos sujets, cet « aveuglement » se retrouve
ainsi à de nombreux niveaux : pratiques pédagogiques, interactions, relations, normes
d’attribution, évaluations et d’autres aspects de la vie scolaire sont ainsi considérés comme
indifférenciés selon le sexe. Cette « cécité » du corps enseignant semble découler d’une
idéologie professionnelle de neutralité – la norme implicite d’égalité – qui prévaut à l’école.
Néanmoins, sur le terrain, il n’en est rien, filles et garçons étant soumis au travers d’un
curriculum caché à une socialisation scolaire différente. Cette dernière participe ainsi à
l’orientation future des élèves et les pousse à opter pour des formations, donc des « choix »
professionnels conformes à leur sexe respectif, bien que les enseignant-es n’en aient pas
conscience. Ainsi, en primaire, dispenser une éducation à l’égalité des sexes, tout comme
utiliser le langage épicène semblent relever du non-sens.
A nos yeux, une sensibilisation à la problématique genre au niveau scolaire s’avère donc
indispensable dans le cursus de formation des enseignant-es. Toutefois, celle-ci ne peut se
contenter de mettre brièvement l’accent sur certains éléments problématiques à l’école, cette
façon de procéder ne faisant qu’exacerber les doutes et résistances des individus à l’égard de
l’égalité. Une formation appropriée à la thématique de l’égalité des sexes doit être rapidement
mise sur pied pour faire évoluer certaines représentations sexuées tenaces, modifier les
pratiques inégalitaires des membres du corps enseignant et les convaincre de la pertinence
d’une telle éducation dans leur classe respective pour l’avenir des enfants qu’ils côtoient au
quotidien.
On l’a vu, le petite nombre de personnes constituant notre panel ne permet pas d’aboutir à des
résultats représentatifs. Il serait intéressant d’élargir cette recherche sur les représentations de
l’(in)égalité des sexes à l’école par les membres du corps enseignant à une échelle plus
142
importante, de manière à ce que les tendances dégagées de manière qualitative deviennent
fiables. Il serait par exemple possible de se baser sur les résultats de notre enquête pour
élaborer un questionnaire consolidé et relativement complet débouchant sur une recherche
quantitative.
Une piste intéressante consisterait à explorer de manière fine le parcours de vie d’un certain
nombre d’enseignant-es pour mettre en exergue les facteurs favorables à la mobilisation en
faveur de l’égalité des sexes à l’école ou, à l’inverse, défavorables. Les identifier aiderait à
sensibiliser les membres du corps enseignant lors de la formation initiale et à désamorcer les
résistances.
Un prolongement de cette recherche pourrait toucher aux pratiques réelles des enseignant-es,
à savoir ce que certain-es ont soulevé lors des interviews en estimant être neutres, mais avoir
besoin d’un regard extérieur pour s’en assurer. Il serait judicieux de mener par exemple une
analyse fine sur les interactions et/ou les évaluations en classe. Dans le même temps, cela
s’avère être le seul moyen de faire concrètement prendre conscience de la réalité de ce thème
aux enseignant-es.
Une autre perspective consisterait à mettre sur pied, dans le cursus initial et/ou continu du
personnel enseignant, une formation appropriée à la thématique de l’égalité des sexes telle
qu’esquissée dans l’ultime chapitre de notre travail, puis d’évaluer son efficacité. Il serait en
effet intéressant de mesurer l’évolution des représentations sexuées des enseignant-es ainsi
que de leurs résistances face à ce sujet. Par ailleurs, nous serions curieux de percevoir
comment leur motivation à réaliser une éducation à l’égalité des sexes en classe pourrait en
être affectée.
143
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Rutter, M., Maughan, B., Mortimer, P., & Ouston, J. (1979). Fifteen thousand hours:
secondary schools and their effects on children. London: Open Books.
Sénac-Slawinski, R. (2007). L’ordre sexué. La perception des inégalités femmes-hommes.
Paris : PUF.
Sensi, D. & Manço, A. (2010). L’axe formation dans l’affranchissement des modèles de sexe
en vue d’une meilleure réussite scolaire. In C. Gavray & A. Adriaenssens, Une fille =
un garçon ? Identifier les inégalités de genre à l’école pour mieux les combattre (pp.
127-152). Paris : L’Harmattan.
Sinigaglia-Amadio, S. (2010). Place et représentation des femmes dans les manuels scolaires
en France : la persistance des stéréotypes sexistes. Nouvelles questions féministes, 29
(2), 46-59.
Tajfel, H. (1972). La catégorisation sociale. In S. Moscovici (Ed.), Introduction à la
psychologie sociale (pp. 272-299). Paris: Larousse
Tostain, M. (2010). L’origine des différences entre sexes selon les enfants. In V. Rouyer, S.
Croity-Belz & Y. Prêteur, Genre et socialisation de l’enfance à l’âge adulte – expliquer
les différences, penser l’égalité (pp. 41-50). Toulouse : Érès.
Vidal, C. (2006). Cerveau, sexe et idéologie. In C. Vidal, Féminin masculin – mythes et
idéologies (pp. 49-57). Paris : Belin.
Vidal, C. (2010). Le cerveau a-t-il un sexe ? In F. Héritier, Hommes, femmes : la construction
de la différence (pp. 68-80). Paris : Le Pommier.
Vidal, C. (2012). Hommes, femmes, avons-nous le même cerveau. Paris : Le Pommier.
West, C. & Zimmermann, D. H. (1987). Doing Gender. Gender & Society. 1(2). 125-151.
Zaidman, C. (1996). La mixité à l’école primaire. Paris : L’Harmattan.
149
9. Liste des annexes
I)
Recommandations en vue de l’égalité de l’homme et de la femme dans le domaine de
l’enseignement et de l’éducation (CDIP, 28 octobre 1993)
II)
Organisation des cours HEP-VS
III)
Guide d’entretien
IV)
Tableaux d’analyse thématiques (26)
V)
Document « le langage épicène »
VI)
Profil des sujets de notre population d’enquête
VII) Liste non-exhaustive d’outils pour une éducation à l’égalité des sexes à l’école
primaire
VIII) Liste des abréviations
150
9.1. Recommandations en vue de l'égalité de l'homme et de la femme dans le
domaine de l'enseignement et de l'éducation du 28 octobre 1993
La Conférence des directeurs cantonaux de l'instruction publique (CDIP),



se fondant sur l'article 3 du Concordat sur la coordination scolaire,
sur la base du rapport "Filles - Femmes - Formation. Vers l'égalité des droits", et
pour développer les principes et recommandations adoptés les 2 novembre 1972 et 30
octobre 1981,
édicte les recommandations suivantes:
1. Principes
L'homme et la femme ont également accès à toutes les filières de formation scolaire et
professionnelle.
Les objectifs et les contenus des filières de formation sont les mêmes pour les deux sexes.
Il convient de veiller à une représentation équilibrée des deux sexes à tous les niveaux de la
profession enseignante et à tous les échelons administratifs.
2. Coéducation
Les écoles sont mixtes. On peut déroger toutefois au principe de la mixité des classes pour
autant que l'égalité des deux sexes est encouragée.
3. Equivalence dans l'enseignement
L'enseignement et les moyens d'enseignement doivent être conçus dans un esprit d'ouverture
et dans le respect de la diversité de l'environnement quotidien et professionnel des deux sexes.
Les enseignantes et les enseignants respectent l'équivalence des deux sexes au niveau du
langage et de toutes les autres formes de communication.
4. Formation initiale et perfectionnement des enseignants
L'égalité des sexes est un thème qui doit obligatoirement figurer dans le programme de
formation des enseignants. Les enseignantes et les enseignants doivent être amenés à
reconnaître tout ce qui peut être préjudiciable à ce principe, et à y remédier.
5. Orientation scolaire et professionnelle
Les jeunes doivent être informés et conseillés de façon à pouvoir opter pour une orientation
scolaire et professionnelle indépendamment de tout préjugé lié au sexe.
6. Organisation scolaire
L'organisation scolaire est suffisamment souple pour permettre aux mères et aux pères
d'exercer leur profession. Au nombre des mesures à prévoir figurent, par exemple: horaires
151
compacts, repas de midi, devoirs surveillés, heures d'accueil mobiles, journée continue, et
flexibilité du cahier des charges du personnel enseignant.
7. Développement de l'école et recherche
Les cantons s'attachent à promouvoir les études et les projets qui contribuent à assurer l'égalité
de l'homme et de la femme dans le domaine de l'enseignement et de l'éducation.
Assemblée plénière du 28 octobre 1993.
152
9.2. Organisation des cours HEP-VS
153
9.3. Guide d’entretien
Thèmes
A) Profil et
généralités
Questions principales
1. Pouvez-vous vous présenter en me donnant votre
parcours de formation ?
2. Pourquoi avoir choisi cette profession ?
Questions de relance
3. Faites-vous partie d’une ou de plusieurs associations
(militantes) ?
a) Si oui, quand y avez-vous commencé à
militer ? Quelles sont les valeurs de
l’association ?
a) En parliez-vous à la maison ?
b) Avez-vous eu l’impression d’avoir été
éduqué de manière différente de votre/vos
frère(s), de votre/vos sœurs ?
4. Vos parents étaient-ils sensibles à cette thématique de
l’égalité ?
B) L’égalité
1. Qu’est-ce que pour vous l’égalité ?
2. De manière générale, avez-vous l’impression
d’évoluer dans un milieu égalitaire ?  C12
3. Dans quel(s) domaine(s) se situent les enjeux de
l’égalité entre hommes et femmes ?
a) Quelles ont été vos motivations ?
a) N’y a-t-il pas d’autres variables
produisant des inégalités autre que…
l’origine sociale / le sexe / l’ethnie ?
b) Quelle variable vous semble produire le
plus d’inégalités dans notre société ?
c) L’égalité est-elle une utopie ?
a) Les rapports sociaux de sexe (= entre
hommes et femmes) ont-ils évolués ?
b) Jusqu’à quel point ces rapports sociaux
de sexe ont-ils évolué ?
c) Estimez-vous que la thématique de
l’égalité des sexes est toujours pertinente ?
Objectifs du chercheur
Identifier le parcours de
formation
Déterminer les motivations
pour enseigner
Déterminer l’influence de
cet engagement par rapport
à la problématique genre
Connaître l’influence de
l’entourage familial par
rapport à cette thématique
Identifier les
représentations au sujet de
l’égalité de manière
générale
Connaître l’importance de
la thématique de l’égalité
des sexes dans la société
Identifier les domaines
pertinents au sujet de
l’égalité des sexes
154
C) La mixité
scolaire
4. En quoi est-ce important pour vous l’égalité hommesfemmes dans votre vie de tous les jours? Dans votre
pratique professionnelle ?
a) Vous sentez-vous concernés par cette
égalité hommes-femmes ? Davantage dans
votre vie privée ou professionnelle ?
5. Comment se décline-t-elle (= l’égalité) en classe ?
a) Que mettez-vous concrètement en place
pour parvenir à davantage d’égalité en
classe ? ( F)
1. Avez-vous l’impression à l’école d’évoluer dans un
milieu égalitaire ?
a) Au niveau du personnel enseignant
b) Au niveau des élèves
2. Que pensez-vous de la mixité scolaire, soit du mélange
des filles et des garçons dans une même classe ?
a) La mixité scolaire permet-elle de se
rapprocher d’une certaine égalité entre les
sexes ?
b) Percevez-vous des inconvénients à cette
mixité scolaire ? Si oui, lesquels sont-ils ?
a) A-t-elle un impact sur les élèves ?
b) A-t-elle un impact sur la production
d’égalité/ d’inégalité ?
3) Que pensez-vous de la féminisation de l’enseignement
primaire?
D) Conception 1. Y a-t-il des différences entre les garçons et les filles ?
des différences Si oui, lesquelles et à quel niveau ? Observez-vous à
l’école des différences entre vos élèves filles-garçons ?
de sexe
2. D’où proviennent ces différences ? Quelles sont les
origines/ les facteurs à l’origine de ces différences ?
a) Estimez-vous que les élèves soient plus
ou moins compétents selon leur sexe en
fonction de la matière ?
b) Pensez-vous que les élèves ont des
compétences intellectuelles différentes
selon leur sexe ?
a) Quels est, à votre avis, le rôle des
facteurs biologiques à ce niveau-là ?
Identifier les
représentations au sujet de
l’égalité en société (prise de
conscience [pdc] ou non)
Identifier le degré
d’importance de cette
thématique à l’école
Identifier les
représentations au sujet de
l’égalité à l’école (pdc ou
non)
Identifier les
représentations concernant
la mixité scolaire et ses
effets (pdc ou non)
Saisir les représentations au
sujet de la féminisation du
métier d’enseignant
primaire
Identifier les
représentations sur les
différences filles-garçons
Déterminer les origines de
ces différences et définir la
conception dominante des
différences de sexe
155
E) Formation
enseignante
3. Les garçons et les filles sont-ils/elles élevé-es
différemment ? Comment cela se traduit-il ?
a) Pensez-vous que le système scolaire
puisse accentuer ces différences ? Peut-il, à
l’inverse, aussi les atténuer ?
Saisir la pertinence de la
problématique de l’égalité
des sexes dans la pratique
enseignante
1. Dans votre formation, avez-vous eu l’impression que
la thématique de l’égalité entre les sexes était
importante ?
a) Vous souvenez-vous avoir eu une
quelconque éducation à l’égalité des sexes?
b) Si oui, qu’avez-vous retenu de cette
formation ?
a) Jugez-vous qu’une telle éducation soit
pertinente ou non ?
Identifier le degré de
sensibilisation à cette
thématique suite à la
formation pédagogique
Saisir l’utilité d’une
éducation à l’égalité des
sexes à l’école
Identifier la connaissance
des enseignant-es du
matériel à disposition pour
dispenser une telle
éducation
Identifier l’offre de
formation continue
disponible et utilisée au
niveau de cette thématique
2. Que pensez-vous d’une éducation à l’égalité des sexes
à l’école primaire ?
F) Rôle de
l’enseignant-e
3. Disposez-vous des outils nécessaires pour dispenser
une telle éducation ?
a) Avez-vous déjà utilisé du matériel
didactique en lien avec la thématique de
l’égalité des sexes?
b) Qu’est-ce que vous en avez retiré ?
4. Avez-vous déjà suivi un cours de perfectionnement
(formation continue) en lien avec l’égalité des sexes ?
a) Si oui, qu’en avez-vous retenu ?
b) Si non, envisageriez-vous de le faire ?
1. Les enseignant-es ont-ils/elles des pratiques
pédagogiques neutres envers leurs élèves filles-garçons?
Avez-vous des pratiques pédagogiques neutres envers
vos élèves ?
2. Est-ce qu’il vous semble avoir les mêmes types de
relations avec les garçons et les filles ?
a) Si non, à quel niveau pensez-vous les
influencer ?
b) Quel est l’impact de votre pratique sur
les élèves ?
a) Est-ce que ça se passe aussi bien avec
les garçons et les filles ?
3. Pensez-vous que les élèves aient des relations
différentes avec un enseignant ou une enseignante ?
a) Si oui, comment cela se traduit-il ?
b) Pensez-vous que les élèves filles et les
élèves garçons aient des relations
différentes en fonction du sexe de
l’enseignant ?
Identifier l’impact des
pratiques enseignantes sur
les élèves selon leur sexe
(pdc ou non)
Saisir l’influence constatée
de l’enseignant-e sur ses
élèves
Identifier les
représentations sur le
comportement des élèves
en fonction du sexe de
l’enseignant-e
156
4. Est-ce qu’il vous semble que vous interagissez de la
même manière avec les garçons et les filles dans votre
classe ?
a) Si non, à quel niveau pensez-vous faire
des différences ?
5. Connaissez-vous ce qu’est le « langage épicène » ?
Qu’en pensez-vous ?
a) Si oui, l’utilisez-vous ou non ?
b) Dans quelle(s) situation(s) est-il
couramment utilisé ?
c) Jugez-vous utile d’utiliser un tel langage
à l’école primaire ?
a) Vous est-il déjà arrivé de vous dire que
vous avez eu des propos stéréotypées à
l’égard de vos élèves ? A quel niveau ou
comment ?
b) Avez-vous déjà entendu des propos
sexistes dans le milieu scolaire de la part
de collègues ou de professionnel(s) de
l’éducation ?
a) Si oui, pouvez-vous m’en dire
davantage ?
b) Avez-vous déjà utilisé du matériel
didactique pour aider les enfants dans leur
choix d’orientation future ?
6. Avez-vous déjà entendu des collègues véhiculer des
stéréotypes de sexe par rapport à leurs élèves ? A quel
niveau ou comment ?
7. Les enseignant-es exercent-ils/elles un impact sur
l’orientation professionnelle future des élèves selon leur
sexe ?
G) Autres
1. Souhaitez-vous m’en dire davantage sur votre
conception de l’égalité des sexes à l’école ?
Identifier l’impact des
interactions enseignantes
sur les élèves selon leur
sexe (pcd ou non)
Connaître l’opinion des
enseignant-es vis-à-vis du
langage épicène et de son
utilité dans le milieu
scolaire
Identifier l’impact des
stéréotypes de sexe dans le
milieu scolaire (pdc ou
non)
Identifier les
représentations sur
l’influence des enseignantes dans l’orientation des
élèves (pdc ou non)
a) Aimeriez-vous rajouter quelque chose?
157
9.4. Tableaux d’analyse thématique (26)
Explications tableau d’analyse par thème
A. Thème
1) Question principale + questions de relance [QR] s’y rapportant + éventuellement questions dérivées [QD]
Exemple
18
Enseignants
Enseignantes
Jeunes
Jeune enseignant n°1
Jeune enseignant n°2
Jeune enseignante n°1
Jeune enseignante n°2
Représentation(s) du sujet18
Représentation(s) du sujet
Représentation(s) du sujet
Représentation(s) du sujet
Expérimenté-es
Enseignant expérimenté n°1
Enseignant expérimenté n°2
Enseignante expérimentée n°1
Enseignante expérimentée n°2
Représentation(s) du sujet
Représentation(s) du sujet
Représentation(s) du sujet
Représentation(s) du sujet
Pour le premier thème « profil et généralités », il ne s’agit évidemment pas des représentations des enseignant-es
158
A. Profil et généralités
1) Pouvez-vous vous présenter en me donnant votre parcours de formation ?
Tableau n°1
Jeunes
Expérimenté-es
Enseignants
Enseignantes
Jeff
Bill
Gertrude
Sophie
Tentative à l’EPFL en
informatique (1 an), mais
raté
Haute Ecole Pédagogique (3
ans)
Enseignant de 6P depuis 4
ans
Praticien formateur (en
formation)
Année sabbatique (armée)
après collège
Haute Ecole Pédagogique (3
ans)
Enseignant de 5P depuis 2
ans
Haute Ecole Pédagogique (3 ans)
Enseignante à Berne (1 an ; 50%100%)
Enseignante de 5P depuis 1 an
Haute Ecole Pédagogique (3
ans)
Enseignante 3P, mais aussi 56P depuis 2 ans.
Jimy
Luigi
Francine
Caroline
Ecole de commerce (3 ans)
Armée (école de recrue)
Ecole Normale (3 ans), car
diplôme de commerce.
Moniteur à l’école de ski (1
an)
Enseignant de 5P depuis 17
ans
Praticien formateur
Ecole Normale (5 ans)
Enseignement de 3-4P (33
ans)
Ecole Normale (5 ans)
Enseignante de 5-6P depuis 35
ans (plein temps)
Praticienne formatrice (5 ans)
Ecole Normale (5 ans)
Enseignement de 4P (24 ans)
159
2) Pourquoi avoir choisi cette profession ? + QR
Tableau n°2
Jeunes
Expérimenté-es
Enseignants
Enseignantes
Jeff
Bill
Gertrude
Sophie
A fait un remplacement
pendant son année à l’EPFL
qu’il a vraiment beaucoup
apprécié
A ressenti un certain plaisir :
joie de communiquer, être
avec des jeunes.
A fait un stage au cycle :
travailler avec des enfants,
leur transmettre/ apprendre
qqch, leur apporter qqch dans
la vie au niveau des
connaissances et de la
personnalité.
A hésité à faire cette profession :
à la base, éducation spécialisée (a
fait un stage), mais demandé
beaucoup de responsabilités.
Enseignement = responsabilités
différentes + moins côté affectif.
A voulu faire ce métier car a vu
sa maman le faire. Ne s’est
jamais vu faire autre chose,
c’est dans la logique de ses
envies et de sa vocation. Aime
le contact avec les élèves, la
transmission des savoirs, les
voir évoluer, grandir et
apprendre.
Jimy
Luigi
Francine
Caroline
A fait moniteur dans une
colonie de vacances plusieurs
années de suite et ça lui a
vraiment plu : travail avec les
enfants, gestion d’un
groupe ; voir les résultats et
les sourires avec les élèves
en difficulté
A fait une batterie de test
chez l’orienteur
professionnel : profil social,
donc Ecole Normale.
Pas de motivation
particulière.
A toujours voulu faire ce métier.
Pas de motivation particulière.
Ne savait pas trop ce qu’elle
voulait faire, a été chez
l’orienteur professionnel. A
passé un test : psychologue ou
enseignant. A essayé les
examens de l’Ecole Normale et
a réussi. Motivation : travail
avec les enfants.
160
3) Faites-vous partie d’une ou de plusieurs associations (militantes) ? + QR
Tableau n°3
Enseignants
Jeff
Jeunes
Ne fait partie d’aucune
association.
Jimy
Expérimenté-es
Ne fait partie d’aucune
association
Enseignantes
Bill
Membre du parti radical de la
commune depuis 1 an
Valeurs : liberté, tolérance,
responsabilité
Luigi
Membre de Linux Léman
(utilisateur de Linux du
bassin vaudois genevois)
Valeurs : contre le vote
électronique, pour les
logiciels libres
Gertrude
Sophie
Ne fait partie d’aucune
association pour l’instant. Plus
tard, Greenpeace.
Ne fait partie d’aucune
association militante.
Francine
Caroline
Ne fait partie d’aucune
association.
Ne fait partie d’aucune
association.
161
4) Vos parents étaient-ils sensibles à cette thématique de l’égalité ?
Tableau n°4
Jeunes
Expérimenté-es
Enseignants
Enseignantes
Jeff
Bill
Gertrude
Certainement, mais c’était
pas qqch qui posait conflit
dans la famille / sa mère
essayait un peu d’en parler,
mais peine perdu car 5 mâles
à la maison
Non, pas plus que tant.
Répartitions stéréotypées des
tâches à la maison : mère =
tâches ménagères, cuisine ;
père = pas.
Son père essayait (de manière
discursive) de faire que ses frères
fassent aussi leurs lessives. Rôles
très diversifiés : f (plus
indépendantes) = lessive,
repassage, ménage, bosser dans
l’entreprise familiale / g = rien.
Education identique que ses
frères. Pense que si sœur :
risque que ça aurait été
différent
Education identique que ses
frères / est sûr que si sœur :
éducation différenciée au
niveau des sorties, de la
protection.
Jimy
Luigi
Non, pas vraiment d’égalité
entre ses parents, chacun
avait son pouvoir quelque
part: père au niveau de
l’emploi, mère au niveau de
la maison.
Générations mai 68 : femmes
qui ont pris un peu le
pouvoir, recherche du
pouvoir par les femmes.
Education différente : famille
italienne (mentalité du sud),
plus de libertés au niveau
éducatif car garçon et
premier de famille
(perduration du nom).
Famille assez traditionnelle,
domaines assez bien définis.
N’a pas l’impression que ces
inégalités étaient une grande
souffrance, c’est normal. Ce
n’étaient pas des gens qui se
réclamaient de leur sexe.
Education certainement
différente, due à la différence
d’âge, la position dans la
famille, la configuration
(endroit où chacun a vécu).
Ne sait pas dire si ça aurait
été différent avec une sœur.
Education pas vraiment différente,
si ce n’est certains « détails »
(lessives). Différences au niveau
de la position occupée dans la
famille.
Francine
Non, ses parents n’ont jamais
parlé de ça.
Education différente, mais par
rapport à la place occupée par les
enfants dans la famille (8 ans de
différence d’âge), pas par rapport
au sexe des enfants
Sophie
Non, ce n’était pas un sujet
important. Ils n’étaient pas plus
sensibles qu’elle.
Education identique, mais ses
frères ont pu sortir plus vite
qu’elle. Pense que le sexe a
joué un rôle faible.
Caroline
Non, ce n’est pas un sujet qui a
été abordé, autres soucis que ça.
Education identique à sa sœur.
Son père voulait qu’elles
travaillent direct après l’école
obligatoire, pas d’études. Mais
est partie de la maison avant.
C’est difficile de répondre pour
un frère, car situation familiale
un peu compliquée.
162
B. L’égalité
1) Qu’est-ce que pour vous l’égalité ? + QR + QD
Tableau n°5
Enseignants
Jeff
Egalité de traitement
indépendamment du
physique (délit de faciès), de
la nationalité ou du sexe 
éviter les discriminations.
Autres inégalités : taille,
apparence physique (moche,
avoir l’air stupide, yeux
bleus), odeur
Jeunes
Inégalité la plus importante :
l’origine physique, pas sur
papier (apparence : avoir l’air
étranger au pays à cause de
sa tête)
Utopie ? Globalement oui à
cause de certaines personnes
/ personnellement : utopie
(impossible d’être
complètement égalitaire)
mais possibilité de tendre
vers l’égalitarisme
Enseignantes
Bill
Egalité est une notion idéale,
qui le dérange un peu, car on
est tous différents donc
comment être égaux ?
Préfère le terme « équité » (=
s’adapter aux personnes)
Variables : la culture (la
religion), les connaissances
(variables psychologiques),
la situation familiale (parents
ensemble ou non). Le sexe ne
rentre pas en ligne de
compte, il ne se pose pas la
question.
Inégalité la plus importante :
la culture (composée de la
religion, de l’éducation, des
valeurs transmises par la
famille)
Utopie ? Oui (référence à
Socrate), car les gens
peuvent pas être égaux,
même si c’est qqch vers
lequel on doit tendre.
Gertrude
Egalité ne veut rien dire, car nous
ne sommes pas égaux (égalité
hommes-femmes pas possible),
MAIS égalité de traitement en
fonction des caractéristiques de la
personne (l. 81-85).
Autres inégalités : l’âge
(capacités), la couleur de peau
(égalité de race)
Inégalité la plus importante :
l’origine (prénom, couleur de
peau)
Utopie ? Oui, car on n’est pas
égaux, mais il faut tendre vers
l’égalité.
Sophie
Egalité de traitement dans tous
les domaines (école, travail,
sport) + égalité de chance.
Variables : le sexe, la religion
(le culte), la nationalité, les
handicaps (être handicapé
physique/mental ou être
« normal »)
Inégalité la plus importante : le
sexe, puis les handicaps. Pas la
nationalité.
Utopie ? Non, car pense que
c’est réalisable d’être tous traité
de la même façon, d’être tous
au même niveau, mais
actuellement oui.
163
Jimy
Expérimenté-es
Egalité de chances, égalité de
droits, égalité d’obligations.
Variables : niveaux sociaux
(origine sociale), la religion
(le culte), l’argent (capital
financier), les handicaps.
Le sexe : inégalités
s’atténuent avec le temps,
même si encore des
différences hommes-femmes
(par ex. travail)
Inégalité la plus importante :
dans le monde la religion,
chez nous l’argent (capital
financier), puis le sexe.
Utopie ? Oui, car on essaie
de combler les différences
(hommes-femmes ; impôts
pour argent), mais il y aura
toujours des inégalités.
Luigi
L’égalité n’existe pas, il n’y
a pas d’égalité. On n’est pas
égaux, mais c’est une
richesse. Egalité = idéal,
mais pas un fait. L’égalité
c’est que tout le monde soit
reconnu, mais pas être
semblable. L’égalité =
respecter les inégalités
(respect mutuel).
Il n’y a que des inégalités
dans la société : inégalité en
fonction du moment et du
lieu de naissance. L’inégalité
est la norme.
Inégalité homme-femme,
mais aussi inégalité hommehomme, mais plus inégale
car on n’est pas fabriqué de
la même façon.
Inégalité la plus importante :
ça dépend du lieu et du
moment (sexe, âge).
Actuellement dans notre
société, ne sait pas dire.
Francine
Caroline
Uniquement égalité de sexe :
travail, salaire, tâche domestique
identique.
Pas de plafond de verre (poste de
cadre pour tous)
Autres inégalités : l’âge (années
d’expérience), le physique, la
confession (secte)
Egalité de droits : civique,
professionnel, couleur de peau
(physique), pays d’où on vient
(nationalité), homme ou femme
(sexe), riche ou pauvre (capital
financier). Variables : origines
(pays), origines sociales,
homme-femme, riche ou
pauvre, l’âge (vieux ou jeune)
Inégalité la plus importante :
hommes-femmes
Mauvaise expérience + sentiment
d’injustice: retiré un poste car
femme, il y a 20 ans.
Utopie ? Egalité parfaite = utopie
Inégalité la plus importante : ça
dépend des domaines
(professionnel : origine et sexe)
Utopie ? Oui, même si on tend
vers une certaine égalité, ça
restera toujours une utopie, il y
aura toujours des inégalités.
Utopie ? Oui, car c’est qqch
qui ne peut pas être atteint,
c’est du domaine des idées.
On ne peut pas être égaux.
164
2) De manière générale, avec-vous l’impression d’évoluer dans un milieu égalitaire ? + QR
Tableau n°6
Enseignants
Jeff
Enseignantes
Bill
Gertrude
Sophie
Oui.
Oui, car n’a pas de conflit
avec ça que ce soit d’un côté
ou d’un autre. Mais pas
milieu égalitariste.
Jeunes
Evolution rapports sociaux
de sexe : oui, évidemment.
Exemple : avant père
ramenait l’argent, mère
restait à la maison (ménage,
repas). Ajd, pas forcément
inverse, mais partage des
tâches ménagères + travail à
l’extérieur.
Thématique non pertinente
pour lui, mais pour d’autres
(ceux ayant une conception
bourgeoise de la famille)
peut être très pertinente. Oui,
thématique pertinente dans la
société.
Expérimenté-es
Evolution rapports sociaux
de sexe : oui, parce qu’il y a
50 ans en arrière on ne se
posait même pas la question,
c’était comme ça. Exemples :
répartition des tâches
ménagères, monde
professionnel (plus de
mamans qui travaillent),
infrastructures (UAPE,
crèches) pour que les parents
puissent les deux travailler.
Ajd, féministes dangereuses
voulant inverser la tendance
(femmes au pouvoir). Ex. au
gouvernement (politique)
plus de femmes que
d’hommes.
Thématique pertinente, car
c’est pas fini d’évoluer, c’est
pas acquis + il faut éduquer
les enfants, leur apprendre
qu’il y a d’autres
perspectives possibles.
Oui. Au niveau scolaire, égalité
de traitements entre enseignant-es,
mais inégalité de répartition
hommes-femmes (féminisation).
Evolution rapports sociaux de
sexe : oui, car les hommes et les
femmes ne se laissent plus faire.
f = plus de droits (vote ou justice),
décloisonnement (plus que à la
maison) / g = nouveaux rôles
(éducation enfants)… un peu
inversion des rôles. Ajd, pense
que parfois ça va trop loin,
femmes veulent trop de choses, de
pouvoir.
Thématique sera toujours
pertinente. Toujours pertinent de
discuter de ça.
Oui. Exemples au niveau du
traitement, des salutations, de la
confiance accordée.
Evolution rapports sociaux de
sexe : oui, car la femme a plus
d’importance dans la société
(accès à la formation et au vote)
et arrive au même niveau que
l’homme d’un point de vue
social. Regard positif sur cette
évolution. Ajd, femmes dans
métiers d’hommes, hommes
dans métiers de femmes (mais
pas la même reconnaissance).
Thématique toujours pertinente
tant que les salaires ne seront
pas égaux, puis maintien de
cette égalité dans tous les
domaines. Pertinent aussi où
elle travaille car enfants
musulmans ayant une autre
vision de la place de la femme.
Jimy
Luigi
Francine
Caroline
Oui, milieu égalitaire
professionnellement (mais
manque d’hommes) et
Non, car on n’est pas égaux
(richesse inégale par
exemple). Par rapport au
Oui, au travail et dans la famille.
Met en avant le fait que son
célibat peut venir biaiser cette
Oui, dans l’ensemble, même
s’il y a encore des préjugés, des
petites choses, des idées qui
165
familialement.
Evolution rapports sociaux
de sexe : oui, sacrément
évolués. Avant, femme
patronne du bon
fonctionnement du ménage
(reste à la maison à s’occuper
des enfants) et père patron de
son travail. Maintenant, ça
s’est bien équilibré,
quasiment autant de femmes
que d’hommes qui travaillent
(45%-55%).
Ajd, la femme a pris trop de
pouvoir, donc problèmes de
relations familiales. Les
femmes se croient imbues
d’un pouvoir maternel,
contrôlant, manipulateur
pour pouvoir diriger les
choses. L’homme a perdu sa
place de sexe fort.
Thématique des sexes
toujours pertinente, car est-ce
qu’il y aura un jour
égalité hommes-femmes ?
sexe : même salaire dans
l’enseignement ; 90%
d’enseignantes ; mêmes
exigences.
Evolution rapports sociaux
de sexe : oui, certainement
que ça a évolué. Exemples :
avant à l’église du village,
hommes avec chapeau à
droite, femmes avec coiffe à
gauche. Après la messe,
hommes à l’apéro au bistrot,
femmes à la maison, pour
faire le dîner et s’occuper des
enfants. Ajd, moins de codes
de conduite, (prescriptions)
suivis par les sexes.
Evolution positive pour
certaines choses (place à
l’église + vêtements) et
négative pour d’autres
(violence féminine)
interprétation.
Evolution rapports sociaux de
sexe : oui. Exemples : femme
seule au bistrot ou au restaurant
aujourd’hui, pas avant
Thématique des sexes toujours
pertinente, car sujet d’actualité.
Mais pertinente en fonction des
domaines (travail) : inégalités de
salaire parfois ; inégalités des
sexes face aux métiers atypiques
(vendeuse, carrossier), car
stéréotypes.
Egalité des salaires dans
l’enseignement.
restent. Ex : considération
d’une femme chez un garagiste,
difficulté pour une fille
d’exercer un métier
typiquement masculin.
Evolution rapports sociaux de
sexe : oui, mais les femmes
n’ont pas tout gagné dans
l’évolution : droit de travail des
femmes, mais pas toujours
partage des tâches domestiques.
Ajd, pense que plus ça avance,
plus les choses se normalisent.
Comparaison de deux
générations (l. 185-189).
Regard positif sur cette
évolution.
Thématique des sexes toujours
pertinente, si pas dans notre
pays, dans le reste du monde
oui.
Thématique de l’égalité des
sexes non pertinente : vouloir
l’égalité c’est de l’énergie
mal placée car on est inégal.
Egalité devrait être se
respecter les uns les autres.
166
3) Dans quel(s) domaine(s)s se situent les enjeux de l’égalité entre hommes et femmes ? + QR
Tableau n°7
Enseignants
Jeff
Niveau domestique (tâches
ménagères), niveau scolaire
(enseignement ; math =
branche pour les garçons),
niveau professionnel
(hiérarchies au boulot) 
plafond de verre
Jeunes
Ne se sent pas vraiment
concerné par cette égalité,
car ça ne lui pose pas de
problème ; né dans un
endroit où ça posait pas
problème, génération qui a
dépassé ce combat de
féministes  égocentrisme
Expérimenté-es
Enseignantes
Bill
Niveau domestique
(répartition des tâches
ménagères, la vie à la
maison), niveau
professionnel (métiers
associés au sexe féminin et
masculin), niveau sportif
(évaluations, performances
physiques)
Se sent concerné, mais n’en
est pas obsédé.
Gertrude
Niveau financier (égalité des
salaires, revalorisation salariale),
niveau des droits (garde des
enfants après divorce pour les g),
niveau professionnel (accès des
femmes à postes haut placés) 
plafond de verre
Ne se sent pas du tout concernée
par cette égalité.
Sophie
Niveau financier (salaire),
niveau de la formation (mêmes
capacités si même parcours de
formation ; offres d’emploi
avec « homme de préférence »),
niveau professionnel
(discriminations, chef
d’entreprise = homme) 
plafond de verre
Se sent concernée de loin. Mais
côté féministe qui ressort lors
de situations d’injustice
(capacités en fonction du sexe,
rôles de la femme). Se sent plus
concernée dans sa vie privée
(partage des tâches ménagères
si homme et femme travaillent)
Jimy
Luigi
Francine
Caroline
Niveau politique (droits de
vote), niveau professionnel
(métiers atypiques), niveau
social (pas que femmes au
foyer), niveau familial,
niveau affectif.
N’a pas l’impression qu’il y
a un enjeu d’égalité, mais
plutôt un enjeu d’inégalité :
les femmes cherchent à faire
carrière comme les hommes
(niveau professionnel) ; les
hommes veulent revenir dans
la famille et pouponner
(niveau familial).
Dans tous les domaines de la vie
courante : niveau professionnel
(poste de travail), niveau familial
(éducation), niveau social
(sociétés de chant)
Exemple d’inégalités dans une
société quelconque de chant :
secrétaire = femme ; caissier =
homme ; président = homme,
même si évolutions
Niveau professionnel (postes à
hautes responsabilités) 
plafond de verre, niveau des
choix (conciliation vie privéevie professionnelle : f = famille
ou travail, g = pas de choix à
faire), niveau de l’enseignement
(images clichées de l’homme et
de la femme : h = plus
d’autorité), niveau de chances
(accès aux métiers, orientation,
choix stéréotypés)
Se sent concerné, trouve très
important, essaie d’avoir
cette égalité dans la relation
avec sa femme. Autant dans
le domaine privé que
Ne sait pas dire dans quel(s)
domaine(s).
Ne se sent pas concernée par
167
professionnel. Pas de
différence entre les hommes
et les femmes.
Se sent concerné parce qu’il
y a un changement, il
observe les choses, mais
n’est pas certain que le
problème est cerné de
manière adéquate. Mais ne se
sent pas impliqué à un taux
(élevé) ni dans le
professionnel, ni dans le
privé.
l’égalité car ne voit pas
d’injustices (par rapport à ce
qu’elle vit)  égocentrisme
Se sent concernée, autant dans
le domaine privé que
professionnel.
168
4) En quoi est-ce important pour vous l’égalité hommes-femmes dans votre vie de tous les jours ? Dans votre pratique professionnelle ? +
QD
Tableau n°8
Enseignants
Jeff
Jeunes
Vie de tous les jours : si
chacun se sent bien (si tout le
monde est content), même si
répartition pas forcément
juste, alors ok  égalité
dans vie de couple
Pratique professionnelle :
donner les mêmes chances,
les mêmes possibilités aux
garçons-filles d’atteindre les
objectifs  égalité des
chances
Expérimenté-es
Enseignantes
Bill
Vie de tous les jours : pas
important, ça ne lui change
rien. Seulement un sujet
humoristique pour faire
tiquer les femmes (l. 154157)
Pratique professionnelle :
essaie d’ouvrir les élèves à
cette thématique. Ex. prise de
conscience par rapport à la
répartition des tâches
(ménage). Fait passer cela
comme si c’était normal (l.
150-151)
Jimy
Luigi
Vie de tous les jours : égalité
avec sa femme, d’un point de
vue légal, social, car permet
une meilleure entente dans le
couple.
Vie de tous les jours :
aimerait que l’homme et la
femme soient reconnus par
rapport à leur génie propre,
leurs compétences, même si
pas égaux. Plutôt une
coopération qu’une vision
d’inégalité entre lui et sa
femme.
Pratique professionnelle :
égalité pour avoir une
collaboration plus saine entre
collègues, travailler dans la
Gertrude
Vie de tous les jours : aucune
importance.
Pratique professionnelle :
traitement identique des élèves
indépendamment du sexe.
Francine
Uniquement au niveau
professionnel
Pratique professionnelle : égalité
pour enseigner et discuter
Important : échange des idées
(lors de discussion) / partage de la
sensibilité  hommes-femmes
différents donc équilibre
Sophie
Vie de tous les jours : trouve
que la femme ne doit pas être
traitée de manière inférieure à
l’homme : a presque les mêmes
capacités (sauf physiques).
Même étude = mêmes capacités
pour le travail. Personnalité
plus importante que le sexe.
Pratique professionnelle : on
fait confiance aux femmes pour
petits degrés. Hommes plus
crédibles par rapport à
l’employeur et par rapport aux
élèves dans les grands degrés (f
= plus gentille, moins stricte).
Femme doit plus s’imposer par
la voix, la posture (l. 580) +
sanctions.
Caroline
Vie de tous les jours : a
l’impression que cette égalité
est acquise (mêmes droits que
les autres, enseignante comme
un homme, même salaire, droit
de vote, égalité avec son mari à
la maison). Homme et femme =
complémentaires, pas pareils,
chaque sexe ne peut pas faire
tout ce que fait l’autre. Mais
169
transparence et le respect. Ne
fait aucune différence avec
les collègues hommes ou
femmes.
Pratique professionnelle :
c’est le fait de considérer les
autres comme des
professionnels,
indépendamment du sexe,
égal à lui, même confiance,
même si différents dans la
manière de faire les choses.
conscience que petites choses
inégalitaires dans la vie
quotidienne (ex : négociations
avec garagiste).
Pratique professionnelle : c’est
important, mais elle est acquise
(même travail, même salaire
chez enseignant)
170
5) Comment se décline-t-elle (= l’égalité) en classe ? + QR
Tableau n°9
Jeunes
Enseignants
Bill
Gertrude
ACM : garçons doivent aider
les filles à nettoyer / pour
toutes les matières, essaie de
faire participer tous les
élèves indépendamment de
leurs sexes / faire porter aussi
des choses aux filles, pas
qu’aux garçons / pousse les
filles à se dépasser
(performances physiques)
Ne met rien en place de
spécial pour cette égalité.
Conseils de classe : ses
élèves lui ont fait remarquer
qu’il avait davantage
tendance à prendre des jetons
aux garçons qu’aux filles.
Cite l’exemple de collègues
qui appuient ces différences
(g = autocollant de foot, f =
autocollant barbie)
Il ne faut pas y penser, rester
naturelle. Si problèmes, les élèves
le font remarquer. Risque de créer
plus d’inégalités en réfléchissant à
ce qu’on fait.
Ne met rien de particulier en place
pour davantage d’égalité. Si
problèmes se présentent, elle
travaille dessus avec les élèves
(conseil de coopération)
Luigi
Francine
Jimy
Expérimenté-es
Enseignantes
Jeff
Instauration d’un climat de
respect entre élèves. En
début d’année, il repart à
zéro avec les élèves, tout le
monde est à égalité de
chance, égalité de chance de
travail, égalité dans les
différences.
Ne met rien en place pour
parvenir à davantage
d’égalité car ne s’est jamais
dit qu’il y avait des
différences.
L’école est plutôt inégale,
plutôt faite pour les filles que
pour les garçons : elles sont
plus à l’aise à l’école et
doivent passer une scolarité
plus agréable que les mecs.
Les filles et les garçons se
respectent encore assez bien,
sont très égalitaires en 3-4ème.
Ne met pas de trucs
conscients en place pour
l’égalité entre filles et
garçons. Si problèmes entre
eux, résolution en donnant la
parole aux gens devant toute
la classe.
Les élèves sont tous au même
niveau, traitement identique.
Pas l’impression de faire des
différences entre garçons et filles,
mais laisse sous-entendre la
possibilité de le faire
inconsciemment
Pdc : traitement différent des
garçons et des filles à la gym
(porter des bancs), mais pas
ailleurs
Sophie
Traitement identique de tous
ses élèves, indépendamment du
sexe (sanctions, façon de
parler). Inégalités en termes de
niveau, pas du sexe.
Gym : traitement différencié au
niveau du sexe, car pas le
même niveau de difficulté
Ne met rien en place
concrètement. Seulement
discussions lors de bagarre par
rapport au sexe.
Caroline
N’a pas l’impression de faire de
différences entre les filles et les
garçons, manière uniforme
d’enseigner (séparation fillesgarçons). A des élèves avec des
besoins en face, la variable sexe
a peu d’importance. Sait
(lecture) que garçons ont une
autre manière de fonctionner
que filles : stimulation par la
compétition, les défis, la
performance.
Ne met rien de précis en place
si ce n’est des fois une
concurrence saine (petite
motivation).
171
C. La mixité scolaire
1) Avez-vous l’impression à l’école d’évoluer dans un milieu égalitaire ? + QR + QD
Tableau n°10
Enseignants
Jeff
Au niveau des élèves : grand
fossé entre les garçons et les
filles (jeux, proximité) ; pas
dans un fonctionnement
égalitaire
Jeunes
Expérimenté-es
Au niveau du personnel
enseignant : oui vit dans un
milieu égalitaire, même si
petits gags ou pics à
caractère sexuel ; tâches bien
partagées, même si plafond
de verre (un préfet, un
directeur, un inspecteur)
Enseignantes
Bill
Au niveau des élèves : oui,
c’est clairement égalitaire.
Au niveau du personnel
enseignant : clairement non
au niveau du nombre (moins
d’hommes), mais oui au
niveau du traitement.
Constat : g = degrés 4 à 6P ; f
= degrés 1-2 enfantines + 1 à
3P ; car f = côté maternant ;
lui = élèves plus autonomes,
lui moins maternant.
Jimy
Luigi
Au niveau des élèves : en
général, répartition assez
équilibrée entre garçonsfilles. Egalité de traitement
entre garçons et filles dans sa
classe : s’entendent bien,
jouent ensemble, sont
souvent mélangés. En 6ème,
formation de clans.
Au niveau des élèves : au
niveau des apprentissages
non, f = meilleures réussites
+ plus constantes ; g = plus
impulsifs, réussissent bien
dans certains domaines et se
désintéressent complètement
d’autres. Au niveau social,
oui, égalitaire.
Au niveau du personnel
enseignant : relations très
égalitaires entre les
enseignants et les
Au niveau du personnel
enseignant : plus de femmes
que d’hommes et il y a de
plus en plus de femmes + à
Gertrude
Au niveau des élèves : pas de
discrimination, si ce n’est à la
gym (f = barres asymétriques ; g =
barres parallèles)
Au niveau du personnel
enseignant : représentations
inégales d’hommes et de femmes
(pouvoir aux femmes car
majorité), mais relations
égalitaires
Francine
Au niveau des élèves : oui.
Preuves : évolutions par rapport
aux travaux manuels ( droit
égal à l’instruction) et « la
journée des filles » devenue
« osons les métiers »
Au niveau du personnel
enseignant : égalité entre les
membres du personnel enseignant
Sophie
Au niveau des élèves : égalité
entre les garçons et les filles,
mais peut-être qu’eux ne le
perçoivent pas comme ça : la
religion peut créer des
différences. Garçons et filles ne
se mélangent pas tellement
(cour de récré)
Au niveau du personnel
enseignant : beaucoup plus de
femmes que d’hommes, mais
relations égalitaires.
Caroline
Au niveau des élèves : oui, les
traite de la même façon,
indépendamment du sexe. La
religion (musulman) peut
intervenir entre les élèves et le
traitement infligé aux filles.
Au niveau du personnel
enseignant : plus de femmes
enseignantes que d’homme,
mais relations égalitaires.
Milieu particulier : les hommes
font un effort au niveau du
comportement (attitudes,
172
enseignantes. Parle d’un
centre où que des femmes =
conflits d’intérêts,
chamailleries.
Répartition équilibrée entre
enseignants et enseignantes.
Exemple avec son centre.
temps partiel, mais respect
entre les enseignants et
enseignantes. Il a toujours eu
de bonnes relations avec les
enseignantes.
manière de se tenir) parce qu’il
y a des femmes.
173
2) Que pensez-vous de la mixité scolaire, soit du mélange des filles et des garçons dans une même classe ? + QR
Tableau n°11
Enseignants
Jeff
Point de vue positif (même si
ajoute des difficultés), car ça
apporte quelque chose :
permet de voir et d’accepter
les différences entre les sexes
Jeunes
Permet de se rapprocher de
l’égalité entre sexes, car si on
ignore/ne connaît pas l’autre,
on ne peut pas être égalitaire
Inconvénients : en tant
qu’enseignant, il faut être
vigilant car nombreux pièges
(exemple ACM) / engendre
des conflits par rapport au
corps (cour, vestiaire, gym) :
toucher, embrasser…
Expérimenté-es
Enseignantes
Bill
Trouve absurde de devoir se
poser cette question +
réflexion par l’absurde (l.
319-332)
Point de vue positif. Trouve
la mixité normal car est le
reflet (l’image) de la société.
Important pour pouvoir
travailler avec/comprendre
l’autre groupe de sexe.
Ne permet pas de se
rapprocher de l’égalité, mais
de s’ouvrir à l’autre sexe.
Inconvénients : non, pas en
primaire.
Gertrude
Point de vue positif, car permet
l’apprentissage du vivre
ensemble. Trouve la situation de
mixité normale.
Pense que permet de se
rapprocher de l’égalité entre
sexes, car importance de
l’apprentissage de la découverte
des autres et de leur
fonctionnement.
Inconvénients : problèmes dans
les vestiaires à la gym,
discussions touchant plus
facilement un groupe de sexe ou
lors de conflits (voudrait séparer
les groupes)
Sophie
Point de vue très positif, car
permet l’apprentissage du vivre
ensemble et permet d’équilibrer
l’ambiance de classe (g = plus
vif ; f = plus calme)
Pense que permet de se
rapprocher de l’égalité entre
sexes, car traitement identique
+ chaque groupe de sexe doit
s’adapter à l’autre.
Inconvénients : pas de gros
inconvénients. Gym, travaux
manuels : garçons veulent aller
plus loin, car ils aiment ça.
Jimy
Luigi
Francine
Caroline
Point de vue très positif, car
provoque moins de regards,
évite de regarder bizarrement
l’autre sexe, permet une
grande ouverture, rend
possible l’équilibre.
Point de vue positif, car c’est
la réalité : élèves se
confrontent à la réalité de la
vie. Il a eu des classes nonmixtes.
Point de vue très positif, car
permet un juste équilibre entre les
garçons et les filles.
A connaissance d’une étude
réalisée en Angleterre dans
laquelle retour à la non-mixité
= meilleurs résultats.
Permet de tendre vers
l’égalité à l’intérieur des
classes, dans le parcours
scolaire c’est égalitaire.
Pense que la mixité scolaire
n’a pas d’incidence sur le fait
qu’après l’élève soit plus
égal ou plus inégal avec
l’autre sexe.
Permet de se rapprocher de
l’égalité entre les sexes, car
pourquoi avoir rendu l’école
mixte sinon ?  justification
Ne perçoit aucun inconvénient à
cette mixité scolaire. Elle est
Point de vue totalement positif,
car apprentissage du vivre
ensemble, même si exigences
moins élevées donc
performances moindres.
174
Ne perçoit aucun
inconvénient à cette mixité
scolaire, que des avantages :
confrontations d’idées, de
sexes, moins de problèmes
par rapport à la sexualité,
permet un bon équilibre.
Inconvénients : garçons
semblent être moins captivés
par l’école. Aimerait trouver
un moyen de faire changer
cela, se pose des questions.
même positive pour les filles car
revalorisation. Egalité des chances
à l’école : bons résultats scolaires
= bons métiers.
Permet de se rapprocher de
l’égalité entre les sexes, mais
pouvoir limité par rapport à ce
qui se passe à la maison.
Inconvénients : soi-disant des
performances moindres pour les
élèves (mais ne sait pas
pourquoi), mais sinon pas
d’autres inconvénients.
175
3) Que pensez-vous de la féminisation de l’enseignement primaire ? + QR
Tableau n°12
Jeunes
Enseignants
Bill
C’est terrible et ça va pas
dans le bon sens, car l’élève
aura un manque quelque part
(éducation et manière de se
comporter avec l’autre sexe)
 besoin de représentants
des deux sexes (manière de
vivre, de réagir différente) =
complémentarité
Importance de la différence :
exemple intéressant avec
Suisses et étrangers (l. 264269)
Ca fait très peur, car côté
trop maternant et manque
d’images un peu plus fortes.
Point de vue négatif sur cette
féminisation de
l’enseignement.
Constat dans son centre :
grands degrés, plus
d’hommes ; petits degrés,
plus de femmes  pdc
Expérimenté-es
Enseignantes
Jeff
Impacts négatifs sur les
élèves : enseignement =
métier de femmes ? / cheffe
= femme un peu maternante
et peut-être très sensible,
manque un chef homme,
comme plus tard dans les
entreprises et PME (chef
d’entreprise).
Gertrude
Sophie
Dévalorisation du métier
d’enseignant primaire aux yeux de
la société, car pratiqué par des
femmes.
Pense que c’est un métier qui
attire plus les filles, car travail
avec enfants + materner (f=
cajoler, plus gentille, plus
douce ; g = plus dur). Ca lui est
égal tant que les personnes
(hommes ou femmes) font bien
leur travail.
Peut avoir un impact négatif sur
les g, si pas de modèles masculins
à la maison : problèmes car besoin
d’un cadre, d’un modèle masculin
pour construire son identité
(imiter mimiques, gestes,
attitudes).
Importance de représentations des
deux sexes : styles
d’enseignement, présence en
classe et manière de fonctionner
différentes.
Impact sur la représentation de
l’enseignement comme un
métier de filles, mais sinon ne
voit pas en quoi ça peut avoir
un impact sur les élèves.
Ne sait pas si impact sur la
production d’égalité/inégalité.
Impact sur l’inégalité : renvoie
l’image d’un métier pour les
femmes. Hommes auront moins
envie de le faire. Mais ne crée
pas de gros problèmes.
Luigi
Francine
Caroline
Il est pour la mixité au
niveau de l’enseignement
aussi. Il faudrait plus
d’hommes, car ça apporte un
autre regard, une autre
manière de fonctionner.
Trop de femmes, il faudrait plus
d’équilibre [plus d’enseignants],
car permet un mélange d’idées
masculines et féminines
Ce n’est pas une bonne chose,
car beaucoup de femmes
travaillent à temps partiel, donc
manque de stabilité (gens à
plein temps = piliers du centre)
+ manque de diversité (sexe,
personnalité, caractère).
Important aussi pour enfants de
familles monoparentales
Féminisation peut produire
des inégalités
Impact sur l’inégalité :
renvoie l’image d’un métier
enseignant où l’accès est
réservé aux femmes
Jimy
N’a pas conscience de cette
féminisation de
l’enseignement. Pense que
maintenant c’est bien
mélangé, c’est bien équilibré.
Pense que si c’est le cas, on
revient en arrière.
Le mélange c’est positif, car
permet l’équilibre, d’avoir
Certainement un impact
négatif sur les élèves, car
Cette féminisation rend les élèves
mous [preuves basées sur des
stéréotypes] et produit de
l’inégalité
176
une meilleure balance, évite
les conflits.
Pense que enseignants
importants pour couper cette
fibre maternelle, poser un
cadre plus masculin (image
masculine). Importance des
deux visages dans
l’enseignement.
c’est déséquilibré. Il faudrait
une sorte de parité,
appauvrissement de n’avoir
qu’un sexe qui est représenté,
car les hommes et les
femmes sont différents.
Ne sait pas si produit de
l’égalité ou de l’inégalité.
(autorité masculine, valeurs,
identification)
Impact sur les élèves : ne sait
pas
Impact sur la production
d’inégalités : sous-entend que
enseignement = réservé aux
filles
Impact sur égalité/inégalité :
indépendamment du sexe de
l’enseignant-e, ne provoque
pas d’inégalités.
177
D. Conception des différences de sexe
1) Y-a-t-il des différences entre les garçons et les filles ? Si oui, lesquelles et à quel niveau ? Observez-vous à l’école des différences entre
vos élèves filles-garçons ? + QR + QD
Tableau n°13
Jeunes
Enseignants
Enseignantes
Jeff
Bill
Existence de différences :
physiologiques (g = pénis ; f
= vagin ; pilosité différente) /
besoins (sécuritaires,
identitaires) /
comportements (f = plus
dociles, plus serviables ; plus
violentes
psychologiquement ; g = plus
violents physiquement) /
scolarité ( f = plus scolaires,
plus à l’aise en milieu
scolaire) / capacités ( g =
meilleures performances à la
gym ; f = meilleure
expression verbale)
Existence de différences :
physiologiques (corps
différents) / image (g = plus
imposants) / intelligence (f =
intelligence relationnelle,
interpersonnelle, empathie) /
interactions (discussions
différentes) / activités
sportives / centres d’intérêt
/ choix des métiers / vision
du monde (g = plus
optimistes, sauf si coup dur,
pessimistes ; f = si coup dur,
relèvent la tête) / gestion des
émotions / activités (g =
jouer dehors, bouger, courir,
sauter / f = discuter, faire des
jeux de rôles, jouer à papa
maman)
Différences selon matière et
sexe : résultats pas si
différents ; plus une question
de motivation de l’élève en
fonction de la branche.
A la base, compétences
intellectuelles différentes,
mais ils les développent 
plasticité cérébrale
Différences selon matière et
sexe : les compétences sont
indépendantes, mais intérêt
différencié selon le sexe. g =
aiment mieux les maths, f =
aiment mieux le français.
Gertrude
Existence de différences :
biologiques (construction
différente) / perception des
événements (réactions,
compréhensions différentes) /
gestion des conflits (g = plus
francs, règlent conflits
rapidement ; f = discuter par
derrière, faire la gueule) / travail
scolaire (f = plus bosseuses, plus
studieuses ; g = plus cools)
Différences selon matière et sexe :
élèves « pives » en français et
maths, garçons ou filles.
Compétences intellectuelles
différentes : compétences pas en
lien avec le sexe.
Sophie
Existence de différences :
anatomiques / caractère (g =
plus dynamiques, plus fonceurs,
plus agressifs ; f = plus doux,
plus tendres) / habillement
(habits) / expression / choix
des branches / choix des
métiers / capacités (g = plus
math ; f = plus français) / jeux
(g = foot ; f = discussion, corde
à sauter, élastique) / choix de
jeux ( g = plus bouger, courir ;
f = bouger tranquille) /
relations avec l’enseignante ( f
= se confier à la maîtresse,
raconter de petites histoires ; g
= relation enseignant-élève) /
matériel (f = trousse rose,
fourre rose ; g = motifs de
skate, superhéros)
Différences selon matière et
sexe : au début oui, après ça
s’atténue avec le temps. Vrai
pour certain-es. f = plus de
facilités dans les langues.
178
Expérimenté-es
Pas de différence au niveau
cognitif.
Compétences intellectuelles
différentes : f = plus à l’aise
en expression orale (plus
l’habitude de parler) / g =
plus à l’aise dans activités
physiques (plus l’habitude de
bouger, jouer dehors).
Jimy
Luigi
Existence de différences :
travail scolaire (f = plus
appliquées, plus soigneuses,
il faut que ce soit beau) /
gestion des conflits (g = plus
directs, plus rapides ; f = plus
sournoises, conflits moins
réglés rapidement) / jeux (g
= jeux violents ; f = plus
tranquilles) /
comportements (g = plus
râleurs par rapport aux
règles, ne sont pas d’accord ;
f = plus vite d’accord par
rapport aux sanctions) /
capacité de concentration (f
= plus de concentration ;
garçons perturbés par
regards, gestes, bruits)
Différences selon matière et
sexe, le sexe ne change rien
par rapport aux résultats.
Existence de différences :
travail scolaire (f = plus
soigneuses dans l’écriture,
arrivent mieux à travailler en
collaboration ; g = plus
individualistes) / activités (f
= pas grand-chose qui joue
au foot, en groupe pour
discuter ; g = en groupe pour
jouer) / comportement (f =
plus grande capacité de
concentration, plus grande
empathie, plus grande
écoute ; g = réactions plus
explosives)
Différences selon matière et
sexe, compétences
indépendantes du sexe.
Compétences intellectuelles
différentes
Compétences intellectuelles
différentes : mêmes
compétences, mais se
développent différemment
selon le domaine les touchant
plus. Choix différenciés selon
sexe : g = maths, physique, f =
langues
Francine
Existence de différences : travail
scolaire (f = soucieuses +
travailleuses ; g = moins
travailleurs) / activités (f =
discuter ; g = jouer) / application
(f = plus minutieuses aux travaux
manuels ; g = moins) / scolarité
(g = « j’aime pas l’école »)
Différences selon matière et sexe
Mais f = plus volontaires
Compétences intellectuelles : f=
plus appliquées, concentrées ; g =
plus francs  attention : ce ne
sont pas des compétences
intellectuelles
Caroline
Les différences sociales
(environnement familial) ont
plus d‘importance à ses yeux
que celles entres filles et
garçons. Est consciente de
l’existence de stéréotypes de
sexe.
Existence de différences :
travail scolaire (f = plus
studieuses, plus appliquées,
mais aussi plus brouillons, plus
sales) / activités (g = plus
attirés par la gym) / attitude (f
= plus dans l’émotionnel, g =
plus dans le rationnel) /
physique (g = plus de force)
Différences selon matière et
sexe : les filles ont certaines
compétences, les garçons
d’autres MAIS peut s’inverser
selon les personnes + influence
de l’environnement familial et
179
Compétences intellectuelles
différentes, mais sensibilités
différentes. F = plus dans la
recherche, la pensée, la
réflexion avant de produire
qqch ; g = plus instinctif.
d’autres facteurs
Compétences intellectuelles :
ne répond pas vraiment.
Cerveaux des garçons et des
filles différents, mais est-ce dû
à l’inné ou à l’acquis ? Avoue
son ignorance.
180
2) D’où proviennent ces différences ? Quelles sont les origines/les facteurs à l’origine de ces différences ? + QR + QD
Tableau n°14
Enseignants
Jeff
Jeunes
Origines : d’abord les parents
et la famille de manière
générale (habits, jouets,
couleurs, interactions) ;
exemple intéressant (l. 328333)  beaucoup
d’influence (4 ans). Autres
influences : collègues moins
égalitaristes (pas lui), les
pairs (se co-formatent), ~la
société (l. 323-324)
Se questionne sur le rôle de
l’école : difficulté de faire
changer de rôle aux élèves,
de les déformater, peu
d’influence
Enseignantes
Bill
Origines : toujours aspects
physiologiques/biologiques
(principalement le cerveau :
métiers ; performances
physiques). Peut-être aussi la
littérature jeunesse, la
télévision (dessins animés),
mais ne pense pas que ça
influence.
Gertrude
Sophie
Origines : le
contexte/l’environnement
composé de la famille/les parents
(renforcements, a priori, manière
d’éduquer) et la société (clubs de
sports, jouets, habits, la télévision,
les séries TV, les journaux).
Exemples avec effet Pygmalion (l.
363-364 + l. 377-380) de la part
des parents.
Origines : l’éducation (jouets,
comportement, caractère) par
les parents, la société (télé,
livres, jeux vidéo) et l’école
(effet Pygmalion). La société
envoie des images aux enfants :
g = superhéros, forts / f =
princesses, esseulée.
Rôle des aspects biologiques :
choix du métier (force)
Rôle des aspects biologiques :
ne joue pas un grand rôle
Aspects biologiques ne
jouent pas un rôle, si ce n’est
pour les performances
physiques
Jimy
Expérimenté-es
Origines : aspects génétiques
(biologiques), différences
d’éducabilité
Luigi
Francine
Origines : n’a aucune idée.
Origines : les parents (inscription
Ne sait pas si c’est hormonal
à activités extrascolaires
ou par rapport aux codes de
différentes, habits aussi) et la
conduites  inné ou acquis ?
société (jeux et activités
Influence des images que la différentes ; rayons des magasins ;
société donne des hommes et couleurs). D’abord la société, puis
des femmes (publicité,
les parents.
télévision, clips vidéo) / papa Différences depuis la naissance et
Caroline
Origines : très clairement
l’éducation par le papa et la
maman (jouets, vision d’un
garçon ou d’une fille, réactions
différenciées aux émotions), la
société (tâches, compétences
différentes dévolues ;
stéréotypes de sexe) et son
181
maman (activités et métiers
différents qui véhiculent des
images, manière d’être) /
métier d’enseignant (plus
d’enseignantes)
Aspects biologiques : ne sait
vraiment rien du tout, ne sait
pas quelle influence ils ont.
même avant
Aspects biologiques pas à
l’origine des différences
influence (télévision : clips
vidéo, films pornos ; médias :
donnent une image réductrice
de la femme ; la presse :
magazines ; Internet)
Rôle des aspects biologiques :
la biologie est une base, mais
on peut la modifier, l’améliorer,
ce n’est pas définitif à la
naissance.  plasticité
cérébrale
Autres facteurs plus essentiels
dans le développement :
éducation, l’influence de
l’école, les images.
182
3) Les garçons et les filles sont-ils/elles élevé-es différemment ? Comment cela se traduit-il ? + QR + QD
Tableau n°15
Enseignants
Jeff
Oui : jouets, habits,
réactions, sentiments,
interactions différents 
exemple intéressant (l. 373375)
Jeunes
Oui, le système scolaire peut
accentuer ces différences si
on n’y fait pas attention, car
les enfants se « coformatent ». Mais en soi, ça
ne pose pas de problème, on
a toujours vécu comme ça.
Oui, l’école peut atténuer les
différences et elle le fait
(exemple des emplois : laver
le tableau aussi pour garçon,
monter/ descendre stores
aussi pour filles)
Expérimenté-es
Enseignantes
Bill
Oui : protection, motivations
différenciées (g = jouer,
courir dehors + activités
physiques / f = moins)
Oui, il pourrait accentuer les
différences, mais ne le fait
pas, au contraire…
Oui et c’est pour cela qu’il a
été formé
Gertrude
Pas volontairement, mais
influences au niveau des jouets
(rarement atypiques) et des rôles
(f = vaisselle, g = tondre la
pelouse)
Oui, le système scolaire peut
accentuer les différences (gym),
ça dépend de l’enseignant
(influences : façon d’aborder les
matières, choix d’orientation)
Oui, par la discussion (remise en
question des rôles)
Sophie
Oui : cadeaux et habits
différents, relations différentes
aux parents. Pas de grandes
différences en termes
d’éducation.
Oui, il peut accentuer les
différences en séparant les
garçons et les filles, en donnant
un accès différencié à des
cours, mais ne pense pas
qu’actuellement il accentue. Ca
dépend de l’enseignant (gestion
de la classe, traitement des
élèves, personnalité, style
d’enseignement)
Oui, par un traitement identique
(critères de passation, discipline
identique)
Jimy
Luigi
Francine
Caroline
Oui, c’est complètement
différent : gestion différente
des deux sexes. Les familles
sont plus à laisser faire les
garçons que les filles.
Influence aussi des niveaux
sociaux, des religions,
beaucoup d’hétérogénéité
entre élèves.
Oui, certainement : habits,
sports différenciés, réactions
différentes face aux sorties.
Oui, impression que filles et
garçons sont élevés différemment,
sous forme d’activités différentes.
Oui, le système scolaire
convient moins aux garçons
qu’aux filles. Il est
inégalitaire car on met
l’accent sur certaines
compétences (collaboration,
Non, le système scolaire
n’accentue pas les différences.
Oui clairement éducation de
manière différente, même si on
veut pas, on va pousser les
enfants d’un côté ou de l’autre
en fonction du sexe : activités,
jouets, habillement et couleurs
différenciés ; sorties.
Oui, les maîtres[-sses] peuvent
contribuer à atténuer les
différences.
Oui, le système scolaire
accentue les différences de
183
Non, le système scolaire
n’accentue pas les
différences, car dans les
programmes tout est fait pour
qu’il y ait une égalité entre
sexes, religions.
Oui et il le fait déjà, par la
situation de mixité : mêmes
programmes, mêmes chances
à chacun
être constant) ce qui dessert
les garçons.
Oui, il pourrait, si on
permettait aux garçons d’être
impulsifs et non constants,
mais ne le fait pas.
manière inconsciente, mais ne
sait pas dire comment. Pense
que tout le monde n’a pas les
mêmes chances, car on n’utilise
pas la bonne méthode.
Oui, le système scolaire peut
atténuer les différences, mais ne
sait pas comment.
184
E. Formation enseignante
1) Dans votre formation, avez-vous eu l’impression que la thématique de l’égalité entre les sexes était importante ? + QR
Tableau n°16
Jeunes
Enseignants
Enseignantes
Jeff
Bill
Thématique pas importante,
mais abordée (cours de
sociologie) : a été sensibilisé
à la socialisation différenciée
dès le berceau.
Pas plus importante qu’une
autre thématique, mais elle
était présente. Cours sur le
concept de genre en
sociologie : se souvient que
la littérature jeunesse crée
des inégalités hommesfemmes.
Thème qui l’a marqué,
important pour lui car il lui a
parlé. Pense que ce thème
parle à tous.
Ne se souvient pas avoir eu
une quelconque éducation à
l’égalité des sexes.
Pense que les enseignants
sortis de la HEP sont plus
sensibilisés à cette
thématique.
Thématique captivante :
touche plus qu’une autre
thématique, car choses qui
sont assez vraies (littérature
jeunesse différenciée).
A eu une éducation à
l’égalité des sexes
(sociologie) : développement
du concept de genre,
réflexion et travaux à ce
sujet.
Gertrude
Sophie
Oui, dans le cours 1.2
[sociologie]: se souvient d’une
série de livres « labels » =
inversent + parlent d’égalité
Pas une très très grande
importance, mais a eu un cours
(sociologie) dans un module.
Elle a été sensibilisée à cette
thématique. Ne se souvient pas
de grand-chose de ce cours si ce
n’est un clash avec une
étudiante ne partageant pas ses
idées + document « s’exercer à
l’égalité »
Prof féministe : ça l’énervait,
résister (jouait la grosse rustre).
Ne se souvient pas avoir eu une
quelconque éducation à l’égalité
des sexes
A peut-être eu une éducation à
l’égalité des sexes (cours de
politique et sociologie), mais
très rapidement. A retenu que
les salaires étaient différents.
Collègues plus âgés n’ont pas
du tout été sensibilisés à cette
thématique (l. 275)
Expérimenté-es
Pense qu’on n’a pas besoin
d’aborder une telle thématique,
car on sait qu’on doit traiter nos
élèves de la même façon.
Maintenant, c’est rentré dans
les mœurs.
Jimy
Luigi
Francine
Caroline
Non, pas du tout, ils n’ont
jamais parlé de ça.
Non, ne se souvient pas
d’avoir parlé de ça.
Non, car ils n’ont jamais parlé de
ça.
Non, ce n’était pas un sujet qui
était traité à l’époque. La mixité
n’existait pas à cette époque,
185
N’a pas du tout eu
d’éducation à l’égalité des
sexes.
N’a pas eu d’éducation à
l’égalité des sexes.
N’a jamais eu une quelconque
éducation à l’égalité des sexes.
donc la question ne se posait
pas.
N’a pas eu d’éducation à
l’égalité des sexes.
186
2) Que pensez-vous d’une éducation à l’égalité des sexes à l’école primaire ? + QR
Tableau n°17
Enseignants
Jeff
Enseignantes
Bill
Gertrude
C’est inutile : on devrait faire
l’inverse, comme si c’était
normal qu’on soit égaux.
Seulement si nécessaire, en
fonction des besoins des élèves :
actuellement n’en ressent pas le
besoin dans sa classe.
Considère plus important le
respect entre garçons et les filles
que l’égalité. Importance de la
discussion : poser des questions.
Il le fait chaque année avec la
journée « Osez tous les
métiers ». Important pour
sensibiliser les élèves, mais
parents doivent faire leur
boulot.
Jeunes
Ca ne doit pas devenir un
cours en soi, mais rester
quelque chose de ponctuel,
même s’il faut faire attention
au quotidien  rôle de
l’école au niveau de la
formation, non pas de
l’éducation.
Ne juge pas une éducation à
l’égalité pertinente à l’école
primaire.
Questionne le rôle des
parents dans cette éducation
 importance de sensibiliser
les parents
Utilité en fonction de la classe :
attitudes des élèves, éducation,
valeurs.
Sophie
Ca doit se faire au cas par cas :
aborder cela avec élèves ayant
de gros problèmes, pas avec
tout le monde. Il ne faudrait pas
imposer ça dans le cursus
scolaire, car déjà bien assez.
Pertinent, mais pas pour tout le
monde, plutôt ciblé.
Utilité oui, mais qqch de
ponctuel (une fois par année)
Expérimenté-es
Jimy
Luigi
Francine
Caroline
Il le fait tous les jours en
donnant la même chance à
tout le monde (fille-garçon).
Essaie de gommer les
différences par le respect de
la personne, en regardant les
capacités et qualités de
C’est une connerie de plus.
L’inégalité entre les sexes est
une richesse, pas un déficit.
Faire une telle éducation = ne
pas respecter la différence de
l’autre. Il faudrait plutôt
apprendre aux gens à se
Nécessité d’éduquer/informer les
parents et la société à cette égalité
des sexes pour avoir une aide
extérieure.
Pense que c’est important. Ne
le fait pas, sauf si un problème
filles/garçons, au coup par
coup.
Utilité si tout le monde s’y met
(société, parents) + attitude
Utilité : oui par rapport à sa
classe (religions et pays
187
chacun. Autrement cours
d’éducation sexuelle (1X par
année) : seul cours où on
parle de la différence des
sexes filles-garçons.
respecter, pas seulement par
rapport au sexe.
Utilité : non, ce n’est pas
pertinent
d’ouverture de la part de
l’enseignant, mais inutile si que
éducation à l’égalité à l’école et
pas autrement.
mélangés) au vue de
l’éducation que reçoivent
certains. Mais même en général
avec que des enfants suisses.
Utilité : non, car
actuellement égalité des
moyens et égalité des
chances
188
3) Disposez-vous des outils nécessaires pour dispenser une telle éducation ? + QR
Tableau n°18
Enseignants
Jeff
Oui, connait les documents
de « l’école de l’égalité »
(mais ne connait pas son
nom) et l’a utilisé dans le
cadre de la journée « Osez
tous les métiers », sinon
jamais en dehors de ça.
Evoque aussi un film « jouela comme Beckham ».
Jeunes
N’utiliserait pas ce matériel
en dehors de cette journée,
même si a du plaisir à
enseigner avec ce matériel,
car assez à faire avec le
programme officiel + rôle
des parents d’éduquer
Apports d’une telle
éducation : briser certains
modèles stéréotypés + se
questionner sur les
déterminants dans la langue
Expérimenté-es
Enseignantes
Bill
Oui, a travaillé avec les
documents de « l’école de
l’égalité » (mais ne connait
pas son nom) en stage, dans
le cadre de la « journée des
filles », maintenant « Osez
tous les métiers ». N’a pas du
tout été satisfait de ces
documents et les trouve
inutile : désintérêt des
enfants + pas plus intéressant
que tant.
Apports d’une telle
éducation : rien du tout.
Désintérêt des enfants car ça
ne les touche pas.
Gertrude
Sophie
Oui, « label », même si ne sait pas
vraiment en quoi ça consiste.
Sinon Internet, prendre contact
avec psychologues (questions,
demande d’ouvrages ou
brochures).
Oui, document « s’exercer à
l’égalité » (document
pédagogique) : l’a dans ses
affaires d’école, mais pas
encore ouvert (l. 471-473). Ce
sont des fiches à remplir, des
exercices collectifs ou
individuels, plus des jeux
(ludiques).
Pense qu’on peut transmettre
pas mal de soi aux élèves dans
ce thème-là (éducation,
représentations de l’homme et
de la femme). Importance de la
discussion : sur soi, émotions,
sentiments, ressentis.
Se renseignera en fonction des
besoins pas autrement car il y a
assez d’autres choses à faire, ne
pas perdre son énergie pour rien.
N’a jamais utilisé du matériel en
lien avec cette thématique.
N’a pas encore utilisé ce
matériel didactique, car
nouvelles méthodes (français,
sciences-géo-histoire) à utiliser,
mais envisage de le faire, car la
société véhicule pas mal
d’images pour les élèves et
doivent comprendre que
hommes et femmes sont égaux.
Jimy
Luigi
Francine
Caroline
Non, clairement non. Il n’a
pas d’outils.
Non.
Non, il lui semble qu’elle n’a rien
si ce n’est des fiches qu’un
stagiaire de la HEP lui a données.
Non, pense qu’on n’a pas de
matériel comme ça à
disposition. Peut-être au niveau
des documents reçus par
N’a jamais utilisé du matériel
N’a pas utilisé de matériel
didactique en lien avec
189
didactique en lien avec
l’égalité des sexes.
l’égalité des sexes.
N’a pas utilisé de matériel
didactique en lien avec l’égalité
des sexes si ce n’est lors de la
journée « osons les métiers » (CD
avec métiers atypiques +
discussion). Autrement pas grandchose si ce n’est laver le lavabo et
employer le balai autant pour les
garçons que filles.
rapport aux droits de l’enfant.
N’a pas utilisé du matériel
didactique en lien avec l’égalité
des sexes.
Apports d’une telle éducation :
ouverture d’esprit + prise de
conscience que tout le monde est
capable de faire n’importe quel
métier indépendamment du sexe
190
4) Avez-vous déjà suivi un cours de perfectionnement (formation continue) en lien avec l’égalité des sexes ? + QR
Tableau n°19
Enseignants
Jeff
Jeunes
Non et n’envisagerait pas de
le faire.
Enseignantes
Bill
Non et n’envisagerait pas de
le faire, car ne l’intéresse
pas. Pense qu’il faut arrêter
de se focaliser là-dessus.
Gertrude
Non et ne ferait pas une priorité
de cette thématique (car assez des
choses sur Internet + autres
problématiques plus importantes),
mais si temps à disposition
pourquoi pas.
Sophie
Non et ne le ferait pas car a
d’autres priorités en termes de
formation continue (anglais et
musique), manque de temps.
Autres problématiques
prioritaires : le PER, enfants
hyperactifs, enfants HP
Jimy
Expérimenté-es
Non et n’envisagerait pas de
le faire, car ne voit pas de
différence, dans son métier
en tout cas.
Luigi
Non et n’envisagerait pas de
le faire.
Francine
Caroline
Non et pense que ça n’existe pas.
Non et n’envisagerait pas de le
faire actuellement. Elle a
d’autres chats à fouetter. Mais
le ferait si se rend compte que
c’est une problématique et que
ça peut aider les enfants à
mieux développer leurs
compétences.
191
F. Rôle de l’enseignant-e
1) Les enseignant-es ont-ils/elles des pratiques pédagogiques neutres envers leurs élèves filles-garçons ? Avez-vous des pratiques
pédagogiques neutres envers vos élèves ? + QR + QD
Tableau n°20
Enseignants
Jeff
Pense pouvoir influencer les
élèves en les confortant dans
leur « formatage », en les
laissant faire. Pense ne pas
être neutre, mais à
l’impression de l’être.
Jeunes
Exemple d’un système de
répartition de la parole
équitable selon le genre (l.
530-536)
Enseignantes
Bill
Oui, pense que les pratiques
pédagogiques sont neutres et
qu’il a aussi des pratiques
pédagogiques neutres.
Ne pense pas influencer ses
élèves.
Pense que ça dépend de chaque
personne, de la façon de voir les
filles et garçons, de la façon dont
on a été élevé.
A l’impression d’avoir des
pratiques pédagogiques +/neutres. N’a pas l’impression de
faire de différences + n’a pas de
remarques de la part des élèves.
N’essaie pas d’influencer les
élèves et ne fait pas de différence
selon le sexe.
Réactions différentes mais
par rapport au niveau
intellectuel, pas leur sexe
Expérimenté-es
Gertrude
Jimy
Luigi
Oui, tout à fait. Ne pense pas
pouvoir influencer les élèves
selon leur sexe.
Non, parce que ce sont des
personnes différentes, mais
indépendamment du sexe.
Mais utilise les filles pour la
formation des groupes ou
comme tutrices par rapport à
leur empathie (auxiliaires
pédagogiques). Ne sait pas
quelle influence ont ses
pratiques sur les élèves.
Sophie
Pas toujours : aux travaux
manuels, plus d’aide aux filles
ou élèves ayant de la peine
qu’aux garçons ; au chant
lorsqu’elle fait des groupes en
fonction du sexe. Mais sinon,
pratiques pédagogiques neutres
car on s’exprime de la même
façon à une fille qu’à un
garçon. Elle ne fait pas de
différence dans sa façon d’être
avec les filles et les garçons.
Francine
Caroline
Oui, pratiques pédagogiques sont
neutres. Si elle influence les
élèves c’est de manière
involontaire, inconsciemment.
Pense être neutre, mais se
demande si elle l’est
réellement.
Parfois agace, pique les garçons
ou les filles, mais juste pour
embêter par pour dévaloriser un
groupe par rapport à l’autre.
Elle aimerait et pense traiter les
élèves de la même manière.
192
2) Est-ce qu’il vous semble avoir les mêmes types de relations avec les garçons et les filles ? + QR
Tableau n°21
Enseignants
Enseignantes
Jeff
Bill
Oui, pas de relations
différentes en fonction du
sexe.
Oui, est certain d’avoir les
mêmes types de relation avec
les garçons et les filles.
Il a plus de problèmes avec
les garçons. g = moins
scolaires, moins dociles, plus
d’oublis, plus de conflits.
Ca se passe toujours bien,
même s’il est plus à l’aise
avec les filles, car a un
cerveau de fille.
Jimy
Luigi
Jeunes
Oui, mêmes relations avec
les garçons et les filles. A le
même fonctionnement avec
les deux.
Expérimenté-es
Des fois un peu plus strict,
cadré avec les garçons, mais
aussi parfois avec filles ayant
moins de structures.
Ca se passe aussi bien avec
les garçons et les filles.
Ne pense pas avoir le même
type de rapport entre les
garçons et les filles. A
l’impression de pas être la
même chose avec les garçons
et les filles (parole, manière
de dire les choses).
A l’impression que ça se
passe aussi bien avec les
garçons et les filles.
Gertrude
A des relations différenciées mais
en fonction de l’élève et de son
caractère, pas du sexe.
Sophie
De manière individuelle
(personnelle), différences au
niveau du contenu des
discussions, mais pendant les
cours, mêmes types de
relations.
Ca se passe aussi bien avec les
garçons que les filles.
Francine
Oui, pense ne pas faire de
différence entre filles ou garçons
Caroline
Oui, c’est plutôt une question
de personnalité des enfants,
mais pas de différence entre les
filles et les garçons, ce sont des
élèves.
Les garçons sont plus coquins
suivant les volées. Elle a eu
plus de problèmes de discipline,
même des cas lourds, avec des
garçons que des filles.
193
3) Pensez-vous que les élèves aient des relations différentes avec un enseignant ou une enseignante ? + QR
Tableau n°22
Enseignants
Jeff
Jeunes
Oui, f = séduction avec un
enseignant
Jimy
Expérimenté-es
Oui, f = plus de discussion
avec enseignante ; g = plus
de discussion avec
enseignant. Mais pas par
rapport à lui, dans sa classe,
filles et garçons viennent
autant lui parler.
Enseignantes
Bill
Non, pense qu’il n’y a pas de
différence
Luigi
Oui, certainement. N’arrive
pas à savoir en quoi, mais
pense que c’est différent.
Gertrude
g = jeu de séduction avec elle (l.
342), f = pas de séduction, ni
jalousie
Pense que plus les élèves
grandissent, plus ils jouent sur la
différence au niveau de la
séduction : d’abord, innocents
puis jeu de séduction.
Sophie
f = se confient beaucoup plus à
elle, racontent des histoires, g =
relation enseignante-élèves
f parlent avec elle de
l’esthétisme ou font des
compliments ; g parlent avec
elle de ce qu’ils ont fait (sport)
f : enseignante = rappelle la
maman ; g : enseignant =
modèle
Francine
Caroline
f = plus proche d’elle, se confient
plus à elle qu’à un enseignant,
osent plus parler à une maîtresse
de certaines choses.
Oui, en fonction de leur
éducation (enfants musulmans).
La relation avec leur papa et
leur maman donne une image
des hommes et des femmes qui
influence la relation avec un
enseignant homme ou femme.
194
4) Est-ce qu’il vous semble que vous interagissez de la même manière avec les garçons et les filles dans votre classe ? + QR
Tableau n°23
Jeunes
Expérimenté-es
Enseignants
Enseignantes
Jeff
Bill
Gertrude
Sophie
Non, mais pas parce qu’ils
sont de sexe différent, donc
oui.
Oui, il lui semble interagir de
la même manière, mais en est
inconscient.
Oui, il lui semble interagir de la
même manière.
Oui, il lui semble interagir de la
même manière.
Jimy
Luigi
Francine
Caroline
Non, a l’impression d’avoir
plus de retenue avec les
filles, d’être plus carré avec
les garçons.
Non. Elle se doit de plus motiver
les garçons car ils montrent
moins, sont moins soucieux, plus
enfoutistes  idée de sousréalisateurs
Différence au niveau de la
discipline : il faut plus discuter
avec les filles car plus rancunières
pour régler un problème
Oui, dirait qu’elle interagit de la
même manière. N’a pas le
sentiment de faire de
différences, mais peut-être
qu’elle le fait de manière
inconsciente.
Oui, il agit et interagit
exactement la même chose
des deux côtés.
195
5) Connaissez-vous ce qu’est le « langage épicène » ? Qu’en pensez-vous ? + QR
Tableau n°24
Enseignants
Jeff
Enseignantes
Bill
Non, absolument pas, n’en a
jamais entendu parler.
Pense que c’est horrible
d’utiliser un tel langage. Il
trouve ça inutile et féministe.
Trouve ce langage trop
artificiel.
Exemple intéressant avec les
« you » en anglais (l. 582585)
Jeunes
Utilité : absolument pas, ça
rallonge les choses pour rien
+ pense que ça ne change
rien d’utiliser ce langage.
Utilise parfois ce langage de
manière naturelle, pas en
réfléchissant + ironie
Non, ça ne lui dit rien du
tout.
Pense que c’est ri-di-cule. Ca
l’énerve et trouve cela
affreux + ironie. C’est exclu
qu’il l’utilise.
Utilité : inutile au possible.
Utilisation de ce langage :
dans les asiles (pour rire),
chez un psychologue de
couple, mais pas à l’école
Utilisation de ce langage : au
cirque, dans une lettre
(destinataires ?), pour les
choses officielles
Expérimenté-es
Gertrude
Sophie
N’a aucune idée par rapport à ce
qu’est le langage épicène, ne se
souvient pas en avoir entendu
parler.
Non et n’en a jamais entendu
parler.
Pense que c’est une connerie pour
perdre du temps et que c’est
redondant d’utiliser le même
terme au masculin et féminin.
Elle utilise des termes qui
désignent autant les garçons que
les filles. Exemple : les élèves.
Mais ne fait pas attention à utiliser
ce langage.
Utilité : ne lui semble pas utile,
sauf parfois d’utiliser un terme
désignant autant les deux groupes
de sexe.
Utilisation de ce langage : aucune
idée
Pense que c’est très bien, mais
compliqué habitude de parler
avec le masculin générique.
Plutôt une vision positive de ce
langage.
N’utilise pas ce langage, peutêtre rarement « celles et ceux »,
mais ce n’est pas réfléchi, pas
en lien avec l’égalité.
Utilité : non, pas à l’école
primaire, car ils ne font pas de
différence, ne comprennent pas
encore ça.
Utilisation de ce langage :
formation d’adulte
Jimy
Luigi
Francine
Caroline
Non pas du tout, n’en a
jamais entendu parler.
Non et n’en a jamais entendu
parler.
Non pas du tout, jamais entendu
parler. Utilise le masculin
générique à l’école.
Non, ça ne lui dit rien du tout.
Ca ne le choque pas car c’est
Pense que c’est une connerie.
Pense que c’est intéressant. N’y
avait pas pensé, mais ça ne lui
196
ce qu’il fait souvent (l’utilise
dans 85-90% des cas), mais
ne connaissait pas le nom. Il
aime faire remarquer qu’il y
a les deux sexes dans la
classe avec ce langage.
Vision positive de ce
langage.
Utilité : donne autant
d’importance du côté
masculin que du côté féminin
+ montre que tout le monde
existe. Pense que les choses
se font plus facilement ainsi.
Utilisation de ce langage : les
autres personnes devraient
aussi l’utiliser, mais ne sait
pas s’ils le font ou pas.
Il trouve cela ridicule. Ca n’a
pas une importance énorme.
Ca stigmatise les deux sexes,
car on montre bien qu’il y a
des garçons et des filles et
que c’est complètement
différent.
Pense qu’il faut être fou pour
utilise ce langage car c’est trop
long à dire et on montre bien qu’il
y a des différences, donc négatif.
dérangerait pas de faire ce
genre de démarche. Regard tout
à fait positif sur le langage
épicène.
Utilité : ne juge pas du tout utile
d’utiliser un tel langage à l’école
N’utilise pas ce langage
épicène.
N’utilise pas ce langage
épicène.
Utilisation de ce langage : lettres,
discours, les trucs officiels +
ironie. Justification : pour
spécifier qu’il y a des hommes et
des femmes et qu’ils sont
différents.
Utilité : ne dit pas qu’elle le
juge utile, mais si ça peut
apporter un plus au niveau de
l’égalité, si ça vaut la peine, elle
le ferait.
Utilité : ne juge pas utile
d’utiliser un tel langage à
l’école.
Utilisation de ce langage :
associations démocratiques
(institutions) ou pour tout ce
qui est officiel.
Utilisation de ce langage : ne
sait pas, à la HEP peut-être.
197
6) Avez-vous déjà entendu des collègues véhiculer des stéréotypes de sexe par rapport à leurs élèves ? A quel niveau ou comment ? + QR
Tableau n°25
Enseignants
Jeff
Collègues : non, pas
directement.
Jeunes
Lui-même : c’est difficile de
s’en souvenir, mais pense
que oui
Propos sexistes : mise à part
des gags (humour), non.
Enseignantes
Bill
Collègues : oui, bien sûr,
mais ça ne le choque pas plus
que tant, car il a aussi été
éduqué avec des stéréotypes
de sexe, mais ne s’en porte
pas plus mal ajd. Evite de le
faire, mais n’irait pas faire de
remarques à ses collègues à
ce sujet.
Lui-même : oui, plusieurs
fois, mais il en prend
rapidement conscience et
corrige le tir directement, sur
le moment même.
Propos sexistes : rien qui l’a
choqué, juste des blagues,
mais jamais vraiment
sérieusement (humour)
Jimy
Luigi
Collègues : non, pas par
rapport à leurs élèves.
Collègues : oui,
certainement. Exemple d’un
collègue ayant prédit le
métier de coiffeuse pour une
fille.
Lui-même : non jamais.
Expérimenté-es
Propos sexistes : seulement
des gags pour décontracter
l’atmosphère en salle des
maîtres, pour rigoler, mais ce
n’est pas pour blesser. Ca n’a
Lui-même : certainement,
mais ne s’en souvient plus.
Propos sexistes : n’a pas
Gertrude
Collègues : oui, ça elle sait.
Elle-même : oui en dehors de la
classe, mais jamais devant la
classe, parce que c’est destructeur.
Donc non.
Propos sexistes : ne se rappelle
plus, ça ne l’a pas choqué. Elle a
beaucoup d’humour. Trouve cela
rigolo, c’est de l’humour. Ex :
femmes travaillent à 50%, femme
encore enceinte
Francine
Collègues : de manière flagrante,
non.
Elle-même : ne pense pas
véhiculer des stéréotypes de sexe.
Propos sexistes : oui, « les filles
petits degrés, les garçons grands
degrés »
Sophie
Collègues : non, pas tellement.
Elle-même : peut-être parfois,
mais pour plaisanter, pas pour
être méchante ou créer des
inégalités. Pense en utiliser
inconsciemment, car clichés
ancrés dans la société. Ex. :
temps de préparation des filles
après la gym.
Propos sexistes : non, pense que
s’en serait souvenue car ça lui
aurait hérissé les poils.
Caroline
Collègues : oui, certainement
de temps en temps, mais aussi
en lien avec la nationalité.
Exemples avec les garçons
portugais, les filles portugaises.
Elle-même : plutôt non, mais
peut-être laisse échapper une
phrase de temps en temps
198
rien à voir avec des élèves ou
des collègues.
tellement entendu, mais n’est
pas tellement attentif. Ca ne
l’a pas choqué.
Propos sexistes : oui, une fois
« de toute façon les femmes qui
sont à temps partiel elles
travaillent mois que les autres »
(dit par un collègue plus âgé),
Mais sinon milieu assez
aseptisé par rapport à ça.
199
7) Les enseignant-es exercent-ils/elles un impact sur l’orientation future des élèves selon leur sexe ? + QR
Tableau n°26
Enseignants
Bill
Plutôt pas. Ca ne dépend pas
du sexe, plutôt au cas par cas.
Ne sait pas trop quoi
répondre, mais pense que
non. Ne voit pas comment il
pourrait exercer un tel
impact.
Jeunes
Cite la journée « Osons tous
les métiers » qui peut avoir
une influence.
Jimy
Non, actuellement en tout cas
pas. Chacun va où il veut.
Expérimenté-es
Enseignantes
Jeff
N’a jamais utilisé de matériel
didactique.
Gertrude
N’a pas l’impression d’avoir un
impact sur l’orientation de ses
élèves MAIS les enseignants, en
fonction du regard qu’ils ont sur
leurs élèves, ça peut les influencer
N’a pas utilisé de matériel
didactique par rapport à
l’orientation de ses élèves.
Elle en a parlé, mais n’a pas
utilisé de matériel particulier.
Journée « futur en tous genres » :
discussion autour des métiers +
film « Mme Doubtfire »
Luigi
Francine
C’est possible, on peut
influencer n’importe qui,
mais indépendamment du
sexe.
N’a pas utilisé de matériel
didactique pour orienter
professionnellement ses
élèves.
Non, pas du tout. Oriente
indépendamment du sexe par
rapport au cycle en mentionnant
les possibilités plus grandes en
étant niveau 1 plutôt que niveau 2.
N’a pas utilisé spécifiquement de
matériel didactique si ce n’est le
CD de la journée « Osons les
métiers »
Sophie
Ne pense pas pouvoir les
influencer en primaire car vie
professionnelle encore trop loin
d’eux. Peut-être donner le goût
du métier d’enseignant.
N’a pas utilisé de matériel
didactique, car élèves trop
petits.
Caroline
Par rapport au métier
d’enseignant oui, mais c’est pas
en lien avec le sexe, mais avec
la personnalité des élèves, sinon
en général, non.
Non, n’utilise pas de matériel
didactique en 4ème, car ils sont
trop jeunes. Mais avant oui
avec « la journée des filles »
(ajd depuis la 6ème).
200
9.5. Le langage épicène
Le langage épicène consiste à adapter le langage pour éliminer toute discrimination
linguistique entre femmes et hommes. En effet, la langue française se base sur le masculin
universel : le masculin englobe le féminin et les accords sont toujours faits avec le masculin.
Le terme épicène désigne aussi bien le féminin que le masculin. Le langage épicène est donc
la manière d'adresser un texte ou un discours autant aux femmes qu'aux hommes.
Exemples à l’école, l’enseignant-e s’adressant à l’ensemble du groupe-classe:
Au lieu de dire « ceux qui ont terminé leur travail viennent le faire corriger chez moi », dire
« celles et ceux qui ont terminé leur travail viennent le faire corriger chez moi ».
Au lieu de dire : « bravo, vous êtes des champions ! », dire « bravo, vous êtes des
championnes et des champions ! ».
Au lieu de dire : « je compte sur vous pour être discret », dire « je compte sur vous pour être
discret et discrète ».
201
9.6. Profil des différents sujets
Prénom : Jeff
Sexe : masculin
Formation : HEP
Thèmes
Sujets
Représentations du sujet
L’égalité
Egalité ?
Variable la plus importante ?
Utopie ?
Concerné-es ?
Thématique toujours pertinente ?
Milieu égalitaire pour élèves ?
Vision de la mixité scolaire ?
Plus d’égalité avec mixité scolaire ?
Origines des différences ?
Egalité de traitement
L’origine physique
Oui, mais égalitarisme possible
Pas vraiment
Oui
Non
Positif
Oui
Constructionniste (+ plasticité
cérébrale)
Renforcer/atténuer différences
Oui
Oui, mais ponctuellement
L’égalité des sexes
La mixité scolaire
Conception des
différences de sexe
Formation
enseignante
Rôle de
l’enseignant-e
Rôle du système scolaire ?
Sensibilisation à cette thématique ?
Education à l’égalité des sexes à
l’école (+ pertinence) ?
Outils nécessaires pour éducation à
l’égalité des sexes ?
Pratiques pédagogiques neutres
selon sexe ?
Interactions neutres selon sexe ?
Utilité du langage épicène ?
Impact sur orientation
professionnelles des élèves selon
sexe ?
Oui
Oui, mais impression…
Oui
Non
Non
202
Prénom : Bill
Sexe : Masculin
Formation : HEP
Thèmes
Sujets
Représentations du sujet
L’égalité
Egalité ?
Variable la plus importante ?
Utopie ?
Concerné-es ?
Thématique toujours pertinente ?
Milieu égalitaire pour élèves ?
Vision de la mixité scolaire ?
Plus d’égalité avec mixité scolaire ?
Origines des différences ?
Rôle du système scolaire ?
Notion idéale, préfère « équité »
La culture
Oui, on n’est pas égaux
Oui, mais pas obsédé
Oui
Oui
Positif
Non
Essentialiste
Uniquement atténuer les
différences
Oui
Non
L’égalité des sexes
La mixité scolaire
Conception des
différences de sexe
Formation
enseignante
Rôle de
l’enseignant-e
Sensibilisation à cette thématique ?
Education à l’égalité des sexes à
l’école (+ pertinence) ?
Outils nécessaires pour éducation à
l’égalité des sexes ?
Pratiques pédagogiques neutres
selon sexe ?
Interactions neutres selon sexe ?
Utilité du langage épicène ?
Impact sur orientation
professionnelles des élèves selon
sexe ?
Oui, mais pas intéressant
Oui
Oui, mais inconsciemment ?
Non
Non
203
Prénom : Gertrude
Sexe : féminin
Formation : HEP
Thèmes
Sujets
Représentations du sujet
L’égalité
Egalité ?
Variable la plus importante ?
Utopie ?
Concerné-es ?
Thématique toujours pertinente ?
Milieu égalitaire pour élèves ?
Vision de la mixité scolaire ?
Plus d’égalité avec mixité scolaire ?
Origines des différences ?
Rôle du système scolaire ?
Sensibilisation à cette thématique ?
Education à l’égalité des sexes à
l’école (+ pertinence) ?
Outils nécessaires pour éducation à
l’égalité des sexes ?
Pratiques pédagogiques neutres
selon sexe ?
Interactions neutres selon sexe ?
Utilité du langage épicène ?
Impact sur orientation
professionnelles des élèves selon
sexe ?
Egalité de traitement
L’origine
Oui, on n’est pas égaux
Non
Oui
Oui, sauf gym
Positif
Oui
Constructionniste
Renforcer/atténuer les différences
Oui
Oui, selon classe/besoin des élèves
L’égalité des sexes
La mixité scolaire
Conception des
différences de sexe
Formation
enseignante
Rôle de
l’enseignant-e
Oui
Oui
Oui
Non
Non, mais impression
204
Prénom : Sophie
Sexe : féminin
Formation : HEP
Thèmes
Sujets
Représentations du sujet
L’égalité
Egalité ?
L’égalité des sexes
La mixité scolaire
Conception des
différences de sexe
Formation
enseignante
Rôle de
l’enseignant-e
Egalité de traitement/ égalité des
chances
Variable la plus importante ?
Le sexe
Utopie ?
Oui, mais traitement égalitaire
possible
Concerné-es ?
Oui de loin
Thématique toujours pertinente ?
Oui
Milieu égalitaire pour élèves ?
Oui, mais religion (!)
Vision de la mixité scolaire ?
Positif
Plus d’égalité avec mixité scolaire ? Oui
Origines des différences ?
Constructionniste (+ plasticité
cérébrale)
Rôle du système scolaire ?
Uniquement atténuer les
différences
Sensibilisation à cette thématique ? Oui
Education à l’égalité des sexes à
Oui, mais ciblé, pas pour tous
l’école (+ pertinence) ?
Outils nécessaires pour éducation à
l’égalité des sexes ?
Pratiques pédagogiques neutres
selon sexe ?
Interactions neutres selon sexe ?
Utilité du langage épicène ?
Impact sur orientation
professionnelles des élèves selon
sexe ?
Oui
Oui, sauf ACM et chant
Oui
Non
Non
205
Prénom : Luigi
Sexe : masculin
Formation : EN
Thèmes
Sujets
Représentations du sujet
L’égalité
Egalité ?
L’égalité des sexes
La mixité scolaire
Conception des
différences de sexe
Formation
enseignante
Rôle de
l’enseignant-e
Notion idéale, préfère le
« respect »
Variable la plus importante ?
Dépend du lieu et du moment
Utopie ?
Oui, on est pas égaux
Concerné-es ?
Oui, mais pas vraiment impliqué
Thématique toujours pertinente ?
Non
Milieu égalitaire pour élèves ?
Oui, sauf pour apprentissages
Vision de la mixité scolaire ?
Positif
Plus d’égalité avec mixité scolaire ? Non, pas d’incidence
Origines des différences ?
Pas de conception précise
Rôle du système scolaire ?
Renforce les différences
Sensibilisation à cette thématique ? Non
Education à l’égalité des sexes à
Non
l’école (+ pertinence) ?
Outils nécessaires pour éducation à
l’égalité des sexes ?
Pratiques pédagogiques neutres
selon sexe ?
Interactions neutres selon sexe ?
Utilité du langage épicène ?
Impact sur orientation
professionnelles des élèves selon
sexe ?
Non
Oui
Non
Non
Non
206
Prénom : Jimy
Sexe : masculin
Formation : EN
Thèmes
Sujets
Représentations du sujet
L’égalité
Egalité ?
L’égalité des sexes
La mixité scolaire
Conception des
différences de sexe
Formation
enseignante
Rôle de
l’enseignant-e
Egalité de chance, de droits et
d’obligations
Variable la plus importante ?
L’argent
Utopie ?
Oui
Concerné-es ?
Oui
Thématique toujours pertinente ?
Oui
Milieu égalitaire pour élèves ?
Oui
Vision de la mixité scolaire ?
Positif
Plus d’égalité avec mixité scolaire ? Oui
Origines des différences ?
Essentialiste
Rôle du système scolaire ?
Uniquement atténuer les
différences
Sensibilisation à cette thématique ? Non
Education à l’égalité des sexes à
Non
l’école (+ pertinence) ?
Outils nécessaires pour éducation à
l’égalité des sexes ?
Pratiques pédagogiques neutres
selon sexe ?
Interactions neutres selon sexe ?
Utilité du langage épicène ?
Impact sur orientation
professionnelles des élèves selon
sexe ?
Non
Oui
Oui
Oui
Non
207
Prénom : Francine Sexe : féminin
Formation : EN
Thèmes
Sujets
Représentations du sujet
L’égalité
Egalité ?
Variable la plus importante ?
Utopie ?
Concerné-es ?
Thématique toujours pertinente ?
Milieu égalitaire pour élèves ?
Vision de la mixité scolaire ?
Plus d’égalité avec mixité scolaire ?
Origines des différences ?
Rôle du système scolaire ?
Egalité des sexes
Egalité des sexes
Oui
Non
Oui
Oui
Positif
Oui
Constructionniste
Uniquement atténuer les
différences
Non
Oui, si pas que à l’école, sinon
non
Non
L’égalité des sexes
La mixité scolaire
Conception des
différences de sexe
Formation
enseignante
Rôle de
l’enseignant-e
Sensibilisation à cette thématique ?
Education à l’égalité des sexes à
l’école (+ pertinence) ?
Outils nécessaires pour éducation à
l’égalité des sexes ?
Pratiques pédagogiques neutres
selon sexe ?
Interactions neutres selon sexe ?
Utilité du langage épicène ?
Impact sur orientation
professionnelles des élèves selon
sexe ?
Oui, mais inconsciemment ?
Non
Non
Non
208
Prénom : Caroline Sexe : féminin
Formation : EN
Thèmes
Sujets
Représentations du sujet
L’égalité
Egalité ?
Variable la plus importante ?
Utopie ?
Concerné-es ?
Thématique toujours pertinente ?
Milieu égalitaire pour élèves ?
Vision de la mixité scolaire ?
Plus d’égalité avec mixité scolaire ?
Origines des différences ?
Egalité des droits
Dépend des domaines
Oui
Oui
Oui
Oui, mais religion (!)
Positif
Oui
Constructionniste (+ plasticité
cérébrale)
Renforcer/atténuer les différences
Non
Oui
L’égalité des sexes
La mixité scolaire
Conception des
différences de sexe
Formation
enseignante
Rôle de
l’enseignant-e
Rôle du système scolaire ?
Sensibilisation à cette thématique ?
Education à l’égalité des sexes à
l’école (+ pertinence) ?
Outils nécessaires pour éducation à
l’égalité des sexes ?
Pratiques pédagogiques neutres
selon sexe ?
Interactions neutres selon sexe ?
Utilité du langage épicène ?
Impact sur orientation
professionnelles des élèves selon
sexe??
Non
Oui, mais impression…
Oui, mais inconsciemment ?
Seulement si apporte un plus à
l’égalité
Non
209
9.7. Liste non-exhaustive d’outils pour une éducation à l’égalité des sexes à l’école primaire
De quoi parle-t-on ?
Collection « l’école de l’égalité »
Filles et garçons… accordons-nous
50 activités pour l’égalité filles/garçons
Balayons les clichés
A l’école, au collège, au lycée : de la mixité à
l’égalité
Livres labélisés par « Lab-elle »
Mon métier, ma passion… ton avenir ?
Egal-e avec mes élèves, c’est tout à fait mon
genre ! - petite littérature à l’usage des profs
qui se soucient des filles et des garçons
Filles et garçons à l’école, clichés en tous
genres
Quel en est son contenu ?
Fiches conçues pour l’ensemble de la scolarité
obligatoire en lien avec l’égalité des sexes.
Guide pédagogique contenant des situations
d’apprentissage pour encourager des rapports
égalitaires entre garçons et filles dans la classe à
l’école primaire.
Ouvrage payant de Virginie Houadec et Michèle
Babillot proposant des activités à conduire dans
toutes les disciplines et à tous les degrés de
l’école primaire.
Mallette pédagogique contenant des ressources
pour aborder les différences de sexe et les
inégalités (activités individuelles ou collectives).
Outil de sensibilisation proposant des pistes de
travail et de réflexion autour de situations de la
vie scolaire puisées dans la réalité quotidienne
des écoles, collèges et lycées.
300 albums dépourvus de stéréotypes de genre.
Court-métrage (10 minutes) présentant les
parcours professionnels atypiques de trois
personnes.
Guide permettant d’aborder en onze fiches les
thèmes centraux mis en avant par l’Université
des femmes sur l’égalité.
Guide pédagogique incitant les enseignant-es à
s’engager dans une pédagogie de l’égalité et
donnant des outils pour les guider dans leur
pratique quotidienne.
Où se le procurer ?
www.egalit.ech/ecole-egalite.html
ou Médiathèque Valais.
Ministère de l’Education, du Loisir et du Sport:
www.mels.gouv.qc.ca
Centre national de documentation pédagogique :
www.cndp.fr
Documentation pédagogique de la Médiathèque
Valais
Ministère de l’Education Nationale :
http://www.education.gouv.fr/
Site officiel : www.lab-elle.org
http://www.futurentousgenres.ch
www.universitedesfemmes.be
Eduscol, portail national des professionnels de
l’éducation : http://eduscol.education.fr/
210
9.8. Liste des abréviations
Dans le document :
AE
années d’expérience
ARGEF
Association de Recherche sur le Genre en
Education et en Formation
C
célibataire
CDIP
Conférence suisse des Directeurs cantonaux
de l’Instruction Publique
CSRE
Centre Suisse de coordination pour la
Recherche en Education
DEA
degré(s) d’enseignement actuel
EN(s)
Ecole(s) normale(s)
f
frère(s)
fi
fille(s)
FP
Formation pédagogique
g
garçon(s)
HEP(s)
Haute(s) Ecole(s) Pédagogique(s)
IRDP
Institut de Recherche et de Documentation
Pédagogique
IUFM
Institut Universitaire de Formation des
Maîtres
m
marié-e
OFS
Office Fédéral de la Statistique
s
sœur(s)
SF
situation familiale
ajd
aujourd’hui
f
filles
g
garçons
pdc
prise de conscience
QR
question(s) de relance
qqch
quelque chose
QD
question(s) de relance
En annexe :
211