Les écrevisses
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Les écrevisses
Les écrevisses Association Theutoise pour l’Environnement asbl Photos : D. Herman indigènes et exotiques en Région wallonne Table des matières PREFACE n Introduction: morphologie externe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 1 n Structure interne des écrevisses. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 3 n Biologie et écologie des écrevisses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 5 n Reproduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 5 n Eclosion et développement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 7 n Comportement - écologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 11 n Alimentation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 12 n Autre particularité des écrevisses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 13 n Adversité et adversaires. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 14 l Prédateurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 14 l Maladies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 15 l Pollutions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 18 n Identification des différents espèces d’écrevisses n indigènes ou importées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 19 n n Ecrevisses indigènes européennes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 20 l Ecrevisse à pieds rouges ou écrevisse noble . . . . . . . . . . . . . . p. 20 l Ecrevisse à pieds blancs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 21 l Ecrevisse des torrents ou écrevisse de pierre . . . . . . . . . . . . . p. 22 Ecrevisses exotiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 23 l Ecrevisse turque ou écrevisse à pattes grêles . . . . . . . . . . . . . p. 23 l La «petite américaine» . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 24 l Ecrevisse de Californie ou écrevisse «signal». . . . . . . . . . . . . . p. 25 l Ecrevisse des marais de Louisiane . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 27 n Conseils pour les repeuplements en écrevisses. . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 29 n Le projet de sauvegarde des l’écrevisse à pieds rouges de l’ATE . . . . p. 30 Le projet NATURA 2000, mis sur rail depuis quelque temps, dynamise au sein des pays européens la problématique de conservation d’espèces ou d’habitats menacés. Il promeut aussi la politique de développement soutenable, indispensable à la survie humaine. En Région wallonne, ce réseau concerne 13% de notre territoire. De plus, l’écrevisse à pieds rouges, Astacus astacus, notre seule espèce d’écrevisses indigène, est une espèce concernée par NATURA 2000 (espèce reprise à l’annexe 4 du décret). Elle devrait ainsi bénéficier des retombées favorables de cette politique. A l’heure présente, l’écrevisse à pieds rouges est menacée et, sans intervention de l’homme, elle risque de disparaître à plus ou moins court terme.…Faisant partie intégrante de notre patrimoine naturel, comme le saumon atlantique, elle symbolise aussi la grande qualité des eaux . La conservation des habitats qu’elle occupe bénéficie également au maintien de multiples autres espèces vivantes. L’écrevisse est de plus un outil pédagogique particulièrement intéressant, permettant de sensibiliser le grand public (et en particulier les jeunes générations) à plusieurs problèmes majeurs liés à la conservation de la nature, tels que le maintien et la restauration des milieux aquatiques, indispensables à toute vie sur Terre, ou encore la diminution de la biodiversité. Cette espèce mérite donc aussi un effort particulier de protection, et c’est donc dans ce sens que s’est développé depuis 4 ans le projet de sauvegarde de cette espèce, projet mené par l’Association Theutoise pour l’Environnement, avec le soutien de la Région wallonne. Le Ministre de l’Agriculture et de la Ruralité Introduction : morphologie externe Dans le règne animal, l’écrevisse fait partie des arthropodes, c’est-à-dire des animaux segmentés pourvus de membres articulés, mais sans squelette interne. C’est aussi un crustacé, caractérisé par une carapace externe recouvrant latéralement ses branchies. Les écrevisses sont apparues, au cours de l’évolution, il y a quelque 250 millions d’années. Elles se sont diversifiées (plus de 470 espèces à l’heure actuelle) et ont colonisé progressivement les eaux douces des différents continents. 6 revêtaient un intérêt économique certain au Moyen-Age: des pêches de nuit à la torche étaient régulièrement organisées, comme le démontre ce dessin naïf tiré du “Fischbuch” de l’empereur Maximilien 1er d’Autriche (en 1499). Le squelette externe de l’écrevisse est fait essentiellement de chitine, substance membraneuse et cornée; excepté aux articulations des membres, la chitine est imprégnée de carbonate de calcium, lui assurant une dureté protectrice. 1 5 2 3 1 En Europe occidentale, il existe seulement 3 espèces indigènes: l’écrevisse des torrents (Austropotamobius torrentium), l’écrevisse à pieds rouges (Astacus astacus) et l’écrevisse à pieds blancs (Austropotamobius pallipes). La première ne se rencontre guère plus que dans les montagnes de l’Europe centrale. L’aire de répartition de la seconde est l’Europe centrale et septentrionale, mais elle est en forte régression. La troisième, plus méridionale, également en forte régression, se rencontre dans toute l’Europe occidentale: France, Allemagne, Grande Bretagne, Irlande, Espagne, Italie, Suisse, Autriche, Croatie, Bosnie (mais pas en Belgique)... A l’aube de l’histoire humaine, l’écrevisse, dont la capture est plus aisée que celle du poisson, a certainement fait partie de l’alimentation de l’homme préhistorique. Cette pratique s’est perpétuée au fil des siècles: les écrevisses 4 Le corps est divisé en deux parties: le céphalothorax (tête et thorax soudés) l’abdomen. 3 2 et Le céphalothorax se termine en avant par un éperon, appelé rostre 4 . La tête porte deux yeux pédonculés composés 5 , formés d’un nombre d’ommatidies (petits yeux simples), croissant avec l’âge: leur nombre s’élève à environ 600 chez les juvéniles et 2000 chez les adultes. La tête porte aussi 5 autres paires d’appendices articulés, notamment deux antennules (à deux flagelles), deux longues antennes 6 , les mandibules (calcifiées pour pouvoir broyer les aliments) et d’autres appendices buccaux. Le sens du toucher a son siège dans les soies situées notamment sur les antennes et antennules. l 2 Quant au thorax, il porte 5 paires de pattes ou péréiopodes 7 (d’où le nom de crustacé “décapode”), dont la première paire est transformée chez les écrevisses en deux pinces puissantes. A la base de ces péréiopodes, sur une membrane d’articulation les reliant au corps, sont fixées les 18 branchies, permettant la respiration de l’écrevisse. Elles sont dissimulées de chaque côté par la carapace. L’odorat de l’écrevisse a son siège dans les multiples soies situées sur la plupart des antennes, antennules et pattes. 7 7 l L’abdomen des écrevisses est formé de 6 segments articulés, prolongés par un battant natatoire, le telson 8 , qui porte l’anus 9 en face ventrale. Les 6 paires de pattes abdominales, appelées pléiopodes 10 , sont toutes semblables chez les femelles et ont comme principale fonction de retenir les oeufs pendant l’incubation. Chez les mâles par contre, les deux premières paires sont transformées en organe copulateur dirigé vers l’avant et situé entre les péréiopodes 11 . Il a pour fonction l’écoulement du liquide spermatique au moment de l’accouplement. 7 7 11 10 10 9 8 Structure interne des écrevisses Le système digestif est composé de trois parties: 3 coagule dans l’eau douce, à l’endroit d’une plaie, grâce au travail des thrombocytes (cellules sanguines). ¿ Un court oesophage et un estomac volumineux et très musculeux (pour le broyage des aliments); ¡Un intestin moyen et glandulaire, avec un hépatopancréas (sécrétant la cellulase, enzyme permettant de digérer la cellulose végétale) et un caecum; ¬ Un intestin postérieur, long tube droit se prolongeant jusqu’au telson. Le système circulatoire est “ouvert”: Il est constitué d’un coeur, perforé de 3 paires de trous ou ostioles, permettant au liquide sanguin de la cavité générale du corps d’y pénétrer lorsqu’il se dilate. A 20°C, le coeur de l’écrevisse bat à raison de 30-40 fois par minute. Un réseau d’artères alimente les différents organes du corps, mais comme la circulation n’est pas fermée, le sang se déverse à l’extrémité de ces vaisseaux dans les cavités situées entre les organes. Pour cette raison, en cas de blessure importante, les écrevisses peuvent mourir en perdant leur sang... Le sang de l’écrevisse est incolore. Il ne contient pas de l’hémoglobine mais de l’hémocyanine (contenant du cuivre et non du fer), dont le rôle est le transport de l’oxygène provenant des branchies. Le sang de l’écrevisse se Le système nerveux est essentiellement ganglionnaire, à raison d’une paire de ganglions par segment. Le ganglion se trouvant au-dessus du pharynx est appelé “cerveau” de l’écrevisse. Il est relié à une chaîne ventrale composée de 22 ganglions. Des ganglions partent des connexions nerveuses vers les muscles du corps, vers la tête et les différents organes du corps. La musculature: Les muscles les plus développés sont bien entendu ceux de l’abdomen (2 paires: les dorsaux ou extenseurs et les ventraux ou fléchisseurs) et ceux des pinces. Ce sont ces muscles-là qui sont consommés par l’homme. L’écrevisse possède bien entendu toute une série d’autres muscles, moins puissants cependant: ceux des mandibules, ceux des autres pattes, de l’estomac, etc... L’appareil génital Le système excréteur: Même si les branchies jouent un rôle dans l’excrétion, le système principal est constitué par les glandes vertes, dont l’orifice est situé à la base des antennes 1 . Le liquide excrété est en majorité composé d’ammoniaque et d’urée. 1 l chez le mâle, l’appareil génital est composé de deux testicules (situés dorsalement dans le thorax, sous le coeur et au-dessus de l’intestin), de deux canaux déférents et de deux glandes androgènes situées juste avant l’orifice extérieur. C’est à la base de la 5ème paire de périopodes que se localisent les orifices extérieurs (les gonopores mâles). lchez la femelle, l’appareil génital se compose de deux ovaires et de deux oviductes, qui aboutissent aux gonopores femelles à la base de la 3ème paire de péréiopodes 2 . Le développement des ovaires dépend de la phase de croissance et de 4 maturation des œufs. Il est maximal avant l’accouplement, qui se produit fin octobre-début novembre pour l’écrevisse à pieds rouges. 2 4 La pigmentation Le tégument des écrevisses contient des chromatophores, qui sont des cellules contenant des granules pigmentés. Les pigments rouges, jaunes et bleus sont des dérivés du carotène; ils sont fournis par le régime alimentaire. Le pigment bleu (astaxanthine) est détruit par la cuisson; c’est pour cette raison que les écrevisses prennent alors une coloration rouge orange très prononcée 3 . Dans la nature, on peut trouver de temps en temps des individus bleus 4 . 3 Biologie et écologie des écrevisses n Reproduction (écrevisse à pieds rouges) Comme indiqué précédemment, c’est en octobrenovembre que les ovules de l’écrevisse à pieds rouges sont mâtures; ils ont à ce moment un diamètre de 1,5 mm. Les femelles prêtes à l’accouplement se reconnaissent facilement aux taches blanchâtres qui apparaissent sur les bords de chaque segment abdominal 1 . A cette période, le mâle recherche activement une femelle, l’immobilise et la retourne sur le dos avec ses fortes pinces 2 . La période d’accouplement dure en général 2 à 3 semaines. Signalons qu’un mâle trop puissant peut mutiler, voir tuer les femelles en période d’accouplement, car il arrive que celles-ci 5 refusent le contact et tentent de résister. Si la femelle meurt, le mâle n’hésite pas à la dévorer. Cela arrive assez fréquemment. Lors des accouplements, le taux de réussite le plus élevé est obtenu lorsque le mâle est légèrement plus grand (1 cm-1,5 cm) que la femelle. Quand le mâle est plus petit, les femelles arrivent souvent à se dégager et quand il est trop grand, les mortalités des femelles sont plus élevées. Il est en général reconnu qu’un mâle peut féconder 3 femelles: cette proportion (1 mâle pour 3 femelles) est d’ailleurs conseillée lors de réensemencements de pièces d’eau. Le mâle ayant réussi à immobiliser une femelle dépose alors, grâce à son organe “copulateur” son sperme sur l’abdomen de celle-ci. Ce sperme se fige rapidement en petits filaments blancs, les spermatophores 3 , qui contiennent les spermatozoïdes. La femelle nettoie la face ventrale de son abdomen généralement une quinzaine de jours après l’accouplement. Après quoi elle recourbe son abdomen pour former une cavité protectrice, et sécrète un mucus abondant 4 . Ensuite, la ponte des oeufs a lieu en général la nuit. Les oeufs fraîchement pondus sont brunviolet 5 , de 2-3 mm de diamètre; en même temps, une substance sécrétée par la glande sexuelle femelle dissout la paroi des spermatophores et libère les spermatozoïdes permettant ainsi la fécondation. 2 5 3 1 3 4 6 Les oeufs se collent alors aux pattes abdominales grâce à un liquide sécrété par des cellules cémentaires 6 . Les oeufs fécondés vont se développer en embryons: les ébauches des pattes thoraciques apparaissent à la seizième semaine, les premières pulsations cardiaques peuvent être observées entre la dix-huitième et la vingtquatrième semaine; l’apparition des yeux à la vingt et unième semaine. Aux environs de la mi-juin, l’éclosion survient; les larves du premier stade vont rester accrochées sur l’abdomen durant encore une dizaine de jours 7 . La durée du développement est fonction de la température de l’eau; plus élevée, elle permettra une évolution plus rapide. 6 Dans la nature, les femelles portent donc leurs oeufs et larves pendant environ 7 mois (parfois 8)! Pendant tout ce temps, les femelles ne s’alimentent que très peu et restent quasiment en permanence dans leurs terriers ou leurs cachettes en assurant l’oxygénation des oeufs, leur nettoyage, leur protection et l’enlèvement des morts. Mais une grande partie de ces oeufs périssent pourtant au cours de ces 7-8 mois. Les femelles ne deviennent sexuellement matures qu’au cours de la quatrième année de leur vie, les mâles à leur troisième année. Il est aussi probable, d’après certains auteurs, que les femelles ne pondent pas chaque année. L’adversité du milieu environnant influence la stérilité des individus (par exemple en cas de manque de nourriture). Les femelles sont d’autant plus fertiles qu’elles sont plus âgées; le nombre d’ovules produits dépend donc de la taille de l’animal: une femelle de 9 à 11cm produit environ 190 ovules et porte 80-90 oeufs. l une femelle de 11 cm produit environ 350 ovules et porte 140-150 oeufs. l maximum d’oeufs portés par les grosses femelles : 350 oeufs. l Remarquons aussi que les périodes d’accouplement, les pontes et les durées d’incubation sont différentes en fonction des espèces d’écrevisses. 7 n Eclosion et développement 1 La paroi de l’oeuf se déchire et libère la larve de premier stade (L1) ressemblant assez bien à l’adulte; cependant, les extrémités de ses pinces sont recourbées en crochets, ce qui lui permet de rester fortement accrochée aux pattes abdominales de la femelle pendant encore plusieurs jours 1 . La larve a aussi un céphalothorax disproportionné, qui contient des réserves nutritives. La carapace est molle à ce stade et la larve peut donc grandir pendant ce laps de temps. La larve L1 pèse de 21 à 22 mg et mesure de 8 à 9 mm. Après 5-10 jours, une première mue survient et donne naissance à une larve de second stade, encore plus ressemblante à l’écrevisse adulte. Cette larve L2 s’alimente activement car la réserve de vitellus est épuisée. La carapace se calcifie également. Le telson de cette deuxième larve porte des poils en forme d’éventail, lui permettant de se déplacer rapidement. Mais, en cas de danger, la larve se réfugie sous la femelle 2 . La larve L2 atteint en moyenne 10-12 mm de long pour un poids de 37-38 mg. 2 La deuxième mue survient entre le 18ème et le 20ème jour après l’éclosion de l’oeuf. La jeune écrevisse doit donc quitter son ancienne carapace; elle est à ce moment toute molle et sa carapace doit se durcir progressivement. La larve de stade 3 est alors tout à fait identique aux adultes. A la fin de ce 3ème stade, la larve L3 atteint de 12 à 13 mm pour un poids de 50 mg environ. Le nombre de mues au cours du premier été de vie et leur durée sont influencés par la température extérieure: le développement est davantage rapide si la température augmente (en restant tout de même idéalement en dessous de 25°C, le maximum tolérable pour les écrevisses à pieds rouges étant de 33°C). Les mues s’effectuent en général quand la température atteint 12°C. La richesse des eaux en calcaire peut influer sur la vitesse de croissance. Cependant, en règle générale, dans la nature et sous notre latitude, les jeunes écrevisses à pieds rouges muent 5 fois durant les premiers mois de leur vie: en juinjuillet, de mi-juillet à fin juillet, de début août à mi-août, de fin août à début septembre, et de mi- 8 septembre à fin septembre, l’intervalle entre les mues étant d’une vingtaine de jours. Tailles et poids d’Astacus astacus en fonction de l’âge et du sexe (Cukerzis, 1984) (an) Femelle Mâle Age Les mues reprendront après l’hiver, en mai, puis en juin et juillet, ensuite en août et en septembre. Durant les 12 premiers mois de sa vie, la jeune écrevisse aura donc mué 8 fois. En juillet, elle aura atteint la taille d’environ 3-4 cm, pour un poids de 0,7 à 1,5 g. Durant la deuxième année de sa vie, elle ne muera plus que 4 fois, pour atteindre au bout de 24 mois, la taille de 5-6 cm et un poids de 5,5 à 6,8 grammes. Pendant la troisième année de sa vie, l’écrevisse ne mue plus que 2 fois (fin août et en juin-juillet). Ensuite, les mâles continueront à muer 2 fois par an (en août-septembre et en juin-juillet), tandis que les femelles ne le feront qu’une fois, en aoûtseptembre (car elles doivent porter les oeufs et larves jusque juillet de l’année suivante); elles ne peuvent donc pas muer en juin. C’est pour cette raison que les mâles sont en général plus grands que les femelles. Mais, à partir de 6-7 ans, ils ne mueront plus qu’une seule fois également, en août-septembre, comme les femelles. Les plus gros individus peuvent atteindre la taille de 1516 cm, avec un poids avoisinant les 150 grammes. Le développement de l’écrevisse est donc fonction du sexe, mais aussi de l’espèce et des conditions de vie. Longueur (mm) Poids (g) Longueur (mm) Poids (g) 1 33-38 0,7-1,5 30-40 0,5-1,4 2 59-63 5,8-6,8 59-63 5,5-6,3 3 77-81 12,3-14,5 73-77 11,9-13,5 4 89-94 23,3-26,0 87-91 17,0-21,0 5 110-114 45,0-61,2 104-108 31,2-36,5 6 121-125 55-63 113-117 43,7-49,5 9 La mue est un processus très complexe. Quelques heures avant de sortir de sa carapace, l’écrevisse frotte ses membres les uns contre les autres, les agite séparément, se met sur le dos et replie et détend sa queue brusquement. Ses antennes vibrent. Ces mouvements permettent de décoller progressivement la carapace. A l’intérieur, les membres vont se rétracter. La carapace va ensuite se fendre, sur le dos entre céphalothorax et abdomen, et la nouvelle carapace fait saillie (elle apparaît plus sombre) 1 . Après un temps de repos, l’animal tout entier s’extrait de son ancienne carapace. La durée de la mue peut aller d’une dizaine de minutes à plusieurs heures. Epoque et nombre de mues sur 6 ans chez Astacus astacus (Cukerzis, 1984) Etés Nombre de mues par été 1er été 5 Epoques des mues juin - juillet Age Nombre de mues par an 1 an 8 2 ans 4 3 ans 2 4 ans mâle = 2 femelle = 1 5 ans mâle = 2 femelle = 1 mâle = 1 femelle = 1 mi-juillet - fin juillet début août - mi-août fin août - mi-septembre mi-septembre - fin septembre 2 été e 5 mai juin juillet Fatiguée, l’écrevisse est toute molle à ce moment. Elle demeure apathique pendant 48 heures et ne peut se déplacer que faiblement. L’écrevisse est donc très vulnérable pendant ce temps. Ses nombreux prédateurs, y compris ses propres congénères, ne manquent pas de se régaler de cette proie toute molle. août septembre 3e été 3 juin juillet fin août 4 été e 2 juin - juillet août - septembre 1 5 été e 6 été e Mâle 2 Femelle 1 juin - juillet Mâle 2 Femelle 1 juin - juillet août - septembre août - septembre 6 ans 10 Ensuite, le processus de calcification de la carapace se réalise: ce sont tout d’abord les pinces et les pattes qui se durcissent, ensuite le céphalothorax, et enfin l’abdomen. Cette calcification peut se réaliser grâce aux réserves de calcaire que l’écrevisse a accumulées dans son estomac, sous forme de 2 petits “cailloux” arrondis, appelés les gastrolithes 2 . Ce calcaire, l’écrevisse l’a trouvé dans les eaux, mais aussi dans sa nourriture. La grosseur des gastrolithes est proportionnelle à la taille de l’écrevisse ; ils renferment 60% des réserves de calcaire (ils constituent 5% du poids total de l’écrevisse à la mue). L’animal doit donc trouver un complément en calcium, pour calcifier sa carapace; il le fait grâce à ses branchies. C’est pourquoi, si l’eau ne possède pas de calcaire (ou trop peu), la calcification ne peut se réaliser. Donc, plus les eaux seront riches en calcaire, plus facilement et plus rapidement s’effectuera la calcification (en une douzaine de jours au lieu de 22 à 27 jours). C’est pour cette raison que nous ne trouvons pas d’écrevisse dans les eaux acides de nos Fagnes. Au fil de la calcification, les gastrolithes diminuent en poids et en volume, et finissent par disparaître au bout de 24 jours environ. 2 11 n Comportement - écologie Les écrevisses, comme les crustacés en général, sont lucifuges (fuient la lumière) et ont donc un comportement nocturne. On les trouve en général dans des sites ombragés où la végétation est dense, dans les réseaux racinaires d’arbres des berges 1 , sous les cailloux et rochers, ou en d’autres endroits où l’obscurité est quasi constante. En rivière, elles se rencontrent principalement dans les zones où le courant est lent. Quand le milieu ne leur offre pas de caches, elles creusent des terriers 2 , d’une longueur équivalant en général au double de la longueur de leur corps, et dans lesquels elles s’abritent durant la journée. Elles quittent leurs abris la nuit pour rechercher leur nourriture. Les écrevisses ont un comportement grégaire: dans un site déterminé, certaines zones sont fortement peuplées, tandis que d’autres ne le sont que faiblement. De plus, et d’après nos observations, nous avons l’impression que certaines zones sont plus occupées par des femelles, d’autres par des mâles ou par des juvéniles. Les écrevisses à pieds rouges sont, comme le saumon atlantique, symbole d’une eau d’excellente qualité car elles ne se rencontrent que dans des milieux propres et bien oxygénés. Elles préfèrent des eaux plutôt froides; le seuil létal de température est de 33 °C. 1 2 12 n Alimentation Les écrevisses à pieds rouges sont omnivores : elles consomment aussi bien des végétaux aquatiques que des animaux. Leurs préférences sont cependant: Contrairement aux adultes, les jeunes écrevisses sont en général plus carnivores que végétariennes : les écrevisses de moins d’un an consomment environ 65% de matières animales; par contre, les individus de plus de 8 cm sont végétariens à 90 %. Ces préférences alimentaires sont à mettre en parallèle avec les mues, beaucoup plus fréquentes chez les juvéniles: ceux-ci ont besoin de beaucoup d’énergie et de protéines animales pour passer ces moments difficiles. Les écrevisses sont aussi cannibales et ne dédaignent pas la chair de leurs congénères, affaiblis ou malades. pour les matières végétales: les élodées, les cératophylles, les myriophylles, les potamots, le cresson, les algues filamenteuses (characées); en élevage, on leur donne aussi des carottes, des pommes de terre, des grains de maïs, des betteraves, des courges, des orties,... l pour les matières animales: les mollusques, les vers 1 , les larves d’insectes (phryganes, éphémères, diptères et autres), les poissons, les têtards ou jeunes grenouilles, ... l Cependant, contrairement à l’opinion généralement répandue, l’écrevisse n’aime pas trop la viande faisandée ou des poissons pourrissants : elles préfère la viande fraîche. En élevage, on peut aussi leur donner des morceaux de foie ou de rate, des poissons frais… Il existe aussi des aliments fabriqués sous forme de granulés composés qui doivent se dissoudre lentement dans l’eau. 1 1 n Autre particularité n des écrevisses; régénération des appendices Il arrive très souvent que les écrevisses se mutilent au cours de leur vie (elles ont la faculté de s’auto-mutiler, par exemple lorsqu’elles sont prises au piège par un prédateur). C’est pour cette raison que l’on peut observer assez couramment des individus avec une seule pince 1 , voire sans pince. L’écrevisse a la particularité de pouvoir faire repousser ses membres à la mue suivante. Cependant, ce membre ou plus souvent cette pince n’atteint jamais la taille de la pince originale. C’est pourquoi on peut souvent observer des individus avec des pinces de deux tailles différentes 2 . 2 14 n Adversité et adversaires Les “ennemis” de l’écrevisse sont malheureusement très nombreux: virus, champignons, vers parasites, batraciens, reptiles, oiseaux, mammifères (y compris le pire: l’homme); ils s’attaquent à un stade particulier du développement ou à tous les stades. De plus, les pollutions, les aménagements intempestifs des cours d’eau et la surpêche ont aussi joué un rôle important dans la disparition progressive des populations d’Astacus astacus. 1 l Prédateurs 4 Les prédateurs des écrevisses sont très nombreux : l Les larves et imagos d’insectes peuvent s’attaquer aux jeunes écrevisses: les dytiques 1 , les larves de libellules sont en effet de redoutables chasseurs. Ensuite viennent tous les poissons prédateurs: truites 2 , perches 3 , brochets 4 , sandres, anguilles, carpes, chabots, vairons,... bref, tous ceux qui consomment des invertébrés aquatiques. l 3 Les hérons ne dédaignent pas non plus cette nourriture, de même que le cincle plongeur (juvéniles); les canards, en broutant la végétation aquatique, peuvent également avaler de jeunes écrevisses. l 2 Les rats musqués et les loutres sont d’autres prédateurs bien connus. l Mais le prédateur le plus dangereux et le plus efficace est bien entendu l’homme... l 1 l Maladies Aphanomycose La première cause de disparition des écrevisses à pieds rouges en Europe est sans conteste “la peste” de l’écrevisse: c’est en fait un champignon (Aphanomyces astaci), qui en est l’agent responsable. Il est couramment admis que ce champignon a été importé des Etats-Unis en 1860 par des bateaux revenant au port de Venise. Il s’est ensuite progressivement répandu au travers de toute l’Europe, éliminant de manière foudroyante les populations d’écrevisses indigènes: aucun individu d’un site contaminé ne survit et les mortalités sont totales en 15 à 21 jours. En Belgique, les premiers cas de mortalité massive ont été signalés en 1885 (P. Gérard, 1986). Dès 1891, des repeuplements ont été effectués et une interdiction de pêche appliquée. En 1903, l’épidémie semblait disparue et la pêche fut à nouveau autorisée dans les cours d’eau en 1906. Malheureusement, de cette époque à nos jours, il y eut des réapparitions épisodiques de peste, détruisant la plupart des populations. Ecrevisse turque mourante Aucun moyen de lutte n’a été trouvé à ce jour; le seul moyen pour ralentir ou endiguer ce problème réside dans la prévention et une prudence extrême afin d’éviter la propagation du champignon. Les symptômes, quand ils peuvent être observés, sont les suivants: l’écrevisse infectée montre un comportement bizarre: elle se promène en pleine journée; elle semble dressée sur ses pattes; quand on la soulève, ses pattes pendent, l’abdomen se décolle du céphalothorax. Ensuite, l’écrevisse tombe sur le dos et présente des mouvements de pédalage caractéristique 1 . Enfin, le mycélium apparaît, sur les yeux 2 et les articulations du sujet mourant. Aphanomyces astaci est un pathogène exclusif et obligatoire des écrevisses; il se transmet d’un individu à l’autre par zoospores (produites par le champignon), qui rentrent dans le corps des individus par les parties les plus molles (yeux, articulations, lésions,...). Il peut se propager à des températures allant de 2 à 25°C et peut donc apparaître toute l’année. Après disparition de la dernière écrevisse d’un site, le champignon ne résiste pas plus de 2 mois, s’il ne retrouve pas un hôte “écrevisse”. Il peut être transporté par des poissons (via leur tube 2 digestif), ou par l’eau du transport de ces poissons (à l’occasion d’opération de rempoissonnements), par des oiseaux d’eau, par des instruments de pêche (cannes à pêche, bourriches, bottes,...), par des combinaisons de plongée, etc... et, bien évidemment par d’autres écrevisses porteuses, malades ou résistantes. Les espèces non-indigènes (américaines) doivent être considérées toutes comme potentiellement porteuses saines de la peste. C’est aussi pour cette raison que la problématique de propagation du champignon est aussi ardue: en effet, les espèces nonindigènes introduites par l’homme, depuis 1890, pour remplacer les écrevisses indigènes 16 disparues, ont encore radicalement accru les risques de propagation de la maladie. La mise en contact avec des populations d’écrevisses à pieds rouges est systématiquement défavorable à notre espèce. Autres mycoses D’autres mycoses peuvent être observées chez les écrevisses : Les mycoses des oeufs provoquent un changement de coloration de ceux-ci (deviennent orangés) et leur mort 1 ; l S’il arrive parfois que les écrevisses nonindigènes ne soient pas porteuses de la peste, ces espèces sont plus prolifiques et plus agressives. Une fois installées dans un milieu (cours d’eau ou étang), il est presqu’impossible de les éradiquer. champignons parasites qui les provoquent en infectant les blessures ou les mutilations. Un tiers des individus infectés peut en mourir. l Il existe encore bien d’autres mycoses, d’autres infections causées par des bactéries, des parasites internes ou externes. lLa “rouille” se caractérisent par l’apparition de taches brun rouge ou noires entourées de rouge sur la carapace ; 2 ce sont aussi des 2 1 1 17 Une autre maladie fréquente des écrevisses est la thélohaniose (ou “maladie de la porcelaine”): elle est provoquée par un protozoaire qui envahit littéralement toute la musculature, les ovaires et les ganglions nerveux des individus infectés, en leur conférant un aspect blanc, “comme de la porcelaine” 3 . Cela se termine également par la mort de l’écrevisse. La transmission d’un individu à l’autre est principalement due au cannibalisme. En résumé, les précautions à prendre sont les suivantes : 3 Citons enfin un parasite externe: les Branchiobdelles, de petites sangsues, souvent aperçues sur les pinces 4 , mais qui, en se fixant sur les branchies, les articulations et les pièces buccales, peuvent faciliter l’apparition de mycoses ou de bactérioses. Le seul moyen actuel pour réduire les risques d’infestation est la mise en quarantaine stricte des individus et leur destruction, si des maladies apparaissent. Malheureusement, dans notre pays, aucune stratégie n’a été prévue ni mise en route jusqu’à présent pour lutter contre ces différents problèmes. toujours s’assurer de la provenance des écrevisses à pieds rouges et vérifier leur état sanitaire (mise en quarantaine); l identifier avec certitude les différentes espèces d’écrevisses et ne jamais introduire des nonindigènes dans une population de pieds rouges; l ne pas favoriser l’extension des espèces nonindigènes invasives; l lors de transports de poissons vers un étang ou cours d’eau, vérifier si l’étang d’origine ne contient pas des espèces américaines; dans ce cas, éviter de rempoissonner; ou, au minimun, changer 3 fois l’eau de transport des poissons avant de les remettre à l’eau; l lors du passage d’un site potentiellement infecté à un autre sain contenant des pieds rouges: désinfecter tout le matériel ayant été en contact avec l’eau: nasses, bourriches, filets, fils de cannes à pêche, barque, cuissardes, bottes,... Tremper dans un bain d’eau à plus de 60 °C, laisser sécher pendant plusieurs jours, désinfecter à l’eau de javel ou avec un autre produit désinfectant efficace. l en cas de nourrissage avec du poisson: le congeler au moins une semaine à -18°C. l 4 Branchiobdelles sur une pince d’écrevisse de Californie. 18 l Pollutions Depuis quelques décennies, des pollutions de différentes natures se sont généralisées dans tous les pays. Les polluants peuvent agir de diverses manières sur les écrevisses: mortalité massive, diminution de la résistance aux maladies, baisse du taux de reproduction, diminution de la vitesse de croissance, modifications génétiques... Pollutions mécaniques: il s’agit de la mise en suspension dans l’eau de sédiments, à la suite de crues, de travaux, de vidanges d’étangs... Les sédiments colmatent les niches et les substrats des fonds, allant parfois jusqu’à la destruction complète du milieu. Ils peuvent provoquer la mort par asphyxie des oeufs ou des juvéniles. l Pollutions thermiques: il s’agit de l’augmentation de la température des eaux (par exemple près des centrales nucléaires ou d’autres industries), qui perturbe et élimine les écrevisses, animaux ayant besoin d’eau fraîche. l Pollutions chimiques: de multiples substances, parfois très toxiques, l ont été déversées dans les cours d’eau à partir des milieux industriels. Des métaux lourds, des pesticides, des insecticides, des phosphates, des nitrates ont également contaminé de nombreuses rivières, entraînant la mort ou l’affaiblissement des écrevisses (mais aussi de nombreux autres organismes aquatiques). Pollutions organiques: l’égouttage généralisé de nos agglomérations, sans épuration, a aussi provoqué l’asphyxie de nombreux milieux, entraînant la mort ou l’élimination progressive des populations d’écrevisses indigènes. l Remarquons cependant que les écrevisses peuvent fuir l’adversité dans certains cas en sortant de l’eau et en marchant sur le sol à la recherche de sites plus accueillants : à la condition cependant que leurs branchies puissent rester humides pendant ce laps de temps; dans le cas contraire, elles mourront. C’est grâce à cette faculté que des écrevisses peuvent être transportées ou maintenues en cageots pendant plusieurs jours, pour autant que l’air ambiant soit suffisamment humide pour éviter l’assèchement des branchies. Identification des différentes espèces d’écrevisses indigènes ou importées En Belgique, actuellement, 5 espèces d’écrevisses peuvent être observées : notre seule espèce indigène est l’écrevisse à pieds rouges ou écrevisse “noble” : (Astacus astacus); et quatre espèces ont été introduites : L’écrevisse turque, ou écrevisse à pattes grêles (Astacus leptodactylus) l L’écrevisse américaine (Orconectes limosus) l L’écrevisse de Californie, ou écrevisse “signal” (Pacifastacus leniusculus) l L’écrevisse des marais de Louisiane, (Procambarus clarkii), rencontrée en aquarium chez les restaurateurs, et peut-être dans l’une ou l’autre pièce d’eau. l Avertissement: étant donné l’objectif de vulgarisation de cette brochure, les critères d’identification de ces différentes espèces ont été volontairement simplifiés dans la clé ci-dessous. Pour reconnaître rapidement les différentes espèces rencontrées en Belgique: retourner l’écrevisse et observer la couleur de ses pinces en face ventrale: Si les pinces sont entièrement rouges (rouge vif ou rougeâtres)? l Les pinces, en face dorsale, possèdent une tache blanche (ou parfois bleue) et sont très larges. La carapace est lisse et de couleur brun orangé. Il s’agit de l’écrevisse de Californie Les pinces, en face dorsale, possèdent une tache rouge et sont également assez larges. Le céphalothorax possède de petites épines derrière le sillon de la tête et est de couleur brun foncé (parfois bleu). Il s’agit de notre écrevisse indigène, l’écrevisse à pieds rouges l Les pinces, en face dorsale, comme la carapace entière, sont noires avec de nombreux points rouges (chez l’adulte), et pas très larges. Il s’agit de l’écrevisse rouge des marais de Louisiane l Si les pinces ne sont pas rouges en face ventrale, mais plutôt blanchâtres: l Les pinces sont assez étroites et longues (en lames de ciseau, surtout chez le mâle). La carapace est assez épineuse sur toute sa surface 19 et de couleur jaunâtre, parfois verdâtre. Il s’agit de l’écrevisse turque Les pinces, toujours en face ventrale, présentent des extrémités noires et oranges; l’article précédant la pince possède une forte épine; les articles de l’abdomen en face dorsale possèdent des taches brun marron; la couleur du cephalothorax est brun à verdâtre. Il s’agit de la “petite américaine” l Remarques: attention cependant à la couleur, qui peut varier en fonction du milieu. Ecrevisses indigènes européennes 20 Ecrevisse à pieds rouges ou écrevisse noble (Astacus astacus) Noble crayfish l Edelkrebs Taille : généralement 12-15 cm, jusqu’à 16 cm (de l’extrémité de la queue à la pointe du rostre) lPoids : généralement entre 50 et 150 g lColoration : en général brun foncée (parfois individus bleus) lRostre : crête médiane crénelée 1 et côtés lisses 2 lCarapace : deux crêtes post-orbitaires 3 , une ligne d’épines en arrière du sillon cervical (aucune en avant) 4 lPinces : larges et massives, rouges en face ventrale 5 , avec deux tubercules sur le bord interne de la partie fixe. Souvent chez le mâle, arc de cercle caractéristique. 6 l 6 Remarque : La présence des écrevisses à pieds rouges dans les pays scandinaves résulte probablement d’importations effectuées au Moyen-Age à partir de l’Allemagne. Leur présence dans l’Atlas marocain est due à leur exportation en 1930 à partir de la France. En Belgique, elle n’existe pratiquement plus que dans quelques pièces d’eau. 4 1 5 3 2 21 Ecrevisse à pieds blancs (Austropotamobius pallipes) White-clawed crayfish l Dohlenkrebs Taille : généralement moins de 10 cm, maximum 12 cm Poids : maximum 80 g lColoration : brunâtre, vert olive lRostre : triangulaire, à côtés lisses et non-parallèles, carène médiane 1 2 lCarapace : une seule crête post-orbitaire , présence d’épines en arrière 3 du sillon cervical lPinces : rugueuses et blanchâtres en face inférieure, assez massives, un tubercule sur le bord interne de la partie fixe, pas d’ergot sur l’article précédant les pinces l l L’écrevisse à pieds blancs vit dans des ruisseaux non pollués et bien oxygénés de plaine ou de montagne de l’Europe centrale et septentrionale, accompagnant la truite fario. On ne la rencontre pas chez nous, en Région wallonne. Sa plage thermique optimale se situe entre 13 et 20°C (maximum). Les femelles pondent en général moins d’une centaine d’oeufs. 1 2 3 22 Ecrevisse des torrents ou écrevisse «de pierre» (Austropotamobius torrentium) Stone crayfish l Steinkrebs Taille : généralement moins de 10 cm, maximum 11,5 cm Poids : maximum 80 g lColoration : brun clair à bleu-gris lRostre : court, à côtés lisses, pas de carène médiane, pointe du rostre triangulaire 1 lCarapace : une seule crête post-orbitaire , carapace 2 très dure (“écrevisse de pierre”), pas d’épines en arrière du sillon cervical lPinces : rugueuses en face dorsale, assez massives, blanchâtres ou jaune-gris en face inférieure, un tubercule sur le bord interne de la partie fixe, pas d’ergot sur l’article précédant les pinces l l L’écrevisse des torrents vit dans des ruisseaux caillouteux de montagne de l’Europe centrale. On ne la rencontre pas non plus chez nous. Elle vit dans des eaux pures, fraîches, et bien oxygénées, accompagnant la truite fario. Les femelles pondent en général de 40 à 70 oeufs. 1 2 Ecrevisses exotiques 23 Ecrevisse turque ou écrevisse à pattes grêles (Astacus leptodactylus) Turkish crayfish l Sumpfkrebs ou Galizierkrebs Taille : 15-20 cm (maximum : 30 cm) Poids : jusqu’à 300 g lColoration : en général jaunâtre à verdâtre lRostre : côtés dentelés et parallèles, crête médiane dentelée 1 lCarapace : deux crêtes post-orbitaires 2 , nombreuses épines sur le céphalothorax 3 lPinces : longues et étroites, effilées, en lames de ciseaux , 4jaunâtres en face ventrale, pas d’ergot sur l’article précédant les pinces l l Astacus leptodactylus serait apparue en Belgique à la fin des années 50. 4 1 2 2 3 Cette espèce s’accouple un peu plus tard que notre espèce, soit en novembre-décembre. Les femelles peuvent porter de 200 à 800 oeufs et leur première reproduction se réalise à l’âge de 2 ans (taille de 9 cm). Elles peuvent supporter des températures plus élevées que la pieds rouges (jusqu’à 26-27°C). Elle habite plutôt les eaux calmes et chaudes (étangs, lacs, barrages,...). Elle tolère assez bien les fortes charges en matières organiques. Elle ne creuse en général pas de terrier et s’accommode des caches naturelles que lui offre le milieu. Elle serait plus carnivore que végétarienne. Elle est moins lucifuge que l’écrevisse à pieds rouges et est plus active le jour. Sa croissance est aussi très rapide (elle atteint 5-6 cm à l’âge d’un an). Tous ces éléments la rendent beaucoup plus compétitive que la pieds rouges: toute compétition dans un même milieu tourne donc systématiquement à l’avantage de l’écrevisse turque. Elle est cependant sensible à la peste, quoiqu’étant un peu plus résistante. Cette résistance plus grande se manifeste aussi par rapport aux herbicides, pesticides et fertilisants. 24 La «petite américaine» (Orconectes limosus) Orconectes crayfish l Kamberkrebs Taille : jusqu’à 12 cm, rarement plus Poids : jusqu’à 70 g lColoration : en général brun foncé, avec des taches marron sur chaque segment de l’abdomen 1 lRostre : en gouttière, à bords lisses, sans crête médiane ni dents 2 lCarapace : une seule crête post-orbitaire 3 , épines devant et derrière le sillon cervical lPinces : petites et massives, lisses, jaunâtres en face ventrale, avec pointes noires et orangées 4 ; présence d’un ergot 5s sur le segment précédant la pince l l Cette écrevisse a été introduite pour la première fois en Allemagne en 1890. Depuis, elle n’a cessé de s’étendre dans tous les réseaux hydrographiques des pays européens. Orconectes limosus serait apparue en Belgique au début des années 1960. Depuis, elle a colonisé de nombreux cours d’eau et canaux (Meuse, Sambre, Ourthe, Semois, Amblève, canaux du centre,...). Cette espèce peut s’accoupler 2 fois par an: en été et au printemps. Les femelles peuvent porter de 300 à 400 oeufs et leur première reproduction se réalise à l’âge de 1 an. Elles peuvent supporter de grandes variations de température (jusqu’à une température maximale de 33-34 °C). Leur longévité est en moyenne de 3 ans. Cette écrevisse aime les eaux calmes et profondes, elle supporte bien les fortes charges en matières organiques; elle est résistante au manque d’oxygène (jusqu’à 1 mg/l O2) et également aux maladies. Son régime est omnivore. Elle est souvent vecteur de l’aphanomycose sans en subir les effets néfastes (porteuse saine); elle n’est pas sensible non plus à la thélohaniose. Elle résiste également très bien aux pesticides et aux métaux lourds. 1 2 3 5 4 25 Ecrevisse de Californie ou écrevisse «signal» (Pacifastacus leniusculus) Signal crayfish l Signalkrebs Taille : 15-20 cm (maximum: 30 cm) l Poids : 50-150 g (jusqu’à 300 g) l Coloration : en général brun orangé l Rostre : crête en gouttière avec carène centrale = simple bourrelet non dentelé, côtés lisses quasi parallèles 1 lCarapace : deux crêtes post-orbitaires 2, pas d’épines l Pinces : larges et massives, avec un tubercule sur le bord de la partie fixe rouge vif en face ventrale, avec une tache (“signal”) blanche ou bleuâtre en face dorsale ; pas d’ergot3sur l’article précédant les pinces l Originaire du lac Tahoé en Californie, Pacifastacus leniusculus a été introduite en Suède en 1960 (100 individus dans un lac); les Suédois en importèrent ensuite massivement (60.000 individus), qu’ils répartirent dans une soixantaine de lacs, afin de remplacer les populations d’Astacus astacus décimées par la peste. Ils en exportèrent ensuite dans les autres pays européens. La Finlande, la Russie, l’Autriche, l’Allemagne, le Luxembourg, la Pologne, l’Espagne, la Grande Bretagne, la France suivirent leur exemple dans les années 70. En Belgique, elle a été introduite pour la première fois en 1979 dans 6 piscicultures. 1 Cette espèce se propage très rapidement dans tous les pays européens.... Elle s’accouple un peu plus tôt que notre espèce, soit en octobre, parfois 2 3 26 4 en septembre. Les femelles peuvent porter de 200 à 300 oeufs et leur première reproduction se réalise à l’âge de 2 ans (taille de 6,4-6,8 cm). Elles peuvent supporter des températures plus élevées que la pieds rouges (jusqu’à 24-25°C). Leur plage thermique optimale se situe entre 13 et 16°C. En dessous de 6,8°C, les femelles ne portent plus d’oeufs. La croissance de ces écrevisses est très rapide, plus élevée encore que celle de l’écrevisse turque (longévité: 5-6 ans). L’espèce est aussi très résistante au manque d’oxygène (jusqu’à 1 mg/l O2) et aux maladies. Elle est, comme la pieds rouges, plutôt végétarienne, et apprécie les feuilles d’aulnes et d’érables reposant au fond de l’eau. Elle est très agressive 4 et l’amplitude de ses articulations lui permet de pincer en arrière du céphalothorax. Elle est aussi souvent vecteur de l’aphanomycose sans en subir les effets néfastes. Elle résiste également très bien aux pesticides et aux métaux lourds. 27 Ecrevisse rouge des marais de Louisiane (Procambarus clarkii) Red swamp l Rote amerikanische sumpfkrebs Taille : 10-12 cm (maximum 15 cm) l Poids : jusqu’à 100 g l Coloration : rouge et noire (pour les individus de plus de 8 cm; les plus jeunes sont grisâtre-verdâtre) lRostre : triangulaire et en gouttière, sans carène médiane, côtés lisses non parallèles 1 lCarapace : une seule crête post-orbitaire 2 , pas d’épines mais nombreux tubercules (aspect granuleux) 3, sillon longitudinal médian 4 lPinces : assez étroites et effilées, présence de tubercules sur la partie fixe, couleur rouge vif en face ventrale , 5tubercules rouges sur fond noir face dorsale, présence d’un ergot 6 sur le segment précédant la pince l C’est en 1930 que cette espèce a été introduite au Japon et elle est arrivée en Chine dans le courant de la guerre 40-45. De 1963 à 1970, elle a été importée au Kenya et en Ouganda. Procambarus clarkii a été importée pour la première fois en Europe en 1973-1974, tout d’abord en Espagne, au Portugal et en France. 5 2 4 1 6 3 Les femelles peuvent porter de 200 à 700 oeufs et leur première reproduction se réalise à l’âge de 3 mois (période de reproduction entre juin et septembre). Les femelles peuvent pondre plusieurs fois par an. La plage thermique la plus favorable est située entre 22 et 25 °C et l’espèce peut supporter des températures très élevées (jusqu’à 32-33°C). Elle peut 28 aussi résister aux grands froids (-10°C). Elles sont résistantes au manque d’oxygène (jusqu’à 1 mg/l O2), aux maladies (elle est porteuse saine de la peste), aux pesticides et aux pollutions organiques. Longévité : 3-5 ans. Elle est en activité presque constamment, de jour comme de nuit, contrairement aux espèces indigènes européennes. Elle est aussi très agressive et l’amplitude de ses articulations lui permet de pincer en arrière du céphalothorax. Les milieux de prédilection sont les canaux, les étangs, les lacs peu profonds. Les individus creusent de très grands terriers (jusqu’à 1,5 mètre!), et sont considérés pour cette raison comme une menace pour les berges des canaux et des étangs. L’espèce est omnivore, mais surtout végétarienne. Sa prolifération est une menace pour la biodiversité naturelle des milieux aquatiques. Conseils pour les repeuplements en écrevisses En résumé, pour que les populations d’écrevisses puissent bien se développer dans une pièce d’eau, les conditions suivantes doivent être rencontrées: 1. L’eau d’alimentation doit-être fraîche, de très bonne qualité (sans pollution), bien oxygénée (teneurs en oxygène supérieures à 6 mg/l), avec un pH compris entre 6,5 et 8,5 et une teneur en calcaire minimale de 6 mg/l CaCO3. 2. La présence de végétation aquatique est également indispensable. Implanter, maintenir ou développer ces végétaux dans les étangs ensemencés est donc une bonne gestion à adopter. 3. Prédateurs: La situation idéale est l’absence totale de poissons dans la pièce d’eau. Une cohabitation est cependant possible, à condition que les écrevisses aient suffisamment de caches pour se soustraire à leurs prédateurs, mais, dans ce cas, leurs populations ne pourront pas se développer aussi fortement. 4. Présence de caches et envasement: Plus le nombre de caches est important, plus les populations pourront se développer. Les berges empierrées (sans ciment), des tas de pierres plates amoncelées, les racines d’arbres et aussi les berges en argile, plutôt verticales (où elles peuvent creuser leurs terriers) sont des facteurs favorisants. Mais il est aussi possible d’installer des caches artificielles: tuyaux PVC collés, parpaings ou briques à trous. Ces caches artificielles permettent d’effectuer des contrôles réguliers et rapides. Les fonds vaseux de boues liquides sont des milieux défavorables au bon développement des populations d’écrevisses. Lorsque l’envasement devient trop important, il est recommandé de vidanger et de curer l’étang. 5. Enfin, l’absence d’écrevisses non indigène (américaines en particulier) est absolument indispensable. Repeuplements et gestion Lors de repeuplements d’une pièce d’eau ou d’un cours d’eau, nous conseillons idéalement d’utiliser des écrevisses de différents âges : des juvéniles d’un ou de deux étés (en octobre-novembre), des femelles grainées (en avril-mai), et des couples (en septembre-octobre), en proportion de 1 mâle pour 3 femelles. Ces repeuplements, pour être efficaces et développer rapidement de bonnes populations, peuvent être réitérés pendant plusieurs années de suite (3 ou 4 ans par exemple). En terme de quantités, il est souvent conseillé de remettre en étang de 1 à 5 adultes par m2, ou 1000 à 10000 juvéniles (de l’année) par Ha. Dans notre cas, après une étude des potentialités de chaque site, nous ensemençons selon nos possibilités… 29 Les rendements généralement obtenus avec Astacus astacus tournent autour de 100 Kg par Ha, mais pouvant parfois monter à 300 Kg/ha dans certains cas, où toutes les conditions favorables sont réunies. Pour la gestion des populations, il est souhaitable que les étangs possèdent un système de vidange, le plus pratique étant le moine. Nous conseillons cependant de ne pas vidanger les pièces d’eau trop souvent : les écrevisses n’aiment pas être trop souvent dérangées ; une périodicité acceptable nous semble être tous les 3 ou 4 ans, avec une remise sous eau la plus rapide possible. Des contrôles périodiques peuvent être effectués par des pêches aux nasses ou avec des balances , ou par des observations nocturnes quand le site le permet. Le projet de sauvegarde de l’écrevisse à pieds rouges de l’ATE*10 De 1982 à 1986, une première enquête fut menée par M. Pierre Gérard (Centre de Recherches de la Nature, des Forêts et du Bois de Gembloux), afin d’évaluer l’état des populations d’écrevisses en Belgique. Un second inventaire, plus exhaustif, réalisé de 1990 à 1996, a fait état de la grande faiblesse des populations d’écrevisses à pieds rouges dans toute la région wallonne : 8513 pièces d’eau ont été répertoriées sur cartes, 4321 propriétaires ont été contactés, et 602 contrôles de terrain ont été effectués. Les résultats, jugés très alarmants, indiquèrent qu’à ce moment (1996), seulement 9 ruisseaux et 103 sites (parfois avec plusieurs étangs ou carrières) abritaient encore des écrevisses à pieds rouges! Parmi ces étangs ou carrières, à peine 45 sites présentaient encore de bonnes populations... Conscient de la gravité de la situation et de l’urgence à agir, notre ASBL, l’Association Theutoise pour l’Environnement (ATE), a entrepris une action de sauvegarde de l’espèce. Depuis 1999, elle travaille à la mise sur pied d’un projet de redéploiement de populations dans l’ensemble de la région wallonne. Reconnue et aidée financièrement par le Ministre de l’Agriculture et de la Ruralité, notre asbl a commencé ses travaux en janvier 2000, en étroit partenariat avec la Direction Générale de l’Agriculture et la Direction Générale des Ressources Naturelles et de l’Environnement (le service de la Pêche, le service de la Conservation de la Nature, le Centre de Recherches de la Nature, des Forêts et du Bois de Gembloux et le Centre d’Economie Rurale de Marloie). Des écloseries ont ainsi été installées dans la région de Theux: près de 200 m2 de bassins, situés dans plusieurs sites extérieurs et intérieurs, sont actuellement en fonction depuis début 2004. Ces emplacements ont été choisis sur base de nombreuses analyses d’eau de sources ou de ruisseaux, obtenues grâce au Contrat de Rivière “Hoëgne et Wayai” et au travers d’autres études plus spécifiques menées par notre association. Le choix de ces emplacements a été aussi influencé par la “sécurité” (afin d’éviter le vandalisme). La stratégie appliquée, étant donné la problématique récurrente de la peste, est de multiplier d’une part les pièces d’eau à (ré)ensemencer (réparties dans toute la région wallonne), et, d’autre part, les bassins et les sites d’écloseries (chacun étant alimenté en eau de manière indépendante; les visites se font toujours de manière ponctuelle dans un seul bassin et sont suivies systématiquement d’une désinfection) Cette méthodologie implique donc nécessairement la recherche de nombreuses collaborations auprès de propriétaires privés intéressés et désireux de participer à ce projet de sauvegarde. Malheureusement, depuis 1996, les populations ont encore fortement périclité: 26 sites sur les 103 répertoriés à cette époque ne possèdent actuellement plus d’écrevisses! De surcroît, nos dernières observations (en 2003) indiquaient que moins d’une dizaine de pièces d’eau présentaient encore de bonnes populations (plusieurs centaines d’individus)! 31 C’est pourquoi il nous a été très difficile de trouver des femelles grainées les premières années et que nous avons du nous résoudre à en importer d’Allemagne. De plus, en 2002, un simple rempoissonnement en truitelles fario dans un de nos deux réservoirs de géniteurs, a provoqué la mortalité fulgurante et quasi totale de 600 individus et de près de 17.000 juvéniles dans nos bassins (situés en aval de cet étang). Il est probable que la peste ait été amenée par l’eau de transport de ces poissons (provenant d’une pisciculture où l’écrevisse de Californie est présente). Nous avons cependant pu sauver 3000 jeunes grâce à notre système de bassins indépendants. rendements d’élevage atteignent environ 20 juvéniles par femelle et 1500 jeunes par bassin (150 par m2); mais les moyennes obtenues tournent autour de 13-15 jeunes produits par femelle. Il faut cependant savoir que nous ne chauffons pas l’eau des bassins et que nous ne nourrissons que très peu (élevage extensif). Les jeunes écrevisses trouvent elles-mêmes leur nourriture dans les milieux semi-naturels reconstitués dans nos bassins: algues filamenteuses, élodées, myriophylles (en ce qui concerne la végétation), et nombreux chironomes (diptères), aselles, gammares (crustacés), et éphémères (en ce qui concerne la macro-faune). Nous espérons augmenter progressivement les productions annuelles de juvéniles en bassins. Malgré ces déboires, en trois années de travail (de 2001 à 2003), nous avons tout de même pu produire 14.000 juvéniles dans nos bassins et réensemencer une trentaine de pièces d’eau en région wallonne. Jusqu’à présent, nos meilleurs Pour 2010, nous espérons réensemencer une centaine de sites en région wallonne et y développer de bonnes populations. Toutes ces pièces d’eau réensemencées feront l’objet d’un suivi scientifique au cours des années à venir. En conclusion, nous estimons qu’un véritable projet de sauvegarde de l’écrevisse à pieds rouges doit être poursuivi en région wallonne. En effet, cette écrevisse fait partie intégrante de notre patrimoine naturel. Comme le saumon atlantique, elle est un excellent bioindicateur, et donc un symbole de la bonne qualité des eaux A ce titre, elle mérite, comme beaucoup d’autres espèces animales ou végétales, un effort particulier de protection. Elle occupe une place importante dans les chaînes trophiques des milieux aquatiques; apparue bien avant l’homme sur notre planète, l’écrevisse est un sujet d’étude particulièrement intéressant. Elle fait partie aussi de notre patrimoine culturel. Elle peut permettre une valorisation des étangs ou des lacs par la production d’individus consommables, mais également par une gestion des sites profitant à toute une série d’organismes vivants aquatiques. L’écrevisse est de plus un outil pédagogique particulièrement intéressant, permettant de sensibiliser le grand public (et en particulier les jeunes générations) à plusieurs problèmes écologiques majeurs, tels que: 32 la qualité et la protection des eaux douces, indispensables à toute vie sur Terre, l la problématique de la réduction drastique de la biodiversité, causée notamment par d’innombrables invasions d’espèces non indigènes colonisatrices, éliminant progressivement la faune et la flore indigènes, l la problématique de gestion durable,... l A titre d’exemple, en 2003, nous avons fait visiter les écloseries à 330 enfants et 100 adultes. En plus de cela, nous avons réalisé des animations “écrevisses” lors de diverses manifestations : Journée Natura 2000, Journées des enfants à La Gleize (1500 personnes), Foire médiévale à Theux (15.000 personnes), Foire St Hubert à Theux (plusieurs centaines de personnes), etc… Nous menons aussi des actions dans le cadre des Contrats de rivière Vesdre, Semois, Amblève, et Ourthe. Depuis mars 2004, à l’initiative de l’Echevin de l’Environnement et du Tourisme, M. KEVER, et en étroit partenariat avec l’Association Theutoise pour l’Environnement, la commune de Theux est devenue la Capitale wallonne de l’écrevisse à pieds rouges. Ce projet comprend les 4 axes principaux suivants: un axe environnemental constitué par le projet de sauvegarde de notre écrevisse, un axe touristique à développer sur la commune (tourisme vert "diffus"), un axe économique (secteur HORECA), et un axe didactique au travers d’une large sensibilisation de la population. Ce projet de sauvegarde de notre écrevisse à pieds rouges est donc une entreprise difficile et laborieuse, à cause notamment de la menace perpétuelle d’apparition de la peste de l’écrevisse et de l’extension très rapide des écrevisses américaines (vecteurs de propagation de la peste), introduites de manière inconsidérée par l’homme. Mais c’est un projet passionnant, nécessitant la collaboration de nombreux partenaires motivés, s’intégrant parfaitement dans la politique de "développement durable" et permettant une sensibilisation de la population à une importante problématique environnementale. D. HERMAN Biologiste, chargé de mission à l’*Association Theutoise pour l’Environnement Vous pouvez nous aider dans ce projet et/ou soutenir nos (autres) actions en faveur de la protection de notre environnement: Il vous suffit pour cela soit : l de verser un don ou de devenir membres d’honneur de notre ASBL (15 e par an) (compte n° 068-2291071-55) l de nous acheter un des deux jeux créés par notre association: n “Eaux vives”: jeu de stratégie de découverte de la vie aquatique de nos ruisseaux. n “Sauvons les pieds rouges“: jeu de stratégie, coopératif, décrivant la problématique des écrevisses en Europe. l ou, si vous possédez un étang suffisamment grand et adéquat (au moins 1000 m2) d’accepter d’y réintroduire des écrevisses et de nous permettre d’y gérer les populations réensemencées. Publications et ouvrages consultés l ACKEFORS H., GYDEMOR. R. and KEYSER P., 1995. Growth and moulting in confined juvenile noble crayfish Astacus astacus. Freshwater Crayfish, n° 10 : p.396-409. l ACKEFORS H., 1996. "The development of crayfish culture in Sweden during the last decade." Freshwater crayfish n° 11, 627-654. ACKEFORS H., 2000. Freshwater crayfish farming technology in the 1990s : a European and global perspective. Fish and fisheries, n° 1, 337-359. l ANDRE M., 1960. Les écrevisses françaises. Editions P.Lechevalier, Paris, 293 p. CONSEIL SUPERIEUR de la PECHE, Ministère de l’Environnement, 1993. Atlas préliminaire des crustacés décapodes d’eau douce de France. Muséum d’Histoire Naturelle de Paris, 56 p. l CUKERZIS J., 1984. La biologie de l’écrevisse (Astacus astacus). Institut National de la Recherche Agronomique Publications, Paris, 313 p. l FRANCKHAUSER R., 2000. L’écrevisse; petit guide pratique et gastronomique à l’usage des amateurs d’écrevisses. Association des Astaciculteurs de France, 23 p. l l ARRIGNON J., 1991. L’écrevisse et son élevage. Editions Lavoisier, Technique et Documentation, 2ème édition, Paris, 208 p. l ARRIGNON J., 1996. Produire et vendre de l’écrevisse. La piciculture française d’eau vive et d’étang, n° 123, 36 p. l AUVERGNE A., 1979. L’élevage des écrevisses. Le point Vétérinaire, Paris, 87 p. l BOHL E., KELLER M. et OITDMANN B., 2001. "Flusskrebse in Bayern". LFV Bayern, Bayerisches Landesamt fûr Wasserwirstschaft, 35 p. lGUET D., CASSAN Y., MARIOJOULS C., PALET F., THOMAS B.-M., 1995. Ecrevisses : les clés de la rentabilité. Aqua-revue, n° 59, 39 p. l GERARD P., 1986. Les différentes espèces d’écrevisses en Belgique et leur répartition géographique. Station de Recherches Forestières et Hydrobiologiques, Groenendaal, Trav . n°54, 25 p. l HOLDICH D.M., LOWERY R.S., 1988. Biology, management and exploitation. Freshwater Crayfish, Ed. Timber Press, Protland, 370 p. l lHUNER J.V., 1994. Aquaculture in North America, Europe and Australia. Families Astacidae, Cambaridae and Parastacidae. 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Association Theutoise pour l’Environnement asbl Jevoumont 2B - 4910 THEUX Tél/fax : 087/54.22.15 GSM : 0497/531.341 E-mail : [email protected] site internet : www.ate.be.tf Avec le soutien des Ministres de l’Agriculture et de la Ruralité, de l’Emploi et de la Formation de la Région wallonne
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