La volonté et la capacité d`un pays, de la société et des
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La volonté et la capacité d`un pays, de la société et des
Discours du général de corps d’armée Jean-Marc Duquesne, directeur de l’IHEDN Ouverture 66ème session nationale « Politique de défense » 18 septembre 2013 Amphi des Vallières, École militaire Seul le prononcé fait foi Mesdames et messieurs les auditeurs de la 66ème session nationale « Politique de défense », Bienvenue à l’IHEDN Chaque institut a ses usages. L’IHEDN n’y déroge pas. Je vais donc vous appeler afin que vous puissiez vous lever pour vous présenter à vos camarades. Je commencerai par les auditeurs étrangers, bienvenue donc à M. Zbigniew CZECH, ministre-conseiller, chef de mission adjoint, ambassade de la République de Pologne M. Achilles ZALUAR NETO, ministre-conseiller, chef du secteur affaires politiques et stratégiques, ambassade du Brésil à Paris M. le colonel de l’armée de terre Khalid ALMARZOOG d’Arabie saoudite M. le colonel Jan BLACQUIERE, attaché de défense près l’ambassade du Royaume des Pays-Bas à Paris M. le colonel de l’armée de l’air Jürgen HAFFNER, d’Allemagne M. le général de brigade aérienne Paul LYALL, du Royaume-Uni M. le colonel de l’armée de l’air, Gianpaolo MARCHETTO, d’Italie M. le capitaine de vaisseau Arthur MENDES de OLIVEIRA, du Brésil M. le colonel de l’armée de terre, José MILLAN MARTIN, d’Espagne M. le colonel Jens Ole ROSSEN-JORGENSEN, attaché de défense du Danemark Maintenant les parlementaires et élus, bienvenue à Mme Kalliopi ANGO ELA, sénatrice représentant les Français établis hors de France Mme Marianne DUBOIS, députée du Loiret 1 Mme Annick GIRARDIN, députée de Saint-Pierre-et-Miquelon Mme Marie RECALDE, députée de la Gironde M. Arnaud RICHARD, député des Yvelines Je vais m’adresser au monde industriel, bienvenue à Mme Florence FAYOLLE, directrice de la communication, DGA Mme Muriel LESAGE, directeur non-prolifération et accords internationaux, Areva Mme Myrto TRIPATHI, responsable d’offre, Areva NP M. Fabrice ARFI, vice-président Business development and sales coordination, Eurocopter M. Hervé BARBELIN, directeur de la gestion du pôle énergie nucléaire, CEA M. Bengt Rickart BOOSON, vice-président, directeur d’Intelligence économique et tendances futures, EADS M. Raymond CASTEIGTS, directeur de la sécurité des vols, Dassault Aviation M. Olivier DAMBRICOURT, directeur délégué division sous-marins, DCNS M. Didier GONDALIER de TUGNY, conseiller chargé des affaires UE-OTAN et des relations institutionnelles françaises MBDA M. Christophe HENRY, secrétaire national, Fédération des établissements et arsenaux de l’État, CFDT, ministère de la Défense M. Martin JAHAN de LESTANG, directeur performances et innovations GDF-Suez M. Olivier LAMARRE, directeur adjoint de la division production nucléaire, EDF M. Nicolas MILLION, directeur financier, Nexter M. Alain OUMEDDOUR, directeur de Thalès Université, Thalès M. Frédéric PRADEILLES, vice-président, directeur du business Development espace, navigation et défense, Capgemini Technology M. Lionel SUCHET, directeur adjoint du CNES Toulouse M. Jean-Philippe WILLEFERT, directeur commercial adjoint division optronique et défense de Sagem, Safran 2 Je passe maintenant aux juristes ou au monde juridique, bienvenue à Mme Marie-Thérèse LECLERC de HAUTECLOCQUE, avocat – fondatrice et dirigeante Cabinet LHP & Avocats Mme Emmanuelle MIGNON, maître des requêtes, Conseil d’État M. Frédéric FONTAINE, avocat, associé gérant, cabinet Fontaine Mitrani AARPI M. Yves GOUNIN, conseiller d’État, Conseil d’État M. Stéphane JOURDAN, auditeur à la deuxième chambre, Cour des comptes M. Cyril ROTH, magistrat de l’ordre judiciaire, conseiller référendaire à la Cour de cassation M. Philippe de VEULLE, avocat au barreau de Paris Pour les ecclésiastiques Bienvenue à monseigneur Antoine HEROUARD, secrétaire général de la Conférence des évêques de France Pour les journalistes Bienvenue à M. Bruno DIVE, chef de rubrique, grand reporter et éditorialiste, Sud-Ouest M. Jacques DUPLESSY, journaliste, pigiste M. Bertrand GALLICHER, journaliste, grand reporter, France-Inter Bienvenue également à Mme Lynda ASMANI, conseillère de Paris, Mairie de Paris Mme Sophie AUBERT, coordinatrice de la Task-force interministérielle pour la gestion civilo-militaire des crises extérieures, MAE Mme Laurence DANIEL PICO, responsable de la cellule d’analyse stratégique, SNC Tracfin 3 Mme Florence FONTAN, responsable des affaires publiques BNP Paribas Securities Services Mme Marine JALUZOT, responsable clientèle institutionnelle, fonds financiers, Global Equities Mme Marianne LEBLANC-LAUGIER, inspectrice générale de l’administration du développement durable, Conseil général de l’environnement, ministère de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie Mme Michèle ROBINSON, chef du département carrières et compétences, SGA, ministère de la Défense M. Olivier ARCHAMBEAU, maître de conférences à l’université Paris VIII M. Alain BALLU, directeur des projets et partenariats internationaux, RCI Banque M. Vincent BEAUD, adjoint du chef de service, ministère de la Défense M. Anthony BERNARDI, adjoint au sous-directeur de la lutte contre le terrorisme et les extrémismes violents, DCRI M. Thomas BERTIN, conseiller défense à la représentation française auprès de l’Otan, MAE M. Arnaud BEZIERS LA FOSSE, président Stanton Wallace M. Nicolas BRONARD, sous-directeur adjoint politique et prospective de défense, DAS M. Benoît CHASTAING, directeur délégué en charge du développement, Médi-Partenaires M. Laurent D’ERSU, chargé de mission Afrique subsaharienne au Centre d’analyse et de prévision stratégique, MAE M. Lydéric DONET-MARY, directeur du Think Tank, Institut René Descartes M. Tristan de la FONCHAIS, directeur général adjoint, MATMUT M. Frédéric FOUCHET, délégué général adjoint, Fédération nationale de l’aviation marchande M. Hugues FOULON, directeur financier de la zone Afrique-Moyen-Orient-Asie, France Télécom Orange M. Bruno GEORGE, chargé de mission auprès du directeur et responsable du pôle stratégie médias, Caisse des dépôts M. Vincent JAISSON, administrateur, commission de la défense nationale et des forces armées, Assemblée nationale M. Jean-Emmanuel MAURY, administrateur civil, direction général du Trésor, chef du département des ressources humaines 4 M. Antoine PEIGNEY, directeur des relations et des opérations internationales, Croix-Rouge française M. Jean-Philippe POULIN, directeur général, société industrielle Lesaffre M. Guillaume RENAUDINEAU, administrateur principal, commission des affaires étrangères de la défense et des forces armées, Sénat M. Olivier RICHARDOT, commissaire divisionnaire, chef adjoint du RAID, ministère de l’Intérieur M. Georges SAUNIER, chargé de mission, maître de conférences associé à l’université de Cergy-Pontoise, Institut François Mitterrand M. Philippe VIAL, conseiller scientifique du département d’études et enseignements, service historique de la défense M. Mourad ZAÏED, président de DEFITECK Je passe maintenant à la partie militaire Bienvenue aux colonels de l’armée de terre Mme le colonel Dominique VITTE Messieurs les colonels Marc BOILEAU Hubert COTTEREAU Hervé de COURREGES François-Marie GOUGEON Frédéric GOUT Xavier PINEAU Pierre-Yves RONDEAU Philippe SUSNJARA Aux capitaines de vaisseau Marc AUSSEDAT Daniel FAUJOUR Guillaume GOUTAY 5 Laurent HEMMER Jean-François QUERAT Aux colonels (Air) Manuel ALVAREZ Jean-Pierre MONTEGU Pierre-André PARSI Laurent RATAUD Bertrand SANSU Bienvenue à nos amis de la maréchaussée, les Colonels de la Gendarmerie nationale Xavier DUCEPT André PETILLOT Pour le Service du commissariat des armées Bienvenue aux commissaires en chef de première classe Luc BERREGARD Frédéric STERNENBERG Pour la Direction générale de l’armement (DGA) Bienvenu à l’ingénieur général de l’armement Thierry BAUD A l’ingénieur en chef Hubert VAILONG Pour le Service de santé des armées, Bienvenu au médecin en chef Rémi MACAREZ Pour le Service des essences Bienvenue à l’ingénieur en chef de 1e classe M. Jérôme LAFITTE Pour le Contrôle des armées Bienvenue à Thierry MARJOLET 6 Aurais-je oublié quelqu’un ? Non ? Alors, une nouvelle fois, bienvenue. Bienvenue à vous tous, chers auditeurs, à l’École militaire, avec une mention toute particulière pour nos camarades étrangers. Vous avez pu constater, au cours de ce qui n’était pas un appel, mais une rapide présentation, toute la richesse et la diversité de vos origines professionnelles. Cette journée constitue le point de départ d’un cycle de plusieurs mois que vous allez passer ensemble à vous former, à échanger et à débattre. Pour le directeur de l’IHEDN que je suis, cette journée est le début d’une nouvelle aventure, aventure que j’appréhende avec un grand plaisir. Je voudrais vous parler d’abord de l’Institut dont vous êtes aujourd’hui les auditeurs ; puis du contexte dans lequel s’inscrit votre année ; aborder le thème d’étude de votre année, thème commun avec la 50ème session nationale « Armement et économie de défense » ; mais aussi naturellement de vous, de vous auditeurs de cette 66ème session « Politique de défense », ou plus exactement de ce que j’attends de vous, les auditeurs. 1. Vous entrez à l’IHEDN. Quelles sont ses missions ? Le Président de la République les a évoqués, lors de son intervention à l’École militaire le 24 mai dernier, en regrettant d’abord « une forme de délégation de la responsabilité et d’ignorance de la réalité de ce qu’est l’institution militaire » au sein de notre société. C’est pourquoi il a souligné la nécessité de renforcer le lien, je cite : « en associant davantage la société française dans toute sa diversité à la connaissance de l’institution militaire. C’est le rôle que joue notamment l’Institut des hautes études de défense nationale, dont je salue l’action ici. Pas simplement en accueillant des professions brillantes, ce que l’on pense être l’élite du pays qui s’y retrouvera. Mais en s’adressant, au-delà, à toute la nation, à la jeunesse en particulier. Celle qui se sent peut-être moins concernée et qui, pourtant, doit être également protégée par rapport à certains fléaux. » Mais plus précisément, qu’est-ce que l’IHEDN ? Établissement public, placé sous la tutelle du Premier ministre… - … L’IHEDN c’est une plateforme interministérielle civile et militaire pour former, sensibiliser, rassembler et fédérer, tant au niveau national que régional ; L’IHEDN c’est un outil d’influence au service d’une responsabilité européenne et internationale de la France. L’Institut participe ainsi de la diplomatie d’influence. Au travers de nos sessions européennes et internationales, avec des relations marquées 7 - - avec nos alliés et partenaires stratégiques, nous contribuons également à la réflexion stratégique française. L’IHEDN c’est un Institut résolument tourné vers l’avenir et la jeunesse : le Livre blanc 2013 le souligne, l’enseignement de défense doit s’adresser aux générations qui n’ont pas effectué de service militaire. L’IHEDN doit jouer un rôle moteur à cet égard. L’IHEDN est chargé de diffuser l’esprit de défense L’esprit de défense c’est… … Connaitre, comprendre et mesurer les enjeux stratégiques. Lieu de convergence de la compréhension des enjeux de défense et de sécurité nationale, l’IHEDN contribue à la diffusion de l’esprit de défense, en offrant à ses auditeurs les moyens d’identifier, situer, nommer, rendre visibles et intelligibles les menaces ; mais aussi d’étudier l’état du monde et d’analyser l’impact de nos alliances avec nos partenaires comme de nos rivalités avec nos concurrents. Les formations de l’IHEDN et singulièrement les sessions nationales permettent également aux cadres de la Nation de s’affranchir des lieux communs, de nourrir et d’actualiser leur vision de la défense. Sans dramatiser les risques encourus, l’esprit de défense consiste à préparer la Nation à l’éventualité d’une crise grave, à prendre conscience que notre pays peut être la cible d’événements bouleversant la vie quotidienne - des actes terroristes par exemple. L’esprit de défense, c’est faire savoir le savoir stratégique et le savoir-faire militaire au-delà du cercle restreint des militaires et de ceux que l’on appelle les « fanas milis ». C’est participer au renforcement de la cohésion nationale autour de l’intérêt général. L’esprit de défense, c’est un sentiment d’appartenance à la communauté nationale, à un destin commun, à des valeurs communes. Ce qui avec le respect des lois forment ce que l’on appelle le pacte républicain. L’esprit de défense, c’est être tout simplement un citoyen conscient de l’environnement dans lequel il vit. Un citoyen qui comprend que la paix n’est pas un acquis éternel. Un citoyen qui sait que l’adhésion de la Nation est la condition de l’efficacité de l’appareil de défense et de sécurité ainsi que de la légitimité des efforts qui lui sont consacrés. Diffuser l’esprit de défense sert aussi à renforcer la capacité de résilience de la société. La résilience qui est « La volonté et la capacité d’un pays, de la société et des pouvoirs publics, à résister aux conséquences d’une agression ou d’une catastrophe majeures, puis à rétablir rapidement leur capacité de fonctionner normalement. » Mais, tout cela, a besoin d’être muri, densifié, je dirais même, méditer. Vous serez mis à contribution, tout au long de l’année, afin d’enrichir cette réflexion. 8 Pour réaliser l’ensemble de ces missions de formation, de sensibilisation et de rayonnement, l’IHEDN… … organise deux sessions nationales, la 50ème session « Armement et économie de défense » qui a effectué sa rentrée la semaine dernière, et la vôtre, la 66 ème session nationale « Politique de défense ». Mais nous organisons également de nombreuses autres sessions : des sessions régionales, des sessions internationales ainsi que des séminaires, stages et formations ad hoc, en France comme à l’étranger. En 2012, l’Institut a ainsi vu passer quelque 10 000 auditeurs et participants, pour quelques heures, quelques jours ou une année comme vous. Vous êtes une centaine, vos camarades de la 50ème sont une cinquantaine. Pour manœuvrer la maison IHEDN, le directeur que je suis s’appuie sur une équipe solide dédiée à la bonne marche des activités. Permettez-moi donc de vous présenter... … l’équipe de l’IHEDN. Globalement, c’est une centaine de personnes. Parmi celles-ci, certaines exercent des responsabilités particulières et vous seront rapidement familières. Je voudrais notamment citer : Le préfet Joël BOUCHITÉ, directeur adjoint, qui exerce notamment la tutelle des activités « Politique de défense », est également le secrétaire général de l’Institut ; L’ingénieur général de l’armement Robert RANQUET, directeur adjoint, en charge de la tutelle des activités « Armement et économie de défense » et de la stratégie de l’Institut. C’est aussi notre point d’entrée dans le secteur économique et le domaine de l’armement. Il interviendra plus en détails prochainement pour présenter plus longuement la session « Armement et économie de défense » ; L’ambassadeur Joël de ZORZI, directeur-adjoint, conseiller diplomatique de l’Institut et directeur des « Activités internationales », qui sera remplacé à l’automne vraisemblablement par l’ambassadeur Nicolas NORMAND. À l’heure de la mondialisation, il est un acteur majeur de l’évolution de l’Institut ; Le directeur ou la directrice de la formation des études et de la recherche en cours de recrutement, va prochainement nous rejoindre. C’était jusqu’à présent Michel FOUCHER, qui nous a quitté pour raison de limite d’âge, mais qui restera auprès de nous. Cette personne détermine les grandes orientations pédagogiques des sessions et stages de l’IHEDN ; elle aura l’occasion de vous les présenter dans le détail et de développer avec vous la thématique globale d’études qui vous est proposée, thématique volontairement commune - et je tiens à le souligner à nouveau car c’est important - aux deux sessions nationales. J’y reviendrai. 9 Si la guerre a changé de visage, l’argent demeure le nerf de la guerre. Je vous présente donc un homme très important, moins visible, mais déterminant, Monsieur Francis BÉARD, grand argentier de l’Institut en tant que directeur de l’administration générale ; Le contre-amiral (2S) Bruno SARRADE, chef du département des « Activités nationales », qui assure la cohérence de ces formations et son adjoint le colonel JeanMarie GRIMAL ; Ainsi que par le grand organisateur de votre session, si je puis m’exprimer ainsi, le général (2S) Philippe Pereira, chef du bureau session nationale « Politique de défense », assisté par le capitaine Maryse Agil, et Madame Fabienne Adelinet. Bien d’autres acteurs seront à vos côtés pendant ces huit mois, je voudrais citer notamment Madame Linda Thisse, conseillère de l’Institut pour la communication. Je ne saurais non plus oublier les cadres de comité, anciens auditeurs, qui vous suivront au cours du premier trimestre. Certains sont parmi nous ce matin. Tous seront heureux de vous accompagner et je les remercie vraiment par avance de vous aider à faire en sorte que cette 66ème session soit un succès. À mon tour de me présenter : Je porte une double casquette : de directeur de l’IHEDN, mais également de directeur de l’Enseignement militaire supérieur (EMS) qui comprend notamment le Centre des hautes études militaires (le CHEM) et l’École de guerre. Ce poste est dans la droite ligne de mon parcours, puisque j’étais jusqu’à l’été 2012 directeuradjoint de la Délégation aux affaires stratégiques au ministère de la Défense. Officier de l’armée de terre, de l’arme blindée cavalerie et parachutiste, j’ai occupé des fonctions opérationnelles ainsi que politico-militaires et interministérielles. Côté opérationnel, j’ai commandé le 1er régiment de hussards parachutistes, puis la 11ème brigade parachutiste. J’ai également été chef d’état-major du corps de réaction rapide-France à Lille. Côté politico-militaire et interministériel, je suis breveté de l’École de guerre allemande et je me suis occupé à l’état-major des armées de la coopération militaire franco-allemande. Numéro 2 au bureau études de l’état-major de l’armée de Terre, j’ai travaillé notamment sur les questions liées à la loi de programmation militaire et les revues de programmes associés. Les affaires européennes ne me sont pas étrangères non plus, puisque j’ai aussi été en poste auprès du chef de la représentation militaire française au Comité militaire de l’Union européenne à Bruxelles. J’en suis sorti, ni eurosceptique, ni euro-béat, mais euro-pragmatique. 10 2. Je voudrais vous parler maintenant du contexte dans lequel votre session va se dérouler : l’année 2013-2014 Le terme de crise pouvant en être un des fils conducteur. - Crise syrienne, qui met en relief la crise des organisations internationales, comme l’ONU ; Au sujet de la Syrie, j’ai une pensée particulière pour Didier François, auditeur de la 62ème session nationale « Politique de défense », qui a été pris en otage en Syrie, il y a maintenant plus de trois mois. - Crise de l’Otan : quel Otan post 2014, après le retrait complet d’Afghanistan ? Crise conjoncturelle ? Structurelle ? - Crise de l’UE : sommes-nous en phase de maturation ou en phase de délitement ? Je reviendrai sur le Conseil européen consacré à la défense de décembre prochain ; - Crise au sein de notre pays, crise économique qui dure depuis 2007, avec ses conséquences budgétaires ; - Crise du vivre ensemble, de l’intégration, regardons notamment le cas marseillais, sans vouloir stigmatiser cette belle ville. Dans cette ambiance de crise, il reste néanmoins un certain nombre de jalons pour l’année à venir : C’est une année marquée par la mise en œuvre du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, publié en avril 2013, dont l’enjeu politique a été de concilier deux impératifs de souveraineté : concilier notre souveraineté budgétaire, alors que la crise financière a fragilisé nos finances publiques et impose une maîtrise sévère des dépenses publiques ; et la souveraineté liée à notre autonomie stratégique, alors que le niveau d’incertitude et de menaces n’a pas faibli depuis 2008, date du dernier Livre blanc. Ce Livre blanc 2013 vise à préserver et pérenniser un outil de défense qui pouvait être menacé, pour continuer de disposer d’armées performantes, toujours adaptées aux enjeux de sécurité comme aux responsabilités internationales de la France. Un Livre blanc que le chef d’état-major des armées a qualifié devant les auditeurs des sessions nationales de l’IHEDN le 14 juin dernier de, je cite : « réponse à la fois volontariste et réaliste ». La traduction au niveau des moyens de ce Livre blanc sera le vote de la loi de programmation militaire, la LPM : Ce projet de loi, qui sera prochainement voté par le Parlement, met en œuvre les orientations de la politique de défense française pour les six prochaines années, dans la ligne du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Le Président de la République a déclaré, dans son allocution à l’occasion de la conférence des ambassadeurs, le 27 août dernier que, je cite : « La France doit donc s’assurer que son outil de défense reste fiable. C’est ce que garantira la prochaine loi de programmation militaire, inspirée des travaux du Livre blanc sur la défense. Elle maintiendra pour les cinq ans qui viennent les crédits du budget de la Défense y compris dans cette période si difficile pour nos finances publiques. Mais c’est la condition indispensable pour préserver notre crédibilité et pour décider d’une 11 intervention chaque fois que notre pays l’estime nécessaire, dans le cadre du droit international ». Votre année sera également marquée par le Conseil européen de décembre 2013 qui sera consacré aux questions de défense. Le ministre de la Défense a insisté lors des Universités d’été de la Défense le 10 septembre dernier, sur la nécessité de relancer l’Europe de la défense, en déclarant, je cite : « C’est plus qu’une conviction personnelle, c’est un constat raisonné, et partagé par un nombre croissant de mes homologues. L’Union européenne a besoin d’appuyer sa force de frappe économique sur des ressorts politiques et stratégiques pour demeurer la deuxième puissance mondiale ». Enfin, comme vous le savez, cette année s’inscrit dans un contexte budgétaire contraint qui pose un défi : maintenir pour la défense les missions avec moins de moyens. Ce n’est hélas pas nouveau. 3. Le cadre étant fixé, venons-en à votre thème d’étude de l’année Il s’agit, je l’ai dit de : « L’Asie du sud-est, entre Inde et Chine, entre États-Unis, Japon et Europe : néo-émergence, géopolitique, sécurité ». Un thème qui s’inscrit dans le droit fil du Livre blanc sur la Défense et la sécurité nationale de 2013 qui insiste sur la place de la France dans la stratégie régionale. Pour mémoire, le Livre blanc 2013 observe que : « La France participe par sa coopération de défense à la sécurité de plusieurs pays de la région, notamment l’Indonésie, la Malaisie, Singapour et le Vietnam. » Ce sont précisément ces quatre destinations que j’ai choisi pour les missions monde de la session nationale « Politique de défense » et les travaux des comités. Maintenant permettez-moi une réflexion plus personnelle, une réflexion qui me tient à cœur sur... 4. … La place du militaire dans notre société au XXIème siècle Il semble aujourd’hui que le militaire soit en phase de marginalisation dans une société devenue a-militaire, avec le a privatif. Pourquoi ? D’abord, parce que la professionnalisation utile pour délivrer un outil performant, porte le risque que l’armée apparaisse comme un corps de spécialistes séparé de la Nation. Il convient de prendre garde à ne pas tomber dans le piège qui consisterait à se laisser cantonner dans un cœur de métier uniquement centré sur les opérations extérieures, en éloignant ainsi l’armée du cœur de la société. Puisque votre thème d’étude porte cette année sur l’Asie, je citerai Mao Tsé-Toung pour qui « Le peuple est comme l’eau, l’armée comme le poisson ». Je ne suis pas maoïste, mais attention à ne pas sortir le poisson du bocal. 12 Ensuite, les dangers semblent s’éloigner de nos frontières, et la société a le sentiment que rien ne la menace plus directement. Cependant, pour reprendre une formule galvaudée mais toujours pertinente « S’il n’y a plus de menaces à nos frontières, il n’y a plus de frontières aux menaces » : terrorisme, cyber-attaques, menaces sur nos intérêts dans le monde…. Le monde a changé depuis la fin de la guerre froide et le métier de militaire a dû évoluer. Il est devenu plus complexe. Je citerai notamment : Les missions et l’ennemi devenus flous/principalement non étatique L’omniprésence des médias dans les opérations Ou la judiciarisation des opérations militaires, comme en témoigne l’affaire d’Uzbin, qui remet en cause la singularité du métier de soldat. Je veux saluer ici le travail remarquable mené entre le ministère de la Défense et le ministère de la Justice, qui se traduit dans le projet de Loi de programmation militaire par l’adaptation du cadre juridique aux nouveaux défis de la défense. Sur cette question, la LPM vise d’abord, à souligner le caractère très spécifique de la mort au combat dont la cause n’est en principe, ni suspecte, ni inconnue. Le projet de loi vise ensuite à protéger les militaires contre une judiciarisation excessive de leur action. Cette complexité implique que bien souvent, l’action militaire s’inscrit aujourd’hui dans une approche globale Car, hybrides et pluridimensionnelles, les crises nécessitent le plus souvent un mode de gestion à la fois civil et militaire et appellent donc une réponse interministérielle. Les menaces globales réclament également des réponses globales et le recours à toute une gamme de moyens : économique, juridique, humanitaire, financier, civil et militaire. 5. Pour finir : quelques mots sur ce que j’attends de vous Outre un travail de qualité, mais je n’ai aucun doute sur la qualité du travail que vous fournirez, j’attends de vous : ouverture d’esprit, sens des responsabilités, modestie, mais aussi discrétion. De l’ouverture d’esprit et de la curiosité Cette indispensable alchimie entre civils et militaires, entre acteurs de la fonction publique et du monde économique, il vous appartient, et à vous seuls, de la faire fonctionner, en gardant votre esprit ouvert. Cette année est une année de recul, une année de réflexion, une année de méditation. Certes, l’équilibre sera souvent instable avec vos contraintes professionnelles, mais je vous invite à lever la tête du guidon quotidien, si vous me permettez cette expression triviale, pour bénéficier pleinement des conférences et travaux de groupe de cette année. Vous ferez aussi acte de responsabilité Aujourd’hui plus encore qu’hier, l’efficacité de l’appareil de défense tout comme la légitimité des efforts qui lui sont consentis repose sur l’adhésion de la Nation. Nous devons, les uns et 13 les autres, expliquer à nos concitoyens le sens de la politique de défense, l’importance de son volet armement, et ce dans toutes ses dimensions. Vous serez astreints à la modestie « Sois modeste, c’est le genre d’orgueil qui déplaît le moins », formule chérie de Jules Renard. Le travail en comité que nous pratiquons dans ces murs vous conduira à exercer cette vertu, face aux observations, voire aux critiques de vos pairs. Pour cela vous serez également aidés par les cadres de comité, anciens auditeurs, qui vous suivront jusqu’en décembre. Pour terminer, je vous demande de faire preuve de discrétion. Je vous demande d’appliquer la règle de l’IHEDN, la règle de non attribution des propos, la fameuse Chatham house rules. Si vous voulez que les conférenciers se livrent, sortent de la « doxa » ou de la langue de bois, ils doivent être assurés que leurs propos ne se retrouveront pas sur un blog, un tweet ou dans un SMS. Jusqu’à présent, nous y sommes globalement parvenus. Il est important de pouvoir conserver cette liberté de ton qui fait la richesse et la force de l’Institut. Alors, de grâce, pour tous les accros des tweet, blogs ou SMS, je vous invite à huit mois d’abstinence. * Pour finir, je citerai Cicéron, considérant comme lui que : « Ceux qui ont à gouverner devront être aussi heureux que possible », une autre façon de dire que l’on ne fait bien que ce que l’on aime. Je souhaite donc que cette année soit pour vous source d’épanouissement intellectuel, professionnel, relationnel et donc de bonheur. J’attends que vous vous investissiez pleinement dans cette session, car votre formation sera ce que vous en ferez. Je suis heureux de déclarer officiellement ouverte la 66ème session nationale « Politique de défense ». 14
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