Journal de Saclay n°20

Transcription

Journal de Saclay n°20
AV R I L 2 0 0 3 > N ° 2 0
CEA saclay 20/avril 2003
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9:52
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Centre CEA de Saclay
LE JOURNAL
DOSSIER SPÉCIAL
QUELLES ÉNERGIES POUR DEMAIN ?
Énergies fossiles, renouvelables, nucléaire, hydrogène ;
Le centre CEA de Saclay au cœur de la recherche ;
Énergies, effet de serre, climat.
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Éditorial
Éditeur
Conception graphique
CEA (Commissariat
Mazarine
à l’énergie atomique)
2, square Villaret de Joyeuse
Centre de Saclay
75017 Paris
91191 Gif-sur-Yvette Cedex
Tél. : 01 58 05 49 25
Directeur
Crédits photos
Jean-Pierre Pervès
ADEME
es
Il nous a semblé important de présenter aux lecteurs du « Journal du centre
une meilleure infor-
CEA de Saclay » des informations fac-
mation sur la poli-
tuelles et synthétiques sur la situation
Directeur de la publication
Astorg Sophie
tique de l’énergie de
de la France dans l’espace énergétique
Yves Bourlat
Charbonnages de France
notre pays et ses
mondial, afin que chacun puisse se for-
Rédacteur en chef
CEA
Christophe Perrin
CEA-Fuseau
enjeux et une plus
ger une opinion sur ce sujet complexe
CEA-Gonin
grande transparence
avec le recul nécessaire, assorties de
Rédactrice en chef adjointe
CNRS photothèque,
des choix avec la possibilité d’y partici-
précisions sur les travaux menés dans
Sophie Astorg
Laurence Médard
per, le Premier Ministre a annoncé l’or-
notre centre.
ESA
Ont également participé
COGEMA
ganisation d’un grand débat sur les
Son objectif est triple : répondre aux
questions des Français, recueillir leurs
Économies d’énergies, gisements d’é-
Hautemanière Noël
avis et propositions, les sensibiliser à
nergie seront au cœur du débat mais il
© Médiathèque
l’importance de leurs propres compor-
me semble important de rappeler en
tements, en tant que premiers acteurs
préambule trois points essentiels :
de la demande énergétique.
Deux milliards et demi d’hommes peu-
COGEMA/Ph. Lesage
Gendre-Peter Anne-Marie
Jean-Marc Borgard,
© Médiathèque
Jean-Marc Capdevilla,
Gaz de France : Blond Yves ;
Anne-Marie Gendre Peter,
Luciano Giancarli,
Nathalie Le Bars,
Gaz de France /
Patrick Mauchien,
MPA Corporate / Charriau D.
Isabelle Maudez,
1
Une inégalité
qui ne peut perdurer
à ce numéro
Fanny Bazile,
Médiathèque EDF
énergies.
Didier Moulin,
TotalFinaElf
Ce débat, qui a débuté en mars et va se
plaient la planète en 1950. Nous som-
Jean Poitou,
Commission paritaire
prolonger jusqu’en juin 2003 dans tout
mes six milliards aujourd’hui et serons
Jean-Louis Seran,
N° ISSN 1276-2776
Centre CEA de Saclay
le pays, doit éclairer et nourrir le projet
très probablement huit milliards à
Droits de reproduction,
de loi d’orientation sur les énergies que
l’horizon de 2025.
le
Notre civilisation a bâti sa puissance sur
Marc Serre
Iconographie
texte et illustrations
Chantal Fuseau
réservés pour tous pays
Sommaire n° 20
Éditorial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 2
La politique énergétique française . . . . page 4
L’électricité en France . . . . . . . . . . . . . . page 6
Bouquet d’énergies à la française . . . . page 7
Les énergies fossiles . . . . . . . . . . . page 7
L’énergie nucléaire . . . . . . . . . . . . page 12
Les énergies renouvelables . . . . . page 18
L’hydrogène . . . . . . . . . . . . . . . . . page 22
Effet de serre - climat . . . . . . . . . . . . . page 24
Pour conclure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 30
2
Français
ayant souhaité
L
Gouvernement
présentera
au
Parlement au second semestre.
la consommation d’énergie, mais un
Référence mondiale dans le domaine
Africain consomme trente cinq fois
de l’énergie, en particulier la recherche
moins d’énergie qu’un Américain du
électronucléaire, le CEA consacre éga-
Nord, un Indien 20, un Chinois dix.
lement un important effort visant à ren-
Cette inégalité ne peut perdurer et les
dre compétitives de nouvelles solutions
besoins des uns seront bien plus élevés
énergétiques : programme hydrogène,
que les économies que pourront réali-
programme photovoltaïque, domaine
ser les autres sans mettre leurs écono-
des économies d’énergie et de l’amé-
mies en péril.
lioration des rendements des systèmes
Les prévisions les plus réalistes éva-
de production d’énergie, etc.
luent à 50 % l’augmentation de la
3
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Faire feu de tout bois
dans le prochain quart de siècle : c’est
En dernier lieu, le dérèglement clima-
Consommation mondiale
d’énergies primaires* - 2001
relativement peu quand on se souvient
tique annoncé par les spécialistes de la
* voir page 5
qu’il y aura deux milliards d’habitants en
climatologie vient rendre encore plus
plus et tant de besoins insatisfaits.
complexe une situation potentiellement
Un enjeu géopolitique
gaz carbonique dans l’atmosphère a
Un autre angle de vue révèle la fragilité
augmenté de plus de 20 % depuis un
du marché de l’énergie. Les réserves en
siècle, et elle dépasse largement les plus
combustibles fossiles commodément
hauts niveaux des 400000 dernières
exploitables sont relativement peu
années. Il est inéluctable qu’elle aura
abondantes : une génération et demi
doublé avant la fin du siècle, avec des
pour le pétrole, deux pour le gaz et huit
conséquences difficiles à évaluer sur les
et demi pour le charbon. On imagine
climats locaux et le niveau des mers.
aisément que les tensions sur ces mar-
Face aux besoins et à ces risques, des
chés devraient devenir très fortes dès
efforts massifs seront nécessaires en
les prochaines décennies car seuls res-
matière d’efficacité énergétique, mais ils
teront grands exportateurs de gaz et
devront être conduits avec sagesse
pétrole, à ce terme, le Moyen Orient et
pour ne pas ruiner nos économies et
la Sibérie. La contribution de ces com-
nos pays. Ils nécessiteront des investis-
bustibles au marché de l’énergie, 87 %
sements colossaux, tant dans le domai-
aujourd’hui, va fatalement diminuer,
ne des transports que dans ceux de
mais leurs qualités intrinsèques sont si
l’habitat et de l’industrie. Il faudra don-
élevées que leur commerce restera un
ner du temps au temps et faire feu de
enjeu géopolitique majeur.
tout bois.
Jean-Pierre Pervès
Directeur du centre CEA de Saclay
Ordre de grandeur de la durée des réserves
mondiales connues (sur la base des consommations de 2001)
pétrole : 38,5 %
nucléaire : 6,6 %
charbon : 24,7 %
gaz naturel : 23,7 %
(source « BP statistical review »)
Le monde est dominé par les énergies
fossiles, or leur répartition est inégale
sur la planète, les prix sont variables,
les ressources bon marché sont appelées
à se raréfier.
Consommation mondiale
d’énergie par habitant - 1999
tep (tonne équivalent pétrole)
9
8
7
6
4,1
5
4
3
1,6
et après ?
Les durées de vie des réserves d’énergies fossiles ainsi quantifiées s’entendent
dans les conditions actuelles des possibilités technologiques et des marchés.
La notion de réserve est liée à d’éventuels progrès technologiques et au prix que
veut bien mettre le consommateur pour avoir accès à la ressource. Lorsque le
prix d’achat augmente, certaines ressources qui n’étaient pas économiquement
rentables le deviennent, et les réserves augmentent d’autant.
(Génération : intervalle de temps estimé à 30 ans environ)
1 Jean-Pierre Pervès.
2 Un Américain du Nord consomme près
de soixante fois plus d’énergie
qu’un Bangladais.
3 Une telle inégalité face à la consomma-
tion d’énergie ne peut perdurer.
0,87
0,48
0
Ba
ng
lad
es
h
Co
ng
o
Ind
e
Ch
ine
M
on
de
Jap
on
Fra
nc
Al
lem e
ag
ne
U.
U. E.
S.
A.
pétrole
1,5 génération
0,24
1
gaz naturel
2 générations
0,14
2
charbon
8,5 générations
8,2
explosive à moyen terme. La quantité de
hydraulique : 6,5 %
3,8
d’énergie
4,4
mondiale
4,1
consommation
(source « Banque Mondiale »)
Si, pour les pays industrialisés, la demande
en énergie, après avoir fortement augmenté,
se stabilise et diminuera sans doute
légèrement grâce à une meilleure efficacité
énergétique, celle des pays en voie
de développement est en pleine croissance.
Deux milliards d’individus n’ont pas encore
accès à l’électricité.
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La politique énergétique française
LA
POLITIQUE ÉNERGÉTIQUE FRANÇAISE
TROIS EXIGENCES MAJEURES
Le projet de loi d’orientation sur les énergies que va
présenter le Gouvernement vise à apporter des
réponses appropriées aux trois exigences majeures
que sont : la protection de l’environnement, l’indépendance énergétique, la compétitivité de notre économie dans le cadre d’un développement durable.
a politique énergétique française menée depuis les
Cette politique énergétique a également conduit à diversi-
années 1970 a eu pour objectif une meilleure maîtri-
fier nos sources d’approvisionnement en énergies fossiles :
se des consommations et le développement de filières de
en gaz avec quatre pays fournisseurs majeurs et en pétro-
productions nationales, notamment les centrales élec-
le, même si nous dépendons encore à 40 % des pays de
triques nucléaires et hydrauliques, et dans une moindre
l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole).
mesure, la géothermie et les biocarburants.
Concernant le charbon, la France a choisi de réduire
En devenant le premier producteur d’énergie nucléaire en
fortement sa production nationale et sa consommation,
Europe, tout en étant le premier producteur d’énergies
particulièrement polluante.
renouvelables (essentiellement hydraulique) la France a
Parallèlement, des entreprises françaises de stature inter-
pu maîtriser son recours aux combustibles importés.
nationale se sont déployées dans les deux secteurs de
L
l’électricité et des produits pétroliers.
Indépendance énergétique
et diversification
Le taux de couverture global de nos besoins énergétiques
Une politique globale
de développement durable
est ainsi passé de 26 % en 1973 à 50 %, et nos sources
La France doit aujourd’hui faire face à trois grands défis.
d’approvisionnement ont été diversifiées. La sensibilité de
Le risque d’un dérèglement climatique majeur dont est
notre économie aux fluctuations des prix pétroliers est
responsable la combustion des trois ressources fossiles,
donc moindre, mais elle a changé de nature : nos modes
le charbon, le gaz et le pétrole, encourage à en réduire
de vie et notre économie dépendent davantage du sec-
l’usage, alors même que la France est déjà l’un des pays
teur des transports, lui-même devenu dépendant à plus
industrialisés les plus performants en la matière.
de 90 % du pétrole.
L’émergence d’un marché unique et ouvert de l’énergie au
niveau européen suppose d’adapter les moyens de régulation dont dispose l’État, de développer fortement les interconnexions transfrontalières et de veiller à ne pas se laisser
dominer par la recherche d’une rentabilité à court terme.
Enfin, la sécurité d’approvisionnement reste parfaitement
d’actualité pour faire face à une instabilité géopolitique
accrue et à la croissance prévisible et légitime de la
demande d’énergie, notamment fossile, en provenance
des pays en voie de développement, alors même que la
production d’hydrocarbures atteindra vraisemblablement
un plafond d’ici 30 ans.
1 Un développement durable passe par la maîtrise de la consommation et par
1
des économies d’énergie. D’importants programmes ont été mis en œuvre
pour créer des appareils et des véhicules « sobres », pour isoler les bâtiments, etc. On se souvient notamment de la « chasse au gaspi ». L’industrie
fournit également de gros efforts pour diminuer sa facture énergétique.
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Consommation française
d’énergies primaires - 1970 / 2001
Mtep (Millions de tonnes équivalent pétrole)
120
100
80
charbon
pétrole
gaz naturel
60
nucléaire
hydraulique
autres énergies
renouvelables
40
20
0
1970
2001
(source DGEMP, Observatoire de l’Énergie)
La consommation est passée de 146 millions de tep en 1970 à 269 millions de tep
en 2001. Le volume de consommation de toutes les énergies a augmenté, sauf pour
le charbon. L’augmentation de consommation de pétrole a été jugulée grâce à l’apport
du nucléaire.
Consommation française d’énergies
primaires par secteur - 2000
Autres : 16,3 %
Industrie : 22,5 %
Agriculture : 1,3 %
Transport : 20,9 %
Résidentiel et tertiaire
commercial : 39 %
Reconnaître l’énergie
sous toutes ses formes
« Les diverses formes d’énergie peuvent – au
moins partiellement – se transformer les unes en
les autres. C’est cette possibilité qui a permis de
reconnaître, sous des phénomènes d’apparence
aussi différente que la chute d’eau, le vent, le
coup de poing dans la figure, le travail de la bête
de somme, la combustion de la houille ou de
l’essence, la présence d’une grandeur unique :
l’énergie ». (Le trésor, dictionnaire des sciences.
Sous la direction de Michel Serres et Nayla
Farouki. Flammarion, 1997)
Repères
Une famille composée de 2 adultes et de 2 enfants
consomme en un an l’équivalent de 20 000 litres
de pétrole, soit 55 litres par jour.
À l’échelle du pays, il faut 30 jours d’exportation
tous produits confondus par an pour payer les
importations d’énergie.
Énergie primaire
Une énergie primaire n’a subi aucune conversion
entre la production et la consommation :
c’est le cas, par exemple, du pétrole, du charbon,
du gaz naturel, de l’électricité d’origine nucléaire
ou hydraulique.
Unités et équivalences
Pour le physicien, l’énergie se mesure en Joules (J).
L’électricien préfère le Watt-heure, une énergie
de 1 J par seconde pendant une heure,
soit 1 Wh = 3600 J.
Pour comparer les énergies, il est d’usage de les
rapporter à l’énergie fournie par le pétrole brut,
la tonne équivalent pétrole (tep). Sa valeur est fixée
à 41,85 milliards de Joules.
Complexes, les facteurs permettant le passage
entre kiloWatt-heures et tep reposent sur des
conventions : celles-ci dépendent du rendement
de conversion d’une énergie en une autre et aussi
de l’angle de vue, celui de la production
d’énergies primaires ou bien de
la consommation finale.
DGEMP
De très nombreuses données citées dans ces pages
proviennent de la DGEMP (Direction Générale de
l’Énergie et des Matières Premières), qui dépend du
ministère de l’Économie.
(source DGEMP, Observatoire de l’énergie)
Les transports occupent une place de plus en plus importante. Ils font essentiellement
appel au pétrole. Les proportions sont sensiblement équivalentes dans tous les pays
industrialisés.
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L’électricité en France
En France, la base de la production (les trois quarts
en moyenne sur l’année) est assurée par le parc
de centrales nucléaires, dédié entièrement à l’électricité, auquel s’ajoutent les énergies non régulières
que sont l’éolien et le solaire photovoltaïque, quand
elles sont reliées au réseau. Aux heures de pointe de
consommation, il est nécessaire de recourir à des
moyens de production complémentaires, rapides
à mettre en œuvre : l’hydraulique joue ce rôle, ainsi
que les centrales thermiques au gaz et au charbon.
Dans les sites isolés, ou non reliés au réseau
national, l’éolien, le photovoltaïque et la géothermie électrogène peuvent être utilisés économiquement avec un secours assuré par les énergies
fossiles. Au plan national, la production d’électricité
à partir de pétrole est très marginale.
Une demande en hausse
lignes par échauffement atteignent 5 à 10 % de la pro-
L’électricité peut être facilement transportée sur de lon-
duction. Pour limiter ce phénomène, le transport de l’élec-
gues distances, mais elle ne peut être stockée en grandes
tricité s’effectue à la plus haute tension possible.
quantités. Ce problème de stockage oblige à surdimenaux fluctuations importantes de la demande. Les investis-
Une politique incitative pour les
énergies renouvelables
sements nécessaires pour produire et distribuer l’électri-
Les énergies renouvelables bénéficient d’un soutien finan-
cité en font une industrie très capitalistique.
cier de l’État pour asseoir leur développement. Ainsi, par
La consommation mondiale d’électricité augmente plus
exemple, EDF est-elle tenue d’acheter l’électricité produi-
vite que celle de l’ensemble des énergies. En France,
te par les éoliennes 8,38 centimes d’euro le kWh les cinq
l’industrie, qui consomme un tiers de l’électricité nationa-
premières années de fonctionnement de l’installation.
sionner les moyens de production pour pouvoir répondre
le, et les secteurs résidentiel et tertiaire, pour l’électroménager, le chauffage, l’eau chaude, en sont devenus les
principaux usagers.
Production égale consommation
En l’absence de stockage, la production et la consommation doivent être équilibrées : c’est la tâche dévolue à l’entreprise chargée d’acheminer l’électricité chez les clients
d’EDF à travers des réseaux complexes. Les pertes en
Origine de l’électricité
en France - 2001
nucléaire : 76 %
thermique
classique : 9 %
(charbon, gaz)
hydraulique : 15 %
6
(source RTE, gestionnaire du réseau de transport d’électricité)
Coûts comparés du kWh en centimes d’euro (hors taxe).
Source DGEMP
ÉNERGIES RENOUVELABLES :
Biomasse : . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 à 15
Éolien : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 à 13
Photovoltaïque : . . . . . . . . . . . . 25 à 125
Hydraulique : . . . . . . . . . . . . . . . 2 à 10
Géothermie : . . . . . . . . . . . . . . . . 2 à 10
Énergie marémotrice : . . . . . . . . . 8 à 15
ÉNERGIES NON RENOUVELABLES :
Nucléaire : . . . . . . . . . . . . . . . . 3,2 à 3,5
Charbon : . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3,7 à 4
Gaz (cycle combiné) : . . . . . . . 3,3 à 4,3
Le saviez-vous ?
- À partir de 4 centimètres de givre dans votre réfrigérateur, celui-ci
consomme deux fois plus et s’use plus vite.
- Repasser pendant une heure coûte environ 7 centimes d’euro.
- Une douche à 35-40°C de 8 minutes coûte environ 20 centimes d’euro.
Un bain à la même température, 26 centimes d’euro.
- L’écoute d’un CD sur une chaîne Hi-fi pendant la journée coûte environ
2 centimes d’euro.
- L’utilisation d’un micro-ordinateur (durant 1h30) coûte environ
4 centimes d’euro.
- Le chargement d’un téléphone portable pour une journée (veille uniquement) consomme trente-six Wh, soit environ 1 centime en heures pleines.
- Pour un radiateur électrique, chaque degré supplémentaire à une température de 19°C coûte 7 % de plus.
- Si l’on regarde un téléviseur dont la puissance est de 80 W pendant trois
heures, on consomme 240 W. Si on le laisse en mode veille (15W par heure)
le reste de la journée, soit 21 heures, on consomme donc… 315W pour rien !
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Bouquet d’énergies à la française
Nos modes de vie et notre consommation d’énergie sont largement interdépendants et chaque pays
a ses particularités, fruits de ses ressources, de son histoire, des comportements de ses habitants. En
France, nous disposons d’un « bouquet » d’énergies fossiles, nucléaire et renouvelables. Comment
est-il composé ? Comment peut-il évoluer ? De quelles marges de manœuvre disposons-nous ?
LES
ÉNERGIES FOSSILES
Les énergies fossiles comprennent le pétrole, le gaz
et le charbon, dont la France est presque totalement
dépourvue et qu’elle est obligée d’importer en
quasi-totalité. Ces énergies constituent encore le
socle de notre consommation d’énergies primaires,
soit 54 % en 2001. Toutes trois émettent du gaz
carbonique. Bien que leurs réserves soient très limitées, la consommation de gaz et de pétrole va continuer à croître pendant encore au moins 20 ans, en
raison des besoins des pays émergents (la consommation énergétique de la Chine augmente de près
de 8 % par an).
CHARBON
LA FIN DES MINES FRANÇAISES
Laminé par la concurrence du gaz, le charbon cède
du terrain dans les centrales thermiques mais reste
incontournable dans l’industrie sidérurgique.
En baisse constante depuis 1947, la production charbonnière a été divisée par 13 en un peu plus de 50 ans. Le
1
« pacte charbonnier » prévoit ainsi l’arrêt complet de la
production nationale en 2005.
1 Des techniques modernes permettent de limiter les impacts de la combustion
du charbon sur l’environnement, mais cette énergie reste très polluante. Le
coût de l’électricité produite à partir du charbon est élevé lorsqu’il faut l’importer, ce qui est le cas de la France. (Photo : un parc de stockage en Provence).
Les réserves de charbon
dans le monde - 2000
En Gt (1 Gigatonne = 109 tonnes).
230,2
256,5
122
61,6
292,3
21,6
(source BP statistical review)
Le charbon est l’énergie fossile la plus abondante et la mieux répartie au plan
mondial, et celle qui pose le moins de problèmes géopolitiques. C’est une
ressource vitale pour les nombreux pays qui en possèdent.
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LES ÉNERGIES FOSSILES / L’ÉNERGIE NUCLÉAIRE
RENOUVELABLES / L’HYDROGÈNE
/ LES
ÉNERGIES
Bouquet d’énergies à la française
France : importations
de charbon - 2000
Le charbon ne disparaît pas pour autant du paysage énergétique français où il conserve une place dans l’industrie
Allemagne : 0,9 %
sidérurgique et dans une moindre mesure, dans la proAutres : 12,8 %
duction d’électricité.
Pologne : 5,3 %
Venezuela : 3,6 %
États-Unis : 15,6 %
Le charbon concurrencé
par le gaz naturel
Chine : 7,7 %
Avec une image ternie par la pollution atmosphérique et
Ex URSS :
2,3 %
les sinistres « coups de grisou », le secteur du charbon a
Colombie : 7,9 %
dû s’adapter à des normes environnementales toujours
renforcées. L’industrie charbonnière française a développé
à Gardanne une centrale high-tech, véritable fleuron du
Australie : 20,6 %
Afrique du Sud : 23,2 %
« charbon propre ». Cette technologie, qui affiche un rendement énergétique de 40 %, pourrait trouver des débouchés à l’export vers l’Europe de l’Est ou les pays en voie
de développement, abondamment pourvus en charbon.
En France, le charbon, deux fois plus cher que le gaz naturel, est remplacé progressivement par le gaz dans son rôle
d’appoint pour la production d’électricité.
GAZ
(source : DGEMP)
Importations : 20,6 Mt (Millions de tonnes) / Production nationale : 4,1 Mt
La production nationale de charbon est en voie d’extinction et au cours des
trente dernières années, les origines des importations se sont considérablement diversifiées, hors de l’Europe.
NATUREL
LE CHALLENGER DU NUCLÉAIRE
Les utilisations du gaz sont très diversifiées.
Pour le chauffage en particulier et la production
combinée de chaleur et d’électricité, il peut se
substituer avantageusement au pétrole et au
charbon. Son taux d’émission de gaz carbonique
reste élevé, même s’il est inférieur à celui du
pétrole et du charbon.
Une valeur à la hausse
Le gaz représente 14,5 % (source DGEMP) du bilan énergétique national et cette part est susceptible de s’accroître.
D’une part son prix est plus stable que celui du pétrole,
même s’il suit, en les atténuant, ses variations, d’autre part
le gaz a bénéficié de progrès technologiques remarquables sur les turbines. En brûlant le combustible à une température beaucoup plus élevée que dans une centrale
thermique classique, il est possible de cumuler deux
« cycles » de production d’électricité en associant en série
8
1
1 Terminal méthanier de Montoir-de-Bretagne.
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une turbine à combustion innovante et une turbine à
vapeur classique. Le rendement de ces cycles combinés
France : importations
de gaz naturel - 2000
passe ainsi de 35 % à 50 % et atteint 85 % pour les centrales de cogénération, qui fournissent à la fois de l’électricité et de la vapeur à usage industriel. Le coût de l’électricité produite par une centrale de ce type est très voisin
du coût de l’électricité issue du nucléaire.
Mer du Nord : 29 %
(principalement Norvège)
Russie : 29 %
Facile à extraire, le gaz est en revanche plus difficile à
transporter que le pétrole : il ne voyage que sous haute
pression dans un gazoduc ou bien sous forme liquide, à
Nigéria : 5 %
très basse température, dans un méthanier !
(et autres)
Pays Bas : 12 %
Méthane
Algérie : 25 %
D’énormes quantités de méthane sont stockées sous formes d’hydrates dans le permafrost (sol gelé en permanence) ou à grande profondeur sous les mers. On ne sait pour
l’instant pas exploiter cette ressource. Sans doute pourrat-on le faire un jour, mais cette exploitation présente des
dangers écologiques en raison d’un risque d’émission de
(source DGEMP)
Importations : 471 TWh / Production nationale : 20 TWh.
(1 Téra Wh = 1012 Wh)
En 30 ans, nos importations de gaz ont considérablement augmenté, à partir de sources aussi diversifiées que possible. Plus de
95 % de la consommation française de gaz naturel est importée,
nos principaux fournisseurs étant l’Algérie, la Norvège, la Russie.
méthane, ce gaz ayant un impact élevé sur le climat.
Les réserves de gaz dans le monde
En Tm3 (1 Téra m3 = 1012 m3).
56,7
7,3
5,2
52,5
10,3
6,9
11,2
Le saviez-vous ?
(source BP statistical review 2000)
La plus grande partie des réserves de gaz se trouve en ex-URSS
(Russie : 32,1 %) et en Iran (15,3 %).
De nouveaux usages du gaz sont apparus pour des véhicules utilitaires lourds
(autobus, bennes à ordures ménagères), pour la production combinée de chaleur et d’électricité ou pour la climatisation. Fin 2002, on dénombrait, en
France, près de 5000 véhicules utilitaires légers, environ 1000 bus et une centaine de véhicules de propreté urbaine fonctionnant au GNV (Gaz Naturel
Véhicules).
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LES ÉNERGIES FOSSILES / L’ÉNERGIE NUCLÉAIRE
RENOUVELABLES / L’HYDROGÈNE
/ LES
ÉNERGIES
Bouquet d’énergies à la française
PÉTROLE
À QUEL PRIX ?
Notre dépendance vis-à-vis de cette matière première, difficile à réduire sans de profonds changements de comportements et de choix de société, risque fort de perdurer.
fournissent 95 % de la demande nationale en produits
pétroliers. Ces industries réalisent l’essentiel de leur chiffre
d’affaires à l’étranger.
Pour renforcer notre sécurité d’approvisionnement, une loi
de 1992 prévoit des stocks de réserve qui équivalent à
Une énergie stratégique
environ trois mois de consommation.
Le pétrole est une énergie encore bon marché. Commode
à transporter et à stocker, il convient à tous les usages,
mais il est polluant (effet de serre, naufrages de tankers).
Les réserves sont épuisables, situées dans des régions
peu nombreuses et sensibles. Le prix est orienté à la hausse à moyen terme.
Le pétrole représente 38 % de l’énergie primaire consommée en France en 2000.
Malgré une production d’hydrocarbures insignifiante, la
France est dotée d’industries pétrolières et parapétrolières
très dynamiques. Les raffineries implantées sur notre sol
1
Les réserves de pétrole dans le monde - 2000
En Gtep (1 Giga tep = 109 tep).
9
2,5
8,5
92,5
10
6
13,6
Le saviez-vous ?
10
(source BP statistical review)
Le pétrole devra bientôt être importé en totalité hors
d’Europe et à terme, du seul Moyen-Orient. Cette carte
représente les réserves de pétrole faciles à exploiter,
connues avec certitude.
Que fait-on avec le pétrole? Des carburants automobiles (essence, gazole,
GPL), du carburéacteur pour les avions, des bitumes et du fioul, c’est
connu… mais aussi des lubrifiants, des matières plastiques, des produits
de beauté et des médicaments, pour la production desquels le pétrole est
actuellement irremplaçable.
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Un inexorable déclin
Les réserves mondiales de pétrole facile à exploiter sont
aujourd’hui bien localisées.
Les experts estiment que la production mondiale de pétrole devrait atteindre un maximum d’ici une vingtaine d’années, avant d’amorcer un inexorable déclin qui aboutira à
une montée des prix.
À côté du pétrole brut, d’autres ressources fossiles dites
« non conventionnelles » pourraient prendre le relais
lorsque le pétrole facilement récupérable sera plus rare. Il
s’agit essentiellement des huiles lourdes et extra-lourdes,
des bitumes, des schistes bitumineux, des sables bitumineux et asphaltiques. Leur coût d’extraction sera notablement plus élevé.
Ainsi par exemple, les pétroles lourds, plus visqueux, doivent être fluidifiés in situ avec de l’eau chaude, ce qui oblige à brûler sur place une fraction significative de la production. Cette opération présente l’inconvénient de dégager d’importantes quantités de gaz carbonique.
Renchérissement du coût d’exploitation, tensions géopolitiques, demande soutenue, éventuelle taxation écologique : le baril de pétrole coûtera de plus en plus cher.
France : importations
de pétrole brut - 2000
Autres : 0,5 %
Proche Orient : 19,2 %
Mer du Nord : 37,3 %
(hors Arabie Saoudite)
2
Arabie Saoudite : 17,8 %
Afrique du Nord : 7,4 %
Ex URSS : 9,2 %
Afrique Noire : 8,8 %
1 Un mât de forage à San Diego, au Venezuela.
(source : DGEMP)
Importations : 85,6 Mt (Millions de tonnes)
Production nationale : 1,4 Mt.
Les origines des importations françaises sont aussi
diverses que possible, en privilégiant toutefois
les productions de la Mer du Nord et d’Afrique, dans le but de
sécuriser nos approvisionnements.
2 Une nappe de pétrole n’est pas un lac, mais une roche poreuse dont les
interstices microscopiques contiennent le pétrole. La dispersion des gouttelettes fait que l’on ne peut en extraire l’intégralité. On en récupère habituellement 25 à 30 %. Les évaluations des prospecteurs peuvent être revues à la
hausse si les techniques d’exploitation améliorent le taux de récupération du
pétrole en le portant à des valeurs proches de 50 %.
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LES ÉNERGIES FOSSILES / L’ÉNERGIE NUCLÉAIRE
RENOUVELABLES / L’HYDROGÈNE
/ LES
ÉNERGIES
Bouquet d’énergies à la française
L’ÉNERGIE
Dédiée à la production d’électricité, l’énergie nucléaire
peut afficher en France un bilan très positif : un coût
compétitif et très stable de l’électricité, pas de production de gaz à effet de serre, une exploitation industrielle rigoureuse et respectueuse de l’environnement.
Comme toute activité humaine et industrielle, elle
génère son lot de nuisances et de déchets. Dans ce
NUCLÉAIRE
domaine, la France a résolument choisi de gérer globalement les résidus de la production d’électricité nucléaire en optimisant l’utilisation de combustibles nucléaires
(récupération et recyclage de matières énergétiques),
en minimisant la quantité et la nocivité des déchets, en
développant un programme étendu de recherche pour
une maîtrise complète des risques de cette industrie.
Nos 58 réacteurs nucléaires (répartis dans 19 centrales)
Une industrie très surveillée
sont encore jeunes, 24 ans pour les plus anciens et un
Tous les acteurs du nucléaire agissent sous le contrôle
an pour le plus jeune. Leur durée de vie, initialement pré-
d’une autorité indépendante, rattachée aux ministères
vue pour 30 ans, pourrait atteindre 40 à 50 ans ; leur
chargés de l’Industrie, de l’Environnement et de la Santé :
compétitivité s’affirme de plus en plus, les installations
la DGSNR1, qui peut s’appuyer sur l’expertise de nom-
s’amortissant en 20 ans. C’est ainsi que le coût de
breux instituts, l’IRSN2 en particulier.
l’électricité a régulièrement diminué en France depuis
Le moindre incident est répertorié, et son analyse permet
une dizaine d’années et que la France est devenue un
d’améliorer de manière continue la sûreté des installa-
exportateur important d’électricité vers des pays
tions : déclarations d’incidents, rapports d’inspection de
comme l’Allemagne, l’Italie, l’Angleterre et l’Espagne.
l’autorité de sûreté, tout est publié, et diffusé en temps réel
sur Internet (www.asn.gouv.fr)
Mais il faut penser au futur et assurer la pérennité de notre
industrie nucléaire, la première au monde. Première étape,
remplacer, dans quinze à vingt ans, les plus anciens réacteurs de la deuxième génération (la première génération de
réacteurs a déjà été arrêtée en France), et confirmer l’importance de notre industrie comme exportateur de biens
et services nucléaires. Une troisième génération de réacteurs a été développée, qui comprend l’EPR (European
1
2
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3
pressurized water reactor), un réacteur à eau pressurisée,
teurs et les industries associées (combustibles, déchets)
et le SWR 1000, un réacteur à eau bouillante. Ces deux
pourraient être opérationnels dans une trentaine d’années
modèles ont été examinés et approuvés par les autorités
et remplacer progressivement les réacteurs actuels.
de sûreté et sont en voie de commercialisation. Un niveau
À plus long terme encore, la fusion thermonucléaire, qui
de sécurité encore renforcé, une production de déchets
brûle les isotopes lourds de l’hydrogène (énergie du soleil)
minimisée, une durée de vie de 60 ans, une compétitivité
pourrait donner à l’humanité une énergie abondante et
affirmée sont leurs atouts. Un nouveau réacteur pourrait
durable, elle-même sans influence sur le climat terrestre.
être construit prochainement en France et à l’exportation,
et ainsi démontrer ses qualités avant d’être sollicité pour
remplacer les premiers réacteurs du parc nucléaire actuel,
1 DGSNR : Direction générale de la sûreté nucléaire et de la
radioprotection
2 IRSN : Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire
dans une quinzaine d’années.
À plus long terme, un programme de recherche international, mobilisant tous les principaux acteurs mondiaux avec
la France (Etats-Unis, Japon, Angleterre, Corée…) se met
en place pour étudier une quatrième génération, très innovante, privilégiant l’efficacité énergétique et le développement durable, la polyvalence avec la production mixte
chaleur/électricité, les performances environnementales
avec la combustion des déchets les plus nocifs. Ces réac-
1 La centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire.
2 Au centre CEA de Saclay, le réacteur expérimental Osiris permet d’étudier la
résistance au vieillissement des matériaux soumis à une forte irradiation au
voisinage du cœur des centrales nucléaires. Il permet aussi de tester de nouveaux matériaux destinés aux réacteurs du futur.
3 Dans les centrales nucléaires, les crayons de combustible sont constitués
d’un empilement de pastilles d’uranium métallique
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LES ÉNERGIES FOSSILES / L’ÉNERGIE NUCLÉAIRE
RENOUVELABLES / L’HYDROGÈNE
/ LES
ÉNERGIES
Bouquet d’énergies à la française
Les déchets : une gestion
rigoureuse et méconnue
Comme toute activité industrielle, l’électronucléaire produit des déchets, soit par Français et par an, un kilogramme dont 10 grammes sont très radioactifs. À titre de
comparaison, chaque Français produit annuellement
800 kg de déchets industriels parmi lesquels 100 kg sont
toxiques et durables, et 2 200 kg de déchets ménagers.
La quantité de déchets radioactifs produits diminue
d’année en année. C’est ainsi qu’EDF a divisé par quatre,
en dix ans, sa production de déchets par réacteur et que la
COGEMA produit six fois moins de déchets technologiques qu’initialement prévu à la Hague. Les déchets faiblement radioactifs, 90 % du total, sont stockés définitivement par l’ANDRA1 après tri, dans son centre de stockage
de l’Aube, dans de grandes structures bétonnées. Les
déchets les plus nocifs bénéficient depuis plus de 20 ans
de techniques de réduction de volume (grâce au traitement
des combustibles usés) et de stabilisation très performantes avant entreposage puis, plus tard, stockage définitif.
Les déchets de très haute activité sont transformés en
1
blocs de verre très résistant et durable, coulés dans des
Pas de pénurie en vue !
conteneurs étanches en acier inoxydable, capables de
Les réserves d’uranium connues à ce jour ne sont pas
résister des dizaines de milliers d’années.
inépuisables, mais :
Les déchets à longue durée de vie, mais peu ou moyen-
- les recherches de gisements faciles à exploiter n’ont pas
nement radioactifs sont englobés dans un coulis de béton
été poursuivies, parce que les ressources actuelles sont
ou de bitume, à l’intérieur de colis massifs en béton armé.
suffisantes ;
Des recherches très avancées ouvrent, de plus, de nou-
- des ressources plus difficiles à atteindre pourraient éga-
velles possibilités (transmutation en déchets à vie plus
lement être exploitées sans incidence financière signifi-
courte, extraction sélective et conditionnements spéci-
cative, car dans le coût global de l’électricité nucléaire,
fiques) parmi lesquelles le législateur pourra choisir, après
celui de l’uranium ne représente qu’une faible part ;
- certains types de réacteurs (à neutrons rapides) sont
susceptibles d’utiliser l’uranium non fissile, permettant
de démultiplier les ressources des dizaines de fois* ;
- à plus long terme, de nouvelles filières pourraient utiliser
le thorium, encore plus abondant que l’uranium.
*Les réacteurs actuels ne brûlent qu’une faible proportion de
l’uranium naturel (isotope 235), mais les réacteurs « rapides »
sont capables de transmuter et consommer l’uranium 238, de
très loin le plus abondant (99 %). La France dispose aujourd’hui
d’un stock considérable d’uranium 238, une mine pour le futur.
14
Une cinquième tranche nucléaire pour la Finlande
En mai 2002, le Parlement finlandais décide de doter le pays d’un cinquième réacteur nucléaire pour affranchir son industrie des variations de prix de
l’électricité importée de Suède ou de Norvège. La Finlande conforte ainsi
son indépendance énergétique sans aggraver ses émissions de carbone.
Sortir du nucléaire en Belgique
En janvier 2003, le Parlement belge choisit de renoncer à la production
d’électricité d’origine nucléaire. La loi prévoit le démantèlement des sept
réacteurs du pays après quarante ans de fonctionnement, entre 2015 et
2025. La moitié de la production arrêtée devrait être assurée par de nouvelles centrales au gaz, le reste par la cogénération et un peu de renouvelables. « La maîtrise de la demande ne jouera qu’un rôle marginal jusqu’en 2025 », estime M. Deleuze, secrétaire d’état à l’énergie écologiste.
« Le CO2, c’est le problème », ajoute-t-il en notant que l’abandon du
nucléaire risque de poser à l’horizon 2020 des problèmes à Bruxelles pour
respecter les engagements en matière d’effet de serre.
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QUE FAIRE DES DÉCHETS NUCLÉAIRES À VIE LONGUE ?
De nombreuses équipes du CEA instruisent jusque dans les moindres détails deux des trois scénarios de gestion des déchets définis par la loi du 30 décembre 1991 : réduction de leur toxicité et
entreposage. Le 3ème scénario, celui du stockage en profondeur,
est étudié par l’ANDRA, avec des collaborations du CEA, notamment du centre CEA de Saclay.
Réduire la toxicité à la source
Pour réduire la toxicité des déchets, le traitement du combustible usé suivi du
recyclage du plutonium constitue une étape importante déjà pleinement opérationnelle en France. Le recyclage multiple du plutonium, principal contributeur à la radiotoxicité à long terme, pourrait bientôt être envisageable dans
des réacteurs à eau, notamment l’EPR (European pressurized water reactor),
qui offre des potentialités accrues dans ce domaine.
Une étape supplémentaire pourrait être franchie dans une vingtaine
d’années avec la séparation poussée des actinides mineurs (américium,
curium etc…) en vue de leur transmutation ultérieure. Elle conduirait finalement à des déchets vitrifiés dont la radiotoxicité potentielle deviendrait,
au bout de quelques centaines d’années ou milliers d’années, comparable à
celle du minerai d’uranium naturel. Les actinides mineurs pourraient être
ensuite transmutés dans les réacteurs de nouvelle génération.
2
avis d’experts indépendants (voir ci-contre : « Que faire
des déchets nucléaires à vie longue »).
Pour le stockage définitif des déchets les plus nocifs,
aujourd’hui entreposés dans des puits et étroitement surveillés, un consensus international se développe pour privilégier un stockage à grande profondeur dans un milieu
géologique stable et protecteur. La France s’intéresse à
Stocker en profondeur ou entreposer ?
Différents départements du centre CEA de Saclay contribuent activement à l’étude pilotée par l’ANDRA : citons le Département de
physico-chimie, le Département des matériaux pour le nucléaire et
le Département de modélisation des systèmes et structures.
Les bases de l’entreposage de longue durée sont désormais jetées : de
nouveaux concepts de colis d’entreposage sont développés et la science du
comportement des matériaux à long terme (verres ou céramiques, bétons
et argiles) est bien comprise. Des premiers concepts d’entreposage sont
d’ores et déjà évalués jusque dans leurs dimensions socio-économiques.
Cette capacité d’entreposage sûr et robuste dans la durée permet d’envisager
des stratégies ouvertes et flexibles pour la gestion des déchets radioactifs.
L’ANDRA étudie également, avec l’appui du CEA, le stockage définitif des
déchets les plus nocifs et durables dans des formations géologiques
profondes. Un laboratoire souterrain est en cours de forage à Bure, dans la
Meuse. L’idée est d’enfouir les déchets, de manière réversible au départ,
dans un milieu géologique stable et étanche comme l’argile (ou le granit) à
grande profondeur. Les qualités de ces matériaux, leur abondance en surface,
le peu d’intérêt que les générations futures trouveraient à aller les exploiter
à grande profondeur garantiront leur isolement prolongé, jusqu’à ce que la
décroissance radioactive annihile leur dangerosité, dans une dizaine de
milliers d’années.
Contact : [email protected]
l’argile, mais le sel gemme et le granit sont également
envisageables et ont été retenus par d’autres pays, en
fonction de leur géologie (voir ci-contre : « Stocker en
profondeur ou entreposer ? »).
1 Salle de conduite de l’atelier de désentreposage des verres,
à la Hague.
2 Certains déchets sont vitrifiés, puis coulés dans des conte-
1 ANDRA : Agence nationale pour la gestion des déchets
radioactifs
neurs en acier inoxydable.
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RENOUVELABLES / L’HYDROGÈNE
/ LES
ÉNERGIES
Bouquet d’énergies à la française
1
RÉACTEURS DU FUTUR :
UNE GESTATION INTERNATIONALE
Une dizaine de pays choisissent de
partager le développement de la quatrième génération de réacteurs de fission nucléaire.
Forum Génération IV
En 2000, dix pays (Les Etats-Unis, le
Canada, le Royaume-Uni, la Suisse,
le Japon, la Corée du Sud, l’Afrique du Sud,
le Brésil, l’Argentine et la France) regroupés
au sein du « Forum International
Génération IV » décident de conjuguer leurs
efforts pour développer les réacteurs de
quatrième génération susceptibles d’être
exploités industriellement à l’horizon 2030.
Cinq critères fondamentaux résument les
objectifs visés : sûreté, compétitivité économique, minimisation des déchets, réduction
du risque de prolifération*, préservation des
ressources naturelles. Six grands types de
réacteurs, dont quatre à neutrons rapides,
sont sélectionnés pour être étudiés. Les
résultats obtenus seront ensuite mis en
commun.
*Il s’agit de trouver des solutions techniques
pour éviter le dévoiement de l’utilisation
des centrales nucléaires à des fins militaires.
2
16
QUELS MATÉRIAUX POUR
LA QUATRIÈME GÉNÉRATION
DE RÉACTEURS NUCLÉAIRES ?
De hautes températures
pour le nucléaire du futur.
Parmi les six concepts retenus par le Forum
Génération IV, le réacteur à haute température refroidi au gaz ouvre de nouvelles
perspectives. Le fonctionnement à très
haute température est gage de très haut
rendement, tant pour la production d’électricité que pour la fourniture de chaleur.
Parmi les objectifs visés, la production
massive d’hydrogène, celui-ci pouvant
devenir le combustible propre des voitures
du futur utilisant des piles à combustible
ou des moteurs à hydrogène. Les constructeurs automobiles mondiaux ont déjà
engagé d’énormes efforts de recherche
dans cette direction.
Ce réacteur à haute température est susceptible de répondre par étapes aux multiples
critères exigés pour le nucléaire du futur.
La tenue aux hautes températures,
de 900°C en fonctionnement à 1650°C
en conditions accidentelles, n’est pas le seul
défi à relever. Certains des matériaux de
structures, situés au cœur de ces réacteurs,
seront exposés à des flux de neutrons particulièrement intenses. Peu de matériaux sont
capables de répondre à de telles exigences.
De quoi seront faits
ces réacteurs du futur?
Pour la cuve des réacteurs, les études
consistent à définir et qualifier un acier
réalisable et soudable en forte épaisseur.
Pour les structures de cœur des réacteurs
à neutrons rapides, il faut développer et
tester des matériaux réfractaires comme
les céramiques carbures et nitrures, de structure classique ou nanostructurée, ou encore
des composites à matrice céramique. Une
solution alternative, susceptible de résister à
de fortes doses neutroniques, serait fournie
par des alliages à base de fer, renforcés par
dispersion de particules d’oxyde d’yttrium.
Certains procédés de fabrication envisagés
pour ces matériaux futuristes sont résolument innovants. Ils font par exemple appel à
la « mécanosynthèse » par broyage réactif.
La tenue au flux neutronique devra être
éprouvée expérimentalement, avec des irradiations équivalentes dans des accélérateurs
de particules puis en vraie grandeur dans un
réacteur expérimental comme Osiris à Saclay.
Contact : [email protected]
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LA LONGUE MARCHE VERS
LA FUSION NUCLÉAIRE CONTRÔLÉE
Une énergie fabuleuse
Mimer l’énergie du Soleil en recréant sur
Terre les conditions nécessaires à la fusion
d’atomes, c’est le défi titanesque qui mobilise des chercheurs du monde entier. La fusion
envisagée par l’homme à partir d’atomes
« lourds » d’hydrogène (deutérium et tritium) est même, à vrai dire, encore plus
puissante que la fusion de noyaux d’hydrogène « ordinaire » au sein de notre étoile !
Des couvertures chauffantes
vraiment spéciales…
La méthode la plus performante consiste à
confiner la matière, sous forme d’un plasma,
dans une boîte magnétique de forme torique
(tokamak), à une température supérieure à
cent millions de degrés. Dans ce gaz extrême
(plasma), la réaction de fusion des noyaux
atomiques produit des neutrons et libère de
l’énergie. Ce plasma est entouré de matériaux
absorbant les neutrons, appelés couvertures,
où s’accumule la chaleur à convertir en
électricité et où le tritium peut être produit
à partir de lithium bombardé par les neutrons. Deutérium et lithium sont donc en
réalité les combustibles de base. Ils peuvent
être extraits de l’eau de mer : les ressources
sont donc très abondantes.
Un rendez-vous en 2005
Aujourd’hui, plusieurs tokamaks fonctionnent à travers le monde, mais il s’agit
de réacteurs de recherche. Parmi eux,
Tore Supra au centre CEA de Cadarache
et le JET1, machine européenne située
en Angleterre, préparent la voie à ITER2,
qui sera construit dans le cadre d’une collaboration internationale à partir de 2005,
peut-être à Cadarache. ITER devrait démontrer la faisabilité de la fusion en tant que
source d’énergie. Il devrait être suivi par
un réacteur de démonstration producteur
d’électricité (DEMO) au-delà de 2030.
Leur industrialisation n’est pas envisagée
avant la deuxième moitié du XXIème siècle.
1 JET : Joint european torus
2 ITER : International thermonuclear
experimental reactor
Saclay calcule des couvertures
Dans ce projet complexe, la conception
des couvertures constitue un vaste sujet
de recherche. Des équipes du Département
de modélisation des systèmes et structures
analysent les performances des couvertures
grâce à des codes de calcul thermomécanique, neutronique et thermohydraulique.
Le concept proposé par le centre CEA de
Saclay, à base de lithium et de plomb, sera
testé dans ITER. Des chercheurs du
Département des matériaux pour le nucléaire
développent un acier original, moins sensible
à l’activation par les neutrons, baptisé
« eurofer », pour les structures des couvertures, d’autres, au Département d’élaboration
et de contrôle de structures, une céramique
très performante incorporant du lithium.
Dans ces domaines, le CEA peut s’appuyer
sur des compétences acquises pour les réacteurs à fission et directement applicables à la
fusion.
Contact : [email protected]
4
1 Le Service d’étude des matériaux irradiés, au centre
CEA de Saclay, effectue des essais de caractérisation
mécanique et métallurgique de matériaux irradiés.
2 Les moyens d’essais mécaniques ont été regroupés
au sein d’une extension du Laboratoire d’étude des
combustibles irradiés. Les nouvelles installations
entreront en service début 2004.
3 Tore supra, au centre CEA de Cadarache, permet de
poser les premiers jalons pour étudier la fusion
nucléaire contrôlée.
4 Le projet de réacteur expérimental de fusion
nucléaire contrôlée ITER doit permettre de démontrer
la faisabilité scientifique et technique de la production d’énergie à partir du processus de fusion.
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LES ÉNERGIES FOSSILES / L’ÉNERGIE NUCLÉAIRE /
LES ÉNERGIES RENOUVELABLES / L’HYDROGÈNE
Bouquet d’énergies à la française
LES
ÉNERGIES RENOUVELABLES
On les appelle parfois « énergies nouvelles », alors
que le vent, l’eau, le bois et le soleil ont fourni de
l’énergie aux hommes bien avant l’ère industrielle.
Les énergies renouvelables restent la principale
La France, qui dispose de nombreux atouts, est aujourd’hui
premier producteur européen d’énergies renouvelables,
devant la Suède et l’Italie, avec plus de 20 % de la pro-
ressource énergétique dans bien des parties du
monde. Elles s’inscrivent dans un concept de développement durable, sont inépuisables et gratuites.
Utilisation des énergies
renouvelables en France
en Mtep (1 megatep = 106 tep)
duction européenne. Mais cette performance cache une
Chaleur :
situation contrastée, avec un équipement hydraulique très
10,3 Mtep
38 %
important, une filière bois en croissance, un développement très limité des énergies éoliennes et solaires et des
sites géothermiques relativement peu favorables, sauf
Électricité
dans des îles volcaniques comme la Guadeloupe.
17,2 Mtep
62 %
Trois voies sont ouvertes pour donner aux énergies renouvelables un élan décisif :
- encourager le recours à celles-ci quand elles sont rentables, par exemple l’électrification de sites isolés, l’utilisa-
La production d’électricité issue des énergies renouvelables est
dominée par la grande hydraulique et la production de chaleur
par le bois (source DGEMP)
tion de chauffe-eau solaires dans les climats ensoleillés et
Une directive européenne en faveur des énergies renouvelables
La Commission européenne a adopté en 2000 une directive visant à doubler en 2010 la part des énergies renouvelables dans son bilan de
consommation. Cet objectif se décline pour chaque Etat membre. Ainsi la
France doit-elle porter la fraction d’électricité d’origine renouvelable à
21 % (15 % en 1997). En pratique, sans compter les gros barrages hydroélectriques dont le potentiel est épuisé, elle doit porter cette part à 8,9%
en 2010 (2,2% en 1997).
le chauffage individuel au bois dans les zones boisées ;
- soutenir les filières pré-compétitives pour atteindre une
vraie rentabilité économique : grand éolien raccordé au
réseau, chauffage collectif au bois ;
- encourager la recherche sur les technologies prometteuses dont la rentabilité est espérée à plus long terme :
photovoltaïque raccordé au réseau, biocarburants…
L’HYDRAULIQUE
CHUTES D’EAU D’ANTAN,
ÉNERGIE HYDRAULIQUE
D’AUJOURD’HUI
Avec 15 % de la production d’électricité, la grande hydraulique des barrages domine les énergies
renouvelables.
La grande hydraulique, avec ses grands barrages et ses
grandes hauteurs de chutes, a été énergiquement développée, au prix d’investissements considérables, dans les
années 30 et 50. Compte tenu de la possibilité de stocker
de l’eau, de pouvoir la faire remonter par pompage avec
18
1
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État d’urgence énergétique en Suède
Après une année de sécheresse qui a vidé les réserves en eau des centrales
hydroélectriques (assurant la moitié de la production électrique), le prix du
kWh s’est envolé en cet hiver 2002-2003. La possibilité d’un rationnement
de l’électricité en cas de froid prolongé a même été évoquée par l’organisation professionnelle de l’énergie. Malgré la décision prise par référendum il y a une vingtaine d’années d’arrêter ses centrales nucléaires, alors
qu’elles produisent près de la moitié de son électricité, la Suède vient de
décider de prolonger leur exploitation au-delà de 2020 et 2030. Elle n’a su,
en effet, bâtir une industrie de remplacement et la qualité de l’exploitation
de ses centrales est aujourd’hui reconnue par la population.
une très bonne efficacité, ces grands barrages jouent un
rôle particulièrement important pour assurer l’équilibre saisonnier et instantané de la production d’électricité : c’est
ce qu’on appelle le suivi de charge. Ils contribuent également à l’irrigation des vallées. Mais les sites les plus intéressants sont désormais équipés et la petite hydraulique
au fil de l’eau des rivières et sans barrages importants,
moins performante et économique, peine à se développer
1 Dans une centrale marémotrice, l’énergie des marées montantes et descendan-
tes est récupérée par un barrage percé de conduits contenant une turbine.
L’usine de la Rance (photo) est la plus grosse usine marémotrice du monde. Sa
production est relativement faible car une telle installation fonctionne trois fois
moins longtemps dans l’année qu’une centrale hydraulique classique. Le prix
de revient du kWh est élevé, entre 5 et 11 centimes d’euro. L’équipement de la
baie du Mont Saint-Michel n’est pas envisagé car il détruirait un site touristique exceptionnel.
et souffre d’oppositions locales fortes en raison de son
impact sur son environnement.
L’ÉNERGIE
DU VENT
Bateaux à voile, moulins à vent… l’énergie
éolienne a été très utilisée avant d’être délaissée
car peu rentable. Aujourd’hui, la technologie des
aérogénérateurs, parvenue à maturité, lui redonne une deuxième jeunesse.
Cent dix mètres de haut, soit un immeuble de
quarante étages, une hélice de soixante-dix mètres
de diamètre, le temps des éoliennes géantes
(2,5 MW) est venu. Cette course au gigantisme est
une course à la compétitivité. La technologie est
désormais mature, mais son coût, encore élevé,
nécessite qu’elle soit subventionnée. Le coût d’achat
de l’électricité éolienne, imposé à EDF, est plus du
double de celui des autres énergies.
Énergie réellement renouvelable, l’énergie éolienne
souffre de son irrégularité – elle ne produit que de 25
à 40 % du temps – de ses faibles performances par
vent faible et elle ne peut se développer qu’associée
à une autre énergie, un autre investissement, qui la
relaie les deux tiers du temps.
Technologie sûre et fortement soutenue par l’État,
elle devrait se développer dans quelques régions
2 Les grandes éoliennes sont installées dans des endroits où
le vent est fort et régulier. Un arrêté d’application de la loi
sur l’électricité, signé très récemment, prévoit l’installation
de 2000 à 6000 MW d’éolien supplémentaires dont 500 à
1500 MW en mer.
2
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LES ÉNERGIES FOSSILES / L’ÉNERGIE NUCLÉAIRE /
LES ÉNERGIES RENOUVELABLES / L’HYDROGÈNE
Bouquet d’énergies à la française
ventées de France, le Languedoc, la Bretagne par
Le Danemark, à la fois bon et mauvais élève
Exemplaire par son déploiement d’éoliennes, le Danemark reste dépendant du charbon pour compenser le déficit de production des périodes
sans vent. Il fait donc partie des quelques pays européens qui auront
vraisemblablement des difficultés à tenir leurs engagements pris à Kyoto
de manière purement nationale. C’est pourquoi il cherche, d’ores et déjà,
à nouer des contacts en vue d’exporter des technologies réduisant les
émissions de gaz à effet de serre… chez les autres.
exemple. Mais son acceptabilité reste fragile dans
des régions habitées et touristiques, soucieuses de
leur cadre et des nuisances apportées, sonores et
visuelles. Les pays les plus engagés, le Danemark et
l’Allemagne, envisagent désormais des éoliennes
offshore, le long de côtes peu touristiques.
RAYONS
DE SOLEIL
L’énergie solaire, thermique ou photovoltaïque,
est la plus évidente, la plus sympathique, celle
qui séduit. Très à la mode dans les années 70, elle
n’a pas encore trouvé sa place dans
le concert énergétique mondial. Très diluée,
demandant des surfaces importantes, elle est
encore trop chère (le photovoltaïque) ou trop
négligée (la production de chaleur pour l’eau
chaude et le chauffage). Cette dernière application devrait cependant être fortement encouragée.
1
L’utilisation la plus simple de l’énergie solaire consiste à
Mais son abondance, sa présence universelle sont
chauffer un fluide caloporteur pour produire chauffage ou
telles que de nombreuses recherches sont poursui-
eau chaude. C’est aujourd’hui la voie la plus économique
vies. Pour autant, « l’idée », la rupture technologique
empruntée par le solaire thermique, trop ignoré en France.
n’a pas été découverte.
L’utilisation passive de l’énergie solaire (architecture,
aussi de gérer intelligemment l’apport calorifique.
Une vitrine des énergies
renouvelables à la Guadeloupe
Certaines utilisations du solaire photovoltaïque sont bien
Un ambitieux programme co-piloté par la Région et
connues par le grand public : qui n’a pas vu de montres et
l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de
de calculettes à énergie solaire !
l’énergie) prévoit de satisfaire en 2006 un quart des besoins
Il est également intéressant dans des régions à fort
de l’île en électricité à partir de ressources renouvelables.
ensoleillement pour des productions relativement faibles.
Les ingrédients du cocktail énergétique local s’appellent
Les cellules photovoltaïques dans lesquelles l’énergie
biomasse, géothermie, mini-hydraulique, éolien et solaires
lumineuse est transformée directement en électricité n’a
photovoltaïque ou thermique. En brûlant un résidu de
matériaux de construction et vitrages adaptés) permet
pas encore répondu aux espoirs qu’elles avaient suscités.
Elles font encore appel à des cellules faites de sili-
1 Maison individuelle avec, en toiture, des capteurs solaires
thermiques qui produisent l’eau chaude sanitaire.
cium mono-cristallin, et à des batteries lourdes et
encombrantes pour stocker l’électricité. L’énergie
délivrée est environ dix fois plus chère que celle qui
est disponible dans les centrales électriques modernes, ce qui explique son utilisation dans des zones
isolées, ou peu accessibles au réseau électrique.
20
Les cellules photovoltaïques classiques
Elles sont en silicium cristallin dopé par des atomes métalliques.
Ce matériau semi-conducteur a la particularité de mettre en mouvement
ses électrons entre une première couche, porteuse de charges négatives
(les électrons) et une deuxième couche, porteuse de charges positives
(les trous). Lorsque des photons, ces grains de lumière, frappent la cellule,
les électrons sautent d’une couche à l’autre pour combler les « trous ».
Une différence de potentiel s’établit entre les deux semi-conducteurs
avant d’être transformée en courant électrique par une résistance.
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canne à sucre avec du charbon, une centrale de cogénération fournit de la vapeur à la sucrerie voisine en même
temps qu’elle produit de l’électricité. Soleil antillais oblige :
environ 2 000 installations photovoltaïques alimentent des
foyers ou des petites exploitations isolées du réseau électrique et près de 20000 chauffe-eau solaires ont été installés dans l’archipel !
2 En Guadeloupe, développement et soutien à la filière
2
canne s’harmonisent avec bonheur
LA PROMESSE DU TOUT PLASTIQUE
La recherche sur les cellules photovoltaïques plastiques s’appuie sur des technologies innovantes pour fabriquer des composants électroniques « tout plastique ». Avec des cellules solaires souples et à bas coût, cette nouvelle filière
complète l’offre de la filière silicium. A Saclay, le Laboratoire des composants
organiques fonctionnels a démontré la possibilité d’améliorer le rendement de
conversion photovoltaïque par une technique d’orientation moléculaire au sein
de la couche active. Il cherche également des solutions de protection contre le
vieillissement des matériaux organiques actifs. Les meilleures efficacités obtenues aujourd’hui sont de 3,6 % sous éclairement solaire, à comparer avec le
rendement de 15 % des cellules au silicium. Pour satisfaire le marché du jetable et de produits de grande consommation, l’objectif d’un rendement de 5 %
est visé pour 2005. Il faudra patienter jusqu’en 2010 pour un développement
industriel dans le domaine de la production d’énergie.
Contact : [email protected]
3
3 Les cellules photovoltaïques plastiques, en cours de dévelop-
pement au centre CEA de Saclay, sont destinées à des applications qui demandent un matériau souple et à bas coût.
PAILLE,
BLÉ
BETTERAVE ET COLZA
Les terres en jachère produisent déjà des carburants pour nos automobiles
Essence et gazole
4
Substituts écologiques aux hydrocarbures, deux filières de
biocarburants se partagent le marché.
Biomasse et piles
Les premiers, l’éthanol et ses dérivés, proviennent de la
De manière plus prospective, le CEA étudie la gazéification
fermentation de substances cellulosiques, amylacées (blé)
des résidus de l’exploitation forestière, bois et pailles,
ou sucrières : ils peuvent être additionnés simplement à
comme une source alternative d’hydrogène ou de
l’essence sous une forme stable au contact de l’eau.
biocarburant.
Les seconds, constitués d’esters issus des huiles végéta-
Par ailleurs, certains produits issus de la biomasse pour-
les, sont proches du gazole : ainsi l’ajout, jusqu’à 5 %,
raient remplacer l’hydrogène dans une pile à combustible
d’ester méthylique de colza dans le gazole est-il autorisé
d’un nouveau genre.
en France sans obligation de mention.
D’ici à 2010, la part des biocarburants devrait être portée
de 1 % en 2001 à 7 % : la majeure partie (70 %) pourra
être produite sur des terres en jachère imposée par la
réforme de la Politique agricole commune en 1992.
4 La biomasse dite traditionnelle (bois, charbon de bois, déchets végétaux…)
représente une part non négligeable de la consommation énergétique mondiale, surtout dans les pays en voie de développement. Elle est également
exploitée en France, notre pays bénéficiant de surfaces forestières importantes. Elle trouve tout son intérêt avec une exploitation rationnelle des forêts,
en utilisant des terres peu fertiles. Elle n’est écologique que si ses résidus
sont recyclés, et non abandonnés sur place, condamnés à une fermentation
génératrice de gaz à effet de serre (le méthane en particulier).
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LES
LES
ÉNERGIES FOSSILES / L’ÉNERGIE NUCLÉAIRE /
ÉNERGIES RENOUVELABLES / L’HYDROGÈNE
Bouquet d’énergies à la française
HYDROGÈNE
ET PILE À COMBUSTIBLE
L’hydrogène est déjà utilisé dans le domaine pétrolier, et pour propulser les fusées. Les chercheurs
espèrent maintenant en faire un combustible, un
vecteur énergétique répondant à de multiples usages.
Mais sa production nécessite actuellement une énergie supérieure à celle délivrée.
Pour les utilisations recherchées, notamment le transport
d’hydrocarbures. D’autres proposent de recombiner
routier, il ne s’agit pas de faire réagir l’hydrogène de
chimiquement l’hydrogène à du carbone de manière à
manière explosive en le mettant directement en contact
obtenir un carburant synthétique !
avec de l’oxygène, comme dans les fusées. Une combustrop de gaz polluants dans l’atmosphère.
Impératifs techniques
et économiques
L’opération consiste, dans des piles à combustible, à obte-
L’hydrogène doit ensuite être injecté dans une pile à
nir une réaction de combustion lente grâce à un catalyseur.
combustible, appareil qui a fait ses preuves dans les engins
Lors de cette réaction chimique, on récupère de l’électrici-
spatiaux, mais les impératifs techniques et économiques
té, de la chaleur et on rejette de l’eau, en bénéficiant d’un
sont tout autres pour éclairer et chauffer nos maisons ou
excellent rendement de conversion énergétique.
remplacer à court terme le moteur à explosion de nos
tion à haute température avec l’oxygène de l’air relâcherait
voitures. C’est une technologie encore balbutiante, mais sur
Extraire l’hydrogène
laquelle de grands espoirs sont fondés pour réduire la pol-
Mais l’hydrogène n’existe pas dans la nature, bien que
lution dans les villes. Quant à l’énergie pour produire
l’atome d’hydrogène y soit extrêmement abondant. Il faut
l’hydrogène, il faudrait qu’elle provienne de sources non
donc commencer par l’extraire.
polluantes et ne générant pas d’effets de serre.
Les principaux procédés industriels utilisent du gaz naturel
Un challenge que le nucléaire et les énergies renouvelables
(reformage) ou du charbon (gazéification). Pour de nouvel-
pourraient relever.
les utilisations, il s’agit de le produire à bas coût, sans
émission de gaz à effet de serre, c’est-à-dire à partir de
l’eau. On utilise soit l’électrolyse, soit des réactions
chimiques à haute température.
Stockage
Par ailleurs, il faut le stocker : comment confiner ce gaz aux
molécules si petites dans un récipient étanche? Comment
prévenir tout risque d’explosion en cas de fuite?
Des recherches visent à stocker l’hydrogène dans des
composés métalliques (hydrures), sous très haute pression (700 atmosphères), dans des récipients résistant à
toute épreuve, ou à très basse température (-253°C).
Devant la difficulté, certains imaginent une production
d’hydrogène embarquée, à partir de biocarburants ou
22
1
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PRODUIRE DE L’HYDROGÈNE SANS
ÉMISSION DE CARBONE, À BAS COÛT
Les procédés actuels ne sont pas satisfaisants à long terme.
Pour ses besoins propres, l’industrie pétrolière dispose aujourd’hui d’une capacité de production à partir de gaz naturel, compétitive
mais disqualifiée comme solution d’avenir
par ses émissions de carbone. Plus propre, la
dissociation de l’eau par l’électricité (ou
électrolyse), qui pourrait être d’origine
renouvelable ou nucléaire, est, quant à elle,
handicapée par un piètre rendement (25 à
30 %). Il faut donc rechercher un procédé
alternatif, dont le coût pourrait se situer à un
niveau intermédiaire.
Une voie d’avenir, les cycles
thermochimiques Iode-Soufre
À Saclay, au sein du département de physico-chimie, les chercheurs explorent la
décomposition thermochimique de l’eau
comme la voie la plus prometteuse.
Elle consiste en une succession de réactions
chimiques, appelées cycles, équivalant à la
dissociation de la molécule d’eau.
Ces transformations, qui mettent en jeu
de l’iode et du soufre, se produisent à une
température plus raisonnable que celle
exigée par la décomposition directe de
l’eau. Le procédé peut ainsi s’accommoder
d’une source de chaleur inférieure
à 1000°C. Les produits intermédiaires tels
que le dioxyde de soufre, l’iode ou l’acide
sulfurique sont recyclés et restent confinés
dans le processus de fabrication.
Le Service de corrosion et du comportement des matériaux dans leur environnement est chargé de définir les matériaux
aptes à supporter l’agression de tels produits tandis que les physico-chimistes
3
optimisent le procédé, arguments thermodynamiques à l’appui. Le rendement de
cette décomposition pourrait dépasser
50 % : un véritable atout économique !
Sur ce thème, le CEA collabore avec le
DOE américain (Department Of Energy),
General Atomics et Sandia National Labs,
avec un objectif commun : la construction
en 2006 d’une boucle de démonstration.
D’autres équipes du CEA, à Saclay et
Cadarache, étudient des réacteurs d’un
nouveau type, à très haute température,
susceptibles de fournir la chaleur nécessaire à la réaction chimique.
Contact : [email protected]
PILES À COMBUSTIBLE
HAUTE TEMPÉRATURE
Des laboratoires de Saclay explorent
une technologie d’avenir pour des minicentrales à l’échelle d’un immeuble.
La filière des piles à combustible à haute
température, ou cellules à électrolyte solide
(SOFC, Solid oxyde fuel cell), se prête bien à
la cogénération chaleur-électricité et autorise
dans son principe le reformage sur place de
l’hydrogène à partir du gaz naturel. Revers de
la médaille, les températures élevées, supérieures à 800°C, contraignent fortement les
matériaux de la pile. A Saclay, le Service d’élaboration et mise en forme des matériaux
optimise la géométrie et les microstructures
des éléments de la pile (électrodes et électrolyte) pour un rendement maximal, tout en
conservant des procédés de fabrication classiques et à bas coût. De nouveaux matériaux
d’anode sont étudiés pour décomposer le
méthane en hydrogène in situ. Parallèlement,
le service étudie le stockage de l’hydrogène
dans les hydrures.
Contact : [email protected]
2
1 Représentation d’une voiture fonctionnant
avec une pile à combustible.
2 Préparation de monocellules par « pistolettage ».
3 Monocellules préparées par « pistolettage ».
Il s’agit de la cellule de base d’une SOFC,
qui permet de produire de l’électricité à partir
de la combinaison d’hydrogène et d’oxygène.
L’Islande, un laboratoire
de l’« économie hydrogène »
En 2030 au plus tard, les bus, le parc automobile
privé et l’imposante flotte de pêche seront tous priés
de carburer à l‘hydrogène et à la pile à
combustible. L’expérience, défendue par trois gros
industriels et un consortium local, débutera l’été
prochain avec 3 bus à hydrogène financés par le
projet européen Clean Urban Transport in Europe.
L’énergie consommée dans l’île est déjà à 65 % d’origine renouvelable (hydraulique et géothermique).
23
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Effet de serre | Climat
Qu’est-ce que l’effet de serre dont nous parlons tout au long de ce journal ? Comment l’analysent les
scientifiques et plus largement, comment étudient-ils le climat ? Quel est le travail du Laboratoire
des sciences du climat et de l’environnement de Saclay ?
LA TERRE
SOUS SERRE
Qu’est-ce que l’effet de serre ?
Une proposition étonnante
L’atmosphère, même chargée de nuages est
Découvert dès 1824, l’effet de serre est attribué à la
transparente pour la lumière du soleil : près de 60 %
vapeur d’eau et au dioxyde de carbone dans les
de l’énergie lumineuse atteint la surface du globe qui
années 1860 et reçoit sa description actuelle en
en réfléchit une faible partie. La moitié de l’énergie
1896. Son auteur, le Suédois Arrhénius, suggère
venant du soleil est absorbée par les continents et
même de brûler des combustibles fossiles pour aug-
les océans qu’elle échauffe. Cette chaleur est resti-
menter la concentration de dioxyde de carbone dans
tuée partiellement sous forme de rayonnement infra-
l’atmosphère. Les bénéfices attendus sont un climat
rouge. Des gaz présents en faible quantité dans l’at-
de la Terre plus égal, une croissance stimulée des
mosphère, comme la vapeur d’eau, le gaz carbo-
plantes et donc une production accrue de nourriture
nique (CO 2 ) ou le méthane, absorbent le rayonnement infrarouge, dont seulement 10 % s’échappe
pour une population plus nombreuse. Cet optimisme
directement vers l’espace. Agissant comme le vitra-
qu’une compréhension très sommaire du fonction-
ge d’une serre, ces gaz favorisent donc un accrois-
nement de la machine climatique.
pouvait être de mise à une époque où l’on n’avait
sement de la température de l’atmosphère.
Un effet naturel bénéfique
Les activités humaines
se pèsent en carbone
Les gaz présents naturellement dans l’atmosphère
Depuis le début de l’ère industrielle, l’homme a réinjecté
sont responsables d’un réchauffement global de
33 °C : sans cet effet de serre, la température
dans l’atmosphère sous forme de CO2 300 milliards de
tonnes de carbone que la nature avait mis des millions
moyenne sur terre ne serait que de –18°C et la vie
d’années à enfouir dans le sous-sol sous forme de char-
n’aurait pas pu s’y développer.
bon, de pétrole et de gaz. Si la moitié de ce dioxyde de
carbone a été reprise par la végétation, les sols et les
La part des différents gaz de l’atmosphère
dans l’effet de serre
Nuages
H2O
CFC
CO2
O3
N2O
CH4
CO2
▲ Part des différents gaz de l’atmosphère dans l’effet de serre naturel
▲ Part des différents gaz dans l’effet
de serre additionnel dû à l’homme
Outre le dioxyde de carbone, d’autres gaz émis par les activités humaines
contribuent à l’augmentation de l’effet de serre.
O3 : ozone / CFC : composés fluoro-carbonés / N2O : oxyde d’azote /
CH4 : méthane / CO2 : dioxyde de carbone (gaz carbonique) / H2O: eau.
24
océans,150 milliards de tonnes restent dans l’atmosphère,
accroissant l’effet de serre.
Une prise de conscience
internationale
Evoquée devant le grand public dès les années 1970, la
question d’une modification potentielle du climat par
l’homme devient une préoccupation mondiale des gouvernements à la fin des années 1980. En 1988, le Groupe
intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat
(GIEC) est mis en place à la demande du G7.
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L’amorce d’un
changement climatique ?
Les mesures effectuées directement
dans l’atmosphère mettent claire-
Évolution de la concentration atmosphérique
du CO2 depuis 1958
(à partir de mesures effectuées à Hawaï)
380
370
CO2 ppm
360
350
ment en évidence l’accumulation
Les oscillations reflètent le rôle de la
végétation, dont l’activité photosynthétique suit l’alternance des saisons.
1ppm = 1 partie par million dans l’air,
soit 0,0001%.
des gaz à effet de serre. Par ailleurs,
des modifications du climat et de
l’environnement ont pu être observées au cours du XXème siècle :
340
330
320
310
1955
1960
1965
1970
1975
• l’écart thermique entre le jour et la
1980 1985
année
1990
1995
2000
2005
nuit a diminué ; la température
moyenne a augmenté de 0,6°C ;
• le niveau de la mer est monté
de 12 cm ;
• la surface de la banquise de l’océan
Arctique a régressé de 30 % ; son
épaisseur a diminué de 40 % au
cours des 30 dernières années.
S’il est très difficile de prouver que
ces évolutions sont une conséquence
de l’augmentation de l’effet de serre,
elles correspondent en tout cas à ce
qu’on attend de cette augmentation.
point de vue de l’effet de serre.
bon, du pétrole ou du bois en pro-
La situation de la biomasse (com-
duit beaucoup.
bustion de bois ou production du
Cinq moyens de production d’énergie
méthane par décomposition de la
ne brûlent pas de combustibles carbo-
végétation) est moins claire car la
nés et ne génèrent pas de risque d’é-
plante consomme le gaz carbo-
chauffement climatique : le nucléaire, la
nique pendant son développement
grande hydraulique, la géothermie, l’éo-
et en produit ensuite. La qualité
lien et le solaire.
d’exploitation de la végétation est
Précisons que les deux premiers
très importante. Par exemple, si on
demandent beaucoup de matériaux
ne récupère que le tronc de l’arbre
pour les bâtir, mais délivrent d’énor-
et si on laisse les branches pourrir,
mes quantités d’énergie, le solde
l’équilibre se dégrade rapidement.
200
150
100
50
0
5
fabrication. Brûler du gaz, du char-
6
re a les meilleures performances du
6
demandé de l’énergie pour leur
250
34
communément répandue, le nucléai-
300
34
De fait, contrairement à une idée
les matériaux composites qui ont
infrastructures
35
que le béton, l’acier, le silicium et
diluées,
58
importantes.
énergies
107
qu’elle utilise des matériaux tels
des
les
très
32
requièrent
que
sont
175
ment (la combustion), soit parce
parce
138
concernées
40
vants,
de gaz à effet de serre, soit directe-
12
aujourd’hui peu ou prou émettrice
246
étant très positif, et que les sui-
172
est
17
industrielle
24
activité
Émissions en équivalent CO2
de la chaîne énergétique
complète des moyens de
production d’électricité
(en g de carbone/kWh).
-g
az
ch
arb
cy
cle
on
co
mb
ga
i
né
zn
ga
zn
at.
atu pétro
liq
ué
le
rel
fié
liq
cy
cle uéfié
co
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mb
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oth
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iqu
e
nu
clé
air
hy
e
dra
uli
qu
e
Toute
ET EFFET DE SERRE
Fonctionnement
ch
arb
on
PRODUCTION D’ÉNERGIE
Construction,
transport, etc.
(source : AIE)
Relatives à la production d’électricité, ces données
montrent à quel point le différentiel d’émission de
C02 est considérable suivant les énergies.
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Effet de serre | Climat
LES
GLACES DE L’ANTARCTIQUE
DÉVOILENT LES SOUBRESAUTS CLIMATIQUES DU PASSÉ
A quoi bon revenir sur le passé ?
Pourquoi veut-on comprendre les climats du passé ? Et
Sédiments marins et calottes glaciaires sont des conservatoires naturels
pourquoi s’intéresser à des périodes plus froides alors que
Pour qu’on puisse retrouver des indices, il faut qu’ils aient été
nous prévoyons pour les décennies à venir un réchauffe-
préservés dans des couches géologiques. On va donc natu-
ment global ? Nous devons comprendre comment le cli-
rellement se tourner vers les couches de sédiments marins,
mat varie. Cela veut dire comprendre les mécanismes qui
empilés au cours des millénaires et les grandes calottes de
influencent le climat et les inclure dans nos modélisations.
glace des hautes latitudes nord (Groenland) et sud
Nous devons aussi faire en sorte que nos modèles puis-
(Antarctique), qui n’ont jamais fondu depuis leur formation.
sent reproduire non seulement le climat actuel, mais aussi
des climats très différents, puisque le climat à venir pour-
Des indices dans l’eau et dans l’air
rait être très perturbé.
Que trouvons-nous dans ces glaces? Il n’y a pas que de
l’eau gelée dans la glace. Il y a aussi tout ce qui s’est dépo-
Des chercheurs sur le terrain
sé sur la neige et tout ce que la neige a pu emprisonner. Ce
Au CEA, les études sur le climat se font au Laboratoire des
qui s’y dépose, ce sont les poussières contenues dans l’at-
sciences du climat et de l’environnement (LSCE), sur le
mosphère. Les vents qui les apportent ne sont pas les
site de l’Orme des Merisiers et sur le campus du CNRS à
mêmes en été et en hiver. Les dépôts reflètent donc l’alter-
Gif-sur-Yvette. Mais ce n’est pas en restant dans son labo-
nance des saisons. Ils servent notamment à compter les
ratoire ou devant son ordinateur qu’on peut découvrir
années écoulées, au moins pour une glace pas trop âgée.
l’histoire chahutée du climat de la Terre et en appréhender
Mais la neige contient également de l’air. Au fur et à mesu-
les mécanismes. Les chercheurs doivent aller sur le terrain
re que la neige se transforme en glace, l’air est emprisonné.
débusquer les indices du climat passé que dame Nature a
Les bulles de gaz contenues dans la glace ont donc la com-
bien voulu y enregistrer.
position de l’air qui recouvrait la calotte à cette époque.
Température et composition
atmosphérique
Les mesures effectuées par Jean Jouzel, Directeur de
recherches au CEA et Directeur de l’Institut Pierre Simon
Laplace, et Claude Lorius, Directeur de recherches émérite au Laboratoire de Glaciologie et de Géophysique de
l’Environnement CNRS de Grenoble, ont montré qu’au
cours des 400 000 dernières années, la concentration en
dioxyde de carbone et en méthane de l’atmosphère variait
Microscopiques animalcules, les foraminifères vivent et meurent dans les eaux océaniques. On retrouve leurs coquilles dans
les sédiments des fonds sous-marins (photo à gauche).
Lors des refroidissements brutaux, qui ont ponctué les phases
de réchauffement, les conditions de température et de salinité
font disparaître complètement les foraminifères. À leur place,
les sédiments contiennent des débris rocheux (photo à droite),
arrachés aux continents par les glaciers.
C’est la chute dans l’océan de gigantesques morceaux de ces
glaciers qui, par l’apport massif d’eau douce qu’elle entraîne,
modifie la circulation océanique et provoque le refroidissement.
26
comme la température sur l’Antarctique. Pour ces travaux,
le CNRS leur a décerné sa médaille d’or en 2002.
Mécanismes de variations brusques
du climat
Les carottes de glace prélevées au Groenland et les sédiments marins du nord de l’Atlantique ont révélé que le climat a été sujet à des soubresauts dans ces régions.
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Il nous faut comprendre pourquoi et
l’Atlantique Nord, perturbant gravement
tations très importantes et si les glaces
comment sont survenus ces événe-
la circulation océanique.
des pôles fondaient rapidement: il n’est
ments,
des
épisodes
analogues
pas exclu que cela perturbe suffisam-
Vers un refroidissement
en Europe occidentale ?
ment la circulation océanique pour
On a pu montrer que ces variations
rapides provenaient de débâcles de for-
Des événements similaires pourraient se
stream et provoquer ainsi un refroidisse-
midables icebergs qui ont déversé
produire dans l’avenir si le réchauffe-
ment notable de l’Europe de l’Ouest.
d’énormes quantités d’eau douce dans
ment global s’accompagnait de précipi-
pouvant se produire dans le futur.
déplacer vers le sud la limite nord du gulf
Contact : [email protected]
Les carottes de glace de Vostok en Antarctique livrent leurs secrets
ppbV
Vostok - méthane
600
500
400
280
Vostok - CO2
240
200
D‰
- 420
Vostok - deutérium
- 440
- 460
- 480
Insolation 65°N, juin
520
480
440
Niveau marin
0
W/m2
LA
700
ppmV
Mesures effectuées à Vostok (Antarctique),
dans les carottes de glace qui nous ont permis
de remonter 400000 ans en arrière. En abscisse, l’âge de ce qui est mesuré, en milliers
d’années. La période actuelle est à gauche.
les 5 courbes, de haut en bas, représentent :
1 - la concentration en méthane dans l’air
inclus dans la glace, en parties par
milliard en volume (ou ppbv ; 1 partie
par milliard = 1/1000 millimètre cube
par mètre cube d’air)
2 - la concentration en dioxyde de carbone
dans le même air, en parties par million
en volume (ou ppmv ; 1 ppmv =
1000 ppbv = 1 millimètre cube par
mètre cube d’air)
3 - l’écart relatif, en pourmille, de la concentration en deutérium de la glace à Vostok
par rapport à de l’eau “standard”
(composition moyenne sur terre).
4 - l’énergie lumineuse solaire reçue en
moyenne par mètre carré et par seconde
(d’où l’unité Watts par mètre carré)
au mois de juin (au solstice) à 65°
de latitude Nord.
5 - l’écart (en mètres) entre le niveau de la
mer à la date considérée et le niveau en
1950. Les zones en rouge sont au niveau
actuel.
La teneur en deutérium est représentative de
m - 60
- 120
0
100
200
300
AGE (en milliers d’années)
la température de l’atmosphère. Ses variations sont très comparables à celles des
concentrations atmosphériques de méthane
et de dioxyde de carbone.
Le moteur de ces changements climatiques
est la variation d’insolation, due aux varia-
400
tions de l’orbite de la terre autour du soleil.
Les différences de comportement entre
climat et insolation sont dues aux “rétroactions”, c’est-à-dire tous les processus
biogéochimiques qui amplifient ou au
contraire inhibent les variations du climat.
QUALITÉ DE L’AIR EN QUESTION
Les combustions à haute température,
rement solaire, ces gaz induisent des
dans les centrales thermiques et dans les
réactions photochimiques qui produisent
moteurs des voitures, produisent des
de l’ozone et exercent un effet polluant
oxydes d’azote, par réaction directe de
sur quelques centaines de kilomètres,
l’azote de l’air avec l’oxygène de l’air. Par
sous le vent de la région d’origine. Les
ailleurs, à la différence d’une centrale bien
particules carbonées se mélangent à l’at-
réglée, la combustion dans un moteur à
mosphère sous forme d’aérosols qui peu-
explosion est incomplète et libère du
vent être transportés à grande distance
monoxyde de carbone, des hydrocarbu-
par les vents. Ces aérosols seraient
res imbrûlés et du carbone sous forme de
responsables de perturbations du systè-
particules de suie. Sous l’effet de l’éclai-
me des moussons en Asie du Sud-Est.
1
1
Les transports : une source de pollution majeure.
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Effet de serre | Climat
CALCULER
LE
CLIMAT
Représentation schématique de la machine climatique
Représentation schématique de
la machine climatique
(D’après Sylvie Joussaume,
Climat d’hier à demain.
Editions du CNRS, Paris,1993).
L’équateur est du côté droit, le
pôle du côté gauche.
Atmosphère, hydrosphère,
biosphère et cryosphère interagissent sans cesse. Mais les
phénomènes dont ils sont le
siège ont des temps d’évolution très différents comme indiqué sur la figure.
Une machine climatique
La Terre se présente comme une boule solide en rotation,
Les diverses composantes du système interagissent
entourée de gaz, recouverte aux deux tiers d’eau qui reçoit
constamment et réagissent à des perturbations à des
la quasi-totalité de son énergie du soleil. Une forte dispa-
échelles de temps très diversifiées. Ainsi la météorologie
rité existe entre les régions équatoriales où les rayons du
peut-elle se contenter d’étudier l’évolution de l’atmosphè-
soleil frappent presque perpendiculairement la surface à
re, le reste étant considéré comme fixe sur la durée des
midi et les régions polaires où l’éclairage rasant n’appor-
prévisions. Au contraire, la climatologie ne peut négliger
te qu’une faible énergie par unité de surface. La machine
aucune des composantes du système et demande des
climatique s’emploie à transporter vers les hautes latitudes
calculs d’une extrême complexité s’appuyant sur une des-
la chaleur que le soleil dépose aux basses latitudes.
cription précise de la terre et de sa « machine climatique».
Des horloges différentes
Pour étudier le climat, il faut décrire les phénomènes en jeu:
- la dynamique des deux fluides que sont l’eau des océans
(hydrosphère) et l’atmosphère,
- les processus physico-chimiques des composés qu’ils
renferment, leurs interactions avec la végétation continentale et les micro-organismes des eaux de surface
océaniques (biosphère),
- la formation, la fonte et le comportement de la glace
(cryosphère), qu’elle soit marine (banquise) ou continentale (en particulier les grandes calottes du Groenland et
de l’Antarctique).
28
Un thermomètre isotopique
L’odyssée d’une molécule de pluie
La molécule d’eau est un assemblage chimique d’un atome d’oxygène et de
deux atomes d’hydrogène. Or, tous les atomes d’un même élément n’ont pas
la même masse ; les différentes masses sont caractéristiques des différents
isotopes de l’élément. A chaque fois que la vapeur d’eau atmosphérique subit
un coup de froid, les molécules comportant un isotope « lourd » répondent
un peu plus vite à l’appel pour condenser. Ainsi, plus la température est basse
aux pôles, plus les précipitations qui s’y produisent sont appauvries en oxygène lourd tandis que les eaux océaniques en sont enrichies.
Enquête sur les climats passés
L’analyse isotopique des glaces polaires fournit la température, tandis que
celle des sédiments marins fournit la composition isotopique de l’eau de
mer à la même époque. Ces résultats combinés permettent d’évaluer la
quantité d’eau manquant à la mer, et donc, le volume total des glaces.
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MIEUX
CONNAÎTRE
LES MÉCANISMES AMPLIFICATEURS
OU INHIBITEURS DES VARIATIONS CLIMATIQUES
Un exemple clair : la neige
c’est beaucoup plus compliqué car,
décomposition. La végétation n’agit
Un réchauffement du climat dans une
selon leur hauteur, les nuages font
plus comme un piège mais comme un
zone enneigée conduit à diminuer la
écran à la lumière solaire et refroidissent
émetteur de dioxyde de carbone et ren-
surface enneigée ou à raccourcir la sai-
le globe, ou au contraire, ils ajoutent à
force l’effet de serre.
son pendant laquelle le sol est recouvert
l’effet de serre et augmentent la tempé-
de neige. Or la neige est un excellent
rature. Par les rétroactions qu’elle
réflecteur de la lumière solaire. S’il y a
induit, la physique des nuages est capi-
moins de neige, la chaleur solaire sera
tale pour l’évolution du climat.
davantage absorbée par le sol. Ce qui
amplifie le réchauffement initial.
Biomasse et effet de serre
Dernier exemple : l’augmentation du
Mais à quoi
jouent les nuages ?
dioxyde de carbone dans l’atmosphère
Si la température augmente, l’atmo-
biomasse se comporte en piège de
sphère se charge en vapeur d’eau, qui
dioxyde de carbone. Mais si la tempéra-
augmente l’effet de serre, renforçant du
ture augmente trop, le carbone stocké
coup le réchauffement. Sauf que la
dans
vapeur d’eau peut se condenser. Et là,
l’atmosphère par un mécanisme de
est un fertilisant pour la végétation. La
les
sols
retourne
dans
1
1 Un réflecteur de la lumière solaire.
SÉQUESTRER LE GAZ CARBONIQUE
Capturer à la source le gaz carbonique
capturé doit ensuite être comprimé puis
temps de tels stockages.
et le séquestrer en lieu sûr : cette solu-
transporté. Différents sites de stockage
Shell prévoit qu’à l’échéance de 2050,
tion radicale ne s’applique évidemment
sont envisageables : océans, aquifères,
qu’aux installations émettrices de gran-
gisements épuisés de pétrole, de gaz
20 % des émissions de CO2 liées à la
production et à l’utilisation des énergies
des quantités de CO2, comme les cen-
naturel et de charbon. De tels sites doi-
seront séquestrées.
trales thermiques (centrales dans les-
vent évidemment être sûrs, c’est-à-dire
quelles on produit de l’électricité à partir
garantir une absence de fuites.
d’énergies fossiles) et les installations
industrielles de grande puissance, qui
L’injection de CO2 dans les aquifères
est effective en Mer du Nord. Depuis
représentent environ la moitié des émis-
1996, la compagnie norvégienne Statoil
sions totales de CO2. Les gisements
pétroliers et gaziers sont aussi des sour-
a démarré l’exploitation d’un gisement
ces massives de CO2, mais leur contribution au niveau mondial est plus faible.
carbonique présent dans le gisement
Dans l’état actuel des technologies,
mètres de profondeur sous le plancher
l’opération de séparation du gaz carbo-
océanique. Ce site doit fournir aussi à
nique des autres constituants gazeux
des chercheurs européens de précieu-
est très coûteuse. Le gaz carbonique
ses données sur le devenir dans le
de gaz et a choisi de réinjecter le gaz
dans un réservoir d’eau salée à 1000
2
2 Les exploitants s’efforcent de limiter
les rejets de CO2 dans l’atmosphère.
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Pour conclure
NOUS
AVONS
50
ANS
POUR BÂTIR UN MONDE ADAPTÉ
AUX NOUVELLES DONNES ÉNERGÉTIQUES
A
près avoir épuisé en moins de deux siècles ses rares
fois plus élevés en France si, comme certains de nos
réserves, la France est un des pays les plus pauvres
voisins, nous avions persisté dans un recours massif aux
du monde en charbon, pétrole et gaz naturel (les combus-
combustibles fossiles.
tibles fossiles). Elle garde cependant aujourd’hui une cermatière d’économies d’énergie, à des politiques volontaris-
Un programme nucléaire
élaboré et complet
tes de construction de barrages dans les années 1930 à
Dans les débats sur l’énergie, les interrogations sur le
1970, et à la création d’une industrie électronucléaire puis-
devenir des déchets radioactifs et la durabilité des res-
sante et complète dans les trente dernières années.
sources en uranium reviennent fréquemment. Sur ces
taine indépendance d’action grâce à de réels efforts en
deux thèmes, notre
technolo-
pays a mis en place le
gique de premier plan,
programme nucléaire
notre pays a également
le plus élaboré et le
une responsabilité qui
plus complet. Les étu-
dépasse largement ses
des sur le devenir des
frontières. Il doit penser
déchets sont aussi
son futur énergétique
anciennes que notre
de
dyna-
technologie et notre
mique, avec la volonté
pays dispose de solu-
de maintenir une pros-
tions éprouvées telles
périté durable et un
que la vitrification des
environnement
déchets
Puissance
manière
pré-
les
plus
servé, mais également
nocifs, mais égale-
solidaire
ment d’un ensemble
face
immenses
aux
besoins
de
nouvelles
tech-
d’une grande partie de
niques de tri, sépara-
la population mondiale.
tion, destruction et
stockage qui seront
Notre
programme
nucléaire nous met,
30
examinées dans les
trois
prochaines
certes, dans une situation favorable, avec une électricité
années par le Parlement, celui-ci ayant décidé de se sai-
compétitive et dont le coût est stable. Ses performances
sir complètement du sujet. Le programme nucléaire fran-
environnementales peuvent être soulignées. D’une part ses
çais est également remarquable par son souci de pré-
rejets radioactifs sont très bien maîtrisés et d’autre part nos
servation des ressources naturelles en uranium, le traite-
rejets de gaz carbonique (principal responsable du dérègle-
ment des combustibles usés à La Hague présentant le
ment climatique qui nous menace), seraient près de deux
double avantage de recycler les matières énergétiques
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(le plutonium en particulier) et de conserver l’uranium
lement efficaces selon les régions, elles devront être ajus-
résiduel, très abondant et qui servira de combustible
tées en fonction des géographies locales : disponibilité
pour les réacteurs du futur.
d’espace, densité de population, préservation des espaces agricoles et touristiques, efficacité. Les technologies
Chaque énergie
doit être prise en compte
lourdes, comme le nucléaire, ne pourront être déployées
Plus globalement, face à la pénurie prévisible de combus-
technologique de chaque pays. Il faudrait privilégier l’accès
tibles fossiles et aux dangers de dérèglement climatique,
au pétrole et au gaz, d’usages si simples, aux pays les
le temps n’est plus aux oppositions ou aux sectarismes.
moins riches et leur apporter des moyens fiables de pro-
Les qualités et les défauts de chaque énergie doivent être
duction d’énergies renouvelables ou non. C’est à chacun
pris en compte pour établir un juste équilibre entre elles et
de définir son optimum en gardant un esprit de solidarité.
les intégrer dans une réflexion globale sur nos besoins
Nous avons cinquante ans devant nous pour bâtir un
réels : associer des énergies dont la production est
monde adapté aux nouvelles donnes énergétiques, et
programmable (nucléaire, biomasse) ou fonction de condi-
durable pour les générations futures. L’énergie nucléaire
tions météorologiques sur lesquelles nous n’avons pas
en fera partie car elle est respectueuse de l’environne-
prise (éolien, solaire, hydraulique), favoriser à un niveau éco-
ment, compétitive et capable d’évoluer, de satisfaire
nomiquement supportable les énergies renouvelables,
de nouveaux besoins au-delà d’une électricité qui est
s’attacher à réduire fortement et durablement la contribution
devenue un élément essentiel de notre civilisation.
des transports à l’émission de gaz à effet de serre, déve-
La stratégie élaborée en France depuis quarante ans
lopper des industries, des équipements et des logements
par tous les gouvernements successifs nous met
sobres.
aujourd’hui dans une position favorable, qu’il faudra
que progressivement, accompagnant le développement
préserver et consolider par un appel raisonné à tous
Pensons aux générations futures
les moyens de production d’énergie nationaux et par
Cet équilibre ne sera pas le même pour tous les pays et il
un effort soutenu d’économie d’énergie.
faudra se garder de positions tranchées, globales, d’une
mondialisation des antagonismes. Les énergies renouve-
Jean-Pierre Pervès
lables ont de grandes qualités, mais étant diluées et inéga-
Directeur du centre CEA de Saclay
Sites Internet
CEA, Commissariat à l’Énergie Atomique
Des dossiers thématiques et un panorama du nucléaire
dans le monde.
www.cea.fr
Débat sur les énergies
Le site officiel du débat national sur les énergies lancé par le
gouvernement. Enjeux, fiches techniques, forum de discussion.
www.debat-energie.gouv.fr/site/
Ademe, Agence de l’environnement
et de la maîtrise de l’énergie
De nombreuses fiches pratiques pour apprendre
à économiser l’énergie.
www.ademe.fr
World Energy Council, Conseil Mondial de l’Énergie
Un moteur de recherche puissant permet de trouver des
informations par pays ou par énergie. En anglais.
www.worldenergy.org/wec-geis/
IEA, International Energy Agency,
Agence Internationale de l’Énergie
Une base de données très complète sur l’énergie dans le monde.
En anglais.
www.iea.org
DGEMP, Direction générale de l’énergie
et des matières premières
La DGEMP, qui dépend du ministère de l’Économie, propose,
sur son site, de nombreuses données sur les sources d’énergies
en France et dans le monde.
www.industrie.gouv.fr/energie/sommaire.htm
Énergie, transports, climat
Une synthèse très complète réalisée par le ministère de
l’Environnement à l’occasion du sommet de Johannesburg
sur le développement durable, en 2002.
www.environnement.gouv.fr/international/johannesburg
2002/fich20.htm
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