Alimentation des chiens en soins intensifs par SJ Delaney, AJ

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Alimentation des chiens en soins intensifs par SJ Delaney, AJ
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Encyclopédie de la
Nutrition
Clinique Canine
Pascale Pibot
Vincent Biourge
Responsable des
Responsable des
Éditions Scientifiques, Programmes de Recherche
Communication,
en Nutrition, Centre de
Groupe Royal Canin
Recherche Royal Canin
Denise Elliott
Directrice de
Communication
Scientifique,
Royal Canin USA
Ce livre est reproduit sur le site d'IVIS avec l'autorisation de Royal Canin. IVIS remercie Royal Canin pour son soutien.
Sean DELANEY
BS, MS, DVM,
Dipl ACVN
Andrea FASCETTI
DVM, PhD, Dipl
ACVIM, Dipl ACVN
Denise ELLIOTT
Alimentation
des chiens
en soins intensifs
BVSc (Hons) PhD
Dipl ACVIM,
Dipl ACVN
- Physiopathologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
- Indications pour l’alimentation assistée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
- Examens complémentaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
- Choix du type d’alimentation assistée : arbre décisionnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
- Alimentation entérale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
- Alimentation parentérale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
- Complications liées à l’alimentation entérale ou parentérale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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Références . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 475
Informations nutritionnelles Royal Canin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 476
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Soins intensifs
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Alimentation des chiens
en soins intensifs
Sean J. DELANEY
BS, MS, DVM, Dip ACVN
Sean Delaney détient une Licence en zoologie de l’Université de Californie à Santa Barbara, ainsi qu’un Master en Nutrition et un
Doctorat en Médecine vétérinaire de l’Université de Californie à Davis. Il a obtenu un diplôme du Collège Américain de Nutrition
Vétérinaire suite à un Résidanat effectué à l’Université de Californie à Davis dans le domaine de la Nutrition clinique. Il enseigne
actuellement la Nutrition clinique des petits animaux à l’hôpital de la faculté de Médecine vétérinaire de cette même université.
Il est par ailleurs le fondateur du Davis Veterinary Medical Consulting, Prof. Corp., société spécialisée dans l’assistance et le conseil
nutritionnels auprès du secteur des aliments pour animaux de compagnie.
Andrea J. FASCETTI
VMD, PhD, Dip ACVIM & ACVN
Diplômée de l’école de Médecine vétérinaire de l’Université de Pennsylvanie, Andrea Fascetti a fait son internat et son résidanat de
Médecine à l’Animal Medical Center de la ville de New York. Elle détient un doctorat de l’Université de Californie à Davis et est
Diplomate du Collège Américain de Médecine Vétérinaire Interne et du Collège Américain de Nutrition Vétérinaire. Andrea Fascetti est
actuellement Professeur agrégé à la faculté de nutrition de l’Université de Californie à Davis. Elle dirige par ailleurs le service de nutrition
de l’hôpital de la faculté de Médecine vétérinaire de cette même université. Ses recherches portent actuellement sur le métabolisme des
oligo-éléments chez le chien et le chat, l’amélioration des aliments pour animaux de compagnie, et la biodisponibilité et le métabolisme
de la taurine chez le chien.
Denise A. ELLIOTT
BVSc (Hons) PhD Dipl. ACVIM, Dip ACVN
Denise Elliott obtient son doctorat de Médecine vétérinaire avec mention à la faculté de Médecine vétérinaire de l’Université de
Melbourne en 1991. Après un internat en Médecine et Chirurgie des petits animaux à l’Université de Pennsylvanie, Denise effectue un
résidanat de Médecine Interne des petits animaux et de Nutrition clinique à l’Université de Davis (Californie). Elle bénéficie d’une bourse
universitaire en Médecine rénale et en hémodialyse. Denise devient membre du Collège Américain de Médecine vétérinaire Interne en
1996, et du Collège américain de Nutrition vétérinaire en 2001. Elle obtient son PhD de Nutrition à l’Université de Davis en 2001,
pour ses travaux sur l’analyse de l’impédance bioélectrique à multifréquence chez les chats et les chiens en bonne santé. Denise occupe
actuellement la fonction de Directrice de la Communication scientifique dans la filiale Royal Canin aux USA.
La
Soins intensifs
médecine humaine et les modèles animaux ont montré
tous les bénéfices à attendre d’une alimentation adaptée
en période de soins intensifs : amélioration de la fonction
immunitaire et de la cicatrisation des plaies, accélération de la
réponse au traitement, récupération plus rapide et diminution
de la mortalité. Malgré ces bénéfices, les besoins nutritionnels
des chiens hospitalisés sont souvent ignorés parce que les aspects
médicaux et chirurgicaux sont considérés comme prioritaires.
L’objectif du support nutritionnel est de fournir l’énergie et
les nutriments dans des proportions optimales pour le chien
hospitalisé afin d’obtenir une efficacité maximale.
426
1 - Physiopathologie
La malnutrition est probablement sous-estimée chez les chiens hospitalisés. Elle se traduit surtout par
un apport protéique et/ou énergétique insuffisant pour soutenir le métabolisme tissulaire, et elle peut
nuire à la prise en charge médicale ou chirurgicale d’un chien hospitalisé (Remillard & coll, 2001). Certains chiens sont susceptibles d’être carencés en protéines et/ou en énergie en raison d’une diminution
de la consommation alimentaire.
Une étude récente a été réalisée à partir du suivi de 276 chiens pendant un équivalent de 821 journées
d’hospitalisation dans quatre grands hôpitaux vétérinaires des États-Unis. Elle a montré que dans 73 %
des cas, les animaux hospitalisés présentent un bilan énergétique négatif (Remillard & coll, 2001), soit
une couverture énergétique inférieure à 95 % du BEB (besoin énergétique de base), lui-même évalué
à partir de la consommation spontanée lors du retour à la maison.
Trois causes majeures ont été identifiées:
- dans 22 % des cas, les conseils d’alimentation sont mal formulés ou mal transcrits
- dans 34 % des cas la diète est préconisée
- dans 44 % des cas, les chiens refusent leur aliment.
Au final, l’étude a montré que l’ingéré énergétique a une influence positive et significative sur le pronostic.
1 - Physiopathologie
Un jeûne simple signifie la privation de nourriture chez
un chien en bonne santé; le jeûne devient complexe
quand l’anorexie est une conséquence de la maladie. La
capacité de l’organisme à réagir à un état d’inanition
est altérée chez un sujet malade. Le jeûne chez un chien
en bonne santé ne constitue donc pas un bon modèle
pour le chien malade et anorexique. De nombreuses
maladies peuvent accroître les besoins énergétiques et
nutritionnels par rapport à ce qui est requis pendant un
jeûne simple (Tableau 1).
TABLEAU 1 - INFLUENCE DU JEÛNE
ET DU STRESS SUR LE MÉTABOLISME
Jeûne
Stress physiologique
Activation des médiateurs
Synthèses protéiques
Catabolisme
Chez un chien physiologiquement stressé, il y a production accrue des catécholamines, de glucocorticoïdes et de glucagon. Bien qu’il ne soit pas encore possible d’évaluer les besoins nutritionnels spécifiques
pour les différents types de jeûne complexe, cet état justifie la mise en place d’une nutrition assistée.
Néoglucogenèse
Dépense énergétique
Niveau de malnutrition
Il n’existe pas de données suggérant des facteurs de risque spécifiques nécessitant la mise en place d’une
nutrition assistée. La sévérité de la maladie est le seul facteur commun parmi les chiens ayant besoin
d’une assistance nutritionnelle.
Indépendamment de la prédisposition raciale à des maladies impliquant une nutrition assistée, aucune
race n’est plus susceptible qu’une autre d’avoir besoin d’un support nutritionnel.
Soins intensifs
2 - Indications pour l’alimentation assistée
Certains cliniciens estiment utile de disposer d’indicateurs pour déterminer quand il faut mettre en
place une alimentation assistée. Idéalement, un biomarqueur spécifique, sensible, et facile à mesurer
devrait être disponible. Malheureusement il n’en existe toujours aucun de fiable (De Bruijne, 1979;
Fascetti & coll, 1997). Cependant certaines recommandations trouvées dans la littérature à propos des
paramètres à suivre chez le chien peuvent servir de guides pour déterminer quand l’alimentation assistée devrait être instaurée (Remillard & coll, 2001).
427
2 - Indications pour l’alimentation assistée
Premier critère : la durée de l’anorexie avant
la consultation ou la durée prévisible de l’anorexie
Les chiens anorexiques pendant trois à cinq jours sont déjà dans un état de jeûne et, sur la base des quotients respiratoires humains (QR), ils utilisent principalement les tissus musculaire et adipeux comme
substrat énergétique (Owen & coll, 1979). Il n’y a pas de stock de protéines dans l’organisme; dès lors,
tout catabolisme se traduit par la perte de protéines fonctionnelles. Il est primordial, pour assurer une
prise en charge efficace des chiens en phase critique, de minimiser ou d’éliminer ce catabolisme.
Si une anorexie dure ou est
susceptible de durer au minimum
trois à cinq jours, elle doit entraîner
une prise en charge nutritionnelle
(alimentation par voie entérale
ou parentérale).
Il est parfois difficile de savoir clairement quand a débuté une anorexie en fonction des conditions d’environnement du chien à la maison, et du mode d’alimentation utilisé.
- Il est difficile d’évaluer la consommation alimentaire des chiens qui résident dans une famille
possédant plusieurs chiens nourris à volonté.
- Les propriétaires peuvent sous-estimer la durée de l’anorexie, ou surestimer la consommation
du chien.
Pour faire face à cette difficulté, le praticien doit s’efforcer de quantifier le volume alimentaire que l’animal consomme. À partir de cette information, l’apport calorique approximatif du chien est estimé et
comparé à ses besoins énergétiques (voir paragraphe 5B pour leur estimation).
Il est encore plus difficile d’anticiper la durée d’une période d’anorexie. La progression de la maladie
est imprévisible même si beaucoup se comportent de manière relativement prévisible. Dans les cas où
existe une forte probabilité que le chien ne mange pas volontairement, il faut planifier une assistance
nutritionnelle. Il est recommandé d’anticiper ce besoin potentiel lorsque les chiens sont anesthésiés
pour des examens complémentaires ou pour un traitement. Dans ce cas, le fait de mettre en place simultanément une sonde d’alimentation pendant l’intervention est une stratégie thérapeutique en phase
critique. Cela permet d’augmenter le nombre de chiens susceptibles de recevoir une assistance nutritionnelle.
Autres critères : l’indice corporel, la modification
du poids et l’albuminémie
Ces deux critères cliniques et cette valeur biologique peuvent servir d’indicateurs pour confirmer le
besoin d’une assistance nutritionnelle.
- Les chiens présentant un indice corporel inférieur à 3 sur une échelle de 9 points (Laflamme &
coll, 1994) ou inférieur à 2 sur une échelle de 5 points (Edney & Smith, 1986) doivent être considérés comme présentant un mauvais état nutritionnel et une alimentation assistée est à envisager immédiatement (Figure 1).
- Une réduction du poids supérieure à 5 ou 10 % non due à une déshydratation montre également que le chien a besoin d’une assistance nutritionnelle rapide.
- Enfin, une hypoalbuminémie due à un déficit de production hépatique est un indicateur fiable
pour justifier une intervention nutritionnelle.
3 - Examens complémentaires
Anamnèse alimentaire
Soins intensifs
Pour chaque chien, il faut des informations les plus précises et complètes possibles sur l’historique du
régime alimentaire; celles-ci peuvent s’avérer très utiles pour déterminer la durée et le degré de l’anorexie. Il convient d’interroger soigneusement les propriétaires non seulement à propos de la marque et
du type d’aliment offert, mais aussi à propos des quantités distribuées et de la fréquence des repas. Les
détails doivent permettre de déterminer la prise calorique journalière totale et la comparer aux besoins
caloriques théoriques. La détermination de la consommation alimentaire est souvent compliquée par
le fait que de nombreux propriétaires ont abandonné le régime habituel du chien pour passer à de nouveaux aliments pour inciter leur animal à manger. Les aliments récemment introduits ont souvent un
taux d’humidité et/ou un taux de matières grasses plus élevés. La perte des points de repères habituels
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3 - Examens complémentaires
FIGURE 1 - NOTATION DE L’INDICE CORPOREL EN 5 STADES
Stade 1
Émaciation : pas de tissu adipeux apparent.
Côtes et vertèbres lombaires très visibles.
Fonte musculaire évidente.
Stade 2
Maigreur : peu de graisse de couverture.
Côtes et vertèbres lombaires facilement palpables
et éventuellement visibles. Légère fonte musculaire.
Un indice corporel inférieur
à 2 justifie la mise en place
d’un support nutritionnel.
Une perte de poids supérieure
à 10 %, un jeûne de plus
de 3 jours et une
hypoalbuminémie sont
d’autres critères permettant
d’évaluer l’état nutritionnel
du chien.
Stade 3
Condition corporelle idéale : bon équilibre
entre masse grasse et masse maigre.
Stade 4
Excès de poids : dépôts graisseux visibles
sur les côtes et les vertèbres lombaires.
Taille peu visible.
Stade 5
Obésité massive : dépôts graisseux
très importants sur les côtes et les vertèbres
lombaires. Taille non visible.
rend difficile l’interprétation d’une perte de poids spontanée. Il existe une propension naturelle à assumer que la consommation alimentaire est adéquate puisqu’elle sous-entend un meilleur pronostic pour
le client, et permettrait d’éviter au vétérinaire d’imposer une alimentation assistée coûteuse. Cependant, il importe d’être le plus objectif possible.
Heureusement, grâce à internet, l’accès aux données relatives à la densité énergétique des aliments est
devenu plus aisé. De nombreux sites web de fabricants d’aliments pour chiens donnent les concentrations énergétiques de leurs produits (en kilocalories par unité de volume ou de poids), alors qu’elles ne
sont pas toujours présentes sur les étiquettes. En outre, des monographies sur les aliments s’obtiennent
facilement chez de nombreux fabricants. Les données relatives à la densité énergétique des ingrédients
utilisés en alimentation ménagère peuvent s’obtenir à partir du site du ministère de l’Agriculture des
États-Unis (www.nal.usda.gov). Le site du premier auteur de ce chapitre (www.balanceit.com) synthétise également des informations utiles à propos des aliments industriels et des rations ménagères. Ces
outils, associés à une anamnèse alimentaire précise et complète, permettent de confirmer et de mieux
évaluer le degré et la durée de l’anorexie présentée par le chien.
Soins intensifs
Poids corporel
La détermination du poids du chien, ajusté en fonction de son état d’hydratation, est un paramètre clinique important. Cependant, pour un chien en soins intensifs qui a besoin d’une assistance nutritionnelle, sa valeur est réduite, sauf si des relevés de poids récents sont disponibles. Les comparaisons ne
doivent être faites que sur la base de mesures faites sur la même balance, puisqu’il peut exister des variations d’une balance à l’autre.
Chaque chien doit être pesé quotidiennement pendant l’hospitalisation. Un soutien nutritionnel décidé seulement lorsque le chien a perdu du poids alors qu’il était hospitalisé, constitue une stratégie
429
3- Examens complémentaires
médiocre de prise en charge. Idéalement, un chien hospitalisé doit garder un poids relativement stable
voire prendre du poids pendant son hospitalisation. Un gain de poids est cependant à interpréter avec
prudence dans la mesure où la plupart des chiens prennent du poids lors de la réhydratation. La pesée
quotidienne vise à s’assurer que l’alimentation est correcte. Une perte de poids régulière chez un chien
hospitalisé constitue pour le clinicien un signe clair que sa gestion nutritionnelle n’est pas adéquate ou
n’est pas instaurée suffisamment tôt.
Indice corporel (IC)
L’évaluation clinique de la composition corporelle se limite à utiliser un système de grille pour évaluer
l’état d’embonpoint, grâce à des repères visuels et tactiles (Laflamme, 1994). Bien que le système de
notation de la condition corporelle présente des limites (ex: incapacité à quantifier la masse maigre),
il nécessite un entraînement minimum mais pas de préparation ni d’équipements spéciaux.
Des méthodes expérimentales plus précises permettent de déterminer la composition du
corps: par exemple l’utilisation de la DEXA (Dual Energy X-ray Absorptiometry), l’impédance
bio-électrique et la dilution d’un isotope stable. Ces méthodes sont cependant techniquement et économiquement lourdes: leur utilisation n’est donc intéressante que pour la
recherche.
© Royal Canin
Dès lors, l’utilisation d’un indice corporel est la méthode la plus pratique pour quantifier la
composition corporelle d’un chien (Figure 1 et voir chapitre 1). C’est aussi un excellent
outil pour transmettre un “tableau de référence de l’animal” à des collègues travaillant au
sein de la même clinique ou à des vétérinaires auxquels le chien est référé. Bien que des modifications subtiles étalées sur plusieurs jours puissent ne pas être détectées par le clinicien,
même le plus expérimenté, l’utilisation de l’IC donne un aperçu de l’état nutritionnel
global du chien que la seule pesée ne détecte pas. Dès lors, il doit être utilisé comme une
mesure de la condition physique “chronique” alors que les modifications quotidiennes du
poids sont des indicateurs de condition en phase “aiguë”.
Beauceron à la pesée - Un poids corporel qui
a été enregistré des années ou même des mois
auparavant ne peut être utilisé pour déterminer
une perte de poids accidentelle.
Le poids corporel et l’IC ne varient habituellement pas suffisamment vite pour permettre des
évaluations et des ajustements quotidiens, ils sont plutôt un indicateur de la réponse à long
terme d’un animal à la nutrition assistée.
Albuminémie
La production quotidienne d’albumine représente environ 50 % de la synthèse globale des protéines.
Une consommation inadéquate de protéines alimentaires altère cette production. Cependant, comme
la demi-vie de l’albumine est d’environ 8 jours chez le chien, il faut souvent plusieurs jours pour que le
statut albuminique reflète un changement nutritionnel (Kaneko & coll, 1997). Un exemple de ce décalage est donné dans un article de De Bruijne (1979). Dans son étude, aucune modification de l’albuminémie n’est détectée chez des chiens en bonne santé subissant un jeûne simple pendant 21 jours.
Une autre étude faite sur 105 chiens hospitalisés a montré que l’albuminémie à l’admission a une valeur
prédictive statistiquement significative pour l’évolution clinique (Michel, 1993). Une baisse de l’albuminémie est due soit à une production diminuée, soit à une production très importante de protéines
inflammatoires, soit encore à des pertes excessives. Une albuminémie normale ne signifie pas qu’il faille
arrêter l’alimentation assistée.
Autres biomarqueurs
Soins intensifs
Actuellement, il n’existe aucun signe clinique isolé ni aucun marqueur biochimique qui aide à déterminer l’état nutritionnel. La numération leucocytaire et la créatine kinase chez le chat, et des protéines
telles que la protéine C réactive, la pré-albumine, la transferrine et la protéine transportant le rétinol
chez l’homme ont été étudiées en tant que marqueurs de l’état nutritionnel. Néanmoins, tous ces biomarqueurs sont influencés par de nombreux autres facteurs qui rendent leur interprétation difficile
430
4 - Choix du type d’alimentation assistée
(Phang & Aeberhardt, 1996; Fascetti & coll, 1997). À l’heure actuelle, les meilleurs outils
d’évaluation de l’état nutritionnel d’un chien sont:
- une anamnèse médicale et alimentaire complète
- des examens cliniques
- la mesure du poids corporel
- une comparaison de l’indice corporel actuel à une référence préalable
- le bilan sanguin de routine.
4 - Choix du type d’alimentation
assistée : arbre décisionnel
La nutrition parentérale ne devrait être utilisée que si l’alimentation entérale est impossible. L’alimentation parentérale est plus compliquée à mettre en œuvre, plus onéreuse et
elle est associée à un risque septique non négligeable.
5- Alimentation entérale
© Mercier
Les nutriments peuvent être administrés de deux manières: par voie entérale ou parentérale. C’est au clinicien qu’il incombe de déterminer la meilleure stratégie concernant
la nutrition assistée (Figure 2).
Pesée d’un chiot West Highland
White Terrier
La nutrition entérale précoce permet de lutter
contre la perte de poids et donc de minimiser les
effets du catabolisme lors de maladie virale telle
que la parvovirose (Mohr & coll, 2003).
L’alimentation entérale représente la meilleure alternative lorsque l’animal le permet. Lorsque l’intestin peut fonctionner, il faut l’utiliser ; cela favorise le fonctionnement physiologique des entérocytes et prévient le risque de translocation bactérienne. L’impact de la nutrition entérale précoce a
été récemment étudié chez des chiens atteints de parvovirose (Mohr & coll, 2003) ; par rapport à des
chiens ne recevant rien per os, les chiots nourris par voie entérale ont présenté une convalescence
plus rapide, un meilleur gain de poids et la fonction barrière de l’intestin était améliorée. Ces résultats suggèrent que l’amélioration clinique est sans doute plus rapide avec l’alimentation entérale.
Pour la mettre en œuvre, différentes techniques sont utilisables : alimentation par voie naso-œsophagienne, œsophagienne, gastrique ou jéjunale.
Les différents types
de sonde d’alimentation entérale
L’appétit d’un chien hospitalisé est très irrégulier. Si l’aliment n’est pas bien consommé spontanément,
la pose d’une sonde naso-œsophagienne, œsophagienne, gastrique ou jéjunale s’impose.
> Sondes naso-œsophagiennes
© SIAMU, École Nationale Vétérinaire de Lyon
Des sondes de 3 à 8 F sont en général retenues. Pour un chien, la longueur optimale de la
sonde naso-œsophagienne équivaut à la distance entre le bout du nez et la 7e côte.
Un gel anesthésique local est appliqué à l’extérieur de la sonde qui est ensuite passée par
le méat ventral jusqu’au sphincter de l’œsophage. La sonde est fixée en la suturant à la
narine, un ou deux autres points peuvent être nécessaires sur la face et la tête.
Les contre-indications de cette technique concernent les chiens présentant un traumatisme sérieux de la face incluant les narines, des vomissements à répétition, un état de
conscience altéré ou des anomalies anatomiques ou fonctionnelles du larynx, du pharynx
ou de l’œsophage.
La plupart des chiens tolèrent la mise en place
d’une sonde naso-œsophagienne sans
tranquillisation préalable.
431
Soins intensifs
Ce type de sonde convient très bien à une durée d’alimentation n’excédant pas une
semaine pour un chien hospitalisé. Les sondes naso-œsophagiennes nécessitent peu de
matériel spécialisé et sont donc peu onéreuses.
4 - Choix du type d’alimentation assistée
FIGURE 2 - ARBRE DÉCISIONNEL POUR BIEN CHOISIR LE TYPE DE SUPPORT NUTRITIONNEL À METTRE EN PLACE
1. Le chien couvre-t-il ses besoins énergétiques au repos (BER = 70 x [poids
corporel en kg]0,75) avec la consommation alimentaire spontanée?
Oui. Une assistance nutritionnelle n’est probablement pas
indiquée. Continuer l’alimentation normale par voie orale.
Non. Une alimentation assistée est indiquée.
2. Le chien présente-t-il des vomissements, une diarrhée incoercible, est-il anesthésié, est-il incapable de
recevoir une sonde d’alimentation, est-il atteint de pancréatite sévère et ne peut-on lui mettre en place
une sonde de jéjunostomie, ou vient-il de subir une gastrectomie et/ou une entérectomie?
Oui. L’alimentation par voie parentérale
est probablement indiquée.
Non. L’alimentation entérale est
probablement plus indiquée.
3. Une voie veineuse (via la veine jugulaire,
saphène, etc.) est-elle en place ou peut-elle être
mise en place?
7. Le chien peut-il être anesthésié?
Oui
Oui. Il faut utiliser une
solution parentérale
administrée par voie centrale.
4. Le chien est-il urémique,
risque-t-il de le devenir ou
souffre-t-il d’encéphalose
hépatique lorsqu’il reçoit un
régime comportant plus de 15 %
de calories d’origine protéique?
Soins intensifs
Oui. Alimenter
par voie
parentérale
centrale avec
une solution à
teneur réduite
en protéines.
Voir Tableau 1
Non. Alimenter
par voie
parentérale
centrale avec
une solution
à teneur
"normale"
en protéines.
Non
Non. Il faut utiliser une
solution parentérale administrée
par voie périphérique.
5. Le BER du chien
doit-il être assuré
exclusivement par
l’administration de la
solution parentérale
périphérique?
Non. Utiliser une
solution parentérale
périphérique à
teneur "normale"
en matières
grasses.
Oui
6. Le chien est-il
hyperlipidémique?
Oui. Utiliser une solution parentérale
périphérique pauvre en matières grasses
administrée à un niveau inférieur au BER
et reconsidérer la situation si une partie de
l’alimentation peut se faire par voie entérale.
8. Le chien souffre-t-il de
pancréatite et/ou l’estomac
et le duodénum doivent-ils être
court-circuités?
Oui. Envisager de mettre
en place une sonde de
jéjunostomie de 5 à 8 Fr.
9. Le chien pèse-t-il plus
de 15 kg?
Non
10. Prévoit-on que le chien aura besoin de
la sonde d’alimentation pour plus de 2 ou
3 mois, et/ou présente-t-il une fonction
œsophagienne anormale?
Non. Envisager
d’utiliser une solution
parentérale
périphérique riche
en matières grasses.
Oui. Mettre en place
une sonde de
gastrostomie de 18
à 24 Fr soit
chirurgicalement, soit
endoscopiquement.
Oui. Mettre
en place
une sonde
d’alimentation
naso-oesophagienne ou
naso-gastrique
de 8 Fr.
Non. Mettre
en place
une sonde
naso-œsophagienne
ou naso-gastrique de 5 Fr.
Non. Mettre en place
une sonde
naso-œsophagienne de
5 Fr.
Trois techniques sont possibles
pour la mise en place d’une sonde
œsophagienne :
- en utilisant une aiguille
par voie percutanée
- via un abord chirugical
de l’œsophage
- en passant la sonde par voie
rétrograde, grâce à un introducteur
de sonde percutanée Eld.
> Sondes d’œsophagostomie
Les sondes d’œsophagostomie sont indiquées pour les chiens qui ont besoin d’une assistance nutritionnelle à moyen terme. Ces sondes sont généralement bien tolérées et peuvent être facilement
mises en place avec un équipement minimum. La seule vraie complication concerne le risque
d’infection à l’endroit de sa pose. Des soins méticuleux de la plaie chirurgicale sont requis pour le
maintien de la sonde. Ce type de sonde est indiqué pour les chiens souffrant de lésions mandibulaire,
maxillaire, nasale, pharyngienne, et/ou inaptes à saisir et ingérer leur nourriture.
5 - Alimentation entérale
L’inconvénient majeur réside dans le fait que leur faible diamètre impose de donner les aliments sous
forme liquide. Il existe un risque de fausse-déglutition si la sonde est positionnée malencontreusement dans la trachée ou si le chien la rejette. Pour limiter ce risque, le positionnement correct de la
sonde devrait toujours être vérifié avant l’alimentation de l’animal.
Le chien est légèrement anesthésié, placé en décubitus latéral, et une préparation aseptique de la région
cervicale gauche est réalisée. Une sonde urinaire en caoutchouc, en plastique ou en silicone de 5-12 Fr
peut être mise en place.
FIGURE 3 - DIFFÉRENTS TYPES
L’extrémité de la sonde d’œsophagostomie est placée à la partie
moyenne de l’œsophage. La partie extérieure de la sonde est fixée au
cou par une suture en papillon ou un lacet chinois.
DE SONDES GASTRIQUES
Les sondes gastriques existent en plusieurs
tailles et en plusieurs modèles. Elles sont
en latex ou en silicone. Le modèle le plus
courant de sonde gastrique est un cathéter
champignon de type Pezzar en latex. Les
sondes en silicone durent de 6 à 12 mois
et sont moins irritantes au site d’insertion
que les sondes en latex. Les sondes
gastriques “low profile” sont chères,
mais elles résistent au moins 12 mois.
La plaie guérit par formation d’un tissu de granulation dans les deux
semaines qui suivent l’enlèvement de la sonde.
© DA Elliott
L’alimentation par le tube peut commencer une fois que le chien est
bien réveillé de l’anesthésie. L’aliment doit être présenté sous forme
de bouillie liquide: il peut s’agir d’un aliment sec ou humide mixé
avec de l’eau ou d’une solution prête à être utilisée.
> Sondes gastriques
L’acceptation d’une sonde “low profile” par le chien
et le propriétaire est bien meilleure que pour une sonde
traditionnelle, dans la mesure où le chien présente un aspect
normal, sans un long tube fixé au corps ou sans qu’il soit
nécessaire de le recouvrir d’un pansement chaussette.
L’extrémité en champignon est conçue comme une valve
anti-reflux qui empêche le reflux du contenu gastrique.
433
Soins intensifs
Aux États-Unis, des sondes gastriques “low profile” sont maintenant
disponibles, permettant à la fois la procédure initiale et la procédure
de remplacement. Elles sont positionnées au niveau de la paroi du
corps de l’estomac (Figure 4). Les sondes gastriques de ce type sont
en silicone et semblent provoquer moins d’inflammation au niveau
de l’ouverture. Un adaptateur d’alimentation est fixé à l’extrémité du
dispositif pendant l’alimentation.
FIGURE 4 - ILLUSTRATION D’UNE SONDE GASTRIQUE
“LOW PROFILE”APRÈS SA MISE EN PLACE
© DA Elliott
Les sondes de gastrostomie sont disponibles en plusieurs tailles : les
sondes 18-20 Fr conviennent pour les petits chiens et les sondes
24 Fr s’adaptent aux chiens plus grands. Les sondes existent en
latex ou en silicone. Divers modèles sont disponibles (Figure 3).
Différents adaptateurs d’alimentation peuvent être fixés à la sonde
d’alimentation. Un dispositif en Y est préférable parce qu’il présente une double voie :
- une voie pour le cathéter par lequel on administre les aliments
lorsque le tube est en place depuis au moins 24 h
- une voie pour les seringues à extrémité Luer utilisées pour les médicaments oraux.
5 - Alimentation entérale
FIGURE 5 - ILLUSTRATION D’UNE SONDE GASTRIQUE
CLASSIQUE APRÈS SA MISE EN PLACE
Les sondes en latex classiques (Figure 5) sont moins onéreuses mais s’usent vite.
Les sondes en silicone peuvent résister 6 à 12 mois et sont moins irritantes au
site d’insertion.
> Sondes jéjunales
L’alimentation par cette voie ne se justifie que lorsque l’estomac ou le duodénum doivent être court-circuités. La sonde se pose après avoir effectué une la
parotomie et une entéropexie. Les aliments utilisés par cette voie doivent être
stériles. La forme liquide s’impose car la solution est administrée directement
dans le jéjunum, à l’aide d’une sonde de 5 à 8 Fr de diamètre.
© JY. Deschamps
Alimentation entérale par sonde :
aspects pratiques
Les sondes en latex sont peu onéreuses mais elles
doivent généralement être remplacées dans les
8 à 12 semaines.
De l’eau est introduite par la sonde d’alimentation 12 à 18 heures après la mise
en place initiale (sauf en cas d’alimentation par voie œsophagienne où aucun
délai n’est nécessaire), et l’alimentation peut démarrer dans les 24 à 36 heures
après la pose. En général, un quart à un tiers du besoin calorique
quotidien est administré le premier jour, correspondant au besoin énergétique
au repos (BER*).
*BER = 70 x (poids corporel en kilos)0,75 = kilocalories par jour.
En l’absence de complication, la quantité d’aliment administrée est progressivement augmentée pour
couvrir le besoin calorique total vers le 3e ou le 4e jour, au plus tard le 7e jour en cas de jeûne prolongé.
© DA Elliott
Le volume total d’aliment est distribué en quatre à six repas de même importance qui ne doivent pas
dépasser la capacité stomacale du chien (de 5 mL au début à 15 mL/kg/repas ensuite). La solution nutritive est administrée à température ambiante et injectée lentement, en 5 à 15 minutes (Figure 6). À la
fin de l’administration, le tube doit être rincé avec 5 à 10 mL d’eau tiède.
Le bon positionnement de la sonde
de gastrostomie doit être vérifiée
à l’endoscope.
FIGURE 6
ALIMENTATION ENTÉRALE
De petits repas fréquemment administrés sont généralement mieux tolérés que des repas plus importants et plus espacés. Si le propriétaire est capable de continuer à fractionner la ration quotidienne,
ce type d’alimentation est recommandé. Sinon, il faut habituer progressivement le chien au rythme
de distribution que le propriétaire pourra respecter. Avec le temps et l’adaptation à la procédure d’alimentation assistée, la fréquence des repas peut être réduite pour arriver à deux à trois repas par jour
seulement.
Avant chaque repas, il convient d’aspirer le contenu gastrique résiduel à l’aide d’une seringue. Si plus
de 50 % du volume précédemment administré sont encore présents, le contenu doit être réinjecté dans
l’estomac et la procédure d’alimentation est décalée jusqu’au repas suivant. Une aspiration fréquente
du repas précédent suggère un retard de vidange gastrique et justifie une prise en charge médicale (par
exemple, l’administration de 1 mg de métoclopramide 20 à 30 minutes avant l’alimentation, par voie
SC ou IM).
© JY. Deschamps
Soins intensifs
Par rapport à l’alimentation entérale intermittente, l’alimentation intra-gastrique continue ne paraît
pas avoir d’effet positif sur le gain de poids et le bilan azoté chez les chiens en bonne santé (Chandler
& coll, 1996). En revanche, elle est mieux supportée par les animaux qui présentent un risque de surcharge digestive.
L’aliment est mélangé
avec la plus petite quantité d’eau
nécessaire pour pouvoir être
administré à la seringue.
Si l’aliment est une bouillie,
l’embout de la seringue doit être
suffisamment large pour éviter
l’obstruction.
434
La plupart des médicaments oraux doivent être administrés avant l’aliment, à l’exception des chélateurs de phosphates qui doivent être mélangés directement à l’aliment.
Le positionnement de la sonde doit être vérifié chaque jour pour détecter un déplacement éventuel,
une douleur, une rougeur, une odeur ou un écoulement anormal (Figure 7). L’ouverture doit être nettoyée quotidiennement à l’aide d’une solution antiseptique. Il ne faut pas laisser de résidu alimentaire
au voisinage de la plaie.
FIGURE 7 - DÉPLACEMENT DE LA SONDE GASTRIQUE
HORS DE L’ESTOMAC, DANS LE TISSU SOUS-CUTANÉ
> Hydratation
L’eau est l’un des quatre macronutriments de base et, en cas de carence,
c’est elle qui provoque les effets préjudiciables les plus immédiats. Dès
lors, la nutrition assistée dans sa forme élémentaire consiste à fournir aux
chiens hospitalisés de l’eau à volonté et/ou un liquide administré par voie
parentérale. Malheureusement, il existe une tendance à n’administrer
que le minimum et à ne pas apporter d’autre support nutritionnel. La fluidothérapie de réhydratation doit être considérée comme une composante
de la nutrition assistée et non comme une nutrition assistée complète.
5 - Alimentation entérale
Couverture des besoins
nutritionnels
Cette situation est
une urgence chirurgicale
car elle peut entraîner
une péritonite septique.
Les besoins énergétiques de la plupart des chiens hospitalisés nécessitant
une alimentation assistée sont proches de ceux du besoin énergétique au
repos (BER), ce besoin étant calculé en utilisant l’équation citée plus
haut (Remillard & coll, 2001).
© DA Elliott
> Couverture des besoins énergétiques
Bien que cette équation ne réponde pas toujours à toutes les situations individuelles, elle sert de point
de départ pour réduire au minimum la probabilité de suralimentation ou de sous-alimentation du chien.
Chez la plupart des chiens, la couverture du BER se traduit par une stabilité du poids et un maintien
de l’IC du chien pendant plusieurs semaines d’hospitalisation.
La densité énergétique du régime doit être maintenue la plus élevée possible pour limiter le volume de
chaque repas. Il convient de sélectionner soigneusement le volume et le type de liquide utilisé pour
diluer l’aliment de base. Il faut souligner l’importance qu’il y a à trouver un équilibre entre la densité
énergétique et la viscosité d’un l’aliment présenté sous forme de bouillie. Même une faible augmentation de la densité énergétique peut avoir un impact important sur la fréquence et le volume des repas.
Ceci peut influencer de manière significative le succès du programme alimentaire et la capacité de couvrir les besoins énergétiques de l’animal.
C’est la matière grasse qui fournit la quantité maximale d’énergie, mais c’est également elle qui a l’effet
de dilution le plus marqué sur les nutriments. Augmenter la matière grasse revient à diminuer la quantité totale ingérée et donc l’apport en nutriments essentiels. Le fait d’utiliser de l’eau ne modifie pas la
concentration en nutriments sur la base de l’apport énergétique global, mais diminue par contre la
quantité de calories par unité de volume. L’eau peut servir de diluant dans la plupart des cas mais un
sirop de sucre peut être utilisé chez le chien pour augmenter la densité énergétique d’une bouillie tout
en diminuant la viscosité de l’aliment. D’une manière générale, le fait d’augmenter le taux d’humidité
de l’aliment jusqu’à 80 % permet d’obtenir, après passage au mixer, une bouillie qui est à la fois relativement dense sur le plan énergétique (selon le régime) et facile à administrer. L’aliment mixé est ensuite
administré à l’aide d’une sonde d’alimentation de 12 Fr ou plus (Figure 8).
> Équilibre des sources énergétiques
Soins intensifs
Les substrats énergétiques sont les protéines, les matières grasses et les glucides. La couverture énergétique étant généralement assurée par la combinaison de ces trois catégories de nutriments, la discussion reste ouverte sur l’équilibre nutritionnel optimal. Certains pensent que tous ces nutriments ont
uniquement pour objectif d’apporter de l’énergie jusqu’à ce que le BER du chien soit couvert. D’autres
sont d’avis que certains substrats contribuent à l’épargne protéique, même lorsque les besoins caloriques
du chien ne sont pas satisfaits.
• Matières grasses
Les régimes riches en matières grasses sont habituellement bien acceptés et bien tolérés. À volume égal,
les matières grasses apportent à peu près deux fois plus de calories que les protéines et les glucides, permettant un apport énergétique supérieur chez des chiens consommant peu. Bien qu’elles améliorent
435
5 - Alimentation entérale
FIGURE 8 - ARBRE DÉCISIONNEL POUR FACILITER LE CHOIX D’UN ALIMENT À ADMINISTRER PAR SONDE ENTÉRALE
1. Le diamètre de la sonde d’alimentation est-il inférieur à 12 Fr?
Oui
2. Le chien présente-t-il une intolérance aux
matières grasses (vidange gastrique retardée
ou risque de pancréatite)?
Non
3. Le chien est-il urémique, risque-t-il de le devenir ou souffre-t-il
d’une encéphalopathie hépatique lorsqu’il reçoit un régime comportant
plus de 15 % de calories d’origine protéique, mais supporte-t-il
les matières grasses?
Non
Oui. Choisir un régime
liquide pauvre
en matières grasses,
contenant 20 %
ou moins de calories
d’origine lipidique et une
densité énergétique d’au
moins 0,75 kcal/ml.
Non. Envisager
des produits entéraux
liquides présentant
une densité énergétique
d’au moins 1 kcal/ml.
Oui. Choisir un aliment
en conserve mixé pauvre
en lipides.
Oui. Choisir un aliment en conserve
mixé pauvre en matières grasses.
4. Le chien présente-t-il une
intolérance aux matières grasses?
Non. Choisir un régime à haute densité
énergétique riche en protéines et très
vraisemblablement riche en matières
grasses.
l’appétence et l’acceptation d’un régime, l’augmentation soudaine du taux de matières grasses de l’alimentation semble être l’une des causes les plus régulières et les moins reconnues de troubles gastrointestinaux, de pancréatite en particulier.
Beaucoup de régimes commerciaux très digestibles fournissent souvent jusqu’à 30 % des calories à
partir des matières grasses. L’utilisation de ces aliments devrait se limiter aux chiens non-suspects
d’intolérance aux matières grasses.
Lorsqu’un un chien hospitalisé commence à être réalimenté, le fromage blanc ou du poulet sans la peau
avec du riz sont fréquemment recommandés. Ces aliments sont appétents, très digestibles et constituent d’excellentes alternatives aux régimes riches en matières grasses.
• Acides aminés
Soins intensifs
Les acides aminés administrés par voie entérale, tels que la glutamine, auraient un effet d’épargne protéique. Une étude étaye le bénéfice potentiel de la glutamine sur la base de la cinétique de la leucine
dans l’ensemble de l’organisme (Humbert & coll, 2002). Malheureusement, il n’y a pas de preuves
cliniques en faveur du fait qu’un chien supportera une solution entérale d’acides aminés en quantité
suffisante pour satisfaire ses besoins énergétiques, lorsqu’il ne supporte pas un aliment complet. Cependant, l’administration d’un produit de ce type par voie entérale à vitesse constante (même à un niveau
inférieur au BER du chien en couvrant le reste des besoins énergétiques par voie parentérale), peut
s’avérer tout à fait intéressante pour réduire le risque d’atrophie des villosités et de translocation bactérienne (Qin & coll, 2002; Kotani & coll, 1999).
436
5 - Alimentation entérale
Complications de l’alimentation entérale
Pour les chiens en phase critique, la majeure partie du suivi a pour but d’éviter des complications
spécifiques liées à la nutrition assistée.
> Complications chirurgicales
Une lacération splénique, une hémorragie gastrique, un pneumopéritoine, un déplacement de la sonde
vers la cavité péritonéale et une péritonite ont été rapportés comme étant des complications possibles
mais rares de la mise en place d’une sonde d’alimentation assistée.
Il faut repérer une possible intolérance du chien à l’égard de la sonde. Celle-ci peut se manifester par
des éternuements, des bâillements, des vomissements et/ou une cellulite au niveau du site de mise en
place de la sonde, selon le type utilisé. Le risque majeur associé à la pose d’une sonde est l’infection au
site d’introduction.
Des soins méticuleux de la plaie chirurgicale sont indispensables pour maintenir la sonde en place. Les
lésions au site d’insertion (écoulement, douleur, gonflement, érythème, formation d’un abcès et
ulcération) peuvent être prévenues grâce à une hygiène stricte de la plaie et en empêchant le chien de
se lécher. Des emplâtres tièdes contenant une solution antiseptique, placés au niveau de l’insertion,
limitent les problèmes et accélèrent la cicatrisation.
FIGURE 9 - FIXATION
DE LA SONDE
Le retrait de la sonde par le chien demande à être traité en urgence s’il a lieu avant que des adhérences
soient en place. Dans la plupart des cas, une nouvelle sonde peut être mise en place à travers l’ouverture existante en utilisant un cathéter guide. Il faut vérifier radiographiquement que le remplacement
s’est fait de manière appropriée, après injection d’un produit de contraste iodé. Si la sonde est restée
en place moins de sept jours ou s’il y a des signes de péritonite ou de fuite du produit de contraste radiographique, une laparotomie exploratoire est nécessaire pour corriger la situation. L’utilisation de sondes
gastriques “low profile” réduit la fréquence de cet accident.
> Obstruction de la sonde
Périodiquement, les sondes sont obstruées par les aliments. Pour lever l’obstruction, il faut masser
l’extérieur de la sonde tout en effectuant simultanément des cycles de rinçage et d’aspiration avec une
petite seringue contenant de l’eau. Les autres techniques possibles sont: l’administration de solutions
carbonatées (ex: soda à base de cola), de solutions d’enzymes pancréatiques pendant 15 à 20 minutes
ou l’utilisation prudente d’un cathéter en polyuréthane pour forcer le passage. Le dernier recours consiste
à enlever et remplacer la sonde.
© D. Elliott
Un arrachage intempestif de la sonde par le chien constitue indubitablement la complication la plus
problématique: une étude a montré qu’elle survient dans environ 20 % des cas, ce qui souligne bien à
quel point il est important de fixer la sonde grâce à un pansement chaussette (Figure 9) (Elliott & coll,
2000).
Une sonde longue doit
impérativement être protégée
du risque d’arrachage par le chien.
Les mesures de sécurité
comprennent la fixation de
la sonde à la paroi abdominale,
la pose d’un pansement chaussette
et le port d’une collerette
par le chien.
> Pneumonie par aspiration
Soins intensifs
Le risque de pneumonie par aspiration chez le chien en phase critique lors d’alimentation entérale est
réel, surtout en cas de vomissements, ou lorsque le chien est en décubitus latéral, tranquillisé ou
anesthésié. Elle peut aussi être directement liée à l’administration d’aliment dans la trachée si la sonde
naso-oesophagienne est mal positionnée. Pour prévenir le risque de pneumonie d’aspiration, la surveillance de la température, du rythme respiratoire et l’auscultation font partie des examens quotidiens
à pratiquer.
437
5 - Alimentation entérale
L’intolérance vis-à-vis de l’alimentation
entérale est habituellement liée
à un volume excessif du repas
qui dépasse la capacité stomacale.
La fréquence à laquelle les propriétaires peuvent administrer les aliments
par sonde est en général limitée.
L’inconfort du chien, le risque
de diarrhées et de vomissements
peuvent être minimisés en :
- réduisant le volume total
(en augmentant la fréquence
des repas ou en augmentant
la densité énergétique)
- en ralentissant la vitesse
d’administration
- en proposant l’aliment
à température ambiante
- en diminuant l’osmolarité
de l’aliment
- en prenant en charge simultanément les troubles hydro-électrolytiques et acido-basiques.
Après l’alimentation par voie entérale, le contenu de l’estomac constitue un excellent réservoir de substances inductrices de pneumonie, en raison de leur acidité et de leur charge microbienne élevée.
Cependant, il convient de noter qu’un homme produit jusqu’à 63 ml par heure de salive chargée de
bactéries (McClave & Snider, 2002). Donc, il est très vraisemblablement exagéré de supposer que tout
le matériel aspiré provient de l’estomac. Le rôle de l’alimentation entérale dans le développement de
la pneumonie par aspiration est controversé chez l’homme (McClave & Snider, 2002). Le fait que les
chiens aient une position horizontale plutôt que verticale est susceptible de jouer un rôle important.
> Surcharge digestive
La surcharge gastrique est une complication fréquente de l’alimentation entérale chez l’homme (Davies
& coll, 2002). Elle peut provoquer de simples nausées voire des vomissements.
Le nombre total de calories journalières à distribuer dicte le volume du repas individuel. La surestimation des besoins énergétiques d’un chien augmente le risque d’intolérance au volume. En médecine
humaine, une surévaluation initiale du besoin énergétique pour l’alimentation entérale se traduit souvent par le fait que le patient reçoit finalement moins de calories par jour en raison de l’inappétence
ou de l’intolérance au volume (McClave & Snider, 2002).
Il existe un débat concernant la valeur prédictive du résidu stomacal (contenu gastrique résiduel mesuré par aspiration avant le repas suivant) pour éviter ce risque chez l’homme (McClave & Snider, 2002).
Le volume résiduel ne dépend pas seulement du volume du repas distribué puisque la vitesse de vidange gastrique joue également un rôle. Cependant, cela semble constituer un bon indicateur de la tolérance au volume administré.
Une diarrhée osmotique peut apparaître avec n’importe quelle forme d’alimentation entérale, en particulier lorsque des régimes complexes sont administrés sans transition, trop rapidement ou à une température trop élevée ou trop basse.
> Syndrome de réalimentation
Pour prévenir un syndrome
de réalimentation, il convient
de prendre les trois mesures
suivantes :
(1) Réintroduire lentement les aliments chez les animaux qui ont
été sous-alimentés pendant
des périodes prolongées
(plus de 5 jours)
(2) Fournir une supplémentation
adéquate en potassium,
en phosphore et éventuellement
en magnésium
(3) Surveiller de près les électrolytes
pendant les 24 premières heures
de la réalimentation.
Un syndrome de réalimentation peut se produire après une alimentation assistée par voie entérale,
comme l’ont montré des études réalisées chez le chat et chez l’homme (Solomon & Kirby, 1990; Justin
& Hohenhaus, 1995).
Durant le jeûne, l’organisme privilégie les concentrations extra-cellulaires de nombreux électrolytes
aux dépens des concentrations intracellulaires. Ce phénomène peut ensuite induire un flux vers l’intérieur de la cellule lorsque le glucose est apporté, et par voie de conséquence, quand l’insuline est à
nouveau produite par le chien lors de la réalimentation. Ce flux peut entraîner une baisse importante
des concentrations sériques en électrolytes (potassium et phosphore surtout), et éventuellement mettre
en danger la vie du chien. Ainsi, par exemple, la kaliémie est maintenue en cas de déplétion intracellulaire en potassium. Lorsque la glycémie augmente en réponse à l’alimentation, l’organisme libère de
l’insuline qui pompe le glucose et le potassium dans le sang vers l’intérieur de la cellule. Il en résulte
une kaliémie rapide et sévère. Des phénomènes d’hypomagnésiémie et surtout d’hypophosphatémie
ont également été rapportés (Figure 10) (Justin & Hohenhaus, 1995; Macintire, 1997). L’hypophosphatémie pourrait être responsable d’hémolyse de troubles cardiaques et neurologiques (Justin & Hohenhaus, 1995).
Soins intensifs
6 - Alimentation parentérale
L’alimentation par voie parentérale est coûteuse et techniquement délicate à mettre en oeuvre. Elle est
réservée aux cas où le tube digestif doit absolument être laissé au repos, pour des raisons médicales ou
chirurgicales, ou lorsque le chien doit rester couché.
438
6 - Alimentation parentérale
FIGURE 10 - MÉCANISMES PHYSIOLOGIQUES DE L’HYPOPHOSPHATÉMIE
APRÈS UN JEÛNE PROLONGÉ
Réalimentation
après un jeûne
Glucose
Afflux de glucose disponible
Insuline
Énergie
Augmentation de la sécrétion d’insuline
ADP
Cellule
Phosphore
ATP
Activation de la glycolyse et du métabolisme énergétique
Mobilisation massive de phosphore vers les cellules
Risque d’hypophosphatémie
Aspects pratiques
> Préparation
Tous les éléments de la ration sont soigneusement mélangés dans une poche stérile, en respectant l’ordre
suivant: glucose puis acides aminés puis lipides. L’introduction des lipides en dernier évite le risque de
déstabilisation de l’émulsion à cause de la solution glucidique. La poche est ensuite réfrigérée et son
contenu est utilisé en moins de 48 heures, en la connectant au système de perfusion.
> Mise en place des cathéters
Figure 11 - Mise en place d’un cathéter
central par voie jugulaire.
Figure 12 - Le débit important
de la veine cave crâniale permet
une dilution rapide du mélange
administré par voie parentérale.
439
Soins intensifs
© UCD VMTH ICU Service
À cause de leur richesse en glucose et
en acides aminés, les solutés pour alimentation paren térale sont souvent
très hypertoniques. Leur administration doit donc se faire via un cathéter
central, placé dans la veine cave
crâniale (abord jugulaire – Figure 12)
ou caudale (abord par la veine saphène).
Le débit important de ces veines permet
une dilution rapide du mélange administré.
© UCD VMTH ICU Service
Le chien est anesthésié ou seulement tranquillisé s’il est déjà affaibli. Le site d’injection est préparé de manière chirurgicale (Figure 11).
6 - Alimentation parentérale
> Vitesse d’administration
La vitesse d’administration des solutions parentérales est limitée par trois facteurs principaux : le
volume de liquide, son osmolarité et le risque de troubles métaboliques.
> Volume de liquide
Le volume de liquide constitue rarement un problème majeur, sauf chez les chiens présentant une surcharge liquidienne ou lors d’oligurie/anurie, en cas d’insuffisance cardiaque congestive, d’insuffisance
rénale aiguë ou de stade terminal d’insuffisance rénale chronique. Lorsque le volume de liquide est le
facteur limitant, il faut s’efforcer d’augmenter la densité énergétique de la solution en augmentant la
concentration de l’émulsion lipidique si c’est possible.
AJUSTEUR DE PERFUSION (POUR LES SOLUTÉS DE RÉHYDRATATION SEULEMENT)
Clic souris
Étape 1: Poids de l’animal
Clic résultats
35,9 kg
Étape 2: Volume à perfuser
500 mL
10 mL/kg/h
30 gouttes/15 secondes
359,0 mL/h
© La Semaine Vétérinaire et JY. Deschamps
Étape 3: Débit de perfusion souhaité
(10 mL/kg/h recommandé)
Étape 4: Estimation de la durée de perfusion
1 h 23 min
Il existe des logiciels qui permettent de régler le débit de perfusion en nombre de gouttes/15
secondes,et de connaître la durée de la perfusion selon le poids de l’animal, le volume total
à perfuser et le débit horaire souhaité (en mL/kg/h).
> Composition électrolytique
Soins intensifs
La composition électrolytique et le volume d’eau de la solution parentérale peuvent être ajustés pour
permettre de l’utiliser comme un soluté de réhydratation classique et de diminuer le volume total à
administrer. L’utilisation d’une solution à osmolarité élevée augmente le risque de thrombophlébite
(Roongpisuthipong & coll, 1994). La vitesse d’administration aussi est importante: ainsi, une solution
présentant une osmolarité de 650 mOsmol/l administrée par cathéter périphérique à la vitesse normale est bien tolérée (Chan & coll, 2000a; 2002,). Par contre, des études chez l’homme ont montré que
le même soluté administré au double de la vitesse normale ne l’est pas aussi bien (Kuwahara & coll,
1998). Une solution présentant une osmolarité de 1300 mOsmol/L peut être tolérée si elle est administrée à la moitié de la vitesse normale.
440
6 - Alimentation parentérale
> Troubles métaboliques
Les complications métaboliques couramment associées à la nutrition parentérale sont:
- l’hyperglycémie
- l’hyperlipidémie
- le syndrome de réalimentation.
Une hyperglycémie peut être associée à l’administration rapide d’un soluté contenant du glucose qui
dépasse la capacité du pancréas à répondre à l’hyperglycémie et à sécréter des quantités appropriées
d’insuline. L’hyperglycémie est souvent évitée en réduisant la vitesse de perfusion et/ou en administrant de l’insuline (Tableau 2).
TABLEAU 2 - PROTOCOLE DE RÉGULATION DE LA GLYCÉMIE
Protocole Glycémie
Au début, commencer la perfusion à 1/4 à 1/3 de la vitesse cible et habituer le chien selon les conseils ci-dessous, en augmentant la vitesse par paliers de 1/3 à 1/4 de la vitesse cible. La décroissance se fait sur le même
rythme lorsqu’on arrête la perfusion. Il est recommandé de contrôler la vitesse d’administration toutes les
4 heures jusqu’à ce que l’on soit à 100 % de la vitesse cible.
Glycémie (mg/dL)
Mesures
< 70 mg/dL
ou 4 mmol/L
Possibilité de problème avec la mesure, le mode d’administration, la solution et/ou le chien.
Vérifier qu’on administre bien la solution correcte et que le chien n’a pas d’autre raison
de devenir hypoglycémique. Envisager d’augmenter la vitesse d’administration
et/ou la concentration de glucose dans la solution.
< 250 mg/dL
ou 14 mmol/L
Augmenter la vitesse de perfusion jusqu’à 100 % de la vitesse cible si le chien
est en phase d’adaptation. Continuer à la vitesse actuelle si l’on est déjà à 100 %
de la vitesse cible.
250-300 mg/dL ou
14-17 mmol/L
> 300 mg/dL
ou 17 mmol/L
Maintenir la vitesse de perfusion actuelle pendant la période d’habituation. Continuer
à la vitesse actuelle si l’on est déjà à 100 % de la vitesse cible. Réduire la vitesse
d’administration si cette glycémie se maintient à un niveau élevé lors de trois ou quatre
mesures réalisées à intervalles de 4 heures ou si le glucose urinaire est à plus
de 1+ sur une bandelette de test urinaire.
Réduire la vitesse de perfusion. Si la vitesse cible ne peut être atteinte sans dépasser
une glycémie > 300 mg/dl, envisager l’une des 3 solutions suivantes :
1. adopter la vitesse de perfusion la plus élevée que l’animal peut tolérer.
2. ajouter de l’insuline normale à la solution de nutriment (1 unité/10 g de dextrose).
3. diminuer la teneur en dextrose de la solution.
Un contrôle plus strict de la glycémie peut être obtenu si on le souhaite, mais cela peut s’avérer plus difficile
à réaliser.
Un état d’hyperlipidémie peut se développer lorsque la capacité du chien à métaboliser les graisses
administrées est saturée.
Soins intensifs
Le syndrome de réalimentation renvoie à des modifications électrolytiques associées au transport
de glucose aux cellules lors de la réintroduction d’aliment après une anorexie prolongée (voir plus
haut). Pour minimiser la plupart de ces complications, il faut assurer un suivi soigneux et utiliser un
protocole de sevrage.
S’il se produit des cas d’anomalies électrolytiques lors de la réalimentation, il est recommandé de
réduire la vitesse d’administration de la solution et/ou d’en arrêter progressivement l’administration,
tout en corrigeant simultanément les anomalies électrolytiques. Dès que celles-ci ont disparu, l’administration peut être reprise ou accélérée pour satisfaire les besoins énergétiques.
441
6 - Alimentation parentérale
Couverture des besoins nutritionnels
(Tableau 3)
TABLEAU 3 - FICHE TECHNIQUE - ALIMENTATION PARENTÉRALE CHEZ LE CHIEN
1 - DÉTERMINER SI LA SOLUTION DOIT ÊTRE ADMINISTRÉE
PAR VOIE PÉRIPHÉRIQUE OU CENTRALE
Pour la voie périphérique, utiliser une solution de glucose à 5 %. Pour la voie centrale (chez un chien, via un
cathéter jugulaire), utiliserune solution de glucose à 50 %.
2 - SÉLECTIONNER LA RÉPARTITION DES APPORTS CALORIQUES SOUHAITÉE
SUR LA BASE DU % DE L’ÉNERGIE MÉTABOLISABLE (% EM)*
Protéines (% EM)
Matières grasses (% EM)
Glucides (% EM)
Niveau réduit
8-10
20
0-18
Niveau normal
16-18
30-58
20-50
Niveau
augmenté
20-22
60-80
Contre-indiqués
* Une seule catégorie de nutriments à la fois peut être en proportion réduite ou élevée. Donc, les deux autres catégories de nutriments
doivent être dans les limites normales si la troisième est faible ou élevée. L’exception à cette règle est la création d’une solution riche
en matières grasses.
% sélectionné d’EM d’origine protéique
…%
% sélectionné d’EM d’origine lipidique
…%
% sélectionné d’EM d’origine glucidique
…%
TOTAL (DOIT ÊTRE = 100%)
…%
3 - CALCULER LES BESOINS CALORIQUES QUOTIDIENS DU CHIEN HOSPITALISÉ
S’ils doivent être administrés par voie périphérique
(pas en utilisant une solution riche en matières grasses)
S’ils doivent être administrés par voie périphérique
(en utilisant une solution riche en matières grasses) ou centrale
1/2 BER = 35 x (… poids corporel en kg)0,75
= … kcal/jour
BER = 70 x (… poids corporel en kg)0,75 = … kcal/jour
Soins intensifs
4 - CALCULER LE VOLUME QUOTIDIEN DE CHAQUE MACRONUTRIMENT
… % d’EM protéique
x … kcal/jour = … ÷ … kcal/mL pour la solution d’acides aminés
= … mL
… % d’EM lipidique
x … kcal/jour = … ÷ … kcal/mL pour la solution d’émulsion lipidique
= … mL
… % d’EM glucidique
x … kcal/jour = … ÷ … kcal/mL pour la solution de glucose
= … mL
TOTAL ml
442
= … mL
6 - Alimentation parentérale
5 - CONTRÔLER L’OSMOLARITÉ
… mL de solution d’acides aminés
x … mOsmol/mL de solution d’acides aminés
= … mOsmol
… mL de solution d’émulsion lipidique x … mOsmol/mL de solution d’émulsion lipidique
= … mOsmol
… mL de solution de glucose
= … mOsmol
x … mOsmol/mL de solution de glucose
TOTAL mOsmol = … mOsmol
(… Total mOsmol ÷ … Total mL) x 1000 = … mOsmol/L)
Si mOsmol/L > 750 mOsmol/L & la solution à administrer par voie périphérique, augmenter le % d’EM lipidique.
Si mOsmol/L > 1400 mOsmol/L & la solution à administrer par voie centrale, augmenter le % d’EM lipidique.
7 - CALCULER LA QUANTITÉ
DE POTASSIUM
ET DE PHOSPHORE
À AJOUTER
À LA SOLUTION
6 - CALCULER LA DENSITÉ ÉNERGÉTIQUE GLOBALE DE LA SOLUTION
… mL de solution d’acides aminés
x … kcal/mL de solution d’acides aminés
= … kcal
… mL de solution d’émulsion lipidique x … kcal/mL de solution d’émulsion lipidique
= … kcal
… mL de solution de glucose
= … kcal
x … kcal/mL de solution de glucose
Taux de potassium souhaité … mEq/L
x (… Total mL ÷ 1000)
= … mEq de K à ajouter
Taux de phosphore souhaité … mEq/L
x (… Total mL ÷ 1000)
= … mEq de P à ajouter
TOTAL kcal = … kcal
(… Total kcal ÷ … Total mL) x 1000 = … kcal/L)
Une supplémentation en phosphore
doit être envisagée avec prudence
chez les chiens atteints d’insuffisance
rénale. La supplémentation en
potassium doit refléter le statut
potassique du chien.
Si kcal/mL < 0,4 kcal/mL & la solution à administrer par voie périphérique (sans utiliser une solution riche
en matières grasses), vérifier les calculs puis éventuellement augmenter le % d’EM lipidique.
Si kcal/mL < 0,7 kcal/mL & la solution à administrer par voie périphérique (en utilisant une solution riche
en matières grasses), vérifier les calculs puis éventuellement augmenter le % d’EM lipidique et/ou le % d’EM protéique.
Si kcal/mL < 0,9 kcal/mL & la solution à administrer par voie centrale, augmenter le % d’EM lipidique
et/ou vérifier les calculs.
8 - CALCULER LA QUANTITÉ DE COMPLEXE VITAMINES B À AJOUTER À LA SOLUTION
Thiamine
solution à 0,29 mg/1000 kcal
Riboflavine
solution à 0,63 mg/1000 kcal
b. Concentrations et caractéristiques recommandées
pour les différentes catégories de nutriments
mOsmol/mL kcal/mL
Solution d’acides aminés à 8,5 % sans électrolytes
0,78-0,88
0,34
Acide pantothénique
solution à 2,9 mg/1000 kcal
Solution d’émulsion lipidique à 20 %
0,27
2,0
Niacine
solution à 3,3 mg/1000 kcal
Solution de glucose à 5 %
0,25
0,17
solution à 0,29 mg/1000 kcal
Solution de glucose à 50 %
2,52
1,7
Pyridoxine
Vitamine B12
solution à 0,006 mg/1000 kcal
La supplémentation en vitamines liposolubles ou en oligoéléments ne paraît pas indispensable. À moins qu’il n’y ait
une carence spécifique manifeste, le risque de développer
une carence cliniquement significative en deux à trois
semaines est hautement improbable..
c. Recommandations standards pour les chiens
sur une base par g de protéine/100 kcal
Niveau réduit
Niveau normal
Niveau augmenté
< 4,0 g/100 kcal
4,0-8,0 g/100 kcal
> 8,0 g/100 kcal
g de protéine/mL
0,085
REMARQUE : Il existe un débat concernant la quantité d’acides aminés disponible pour
la synthèse des protéines si le besoin énergétique au repos (BER) du chien n’est pas satisfait.
Certains cliniciens couvrent le BER du chien exclusivement à partir des matières grasses
et des glucides, et calculent les besoins en protéines séparément. La contribution énergétique
des protéines est incluse ici dans les calculs de solution parentérale pour être cohérent avec les
méthodes acceptées d’évaluation des régimes oraux/entéraux. Pour déterminer le nombre de
grammes de protéine par 100 kcal, le calcul suivant peut être fait :
…mL de solution d’acides aminés
x … g de protéine par mL de solution d’acides aminés
= … g de protéine
Soins intensifs
a. Il existe une importante variation dans les produits
disponibles. En donner suffisamment pour répondre
aux besoins suivants :
(… g de protéine x … Total kcal)
x 100
= … g de protéine/100 kcal
443
7 - Complications liées à l’alimentation entérale ou parentérale
> Le glucose
Cas d’un chien de 20 kg ; son besoin
énergétique au repos correspond à :
70 x (20)0,75 = 660 kcal.
Un litre de soluté glucosé à 5 %
apporte 200 kcal. Il faudrait donc
3,3 L pour couvrir son BER quotidien,
soit un volume bien supérieur
à celui nécessaire pour assurer
la simple hydratation du chien.
Un tel volume risque 0de provoquer
une thrombophlébite.
> Les acides aminés
La même étude (Chandler & coll, 2000b) a permis de constater que la perfusion d’une solution d’acides
aminés à 5 % se traduit par un bilan azoté positif moyen chez trois chiens en bonne santé. Cependant,
l’efficacité de cette approche thérapeutique demande à être confirmée chez un nombre plus important
de chiens dans un état catabolique avant d’être recommandée.
> Les matières grasses
LES PROTOCOLES DE SUIVI
DE L’ALIMENTATION
PARENTÉRALE DOIVENT
COMPORTER AU MOINS
LES MESURES QUOTIDIENNES
SUIVANTES :
- Poids corporel
- Température
- Pouls
- Fréquences respiratoire
et cardiaque
- Auscultation thoracique
- Contrôle de la sonde
- Glycémie et/ou glucosurie
toutes les 4 heures pendant
la période d’adaptation
- Hématocrite et évaluation du
sérum pour la lipémie ou l’ictère
- Potassium et phosphore
dans les 12 à 24 heures qui
suivent le début de l’administration
- Urémie et albuminémie
dans les 24 heures qui suivent
le début de l’administration,
puis tous les deux à trois jours.
Soins intensifs
Un clinicien a souvent tendance à préférer le glucose dans les solutions utilisées comme fluides de
maintenance, pensant ainsi apporter une certaine assistance nutritionnelle. Lors d’administration
parentérale, la concentration en glucose est cependant plafonnée à 5 % à cause du risque de thrombophlébite due à une solution hyperosmolaire. Un chien ne couvre qu’un tiers de son BER lorsqu’on
lui administre cette solution à la vitesse normale d’entretien. Le glucose à 5 % est supposé favoriser
l’épargne protéique mais certains travaux ont montré que cet effet est insuffisant pour prévenir un bilan
azoté négatif (Chandler & coll, 2000b).
Il est également recommandé
de mesurer le magnésium ionisé
(lorsque c’est possible) dans
les 24 heures qui suivent le début
de l’alimentation, de réaliser
une numération formule
et une batterie de tests biochimiques
tous les deux à trois jours.
En fonction du cas, des radiographies
du thorax et l’analyse des triglycérides sériques peuvent être intéressantes.
444
Le soluté idéal pour l’administration parentérale serait une solution à haute densité énergétique et à
faible osmolarité. Certains prônent donc l’utilisation des émulsions lipidiques: une émulsion lipidique
à 20 % peut fournir 2 kcal/ml avec une osmolarité de 268 mOsmol/L. Bien que le rapport kcal/osmolarité de cette solution soit idéal, il subsiste une inquiétude concernant l’administration excessive de
matières grasses. Une accumulation intravasculaire de lipides chez des enfants prématurés souffrant de
dysfonctionnement hépatique, qui recevaient des émulsions a en effet été rapportée (Levene & coll,
1980; Puntis & Rushton, 1991; Toce & Keenan, 1995).
L’utilisation d’émulsions apportant jusqu’à 80 % du BER à partir des lipides semble bien tolérée par des
chiens non hyperlipidémiques mais cette observation n’a été faite que sur un nombre limité de cas. La
possibilité de couvrir 100 % du BER d’un chien à partir des lipides doit être étudiée de manière plus
approfondie et ne peut encore être recommandée.
7 - Complications liées
à l’alimentation entérale
ou parentérale
Thrombophlébite
Les solutions hyperosmolaires augmentent le risque de thrombophlébite. Pour les vaisseaux périphériques, il est recommandé que les solutions ne dépassent pas 600 à 750 mOsmol/l (Chandler & coll,
2000a; 2002). La vitesse à laquelle les milliosmoles (mOsmol) sont administrées semble être aussi
importante que l’osmolarité de la solution. Une solution contenant 650 mOsmol ne doit pas être
administrée deux fois plus rapidement que la vitesse normale dans le but d’augmenter la quantité de
calories apportée aux chiens par unité de temps. Cette limitation se traduit par la nécessité d’utiliser
des émulsions parentérales avec un rapport énergie/milliosmole élevé, ou de ne couvrir qu’une partie
du besoin énergétique du chien par cette voie. L’utilisation de cathéters en polyuréthane paraît mieux
tolérée pour la nutrition parentérale périphérique. La solution doit être administrée dans des vaisseaux
périphériques non-utilisés précédemment à cet effet (Chan & coll, 2002).
Septicémie
Les solutés de nutrition parentérale représentent un milieu idéal de culture pour les bactéries: pour
minimiser le risque d’infection, ces solutés doivent être préparés et administrés dans des conditions
d’asepsie parfaites.
Hyperglycémie
En médecine humaine, l’administration d’insuline exogène chez des patients hyperglycémiques en soins
intensifs permet de contrôler la glycémie. Le taux de mortalité est alors diminué, grâce à une réduction
de la défaillance multi-organique secondaire au choc septique (Van den Berghe, 2002).
L’effet semble dû au maintien d’une glycémie normale plutôt qu’à l’effet bénéfique de l’insuline
proprement dite, puisque, chez l’homme, une augmentation de l’administration d’insuline présente une
corrélation positive avec les décès (Finney & coll, 2003). Chez les sujets diabétiques, l’hyperglycémie
est responsable de l’affaiblissement la fonction immunitaire en perturbant la phagocytose des leucocytes polynucléaires, en altérant le chimiotactisme, la phagocytose et le “killing” intracellulaire (Watters, 2001). Ceci pourrait en partie expliquer l’incidence plus faible de choc septique chez les chiens
qui reçoivent 50 % de leur BER par voie parentérale périphérique (Chan & coll, 2002), comparée à la
fréquence rapportée dans deux études rétrospectives de nutrition parentérale totale réalisées par
Reuter & coll (1998) et Lippert & coll (1993). Bien que la sélection des chiens joue probablement un
rôle clé dans la probabilité de développer un choc septique, il est possible que l’incidence plus faible
de l’hyperglycémie associée à l’utilisation de la nutrition parentérale soit également importante.
Une fois en place, le cathéter
et la tubulure doivent être préservés
de tout risque de contamination par
voie intra-veineuse.
7 - Complications liées à l’alimentation entérale ou parentérale
© UCD VMTH ICU Service
Une fois en place, le cathéter et la tubulure doivent être préservés de tout risque de contamination et
être réservés à cet usage exclusif. Les médicaments ne doivent pas être administrés par cette voie et
aucun prélèvement de sang ne doit être fait par ce cathéter.
Atrophie des villosités et translocation bactérienne
Les entérocytes dépendent très largement des nutriments présents dans la lumière intestinale comme
sources d’énergie (Ziegler & Young, 1997). Dès lors, l’énergie disponible pour les entérocytes est réduite
lors du recours à l’alimentation parentérale. Cette réduction se traduit par une dégénérescence
cellulaire et une atrophie des villosités, qui augmentent la perméabilité intestinale.
La perte de l’intégrité de la muqueuse aggrave le risque de voir des bactéries intestinales passer dans
la circulation sanguine, phénomène appelé translocation bactérienne (Steinberg, 2003). Il existe un
débat quant à savoir si et quand elle se produit, mais chez l’homme, elle a habituellement lieu après
une période prolongée d’alimentation parentérale et peut ne pas être aussi significative que les essais
sur rongeurs ne l’indiquent (Alpers, 2002).
Les moyens de prévenir au mieux l’atrophie des villosités et la translocation bactérienne sont actuellement étudiés. Si quelques essais chez l’homme et chez l’animal ont montré l’intérêt d’une perfusion
de glutamine, d’autres études n’ont rien mis en évidence (Buchman, 1999; Marks & coll, 1999).
De plus, il faut tenir compte de contre-indications éventuelles, telles qu’une insuffisance rénale ou
hépatique (en particulier un état d’encéphalose hépatique).
Iléus paralytique
Soins intensifs
Un iléus paralytique est une séquelle fréquente de l’anorexie, surtout chez les chiens recevant une alimentation parentérale. L’alimentation entérale peut diminuer ce risque dans la mesure où les signaux
hormonaux et neurologiques sont rétablis par la présence de nutriments dans la lumière intestinale.
L’iléus paralytique ne se produit pas systématiquement. Chez de nombreux chiens, les réflexes péristaltiques normaux se maintiennent, car des pressions élevées sont générées pendant les états de jeûne
(Heddle & coll, 1993). Ces observations ont des implications pour les chiens qui ont subi une intervention chirurgicale intestinale.
L’habitude de mettre l’intestin au repos pour éviter une fuite à travers les sites d’entérotomie ou
d’entérostomie pourrait donc s’avérer erronée. Ces éléments militent en faveur d’une alimentation
entérale précoce après une intervention chirurgicale abdominale majeure plutôt qu’une nutrition
parentérale (Braga & coll, 1998; 2002).
445
Conclusion
Conclusion
- Une alimentation assistée est indiquée chez les chiens présentant une anorexie prolongée, une perte
de poids récente non liée à la déshydratation, une mauvaise condition physique et une hypoalbuminémie que l’on ne peut corriger.
- Une alimentation assistée peut améliorer la fonction immunitaire, la cicatrisation des plaies, la
réponse au traitement, le temps de convalescence et de survie.
- Le choix de la voie d’administration et du régime utilisés pour l’alimentation assistée doit être basé
sur la tolérance du chien et la prévention des effets secondaires indésirables.
- Il se peut que l’administration de macronutriments simples ne soit pas adéquate pour répondre aux
besoins énergétiques et nutritionnels du chien, et ils peuvent n’avoir qu’un effet d’épargne protéique
limité.
- La vitesse d’administration de l’alimentation assistée doit être compatible avec la nécessité de couvrir le besoin énergétique au repos du chien sans augmenter le risque de surcharge digestive ou de
complications métaboliques telles que l’hyperglycémie, l’hyperlipidémie et le syndrome de réalimentation.
Soins intensifs
- Le suivi des chiens sous assistance nutritionnelle vise à prévenir les complications indésirables et à
favoriser la réussite du traitement
446
Références
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447
Soins intensifs
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© Lanceau
Informations nutritionnelles Royal Canin
L’alimentation en période d’hospitalisation fait partie intégrante du traitement.
La malnutrition retarde la convalescence du chien.
Points clés
à retenir à propos de :
Soins intensifs
L’alimentation des chiens
en soins intensifs
• Idéalement, un chien doit garder un
poids stable pendant une période
d’hospitalisation (voire prendre du
poids si nécessaire). Une pesée quotidienne est impérative. L’alimentation
assistée s’impose pour une période
de jeûne (réelle ou prévue) supérieure ou égale à 3 jours.
• Le besoin énergétique d’un chien
hospitalisé peut être comparé à celui
d’un chien au repos. Sa valeur est
estimée au minimum à :
70 kcal/kg (Poids Corporel)0,75.
• La voie entérale est de loin la
meilleure solution pour l’alimentation assistée : elle évite l’atrophie
des villosités intestinales et permet
une récupération plus rapide.
Lorsque l’alimentation entérale est
impossible, la durée de mise au repos
de l’intestin doit être réduite au
minimum.
• Priorité doit être donnée à la
concentration énergétique du régime,
afin de limiter les volumes de repas.
L’idéal consiste à pouvoir associer densité énergétique élevée et suspension
facile dans l’eau.
448
Il faut cependant tenir compte des
variations individuelles pouvant faire
augmenter ce besoin de 30 %.
• L’apport protéique doit être suffisant pour maintenir une balance
azotée positive. 30 à 50 % des calories
totales apportées par les protéines
permettent de lutter contre la perte
de masse maigre.
• Attention aux solutions trop riches
en glucose qui peuvent favoriser une
hyperinsulinémie et une hyperglycémie. Ne pas dépasser 10 à 25 % des
calories totales sous forme glucidique.
• Le bilan hydro-électrolytique doit
être très surveillé chez un animal en
soins intensifs : en particulier les
valeurs du potassium, le phosphore
et le magnésium. Des solutés de
réhydratation permettent de corriger certaines carences en électrolytes.
Informations nutritionnelles Royal Canin
AVANTAGES ET INCONVÉNIENTS DES DIFFÉRENTS TYPES D’ALIMENTATION ENTÉRALE OU PARENTÉRALE
AVANTAGES
INCONVÉNIENTS
INDICATION
Alimentation à la main
- Simplicité
- Absence de stress
pour le chien
- Long
- Applicable dans certains cas
seulement
Alimentation de très courte
durée
Utilisation d’orexigènes
Peu de manipulations
Hépato-toxicité possible
Alimentation de courte durée
(2-3 jours)
Alimentation par voie
naso-œsophagienne
- Sonde facile à poser
- Technique non invasive
- Tranquillisation minime
- Peu de complications
- Sonde pas toujours bien tolérée
- Collerette obligatoire
- Alimentation liquide
Alimentation jusqu’à 2
semaines
Alimentation par voie
œsophagienne
- Mise en place facile et rapide
de la sonde
- Pas de collerette obligatoire
- Pas d’irritation nasale
- N’empêche pas le chien
de manger
Alimentation par voie
gastrique
Alimentation par voie
jéjunale
Alimentation par voie
parentérale
- Sonde facile à maintenir
en place
- Peu de complications
- Équipement spécial requis
Plusieurs semaines
d’alimentation assistée
- Anesthésie générale obligatoire
- Risque d’infection au site
d’insertion
Plusieurs mois d’alimentation
assistée
Shunt du pancréas et d’une
partie du tube digestif
- Anesthésie générale obligatoire
- Mise en place délicate
de la sonde
- Soins intensifs requis
- Solutions nutritionnelles purifiées
Pathologie du duodénum
ou de l’intestin grêle
Permet un soutien nutritionnel
lors de chirurgie digestive
ou d’affection digestive grave
- Coût
- Surveillance constante
- Risques majeurs : troubles
métaboliques, thrombophlébite,
septicémie, atrophie des villosités
intestinales, iléus paralytique
Toute situation où le tube
digestif doit être au repos
Soins intensifs
TYPE D’ALIMENTATION
449
Informations nutritionnelles Royal Canin
Gros plan sur :
LA GLUTAMINE
L’intensification de la néoglucogenèse accélère le catabolisme de la
glutamine chez un animal stressé.
En présence de ce besoin accru, la
synthèse musculaire risque d’être
insuffisante et la concentration
sanguine en glutamine chute. Même
si elle ne fait pas partie de la liste des
acides aminés indispensables, la glutamine peut donc le devenir dans
certaines situations.
La glutamine exerce de multiples
fonctions : elle participe à maintenir
l’équilibre acido-basique, c’est un
précurseur des bases puriques et
pyrimidiques, elle régule certaines
synthèses hépatiques, participe aux
processus de détoxification…
La glutamine est un substrat particulièrement important pour les cellules
qui se divisent rapidement, comme
celles du tube digestif et du système
immunitaire.
FORMULE CHIMIQUE DE LA GLUTAMINE
H
O
C
N
Soins intensifs
La glutamine est utilisée par les
cellules de la muqueuse intestinale
produisant des immunoglobulines A.
Un faible apport associé à une
demande forte chez des animaux en
phase critique peut affecter l’intégrité
de la barrière intestinale, avec pour
Référence
Elliott D – Parenteral nutrition. Scientific
Proceedings WSAVA – FECAVA 2004 ;
HVMS World Congress, Rhodes (Greece).
450
conséquence un risque accru de
translocation bactérienne et d’infection systémique.
Bien que la glutamine soit recommandée pour prévenir l’atrophie des
villosités intestinales (250 à 500 mg/kg/
jour), elle n’est pas systématiquement incorporée dans les solutés de
nutrition parentérale car les préparations à usage intraveineux sont difficiles à obtenir (Elliott, 2004).