Article 1 L`équipement militaire des guerriers germanique

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Article 1 L`équipement militaire des guerriers germanique
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Article N°1, 1er juin 2006
Titre :
L’équipement militaire des guerriers germaniques
au début du Ier siècle de notre ère
Par Cédric Chadburn,
Professeur d’histoire.
(Photos Limitis)
Introduction :
Les Germains étaient probablement originaires du sud de la Scandinavie. Entre 1000 à 900 av. J.-C., les
tribus qui devaient former plus tard les «Germains» commencèrent leur migration vers le sud. Ils avancèrent
alors en un large front qui couvrait l’aire comprise entre l’axe rhénan et la Vistule. Vers 500 av. J.-C., ils
avaient déjà atteint le Rhin dans la région des Pays-Bas actuels. Les premiers contacts avec le monde
celtique et méditerranéen furent violents. Vers 110, les Ambrons, les Cimbres et les Teutons envahissent la
Gaule. Ils sont vaincus par le général romain Marius en 101. Jules César dût de nouveau faire face à
l’invasion des Germains du Suève Arioviste. Il réussit à les stopper à Bibracte en 58 avant notre ère. En 9 de
notre ère, les trois légions du légat de Germanie Varus furent complètement anéanties par les Germains
d’Arminius. La Germanie échappa alors définitivement à la domination de Rome.
Les peuples germaniques nous sont connus principalement à travers les œuvres de l’historien romain Tacite
(La Germanie), du géographe grec Strabon (Géographie, Livre II et Livre IV) et des écrits du naturaliste
Pline l’Ancien (Histoire Naturelle). Les Germains de Rhénanie (établis entre le Rhin et le Weser)
regroupaient de nombreuses tribus comme les Chérusques, les Bataves, les Bructère, les Chamaves, les
Chattes, les Ubiens et les Sicambres. Les Chauques, les Angles, les Jutes, les Warnes, les Frisons et les
Saxons appartenaient au groupe des Germains de la mer du Nord tandis que les Marcomans, les Quades, les
Hermundures, les Semmons et les Lombards au groupe des Germains de l’Elbe. Notre étude concernera
essentiellement les peuples germaniques occidentaux. Elle aura pour but de déterminer l’équipement
militaire des Germains au début du premier siècle de notre ère.
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Plan : L’équipement militaire des guerriers germaniques
au début du Ier de notre ère.
I) LES BOUCLIERS
A) La taille et la forme
B) Les couleurs
C) Les matériaux
II) LES ARMES BLANCHES
A) Les javelines et les lances
B) Les épées
C) Les haches de combat et les couteaux
D) Les matériaux
III) LES CHEVAUX
A) Les chevaux
B) L’harnachement
IV) LES VÊTEMENTS
A) Les manteaux et les tuniques
B) Les couleurs
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L’équipement militaire des guerriers germaniques
au début du premier siècle de notre ère
Par Cédric Chadburn,
Professeur d’histoire
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Introduction :
Les Germains étaient probablement originaires du sud de la Scandinavie. Entre 1000 à 900 av. J.-C., les
tribus qui devaient former plus tard les «Germains» commencèrent leur migration vers le sud. Ils avancèrent
alors en un large front qui couvrait l’aire comprise entre l’axe rhénan et la Vistule. Vers 500 av. J.-C., ils
avaient déjà atteint le Rhin dans la région des Pays-Bas actuels. Les premiers contacts avec le monde celtique
et méditerranéen furent violents. Vers 110, les Ambrons, les Cimbres et les Teutons envahissent la Gaule. Ils
sont vaincus par le général romain Marius en 101. Jules César dût de nouveau faire face à l’invasion des
Germains du Suève Arioviste. Il réussit à les stopper à Bibracte en 58 avant notre ère. En 9 de notre ère, les
trois légions du légat de Germanie Varus furent complètement anéanties par les Germains d’Arminius. La
Germanie échappa alors définitivement à la domination de Rome.
Les peuples germaniques nous sont connus principalement à travers les œuvres de l’historien romain Tacite
(La Germanie), du géographe grec Strabon (Géographie, Livre II et Livre IV) et des écrits du naturaliste Pline
l’Ancien (Histoire Naturelle). Les Germains de Rhénanie (établis entre le Rhin et le Weser) regroupaient de
nombreuses tribus comme les Chérusques, les Bataves, les Bructère, les Chamaves, les Chattes, les Ubiens et
les Sicambres. Les Chauques, les Angles, les Jutes, les Warnes, les Frisons et les Saxons appartenaient au
groupe des Germains de la mer du Nord tandis que les Marcomans, les Quades, les Hermundures, les
Semmons et les Lombards au groupe des Germains de l’Elbe. Notre étude concernera essentiellement les
peuples germaniques occidentaux. Elle aura pour but de déterminer l’équipement militaire des Germains au
premier et au IIe siècle de notre ère.
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I) LES BOUCLIERS
A) La taille et la forme des boucliers
Selon l’historien latin Tacite, les guerriers germaniques
ne portaient aucune protection en dehors du bouclier.
« Les Germains n’avaient ni cuirasses ni casques (…). »
(Tacite, Annales, II, XIV)
« Mais la coutume veut que nul ne prenne les armes
avant que la cité ne l’en ait reconnu capable. Alors, dans
l’assemblée même, un des chefs ou le père ou ses proches
décorent le jeune homme du bouclier et de la framée :
c’est là leur toge, ce sont là les premiers honneurs de
leur jeunesse (…) » (Tacite, La Germanie, XIII).
Le jeune germain recevait son bouclier lors d’une cérémonie qui marquait le passage de l’enfance à l’age
adulte. Ils étaient donc un élément essentiel de l’équipement militaire. Sa perte, lors d’une bataille, était
vécue comme un véritable déshonneur.
Quelle était la taille de ces boucliers ? Leur dimension pouvait être supérieure à celui des boucliers romains
et protéger complètement les fantassins des traits adverses:
« Les immenses boucliers des barbares (…) n’étaient
point, entre les arbres et au milieu des broussailles
d’un usage aussi commode que le pilum, l’épée et une
armure serrée contre le corps (…). » (Tacite, Annales,
II, XIV)
« Réunis par groupes de trois cents, tantôt plus tantôt
moins, s'abritant sous leurs boucliers et se tenant
debout, inaccessibles, parce qu'ils étaient comme
enfermés sous ces boucliers ; mais ne se mouvant
qu'avec peine, parce qu'ils étaient pressés les uns
contre les autres, ils ne purent rien faire ; mais ils
n'eurent rien à souffrir. »
(Dion Cassius, Histoire romaine, Livre XXXVIII)
Ils étaient suffisamment grands pour permettre aux Cimbres de
s’en servir pour dévaler des pentes enneigées :
« (…) ils méprisaient tellement leurs ennemis, et les
insultaient si ouvertement, que sans aucune nécessité,
et seulement pour faire parade de leur audace et de
leur force, ils s'exposaient tout nus à la neige,
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grimpaient sur les montagnes, à travers des monceaux de neige et de glace ; et parvenus au sommet,
ils s'asseyaient sur leurs boucliers, et glissant le long des rochers, ils s'abandonnaient à la rapidité de
la pente sur le bord de précipices d'une profondeur effrayante. » (Plutarque, Vie de Marius, 24).
Ils pouvaient également être de taille plus réduite comme ceux découverts à
Hjortsring (IVe siècle avant J.-C) dans l'île d'Ales en face de la côte orientale du sud
du Jutland (Danemark) dont la longueur varie de 61 à 88 cm et la largeur entre 22 et
52 cm. Les boucliers les plus larges mesurent 88cm sur 50cm et les plus petits 66cm
sur 29cm.
On retrouve également des boucliers similaires sur les gravures rupestres de
Tanum (région du Bohuslän) datant de l’âge du Bronze (1800-500 av.J-C),
sur la côte Ouest de la Suède.
D’après les sources iconographiques romaines d’époque impériale, la forme des boucliers était très variée :
ronds, rectangulaires ou hexagonaux. A Neumagen, des reliefs montrent des prisonniers germains assis parmi
un amoncellement de boucliers ronds, hexagonaux et hémisphériques tandis que les auxiliaires germains sur
la colonne de Trajan portent des boucliers ovales.
Les stèles funéraires de soldats découvertes dans les provinces romaines de Germanie (Supérieure et
Inférieure) représentent souvent des cavaliers terrassant des barbares (germaniques ?) dotés de boucliers aux
formes arrondies ou hexagonales. Ces boucliers sont sans doute très proches de ceux utilisés par les
Germains combattant contre Rome.
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Détail du bouclier
de la stèle de Reburrus
Détail du bouclier
de la stèle de Titus Flavius Bassus
Détail du bouclier
de la stèle de Annauso
Détail du bouclier
de la stèle de Leubius Claudi
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La stèle « d’Imerix » de l’Ala Hispanorum (milieu Ier
siècle de notre ère) représente un Batave (germain)
combattant comme auxiliaire dans l’armée romaine. Il
porte un bouclier hexagonal proche de ceux représentés
sur les stèles funéraires découvertes près du limes
germanique. Ce type de bouclier présentait l’avantage
de protéger le flanc gauche du cavalier lorsque ce
dernier pivotait vers la droite après une charge (Tacite,
La Germanie, VI).
Tacite indique que les Ruges et les Lémoviens possédaient des boucliers ronds :
« Au-delà des Lygiens, les Gotons sont assujettis à des rois, déjà un peu plus étroitement que les
autres nations des Germains, pourtant sans humilier encore la liberté. Plus loin, ensuite, en partant
de l’Océan, Ruges et Lémoniens ; la caractéristiques de toutes ces nations, ce sont les boucliers
ronds, les glaives courts et l’obéissance à des rois».
(Tacite, La Germanie, XLIV).
La taille et la forme des boucliers germaniques étaient donc loin d’être uniforme et variaient certainement
d’une tribu à l’autres :
« (…) ils s’arrangent pour capturer un guerrier appartenant à la nation ennemie, puis les mettent aux
prises avec un champion choisi parmi les leurs, chacun ayant ses armes nationales ». (Tacite, La
Germanie, X)
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D’après les stèles funéraires, on peut distinguer deux types de boucliers :
Stèle
Stèle de Annauso
Référence : CIL XIII 7025
Auxiliaire de l’Ala II Flavia Gemina
Découverte à Mainz (Moguntiacum, Germania superior)
Stèle de Leubius Claupi
Référence : CIL XIII, 11709
Auxiliaire de l’Ala Sebosiana
Découverte à Worms (Germania Superior)
Stèle de Reburrus
Référence : Schillinger 162
Auxiliaire de l’Ala Frontoniana
Découverte à Bonn (Germanie Inferior)
Stèle de Quintus Carminius Ingenuus
Référence : CIL XIII 6233
Auxiliaire de l’Ala Hispanorum
Découverte à Worms (Germania Superior)
Stèle de Imerix
Référence : AE 1971
Auxiliaire de l’Ala Hispanorum
Découverte en Croatie
Stèle de Titus Flavius Bassus
Référence : CIL XIII 8308
Auxiliaire de l’Ala Noricorum
Découverte à Cologne
(Colonia Claudia Ara Agrippinensium, Germania inferior)
Forme
Date
Seconde moitié du Ier siècle de notre ère
Hexagonale
?
54-68
?
Milieu du Ier siècle de notre ère
Ovale
Période flavienne
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B) Les couleurs
Les fouilles archéologiques, notamment celles de Vaedebro près de Skanderborg (Danemark), ont livré un bouclier ovale avec des traces de
peintures. Les restes de six boucliers ont été découverts en Scandinavie, dont trois sont entièrement bleus, les autres bleus et rouges. Cela
confirme les informations rapportées par l’historien romain Tacite :
La Germanie
Annales
« Aucune ostentation dans leur équipement ; ils rehaussent « Les Germains n'avaient ni cuirasses ni casques ; leurs boucliers
mêmes, sans cuir ni fer qui les consolidât, n'étaient que de simples
seulement leurs boucliers de couleurs choisies avec soin»
tissus d'osier, ou des planches minces, recouvertes de peinture. »
(Tacite, La Germanie,VI).
(Tacite, Annales, Livre II, 14).
« Quant aux Haries, s'ils dépassent en force physique les tribus
que je viens d'énumérer, ils sont avant tout des êtres sauvages
qui se complaisent dans leur cruauté innée en recourant à des
artifices et en choisissant leur moment. Ils se couvrent de
boucliers noirs, se teignent la peau pour attaquer au cours de
nuits enténébrées. L'effroi même que suscite cette funèbre armée
d'ombres répand la terreur. »
(Tacite, La Germanie, Livre XLIII).
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C) Les matériaux
Selon Tacite, le bouclier était constitué d’un simple assemblage de planches plates:
« (…) leurs boucliers mêmes, sans fer ni cuir qui les consolidât, n’étaient que de simples tissus
d’osier, ou des planches minces (…)
(Tacite, Annales, Livre II, XIV)
César décrit également des boucliers similaires parmi les Atuatuques, peuple d’origine germanique :
« (…) les uns prirent donc les armes qu’ils avaient gardées et cachées, les autres, des boucliers
d’écorces ou d’osier tressé, qu’ils avaient subitement, car le temps pressait, garnis de peaux (…) ».
(César, Bellum Gallicum, II, XXXIII)
Les boucliers découverts à Hjortspring sont également en bois. Ils sont formés d’une seule pièce ou de deux
ou trois planches assemblées avec des tenons et de la résine.
Les umbos sont également en bois. Ils ont été rajoutés puis fixés
avec de la résine ou sculptés dans le bouclier lui-même.
Les umbos étaient-ils exclusivement en bois ? Des umbos en fer ont été découvert dans les fossés d’Alésia ou
sur d’autres sites gaulois du Ier siècle av.J.-C. L’oppidum de La Cloche aux Pennes-Mirabeau a également
livré un umbo germanique. D’autres exemples peuvent être cités pour le Haut-Empire, que ce soit en
Narbonnaise (umbo de Lavérune, Hérault) ou plus près du domaine germanique (bordure de bouclier
d’Augst : Deschler-Erb 1992). Ils sont généralement de forme circulaire avec des spécificités comme le
montre l’umbo de la tombe de Berry-Bouy à Fontillet (Cher) et celui découvert à Lavérune dans l’Hérault. Ils
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étaient généralement de forme circulaire comme le montre les différents umbos découverts en Allemagne.
Concernant les umbos « en pointe », il est difficile de savoir s’ils équipaient les boucliers des soldats au Ier
siècle ou si l’usage en était plus tardif.
A : Hamburg
B : Gotland
C : Gotland
D: Hamfelde
E: Vimose
F: Gotland
Les fouilles archéologiques sur le site
d’Illerup (site A), au Danemark près de
Skanderborg dans l'est du Jutland, ont
permis de mettre à jours des umbos en
argent, en alliage cuivreux et en fer. La
plupart sont en fer (300 exemplaires)
contre seulement 5 à 6 en argent. Si ces
découvertes sont postérieures à la période
qui nous intéresse (début du IIIe siècle de
notre ère), elles démontrent que
l’armement était loin d’être homogène
selon le statut social du guerrier.
L’umbo constituait donc un élément de
différenciation sociale parmi les guerriers
germaniques. Au début du premier siècle
de notre ère, la rareté du fer dans
l’armement des Germains implique
cependant que les umbos devaient être le
plus souvent en bois. Les guerriers
occupant un rang social élevé étaient sans
doute les seuls à posséder des umbos
métalliques.
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II) LES ARMES BLANCHES
A) Les lances et les javelots
Selon Tacite, l’arme par excellence des Germains, fantassins et cavaliers, était la pique (framée):
« (…) ils portent des piques ou, comme ils les appellent, des framées
au fer étroit et court mais si pointu et si bien adapté à son usage que
la même arme, selon les besoins, leur sert à combattre de près ou de
loin ».
(Tacite, La Germanie, VI).
«Quant au cavalier, il se contente du bouclier et de la framée (….) »
(Tacite, La Germanie, VI).
« Les Chérusques, au contraire, avaient pour eux l’habitude de
combattre dans les marais, une haute stature et la distance où leurs
longues piques pouvaient faire des blessures ». (Tacite, Annales,
Livre 1, LXIV).
« Egaux par la bravoure, les Germains étaient inférieurs par la
nature du combat et celle des armes. Resserrés dans un espace trop
étroit pour leur nombre immense, ne pouvant ni porter en avant et
ramener leurs longues piques (…). (Tacite, Annales, Livre 2,
XXI).
Cette pique ne devait pas être trop lourde afin de
permettre au cavalier de la tenir d’une seule main.
La stèle du Batave Imerix semble confirmer le récit
de Tacite. D’autres stèles, comme celle du cavalier
dalmate Dazas (fin Ier/début IIe siècle) de la
Cohorte VI Delmatarum Equitata, représentent des
cavaliers tenant une courte lance d’une main et de
l’autre un bouclier hexagonal.
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Les fantassins germaniques étaient également équipés de courtes javelines ou des
pointes durcies au feu :
« Leur première ligne, après tout, était seule armée de piques ; le reste n'avait que
des bâtons durcis au feu ou de très courts javelots. » (Tacite, Annales, Livre II,
14).
« (…) les fantassins font aussi voler des javelots, chacun plusieurs, et ils les dardent
à des distances énormes (…) » (Tacite, La Germanie, VI).
Les pointes des javelines étaient en cuivre, en bronze, en pierre ou en fer.
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B) Les épées
Si les boucliers et les piques étaient d’un usage courant, les guerriers germaniques portaient-ils une épée ?
Selon Tacite, cette arme n’était pas d’un usage courant pour les peuples germaniques. Elle semblait plutôt
réservée à une élite.
« Rares sont ceux qui emploient le glaive ou la grande lance (…)»
(Tacite, Annales, La Germanie VI).
« Ces cadeaux ne sont pas choisis pour plaire à des dames ni destinés à parer une jeune mariée. Que
non! Ce sont des bœufs, un cheval harnaché et un bouclier ainsi qu'un glaive et une framée». (Tacite,
La Germanie, XVIII).
Par contre, les récits de Florus, de Dion Cassius ou de Plutarque (Vie de Marius, 20), montrent que l’épée
était une arme répandue dans l’équipement militaire des guerriers germaniques :
« Mais les Germains depuis longtemps regrettaient de voir leurs épées rouillées et leurs chevaux
oisifs. » (Florus, IV, XII)
« Les Romains, ayant vu les Germains sortir de leurs tentes, ne restèrent point tranquilles : ils firent
un mouvement en avant, ne leur donnèrent point le temps de se mettre en ordre de bataille, fondirent
sur eux, en criant, et prévinrent ainsi la décharge des traits dans laquelle ces barbares plaçaient
toute leur confiance. On en vint aux prises de si près, que les Germains, ne pouvant se servir leurs
piques, ni de leurs épées longues, se pressaient contre leurs adversaires et combattaient plus avec
leurs corps qu'avec leurs armes ; s'efforçant tantôt de repousser celui qui les attaquait, tantôt de
culbuter celui qui leur tenait tête ». (Dion Cassius, Histoire romaine, XXXVIII, 50).
Tacite lui-même précise que certaines tribus comme les Ruges et les Lèmoviens portaient une courte épée et
que les jeunes garçons germaniques simulaient des combats par une « danse de l’épée »:
« Au-delà des Lygiens, les Gotons sont régis par un pouvoir royal un peu plus contraignant que pour
toutes les autres nations, mais pas encore au point de mettre en jeu leur liberté. Ensuite, en
continuant du côté de l'Océan, on trouve les Ruges et les Lémoviens. Tous ces peuples se
caractérisent par leurs boucliers ronds, leurs glaives courts et leur soumission à des rois ».
(Tacite, La Germanie, XLIV, 1).
« Ils ne connaissent qu'un seul genre de spectacle, toujours le même, lors de toute réunion. Des
jeunes gens nus, pour lesquels c'est un divertissement, se lancent en sautant entre des glaives et des
framées tournées contre eux. L'exercice les rend habiles, l'habileté embellit leurs gestes. Ils ne font
pas cela pour en tirer profit ou recevoir un prix. Leur audace, si débridée soit-elle, n'est récompensée
que par le seul plaisir des spectateurs ».
(Tacite, La Germanie, XXIV).
Les épées étaient probablement suspendues sur le côté droit à la manière des guerriers celtes dont l’armement
devait être très proche. En effet, le géographe Grec Strabon affirme que les Germains et les Celtes se
ressemblaient autant par leur nature que par leurs institutions politiques, avant la conquête de la Gaule par
Jules César. Il va même plus loin en déclarant :
« Ils sont d’ailleurs apparentés par le sang et habitent un pays séparé du leur seulement par le Rhin
et très semblable sous presque tous les rapports. Tout au plus notera-t-on que la Germanie est située
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plus au Nord si on compare ses parties méridionales et septentrionales respectivement avec les
parties méridionales et septentrionales ».
(Strabon, Géographie, IV, 4, 2)
La différence entre Celtes et Germains, pour de nombreux auteurs anciens, n’était pas toujours très tranchée.
Pour Strabon, les Cimbres étaient des Germains tandis que l’écrivain Orose (Orose, V, 16, 14) y voyait des
Celtes. D’ailleurs, les relations étaient souvent étroites entre Germains et Celtes :
« En 642 après la fondation de Rome, le consul Cn. Manlius et le proconsul Q. Cépion, envoyés
contre les Cimbres, les Teutons, les Tigurins et les Ambrons, des tribus de Gaulois et de Germains qui
s’étaient alors alliés pour détruire la puissance romaine, répartirent entre eux les provinces de part
et d’autre du Rhône. » (Orose, V, 16, 1)
Les Belges signèrent même un traité d’amitié avec les Cimbres après les avoir repoussés. Cette difficulté a
distingué clairement les tribus germaniques des tribus celtiques peut révéler l’ignorance des Romains et des
Grecs du monde germanique mais aussi les liens étroits existant entre le monde celtique et germanique avant
la conquête de la Gaule par les Romains.
L’usage de l’épée n’est donc pas à exclure de l’équipement militaire des Germains même si elle reste une
arme probablement réservée aux milieux « aristocratiques » en Germanie.
Par contre, Tacite dans sa Vie d’Agricola rapporte que certaines tribus germaniques, combattant dans l’armée
romaine (les auxiliaires Bataves et les Tongres), faisaient usage d’épées à la fin du premier siècle de notre
ère :
« Agricola invita quatre cohortes de Bataves et deux de Tongres à en venir au corps à corps, en
pointant de l’épée ; ils y étaient exercés de longue date, et les ennemies y étaient malhabiles, portant
de petits boucliers et des épées démesurées ; car les épées sans pointe des Bretons ne permettaient
pas le croisement du fer et le combat rapproché ». (Tacite, Vie d’Agricola, XXXVI)
Ces épées courtes semblent être proches de celles des Romains. Doit-on y voir l’influence de l’armement
romain ? En effet, chaque cohorte auxiliaire était placée sous le commandement d’un centurion pour
l’instruction militaire. Pourtant, Tacite précise que ces tribus étaient entraînées depuis de longue date aux
maniements de l’épée. Doit-on alors y voir des épées typiquement germaniques ? Difficile d’y répondre.
Malgré tout, il est indéniable que l’épée était d’un usage fréquent parmi les guerriers germaniques combattant
dans l’armée romaine à la fin du premier siècle.
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C) Les haches et les couteaux
L’épée n’était pas la seule arme utilisée par les Germains. Ils
étaient aussi équipés d’haches de combat. Ces armes étaient d’un
usage courant dans les pays germaniques à l’époque du bronze
tardif nordique (800-500 av.J.-C) et contemporain du Premier Age
du Fer (période de Hallstatt, 750-450 av.J.-C).
En Scanie (Suède), des tertres
funéraires ont révélé des dalles gravées
sur lesquelles sont représentées
plusieurs haches de combat.
La situation était-elle identique au cours du second Age du Fer (période de La Tène) ? Plutarque souligne la
présence de telles armes parmi la tribu des Ambrons au Ier av.J-C.:
« Leurs femmes, étant sorties au-devant d'eux avec des épées et des haches, grinçant les dents de
rage et de douleur, frappent également et les fuyards et ceux qui les poursuivent ; les premiers comme
traîtres, les autres comme ennemis. Elles se jettent au milieu des combattants, et de leurs mains nues
s'efforcent d'arracher aux Romains leurs boucliers, saisissent leurs épées, et, couvertes de blessures,
voient leurs corps en pièces, sans rien perdre, jusqu'à la mort, de leur courage invincible. Ce premier
combat, donné sur le bord du fleuve, fut plutôt l'effet du hasard que de la volonté du général. »
(Plutarque, Vie de Marius, 20)
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Quelle était la situation au début du premier siècle de notre ère ? Un disque en argent d’une enseigne
militaire trouvé à Niederbieber représente un amoncellement d’armes germaniques. Ce disque en argent date
du règne de Tibère (14-37) ou de Caligula (37-41).
Disque en argent de Niederbieber
Plusieurs haches de combat sont ainsi représentées. Elles sont très proches de celles utilisées en Scandinavie
au cours de l’âge du Bronze :
Détail des haches de combat
du disque de Niederbieber
Au IIe siècle, la hache faisait partie de l’armement des Quades et des Marcomans d’après les bas-reliefs de la
colonne de Trajan et de la colonne antonine. La faiblesse des sources littéraires et archéologiques ne permet
cependant pas d’en généraliser l’usage au sein de tous les guerriers germaniques. Il semble que cette arme
était d’un usage plus courant à la fin du Ier siècle.
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Les Germains portaient également un grand couteau à tranchant unique comme l’indique l’étymologie du
mot saxon. Le nom de ce peuple germanique provient du mot « Seaxan » lequel est dérivé du mot « Sahs »
qui signifie épées ou couteaux. Ils mesuraient 46 cm de long d’après ceux découverts à Hjortspring. Plusieurs
de ces armes ont été trouvées en Rhénanie et en Belgique :
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Belgique
Rhénanie
La hache et le couteau n’étaient pas les seules armes des Germains :
« …ils lancèrent des pierres, des balles et tous les traits d’usage pour commencer la bataille, nos
soldats ne s’engageaient pas dans le marais, et les Germains les provoquaient, pour les y entraîner».
(Tacite, Histoires, Livre V, XVII).
D) Les matériaux
Quel était le métal utilisé pour la fabrication des armes blanches ? Tacite souligne que le fer était peu
abondant dans l’armement des Germains (La Germanie, VI) tandis que Pline l’Ancien (Histoire Naturelle,
XXXIV, 144-145) ne mentionne pas l’existence d’un quelconque fer d’origine germanique. Dion Cassius
précise que les glaives romains étaient en acier à la différence des épées celtiques et probablement des épées
germaniques :
« Après avoir longtemps combattu de cette manière, les Romains eurent enfin le dessus, mais bien
tard. Leurs épées courtes, plus petites que celles des Gaulois et dont la pointe (la lame) était en acier,
leur furent très utiles. D'ailleurs, plus faits à supporter longtemps 1a même fatigue, ils tinrent ferme
bien mieux que les Barbares, qui avaient moins de persévérance que d'élan dans le premier choc.
Voilà ce qui causa la défaite des Germains (…). » (Histoire romaine, Livre XXXVIII)
Peut-on en conclure, d’après les témoignages des auteurs anciens, que les Germains ne maîtrisaient pas le
travail du fer ? Les découvertes archéologiques démontrent le contraire. Plusieurs bas fourneaux ont été
découverts en Scandinavie, notamment en Dalécarlic (Suède), et en Pologne. Certes, ils paraissent plus
récents que ceux découverts en Gaule datant du Premier Age du Fer. Les opérations techniques pour
transformer le minerai de fer en métal étaient connues des Germains. D’ailleurs, la présence d’outils de fer
dans l’équipement des fantassins Chattes (Tacite, La Germanie, XXX) montre que les Germains
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maîtrisaient le travail du fer. Ces objets ne pouvaient être que le produit de forgerons germaniques à la
différence (peut-être) des épées plus difficiles à fabriquer.
Par les échanges commerciaux, les Germains pouvaient facilement se procurer des épées ou des lingots
métalliques pour les fabriquer, comme pour le cuivre ou l’étain à l’époque du Bronze. De nombreuses barres
en forme de double pyramides, appelées « Doppel-Sitzbarren » ont été trouvées dans les vallées du Rhin et
du Danube et dans les régions voisines. Le fer était martelé en barre afin d’être ensuite commercialisées. Le
commerce de l’ambre dont les principaux gisements se trouvaient en Pologne, au Danemark, en Suède et le
Nord de la Russie, a sans doute facilité ce type d’échange. Il est possible également que les tributs versés par
les peuples soumis aux Germains aient consistés dans la livraison d’armes :
« (…) le Gaulois des Cotins, le Pannonien des Oses démontre qu’ils ne sont pas Germains, le fait
aussi qu’ils supportent des tributs ».
« Une partie de ces tributs leur est imposée par les Sarmates, une partie par les Quades au titre
d’étrangers ; les Cotins, ce qui devraient accroître leur honte, ont même des mines de fer ! (…") »
(Tacite, La Germanie, XXX).
Si Pline ne mentionne pas un fer d’origine germanique, cela ne veut donc pas dire que les Germains ne
maîtrisaient pas le travail du fer. Il a pu être considéré par les Romains comme étant de moins bonne qualité
que ceux de Sérique (sans doute originaire d’Asie), de Parthique, de Bilbilis et de Turiano (Espagne), de
Côme (Italie) ou de Norique. Il faut cependant rester prudent. Pline ne parle pas du ferrum Gallicum pourtant
connu des Romains par sa qualité. Le fer germanique était peut-être produit en trop faible quantité pour
prêter l’attention des auteurs anciens au début du premier siècle de notre ère.
De plus, les différences établies par Pline résultent principalement dans les techniques de forge et des
procédés de durcissement (trempe, recuit, martelage) du métal. En martelant et en chauffant le fer, le
forgeron éliminait les impuretés et augmentait ainsi le taux de carbone contenu dans le fer. Le fer ainsi
obtenu s’appelait stricturae (acier) du verbe latin stringere. Ce traitement entraînait le durcissement
superficiel du métal. Il permettait d’obtenir un fer moins cassant que la fonte et beaucoup plus résistant que le
fer doux. Peut-être que les Germains au début du premier siècle de notre ère ne maîtrisaient pas encore
parfaitement ces procédés dont les Celtes en avaient fait leur spécialité depuis longtemps.
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III) LES CHEVAUX
A) Les chevaux
Les chevaux occupaient une place importante pour les guerriers germaniques :
« Quand le bûcher est élevé, ils n’y entassent ni étoffes ni parfums ; on livre aux flammes les armes
du mort, parfois aussi son cheval »
(Tacite, La Germanie, XXVII)
Ces chevaux étaient de médiocre qualité et plus petits que ceux montés par les cavaliers Gaulois qui
préféraient les chevaux de grande taille :
« Ils n’utilisent même pas ces chevaux étrangers qui plaisent tant dans la Gaule, et qu’on y paît si
cher ; mais à force d’exercer chaque jour ceux de leurs pays, qui sont petits et mal faits, ils les
rendent très endurants » . (César, La Guerre des Gaules, IV, 2).
« Leurs chevaux ne se font remarquer ni par leur beauté ni par leur vitesse. »
(Tacite, La Germanie, VI)
Ces derniers étaient des races importées comme le souligne très justement César :
« Ils n’utilisent (les Suèves) même pas ces chevaux étrangers qui plaisent tant dans la Gaule, et qu’on
y paie si cher (…) »
(César, La Guerre des Gaules, IV, 2).
Ils furent d’abord élevés dans le monde grec puis en Italie. Il faut attendre le début du premier siècle de notre
ère pour observer un élevage massif de chevaux de grande taille en Gaule. Au Ier siècle av J.-C, une minorité
de guerrier gaulois pouvaient donc se permettre financièrement de monter ce type de chevaux. Les fouilles
archéologiques menées en France ont montré que les chevaux gaulois étaient proches de ceux originaires de
Germanie par leur taille. Ils faisaient moins de un mètre au garrot.
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Détail du chaudron de Gundestrup
Le cavalier devait adopter une posture particulière sinon ses pieds n’étaient pas loin de toucher le sol.
L’avantage était donc qu’il pouvait monter et descendre très rapidement, ce qui facilitait les manœuvres dans
les combats. Le chaudron en argent trouvé en 1891, à l’extrémité de la presque île du Jutlang au village de
Gundestrup sur l’ancien territoire des Cimbres au Danemark (Ie siècle av J.-C), représente des cavaliers dont
les pieds touchent pratiquement le sol. Sa fabrication est attribuée aux Celtes danubiens ce qui montre les
relations étroites entre le monde celtique et le monde germanique confirmées par le récit de Tacite :
« On peut voir chez eux des vases d’argents donnés en cadeaux à leurs ambassadeurs et à leurs chefs
(…) ». (La Tacite, La Germanie, V).
Les Germains comme les Celtes étaient passionnés par les chevaux. Ils pouvaient comme les Gaulois se
procurer des chevaux d’élites. La taille du cheval marquait donc le rang social du cavalier. Il était donc un
signe de prestige social :
«Ils apprécient particulièrement les dons des nations voisines, envoyés par des particuliers mais aussi à
titre officiel, chevaux d’élite, grandes armes, phalères et colliers (…).
(Tacite, La Germanie, XV)
B) L’harnachement
Tacite souligne que les chevaux des Germains étaient harnachés :
« Quant à la dot, ce n'est pas l'épouse qui l'offre au mari, mais le mari à l'épouse, et ce en présence
des parents et des proches, qui soumettent ces cadeaux à leur appréciation. Ces cadeaux ne sont pas
choisis pour plaire à des dames ni destinés à parer une jeune mariée. Que non! Ce sont des bœufs, un
cheval harnaché et un bouclier ainsi qu'un glaive et une framée. » XVIII 2)
Mais les Suèves refusaient de faire usage de selles :
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« (…) rien, à leur idée, n’est plus honteux et ne prouve plus de mollesse que de faire usage de
selles ». (César, La Guerre des Gaules, IV, 2).
La selle était donc connue par les peuples germaniques. Si les Suèves refusaient d’en équiper leurs chevaux,
peut-on affirmer que cette pratique était généralisée parmi toutes les tribus germaniques ? Les Tenctères
étaient connus pour leur qualité de cavaliers tandis que les Chattes pour la qualité de leurs fantassins. Chaque
tribu excellait dans un domaine militaire particulier :
« Tout près des Chattes, là où le Rhin s'élargit et peut faire frontière, vivent les Usipiens et les
Tenctère. Ces Tenctères rehaussent un prestige guerrier auquel on peut s'attendre par leur maîtrise
de l'équitation. La gloire de l'infanterie chez les Chattes ne l'emporte pas sur celle de la cavalerie
pour les Tenctères. C'est une tradition ancestrale que sauvegardent les nouvelles générations.
L'équitation est pour les enfants un jeu, elle pousse les jeunes gens à l'émulation et les vieillards ne
l'abandonnent pas de si tôt. On hérite des chevaux, comme des esclaves et du domicile, suivant des
droits de succession ». (Tacite, La Germanie, XXXII).
Cela implique des traditions guerrières différentes et (probablement) un équipement militaire spécifique
selon les tribus.
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IV) LES VÊTEMENTS
A) Manteaux, tuniques et pantalons
Quel type de vêtements portaient les Germains ? Les vêtements ordinaires variaient certainement d’une tribu
à l’autres mais la plupart des Germains portaient une tunique, un long pantalon et un manteau. Ils étaient
proches de ceux portés par les Celtes :
« C’est ainsi que les contrées les plus fertiles de la Germanie, aux environs de la forêt hercynienne
furent occupées par les Volques Tectosages, qui s’y fixèrent. Ce peuple s’y est maintenu jusqu’à ce
jour, et il a la plus grande réputation de justice et de gloire guerrière. Aujourd’hui encore les
Germains vivent dans la même pauvreté, la même indigence, la même endurance, ils ont le même
genre de nourriture et de costume»
(César, La Guerre des Gaules, VI, XXIV).
La tunique descendait jusqu’aux genoux avec de courtes
ou de longues manches. Elles étaient en lin, en laine ou en
peau de bête de même que les pantalons. Plusieurs
tuniques pouvaient être portées à la fois. Le pantalon était
tenu par une lanière de cuir ou en laine. Des ceintures
d’épaisseurs différentes étaient également portées à la
taille.
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Les plus riches se distinguaient par un vêtement qui n’était pas flottant comme celui des Sarmates et des
Parthes, mais serré et qui moulait chaque membre (Tacite, La Germanie, XVII). Les Germains portaient
surtout des vêtements en peau :
« Ils (les Suèves) se sont aussi accoutumés, sous un climat très froid, et à n'avoir d'autre vêtement que
des peaux, dont l'exiguïté laisse une grande partie de leur corps à découvert, et à se baigner dans les
fleuves. ». (César, La Guerre des Gaules, IV, 1).
« Ils portent aussi des peaux de bêtes, les plus proches de la rive sans beaucoup de soin, ceux de
l’intérieur avec plus de recherche, car ils ne peuvent pas se procurer de parure par le commerce. Ils
choisissent les bêtes et parsèment leurs dépouilles des fragments bigarrés de la peau de ces monstres
qu’enfante un Océan extérieur, une mer inconnue ».
(Tacite, La Germanie, XVII).
Les Germains excellaient donc dans la confection de vêtements en peaux :
« La nation était pauvre, Drusus ne leur avait imposé d’autre tribut qu’un certain nombre de cuirs
de bœufs pour l’usage de nos troupes. Personne ne les avait inquiétés sur la solidité, sur la grandeur
de ces cuirs, jusqu’au primipilaire Olennius, qui chargé du commandement de la Frise, choisit des
peaux d’aurochs pour modèles de celles qu’on recevrait. (Tacite, Annales, Livre IV, LXXII).
Les femmes portaient un vêtement proche de celui des hommes. Ces observations sont confirmées par
certaines sculptures, et par les vêtements qui ont été conservés par la tourbe dans les tourbières du
Danemark :
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« Les femmes ne s’habillent pas autrement que les hommes, mais portent plus souvent qu’eux des
vêtements de lin qu’elles rehaussent de pourpre ; la partie supérieure de leur costume ne s’allonge
pas en manches, leurs bras et leurs avant-bras sont nus ; même le haut de leur poitrine reste à
découvert ». (Tacite, La Germanie, XVII).
Pour se protéger de la pluie, les peuples germaniques portaient de grands manteaux de fourrure à poil long
qui couvrait les épaules et la poitrine, appelé rheno ou rénon. Comme pour la plupart des vêtements en
fourrure, la toison était généralement dirigée vers l’extérieur :
« (...) les vêtements en usage sont des peaux ou de courts rénons, qui laissent à nu une grande partie
du corps ». (César, La Guerre des Gaules, VI, XXI).
Les auteurs anciens ne donnent guères de détails sur sa forme, mais d’après l’iconographie, il s’agissait d’une
pièce quadrangulaire de fourrure, percée d’une ouverture pour la tête, retombant sur le devant et le dos et
maintenue à la taille par une ceinture.
Le manteau pouvait être attaché par des fibules ou des broches de différentes sortes :
« Pour se couvrir, ils ont tous une saie (sagum), attachée avec une agrafe ou, à défaut, avec une
épine ; ils passent des journées entières près du foyer et de leur feu sans avoir rien d’autre sur le
corps ». (Tacite, La Germanie, XVII).
Les manteaux pouvaient être aussi en laine grossière comme ceux découverts dans les tourbières au
Danemark. Quatre tumuli connus sous les noms de grand Kongehoi, petit Kongehoi, Guldhoi et Treenhoi
furent découverts en 1861 dans le Jutland. L’un des corps découvert était enveloppé d’un grossier manteau de
laine presque semi-circulaire et échancré autour du cou.
Les Germains pouvaient aussi faire usage d’un bonnet en cuir ou en laine :
« Peu ont des cuirasses, à peine l’un ou l’autre a-t-il un casque ou des bonnets de cuir ».
(Tacite, La Germanie, VI).
Les bonnets en peau de bêtes existaient probablement depuis l’époque préhistorique. A Rome, le pileus était
un bonnet conique en feutre ou en étoffe, formé d’éléments triangulaires dont les deux plus longs côtés
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étaient cousus et dont les pointes étaient assemblées au sommet, en calotte. L’homme découvert en 1950 au
milieu de la tourbière de Tollund Fen (Danemark) portait ce type bonnet.
L’homme de Tollund
Quatre tumuli connus sous les noms de grand Kongehoi, petit Kongehoi, Guldhoi et Treenhoi furent
découverts en 1861 dans le Jutland. Trois cercueils en bois furent étudiés dans le tumulus de Treenhoi. Dans
l’un des cercueils, on a trouvé deux bonnets en laine. Le premier était un épais bonnet hémisphérique, ayant à
peu près 16 cm de longueur. L’extérieur de ce bonnet était couvert de fils courts, se terminant par un petit
nœud. Le second était en laine tissé et mesurait environs 19 cm de longueur.
Bonnets n°1 de
Treenhoi (Jutland)
Bonnets n°2 de
Treenhoi (Jutland)
B) Les couleurs
Les vêtements étaient de couleurs variées avec des motifs géométriques ou rayés. Les teintures étaient
obtenues avec des substances végétales. Dans la gamme chromatique, les couleurs bleu et rouge
prédominaient dans les tissus d’après des découvertes archéologiques. Le rouge était obtenu à partir du
kermès, un insecte d’origine méditerranéenne.
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En 1944, un corps a été découvert dans un marécage au Danemark. Il a pu être daté entre 360 av.J-C et 240
de notre ère. La jambe était recouverte de laine. Les analyses ont montré que les fibres étaient originellement
de couleurs bleues. Elles avaient été teintes avec des feuilles de Guède (Isatis Tinctoria) qui poussait à l’état
sauvage dans de nombreuses régions d’Europe.
Détail de la jambe découverte à Søgårds Mose
(Skive Museum-Danemark)
« Civilis, conformément à un vœu ordinaire chez les Barbares, avait, depuis qu’il avait commencé les
hostilités contre les Romains, laissé croître ses cheveux teints en roux ; après le massacre des légions,
il s’en débarrassa ». (Tacite, Histoires, Livre IV, LXI).
Conclusion :
L’équipement militaire des Germains présentait des spécificités par rapport à l’armement celte mais les
différences n’étaient pas fondamentales. Les raisons en étaient certainement les relations anciennes entre
tribus germaniques et celtiques. Les Germains ont hérité sans doute des traditions acquises par les tribus
celtiques dont ils occupèrent les territoires. Cela explique sans doute les difficultés des auteurs Grecs et
Romains a distinguer clairement les Germains des Celtes. Ce n’est véritablement qu’avec la conquête de la
Gaule par les Romains que l’armement des guerriers germaniques va se distinguer des soldats gaulois
combattant pour Rome en tant qu’auxiliaires.
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Bibliographie
-The Book of the Sword, Sir Richard Burton, 1884, édition Dover Publishing.
-Le fer, « Collection Archéologiques », 2004, édition Errance.
-Le cuir et la pelleterie à l’époque romaine, Martine Leguilloux, 2004, édition Errance.
-Armement et guerre chez les Gaulois, Jean-Louis Brunaux et Bernard Lambot, 1987, édition Errance.
-Le cheval et l’archéologie, l’archéologue, N°53 (avril/mai 2001).
-Rome’s Enemies, Germanics and Dacians, Peter Wilcox, édition Osprey.
-Les armes des romains, Michel Feugère, 1993, edition Errance.
-Les auxiliaires des légions de Jules César durant la guerre des Gaules, Mémoire de Maîtrise de Jérôme Marty.
- César, La Guerre des Gaules, Maurice Rat, 1964, édition GF-Flammarion.
- Strabon, Géographie (Tome II et IV), François Lasserre, 2003, édition « Les Belles Lettres ».
-Tacite, La Germanie, Jacques Perret, 1962, édition « Les Belles Lettres ».
-Tacite, Annales, Burnouf, 1965, édition GF-Flammarion.
Site Internet
-Dutch pre-Roman Iron Age
http://www.angelfire.com/me/ik/pics2.html
-The Book of the Sword, Sir Richard Burton
http://www.jrbooksonline.com/HTML-docs/Book_of_the_Sword.htm
-Les peuples germaniques
http://fr.wikipedia.org/wiki/Peuples_germaniques
-The Germans in Roman times
http://www.romansonline.com/h_oth_Germania.asp
-L’homme de Tollund
http://www.dinosoria.com/tollund.htm
Voyage dans le temps : l'art rupestre du Bohuslän
http://lefildutemps.free.fr/suede_rupestre/listleby.htm
L’emploi du bronze dans l’antiquité
http://www.perigord.tm.fr/~pip/16315/16315tdm.htm
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