COMMERCE INTERNATIONAL DU BOIS TROPICAL ET

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COMMERCE INTERNATIONAL DU BOIS TROPICAL ET
COMMERCE INTERNATIONAL DU BOIS
TROPICAL ET PROTECTION DE
L'ENVIRONNEMENT : CHRONIQUE D'UNE
SCISSION ANNONCÉE ?
Par Laurent PACHT
-DEA de droit de l’environnement, Paris I (Panthéon Sorbonne)
-Mastère en Management de l’environnement de l’Institut National des Sciences Appliquées de
LYON
RESUME
Depuis plusieurs décennies, la déforestation tropicale est en marche, avec son lot d’incidences néfastes
sur l’environnement. La progression régulière du commerce des essences tropicales explique en partie
l’ampleur du phénomène. Or, il semblerait que toutes les mesures commerciales, d’origine publique ou
privée, qui pourraient être envisagées pour inverser la tendance soient destinées à se heurter aux
principes généraux du GATT, à l’interprétation stricte des « exceptions environnementales » existantes,
ou encore aux dispositions d’un certain nombre d’Accords techniques intégrés à l’OMC. Les projets
actuels de cette institution, du reste, ne rassurent guère quant aux possibilités futures d’agir par ce
biais. La rupture entre l’ordre commercial mondial et l’objectif de protection des forêts tropicales estelle irréductiblement consommée ?
SUMMARY
The process of tropical deforestation, with its disastrous consequences for the environment, has been
underway for several decades. The magnitude of this phenomenon can partly be explained by the
growth of trade in tropical woods. Now, the way forward for both public and private-sector trade
measures aimed at reversing this trend appears blocked by the underlying general principles of GATT on the basis of a strict interpretation of existing "environmental exceptions"-, or by the provisions of
certain technical agreements of the WTO. Moreover, the current projects of this institution offer little
reassurance as to the possibility of it serving as a mechanism for future action. Is the conflict between
the global trade order and the objective of protecting tropical forests irreconcilable?
2
La déforestation tropicale représente actuellement l'une des préoccupations environnementales
majeures : les forêts africaines auraient déjà perdu les deux tiers de leur surface originelle, les forêts
asiatiques la moitié. A ce rythme, et si l'on tablait - dans une perspective plutôt pessimiste – sur un taux
de déforestation annuel de l'ordre de 3%, il n'y aurait plus de forêt tropicale en 2040, alors qu'il en reste
aujourd'hui 1600 millions d'hectares.
Or, les forêts tropicales humides abritent plus de la moitié des espèces du globe et constituent
l'habitat, selon les estimations, de 50 à 90% des espèces vivantes de la planète. Ce sont ces écosystèmes
qui, déjà profondément altérés aujourd'hui, risquent de disparaître, provoquant bien entendu des
déséquilibres considérables dont on parvient avec peine à mesurer la portée aujourd'hui.
En outre, ces forêts jouent un rôle fondamental dans la régulation du système climatique, du régime des
pluies, du cycle de l'eau en général, et constituent une protection décisive contre les phénomènes
d'érosion et de désertification. De par leur capacité à stocker le carbone, elles contribuent de surcroît à
limiter l'effet de serre et, partant, le réchauffement de la planète.
Les causes de cette déforestation tropicale sont évidemment multiples : la progression constante
du commerce des essences qu'abrite la forêt tropicale compte très certainement, dans des proportions qui
ne sont pas précisément quantifiables, parmi celles-ci.
Les règles régissant les échanges commerciaux internationaux ont encore aujourd’hui pour
origine principale la lettre de l'Accord Général sur les Tarifs Douaniers et le Commerce de 1947
(GATT). Avec la création de l’OMC en 1994, cet Accord général aurait pu tomber en désuétude : on le
sait en réalité, seule l’institution « GATT » a été délaissée. Son droit matériel, en revanche, celui-là
même qui constitue la substance du droit des échanges internationaux, a pour l’essentiel été pérennisé :
le GATT 47 – que l’on baptise aussi « l’acquis du système GATT » - a été intégré à l’Accord général
sur les Tarifs Douaniers et le Commerce de 1994 (le « GATT 94 »), ce qui atteste si besoin était de
l’efficacité du rôle que le premier des deux a joué dans l’explosion des échanges commerciaux
internationaux.
Toujours est-il que le GATT 94 et l’ensemble des nouvelles règles édictées par l'Organisation Mondiale
du Commerce (OMC), ne sont pas étrangers à l’explosion du commerce des essences tropicales et
semblent qui plus est de moins en moins compatible avec la volonté de protéger les forêts, tropicales
notamment. Malgré les bonnes volontés affichées - le préambule de l'OMC affirme vouloir assurer
l'utilisation "optimale des ressources mondiales, d'une manière durable" -, l'ordre commercial mondial,
3
tel qu'il est conçu et entendu aujourd'hui, paraît aller à l'encontre de la conservation des ressources
tropicales ligneuses, aussi indispensables soit-elle.
Il semblerait en effet que les mécanismes juridico-économiques, qui permettrait à un Etat d'agir
en ce sens, soient a priori illicites, en vertu des principes de libre-échange dont est garant l'OMC. L'Etat
en question, au vu de la jurisprudence antérieure et au prix d'argumentations juridiques parfois
contestables, sera probablement désavoué devant l'Organe de Règlement des Différends (O.R.D.) – nous
évoquons ici indifféremment aussi bien les Groupes Spéciaux et l’Organe d’Appel que l’ORD lui-même
en tant qu’entité d’approbation des rapports de l’Organe d’Appel.
A notre sens, tant les restrictions commerciales, de quelque nature qu'elles soient, appliquées par
un Etat au bois tropical importé (I), que les mécanismes qui permettraient au consommateur administration ou particulier - de choisir un bois provenant de sources gérées durablement (II), semblent
se heurter aux dispositions du droit des échanges internationaux. L'inquiétude est d'autant plus grande
qu'il semblerait, à l'aune des projets de l'OMC, que cette tendance soit destinée à s'accentuer dans les
prochaines années (III).
4
I LE REGIME JURIDIQUE GENERAL S'APPLIQUANT AUX ECHANGES DE
BOIS TROPICAL
Un certain nombre de principes mentionnés dans le GATT 94, corroborés par la
« jurisprudence »1 élaborée par l’O.R.D., ou puisée par ce dernier dans « l’acquis » du GATT 47 et des
Groupes Spéciaux de l’époque, semblent aller à l'encontre de toute mesure commerciale qu'un Etat
pourrait édicter en vue de protéger les écosystèmes tropicaux, dans la mesure où elle aboutirait à
restreindre les échanges avec le pays concerné (1). Nous verrons toutefois qu'il existe un régime
d'exceptions, lequel vise notamment la protection de l'environnement : si juridiquement, la position d'un
Etat qui l'invoquerait pour justifier son attitude nous paraît tout à fait défendable, elle se heurterait
probablement à l'interprétation stricte qu'en font d’ordinaire les organes chargés, au sein de l’OMC, de
régler les différends liés aux échanges internationaux (2).
1)Le principe du libre échange et de l'interdiction des mesures discriminatoires
A.La teneur des mesures
L'article III du GATT consacre le "principe du traitement national", qui suppose que les
produits importés ne doivent pas être défavorisés dans leur accession au marché par rapport aux produits
nationaux similaires.
Par ailleurs, l'article I du GATT prévoit, selon le "principe de la nation la plus favorisée", que les pays
contractants acceptent de s'octroyer mutuellement les bénéfices des avantages commerciaux
supplémentaires qu'ils viendraient à accorder ultérieurement à des pays tiers, soit de manière
inconditionnelle, soit sous condition de réciprocité.
Le principe de l'interdiction des restrictions quantitatives, enfin, est posé par l'article XI du GATT : sont
ainsi bannies toutes les restrictions à l'importation que pourrait prendre, à travers un système de quotas
par exemple, un Etat à l'encontre d'un autre Etat.
C'est ainsi qu'un Etat qui déciderait de manière discrétionnaire de réduire le volume des
importations de bois tropical en provenance d'un autre Etat, violerait en principe les règles du droit
1
Ce terme est bien entendu à prendre avec la plus grande circonspection, eu égard à l’originalité de la procédure de
règlement des différends de l’OMC et en particulier à sa nature mixte. En effet, loin d’être une procédure exclusivement
juridique, elle présente également les caractéristiques d’une joute politique.
5
international. De la même manière, si un Etat décidait de frapper l'importation de bois tropical d'une
taxe ou de toute autre imposition intérieure qui ne toucherait pas sa propre production nationale, il serait
réprimandé, en cas de litige, par les membres de l’O.R.D..
En 1992, à ce propos, l'Autriche adopta une loi exigeant d'une part du bois tropical importé qu'il fût
certifié2, et le taxant d'autre part à hauteur de 70%. En réponse à cette loi, l'Association des Etats du Sud
Est asiatique (ASEAN), le Japon, le Canada, la Nouvelle-Zélande et l'Australie prétextèrent qu'elle
créait une discrimination à l'encontre du bois tropical, cependant que le bois indigène bénéficiait d'un
traitement de faveur. Ils menacèrent donc l'Autriche de sanctions commerciales, de telle sorte qu’elle fut
contrainte d'abroger sa loi, sans que l'intervention du Groupe Spécial (ou « Panel ») du GATT ne fût
nécessaire.
L'ensemble de ces règles vise à ce que les produits importés ne soient pas défavorisés dans leur
accession au marché par rapport aux produits nationaux "similaires"3 : mais le bois tropical et le bois
non tropical - dans le cas où l'importateur serait un pays occidental - sont-ils des produits similaires ? En
d'autres termes, les principes mentionnés ci-dessus s'appliquent-ils au commerce du bois tropical ?
B.Le concept de "similitude" en matière de bois
Le cœur de la problématique concerne donc la question de la "similitude" entre deux produits
d'origine distincte. Les membres des Panels du GATT 47 d'abord, des « Groupes Spéciaux » ou de
l’Organe d’Appel de l'OMC ensuite, ne sont pas parvenus à dégager des critères absolus qui
permettraient de caractériser cette similitude4, qu'il convient donc d'apprécier in concreto : pour ce qui
nous concerne, peut-on raisonnablement affirmer que les bois tropicaux et les bois indigènes sont des
produits "similaires" ?
2
Nous reviendrons plus en détail sur la notion d'écocertification du bois ; limitons-nous à signaler ici qu'elle permettrait
d'informer le consommateur, par le biais d'un label, que le bois qu'il s'apprête à acheter a été produit dans le respect du
développement durable.
3
Sur ce point, cf. D. C.ESTY, Toward a Grenner GATT , Law and Policy in International Business, 1994, n°25, p.1259.
4
Dans le différend qui opposait les Etats-Unis au Venezuela et au Brésil, concernant la réglementation américaine qui
interdisait d'importer de l'essence ne présentant pas certaines caractéristiques ( Affaire "Etats-Unis- Normes concernant
l'essence nouvelle et ancienne", Rapport du Groupe spécial du 29 janvier 1996, WT/DS2/R), les membres du Groupe Spécial
déploraient que l'article III-4 ne précise pas " de manière exhaustive les critères qui déterminent si les aspects sont
similaires". Pour des développements éclairants au sujet du concept de similitude dans le cadre de cette affaire, cf.Eric
R0BERT, L'affaire des normes américaines relatives à l'essence, RGDIP 1997-1, p.100.
6
En règle générale, pour savoir s’il y a similtude ou non, les membres des organes de règlement
des différends de l'OMC, reprenant sur ce point l’interprétation des Panels du GATT 475, ont pour
habitude d'appliquer trois critères principaux6, qui consistent à :
-examiner si les deux produits en question concernent la même catégorie de consommateurs : dans notre
cas, mises à part ,peut-être, certaines nuances pour des opérations très particulières, le bois tropical et le
bois indigène touchent indifféremment l'ensemble des consommateurs. Et ce d'autant plus que ces
derniers, le plus souvent, ne sont pas informés de la provenance du bois qu'ils s'apprêtent à acheter7 ;
-cerner l'utilisation finale du produit sur un marché donné afin de voir si les deux produits sont
interchangeables : en ce qui nous concerne, le bois tropical et le bois indigène concernent l'ensemble des
marchés du bois (habitat et ameublement entre autres) ;
-se demander si les deux produits présentent des caractéristiques identiques et les mêmes propriétés
physiques : dans le cas présent, indépendamment de certains particularismes, il convient sans doute de
répondre par l'affirmative.
A l'examen de ces critères, et au vu de l'interprétation relativement large de la notion de
"similitude", il semblerait que si un Etat décidait d'imposer une quelconque restriction, directe ou
indirecte, à l'utilisation du bois tropical par les entreprises et les consommateurs, il serait en principe
désavoué. Il faudrait alors, pour faire valoir sa cause, qu'il soulève l'une des exceptions prévues par
l'article XX du GATT.
2)Le jeu des exceptions
5
Voir notamment en ce sens : « Affaire Etats-Unis – Taxes sur le pétrole et certains produits d’importation », Rapport
adopté du 17 juin 1987, IBDD S34, p.175.
6
Dans l’affaire « Etats-Unis - Normes concernant l’essence nouvelle et ancienne », le groupe spécial le confirme d'ailleurs,
en insistant sur le fait que la liste n'a rien de limitatif ( Rapport du Groupe spécial, Ibid., p.38, par.6.8). L’organe d’appel n’a
d’ailleurs pas infirmé cette interprétation (Rapport de l’Organe d’appel du 22 avril 1996, WT/DS2/AB/R).
Signalons d'ailleurs que, pour affiner leur jugement et pour tenter de savoir si l'Etat qui a décrété cette mesure est de bonne
foi, les membres de l’O.R.D. essaient de connaître la finalité - vise-t-on à protéger la production nationale ? - et l'effet - la
production nationale est-elle réellement favorisée ? - de la mesure de restriction.
7
Dans le cas français, par exemple, le décret n° 86-583 du 14 mars 1986 "portant application au commerce de
l'ameublement de la loi du 1er août 1905 (Journal officiel du 19 mars 1986, p.4574), complété par la circulaire du 2 octobre
1989(Journal officiel du 14 novembre 1989, p.14130) "relative à l'application du décret n°86-583", organisent l'obligation
d'information spéciale du consommateur en la matière. Ils n'imposent pas au distributeur d'apposer par le biais de l'étiquetage
l'origine du bois qu'il revend.
7
L'article XX du GATT prévoit des dérogations générales aux règles commerciales ordinaires,
dans la perspective, entre autres, de protéger l'environnement : il autorise un Etat à prendre les mesures
nécessaires "à la conservation des ressources naturelles épuisables" (Article XX-g) - si ces mesures sont
appliquées conjointement avec des restrictions "à la production ou à la consommation nationale" - ou "à
la protection des espèces animales et végétales"(article XX-b).
Qu'adviendrait-t-il d'un Etat qui se fonderait sur de telles exceptions pour justifier les restrictions
qu'il exerce sur le commerce du bois tropical ? Pour répondre à cette question, il conviendrait avant tout
d’analyser les motivations de l'Etat en question : souhaite-t-il protéger la forêt tropicale étrangère (A),
ou bien songe-t-il à préserver l'intégrité de ses propres écosystèmes (B) ?
A.La protection d'un écosystème étranger
On a contesté la faculté pour un Etat de prendre, unilatéralement, des mesures à portée extraterritoriale visant à sauvegarder l'environnement - en l'occurrence les écosystèmes tropicaux - hors de
ses frontières.
Cette position mérite d'être discutée et éventuellement contredite (a) ; quoi qu'il en soit, nous
verrons que dans la pratique, la possibilité qu’aura un Etat d’agir de la sorte ne devrait pas trouver
aisément à s'appliquer, au vu de la position actuelle des membres de l’O.R.D.. (b).
a/Des arguments qui militent plutôt en faveur de cette faculté
1/ L'Accord International sur les Bois Tropicaux (AIBT)
L'Accord international de 1994 sur les bois tropicaux8, entré en vigueur le 1er janvier 1997,
reprend, en le modifiant sensiblement, le texte originel signé en 1983. L'AIBT est non seulement la
seule Convention à portée universelle qui concerne la forêt – d’autres textes existent, certes, mais ils ne
sont en réalité que de simples "Déclarations" -, mais aussi l'unique dont l'objet exclusif soit les bois
tropicaux.
Si ce nouvel Accord reprend, à peu de choses près, la structure institutionnelle précédente - en
conservant notamment l'OIBT (Organisation Internationale du Bois Tropical) -, ses objectifs ne sont
8
Cf. Loi n°98-472 du 17 juin 1998 "autorisant l'approbation de l'Accord International sur les Bois Tropicaux" (J.O.n°140,
19 juin 1998, p.9320).
8
plus exactement les mêmes. En effet, quoiqu'il s'agisse toujours avant toute chose de favoriser le
commerce du bois tropical, la préoccupation écologique est affirmée plus vigoureusement.
Des Accords de ce type - conclus entre certains Etats membres de l’OMC -, qui ne sont pas
explicitement énumérés au sein de l’Appendice 1 du Mémorandum d’Accord, ne sauraient être élevés au
statut de « droit de l’OMC ». Cela dit, ils peuvent contribuer, devant l’O.R.D., à interpréter de façon
pertinente les droits et obligations découlant des Accords de l’OMC et du GATT 94 notamment9.
1.1 L'exégèse de l'Accord
L'Article 36 de l'AIBT dispose : "Rien dans le présent Accord n'autorise le recours à des mesures
visant à restreindre ou à interdire le commerce international du bois et des produits dérivés du bois, en
particulier en ce qui concerne les importations et l'utilisation du bois et des produits dérivés du bois".
L'article 31 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, signée en 1969 et entrée en
vigueur le 27 janvier 1980, prévoit que les dispositions des traités doivent être interprétées
conformément au sens premier et ordinaire des termes qui y sont employés, en prenant en considération
l'objet et la finalité du traité, ainsi que le contexte historique dans lequel s'inscrivent ses dispositions10.
Concernant la première de ces exigences, s'il est dit dans l'article en question que rien dans
l'AIBT n'autorise les parties à prendre des mesures restrictives à l'importation, aucune interdiction
absolue n'est toutefois formulée. En écho à cette disposition, rappelons que la Déclaration de Rio sur
l'environnement et le développement de 199211, qui inspira une multitude d'Accords multilatéraux sur
l'environnement (AME) dans les années quatre-vingt-dix, invitait les Etats, aux termes de son article 12,
à éviter de prendre des mesures unilatérales à portée extra-territoriale et à donner la préférence aux
mesures négociées. Il n'était inscrit nulle part, par conséquent, que des mesures de cette nature étaient ou
devaient être a priori et inconditionnellement bannies.
Rappelons par ailleurs que l'Accord de 1994 visait certes à encourager le commerce du bois
tropical, mais aussi, simultanément, à promouvoir le développement durable. A ce propos, l'article 1er de
9
Pour des développements éclairants à ce sujet, cf. E.CANAL-FORGUES, Sur l’interprétation dans le droit de l’OMC,
RGDIP 2001-1, p.13.
10
"Un traité doit être interprété de bonne foi, suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à
la lumière de son objet et de son but". Pour un aperçu de la manière dont ces règles sont appliquées par les organes chargés
du règlement des différends à l’OMC, se reporter à E CANAL-FORGUES, ibid., p.18.
11
Document de l'ONU, A/CONF., 151/5/Rev.1, 13 juin 1992, 31 International Legal Materials 874.
9
la Convention n'énonce-t-il pas, parmi ces objectifs, la volonté de "renforcer la capacité des États
membres d'exécuter une stratégie visant à ce que, d'ici à l'an 2000, les exportations de bois et de produits
dérivés de bois tropicaux proviennent de sources gérées de façon durable" (il s’agit de « l’objectif
2000 ») ? C'est la raison pour laquelle, à notre sens, eu égard à l'objet et à la finalité de l'Accord de
1994, il ne peut être décelé nulle part dans la Convention une interdiction de principe aux restrictions
commerciales. Ces dernières, en effet, auraient pu permettre d'atteindre "l'objectif 2000" avec une
certaine efficacité.
Enfin, concernant le contexte historique dans lequel l'AIBT s'inscrit, il serait bon de se souvenir
que l'article 36 de l'Accord est le fruit d'un compromis négocié entre les pays consommateurs et les
pays producteurs de bois tropical : si ces derniers, durant les négociations, n'acceptèrent pas l'idée d'une
interdiction à l'importation du bois tropical décrétée unilatéralement, on parvint néanmoins à éviter
l'inscription dans l'Accord d'une interdiction de principe aux restrictions des échanges.
1.2 Le caractère équivoque de l'Accord
Cela dit, admettons bien volontiers que l'AIBT, bien qu'il nous paraisse relativement orienté,
n'est pas dénué d'ambiguïtés. Celles-ci doivent d'ailleurs être analysées comme la résultante logique des
objectifs a priori antagonistes - développer le commerce du bois tropical tout en se souciant de protéger
l'environnement - que l'Accord tente de faire cohabiter. C'est la raison pour laquelle des interprétations
plus restrictives - et pas nécessairement iconoclastes pour autant - pourraient être envisagées, dans le
cadre d’un Accord, qui, il est vrai, n'autorise pas expressément les mesures commerciales à caractère
restrictif12. Il se distingue en cela de certaines autres conventions environnementales - nous songeons ici
à la Convention de Washington sur les espèces menacées, à la Convention de Bâle sur le contrôle des
mouvements transfrontières de déchets dangereux, ou au Protocole de Montréal pour la protection de la
couche d'ozone - qui donnent expressément la faculté à un Etat signataire de restreindre ses échanges
commerciaux pour atteindre les objectifs qu'elles se sont fixé.
12
Certaines voix ne se sont d’ailleurs pas privées d’exprimer ce point de vue. C'est ainsi par exemple que Monsieur Wisber
Loeis, président du Conseil de l'OIBT à l'époque, affirma en 1997 : "Certaines mesures restrictives imposées sur les bois
tropicaux dans certains pays ont soulevé des inquiétudes (...). C'est pourquoi il est nécessaire que les membres de l'O.I.B.T.
se consultent pour empêcher ou éliminer les pratiques commerciales discriminatoires."(Actualité des forêts tropicales,
1997/1, p.5). Sous-entendait-il : même si ces mesures sont fondées sur des données objectives d'irrespect par l'exportateur des
contraintes écologiques ?
10
Il n'en reste pas moins que l'AIBT est révélateur de ces A.M.E. dont certaines des visées
s'accordent mal, semble-t-il, avec les principes fondamentaux de l'OMC et, nous y reviendrons, avec
l'interprétation stricte des exceptions de l'article XX.
2/ L'interprétation de la mesure « unilatérale à portée extra-territoriale »
2.1/ Une « mesure unilatérale » qui ne serait que l'application de principes et d'objectifs négociés
La notion d'acte unilatéral, nous semble-t-il, a parfois été interprétée trop largement. Dans le cas
qui nous intéresse, cette prétendue « mesure unilatérale » de restriction aux importations en vue de
protéger l’environnement sur un territoire étranger, ne serait que la traduction des objectifs de nombreux
accords négociés : l'Accord International sur les Bois Tropicaux, la Convention sur la biodiversité ou
encore la Déclaration de principes sur la forêt élaborée à Rio13 entre autres, n'incitent-ils pas les Etats à
élaborer des politiques d'exploitation et de gestion des forêts nationales dans le respect du
développement durable, si bien qu'une restriction à l'utilisation d'un bois dont la production ne
respecterait pas ces engagements serait justifiée ? C'est la raison pour laquelle, selon nous, cette mesure
"unilatérale" peut difficilement s'analyser comme la prescription par un Etat à un autre Etat - qui aurait
ratifié les textes pertinents - d'une certaine politique environnementale à laquelle ce dernier n'adhérerait
pas.
2.2/ L'esprit des mesures
Ces mesures unilatérales visent avant tout à protéger l'environnement dans son ensemble même
si, en apparence, elles ciblent parfois un ou des Etats bien déterminés. Ainsi, par exemple, l'interdiction
d'utilisation du bois tropical pourrait s'analyser avant tout comme une mesure de protection du climat de
la planète, puisqu'il n'est plus contesté aujourd'hui qu'il y aurait une étroite corrélation entre ces deux
éléments. Le fait que les forêts tropicales constituent une ressource épuisable, qui plus est, ne peut
sérieusement être mis en doute14.
13
"Déclaration de principes, non juridiquement contraignante mais faisant autorité, pour un consensus mondial sur la
gestion, la conservation et le développement durable de tous les types de forêt".
Pour une lecture du texte dans son ensemble, se reporter à l'ouvrage de Laurence de Chazournes, Richard Desgagné et Cesare
Romano : Protection internationale de l'environnement, 1998, p.255, Editions Pedone.
14
La forêt et le bois tropical sont certes des ressources épuisables, c'est-à-dire que potentiellement, elles sont susceptibles de
s'épuiser. Cela dit, mieux vaudrait dire, en ce qui les concerne, qu'il s'agit de ressources qui, de fait, sont en train de s'épuiser.
11
Ce n'est cependant pas sans raison que les Membres des Groupes Spéciaux du GATT 47 ou de
l’O.R.D.de l'OMC tendent à se méfier de ces argumentations "puristes", qui masquent mal, parfois, des
desseins moins avouables et illicites au regard des règles du libre-échange15.
b/Une exception particulièrement difficile à mettre en œuvre
1/ L'exigence de "nécessité" de la mesure
La mesure devrait présenter dans tous les cas le caractère de la nécessité : aux termes du chapeau
préliminaire de l'article XX, elle ne doit pas, d'une part, constituer un moyen de discrimination
arbitraire, injustifié, ou une restriction déguisée. D'autre part, il ne doit exister aucune autre solution
compatible avec l'Accord qui permettrait d'atteindre cet objectif, et la mesure en question doit être la
moins susceptible de fausser les échanges internationaux. Signalons que l'ensemble de ces exigences
devra être prouvé par l'Etat qui soulève l'exception.
On comprend mieux, dès lors, pourquoi la protection de l'environnement ne pourra qu'en de très
rares occasions justifier la restriction des importations de bois tropical ou légitimer une réglementation
qui encadrerait strictement l'utilisation du bois tropical par les entreprises ou les personnes privées.
Cette analyse est du reste corroborée par les exemples de précédents examinés dans le cadre du
GATT 47 ou à l'OMC, relatifs aux mesures "écologiques" à portée extra-territoriale.
2.Une jurisprudence timide et balbutiante
2.1 Les précédents jurisprudentiels
En 1989, sous la pression de l'opinion publique, la loi américaine de 1973 sur la protection des
espèces en voie de disparition inclut un nouvel article 609, immédiatement très controversé. Il interdisait
15
L'affaire du "thon mexicain", sur laquelle nous reviendrons, qui opposa les Etats-Unis au Mexique, est édifiante à cet
égard ( Affaire "Etats-Unis - Restrictions à l'importation de thon" , Rapport du Groupe spécial non adopté, WT/DS29/R, 16
août 1991).
Les émissaires américains, à l'époque, dénonçaient les techniques de pêche des Mexicains. Elles étaient
coupables, selon eux, de mettre en danger la survie des dauphins dans la zone tropicale orientale de
l'océan pacifique, et justifiaient à ce titre que les autorités américaines interdissent les importations de thon en provenance du
Mexique ainsi que les importations de produits intermédiaires de pays utilisant du thon mexicain. En réalité et plus
prosaï quement, il s'agissait très certainement aussi de protéger l'industrie américaine du thon, qui vivait une période de
restructuration très éprouvante, la rendant plus vulnérable que de coutume à la concurrence étrangère.
12
la production et l'importation de crevettes recueillies par des chalutiers utilisant des techniques de pêche
mettant directement en péril certaines tortues de mer - protégées par la Convention de Washington, que
nous avons mentionnée précédemment -, au détriment de techniques plus modernes ( les filets "Turtles
excluder devices", permettant de relâcher les tortues pêchées par inadvertance). En réaction à cette loi,
la Thaïlande, l'Inde, le Pakistan et la Malaisie portèrent l'affaire devant les experts de l’OMC16, qui
jugèrent la disposition incriminée contraire aux règles du GATT17 et de son article III en particulier.
L’Organe d’Appel considéra notamment que le dispositif américain constituait une discrimination
arbitraire qui ne pouvait être juridiquement défendue. Elle ne présentait pas, en outre, tous les caractères
de la nécessité, dans la mesure où, selon l’Organe d’Appel, d’autres moyens plus compatibles avec les
règles de l’OMC existaient pour protéger les tortues marines.
De la même manière, le Panel formé pour résoudre le conflit commercial intervenu entre les
Etats-Unis et le Mexique au sujet du thon18, donna raison aux autorités mexicaines. Le « Marine
Mammal Protection Act » de 1972 révisé en 1990, relatif à la protection des mammifères marins en
danger actuel ou potentiel d’extinction, fut en effet jugé incompatible avec les principes du GATT, en ce
qu'il constituait, entre autres choses, nous l'avons souligné, une mesure de protectionnisme déguisée.
2.2 Des questions non résolues
Ces deux décisions, pour ne citer qu'elles, ne semblent pas augurer de lendemains heureux pour
l'Etat qui souhaiterait protéger la forêt tropicale en limitant l'importation de son bois. Ce d'autant plus
que, dans les affaires que nous avons examinées précédemment, le concept d'extra-territorialité n'était
pas dénué d'équivoque. Il s'agissait en effet dans les deux cas de protéger des espèces migratrices,
16
Affaire Etats-Unis – Prohibitions à l’importation de certaines crevettes et certains produits à base de crevettes, Rapport
du Groupe Spécial du 6 juin 1998 (International legal Materials, 1998, p.830) ; décision confirmée par l'Organe d'appel le 12
octobre 1998 (WT/DS58/AB/R). Pour une présentation instructive de cette affaire, citons notamment D.KACZCA, WTO’s
shrimp-sea turtle Decision, Review of European Community and International Environmental Law 1998, n°3, p.308.
17
Il convient cependant de souligner que les membres du Groupe Spécial, en l'occurrence, retinrent comme argument que les
techniques de pêche imposées étaient des normes portant sur les processus et méthodes de production (MPP), sur le
fondement desquelles aucune discrimination n'est autorisée par les dispositions du GATT : nous reviendrons abondamment
sur ce concept dans notre deuxième partie. Dans le cas du bois tropical, cet argument ne serait pas recevable si l'Etat en
question, occultant la question des MPP, se bornait à interdire l'importation de bois tropical en vue de sauvegarder la forêt.
Cela dit, d'autres arguments, développés par ailleurs, pourraient être opposés à cet Etat.
18
Cf. note n°15, Ibid.
13
appartenant à ce qu'il convient d'appeler aujourd'hui, pour employer une expression de notre temps, au
"patrimoine commun de l'humanité" et constituant juridiquement des res comunes, c'est-à-dire une
ressource naturelle commune. Ce qui est, au-delà des discours officiels, moins évident en ce qui
concerne les essences tropicales, attachées à un territoire et ne se transférant qu'à la faveur de
l'intervention de l'homme19.
Cela dit, une deuxième affaire très semblable dans les faits à celle du "thon mexicain", mais
opposant cette fois-ci les Etats-Unis à la Communauté européenne, fut soumise à un Groupe Spécial, qui
rendit son rapport au mois de juin 199420 : il ne condamne pas de manière catégorique, faut-il le
souligner, les mesures à portée extra-territoriale teintées de motivations écologiques, et admet que des
lois nationales peuvent être appliquées dans les zones qui échappent à toute compétence territoriale.
Cette décision, malgré ses imperfections21, laissait entrevoir quelque espoir et augurait, pour un Etat qui
souhaitait engager une action volontaire en faveur de la protection des forêts tropicales, des perspectives
plus optimistes. Elle fut en partie confirmée par le Rapport de l’Organe d’Appel dans l’affaire des
Crevettes22 : ce dernier semble admettre les mesures unilatérales à portée extra-territoriale, à la
condition qu’elles soient « raisonnables », tout le problème étant bien entendu d’apprécier le caractère
abusif ou non des mesures en question23.
Sans doute conviendrait-il de laisser le temps aux membres de l’O.R.D. de digérer ce concept
d'environnement, somme toute assez nouveau pour lui. Une décision qui décrirait avec précision à
quelles conditions les mesures unilatérales "écologiques" à portée extra-territoriale sont admissibles,
pourra alors peut-être être rendue.
B.La protection d'un écosystème national
19
Ce raisonnement nous paraît d'autant plus pertinent que les pays africains et asiatiques, qui disposent de forêts tropicales
sur leur propre territoire, les perçoivent souvent comme une source de profits et de richesse. Aussi, verraient-ils d'un mauvais
œil le fait que l'on élève ces forêts au rang de "ressource commune" et que tout Etat puisse, à ce titre, les réglementer.
L'impérialisme écologique des occidentaux, maintes fois dénoncé, serait très probablement de nouveau décrié.
20
Affaire Etats-Unis - Restrictions à l’importation de thon en provenance des Communautés européennes, Rapport du
Groupe spécial non adopté, International legal Materials, 1994, p.839.
Pour une analyse de cette décision, cf. S CHARNOVITZ, Dolphins and Tuna : an analysis of the Second Panel report,
Environmental Law Review, October 1994, p.10575.
21
Pour une excellente analyse des limites du raisonnement du Groupe Spécial, dont la décision au final fut défavorable à la
protection de l’environnement, cf.C.SALPIN, Contribution de la CIJ et de l’Organe de Règlement des Différends de l’OMC
à la protection et au droit international de l’environnement, Mémoire de DEA, 2000, Paris II.
22
cf.note n°16, ibid.
23
En l’espèce, la mesure américaine avait été jugée abusive en raison de ce que, entre autres, les Etats-Unis n’avaient pas fait
précéder cette décision de négociations « sérieuses » et que les actions à réaliser pour atteindre les objectifs de la loi
américaine - utiliser certaines techniques directement prescrites par les Etats-Unis - étaient résolument directives.
14
Qu'adviendrait-il si un Etat, désireux de protéger l'environnement national, restreignait les
importations ou l'utilisation du bois tropical, ou bien le soumettait à des contraintes techniques
particulières ?
Plus concrètement, et pour effleurer une question d'actualité, un Etat pourrait-il prendre des
mesures protectionnistes visant à limiter l'invasion d'insectes, d'animaux nuisibles ou malades, afin
d'éviter les épidémies dans ses propres forêts24 ?
a/ Des antécédents jurisprudentiels défavorables
Les conditions très restrictives posées par l'article XX du GATT, conjuguées à une tradition très
ancrée d'interprétation stricte de ces dérogations générales, limitent considérablement la faculté pour un
Etat de soulever une telle exception. Les précédents examinés par l’Organe d’Appel de l’OMC, du reste,
sont là pour le prouver.
Arrêtons-nous sur l’affaire du "bœuf aux hormones"25 par exemple, qui naquit d'une interdiction
européenne d'importer de la viande contenant des hormones de croissance en provenance des EtatsUnis. Quoique l’Organe d’Appel, en l’espèce, reconnût l’existence du principe de précaution – ce qui, il
est vrai, n’est pas la moindre des avancées -, en déclarant qu’il est un « principe général du droit
international coutumier de l’environnement », il estima que les conditions subordonnées à son
application n’étaient pas réunies. Selon lui, la preuve du risque de cancer qu'aurait entraîné la
consommation de cette viande n'était pas évaluée précisément, et partant, n'était pas convaincante. Il
confirma par là même que le principe de précaution est interprété de manière stricte par l’ORD, qui
exige un niveau d’incertitude très faible pour admettre des mesures restrictives au commerce
international26. L’interdiction décrétée par l'Union européenne violait donc les règles de l'Accord sur les
Mesures Sanitaires et Phytosanitaires de l'OMC.
24
Pour un aperçu des conséquences extrêmement néfastes que peuvent emporter des phénomènes de cette nature, cf.Le
Monde, Après la tempête, la forêt est menacée par les insectes ravageurs, 15.03.2000, p.26.
25
« Affaire Communautés européennes - Mesures concernant les viandes et produits carnés (Hormones)», Rapport du
Groupe Spécial du 17 janvier 1997 et de l’Organe d’appel du 16 janvier 1998, adopté le 13 février 1998.
26
Cette vision des choses a été confirmée dans l’affaire opposant le Canada à l’Australie au sujet de l’importation de
saumons n’ayant pas été traités contre les contaminations épizootiques (Affaire Australie – Mesures visant les importations
de saumons, Rapport de l’Organe d’Appel adopté le 6 novembre 1998 (WT/DS18/AB/R)). L’Organe d’appel a précisé que
l’étude d’évaluation des risques, sur laquelle s’appuient les arguments de l’Etat qui souhaite limiter ses importations, doit
mettre en évidence une « probabilité » de réalisation du risque, une simple « possibilité » demeurant sans valeur à ses yeux.
15
Aussi, l’Organe d’Appel autorisa-t-il les Etats-Unis et le Canada à imposer des mesures de
compensation financières sur certains produits de l'Union27, dans l'attente des résultats d'une étude
scientifique portant sur une longue période.
Si la santé publique n'émeut pas d'avantage les membres de l’O.R.D. - ou commence à peine à
les interpeller28 -, et si l'incertitude scientifique qui peut exister dans ce domaine joue en faveur des
principes du libre-échange, pour quelles raisons ces derniers se préoccuperaient-ils de l'état et de la santé
de nos plantes et de nos forêts ? Et cela, même si l'espèce dont nous nous soucions répondrait
positivement, à notre sens, à l'ensemble des conditions énumérées par l'article XX du GATT pour faire
jouer le mécanisme des exceptions.
b/Une démarche qui répondrait aux conditions restrictives de l'article XX
En premier lieu, un Etat désireux de prendre des mesures de protection de son propre
écosystème, devrait s’appuyer sur des normes et des recommandations internationales, si elles existent.
S'il considérait que ces standards internationaux ne sont pas assez efficaces, et qu'il voulait à ce titre
prendre des mesures supplémentaires, il lui faudrait apporter un certain nombre de preuves.
En premier lieu, de telles mesures devraient se fonder sur la preuve scientifique et indiscutable
du caractère néfaste de l'absence de restriction : la simple "possibilité" d'un risque sans grande
probabilité de réalisation, sur lequel repose le virtuel "principe de précaution", étant sans portée, nous
l’avons souligné, devant les institutions de l'OMC29. La charge de la preuve incomberait donc à l’Etat
soulevant l’exception et non pas à l'exportateur, qui n'a pas à prouver l'innocuité du bois qu'il
commercialise.
En ce qui nous concerne, cette preuve, puisqu'il s'agit de faits objectifs dont la causalité paraît assez
évidente, ne nous semble pas excessivement difficile à apporter.
27
Les sanctions à l’égard de l’Union européenne furent officiellement autorisées par l’O.R.D à compter du 29 juillet 1999
(Rapport du 12 juillet 1999, WT/DS26/AR/B).
28
Le conflit qui opposa le Canada à la France, à propos du refus de cette dernière d'importer de l'amiante (Rapport du
Groupe spécial du 24 septembre 1999, WT/DS135/R), montre que les membres de l’ORD évoluent et commencent à
assouplir leur interprétation des exceptions de l'article XX qui concernent la santé publique. Nous nous démarquons sur ce
point de l'analyse de certains auteurs, qui stigmatisaient, en l'espèce, l'inertie des membres du Groupe Spécial (cf. Raphaël
ROMI, O.M.C, mondialisation et environnement : qui a peur du grand méchant loup…, LPA n°6 du 10 janvier 2000, p.6).
Cela dit, il faudra sans doute attendre pour constater des évolutions significatives dans le domaine de l'environnement, qui ne
constitue manifestement pas une priorité de l'OMC.
29
Au sujet de la prise en compte du principe de précaution par l’ORD et des perspectives en la matière, se rapporter à
l’article de E.CANAL-FORGUES, Ibid., p.17.
16
En outre, de telles mesures devraient être appliquées dans le seul dessein, soit de protéger la vie
ou la santé de certaines espèces préalablement visées, soit de conserver les ressources naturelles
épuisables. Elles ne devraient pas, par conséquent, s'interpréter comme des moyens de restriction
déguisée ou de discrimination arbitraire.
Enfin, de telles mesures devraient être nécessaires30 : la restriction à l'importation du bois
tropical doit constituer le moyen le plus approprié de sauvegarder la santé des forêts indigènes et
apparaître comme l'unique mesure envisageable. En d’autres termes, il convient d’apporter la preuve –
qui, en principe, ne sera pas aisée à décliner - qu’aucune autre mesure compatible ou plus compatible
avec les principes de l'OMC, qui aurait permis d'atteindre l'objectif fixé, n’existe31. A ce propos,
d'aucuns pourraient objecter que l'interdiction d'importer du bois tropical ne représenterait pas le moyen
plus compatible avec les règles de l'OMC et que l'on pourrait au contraire envisager de pérenniser les
importations, tout en se souciant, par le biais de pesticides par exemple, d'éradiquer l'épidémie. Cet
argument ne nous paraît pas recevable. Il serait un non-sens économique - le coût de la tonne de
pesticides est très élevé -, écologique - l'utilisation de pesticides n'est pas sans incidence sur la marche
ordinaire des écosystèmes, notamment forestiers - et sanitaire, dans la mesure où l'utilisation des
pesticides mettrait en péril notre santé aussi bien que celle des essences soignées (puisque rien ne
pourrait garantir que ce système curatif, au lieu d'être préventif, donnerait des résultats probants).
II LES REGLES DU COMMERCE INTERNATIONAL ET LE LIBRE CHOIX
DU CONSOMMATEUR : DEUX PÔLES INCONCILIABLES ?
Si les conséquences d'une telle démarche sont similaires à celles que nous avons décrites dans
notre première partie - à savoir, en théorie, une réduction sensible du volume des importations de bois
tropical - elle se distingue nettement quant à son esprit. Il s'agira pour l'administration en question
d'accorder la préférence, dans le cadre de ses activités de service public, à un bois qui proviendrait de
sources gérées durablement, ou de décréter explicitement la réduction ou la non-utilisation de bois
tropical dans les marchés publics futurs (1) ; quant au particulier, un mécanisme d'information
concrétisé par exemple par l'apposition d'un label de qualité sur le produit - c'est le système de
30
Pour un examen plus approfondi du critère décisif de "nécessité", cf. O. PAYE, La Protection de l'environnement dans le
cadre de l'OMC, Aménagement du territoire (Kluwer), 1996-3, pp.102-111.
Pour un développement de cette notion, se reporter au rapport du Groupe spécial de l'affaire de normes américaines
relatives à l'essence : cf. note n°4, ibid. p.44.
31
17
"l'écocertification" - lui permettrait d'éclairer son choix et de sanctionner indirectement les Etats ou les
producteurs qui ne respecteraient pas les critères environnementaux (2).
Dans ce contexte, une question se pose : ces mécanismes sont-ils conformes aux règles du libreéchange et de non-discrimination entre les produits, édictées par le GATT 94 et par les autres
réglementations de l'OMC ?
1)Le cas spécifique de l'acquisition de bois par l'administration
La procédure d'appel d'offre "verte" est un mécanisme qui permettrait de promouvoir le critère
environnemental et de réduire la demande de bois tropical provenant de forêts gérées dans l'ignorance
du concept de développement durable32.
Aux Etats-Unis notamment, on a observé un large mouvement de l'administration tendant à réduire la
consommation de produits provenant de forêts primaires et visant à développer la production de papier
recyclé, globalement plus écologique que celle du papier ordinaire.
La question de la légalité de ces "préférences" administratives est néanmoins débattue
aujourd'hui.
A.Les achats de l'Etat
a/ La dérogation de principe aux règles du GATT
L'article III § 8 du GATT prévoit, en ce qui concerne le "principe du traitement national" que
nous avons décrit précédemment, qu'il ne trouve pas à s'appliquer "aux lois, règlements et prescriptions
régissant l'acquisition, par des organes gouvernementaux, de produits achetés pour les besoins des
pouvoirs publics et non pas pour être revendus dans le commerce ou pour servir à la production de
marchandises destinées à la vente dans le commerce".
32
Cette question était d'autant plus d'actualité que le nouveau Code des marchés publics, qui devrait entrer en vigueur
instamment, intégrera dans le cahier des charges d'un appel d'offre un certain nombre de nouveaux critères, parmi lesquels
celui se rapportant au respect de l'environnement. Ce texte permettra d’introduire des caractéristiques environnementales
dans l’objet même du marché et d’en faire une obligation contractuelle. Cela dit, celles-ci, dans l’état actuel du projet, ne
devraient pas rentrer dans les critères de choix du prestataire. Par ailleurs, le prix demeurerait le paramètre déterminant.
18
En outre, il est inscrit dans l'article XVII § 2 du GATT que cette même disposition s'applique
aux entreprises commerciales d'Etat (il s'agit en France des SPIC, les "services publics industriels et
commerciaux").
Il semblerait donc que les services de l'Etat puissent, dans le respect des conditions de l'article III
§ 8, licitement décréter une interdiction d'utiliser dans les travaux publics du bois tropical, ou bien
accorder la préférence au bois indigène ou au bois tropical provenant de sources gérées durablement.
b/Le régime spécifique contenu dans l'Accord sur les Marchés publics
L'Accord multilatéral sur les Marchés Publics de 1981, modifié en 1996 et intégré dans l'OMC,
contient un article III qui prévoit que les parties contractantes sont liées par les principes du traitement
national et de la nation la plus favorisée. C'est ainsi qu'un Etat, contrairement aux règles du GATT, ne
peut appliquer un traitement moins favorable aux produits étrangers, par rapport au traitement qu'il
applique aux produits nationaux similaires, si :
-son partenaire commercial est lui-même ressortissant d'un Etat partie à l'Accord, le seul fait qu'il soit
membre de l'OMC ne suffisant pas ;
-le montant négocié dans le contrat dépasse un certain seuil qui, au vu de la faiblesse de son montant,
sera généralement atteint.
Par ailleurs, selon l'article VI de ce même Accord, les spécifications techniques, qui définissent
les caractéristiques des produits faisant l'objet d'un marché, doivent d'une part être fondées sur des
normes internationales, dans le cas où il en existerait, et à défaut seulement, sur des normes nationales ;
d'autre part, ces normes techniques concernent les "propriétés d'emploi du produit", c'est-à-dire un
critère de performance et de compétitivité, plutôt que la "conception" du produit, qui se rapportent aux
méthodes de production ou aux procédés de fabrication (on les appelle plus communément les "P.M.P."
pour : processus et méthodes de production).
C'est ainsi par exemple que la préférence tacite ou explicite mentionnée dans un appel d'offres pour du
papier recyclé pourrait être prohibée. C'est encore ainsi que le fait de favoriser un bois tropical produit
dans le respect du développement durable au détriment d'un bois tropical quelconque serait sans doute
réprimandé.
De surcroît, si l'Accord sur les Marchés Publics incorpore, au terme de son article XXIII, la
majorité des exceptions énumérées dans l'article XX du GATT, il est à noter cependant que la protection
de "l'environnement" et des "ressources épuisables" n'a pas été explicitement intégrée : seul l’objectif de
19
"protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou la préservation des végétaux", qui
nous paraît nettement plus restrictif, est mentionné.
B. Les achats des collectivités
a/ Un terrain favorable aux appels d'offres "vertes"
L'Accord sur les Marchés Publics s'applique aux Etats et aux organismes en dépendant et non
pas aux administrations décentralisées.
C'est la raison pour laquelle la région, le département ou la ville, paraissent constituer des échelles plus
adaptées aux appels d'offres "vertes", à la condition bien entendu que de tels obstacles aux échanges ne
s'apparentent pas à des restrictions déguisées.
Cela dit, si la protection de l'environnement de l'Etat dont dépend la collectivité serait très
probablement interprétée comme un objectif licite, il n'est pas certain que le dessein de protection des
écosystèmes forestiers se situant en dehors des frontières de l'Etat en question serait considéré comme
légitime à l'aune du principe du libre-échange.
Il n’en reste pas moins que les collectivités semblaient a priori disposer d'une marge de
manœuvre supérieure à celle des services étatiques ; l'expérience a toutefois montré qu'il n'en était rien.
b/ Un terrain stérile en pratique
En 1996, par exemple, l'Etat américain du Massachusetts adopta une loi destinée à dénoncer la
violation des droits de l'homme en Birmanie : le principe en était l'interdiction pour toute administration
du Massachusetts de contracter et de se fournir auprès d'une entreprise ayant investi et produisant en
Birmanie. L'Union européenne et le Japon, émus par ce dessein qui violait à leurs yeux les règles du
commerce international, initièrent une procédure de règlement de différend. Quoique la décision n'ait
pas encore été rendue, l'attitude des Européens et des Japonais ne laisse pas augurer une mise en œuvre
aisée de l'exception de "protection de la santé et de la vie des animaux et des végétaux".
Quelques autres exemples passés, dans des domaines qui nous concernent de plus près,
l'illustrent d'ailleurs.
20
Pour lutter contre la déforestation, le Minnesota adopta, au début des années 1990, une loi qui
accordait la préférence dans ses appels d'offre au papier recyclé, sans distinction d'origine, de telle sorte
que le principe du traitement national était scrupuleusement respecté. Toutefois, face aux menaces
professées par le Canada et pour éviter un éventuel litige commercial, l'Etat du Minnesota accepta de se
fournir auprès des industries canadiennes de papier non recyclé.`
De la même manière, en 1995, l'Etat de New York s'interdit pour l'avenir de se procurer du bois
tropical, à moins que celui-ci ne provînt de sources gérées durablement. Bien qu'aucun litige
commercial ne menaçât, le Gouverneur de l'Etat de New York d'alors, George Pataki, proposa, pour se
conformer aux règles de l'OMC avança-t-il, d'abroger la loi.
Qoique cette loi soit finalement encore effective - en grande partie grâce aux pressions exercées par
l'opinion publique - l'attitude du Gouverneur de New York est symptomatique : la réglementation floue,
la jurisprudence inaboutie de l’O.R.D. et les menaces quasi systématiques des partenaires commerciaux
aidant, les collectivités reviennent souvent sur les protections qu'elles avaient accordées à
l'environnement.
L'OMC se présente donc, semble-t-il, comme une institution qui menace de tempérer les initiatives
locales qui iraient dans le sens d'une meilleure protection des forêts tropicales.
2)La question de l'écocertification
L'écocertification est un mécanisme qui permettrait au consommateur, au moyen de l'apposition
d'un label, de distinguer les produits dont les méthodes de production et d'extraction ont un impact
négatif mineur sur l'environnement et sur la survie des forêts tropicales. Cette information aurait pour
objet d'influer à court terme sur son achat immédiat et de modifier, à moyen terme, ses habitudes de
consommation.
L'apposition d'un label - le plus pressenti actuellement étant le label FSC : "Forest Stewardship
Council » - sur les produits ligneux (nous songeons aux meubles mais aussi au papier par exemple)
garantirait au consommateur que le produit provient de forêts gérées durablement et, accessoirement,
qu'il respecte l'environnement à toutes les étapes, de la production jusqu'à l'achat par le consommateur
(il s'agit du concept très en vogue de "cycle de vie" d'un produit).
Un tel système serait-il compatible avec les règles du GATT 94 et de l'OMC ?
21
La réponse à cette question n'est pas aisée, en raison de ce que, entre autres, il règne aujourd'hui, dans ce
domaine, une grande incertitude sur le point de savoir quelle catégorie de textes et quelles règles
s'appliquent33.
A.L'application de l'Accord sur les Obstacles Techniques au Commerce
Bien qu'aucune décision ne soit intervenue en ce sens, le système de l'écocertification, dont le
fondement se trouve dans les caractéristiques des produits concernés et qui commanderait donc aux
producteurs de respecter un certain nombre de conditions techniques très strictes pour pouvoir prétendre
à l'utilisation du label, semble tomber dans le champ de l'Accord sur les Obstacles Techniques au
Commerce, entré en vigueur à partir de 1980, et inséré ensuite à l'Annexe I A de l'OMC.
Cet Accord (ou "Code de la normalisation") vise à empêcher que les réglementations techniques
et les normes nationales constituent une restriction déguisée au commerce international, voire une
discrimination arbitraire ou injustifiée à l'égard des produits étrangers.
Cette réglementation technique, selon l'article 2 de l'Accord, doit être "nécessaire", "proportionnelle" et
poursuivre des "objectifs légitimes", l'environnement étant expressément mentionné parmi ceux-là : c'est
la raison pour laquelle, à notre sens, l'écocertification serait dès lors tout à fait licite. Ce d'autant plus
que l'Accord admet expressément les normes régissant les processus et les méthodes de production
(P.M.P.), qui auraient permis d’atténuer, dans notre cas, les risques environnementaux potentiels liés à
la production d'un produit ligneux. L'article 2 précise en effet qu'il est permis de prendre en
considération les "techniques de transformation connexes", c'est-à-dire la manière dont le produit est
conçu et transformé, lesquelles seraient prises en compte dans le cadre de l'écocertification.
Cela dit, si l'on entendait, comme certains le soutiennent, par "PMP connexes" les seules PMP
qui modifient les caractéristiques finales d'un produit, à l'exclusion de toutes les autres, l'écocertification
serait sans doute interdite, tant il est vrai qu'un bois tropical extrait dans le respect de l’environnement et
un bois tropical quelconque présentent en fin de compte les mêmes caractéristiques. Songer à amender
l'Accord constituerait probablement alors le seul moyen qui permettrait de sauver l'écocertification.
33
L’incertitude est telle que l’on en vient même à se demander si l’écocertification n’est pas un mécanisme qui, de jure,
serait exclu du champ de l’OMC. C’est ce que soutient notamment l’APEC (Asia Pacific Economic Cooperation), qui
déclarait en 1999 : « Measures such as certification are probably outside the influence of GATT/WTO. In the language of
trade negociators, trade restrictions are confined to formal institutional measures that restrict trade and are the subject of
normal international trade negociations such as WTO. Certification appears to fall outside this ambit » (Draft study on nontariff measures in the forest products sector in the APEC economies, August 1999, Forest Reaserch).
22
Signalons en outre que le label FSC que nous avons mentionné préalablement, garantirait que le bois
extrait et commercialisé l’a été dans le respect des conditions du développement durable. Ce dernier
comprend des facteurs économiques, écologiques mais également sociaux. Or, si l’Accord reconnaît les
standards se rapportant à la santé, à la qualité des produits ou à l’environnement, aucune mention n’est
faite aux conditions de travail ou à la répartition des bénéfices. Le label FSC, pour être compatible avec
les règles de l’OMC, devrait donc revoir ses ambitions à la baisse et occulter, le temps que le Code de la
Normalisation soit éventuellement amendé, la problématique du développement durable pour se
concentrer sur la seule question écologique.
B.Les règles générales du GATT
Si en revanche le code de la normalisation ne devait pas s'appliquer, on devrait avoir recours aux
règles générales du GATT. Ces dernières admettent les discriminations entre les produits fondées sur les
caractéristiques finales du produit, à savoir : la conception, le contenu, l'utilisation, le conditionnement
et l'étiquetage.
En revanche, elles sont hostiles, rappelons-le, aux discriminations entre les produits fondées sur les
PMP, car elles reviendraient à imposer aux pays exportateurs des normes réglementant la manière dont
les produits doivent être fabriqués ou transformés. La prise en compte de ces PMP constituerait de
surcroît une appréciation arbitraire et déloyale sur le point de savoir ce qui est bon ou non pour
l'environnement.
Dès lors, le bois tropical "non écologique" devrait être traité de la même manière que le soit disant bois
tropical "écologique", dans la mesure où leurs propriétés sont identiques : l'écocertification serait
probablement interdite, et ce même si, de l’avis de certains membres de l’OMC, elle est par certains
côtés attrayante. Le Comité Commerce et Environnement de l'OMC, à ce sujet, reconnaît volontiers que
la voie de l'écocertification ou de "l'écoétiquetage", pour employer ses propres termes, contribue à
permettre au consommateur d'effectuer des choix en connaissance de cause. Cela dit, selon lui, elle
pourrait également avoir comme conséquence de limiter l'accès du marché aux fournisseurs étrangers34.
Cette opinion partagée a d’ailleurs été reprise, de manière plus ou moins voilée, par d’autres
Organisations internationales35.
34
Sur ce point, cf. Nathalie KOSCINSKO-MORIZET, Environnement et commerce international, Les notes bleues de
Bercy, 16-11-1999, n°171, p.7.
35
C’est ainsi que les émissaires de la Commission européenne au Comité Commerce et Environnement de l’OMC
déclaraient récemment : « The European Commission remains of the view that voluntary eco-labelling schemes (…) are
23
L'OMC et les règles du GATT semblent donc ralentir l'épanouissement de ce qui pourrait
représenter une solution raisonnable, se situant à mi-chemin des objectifs autrefois contradictoires
d'information du consommateur, de lutte contre la déforestation et de libre circulation des biens.
Certains espéraient que les négociations prévues dans le cadre de l'OMC auraient permis d'élaborer des
règles - en faveur de la protection de l'environnement de préférence - dénuées d'ambiguïté, afin de
définir les contours et les limites de l'écocertification.
Il n'en a rien été36. Convenons-en, l'examen des projets de l'OMC, au contraire, ne nous rassure guère
quant à l'essor de la pratique d'écocertification, l'idée étant, en pratique, de libéraliser toujours davantage
les échanges.
III UN PROCESSUS QUASI-INELUCTABLE : VERS L'ABSENCE TOTALE DE
PRISE EN COMPTE DES BESOINS DE PROTECTION DES FORETS
TROPICALES POUR LE COMMERCE MONDIAL ET L’INVESTISSEMENT
INTERNATIONAL ?
Les règles actuelles de l'OMC et la jurisprudence de l’O.R.D. semblent donc plutôt aller à
l'encontre de toute démarche - d'origine privée ou publique - qui tendrait à juguler la déforestation
tropicale. Cette tendance risque de s'affermir dans les mois ou les années à venir.
Deux projets, plus ou moins imminents, sont là pour l'attester : leur adoption, à terme, pourrait
rendre plus difficile encore la protection des forêts tropicales.
1) Une volonté de déréglementation totale des échanges de produits ligneux
compatible with trade disciplines provides that they run in a trasparent open and non-discriminotary manner. However the
E.C. is also firmly of the opinion that a general recognition of the legitimacy of enforcing PPM through trade measures
should be exclueded ». Bien que la Commission européenne, en apparence, tienne un discours relativement ouvert, il est
difficile de ne pas distinguer dans ses propos une certaine méfiance, qui résonne comme un écho de la position vaporeuse de
l’OMC.
36
La lenteur des négociations au sujet d’une question aussi délicate était néanmoins prévisible. En 1995, déjà, Richard
Egglin déclarait : « Il est peu probable que des problèmes aussi sensibles que l’ecollabelling puissent être résolus en
quelques mois » (Propos rapportés dans : A.LANDAU, Conflits et coopération dans les relations internationales : le cas de
l’Uruguay Round, BRUYLANT, LGDJ, 1996, p.148).
Sans doute ne croyait-il pas si bien dire : six ans après, le dossier ne semble pas avoir avancer de façon significative.
24
Le premier d'entre eux concerne la campagne que mène actuellement l’APEC, soutenu par les
Etats-Unis, en faveur de la suppression progressive et totale des barrières douanières sur les produits
forestiers, sans qu'aucune condition de développement durable ne soit prescrite.
Plus précisément, dans le cadre de la troisième Conférence ministérielle de l’OMC, l’APEC
soumit une proposition de réduction des tarifs douaniers dans huit secteurs (il s’agit du projet baptisé
« Accelerated Tariff Liberalisation » ou « ATL »), au premier rang desquels figuraient les produits
forestiers37. Les tarifs douaniers qui leur sont appliqués actuellement – à l’exception des produits
manufacturés d’ameublement -, certes, ne sont pas élevés : une réduction des tarifs en vigueur ne
semblait pas devoir avoir un impact démesuré. Cela dit, la proposition allait plus loin : elle prévoyait la
suppression définitive des tarifs douaniers concernés, y compris sur les produits manufacturés, à
compter de janvier 2002.
Ce projet, à l’heure qu’il est, n’a pas été entériné. S’il se concrétisait, ce sont, selon l'Association
américaine d’Industrie du Papier, 3 ou 4 % de produits forestiers supplémentaires qui seraient échangés
chaque année38, ce qui accélérerait probablement le processus de déforestation tropicale et détruirait
définitivement les dernières forêts primaires et les espèces qu'elles abritent. Un tel contexte, qui plus est,
contribuerait à faire exploser le marché spécifique de l’ameublement, dont on sait qu’il exploite
volontiers les essences tropicales.
Cela dit, il convient de signaler ici que plusieurs voix se sont élevées contre cette proposition : le
Japon, par exemple, a déjà fait savoir que, s’il était en faveur de l’ATL, il entendait exclure de son
champ les produits forestiers39.
2) L'abolition des barrières et des réglementations limitant les investissements
A.La teneur du projet
La protection des investissements étrangers serait le mobile du deuxième projet, qui malgré
l'échec des négociations de l'AMI ("Accord Multilatéral sur les Investissements") à l'OCDE, devrait être
renégocié à terme dans le cadre de l'OMC40.
37
Proposition WT/GC/W/138/add 1.
FERN, The Millenium Round and its relevance to forests, novembre 1999, p.3.
39
Communication du Japon WT/GC/W/221.
38
25
Le projet vise à couronner la libéralisation des investissements directs et imposer l'égalité de traitement
des investisseurs étrangers et locaux dans les pays signataires. Un accord multilatéral de cette nature, par
conséquent, risquerait d’engager de facto les Etats signataires à livrer, sans restrictions ni conditions,
toute richesse nationale à n'importe quel investisseur qui s'en porterait acquéreur.
On perçoit dès lors sans peine ce qui pourrait advenir de la protection de l'environnement et des
forêts en particulier, au cas où aucun aménagement aux principes de protection intégrale et constante des
investisseurs étrangers n'était mis en place.
B.Les conséquences probables d'un tel projet à travers l'exemple de l’ALENA
L'exemple de l’ALENA( « Accord de Libre-Echange Nord Américain »), qui a mis en place un
système voisin, est symptomatique41. Il a montré qu'un Etat qui agissait pour l'intérêt général et contre
les investissements d'une entreprise étrangère susceptibles de le mettre en danger, courait le risque d’être
sanctionné durement par les organes juridictionnels compétents42. Le Traité fondateur, dans son chapitre
11, donne en effet la faculté à l'investisseur "lésé" de réclamer des dommages-intérêts équivalents au
manque à gagner dont il pâtit43. Des perspectives toujours plus importantes devraient s’offrir à lui, dans
ce domaine, devant les différents tribunaux arbitraux prévus par les dispositions du chapitre 11 de
l’ALENA pour régler les conflits de cette nature44.
Plusieurs affaires récentes, du reste, ont confirmé les craintes que la mise en place d’un tel
système avait fait naître chez les observateurs dans un premier temps et plus récemment dans l’opinion
publique.
C’est ainsi par exemple qu’une Société américaine de traitement de déchets dangereux, la
Société Metaclad, n’a pas hésité à demander au gouvernement mexicain la somme de 90 millions de
40
Pour une vision d’ensemble du projet avorté et des perspectives d’avenir, cf. Un Accord Multilatéral sur l’Investissement :
d’un forum de négociation à l’autre ?, Journée d’études organisée par l’Institut des Hautes Etudes Internationales le 7
décembre 1998, PEDONE, 2000.
41
Pour une excellente vue d’ensemble du dispositif global de l’ALENA et plus précisément des rapports que ce dernier
entretient avec les questions d’environnement, cf. : NAFTA and the Environnement, 1996, Kluwer Law International.
42
Dans le projet avorté de l'AMI, c'est à la Chambre de commerce internationale qu'aurait incombé cette tâche.
43
A ce sujet, concernant le problème spécifique de l’environnement, citons notamment J.A.ABOUCHAR, R.J.KING,
Environmental Laws as Expropriation under NAFTA, Review of European Community and International Environmental
Law, 1999, vol.8 n°2, p.209 et A.SULKOWSKI, NAFTA’s Indirect Expropration Protections : will compensation be
required when ecoligical protections are applied ?, Mealey’s International Arbitration Report, février 2000, vol.15 n°2, p.23.
44
cf. sur ce point, Tribunal arbitral de l’ALENA, Sentence du 1er novembre 1999, « Affaire Robert Aznian et consort c. EtatsUnis du Mexique » et Sentence du 2 juin 2000, « Affaire Waste management c. Etats-Unis du Mexique », RGDIP 2000-4,
p.1045.
26
dollars, au titre de dommages-intérêts, parce que la municipalité de Guadalcazar, sur le territoire de
laquelle devait être implanté un centre de traitement de déchets, était revenue sur l’autorisation de
l’exploiter, initialement accordée par le gouvernement fédéral. Cette décision était pourtant motivée :
une telle activité était susceptible de contaminer les réservoirs d’eau du sous-sol et présentait donc un
risque écologique et sanitaire pour les populations des alentours. Cela n’a pas empêché le Tribunal
arbitral de l’ALENA de statuer en faveur de la Société Metaclad45 : il s’agit là de la première cause
gagnée par un investisseur privé dans le cadre d’une procédure d’arbitrage, prévue par le chapitre 11 de
l’ALENA.
C’est ainsi encore que la Société Ethyl Co a réclamé à un tribunal arbitral de condamner le
gouvernement canadien au versement d’une indemnité de 250 millions de dollars.
Cette revendication se fondait sur le fait qu’elle se considérait lésée par la décision de 1997 d’interdire
la vente sur le territoire canadien du M.M.T., substance qu’elle produisait, en raison de ce qu’il
constituait un risque pour la santé et pour l’environnement. La Société Ethyl soutenait essentiellement
que la mesure canadienne pouvait être assimilée à une expropriation, dans la mesure où elle l’empêchait
de poursuivre une activité qui avait été autorisée conformément à la loi canadienne46. Le fait que le
gouvernement canadien ait finalement opté pour la transaction témoigne de la pression qui pesait sur ses
épaules et de la protection très probable dont aurait bénéficié l’investisseur étranger47.
S.D.Myers INC., une entreprise américaine spécialisée dans la collecte et le traitement de
déchets dangereux, a elle aussi saisi un tribunal arbitral en application des dispositions de l’article 11 de
l’ALENA. Elle réclamait à l’Etat canadien une indemnisation en contrepartie de sa décision de ne plus
exporter des déchets de PCB48 – qui comptent au rang des déchets les plus toxiques – en application du
« principe de proximité ». Ce dernier commande en effet de traiter les déchets - et notamment les plus
dangereux d’entre eux - après les avoir collectés, au plus près de leur lieu de production, en l’occurrence
au Canada. La Société S.D.Myers se plaignait donc, entre autres choses, d’avoir été la victime d’une
expropriation indirecte des bénéfices attendus, découlant des investissements réalisés préalablement au
45
Affaire « Metaclad Corporation contre Mexique », enregistrée le 13 janvier 1997 sous le n°ARB(AF)/97/1, dont la
décision a été prononcée le 30 août 2000 : le gouvernement mexicain a été enjoint de verser à la Société Metclad la somme
de 16,7 millions de dollars au titre de dommages-intérêts. L’affaire est actuellement en cours d’examen devant la Cour
Suprême de Vancouver, à la suite des contestations de l’Etat mexicain.
46
Pour un approfondissement du débat juridique de l’espèce et de la décision du Tribunal arbitral, qui ne s’est prononcé que
sur la question de sa compétence, parmi les nombreux articles existants, citons J. SOLOWAY, Nafta’s chapter 11 : the
challenge of private party participation, Journal of International Arbitration, 01.06.1999, n°2, p 1.
47
Pour une analyse des incidences de cette affaire sur l’opinion publique et du rapprochement que cette dernière avait pu
faire à l’époque avec le projet d’AMI, se reporter à P.JULLIARD, L’AMI : Un Accord de troisième type ?, cf. note n°40,
ibid., p.64.
48
« Arrêté d’urgence sur l’exportation des déchets contenant des PCB » du 20 novembre 1995, abrogé le 4 février 1997.
27
Canada. Le Tribunal arbitral de Toronto lui a finalement donné gain de cause sur le fond 49. Notons
néanmoins que le Canada a été condamné non pas sur le terrain de l’expropriation mais bien sur le
fondement de la violation des obligations liées au traitement national (article 1102 du chapitre 11) et à la
norme minimale de traitement (art.1105).
On le voit, un tel mécanisme ne pourrait que décourager les Etats signataires d'un Accord de ce
type à élaborer une réglementation environnementale substantielle - en matière de protection du bois
tropical en l'occurrence -, de crainte de se faire sanctionner. Cette sanction pourrait être directe - sous la
forme d'indemnités devant être versées à l'investisseur mécontent - ou indirecte, l'Etat étant délaissé par
les investisseurs lui préférant un Etat plus conciliant, ce qui, nécessairement, aurait un impact sur la
croissance économique du pays, et partant, sur la situation de l'emploi.
CONCLUSION
La question du bois tropical est exemplaire : d'un côté, la plupart des pays en voie de
développement, alliés à certains pays occidentaux d'inspiration libérale militent, soit pour des raisons
relativement idéologiques pour ces derniers, soit pour des motifs purement économiques en ce qui
concerne les pays en voie de développement, pour une déréglementation quasi totale des échanges. Elle
permettrait sans doute à la commercialisation du bois tropical d'atteindre des sommets, tandis que les
forêts tropicales et le peu de forêts primaires restantes signeraient par là même leur arrêt de mort.
Il s'agit là de l'opinion des associations de protection de l'environnement, soutenues plus ou
moins explicitement par la politique verte de certains Etats ou de leurs collectivités - nous songeons ici à
la plupart des pays scandinaves ou aux Pays-Bas50. On dénonce de ce côté les égarements de l'OMC et
les méfaits de ses règles utilitaristes, coupables d’épuiser progressivement l'ensemble des matières
premières du globe et de déséquilibrer les écosystèmes les plus riches et les plus fragiles.
49
Décision du 13 novembre 2000 avec comme arbitre en chef Martin Hunter. Cette décision peut être consultée dans son
intégralité sur le site le Internet suivant : http://www.appletonlaw.com. L’évaluation monétaire du dommage devra cependant
être effectuée ultérieurement ; on saura alors si la Société S.D Myers INC. obtiendra la somme de 20 millions de dollars
américains qu’elle réclamait. Cela étant dit, soulignons que le Gouvernement canadien a annoncé le 8 février 2001 qu’il avait
présenté une requête devant la Cour fédérale du Canada en vue d’annuler cette décision.
50
Sur ce point : C.KONIJNENDIJK, Intermadiate evaluation of progress in achieving Netherlands Year 2000 objective for
sustainable forest management, European Forest Institute, février 1999.
28
Ce qui est certain, c'est que dans l’état actuel des choses, l'OMC, malgré la bonne volonté
manifeste qu’elle affiche depuis quelques années, ne nous paraît pas vraiment susceptible de garantir la
pérennité des forêts tropicales. Son discours contradictoire, ses atermoiements, ses interprétations
discutables des exceptions de l'article XX, la difficulté bien compréhensible qu'elle rencontre à
distinguer une mesure motivée par des considérations écologiques d'une mesure à finalité
protectionniste51, conjugués au fait que son Comité du commerce et de l'environnement ne semble guère
se soucier particulièrement de cette question urgente, appuient ce pronostic.
Conviendrait-il dès lors d'amender, comme le proposent certains, l'article XX du GATT en y
intégrant une référence aux "mesures prises conformément aux AME", afin de renforcer leur prise en
compte au sein de l’O.R.D.et permettre à des Accords tels que l’AIBT de connaître un impact majeur ?
Doit-on inclure une exception générale en faveur de l’environnement à l’Accord de Marrakesh, ce qui,
politiquement, ne serait guère aisé52 ? Serait-il opportun d'établir des critères généraux qui permettraient
de définir les conditions sous lesquelles des mesures commerciales pourraient être prises dans le cadre
d'un AME, pour être compatibles avec les règles du commerce mondial ? Doit-on créer une
Organisation mondiale de l'environnement en contrepoids à l'OMC, option dont la pertinence, à la
vérité, ne nous paraît pas manifeste53 ?
Il n’en reste pas moins que certaines de ces suggestions pourraient peut-être représenter des solutions
dans l'avenir54. Elles parient presques toutes sur le fait qu'il sera possible de lutter, par le biais du
commerce, pour la sauvegarde de la forêt tropicale. Cette perspective n’est évidemment pas à
exclure même si, nous l'avons souligné, les mesures protectionnistes déguisées en mesures
"écologiques" n'étant pas rares, elles ont entamé la crédibilité de ce type de démarches.
51
A ce propos, dès 1992, Anderson et Blackhurst soulignaient la confusion qui pouvait régner en la matière: "L'expérience
prouve que les tenants du protectionnisme s'allient souvent de façon très habile avec les mouvements écologistes" (Propos
rapportés dans : Mondialisation et développement durable : quelles instances de régulation ?, SOLAGRAL, Montpellier,
1998).
52
Sur ce point précis, cf. W.LANG, Trade an environment : Progress in the WTO ?, Environmental Policy and Law, 1997,
n°27-4, p.276.
53
Centraliser la gestion de « l’environnement mondial », d’une part, nous paraît être une ambition démesurée, laquelle serait
probablement freinée par certaines administrations nationales, au premier rang desquelles, sans doute, l’administration
américaine. D’autre part, un tel projet poserait des conflits de compétences quasi insurmontables, les organisations
internationales déjà en place n’étant pas prêtes à délaisser leurs compétences environnementales.
Nous nous démarquons à ce sujet du point de vue de D.C.ESTY, qui déplorait l’absence d’une organisation unique, dont la
préoccupation serait de traiter tous les problèmes d’environnement actuellement gérés par plusieurs institutions, selon leur
compétence : cf.D.C.ESTY, Gatting the Greens, not just Greening the GATT, Foreing Affairs, November-December 1993,
vol.72, n°5, p.34. Cette conception, à l’heure qu’il est, nous paraît pêcher par utopisme.
54
Sur ce point, cf.Le Monde, Les relations tumultueuses entre échanges mondiaux et environnement, 26.05.1998, p.13.
29
En tout état de cause, quand bien même ces prévisions optimistes se concrétiseraient, il serait
nécessaire à notre sens, au-delà de l’aspect juridique stricto sensu, de trouver d’autres moyens
susceptibles de favoriser la protection de la forêt tropicale. Il s'agirait alors, en amont, d'engager de
vastes programmes d'éducation dans les pays producteurs de bois tropical, de les aider financièrement à
gérer leurs forêts dans le respect du développement durable, de promouvoir la valorisation et la
transformation locales du bois55.
La France et l’Europe, qui n'ont jamais fait preuve d'un enthousiasme particulier en la matière,
sont attendues sur ce plan. A elles de montrer dans l'avenir que le sort des forêts tropicales les concerne
au premier chef. A elles, ainsi qu'aux autres Etats importateurs, d'adopter une ligne de conduite digne de
l'enjeu majeur que constitue la sauvegarde des forêts tropicales.
55
Ces objectifs, du reste, sont inscrits dans la "Déclaration de principes, non juridiquement contraignante mais faisant
autorité, pour un consensus mondial sur la gestion, la conservation et le développement durable de tous les types de forêt", cf.
note n°13, Ibid.
30