Phytothérapie
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Phytothérapie
Phytothérapie La phytothérapie, étymologiquement le traitement par les plantes, est une méthode thérapeutique qui utilise l'action des plantes médicinales. Elle est probablement la Médecine la plus ancienne. Depuis la nuit des temps, la première préoccupation de l’Homme fut de satisfaire ses besoins alimentaires. Puis il du lutter contre les maladies ou le mal être qui touchaient son corps et son esprit. Face à la maladie, il a cherché dans son environnement, les plantes, les animaux, les minéraux qui pouvaient le soulager. Par l’intuition, l’observation, l’expérimentation sur eux-mêmes ou sur des animaux, les hommes sélectionnèrent les végétaux utiles, ceux qui nourrissent, ceux qui soignent, ceux qui empoisonnent ou tuent et peuvent être utiles à la chasse ou à la guerre. Ainsi ils purent observer les animaux qui utilisent des plantes précises quand ils présentent certains symptômes. Les hommes qui découvrirent les premières plantes efficaces eurent la reconnaissance immédiate de leur entourage ; ce furent des guérisseurs. Ensuite, les hommes essayèrent, à partir de cette expérience, de prévoir l’utilisation médicale des plantes ; des théories explicatives du monde et plus particulièrement des conceptions de la santé et de la maladie furent élaborées. Ils bâtirent alors des médecines basées sur l’analogie, c’est-à-dire sur des relations entre ces plantes, l’environnement et le malade. En même temps, ils arrivèrent à améliorer l’efficacité de ces plantes par des préparations qui en diminuent leurs aspects défavorables comme leur nocivité ou leur goût et accroissent leur potentiel curatif. Dans chaque région du monde s’est échafaudé un système cohérent de croyances et de conceptions de la médecine -maladies du corps et de l’esprit- où sont décrits les causes de ces maux et les principes thérapeutiques pour rétablir la santé. La connaissance des plantes se transmet de génération en génération par un apprentissage ou une initiation dans toutes les sociétés de tradition orale (certaines populations de l’Afrique,, de l’Amérique , du Pacifique). Dans d’autres régions du monde, l’écriture véhicule ces savoirs thérapeutiques et c’est ainsi que se développent les médecines savantes grecque, indienne, chinoise et arabo-persane. D’où certaines règles importantes concernant la phytothérapie qu’il ne faut jamais oublier : 1) il n’y a pas une phytothérapie mais des phytothérapies en fonction des régions du globe et des cultures locales. 2) La diagnose de la plante est très importante. Cela s’apprend. 3) Les plantes ne s’utilisent pas telles quelles ; elles doivent être préparées. 4) Les plantes peuvent guérir, aggraver ou tuer Historique Les Grecs furent les héritiers des connaissances médicinales de l’Egypte et de la Mésopotamie. Des tablettes sumériennes donnent des indications sur l’utilisation de plantes en médecine humaine et vétérinaire, de même dans des hiéroglyphes égyptiens. Hippocrate, dès le IV e siècle avant J.C., appelé le “père de la médecine”, jette les base d’une médecine scientifique qui se débarrasse des pratiques magiques ou religieuses. Il élabore la théorie humorale, basée sur les quatre éléments constitutifs du monde : l’air, l’eau, la terre et le feu et sur les quatre humeurs : le sang, la bile, l’atrabile et le phlegme, en rapport avec quatre organes, respectivement le cœur, le foie, la rate et le cerveau. Ces éléments, humeurs ou organes peuvent être affectés par le chaud, le froid, le sec et l’humide. Nous ne sommes pas très éloignés de la Médecine Traditionnelle Chinoise ! Deux cent trente plantes médicinales sont décrites dans le Corpus Hippocraticum . Cette théorie humorale sera reprise par la médecine arabo-persane. Les Arabes rencontreront les pratiques médicales des civilisations qui les ont précédés. Des copistes et des traducteurs rassemblèrent à Damas les écrits des sciences de l’Occident et de l’Orient, avec la traduction des ouvrages des médecines grecque et indienne (ayurvédique).Ibn al Baytar rédigea le Traité des simples en décrivant 1500 drogues d’origine végétale, minérale ou animale. En Médecine Traditionnelle Chinoise, les plantes médicinales sont classées selon une conception énergétique en rapport avec les principes de base de cette médecine. Les plantes sont définies par leur saveur et leur nature. Il existe de nombreux ouvrages anciens de phytothérapie chinoise. En Europe, Charlemagne recommande dès le IX e siècle, la culture de 88 plantes médicinales dans les monastères et les abbayes. Dès le déclin du monde arabe en Espagne, des moines traduisent en latin des traités médicaux, comme le Canon d’Avicenne qui, pendant 800 ans, servira de référence à l’enseignement de la médecine dans toute l’Europe. Au XVI e siècle, un médecin suisse Paracelse énonce la théorie des signatures qui stipule que la plante, par sa morphologie ou sa couleur, son mode de vie, signe son indication thérapeutique. Ainsi le latex jaune de la Chelidoine est bon pour la vésicule biliaire, car la bile est jaune. Cette théorie sera reprise plus tard par Goethe, puis en partie par la médecine anthroposophique. C’est au cours du XIX e siècle que la chimie végétale fait des progrès considérables et que les premières molécules des plantes sont isolées et identifiées. La strychnine est tirée en 1818 du vomiquier, la nicotine du tabac en 1828, la digitaline de la digitale en 1868. Les plantes utilisées depuis des siècles sont testées chez l’animal pour vérifier leurs effets physiologiques. La biologie confirme les observations cliniques ancestrales. Au cours du XX e siècle, la plupart des médicaments sont tirés du règne végétal. Ainsi, ce sont les champignons qui donnent les premiers antibiotiques. Et aujourd’hui des laboratoires recherchent les principes actifs des plantes, selon des principes pratiquement industriels. Il faut souligner la continuité dans l’utilisation des plantes médicinales depuis les temps anciens jusqu’à nos jours. A la découverte des principes actifs C’est d’abord vers les plantes toxiques, dont on avait pu constater l’activité sur les êtres vivants, que ce sont orientées les premières recherches chimiques. Ces investigations ont permis d’isoler, d’identifier puis éventuellement de synthétiser ou de modifier, des molécules actives. Par exemple, l'acide salicylique, principe actif de l'aspirine, était fabriqué avec l'écorce de saule. Il est à présent synthétisé par voie chimique, ce qui permet de mieux contrôler la qualité, mais aussi d'épargner les saules pour subvenir à la consommation mondiale. C’est la découverte de la morphine en 1804, extraite du pavot à opium, qui est toujours aujourd’hui le médicament de référence contre la douleur. 28 ans plus tard, les chimistes identifient dans cette même plante la codéine, aux vertus antitussive et analgésique. Depuis la recherche a fait d’énormes progrès avec des outils de plus en plus performants pour identifier les molécules actives. En fonction de leur composition chimique, de leur agencement dans l’espace, certaines sont sélectionnées puis testées sur des modèles in vivo -animaux vivants- et de plus en plus in vitro -organes isolés, cultures cellulaires… -. Par sa capacité extraordinaire à fabriquer des molécules originales, le règne végétal fournit ainsi à l’industrie pharmaceutique la moitié de ses médicaments actuels obtenus par extraction, hémi synthèse ou synthèse totale. Ainsi en cancérologie avec la pervenche de Madagascar (Catharanthus roseus ) ou l’if ( Taxus baccata ). Mais l’utilisation d’un seul principe actif issu d’une plante, est-ce de la phytothérapie ? Non ! Phytothérapie et notion de Totum En phytothérapie, on essaye d’utiliser tout ou une grande partie de la plante ; après en avoir éventuellement éliminé les parties les plus toxiques ou l’avoir traitée. En phytothérapie , on n’utilise pas une seule molécule, mais un ensemble de molécules, parfois plusieurs centaines. Et l’expérience pratique, confirmée par des études biochimiques, nous indique que ces molécules ne s’opposent pas dans leur action ; elles ont au contraire une action synergique. C’est-à-dire que l’efficacité thérapeutique de l’ensemble est plus efficace que l’activité thérapeutique de chaque composant pris isolement ; c’est ce que l’on peut appeler le Totum synergique. Comme si, l’ensemble des composants d’une plante médicinale, tire l’organisme vers un - ou quelques- mêmes objectifs thérapeutiques. Ainsi, vous ne trouverez pas dans une plante, un composant qui ralentira le cœur et un autre qui l’accélérera. De nombreuses recherchent nous indiquent que ces composants multiples de la plante agissent le plus souvent à différents niveaux de l’organisme ; ce qui renforce l’efficacité thérapeutique. Nommer les plantes et connaître leur composition Bien utiliser les plantes, c’est d’abord les reconnaître, les identifier et pour cela il faut pouvoir les nommer et qu’il y ait un consensus général, universel. Depuis 2000 ans, les hommes ont nommé les plantes dans plus de 5000 langues ou dialectes qui n’ont de sens que dans les régions de culture et de langue communes. Il fallait donc inventer un système international de nomination et de classification accepté et reconnu de tous. On doit ce système au botaniste suédois Linné au XVIII e siècle qui proposa de nommer -en latin- les plantes et les animaux par deux noms seulement : le genre et l’espèce. Le genre regroupe des plantes qui ont des ressemblances et des affinités. L’espèce est une particularité du genre ; les espèces étant interfécondes. Cette classification est toujours d’actualité. Elle permet que les botanistes, les biologistes, tous les scientifiques du monde entier parlent la même langue quand ils nomment une plante. Ainsi des recherches sont faites pour connaître la composition des plantes, des nombreux constituants et de leurs effets biologiques favorables ou nocifs. Ces recherches peuvent être faites partout à travers le monde, car la classification assure que l’on étudie bien la même plante. Il est intéressant de noter que l’on s’aperçoit alors que pour une même plante (dans la classification), il y a des différences fines de composition en fonction des régions du globe où elles poussent et même en fonction des années. Comme pour le vin ! Ainsi la composition d’un romarin varie légèrement de chaque côté de la Méditerranée. Aussi, il est bon parfois d’indiquer, après le genre et l’espèce, le pays d’origine de la plante. De plus, la composition d’une plante varie dans ces différents éléments anatomiques (racines, tiges, fleurs, …) ainsi que durant son stade de développement. Comme, par exemple, l’ortie, dont on utilise soit les parties aériennes soit les racines, dans des indications bien différentes. Les industriels proposent des teneurs garanties en certains composants, quelque soient la provenance ou l’année de récolte, pour essayer de maintenir une certaine constance dans la qualité des produits malgré la variabilité naturelle. Différents types de préparations En fonction de l’effet thérapeutique recherché, l’usage traditionnel puis la recherche, ont mis au point des procédés de traitement des plantes qui permettent de ne garder que les molécules intéressantes, pour une utilisation locale, buvable ou injectable. Dans les préparations, la composition d'un remède peut réunir différentes plantes. La tisane, le cataplasme appliqué directement sur la peau, le sirop, les solutions alcoolisées ou aqueuses, les essences et les huiles sont les formes les plus courantes de remèdes. Nous évoquerons ici les principales formes galéniques disponibles, leurs origines de fabrications. * Les tisanes : Utilisation des plantes sèches Les tisanes sont obtenues par macération, digestion, infusion ou décoction en utilisant de l'eau. # L'infusion : Elle consiste à verser sur la plante de l'eau bouillante, couvrir et laisser refroidir 2 à 15 minutes. Elle convient aux plantes fragiles (fleurs et feuilles) . # La décoction : Elle consiste à maintenir la drogue avec de l'eau à ébullition pendant une durée de 15 à 30 minutes. Elle convient aux plantes "dures " (écorces, racines, fruits et certaines feuilles). # La macération : Il s'agit de maintenir la plante en contact avec l'eau (température ambiante) pendant 30 minutes à 4 heures. # La digestion : On maintient la plante en contact avec l'eau ( température inférieure à celle de l'ébullition, mais supérieure à la température ambiante ) pendant 1 à 5 heures. * Poudres : Préparées par pulvérisation suivie d'un tamisage, elles entrent directement dans la composition des gélules mais servent aussi à la fabrication d'autres formes galéniques comme les extraits et les teintures. * Extraits : Les extraits sont obtenus en traitant la plante dans une solution vaporisable (éther, eau, alcool,...) par divers procédés d'extraction (macération,digestion, infusion, digestion, lixiviation) puis en évaporant ces solutions jusqu'à obtenir une consistance fluide, molle ou sèche. On les classe donc selon leurs consistances. * Teintures : Elles sont obtenues à partir de poudres végétales sèches et leur titre alcoolique varie selon le type de drogue. II peut être à 60° (principes actifs très solubles), à 70 ou 90° à 80° (ex.produits résineux et huiles volatiles). * Alcoolatures : Ce sont des teintures préparées avec des plantes fraîches n'ayant donc pas subi les effets de la dessiccation. * Alcoolats : Ils sont obtenus par distillation des principes volatils de substances végétales au contact de l'alcool. Ils sont toujours incolores et inaltérables mais il faut les conserver dans des flacons bien bouchés. * Intraits : Ils ne se justifient que dans le cas où les principes actifs d'une drogue (ex.: marron d'Inde, valériane, sauge, colchique...) risquent d'être dégradés après la récolte, nécessitant une opération de «stabilisation » (élimination des produits inactifs et/ou dégradants comme les ferments) par des vapeurs d'eau. * Huiles essentielles (HE) Elles se présentent sous deux formes # les HE solides, aussi appelées «camphres d'essence», # les HE liquides naturelles ou après dissolution (ex.: HE de rose). Les HE officinales s'obtiennent par entraînement à la vapeur d'eau ou par expression ou par incision. On les classe selon leur couleur (bleu, jaune, vert brun ou incolore) ou leur composition chimique (HE hydrocarburées, sulfurées et oxygénées pour les solides). Un petit test permet de les contrôler : sur du papier, les taches d'HE s'évaporent complètement sans laisser de trace. De toute façon, il faut toujours exiger leur conformité aux normes AFNOR ou Pharmacopée, de plus en plus exigeantes, donc garantes de sécurité et de qualité. * Eaux distillées ou hydrolats On obtient les hydrolats par distillation ( avec l'eau ) de poudre de plantes ou des parties de ces plantes (fleurs, sommités fleuries).Les eaux distillées, ou hydrolats, sont très odoriférantes parce que les HE se trouvent en suspension dans l'eau . * SIPF Dans les suspensions intégrales de plantes fraîches ( SIPF ), l'intégralité de la drogue est préservée grâce à un procédé de conservation par le froid, puis de mise en microsuspension dans un milieu hydroalcoolique qui permet un blocage transitoire des réactions enzymatiques (rétablies au moment de l'emploi en diluant dans de l'eau). *Les EPS Ce sont des extraits fluides de plantes fraîches Standardisés, obtenus après congélation rapide de plantes fraîches sélectionnées, puis cryobryage, puis extraction avec des degrés alcooliques différents, puis évaporation et ajout de glycérine.Ces extraits permettent d’extraire un très grand nombre de molécules actives de la plante, en minimisant les dégradations. Au cabinet vétérinaire, nous utilisons principalement des Teintures Mères et des EPS Dangers de la phytothérapie Les plantes médicinales, remèdes naturels sont bien souvent très efficaces avec moins d'effets secondaires reconnus que beaucoup de médicaments de synthèse mais peuvent néanmoins être mortels ou toxiques pour l'organisme. Naturel et “bio” ne signifient pas qu’elles soient dénuées de toxicité ! Parmi les plantes les plus toxiques et qui peuvent agir à une certaine dose comme poison citons la Belladone (de la famille des Solanacées) et la Digitale, ces deux plantes peuvent être utilisées pour des pathologies cardiaques, mais seulement suite à un diagnostic médical et en utilisant des préparations à base de plantes contrôlées par les autorités. A côté de plantes mortelles lorsqu'elles sont mal utilisées, il existe des plantes, qui bien qu'elles ne tuent pas, peuvent fortement endommager un organe ou mener à des allergies. Ainsi des plantes à base de pyrrolizidine (principe actif qu'on trouve dans certaines plantes) comme le tussilage ou le séneçon peuvent mener à des pathologies hépatiques. Le raisin d'ours (Uva orsi) peut également mener à des complications hépatiques si la prise se fait sur une longue période. Un autre exemple bien connu consiste en l'application externe d'Arnica qui peut mener à des risques d'allergie; rappelons aussi que la prise interne répétée d'Arnica en Teinture Mère est toxique. Quelques plantes et leurs indications principales fréquemment utilisées au cabinet vétérinaire Ces plantes sont souvent utilisées en mélange. L’Alchemille (Alchemilla vulgaris) dans les diarrhées aiguës ou chroniques. L’Aubépine (Ctaegus laevigata) dans les insuffisances cardiaques et certains troubles ducomprtement Le Cassis (Ribes nigrum) a -entre autre- une action immunomudulatrice et antiinflammatoire Le Curcuma (Curcuma longa), dans les colites. Le Cyprès (Cupressus sempervirens) a une activité anti-virale L’Echinacée (Echinacea purpurea) a une action immunostimulante dans les affections bactériennes et accélère localement la cicatrisation des plaies suppurées. Le Ginkgo (Ginkgo biloba) est un oxygénateur cérébral intéressant chez l’animal âgé. La Mélisse (Melissa officinalis) dans les colites par stress. Le Millepertuis (Hypericum perforatum) dans les troubles du comportement avec anxiété. L’Orthosiphon (Orthosiphon stamineus) dans les insuffisances rénales. L’Ortie (Urtica dioïca) partie aérienne, comme reminéralisant, diurétique, protecteur des articulations, des tendons et des phanères ( poils, …). L’Ortie (Urtica dioïca) racines, dans les hypertrophies de la prostate. La Piloselle (Hieracium pilosella) dans les affections bactériennes urinaires Le Pissenlit (Taraxacum Officinale) comme draineur hépatique, dans les colites, dans les mal digestions. Le Plantain (Plantago lanceolata ) dans les allergies. La Pervenche de Madagascar (Vinca rosea), comme vasodilatateur et oxygénateur cérébral. La Prêle (Equisetum arvense) comme reminéralisant. Le Radis noir (Raphanus Niger) dans les bronchites et certaines pathologies de la vésicule biliaire. La Reine des prés (Spirea ulmaria) comme anti-inflammatoire et diurétique La Réglisse (Glycerrhiza glabra ) dans les gastrites. La Valériane (Valeriana officinalis), comme calmant ; souvent très apprécié des chats. Cas particulier du Viscum album (par Richard Blostin) Les extraits aqueux de viscum album fermenté – le gui européen- sont utilisés traditionnellement en cancérologie chez l’homme dans de nombreux pays européens dont l’Allemagne et la Suisse. Médicament issu de la médecine anthroposophique, son utilisation actuelle a aujourd’hui dépassé le cadre strict de cette médecine. Depuis une vingtaine d’année, la recherche sur le viscum album fermenté (VAF) s’est développée de façon importante, tant sur le plan clinique que fondamental et les publications dans les revues scientifiques sont très nombreuses. Il suffit, pour le vérifier, de chercher sur un moteur de recherche informatique ou dans “Pubmed” ; http://www.ncbi.nlm.nih.gov/entrez/query.fcgi?db=PubMed avec viscum album ou Iscador (nom du médicament en Allemagne ) comme mots clefs. Préparation et composition du VAF Le VAF est préparé de façon très originale. Le VAF consiste en un mélange d’extraits aqueux fermentés de gui d’hiver et de gui d’été. Le mélange s’effectue sur un plateau, tournant à très grande vitesse ; la rencontre des 2 extraits se faisant au cours d’une véritable “explosion” qui n’est pas sans rappeler la dynamisation des remèdes homéopathiques. Ensuite le VAF est proposé à différentes concentrations, sous forme buvable ou injectable. En France, c’est principalement le Laboratoire Weleda qui distribue le VAF. Le VAF est donc un remède phytothérapique qui peut être considéré comme très hautement dynamisé. Ce mode de préparation semble indispensable à l’efficacité du VAF. Il est possible de penser que l’efficacité du VAF est lié à la fois à sa composition phytothérapique ( = aspect moléculaire classique ) , mais aussi à la très haute dynamisation (= aspect homéopathique) . Nous ne nous intéresserons qu’à l’aspect phytothérapique. Une centaine de composants a été retrouvée dans les extraits de VAF. Nous avons donc un produit très complexe. Cette complexité s’accroît encore dès lors que l’on sait que la composition chimique du VAF change en fonction de l’arbre hôte du gui. Pour simplifier : on sépare les composants actifs du VAF en 2 grands groupes de protéines , les lectines et les viscotoxines. La teneur en lectine et viscotoxine dépend de la qualité de la fermentation qui baisse le ph ; elle varie aussi en fonction de la variété d’arbre hôte. En effet le gui est un arbuste semi-parasitaire (il utilise l'eau de son hôte, mais fait sa propre photosynthèse) qui croît sur certains arbres dont le chêne, l'orme, le pommier, le pin, le sapin, le saule pleureur, le peuplier, … des forêts tempérées d'Europe. Lors d’une prescription, le nom de VAF doit toujours être suivi de celui de l’arbre hôte ( en latin ! ) ex : VAF pini . Ces modifications quant à la composition du VAF en fonction de l’arbre hôte semblent confirmer les utilisations cliniques conseillées traditionnellement pour l’utilisation de chaque VAF : pour tel type de cancer, tel variété de VAF ( Mali, Pini, …). A côté de ces lectines et viscotoxines, les VAF contiennent de nombreux acides amines, des polysaccharides et des lipides, qui à ce jour sont moins bien étudiés. Des résultats récents montrent qu’ils ont aussi une activité antitumorale. Le viscum étant un produit phytothérapique, sa composition est susceptible de changer, en fonction des années ou des lieux de production. Il est aujourd’hui possible de trouver du VAF avec un taux de lectine garanti par le laboratoire. Il est à noter que les principaux composants du VAF sont détruits dans l’estomac. Pourtant la voie buccale donne de bons résultats dans la clinique ( par exemple dans le fibrosarcome chez le chat ). A t’on une absorption sub-linguale ? De nombreuses questions restent encore posées, tant sur la composition exacte du viscum que sur sa préparation originale. Mais il semble que pour que le viscum ait le maximum d’efficacité, il faut qu’il soit administré dans son Totum intégral. Recherche clinique chez l’homme. Le viscum étant utilisé depuis des décennies, notamment en Suisse et en Allemagne, comme traitement adjuvant ou palliatif, le but de beaucoup d’études a été de vérifier statistiquement l’impression des cliniciens et des malades. De nombreuses recherches récentes vont dans ce sens. Au cours d'un essai avec placebo mené en Russie auprès de 272 femmes traitées pour un cancer du sein, on a observé une augmentation significative du nombre des lymphocytes chez les femmes qui recevaient un extrait de gui normalisé en lectine, ce qui devrait, selon les auteurs, contribuer à l'efficacité globale du traitement. Au même moment, des chercheurs allemands publiaient les résultats d'un essai sans groupe placebo qui indiquaient que le même type d'extrait avait produit des résultats similaires chez 12 sujets atteints de divers types de cancers. Les résultats d'une étude comparative menée en Chine auprès de 233 sujets souffrant d'un cancer du sein ou du poumon ont indiqué qu'un extrait normalisé de gui était plus efficace que le lentinan pour atténuer les effets indésirables de la chimiothérapie et qu'il améliorait significativement la qualité de vie des patients . (Le lentinan, une fraction purifiée du champignon shiitake, est reconnu au Japon comme un médicament anticancéreux. Il est administré par injection, en combinaison avec les traitements classiques de chimiothérapie.) Les résultats d'une étude épidémiologique rétrospective récemment menée en Allemagne auprès de 689 femmes opérées pour un cancer du sein indiquent que les 219 patientes qui avaient reçu un extrait normalisé en lectines avaient moins souffert des effets indésirables des traitements anticancer classiques, et qu'elles avaient bénéficié de plus longues périodes de rémission . Une autre étude publiée en 2004 et portant sur 1 442 femmes atteintes d'un cancer du sein a donné des résultats positifs au chapitre de la réduction des effets indésirables du traitement conventionnel du cancer (chimiothérapie, radiothérapie, hormonothérapie) et du temps de survie. Les patientes ont été suivies durant cinq ans en moyenne : les 732 femmes du groupe contrôle ont reçu un traitement conventionnel, tandis que les 710 ont reçu, en plus, des injections sous-cutanées de gui. Ces dernières ont été nettement moins nombreuses à subir des effets indésirables (16 % contre 54,1 % dans le groupe contrôle) et ont bénéficié d'un temps de survie deux fois plus long (5). Aujourd’hui il semble admis que les injections de VAF permettent de mieux supporter les traitements chimiothérapiques, améliorant le confort des patients et amenant un allongement de la durée de vie. Des études similaires semblent montrer les mêmes résultats lors de mélanome primitif. Recherche fondamentale Son objectif est d’essayer de comprendre les mécanismes d’action du viscum en cas de pathologie tumorale afin d’expliquer les résultats cliniques et d’essayer de les améliorer. Jusqu’à présent les mécanismes cellulaires et moléculaires amenant un effet cytotoxique et immunomodulateur des VAF étaient inconnus. Aujourd’hui la recherche est active; il est possible de trouver des articles sur des thèmes très différents comme : -activité de différentes variétés de VAF ou de lectines sur des cultures cellulaires de différents types tumoraux,, -cristallisation de lectine afin de mieux comprendre leur action, -rôle du VAF dans une éventuelle angiogénèse susceptible de favoriser une dispersion métastatique, -activation ou inhibition de certaines interleukines, - effet du VAF sur l’inhibition du cycle cellulaire -recherche de la voie apoptique, membranaire ou mitochondriale etc. Lors d’une réunion récente de scientifiques en Suisse, il a été souligné que les mécanismes sous-jacents à l’action des lectines et des viscotoxines sont complexes, incluant un rôle dans la cytotoxicité, l’apoptose, l’angiogénèse et l’immunomodulation. Ces résultats sont confirmés par les publications récentes d’un laboratoire de l’INSERM à Paris qui travaille sur ce sujet (travaux dirigés par Srini Kaveri). *La cytotoxicité, c’est l’action directe du médicament qui détruit les cellules tumorales. *L’apoptose, c’est la mort programmée des cellules, leur suicide ! En effet, celui-ci est prévu dans le programme génétique des cellules et peut être déclenché en cas de “désordre” cellulaire. Souvent, les cellules tumorales résistent à l’apoptose. *l’angiogénèse, c’est la stimulation de la formation de nouveaux vaisseaux sanguins. En effet, les cellules tumorales sont avides de nutriments ; “elles ont faim”. Il faut que ces nutriments arrivent et pour cela les tumeurs favorisent la formation de nouveaux vaisseaux ; ce qui favorise la dissémination des cellules tumorales et l’apparition de métastases. *L’immunostimulation, c’est la stimulation des défenses immunitaires, contre les cellules tumorale ou les virus (pour ce qui concerne le VAF). Les lectines ont une action cytotoxique importante alors que les viscotoxines ont une action immunomodulatrice. Rapide historique de l’utilisation du VAF en médecine vétérinaire Depuis 1945, en Allemagne ou en Suisse, quelques rares vétérinaires utilisaient le VAF en cancérologie. Pour ma part dès 1990, j’ai commencé à le tester dans les tumeurs “solides” de la chienne et de la chatte, notamment les tumeurs mammaires. Dès le début, j’ai copié les protocoles classiquement proposés chez l’Homme, notamment dans le choix de la variété du viscum ( pini, quecus ou mali ) ainsi que dans le dosage. Nous avons eu alors beaucoup de chance, car je pensais que le VAF avait une activité proche de celle d’un médicament homéopathique, avec un effet dose minimal (les doses humaines pourraient être administrées sans problème à un chat ou un chien). Il s’agissait d’une erreur : le VAF est un médicament phytothérapique! Mais les résultats ont été rapidement intéressants et le VAF a toujours été très bien toléré par nos animaux malgré les doses humaines prescrites ; alors que chez l’homme des réactions locales et générales limitent les doses administrées. Afin de vérifier scientifiquement nos impressions cliniques très favorables, nous avons (en 2000) participé à la formation d’un groupe international de recherche clinique vétérinaire sur le VAF, sous l’égide des Laboratoires Weleda. Ce groupe actif, qui comprend à ce jour des vétérinaires suisses et allemands, a permis l’élaboration d’études cliniques dont nous allons présenter les résultats et projets actuels. Etudes cliniques vétérinaires actuelles -VAF et fibrosarcomes du chat Le fibrosarcome (FSC) est une tumeur maligne agressive du chat présentant des risques importants de récidive après exérèse .Alors que chez le chat la pathologie tumorale est plutôt rare le développement de plus en plus fréquent de cette tumeur sur le lieu d’injection vaccinale ( notamment en interscapulaire ) a fait associer dès les années 1980 , l’apparition du FSC à la consultation vaccinale; ainsi les anglos-saxons dénomment facilement le FSC : «Feline injection site-associated sarcoma» ou «vaccination-associated sarcoma» et une «Vaccine-Associated Task Force» a même été créée. A ce jour, l’étiologie de ces FSC est encore peu claire et les vétérinaires comme les propriétaires de chat cherchent à prévenir comme à guérir ces FSC. Différents facteurs ont été mis en causes : la présence d’adjuvant telle l’alumine, le type même du vaccin, le traumatisme provoqué par l’injection en région interscapulaire, l’apparition d’une inflammation chronique après une injection de produits irritants.... Ces études ont abouti à des modifications des contenus vaccinaux ainsi qu’à des recommandations strictes concernant les lieux d’injection. Malgré celles-ci, dans nos clientèles nous continuons à voir des FSC chez des chats vaccinés ou non, ayant eu des injections ou non, parfois apparaissant même après des griffures. Il est à noter qu’au Brésil, la prévalence de ces FSC semble peu importante ; est-ce lié à la faible vaccination des chats dans ce pays ou à d’autres facteurs ? Une réponse inflammatoire exagérée de type granulomateuse semble être un facteur prédisposant à l’apparition d’un FSC liée à des facteurs génétiques, iatrogènes et locaux. La thérapeutique conventionnelle est essentiellement chirurgicale associée à une radiothérapie puis éventuellement à une chimiothérapie. La qualité de la chirurgie, la possibilité d’effectuer une exérèse complète de la tumeur avec une incision à au moins 3 cm du tissu tumoral est un facteur pronostic primordial . Ainsi Hershey et col. ont montré que la prévalence des récidives peut varier de 8 à 80 % en fonction de l’acte chirurgical . L’intérêt des radiothérapies (en pré ou post opératoire ) semble moins controversé que celui des chimiothérapies; des traitements à l’interféron sont aussi essayés . Mais face à un FSC, il reste aujourd’hui difficile de pouvoir présenter un pronostic avec certitude, malgré les traitements invasifs, astreignants et souvent onéreux. A ce jour, d’un point de vue thérapeutique, il y a la place pour un traitement alternatif, non-conventionnel, soit palliatif soit accompagnant les traitements classiques. D’où l’intérêt dans ce cadre thérapeutique de tester le gui fermenté. Depuis 1992, nous utilisons le VAF dans les fibrosarcomes du chat, sous forme orale ; la nature même de la tumeur et les étiologies possibles et discutées, nous faisant rejeter la forme injectable . Le protocole est simple : une semaine après l’exérèse chirurgicale, VAF quercus St3 (1 mg) , 0,5 ml matin et soir tous les jours. Ce protocole a été appliqué dans 2 études cliniques : une étude allemande avec suivi de 60 chats pendant 2 ans et une étude française avec suivi de 20 chats pendant 5 ans. Les résultats confirment les nombreuses études cliniques en soulignant l’importance de la qualité de la chirurgie quant au pronostic, mais en comparaison avec ceux-ci, ils renforcent notre impression clinque en montrant un allongement de la durée de vie statistiquement significatif. Ainsi, pour l’étude française, le temps de survie est de 3,6 ans (figures1 à 4) ; les études comparables de référence comme celle de Hershey indiquent 2,2 ans. Nous avons publié ces résultats ont été publiés dans la revue Phytothérapie en 2008 . Une étude allemande portant sur ‘étude de 90 chats suivis pendant 2 ans confirment ces résultats. -VAF et tumeurs mammaires chez la chienne Sur le même modèle que celui du fibrosarcome, une étude allemande va débuter. Chez la chienne, le VAF pini est administré par voie SC, par série de 12 injections en dose croissante (4 de 0,1 mg, 4 de 1 mg, 4 de 10 mg) , 1 injection tous les 2 jours. La difficulté de cette étude tient principalement en la diversité actuelle des critères histologiques de classification . Nous attendons de cette étude une confirmation de nos impressions cliniques sur la durée de vie et la qualité de vie. -VAF et sarcoïdes du cheval Une consoeur suisse, Ophélie Clottu, vient de terminer comme travail de thèse, une étude clinique ( verum/placebo ) sur l’intérêt du VAF pini , par voie injectable, chez des chevaux présentant plusieurs sarcoïdes. Les résultats, statistiquement significatifs, sont “impressionnants” . Chez la plupart des chevaux, les sarcoïdes régressent ou disparaissent pendant le traitement ou après. Le traitement au VAF semble une bonne alternative aux traitements classiques (souvent décevants) ou complémentaire à l’exérèse chirurgicale. Le VAF est étudié dans des universités suisses et allemandes dans cette indication. Discussion Dans notre pratique quotidienne, le VAF présente un intérêt considérable en cancérologie, confirmé par les premières études statistiques. L’utilisation du VAF et la connaissance de son action en médecine vétérinaire n’en sont probablement qu’au début et de nombreuses questions restent posées. Ainsi, à ce jour, nous sommes peu performants dans les tumeurs touchant directement l’os ou les lignées sanguines, alors que nous avons des résultats cliniquement intéressants dans de nombreuses pathologies tumorales comme les fibrosarcomes, les tumeurs mammaires de la chienne et de la chatte,les mélanomes buccaux, les carcinomes de l’estomac… Ces résultats vétérinaires semblent confirmer ceux obtenus en médecine humaine. Il est à noter que chez l’animal de compagnie, les doses administrées sont beaucoup plus importantes que celles prescrites chez l’homme. Est-ce dû à la structure différente du tissu sous-cutané ? A t’on alors une efficacité supérieure ? Quelle variété de viscum utiliser, à quelle dosage, par quelle voie ? Les essais cliniques, en s’appuyant sur la recherche fondamentale, nous permettrons de progresser et d’être encore plus performants. C’est en travaillant en collaboration avec la recherche fondamentale et tout particulièrement avec Srini Kaveri, que nous avons pu progresser et notamment intéresser au VAF, les confrères du Centre de cancérologie vétérinaire d’Alfort. A ce jour, nous travaillons donc de plus en plus en collaboration avec eux, essayant d’associer par exemple chimiothérapie et VAF, afin de limiter les effets secondaires et d’améliorer l’efficacité des traitements. Conclusion Le VAF est un remède phytothérapique hautement dynamisé, dont les composants actifs, en particuliers les lectines et les viscotoxines, commencent à être bien étudiés. Le VAF n’est certainement pas “ le remède miracle qui guérit tous les cancers”. Mais dans de nombreuses pathologies tumorales, nous retrouvons chez l’animal – comme déjà prouvé chez l’homme- un allongement de la durée de vie ainsi que, dans bien des cas, une amélioration de la qualité de vie constatée par les propriétaires. C’est, de plus, un traitement peu onéreux et facile à mettre en œuvre. Nous avons encore beaucoup à apprendre du VAF dans l’intérêt de nos animaux, et nous espérons beaucoup de notre collaboration avec la recherche fondamentale et nos confrères cliniciens classiques.