"Docteur j`ai encore mal" A propos des douleurs persistantes
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"Docteur j`ai encore mal" A propos des douleurs persistantes
« Docteur j’ai encore mal, est ce normal ? » Journée de formation médicale en cancérologie. Angers 5 mars 2015 Dr Thierry Delorme Département anesthésie réanimation douleur (ICO- Paul Papin) Exemple clinique • Femme, traitée pour cancer du sein localisé • • • • Chirurgie Chimiothérapie adjuvante (dont 3 cures de DOCETAXEL) Radiothérapie Hormonothérapie adjuvante • En rémission, 1 an ½ de la chirurgie. A vu récemment oncologue : RAS. • Mal « partout » mais cela ne l’inquiète pas car c’est le traitement hormonal. Par contre persistance de douleurs dans le bras et dans le sein coté opéré qui inquiète car « on m’avait dit que cela aller durer 1 an, mais ça persiste… » • Que faire ? Que dire ? Vérifier le caractère « lié au traitement » Faire le diagnostic du mécanisme sous jacent (neuropathique vs nociceptif) car il conditionne les options de traitement Etape 1 : diagnostic « somatique » douleur régionale « séquellaire » après chirurgie du sein Diagnostic du « syndrome post-mastectomie » Définition I.A.S.P 1994 : « C’est une douleur chronique débutant immédiatement ou précocement après une mastectomie ou une tumorectomie affectant le thorax antérieur, l’aisselle et/ou le bras dans sa moitié supérieure » Nosographie : il est recommandé de dénommer cette entité clinique :névralgie intercotobrachiale (ICB) accord d’experts Diagnostic - DN4 positif (supérieur ou égale à 4/10) avec hypoésthésie et/ou allodynie et - Hémithoracique homolatérale et/ou aisselle, et/ou le bras homolatéral dans sa moitié supérieure et - Evoluant depuis plus de 3 mois et -Absence de récidive tumorale locale accord d’experts Q1 : la douleur présente t’elle une ou plusieurs caractéristiques suivantes ? 1. Brûlure □ OUI □ NON 2. Sensation froid douloureux □ OUI □ NON 3 Décharges électriques □ OUI □ NON Q2 : la douleur est elle associée dans la même région à un ou plusieurs des symptômes suivants ? 4 Fourmillements □ OUI □ NON 5 Picotements □ OUI □ NON 6 Engourdissement □ OUI □ NON 7 Démangeaisons □ OUI □ NON Q3 : la douleur est elle localisée dans un territoire où l’examen met en évidence? 8 Hypoesthésie au tact □ OUI □ NON 9 Hypoesthésie à la piqûre □ OUI □ NON □ OUI □ NON Q4 : la douleur est elle provoquée ou augmentée par ? 10 Le frottement ? DN4 : Spécificité 4 Oui + : 89,9% En réalité • Douleurs neuropathiques dans le territoire de l’ICB ne sont pas les seules causes de douleur régionales • Prévalence réelle des douleurs neuropathiques ? – Bruce 2014 Pain : (prospectif 293 patientes pendant 9 mois) pour 189 ptes avec douleur chroniques, caractère neuropathique pour 41% d’entre elles (avec test S LANSS ou DN4 auto évaluation) – Névromes (20 à 40% ?) Sein fantôme douloureux (8-17% ?) SPV 2009 • Mécanismes exacts des douleurs régionales mal connus même si ICB impliqué. • Mais importance de reconnaitre ce tableau clinique pour : • Se poser la question d’avis complémentaires par exemple – Problématiques d’épaule (coiffe rotateurs, algodystrophie …) – Douleur neuropathiques du MS dans un territoire dépassant la topographie habituelle de la névralgie intercostobrachiale : trouble tronculaire associé ? Étirement plexique per op… Etape 2 : diagnostic « somatique » « douleur diffuse » Douleur sous traitement anti hormonal. Oui mais …. • Tableau clinique de ses douleurs non univoque (Laroche 2013 Journal of Pain) : 135 pts non douloureuses avant mise sous traitement AH, suivi prospectif 1 an) : • 57% douloureuses • Douleur entrainé arrêt traitement dans 12/77 cas malgré prise en charge antalgique • Douleur articulaires : 36% • Douleur diffuse : 22% • Tendinopathies : 22% • Neuropathique : 9% • Douleur mixte : 11% • Facteurs prédictifs : biologiques (dont vit D) génétiques = non • Recherche pathologie inflammatoire (PR….) : rarissime • Délai apparition : variable 1,8 +/- 1,3 mois (artic) à 2,5 +/- 1,6 mois (diffus) Oui mais … si c’était une polyneuropathie douloureuse(PND) ? • • • • Docetaxel : neuropathie chronique : 20% (taux de récupération ?) Pendant les traitements : Docetaxel utilisé en adjuvant 3 cures après 3 cures EC ou FEC : étude TAXTOX : 1143 femmes (20072009): PN 35%, douleurs musculo articulaires 53% (Eckholl 2011 Acta Oncol) = rechercher historique de neurotoxité . Distribution : habituellement distale symétrique ascendante (non exclusif) • Même si le descriptif n’est pas typique (DN4 pas toujours performant ici), rechercher troubles distaux en gants et chaussettes (hypo/hyper esthésie/algésie voire allodynie) = diagnostic PND probable Penser aux autres causes douleur diffuse : • Troubles musculaire (CPK, aldolases) • Hypothyroïdie • Polyneuropathies métabolique : diabète, carence vit (B1, B6, B12) • Etude de démembrement des caractéristiques de PND post chimiothérapie (Geber 2013 Pain) • Patients surtout douloureux au repos • Patients surtout douloureux à la mobilisation Connaître les douleurs liées au traitements du cancer Pour pouvoir discuter Pour éviter les pronostics qui ne se réaliseront pas (exemple du cancer du sein) - Patients 20-85 ans, traités entre janvier et juin 2010. - En rémission 2 ans après - Répondeurs : 2240 questionnaires dont 1944 avec données médicales disponibles - Douleur et fatigue : 2 premières séquelles rapportées dans enquête. Neuropathie (8°place), troubles psychiques (9° place). DONC : FREQUENT Douleur territoire traité cancer du sein (très bien étudié) Etude Nb ptes Recul Léger Modéré Intense (% ramené au total des répondeuses) Gartner 2009 (JAMA) 3754 (a) (87% retour) 26 mois (rétrospectif) 22% 18% 6% Mejdahl 2013 (BMJ) 2828 pts (89% retour) Prospectif (a) 72,5 mois 21,9% 13% 4% 15% « on a weekly basis » Bruce 2014 (Pain) 362 éligibles Prospectif 293 ptes à 9 mois 36% (a) Nombre femmes opérées en 2005 = 5119 –Les douleurs qui impactent le quotidien/à prendre en charge concernent 17 à 24% des patientes en rémission, pronostic de durée impossible. –Donnée clinique pertinente = retentissement 14% 2% Histoire naturelle : installation • Bruce 2014 (prospectif) : délai apparition des symptômes / chirurgie (210 pts avec douleur persistant au 4eme mois, 184 au 9eme mois.) Notion intervalle libre • • • • • Première semaine : 112 ptes 1 semaine – 1 mois : 61 ptes 1 à 2 mois : 19 ptes 2 à 4 mois :15 ptes Plus de 4 mois : 30 ptes • Conséquence clinique : se méfier si intervalle libre > 3 mois ? Histoire naturelle : persistance ? • 1/3 des patientes douloureuses à +2 ans ne le sont plus à +6 ans • 2/3 restent douloureuses (résultat cohérent avec autres études) • 15% des patientes non douloureuses à +2 ans sont douloureuses à +6 ans : • diagnostic ? Fact de risques ? : A partir études rétrospectives • Population : Mejdahl, Gartner (2411 ptes pour analyse multi variée rétrospective) Facteur de risque Douleur à 6 ans Age inférieur à 50 ans Curage axillaire OR 1,78 (1,25-2,54) p<0,001 OR 2,04 (1,6-2,61) p<0,001 Douleur intensité modérée à forte à 6 ans OR 2,07 (1,29-3,32) OR 1,48 (1,06-2,06) p<0,001 p=0,02 • Résultats cohérents avec études rétrospectives plus anciennes • • Rôle de la radiothérapie ? Rôle de la douleur mal contrôlée en post opératoire ? En prospectif avec données psychosociales « (1) Decreased psychosocial robustness, (2) type of axillary surgery, (3) severe acute post operative pain at rest ». Jeune âge : limite significatif Bruce 2014 Pain Donc : • • • • Fréquent Explicable (cf partie diagnostic) Incapacité à faire pronostic de durée fiable Important : intensité/retentissement de la douleur : • Si oui traiter. Le traitement n’est pas traitement à vie • Traitement (local, systémique) adapté au mécanisme neurophysiologique • Mais rien de « normal » (normalité = absence de douleur après période post opératoire) Connaître les situations nécessitant orientation vers structure douleur MODELE : SOMATO PSYCHO SOCIAL Mécanismes générateurs Nociceptif DOULEUR Perception / Comportement sensation moteur Neuropathique Idiopathique Psychogène cognition verbal émotion Crainte de la récidive Environnement familial professionnel social culturel (passé, présent) Traiter ! • Douleur modérée à forte concerne au moins 10 % des patients en rémission (estimation 2014 : 3 millions !) • • Être capable mettre en place traitement (adapté) de première intention Avis structure douleur dans 2 temps • Durée : imprévisible • • Traiter sans attendre si nécessaire Eviter pronostics • Conséquences possibles d’une douleur non traitée • • • • • Altération qualité de vie Obstacle à la reprise du travail (risque social) Problématiques familiale Dépression Obstacle à la reprise activité physique régulière : cf prévention de la récidive par activité physique pour certains cancers MAIS • • • • Ne pas attendre chronicité (3 mois et plus) Orienter rapidement si doute diagnostic, en l’absence de réponse à première ligne (douleur modéré à forte) Si souhait de ne pas prendre de médicaments et douleur localisée (il existe des traitements localisés : TENS, patches capsaicine) Si problématique sociale, anxiété/dépression associée Pour Conclure • Les douleurs chroniques « séquellaires » et/ou induites par les traitements du cancer sont fréquentes. Situation qui n’est pas « normale » mais médicalement explicable • La clinique prime • En dehors des tableaux typiques, examens complémentaires et/ou avis = de principe • Discours peut être rassurant : • Absence lien avec récidive ou persistance cellules tumorales • Durée imprévisible mais pas de nécessité de traitement au long cours à priori • Enjeu thérapeutique : être efficace (rapidement ?) et éviter si possibles les cercles vicieux psycho-sociaux • Savoir orienter vers structure douleur Si besoin (explications…) : fiche repère 2010 Téléchargeable sur le site INCa