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livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page1 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE 1 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page2 2 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page3 DR JACQUES OHANA Entretiens avec Minou Azoulai ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE Editions de la Beauté 3 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page4 4 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page5 A Myriam, Qui sait rester l’épouse, Et la princesse qu’elle a toujours été. Celle qui m’a subjugué un jour, Et me fascine toujours. A Deborah, Noémie et Raquel, nos merveilles. 5 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page6 Editions de la Beauté, 2011 6 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page7 INTRODUCTION De nombreux livres ont été consacrés à la chirurgie esthétique, chirurgie des formes et sculpture du corps, réparatrice lorsqu’il s’agit de séquelles d’accidents, esthétique quand elle corrige une disgrâce. Ces ouvrages expliquent en détail chaque intervention, ses suites opératoires, la cicatrisation et les différentes techniques. Ajoutés aux articles régulièrement publiés qui concernent notre spécialité, ils ont aidé à une certaine information, une prise de conscience et une plus grande maturité de la demande. Il manquait le point de vue des patients, les questions que chacun se pose sur son corps, la perception de sa propre image… indispensables pour que cette discipline qui est ma passion trouve enfin un écho favorable auprès du grand public. Il m’importait donc de participer à sa réhabilitation, de lui donner les lettres de noblesse qu’elle mérite, tout en gardant un regard critique sur sa réalité, ses limites et ses dérapages : - On prétend que cette chirurgie coûte cher. C’est exact, mais sa démocratisation est désormais obligatoire ! Au fond, quel est le prix du rajeunissement d’un visage ou d’une féminité retrouvée ? Par ailleurs, la médecine assistée, qui a l’avantage d’assurer une même qualité de soins pour tous, ne dévalorise-t-elle par l’importance du 7 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page8 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE geste médical et chirurgical par une apparente gratuité qui coûte cher à la collectivité ? Sans démagogie aucune, ce qui m’émeut davantage, c’est la faible rémunération en chirurgie conventionnée. Un chirurgien qui opère une patiente pour une péritonite ou une fracture de jambe sauve à la fois la vie et la fonction ! C’est la revalorisation de ces actes qui me semble plus importante. Surtout si l’on veut sauvegarder la qualité des soins médicaux dont la France s’enorgueillit. - On parle des « ratés » de la chirurgie esthétique ! Quelle spécialité peut prétendre à la perfection ? Il faut savoir que ces « ratés » sont rares et peuvent le plus souvent être corrigés. Il reste que le patient doit rester vigilant sur le choix du chirurgien : certains praticiens ne prennent pas le temps d’une formation nécessaire, où la technique s’acquiert en même temps que l’éthique. Le problème est particulièrement important dans le domaine médical, car la sanction est lourde, puisqu’elle touche à la santé, à la vie. Dans notre société, où les médias sont omniprésents, de nombreux journalistes professionnels font leur métier avec rigueur, vérifiant et contrôlant l’information avant de la diffuser. Malheureusement le goût du scoop, le rythme effréné des parutions, l’incontestable audience des sujets de chirurgie esthétique entraînent aussi des dérapages préjudiciables pour tous. Combien de techniques fleurissent et disparaissent le temps d’un « coup médiatique » ? Comment croire que des techniques apparemment magiques, qui ne sont que de la publicité mensongère, puissent convaincre de si nombreuses patientes ? Force est de constater que la part du rêve fait perdre le sens critique… Ou que la naïveté humaine est telle qu’elle en devient inquiétante. 8 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page9 INTRODUCTION Aux patientes donc de s’informer auprès du Conseil de l’Ordre, de leur médecin, de deux ou trois chirurgiens plasticiens. A nous de les aider par une information régulière qui véhicule l’image de notre profession. Il n’est pas question de faire de la publicité tapageuse, mais, lorsqu’une nouvelle technique fait parler d’elle, il ne faut pas la mépriser, ni s’en méfier. Au contraire, on l’expérimente, on en parle pour la valoriser ou la rejeter ! L’exemple le plus démonstratif est celui du « scandale des prothèses mammaires ». Je m’en suis expliqué dans ce livre, mais je le précise encore : du jour au lendemain l’opprobre est jeté sur une intervention pratiquée depuis quarante ans, dans tous les pays du monde et sur des milliers de patientes. Au mépris de tout argument scientifique réel, des informations fausses, orchestrées par on ne sait qui, ont terrorisé des milliers de femmes qui, porteuses de prothèses mammaires très bien tolérées, se sont senties soudain en danger. La frayeur collective, générée par cette information « non contrôlée », aurait dû logiquement être un élément de réflexion, justifiant une vérification scientifique rigoureuse. Il n’en a rien été ! Pis. Les professionnels de notre spécialité, ceux qui ont en charge la défense de la chirurgie plastique, n’ont pas su organiser une réponse cohérente, collective et responsable. Ils ont laissé la place à d’autres divagations sans fondement ; trois ans après cette « bombe médiatique », des études importantes, émanant de centres médicaux compétents et reconnus, ont clairement établi l’innocuité de ces prothèses. Et pourtant on cherche en vain, dans ces mêmes médias, une brève, en entrefilet , une réhabilitation de ces prothèses, ne serait-ce que pour rassurer les patientes. Ma réaction est à la mesure de la gravité du sujet parce que notre responsabilité est engagée 9 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page10 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE dans nos actes médicaux et dans l’image de notre chirurgie ! C’est pour toutes ces raisons que j’ai eu envie de m’exprimer à travers cet ouvrage. - Pour que la beauté de notre profession soit conforme à celle que nos patients nous demandent. Pour que cette spécialité cesse d’être entachée par ceux qui ne la connaissent pas. Le métier de chirurgien esthétique est trop sérieux, trop passionnant, trop essentiel pour être laissé aux mains de ses détracteurs. La beauté, les femmes, les hommes méritent mieux qu’une controverse. Si elle est parfois inévitable, j’ai au moins envie de la dépasser pour continuer à aider ceux qui ne s’aiment pas toujours devant leur miroir. J. O. 10 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page11 OUVERTURE Ce jour-là nous étions deux. Deux femmes. L’Autre et moi-même. Nous n’avions pas rendez-vous. Non, nous nous étions juste retrouvées devant le miroir, pour assortir les couleurs du jour, vérifier le galbe des cuisses, la minceur des hanches, l’arrondi du ventre. Je m’étais approchée du miroir sans savoir que l’Autre était là, à mon insu. C’est elle qui me susurrait, silencieusement, que quelque chose n’allait pas dans mon reflet. C’est elle qui a remarqué le poids des seins, l’effacement de la taille. Elle qui m’a poussée à scruter le visage fatigué par une longue soirée entre amis. Alors, avant de procéder au rituel du maquillage, je me suis approchée de ce miroir. Il m’a d’abord agacée ce miroir ! Il a figé mon regard, mes traits. Normal. Un miroir ça ne bouge pas. On s’y regarde, comme inanimée… Même Narcisse s’y est perdu… Mais j’y étais. Et j’ai vu. Les premières ridules, le pli sur la paupière supérieure, le gris-brun de la paupière inférieure, les premiers cheveux blancs, les sillons naissants autour du nez … J’ai remonté la peau du visage, je l’ai tirée sur les côtés, j’ai rehaussé les seins… J’ai souri car, comme dirait Verlaine, je n’étais ni tout à 11 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page12 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE fait la même, ni tout à fait une autre ! J’étais moi et je cherchais l’Autre ; la plus jeune, la plus belle, celle que la vie avait emportée. Pour rire et pour pleurer, l’aimer ou la châtier, la rendre mère tout en la laissant femme. Nostalgie quand du nous tiens ! Moi j’étais là, traversant la quarantaine, sans avoir songé à m’y arrêter. J’étais bien dans ma peau, contente d’aborder cette journée avec un cœur en fête, un corps en forme. J’étais fière de mon nouveau tailleur, de mes cheveux brillants, de mes amies, de mes enfants, de mon mari. Fière de tout mais pas de cette Autre si exigeante, trop idéale. Elle oublie que les enfants ont grandi, qu’ils assènent et assument leurs goûts et leurs jugements à mes dépens ! Elle feint d’ignorer que les hommes se retournent encore sur moi ! Mais elle sait que les femmes, les amies qui me regardent ne font que se toiser elles-mêmes ! Que de regards à affronter, que d’années à compter avant et après ! Je me suis écartée du miroir, sans quitter mon reflet. L’Autre, plutôt perfide, me suggérait un peu de gymnastique pour tonifier, un régime pour affiner, du maquillage pour embellir et masquer. Des vêtements pour épouser les belles formes, sans révéler les autres. Là j’ai compris que j’abordais à mon tour la crise du milieu de la vie, les premiers signes du temps qui passe. Le vieillissement … Ou la maturité... C’est selon, les deux mots se conjuguent avec l’état d’âme du moment ! J’ai pensé à toutes les femmes qui ont le blues devant leur miroir. A celles qui comblent des manques par l’insatisfaction et l’autocritique. Elles râlent contre leur nez, leurs seins, le tout et les riens… 12 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page13 OUVERTURE Je pense à ces femmes qui se sentent séduites et abandonnées, qui ne savent plus voir l’éclat de leur beauté. Et ces hommes qui mentent comme de grands enfants lorsqu’ils disent nous aimer telles que nous sommes. Mais qui sans vergogne se retournent vers l’Autre, la jeune et belle ! Alors que eux, jeunes premiers ou grisonnants, ils nous volent nos crèmes et font semblant d’ignorer le miroir. Eux qui ne connaissent ni le désordre hormonal, ni l’horloge biologique. Quelle chance ! Mais quelle chance aussi d’être une femme ! Une femme qui devant son miroir peut narguer l’Autre, avoir encore en elle le goût d’être jolie et de plaire. Or la beauté des yeux, d’une peau ou d’un corps n’est rien sans cet éclat de beauté intérieure. Tant pis pour ces « femmes-canons », ces beautés fatales qui s’exhibent toujours et partout. C’est du harcèlement esthétique ! Elles sont belles, galbées, pulpeuses. Oui. Et alors ? Nous aussi. D’ailleurs, il n’y a pas du papier glacé ou de bons photographes pour retoucher nos défauts ou les traces d’une fatigue naturelle. Il y a aussi notre lucidité, notre sérénité ou notre indulgence. Parce que la beauté est aussi le corollaire du désir. Parce qu’elle est autant dans notre propre regard que dans celui de l’Autre ! Parce qu’il y a des matins où l’on s’aime et d’autres où l’on se déteste. C’est ainsi pour les plus belles, les plus laides, les plus intelligentes ou les plus riches. C’est une affaire de vague à l’âme, pas de mensurations. Mais quand on s’aime, on ne compte pas. Ni les crèmes du jour, ni le soleil de l’hiver, ni les pilules de la nuit, ni les ordonnances… Il suffit de savoir choisir, de poser les bonnes questions, de s’informer au mieux. Il faut savoir négocier avec les autres, avec soi, avec 13 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page14 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE l’Autre. Il faut déjouer la complaisance ou l’hostilité du miroir. Pour un jour dire à l’Autre, dans le miroir, qu’elle ne nous entraînera pas dans un blues stérile et sénile. Pour faire rimer beauté et sérénité. Pour oublier les rides du visage et celles de la vie. Et surtout pour faire en sorte que tous les hommes qui ont envie de s’occuper de notre beauté ne nous abusent pas mais consentent à rester esthétiquement nôtres ! M. Azoulai 14 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page15 -ILE CAPITAL BEAUTÉ 15 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page16 16 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page17 « Les privilèges de la beauté sont immenses. Elle agit même sur ceux qui ne la constatent pas ». Jean Cocteau. Nous naissons tous avec des caractéristiques physiques, inscrites dans nos gènes. Peut-on, de ce fait, parler d’une beauté innée ? Ou d’une beauté acquise comme lorsque l’on s’interroge sur l’intelligence ? Cet éternel débat sur l’intelligence divise encore les chercheurs et les spécialistes de l’enfance. Les thèses sur l’inné et l’acquis fluctuent avec les modes et les découvertes concernent le cerveau. Peut-être trouvera-t-on un jour un gène de l’intelligence ? Mais il est sûr qu’on ne découvrira jamais celui de la beauté. Elle est en effet la résultante de plusieurs caractéristiques inscrites dans nos gènes. Mais elle est surtout subjective ; elle dépend du regard, du désir, de l’amour de l’Autre. Elle est aussi mouvante que l’image ou l’amour que l’on a de soi. 17 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page18 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE A la naissance d’un enfant, on dira spontanément de lui qu’il est beau. Les commentaires sur son intelligence viendront plus tard, car on se fie d’abord à son apparence et à ce qu’il représente. La beauté va certes se développer dans le temps, mais elle demande à être entretenue pour bien s’épanouir. On peut manipuler l’intelligence d’un individu, l’endoctriner, lui ôter tout discernement. Il n’en est pas de même pour le physique. Il ne peut pas y avoir de « figure imposée ». Ce qui permet à chacun, à chacune de trouver sa propre harmonie tout en respectant ses caractéristiques naturelles. Le cliché de la grande blonde aux yeux bleus n’a pas le monopole de la beauté comme certains cherchent parfois à l’imposer. Il n’est qu’une référence parmi d’autres, dans une société où toutes les formes de beauté occupent la même place. La beauté est donnée d’emblée à certains d’entre nous, mais elle rencontre les limites de l’horloge biologique. Elle n’est qu’un privilège prêté, et il nous faut faire beaucoup d’efforts pour ralentir les effets du temps sur l’enveloppe corporelle. Contrairement à l’intelligence, elle connaît des limites dans ses formes et dans le temps. Ce qui n’est guère le cas du savoir, de l’érudition, des aptitudes intellectuelles (sauf si le cerveau est un jour affecté par une lésion). La beauté évolue dans le temps, elle se structure, elle s’épanouit, elle s’atténue, elle se transforme. Son éclat et sa plénitude ne durent que quelques longues années dans la vie humaine. Elle est à la fois innée, acquise et temporaire, elle n’est pas forcément globale comme une entité. Celles ou ceux que l’on dit beaux présentent des traits plus réguliers, des lignes, du visage 18 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page19 LE CAPITAL BEAUTÉ et du corps, plus harmonieuses. Mais la couleur des yeux ou la forme de la bouche, la courbe des seins suffisent parfois pour donner la beauté à un individu. De la même façon, un infime défaut risque d’abîmer un visage ou une silhouette, mais, une fois corrigé, il a l’avantage de changer tout l’ensemble ou de rendre beau quelqu’un dont l’apparence est banale. Le corps se développe, embellit ou se détériore, en fonction des caractéristiques héréditaires et génétiques. Nous ne sommes pas tous égaux dans nos gènes. Sans compter que de nombreux facteurs interviennent tout au long d’une vie pour modifier ce programme préétabli. Je pense à des facteurs traumatiques, dus à un accident, qui modifient l’esthétique d’un visage ou d’un corps ; ou au développement d’une tumeur superficielle qui, après un geste chirurgical, entraîne des séquelles du même type. Quant aux facteurs psychologiques, ils ne sont guère négligeables, surtout s’ils ont un retentissement sur l’alimentation et le poids de l’individu. Dans tous les cas, la majorité d’entre nous chercherons à cultiver leur beauté. Les femmes et les hommes ont toujours inventé des artifices, des stratagèmes pour embellir leur visage et leur corps. Cette beauté qui nous est donnée, il faut savoir la recevoir, en profiter, et en accepter la transformation. Si l’on s’accroche à une beauté que l’on veut éternelle, on entreprend une course contre le temps, une course perdue d’avance. Chercher à entretenir et à conserver sa beauté est une démarche tout à fait positive à condition d’en connaître les limites. Certains exemples célèbres traduisent la course à la beauté dans ce qu’elle a de plus pathologique et pathétique. Certaines personnes opérées dix voire vingt fois, 19 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page20 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE loin d’être des modèles deviennent plutôt des caricatures. Mais cette fuite en avant traduit une obsession où la beauté n’est qu’un prétexte. Ce type de comportement est souvent le signe d’un refus de soi, de sa condition sociale, de ses traits originels. Heureusement, ces cas sont rares où, pour rester mince, fin, le corps n’est plus ni féminin ni masculin et devient une sorte de mutant. Il y a l’exemple connu de ce fameux chanteur qui a voulu rester un enfant de dessin animé, un Peter Pan comme il s’est surnommé. Il a fait de multiples interventions de chirurgie esthétique… Mais que devient la beauté dans ce cas puisqu’elle perd tout son naturel, toute son authenticité ? Si elle est un élément important dans la vie, elle ne doit pas être une priorité absolue, un but en soi, sinon elle risque de générer un déséquilibre qu’aucune chirurgie esthétique, aucun produit cosmétique ne sera capable de corriger. La beauté est aussi évolutive et subjective. Pourtant, quand une femme est belle et qu’elle ne sait pas ou ne veut pas le savoir, sa beauté ne lui sert pas à grand-chose. Les complexes que l’on se fait tous, en fixant son attention sur un défaut plus ou moins visible, n’entament pas la beauté mais ils empêchent son épanouissement. La chirurgie esthétique ne cherche pas à masquer une profonde angoisse existentielle, mais à résoudre un problème au niveau du visage ou du corps qui, s’il est mal vécu, prend parfois des proportions démesurées. Si l’on comprend cela, si on l’intègre bien, on peut accepter le privilège de la beauté et le savourer jusqu’à son terme. 20 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page21 LE CAPITAL BEAUTÉ A condition toutefois de dépasser la notion de beauté plastique conventionnelle, et de penser à développer et à mettre en valeur toutes les qualités humaines qui font la beauté intérieure. Tous les bébés sont-ils beaux ? Oui. Tous les bébés sont beaux, ne serait-ce que par le miracle que représente une naissance. Ils sont beaux, parce qu’ils sont le fruit du désir, de l’amour et parce que l’être humain porte en lui les potentiels de toutes les beautés. Tout est déjà inscrit en nous, et les caractéristiques physiques programmées génétiquement seront modifiables tout au long de la vie. Deux individus peuvent posséder un patrimoine génétique similaire, mais ils seront différents, parce que leurs gènes s’exprimeront autrement sur le plan biologique. Sans compter l’adaptation à l’environnement climatique, culturel, familial et social qui va imprimer sa marque sur l’évolution psychologique et physique de chacun. En regardant des photos prises à deux époques différentes de la vie, on ne reconnaît pas toujours la même personne. Elle n’est pas la même à cinq, à huit et à dix-huit ans, malgré quelques constantes physiques comme la couleur des yeux, l’expression du regard qui restent une marque profonde de la personnalité. Il y a ainsi des yeux rieurs, mélancoliques, rêveurs qui sont les témoins de l’âme. 21 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page22 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE Tout le reste du visage et du corps va bouger, se transformer au fil de la croissance. Si l’on ne reconnaît pas cette même personne, c’est que les traits dessinés vers l’âge de huit ans ne s’affirmeront nettement qu’au terme de la puberté. La finesse d’un corps peut parfois se modifier de façon pathologique vers l’obésité ou la maigreur. C’est la faute de la vie ou à la maturité intellectuelle, psychologique, qui n’est pas toujours en accord avec l’évolution physique. Le visage et le corps de l’enfant ne sont donc que l’esquisse à peine ébauchée de ce que sera l’adulte. Avant l’objet-miroir, le premier miroir de l’enfant est le visage de sa mère. Il en scrutera toutes les expressions, celles qui l’inquiètent et celles qui le rassurent. Il les fait siennes jusqu’au moment où il découvre son propre corps et le distingue du corps maternel. C’est cette étape du miroir qui va lui donner son autonomie. Pourtant il suffit qu’une mère, un père ou un petit camarade d’école dise et répète à l’enfant qu’il est le vilain petit canard pour que celui-ci le croie. Dès lors, il se dévalorise et oublie vite qu’il peut être beau. Les cours de récréation sont parfois des sources de souffrance pour les petits. Combien de complexes y sont nés à cause des regards scrutateurs, moqueurs, des sarcasmes concernant le poids, la taille, un strabisme ou des oreilles décollées. Autrement dit, dès l’enfance, notre apparence et notre beauté extérieures ont une influence sur notre beauté intérieure. On n’insistera jamais assez sur le rôle régulateur des parents, des éducateurs, et du regard de l’entourage. L’adolescence est une autre étape qui risque d’entamer le capital beauté. Le corps change de proportions, les 22 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page23 LE CAPITAL BEAUTÉ traits du visage se modifient. C’est une véritable métamorphose, qui fragilise toutes les filles et tous les garçons. L’incertitude, le doute vont s’ancrer en eux. Ils vivent un âge tumultueux. Ils transposent sur eux l’analyse dont ils se croient l’objet. Ils se regardent d’un œil critique, sévère. Ils essaieront toutes sortes de coiffures, ils changeront tout le temps de tenue. Soit ils se trouvent très beaux, ils se sentent bien dans leur peau et dans ce cas ils ne supportent pas la critique des autres ; soit ils traquent le moindre défaut, ils sont mal à l’aise dans leur corps et ne supportent toujours pas la critique des autres… Leur beauté, leur miroir sont des préoccupations quotidiennes. Les filles s’observent inlassablement : leurs seins sont trop petits, trop gros ; leur cellulite, leurs hanches « immondes », disent-elles. Elles rêvent toutes d’être des mannequins, projetant ainsi leur image de femme en devenir. Ainsi la beauté est un atout que l’on apprendra à mettre en valeur. A partir de là, il faut se dessiner soi-même, en toute harmonie. Une harmonie qui est la résultante du charme, de la grâce ou d’une forme d’intelligence que l’on trouve en soi. Des gestes simples et tout à fait concrets favorisent cette mise en valeur : une coupe de cheveux adaptée, une peau bien entretenue, un maquillage étudié embellissent une femme, sont à même de redessiner un visage, de lui donner un éclat différent. Ce travail sur soi est une manifestation simple, classique de la quête de la beauté et il est à la portée de tous. Etre beau ou belle, ce n’est pas forcément l’être toujours. Il y a des moments de beauté à saisir comme il y a des moments de bonheur ou de sérénité. 23 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page24 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE Mais lorsqu’un défaut est réel, et qu’il gêne au point de déstabiliser l’adolescent ou le jeune adulte, voire de le confiner dans une attitude de repli, un conseil du type chirurgical peut se révéler bénéfique pour passer plus calmement la crise de l’adolescence déjà bien complexe. Souvent, dans cette période très critique, c’est au niveau du visage et en particulier sur le nez que se focalisent les angoisses liées au physique. Enfin, n’oublions surtout pas qu’à cet âge l’adolescent est souvent trop fragile pour juger seul de sa propre beauté, et il se soumettra en permanence aux jugements des autres. Il faut savoir déceler ce manque d’assurance que le temps, souvent, ou une prise en charge psychologique permettent de contrôler. L’une de mes patientes, âgée de seize ans, et fort jolie, est venue une bonne douzaine de fois en consultation. Elle se trouvait laide, et pourtant rien, ni au niveau de son visage de son corps, ne semblait justifier une telle attitude. Je l’ai écoutée longtemps, sans céder à sa demande, et en lui proposant de réfléchir encore et encore. Puis je ne l’ai plus revue, mais sa mère, quelques mois plus tard, m’a informé que sa fille n’avait rien fait, que son obsession était passée et qu’elle se sentait beaucoup mieux dans sa peau. Quels sont les canons de la beauté d’aujourd’hui ? L’histoire de la beauté est en quelque sorte l’histoire de la femme, de sa représentation… vue par des hommes. C’est ainsi, on ne peut pas vivre et se regarder vivre. Ce 24 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page25 LE CAPITAL BEAUTÉ sont eux qui se sont inspirés, emparés de la femme pour mettre en valeur sa beauté et exprimer les émotions qu’elle suscite. Les canons de la beauté sont les critères esthétiques que chaque groupe culturel, à un moment donné de son histoire, attribue au corps idéal. Et il ne s’agit pas d’une beauté purement plastique Par exemple une femme mince, voire longiligne, est considérée comme belle dans certaines pays scandinaves, alors que les pays latins et orientaux préfèrent les femmes plus rondes ; Mais aujourd’hui les canons de la beauté évoluent plus dans le temps que dans l’espace puisque ce dernier a été aboli par le développement de l’image et le mélange des cultures. Etre belle n’est plus l’apanage d’une seule classe sociale. De ce fait, comme son image, la beauté s’est démultipliée. Les stars mythiques du cinéma sont aujourd’hui remplacées par des vedettes que la télévision monte en exergue, le temps de quelques émissions. Tous les mannequins, toutes leurs beautés, exotique, naturelle, plantureuse ou androgyne, y ont une place. Mais de leur côté les femmes normales, ordinaires continuent leur éternelle quête et ont à leur disposition une gamme de moyens très étendue : les vitamines, le collagène, le sport, le bronzage, la lipoaspiration, tout leur est permis. La beauté est plus accessible, mieux partagée, parce que plus nuancée. C’est ce que déplore Philippe Sollers lorsqu’il écrit : « Elles semblent en suspens. Elles sont réquisitionnées par le Calcul, le Programme. On les veut consommatrices, matrices, esclaves des produits de beauté, cyniques, travailleuses, sentimentales, frontales. Elles doivent maigrir, bronzer, débronzer, pointer, réussir, accoucher, éduquer, s’agiter, défendre leur droit à l’égalité, se maquiller… » 25 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page26 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE A moins de tourner le dos à cette tendance, ce qui se révélerait difficile, les femmes ne peuvent que répondre à ces exigences. C‘est dire que les contraintes imposées par les canons de la beauté sont encore et toujours du côté des femmes. De façon moindre, mais certaine, l’homme commence lui aussi à être concerné. Mais l’intérêt de l’évolution des critères esthétiques de la beauté réside justement dans cette demande très diversifiée qui a balayé les stéréotypes. Peut-être reviendront-ils dans quelques années, ou quelques décennies ? Mais en attendant leur disparition permet l’expression du charme, de la grâce au sens large du terme. Bien sûr, les grands couturiers continuent de rêver de la femme, de l’habiller de leurs créations, d’exalter sa féminité, mais la mode a aussi suivi la démultiplication de la beauté… Ou elle l’a précédée… Quoi qu’il en soit, la beauté est longtemps restée un mythe nourri par le cinéma. Comme l’a écrit Edgar Morin, elle a été l’un des plus forts ingrédients du star-système. Selon lui, « le maquillage au cinéma élève la beauté quotidienne au niveau d’une beauté supérieure, radieuse, inaltérable… La beauté au cinéma n’est pas une beauté de musée, mais une beauté de présence ». Le maquillage ou la lumière qui justement accentuent la présence d’une beauté même ordinaire. Même un maquillage léger ou une lumière naturelle. Autrement dit, ce n’est pas un nez parfait ou une bouche sensuelle qui donnent la beauté à la femme mais sa présence intérieure. Cette « beauté » de présence a parfaitement convenu aux femmes quand elles sont entrées dans le monde du travail. Elles ont voulu gommer leurs rondeurs, elles ont choisi et imposé la beauté en mouvement qui va avec la minceur et une allure plus sportive. 26 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page27 LE CAPITAL BEAUTÉ Tout se joue désormais dans la silhouette : les cheveux se sont raccourcis, les jambes se sont exhibées grâce à la mode lancée par Coco Chanel. A la même époque l’exotisme de Joséphine Baker, le teint hâlé ont séduit toute une génération d’hommes et de femmes jusque-là attachées à la blancheur laiteuse. Au milieu des années 70, l’élan vers une beauté naturelle s’est confirmé puis accéléré avec les prémices des mouvements de femmes. Elles ne voulaient plus ressembler à la Twiggy, filiforme. Elles voulaient assumer leur corps tel qu’il était, sans entraves ni artifices, tout en concédant de recourir au sport et à la musculation. Depuis être belle n’est plus une contrainte puisque chaque femme peut et doit rester elle-même, quelle que soit la mode. Il est difficile, aujourd’hui, d’imposer aux adolescentes le port de talons aiguilles ou de ceintures qui leur enserrent la taille. Les baskets, les bottines, les jeans correspondent au désir de laisser le corps en liberté. Mais ces vêtements a priori masculins ne masquent jamais la beauté et la féminité des filles qui les portent. Au contraire leur naturel, leur présence n’en sont que plus affirmés. Quel rôle jouent les médias dans l’établissement des canons de la beauté ? Ils en sont les vecteurs. Ils mettent à la portée de tous les désirs, les rêves de beauté des artistes et des grands créateurs, qui étaient autrefois connus ou appréciés par quelques initiés des classes les plus favorisées. 27 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page28 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE Aujourd’hui toutes les femmes peuvent s’identifier à celles que l’on dit belles, en ouvrant un journal, en croissant une pub, en regardant un film ou une émission télévisée. Elles peuvent tendre vers les modèles affichés, elles peuvent les récuser ou les imiter sans aucun discernement. Mais certains dérapages sont possibles. Les seins hauts et ronds, les lèvres pulpeuses ne vont pas à tout le monde, ils sont à la mode, mais les clones n’ont jamais le même charme que la beauté originale et authentique. Et les progrès réalisés au niveau de la beauté plastique ne doivent pas nous faire oublier que notre corps, lui, est construit, remodelé en permanence par notre vie. Il est sujet, il n’est pas objet. Même avec une volonté de fer, on ne peut pas le solliciter au-delà de certaines limites. C’est à ce niveau-là que les médias et certains « médecins » font courir des risques aux femmes et aux hommes mal informés. Ils font miroiter des leurres, ils cultivent l’illusion d’une beauté absolue ou d’une jeunesse éternelle. Cela étant, ce sont les personnalités les plus fragiles qui se laissent prendre à ce jeu pervers. Les femmes qui interrogent leur miroir, qui se penchent sur leur propre vie s’acceptent telles qu’elles sont. Si elles décident de corriger les défauts qui les gênent, elles le font en toute connaissance de cause, sans dénaturer ni leur corps, ni leur visage, ni leur apparence. Elles ne trichent pas avec leur vie, avec leur image. Elles s’en accommodent à leur manière. Prenons par exemple l’image d’une publicité mettant en scène l’instantané d’un corps propre, net, presque parfait. Ce corps est sans histoire, sans passé, sans avenir. Mais, par ailleurs, tant mieux si nous sommes entourés de corps jeunes et beaux, cela nous 28 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page29 LE CAPITAL BEAUTÉ oblige à des efforts pour rester dynamiques. Le désir de beauté pousse les femmes à consommer des produits qui vont effacer leurs rides. Elles auraient ainsi le même visage que celle qui vante les produits… Mais elle aussi vieillit. Les femmes le savent. Elles ne sont pas dupes. Ni de la réalité, ni de la supercherie, mais elles ont envie, besoin de jouer le jeu. Elles trouvent du plaisir en rêvant leur propre image. Chercher à se rajeunir est peut être l’un de ces moyens qui donnent l’illusion de retenir le temps qui passe, ou de le franchir en douceur. C’est une manière de conjuguer ce temps existentiel. En véhiculant sans excès les canons de la beauté, les médias nous donnent l’occasion de nous occuper de notre corps. Ils le font parce qu’on les sollicite, Ils répondent à une attente plus collective qu’individuelle. Les femmes travaillent longtemps, beaucoup, elles s’occupent de leurs enfants, elles n’ont plus des heures à consacrer à leur miroir ; les médias leur offrent des échappées belles et elles s’y regardent. Toute cette beauté montrée, décrite les flatte, les porte, les rassure et leur rappelle une féminité qui aurait parfois tendance à s’égarer dans leurs préoccupations quotidiennes. Condamner ce jeu plaisant, c’est à mon avis condamner la frivolité, la légèreté de l’être. Elle est une facette de notre personnalité qui nous maintient en vie et sans laquelle nous serions de tristes sires. Il faut connaître ou avoir connu un handicap physique, une vraie souffrance dans sa chair pour comprendre à quel point un corps en mouvement, un corps en beauté est précieux ; c’est quand on a perdu sa jeunesse, sa beauté que l’on a envie de dire aux autres, toute amertume mise à part, d’en profiter et d’en jouir au maximum. 29 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page30 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE Si une femme n’est pas belle, si un homme n’est pas beau, sont-ils laids pour autant ? Il arrive quelquefois d’avoir le souffle coupé par la beauté d’une femme, mais ce n’est qu’un instantané exceptionnel. La laideur, la vraie laideur est elle aussi exceptionnelle, elle est plus près du pathologique que du normal. La beauté se dérobe à toute définition. Unanimement reconnue, elle devient une évidence… Mais comment parler d’une évidence ? On ne peut que la constater et l’admettre. Seuls les artistes, les poètes, restent crédibles lorsqu’ils incarnent et racontent la beauté. En fait ils nous décrivent leur muse ou la femme fatale qui les inspire ou les tourmente. Grâce à leur talent, on croit approcher une définition de la beauté, mais ils n’ont fait que sublimer celle qu’ils aiment. Or elle est si bien incarnée par leurs couleurs ou leurs mots qu’on se laisse emporter dans leurs rêves et leurs fantasmes. C’est dire à quel point la beauté est subjective, liée à l’imaginaire des uns et des autres. Ce qui signifie aussi que chacun a en soi un désir de beauté. Dans la vie elle peut nous faire rêver. Ou nous faire peur. Lorsque deux personnes s’extasient sur la beauté d’une troisième, la première émotion passée, elles vont chercher leurs mots pour en parler. Puis elles vont nuancer leur avis, dire « elle est superbe, mais… » où « il est très beau mais… ». Elles cherchent la faille, comme si la beauté pure avait quelque chose d’insoutenable. Ou comme si elle n’existait pas ! 30 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page31 LE CAPITAL BEAUTÉ De cette rencontre vont surgir d’autres interrogations, car la beauté de l’Autre nous renvoie à la nôtre. On fait des comparaisons, on doute… On revient à son miroir. Cela est bien normal, l’unanimité ne se fait que pour l’art et par l’œuvre d’art, parce qu’il s’agit d’épures et non d’êtres vivants. En revanche, l’histoire de l’art, de la littérature au cinéma en passant par la peinture, a donné le genre féminin à la beauté. Les mots ou les exemples choisis dans les dictionnaires sont toujours féminins. Dans le langage courant on dit d’un homme qu’il est beau ou qu’il a du charme. Pour les femmes, la gamme d’adjectifs est plus étendue : une femme est jolie, belle, ravissante, mignonne ou gracieuse… Autrement dit, la beauté se décline au féminin. Peut être parce que le corps féminin a plus de courbes. Les seins, la cambrure des reins, les hanches ou les cheveux sont chargés de sens dans l’inconscient collectif. Et pourtant toutes les femmes ne sont pas forcément très belles. La majorité d’entre elles possèdent une grâce, une gestuelle, un charme qui n’ont rien à voir avec leurs caractéristiques plastiques. Il suffit d’un je-ne-sais-quoi dans leur démarche, leur port de tête, leurs mouvements pour nous séduire. La beauté est un puzzle, un ensemble de proportions ou un infime détail qui échappe à une simple équation mathématique. Elle suscite des émotions, elle est le corollaire du désir et de l’amour. La beauté n’est donc pas une valeur absolue, mais une plus value. Quand on n’est ni particulièrement beau, ni particulièrement belle, on apprend simplement à vivre avec soi-même. On n’est pas laid pour autant ! La majorité d’entre nous y parviennent, et cela est sans doute plus 31 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page32 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE confortable que d’être exceptionnellement beau ou exceptionnellement laid. L’équation est subtile ; on l’appelle équilibre ou harmonie, mais dans tous les cas elle concilie l’être et le paraître. C’est cela la beauté ordinaire, celle qui peut émouvoir, susciter le désir sans intimider, sans faire peur. On peut séduire une femme normalement belle. Mais celle que l’on dit « trop belle »est inaccessible p a r c e q u ’ e l l e é c h a p p e à l ’ e ff e t - m i r o i r q u e l ’ o n recherche chez l’autre. Si la grande beauté fait l’unanimité, en est-il de même pour la laideur ? Certainement, la laideur quand elle est pathologique est évidente. Elle peut être la résultante d’une malformation congénitale : c’est le cas de la craniosténose, une soudure prématurée des os du crâne. Ce phénomène, appelé aussi asymétrique de la boîte crânienne dès l’enfance, qui agit sur la croissance faciale et maxillaire, et peut même avoir de graves conséquences au niveau cérébral et oculaires. Ces maladies dites de Crouzon et d’Apert sont impressionnantes, graves et heureusement rares. Longtemps hors de portée de toute thérapeutique, elles sont désormais accessibles à un traitement chirurgical, grâce au génie d’un chirurgien français, le docteur Paul Tessier, qui a établi les bases de la chirurgie cranio-faciale et en a codifié les indications. Cette chirurgie très complexe 32 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page33 LE CAPITAL BEAUTÉ mobilise plusieurs équipes de plasticiens, d’ophtalmologistes, de neurochirurgiens, qui obtiennent des résultats esthétiques spectaculaires, surtout chez l’enfant, tout en prévenant le retentissement fonctionnel important des ces malformations. Actuellement, quand elles sont dépistées tôt, ces anomalies de la croissance peuvent faire l’objet de traitements moins lourds, qui orientent différemment l’évolution osseuse, et évitent la constitution avancés de ces maladies. Il existe d’autres exemples d’asymétries faciales qui ne sont pas en rapport avec des malformations primitives, mais des déformations secondaires du visage. Celles-ci sont dues à un traumatisme de l’enfance, un accident, ou encore une injection au niveau des os et des articulations de la face. Il en résulte sur le plan esthétique une insuffisance de développement de l’hémimandibule, une projection déformée du menton, une croissance osseuse de la pommette incomplète et quelquefois des problèmes fonctionnels au niveau de l’articulation dentaire. Des cas moins caricaturaux sont à l’origine de dysharmonies faciales « moins laides » et réparables par des interventions chirurgicales courantes. A des degrés moindres, plutôt que de laideur, on parlera de défauts ou de disgrâces. Les oreilles décollées, par exemple, et la bosse sur le nez sont les défauts les plus répandus et les plus aisément corrigés. Ces oreilles décollées, peut être par une imprégnation culturelle inconsciente, donnent un air de caricature, de héros de BD, à celui ou celle qui en est victime, encore que les filles aient la chance de masquer cette disgrâce par leurs cheveux. Ces petits défauts 33 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page34 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE deviennent grands à cause du regard impitoyable que les enfants portent les uns sur les autres. Toutes « les grosses », les « miro » ou « les oreilles en feuille de chou » ont souffert des sarcasmes de leurs petits camarades. Le recours à la chirurgie esthétique relève d’une nécessité et non plus de la coquetterie. Et croyez-moi, il résout plus d’un problème chez un enfant ou chez un adolescent en le libérant de la petite déprime chronique qui accompagne la dévalorisation de soi. Un état de laideur, ou vécu comme tel, peut avoir d’importantes répercussions sur le caractère et le mode de vie de l’individu, allant du repli sur soi jusqu’à l’agressivité la plus violente avec un sentiment d’injustice jamais assouvi. Ce qui compte, comme pour la beauté, c’est la manière dont on vit la disgrâce, dont on la fait partager aux autres. Ce sentiment, ce comportement du disgracieux prennent leur source dans l’enfance. On acclame la beauté, tandis que les silences gênés et les non-dits accueillent la laideur. Ceux qui en souffrent ou qui s’y résignent vont compenser par toutes sortes de moyens : l’ambition sociale, le travail acharné, l’agressivité, alors qu’ils pourraient en s’acceptant utiliser cette énergie de manière moins volontariste et moins violente. Une personne laide ou qui se juge ainsi a l’angoisse de séduire chevillée au corps, tandis qu’une personne belle éprouve l’angoisse de ne plus séduire. L’environnement familial, amical et médical est un tout indispensable pour aider à retrouver le chemin de la confiance en soi. Comme pour la jeunesse, comme pour la beauté que l’on cherche à pérenniser, il faut faire tous les efforts possibles pour diminuer tout sentiment de laideur et atteindre le bien-être que l’on recherche. On dit 34 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page35 LE CAPITAL BEAUTÉ qu’il faut souffrir pour être belle (ou beau), mais la souffrance peut s’alléger parce que les chirurgies réparatrice et esthétique sont des remèdes parfois très spectaculaires. La beauté évolue parce que le corps lui-même se transforme. Quelles sont les principales étapes de cette évolution ? Il y a des jours, des années où la majorité d’entre nous s’acceptent fort bien. Nous sommes en bons termes avec notre corps et paraissons plutôt bien dans notre peau. Cela témoigne d’un état d’équilibre, qui peut durer ou, pour diverses raisons, se déstabiliser et être à l’origine d’un malaise. Lorsque les remaniements de l’adolescence ont cessé, la graisse s’est répartie, le nez a pris sa forme définitive et les muscles se sont constitués ; la paix, ou en tout cas le calme, s’installe enfin dans le corps. La beauté, le normal ou l’exceptionnel peuvent l’habiter sans générer de conflits. C’est aussi à cette période que filles et garçons vont connaître leur première relation amoureuse et sexuelle. Elle va les rasséréner, canaliser leur énergie, leur vitalité quasiment toutes-puissantes. Être aimés, regardés, touchés par l’autre les réconcilie avec ce corps jusque-là embarrassant et qu’ils verront d’un œil moins critique. Les voici parvenus au seuil de l’âge adulte, au bout d’une solitude qui marque la fin de l’enfance. A ce propos, il faut signaler que bon nombre d’ado- 35 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page36 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE lescentes viennent en consultation accompagnées de leur mère ou de leur père. Les deux parents abordent la démarche de manière très différente. La mère et la fille sont en général le miroir l’une de l’autre. Leur complicité ou leur rivalité émerge très vite dans la formulation de la demande, mais la mère reste dans l’ensemble un soutien pour sa fille. Le père, lui, a tendance à minimiser le défaut à corriger, pour éviter l’opération. Il aime sa fille telle qu ‘elle est, alors que pour sa propre femme ou sa compagne il est souvent à l’origine de la démarche chirurgicale. Certaines opérations d’adolescentes, pourtant justifiées, seront annulées ou reportées à cause de la rigidité ou de la crainte excessive du père. Et s’il donne son accord, convaincu enfin de l’intérêt pour son enfant, il se révèle très pointilleux : il vérifie bien sûr les compétences du chirurgien, mais s’informe aussi sur la technique employée et les suites de l’intervention. Toutes ces attitudes sont évidemment très respectables, mais lorsque les liens familiaux, psychologiques sont trop complexes, ils peuvent déborder le cadre d’une consultation normale. Et si ma fonction les met peut-être en exergue, le rôle de conciliateur à ce niveau n’est parfois plus de mon ressort, et je dois dans ce cas, pour temporiser, faire appel aux conseils d’un psychologue. Le bistouri n’est qu’un instrument, pas une baguette magique, le chirurgien qui n’a pas tous les pouvoirs doit surtout connaître ses limites, et anticiper les diverses répercussions de son geste. Les différents âges de la femme sont autant d’étapes à franchir et à négocier avec son ego, son narcissisme, 36 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page37 LE CAPITAL BEAUTÉ son entourage. Pour l’homme tout est plus simple, du fait de sa stabilité hormonale et d’une moindre attente des autres, par rapport à son apparence physique. Au terme de l’adolescence, entre vingt et trente ans, la femme atteint un plateau stable, propice à son épanouissement. Ses tissus sont de meilleure qualités, ses cycles menstruels sont régularisés, son corps est au calme, sa maturité relationnelle lui permet une vie de couple harmonieuse. Si, dans le même temps, elle trouve une stabilité professionnelle et sociale, elle ne considère plus son corps comme un ennemi. Au contraire, elle va s’en servir, le mettre en valeur, le dorloter. L’été, ce sont les femmes de cet âge-là qui se font bronzer seins nus. Dans « Corps de femmes, regards d’hommes », le sociologue Jean-Claude Kaufman observe que sur la plage « tout sexe devient miraculeusement beauté ou laideur. Le corps sexuel s’affiche soit comme objet de désir, soit comme obscénité ». Ce sont les mêmes jeunes femmes qui osent les tenues les plus provocantes. La mode, en haute couture ou en prêt-à-porter, est montrée, vendue grâce à elles, et ce n’est pas par hasard. Elles se regardent dans ces regards portés sur elles. Elles ont une image positive d’elles-mêmes. Si la vie les a épargnées, leur beauté intérieure et leur apparence physique trouvent là un point d’orgue. A ce stade, lorsqu’une personne fait une demande d’opération esthétique, c’est souvent en toute simplicité et non pas dans une attitude de combat, car elle n’a pas de vrai problème existentiel, ni de remise en question profonde. Les doutes et les peurs liés à son apparence s’inscrivent plus tôt ou plus tard, vers l’âge de quarante à cinquante ans. La beauté sied à la jeunesse, et vice versa, mais l’on touche là un 37 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page38 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE point sensible puisque la fuite de la jeunesse entame la beauté. Entre-temps, la maternité est passée par là. Avec elle, les modifications hormonales et psychologiques ont pu entraîner un changement dans la silhouette. La femme regarde autrement ce corps qui a donné la vie. Il est symboliquement plus riche que son apparence. Alors, elle en accepte les petits défauts ou elle décide de les supprimer sans état d’âme. Elle est moins narcissique, elle se tourne vers un enfant, vers un autre corps, qu’elle doit toucher, aimer pour l’aider à grandir. Sa féminité est chargée d’un autre sens, moins futile, plus altruiste. Elle diffère ainsi de quelques années, des préoccupations légitimes, liées à sa jeunesse toute proche mais déjà moins évidente. C’est lorsqu’elle a organisé sa vie de mère, qu’elle est retournée à ses obligations professionnelles et sociales que la femme revient à son miroir. Elle scrute les modifications de son corps, elle s’interroge et interroge les médecins. Bien qu’occupée par son enfant, elle fait un retour sur elle-même, d’abord avec indulgence puis avec une sérénité accrue. La maternité, même si d’autres suivent, n’est plus une fin en soi. La mère voudrait redevenir cette jeune femme qu’elle a été, tout en admettant qu’elle est aussi une autre. Or, là, elle doit savoir ce qu’elle veut vraiment. Une maternité n’est pas une maladie, on peut en sortir indemne, voir intacte. Elle ne doit pas non plus être un alibi pour se laisser aller ou s’enlaidir. La grossesse étant un débordement hormonal, il est important d’en prévenir et d’en maîtriser les conséquences. On ne mange plus pour deux, c’est un préjugé 38 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page39 LE CAPITAL BEAUTÉ révolu. On ne se néglige pas pour mieux se faire dorloter par les autres. Sans aller vers une médicalisation outrancière, il est préférable de contrôler sa grossesse et d’éviter la prise de poids. Avant, comme après l’accouchement, une femme qui veut rester belle a des devoirs envers elle-même, son physique et son apparence. Attendre la fin des biberons et des couches-culottes, c’est courir le risque de ne plus pouvoir être comme avant… Le surinvestissement maternel, les dégâts du temps et de la grossesse sont parfois des prétextes pour fuir la féminité. Il faut chercher ailleurs les raisons de cette fuite. Les femmes sont responsables de leur beauté, du maintien de leur silhouette. Bien sûr, et le plus souvent, les seins s’affaissent après la grossesse ou l’allaitement, certaines peaux se distendent plus que d’autres, le bassin s’élargit après une ou plusieurs maternités, mais tout cela n’est pas forcément grave. Quand une femme ne se reconnaît plus après une ou deux grossesses, elle doit se poser d’autres questions sur cette transformation. La réponse peut être d’ordre psychologique, voire conjugal. Je reçois beaucoup de femmes qui, après leur maternité, veulent redevenir les séductrices qu’elles ont été. Elles avouent ou sous-entendent que leur compagnon n’est plus sensible à leur beauté, à leur charme… Mais « avant » les enfants n’étaient pas là : leur arrivée dans le couple a modifié les cartes. La femme accaparée par eux, par son nouveau statut a perdu de vue son mari, oubliant parfois le plaisir sinon la nécessité de la séduction. Et l’homme également, du fait de sa paternité, modifie son attitude conjugale. La difficulté sera alors de 39 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page40 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE retrouver la vraie vie de couple et plus seulement la vie de famille. Bien sûr, la chirurgie esthétique pourra corriger les modifications induites par la grossesse, et pourra remonter les seins, atténuer la rondeur des hanches, mais elle ne fera guère plus. C’est à la femme et à elle seule de raffermir son corps, de retrouver son désir et son plaisir de séduire. A trente-cinq ans, elle est encore et pour longtemps jeune. Elle a plus de vingt ans devant elle avant d’accuser le vieillissement. La maternité est, d’une certaine façon, un rempart au vieillissement, mais après elle la féminité subsiste. Mais d’autres discours, à propos de la maternité, nous culpabilisent réellement ! Ce discours est de moins en moins répandu. Les femmes se sont suffisamment battues pour rectifier le tir. On n’est plus au temps des maternités nombreuses et successives qui abîmaient le corps de la femme. Aujourd’hui celle-ci est responsable de son désir d’enfant, elle a les moyens de récuser tout ce qui peut entraver sa féminité. Alors, au-delà des discours, elle se doit de cultiver sa beauté, son épanouissement physique. Sans sacraliser l’esthétique, il faudrait éviter de la rejeter sous prétexte que l’on devient mère, que l’on est débordée par le travail ou le stress. Effacer chirurgicalement les méfaits d’une grossesse ne suffit pas, puisqu’un corps séduisant ne se limite pas à un tour de poitrine ou de hanches. C’est le cas d’une des patientes que vous avez inter- 40 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page41 LE CAPITAL BEAUTÉ rogées. A quarante ans, mère de six enfants dont des triplés, elle en avait assez de sa très forte poitrine. Les grossesses, bien sûr, en ont augmenté le volume, le poids et la ptose, c’est-à-dire l’affaissement. Pour être heureuses, ces grossesses successives ont modifié et alourdi la silhouette, en déformant la poitrine et le ventre. Il ne s’agissait pas, dans le cadre de sa demande, de vouloir exhiber ses seins sur la plage, mais elle voulait en finir avec ses vêtements trop larges ou ses boutonnières qui s’écartaient au niveau de la poitrine. Intelligente et dynamique, cette patiente, ravie d’être mère, ne voulait pas pour autant occulter sa féminité qu’elle délaissait chaque jour un peu plus. Certaines interventions et en particulier l’hypertrophie mammaire, parce qu’elle est importante et entraîne de réelles séquelles au niveau de la statique vertébrale, sont prises en charge par la Sécurité sociale. Ce qui fut fait dans le cas de cette femme et permit la réalisation de l’intervention. Je lui ai donc réduit le volume de ses seins, et corrigé la paroi abdominale à la fois par une lipoaspiration, une résection de peau excédentaire, et un rapprochement des muscles distendus. Cela s’est fait si vite et si bien qu’elle a eu l’impression d’avoir « vécu un rêve ». Quand elle nous dit qu’elle a un plaisir quotidien à se regarder dans la glace, elle est sincère, enthousiaste ; d’autant que les enfants retrouvent dans leur mère la femme qu’elle est. Cet exemple est significatif, car trop souvent les femmes mettent sur le compte de la maternité une certaine lassitude de leur corps. Or cela coïncide aussi avec une perte de leur féminité dont elles ne sont pas toujours conscientes. C’est lorsqu’elles quittent la clinique qu’elles comprennent que le geste chirurgical leur a redonné ce plaisir d’être une femme. 41 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page42 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE La quarantaine n’est plus, comme certaines le vivent, ce cap tragique qui marquerait le début de la fin. Elle est une étape psychologique qui s’inscrit dans la crise du milieu de la vie, mais qui me paraît dépassé sur les plans anatomique et physiologique. Les femmes de quarante ans savent affirmer, convaincre, séduire, exiger et obtenir. Elles déroutent les hommes les plus attachés à des préjugés machistes, et les autres reconnaissent leurs charmes et apprécient leur présence. Elles sont souvent obsédées par la pensée ou l’image du vieillissement, or l’allongement de la vie en déplace les premières traces autour de la cinquantaine. J’ai récemment opéré une patiente de quarantecinq ans, en phase de ménopause précoce et qui avait subi une hystérectomie (ablation de l’utérus). Outre une faiblesse de la paroi musculaire, elle avait un excès de graisse qui situé au niveau de son ventre lui donnait une rondeur très nette. Son fils, âgé de huit ans, chaque fois qu’il regardait le ventre de sa mère, exprimait sa satisfaction de la voir « enceinte » du petit frère qu’il souhaitait. Cette situation était évidemment très inconfortable pour cette femme, car les remarques de son fils la renvoyaient à une impossible maternité, et à un cap difficile au niveau de sa féminité. Elle voulait donc effacer par la chirurgie cette « blessure » visible, source d’un malentendu gênant. Une simple lipoaspiration, qui a permis d’enlever cette graisse excédentaire et d’obtenir un ventre plat, a complètement pacifié la patiente. Voilà un cas fréquent où quelques cicatrices superficielles valent mieux que des blessures psychologiques profondes. 42 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page43 LE CAPITAL BEAUTÉ La beauté peut-elle être une souffrance ? Une femme belle et célèbre a dit un jour : « C’est terrible d’être belle ». A cause de sa timidité, qui passe pour de la froideur, elle a du mal à accepter le désir des hommes, ne sachant trop comment y répondre. Bon nombre de jolies femmes, flattées, contemplées en permanence, croient qu’on ne les aime que pour leur beauté. Ce malentendu est sûrement une cause de souffrance. Une femme (ou un homme) n’est pas éternellement belle, elle connaît mieux que quiconque le caractère éphémère de la beauté qui lui est donnée. Surtout si elle est véhiculée par son image. Si on disait à cette femme belle et célèbre qu’elle le sera toute sa vie, elle ne trouverait peut-être plus cela si terrible. Comme tout pouvoir auquel on s’habitue, on peut entrer dans la dépendance de la beauté, et au moment de s’en séparer on peut être en état de souffrance. On se sent sûrement frustré, privé de quelque chose. Mais au fond, qui nous dit que cette femme dont vous parlez se trouve réellement belle ? Que son problème n’est pas justement de se sentir moins belle que les autres la voient ? Qui nous dit qu’elle ne se trouve pas survalorisée par rapport à sa propre idée de la beauté ? On peut se séparer sans souffrance de sa beauté quand on en prend conscience et quand on ne dépend 43 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page44 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE pas d’elle pour exister. Or quand une femme vend son image, son apparence, elle donne un prix à sa beauté. C’est peut-être à ce titre-là qu’elle l’a vit comme quelque chose de terrible. Dès l’instant où l’on fait de sa beauté, de son corps et de son visage une valeur marchande, il me semble que l’on se fait objet et que l’on se dédouble douloureusement. La femme, l’être humain refoule ses émotions et ses sentiments pour rester tapi derrière ce double. « C’est terrible d’être belle » parce que c’est terrible de devoir coller à son image jour et nuit, jour après jour, année après année. Il faut sans répit faire coïncider sa vie intérieure et sa vie quotidienne, avec cette image qui, bien que démultipliée, reste figée. Il faut sans cesse avoir l’air belle, même si l’on est fatiguée, triste ou simplement soi-même. Il faut, vaille que vaille, ressembler à ce double qui vous précède où que vous alliez. Il faut se montrer à la hauteur des regards exigeants, habitués à un visage lisse, un corps parfait, une tenue impeccable et un sourire qui n’a aucun droit à la nostalgie. La remarque de cette femme sur elle-même paraît, de prime abord, présomptueuse, mais je crois que la beauté reconnue par tous ne supporte ni la faiblesse, ni la médiocrité. L’intelligence de cette femme est de l’avoir compris, d’avoir analysé ce dédoublement de personnalité. Elle refuse tout simplement de se contenter de son image, si sublime soit-elle. Si la beauté ordinaire est un droit pour tous, elle devient un devoir pour cette femme. Survalorisée par tous, elle se doit de toujours entretenir son image, et donc de mentir avec son corps. Parce qu’elle est une forme de beauté incarnée, son apparence ne lui appartient plus, pas plus sans doute 44 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page45 LE CAPITAL BEAUTÉ qu’aux hommes ou à l’homme qui partage sa vie. Une chose est sûre : on pardonne difficilement à une femme très belle des traits tirés, des cheveux mal coiffés ou une négligence vestimentaire. Mais on ne comprend pas non plus qu’elle passe son temps à se regarder dans son miroir, ou à s’occuper de son corps à longueur de journée. Ce narcissisme exacerbé, obligé, dérange l’entourage parce que la beauté qui a un prix réel n’a pas de prix ; elle induit plus la contemplation ou le rêve qu’une réalité triviale et légitime. L’image de cette femme vend la beauté, s’affiche sur les écrans de cinéma, mais en plus elle est utilisée, malgré elle, pour des causes diverses. Et naturellement les regards jugent son apparence, avant de juger son discours ou son engagement que l’on voudrait aussi total que sa beauté. D’autre part, je crois qu’une femme belle est plus vulnérable qu’on veut bien le croire ; elle n’est jamais sûre de son image du lendemain. Elle est en permanence soumise au regard et au jugement des autres, sa vie dépend du prix de sa beauté, de sa cote et de tous les fantasmes qu’elle suscite et véhicule. Il faut être sacrément solide pour vivre cela en toute simplicité et en toute sérénité. Une personnalité qui se structure sur la beauté et l’apparence doit ériger des défenses imparables, si elle ne veut pas devenir ou se voir comme un objet. Quand la beauté est assumée, comprise, contrôlée comme l’un des éléments de sa personnalité et non comme l’essentiel, alors elle devient une force que l’on peut utiliser et dont on peut se servir à bon escient, sans en dépendre. 45 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page46 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE La beauté serait-elle un pouvoir ? Elle a, elle est un réel pouvoir. Comme tout pouvoir, elle désarme, elle vulnérabilise les autres ; elle suscite une réaction de défense dans la mesure où elle est fascinante. Pourtant il n’est pas nécessaire d’être plastiquement belle de la tête aux pieds. La séduction tient à un charme, un éclat, né d’un détail physique ou d’une force intérieure. Le souvenir même de cette séduction permet de l’ancrer, de la sublimer, d’en faire durer l’impact. Combien de vies de couples ont basculé à cause d’une femme plus belle que l’autre, à cause du désir né d’une rencontre, d’une seule. On n’est jamais beau ou belle que pour soi, on cultive cette beauté, on en joue avec l’autre. Il nous faut l’adhésion de l’autre quand on s’expose à son regard… Ce privilège génère des relations différentes, il établit un rapport de forces implicite, qui ne cherche pas à faire plier l’autre mais à s’y mesurer. La beauté, comme l’argent, ne fait pas toujours le bonheur, mais elle y contribue lorsque l’on sait s’en servir comme d’un atout. Une personne de grande taille par exemple, séduisante de surcroît, aura a priori plus d’ascendant et de pouvoir qu’une personne de petite taille. On connaît tous des hommes de taille moyenne ou inférieure à la moyenne qui compensent ce « défaut » par un autoritarisme souvent déplacé. La taille est bien sûr un facteur de beauté, de séduction, mais cela ne signifie pas que toutes les personnes grandes et belles réussiront toutes leurs entreprises. 46 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page47 LE CAPITAL BEAUTÉ Car il faut aussi avoir le goût du pouvoir et l’intelligence pour l’exercer avec ses propres armes. La chirurgie esthétique reste pour certains un moyen de maintenir ce pouvoir médiatique, social ou artistique acquis. Bon nombre de personnalités de ces milieux ont recours à la chirurgie pour entretenir leur image. C’est un appoint qui contribue à rester ce que l’on est, ou du moins ce que l’on paraît. J’ai récemment vu en consultation une jeune Suédoise de vingt ans, mannequin dans une agence internationale. Elle était sublime ! Son nez, ses yeux, sa bouche, l’ovale de son visage semblaient être dessinés avec un soin immense. Quand la jeunesse, la grâce et la beauté cohabitent, le résultat est exceptionnel. Bref, cette jeune femme qui mesurait près de 1,80 mètre avait un corps massif et légèrement enveloppé, ce qui ne correspondait pas aux mensurations exigées par sa profession. Elle m’a demandé une lipoaspiration étendue qui consiste à réduire la largeur des hanches, l’intérieur des cuisses, la graisse des genoux, des hanches, de la taille et des bras. Il fallait en fait que je procède à un affinement global du corps. Deux mois plus tard, sans cicatrice apparente, et du fait de la bonne qualité de sa peau, cette jeune fille opérée avait minci. Elle est somptueuse et la dysharmonie entre son visage et son corps est effacée. Son pouvoir ne peut que s’accroître dans sa profession où seule compte la beauté plastique. Une beauté plastique utilitaire, car je vois beaucoup de jeunes femmes qui réduisent des seins trop gros, ou augmentent leur petite poitrine, pour obtenir des mensurations idéales, et présenter la lingerie féminine dans les défilés de mode. 47 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page48 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE Dans le registre narcissique, j’ai rencontré le cas d’un homme qui m’a dit : « Je suis beau, je veux l’être encore plus et le rester. J’aime que tout le monde s’arrête pour me regarder lorsque j’arrive quelque part ». Si telle est sa conception de la vie et de la séduction, pourquoi pas ? Il est libre de se promener avec son miroir dans la poche, et de se sentir bien ainsi. Il était âgé d’environ trente ans, je n’avais aucune raison de refuser sa demande ou de la remettre en question puisqu’il était possible de l’aider à se sentir plus beau et donc plus sûr de lui. Un jour il finira bien par accepter les effets du temps sur sa silhouette, mais cette prise de conscience se fera progressivement : sa vie se structurera sans doute autrement et lui apportera d’autres repères pour se situer par rapport à son image. Il faudrait préciser que ceux qui recourent à la chirurgie esthétique appartiennent à tous les milieux sociaux et culturels. Ils ne sont pas une entité particulière, parce que la beauté est un privilège auquel tout le monde réfléchit, que tout le monde aimerait posséder. Ceux qui rejettent ou méprisent le pouvoir de la beauté ou de la jeunesse se mentent à eux-mêmes. Il est vrai que le développement récent de la chirurgie esthétique permet de fabriquer la beauté plus aisément qu’il y a trente ou quarante ans, mais les progrès sont tels qu’ils permettent d’obtenir des résultats à la fois importants et naturels. Les grandes stars, Greta Garbo, Marlène Dietrich ou d’autres, étaient des beautés exceptionnelles. Certaines le sont restées. Mais d’autres qui ne se sentaient plus conformes à leur image ont préféré se cacher pour vieillir. Peut-être aussi pour s’épargner le jugement de leur entourage et du public, ce qui était une manière de laisser intacte et éternelle cette image mythique. 48 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page49 LE CAPITAL BEAUTÉ Aujourd’hui, en aidant la beauté naturelle à s’améliorer, on lui assure une longévité qui suit celle de la vie humaine. Les gestes simples, comme des injections de collagène au niveau du visage, un comblement de quelques rides, redonnent de la jeunesse et de la vivacité à une peau un peu marquée. Certaines interventions, faites précocement, auront non seulement un effet de « correction d’un défaut » mais elles vont également retarder sa réapparition ultérieure. Faut-il encore et toujours souffrir pour être belle ? Dans le domaine particulier de la beauté, tout dépend bien sûr de la priorité donnée à l’apparence, et de l’importance accordée au jugement d’autrui. Il y a des hommes et des femmes qui, sans être exceptionnellement beaux, disposent de charme et de séduction, sont en tout cas attrayants, et heureux de l’être. Quand on est bien dans sa peau, on promène sa beauté, sa grâce ou son charme avec une attitude naturelle qui ne laisse transparaître aucune souffrance. Une certaine forme de souffrance commence avec la prise de conscience du temps qui passe et des égratignures qu’il fait à notre narcissisme. Lorsqu’on a compris que notre corps nous appartient, qu’on est responsable et qu’il nous fait revendiquer ses différences tout en se fondant dans la masse, on commence à souffrir. Mais nous savons bien que le défi, le dépassement de soi sont des comportements inhérents à la nature humaine. 49 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page50 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE Dès l’adolescence, on quitte les habits choisis par la famille, on écarte le mimétisme parental pour aller vers les autres, ressembler à ses congénères. Pour se faire beau, pour se faire belle, on fait parfois appel aux artifices les plus insolites : une coupe de cheveux propre et nette, une coiffure punk, un visage outrageusement maquillé ou carrément sans fard. On peut montrer ses jambes le plus haut possible, cacher ses yeux derrière des lunettes noires, masquer la forme du visage par une barbe, ou une moustache… Tout est bon pour ressembler aux autres, se différencier ou mettre en évidence sa propre personnalité face à la famille. Tout est bon pour trouver ses propres critères de beauté en se conformant d’abord à ceux des autres, en les sélectionnant, en les adaptant ou en s’en éloignant. Dès lors, on commence à céder à la mode, à toutes les modes. Il nous faut faire des efforts pour entrer dans ce corps passe-partout dont l’image est démultipliée. L’ennui est que tous ces efforts pour paraître sont fournis au vu et au su de tous, puisque tous les joggers se retrouvent au même endroit, les sportifs dans les mêmes clubs de gymnastique, des seins beaux et nus sur les mêmes plages. Et cette beauté que l’on a voulue originale se retrouve soudain d’une grande banalité. Dans notre société être belle n’est pas un devoir, mais être en forme est devenu une nécessité. L’obligation d’être au mieux avec soi-même se double de celle d’être bien avec et pour les autres. On souffre pour être belle, mais il n’est pas forcément question de douleur physique. Se passer une crème tous les matins, se raser, faire un petit régime ou un peu de sport sont des gestes tout aussi contraignants que d’aller travailler tous les jours ou de préparer le repas 50 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page51 LE CAPITAL BEAUTÉ familial. Ce sont des automatismes nécessaires. Rectifier la courbe de son nez, le volume des ses seins, les plis de son ventre ou effacer quelques rides, c’est bien sûr souffrir dans sa chair. Mais cette souffrance est temporaire et surtout prometteuse de plusieurs années de mieux-être et de mieuxparaître. Comme partout, des excès existent, et il est évident que l’on peut rencontrer des personnes qui sont dans la surenchère permanente de leur apparence. Parfois elles veulent tout changer, parfois elles ne supportent pas le moindre signe de vieillissement. Mais à part ces cas aux motivations complexes, la chirurgie esthétique doit rester un palliatif comme un autre tant que l’on s’accepte, tant que l’on ne se confond pas avec son image. Tant que l’on ne mélange pas l’être et le paraître. Seule cette confusion entraîne les demandes les plus folles, heureusement régulées par une consultation adaptée. On ne peut pas tout changer avec un bistouri ou un laser; on ne modifie ni les gènes, ni les tempéraments, ni la vie des unes ou des autres. Mais on peut efficacement effacer à tout jamais de nombreux défauts embarrassants pour certaines personnalités. Accepter de souffrir pour être belle, c’est une manière de ne pas renoncer à soi. Tant que la chirurgie est utilisée dans ce sens, elle peut et doit se développer en toute conscience. En revanche, la laideur ordinaire fait davantage souffrir. Les personnes disgracieuses ou celles qui s’enlaidissent à volonté ont sans doute été blessées narcissiquement. C’est ce message qui passe dans leur corps et leur apparence. On peut bien sûr trouver en soi les possibilités de 51 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page52 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE dépasser un problème en le minorant. Mais ce problème prend parfois de telles proportions qu’il aura des répercussions importantes. Il peut être à l’origine d’une anorexie, ou d’une boulimie réactionnelle. Dans ce cas, de façon préventive, il faut mettre tout en œuvre pour éviter ce type de complication. Très franchement, il me semble plus douloureux de s’infliger des corsets psychologiques que de passer par une intervention chirurgicale somme toute banale pour plus vite reconsidérer son corps et son image. La paix avec son corps et dans son corps est un long processus de négociations avec soi-même. Il faut parfois passer par des décisions tranchées pour y accéder plus vite. La voie à suivre appartient à chacun d’entre nous, mais mon devoir de médecin est d’aider les patients à la trouver en leur proposant des moyens qui existent et ne les mettent pas en péril. Que pensez-vous de l’importance accordée au look ? Le look est aujourd’hui un critère d’embauche. Des cours sont donnés aux demandeurs d’emploi pour optimiser leur apparence. On leur enseigne l’harmonie des couleurs, des formes vestimentaires. On montre aux femmes la meilleure manière de se maquiller. On décrypte la gestuelle de chacun, on leur apprend le maintien, la démarche. La beauté, l’apparence sont plus que jamais des éléments de séduction puisque toutes ces stratégies sont élaborées pour les valoriser. 52 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page53 LE CAPITAL BEAUTÉ Cela confirme à quel point la beauté s’est démultipliée, à quel point les médias y ont contribué. Dans cette dynamique, la chirurgie esthétique entre autres est partie prenante de cette stratégie, mais elle est un moyen et non pas une fin en soi. Les artistes aussi bien que les hommes politiques utilisent la chirurgie esthétique pour améliorer une apparence qui doit plaire au plus grand nombre. Un sourire, une peau lisse compte désormais autant, sinon plus parfois, que des qualités professionnelles ou un discours bien structuré. Les conseillers en communication sont pléthore pour étudier, concocter et systématiser des articles pour « vendre » l’image d’un homme ou d’une femme. Seulement voilà, que ce soit à la télévision, à une tribune ou dans une consultation de chirurgie esthétique, il y a toujours un moment de vérité qui émerge, par un geste, un mot, une mimique inattendue. Ce moment de vérité révèle l ‘authenticité de la personne et s’impose, malgré les artifices ou la stratégie mis en place. L’authenticité c’est aussi la beauté de chacun ; l’élégance, la grâce d’une personne transparaît toujours à un moment ou à un autre. De la même façon, la vulgarité peut apparaître sous l’habit le plus brillant. Une apparence pour être sauve n’est pas toujours convaincante. Si certains hommes politiques ne passent pas bien à la télévision, ce n’est pas à cause de leur « look » mais de ce qu’ils sont réellement. L’image à la télévision est une loupe grossissante impitoyable : si un homme est « mauvais » à la télévision, il l’est aussi à sa tribune… Si le « je-ne-sais-quoi » de la séduction ne passe pas ou ne transmet pas, c’est parce qu’il n’existe pas. On peut retoucher des paupières, les défatiguer, mais on ne donne pas au regard une profondeur ou une âme différentes. 53 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page54 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE On peut exalter la beauté, on ne peut pas la créer. Bien sûr, l’apparence se cultive, les cours de look dispensés aux demandeurs d’emploi vont mettre en exergue les qualités physiques de ceux qui en possèdent. Tant mieux pour les « beaux » ou les « belles » qui s’ignorent, tant mieux si cela leur permet de trouver un emploi. Cela est déjà une porte ouverte sur le milieu professionnel ou la culture de l’entreprise qu’ils sollicitent. Encore faut-il qu’ils soient à la hauteur de l’emploi recherché, qu’ils prouvent que cette image présentée à l’employeur n’est ni fabriquée, ni usurpée. A trop se fier à l’image, on la vide de son contenu, et on en dépossède celui ou celle à qui elle appartient. Combien d’hommes politiques ont tendance à oublier que derrière l’image se profilent toujours l’homme, son intelligence, sa force de conviction ? Évidemment, il vaut mieux regarder quelqu’un qui porte des lentilles de contact plutôt que de grosses lunettes qui masquent son regard, mais cette première étape franchie, et malgré ce qu’on dit, on écoute le discours, on observe le comportement pour saisir les idées fortes. La séduction et la beauté ne sont que des sas pour accéder à l’être humain. L’habit peut faire le moine à condition qu’il y ait un moine… Cela étant, on n’attend pas, on n’exige pas la même chose d’un mannequin. Cet homme ou cette femme mettent leur corps au service d’un vêtement, d’un produit à vendre, pas au service d’une idée. Ce n’est pas un jugement, mais un constat qu’ils sont notre part de rêve, pas de réalité. Pour exercer leur métier on leur accorde le droit de tricher avec leur corps puisqu’il est interchangeable. Il est un instrument de travail : il doit être 54 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page55 LE CAPITAL BEAUTÉ plastiquement beau pour vendre la beauté. Au même titre que les routiers doivent être forts et musclés pour conduire leurs engins, et les jockeys menus et souples pour monter leur cheval. Ils ont le physique de l’emploi, il ne s’agit pas de look ni d’apparence mais d’un impératif morphologique, et là, bien sûr, la chirurgie esthétique ne peut pas grand chose. L’homme et la femme sont ils égaux devant la beauté ? Pour être tout à fait honnête, je ne le crois pas. Ils ne l’ont jamais été et ne le seront peut-être jamais. Les individus, la société dans son ensemble sont plus exigeants pour le physique, l’apparence d’une femme que pour ceux d’un homme. C’est pourquoi les femmes s’imposent des obligations de résultats que les hommes ne connaissent pas ou peu. Encore que nous y arrivions doucement car les hommes deviennent soucieux de leur beauté. Il n’empêche, un homme peut être laid ou pas très beau, il reste néanmoins séduisant par certains aspects. Son intelligence, ses performances sociales, ses conquêtes féminines affichées, et plus encore sa notoriété seront des compensations à un physique qui peut être ingrat. Dans certains milieux, la richesse matérielle, l’intelligence, le talent d’un homme s’avèrent aussi être des atouts majeurs. Serge Gainsbourg est un exemple célèbre et démonstratif. Non seulement son talent, sa 55 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page56 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE voix nous faisaient oublier ses oreilles décollées, son visage anguleux, et ingrat de son propre avis, mais lui même cultivait son apparence. Or cette « laideur » toute subjective ne l’a pas empêché de séduire les plus belles femmes, tant ce créateur brillant et attachant savait mettre en valeur ses autres qualités. Par contre, si une femme veut être dans les normes les plus répandues de la féminité, elle doit fournir des efforts permanents pour maintenir les signes extérieurs de sa beauté et de la séduction. N’être ni trop jeune, ni trop âgée, ni trop soumise, ni trop autoritaire, bref tant de choses qui la font paraître trop… ou pas assez ! Malgré l’évolution des mentalités, la société n’est pas encore prête à chasser de son inconscient collectif l’image de la femme jolie, pudique, naturelle et réservée ! On ne dit plus aujourd’hui à une femme – le supporterait-elle ? – « Sois belle et tais-toi », mais tout de même… Une belle femme, puissante et brillante à la fois, instaure malgré elle un rapport de forces au risque, aux yeux des autres, de perdre et d’occulter sa féminité. L’homme ou la femme qui cherche la perfection du corps et du visage a quelque chose à prouver en relation avec l’objet et non plus avec le sujet. L’égalité de la femme et de l’homme doit être acquise sur le plan social, intellectuel, mais elle ne peut l’être sur le plan strictement biologique. Pour la bonne raison que la beauté plastique est étroitement liée à l’horloge interne, différente pour l’homme et pour la femme. Pour les femmes, cela représente une épreuve supplémentaire à laquelle nulle n’échappe, bien que certains traitements médicamenteux régulent maintenant les méfaits, physiques et psychologiques, du désordre hormonal. 56 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page57 LE CAPITAL BEAUTÉ L’homme a cette chance de ne pas devoir surveiller son corps aussi rigoureusement. Il subit moins de variations métaboliques. A cinquante ans et plus, il peut encore séduire sans difficulté. Pour une femme du même âge, à l’évidence, la situation est différente. La ménopause s’accompagne de modifications de la silhouette et d u visage que ne peuvent corriger les traitements substitutifs. C’est aussi une question de peau, celle de l’homme est plus épaisse, elle supporte la barbe et le rasage quotidien. Celle de la femme, plus fine, se distend plus facilement et se marque plus tôt. La femme porte et donne la vie ; son corps nourricier est soumis à de plus rudes épreuves. Ainsi, étant si différents physiologiquement, l’homme et la femme ne sont pas égaux devant la beauté. Tous les éléments font que les femmes ont recours à la chirurgie esthétique plus fréquemment que les hommes. Une femme fait une demande de lifting vers l’âge de quarante-cinq à cinquante ans, un homme peut attendre cinquante-cinq à soixante ans. Dans l’un et l’autre cas, cette intervention, dont le but est d’atténuer les effets du temps, sera forcément différente et le résultat technique aussi, même s’il est satisfaisant. Un lifting du front et du visage, qui permet à la fois de rajeunir et souvent d’embellir, nécessite des cicatrices à l’intérieur et derrière l’oreille. Le principe est de procéder à une remise en tension des différents plans : la peau, le muscle et la correction des dépôts graisseux comme les bajoues et le double menton. 57 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page58 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE Les hommes seraient-ils plus coquets qu’autrefois ? L’homme s’est toujours préoccupé de son apparence. Les dandys, les élégants, les « snobs » faisaient en sorte de se vêtir, de se coiffer en fonction de leur milieu, de la mode de leur époque. Mais si les romanciers et les historiens les ont largement observés, les femmes, elles, osaient moins porter leur regard critique sur les hommes. Pourtant aujourd’hui les hommes volent les crèmes de leur femme. Ils essaient des shampooings colorants et posent dans les publicités qui vantent des produits spécifiquement masculins. Ils s’inquiètent de leur silhouette… Ils ont leurs défilés de mode. Les années féministes qui ont suivi les mouvements de Mai ¬68 ont changé les mentalités. Leurs revendications ont porté les femmes sur le terrain masculin, mais l’inverse est vrai aussi. Dès l’instant où les hommes ont pu exprimer leur sensibilité et leurs émotions, ils ont pu avouer ouvertement leurs préoccupations esthétiques sans mettre en péril leur virilité. La vogue des cheveux longs, la mode unisexe les ont poussés un peu plus dans les sphères de l’apparence, de la beauté et donc de la mode. Certes, les jeunes premiers au cinéma ont existé, séduit les femmes au même titre que les stars ont fait rêver des générations d’hommes ; mais maintenant les mannequins, les animateurs de télévision les ont remplacés. Cela donne pour les hommes aussi une beauté naturelle, plus accessible dont s’emparent les stratégies commerciales pour ouvrir un marché de cosmétiques masculins. 58 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page59 LE CAPITAL BEAUTÉ Les recherches scientifiques ont permis de créer des produits adaptés à leur peau, à leurs spécificités physiologiques et anatomiques. Ce marché ne peut que se développer et inciter les hommes à s’occuper d’eux-mêmes. Leur coquetterie potentielle est désormais plus avouable. Et les femmes l’admettent aisément puisque d’une certaine façon ce sont elles qui l’ont mise au jour. Elles se laissent volontiers voler leurs crèmes, elles n’hésitent pas à conseiller leur mari, leur compagnon ou leurs amis à tenter une démarche vers la chirurgie esthétique. Elles le font avec naturel et grandeur. En investissant le domaine artistique de la photo et du cinéma, elles valorisent et transcendent à leur tour et à leur manière la beauté masculine. L’histoire de l’art nous dira un jour si l’homme est lui aussi devenu un support de rêve, un modèle de l’éternel masculin. La coquetterie des hommes n’est pas forcément connotée de féminité. La musculature à la Rambo est très à la mode, la force physique s’exhibe. Les barbes, les moustaches sont encore prisées par les hommes et appréciées par les femmes. Les hommes médiatisés n’hésitent pas à corriger leur sourire, leurs paupières, leur silhouette. Ils ont eux aussi envie de vivre pleinement leur époque, de rester beaux et séduisants. Certains se sentent mieux quand ils peuvent s’embellir ou rajeunir. Ils refusent la fatalité du temps qui passe, et l’esthétique corporelle n’est plus le monopole des femmes. La preuve, les hommes politiques se font « relooker » et les mannequins masculins ont une couverture médiatique aussi importante que les femmes. 59 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page60 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE Leurs demandes, leurs motivations sont-elles très différentes de celles des femmes ? Sur le plan statistique les hommes consultent moins les médecins parce qu’ils ne sont pas soumis aux aléas de leur horloge biologique. Ils n’ont pas ce cycles menstruels, ni de grossesses, mais en ce qui concerne la chirurgie esthétique proprement dite ils y ont moins recours du fait de la stabilité et des différences de leur anatomie. Ils n’ont pas de seins, ni de cellulite. Ils ne connaissent pas les problèmes de vergetures. Ils vivent mieux les effets du vieillissement et, du côté de l’embonpoint, le régime s’avère plus efficace pour eux que la lipoaspiration car leur prise de poids est plus normale, et d’origine alimentaire. En revanche, à l’âge adolescent, ils nous consultent pour corriger leur nez qu’ils veulent souvent plus fin et droit. Les hommes adultes ont une forte demande pour les paupières, les poches sous les yeux parce que ce « défaut » leur donne une mine fatiguée. Rendre un peu de vivacité à leur regard est important sur le plan personnel et dans leur vie professionnelle. Ils souhaitent aussi corriger des hanches un peu lourdes pour avoir une silhouette plus élancée, mais la demande la plus forte concerne la perte des cheveux et la calvitie qui sont des problèmes plus spécifiquement masculins. Les motivations des hommes sont parfois étonnantes, comme cette histoire d’un homme de vingt-cinq ans que sa fiancée a poussé à me consulter. Il était obèse, 60 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page61 LE CAPITAL BEAUTÉ il pesait 120 kilos et devait se marier. Il est venu me voir, contraint et forcé par son entourage, en m’affirmant qu’il se sentait très bien ainsi, mais la pression familiale avait eu raison de ses résistances. Je l’ai opéré d’une plastie abdominale qui relève plus de la réparatrice que de l’esthétique, car il avait ce que l’on appelle « un tablier ». Je lui ai enlevé 12 à 15 kilos de graisse ; depuis il a perdu par lui-même près de 20 kilos, il est radieux, heureux de refaire du sport. J’ai ensuite opéré sa mère, elle aussi obèse. C’est un vrai plaisir de les voir épanouis, prêts à changer leur comportement alimentaire et donc tout un mode de vie. Ceci prouve, non seulement l’influence des femmes et leur désir de se préoccuper de la beauté de leur compagnon, mais également les effets positifs d’une chirurgie alors que l’on se croit hors normes, obèse à tout jamais… Les canons de la beauté masculine poussent-ils autant les hommes que les femmes vers la chirurgie esthétique ? Les hommes sont beaucoup moins nombreux que les femmes à demander une chirurgie esthétique. Les critères de beauté pour un homme se ne situent pas forcément au niveau de l’harmonie. Ils sont plus côté de l’élégance, du charme, d’une séduction globale. On ne demande pas à un homme d’être « joli » ou de se grimer, on ne lui demande pas de se maquiller. En revanche, on attend de lui qu’il assume sa coquetterie, qu’il évite les fautes de goût et qu’il conserve une allure sportive ou tout au moins dynamique. 61 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page62 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE Si les produits cosmétiques et le goût du bronzage gagnent aussi le domaine masculin, c’est justement pour permettre à l’homme d’afficher une bonne mine. Autrement dit, lui aussi se regarde dans le miroir. Lui aussi est de plus en plus concerné par son image, par l’effet qu’il peut produire sur l’autre. Il n’échappe pas au devoir de paraître en forme, de s’occuper de son corps. Mais pour autant, les canons de la beauté masculine sont moins fluctuants que ceux qui concernent les femmes. A part la longueur des cheveux et la mode vestimentaire, le bel homme aujourd’hui n’est pas fondamentalement différent de celui des années 20. Le visage anguleux, les moustaches, la barbe naissante ou affirmée, bref les signes physiques de la virilité ont toujours plus séduit les femmes que les visages poupons et imberbes. Les préoccupations esthétiques majeures d’hommes restent la silhouette, le rajeunissement du visage, souvent entamé par les poches sous les yeux, et la perte des cheveux. Ils sont de plus en plus soucieux de garder la ligne, de remédier au ventre bedonnant qui se forme vers la quarantaine. Ils passent beaucoup de temps à surveiller leur alimentation, à s’échanger des régimes miracles. Ils fréquentent les salles de gymnastique, les courts de tennis ou de squash pour entretenir leur musculature. Ils n’ont guère envie d’être en reste au bureau face à des femmes très dynamiques et actives. Une attitude qui s’explique aussi par la sédentarité des professions urbaines. On ne peut pas comparer la silhouette naturellement musclée des Nord-Canadiens, des Groenlandais avec celle des hommes d’affaires parisiens. Les hommes sont candidats à la lipoaspiration qui 62 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page63 LE CAPITAL BEAUTÉ les aide à se débarrasser de leur ventre et de leurs poignées d’amour. Mais vers la cinquantaine ils demandent aussi un lifting pour que leur visage ne vieillisse pas plus vite que leur esprit ou leur corps encore musclé. Certains font la démarche seuls, mais dans l’ensemble ils sont poussés, voire accompagnés par leur femme ou leur amie. Pourtant, jusqu’au bout du processus, ils restent méfiants, craintifs, douillets. Ils offrent un terrain psychologique plus fragile que les femmes. Ce qui se vérifie dans tous les secteurs de la médecine ; ce n’est pas par hasard que les hommes consultent moins que les femmes. A leur décharge, je dirais qu’ils n’ont pas dans leur corps la mémoire de la souffrance que les femmes connaissent par leurs grossesses et leurs accouchements. Les hommes sont des grands enfants qui ont besoin d’être rassurés, mais une fois décidés ils prennent leurs dispositions, ils se font opérer et contestent très rarement les résultats. La jeunesse est, par définition, limitée dans le temps. La beauté, elle, peut s’adapter au temps, à la vieillesse. Serait-elle indissociable de la jeunesse ? La beauté et la jeunesse sont heureusement dissociables, mais de chacune il est souhaitable de faire une alliée, pas une ennemie. Mais je suis prêt à parier que, si demain la science nous proposait un traitement efficace pour cela, nous l’achèterions tous et sans hésiter. 63 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page64 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE Ce serait la même chose pour la beauté à condition de ne pas devenir les clones les uns des autres, car nous sommes encore soucieux de revendiquer nos différences. On parle beaucoup actuellement d’une molécule, la mélatonine, à laquelle on attribue toutes les qualités. Vigueur, santé, jeunesse, bonne mine, au dire de ces défenseurs enthousiastes, elle est le médicament miracle de l’an 2000. Aux Etats-Unis, on assiste à un véritable raz de marée et ce traitement est utilisé par des millions de personnes. Il est bien difficile, et c’est le rôle des chercheurs et des scientifiques, de faire la part du rêve et de la réalité, de l’effet marketing, de l’effet placebo et de l’effet réel. Seuls, des études précises et le recul permettront de définir l’efficacité et l’innocuité de cette molécule. Il peut aussi s’agir d’un de ces remèdes miracles qui ont déjà disparu ; chaque année on nous en propose pour faire maigrir, aider à la repousse des cheveux, traiter les rides, effacer les vergetures… Or une femme de vingt ou vingt-cinq ans veut être de plus en plus belle, elle ne songe pas à rester jeune, ce n’est pas encore son problème. Une femme ou un homme de cinquante ans entre dans le processus du désir de rajeunissement. Plus on est jeune, plus on cherche la beauté. Plus on vieillit, plus on cherche la jeunesse que l’on assimile à la beauté. La peur de vieillir trop vite conduit parfois à des excès tout à fait regrettables. Combien de femmes de trente-cinq ans, trop préoccupées par leur seule apparence, ont déjà eu recours à des traitements qui finissent par entamer leur personnalité, au détriment de leur charme et de leur séduction naturels à cet âge-là. Heureusement, elles sont nombreuses les femmes de cinquante ans qui sont toujours belles, minces et 64 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page65 LE CAPITAL BEAUTÉ séduisantes. Loin de faire leur âge, du fait probablement de prédispositions héréditaires favorables, elles ont le mérite d’avoir entretenu leur beauté en s’occupant d’elles-mêmes. On peut par exemple aimer fumer, mais il faut aussi en accepter les inconvénients, et la peau, fragilisée, ternie, témoigne de façon évidente de cette intoxication cutanée. A moins d’un accident, la beauté ne se brise pas, elle se transforme, alors que la jeunesse s’éteint doucement. De quinze à vingt-cinq ans, la femme se découvre. De vingt-cinq à trente-cinq ans, elle s’accomplit. De trente-cinq à quarante-cinq, elle s’épanouit. De quarantecinq à cinquante-cinq ans, elle s’entretient, et de cinquante-cinq à soixante-cinq, elle se maintient. Nous sommes programmés pour vivre cent vingt ans, mais entre-temps les cellules ne se régénèrent plus, les tissus perdent toute élasticité, les muscles s’affaissent, le squelette se tasse. On a fini d’être jeune quand tous ces changements s’opèrent, et la préoccupation première sera de vieillir le moins et le mieux possible. En son état actuel, ni la science, ni la chirurgie esthétique ne sont aptes à rattraper la jeunesse passée. Si certains ont pu, de façon brutale et imagée, parler de « l’art d’accommoder les restes », la chirurgie esthétique a prouvé, par ses progrès récents, une réelle efficacité, tant sur le plan physique que psychologique et social. Mais jamais, faut-il vraiment le souhaiter, elle ne sera à la hauteur du rêve faustien, du rêve de beauté ou d’éternité de l’être humain. 65 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page66 66 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page67 - II IMAGE DE SOI, REGARD DES AUTRES 67 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page68 68 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page69 « La beauté des choses existe dans l’esprit de celui qui les contemple ». David Hume . Certaines de vos patientes sont très jeunes. Elles ont moins de vingt-cinq ans et déjà elles veulent « se réparer ». Que pensez-vous de ce refus de soi ? Parmi les jeunes patientes, il y a les mannequins qui pour des raisons professionnelles veulent corriger un de leurs défauts, améliorer leur silhouette. La chirurgie esthétique est donc un moyen pour elles d’arriver à leurs fins. Elle a un caractère utilitaire, quasiment professionnel, qui a peu de chose à voir avec l’image de soi. D’autres par contre ont des problèmes avec leur image. Elles ne s’attardent pas devant leur miroir, elles souffrent de cette Autre qui ne leur convient pas. Elles sont obnubilées par ce qui ne va pas et ne voient plus ce qui est beau. Or nous savons tous nous fabriquer des idées fixes, des obsessions qui nous rendent malheureux. Nous avons l’impression que tous les regards convergent 69 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page70 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE vers ce que justement on voudrait cacher, enfouir. Quand on est jeune, ce sentiment de honte est encore plus fort. Il en devient presque handicapant, allant jusqu’à provoquer des petites déprimes à répétition. Quelques adolescents polarisent cette insatisfaction, cette quête de soi sur leur nez qu’ils font corriger plusieurs fois. Les adolescentes, elles, veulent gommer des hanches, des fesses ou des cuisses trop fortes. Bien sûr elles sont jeunes, mais surtout elles souffrent. C’est cet aspect-là des choses qui m’intéresse en tant que médecin. Pourquoi faire durer et endurer un mal-être que l’on peut enrayer ? Pourquoi attendre quand les techniques existent, avec le soutien affectif des parents pour se sentir mieux dans sa peau ? Je pense évidemment aux problèmes normaux, pas aux cas pathologiques d’insatisfaction ou de rejet de soi. J’ai eu le cas d’une jeune patiente, Sophie, qui est venue me demander de lui diminuer les seins, de lui faire une lipoaspiration des cuisses. Elle a avoué penser à la chirurgie esthétique depuis l’âge de quinze ans. Elle en avait assez, disait-elle, du regard des vendeuses lorsqu’elle demandait un soutien-gorge de 95 double D. Elle se sentait très mal dans sa peau. Sophie fait partie de ces patientes chez qui la détermination et la confiance donnent d’emblée un aspect très positif à la décision. D’autant que dans son enfance elle était atteinte d’une maladie grave des capillaires et des vaisseaux sanguins. Pendant sept ans, elle a été traitée à la cortisone, ce qui entraîne d’importantes modifications morphologiques, notamment au niveau de la répartition des graisses de l’organisme. Guérie de sa maladie, elle a voulu consciemment « réparer » les méfaits de ce long traitement, à la fois pour oublier ces années de souf- 70 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page71 IMAGE DE SOI, REGARD DES AUTRES france, mais aussi pour devenir la jeune femme vive, insouciante et séduisante qu’elle est réellement. Une revendication très claire, tout à fait légitime et rassurante. Comme toutes les jeunes femmes, qui dans son cas prennent une décision de ce type, elle voulait mettre un terme à ces maux qu’elle avait endurés et ne plus se sentir obligée de porter des jupes longues et des pantalons larges pour cacher ses rondeurs. Elle voulait, par cette correction chirurgicale, exprimer son dynamisme réel refaire du sport, être coquette. Quand elle est venue me voir, malgré sa détermination, et peut-être à cause des espoirs importants qu’elle mettait dans cette intervention, il me fallait être toujours aussi prudent, réservé, bien insister sur les inconvénients, non pas pour la faire changer d’avis, mais pour lui exprimer l’exacte réalité de nos possibilités. Je l’ai opérée au mois de juillet, et elle a donc profité de cette période de vacances pour passer en famille et discrètement les suites opératoires. Le résultat correspondait à ce qu’elle espérait et, dans la logique de sa motivation, elle a continué par des efforts personnels à améliorer et entretenir son résultat. A aucun moment cette jeune femme n’a considéré la chirurgie esthétique comme une source de difficulté ou de remise en question particulière. Au contraire, elle le dit elle-même, elle ne comprend pas qu’on en fasse un problème de conscience vis-à-vis de soi. Amincie, rassurée, elle a tourné une page sur son passé et, si les souvenirs de sa maladie ne sont pas complètement effacés, les marques qu’elle portait sur son corps ont disparu. A elle, maintenant, de reprendre le cours d’une vie normale, d’exprimer sa féminité et, pourquoi pas, de se laisser aller de temps en temps à une gourmandise qu’elle corri- 71 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page72 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE gera ensuite par quelques restrictions alimentaires ou un peu de sport. Je garde précieusement cette jolie lettre de remerciement, écrite par sa mère, qui dit : « Je lui ai donné la vie, vous lui avez donné la joie de vivre ». Chaque patiente porte en elle un message spécifique qu’il faut savoir décoder si l’on veut, comme le témoigne cette histoire, retrouver des atouts que l’on croyait perdus. A propos d’histoire particulière, et à l’opposé du cas de Sophie, je me souviens de cette patiente âgée de quatre-vingt-quatre ans venue pour un lifting du visage. Certes, on se demande d’abord ce qui à cet âge peut motiver une intervention de type esthétique bien que, et les examens biologiques l’ont confirmé, il n’y eût dans son cas aucune contre-indication médicale particulière. Cette femme avait connu et aimé un homme il y a cinquante ans. La guerre les a séparés, ils se sont quittés en se promettant de se revoir cinquante ans plus tard à un endroit précis. Ils ont vécu chacun de leur côté, se sont mariés et ont mené une vie normale. Cette femme voulait un lifting pour être belle à ce rendez-vous avec l’homme qu’elle n’a jamais oublié. Je vous laisse imaginer l’émotion que l’on peut ressentir devant un tel discours. Vive, dynamique, elle avait bon pied, bon œil pour rejoindre le fiancé de sa jeunesse. Des examens très spécifiques ont été faits pour être sûr d’éviter toute complication, et l’intervention s’est passée très simplement. Les suites opératoires n’ont posé aucun problème particulier chez cette femme qui est restée sur son nuage. Elle est revenue me voir et j’ai su, le monsieur tant attendu n’était pas au rendez-vous pour la bonne raison qu’il était hospitalisé. C’est son fils qui était là, à sa place, 72 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page73 IMAGE DE SOI, REGARD DES AUTRES pour lui dire qu’elle pouvait aller à l’hôpital où l’attendait son père. Voilà une jolie histoire où le souvenir de la beauté et de l’amour donne tout son sens à une intervention apparemment banale. On ne peut vraiment pas dire que la beauté n’est qu’une affaire de jeunesse, cet exemple prouve le contraire… Même au cours de la vieillesse, elle peut s’avérer utile et répondre à un désir de séduction et de bonheur. Raphaël a écrit : « Pour peindre une femme, il me faudrait en voir plusieurs… » Vous-même, vous référez-vous à des modèles ou à des mensurations précises pour opérer le corps ou le visage d’une femme ? En tant qu’artiste, il était nécessaire pour Raphaël de nourrir son imaginaire de plusieurs représentations de la femme. Le chirurgien plasticien n’est pas dans l’imaginaire, mais dans la réalité. Nous opérons en trois dimensions une personne vivante et animée, unique, qui a sa propre personnalité. Contrairement à un peintre, il ne s’agit pas de retrouver une harmonie absolue, mais de réparer une partie d’un ensemble pour l’assortir à cet ensemble. La beauté en peinture et en sculpture a des lignes et des formes qui n’obéissent pas aux mêmes critères que ceux d’un chirurgien plasticien. Chaque patient a des données morphologiques très spécifiques dont il faut tenir compte, des proportions de telle ou telle partie du corps qui lui sont personnelles 73 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page74 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE qu’il faut prendre en considération pour que l’intervention s’intègre bien dans cet ensemble. Il s’agit donc d’adapter une technique et un geste à chaque cas particulier et non pas de refaire une image complète ou un moule nouveau. Chaque patient a son équation personnelle, et il est indispensable d’essayer d’obtenir un rapport idéal, qui conduirait en fait à une standardisation et à une uniformité, au détriment de la personnalité. Et puis il faut aussi tenir compte des désirs du patient ou de la patiente. Certes, il ne s’agit pas non plus de faire exactement et systématiquement ce que chacun demande, car cela relève parfois de l’imaginaire ou du fantasme invivable quotidien. D’où l’importance de la consultation et de la discussion ouverte qu’il faut avoir. Mais pourquoi refuser à une jeune femme une poitrine un peu plus forte que celle que les dimensions du prêt-àporter lui imposeraient ? Pourquoi se conformer à des chiffres normalisés qui n’ont en fait aucune valeur réelle au niveau individuel ? Le chirurgien plasticien doit porter tous ses efforts sur la finesse et la précision de ses gestes, ainsi que sur l’enseignement qu’il peut trouver auprès de ses confrères, au cours de congrès et de discussions. Mais quel enseignement aussi il trouve auprès de ses patients ! Ce dernier est essentiel, il est la concrétisation du geste technique et la dimension réelle de l’intervention dont l’expression va bien au-delà de la modification d’une forme. L’expérience, la maîtrise des techniques font qu’aujourd’hui un bon chirurgien plasticien peut dessiner un sein ou un nez en fonction de l’ensemble du corps des patients. Plus on opère avec un esprit critique, une lucidité et un recul permanents, plus l’expérience permet d’assurer un bon résultat et des suites satisfaisantes. Les 74 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page75 IMAGE DE SOI, REGARD DES AUTRES patientes d’ailleurs n’ont aucune envie « d’être normalisées », car, même si elles tendent vers un idéal, c’est en fait pour mieux s’accepter qu’elles demandent la correction de leurs défauts. La vocation d’un chirurgien plasticien est justement d’exalter une beauté potentielle mais masquée par des imperfections. Il ne s’agit pas, à la manière d’un Pygmalion, de rechercher une perfection à imposer aux patientes. D’ailleurs, ces mensurations souvent rapportées qui gardent la froideur des chiffres ne donnent pas forcément plus de charme, ni plus de grâce, ni plus de beauté au corps. Répondre à un problème en utilisant les données qui nous sont proposées, c’est le rôle du chirurgien plasticien, c’est une mission qui en soi est formidable, mais il n’existe pas d’arithmétique de la beauté. Renoir et Rubens nous présentent des splendeurs aux formes généreuses. La Vénus au miroir, de Vélasquez est bien différente de La Naissance de Vénus, de Botticelli, toutes les deux superbes. Ingres dans ses nombreuses études, et notamment La Grande Odalisque dans sa recherche de la perfection, offrant des formes et des courbes parfaites, n’hésitait pas à transgresser l’anatomie normale, en modifiant la longueur de la colonne vertébrale et les différentes proportions d’un corps. Je suppose que vous refusez certaines demandes et que vous en encouragez d’autres … Selon quels critères allez-vous dans un sens ou dans l’autre ? Les demandes opératoires ont beaucoup augmenté en vingt ans, mais les techniques aussi ! En fait, l’évolu- 75 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page76 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE tion a été importante autant que le plan quantitatif que sur le plan qualitatif Nous sommes passés d’interventions globales, standardisées, identiques dans tous les cas, à des actes où les indications sont de plus en plus affinés, ponctuelles et précises. Par exemple, on ne se fait plus « refaire le nez » comme il y a vingt ans, de façon globale, mais on procède à une analyse beaucoup plus minutieuse, en étudiant la bosse du nez, la base, l’élargissement de la pointe, la courbure des narines. C’est un véritable protocole opératoire qui est établi, où chaque temps est bien noté, échappant ainsi à la standardisation et à l’uniformité. Ainsi peut-on corriger un tout petit défaut, sans avoir à reconsidérer l’ensemble de la structure. Les techniques ont permis de faire évoluer les demandes et d’obtenir des résultats plus naturels, plus discrets et plus adaptés à la personnalité et à la motivation de chacun. Chacune des interventions a progressé dans son ensemble, mais s’est également morcelée : on peut ainsi réaliser un lifting du cou, ou une opération portant uniquement sur le regard, sans avoir à toucher le reste du visage. Et chacune de ces techniques nouvelles vient s’ajouter à l’ensemble de l’arsenal thérapeutique dont dispose le chirurgien pour lui permettre un résultat plus naturel. D’autre part, ces nouvelles méthodes ont répondu à des demandes latentes, mais qui ne pouvaient s’exprimer, faute de solution. C’est le cas de la lipoaspiration, des micro-implants de cheveux, ou du laser. Des problèmes ont toujours existé sur le plan esthétique, mais ils ne trouvaient pas de réponse simple, satisfaisante, efficace, sans risque. 76 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page77 IMAGE DE SOI, REGARD DES AUTRES Prenons le cas de la calvitie : les greffes de cheveux permettaient l’implantation de dix à vingt cheveux en même temps, et des techniques plus lourdes encore, étaient pratiquées comme les lambeaux de rotation d’un ensemble de cheveux. Pour être efficaces, ces moyens ne donnaient pourtant pas un résultat satisfaisant. La microgreffe de cheveux ou la greffe cheveu par cheveu a résolu de façon « élégante » ce problème. Avec de tels résultats, les demandes, qui jusqu’à présent ne s’exprimaient pas faute d’une réponse simple, ne cessent d’augmenter. La lipoaspiration est une technique révolutionnaire qui a permis de remédier à toutes les disgrâces corporelles liées à une surcharge localisée de graisse. Certes, elle n’en supprime pas les causes qui sont hormonales, circulatoires et héréditaires, mais elle en corrige les conséquences. Le terme de cellulite est impropre, car il peut faire penser à une infection, alors qu’il ne s’agit que d’une imprégnation hormonale, normale chez la femme, mais inesthétique selon les canons de la beauté d’aujourd’hui. La lipoaspiration est devenue la demande la plus importante, non seulement en chirurgie esthétique, mais toutes interventions confondues. Ces deux exemples de la lipoaspiration et des microgreffes de cheveux apportent des réponses efficaces, partielles ou totales selon les cas. Il est fort probable qu’un jour on trouvera un traitement hormonal qui permettra soit d’éviter l’apparition de la cellulite, soit d’empêcher la chute des cheveux. Car ces deux manifestations ne sont que des effets secondaires de processus hormonaux. Entre autres progrès, une évolution importante se dessine actuellement avec l’utilisation du laser pour certaines rides du visage. 77 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page78 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE Il s’agit d’un contrôle très précis du laser, qui permet de retirer des couches superficielles de la peau, de l’ordre du dixième de millimètre, facilitant à la fois sa régénérescence et son rajeunissement. Cette technique récente fait partie des espoirs importants de la chirurgie esthétique, et le temps nous dira l’efficacité de ses résultats. L’une des demandes les plus fréquentes est celle des patientes qui souhaitent des fesses plus fermes et plus remontées. Or, on ne peut, sans cicatrice inesthétique, procéder à ce lifting des fesses, comme cela se fait pour les seins. Pour y parvenir, il faudrait savoir tonifier les muscles fessiers, redonner de l’élasticité à la peau, savoir augmenter le volume des fesses, sans en modifier l’apparence et le naturel. Si l’on sait par la lipoaspiration retirer de la graisse par des mini-incisions, véritable endochirurgie, la qualité du résultat dépend en fait de la rétractation de la peau. Or cette rétractation est meilleure lorsque la patiente est plus jeune. Mais pour celle qui présente à la fois un excès de peau et un défaut d’élasticité, nous n’avons pas de réponse satisfaisante. Arriverons-nous un jour à redonner à la peau cette élasticité et cette tonicité qu’elle perd avec le temps ? Très probablement, et c’est un des progrès de demain qui ne sera peut-être pas d’ordre chirurgical, un traitement médical viendra probablement renforcer et rendre plus durable l’élasticité des tissus. D’autres problèmes n e trouvent qu’une mauvaise réponse : par exemple l’excès de peau au niveau de l’intérieur des bras, la peau qui plisse au niveau du coude, et d’autres détails pour lesquels il convient de ne pas faire de fixation. Une demande tout à fait particulière et heureuse- 78 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page79 IMAGE DE SOI, REGARD DES AUTRES ment rare est celle qui émane des transsexuels. A titre personnel, je préfère ne pas intervenir. Ce sont des domaines très complexes, qui traduisent une structure psychologique particulière, et ne relèvent pas exclusivement de la chirurgie esthétique. La réponse chirurgicale à cette demande d’identité doit être mûrement réfléchie. Elle nécessite une organisation spéciale, basée sur le travail d’équipes pluridisciplinaires et soutenue par la collaboration de psychothérapeutes. C’est une spécialité à part entière, qui n’est pas de la compétence des chirurgiens plasticiens en général. Pour de tels cas, il existe quelques centres, dans le secteur public ou à l’étranger, qui sont tout à fait structurés et adaptés. Outre les problèmes d’ordre psychologique, parfois impossibles à résoudre, il persiste un certain nombre de difficultés techniques. La transformation extérieure et physique d’un homme en femme est possible, avec une apparence très satisfaisante. Par contre, la transformation de femme en homme nécessite des techniques très compliquées sans la garantie du résultat escompté. Les demandes qui nous sont faites sont parfois l’expression d’un narcissisme extrême, quasi pathologique, ou d’une fixation ancienne pour laquelle une intervention chirurgicale n’est pas la réponse adaptée. Elles ne correspondent pas à une réalité anatomique et souvent ces patients ne savent d’ailleurs pas l’exprimer. D’autant que l’insatisfaction fait partie du profil psychique spécifique de ces patients. Accepter de les opérer, c’est devenir leur instrument et entrer dans une relation que le patient recherche, mais qui ne correspond pas à l’éthique de notre profession. Savoir déceler les problèmes de ces patients avant 79 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page80 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE de les opérer n’est pas toujours évident. Ils viennent en consultation avec des photos d’eux-mêmes depuis leur naissance, expliquant et racontant leur vie étape par étape. Parfois, il est difficile devant un discours apparemment normal, et une disgrâce réelle, de déceler la motivation plus complexe qui explique certaines insatisfactions, malgré un résultat correct. Que faire lorsqu’une patiente dépressive s’imagine avoir tous les problèmes de la terre, se croit laide et inutile ? Que faire lorsqu’elle souhaite une intervention qui lui redonnera, selon elle, la force et l’assurance qu’elle cherche désespérément ? Faut-il y répondre et de quelle façon ? Il est évident que c’est affaire de cas particulier, ce qui fait à la fois l’intérêt de cette spécialité, mais sa complexité aussi. Cette dimension humaine est essentielle si l’on veut donner un sens réel au geste que l’on fait. Il ne s’agit donc pas de se comporter uniquement comme un chirurgien plasticien esthétique, ou réparateur, mais aussi comme un ami ou un confident, tout en respectant des limites qui doivent éviter toute ambiguïté facile dans ce contexte. A une patiente qui récemment me disait : « Docteur, comment expliquer chez vous cette sérénité, alors qu’en tant que chirurgien vous êtes soumis à une tension permanente et recevez les patientes qui vous expriment leurs problèmes ? ». J’ai répondu simplement : « Madame, je n’ai pas du tout l’impression, ni d’être sous tension, ni d’être accablé par les problèmes que vous exprimez, mais l’intérêt que je leur porte, et l’attention particulière que je leur consacre sont d’autant plus faciles à manifester qu’ils sont la réelle dimension de ce métier que je fais avec passion, donc avec patience ». En revanche, il existe un certain nombre d’inter- 80 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page81 IMAGE DE SOI, REGARD DES AUTRES ventions que l’on se doit d’encourager, car on sait à quel point le résultat sera gratifiant et satisfaisant. Par exemple, je n’hésite pas à conseiller à des parents, un peu hésitants, de faire opérer leur enfant pour ses oreilles décollées, lorsque celui-ci manifeste des contrariétés liées à son milieu scolaire. La correction de ces petits défauts esthétiques répare en profondeur des déséquilibres psychologiques, qui peuvent prendre des proportions graves. Certaines adolescentes vivent mal une hypertrophie mammaire : ces seins qu’elles jugent trop volumineux, qu’elles considèrent comme une disgrâce voire une tare ! Il s’agit donc d’opérer une jeune femme, de réduire le volume de ses seins et de laisser des cicatrices dont on ne connaît pas toujours le devenir à long terme. Mais dan la très grande majorité des cas, les patientes sont soulagées, elles remettent des vêtements qu’elles n’osaient plus porter, un tee-shirt à même la poitrine sans soutien-gorge, et font abstraction des cicatrices. Or ce problème était omniprésent dans leur vie, aux séances de gymnastique, aux cours de danse, dans les surprises-parties, les soirées amicales, ou d’autres circonstances agréables mais assombries par leur complexe. Quand on a vingt ans, et peu ou pas de poitrine, les problèmes sont du même ordre. Malgré son charme et sa jeunesse, une jeune femme se sent mal à l’aise à cause de ses seins réellement petits. Lorsqu’elle vient seule en consultation exprimer ce problème, elle parle comme une femme mûre, exprime des problèmes douloureux, et fait état de l’incompréhension totale de son entourage. En particulier du père, souvent opposé à une intervention chirurgicale, qu’il ne considère jamais ou rarement utile pour sa fille. Alors il faut longuement discuter 81 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page82 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE avec la patiente, recevoir le père, seul, et lui parler franchement. Il faut le mettre en confiance, s’impliquer à titre personnel, pour l’aider à vaincre cette anxiété naturelle, qui entraînera une grande satisfaction de sa fille et son propre soulagement. Gérer cette relation est unes responsabilité qu’il faut pouvoir et savoir assumer, en considérant l’une et rassurant l’autre, en dédramatisant au mieux la situation pour les aider l’une et l’autre à travers cette décision. L’opération d’augmentation des seins comporte de très nombreux avantages : l’implant qui est mis derrière le sein ou derrière le muscle n’empêche en aucun cas ni les grossesses, ni l’allaitement. Des radios, et des examens du sein sont tout à fait possibles et normaux, et la cicatrice qui résulte de cette intervention est très petite. L’inconvénient qui est de mal supporter l’implant est rare. Et, c’est important, cette intervention est totalement réversible, l’implant pouvant être retiré par la même cicatrice discrète. Ces avantages expliquent la conviction avec laquelle on peut défendre un acte, lorsque l’on estime que ses bienfaits sont réels. Ils aident à passer un cap difficile, à donner à la patiente l’assurance qui lui manque. De plus, il est nécessaire d’avoir l’approbation de l’entourage pour le bien moral et psychologique des patients. La beauté est, a toujours été, une exigence humaine qui a besoin de modèles et d’identification. Mais à partir du moment où une société démultiplie son image, et donc ses valeurs, son désir de beauté, elle rencontre le risque d’y perdre sa culture et son image originelles, et en même temps l’avantage que plusieurs cultures se mêlent et se confrontent. Que certaines femmes orientales désirent ressembler aux femmes occidentales, cela reste marginal, mais ce n’est pas étonnant dans ce 82 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page83 IMAGE DE SOI, REGARD DES AUTRES contexte. A l’inverse, certaines Européennes rechercheront le teint hâlé, les couleurs exotiques de l’Orient. On a connu la mode des coiffures dites « afro »… Michaël Jackson s’est fait blanchir la peau, ou certains mannequins métissés atténuent la forme épatée de leur nez. Pourquoi ne pas octroyer le droit à certaines femmes d’être comme le plus grand nombre en gommant leurs différences physiques, leur accent ou l’aspect de leurs cheveux ? Dans le brassage actuel des cultures, ce processus est logique. Mais cela ne signifie pas que l’on tende à obtenir un physique uniforme, stéréotypé. Les racines culturelles ne s’effacent pas aisément, et la personnalité de chacun persiste au travers de son image. Les femmes et les hommes vivent leur époque, et il est normal qu’ils en suivent les canons de beauté. Débrider ses yeux ou blanchir sa peau n’est pas sans risque Fort heureusement, ces demandes sont rares ; la chirurgie esthétique prône la modération et cherche au contraire à valoriser les caractéristiques propres à chaque patient. Ceux ou celles qui nous prêtent d’autres pouvoirs, ou qui nous font des demandes incongrues, ne connaissent pas la réalité de notre profession ni ses limites techniques et éthiques. La beauté démultipliée fait peut-être de chacun de nous un Narcisse en puissance. Lorsque l’on recourt à la chirurgie esthétique, le fait-on pour soi ou pour l’autre ? Dans la mythologie grecque, Narcisse est le fils d’un dieu des fleuves et d’une nymphe. Il était très beau et 83 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page84 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE toutes les jeunes filles en tombaient amoureuses. Mais sa vanité était telle qu’aucune femme ne trouvait grâce à ses yeux. Il était comblé par lui-même. Au point qu’un jour il crut rencontrer l’âme sœur en découvrant son propre reflet dans un étang aussi lisse qu’un miroir. Il parla à son reflet, se pencha pour en embrasser les lèvres et bien sûr le visage disparut. Dépité, il se plongea un couteau dans la poitrine et mourut de s’être trop aimé. Les dieux, tristes de voir disparaître un veau représentant de l’espèce humaine, firent apparaître une jolie fleur blanche, à l’endroit où Narcisse s’était donné la mort. Cette fleur porte son nom. Qu’il s’agisse de Pygmalion ou de Narcisse, la mythologie grecque est difficile à transposer dans notre réalité quotidienne. Certes, il faut s’aimer soi-même, pour aimer les autres et en être aimé, mais il ne s’agit pas là de narcissisme. Vouloir valoriser son capital beauté ou harmoniser son apparence physique par rapport à une jeunesse et un dynamisme intérieur ne sera pas non plus une manifestation du narcissisme exacerbé. Il s’agit au contraire d’un comportement normal qui témoigne d’une recherche et d’un désir d’équilibre et d’harmonie. Dans ce cas, la chirurgie esthétique est d’un grand secours et chaque intervention est alors et avant tout faite pour soi. Corriger un défaut visible, un nez disgracieux, des oreilles décollées ou un vieillissement prématuré de la peau relève du même état d’esprit. Pourquoi perdre foi en soi alors que les remèdes sont à notre portée, pourquoi rester blessé quand il est simple de se réconcilier avec sa propre image ? Se faire plaisir, faire plaisir à son corps. Je ne connais pas une seule femme qui ne soit contente de sortir de chez le coiffeur, d’un institut de beauté ou d’une boutique de 84 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page85 IMAGE DE SOI, REGARD DES AUTRES vêtements. S’embellir, c’est bien sûr se faire plaisir. Et cela est de plus en plus vrai pour les hommes aussi… De même, le vieillissement prématuré attriste certaines personnes puisque leur apparence extérieure est trompeuse. Elle n’est plus à la mesure de leur dynamisme et de leur énergie. La chirurgie esthétique devient alors un recours plus simple qu’on ne le pense. Et les résultats sont gratifiants pour ces personnes qui peuvent enfin paraître leur âge. C’est l’instinct de la jeunesse qui les anime à nouveau et change leur vie. Bien sûr, j’ai rencontré des « Narcisse » qui étaient d’une grande complaisance envers eux-mêmes. Leur jugement, leur valeur sont en décalage par rapport à la réalité. Et leur bonheur est d’abord de se complaire en eux-mêmes, or cette quête du bonheur passe par une recherche de la perfection. Cette démarche, quand elle est uniquement centrée sur soi, ne correspond plus aux possibilités ni à la fonction de la chirurgie esthétique. Rentrer dans le jeu de Narcisse n’est pas franchement mon objectif de praticien. Au contraire, en réparant une image et une apparence, je voudrais permettre à une personne de mieux s’intégrer dans une société. J’ai eu affaire à des femmes qui venaient pour répondre au seul désir de leur mari ou de leur compagnon. Leur demande est certes plus problématique, puisqu’elles viennent uniquement pour l’autre, mais elle reste légitime dans la mesure où elles l’assument pour elles et pour leur couple. Alors, et c’est également un domaine intéressant, il s’agit d’être à la fois à l’écoute des deux personnes et, dans la mesure où le désir de l’intervention est réellement partagé, d’essayer d’obtenir un résultat qui aura pour but de renforcer le couple. 85 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page86 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE Dans cette recherche de valorisation esthétique, pour se trouver belle, pour s’aimer, pour se sentir bien dans sa peau, de nombreux moyens sont possibles, allant de la gymnastique au régime, au cours de danse ou à une cure psychanalytique. Mais dans certains cas la chirurgie esthétique se révèle comme la thérapie la plus radicale et la plus adaptée à ce désir de changement. L’image de Narcisse s’est brouillée parce qu’elle n’était qu’un trompe-l’œil. Mais le regard des autres, le regard sur soi, lorsqu’il est lucide et équilibré, n’égare personne. Dans les entretiens que nous avons avec les patientes, il est facile de discerner leurs véritables motivations. Celles-ci sont le plus souvent cohérentes, légitimes. Quand ces motivations n’apparaissent pas simplement, ou quand elles sont une manifestation d’instabilité, il faut différer l’intervention et suspendre toute décision. Les patientes qui n’expriment pas clairement leur désir resteront insatisfaites même si le résultat est techniquement bon. Oscar Wilde nous livre une réflexion intéressante sur l’image de soi. S’étonnant que le lac dans lequel Narcisse se noya restait d’une inconsolable tristesse, les Oréades, divinités des bois, s’entendirent répondre : « Je pleure pour Narcisse, mais je ne m’étais jamais aperçu que Narcisse était beau. Je pleure sur Narcisse parce que chaque fois qu’il se penchait sur mes rives, je pouvais voir au fond de ses yeux, le reflet de ma propre beauté ». Et Paulo Coelho de conclure : « Voilà une belle histoire, dit l’Alchimiste ». 86 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page87 IMAGE DE SOI, REGARD DES AUTRES Que pensez-vous de la chirurgie mise au service d’un certain art ? Je pense à Orlan, cette femme qui n’en finit pas de transformer son corps… Orlan est une personne qui, adolescente, se travestissait en homme et qui, adulte, se travestit en femme. Je dirais même en femmes plurielles. Aujourd’hui, en sept opérations chirurgicales, elle s’est dotée du front de Mona Lisa, de la bouche d’Europa, peinte par Boucher, du menton de la Vénus de Botticelli, des yeux de Psyché peinte par Jérôme. Restent deux opérations que comme les autres elle mettra en scène, filmera et vendra en cassettes vidéo. Les médecins et le personnel qui participent à son spectacle médical sont habillés par Paco Rabanne. Elle commente son film qu’elle étaye de lectures de poèmes. On peut parler de mise en scène, de coup médiatique, mais derrière tout cela cette femme se soumet aux lois des canons de la beauté. Mais est-ce bien de l’art ? Est-ce bien de la chirurgie esthétique ? Tout cela ressemble à un montage purement médiatique, une sorte de spéculation intellectuelle, sans aucune preuve tangible. Quand bien même Orlan aurait demandé toutes ces transformations, elles sont techniquement impossibles. Un modèle de front, de bouche ou de menton ne peut en aucun cas être reproduit parfaitement par une intervention chirurgicale. C’est donner au chirurgien un pouvoir qu’il n’a pas et au modèle humain une malléabilité qui n’existe pas ; ceux qui ont refusé d’opérer Orlan sont très nombreux et bien avisés. 87 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page88 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE Orlan n’est pas dessinée comme la Joconde, elle ne peut pas avoir obtenu son front… Pour la raison très simple qu’un front, par exemple, est la résultante de plusieurs structures osseuses associées, et non modifiables. La boîte crânienne a un rôle fonctionnel, celui de protéger le cerveau selon un impératif architectural précis, avec ses piliers, ses lignes de tension. Le cuir chevelu et la peau du front ne peuvent être modelés à l’infini. Des muscles, des nerfs et des vaisseaux y circulent, qui imposent le respect de règles chirurgicales. Derrière cette apparence, il y a une fonction que l’on ne dénature pas à volonté. D’autre part, en chirurgie, on ne peut accéder à toutes les régions anatomiques sans risquer de provoquer des lésions. Orlan affirme vouloir un menton de la Vénus de Botticelli, mais un menton a aussi une fonction ; il est lié aux maxillaires, aux dents, à la forme originelle d’un visage. On peut opérer le menton, le corriger, on ne peut en fabriquer un autre. Ces figures qu’Orlan s’impose sont des chimères : elle s’approchera de l’original, plus ou moins près, elle ne l’aura jamais exactement. Mais entre-temps elle aura certainement assouvi quelques fantasmes, et d’autres avec elle. Cela relève, pour moi, peut-être pas d’une pathologie psychiatrique, mais d’une démarche à caractère surréaliste. Ethiquement, techniquement, la chirurgie esthétique ne suit pas ; sa vocation n’est pas de rendre les gens autres que ce qu’ils sont, mais de les aider à vivre autrement, sans quitter le domaine du réel. Orlan fait de son corps une pâte à modeler : en devenant son propre artisan, en prenant les autres pour des instruments, elle nie ce corps en tant que sujet. Ceux qui travaillent pour elle et sur elle jouent un jeu. Il est difficile de dire dans quelle mesure ils partagent réelle- 88 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page89 IMAGE DE SOI, REGARD DES AUTRES ment ses convictions. Se refaire entièrement, petit bout pas petit bout, se filmer, c’est mettre en scène sa propre folie narcissique. Et cela n’a rien à voir avec le désir d’une femme de « ressembler » à telle ou telle beauté. Qui sait si les femmes n’ont pas envie parfois de ressembler à une poupée ? Il s’agit sans doute d’un autre type de dérapage : être autre mais sans se déconstruire… Une jeune Britannique est passée à l’acte et par l’acte chirurgical, pour devenir Barbie, mais elle ne prétend pas, publiquement du moins, être Barbie. On serait plutôt dans l’identification primaire. Elle en a sûrement tiré un bénéfice psychique, à la différence d’Orlan qui poursuit un impossible rêve, une inlassable quête. Ces deux exceptions ne confirment aucune règle en chirurgie esthétique ; elles constituent les dérapages à forte résonances médiatique, et qu’il est heureusement rarissime de rencontrer dans le cadre des demandes courantes, raisonnables et réfléchies. Les demandes en chirurgie esthétique ont-elles souvent un lien avec l’état affectif des patients ? L’amour, le regard de l’être aimé ont le pouvoir d’exalter la beauté d’un homme ou d’une femme. Dès l’enfance les yeux aimants d’une mère ou d’un père se posent sur l’enfant, l’accompagnent dans toutes les étapes de son développement. Ainsi ce dernier sera nettement plus harmonieux que si l’enfant est laissé pour compte. Un enfant se sent beau parce qu’il est aimé pour 89 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page90 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE lui-même ; la beauté qui est en chacun de nous ne demande qu’à s’exprimer. A la période de l’adolescence, l’amour est aussi un élément qui va aider le garçon ou la fille à franchir l’étape qui le mène à l’âge adulte. L’aboutissement de cet âge tumultueux est la première relation sexuelle : elle met en général un point final à toutes les peurs de l’adolescent parce que le regard de l’autre l’a reconnu. Le voilà rassuré. Il a été aimé pour lui, pour ce corps embarrassant, problématique, pour cette beauté à laquelle il ne croit pas toujours. Les adolescents qui ont eu cette première relation sexuelle s’empressent d’en parler à leurs copains ; ils le font avec fougue quels que soient les sentiments éprouvés, leur plaisir ou leur déception. Certains en sont transfigurés, car peu à peu ils se sentent mieux dans leur corps et dans leur peau. D’autres sont simplement apaisés même si la transformation physique n’est pas spectaculaire. Dans la majorité des cas ils ont l’occasion de s’accepter tels qu’ils sont. Mais tous n’y parviennent pas à cause d’imperfections physiques tels l’acné, une culotte de cheval, des seins trop gros ou trop petits, un nez disgracieux… En général ceux-là n’hésitent pas à nous consulter, surtout s’ils sont amoureux, ou s’ils ont envie de l’être. Ils ne veulent plus d’obstacle à leur bien-être, ni de frein au désir de l’autre. Les opérations pratiquées dans ces cas-là sont une réussite incontestable. Non seulement sur le plan technique parce que les patients sont jeunes, mais également sur le plan psychique. La fille ou le garçon débarrassé de son défaut prend une formidable assurance. L’un comme l’autre n’ont plus aucune honte à montrer leur corps, et cette 90 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page91 IMAGE DE SOI, REGARD DES AUTRES intervention leur a épargné des années de mal être ou de psychothérapie. Ils mettent fin à leurs doutes et s’abandonnent à l’amour qu’ils sont en train de découvrir ou de vivre. La beauté qu’ils portent en eux s’est libérée, c’est pour cela que l’on parle de transfiguration. Mais l’amour seul ne suffit pas toujours. Je constate les mêmes effets positifs sur des femmes ou des hommes gênés par un vieillissement prématuré de leur peau, des seins trop vite affaissés après une grossesse, ou quelques kilos bien installés. Il se trouve que leur corps ne reflète pas tout à fait leur état d’esprit : ils n’ont pas de problèmes psychologiques ou affectifs majeurs, mais leur apparence les ennuie. L’acte chirurgical les transfigure eux aussi. Une fois opérés, ils se sentent rajeunis, leur image correspond enfin à leur dynamisme : ces personnes s’épanouissent et communiquent leur plaisir à tout leur entourage. Certaines m’affirment que leur vie à changé, que quelque chose en elles s’est apaisé après des années d’embarras ou de déprimes à répétition. En revanche, il arrive que des femmes hésitent longtemps avant de recourir à la chirurgie esthétique parce qu’elles déplacent des préoccupations qui n’ont rien à voir avec leur beauté plastique. Ces femmes, plutôt vulnérables, ont des problèmes conjugaux ou affectifs, et s’imaginent qu’en faisant une opération esthétique elles vont reconquérir un homme. Une fois opérées, elles sont satisfaites du résultat, mais quelques mois plus tard elles se rendent compte que leur apparence a changé alors que leur problème relationnel reste entier. C’est alors que commence la remis en question : elles cherchent à comprendre pourquoi, malgré tous les efforts esthétiques, sportifs ou autres, elles en sont au 91 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page92 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE même point. Or ces interrogations ne sont plus du ressort de la chirurgie esthétique, il faut les poser avant la décision opératoire. Une des patientes que vous avez interrogées est un cas typique de cette problématique. Elle a fait refaire son nez deux fois par un chirurgien et elle vient me voir pour que je « rattrape » un résultat dont elle n’est pas contente ? Or il est flagrant que son insatisfaction est d’une autre nature. Cette jeune femme a quarante ans, elle travaille dans un bureau de poste où elle trie le courrier. Elle vit seule à Paris, complètement seule sans compagnon ni amis. Sa famille composée de plusieurs frères et sœurs la rejette en arguant qu’elle est laide à cause de ce nez refait et elle a droit à toutes les railleries. Alors, elle déprime, elle est tout le temps au bord des larmes et ne veut pas démordre d’une intervention chirurgicale, qui malheureusement ne changera strictement rien à son problème d’image de soi et de relation affective avec les autres. Elle est convaincue qu’on ne voit que son nez, qui ne justifie pas une telle réaction, et que toute sa vie repose sur le regard qu’on y porte. Elle est aussi persuadée que si son nez est « réparé » sa famille sera admiratrice et prête à l’aimer. Voilà un cas psychologique difficile dont je ne peux, en tant que chirurgien, prendre la responsabilité. D’autant que quand on lui demande quelle forme de nez elle souhaite elle répond : « Je ne veux plus de ce nez là. Je veux autre chose… » Mais elle ne sait pas quoi.. Cette jeune femme a perdu ses parents à l’âge adolescent et depuis elle tente de se raccrocher à l’amour de ses frères et sœurs. Mais je ne me permettrais pas de faire une analyse psychologique de son cas, car je n’ai pas toutes les données et cela n’est pas de mon ressort. Je 92 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page93 IMAGE DE SOI, REGARD DES AUTRES sais simplement que je n’ai ni le droit ni l’envie de lui refaire son nez dont elle sera mécontente. Un ami, des amies ou un psychothérapeute l’aideront à retrouver une certaine forme d’équilibre. Le délai d’attente que je propose aux patientes est conçu pour cela, pour que leur réflexion trouve sa raison d’être avant… Après il est trop tard, elles risquent de rejeter leur mécontentement sur la technique, sur la vie, sur les autres, et continuer le processus de dévalorisation de leur propre image. La motivation est essentielle en chirurgie esthétique. Qu’il s’agisse d’un coup de tête ou d’une réflexion de longue haleine, il est important de savoir pourquoi on y vient, et surtout ce que l’on attend, ce que l’on espère après. On embellit un physique, une apparence, pas la vie. Parfois, il vaut mieux différer une demande opératoire, le temps de retrouver un équilibre à sa vie. On revient plus déterminé à passer à l’acte, ou à y renoncer, mais les problèmes n’ont pas été mélangés. Comme toute chirurgie, celle-ci n’est pas innocente. Le rapport que l’on entretient avec les autres n’est plus le même, au point que certaines personnes décident de changer d’environnement ou d’activité. Autant de répercussions qui justifient une réflexion avant toute décision. Etes-vous juge de la beauté de vos patients ? Votre regard, votre expérience professionnelle abordent-ils de manière identique la beauté d’un homme et d’une femme ? Mon regard professionnel est aussi attentif dans les deux cas. C’est une personne que j’ai en face de moi et 93 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page94 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE qui va exposer le récit de ce qui est vécu comme un mal être. « La beauté est un éclat qui se passe très bien de la perfection », a écrit Guillaume Apollinaire. La beauté n’est pas que plastique, une personne doit parler, s’animer, bouger pour exprimer et valoriser sa beauté intérieure. A propos d’un défaut d’ordre esthétique, je m’efforce d’éviter toute analyse critique systématique. Pour rester neutre, simplement humain, l’écoute est prépondérante sur le regard. Le relief d’une personnalité émerge quand on l’écoute. Je m’interdis donc tout jugement a priori. Mon regard sur mes patients est comparable à celui du psychanalyste assis près de l’analysé : il le regarde certes, mais surtout il l’écoute très attentivement. L’aspect physique n’est qu’un élément d’une personnalité, et pour l’approcher je commence par lire le dossier médical, écouter mon interlocuteur. Ensuite je peux le regarder et faire une observation esthétique globale. Entre-temps, il y a eu des mots, une voix, une gestuelle, un sourire par lesquels un diagnostic s’affirme. Un jugement immédiat sur telle ou telle imperfection serait déplacé et pourrait déclencher un problème qui n’existe pas. Quand on vient me voir, j’attends la fin de la consultation pour me prononcer. Mais, évidemment, ce n’est pas toujours cette attitude que l’on attend de moi : les patients déterminés ont envie que je prenne une décision d’ordre technique. Mon comportement, ma ligne de conduite professionnelle m’obligent, dans un premier temps, à une écoute attentive et non pas à un jugement critique. Apprécier la beauté est une chose complexe ; tout est affaire de 94 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page95 IMAGE DE SOI, REGARD DES AUTRES goût, de mode de vie ou d’émotions. Si j’encourage ou si je dissuade une personne d’une intervention, c’est soit pour des raisons techniques, soit parce que je ne la sens pas prête. Que je la trouve belle ou pas n’est pas le propos, nous sommes là, elle et moi, pour améliorer son apparence. Il ne s’agit donc pas d’être juge de la beauté des patients, mais de les aider à obtenir le résultat qui leur convient le mieux en fonction de leur problème. Encourager une motivation à s’exprimer, faire accepter à la patiente les limites des techniques et donc le résultat escompté, savoir discerner une demande objective d’une quête impossible est le but de la consultation. Chaque personne formule à sa façon ses souhaits, et il est vrai que les hommes et les femmes abordent de manière différente les questions d’ordre esthétique. L’homme appréhende davantage la douleur, et a des impératifs plus contraignants sur le plan social ou professionnel. La femme, elle, a une approche beaucoup plus naturelle et plus simple. Elle a peut-être dans son corps la mémoire de douleurs passées, qui lui font accepter comme une évidence les contraintes d’une intervention. Elle est un terrain plus favorable à ce type de chirurgie. Enfin, il faut savoir, et sans aucun regret, refuser une intervention dont on n’est pas profondément convaincu. Opérer par complaisance, c’est s’exposer à un résultat discutable et à des reproches ultérieurs de la patiente. S’il n’a pas à être juge de la beauté, le chirurgien doit rester le seul juge de l’indication chirurgicale. 95 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page96 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE Votre expérience professionnelle, votre aptitude à saisir l’harmonie d’un visage ou d’un corps n’ontelles pas changé votre regard d’homme sur les femmes ? C’est la même chose pour tout professionnel dans tous les domaines. Quand on aime ce que l’on fait, notre regard s’aiguise, notre jugement est plus prompt et nous observons le monde par la lorgnette de notre passion. Si je ne juge pas la beauté des patientes, elles m’ont convaincu, avec le temps, que la correction d’un défaut même mineur peut changer leur vie ou leur manière d’être. Alors de temps en temps, lorsque j’observe une femme, et que je lui découvre un petit problème d’harmonie, je me surprends à penser à un geste opératoire. Mais c’est une déformation professionnelle et je n’ai pas un crayon correcteur ne permanence dans ma tête. Je sais trop les satisfactions que les femmes tirent d’une opération esthétique, c’est en cela que mon regard à changé. Plus souvent, d’ailleurs, lorsqu’il se porte sur des comédiennes qui exposent leur beauté autant que leurs défauts. En regardant un film ou une pièce de théâtre, je me dis que telle ou telle actrice serait plus belle avec un nez plus court, des paupières moins tombantes, ceci en plus ou en moins. Et si je réagis ainsi, c’est parce que leur image est d’emblée offerte au jugement de tous. Cela m’arrive comme un flash, mais pas souvent avec les femmes que je rencontre dans ma vie quotidienne. Sauf si je tombe sur une faute de goût flagrante : à une femme 96 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page97 IMAGE DE SOI, REGARD DES AUTRES qui essaie un vêtement ou une couleur non adaptés à son âge ou à sa silhouette, j’ai envie de dire que le premier vêtement c’est la peau… Qu’il faut peut-être l’améliorer, ou s’habiller en concordance avec ce que l’on est. La beauté n’est pas un critère de sélection dans la vie, mais quand elle peut être un atout supplémentaire alors il ne faut pas hésiter à l’acquérir. C’est surtout ces réflexions que je ne me fais en regardant les femmes, à la lumière de mon expérience. Je crois en toute sincérité que je prêche aussi pour les femmes grâce aux plaisirs qu’elles expriment après l’intervention. Et comme je suis plus ou moins influencé par la diffusion massive des canons de la beauté, je ne suis pas insensible aux formes, aux couleurs, aux mouvements d’aujourd’hui… Mais quand une personne compte sur ma compétence pour l’aider à être plus jolie, plus séduisante, j ‘essaie de mettre de côté mes propres critères pour faire en sorte que nous ayons une même idée de sa beauté. Auriez-vous la même tentation que Pygmalion, ou êtes-vous un artisan ? Ou un technicien ? L’une des plus belles histoires de la mythologie grecque est souvent évoquée lorsqu’on parle des chirurgiens plasticiens. C’est l’histoire du sculpteur Pygmalion, à Chypre, où régnait Aphrodite, la déesse de l’amour. Pygmalion cherchait une compagne dont la beauté pourrait correspondre à son idée de la femme parfaite, or les femmes les plus belles autour de lui étaient infidèles, rendaient les hommes malheureux et 97 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page98 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE brisaient des mariages. Aphrodite punit ces femmes en les pétrifiant. Pygmalion devait donc renoncer au mariage et créer lui-même la beauté et l’amour. Ce qu’il fit : une merveilleuse statue de marbre, une femme parfaite, dont il tomba amoureux. Il en rêvait toutes les nuits, mais la statue restait de marbre. Jusqu’au jour où la déesse Aphrodite décida de récompenser ce magicien de la beauté. La statue devint femme. Pygmalion l’avait lui-même façonnée selon son idéal. Or la chirurgie n’est pas limitée au savoir-faire. Elle a une vocation particulière et une dimension humaine qui échappe à la froideur répétitive d’une technique efficace, mais sans âme. Le chirurgien doit contrôler tous les aspects théoriques et techniques de sa spécialité, pour maîtriser toutes les étapes d’une intervention. Mais, c’est là sa singularité, le matériau du chirurgien est vivant, spécifique, différent selon les tissus. Donc, je ne me considère pas comme un simple technicien. Cela me semble insuffisant par rapport aux responsabilités qui incombent au chirurgien, qu’elle que soit sa spécialité. Un artisan ? Dans la mesure où un artisan se concentre sur une pièce unique et s’y consacre avec beaucoup de soin… Peut-être l’artisan a-t-il l’amour de son travail, comparable à la vocation du chirurgien, qui si elle n’était pas animée d’une passion profonde ne résisterait pas aux difficultés quotidiennes. Le chirurgien plasticien est un esthète. Il doit l’être dans ses goûts, dans sa vie personnelle, dans chacune de ses réalisations. L’acte opératoire lui-même doit être considéré comme une œuvre rythmée jusqu’au résultat final. Mais malgré sa sensibilité particulière, le chirurgien plasticien ne doit pas projeter ses propres idées sur 98 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page99 IMAGE DE SOI, REGARD DES AUTRES ses patients. En effet, il agit à leur demande et répond à leur désir ! Tout en restant clairvoyant, informatif, directif dans certains cas, il doit respecter les désirs de l’autre, du patient ou de la patiente, et choisir la bonne technique pour les satisfaire. Le côté esthète ou artiste du chirurgien plasticien s’exprimera dans sa connaissance intuitive des tissus et dans l’enchaînement des gestes spontanément adaptés à la plasticité des éléments opérés. Tout cela doit se faire dans une humilité permanente, pour à chaque fois en tirer le meilleur profit et la meilleure expérience. Ce recul nous aide à progresser, à aller dans le sens de la demande, à tenir compte des résultats satisfaisants ou au contraire discutables. Henri Mondor, l’un des grands chirurgiens de ce siècle, reconnaissait modestement : « Les erreurs sont pardonnables, je les ai toutes faites !… » Car, pour avoir fait des erreurs, Henri Mondor en a immédiatement tiré les conséquences qui lui ont permis d’en éviter la répétition. Mais comparer un chirurgien esthétique à un Pygmalion, c’est d’une part lui accorder un pouvoir qu’il n’a pas, d’autre part retirer au patient son rôle actif dans la décision commune. Pygmalion cherchait l’amour à travers la beauté, alors que le chirurgien esthétique tend vers la beauté par amour de son travail et de ses patients. La motivation profonde qui guide le geste chirurgical est l’amour de la beauté, pas sa possession. Il s’agit de la valoriser, non de la créer selon une image déterminée ou des fantasmes de Pygmalion. Le chirurgien est avant tout à l’écoute de ses patientes, il met à leur service sa technique, son expérience. Il n’est pas question pour lui d’avoir une velléité de toute-puissance ou de possession, mais au contraire de partager son pouvoir. 99 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page100 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE Le chirurgien plasticien est satisfait de son résultat lorsque la patiente est elle-même satisfaite. Quand on fait de chaque cas un trophée personnel, on court le risque de perdre son humilité, son regard critique, et le contact avec la réalité de l’exercice chirurgical. En démystifiant cette spécialité en l’expliquant clairement, nous permettons au plus grand nombre d’y accéder en toute sécurité. Un mot sur Pygmalion : en animant la statue de marbre, Aphrodite la rendait femme, belle certes, mais avec ses faiblesses. Et le bonheur risque d’être de courte durée en cas d’infidélité, ce qui renverrait Pygmalion à la réalité. Et l’Ecclésiaste de dire : « Vanité des vanités, tout n’est que vanité et tourments de l’esprit ». Les femmes vous demandent-elles le nez de Liz Taylor, une bouche parfaite ou les pommettes de Greta Garbo ? Les top-models ont brisé le mythe des stars du cinéma des années 30 à 50, et sont devenus un point de jonction entre le rêve et la réalité. Leur vogue arrange toutes les femmes, parce que leur beauté tient un double langage. Ces jeunes femmes défilent sur des podiums de rêve et, dans le même temps, elles apparaissent naturelles à la télévision ou dans les magazines féminins. Puisque la beauté est devenue un puzzle, autant en choisir les meilleurs morceaux, le rêve s’est nourri d’autres aventures, d’autres personnages. 100 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page101 IMAGE DE SOI, REGARD DES AUTRES Maîtriser sa beauté, ou en jouer, c’est vivre au plus près de soi… Alors oui, si cela correspond à un désir réel, voire à un besoin, si cela aide à affirmer la féminité et à se rassurer tout en se sentant mieux, pourquoi les femmes n’auraient-elles pas envie d’avoir des seins ou une bouche parfaits. Cela signifie que d’une certaine façon elles restent maîtresses d’elles-mêmes, de leur corps, elles ne le sacralisent plus. C’est l’un des privilèges du choix et l’avantage de la médiatisation de la beauté. On peut s’améliorer sans se transfigurer. On peut changer son apparence sans changer son être. Le corps se morcelle organiquement et esthétiquement, et les techniques chirurgicales sont au point pour le maintenir en harmonie. On greffe des organes pour sauver des vies, mais on greffe aussi des éléments du corps pour redonner du bonheur en plus. Les demandes vont du nez parfait à la bouche pulpeuse. Peut-être que, au temps des idées courtes, de la défaite des idéologies, on a envie de sauver les apparences, de miser sur la bonne mine plutôt que sur la mauvaise… Et vous le savez aussi bien que moi, les femmes s’imposent elles-mêmes la dictature de la beauté, relayées par les médias dans lesquels elles-mêmes travaillent, et s’y reconnaissent. Ce ne sont pas les chirurgiens plastiques et esthétiques qui en sont responsables. Nous disposons d’une technicité qui a fait ses preuves, et progresse encore, mais nous n’imprimons pas les idées dans l’esprit des gens. Ce sont eux qui viennent à nous avec leur désarroi ou leur idéal. Nous participons au triomphe de l’apparence, du look comme l’on dit. Nous donnons l’information, nous expliquons nos techniques, mais nous ne contrôlons pas la circulation de cette information, ni les fantasmes des gens. 101 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page102 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE Les dérapages en ce domaine ne sont que le lot de quelques-uns, praticiens et patients, qui croient que l’on peut, que l’on doit tout faire dès qu’une technique existe et s’avère efficace. Mais ce ne sont que des dérapages, la chirurgie esthétique dans son ensemble est beaucoup plus douce, plus raisonnable qu’on ne le pense. Même si ces demandes existent parfois, elles tiennent davantage du rêve que de la réalité. En effet, un nez, une bouche, des pommettes ou des seins ne sont pas des structures reproductibles aussi facilement qu’on le souhaite. Pour le nez il est possible d’en affirmer les os, d’obtenir une pointe plus jolie en modelant les cartilages, mais le résultat est fonction des tissus de la patiente, de son potentiel de cicatrisation. De la même façon, pour des seins, si on peut augmenter le volume d’une poitrine pour la faire ressembler à une autre, elle n’en sera pas pour autant identique car d’autres éléments interviennent dans sa morphologie, comme la base d’implantation, la position des aréoles, l’écart entre les mamelons, la largeur du dos ainsi qu’un certain nombre d’autres critères. Pour avoir des pommettes, on fait une intervention simple, par voie endo-buccale et sans laisser des cicatrices. Mais pour que ces pommettes soient identiques à celles d’un modèle, il faut que l’ossature et la structure du visage soient comparables, ce qui n’est pas toujours le cas de la patiente qui en rêve. Il faut être particulièrement prudent dans l’expression du résultat que l’on prévoit, pour éviter toute forme de fixation à la patiente qui vivra toute incartade comme un échec. Lorsqu’une patiente veut savoir comment sera son nez après l’intervention, on peut lui donner une réponse approximative de profil en retouchant ses pho- 102 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page103 IMAGE DE SOI, REGARD DES AUTRES tos ou en procédant à la modification sur un ordinateur. Mais ce n’est qu’un à-peu-près, dont il faut se méfier ! Certaines patientes se présentent en consultation avec des dossiers bien préparés qui traduisent une réflexion approfondie et précise de ce qu’elles veulent. Il faut alors être clair, refuser une demande parfois trop structurée et éloignée de la réalité, car toute probabilité est prise comme une promesse. Je me souviens d’une patiente qui pensait que tout était possible : elle m’a demandé de changer son visage, car elle voulait ressembler à l’une des plus belles femmes du monde dont elle me citait le nom. Au fur et à mesure de la discussion, je lui ai expliqué que dans son cas une telle transformation n’avait pas d’intérêt particulier. L’harmonie de son visage serait mieux respectée grâce à une simple intervention sur son nez un peu large. L’intervention s’étant passée comme prévu, la patiente était satisfaite, convaincue de la beauté de son nouveau visage, et elle ne fit plus jamais référence à la star de ses fantasmes. Lorsqu’il est nécessaire d’opérer un enfant, parle-t-on de chirurgie réparatrice ou de chirurgie esthétique ? Sont-elles complémentaires ? La chirurgie esthétique est fille de la chirurgie réparatrice, elle l’a enrichie en lui apportant le raffinement puisqu’elle opère des sujets « sains » et cherche toujours à parfaire ses résultats. La chirurgie réparatrice en restau- 103 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page104 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE rant une image normale est la chirurgie du bien-être, alors que la chirurgie esthétique offre un mieux-être en améliorant l’image. Un enfant qui a des oreilles décollées n’a pas de problème de santé, ni une anomalie morphologique grave. Grâce à l’intervention chirurgicale, il ne sera plus introverti et ne subira plus les sarcasmes de ses amis ou de son miroir. Deux malformations sont fréquemment associées en cas d’oreilles décollées : - l’hypertrophie du cartilage (la conque) qui projette et « décolle » le pavillon de l’oreille ; - un défaut de plicature est une absence de relief de cartilage (l’anthélix) qui déplisse le pavillon de l’oreille et rend plus visible l’oreille décollée. On peut intervenir dès l’âge de sept ans, après des examens de laboratoire. On opère sous anesthésie locale normale ou approfondie et dans certains cas sous anesthésie générale. L’incision, discrète, cachée derrière l’oreille, permet de recoller et de reconstituer le relief du pavillon pour redonner une morphologie normale. La durée de l’hospitalisation excède rarement vingt-quatre heures, et le pansement circulaire protégeant les oreilles est à conserver pendant cinq à six jours. Dans les suites opératoires, l’enfant peut ressentir une douleur passagère, mais en deux jours elle disparaît grâce à un traitement antalgique. Lorsque l’on retire le pansement, on conseille de le remplacer par un bandeau de tennis le jour, et une protection plus complète la nuit, pendant une dizaine de jours. Quant aux fils, ils sont spontanément résorbables huit à dix jours après l’intervention. Pour les autres problèmes concernant l’enfant, à 104 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page105 IMAGE DE SOI, REGARD DES AUTRES moins d’une laideur pathologique comme les malformations congénitales opérées très tôt, ce sont des ophtalmologistes qui opèrent des strabismes convergents ou divergents. S’il s’agit du nez, il est nécessaire d’attendre la puberté, car, quel que soit son défaut dans l’enfance, le nez n’a pas encore sa forme définitive. On ne peut y toucher que vers l’âge de seize ou dix-sept ans et l’opérer alors tout à fait normalement. Je fais personnellement partie de ceux que l’on appelle des « chirurgiens plasticiens ». Je veux donc pratiquer toutes les indications de chirurgie esthétique et réparatrice. Ce qui me satisfait pleinement, car ce secteur, en pleine expansion, est encore riche de domaines inexplorés. Je déplore sincèrement que certains chirurgiens esthétiques, par désir de protectionnisme, ignorent l’apport des autres spécialités. Ils se privent d’une ouverture enrichissante, assurée par une formation permanente grâce aux progrès techniques et scientifiques. Quand on touche le corps humain, on a besoin, si compétent soit-on, d’en connaître toutes les facettes, et de s’allier le concours de tous ceux qui s’y intéressent. Prendre en charge des sujets sains nous permet d’affiner nos gestes, de proposer aux autres spécialistes des techniques qui vont aussi améliorer leurs résultats. Certains médecins ont une formation plus spécifique, les gynécologues sont capables de rectifier les seins, les ophtalmologistes font la chirurgie des paupières, les ORL sont habilités à corriger un nez. Par contre, les chirurgiens spécialisés en chirurgie maxillo-faciale peuvent aussi bien réaliser un lifting qu’une rhinoplastie, une blépharoplastie qu’une rectification des oreilles décollées. En cas d’indication complexe, j’en appelle à leurs compétences : lorsqu’un 105 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page106 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE nez est traumatisé par une déviation importante de la cloison, lorsque la fonction respiratoire est perturbée par une hypertrophie des cornets, je m’assure de la collaboration d’un ORL qui aura examiné le patient. Mais je trouve aussi normal que les gynécologues, les ophtalmologistes ou les ORL, quand ils ont la compétence chirurgicale, veuillent opérer eux-mêmes les parties du corps qu’ils connaissent le mieux. La demande existe, il faut y répondre à condition de ne pas rester un franc-tireur de sa spécialité. Si ces praticiens sont désireux d’étendre leurs activités dans le domaine de la chirurgie esthétique, ils peuvent se former aux techniques qu’elle propose. Cela ne peut qu’optimiser leurs propres résultats. C’est dans cet esprit de collaboration, d’échanges que la chirurgie esthétique trouvera une légitimité et une image qui correspondent mieux à sa vraie vocation. Je pense que le temps, la compétence des uns et des autres, la satisfaction croissante des patients modifieront cette image dont profiteront tous les patients et les praticiens. La chirurgie esthétique est une locomotive qui fait avancer et se rallier d’autres domaines dont la cosmétologie. Les esthéticiennes, les coiffeurs, les kinésithérapeutes sont ou serons un jour en contact direct avec nous. Certains soins se sont médicalisés, le peeling, l’utilisation d’acides de fruits, le traitement médical des rides sont effectués par les dermatologues qui a leur tour correspondent avec les chirurgiens plasticiens. 106 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page107 - III LA CHIRURGIE ESTHÉTIQUE EN QUESTION 107 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page108 108 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page109 « La beauté est un éclat qui se passe très bien de la perfection ». Guillaume Apollinaire On affirme que peu de chirurgiens plasticiens et esthétiques seraient compétents. Comment éviter les dérapages ? Selon une enquête des pouvoirs publics, sur quatre mille médecins assurés pour des actes de chirurgie esthétique, quatre cents seulement détiennent une compétence reconnue et confirmée. Le Conseil de l’Ordre est habilité à en communiquer les noms. Les raisons de l’engouement des médecins pour la chirurgie esthétique sont d’une part la diminution très nette de l’activité médicale et chirurgicale pure, au sens classique du terme (d’où la nécessité d’un reclassement ou d’un recentrage de cette activité), d’autre part la demande esthétique qui, elle, a beaucoup augmenté. Parmi les interventions les plus pratiquées en 109 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page110 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE l’absence de toute compétence, il ya la lipoaspiration : avec des moyens matériels restreints ou non appropriés, de nombreux praticiens l’effectuent, car ils la considèrent comme une intervention non chirurgicale. Et ceci en toute légalité, tant qu’il s’agit d’une compétence et non d’une spécialité, car comme il est dit dans l’article 17 du Code de déontologie médicale : « Tout médecin est habilité à pratiquer tous les actes de diagnostic, de prévention et de traitement. Mais un médecin ne doit pas, sauf circonstances exceptionnelles, entreprendre ou poursuivre des soins, ni formuler des prescriptions dans les domaines qui dépassent sa compétence et ses possibilités ». Or la chirurgie est une spécialité qui s’acquiert par une longue et solide formation. En France la chirurgie esthétique appartient à la spécialité « chirurgie plastique, reconstructive et esthétique », elle nécessite six ans d’études de médecine générale, puis après l’internat six ans de formation de chirurgie spécialisée dans un centre hospitalo-universitaire. Pour exercer en toute sécurité la chirurgie plastique, il faut une structure équipée selon des normes officielles très précises. Et c’est le même chirurgien qui doit effectuer la consultation, l’opération et son suivi. Ceux qui dérogent à ces règles ne sont pas des praticiens scrupuleux : il vaut mieux s’informer de leurs compétences avant de céder à la tentation d’un écho médiatique ou d’un bouche à oreille. La prudence et la vigilance sont de mise. Des opportunistes existent dans tous les secteurs : la médecine n’échappe pas à cette règle et la chirurgie esthétique est encore trop récente pour permettre une juste évaluation de ses professionnels. Un bon chirurgien esthétique est un homme d’expérience qui sait se servir de ses mains aussi bien que du plateau technique dont il dispose. 110 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page111 LA CHIRURGIE ESTHÉTIQUE EN QUESTION En homme responsable, il est capable de mesurer les conséquences de ses indications, de son diagnostic et de ses actes. Il n’est pas infaillible, mais on ne bâtit pas une réputation sur une interview racoleuse ou sur une seule réussite opératoire. Les non-spécialistes ne travaillent pas impunément pendant des années, leur incompétence les rattrape un jour ou l’autre. La médecine spectacle, dont la chirurgie esthétique fait les frais, n’est pas une médecine de qualité, elle est aussi éphémère que le spectacle lui-même. Pour éviter ces erreurs, les patients ont des recours en France, des lieux d’information sérieux, des sociétés qui ne sont pas seulement savantes sur l’étiquette. Il y a des journalistes sérieux, des spécialistes compétents qu’il faut prendre le temps d’interroger. Et puis on ne se lève pas un beau matin en décidant un lifting ou une lipoaspiration ! La réflexion est un processus naturel qu’il est bon de partager avec ceux qui savent. Les patients doivent se responsabiliser autant que les chirurgiens, car c’est de leur peau qu’il s’agit. L’exemple de nombreux praticiens opérant dans des conditions douteuses implique la prudence des patients. Il faut s’assurer d’un équipement moderne constitué d’un bloc opératoire complet avec la présence permanente d’un anesthésiste et d’une infirmière au moins. La confiance entre le chirurgien et la patiente reste une garantie importante de sécurité. 111 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page112 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE Quelle est la proportion de « ratés » en chirurgie esthétique ? Combien de procès sont-ils justifiés ? Le terme « raté » a une connotation définitive qui ne correspond pas à la réalité. Les vrais échecs, irréversibles, sont extrêmement rares et relèvent d’une incompétence notoire ou d’une faute professionnelle grave. Un « raté » est plutôt un résultat insuffisant que l’on peut corriger par une retouche sous anesthésie locale. Cela arrive sur des seins pas tout à fait identiques mais que l’on rectifie très bien. Parfois, c’est le cas pour un reste de cellulite, une asymétrie dans la lipoaspiration ou encore une cicatrice trop épaisse… Ces quelques inconvénients font que 5 à 10 % des patientes sont insatisfaites, mais dans les trois quarts de ces cas nous obtenons un résultat final très convenable. Cela n’est possible que si le dialogue entre le chirurgien et la patiente se poursuit après l’opération, si le suivi médical est sérieux et si le chirurgien lui-même fait son autocritique et admet l’insatisfaction de la patiente. J’ai moi-même vécu des histoires difficiles. L’une d’entre elles est, si je puis dire, un raté psychologique. Une femme de cinquante-cinq ans m’avait demandé un lifting du visage, des paupières, du cou et du front. Pendant un an elle a été mécontente du résultat trop net, trop visible à son goût. Nous nous sommes revues plusieurs fois, jusqu’au jour où elle s’est avouée finalement satisfaite de son nouveau visage. Au point que huit ans après cette dame 112 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page113 LA CHIRURGIE ESTHÉTIQUE EN QUESTION revient pour un complément de lifting. En fait son insatisfaction ne découlait pas d’un zèle technique de ma part, mais plutôt de notre anticipation de son désir. J’ai aussi connu un épisode infectieux survenu sur un sein, pendant une très forte vague de chaleur. La cicatrice a macéré, provoquant une infection enrayée par un traitement antibiotique La cicatrisation était trop large autour du mamelon et créait une asymétrie de forme pour les deux seins. Trois mois après, le temps que les tissus agressés se reposent, j’ai pu arranger tout cela sans aucun problème ; mais ce délai opératoire normal paraissait évidemment très long à la patiente. Il faut alors être très présent, chaleureux pour maintenir la confiance et éviter qu’une femme trop anxieuse se précipite chez le premier médecin venu, au risque d’aggraver ce genre de complications. Tout le monde se souvient sans doute du cas de cette célèbre actrice italienne… Elle avait eu des injections d’un mélange de produits dans les rides, mais sa peau a fait une sorte de réaction allergique, son visage était bouffi. Les médias, d’une seule voix, ont hurlé au scandale en invoquant une carrière brisée à tout jamais. Pourtant tout est rentré dans l’ordre, et l’allergie a progressivement disparu. En fait, la photo qu’elle a fait paraître dans la presse était prise après l’injection, pendant l’épisode allergique, avec un gonflement cutané et des rougeurs forcément impressionnantes. Le problème est toujours le même : la chirurgie esthétique est en vogue, les médias peuvent s’en emparer et faire de la mauvaise publicité au moindre incident de parcours. Si tous les chirurgiens prenaient la peine d’expliquer clairement et précisément les suites et les délais post-opératoires à chaque patient, tout irait mieux. 113 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page114 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE Par ailleurs, trop de publicité nuit à tout métier : elle entraîne un surplus d’activité, mais aussi des risques supplémentaires ! Bien opérer un patient, susciter le bouche à oreille, avoir un bon plateau technique et un personnel médical de qualité est la meilleure publicité pour un chirurgien. Nul n’est à l’abri d’une erreur, bien sûr, et toute intervention comporte des risques. Mais il faut tous les envisager, les calculer, les contrôler. Une décision hâtive, une demande mal ou peu motivée peut être la cause d’un ratage, du moins d’une insatisfaction des deux parties. Et cela retentit toujours sur la carrière du chirurgien en question. L’erreur en chirurgie esthétique est très rarement une erreur de diagnostic. C’est plutôt dans l’indication ou lors du suivi post-opératoire qu’un problème peut survenir. Une réaction infectieuse, un hématome, une nécrose sont des complications inhérentes à toute chirurgie. Elles ne sont pas forcément imputées au chirurgien, mais c’est à lui seul de savoir les éviter, ou les traiter. En France, les médecins ne sont pas tenus à une obligation de résultats, mais une obligation de moyens. Une faute doit être démontrée, prouvée, en présence d’experts, pour mettre en cause la responsabilité du chirurgien. Le cas échéant, il peut être établi un pretium doloris, un dédommagement, c’est-à-dire une « faute sans faute ». Il est important aussi de distinguer l’erreur médicale, qui relève du jugement des tribunaux, de la notion d’accidents ou d’aléas résolus auprès des compagnies d’assurances. Aujourd’hui les tribunaux ne mettent plus en cause la légitimité de la chirurgie esthétique, mais ils 114 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page115 LA CHIRURGIE ESTHÉTIQUE EN QUESTION restent exigeants, car elle n’a pas de finalité thérapeutique officiellement reconnue, ni un caractère d’urgence. Les chirurgiens sont tenus au devoir d’informer, de prouver cette information : même un croquis est une preuve de leur bonne foi ou de celle de la patiente. Au début du siècle déjà, une jeune comédienne s’était faite opérer de la lèvre supérieure pour la rendre plus pulpeuse : la cicatrisation se faisait mal, mais le tribunal n’a relevé aucune faute technique du chirurgien. Cependant, il l’a condamné à indemniser sa patiente, alléguant « qu’un chirurgien méconnaît ses obligations contractuelles, plus rigoureuses en matières esthétique, lorsqu’il expose son patient à un risque sans proportion avec les avantages escomptés par lui ». Du côté des assurances professionnelles, il est reconnu actuellement une déclaration de sinistre pour dix assurés. La somme versée par l’assureur à la victime a augmenté d’environ 400 % en dix ans. Ce qui est logique face à une demande accrue. Aux Etats-Unis, il y a une inflation caricaturale des procès. Ils sont dix fois plus nombreux qu’en France et les avocats n’hésitent pas à recruter leur clientèle par des publicités ou des petites annonces. Cela devient du marketing et non plus une défense légitime des plaignants. Il faudra bien un jour imposer une réglementation pour que les chirurgiens puissent travailler sereinement, en toute transparence et dans l’intérêt des patients. 115 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page116 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE Pourquoi la chirurgie esthétique coûte-t-elle si cher ? Une intervention chirurgicale, même esthétique, implique à l’évidence un certain nombre de frais. La structure dans laquelle se déroule l’opération est une clinique, qui doit disposer d’une fonction hôtelière et surtout d’une fonction chirurgicale impliquant à elle seule une infrastructure sophistiquée, incluant les blocs opératoires, le matériel utilisé, la salle de réveil, les chambres médicalisées et les soins infirmiers. Il y a, par ailleurs, des honoraires d’anesthésie et de chirurgie compris dans le coût des interventions. Une appendicectomie ou une opération cardiaque sont totalement prises en charge par la Sécurité sociale, mais le patient qui entre en clinique en ignore le prix. L’intervention simple peut coûter environ 3 000 euros à la Sécurité sociale, et la plus complexe dépasser 30 000 euros. Le prix de journée, en moyenne, à l’hôpital, est de l’ordre de 500 euros. Certains chirurgiens dits « conventionnés » ou du secteur 1 pratiquent des tarifs de base imposés par la Sécurité sociale. Les chirurgiens du secteur 2 ont droit à des dépassements d’honoraires. Les autres sont non-conventionnés, tels les chirurgiens plasticiens du secteur privé. La quasi-totalité des spécialités chirurgicales, y compris la chirurgie réparatrice, sont remboursées par la Sécurité sociale et les mutuelles. D’autres domaines ne le sont que partiellement, comme la dentisterie par exemple, et les mutuelles doivent intervenir pour compléter les frais réglés par la patiente. 116 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page117 LA CHIRURGIE ESTHÉTIQUE EN QUESTION A la différence de ces spécialités, la chirurgie esthétique a en charge des sujets sains. Elle est plus souvent utile que nécessaire et donc considérée comme une chirurgie de luxe, ce qui ne correspond pas aux catégories socioprofessionnelles de nombreuses patientes. Elles ne viennent pas toutes de la classe la plus favorisée. Certaines d’entre elles, d’ailleurs, demandent des facilités de paiement qui leur sont accordées. La différence majeure réside dans le fait qu’en chirurgie esthétique le patient doit assumer les frais d’une intervention, alors qu’il ne connaît pas le montant d’autres interventions du même type. On peut poser la question différemment : pourquoi la chirurgie esthétique n’est-elle pas remboursée par la Sécurité sociale ? La situation actuelle de crise économique, associé à un chômage important, rend ces questions légitimes. Cela étant, la Sécurité sociale ne prend pas en charge le secteur de la chirurgie esthétique et n’en rembourse pas les patientes. Sauf quelques cas dont le retentissement physique ou psychologique est sérieux, tels les oreilles décollées chez l’enfant, les hypertrophies des seins, un ventre abîmé par une ou plusieurs grossesses, une déviation nasale consécutive à un accident, une greffe de peau du visage ou des brûlures importantes. Il est possible de faire une entente préalable, c’està-dire une demande à la Sécurité sociale, pour savoir si elle peut rembourser tel ou tel autre type d’opération. A partir du moment où l’assurance-maladie intervient dans les frais, la mutuelle assure généralement le complément. Il est très important, au cours d’une consultation, d’aborder clairement ces problèmes financiers. La patiente ne doit pas se sentir gênée, et il est normal 117 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page118 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE qu’elle se fasse préciser le coût total de l’intervention, les modalités de paiement. Il est normal aussi qu’elle exprime ses difficultés financières pour trouver un arrangement avec le chirurgien. L’honnêteté, la compétence d’un chirurgien sont aussi basées sur la clarté de son rapport avec l’argent. Les résultats n’en seront que plus satisfaisants sur le plan humain, technique et psychologique. La liberté de choix des patients tient à une information complète, qui permet de comparer ce que proposent un ou plusieurs chirurgiens avant la décision définitive. Certains praticiens promettent des bons résultats, à des coûts très élevés. La démocratisation de la chirurgie esthétique est en marche, et un patient, une patiente bien avisés ont rarement de mauvaises surprises financières. Peut-être ne suis-je pas le mieux placé pour en parler, mais puisque vous abordez l’aspect financier, je déplore la faible valorisation des actes médicaux et chirurgicaux des autres spécialités (digestives, orthopédiques, gynécologiques…), car elle risque à court terme de retentir sur la qualité des soins fournis. S’il est vrai que la Sécurité sociale, déjà bien mal en point, ne peut prendre en charge ce problème, les mutuelles et assurances privées devraient être davantage sollicitées. La chirurgie esthétique est peut-être le secteur le plus controversé de la médecine. Avez-vous une explication ? La santé est devenue un droit pour tous. On ne pardonne aucune défaillance. De nombreux progrès restent 118 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page119 LA CHIRURGIE ESTHÉTIQUE EN QUESTION à faire notamment au niveau génétique et viral, pour élucider les mystères de la pathologie du cancer ou du sida. La beauté, l’esthétique est un signe de bonne santé. Ceci explique l’engouement actuel pour la chirurgie esthétique, et la controverse permanente qui l’entoure. Avoir le droit à la santé comme à la beauté dans une société prospère rend exigeant. A partir du moment où l’on vit longtemps, on voudrait mieux vivre. Le professeur Etienne Emile Beaulieu a découvert, il y a quelques années, le sulfate de DHEA, une hormone présente dans le sang. Son taux augmente de sept à vingt-cinq ans, pour atteindre alors un plafond, puis il diminue régulièrement, pour n’exister qu’en quantité variable après soixante-dix ans. Mais contrairement à ce que l’on a dit trop vite, ce produit n’est pas un élixir de jouvence, mais une bonne approche thérapeutique pour mieux vivre. Il semble que le taux de cette hormone est plus important chez ceux qui bénéficient d’une meilleure santé. L’avenir nous dira si ce traitement, une fois mis au point, est vraiment un facteur de douce et longue vie. La chirurgie esthétique bouscule un certain nombre de conventions et devient une chirurgie de l’essentiel, tant elle est liée à l’image de soi, à une forme d’être en soi. Ce n’est pas parce qu’il touche à l’apparence que l’acte chirurgical doit être minimisé. Au contraire, avoir la beauté au bout des doigts, c’est avoir la vie au bout des doigts, puisqu’un geste abusif ou erroné peut la faire basculer. La chirurgie esthétique qui accentue ou donne la beauté est controversée parce qu’elle est une tentation permanente : elle a attiré les meilleurs et les pires spécia- 119 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page120 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE listes, les patients les plus équilibrés ou les plus fantasques. Elle trouve sa place dans tous les milieux sociaux, dans toutes les situations, occasionnant ainsi des dérives spectaculaires. Dans les années à venir, il lui faudra retrouver ou consolider la confiance des patientes. La dernière polémique à propos des prothèses mammaires en est une illustration. Sans aucune raison évidente, en l’absence de toute preuve scientifique, un discrédit, organisé et amplifié par les médias, a été jeté sur une technique pourtant connue et utilisée depuis plus de trente ans. Seul l’impact médiatique a compté, au mépris des angoisses suscitées chez les patientes porteuses de ces prothèses mammaires. Ce problème a été géré en dépit du bon sens, à l’encontre des réalités scientifiques, et au détriment du respect des patientes. Or la chirurgie esthétique n’est plus l’apanage d’une minorité. Sa banalisation est telle que les patientes oublient qu’il s’agit d’un véritable acte chirurgical, et qu’elles sont confrontées par quelques « spécialistes » qui outrepassent leur vocation. D’autre part, on ne décide pas de se faire opérer après avoir vu une publicité, entendu un discours sur un plateau de télévision ou regardé une photo prometteuse. On devrait s’informer auprès des autorités compétentes. Les patients sont en droit d’exiger la qualité des soins et la transparence de toutes les étapes. La qualité en chirurgie esthétique existe. Le problème des spécialistes compétents vient du fait qu’ils se sont drapés dans leur orthodoxie au point de n’avoir pas compris le rôle d’une communication prudente et parcimonieuse. Ils ont laissé la place à des non-spécialistes bruyants, trop heureux de se faire connaître, et à tous les 120 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page121 LA CHIRURGIE ESTHÉTIQUE EN QUESTION détracteurs de la chirurgie esthétique, du progrès en général. Il est normal que la méfiance et la controverse s’installent dans ce climat. Je crois que pour assainir ce secteur il faut non seulement impliquer les pouvoirs publics, mais aussi éviter la politique de la chaise vide. Nous devons sans cesse expliquer les tenants et les aboutissants de notre spécialité, pour que nos actes, nos propos ne soient ni déformés, ni récupérés. Nous avons en France des praticiens sérieux, rigoureux, à l’affût de toute nouveauté technique, prêts à écouter leurs patients, à les orienter dans leur choix et leur décision. A eux d’occuper le terrain de l’information, d’autant qu’on ne s’improvise pas chirurgien. Il existe un cursus universitaire, et la compétence en chirurgie plastique et esthétique doit devenir une spécialité à part entière, pour justement enrayer les pratiques inacceptables, éloignées de l’éthique médico-chirurgicale. Les actes n’étant pas remboursés par la Sécurité sociale, il me semble important d’en surveiller les indications, de renforcer les garde-fous, tant du côté du Conseil de l’Ordre que de celui des sociétés regroupant les spécialistes. Pourquoi et comment est-on passé de la chirurgie réparatrice à la chirurgie plastique et esthétique ? La chirurgie plastique est très ancienne. Elle était déjà pratiquée par les Egyptiens et les Indiens avant le début de notre ère. Puis par les Italiens à la Renaissance et par de nombreux Français au XIXe siècle. Après la Révolution et l’Empire, la chirurgie plas- 121 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page122 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE tique de la face se fait partout en Europe. On réparait, sans anesthésie, ni antisepsie, ni asepsie, des becs-de-lièvre, des oreilles décollées, des nez, des paupières. Les rapports médicaux de l’époque sont terribles, tant la douleur de l’opéré transparaît avec la même force que les difficultés du chirurgien. Les découvertes, d’abord de l’anesthésie en 1846, puis de l’antisepsie en 1867 et de l’asepsie en 1878, ont révolutionné l’acte chirurgical de reconstruction. Ce qui a permis de remédier aux « gueules cassées » de la Première Guerre mondiale, et de commencer, dans de bonnes conditions, la chirurgie maxillo-faciale. Autre bond dans cette chirurgie, les grands brûlés pour lesquels ont peut créer des centres spécialisés, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. La peau restait le premier élément sur lequel et par lequel passait toute chirurgie plastique, mais les progrès ont permis très vite de corriger les muscles et le squelette. Un exemple : la fente labio-palatine (unie ou bilatérale), ou bec-de-lièvre, est une malformation congénitale que l’on réparait uniquement au niveau de la lèvre, et en fermant le voile du palais. On s’est vite aperçu qu’il fallait aussi réparer le muscle qui constitue le sphincter buccal et l’os maxillaire sur lequel il repose : aujourd’hui le geste opératoire reste complexe mais il est très bien réglé. Le bond le plus spectaculaire, qui a ouvert de nouvelles voies pour la chirurgie plastique, est sans conteste celui impulsé par Paul Tessier en 1958. Il a effectué des reconstructions totales de la face. Un travail qui durait quinze heures et mettait en collaboration une vingtaine de personnes. Grâce à lui, on a pu ouvrir le crâne, refouler le cerveau pour atteindre les orbites par le haut et découper sans entrave le massif facial. 122 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page123 LA CHIRURGIE ESTHÉTIQUE EN QUESTION Depuis on peut reconstruire des visages que l’on croit perdus ou redonner vie à des paupières. Il a repoussé les limites de notre savoir, de nos possibilités. Il a osé aborder la chirurgie par des moyens non explorés en prenant des risques impressionnants avec une maîtrise et un contrôle qui forcent l’admiration. Lorsque l’on relit ses écrits d’il y a vingt ans, on est encore stupéfait par son audace, sa précision, sa rigueur et sa régularité. J’ai eu la chance d’être son interne pendant un an. Il vaut mieux ne pas rester trop longtemps dans le sillage de cet homme hors du commun. Cela risque de vous marquer à jamais et même de vous bloquer dans vos propres possibilités. Il est indispensable de l’avoir connu, mais il faut s’en séparer à temps pour être soi-même. Même les meilleurs chirurgiens ne sont que de bons répétiteurs de sa technique, car son génie créateur et sa témérité sont du domaine de l’exception. Ce qu’il a mis au point n’est utilisable que par quelques chirurgiens ou certaines équipes particulièrement entraînés à des malformations précises. Mais cette percée a permis des progrès techniques dans la neurochirurgie et bien sûr la chirurgie esthétique. La réflexion éthique n’a jamais été absente de son travail. A une journaliste qui l’interrogeait sur la compatibilité de deux chirurgies menées par lui, réparer des visages monstrueux et lifter une paupière, il a répondu : « Dans un cas, c’est ouvrir la vie sociale à des gens qui en étaient écartés par leur apparence monstrueuse, dans l’autre, c’est donner un peu plus d’assurance à des personnes qui en ont besoin pour mieux vivre dans leur milieu. Je n’y vois qu’une différence de degré… En revanche, j’ai toujours refusé d’opérer les personnes 123 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page124 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE atteintes de malformations de la face, qui étaient en même temps des débiles profonds. Car la chirurgie n’aurait pas suffi à les rendre à une vie sociale normale ». Mais rétorquait la journaliste : « Cela aurait aidé les personnes qui s’occupent de ces enfants ?... » Et Paul Tessier de répondre : « On n’opère pas une personne pour quelqu’un d’autre ». Grâce à lui on est dans la chirurgie de l’apparence dans ce qu’elle a de plus noble. Aujourd’hui, il ne s’agit plus tellement de savoir ce qu’il est possible de faire, car la technique existe, elle est efficace, mais quand et qui doit-on opérer ? L’indication est essentielle, tant certains patients attendent beaucoup plus que ce qu’on peut leur donner. Alors, déçus ou en quête d’autre chose, ils passent de mains en mains ; savoir refuser, argumenter son refus est une attitude éthique en chirurgie esthétique. Cette spécialité a par ailleurs enrichi la chirurgie viscérale, l’urologie ou l’orthopédie, car elle reconstruit des endroits du corps qui ont souffert organiquement. Certains progrès ont été déterminants pour la chirurgie esthétique, mais il ne faut pas confondre nouveauté et progrès. Une nouveauté n’est pas forcément révolutionnaire, elle peut disparaître aussi vite qu’elle est apparue. Ce fut le cas du laser mal utilisé il y a sept ans, et que l’on a dit formidable pour la cellulite. Or il s’est avéré inefficace… Tout comme les ultrasons que l’on a crus exceptionnels pour produire un effet lifting et enlever les graisses. Ils ont un appoint pratique pour fragiliser et fragmenter les graisses, mais n’ont aucune incidence sur les résultats. Ils n’étaient qu’une variante de la lipoaspiration, mais les promoteurs commerciaux en ont si bien « vendu » les vertus que l’on a crié au progrès extraordinaire. 124 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page125 LA CHIRURGIE ESTHÉTIQUE EN QUESTION Un progrès est une technique qui s’affirme dans le temps, par son application, par le changement qu’elle produit sur les résultats. Dans cet ordre d’idées, la lipoaspiration a été révolutionnaire pour la chirurgie esthétique et pour d’autres spécialités. La canule est devenue aussi importante que le bistouri. Aujourd’hui deux autres nouveautés font leur percée, mais il faut attendre pour savoir si elles sont un véritable progrès. Le laser : le Laser scanné pulsé (LSP) d’une part, qui efface les rides et les ridules, qui retend la peau sans cicatrices, au niveau des paupières inférieures, de la patte-d’oie et du pourtour des lèvres. L’endoscopie d’autre part, très efficace dans d’autres activités médico-chirurgicales, mais qui ne fait pas encore l’unanimité en chirurgie esthétique. Grâce à elle on peut de l’intérieur, au moyen d’une petite incision, enlever les rides intersourcilières et remonter les sourcils. Le temps et l’expérience permettront de définir les indications précises de ces deux techniques en chirurgie esthétique, auxquelles on prête aujourd’hui des propriétés peut-être excessives par rapport à la réalité. Votre pouvoir de chirurgien vous procure-t-il du plaisir, de l’anxiété ou une simple satisfaction professionnelle ? Il n’y a pas de toute-puissance du chirurgien. Il y a un vrai pouvoir, dont la légitimité repose sur l’histoire de la médecine, de la chirurgie, et par des études choisies et 125 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page126 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE menées à bien. Ce pouvoir acquis est confirmé par la demande à laquelle nous consacrons notre vie et à laquelle nous essayons de répondre le mieux possible. Il nous est transmis par les enseignements de nos maîtres, nous avons à les transmettre à notre tour, pour qu’il puisse s’exercer avec le maximum d’éthique chirurgicale. Chirurgie vient du grec kheirourgia, travail de la main. Le travail de la main guidé par l’esprit répare, sauve et traite ce qui ne peut pas l’être par la médecine. Et si le chirurgien s’applique à augmenter son efficacité, améliorer sa technicité, si, en permanence, il cherche à affiner ses gestes, le pouvoir qui en résulte est partagé avec ceux et celles (les patients) qui en bénéficient. Dans le même temps, la façon de s’en servir lui est précisément enseignée. L’humilité reste une valeur de base pour tout scientifique qui, loin d’être dupe de ses moyens, doit rester critique pour chercher à progresser avec une responsabilité de tous les instants. Il s’exerce sur la matière la plus noble qui soit, c’està-dire le corps humain, la vie, il gratifie autant qu’il responsabilise. Son importance est telle qu’il ne laisse pas le droit à l’erreur. Heureusement, le poids des responsabilités est moins lourd à porter avec le temps, car, renforcée par l’expérience, la main et l’esprit qui la guide sont de plus en plus sûrs. Tout est difficile, pesant, en début de carrière, car l’on se doit d’assumer la totalité des gestes et leurs conséquences. Au terme de sa formation hospitalière, le chirurgien aborde son activité privée, et c’est toujours le grand saut pour voler de ses propres ailes, et prouver l’efficacité de sa formation. Mais en fait tout se déroule en douceur, d’une expérience à l’autre, d’un progrès à l’autre… 126 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page127 LA CHIRURGIE ESTHÉTIQUE EN QUESTION Il est essentiel de ne jamais être pris au piège de ce pouvoir, ni de l’image que les autres vous renvoient. Chaque intervention est nouvelle, c’est un travail, toujours recommencé, où tout reste à prouver. La confiance des patientes justifie une attention et une rigueur de tous les instants que le chirurgien doit assumer en permanence et qu’il doit communiquer à tous les membres de son équipe. Il me revient bien sûr la responsabilité de tout contrôler, de tout mesurer et de tout adapter à chaque demande, mais l’expérience et la sécurité de la structure dans laquelle je travaille allègent mon anxiété. Le dévouement d’une infirmière, la perspicacité d’une panseuse, la délicatesse d’une secrétaire sont des éléments indispensables. Mais on attribue volontiers au chirurgien plasticien plus de possibilités qu’il n’en a réellement. Nos techniques actuelles ont certes beaucoup progressé, la découverte est loin d’être épuisée. Contrairement à la chirurgie générale ou orthopédique pour lesquelles le chirurgien reste maître du diagnostic, et de l’ensemble de la démarche, en chirurgie esthétique, il s’agit d’une décision prise avec la patiente ou le patient bien informés. Mettre tout en œuvre pour réussir une intervention est un objectif permanent que l’on appelle l’obligation de moyens. Le chirurgien plasticien a d’autre part l ‘avantage de pouvoir refuser le principe d’une intervention si la demande n’est pas en rapport avec le résultat escompté. Ce refus est en soi un diagnostic, qui signifie : «je ne pense pas que votre demande soit légitime ou cohérente, ou je ne pense pas qu’il soit possible d’obtenir ce que vous désirez. » Refuser d’exercer un pouvoir, c’est en reconnaître les limites et les accepter. On est loin de la toute-puissance ! 127 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page128 128 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page129 - IV LE CORPS REVISITÉ livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page130 130 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page131 « … et la beauté sereine de ton corps déroule, mate, ses impeccables accords ». Paul Verlaine Comment se déroule la première consultation pour une femme ? La consultation est l’une des étapes importantes de la démarche qui conduit à la chirurgie esthétique. Une femme attend longtemps ce moment, qu’elle espère autant qu’elle l’appréhende. Elle a déjà réfléchi, hésité, pensé et repensé à ses motivations. Elle est revenue des dizaines de fois à son miroir, à son album de photos de famille. Elle en a parlé franchement ou indirectement à son entourage, elle s’est inquiétée des réactions éventuelles à un changement de son apparence. Elle a sans doute testé le regard des autres, sondé ses proches. Ou bien elle s‘est débattue toute seule avec ses interrogations. Ou encore, sa décision a été très soudaine. Quoi qu’il en soit, cette consultation est l’aboutisse- 131 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page132 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE ment d’une introspection liée à une réflexion personnelle, une pression sociale, médiatique, qui rend complexe toute démarche en ce domaine. D’autres femme ne connaissent pas ces atermoiements – les mannequins, les vedettes du théâtre, du cinéma ou de la télévision -, car elles sont guidées par un impératif professionnel. Des femmes, gênées par un défaut physique évident, sont tout à fait déterminées à s’en débarrasser : ce sont les plus sereines durant tout le processus pré et postopératoire. Pour elles, la chirurgie esthétique est un moyen comme un autre d’atteindre un objectif. Ces femmes sont un tempérament volontariste, elles sont mues par une nécessité impérieuse de s’adapter à une réalité pour mieux vivre. Pour la majorité d’entre elles, celles qui réfléchissent longtemps avant de se décider, la première consultation est le point culminant de leurs tergiversations et en fait, à ce stade, leur décision est prise. Consulter oui… mais qui ? Et là… Je suis formel, seul le bouche à oreille est un critère fiable. Un avis amical, familial, émanant de quelqu’un qui a été opéré et qui est satisfait de l’intervention et de ses suites, est à ce stade un élément essentiel. Une information précise, élargie et complète permet de sélectionner deux ou trois noms de chirurgiens, sur lesquels se porte le choix. En consulter davantage est une erreur qui traduit ou entraîne l’indécision, et la confusion. Une fois le rendez-vous obtenu, c’est souvent émue et contrariée que la patiente se présente, scrutant le moindre détail dans l’environnement ou se montrant sensible à la moindre réaction des gens qui la reçoivent. 132 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page133 LE CORPS REVISITÉ La façon dont elle est accueillie, la salle d’attente, l’attitude de chacun sont perçues comme des révélateurs d’un ensemble. Personnellement, je m’efforce de tout mettre en œuvre pour que la consultation se déroule dans une bienveillante neutralité et dans la plus grande transparence. Cette rencontre repose sur un contrat de confiance implicite qui doit s’établir entre nous : l’environnement sonore, visuel compte autant que l’amabilité du personnel médical et administratif ou les informations qu’elle est en droit de demander et d’obtenir avec clarté. Avant que je ne voie la patiente, celle ci remplit le dossier administratif. On lui demande ensuite pour quel type de conseil ou de problème elle est là. En général nous recevons deux styles de réponses. L’une est informative : « Je viens pour les rides, pour le cou, pour les paupières, pour le visage… » ; l’autre est plus déterminée : « je viens pour une lipoaspiration, pour un lifting, pour des prothèses mammaires… » La deuxième question importante est de savoir comment elle venue me voir. Si c’est une amie ou une patiente que j’ai déjà opérée, c’est un gage de confiance et de sécurité. Elle peut être aussi adressée par son médecin traitant parce qu’il nous connaît ou a assisté à nos interventions. Ce conseil accompagné d’une lettre du médecin prouve que la démarche est déjà bien engagée. L’esthéticienne, le kinésithérapeute, le coiffeur ou le pharmacien sont des personnes auprès desquelles la patiente se renseigne, car elle a avec elles un contact plus privilégié et plus intime. Lorsqu’elle s’est informée auprès du Conseil de l’Ordre, elle connaît déjà la compétence du chirurgien, car elle a obtenu la liste des praticiens reconnus. Ce qui traduit de sa part une démarche critique et positive 133 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page134 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE Il faut d’abord laisser la patiente s’exprimer, écouter les mots qu’elle utilise, le caractère contrôlé ou violent de son langage, le regard qu’elle porte sur elle et la manière dont elle juge son défaut. Si elle annonce d’emblée que sa décision est prise, je reste très vigilant. La patiente est certes déterminée, directive, mais cela ne me suffit pas. En tant que chirurgien, j’ai une responsabilité médicale, et il me faut aussi apprécier le profil psychologique de la patiente. Je dois l’écouter, analyser ses motivations, ses attentes par rapport aux processus et aux résultats de l’intervention. Une fois le dialogue bien établi, un climat détendu s’instaure entre nous et permet de poser mon diagnostic. Je peux aussi bien aller dans son sens, si cela est justifié, la prévenir des inconvénients de certaines cicatrices ou au contraire la dissuader de l’opération si la motivation n’est pas cohérente. Mes réticences peuvent convenir à ses hésitations, ou renforcer sa décision, lorsqu’elle avoue vivre mal un problème apparemment mineur. Il m’arrive évidemment de refuser d’opérer certaines patientes. Celles dont le profil me fait préjuger qu’elles assumeront mal les suites opératoires, ou celles qui ne connaissent pas vraiment la réalité esthétique et chirurgicale. D’autres ont une fausse idée de leur disgrâce qu’il n’est pas vraiment nécessaire de corriger. Enfin je refuse d’opérer celles dont l’attente est démesurée par rapport aux résultats réels de l’intervention et qui n’a rien à voir avec une démarche médicale. Leur problème est plus complexe, il tient souvent à un mal de vivre qu’une intervention chirurgicale ne peut pas régler. Mon refus s’accompagne bien sûr d’une information précise, et d’une orientation vers un autre spécialiste. A l’issue de cette consultation, si la décision d’opérer est 134 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page135 LE CORPS REVISITÉ prise, j’explique dans les moindres détails tout le déroulement de l’intervention, toutes ses implications physiques, sociales, familiales et psychologiques. La patiente doit sortir de la consultation rassurée, informée, prête à réfléchir de nouveau sur la base de ces renseignements précis complémentaires. Lorsque le principe de l’intervention est retenu, on passe à la phase des examens préopératoires. C’est par souci d’information que nous avons élaboré un guide de chirurgie plastique et esthétique, livret que nous donnons aux patientes après la première rencontre. Il donne une idée globale des possibilités de la chirurgie esthétique, et en particulier de l’intervention pour laquelle la patiente est venue consulter. A partir de ce guide, elles peuvent analyser sans émotivité ce qu’implique leur demande. L’ensemble des explications données, des photos et des schémas reproduits concerne le bilan préopératoire, le suivi postopératoire, les modes d’anesthésie et les résultats escomptés en fonction des interventions. Procédez-vous de la même façon pour opérer un homme et une femme ? Bien sûr que non. Les différences sont multiples et il faut évidemment en tenir compte. La peau en particulier. Celle de l’homme est plus épaisse, il a un système pileux plus développé, il a de la barbe et une implantation de cheveux différente. Il est plus difficile de masquer les cicatrices d’un lifting chez un homme que chez une femme. 135 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page136 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE Pour une rhinoplastie nous procédons différemment à cause de la texture de la peau, des tissus qui ne réagissent pas de la même façon. Nos gestes techniques ne peuvent donc pas être les mêmes. Et puis les hommes ont besoin d’être vus plus souvent avant l’intervention, étant dans l’ensemble plus anxieux. Plus méfiants vis-à-vis de la médecine. Que ce soit pour eux-mêmes, pour leur femme ou leur compagne. Il m’est arrivé de demander à un homme de ne plus revenir voir sa femme à la clinique ; il était odieux et faisait peser une pression très forte sur elle. Lorsque l’on touche à leur apparence, à leur physique, il nous faut aussi être plus discret car quand le changement est trop visible cela les gêne. Tandis qu’une femme peut habilement détourner l’attention et conserver pour elle le secret de son intervention. Le terrain biologique spécifique de l’homme, différent de celui de la femme, ainsi que ses contraintes professionnelles plus importantes justifient une attitude particulière du chirurgien, et des indications différentes. Or, bien que l’homme se préoccupe de plus en plus de son apparence, il ne constitue dans le cadre de l’activité chirurgicale qu’une partie encore peu importante des interventions. Ce sont bien sûr les traitements de la calvitie qui sont le plus demandés, car cette pathologie est très masculine. Les hommes font également des liftings du visage, une chirurgie des paupières ainsi que des lipoaspirations de la paroi abdominale. Nous voyons des hommes décidés à se débarrasser de leur air fatigué, dû à des poches sous les paupières, ou à retrouver une silhouette plus dynamique mise à mal par une alimentation déséquilibrée ou trop riche. Des hommes d’une cinquantaine d’années et plus trouvent dans un lifting cer- 136 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page137 LE CORPS REVISITÉ vico-facial la solution aux bajoues naissantes et au cou relâché. Lorsqu’ils ont trente ans, ils viennent du secteur des relations publiques, de la publicité, de la communication ou encore de la mode, car ils supportent mal les premiers signes d’une calvitie considérée comme une entrave à leur séduction. Est-il préférable de garder secret le recours à une opération esthétique, lorsque cela ne relève pas de la pathologie ? Le rapport que l’on entretient avec son corps est le plus intime qui soit. Celui que les femmes établissent parfois entre elles est aussi de l’ordre de l’intime. La beauté se décline d’abord au féminin ; les harems, les gynécées, les groupes d’amitiés féminines ont toujours été des espaces où les corps se côtoyaient sans fausse pudeur ni jugements définitifs. Certaines femmes ont la faculté de se parler sans contraintes, de créer une complicité réelle, de se reconnaître et de partager l’amitié en toute simplicité. S’agissant de leur beauté, ou de leur corps, ces mêmes femmes vont en parler comme de leurs vêtements : elles savent s’échanger ces derniers aussi bien que des conseils ou des secrets de beauté. Le recours à la chirurgie esthétique fait partie de leurs conversations. Celles que je vois sont souvent accompagnées d’une amie ou recommandées par elle. C’est une démarche où la complicité est fréquente. Le plus souvent, le secret ne déborde pas vers un cercle plus élargi, encore moins vers 137 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page138 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE les hommes. Modifier quelque chose de son apparence nécessite sans doute une complicité et un soutien qui vont au-delà du dialogue médecin-patient. Les femmes qui se livrent des secrets esthétiques le font sur le même ton, chaleureux et humoristique, que lorsqu’elles parlent de leurs accouchements. Le recours à la chirurgie esthétique est rarement avoué à l’homme, sauf à celui qui partage la vie quotidienne. Parce que ce secret est aussi une astuce pour séduire. Cela prouve que d’une certaine façon il est bien assumé et protégé du jugement des autres. On reste soi-même, on ne change pas parce que la paupière est corrigée ou le sein arrondi. Il faut, dit-on, « sauver les apparences », et rien ne me paraît plus juste en ce qui concerne la beauté. Simone de Beauvoir a écrit dans La Force de l’âge cette très jolie phrase : « La beauté se raconte encore moins que le bonheur ». Et le bonheur comme la douleur ont quelque chose d’indicible… C’est un bonheur de se sentir belle. Pourquoi donc clamer haut et fort que cette « bonne mine » est une affaire entre soi et soi ? Pourquoi justifier un bien-être qui se lit sur le visage, alors qu’il suffit en tant que tel à rassurer les autres ? On ne passe pas son temps à scruter les changements d’un visage, on le regarde et on l’accepte ou pas. Il est évident qu’un défaut trop visible qui disparaît du jour au lendemain peut surprendre. Encore faut-il que l’interlocuteur pose des questions, or la discrétion l’en empêche… Mais, par exemple, lorsqu’un nez refait satisfait la personne concernée, nul doute qu’elle donnera une explication sans aucune gêne. Les hommes qui font des implants de cheveux, et dont l’apparence reste naturelle, n’éprouvent pas le besoin de se raconter à tout 138 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page139 LE CORPS REVISITÉ un chacun. De la même façon, les vedettes les plus médiatisées préfèrent garder pour elles les secrets de leur beauté ou de leur jeunesse. Leur image leur appartient, même si le public ne résiste pas au plaisir de se l’approprier. Si nous connaissions tous les mystères, tous les fantasmes des uns et des autres, le désir, l’émotion, l’amour perdraient bien des vertus. On aime regarder un film, s’identifier à son héros, plonger dans l’intrigue sans chercher à comprendre la magie du cinéma. On aime contempler une œuvre d’art sans savoir comment elle a été élaborée. Les effets spéciaux d’un film, les pensées d’un modèle qui pose pour un peintre sont moins importants que l’émotion et la fascination que suscite l’œuvre. Lorsqu’une femme est belle à regarder, ou un homme séduisant, ils nous offrent leur beauté. C’est une alchimie qui ravit les sens, qui est irrationnelle et que l’on ne cherche pas à comprendre. Le secret d’une chirurgie esthétique est un secret légitime qu’il vaut mieux ne pas voler à celles ou ceux qui le détiennent. Mais si l’on en parle, autant l’assumer ! Souvent, ceux qui émettent la velléité d’un nouveau nez, d’un lifting ou d’une quelconque intervention s’entendront dire : « Pourquoi pas, si tu en ressens le besoin… » L’efficacité de cette spécialité rassure de plus en plus. La fréquence des interventions, notre propre regard s’adaptent aisément à ce changement sur l’autre et sur nous-même, en miroir. Les pieux mensonges sont encore admis : bon nombre de personnes se font opérer en invoquant un voyage à leur entourage. Quand elles retournent à leurs habitudes, leur absence, leur fugue esthétique sont passées presque inaperçues puisqu’elles reviennent affublées de leur bonne mine. 139 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page140 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE Peut-on ralentir le vieillissement qui est l’une des obsessions des hommes et des femmes ? Avant d’aborder l’aspect physiologique du processus du vieillissement, je voudrais rappeler qu’il est très lié à l’idée que l’on se fait de sa propre vie. Le goût de vivre, l’optimisme, s’ils ne sont pas entamés par trop de petits ou de grands malheurs, sont une parade au vieillissement, une garantie de jeunesse mentale et physique. Cela revient à répéter que la beauté intérieure d’un individu reste un support et un moteur de sa beauté extérieure. On ne connaît pas encore les gènes de la longévité, mais la théorie génétique dit que le vieillissement de chaque individu est inscrit dans son programme chronobiologique. Certains chercheurs affirment qu’au cours de notre vie se produit une erreur de transcription génétique qui se répercute à toutes les cellules. Leur fonctionnement en est alors perturbé, les erreurs s’accumulent, et c’est cette dégradation qui serait à l’origine du vieillissement. D’autres, dont le professeur Hayflick, auraient observé que les cellules humaines ne se reproduisent qu’une cinquantaine de fois, après quoi les chromosomes ne peuvent plus transmettre le message génétique. Cette vitesse de multiplication diminue avec le temps, d’où une meilleure cicatrisation chez l’adolescent que chez une personne âgée. Enfin, on connaît aussi le rôle des radicaux libres, ces molécules extrêmement toxiques pour l’organisme. 140 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page141 LE CORPS REVISITÉ S’il y a excès de production de radicaux libres à cause du mode de vie de l’environnement, les cellules ne sont plus protégées et le vieillissement s’accélère. Toutes ces hypothèses trouveront certainement une réponse génétique aux causes du vieillissement. En attendant, ses effets les plus importants concernent notre apparence. Les cheveux peuvent commencer à blanchir très tôt, dès vingt-cinq ou trente ans. Les tissus se distendent, la peau se fragilise ou se ternit. La taille diminue du fait de la résorption osseuse, chez la femme plus que chez l’homme, avec une déminéralisation des os. Le fonctionnement et le métabolisme de tous les organes se modifient, se ralentissent ou se perturbent. L’état circulatoire, cardiaque, respiratoire, rénal, l’acuité auditive et visuelle sont progressivement altérés. Ralentir les effets du vieillissement tient d’abord à une bonne hygiène de vie. On sait que le tabac, l’alcool, une alimentation inadaptée auront des répercussions néfastes aussi bien sur le plan physique que psychologique. Le sport est une façon d’entretenir le dynamisme du corps, de tonifier les muscles et de renforcer son moral. Mais si le vieillissement est un phénomène physiologique inéluctable, de nombreux progrès réalisés par la science permettent de vivre plus longtemps et mieux. La longévité moyenne s’est accrue de plus de dix ans depuis le début du siècle. Les maladies sont en recul ; ce qui paradoxalement pose, de façon plus aiguë encore, le problème du vieillissement, car pour vivre plus vieux il faut pouvoir vivre mieux. L’équilibre psychologique reste le meilleur remède, et pour cela tout ce qui y contribue est essentiel. Les milieux familial, professionnel sont en premier 141 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page142 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE plan, et les aléas de la vie font qu’ils ne forment pas toujours un rempart permanent. La curiosité, l’ouverture sur les autres, la participation à la vie sociale renforcent l’aptitude au bonheur. Parce que la séduction reste un critère essentiel de jeunesse, quel que soit l’âge, s’entretenir, se surveiller, se révèle aussi important que s’informer ou se distraire. Nombreux sont les artifices, médicaux et cosmétologiques, qui permettent d’agrémenter le visage et la silhouette. Si quelques rides ternissent l’éclat d’un visage, certains traitements à base d’acide hyaluronique et de toxine botulique peuvent les dissiper pendant plusieurs mois. Un discret «épaississement des lèvres par exemple est un geste simple (acide hyaluronique) dont l’effet sur le plan sensuel en vue d’un rajeunissement est un artifice fréquemment utilisé, complété par le comblement des sillons naso-geniens. De même les rides d’expression qui sont d’origine musculaire, comme les rides frontales ou intersourcilléres, sont bien corrigées par la toxine botulique. Quant aux paupières, c’est l’une des demandes les plus fréquentes en chirurgie. On appelle cette intervention la blépharoplastie esthétique. Au niveau des paupières, les premières rides flétrissent et distendent la peau. Il existe aussi des « poches » graisseuses à la paupière supérieure, mais surtout à la paupière inférieure, ce qui donne un regard « fatigué ». La blépharoplastie corrige ces effets, seule ou associée à un lifting partiel ou total. Cette intervention se pratique chez l’homme et chez la femme, vers l’âge de quarante ou quarante-cinq ans, ou plus tôt quand des facteurs héréditaires marquent prématurément les paupières. Comme pour toute intervention, on fait un bilan préopératoire complet, avec dans ce cas un éventuel examen ophtalmologique, et on travaille sur une série de photos de la patiente. Sous anesthésie locale ou générale, on fait une incision discrète, cachée dans un pli naturel des 142 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page143 LE CORPS REVISITÉ paupières. On retire l’excès de peau, de même que la « hernie » graisseuse qui, souvent, existe à l’angle interne de l’œil, près de la racine du nez. Pour les paupières inférieures, l’incision effectuée au ras des cils est pratiquement invisible. Les « poches » de graisse sont retirées et, si excès de peau il y a, il est corrigé pour retendre modérément la paupière sans modifier l’expression du regard. Sans excès de peau, on peut enlever les poches par voie conjonctivale, c’est-à-dire par l’intérieur de la paupière, sans aucune cicatrice. Le pansement est mis en place pendant deux ou trois heures et un collyre est prescrit pour protéger l’œil. Un œdème ou des ecchymoses apparaissent parfois mais s’atténuent en quelques jours. Il faut ensuite appliquer des compresses froides pour éliminer l’œdème, ou porter des lunettes teintées pour masquer les ecchymoses. Les fils sont retirés une semaine plus tard et le maquillage est possible dès le lendemain. Si l’on veut améliorer encore la qualité de la peau, on peut associer à cette intervention un léger peeling. Dans tous les cas, les résultats sont très satisfaisants car le regard est rajeuni et les cicatrices sont très discrètes. Tout cela ne ralentit certes pas le vieillissement biologique programmé mais, en agissant sur l’apparence, et en masquant les aspects inesthétiques, ces gestes atténuent l’angoisse et l’obsession liées à cet état. La qualité de la peau est très importante. Comment la sauvegarder ? La peau n’est pas seulement l’enveloppe qui recouvre le corps humain, elle est un organe à part 143 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page144 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE entière, particulièrement développé et sophistiqué, ses fonctions multiples sont peu exploitées, peut-être parce que le sens du toucher est très inhibé par notre éducation. Elle est constituée de l’épiderme, élément superficiel du revêtement externe, et du derme, élément intermédiaire qui joue un rôle de soutien par la présence de fibres et de vaisseaux. L’hypoderme est plus profond, constitué de tissus conjonctifs. Il existe différents types de peaux, et entre la peau sèche et la peau grasse de nombreux états intermédiaires. C’est dans le derme que se trouvent les fibres de collagène qui assurent la solidité des tissus, et les fibres élastiques qui garantissent le tonus de la peau. Le bon fonctionnement de cet organe très complexe protège notre organisme. La peau joue un rôle dans la régulation thermique et reste le sas obligé des variations et des agressions du monde extérieur. Elle est notre premier vêtement, la protection fondamentale de notre apparence. Comme les yeux, le regard, la peau fait passer l’éclat de la vie qui contribue à toutes les formes de beauté. Sa santé est l’obsession de tous les adolescents, de toutes les femmes et de plus en plus d’hommes. Elle est une constante des canons de la beauté, passant de l’aspect laiteux, diaphane, à celui plus hâlé qui fait le succès d’autres types de femmes aujourd’hui. Ceci explique que bon nombre de problèmes dermatologiques aient une cause psychosomatique. La santé et la beauté optimale de la peau se situent avant la puberté. L’enfant a une peau souple, ferme et élastique. Le grain est lisse, les pores ne sont pas apparents et la surface est veloutée au toucher. Certains 144 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page145 LE CORPS REVISITÉ adultes ont la chance de garder longtemps cette peau d’enfant. Mais pour la majorité d’entre nous, elle se fragilise ou s’altère à cause de certaines maladies, de modifications hormonales, et bien sûr du tabac, du soleil ou d’autres agents extérieurs. Le vieillissement, lui, commence dès l’âge de vingtcinq ans par des microtraumatismes progressifs. Il se caractérise par la perte d’élasticité des tissus, ce que l’on appelle la fibrose, et les fibres élastiques sont remplacées par des fibres de collagène inextensibles. La peau se dessèche ; la sécrétion naturelle des glandes superficielles, sébacées et sudorales, diminue et atténue le fonctionnement des différentes cellules de la peau. Les tissus se plissent, se distendent et la peau se ramollit dans ce processus qui définit le vieillissement. Les radicaux libres sont des équivalents de déchets du métabolisme cellulaire qui accentuent le processus. Toute cellule au terme de son métabolisme en produit. Ces ions sont normalement neutralisés, mais lorsqu’ils sont libres ils peuvent provoquer une lésion sur les tissus qu’ils côtoient. Ainsi dans la lutte contre le vieillissement, la neutralisation des radicaux libres est un élément important, et dans le cadre de cette action antiradicalaire on connaît l’effet bénéfique de la vitamine E, de la vitamine A, de la vitamine C, du zinc et du sélénium. Lorsque ces radicaux libres sont nombreux, ils agressent les cellules, les fibres de collagène et l’ensemble des constituants intracellulaires. L’activité de la cellule se ralentit et son efficacité s’amoindrit. Entre autres effets, la peau s’affine, se fripe et perd de son élasticité. Des taches plus foncées apparaissent dans certains endroits du fait de l’accumulation de pigments, l’épiderme se dessèche, la peau est plus rugueuse. 145 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page146 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE Elle perd ses connexions internes avec les tissus sous-jacents, elle n’est plus retenue par des éléments de jonctions efficaces qui existaient auparavant. Ceci est particulièrement vrai au niveau de la paroi abdominale, des fesses, des cuisses, des bras. A cet ensemble de facteurs s’associent la baisse de l’activité des systèmes de défenses et donc le risque infectieux. Comme il n’existe pas de traitement médical préventif du vieillissement, on fait disparaître l’excès de peau au niveau du visage, du ventre ou de l’intérieur des cuisses par une intervention chirurgicale de type esthétique. Plus les tissus sont jeunes et de bonne qualité, plus les résultats sont optimisés. Certaines opérations s’avèrent plus délicates selon l’imprégnation tabagique de la peau. Aux Etats-Unis, les chirurgiens refusent d’opérer si les patients fument beaucoup, et ils font signer une décharge pour ne pas avoir à répondre d’une mauvaise cicatrisation. Le tabac et d’autres agressions extérieures, comme un bronzage excessifs et répété, ternissent la luminosité du teint, vieillissent prématurément la peau et entraînent un décalage entre la jeunesse réelle d’une personne et son apparence. La fascination des peintres et des poètes pour les peaux diaphanes est bien dépassée. On n’est plus au temps des ombrelles, des capelines qui protégeaient la peau du moindre rayon de soleil. On est tombé dans l’excès inverse avec la mode des plages et celle des cabines de bronzage en milieu urbain. De la pâleur des bourgeoises occidentales, nous avons dérivé vers la mode du teint hâlé, qui évoque l’exotisme des beautés orientales. Etre bronzé aujourd’hui signifie que l’on a une bonne mine, que l’on paraît dynamique et donc jeune. Mais ce bronzage, naturel ou 146 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page147 LE CORPS REVISITÉ artificiel, abîme toutes les peaux à plus ou moins long terme. Les mises en garde répétées des dermatologues ne sont pas sans fondement. Les rayons solaires sont agressifs pour l’épiderme, malgré la sensation de bien-être moral et physique qu’ils procurent. Ils assèchent la peau et font apparaître des rides en même temps que des tâches brunes. Le soleil est aussi un facteur prédisposant à la transformation maligne du mélanome, cancer particulièrement grave survenant chez les sujets jeunes. D’où la précaution d’éviter les longues expositions au soleil. Les grains de beauté sont en général bénins. Parfois, l’un d’entre eux devient plus large, plus épais, plus grand avec un contour irrégulier ou un peu homogène. S’il devient douloureux ou s’il saigne, il convient d’enlever ces lésions pour éviter toute transformation ultérieure. Mais tous ces problèmes ne doivent pas être une obsession simplement une précaution. D’autre part, une peau abîmée par l’acné ou des poussées infectieuses, la varicelle par exemple, perd son uniformité. Nous disposons de plusieurs techniques pour remédier à ces détériorations de la peau. La dermabrasion, les peelings et le Laser scanné pulsé sont des méthodes radicales pour « changer de peau », mais elles doivent être prescrites médicalement. La dermabrasion est une méthode mécanique simple qui ne convient pas à toutes les peaux. Les peaux mates risquent de perdre leur homogénéité et sont parfois localement dépigmentées. Cette technique convient bien à des séquelles superficielles de l’acné ou de varicelle sur peau claire. Avec une meule rotative, on procède à un gommage qui supprime, couche par couche, certaines irrégularités. De cette façon, on traite la peau 147 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page148 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE du visage (en faisant une anesthésie locale ou générale). Ceci est fait en contrôlant précisément l’épaisseur de peau enlevée. Les inconvénients de cette méthode se traduisent surtout par les suites opératoires un peu lentes. Les crèmes sont utilisées pour aider à la cicatrisation plus rapide de la peau qui est rouge d’abord et rosit au fur et à mesure que l’épiderme se reconstitue. Il faut quatre à six semaines pour la pigmentation redevienne normale. Si l’on poursuit une activité scolaire ou professionnelle, on peut masquer la couleur rose avec des fonds de teint adaptés. Pendant ce temps, l’épiderme reste fragile, il est donc préférable d’éviter l’exposition au soleil dans les six mois suivants. Cette méthode ne corrige pas les dépressions cutanées trop profondes, ni les traces d’une trop forte acné, mais on peut la renouveler un an plus tard pour améliorer le résultat. La deuxième technique dont les effets sont similaires est le peeling. On traite la peau qui desquame par des produits chimiques. Les peelings légers couramment utilisés sont à base de résorcine, une pâte qui nettoie la peau en profondeur, donne bonne mine et peut se faire régulièrement sans aucun risque. L’acide trichloracétique (TCA) est très connu, très maniable, adaptable à différents types de peaux et beaucoup plus efficace que la résorcine. Il faut en doser la concentration, de 20 à 50 %, et préparer la peau pour la rendre plus réceptive au produit, permettant ainsi une action plus homogène. C’est le docteur Obagi, un dermatologue californien, qui a développé ce peeling et insisté sur la préparation de la peau. Cela réduit considérablement les incidents et évite les inconvénients connus 148 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page149 LE CORPS REVISITÉ de la dermabrasion comme la dépigmentation localisée. Ce peeling atténue les rides et, associé au lifting, améliore réellement la qualité de la peau. Le phénol est un produit chimique beaucoup plus fort, plus efficace mais moins contrôlable. Il est fort peu utilisé en France et, si son action est spectaculaire pour retendre, lisser la peau et effacer les rides, le risque de dépigmentation voire de cicatrices difficiles à corriger est réel. En fait, l’inconvénient principal de ce produit par rapport aux autres est qu’on ne sait pas exactement à quelle profondeur on pénètre. Aux Etats-Unis, il est fréquemment utilisé, car les Américaines se maquillent beaucoup et masquent cette peau trop tendue, trop lisse qui a perdu son naturel. En Europe, et à mon avis à juste titre, cette technique est beaucoup moins utilisée. La troisième technique, qui est sans doute celle de l’avenir, utilise le Laser. Le Laser n’est pas uniquement ce rayon qui coupe, il est contrôlé, domestiqué, et l’on peut régler sa puissance, sa distance et son efficacité. Le traitement localisé ou diffus s’applique à la lèvre supérieure, à la paupière inférieure, aux pattes-d’oie, au dos des mains, voire au visage entier. Il permet un bon contrôle visuel du geste effectué et une action progressive, profonde, sans trace de cicatrices, ni de saignements. Très efficace pour les rides de la patte-d’oie, de la lèvre supérieure, de la paupière inférieure et pour les « poches » malaires, le Laser scanné pulsé pose essentiellement le problème du bon choix de l’indication, et de la gestion des suites opératoires qui peuvent être longues (rougeurs contraignant à l’utilisation d’écran total et de fond de teint pendant quelques semaines). Toutes ces techniques corrigent en surface la dété- 149 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page150 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE rioration de la peau, lui redonnent un bel éclat et une apparence de jeunesse et de meilleure élasticité. C’est une amélioration qualitative de la peau. De façon différente, et complémentaire, un lifting, qui retend la peau en excès, peut être associé à ces différents gestes pour obtenir un résultat plus complet ; c’est une amélioration quantitative. Utilisées à bon escient, effectuées ni trop tôt, ni trop tard, ces différentes techniques, plus ou moins associées, sont à l’évidence des atouts nouveaux et efficaces qui soignent l’apparence si importante dans notre société. Pourquoi et comment se forment les rides ? On dit qu’elles sont les sillons creusés par la vie. Elles raconteraient nos rires, nos soucis, nos larmes, nos peurs et notre sérénité. Mais leur apparition a aussi des causes physiologiques, elle correspond à une diminution localisée de l’épaisseur de la peau. Leur profondeur est liée à une atrophie des tissus qui s’installe avec le vieillissement. Les rides d’expression apparaissent progressivement sur le visage, autour des yeux, des lèvres ou sur le font. Elles sont dues aux mimiques répétées qui agissent sur les muscles peauciers. D’autres rides très fines parcheminent le visage, lorsque la peau a dépassé son capital soleil et qu’elle continue d’être exposée longtemps et souvent. Enfin, les plis d’affaissement qui altèrent l’ovale du visage apparaissent au niveau du menton, des bajoues et des paupières. Tout cela est un processus normal, car la 150 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page151 LE CORPS REVISITÉ peau perd son élasticité, se détend et « tombe » avec le temps. C’est ce que l’on appelle la ptose qui, elle, ne se corrige qu’avec la chirurgie esthétique, par un lifting partiel ou total. On peut agir sur tous ces facteurs, on peut retarder l’apparition des rides. Cette prévention s’avère efficace quand elle est basée sur une bonne hygiène de vie et un entretien régulier de la peau. On ne dira jamais assez que le soleil est très important pour la vie, mais nocif pour une peau non protégée. De la même façon, les effets du tabac sont incontestablement nuisibles. Ils perturbent l’oxygénation des tissus, la circulation sanguine ; ils ternissent la peau et les cheveux. Outre ces facteurs directement responsables de l’apparition des rides, il est important de considérer que le mode de vie a des incidences. Une alimentation équilibrée évitera un changement de poids trop fréquent et déstabilisant pour le métabolisme. La peau doit être hydratée par une absorption d’un litre et demi d’eau par jour, et par des produits cosmétiques nettoyants et traitants. Il faudrait supprimer les boissons alcoolisées, pratiquer des sports de plein air et éviter le surmenage. Il faudrait dormir d’un bon sommeil réparateur chaque nuit. La peau, l’organisme tout entier doivent être ménagés, soignés jour après jour pour résister aux coups de griffes du temps. Les rides étant le reflet de notre vie, autant la ménager et se ménager soi-même. Autant profiter aussi de toutes les techniques proposées par la chirurgie esthétique qui naturelles, légères ou radicales améliorent considérablement l’apparence d’un visage dont l’éclat est plus ou moins terni par l’apparition des ridules et des rides. Nous utilisons souvent les injections de collagène 151 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page152 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE pour combler les rides. Quant aux lèvres qui deviennent plus fines avec l’âge, et la bouche qui paraît moins pulpeuse, nous pouvons en rectifier la courbe et l’épaisseur en injectant du collagène bovin purifié. Ce produit existe sous différentes formes (Zyderm 1, Zyderm 2 ou Zyplast), mais un test préalable doit toujours être effectué, au niveau du bras, pour éliminer tout risque d’allergie. En l’absence de contre-indication, le produit est injecté par une simple piqûre dans le derme superficiel. Il s’ensuit une phase d’œdème ou de rougeur qui dure vingt-quatre heures. L’effet du collagène subsiste en fonction de sa localisation, quelques mois ou un an au bout desquels le geste peut être répété. Le contour des lèvres est l’une des indications les plus fréquentes de ce procédé avec le comblement des rides du sillon naso-génien. Il est évident qu’en agissant chirurgicalement sur les muscles responsables des rides, nous obtenons un résultat efficace et satisfaisant pour plusieurs années. Ainsi peut-on procéder à un lifting frontal pour les rides du front et les rides inter-sourcilières. Au cours d’un lifting cervico-facial ou temporal, nous allons atténuer les « pattes-d’oie » en retendant le muscle orbiculaire des paupières. Dans ce domaine, une nouvelle approche est possible par l’endoscopie et le laser, qui suppose pour la première une incision cutanée limitée, et pas d’incision du tout pour le second. Mais toutes ces techniques chimiques, mécaniques ou chirurgicales peuvent être, selon les cas, associées pour de meilleurs résultats. 152 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page153 LE CORPS REVISITÉ Quelles sont les indications précises d’un lifting du visage ? Comment procédez-vous ? Il n’existe pas un seul mais plusieurs liftings, car chaque geste est adapté à chaque cas particulier : un lifting cervico-facial agira au niveau des tempes, sur le bas du visage et le cou ; un lifting frontal, un mask-lift, aura effet net au niveau du regard, des sourcils et du front ; ou des liftings dits partiels dont l’objectif est plus limité. C’est évidemment au terme d’une consultation adaptée, portant non seulement sur les réalités physiques du vieillissement, mais également sur les motivations psychologiques et la disponibilité de la patiente, qu’il conviendra de définir le geste approprié. L’explication des techniques, sans forcément entrer dans les détails, mais en insistant bien sur les suites opératoires et les inconvénients, est déjà un élément rassurant de l’intervention. L’anxiété avant une opération est un sentiment normal. C’est même un phénomène protecteur. On ne peut envisager une intervention quelle qu’elle soit sans une appréhension ; il s’agit donc de la contrôler et c’est le cas de la majorité des patientes. Une intervention au niveau du visage peut se concevoir de façon isolée, c’est ce que l’on appelle le lifting simple, ou être associée à d’autres gestes complémentaires, pour optimiser le résultat. On peut ainsi pratiquer une chirurgie esthétique des paupières ou atténuer les rides de la patte-d’oie, du visage ou des lèvres au laser, avec un peeling ou une dermabrasion. Là aussi, le choix de la technique dépend des spécificités tissulaires du patient. 153 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page154 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE Le lifting cervico-facial est l’intervention la plus fréquemment pratiquée. Il reproduit le résultat observé par la femme qui, devant son miroir, tend sa peau sur les pommettes, et voit se redéfinir l’ovale de son visage et son cou se retendre. L’intervention se fait en général sous anesthésie générale ou légère. Son principe, une fois la peau décollée, est de remettre en tension les muscles à leur bonne place et de retirer l’excès de graisse au niveau des bajoues et du double menton. Il s’agit donc d’une nouvelle répartition des volumes. La durée de l’hospitalisation est de vingt-quatre à quarante-huit heures, et un pansement est mis en place pendant quelques jours pour protéger les cicatrices. Au bout d’une dizaine de jours, l’œdème, c’est-a-dire le gonflement, diminue, et deux à trois semaines après l’opération, la reprise d’une activité tout à fait normale est possible. Avant l’intervention on prescrit parfois des médicaments anti-œdémateux ; la patiente doit procéder éventuellement à ses soins de cheveux, car elle ne pourra refaire une teinture qu’un mois après l’opération. Le port d’un foulard et de lunettes teintées assure la discrétion à la sortie de la clinique. Dès le dixième jour après l’intervention, la patiente peut se remaquiller normalement et les fils qui en général sont résorbables font l’objet de soins antiseptiques. Dans certains cas, on propose à la patiente des massages ou des drainages au niveau du visage, qui accélèrent la résorption de l’œdème. Certains gestes ont un effet localisé, comme le lifting partiel, cervical qui n’agit que sur le cou : la cicatrice se trouve derrière l’oreille. L’intervention, plus courte, 154 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page155 LE CORPS REVISITÉ dure environ une heure et les suites opératoires ne s’étendent que sur huit à dix jours. Quand c’est la partie supérieure du visage qui est corrigée, le lifting est temporal, avec une cicatrice dans le cuir chevelu. Il remet en tension le tiers supérieur du visage. Là aussi, le geste opératoire est plus simple (une heure d’intervention) et les suites plus rapides. Un lifting frontal, avec une incision dans le cuir chevelu, atténue l’ensemble des rides du front, remonte les sourcils et améliore l’obliquité du regard. Une variante de cette technique est le mask-lift qui s’avère aussi efficace mais est réalisé de façon plus profonde. Un progrès tout à fait notable en matière de lifting du front, est la chirurgie dite endoscopique. L’intervention est réalisée sous contrôle visuel par fibre optique et à l’aide d’une instrumentation tout à fait adaptée. Cette opération peut remplacer un lifting frontal en agiss a n t sur l’ascension des sourcils et les rides intersourcilières avec des suites opératoires très atténuées. Ce progrès trouvera sans doute des indications de plus en plus étendues. Le lifting cervico-facial reste pour la majorité des cas une intervention féminine. La cicatrice située à l’intérieur et derrière l’oreille est d’une discrétion remarquable, et la longueur des cheveux de la femme, le port de boucles d’oreilles permettent de mieux la cacher. Chez l’homme, la différence se situe au niveau des cicatrices à cause des cheveux plus courts et de l’absence de maquillage. Le tracé de l’incision se fait à l’intérieur et derrière l’oreille. Il reste discret et l’on recommande au patient de laisser pousser ses pattes de cheveux, pour cacher la cicatrice. Par ailleurs, pour que cette intervention soit discrète, on lui demande de laisser pousser 155 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page156 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE sa barbe pendant les dix à quinze jours qui suivent l’opération. La barbe naissante masque complètement l’œdème et les ecchymoses, ce qui permet au patient, au terme de deux semaines, et une fois rasé, d’apparaître sans aucun signe de l’intervention mais avec une meilleure mine. Une question essentielle est de savoir quand recourir à un lifting… Il ne s’agit pas de conseiller le lifting dès l’apparition des premières ridules, mais il est évident que l’intervention réalisée plus tôt, sur une peau de meilleure qualité, permet des résultats plus durables. Cela étant, il n’est pas souhaitable d’attendre que l’affaissement soit très marqué, les rides plus importantes, ou la peau plus fragile, car l’effet peut paraître trop spectaculaire. Le résultat sera moins durable, puisque la qualité des tissus est moins bonne, d’autant que cette intervention a comme objectif principal de rester jeune plutôt que de rajeunir. Tous les patients souhaitent un résultat qui ne se « voie pas »… Ils ont peur, à juste titre, des visages figés et excessivement tendus qui perdent leur expression. Il faut quand même savoir que ces visages presque caricaturaux sont souvent dus à des techniques anciennes qui n’agissent pas sur les muscles ni sur la graisse, mais tirent excessivement la peau. Ou bien ces personnes aux traits figés ont déjà quatre ou cinq liftings à leur actif, et leur peau a perdu toute sa souplesse et toute son élasticité. Le succès de tout lifting dépend bien entendu de la compétence du chirurgien, mais aussi de la qualité des tissus de la patiente. Les suites opératoires devront être minutieusement contrôlées par l’équipe chirurgicale 156 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page157 LE CORPS REVISITÉ pendant les deux mois suivant l’intervention. Les conseils postopératoires sont rigoureux, et une bonne hygiène de vie est un facteur essentiel pour augmenter la durée et l’efficacité de l’intervention. Il arrive parfois d’observer, quatre ou cinq ans plus tard, un léger relâchement de ce lifting chez certains patients. Dans ce cas, on effectue une petite retouche qui redonne une netteté au visage. De plus en plus, d’ailleurs, il paraît intéressant de concevoir tous les quatre ou cinq ans quelques petites corrections, sous anesthésie locale, pour améliorer le résultat et retarder l’échéance d’une autre intervention. Cette chirurgie à petits pas connaît un grand succès aux Etats-Unis et va s’intégrer très rapidement dans nos habitudes. Quelle est l’importance du nez dans un visage ? Doit-il avoir une forme particulière pour être un élément de beauté ou d’harmonie ? Le nez confère au visage sa symétrie ou son asymétrie. Il est présent dans le miroir, de face comme de profil, et l’on peut comprendre que le moindre des ses défauts focalise toute l’attention du sujet. Nous nous structurons avec ce nez au milieu du visage, quel qu’il soit. C’est surtout au sortir de la puberté qu’il prend sa forme définitive et une fonction esthétique plus importante. On connaît les malheurs de Cyrano de Bergerac avec son nez démesuré, ceux de Pinocchio qui ont fait 157 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page158 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE trembler de nombreux enfants, effrayés de sentir le mensonge s’inscrire sur leur visage. Le cauchemar ou le rêve, mais toujours cette sublimation du nez pour tenter de mieux vivre avec. Ceux qui ne parviennent à trouver ce compromis ont la possibilité d’avoir une intervention de chirurgie esthétique. J’écarterai d’emblée les « récidivistes » qui n’en finissent pas de se refaire un nez pour se refaire un visage ; ils sont rares mais leur quête n’est plus esthétique, elle est réparatrice d’une identité peu ou mal assumée. Lorsque le nez fait obstacle à une harmonie du visage, à une expression de soi, il vaut mieux tenter de le corriger, sans le changer radicalement. Les rhinoplasties esthétiques aujourd’hui n’aboutissent plus au même nez pour tous, à ce petit nez dit « à la parisienne ». Au contraire, nous sommes capables de faire disparaître une bosse, une longueur ou une forme trop proéminentes sans modifier la personnalité, l’expression d’un visage. A l’époque des grandes stars du cinéma, un nez trop long était jugé gênant pour régler les lumières. Ses ombres rompaient l’harmonie. De nos jours le problème ne se pose plus, compte tenu des progrès techniques de la photo et du cinéma : on règle mieux les éclairages, et l’utilisation de la couleur réduit tous ces reliefs d’ombres et de lumières. Dans la majorité des cas, les patientes souhaitent un nez droit et naturel qui s’intègre harmonieusement à leur visage, et sur lequel on ne remarque pas les signes d’une intervention. Il est rare, voire exceptionnel, qu’une patiente demande de façon extrêmement précise le nez de telle ou telle personne connue. Comme d’autres éléments du corps et du visage, le nez évolue dans le temps. La peau et les cartilages s’épaississent, l’élasticité est moindre, la pointe du nez « tombe ». 158 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page159 LE CORPS REVISITÉ Certaines opérations, dont le but est d’obtenir un effet de rajeunissement du visage, peuvent comporter un geste sur le nez qui, affiné et remis en place, atténue parfois notablement l’apparence du vieillissement. Le nez est constitué de trois structures bien distinctes : une base osseuse (ce sont les os propres du nez), un relief cartilagineux (à la pointe du nez) et un revêtement cutané sur son ensemble. Chacun de ces trois éléments peut de façon isolée ou combinée être à l’origine d’une légère dysharmonie. Ainsi peut-il exister une bosse, c’est-à-dire une croissance exagérée au niveau osseux et cartilagineux ; ou une pointe large, c’est-à-dire une hypertrophie du cartilage, ou au contraire un nez long dû à une cloison nasale trop développée. Ces différentes anomalies, associés de façons diverses, motivent une intervention chirurgicale. Elle est fréquemment pratiquée entre dix-huit et trente ans, au sortir de la puberté, et en accord total avec les parents. En tout état de cause, il faut respecter l’harmonie des volumes et des proportions qui permettra au nez de s’intégrer naturellement dans le cadre de l’ensemble du visage sans lui ajouter une caractéristique particulière, que ce soit de face ou de profil. Les progrès importants dans la connaissance de l’anatomie, et des techniques chirurgicales sur les différents éléments du nez, permettent des rhinoplasties très personnalisées, sur tout ou une partie du nez, et l’on parle de rhinoplastie conservatrice, de rhinoplastie de pointe, de rhinoplastie a minima. Il est même possible de reconstituer un nez lorsque certaines formes de cartilage sont anormales ou déviées. On fait alors appel à des techniques de greffe de cartilage, prélevée sur la cloison nasale. Mais cette opération reste complexe, car outre 159 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page160 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE l’aspect technique l’évolution de ces différents tissus modifie petit à petit le nez jusqu’à ce qu’il se « pose » vraiment au bout d’un an environ. Parfois on fait une petite retouche pour obtenir un résultat plus adapté et une harmonie plus complète : on rétrécit les narines ou on affine la pointe du nez. Dans le cadre du bilan préopératoire, on demande des photos aux patients pour préciser l’aspect du nez de profil, et donner une idée du résultat final auquel le patient s’habitue progressivement. Dans la majorité des cas, la rhinoplastie esthétique est indiquée pour une bosse ou une pointe un peu épaisses. Certains cas sont techniquement difficiles à réaliser, je pense au nez dit de Cyrano à cause de l’hypertrophie des cartilages et de la peau, et de l’exagération des reliefs. J’ai eu pour patiente une ravissante Antillaise, mannequin de profession. Elle était grande et mince, bien sûr, mais elle souhaitait corriger son nez un peu épaté. Il fallait en affiner la pointe et la base tout en le projetant légèrement. Cela était possible et simple. Je l’ai revue quelques semaines après cette intervention. Je suis revenu aux photos d’avant l’opération : elle était jolie avant mais la différence était spectaculaire. Cette simple correction l’a rendue encore plus belle ! Je sais, par expérience, ce que l’on peut obtenir en chirurgie esthétique mais certains résultats sont étonnants. La patiente elle-même et son amie qui l’accompagnait éclatèrent de rire en voyant la photo d’avant, témoignant à leur manière de leur surprise et de leur satisfaction. Il est surprenant de voir comment les patientes et leur entourage oublient leur aspect initial pour intégrer très vite le résultat postopératoire. 160 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page161 LE CORPS REVISITÉ Le résultat que l’on obtient n’est pas seulement relatif à la technique employée, mais aussi à la qualité des tissus et de la peau des patients opérés. Comme pour toute intervention, compte tenu de la place du nez dans le visage et de l’âge du patient, les suites opératoires entraînent des modifications du comportement : on observe une plus grande ouverture par rapport aux autres et des efforts pour améliorer toute la silhouette, comme si le corps et l’esprit étaient vécus et représentés autrement. La calvitie est le « mal » des hommes, mais la chirurgie esthétique vient à leur secours. Comment procédez-vous pour remédier à la calvitie ? Les cheveux constituent un élément esthétique important pour les femmes et les hommes. Ils sont l’objet de fantasmes, le point de départ de grands récits mythologiques. Ils encadrent le visage, le dévalorisent ou au contraire l’embellissent. Or les hommes ont hélas l’inconvénient de les perdre prématurément, parfois brutalement, à la suite d’un choc psychologique. De l’époque biblique à nos jours, en passant par la civilisation égyptienne et romaine, la chevelure – sa beauté, son abondance – est pour les deux sexes un atout important de l’aspect esthétique. Elle est pour la femme un symbole de provocation sexuelle. Pour l’homme elle incarne, depuis Samson, l’invincibilité, la force, la vitalité. Le scalp ou le crâne rasé sont synonymes d’une défaite ou d’une humiliation que l’on s’inflige, ou que les 161 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page162 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE autres vous imposent. Autrement dit, la chevelure est un critère évident de beauté et de jeunesse. Chez l’homme, même grisonnantes, les tempes restent un élément de charme et de séduction. Les coiffures évoluent au gré des modes, mais les cheveux, leur abondance ou leur couleur sont toujours une parure chargée de sens. Les hommes qui se « déplument » ont le sentiment désagréable de perdre aussi leur ramage, d’autant plus que, lorsqu’elle est mal vécue, la calvitie est difficile à cacher malgré toutes les perruques et les postiches dont on dispose. En France, neuf millions d’hommes sont concernés par la calvitie ! Il est intéressant de comparer le problème de la calvitie chez l’homme à celui de la cellulite chez la femme… A chacun ses soucis ! Ces deux manifestations, qui ont un caractère héréditaire et une composante hormonale, ont des retentissements tout à fait différents pour les deux sexes. Les femmes sont, en général, beaucoup plus sensibles et embarrassées par leur cellulite. Sans doute est-on plus indulgent pour l’homme, chez qui la calvitie est vécue comme une disgrâce esthétique mais pas forcément comme un handicap à la séduction. A l’évidence, les femmes sont plus tolérantes pour le physique des hommes ! Dans la grande majorité des cas, l’alopécie masculine est d’origine séborrhéique. Elle présente des caractéristiques cliniques et évolutives particulières. C’est au niveau des régions temporales que la chute apparaît d’abord, de façon plus marquée sur les côtés (golfes temporaux), isolant progressivement un îlot médio-frontal (le toupet). 162 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page163 LE CORPS REVISITÉ La région occipitale dans le même temps se dégarnit, c’est la tonsure. Selon les cas, la chute de cheveux apparaît plus précocement ou est plus importante soit en avant (région frontale), soit en arrière (région occipitale). Peu à peu, ces deux zones de calvitie se rapprochent l’une de l’autre, ne laissant qu’une couronne chevelue périphérique et réalisant la calvitie « hippocratique ». Sur le plan psychologique, la chute de cheveux chez l’homme est vécue de façon variable. Cela peut aboutir à un véritable état pathologique et obsessionnel, car la calvitie est une atteinte à l’image de la jeunesse et du dynamisme, et à la virilité. Elle est aussi ressentie par certains comme le signe d’un vieillissement prématuré. L’indication chirurgicale et le déroulement des différentes interventions doivent tenir compte de la façon dont le patient « vit » sa calvitie. Si, jusqu’à présent, la correction chirurgicale de l’alopécie n’est pas aussi pratiquée qu’elle le devrait, cela est en partie dû aux résultats encore discutables obtenus par les anciennes interventions. La transplantation capillaire, technique d’Orentreich, repose sur le principe du prélèvement de petites greffes de cheveux sur la région occipitale et greffées dans la région glabre. Les greffons retenus à l’origine de cette technique, d’un diamètre de 4 millimètres en moyenne, comportaient de 10 à 15 follicules pileux. Le résultat aboutissait à une redensification capillaire de la zone alopécique, mais l’aspect n’était pas naturel. Chaque greffon séparé de ses voisins ressemblait aux « cheveux de poupée », qui signait l’intervention. L’utilisation de micro-greffes voire de greffes cheveu par cheveu est un formidable progrès, elle permet une amélioration naturelle et spectaculaire des résultats. 163 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page164 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE La micro-implantation capillaire résout de façon rapide, simple, sous anesthésie locale, la majorité des problèmes posés par les différentes calvities. Il est probable que ce progrès technique est à l’origine d’une demande croissante en matière de correction de l’alopécie. Dans d’autres cas plus rares, certaines techniques chirurgicales peuvent compléter l’action des microimplants de cheveux. Les techniques de réduction tonsurale, de lambeau du cuir chevelu ont ainsi vu leurs indications décroître, même si elles se révèlent encore utiles. Mais, là aussi, le vécu psychologique du patient implique que l’on traite la calvitie au cas par cas. Pouvez-vous tout nous dire à propos des seins et des interventions qui les concernent ? Le sein est le symbole de la féminité, refoulée, affirmée ou exhibée… Il est de toutes les modes et de tous les fantasmes. Du plus loin de notre histoire à nos jours, il incarne la femme, la mère, la volupté, la douceur de vivre et la beauté féminine. La mythologie est riche d’histoires le concernant. On lui attribue des formes, des fonctions réelles ou imaginaires. Quand il est altéré par les grossesses, le vieillissement ou une maladie, la femme revendique le droit de savoir, de comprendre les causes de ses modifications. Elle se sent amputée d’une partie essentielle de sa féminité. S’il est vrai que la conception de la beauté a beaucoup changé, l’harmonie d’ensemble reste un élément 164 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page165 LE CORPS REVISITÉ essentiel de l’équilibre esthétique. Ceci confère à toutes les demandes d’intervention une importance fondamentale, qui traduit une remise en question globale et un mal être. Il n’est pas un organe du corps humain plus chargé d’émotion que le sein ; il englobe et associe l’image de la mère nourricière et de la féminité épanouie. Il est la source de la vie, où les nouveau-nés vont trouver la nourriture essentielle de leur croissance, en même temps que le signe le plus évident de l’identité sexuelle de la femme. A l’origine, dans les civilisations préhistoriques, et dans les sociétés actuelles dites « primitives », le sein souvent dénudé est d’abord un élément nourricier. Son pouvoir érotique s’est développé avec les premiers signes d’organisation sociale moderne. Si de façon unanime les religions refusent les seins qui s’exhibent, c’est pour dissiper le trouble qu’ils suscitent dans la réalité et dans les fantasmes. Comment, alors, ne pas reconnaître le rôle prépondérant de la poitrine, parmi les atouts de séduction et dans l’expression de la beauté. Qu’est-ce qu’une telle poitrine ? Avant tout, une poitrine ferme et tonique. Son galbe, plus que son volume, détermine son esthétique, même si la mode est au décolleté généreux et les fantasmes portés sur les poitrines les plus opulentes. Le sein n’est pas un muscle, la gymnastique n’a sur lui aucun effet, il est composé de tissus adipeux et glandulaire (qui produit le lait). De la naissance à la puberté, le sein reste une ébauche, en apparence identique chez le garçon et la petite fille. Celle-ci, mue par la coquetterie et le désir d’affirmer les débuts de sa féminité, portera un maillot une pièce ou un soutien-gorge… Vers l’âge de douze ans, la puberté féminine se caractérise par la sécrétion d’hormones spécifiques dont les effets vont se manifester sur 165 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page166 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE l’ensemble du corps. C’est la métamorphose : la chrysalide devient un beau papillon, la femme apparaît, ses formes s’arrondissent, la taille grandit, les seins poussent, fermes et beaux. La qualité de la peau est un élément essentiel de cette esthétique du sein, car sa tonicité, son élasticité rendent compte de son maintien et de sa fermeté. On dit d’ailleurs qu’elle est le soutien-gorge naturel de la poitrine. A partir de ce stade, le volume du sein va prendre l’aspect de sa maturité. Selon les cas, les facteurs héréditaires et le poids, la poitrine peut être volumineuse, moyenne ou petite. A ce stade elle est toujours belle, sauf dans les cas de gigantomastie, où le volume excessif et anormal crée une réelle dysharmonie avec l’ensemble de la silhouette. Une poitrine trop lourde peut provoquer des douleurs dans la colonne vertébrale, mais elle reste un élément de fierté de la jeune fille, qui voit le regard des autres se porter autrement sur elle. Au cours de la vie de femme, les seins vont évoluer et se modifier en fonction de la fin du cycle menstruel. C’est surtout lors de la grossesse, bien sûr, dès le troisième mois, que le sein se modifie et se prépare à fabriquer le lait. La poitrine s’épanouit, pour dès la naissance assurer son rôle nourricier. A chaque grossesse, le sein subit les mêmes modifications. Souvent, du fait de ces variations multiples, il se produit une atrophie de la glande, une réduction progressive de son volume. La peau n’a plus la même élasticité, elle se trouve en excédent par rapport au contenu et le sein s’affaisse par rapport à sa position initiale. C’est la ptose mammaire qui s’accompagne d’une perte de tonicité et de fermeté. Cette évolution est mal vécue par les femmes, puisque ce sein jusqu’alors très beau devient inesthétique. 166 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page167 LE CORPS REVISITÉ Trop petits, trop gros, trop bas, trop mous, les seins sont au centre de nombreuses préoccupations féminines et conjugales qui conduisent les femmes à consulter un chirurgien esthétique pour retrouver la beauté d’avant la grossesse, ou donner à la poitrine un volume plus important… Certaines patientes vont exprimer très naturellement leurs préoccupations, d’autres prendront des chemins détournés avant d’arriver au but de leur visite. L’essentiel est de les laisser libres de formuler leur demande, pour qu’elle soit claire et précise, dans un climat de confiance mutuelle. Le chirurgien peut mieux apprécier s’il s’agit d’une véritable disgrâce, ou d’un défaut mineur, amplifié par un désir de perfectionnisme exacerbé. Dans tous les cas, le déroulement de l’intervention sera expliqué dans ses moindres détails, adapté au mode de vie de la patiente, à ses préoccupations personnelles, familiales ou professionnelles. Les interventions pratiquées sur les seins sont de différents ordres. La réduction mammaire a pour but de diminuer le volume de la glande, disproportionné par rapport à la silhouette. Souvent, du fait de l’excès de poids et de volume, une ptose et une distention cutanée s’associent. Cette hypertrophie mammaire peut même avoir un retentissement sur la statique vertébrale, préjudiciable à long terme. Cette disgrâce est aussi mal vécue psychologiquement, et c’est souvent entre seize et vingt ans que la motivation chirurgicale s’exprime. A cet âge l’indication majeure étant d’ordre psychologique, on rétablit l’équilibre de la silhouette, qui retrouve une normalité par rapport aux autres jeunes femmes de même âge. Lorsqu’une patiente est plus âgée, on lui conseille d’attendre le terme de ses grossesses avant d’envisager 167 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page168 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE une intervention. Dans tous les cas les motivations sont importantes, car les seins sont « lourds à porter » au sens propre et figuré de l’expression. Une poitrine volumineuse contraint en effet à des ruses vestimentaire, elle gêne certaines postures dans la vie courante, empêche de faire du sport et entrave la mise en valeur de la silhouette. L’intervention va soulager de manière spectaculaire la patiente, mais elle comporte l’inconvénient de laisser des cicatrices discrètes mais visibles. L’incision est faite autour du mamelon, elle comporte aussi un segment vertical et horizontal sous le sein. La longueur de la cicatrice va dépendre de la ptose et du degré d’hypertrophie. Certes, le rôle du chirurgien est de laisser le moins de cicatrices possible, mais l’essentiel est de privilégier la forme du sein pour obtenir un résultat harmonieux. Si la durée d’hospitalisation est brève (de vingt-quatre à quarante-huit heures), la convalescence dure huit à dix jours et la reprise de toute activité se fait ensuite rapidement. Quand aux résultats, ils sont très satisfaisants pour l’ensemble des patientes, il est étonnant de constater à quel point elles se sentent soulagées et fières de leur nouvelle poitrine. Je me souviens d’une jeune patiente de dix-sept ans ; elle mesurait 1,58 mètre et avait une très forte poitrine. Elle se laissait grossir pour en cacher le volume. Elle est venue me voir avec sa mère, mais elle restait enfermée dans un mutisme obstiné, sans pour autant perdre une miette du dialogue entre sa mère et moi. Il était évident que les détails la concernant la gênaient beaucoup, et il me paraissait indélicat, vu son âge, de lui demander d’attendre le terme de ses éventuelles grossesses. Il était tout aussi illusoire de l’orienter vers une psychothérapie qui n’aurait eu aucun effet sur le vécu de ce réel défaut physique. L’intervention s’impo- 168 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page169 LE CORPS REVISITÉ sait et la rançon cicatricielle lui semblait un moindre mal. Une fois opérée, elle est redevenue volubile, enjouée, son dynamisme a pu s’exprimer, et elle s’est empressée de mincir pour redonner une belle harmonie à sa silhouette. Je me souviens d’un week-end passé en Normandie. J’accompagnais l’une de mes filles à la piscine et j’aperçus sur l’autre bord du bassin une jeune femme souriante qui me faisait de grands signes. Comme je fixais mont attention pour tenter de l’identifier, la jeune femme, sans aucune gêne apparente, a enlevé son teeshirt pour me montrer sa poitrine, comme un signe de reconnaissance. Pour conserver le ton d’une plaisanterie complice, je lui a adressé un regard réprobateur sur son attitude… Nous en avons ri, et j’avoue qu’au fond j’étais très heureux pour elle… Un peu fier aussi… mais j’ai surtout compris que cette réduction mammaire effectuée sur sa poitrine était justifiée et nullement encombrée par les cicatrices. Les seins trop petits posent aussi un problème à certaines femmes. Elles sont très nombreuses en France, chaque année, à demander une augmentation mammaire. Ce sont des patientes qui, au terme de la puberté, n’ont pas vu leurs seins grossir. Ou qui, au terme de leurs grossesses, les ont vus s’affaisser et se réduire. Ces dernières s’y habituent d’autant moins qu’avant la grossesse leur poitrine était ferme et que pendant la grossesse elle avait pris du volume tout en conservant sa fermeté. Certaines femmes, pour des raisons personnelles ou psychologiques, souhaitent donner plus de volume à leur poitrine normale, sans doute pour donner plus de « relief » à leur féminité. La technique de l’augmentation mammaire est simple : elle consiste à mettre en place un 169 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page170 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE implant, ou prothèse, soit derrière, soit devant le muscle. Elle s’effectue sous anesthésie générale, et c’est une toute petite incision que l’on fait au niveau de l’aisselle ou de l’aréole. Au terme de vingt-quatre heures d’hospitalisation, la convalescence s’étend sur une dizaine de jours et la vie redevient tout à fait normale. Pour toutes ces indications il est important de préciser quelques éléments que j’explique lors de la consultation : - le volume de la poitrine désiré par la patiente fait l’objet d’une décision très précise sur la base de photos relevées dans les magazines et apportées par la patiente. Nous les regardons, nous en discutons et nous tentons de définir l’aspect le mieux adapté en fonction de la morphologie de la patiente ; - le deuxième élément important est de détailler les inconvénients de l’intervention. La principale complication reste la formation d’une coque. La prothèse étant un corps étranger, l’organisme réagit systématiquement à sa présence, par la constitution d’une membrane autour de la glande. Cette membrane reste souple le plus souvent et ne change rien à la consistance du sein. Parfois, pour des raisons que l’on ignore, cette enveloppe durcit, prend l’aspect d’une coque et donne aux seins un aspect peu naturel. Les coques se forment dans 5 % des cas, et il est important d’en informer la patiente pour lui permettre d’être vigilante et dépister au plus tôt l’éventuelle formation de cette coque. En dehors de son aspect inesthétique, la coque ne comporte aucun élément de gravité. Il est possible de la traiter et de la réduire ; - enfin, le troisième élément est plus technique. On dispose actuellement de trois types de prothèses. Toutes comportent une enveloppe de silicone solide, c’est leur 170 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page171 LE CORPS REVISITÉ contenu qui est différent. Certaines contiennent du sérum physiologique, d’autres du gel de silicone, d’autres de l’hydrogel, un produit à base de polysaccharides, de sucres. Les prothèses à bas de sérum physiologique et de gel de silicone sont utilisées depuis trente ans. Des millions de femmes en bénéficient dans le monde, et hormis le problème des coques, dont la fréquence a diminué grâce à une texture plus appropriée, aucun inconvénient particulier n’est apparu. Il a fallu la polémique venue des États-Unis, ces dernières années, pour mettre en cause le gel de silicone, tenu pour responsable de diverses affections, notamment les maladies auto-immunes, des maladies rares mais graves. A ce jour, toutes les études menées en Europe et dans le monde n’ont pas prouvé la nocivité de ce produit. Au contraire, elles confirment son innocuité. En France, les comités d’experts composés de cancérologues, de dermatologues, de plasticiens, d’allergologues et de rhumatologues ont été réunis par les pouvoirs publics pour procéder à une enquête. Ces experts, au terme de l’enquête, ont conclu que les prothèses de silicone ne sont pas incriminées dans ce type de maladie, mais elles nécessitent le même suivi et la même vigilance que pour tous les corps étrangers dans l’organisme humain. Malgré toutes ces enquêtes scientifiques et leurs résultats rassurants, la machine médiatique s’est emballée et la suspicion des patientes persiste sur l’utilisation de ce produit. Cet exemple est caractéristique de la dérive de certains médias qui, avant toute enquête scientifique, ou sans attendre de résultats, favorisent le sensationnel. L’information se détourne alors de sa vraie mission, au 171 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page172 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE risque de déstabiliser les patientes, et de divulguer des hypothèses qui n’ont aucune réalité scientifique. D’autant que cette intervention d’augmentation mammaire, lorsqu’il n’y a pas de coque, est l’une de plus magiques de la chirurgie esthétique. Le résultat est spectaculaire, la silhouette est revalorisée, rééquilibrée et sans cicatrice visible. De très nombreux mannequins y recourent et pas uniquement pour des raisons professionnelles. J’ai eu la chance d’en opérer un certain nombre. Des femmes très belles qui le sont devenues un peu plus après. Elles font la une des journaux, elles exhibent leur nouvelle poitrine couverte ou dénudée, elles alimentent les fantasmes mais elles sont fières de leur silhouette, c’est là l’essentiel. Le secret professionnel m’impose bien sûr une discrétion totale, mais j’espère que ces patientes comprennent aussi mon plaisir de les voir épanouies, ma fierté d’obtenir ces résultats. Les patientes sont nombreuses, aussi, qui viennent au terme de leur grossesse corriger une ptose mammaire. Leur poitrine affaissée nécessite un remodelage vers l’âge de trente-cinq, quarante ans ; une façon pour elles d’accepter leur maternité sans en subir les traces sur leur féminité. Dans certains cas, lorsque la ptose est petite et la quantité de glande à retirer faible, on se contente d’une simple incision autour de l’aréole. Plus la ptose est importante, plus importante est la cicatrice, en T inversé, fine et bien surveillée dans les suites postopératoires. Une cicatrice est toujours évolutive dans les six premiers mois, elle ne devient stable qu’au bout d’un an. La région des seins cicatrice moins bien que le visage, mais avec un suivi minutieux on évite toute complication. Dans un grand nombre de cas actuelle- 172 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page173 LE CORPS REVISITÉ ment, la cicatrice peut être réduite à l’aréole plus souvent, avec parfois un petit prolongement vers le bas. Il y a, dans ce domaine, d’importants progrès qui vont permettre d’accroître les indications opératoires dans un bref délai. En amont de toutes ces interventions concernant les seins, il est très important d’assurer le plus possible la stabilité du résultat. Il faut les entretenir avec autant de soins que le visage ou le cou. Il faudrait porter un soutien-gorge pour mieux soutenir le poids de la glande, surtout lors des activités sportives. Il faudrait éviter les longues expositions au soleil qui fragilisent et accélèrent le vieillissement de la peau ; l’écran total est tout aussi recommandé pour les seins que pour le visage. Il serait bon enfin d’éviter les régimes « yo-yo », qui entraînent des variations de poids néfastes pour la peau et le maintien des seins. Cette partie de l’anatomie si importante pour les femmes devrait faire partie des soins quotidiens qu’elles apportent à leur corps ; C’est souvent trop tard qu’elles se rendent compte que les défauts concernant les seins ont des retentissements psychologiques au niveau de leur féminité. L’intervention esthétique concernant les seins estelle différente lorsque la patiente a été affectée par un cancer ? Le cancer du sein est probablement l’un des plus fréquents des cancers de la femme. Sa gravité et sa fréquence ont donné lieu à de véritables campagnes de sen- 173 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page174 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE sibilisation, réalisées aussi bien par les médias que par les médecins. Cette sensibilisation est devenue une forme de prévention. La palpation du sein par le médecin ou le gynécologue, son autopalpation sont désormais des gestes systématiques, pour déceler une tumeur ou un nodule de petit volume, et assurer ainsi un diagnostic précoce, un traitement plus efficace et un bien meilleur pronostic. La maladie cancéreuse n’est pas encore connue dans son mécanisme intime. Cependant, son mode de constitution, les dérèglements cellulaires et les modes de propagation des cellules cancéreuses sont relativement bien cernés. A défaut d’éviter son apparition (ce qui sera peut-être possible demain), l’essentiel est de détecter la moindre anomalie, avant qu’elle ne s’exprime sur le plan clinique, bien avant qu’une douleur apparaisse, pour pouvoir mieux l’explorer. Car dès que la maladie est décelée à un stade précoce, alors même que le développement ne s’effectue qu’à un niveau local, les possibilités techniques de dépistage, mammographie, échographie et autres examens plus complexes, permettent de nous orienter vers un diagnostic précis. Ce qui conduit ensuite à un geste chirurgical : l’ablation de la lésion suspecte, aussitôt analysée en laboratoire, permet de savoir si la lésion est de nature cancéreuse, de quel type de cancer il s’agit et son évolution. Tant que la tumeur reste locale, elle reste du meilleur pronostic. Comme on le sait, la maladie cancéreuse doit sa gravité à sa dissémination cellulaire, c’est-à-dire à l’apparition de métastases, et à la colonisation d’autres régions. La première étape d’extension est régionale, c’est l’atteinte des ganglions, situés au niveau de l’aisselle 174 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page175 LE CORPS REVISITÉ (les ganglions axillaires). Les chaînes ganglionnaires de l’aisselle sont nombreuses et le nombre de ganglions atteints est également un élément de pronostic et de gravité. Au-delà de la dissémination régionale, le risque est à la propagation générale, c’est-à-dire aux métastases à distance, à l’atteinte d’autres organes, osseux, hépatique ou autres. Malgré sa gravité, et du fait de cette sensibilisation accrue au cancer du sein, le pronostic a radicalement changé, et la fréquence des guérisons est aujourd’hui importante. La survenue d’un cancer du sein reste bien sûr une maladie grave et un traumatisme profond qui déstabilise la femme dans ce qu’elle a de plus vital. C’est la vie même qui est en jeu, et c’est un problème d’ordre général qu’il faut prendre en compte, bien avant les problèmes plus spécifiques du sein. Ainsi, la réparation du sein est un élément important mais, dans ce contexte, elle reste secondaire. L’essentiel étant de guérir la patiente, de mettre en œuvre tous les moyens nécessaires, compte tenu des caractéristiques cliniques et histologiques de la lésion, pour obtenir la guérison. Ces moyens d’ordre chirurgical sont complétés par la radiothérapie ou la chimiothérapie. Lorsqu’il y a quelques années l’un des premiers chirurgiens plasticiens a évoqué la possibilité de reconstruction du sein après cancer, un tollé général a accueilli sa communication. Ceux qui y ont assisté se souviennent encore des critiques les plus vives dont il a été l’objet tant il paraissait impensable, à ce moment-là, de parler d’esthétique, quand il s’agissait d’une tumeur aussi grave. Bien des choses ont changé depuis, et les critiques les plus durs sont devenus parmi les plus ardents 175 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page176 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE défenseurs du principe de la reconstruction du sein après cancer. Il a fallu pour cela que les techniques progressent, que les mentalités évoluent et que la reconstruction fasse preuve à la fois de son innocuité et de son efficacité. Il était légitime, effectivement, de penser que réopérer sur une région qui a été le siège d’un cancer pouvait entraîner une certaine évolutivité de ce cancer. Or il a été établi définitivement qu’il n’en est rien. Une fois la lésion enlevée, les tissus sur lesquels le chirurgien plasticien travaille sont des tissus normaux et le principe de la reconstruction est légitime. Il faut cependant, et c’est l’intérêt d’une confrontation des différentes spécialistes (gynécologues, cancérologues, plasticiens), être sûr des critères de guérison, ou du maximum de facteurs favorables à cette guérison, avant d’envisager la reconstruction. La femme accablée par la survenue d’un cancer et le risque vital qui y est associé, même guérie, se sentait incomplètement reconstituée à cause de la séquelle opératoire. En effet, de très nombreuses techniques existent pour enlever une tumeur du sein et, lorsque cela est possible, seule la tumorectomie, c’est-à-dire l’ablation de la lésion, suffit. Dans ce cas le sein est peu modifié dans sa morphologie. Mais parfois, lorsque l’on découvre tardivement le caractère invasif de la lésion, la mammectomie, c’est-à-dire l’ablation du sein, est le traitement le plus fréquent. Il est associé à une ablation des ganglions, qui seront étudiés pour évaluer l’extension régionale de la maladie. Même guérie, la patiente se retrouve traumatisée par l’ablation du sein, et ses conséquences sur sa féminité, sur ses relations conjugales et même, et de façon non accessoire, sur son mode d’habillement. 176 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page177 LE CORPS REVISITÉ La reconstruction du sein est importante mais secondaire par rapport à la guérison de la maladie. Pour autant, cette maladie guérie, apparaît une nouvelle « maladie », relevant de la chirurgie plastique, réparatrice et esthétique. Le but est alors de restaurer l’image de la femme dans son intégrité et dans sa féminité, en reconstruisant son sein. Toutes les femmes qui ont eu un cancer du sein et en ont été opérées ne sont pas demandeuses d’une reconstruction. Certaines, heureuses d’être guéries, vivent très bien avec les séquelles de cette intervention. Cette attitude qui n’est pas rare est respectable, voire rassurante, car ces patientes ont compris l’importance toute relative d’une reconstruction par rapport à leur survie. Pour des raisons tout aussi compréhensibles, d’autres patientes traumatisées par cette ablation du sein (mammectomie) n’auront de cesse de vouloir reconstruire et restaurer le plus vite possible l’image de leur féminité. Cette demande exprime aussi le désir de voir disparaître les séquelles d’une maladie qui aurait pu être grave. La reconstruction du sein après cancer pose au chirurgien plasticien les problèmes les plus représentatifs de cette spécialité. Reconstruire un organe à partir des tissus du voisinage est de la chirurgie réparatrice, mais il s’agit d’obtenir un sein symétrique par rapport à l’autre, ce qui relève alors de la chirurgie esthétique. Plus qu’aucune autre intervention, la reconstruction du sein après cancer prouve la filiation intime entre la chirurgie réparatrice et la chirurgie esthétique, voire une véritable identité de spécialisation. La chirurgie réparatrice doit tendre vers le résultat le plus esthétique, et la chirurgie esthétique comporte en elle toutes les motivations d’une véritable chirurgie réparatrice. 177 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page178 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE Face à la détresse d’une patiente qui découvre qu’elle a un cancer du sein, les spécialistes, gynécologue, cancérologue et plasticien, trouvent dans les possibilités de reconstruction des arguments d’un poids réel qui redonnent espoir à la patiente. Parler de reconstruction, c’est déjà envisager la guérison. C’est donc une chirurgie de l’espoir qui associe la guérison d’une maladie à la correction d’une mutilation. Et parce qu’elle est évoquée dès le début du traitement, la possibilité d’une reconstruction fait partie du traitement du cancer du sein, pour aider la patiente à en assumer les étapes difficiles. Le rôle du plasticien est important, ce qui lui est demandé n’est pas toujours facile à réaliser : il s’agit de restaurer un volume manquant au relief mammaire, d’assurer ensuite la symétrie avec le sein opposé et de reconstituer et redessiner une aréole et un mamelon. D’importants progrès ont été réalisés dans ce domaine, et différentes techniques existent en fonction de l’importance de la mammectomie, et des traitements complémentaires, de type radiothérapie, qui ont modifié l’élasticité de la peau. La reconstruction peut être envisagée peu de temps après la mammectomie. Elle dépend de l’élasticité des tissus restants, du côté où la mammectomie a été effectuée : - s’il existe un revêtement souple, excédentaire et de bonne qualité, la mise en place d’une prothèse mammaire suffit à restaurer une galbe satisfaisant et à reconstituer un volume suffisant ; - par contre, si la peau est tendue, peu élastique, il faut d’abord apporter au niveau du sein des tissus supplémentaires pour une reconstruction ultérieure. Pour 178 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page179 LE CORPS REVISITÉ trouver ces tissus supplémentaires, trois techniques sont possibles : apport de tissus de voisinage par l’intermédiaire d’un lambeau musculaire et cutané prélevé au niveau du dos, apport d’un lambeau musculaire et cutané à partir de l’abdomen, ou distension de la peau thoracique elle-même, par la technique de l’expansion tissulaire. Lorsque cet excédent de peau a été obtenu, grâce à une première intervention, il convient dans un deuxième temps de reconstituer le volume mammaire avec une prothèse. Ainsi, selon l’élasticité de la peau, on aura pu, en une ou deux interventions, reconstituer un galbe, le volume et la forme de l’autre sein seront ensuite symétrisés comme l’aréole et le mamelon. Cette intervention d’ordre esthétique et réparateur est très importante sur le plan psychologique et morphologique. Elle est devenue si simple techniquement qu’on en oublie les retentissements bénéfiques sur les patientes. En dehors de l’obésité, qui reste un problème médical, on parle aussi de la mode des femmes rondes voire grosses. Quelles sont la part de la réalité et celle de la fonction médiatique ? Dans les pays occidentaux, un certain nombre de problèmes ont été résolus, notamment celui de la faim. Or il paraît difficile de maintenir un poids satisfaisant, tant la tentation est importante au niveau alimentaire et la compensation d’accès facile. Conserver un poids 179 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:32 Page180 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE stable en fonction d’une éducation pour laquelle les nutritionnistes doivent être consultés afin d’établir le type d’alimentation qui convient à chacun. En principe, on devrait garder son poids, à quelques kilos près, de la maturité à la vieillesse. Or dans les sociétés occidentales et riches, la suralimentation a généré et multiplie les problèmes de surcharges pondérales. Un tiers des Américains, tous âges confondus, ont une tendance à l’obésité, au point d’avoir constitué une minorité revendicatrice, épuisée par les régimes et dont le slogan est « fat is beautiful ». On ne peut pas dire que l’obésité soit à la mode, mais, dans la mesure où elle est un véritable phénomène de société, on en parle, on la montre, et certains en font un atout pour compenser leur mal de vivre. Dire que la beauté est aussi dans l’obésité, je veux bien, à condition d’enfreindre tous les critères de la beauté traditionnelle, basée sur des proportions normales, harmonieuses. Mais elle n’est pas forcément non plus un critère de laideur. Simplement on n’est plus dans la norme, et l’obésité n’a rien à voir avec les rondeurs voluptueuses peintes au siècle dernier, ni avec les signes extérieurs de bonne santé prônés dans certaines régions. Anne Zamberlan, l’égérie de Virgin Megastore, a été l’une des premières « grosses » à s’afficher sur les murs de France. Et pourtant elle a souffert dans son corps : « Je l’ai méprisé, écrit-elle, parce que les autres le méprisaient, je l’ai abîmé parce que les autres voulaient que je ressemble à leur image. J’étais tellement grosse, tellement monstrueuse, tellement hors normes. J’ai meurtri mon corps pour leur regard. Je lui ai fait mal et j’en paie très violemment les conséquences corporelles : 180 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:33 Page181 LE CORPS REVISITÉ je garde des marques et des cicatrices de tous ces régimes que j’ai faits puis abandonnés puis refaits… Je me suis rendu compte que je devais m’aimer pour que les autres m’aiment aussi… » L’obésité est donc une vraie souffrance. L’excès de poids, même s’il est dû à plusieurs causes, n’existe que parce que l’on mange trop, par rapport à ses propres besoins, et que l’on manque d’activité physique. Attention, cependant, de ne pas tomber dans la tyrannie de la minceur, qui n’est pas non plus un gage de beauté. Dans la plupart des sociétés traditionnelles, la rondeur est considérée chez la femme comme le signe de sa capacité à porter des enfants. Chez l’homme, à défaut d’être esthétique, son embonpoint s’affiche comme un emblème de sa réussite sociale. En France, en Europe, les femmes préfèrent la norme classique, loin de l’androgynie des années 70, loin aussi malgré un certain tapage médiatique de la femme forte. Plusieurs facteurs sont donc à l’origine d’une surcharge pondérale. Des causes héréditaires et génétiques font que les enfants de parents gros doivent toujours se surveiller. Les graisses s’éliminent moins facilement chez les membres de ces familles prédisposées. Ces graisses accumulées sont dues aussi à des habitudes alimentaires : on mange trop gras, trop sucré, et on grignote beaucoup. Les causes psychiques, tels la dépression, les relations familiales conflictuelles ou le stress, entraînent une attitude boulimique ou une forte propension à consommer des pâtisseries ou des aliments sucrés, qui font évidemment grossir. La boulimie est une véritable anomalie du comportement, qui oscille entre une suralimentation hypercalorique et une attitude réactionnelle secondaire 181 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:33 Page182 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE pour corriger ces excès, réaction à type de vomissements provoqués ou à type de compensation médicamenteuse (laxatifs et diurétiques qui ne régulent jamais, au contraire, la prise de poids). Quant à l’enchaînement des régimes interrompus puis repris jusqu’au renoncement, il ne sert qu’à masquer un peu plus les vrais symptômes de la surcharge pondérale. Le docteur Jeffrey Friedman, de l’université Rockefeller, a découvert le gène de la satiété qui permet d’arrêter l’appétit, grâce à l’individualisation de l’hormone amaigrissante, la leptine. Lorsque celle-ci est déréglée, elle ne stimule plus le métabolisme et l’activité physique. La consommation des graisses devient alors excessive. Mais cette découverte, si elle semble prometteuse, n’a pas encore permis de mettre au point le traitement miracle pour combattre le gène « ob ». L’obésité n’a cependant rien à voir avec la cellulite, n’est-ce-pas ? Il est important de comprendre que la surcharge pondérale, globale et homogène et en particulier l’obésité n’ont en rien à voir avec la cellulite. La cellulite existe aussi chez les personnes minces et elle correspond à des excès adipeux localisés le plus souvent, et rebelles à tout régime alimentaire. Les hommes ont la chance d’en être épargnés. Elle est d’origine héréditaire, favorisée par des facteurs circulatoires et hormonaux. Apparaissant à la puberté, elle est en fait un caractère sexuel secondaire 182 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:33 Page183 LE CORPS REVISITÉ normal chez la femme. Des traitements hormonaux, des grossesses, la ménopause sont autant d’occasions où la cellulite va se développer et s’étendre. La cellulite est donc un phénomène normal et ne correspond à aucune perturbation métabolique particulière. Certaines femmes en développent plus que d’autres selon leur réceptivité hormonale. D’autre part, la cellulite peut se localiser différemment, soit sur le bas du corps (culotte de cheval, intérieur des cuisses, intérieur des genoux, hanches), conférant la morphologie gynoïde propre à la femme méditerranéenne, soit au contraire sur la ceinture, la taille, les hanches, plus souvent observée chez les femmes d’origine anglosaxonne. Or ces amas de graisse peuvent être vécus comme disgracieux et la lutte contre la cellulite est devenue pour certaines femmes une véritable hantise. Arrêter définitivement le développement de la cellulite ou empêcher son apparition n’est pas possible actuellement. Par contre, en atténuer les effets et harmoniser une silhouette est l’une des interventions les plus fréquemment pratiquées. Le principe de retirer les graisses après avoir désolidarisé les différents lobules était depuis longtemps l’objet de recherches assidues. En Suisse, en Italie notamment, certaines techniques ont été proposées, mais leurs inconvénients trop fréquents, les complications réelles qu’elles entraînaient ont mis un terme à leur application. C’est en France que ce principe a acquis son efficacité totale, sa fiabilité et son développement. A partir de la technique de base de Y. G. Illouz, de nombreuses améliorations ont été apportées qui sécurisent et rendent plus fiable la lipoaspiration. Cette intervention a pour objectif de corriger les excès adipeux localisés, répartis en différentes régions du 183 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:33 Page184 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE corps : culotte de cheval, hanches, ventre, intérieur des cuisses, intérieur des genoux, mollets, chevilles, bras, double menton, ovale du visage. L’indication chirurgicale tient compte de l’infiltration adipeuse certes, mais surtout des possibilités d’élasticité cutanée qui conditionnent la qualité du résultat. L’intervention peut, selon les cas, être réalisée sous anesthésie locale, anesthésie locale approfondie ou anesthésie générale. Le type d’anesthésie choisi est fonction du nombre de localisations à opérer. L’incision est courte (moins d’un centimètre) et discrète (dans un pli naturel le plus souvent). Une canule mobilise dans un premier temps les cellules adipeuses qui seront ensuite aspirées. Un pansement de contention est mis en place (le plus souvent, il s’agit d’un panty ou d’une gaine élastique). La durée de l’hospitalisation est brève, quelques heures s’il s’agit d’une anesthésie locale, un à deux jours s’il s’agit d’une anesthésie générale. Dans les suites opératoires, un œdème et des ecchymoses apparaissent au niveau des régions opérées. Une douleur qui survient pendant la marche ou en position assise est atténuée par un traitement antalgique. Les ecchymoses se résorbent en dix ou quinze jours et l’œdème diminue progressivement. Le port du vêtement de contention est conseillé pendant deux à trois semaines. Le résultat est visible quatre à six semaines après l’intervention. Les douches sont possibles deux à trois jours après l’intervention. Un traitement complémentaire par drainage lymphatique permet d’accélérer la résorption des oedèmes et d’améliorer l’état circulatoire. Cette intervention est donc aussi bien pratiquée chez la femme jeune, avant ou après les grossesses, et autour de la ménopause car les facteurs hormonaux sont 184 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:33 Page185 LE CORPS REVISITÉ à l’origine d’une répartition disgracieuse des graisses. En aucun cas il ne s’agit d’une substitution à un régime alimentaire pour surcharge pondérale, et à plus forte raison d’un traitement de l’obésité. Si l’élasticité cutanée est bonne, la peau se rétracte et c o n s e r v e u n e b o n n e t e n u e . U n e m a u v a i s e élasticité cutanée se traduirait par une rétraction insuffisante et l’apparition, de ce fait, d’irrégularités sur la peau. Les récents progrès en matière de lipoaspiration, avec notamment l’utilisation de canules plus fines, autorisant des gestes plus superficiels, permettent d’obtenir des résultats sur des zones, jusque-là, réputées difficiles comme de devant de la cuisse ou l’ovale du visage. L’utilisation des ultrasons peut également se révéler intéressante dans certains cas. Son but est de fragmenter préalablement une graisse plus dure (sur le dos, les hanches, ou la « bosse de bison ») et de faciliter considérablement son aspiration. On parle alors de liposculpture. Sans aller jusqu’à l’obésité, certaines femmes ont un ventre volumineux, abîmé parfois par des grossesses. C’est aussi le cas pour les cuisses, disproportionnées par rapport au reste du corps. Procédez-vous de la même façon que pour une lipoaspiration ? L’efficacité de la lipoaspiration ne dépend pas uniquement de la quantité de graisse que l’on retire ; Elle dépend surtout des possibilités de redrapage spontané de la peau liées à ses propriétés élastiques. Si lors de l’exa- 185 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:33 Page186 ESTHÉTIQUEMENT VÔTRE men clinique on s’aperçoit d’une laxité exagérée de la peau, il conviendra d’associer à la lipoaspiration un geste opératoire complémentaire qui consiste à retirer justement cet excès de peau. Cela arrive au niveau de la paroi abdominale, après des grossesses multiples ou des prises de poids importantes. Cette véritable distension cutanée s’appelle le « tablier ». Cela peut aussi se voir chez l’homme obèse, ou chez celui qui a subi une importante cure d’amaigrissement. L’intervention réalisée est une plastie abdominale. Sous anesthésie générale ou péridurale, elle associe une réduction de la masse graisseuse et une diminution de la quantité de peau, et nécessite de ce fait une hospitalisation de trois à quatre jours. Surtout, pour bien garantir des suites opératoires simples, il est indispensable d’insister sur le port d’un vêtement de contention, une gaine, dont l’effet est d’assurer l’adhérence rapide des tissus. En fait, selon que l’excès cutané est plus important dans la partie sus-ombilicale, sousombilicale ou péri-ombilicale, selon qu’il existe ou non un relâchement musculaire associé, selon bien sûr la morphologie de la patiente, il existe différents types de plasties abdominales et il faudra à chaque cas adapter la technique appropriée. Un phénomène tout à fait similaire existe pour l’intérieur des cuisses. Une lipoaspiration simple, chez la femme jeune à peau tonique, donne d’excellents résultats. Lorsque, par contre, la peau est déjà distendue, en « drapé de rideau », elle rend nécessaire la réalisation d’un lifting de l’intérieur des cuisses qui restaure, galbe et redonne une tonicité tissulaire. L’excès de peau est retiré par une incision située dans le pli de l’aine, la cicatrice est en général discrète. Cette intervention, qui 186 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:33 Page187 LE CORPS REVISITÉ affine la silhouette, corrige aussi le frottement désagréable de la peau des cuisses et les conséquence médicales que cela entraîne (suintement ou ulcération). La réalisation d’un mini-lifting de l’intérieur des cuisses a permis de rendre cette intervention plus simple. L’hospitalisation est de quarante-huit heures et une reprise de l’activité peut se faire huit à dix jours plus tard. Ces deux interventions ont largement bénéficié de l’apport de la lipoaspiration qui, réalisée dans le même temps, permet d’obtenir d’excellents résultats. Mais la lipoaspiration n’est pas un substitut du régime, car, si son efficacité est réelle, elle reste localisée et n’exclut pas l’entretien du corps et l’hygiène alimentaire. On est responsable de l’harmonie de sa silhouette comme on l’est de son état physique et psychologique. 187 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:33 Page189 TABLE DES MATIERES INTRODUCTION .......................................................................................... p. 7 OUVERTURE .................................................................................................... p. 11 1. Le capital beauté ........................................................................................ p. 15 2. Image de soi, regard des autres ............................................... p. 67 3. La chirurgie esthétique en question ................................. p. 107 4. Le corps revisité ........................................................................................ p. 129 livre ohana J:Mise en page 1 04/02/11 16:33 Page191 Cet ouvrage a été réalisé par l’Imprimerie Capelle 43 rue Damrémont - 75018 Paris pour le compte des Éditions de la Beauté en janvier 2011