Le Petit Salon littéraire de la Médiathèque municipale avec Marc

Transcription

Le Petit Salon littéraire de la Médiathèque municipale avec Marc
Le Petit Salon littéraire
de la Médiathèque municipale
avec Marc Fauroux
Liste récapitulative des ouvrages présentés depuis
Janvier jusqu’en octobre 2008
(8 petits salons littéraires depuis janvier 2008)
Depuis le mois de janvier 2008, une fois par mois, Marc Fauroux comédien lit
pour vous, nouvelles et extraits de romans autour d’un thé, afin de discuter ensemble de l’actualité
littéraire –
Ce document vous présente le récapitulatif des principaux ouvrages que Marc Fauroux a présentés
durant ces six mois - Les livres dont il a effleuré le contenu très rapidement ne sont pas notés :
exemple « travelling » de Brigitte Fontaine mais il est disponible en médiathèque.
La dernière séance avant l’été (Pas de séance en juillet et août) aura lieu le lundi 16 juin à 20H30Plus d’infos sur l’acteur : www.paradis-eprouvette.com
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Janvier 2008 : premier petit salon littéraire
animé par Marc Fauroux
Références des livres
• LE BATAILLON DES BRONZES de Mairie Eve STENUIT, auteur Belge de 53 ans.
Les statues de Bronze s’animent dans les rues…Un conte urbain, parabole pleine d’humour et de fantaisie sur la
peur de l’inconnu et sur les vertus de la diversité et de la complémentarité.
• L’HOMME QU’ON PRENAIT POUR UN AUTRE de Joel EGLOFF* (Prix du livre Inter 2005 pour
L’étourdissement. L’auteur est né en 1970). « Il m’arrive de plus en plus souvent d’être pris pour un autre. Que
des gens qui me croisent aient l’impression de m’avoir vu quelque part(…) même si leur visages ne me disent
rien, pas plus que leur noms, par politesse, je me présente à mon tour… ».
• PARC SAUVAGE de Jacques ROUBAUD *Dora et Jacques explorent ensemble le Parc sauvage, îlot de
verdure indompté au milieu de la terre domestiquée de la propriété. Un jour qu’ils en ressortent, ils
comprennent que les Allemands sont venus pour de bon. Dans son bref dénouement, ce roman peut-être
autobiographique nous révèle que Dora K. a été ensuite déportée dans un camp. Professeur de mathématiques,
membre de l'Oulipo PRINTEMPS de Corinne AGUZOU* …une histoire d’amour où la propension à
vouloir tout dire, tout commenter, tout décortiquer, devient le plus irrésistible des ressorts
comiques. Après le « burlesque politique » de /La Révolution par les femmes/ - son très remarqué
1
premier roman - Corinne Aguzou invente dans /Printemps/ un genre inédit de « burlesque
amoureux » . L’auteur vit à Toulouse depuis 2002.
Références des
littéraire (février 2008)
livres
du
deuxième
salon
Philippe Besson : un homme accidentel
Deux être que tout sépare se trouvent brutalement réunis par la mort d'un inconnu. Aussitôt, entre ces
deux-là, surgit sans qu'ils s'y attendent et sans qu'ils puissent s'y opposer, un sentiment violent. Un
sentiment qui va les arracher à la solitude et au mensonge
Philippe Besson détourne les codes du « polar » pour traquer la violence des sentiments entre deux
êtres que tout sépare.
L'un est un inspecteur de police de Los Angeles, sans histoires. L'autre est la nouvelle coqueluche
d'Hollywood, celui dont les tabloïds du monde entier s'arrachent les photos. A priori, ces deux hommes
n'auraient jamais dû se rencontrer. S'il n'y avait eu l'assassinat d'un jeune prostitué dans un des quartiers
les plus riches de L.A... Alors que deux mondes opposés se télescopent dans un jeu de cache-cache mêlé
de fascination et de faux-semblants,
L’enquête révèle bien plus que l’identité du coupable. À l'intrigue criminelle se greffe le récit d'un amour
imprévu et fulgurant, où le désir conduit à franchir des frontières dangereuses.
Derrière le cliché d'une existence bien rangée, ou celui des paillettes et du glamour, se cachent la
vulnérabilité et la solitude de deux hommes. Aucun n'avait prévu l'attirance incontrôlable qui les pousse
soudain l'un vers l'autre. Comment ces deux hommes, icônes d'une certaine Amérique et symboles de la
virilité, vont-ils faire face à l'inédit ? Et combien de temps un amour, même absolu, peut-il se maintenir
en marge de la morale et des lois ?
Besson rend hommage aux films hollywoodiens en multipliant les références visuelles. Jamais son style
n’a été plus cinématographique. Son Tantôt roman noir, tantôt road movie, ce récit est aussi celui d'une
ville mythique, Los Angeles, où l'omniprésente lumière californienne irradie tout, des rues aux villas de
stars, en passant par les motels de Venice Beach et les rivages du Pacifique. Cette lumière vengeresse
semble n'avoir qu'un seul but : révéler la face cachée d'Hollywood et le mensonge des apparences.
Besson joue les contrastes : d'un côté la noirceur des secrets enfouis et d'un crime nocturne. De l'autre,
la révélation de l'amour, qui transcende les personnages et les confronte à leur vérité nue.
2
Nicolas Fargues - Beau rôle (POL) 2007
Personnage de Beau rôle, jeune acteur « satisfait d’être libre et relativement célèbre, satisfait d’exercer
un métier enviable, satisfait de n’envier personne », on ne sait trop s’il est carrément insupportable ou
finalement touchant. Il est en tout cas, à lui seul, un concentré des contradictions et des faiblesses,
cynisme et sentimentalisme mêlés, du jeune mâle contemporain imbu de lui-même mais secrètement
rongé par le doute. Si on ajoute à cela qu’il est métis, et de fait à l’aise nulle part, on comprendra
qu’Antoine Mac Pola est une figure typique des romans de Nicolas Fargues qui trouve là, de l’Europe aux
tropiques, une nouvelle occasion de décrire avec une précision à la fois féroce et totalement désinhibée
toutes nos complaisantes manières, qu’elles soient amoureuses, sociales, ou ethniques, de composer
avec notre médiocrité.
Nicolas Fargues est né en 1972. Enfance au Cameroun, au Liban puis en Corse. Études de lettres à la
Sorbonne. Mémoire de DEA portant sur la vie et l’œuvre de l’écrivain égyptien Georges Henein. Deux
ans de coopération en Indonésie, retour à Paris, petits boulots, publication en 2000 du Tour du
propriétaire. De 2002 à 2006, dirige l’Alliance Française de Diégo-Suarez, à Madagascar. Il a deux
enfants. Il vit actuellement à Par
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Références des livres du troisième salon
(mars 2008)
Sorj Chalandon : « Mon traite »
Pour enrichir votre culture sur l’Irlande, nous possédons à la médiathèque le DVD du très bon film de
Ken Loach « Le vent se lève » Palme d’or 2006 (attention aux âmes sensibles). Le cinéaste britannique a
été couronné à Cannes pour son évocation de la guerre d'indépendance irlandaise. La première a eu lieu
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à Cork, en Irlande, où le film a été tourné et au milieu de ceux auxquels Ken Loach a voulu rendre leur
histoire. Pascal Mérigeau y assistait
Petite bio de Sorj Chalandon Journaliste à Libération depuis 1973, Sorj Chalandon a été dépêché sur
tous les fronts : Liban, Iran, Irak, Somalie, Afghanistan... Son ascension au sein du journal le fait passer
par tous les postes : il est d'abord dessinateur, monteur en pages, puis journaliste au service société,
reporter, grand reporter, chef de service et enfin rédacteur en chef adjoint. Il reçoit le prix Albert
Londres en 1988 pour ses couvertures de l'Irlande du Nord et du procès de Klaus Barbie. 'Le Petit
Bonzi' est le premier roman de Sorj Chalandon. Sorti en 2005, le livre remporte un certain succès.
L'écrivain recommence donc l'expérience un an plus tard avec 'Une promesse', même style intimiste
mais nouvelle histoire, encore plus belle et plus prometteuse. Le journaliste décide de passer un
message de paix à travers son troisième roman tout en gardant le style intimiste qui le caractérise. 'Mon
traître' est le résultat de trente ans de reportages sur l'Irlande. Il aborde pour la première fois un fait
politique, une histoire collective racontée par le personnage principal, un parisien venu rencontrer
l'Irlande en 1974.
Pour son troisième roman, Sorj Chalandon a choisi de mettre en fiction un réel trop douloureux à
surmonter. A l'origine : les aveux d'un ami, un jour de décembre 2005. Les aveux d'un traître au combat
républicain. Son nom, Denis Donaldson. Leader charismatique de l'Armée républicaine irlandaise et de
sa branche politique, le Sinn Féin, cet homme était comme son frère. Sorj Chalandon a donc préféré
prendre de la distance et opter pour une approche plus littéraire. Il fait d'Antoine, luthier parisien, son
enveloppe imaginaire. Denis Donaldson devient Tyrone Meehan. Une forme qui sert parfaitement le
fond puisqu'elle lui permet de s'approcher au plus près de ses questionnements. Protégé derrière le
filtre de la fiction, il s'épargne une exposition trop brutale aux événements. Par le roman, il envoie
Antoine là où lui-même ne peut aller. Cette Irlande que son héros cherche désespérément à faire
sienne, c'est celle de Chalandon. Cette trahison, c'est aussi la sienne. 'Mon traître' est l'expression intime
d'un homme blessé. Un roman d'apprentissage à la dimension politique et à l'image de son auteur, entre
journaliste et romancier. Entre actualité et histoire. Mais "ce livre n'aurait jamais dû être écrit". La plume, il l'a
prise sous la contrainte, dévoré par une profonde détresse. De l'incompréhension, il est passé à la
colère. De la colère à l'affliction. Le roman sera sa catharsis. Du moins le croit-il. Chalandon écrit donc
son amour intarissable pour cette terre. Pour cette "humanité grise", bercée par la guerre, la pauvreté,
la prison et la mort. Ecrivain de la nuit, Sorj Chalandon puise ses mots jusque dans leur silence.
Une écriture précise et épurée. Intime et douloureuse. Une écriture à l'oralité percutante. Des
mécanismes du journalisme, il a su garder un sens affiné de l'observation. Il y a allié une écriture
purement impressionniste, plus souffrante, où chaque mot semble raviver la plaie. Mais qu'importe. Son
Irlande est intacte. La critique [evene] - par Mathieu Menossi
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Annie Ernaux : « Les Années »
Annie Ernaux, née le 1er septembre 1940 d'une famille modeste, a passé son enfance et sa jeunesse à
Yvetot, en Normandie. Elle est agrégée et professeur de lettres modernes et vit à Cergy, dans la région
parisienne. Elle publie son premier roman Les Armoires vides en 1974. Elle a obtenu le Prix Renaudot
pour La Place (1984).
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Deux sentiments dominent son écriture: celui des différences sociales, de la coupure entre son premier milieu et
le monde du savoir auquel elle a accédé, et celui de la domination masculine du monde. Elle dit fuir tout ce qui
ressemble à la fiction, rechercher la réalité à partir du souvenir, des sensations, des sentiments, que ce soit celui
de la honte sociale ou ceux de la passion. Pour elle, il y a plus de création et de travail sur la forme, en partant de
la réalité qu'en imaginant
Références des livres du quatrième salon (avril
2008)
Biographie d'Haruki Muramaki
Originaire de Kobe, Haruki Murakami étudie la tragédie grecque à Tokyo. Puis il dirige un club de jazz,
avant d'enseigner à Princeton durant quatre années. Son premier livre - non traduit - 'Ecoute le chant du
vent', en 1979, lui vaut le prix Gunzo. Expatrié en Grèce, en Italie puis aux Etats-Unis, il rédige
'Chroniques de l'oiseau à ressort' en 2001 et 'Au sud de la frontière, à l'ouest du soleil' en 2002. Suite au
séisme de Kobe et à l'attentat de Tokyo en 1995, il décide de revenir s'installer au Japon. Il y écrit un
recueil de nouvelles 'Après le tremblement de terre', puis 'Les Amants du Spoutnik' en 2003. Son roman
initiatique 'Kafka sur le rivage', sorti en 2006, l'inscrit définitivement parmi les grands de la littérature. Il
revient en 2007 avec un nouveau roman, 'Le Passage de la nuit'.
(…)C'était simplement la menotte tiède d'une fillette de douze ans. Mais il y avait rangés à l'intérieur de ces
cinq doigts et de cette paume, comme dans une mallette d'échantillon, tout ce que je voulais et tout ce que je
devais savoir de la vie. C'est elle qui m'apprit, en me prenant la main, qu'il existait (…) Les romans dont je
vous propose des extraits se caractérisent par leur singularité. Le réel, le surnaturel et les traditions
japonaises, se mêlent dans un style particulier fait de réflexions - entre poésie, philosophie et
psychanalyse - sur l'amour, la vie, l'au-delà... A la frontière entre réalisme et onirisme, HARUKI
MURAKAMI a un style simple, dépouillé et direct. Une découverte à partager avec celles et ceux qui
n’auraient pas encore succombé au charme de cet auteur incontournable !
Les livres soulignés sont disponibles en médiathèque
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L'Eléphant s'évapore (1979)
La Course au mouton sauvage (1982)
La Fin des temps (1985)
La Ballade de l'impossible (1987)
Danse, danse, danse (1988)
Au Sud de la frontière, à l'ouest du soleil (1992)
Les Chroniques de l'oiseau à ressort (1995)
Tony Takitani (1996)
Le Souffle perdu de la jeunesse (de 1996 à 1997), dans la Revue Europe n°820-821
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Les Amants du Spoutnik (1999)
Après le tremblement de terre (2000)
Kafka sur le rivage (2002) (disponible en médiathèque)
Le passage de la nuit (2004)
Références
littéraire (mai 2008)
des
livres
du
cinquième
café
Jean Yves Cendrey : «La maison ne fait plus crédit »
C'est l'héritage familial et sa propre enfance que Jean-Yves Cendrey liquide dans ce nouveau roman. Au
centre, le personnage repoussoir de la 'maman'. Pour raconter l'histoire de cette mère cupide et
banalement destructrice, l'auteur choisit, comme à son habitude, un prête-nom : en l'occurrence l'amant
de la mère, un type quelconque, plutôt vulgaire, éleveur de pigeons à ses heures et admirateur
inconditionné de Pompidou puis de Sarkozy. Il a pour 'ennemi intime' Jean-Yves Cendrey, dont il déteste
les livres accusateurs et déshonorants pour la manman
On suit ce couple banal et risible sur plusieurs décennies et on se délecte des apparitions du 'salaud de
fils', Jean-Yves Cendrey, venu jeter le trouble dans cette relation adultère.
‘La maison ne fait plus crédit’, roman torturé et tortueux, se lit entre rire et
nausée. La verve du narrateur, grassement torride et poétiquement obscène,
déverse sa musique de la première à la dernière page. La mélodie ressemble à celle
d’une étrange chanson paillarde, avec des envolées lyriques, des coeurs de petites
gens qui chantent la médiocrité de leur existence. Car Jean-Yves Cendrey s’est
forgé une plume plus proche du six crans, dans la fange et dans la crasse. Caché
derrière son narrateur - un “gros con à favoris” nostalgique de Pompidou -,
l’auteur jubile. On le devine qui se délecte à peindre cet homme, l’amant de la
“manman”, à gros coups de pinceaux, forçant sur le jaunâtre vulgaire et le marron
stupide. Ce petit commercial vomit ses pérégrinations, d’une maîtresse au ras des
pâquerettes à une épouse qui n’en finit pas d’agonir, à grand renfort de “Je dis”,
“Elle dit”. Mais un personnage troublant finit par empiéter sur son domaine - le texte. Il s’agit de l’aîné
de la manman, pour lequel le narrateur nourrit une haine frustrée. Les rencontres avec le “fils salaud”
sont autant de coups de poignard qui le poussent au bord de la folie. Et pour cause : le petit teigneux,
une fois adulte, écrit des livres dans lesquels il crache allègrement sur son père, la manman et son
amant. C’est que Cendrey manie avec virtuosité l’art de la mise en abyme : l’ignoble écrivain, c’est lui. Il
pousse le vice jusqu’à s’auto citer, faisant retranscrire à son narrateur des extraits de ses précédents
écrits, titres et maison d’édition à l’appui. Cendrey, perversement séducteur, nous jette dans un
traquenard labyrinthique. L’amant abhorré est loin d’être antipathique ni dénué de profondeur, et la
manman, si pitoyable qu’on n’ose la haïr. D’une écriture sale et crue émane une subtilité effarante ; la
puanteur se change en mystère, car l’auteur joue sans jamais se laisser attraper. Ainsi se clôt le cycle
autobiographique de Cendrey
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Sa bibliographie :
•
Corps ensaignant : tombeau Gallimard 2007 (disponible en médiathèque)
•
Puzzle : trois pièces Gallimard 2007 (disponible en médiathèque)
•
Les jouissances du remords : un moment de ma vie par un ennemi intime Ed. l’Olivier 2007
•
Les jouets vivants e. Points 2007 (disponible en médiathèque)
•
Une simple créature Ed. l’Olivier 2001
•
Parties fines E ; Mille et une Nuits 2000
•
Les petites sœurs de sang Ed. L’Olivier 1999
•
Trou Madame Ed POL 1997
•
Oublier Berlin Ed POL 1994
•
Les morts vont vite Ed. POL 1991
•
Atlas menteur Ed. POL 1989
•
Principes du cochon Ed. POL 1988
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Marie Didier: "Morte saison sur la ficelle" Gallimard. Marie Didier est
médecin à Toulouse. Elle consacre une partie de son temps à soigner les défavorisés de ce qu’on appelle
« le quart-monde ». De nature généreuse et lumineuse cet auteur (qui vit à Toulouse) est aussi un
médecin généreux et dynamique.(Elle a déjà publié, aux Éditions Gallimard, des mémoires, Contre-visite et
deux romans, La mise à l’écart et Le livre de Jeanne.
Ici avec Morte saison sur la ficelle : 21 nouvelles qui parlent (très bien) du corps, de
l'érotisme et ..."d'une liberté s'ouvrant en plein désastre ou d'un éblouissement
possible". Lecture en florilège de différents passages de ses livres.
« Dans l’apparence des choses, il ne semble exister aucun lien entre le scarabée renversé par
la tige d’une campanule, la rondelle de latex découverte chez un amant sans désir, la douce
pluie de juin sur le bois d’un cercueil ou le regard charbonneux d’étrangers en grève de la faim
couchés sous une tente en plein vent.
Pourtant une surprise chaque fois va jaillir. Souvent brutale mais aussi parfois lente, exigeant des années pour
mûrir, cette surprise ne résidera pas nécessairement dans une chute finale mais bien, comme pour chacun
d’entre nous, dans la révélation minuscule et violente d’une sensation oubliée ou encore inconnue, d’une
désillusion, d’une liberté s’ouvrant en plein désastre ou d’un éblouissement paisible. » Marie Didier.
Il ne faut pas plus de deux pages à Marie Didier pour imposer son style. " Bridge ", premier des vingt et
un textes courts rassemblés ici, aborde l'angoisse du vieillissement sous l'apparence d'une ironie
mordante. On en sort en souriant, berné par une phrase méandreuse qui accouche d'un burlesque
7
surprenant. " Exil ", qui suit, fait un long plan panoramique sur une foule d'insectes échoués sur une
plage, et mourant. Le destinataire (tous les textes sont écrits à la deuxième personne du pluriel) observe
méticuleusement ce petit peuple, puis rejoint ses amis autour d'un barbecue. Ça pourrait être rien du
tout, et pourtant, l'indifférence des convives sur le sort des insectes, après la richesse descriptive de leur
sort, fait penser à ces holocaustes dont on parle et qu’on n’empêche pas
Premier uppercut. Légèrement ébranlé, le lecteur sera cueilli au troisième round par un poids lourd. "
Escalade " raconte la visite chez sa gynécologue d'une femme obèse : " elle mettra longtemps pour
enlever sa culotte. La montagne du ventre lui rend en effet problématique la flexion du torse pour
tenter d'attraper de sa main boudinée s'agitant au bout d'un bras qui semble ainsi trop court le slip qui
finit non sans mal par atterrir sur le carrelage. " Mais au bout des efforts du médecin pour écarter les
parois vaginales " le col vous fait la surprise de se dégager brusquement de ses ténèbres viscérales pareil
à un bijou de nacre (...) d'un rose si délicat. " Ainsi la cruauté du regard peut conduire à la mise au jour
d'un trésor une découverte qui, à elle seule, vaut de rester sur le ring.
Dans cette célébration de la vie, on retrouve à nouveau chez Marie Didier cette attention portée à ceux
qui ne reçoivent que mépris ou indifférence : deux textes sonnent comme une condamnation de nos
actes. Le premier, " Dehors ", nous présente un sans papier menacé d'expulsion et le racisme ordinaire
des bons Français, l'autre, " Tes yeux seuls... ", saisit la révolte d'une SDF qui s'offre la liberté d'arracher
sa nourriture à l'étalage d'un supermarché. Le livre se clôt avec une patiente à l'hôpital que l'humiliation
n'atteindra plus. Elle a fait de sa maladie un chemin vers la sagesse. Lumineux.
Bibliographie de Marie Didier
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Contre- visite 1992 Gallimard (disponible en médiathèque)
La mise à l’écart Gallimard 1992
Une fin Ed. Sables 1992
La bouilloire russe Ed. Séguier 2002
Le livre de Jeanne Gallimard 2004 (disponible en médiathèque)
Dans la nuit de Bicêtre Gallimard 2006
Références
des
livres
littéraire (présentation le 16 juin 2008)
du
sixième
salon
Pour réagir à l’actualité, Marc Fauroux a choisi de nous présenter un florilège de
"découvertes à partager". Il s'agit d'auteurs algériens (à l'honneur durant le Marathon des
mots). Ils nous renseignent sur l'Algérie d'aujourd'hui. Une plongée dans un orient
troublé mais toujours aussi fascinant. Une balade littéraire qui devrait intéresser tous
ceux, qui cherchent à comprendre !
« Fatma » de M’Hamed Benguettaf : Editions le Bruit des Autres
Petite bio de M'Hamed Benguettaf : Arrivé au monde le 20 décembre 1939. Figure marquante du
théâtre algérien, d'abord comme comédien, M'Hamed Benguettaf a travaillé pour la radio puis a passé
une grande partie de sa carrière au Théâtre national algérien, avant de figurer parmi les fondateurs de la
8
compagnie Masrah El Kalâa - Théâtre de la Citadelle. Egalement traducteur ou adaptateur de Nazim
Hikmet, Kateb Yacine, Ali Salem, Mahmoud Diab ou Ray Bradbury, M'Hamed Benguettaf estime avoir
bouclé la première grande étape de son parcours qu'il assimile, suivant ses propres termes, à "un stage
de formation professionnelle", étape à la faveur de laquelle il pense avoir réuni les outils de son propre
langage et s’être forgé désormais sa voir d’auteur dramatique. En 2004, M'Hamed Benguettaf a été
nommé directeur du Théâtre national algérien.
Résumé du livre : Fatma A l'aube, sur la terrasse d'un petit immeuble. Fatma s'affaire à y mettre de
l'ordre. Elle est très contrariée. Querelles de voisinage, montée de l'intégrisme, l'injustice l'obsèdent.
Version arabe manuscrite par l'auteur.
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« Sept filles » de Leïla Sebbar / Thierry Magnier
Petite bio de : Leïla Sebbar est une auteure franco-algérienne. Elle a quitté l’Algérie à ses dix-huit
ans pour venir en France étudier la langue et la littérature françaises. Ses écrits, pour certains
autobiographiques, sont le fil qui recoud la déchirure entre l’Algérie et la France.
Elle ne parle pas l’arabe. La langue de son père. Elle est donc écrivain. Étrange syllogisme approchant le
mystère d’un destin : celui de Leïla Sebbar. Elle naît à Aflou, pendant la seconde Guerre Mondiale, dans
l’Algérie coloniale. Son père est algérien, “républicain musulman laïque”, et sa mère française. “Je suis née
d’un enlèvement d’amour”, dit joliment l’auteure. Tous deux sont instituteurs de français dans l’école de la
République. Leïla Sebbar, qu’on n’appellera jamais par son prénom occidental contrairement à son frère
et ses sœurs, fait toute sa scolarité en Algérie jusqu’à ses dix-huit ans, âge auquel elle arrive en France
pour y étudier la langue et la littérature. Elle devient, à son tour, professeur de lettres et publie, fin des
années 70, ses premiers essais. D’abord un travail de réflexion sur les violences faites aux filles en
France puis des textes sur l’histoire coloniale. “Sans que ce soit conscient, je réfléchissais déjà à la
désintégration par la domination, qu’il s’agisse de la colonisation, de l’esclavage, etc.”
Résumé du livre : sept filles : Sept nouvelles faisant chacune le portrait de femmes algériennes du
début du XXe siècle à aujourd'hui, décrivant les gestes millénaires qui leur sont réservés de génération
en génération et mettant à nu leurs émotions, chagrin, angoisse ou bonheur.
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«L’Orient après l’Amour» de Mohamed Kacimi
Petite bio de Mohamed Kacimi :
Mohamed Kacimi-El-Hassani est né à El Hamel en 1955 où il a connu une
enfance « dorée », protégée, dans la zaouïa d'El Hamel. Cette cité citadelle
aux portes du désert, dans le sud algérien, est en effet une sorte de
monastère fortifié construit en pisé, et pendant les premières années de sa
vie, Mohamed Kacimi y a vécu coupé du monde extérieur qu’il soit algérien
ou français.
Mais cet isolement était néanmoins ouverture, grâce à l'immense culture de deux grands-pères
théologiens qui, par leur maîtrise de la religion, ont donné à leurs enfants, petits-enfants et aussi aux
femmes la liberté la plus absolue : liberté du corps et liberté de parole. Toutes les femmes de la zaouïa
savaient en effet lire et écrire, et les filles étaient admises à l'école coranique. A l'époque des « yé yé »,
les cousines de Mohamed Kacimi portaient des minijupes, lisaient « Salut les copains » et étudiaient le
Coran. L'intégrisme était absent de cet univers voué à la religion, à la poésie et à la culture. La zaouïa
9
était aussi une immense bibliothèque. Très tôt il a fait le choix de la langue française, voulant se
construire ce qu'il appelle « ce petit lopin de langue », un choix intime, personnel, afin de s'extraire de la
pesanteur de « l'héritage millénaire de la mémoire de la tribu » Dès l'âge de treize ans, il rêve de quitter l'Algérie, et à partir de seize ans il fait de fréquents voyages en
bateau vers Marseille. Pourtant la France est pour lui un « rêve lucide » : il connaît les difficultés des
immigrés. Exalté par la victoire socialiste de 1981, il prend l'avion pour la France et il vit à Paris depuis
cette date. Il y découvre alors « l'exotisme » des problèmes matériels du quotidien qu'il vit comme une
sorte
d' « expiation »
par
rapport
à
l'enfance
dorée
qu'il
a
connue.
Il se consacre aussi à l'écriture, et se heurte à la difficulté d'entrer dans le milieu littéraire (Le mouchoir
est refusé par 14 éditeurs). Il est alors contraint d'exercer plusieurs métiers : professeur
d'alphabétisation, pigiste, traducteur, « nègre ». En même temps, il réalise une œuvre très diverse de
romancier, d'essayiste et de dramaturge » . Il écrit aussi pour la littérature de jeunesse, car ainsi qu'il le
formule lui-même, « Un auteur n'est pas sérieux s'il n'écrit pas pour les enfants.
Résumé du livre : L’orient après l’amour : Ecrivain et auteur de théâtre, M. Kacimi part de son
histoire algérienne dans les années 1960 pour retourner tous les clichés et donner avec amour et
humour une lecture de ce monde arabe et musulman pleinement inscrit dans la complexité
méditerranéenne. Un éloge de la liberté de penser, d'imaginer et de créer qui ne renie ni la religion du
père ni le legs des ancêtres.
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«Kif-kif piment comme il respire » de Moussa Lebkiri (l’harmattan)
Petite bio de Moussa Lebkiri : Moussa Lebkiri, né en 1952 dans le village de Beni-Chebana
(wilaya de Sétif, Algérie) en Petite Kabylie, est un conteur, humoriste, écrivain et metteur
en scène franco-algérien. Saltimbanque, il sillonne la France, l'étranger, et participe à
plusieurs festivals, dont celui d'Avignon où il est l'une des figures marquantes du off. Moussa Lebkiri débute sa carrière en tant que marionnettiste. Il fonde la compagnie de
théâtre Nedjma en 1976, qui contribue entre autres à faire découvrir des auteurs
méditerranéens.
2007 - Création du spectacle "Avec toute l'expression de ma Kabylie distinguée" les 27,28,29 avril 2007 à la
Cartoucherie au théâtre de l'épée de bois
2005- Moussa Lebkiri en résidence dans la ville de Besançon donnera ses deux spectacles "Kif-Kif piment
comme il respire" -et "Hadjila vedette Familale" Stages et ateliers d'écriture ainsi que des stages de danse
par la danseuse chorégraphe Saliha Bachiri.
2004 - Le théâtre du nouveau Monde direction Smaël Benabdelouhab commande à Moussa Lebkiri une
pièce théâtre sur la thématique de la Kabylie.
2003 - Moussa Lebkiri fait son annéee de L'Algerie avec son "Annéee off de l'Algérie" au café de la danse au
près de saliha Bachiri chorégraphe et le chanteur Idir. Il écrit "Hadjila vedette Familale" mise en scène de
Moussa Lebkiri avec la danseuse chorégraphe Saliha Bachiri
2001 - Il écrit et met en scène "Au bout du conte...Elle danse" avec la danseuse chorégraphe Saliha Bachiri et
la comédienne Aïni Iften.
1999 - "Kif-Kif piment comme il respire" spectacle burlesque d'après ses deux livres, "un étoile dans l'œil de
mon frère", et "Bouz'louf tête de mouton"
10
1998- "Le jardin des roses et des soupirs" contes érotiques arabes du XIIIè et XVè siècles, création à
Avignon, d'après l'œuvres du Cheikh Mohammed el Nefzaoui, et Ahmed al Tîfachî.
1997 - "Et le noir de ses yeux se fondit dans le blanc",spectacle mise en scène et adaptation Guy Lavigerie.
La même année création du spectacle et sortie CD de "La belle histoire du beau prince Tout Moche" jeune
public.
1996 - Il tourne pour le cinéaste Malek Bensmaïl"Algerian tv schow" passage canal + .Création du
spectacle "les Mahbouleries" joué au festival des Oralies des hautes Provence.
1995 - Co-écriture d'un spectacle avec Marie-Catherine Levy: "Sara et Mohamed se croyaient chez eux"
1994 - Moussa Lebkiri ouvre un atelier de théâtre à PARIS. Il écrit " on n'est pas là pour rire" pour les
jeunes de l'atelier. La même année il écrit et interprète "Reglement de contes", accompagné du musicien
Nasredine Dalil, création au Théâtre de Charleville Mézière.
1993 - Écrit et joue "Le prince Trouduc' en panache”, création Salle J. Brel à Fontenay sous Bois.
1992 - Création de "L'éscargot entêté", de Rachid Boudjedra, mise en scène de Guy Cambreleng.
1991 - il écrit et joue "Il parlait à son balais" avec Belkacem TATEM, création à l'ESPACE ICARE, Issy les
moulineaux puis tournée en Espagne et Belgique.
1990 - Écriture et spectacle de "Bouz'louf... Tête de mouton" mise en scène Guy Cambreleng.
1989 - Il est comédien dans "Une enquête au pays" de Driss Chraïbi, présenté au Festival d'Avignon - La
même année il est au près du chanteur algérien FERHAT, dans
"De la liberté et des hommes" au théâtre du TLP DEJAZET.
1987 - Création de "Une étoile dans l'œil de mon frêre" prix du Jury au Mai Théâtral de Strasbourg,
remis par J.P. CHABROL.
1985 - Création du spectacle "Le voleur d'Autobus" avec Isabelle Debotton dans une msie en scène de
Jean Paul Rolin
1983 - Adaptation du livre "Une vie d'Algérien, est-ce que ca fait un livre que les gens vont lire?" Ed.
SEUIL, spectacle intitulé :
"Et moi, je suis resté comme une chaise" Mise en scène de Annie Rousset. PRIX DU MEILLEUR TEXTE
au Festival de Cannes. Tournée en France, en Allemagne, représentation à Beaubourg Paris.
1982 - Interprétation du rôle de Djeloul dans le film "Prend 10 000 Balles et casse toi" de Mahmoud
ZEMMOURI
1978 - Écriture d'un nouveau spectacle, "Le cirque d'Amar" joué 2OO fois jusqu'en 1981 - Création d'un
spectacle de marionnettes,
"Amachaou ou Il était une fois mon bled"
1976 - Création de sa compagnie le théâtre Nedjma avec Annie Rousset. Il écrit son premier spéctacle
"Barka ou la vie Barisienne".Il sera joué près de 8OO fois à travers la France et à l'étranger.
Résumé du livre : Kif kif piment comme il respire - Ce n'est pas vraiment un livre qui se lit mais
plutôt un livre qui parle, qui s'écoute et se confie… Souvenirs parisiens d'un petit titi kabyle plein
11
d'humour qui débarque dans les années soixante, histoire d'un quartier populaire du 5e arrondissement
entre bandes de bous'louf têtes de moutons et bandes de gitanos genre basanesque
*‐*‐*‐*‐*‐*‐*‐*‐*‐*‐*‐*
L’allumeur de rêves berbères : J’ai lu -2008 de Fellag
Petite bio de Fellag : Né en 1950 dans un village de Kabylie, Fellag fait ses études de théâtre à
l’Institut National d’Art dramatique d’Alger, de 1968 à 1972, avant d’évoluer dans différents théâtres
régionaux. De 1978 à 1981, exil volontaire au Canada. Puis il s’installe à Paris pendant trois ans. En 1985,
il effectue un retour en Algérie où il réintègre le Théâtre National Algérien en tant que comédien et
metteur en scène. À partir de 1987, il crée ses premiers one-man-shows. Il s’exile de nouveau en 1994
en Tunisie puis en France où il crée trois spectacles : Djurdjurassique Bled, Un bateau pour l’Australie et
Le dernier chameau. Fellag est à la fois Comédien, humoriste et écrivain
Il a publié trois recueils de nouvelles et deux romans : Rue des petites daurades (J.C.Lattès 2001) et
l’Allumeur de rêves berbères (J.C.Lattès 2007)
- Prix de la révélation théâtrale de l’année, attribué en 1998 par Le Syndicat Professionnel de la Critique
Dramatique et Syndicale, pour Djurdjurassique Bled..
- Prix de l’Humour noir pour le spectacle Un bateau pour l’Australie.
- Prix Raymond Devos pour la langue française. Ministère de la culture et de la communication. (2003).
- Prix de la Francophonie. SACD.(2003)
Résumé du livre : L’allumeur des rêves berbères Dans une cité d'Alger, au début des années
1990, l'eau est distribuée deux fois par semaine, de trois heures à six heures du matin. Pendant ce temps
où l'eau s'écoule, où la vie reprend, Zakaria, célèbre journaliste, observe de son balcon les faits et gestes
de ses concitoyens et les consigne sur des fiches.
*‐*‐*‐*‐*‐*‐*‐*‐*‐*‐*‐*
Camille Laurens
Agrégée de lettres, Camille Laurens a enseigné en Normandie puis au Maroc,
où elle a passé douze ans. Elle vit maintenant dans le sud de la France. Son
premier livre, 'Index', est publié en 1991. Il est rapidement suivi par 'Romance', 'Les Travaux d'Hercule'
et 'L' Avenir'. Les quatre romans forment une quadrilogie. Mais le grand public la découvre en 1995,
date à laquelle elle publie 'Philippe', qui raconte la mort de son enfant nouveau-né. Ce livre
autobiographique écrit dans la douleur est unanimement salué. Cette oeuvre marque un tournant dans la
carrière de l'écrivain, qui passe alors à l'autofiction. En 1996 commence le travail introspectif sur
l'humain et son rapport à lui même. 'Quelques-uns', 'Dans ces bras-là', 'L' Amour' ou encore 'Ni toi ni
moi' font partie de la même vague. En 2008, Camille Laurens change de registre et publie 'Tissé par
mille', un roman où elle s'amuse à déchiffrer ce qui se trame derrière les mots, tous les mots.
Tissé par mille : Camille Laurens cherche ce que trament les mots - les mille ans, mille gens, mille
jeux, mille sons, mille sens qui s'y nouent pour composer le mystérieux textile où s'invente aussi notre
12
vie, ce tissu de la langue ajouré de silence. 'Tissé par mille' est un recueil de brèves chroniques, chacune
consacrée à un mot, qui donne à voir une part de la fabrique de l'écrivain.
Elle a déployé le nuancier du sentiment amoureux avec 'Dans ces bras-là' et mis
en scène l'ambiguïté de l'amour au travers d'un savant jeu de miroirs dans 'Ni
toi ni moi'. Avec 'Tissé par mille', Camille Laurens fait une nouvelle déclaration
d'amour à la langue française. Avec une exigence littéraire affûtée, cet
abécédaire aléatoire, au-delà de la simple définition, est un prétexte
romanesque. Ces courts textes sont autant de fables et de récits qui créent de
la fiction à partir de la langue. Ils éveillent le désir des mots par des anecdotes
sur l'étymologie, et stimulent l'intelligence avec des citations originales de grands
auteurs, mais aussi de la sagesse populaire et de la chanson comme une
ritournelle entêtante.
A partir du concept qui veut que dans un pli se cache l'infini, et qui nous rappelle 'Le Pli' de Deleuze
(hérité de Leibniz), Camille Laurens réalise ce projet pédagogique habile et malicieux. Elle jongle avec
l'analyse littéraire et le jeu en décortiquant les mots, en dévoile tous les sens dans un exercice qui tient à
la fois de la joute et de la chasse au trésor. Un trésor qui se cache dans la vérité, qui se cache dans le
mot, qui se cache dans le texte... "Ce pli de sombre dentelle qui retient l'infini...", est le vers de Mallarmé qui
a donné à Camille Laurens l'envie de défaire ces plis pour mettre à jour l'humble étoffe de la
compréhension juste, du mot approprié qui suscite l'idée claire, et qui illumine la raison pour ne jamais
perdre le fil. «L’événement»
Petite bio de Camille Laurens
Agrégée de lettres, Camille Laurens a enseigné en Normandie puis au Maroc,
où elle a passé douze ans. Elle vit maintenant dans le sud de la France. Son
premier livre, 'Index', est publié en 1991. Il est rapidement suivi par 'Romance',
'Les Travaux d'Hercule' et 'L' Avenir'. Les quatre romans forment une
quadrilogie. Mais le grand public la découvre en 1995, date à laquelle elle publie
'Philippe', qui raconte la mort de son enfant nouveau-né. Ce livre
autobiographique écrit dans la douleur est unanimement salué. Cette oeuvre marque un tournant dans la
carrière de l'écrivain, qui passe alors à l'autofiction. En 1996 commence le travail introspectif sur
l'humain et son rapport à lui même. 'Quelques-uns', 'Dans ces bras-là', 'L' Amour' ou encore 'Ni toi ni
moi' font partie de la même vague. En 2008, Camille Laurens change de registre et publie 'Tissé par
mille', un roman où elle s'amuse à déchiffrer ce qui se trame derrière les mots, tous les mots.
Le Petit salon littéraire de septembre
« La Porte des Enfers » de Laure t Gaudé (sortie le 20 août 2008 ) Le roman de
Laurent Gaudé met en scène la vengeance de Filippo Scalfaro, dont le fils a été tué d'une
balle perdue dans les rues de Naples en 1980. Dans les guerres, la pauvreté ou l'exil,
l'auteur cherche à faire entendre la dimension solaire dont chaque personnage illumine
sa propre trajectoire.
13
«Les Accommodements raisonnables » de Jean Paul Dubois (sortie
prévue le 21Août 2008 et en commande)
Paul Stern – toulousain, la cinquantaine – hésite. Entre une épouse (Anna) qui s’enfonce
dans une profonde dépression et s’éloigne de lui chaque jour davantage et un père
(Alexandre) dont le remariage scandaleux lui révèle soudain la vraie nature, il est tenté de
tout abandonner. La proposition d’un studio de cinéma tombe à pic : quoi de plus
providentiel qu’une année à Hollywood pour réécrire le scénario d’un film français afin d’en tirer un
remake ?...
A la mort de Charles Stern, grand sauteur et profiteur, boursicoteur verni et frimeur, son neveu Paul
Stern ne ressent pas grand-chose pour cet oncle qu’il connaissait peu. Scénariste toulousain, il observait
de loin cet oncle parisien, condescendant, méprisant et vénal. Quant à Alexandre, le père de Paul, il a
passé sa vie à honnir ce frère aux antipodes de sa vie, lui qui menait une vie de veuf, frugale, voire
bigote, étriquée.
Mais la mort de l’un semble donner à l’autre un regain de vitalité, et Alexandre hérite de la fortune de
son frère. Adieu potages, prières et renoncements, bonjour le fric, la frime et la liberté.
Paul mène une vie qu’on pourrait considérer comme tranquille, si on peut appeler tranquille une vie de
couple inexistante. Une femme neurasthénique, gavée d’anxiolytiques et de narcotiques. Un couple qui
peu à peu, sans le savoir ni le vouloir d’ailleurs, s’est éloigné lentement et partage le même toit sans
partager quoi que ce soit d’autre. Les enfants sont partis, sont eux même parents, la vie est routinière,
peu passionnante. Paul accepte un poste de Script doctor à Hollywood tandis qu’Anna demande un
internement volontaire.
Une année. Une année à Hollywood, pendant laquelle Paul observe de loin son père envoyer valser ses
principes et goûter une vie qu’il a toujours dénigrée ; une année pendant laquelle Paul fuit une vie de
couple usée, érodée, fissurée en cherchant à travers ce miroir qu’est Hollywood un semblant
d’apaisement. Il rencontre Selma, le double parfait d’Anna, quelques années en moins et le moral en plus.
Jean-Paul Dubois nous propose le portrait d'hommes et de femmes qui se cherchent, qui se perdent, qui
se retrouvent pour mieux s’en aller encore. A travers la vie d’Alexandre, qui envoie valser tout un passé
pour épouser une vie qu’il a toujours ostensiblement réprouvée, à travers Anna qui préfère s’emmurer
dans un sommeil lénifiant pour ne pas affronter la vie, à travers Paul qui fuit une vie qui n’a plus de sens
pour un milieu finalement tout aussi dénué de sens, voici un roman abouti qui nous parle de ces petits
arrangements, sournois, hypocrites, lâches, que l’on peut faire pour édulcorer le quotidien, comme on
passe un onguent sur les blessures de l’âme en sachant pertinemment que tout ça n’est qu’artifice. Des
compromissions, des pactes muets, des lâchetés inavouées mais manifestes, qui permettent à chacun de
s‘arranger avec soi-même, de fermer les yeux devant son miroir.
Accommodements avec ses principes, à travers Alexandre qui se venge d’un frère qu’il a toujours envié,
jalousé. D’un seul coup, le retraité paisible et solitaire règle ses comptes avec ses fantômes et endosse la
vie de l’autre, jusqu’à épouser sa compagne et devenir, lui aussi, l’être puant, condescendant, narcissique.
Vouait-il son frère aux gémonies par conviction ou envie ?
Accommodements avec le devoir, à travers Paul qui fuit une épouse dépossédée de toute substance
mais tombe amoureux du reflet de cette même femme, avant qu’elle ne sombre. Il fuit la réalité en
préférant un double encore neuf, dont il découvrira plus tard que le double aussi est écorché.
14
Culpabilité, compromissions, faiblesses et regrets, le roman de Jean-Paul Dubois laisse une empreinte
persistante sur la nécessité d’assumer sa vie et les rapports humains, faits de compromis, de petites et
grandes lâchetés. Un bon roman, donc.
Petite bio
Né en 1950 à Toulouse, où il vit toujours, Jean-Paul Dubois se lance dans une carrière de journaliste. Il
devient (il l'est d'ailleurs encore) journaliste-reporter pour l'hebdomadaire d'actualités Le Nouvel
Observateur. Il est en effet consultant permanent aux Etats-Unis pour le magazine, un pays qui le fascine.
Ses oeuvres sont en général l'objet d'une critique unanime. Il a d'ailleurs été lauréat du prix France
Télévisions pour Kennedy et moi en 1996, porté à l'écran par Sam Karmann quelques années plus tard et
qui mettait Jean-Pierre Bacri en vedette. Jean-Paul Dubois revendique l'influence de grands auteurs
américains contemporains tels que Philip Roth et John Updike. Au fil des ans, son lectorat s'est fidélisé.
On retrouve d'ailleurs dans tous ses romans de grands thèmes de prédilection chers à l'auteur : des
femmes de poigne, une certaine attirance pour les femmes d'âge mûr, des personnages toujours un peu
décalés comme des dentistes sadiques, etc…
Le roman, Une vie française (L'Olivier), regroupe d'ailleurs ces quelques "fondamentaux" de son oeuvre.
A travers l'itinéraire de Paul Blick, petit-fils de berger pyrénéen, fils d'une correctrice de presse et d'un
concessionnaire Simca à Toulouse, Jean-Paul Dubois met en parallèle la vie de son héros avec l'histoire
de la Ve République, et offre ainsi une nouvelle perspective historique. Un roman très drôle et finalement
très mélancolique, qui lui permet de remporter en 2004 le Prix Femina.
BIBLIOGRAPHIE (les livres en gras sont disponibles à la médiathèque)
Compte rendu analytique d’un sentiment désordonné (1984)
Eloge du gaucher (1987)
Tous les matins je me lève (1988)
Maria est morte (1989)
Les poissons me regardent (1990)
Vous aurez de mes nouvelles (1991)
Parfois je ris tout seul (1992)
La vie me fait peur (1994)
Kennedy et moi (1996)
L’Amérique m’inquiète (1996)
Je pense à autre chose (1997)
Si ce livre pouvait me rapprocher de toi (1999)
Jusque-là tout allait bien en Amérique (recueil, 2002)
Une vie française (2004)
Vous plaisantez Monsieur Tanner 2006)
Les Hommes entre eux (2007)
[Les ]accommodements raisonnables (2008)
15
Olivier Rolin le chasseur de lions
Petite bio
Olivier Rolin, né en 1947, est l’auteur de plusieurs romans, dont L’Invention du monde (1993), PortSoudan (prix Femina 1994), Méroé (1998) et Tigre en papier (2000 et prix France-Culture 2003). Il a
également écrit des récits de voyage dont En Russie (1987), Mon Galurin gris (1997), a été journaliste et
est éditeur.
Les destins croisés d’Edouard Manet, qui meurt à 51 ans de gangrène, et de son
collectionneur et modèle occasionnel, Eugène Pertuiset, aventurier, chasseur de lions,
homme à femmes, gros mangeur et buveur, explorateur à ses heures, jusqu’à la Terre de
feu
En 1881, deux ans avant sa mort, Edouard Manet fait le portrait d’un personnage haut en
couleurs de l’époque, Eugène Pertuiset, à ses heures chasseur de lions en Algérie, mais
aussi magnétiseur, explorateur, inventeur et trafiquant d’armes, activités qui le mèneront
à accomplir de nombreux voyages en Amérique du Sud, et à faire la première tentative d’exploration de
la Terre de Feu. Ce Portrait de Pertuiset, le chasseur de lions, qui n’est peut-être pas le plus connu de
Manet aujourd’hui, ni le plus admiré, valut à l’artiste un prix au Salon. Les deux hommes étaient liés, et
l’aventurier avait le bon goût d’être un collectionneur de Manet.
Ce sont les aventures de ce Pertuiset, rocambolesques et assez farcesques, que retrace Olivier Rolin,
croisées avec divers épisodes de la vie de Manet. C’est aussi un voyage à travers l’espace (l’Algérie
coloniale, Lima, Valparaiso, la Terre de Feu), le temps (le Paris de Napoléon III, la guerre de 70, la
Commune), les souvenirs littéraires (Baudelaire, Zola, Maupassant, etc.). Un roman mené tambour
battant, comme une suite très rythmée de scènes ou de tableaux colorés.
Mais bien sûr, Olivier Rolin ne fait pas un roman classique, et il entrecoupe son récit par l’évocation de
souvenirs personnels qui le ramènent vingt-cinq ans en arrière lorsque, journaliste, il arpentait le
continent latino-américain. « Le lion que tu chassais, la Terre de Feu que tu explorais, le trésor que tu
cherchais, c’était, comme toujours, le temps perdu. » Un roman vif, rapide, drôle, fourmillant
d’anecdotes, et d’une formidable puissance visuelle : on croit vivre toutes ces aventures, on y est. Rolin
a réussi son pari, d’un livre puissant et grand public
Henri Bauchau : prix du livre Inter 2008
(présentation le lundi 15 septembre 2008
Le verdict est tombé sur le livre inter LE JEUNE AUTEUR à découvrir...a 80 ans.
C'est Henri BAUCHAU !
16
Le boulevard périphérique" de Henry Bauchau publié chez Actes Sud a obtenu la
majorité absolue au 3ème tour de scrutin, (avec la voix du président du jury qui
compte double) devant "Mon traître" de Sorj Chalandon (Grasset) (12 voix)
Petite bio : Henry Bauchau est né à Malines en Belgique le 22 janvier 1913. Son
oeuvre, en partie inspirée par certains événements traumatisants de l'enfance, est
placée sous le signe de la « déchirure » intérieure et s'offre comme une tentative de
reconstruction par le verbe. À partir de 1975, Henry Bauchau travaille à Paris comme
psychothérapeute dans un hôpital de jour pour adolescents en difficulté. En 1981, il publie La sourde
oreille ou le rêve de Freud, oeuvre poétique, directement inspirée de la psychanalyse, et s'intéresse de
très près au mythe d'OEdipe sur lequel il base ses romans OEdipe sur la route (1990), et Antigone
(1997). Membre de l'Académie royale de littérature de la Communauté française de Belgique depuis
1990, il a reçu le Prix International Union Latine de Littératures Romanes en 2002
Venu tardivement à l'écriture, Henry Bauchau s'est essayé à tous les genres. Mêlant la mythologie à
l'Histoire, l'imaginaire au réel le plus intime, l'oeuvre d'Henry Bauchau, peut se lire comme une ample
épopée initiatique, dont la force narrative se nourrit d'une attention extrême à la psychologie des
profondeurs, et au travail de l’inconscient.
Ses ouvrages sont aujourd'hui, pour la plupart, disponibles chez Actes Sud et traduits dans toute
l'Europe, aux Etats Unis, au Mexique, en Chine au Japon
Boulevard périphérique (Actes Sud)
Résumé du livre
A Paris, en 1980, alors qu'il « accompagne » sa belle-fille dans sa lutte contre un cancer, le narrateur est
repris par le souvenir de Stéphane, l'ami de jeunesse, l'homme qui l'a
initié à l'escalade et au dépassement de la peur, avant d'entrer dans la
Résistance et de mourir dans des circonstances énigmatiques.
Parce que sa belle-fille, Paule, est hospitalisée pour un lourd traitement
contre le cancer, jour après jour le narrateur prend le métro, le RER,
le bus ou sa propre voiture, à travers les encombrements du Boulevard
Périphérique, sous la grisaille d'un début d'été particulièrement
déprimant, jusqu'à cette chambre d'hôpital où en alternance soufflent
l'espoir (obligé) ou le pressentiment (coupable) de l'inéluctable. Et
comme une ombre portée sur cette chronique d'une fin annoncée, le
souvenir terriblement vivant de Stéphane. Et l'énigme de sa mort. Ce
qui frappe dans ce livre d'une densité et d'une transparence d'exception, c'est qu'en quelques phrases
Henry Bauchau atteint le coeur des choses, glisse du souvenir vers une fiction assumée et trouve un
splendide équilibre entre incertitude, spontanéité et maîtrise
Rappel prix du livre Inter les quatre années précédentes
•
•
•
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2004 : "L'homme Soeur" de Patrick Lapeyre
2005 : "l'Etourdissement" de Joël Egloff2006 : "La chambre de la Stella" de Jean Baptiste Harang
2006 : "La chambre de la Stella" de Jean Baptiste Harang
2007 : "Ouest" de François Vallejo
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Les 10 livres sélectionnés pour le prix du livre Inter 2008
•
Henry Bauchau - Le boulevard périphérique (Actes Sud) (disponible en médiathèque et sera présenté
le 16 juin)
•
Sorj Chalandon - Mon traitre (Grasset) disponible en médiathèque et présenté par Marc Fauroux)
•
Vincent Delecroix - La chaussure sur le toit (Gallimard) (disponible en médiathèque)
•
Annie Ernaux - Les années (Gallimard) disponible en médiathèque et présenté par Marc Fauroux–
•
Nicolas Fargues : Beau rôle (POL) disponible en médiathèque et présenté par Marc Fauroux)
•
Eric Laurrent - Renaissance italienne (Minuit)
•
Linda Lê - In memoriam (Christian Bourgois) (disponible en médiathèque)
•
Michèle Lesbre - Le canapé rouge (Sabine Wespieser) (disponible en médiathèque)
•
Eric Reinhardt - Cendrillon (Stock) (disponible en médiathèque)
•
Olivia Rosenthal - On n'est pas là pour disparaître (Verticales) (disponible en médiathèque)
Le 7ème Petit Salon Littéraire d’octobre
Lundi 20 octobre
Marc Fauroux comédien, lira pour vous, nouvelles et extraits de romans
autour d’un thé, afin de discuter ensemble de trois livres choisis parmi les
nouveautés de l’actualité littéraire de septembre 2008
Frédéric CIRIEZ : «Des néons sous la mer» (Premier roman)
Jean Baptiste Del Amo : «Une éducation libertine» (premier roman)
Phlippe de La Genardière : «L’année de l’éclipse»
Présentation des auteurs et de leur livre
Frédéric CIRIEZ : «Des néons sous la mer »
Petite bio de Frédéric Ciriez
Premier roman de Frédéric Ciriez, 'Des néons sous la mer' paraît aux éditions Verticales. Sous le ciel de
Bretagne, dans un ancien sous-marin reconverti en maison close, un jeune homme doux-rêveur raconte
la vie à bord. Inattendu et poétique.
Très tôt attiré par l'écriture, Frédéric Ciriez exerce d'abord sa plume satirique dans des journaux de
Bretagne, sa région natale. Des études de lettres et de linguistique le
conduisent à travailler dans l'enseignement puis comme chroniqueur
littéraire. C'est en collaborant avec Pierre Bergounioux et Rémy Toulouse
pour l'essai 'Ecole : mission accomplie' qu'il se lance plus officiellement
dans l'écriture en 2006. 'Des néons sous la mer', paru en 2008, est son
premier roman.
Résumé du livre : Des néons sous la mer
18
Frédéric Ciriez s'en défend, il n'est pas vraiment romancier et de fait, son premier roman n'est pas
vraiment un roman, plutôt une thèse parodique ou un reportage décalé. Le livre qui se joue des
contraintes du roman traditionnel, s'offre même des incartades jubilatoires du côté du
conte et du poème. Appliqué, l'auteur a mis deux ans à composer ce facétieux OLNI objet littéraire non identifié - sans doute le plus inventif de cette rentrée littéraire.
Rencontre avec un auteur intarissable quand il s'agit d'évoquer les auteurs et les lieux
qui l'ont inspiré.
Depuis la réouverture des maisons closes, Beau Vestiaire, un jeune homme, a été engagé pour
tenir le vestiaire d'un bordel situé dans un ancien bâtiment de la Marine nationale. Il tente de saisir l'esprit du lieu
par une approche qu'il voudrait la plus scientifique possible et dresse le portrait des différentes personnes
côtoyées : clients, prostituées, etc. Premier roman.
Critique du livre par Aurélie Mongour « Evene »
Voyageurs ou curieux, franchissez les portes de l'Olaimp. Il est toujours temps : le sous-marin-bordel
mouille à l'année en baie de Paimpol dont il est l'approximative anagramme. De la vie utérine de cet
ancien bâtiment de la marine émancipé, le narrateur dresse une chronique balayée par les embruns de la
fantaisie poétique et de la réinvention formelle. A la fois roman d'anticipation - l'histoire a lieu en 2012 à
une époque où les maisons closes participent à l'économie régionale -, thèse universitaire sur l'histoire
du submersible et élucubrations iodées sur la vie de ses habitants, 'Des néons sous la mer' échange sans
fausse pudeur les fluides du réel et de l'imaginaire. Le maître mot est de s'amuser en s'autorisant toutes
les digressions, des contes érotico-folkloriques à la licencieuse carte des plaisirs. S'amuser, en
contournant la censure morale, quitte à rayer des paragraphes entiers pour s'adonner plus librement
aux plaisirs coupables du lyrisme sensuel. Et puis, surtout, oublier le manifeste pour laisser les
olaimpiennes, prostituées indépendantes, raconter leur vérité fantasmée, leurs drames vécus, les clients
exprimer leur reconnaissance ou leur dégoût dans des décors décrits comme des fonds sous-marins. En
somme : les métaphores maritimes et oniriques de Gracq accouplées aux jeux de plume des poètes de
l'OuLiPo. Pour son premier roman, Frédéric Ciriez compose un exercice de style brillant, célèbre les
beautés effrayantes de la chair et invente ses propres légendes de sirènes et de marins. Jouissif.
Interview de Frédéric CIRIEZ
Cette année voit la parution de votre premier roman. Comment êtes-vous venu à
l’écriture ?
Je suis né en Bretagne, à Paimpol. Mon père était administrateur des affaires maritimes et mon grandpère fusilier marin. Côté paternel, on a toujours vécu sur le littoral. Nous avons beaucoup déménagé, à
Dunkerque et Rouen notamment, deux villes assez sombres, assez propices aux atmosphères un peu
noires. L'écriture m'a, quant à elle, toujours attiré et je peux me dire amateur de langage, de tous les
langages jusqu'aux slogans publicitaires. J'ai été pigiste en presse, localier à Ouest France. Etudiant,
j'animais une rubrique satirique dans la Presse d'Armor, je m'amusais beaucoup. A l'époque, j'étais déjà
dans le désir d'écriture.
Vous citez de nombreux auteurs en épigraphe, quels sont ceux qui vous ont donné envie
d'écrire aujourd'hui ?
Le livre s'inscrit dans une tradition de ce que je nommerais le "roman du bordel", presque un genre en
soi puisqu'une maison d'édition comme Laffont publiait il y a quelques mois une anthologie 'Un joli
monde' qui lui était consacrée. Il y a des gens dans ce registre du roman de la prostitution que j'aime
beaucoup : j'évoque Jean Lorrain, romancier décadent, Marcel Schwob qui a écrit un livre extraordinaire,
'Le Livre de Monelle', dont Gide s'est inspiré pour écrire 'Les Nourritures terrestres'. Je cite aussi dans
mon livre Georg Trakl, un poète autrichien que j'adore et une essayiste française que j'admire, Annie Le
19
Brun dont l'imaginaire et le travail critique m'intéressent beaucoup. Chez Verticales, j'apprécie tout
particulièrement deux auteurs : Gabrielle Wittkop qui a écrit des choses très sombres liées à l'érotisme
noir sadien et Grisélidis Réal qui est un auteur extraordinaire, ancienne prostituée qui a magnifié sa
trajectoire dans 'Le Noir est une couleur'
Comment naît l'envie d'écrire un roman protéiforme et aussi peu conventionnel que 'Des
néons sous la mer ?
Je ne me considère pas vraiment comme un romancier naturel avec le désir de raconter une histoire. Je
ressens plus le désir de creuser un motif, un univers. Dans ce livre, je voulais explorer la figure du
bordel avec ce sous-marin, symbole phallique et lieu propice au déploiement de mon imaginaire
maritime. Un lieu, aussi, inspiré du roman noir gothique, beaucoup plus fantasmatique, à travers un
univers clos qui marque les coupures avec le monde social et qui fait naitre d’autres scènes.
Vous rayez des passages entiers en prétextant livrer les "flots noirs d'écriture", s'agit-il
vraiment d'écriture automatique spontanée et amorale ?
Je voulais saturer le discours explicatif classique et faire ressortir la vanité du discours scientifique.
Parallèlement et moins sérieusement, je voulais aussi rigoler avec des jeux puériles : des mots à
connotation sexuelle comme font les enfants. Ensuite, il y avait peut-être un enjeu moins perceptible,
plus autobiographique : un lyrisme dont on pourrait penser qu'il exprime des choses qui seraient liées
Le roman se déroule dans un futur proche qui subventionne les maisons closes comme
n'importe quelle autre PME. Le livre a-t-il une vocation critique ? à ma vie propre.
C'est plutôt ironique et parodique car on sait que les prostituées sont des personnes reléguées au rang
de deuxième ou troisième catégorie, second class people comme disent les Anglais. La critique se situe à
ce niveau-là. Je prends position mais ce n'est pas un livre politique en tant que tel. J'essaie plutôt de
confronter les discours possibles de la prostitution.
En 2006, vous participiez à la rédaction d'un essai sur l'éducation, pourquoi ne pas avoir
écrit votre premier roman sur l'école et ses problèmes ?
Je suis prof de formation. J'ai passé les concours mais j'ai peut-être enseigné trop tôt. La question de
l'éducation, évidemment, est centrale mais je n'ai jamais eu envie décrire sur ce thème. Par contre,
Verticales publie le livre de François Bégaudeau sur l'école, qui d'un point de vue formel est magistral. Il
parvient à faire écouter la langue des enfants de manière distanciée en proposant une sorte de caisse de
résonance des choses qui s'y passent. Moi, j'évolue plutôt dans l’asocialité d’un bordel sous-marin.
Mais justement vous n’avez pas choisi la facilité ? Le livre est un peu marginal dans son
approche. Mais c'est un faux problème.
Moi je voulais avant tout faire entrer en collision un mélo avec cette histoire d'amour à la fin, et un essai
qui soit bordélique.
Et l’avenir ?
Je vais me faire discret quelque temps, disparaître quatre-vingt-dix ans peut-être...
Jean Baptiste Del Amo : «Une éducation libertine»
Petite bio de Jean Baptiste Del Amo
Passé de l'ombre à la lumière en 2008, Jean-Baptiste Del Amo connaît un succès
important dès la parution de son premier roman 'Une éducation libertine', récompensé
par le prix Laurent Bonelli - Lire et Virgin Megastore. Avec cette distinction, il confirme
les attentes du prix du Jeune écrivain, reçu en 2006 pour le recueil de nouvelles 'Ne rien faire', inspiré
d'un voyage au Burkina Faso. La critique est notamment séduite par la richesse de sa langue et de ses
descriptions qui témoignent de sa passion pour des écrivains tels que Pierre Choderlos de Laclos ou
Gabrielle Wittkop.
Le livre : «Une éducation libertine»
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Encore un premier roman d'une grande maîtrise. Saluons l'auteur: Jean-Baptiste Del Amo a 26 ans, une
plume et un ton. Il signe la troublante chronique d'individus à l'humanité vacillante. Une variation sur ces
histoires d'ascension sociale que Balzac ou Fitzgerald ont offertes à la littérature. Il y a, d'ailleurs, un peu
de Rastignac et de Nick Carraway dans ce Gaspard, héros de Del Amo, précipité dans les tourments de
la fin du xviiie siècle.
Paris, 1760. Un garçon de ferme marche vers la Seine. Gaspard a fui Quimper et aborde la capitale. Elle
est pour lui la promesse d'une vie meilleure. Mais la ville, ténébreuse et dévorante, n'apporte pas mieux
à ce jeune ambitieux que le cloaque dont il s'est arraché. Très vite, Gaspard comprend que ce siècle
corrompu propose pourtant la possibilité de changer de condition à qui sait manier l'hypocrisie et les
mondanités. En se soumettant à l'emprise d'un terrible mentor (le comte de V., mystérieux personnage
sans morale ni censure), Gaspard s'extraira de sa fange et s'élèvera vers le monde de la noblesse.
Journalier souillé par le limon de la Seine, il deviendra apprenti perruquier, giton dans un bordel et,
enfin, amant de très vieux et très fortunés messieurs dépourvus d'héritiers. Imposteur? Peut-être... Au
passage, piqué par l'aiguillon de l'humiliation, il aura appris la haine, le dégoût (des autres et de soi), le
désir de vengeance. Il réussira. Et chutera.
Le destin de Gaspard illustre à merveille ce qu'il advient lorsque, par désir d'arriver, on oublie jusqu'à sa
propre humanité. Mais ce qui fascine, ici, ce sont les descriptions des «jupons de misère» dont se pare la
ville. Dans ce Paris magistralement décrit, on viole, on tue, on égorge à chaque coin de rue. Dans
l'indifférence. Et dans une puanteur inhumaine. Ces odeurs excrémentielles, méphitiques, tiennent le
premier rôle et donnent toute sa force à ce roman - par ailleurs trop long. Le tour de force de JeanBaptiste Del Amo est d'avoir fait des pestilences qui accompagnent chaque instant de la vie de son héros
autant de symboles de ce statut qui nous menace tous: l'imposture.
Philippe de La Genardière : «L’année de l’éclipse»
Né en 1949 à Salon-de-Provence, Philippe de la Genardière a effectué un séjour de
deux ans (1974-1976) en Iran, où il était lecteur de français. A son retour, il travaille
dans l'édition et écrit pour diverses revues, comme Digraphe ou La Quinzaine littéraire.
De 1984 à 1986, il est pensionnaire de la villa Médicis. - Philippe de la Genardière est
l'auteur d'une douzaine d'ouvrages environ, publiés notamment chez Flammarion et
Actes Sud. Dans le cadre de la rentrée littéraire 2008, il publie un nouveau roman chez
Sabine Wespieser, L'Année de l'éclipse.
Le livre : «l’année de l’éclipse»
Basile, philosophe, s'interroge sur le sens du monde. Son désarroi est balayé par sa
rencontre avec Shadi, une Iranienne dont le père a été exécuté lors de la révolution
des mollahs. Les errances urbaines dans un Paris fantasmagorique, et l'extase de la
fusion des corps vont réenchanter sa vie.
Voici le dernier livre d'un écrivain qui écrit depuis près de trente ans, Philippe de La
Genardière. “L'Année de l'éclipse” est l'odyssée d'un quinquagénaire vers une nouvelle
jeunesse.
Un voyage au long cours. Une grande et noble aventure. Une épopée quasi homérique, avec ses
épreuves initiatiques, ses instants de fièvre et ses traversées du désert, ses épisodes glorieux et ses moments de doute, ses chutes et ses révélations sublimes. Voilà l'invitation que fait au lecteur Philippe de La
Genardière, avec L'Année de l'éclipse. Qui l'aime le suive dans ce périple héroïque et éblouissant.
L'aventure, précisons-le pour éviter tout malentendu, est ici tout intérieure et spéculative. Sensuelle,
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intellectuelle, philosophique, spirituelle. En des temps tels que les nôtres, il ne faut pas manquer d'audace
pour lancer à la ronde pareille proposition.
Mais d'audace, d'ambition, de ténacité, Philippe de La Genardière ne manque pas ; Il construit depuis
près de trente ans une œuvre fermement inscrite dans la mémoire de ceux qui l'ont approchée : citons
Battue (1979), Legs (1991), Morbidezza (1994), plus récemment l'envoûtant Simples mortels (2003),
romans tous différents mais cristallisés toujours autour de la question : « Quid de l'aventure humaine en ce
troisième millénaire ? » L'interrogation, on le voit, n'est pas anodine, et c'est elle encore qui taraude
Basile, dont on fait la connaissance aux premières lignes de L'Année de l'éclipse : « Il ne comprenait plus le
monde, ne l'aimait plus. » Nous sommes en 2005, Basile a 50 ans, il est en pleine crise, séparé de sa
femme, très loin de sa fille, en rupture avec son métier d'enseignant, en panne depuis belle lurette dans
la rédaction d'un ouvrage philosophique intitulé L'Eclipse philosophique. Dépressif, Basile ? C'est bien peu
dire, bien mal rendre compte de la profondeur abyssale du désarroi dans lequel il se trouve plongé.
C'est ainsi, Basile ne comprend plus le monde, il semble qu'il n'y ait plus sa place. Mondialisation,
technicisation, perte du sens et même du désir de sens, défaite des idéologies et des dieux, toutepuissance de la communication... Mais comment vivre dans ce monde indigne, comment se sentir partie
prenante de cette humanité désormais défaite, où puiser l'énergie pour « relancer les dés » ?
La voici tracée, la trajectoire de l'épopée initiatique dans laquelle Philippe de La Genardière engage
son personnage, ce Basile dont le parcours personnel et intellectuel récapitule peu ou prou un demisiècle d'histoire intellectuelle et politique française. Le déclic – l'élan vital – est comme il se doit
érotique, et même animal : Basile rencontre la sensuelle Shadi, et la puissance du désir qui l'attire vers la
jeune femme d'origine persane lui donne le vertige. Et après la libido, voici qu'à son tour l'intelligence de
Basile est réactivée, qu'il remet sur l'ouvrage son audacieux projet philosophique – repenser le monde,
l'Histoire, l'homme contemporain, à travers le prisme du concept d'éclipse, et tenter à sa façon un
nouveau pari de type pascalien, dont l'enjeu est pour Basile la réconciliation avec le genre humain.
Il n'est pas simple de résumer la suite du voyage intérieur de notre homme. Qu'on sache simplement
que, plaçant l'interrogation philosophique au cœur de L'Année de l'éclipse, Philippe de La Genardière ne
construit pourtant pas un roman cérébral. Spéculatif, l'ouvrage l'est, intensément, mais il s'offre à lire
tout autant comme une ode sensible à l'amour et à la femme, un tableau de mœurs ironique et féroce,
l'affirmation d'une foi en la puissance de l'art et de la beauté.
Nathalie Crom Télérama n° 305
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