jeanne d`arc - Vexilla Regis

Transcription

jeanne d`arc - Vexilla Regis
Lt-Colonel de LANCESSEUR
JEANNE D'ARC
Chef de Guerre
Le génie militaire et politique de Jeanne d'Arc
Campagne de France 1429-1430
NOUVELLES EDITIONS DEBRESSE
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JEANNE D'ARC
CHEF DE GUERRE
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LIEUTENANT-COLONEL DE LANCESSEUR
___________
JEANNE D'ARC
CHEF DE GUERRE
LE GÉNIE MILITAIRE ET POLITIQUE
DE JEANNE D'ARC
CAMPAGNE DE MANŒUVRES I429-I430
NOUVELLES EDITIONS DEBRESSE
38, rue de l'Université
Paris (7e)
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Tous droits réservés pour tous les pays
©
1961 – Nouvelles Editions Debresse
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AUX FEMMES DE MANŒUVRES
MERES, EPOUSES, FIANCEES OU MANŒUVRES
de tous ceux qui ont combattu
ou qui combattent dans les
Armées françaises
de Terre, de Mer et de l'Air
P. L.
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LETTRE-PREFACE
DE MONSIEUR LE CENERAL DE CORPS D'ARMEE
POYDENOT
(C.R.) ANCIEN DIRECTEUR
DE L'ECOLE SUPERIEURE DE GUERRE
_______
Mon Colonel,
De votre bel ouvrage se dégage, avec un puissant relief, la
personnalité de Jeanne, d'Arc, Chef de Guerre.
L'humble bergère de Domremy domine de très haut tous les
capitaines de son temps.
Avec les qualités morales de caractère, de rayonnement, d'autorité,
elle possède une connaissance parfaite de l'art militaire. Cette science
tient proprement du miracle. Sa source ne peut être que surnaturelle,
car les concepts stratégiques et tactiques de Jeanne d'Arc sont en
avance de plus de 200 ans sur son époque. Il faut attendre Turenne
pour les retrouver...
Dans le domaine de la conduite de, la guerre, vous exposez
magistralement comment Jeanne a, d'emblée, la claire notion du but à
atteindre :
Refaire l'unité du pays autour du son Roi légitime et, pour cela,
reprendre aux Anglo-Bourguignons la capitale du Royaume – ce qui
exigera, sur le plan des opérations, deux campagnes successives :
Campagne de la Loire, Campagne de l'Oise.
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La stratégie mise en manœuvres pour la réalisation de cet objectif
révèle, tout ensemble, le grand capitaine et le grand politique.
- Le Grand Capitaine, qui applique aux manœuvres qu'il conçoit et
dirige, les principes, qui ne seront dégagés que des siècles plus tard ;
la liberté d'action, l'économie des forces.
- Le Grand Politique, qui néglige le secondaire pour aller à
l'essentiel, qui préfère à l'exploitation facile des succès contre les
Anglais battus à Orléans, la consécration du Roi à Reims ; le sacre de
Charles VII n'aura-t-il pas, en effet, une résonance profonde à
l'intérieur et à l'extérieur du Royaume ?
Dans le domaine de la tactique, vous montrez d'excellente façon la
véritable révolution apportée par Jeanne d'Arc aux procédés de
combat assez simplistes pratiqués au XVe siècle.
Jeanne inaugure la combinaisons des armes: des forces légères
reconnaissent et fixent l'adversaire. L'artillerie prépare L'assaut est
exécuté avec le maximum de puissance.
Oserai-je dire que, vieil artilleur, je suis singulièrement sensible à
l'intérêt porté par Jeanne à ses bombardiers.
Enfin sur le plan de la « logistique » - pour user d'un terme à la
mode – Jeanne organise ses ravitaillements, utilise ses divers moyens
de transports, articule ses bases avec la plus rare maîtrise.
Voire livre est plein d'enseignements. Ses lecteurs y prendront le plus
vil intérêt. Ils y trouveront une preuve tangible de la mission divine de
la sainte de la Patrie, qui, sans préparation guerrière d'aucune. Sorte,
s'est haussée, d'un seul coup, au rang des plus grands chefs de guerre.
En vous remerciant sincèrement de m'avoir donné la primeur de
votre manuscrit, je vous prie d'agréer, mon Colonel, l'assurance de
mes très fidèles sentiments.
POYDENOT,
Général de C.A. (C.R.)
Versailles, 14 février 1958.
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PROLOGUE
___________
Cet ouvrage n'était pas, dans notre esprit, destiné à la publicité. Ce
qui nous incita à poursuivre l'étude, commencée depuis plus de 25 ans,
du personnage extraordinaire de Jeanne d'Arc, ce fut l'intérêt, sans
cesse grandissant, éprouvé au fur et à mesure que nous avancions dans
la compréhension de cette nature de pureté biblique, de ses qualités de
chef de guerre.
Il était inutile de chercher une explication humaine de ce paradoxe ;
d'une faible enfant totalement illettrée, transformée en un puissant
génie aux connaissances approfondies des sciences militaires, non
seulement de celles connues à son époque, mais aussi de celles qui
devaient se révéler par la suite. Et cependant le fait était la.
Jeanne d'Arc ne naquit pas enfant prodige. Rien, au cours de son
adolescence ne la distinguait de ses petites camarades. Douce,
charmante, charitable, c'était une bonne petite fille très simple que, au
village, tout le monde aimait. Elle aidait sa mère aux soins du ménage
et, entre temps, gardait les troupeaux. Gaie et enjouée, son bonheur
était de retrouver, le soir venu, ses deux amies préférées, Mengette et
la petite Hauviette sa protégée, parce que plus jeune de trois ans.
Ensemble les trois gamines allaient chanter et danser à la fontaine
des Rains, près d'un vieux hêtre séculaire appelé « le beau May »,
point de réunion de la jeunesse du pays.
Toutefois, si nous en croyons les écrits d'un de ses meilleurs
panégyristes, Mgr Henri Debout, lauréat de l'Académie française, sa
naissance aurait été marquée d'un signe vraiment providentiel.
L'écrivain a peint l'événement dans les termes suivants
Le 6 janvier 1412, les habitants de Domremy sont rentrés chez eux
après avoir assisté aux offices de la belle fête de l'Epiphanie.
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Soudain, à chaque foyer, sans qu'aucun motif extérieur ait pu y donner
lieu, un souffle d'allégresse pénètre dans les coeurs. Etonnés, les bons
villageois s'interrogent, ouvrent les portes, se mettent sur le seuil de
leurs chaumières, examinent le firmament. C'est en vain, rien ne leur
révèle la cause du sentiment de bonheur qu'ils éprouvent 1 .
Et voici que des êtres sans raison, eux-mêmes, partagent cette
exubérance ; les coqs, dans les poulaillers, battent des ailes et pendant
deux heures font entendre leurs chants sonores et prolongés.
Que se passe-t-il donc ?
On dit bien, en fait de nouvelles, que les Darc sont dans le
ravissement parce que, sous leur toit, une fillette vient de naître. Mais
quelle relation et surtout quelle proportion entre les deux événements ?
Nul ne songe même à les rapprocher.
Ce qui ne fut pas compris alors, devait l'être un jour : une telle joie,
en effet, n'est que le présage des transports de triomphe que cette
enfant au berceau soulèvera plus tard en France. De longs siècles en
seront les échos, car cette petite fille sera pour sa Patrie agonisante une
libératrice vraiment incomparable.
Ce sont les hauts faits de cette libératrice qui font son histoire
militaire. Ces hauts faits, malgré leur grandeur, ont été, en général, très
superficiellement traités. Les historiens, des religieux pour la plupart,
se sont surtout attachés à glorifier la vie spirituelle et mystique de celle
que l'on a appelée - à juste titre d'ailleurs - la sainte de la Patrie,
laissant dans l'ombre le récit détaillé de ses campagnes.
A l'étude de ces faits de guerre, nous nous sommes précisément
attachés : comment Jeanne d'Arc conçut sa bataille, comment elle l a
conduisit, comment expliquer les succès foudroyants qu'elle remporta.
Les chroniqueurs du temps, absolument désemparés par ses
conceptions tactiques auxquelles ils ne comprennent pas grand-chose,
se contentèrent de relater les faits. Chez l'adversaire, on cria à la
sorcellerie, moyen facile d'expliquer des défaites persistantes.
1
A rapprocher de la « Grande Peur » qui brusquement saisit la
France entière en 1789, à la veille de la Révolution, sans cause
,apparente, présage de l'épouvantable époque qui allait suivre et que
l'on appelée « La Terreur ».
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Depuis, les enseignements des grands capitaines qui se sont succédé,
les progrès de l'armement, la connaissance plus approfondie de la
balistique, de l'emploi des différentes armes et de leur
perfectionnement, ainsi que leur influence sur la tactique ont permis
une compréhension totale du combat de Jeanne d'Arc.
Quant à la suite des événements appelés « L'itinéraire de la
libératrice » : Campagne de la Loire - marche sur Reims - campagne
de l'Oise - marche sur Paris qui en forment la chaîne historique, nous
ne pouvions mieux faire que de prendre les faits eux-mêmes dans leur
ordre chronologique, à l'exemple des divers historiens de la Pucelle.
Notre tâche personnelle a consisté à rechercher l'explication tactique
des faits, par la réflexion, la méditation, l'étude aussi raisonnée que
possible de la bataille comme la conçut Jeanne d'Arc, dès ses premiers
contacts avec l'ennemi, tactique qu'elle ne varia guère par la suite.
Jeanne d'Arc, commandant de troupes, incontestablement inspirée de
Dieu mit - à quelques années près - fin à une guerre qui. durait depuis
plus de cent ans, par une campagne rapide, réalisant ainsi la plus
merveilleuse épopée de l'histoire de l'humanité.
Femme i ncomparable, elle incarna en sa personne toutes les qualités
de notre race ; elle mérite d'être citée comme la personnification la
plus pure de la femme française.
A toutes les époques de notre histoire nationale, lorsque la Patrie fut
en danger, on vit l a femme de notre pays donner l'exemple du plus bel
et du plus grand héroïsme.
C'est la douce et pieuse tendresse de Clotilde qui. galvanisa le
courage de Clovis, son époux et lui souffla, à l'heure du péril
l'inspiration qui sauva le pays des Francs.
Clotilde avait une compagne qu'elle affectionnait beaucoup et dont
les conseils lui furent précieux pour la conversion de Clovis. Elle
s'appelait Geneviève. C'était - comme le fut Jeanne d'Arc - une petite
bergère devenue sainte et très vénérée de son vivant, surtout après la
retraite d'Attila qu'elle provoqua. Si Jeanne d'Arc mourut jeune brûlée
sur le bûcher de Rouen, Geneviève vécut jusqu'à 92 ans, mais ses
restes furent brûlés, en place de Grève par nos révolutionnaires en
1793, 1281 ans après sa mort, survenue en l'an 512.
C'est Blanche de Castille dont la Régence de 10 années (de
1226 à 1236) prépare la grandeur du règne de son fils Louis IX
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(saint Louis) par la victoire sur les Albigeois, en chassant les Anglais
de France.
C'est Jeanne Hachette, l'humble fille d'un artisan de Beauvais qui
fortifie le courage de ses concitoyens dans la défense de leur cité
assiégée par les Bourguignons, sous les ordres de Charles le
Téméraire.
C'est Anne de Bretagne, toujours si chère aux Bretons sous le nom
de « la bonne Duchesse aux sabots de bois ». Elle maria sa fille Claude
au Duc d'Angoulême (futur François I er) et apporta ainsi la Bretagne à
la France.
Du Guesclin, prisonnier du Prince Noir, reçut un jour, dans sa prison,
la visite de ce dernier. Pour lui montrer son estime, celui-ci le pria de
fixer lui-même le chiffre de sa - rançon : « Cent mille livres, répondit
fièrement le Grand Connétable ». Et, comme le Prince de Galles
paraissait suffoqué de l'énormité de la somme : « On voit bien,
Monseigneur, lui dit Du Guesclin que votre Altesse ne connaît pas les
Françaises. Qu'elle sache donc qu'il n'y a pas femme ou fille en France,
sachant filer qui ne file pour ma rançon ».
C'est Jeanne d'Albret, reine de Navarre qui, malgré des difficultés
sans nombre sut forger du plus pur métal le caractère inconsistant de
son fils et en fit le plus populaire de nos Rois, Henri IV.
C'est la douce reine Marie-Antoinette, victime d'un peuple en délire
et dont le poète a résumé ainsi la tragique destinée :
TRIANON
Au milieu des bosquets, des jasmins et des roses
Des lilas, des iris et des muguets frileux
A Trianon, loin des antichambres moroses
La Bergerie exquise élève ses toits bleus
C'est une fantaisie adorablement fine
Un jouet gracieux et mignon ; chaque été
La Cour y vit d'amour, de bonheur, de gaîté
Comme en un rêve où les coeurs vibrent en sourdine.
Et pendant qu'à Paris, le bas peuple hideux
Hurle contre le Roi des couplets monstrueux
Le maudit lâchement et réclame sa tête
Sous les branches, voyez, très blonde, en chapeau gris
Cette femme aux yeux bleus, qui passe et qui sourit
Délicieusement : c'est Marie-Antoinette.
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LE TRIBUNAL
Elle est debout, les pleurs ont flétri son visage
Ses beaux yeux sont rougis, sa robe est en lambeaux
Ses juges, maintenant devenus ses bourreaux
Férocement railleurs contemplent leur ouvrage
Le Comité voulant pour assouvir sa rage
Déshonorer, après qu'il a fait tant souffrir
Charge la calomnie infâme de flétrir
La royale captive en l'écrasant d'outrages
Et lorsque à haute voix, devant le Tribunal
Un homme noir a lu le rapport infernal
Qui l'accuse d'inceste et lui, crie : Adultère2
« S'il est un droit sacré, c'est celui d'être mère
Dit-elle... Et pour juger cet acte et ce procès
Devant Dieu, j'en appelle à vos mères, Français. »
L'ECHAFAUD
L'échafaud se dressait, lugubre sur la place
Où le soleil d'automne épandait ses rayons
La haine au coeur, avec aux lèvres la menace
Des hommes demi-nus, des femmes en haillons
Assassins ou bandits, sinistre populace
S'entassaient alentour, Tout à coup, plus de cris
Un long frisson de peur semble étreindre Paris
Il se fait dans la foule un silence de glace
Et la charrette avance... Et, calme, regardant
De ce regard empreint de majesté sublime
Son peuple, dont elle est aujourd'hui la victime
Et qu'elle- aima jusqu'à la mort d'amour ardent
La mère du Dauphin, la femme de Louis Seize
L'Autrichienne... s'apprête a mourir en Française.
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Bulletin du Tribunal révolutionnaire (22 et 23).
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LE TOMBEAU
Elle dort maintenant, victime expiatoire
Celle qu'on adorait sans qu'on osât l'aimer
Elle dort. Et maudits, vous voulez enfermer
Sous une ombre d'horreur ce qui fut son histoire
Et vous avez écrit pour souiller sa mémoire
La pièce, le pamphlet et le livre odieux
Elle dort, malgré vous, sous le linceul de gloire
Que nous laissa son âme en s'envolant aux Cieux.
Elle dort et voici qu'à l'insulte éphémère
La Vérité répond, montrant le Parlement
« Regardez bien, c'est là qu'elle fut vraiment mère »
Elle dort et des voix vibrantes, par moments
Montent du lieu du crime à la voûte sereine
Qui disent : « Regardez, c'est là qu'elle fut Reine. »
L'AME D'UN LYS
Poème de Guy Jarnouen de Villartay3 .
Citons encore Mme Elisabeth, soeur de Louis XVI, au pied de
l'échafaud. Douze femmes de France vont mourir avec elle. On les fait
toutes asseoir au pied de l'infernale machine que le bourreau vérifie
devant elles, La princesse sera appelée la dernière. Et l'affreux
holocauste commence.
A l'appel de son nom, la première victime, se prosterne devant la
soeur du Roi et gravit les marches du calvaire. Sa tête tombe. Onze
fois de suite, la même tragique cérémonie se répète avec la même
grandiose majesté. Onze fois de suite, Mme Elisabeth assiste au
martyre de ses compagnes ; puis elle meurt à son tour sans faiblir.
Voilà la femme française
Vingt-trois années de guerres d'enfer succèdent à cette atroce
expérience révolutionnaire. Par centaines de mille, les hommes
3
Guy Jarnouen de Villartay : jeune poète breton de grand avenir,
Malheureusement, mort à l'âge de 25 ans à Parame (I.-et-V.), vers
1905. On a de lui un recueil de poésies charmantes, intitulé :
« Les mains éteintes». Le petit poème ci-joint : « L'Ame d'un Lys »,
lui valut l'Eglantine d'Or, la plus haute distinction accordée en 1900,
par « Les Jeux Floraux ».
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partent et des milliers ne reviennent plus. Alors, ce furent elles, les
femmes de France qui labourèrent les terres, les hersèrent, et rentrèrent
les récoltes au beau temps.
Ces heures tragiques, nous les avons vécues, nous aussi 1914-1918 1939-1945.
Et, à ces tristes renouvellements des cataclysmes guerriers, à notre
tour, nous avons vu la femme française montrer le même héroïsme, à
la campagnes à la ville, à l'atelier, à l'ambulance.
Certes oui, comme autrefois, il y eut bien des larmes qui tombèrent
derrière la charrue, la. machine ou le lit d'hôpital, des sanglots qui se
firent entendre pendant la collecte des gerbes d'or. Mais parce que vos
mères, jeunes gens, étaient des vaillantes la charrue continua de
creuser son sillon, le blé fut rentré, la machine ne cessa pas de tourner
et le blessé mourut consolé.
Ces durs labeurs, ces cruelles souffrances que nos femmes de France
ont supportés nous montrent à tous notre devoir.
Comme elles, comme Jeanne d'Arc leur grande patronne, nous
sommes, tous, des soldats à la bataille dont l'enjeu est le sort même de
la France.
Ne nous effrayons pas des difficultés apparentes. Comme au temps
de Jeanne d'Arc, on n'est jamais plus près du bien qu'au moment de
l'excès du mal.
La France renaîtra et retrouvera un jour, espérons-le, ses gloires
d'antan.
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PREMIERE PARTIE
L'HEROINE
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LA France sous l'occupation anglo-bourguignonne
A l'ARRIVEE de Jeanne d'ARC
(Avril 1429)
Parties striées : ZONE occupée
Partie blanche : ZONE libre
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CHAPITRE 1
Au début du XVe siècle, la France était dans une situation à peu près
désespérée.
Les Anglais occupaient militairement toute la France au nord de la
Loire et une partie de la Guyenne au sud. Leurs armées campaient
dans toute la partie du territoire située à l'ouest d'une ligne Compiègne
- Paris - Orléans. Le territoire, à l'est, de cette ligne était tenu par les
Bourguignons, leurs alliés.
En 1420, le roi de France Charles VI, après avoir assisté à
l'effondrement de son pays, avait dû subir, par surcroît dans sa propre
famille les plus cruelles humiliations.
La Reine, son épouse, la perverse Isabeau de Bavière avait pris,
comme amant, le pire adversaire de son mari, Jean Sans Peur, duc de
Bourgogne, allié des Anglais...
Devenu fou de douleur et de désespoir, il avait, sous la domination
de cette misérable créature, signé le traité de Troyes, par lequel le
malheureux aliéné donnait sa fille, la princesse Catherine, et son
royaume à son autre ennemi, Henri V, roi d'Angleterre. De ce fait.
celui-ci devenait en 1422 - à la mort de Charles VI - roi de France et
d'Angleterre.
Le Dauphin, le futur Charles VII, s'est réfugié au sud de la Loire, à
Bourges. Quelques provinces du sud lui sont encore fidèles, mais la
royauté française agonise.
Bien qu'Orléans soit assez éloigné des principaux camps anglais,
dont le plus rapproché est en Anjou, vers Saumur, les Anglais, qui
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considèrent la partie gagnée, sont venus - contrairement à l'avis de
leurs meilleurs généraux, dont le duc de Bedfort, général en chef des
armées occupantes - mettre le siège devant Orléans.
La ville a été investie dès octobre 1428.
En avril 1429, époque où va commencer notre -histoire, la cité est
entourée de tranchées et de bastides puissantes.
Nous y reviendrons plus loin.
Faisons auparavant connaissance avec l'héroïne de cette histoire
merveilleuse.
Les chroniqueurs de l'époque racontent que, depuis un certain temps,
une nouvelle extraordinaire courait le pays et se répétait de bouche en
bouche; on parlait d'une prédiction.- « La France, disait-on, perdue par
une femme (Isabeau de Bavière) allait être sauvée par une femme. »
Quelle était cette libératrice ? D'où venait-elle ? Où était-elle ?
Pas de réponse à cette question angoissante !
Dans un modeste village des côtes de Meuse, dépendant du Duché
de Lorraine, Domremy-sur-Meuse, vivait, une honnête famille de
paysans aisés. C'était la famille Darc.
Jacques, le père, était le chef. du village; il avait épousé Isabelle
Romée. De ce mariage étaient nés trois fils, Jacquemin, Jean et Pierre.
Plus tard, le 6 janvier 1412 ils eurent une petite fille qui reçut au
baptême le nom de Jeannette.
Arrive l'année 1424. L'enfant a grandi; elle a 12 ans. C'est déjà une
belle et robuste fillette, douce, aimable, et très aimée au village.
Chargée de la garde des troupeaux, elle les conduit le plus souvent à
un endroit champêtre appelé « La Fontaine des Rains » au Bois Chenu.
Elle s'y recueille à l'ombre d'un hêtre magnifique dit « le beau May »,
songeant, avec grande amertume à tous ces récits de guerre, de
combats et de brigandages, car on ne parle que de cela au village. Elle
est très impressionnée de tour. ces malheurs qui fondent sur la pauvre
France; elle pleure bien souvent en demandant à Dieu de faire cesser
toutes ces calamités.
Un soir des premiers jours de l'été de cette année 1424, son âme est
plus triste que jamais et, ses prières montent. plus ardentes vers le Ciel.
Soudain un prodige merveilleux s'offre à ses yeux.
Au centre d'une clarté éblouissante, elle distingue un. personnage
d'une grande beauté entouré d'une légion d'êtres aériens. Oh ! miracle !
Une voix, très douce, l'appelle : «Jeannette, Jeannette.»
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Elle a grand-peur, mais l'apparition la calme. Elle comprend ce
qu'elle a de divin.
Le miracle se renouvelle une deuxième fois, puis une troisième: « je
suis l'Archange saint Michel, le protecteur de la France, lui dit enfin le
Céleste Messager » et il ajoute : « Il y a grande Pitié au Royaume de
France... »
Jeannette écoute avec respect ces premières paroles de l'Ange qui lui
révèle. toute l'étendue des maux de la patrie envahie. Il termine
l'entretien en lui annonçant que Dieu a entendu les prières, que le
martyre du pays va cesser bientôt et que c'est elle qui sera l'instrument
de sa délivrance.
Epouvantée d'une pareille mission, Jeannette supplie qu'elle lui soit
évitée; elle se sent tellement faible, elle est si jeune, sait si peu de
choses, elle est si naïve.
Mais l'Ange la console et en peu de mots lui. apprend qu'elle recevra
pendant plusieurs années une instruction complète, une formation
miraculeuse qui la préparera à son rôle de libératrice.
Et ainsi vont se passer les choses.
L'Archange a été l'annonciateur. Deux saintes lui succèdent, sainte
Marguerite et sainte Catherine.
Et l'enseignement commence.
Sous l'inspiration de ses voix, qu'elle appellera son conseil, elle
découvre tous les arcanes des sciences militaires. Elle prend peu à peu
conscience de sa personnalité; elle sent se fortifier, en même temps
que sa frêle enveloppe, sa nature spirituelle et physique. Hier, petite
fille du peuple, ignorante de tout, elle va devenir - après quatre années
d'études inspirées - l'un des plus grands génies qui ait jamais existé.
Au cours de ces événements, Jeannette, s'intéressait, de plus en plus,
aux récits de la grande lutte anglo-française. Elle était souvent témoin
des querelles privées qui se vidaient entre les princes et seigneurs des
environs. En maintes circonstances, elle avait pu voir, de ses propres
yeux, les horreurs de la guerre, car Domremy avait sa part de
souffrance dans la crise actuelle que traversait la Nation.
*
**
Le 1er mai 1428, ses Voix qui - depuis quatre ans - n'avaient cessé
d'instruire leur élève, lui apprirent que l'heure du départ allait bientôt
sonner et lui tracèrent le plan qu'elle aurait à suivre. Elles
lui enjoignirent d'aller trouver Robert de Baudricourt, capitaine de
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Vaucouleurs et de lui demander une escorte pour se rendre auprès de
Charles VII – "Pars, lui dirent-elles, Dieu te sera en aide. "
C'était une première ‚preuve ! jeannette s'y soumit sans hésiter et
grâce à l'affection dévouée d'un neveu de sa mère, Durand Laxart, elle
réussit, au prix d'‚normes difficultés à se rendre à Vaucouleurs et à
voir le terrible soldat.
Celui-ci la reçut très mal, cette petite paysanne de 16 ans qui lui
racontait des balivernes: qu'elle ‚tait en relation avec le Ciel et avait
pour mission de relever le trône abattu et de libérer la France de
l'occupation étrangère. Il la prit pour une follasse, mais par pitié pour
son jeune âge, il se contenta de conseiller à Durand Laxart, son
protecteur et son parent, de ramener sa pupille à son père pour qu'il lui.
administra " une bonne fessée ".
Très émue de cette réception, mais non découragée, elle s'adressa à
ses Voix (son conseil) qui la consolèrent et lui dirent de patienter.
Les choses en restèrent là jusqu'en juin 1428.
Jeannette profita de ce laps de temps pour endurcir son corps et le
préparer aux rudes ‚preuves qu'il était appelé à supporter.
Pendant ce temps, les Anglais triomphaient partout, prêts à envahir
ce qui. restait encore de territoire sous la domination de Charles VII.
La Loire, formant la frontière du Roi de Bourges, c'est pour cette
raison que l'ennemi avait décidé d'aller mettre le siège devant Orléans,
afin de pouvoir occuper ensuite tout le cours du fleuve.
Si le Dauphin était vaincu devant cette ville, il n'aurait plus qu'à
mettre bas les armes. La guerre était finie et les envahisseurs seraient
maîtres du Royaume de France dans toute son étendue.
C'est alors que les Voix annoncèrent à leur élève que son instruction
était bien terminée; l'heure du départ définitif avait sonné.
Jeannette pleura beaucoup. Elle ‚tait effrayée à la seule pensée de
quitter tout ce qu'elle aimait, sa vie si douce auprès des siens, pour
l'‚changer contre le milieu grossier des camps, contre les risques des
batailles, le mépris des Cours, en un mot contre un inconnu beaucoup
plus pénible encore que les craintes elles-mêmes qui agitaient son
coeur.
Elle n'hésita pas un instant à briser tous ces chers liens pour obéir à
ses Voix.
Ayant repris contact avec son oncle dévoué Durand Laxart, elle lui
confia l'ordre définitif du Ciel. Il s'agissait, tout d'abord, de fléchir la
résistance paternelle. On s'y prit de la façon suivante. L'oncle attendait
une naissance à son foyer, il utilisa cette circonstance pour
manifester le désir d'emmener sa nièce; sous prétexte de
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soigner sa femme. La permission fut accordée sans méfiance et la
petite maligne se mit en route.
Ce premier pas franchi, il fallait de nouveau se rendre à Vaucouleurs
et arriver à fléchir le farouche capitaine de Baudricourt.
Malgré toutes les supplications, celui-ci. resta inébranlable. Jeanne
revint à la charge, à plusieurs reprises, pendant tout le cours du mois.
Elle dut même quitter la ville, mais sur l'ordre de Voix, elle y revint et
élut domicile chez de braves gens, appelés le Royer, bien décidée à
vaincre toutes résistances.
Pauvre Jeannette ! Elle est là chez des amis qui la choient,
l'entourent d'affection, mais, malgré tout, elle vit dans la douleur et
l'angoisse. Elle songe à la France en péril, à Orléans resserré de Plus
en plus dans un cercle de fer et de feu par les impitoyables Anglais.
Ses Voix ne lui cachent rien, deviennent même plus pressantes; elles
l'appellent à l'oeuvre, et, elle, pauvre fille, se voit retenue, bien malgré
sa volonté, loin du théâtre des combats. Chaque minute lui semble un
siècle.
Opiniâtre, elle s'est créé des relations puissantes chez des hommes à
l'âme grande et patriotique qui ont su la comprendre.
Parmi eux, Bertrand de Poulangy; il a assisté, l'année précédente à la
première entrevue entre la petite paysanne et Robert de Baudricourt.
C'est Jean de Nouillonpon, gentilhomme, originaire de Metz (d'où son
appellation de Jean de Metz que nous lui conserverons par la suite) qui
s'enthousiasme pour elle. C'est à lui, qu'elle fit cette fameuse réponse à
sa question
- Quand voulez-vous donc partir ?
- Aujourd'hui plutôt, que demain ; plutôt demain qu'après ! C'est la
masse du peuple de Vaucouleurs qui croit en l'inspirée et l'appelle déjà
à la tête des armées.
C'est enfin le duc de Lorraine. lui-même, Charles II qui ayant
entendu parler de l'extraordinaire jeune fille veut la voir, car il est
malade; elle pourra peut-être le guérir.
Sous la pression de l'opinion publique et celle de son propre
entourage, Baudricourt ne peut résister à la curiosité de la revoir. Il la
convoque, se promettant bien que ce sera la dernière fois.
Dès le début de l'entretien, Jeanne, soudain inspirée révèle, à ce
sceptique, que, à ce moment même, nos soldats commandés par
Dunois éprouvent à Rouvray, au nord, d'Orléans une sanglante défaite
4
.
4
C'est la bataille que l'on a appelé : Bataille des Harengs.
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Voyez, lui dit-elle, combien ma présence est nécessaire aux armées.
Quelques jours après, Baudricourt recevait confirmation de la
défaite. Très intrigué, il fit dire à Jeanne qu'il ne s'opposait plus à son
départ et qu'il lui fournirait une escorte.
*
**
L'équipée de Jeanne d'Arc, de Vaucouleurs à Chinon, appelée depuis
par certains auteurs « La Chevauchée Sacrée » parait, à première vue,
avoir été d'une audace déconcertante, une espèce de folie.
En effet, les difficultés quasi insurmontables du trajet ne
permettaient pas de tenter une pareille aventure. Il fallait chevaucher
de longs jours, en pays ennemi, bondé de pillards et de brigands de
toutes espèces, au milieu des éléments incléments en cette saison
d'hiver, traverser des rivières grossies par les pluies continuelles, éviter
les ponts gardés par les Anglais et les Bourguignons, éviter également
les routes et les chemins trop fréquentés, passer à travers champs et
coucher à la belle étoile par simple prudence.
Jeanne d'Arc osa, soutenue, par sa foi ardente dans le caractère sacré
de sa mission et le but providentiel à la réalisation duquel, elle. se
savait appelée.
Mais ses compagnons malgré leur bravoure, ils n'étaient rien moins
que rassurés. Ce qui les soutenait, c'était - à leur insu peut-être - une
confiance sans borne dans la destinée de leur jeune chef. Elle exerçait
effectivement, un ascendant merveilleux sur tous ceux qui
l'approchaient, ascendant qu'elle conserva pendant toute sa carrière.
Du jour de son départ, elle sacrifia totalement son corps aux
décisions de son âme, affamée d'héroïsme et qui seule commandait.
Quelles que soient les souffrances qu'elle imposera, de la sorte, à ce
pauvre corps, rien ne l'arrêtera et elle ira jusqu'aux suprêmes cimes,
par les indispensables voies du sacrifice.
Partout, on a glorifié fort. justement l'âme immortelle de la sainte de
la Patrie, mais que dire, en invoquant sa prodigieuse chevauchée, de ce
qui ;fut la grande pitié de son corps.
C'est une jeune fille vigoureuse et saine, dans toute la fleur de sa
radieuse jeunesse qui - le 23 février 1429 - part de Vaucouleurs par la
porte de France. Deux ans plus tard, ce sera une pauvre créature
exténuée, usée jusqu'aux moelles qui - le 30 mai 1431 montera sur le
bûcher de la place du Vieux-Marché de Rouen.
27
Ce n'est pas un des moindres prodiges dans l'accomplissement de sa
mission sacrée que cette randonnée de Vaucouleurs à Chinon qui en
constitue les premiers galops. Six cents kilomètres vont être ainsi
parcourus en onze jours, sur un mauvais bidet de labour, par une jeune
fille qui, jusqu'alors, n'avait à peu près jamais enfourché un cheval.
En raison des périls de la route, il avait été convenu que toute la
petite troupe, Jeanne comprise, adopterait la tenue de marchands
voyageant pour leur commerce.
Jeanne portait le même costume masculin que ses compagnons de
route et vue à distance, on l'eût prise pour un jeune homme. Bien
qu'elle n'eût que 17 ans, elle était grande pour une femme, le corps
parfaitement développé, les muscles bien dessinés et forts, le visage
agréable, le teint hâlé comme celui des paysans, les cheveux coupés en
rond à la hauteur du col, selon la coutume des chevaliers du temps.
Au départ, le premier soin de la petite troupe fut d'aller saluer le sire
de Baudricourt. Celui-ci leur adjoignit Colet de Vienne, Courrier
Royal, connaissant parfaitement les difficultés du voyage. Il avait
confié à ce courrier une lettre pour le Souverain, relatant les
circonstances à la suite desquelles il s'était décidé à envoyer à la Cour
la jeune paysanne de Domremy. Il attestait, en particulier, qu'elle lui
avait appris la bataille de Rouvray et son insuccès, aux jour et heure où
le combat avait lieu. N'ayant qu'une confiance relative sur le succès de
cette aventureuse chevauchée, il prit à part Jean de Metz et Bertrand de
Poulengy et leur fit jurer de conduire Jeanne, saine et sauve au Roi.
Enfin, il donna le signal du départ, de sa voix mâle de rude soldat,
mais où perçait une certaine anxiété :
- Va, va et advienne que pourra!
Les sept voyageurs se mirent en route. La porte de France, une fois
franchie, les montures prirent le trot, le lourd trot des bêtes de trait.
Le premier soir est venu, la nuit va tomber. La petite troupe continue
sa route avec toute la prudence possible. Le but de l'étape était l'abbaye
de Saint-Urbain, à onze lieues de Vaucouleurs à vol d'oiseau. Mais
étant donné les détours indispensables en pareille circonstance, on ne
pouvait compter moins de 12 à 13 heures de marche, une partie dans
l'obscurité. Le soleil s'était couché à 5 h. 3/4 et la nuit fut bientôt
complète. Heureusement, vers 9 heures, quoique le ciel fût couve rt, la
lune se leva.
28
De Vaucouleurs, nos voyageurs s'étaient dirigés sur Montigny-lesVaucouleurs et sur Rosière-en-Blois (carte page 29).
De Delouze à Abainville, ils empruntèrent un chemin qu'une
tradition locale appelle encore aujourd'hui, le chemin de Jeanne d'Arc.
Ils passèrent l'Ornain au moulin d'Abainville et se dirigèrent du côté de
Bonnet, Mandres (Meuse), Guillaume (Haute-Marne).
Arrivée là, l'escorte devait, éviter le château d'Echansy alors occupé
par jean de Dauteville, anglo-bourguignon très convaincu. Il fallait
également ne pas trop s'éloigner de la route à cause des étangs formés
par la Saulx et aussi parce qu'il était nécessaire de rejoindre un pont,
unique passage de cette rivière. Multipliant les précautions, nos
cavaliers eurent soin d'entourer de linges les rabots des chevaux avant
de s'engager sur le chemin pierreux qui mène au pont du moulin de
Taillesacq, à l'extrémité du bourg d'Echensy. par conséquent à une
distance respectable du manoir féodal.
Le premier et sérieux obstacle de c ette étape fut ainsi franchi. il fut
ensuite plus facile de se détourner de Joinville où résidait le comte de
Vaudemont, ennemi personnel de René d'Anjou et du sire de
Baudricourt, de plus adversaire déclaré du parti français.
Pour cela, il était nécessaire - après avoir atteint le village
d'Aingoulaincourt - de prendre l'ancienne voie qui conduit presque en
ligne droite, à Saint-Urbain.
Enfin, vers deux ou trois heures du matin, nos voyageurs arrivèrent à
l'abbaye. lis y étaient attendus. Le Prieur, Amoult d'Aulnoy, parent de
Robert de Baudricourt, avait été prévenu.
Jeanne et ses compagnons, bien accueillis, sont conduits aux
appartements où ils pourront prendre un repos bien gagné.
Jeanne est épuisée, par cette longue et rude chevauchée de 50
kilomètres, à travers un pays semé d'obstacles où sa lourde monture
butait à chaque instant. Ses nerfs sont à bout. Sa jeune chair a
cruellement souffert sur ce bât, de campagne plus fait pour porter des
colis qu'une cavalière encore inexperte et très jeune, revêtue d'un
costume masculin auquel elle n'est nullement habituée et, de Plus, mal
adapté à son corps.
Ses compagnons, eux aussi harassés, se déshabillent. et s'endorment
profondément d'un sommeil paisible et réparateur. Pour elle, il en est
tout autrement, elle doit, par prudence, conserver ses vêtements et
s'étendre sur sa couche, toute vêtue.
Ce fut sa première nuit de campagne !
29
CHEVAUCHEE de JEANNE D'ARC de VAUCOULEURS à
CHINON
SIX CENTS kilomètres - Onze étapes, du 24 février au 14 mars 1429
- La partie striée indique la Zone occupée Par l'ennemi;
en blanc : Zone libre (mais infestée de brigands et de pillards)
30
24 février. - Le matin est venu, il faut repartir. Dix heures sont déjà
sonnées, l'étape n'est guère moins longue ni moins pénible que celle de
la veille.
Repas pris, on se mit en route. La Marne est franchie sur un pont
situé en face du village de Saint-Urbain, puis la petite troupe se dirige,
à travers champs. vers Clairvaux (Aube), évitant avec soin le château
de Blaise , appartenant à Baudricourt. Il a été, malheureusement,
confisqué par Bedfort pour en faire don au sire de Vergy, mortel
ennemi du capitaine de Vaucouleurs. Ceci augmente terriblement les
difficultés.
Arrivés aux environs de Pothières (Côte d'Or), nos amis, sur les
conseils de Jean de Metz, décident de bivouaquer. La fatigue, en effet,
est extrême. Pendant des heures, il avait fallu traverser des prairies
inondées, suivre des sentiers noyées par les crues habituelles à cette
époque, dans les vallées de la Meuse, de la Marne, de l'Aube et de
l'Yonne. De grands bois avaient succédé à la plaine. Fuites cruelles
dans la nuit par ces laies forestières à peine indiquées, à travers les
taillis où les branches inaperçues cravachent sans cesse le visage, où le
craquement d'une branche morte éveille des terreurs infinies, haltes où
le cavalier devait songer au repos de son cheval plus qu'à son propre
repos, trots suppliciants sur les chemins truffés d'ornières. En effet, les
corvéables, cantonniers d'alors, ne se décidaient à rempierrer quelque
peu les chemins que lorsque leurs boeufs n 'y pouvaient plus avancer.
Jeanne et ses compagnons durent, ce soir-là, se résoudre à
bivouaquer, à coucher à même le sol, sans oser faire le moindre feu.
Gîte nocturne où la pauvre enfant souffrit un véritable martyrs. Transie
de froid, de pluie et de fatigue, torturée par ses meurtrissures, elle
s'effondra anéantie, se refusant de céder entièrement au sommeil près
de ces rudes compagnons dont se défiait sa pudeur de vierge.
Tout cela, elle le supporta avec une invraisemblable énergie.
26 février. - A l'aube, malgré l'épuisement, on reprit la marche. La
direction choisie était Auxerre en passant par Tonnerre, ou plutôt par
les faubourgs de cette ville. Les renseignements que nous avons
cherchés sur cette troisième étape sont vagues. Un seul est assez
curieux. Il est ainsi raconté : « Dans les derniers jours de février 1429,
rapporte un document historique fort peu connu, on vit passer à
Auxerre une petite bande de gens de Lorraine qui disaient voyager
pour affaires de commerce. Ils étaient cinq ou six, dont deux jeunes
paysans. L'un d'eux pouvait avoir 16 ou 17 ans.
Ce petit paysan de 17 ans, c'était notre Jeanne.
31
Ce soir-là, à la tombée de la nuit, la troupe campa, comme elle put, à
la sortie de la ville.
Le lendemain, 27 février était un dimanche. Au lever du jour, Jeanne
se rendit, en cachette, à la cathédrale Saint-Etienne pour y entendre la
messe.
27 février. - Ce devoir rempli, elle rejoignit ses compagnons et reprit
la route avec eux. La route, c'est beaucoup dire, car, précisément, nous
avons vu que les routes étaient, presque toujours évitées, en raison des
rencontres dangereuses possibles, même certaines. On marchait à
travers champs, s'orientant au soleil, chose habituelle pour ces
campagnards, mais fatigue terrible et pour l'âme et pour le corps.
Jeanne, malgré ses souffrances, voulait toujours avancer sans trêve,
ni repos. Mais ses compagnons épuisés, excédés par ce raid
invraisemblable, perdaient courage et, ne voulaient. plus continuer à
tenter une telle aventure, dans cette région toute dévouée aux
Bourguignons, alliés des Anglais, et infestée par les pillards des
armées royales.
Semblables aux futurs matelots de Christophe Colomb, ils
commençaient à murmurer et ne cachaient pas leur désir de faire,
retour en arrière. Et c'était Jeanne, cette gamine de 17 ans qui ne
cessait de les encourager, leur répétant sans cesse :
Ne craignez rien, nous arriverons sans encombre à Chinon et le
Dauphin nous fera bon accueil.
- En êtes-vous bien sûre ? Ferez-vous, accomplirez-vous tout ce que
vous avez dit ?
N'ayez crainte, leur répondait-elle, ce que 'je fais, j'ai ordre de le
faire. Mes frères du Paradis m'ont enseigné ma mission; voilà quatre
ans qu'ils me la répètent.
- Dieu, Lui-même, m'a dit qu'il fallait que, j'aille à la guerre pour
recouvrer le Royaume de France.
Toutefois, au soir de cette journée, la fatigue et le découragement
étaient tels que - un abri sûr ayant été trouvé - il fut convenu que la
petite troupe se reposerait toute la journée du 28 février.
1er mars. - Le surlendemain, l er mars, la Loire était franchie à Gien,
après une marche, non moins dure que les précédentes, en contournant,
Toucy et Bléneau. A Gien, le fleuve passé, nos voyageurs, se sentant
en territoire non occupé par l'ennemi, reprirent courage. Les difficultés
étaient déjà moindres, les embûches moins probables, mais la lutte
contre les éléments et l'immense fatigue physique et morale ne
cessaient pas.
32
Les dernières étapes se succédèrent ainsi. La huitième conduisit
Jeanne à Senneley, la neuvième à Mennetou-sur-Cher. On traversa le
Cher ce jour-là. La dixième aboutit à Loches où l'Indre fut traversé.
Le samedi 5 mars, la Vierge Lorraine arriva à Sainte-Catherine-deFierbois. C'est de cette cité, qu'elle dicta sa célèbre supplique où elle
demandait audience au Roi.
- J'ai fait 150 lieues, lui disait-elle, pour venir jusqu'à vous et vous
prêter assistance. Comme preuve de ce que j'avance, je vous
reconnaîtrai entre tous.
Le soir même, cette missive fut portée par Colet de Vienne, le
courrier royal que nous connaissons, au château de Chinon où se
trouvait le Dauphin. Le messager était également porteur de la
fameuse lettre du Sire de Baudricourt.
La petite troupe reposa cette nuit à Sainte-Catherine-de-Fier-bois,
dans l'aumônerie construite par le maréchal de Boucicaut pour
héberger les pèlerins. Ce fut la première nuit du voyage où Jeanne put
prendre un réel repos.
Le jour venu, nos cavaliers montèrent en selle pour l'ultime étape.
Elle leur eût été fatale si une intervention providentielle ne s'était
produite qui les sauva d'une mort certaine.
Des brigands armagnacs, prévenus de l'arrivée de la future guerrière,
s'étaient postés en nombre sur sa route, afin de s'emparer de sa
personne et de dévaliser son escorte.
Bientôt ces misérables aperçoivent la Pucelle et ses compagnons. Ils
veulent s'élancer, mais, au même instant, ils se sentent cloués au sol et
dans l'impossibilité de bouger. Et, devant eux, éberlués, la petite
troupe passe tranquille, les coudoie sans même se douter du danger
qu'elle avait couru.
Jeanne et ses gens arrivèrent enfin à Chinon, sains et saufs, le
dimanche 6 mars à midi, à l'heure où les cloches sonnant l'Angélus
rappelaient le mystère de !'Annonciation et semblaient, en ce jour,
annoncer à la France un nouveau Sauveur.
Jeanne mit pied à terre en s'aidant de la margelle d'un puits. Elle
reçut l'hospitalité chez une respectable veuve, Mme Roger de la Barre
qui l'accueillit et la logea jusqu'au moment où s'ouvriraient devant elle
les portes du château, résidence du Prince qu'elle venait sauver.
Le fameux raid était terminé.
*
**
33
De nos jours où les exploits sportifs sont à l'honneur et tentent bien
des athlètes de tout genre, de jeunes amazones se font une gloire de
parcourir à cheval la distance de Paris à Cannes. Mais, quelle est
l'écuyère qui oserait tenter le raid de Jeanne d'Arc, de Vaucoulers à
Chinon et dans les mêmes conditions ?
Ce tour de force, accompli comme nous l'avons exposé est presque
inexplicable. Nos plus experts cavaliers avouent qu'ils ne sauraient
oser le rééditer aussi brillamment.
L'un d'eux, brillant officier au 5e Chasseurs à cheval, le capitaine
Champion 5 qui a écrit sur « Jeanne d'Arc écuyère » un livre très
intéressant, a déclaré :
« Aujourd'hui, on dirait : c'est une belle performance, et, ma foi, en
tenant compte des circonstances. des marches de nuit, du nombre des
cavaliers, de la qualité des chevaux, l'épithète toute moderne de
«Record » devrait trouver ici son application.
Et le capitaine Champion continue ainsi:
« Jeanne d'Arc et ses compagnons détiennent le « record » de
Vaucouleurs à Chinon, en moins de onze jours, montant les mêmes
chevaux, suivant des chemins de traverse, évitant d'être vus, soutenus
seulement par le sentiment du Devoir et par la fermeté de leur
patriotisme. Qu'avec la même vitesse, on essaie de suivre le même
chemin, notre expérience de cavalier nous permet d'affirmer qu'il est
impossible que les sept ou neuf chevaux rassembles puissent arriver à
bon port, sans que le chef ait à intervenir comme médecin, hippiatre,
maréchal ou tailleur, pour soigner ou faire soigner, pour aviser, en un
mot, à d'innombrables situations. »
Or, aucun accident n'a été signalé se rapportant à ce miraculeux
voyage accompli par Jeanne d'Arc et ses compagnons.
C'est le propre des natures et des caractères fortement trempés de
plier leurs corps aux exigences de l'âme, quand la volonté exige ce qui
paraît l'impossible pour arriver au but, coûte que coûte. Le corps
souffre et se révolte, mais la volonté domine et s'impose : « Marche
quand même ». Tel Henri IV, au moment du péril, compte son
angoisse et crie à son corps hésitant: « Tu trembles, carcasse, tu
tremblerais bien davantage si tu savais où je vais te mener. »
Nous avons tous connu, au cours des guerres récentes, ces
âmes d'élites qui surent se sacrifier quand il le fallut. Citons, entre
autres, cette héroïque réponse du commandant Joseph de Laage de
5
Le capitaine Champion, devenu lieutenant-colonel au 2 e Dragons,
fut tué le 29 août 1914 devant Gerbevillers (Lorraine).
34
Meux, du 196 de ligne, tué le 22 août 1914, à Messin (Belgique), à un
de ses officiers qui lui représentait le danger auquel il allait s'exposer :
« C'est la mort..., mais c'est le devoir. »
Telle fut Jeanne d'Arc.
35
CHAPITRE II
Arrivée le dimanche 6 mars 1429 à Chinon, Jeanne attendait avec
impatience la convocation royale, répondant à sa demande d'audience.
Bien que certaine de faire bonne contenance, en présence d'un si haut
personnage, elle était cependant fort émue et craintive, car elle avait
déjà éprouvé bien des désillusions. Elle s'entretenait de ses craintes et
de ses espoirs avec son aimable hôtesse, Mme Roger de la Barre.
Celle-ci. fut, pour elle un soutien précieux, lui, faisant connaître un
peu ce qu'était la vie à la Cour.
Le 9 mars, au matin, un officier de la maison royale se présente. Il
était porteur d'un ordre, enjoignant à la damoiselle Darc de se rendre
immédiatement au château pour être présentée au Monarque.
Cet ordre si attendu comblant son plus ardent désir, fut accueilli par
Jeanne avec la plus grande joie. Elle embrassa, avec émotion, la dame
de la Barre et partit accompagnée de Jean de Metz et de Bertrand de
Poulengy.
Malgré toute son impatience, elle dut attendre le soir avant d'être
admise à entrer au château. A la nuit tombante seulement, elle put
franchir le pont-levis et fut reçue par un officier du Palais.
Cet officier, qui. avait reçu des ordres en conséquence la conduisit
dans une vaste salle brillamment éclairée par cinquante hommes
36
d'armes, porteurs de torches et placés sur le pourtour de la pièce. Une
troupe nombreuse de seigneurs, richement vêtus au centre. Trois cents
chevaliers les entouraient.
Au milieu de cette Cour, se trouvait un personnage, somptueusement
paré. C'était le comte de Clermont que Charles VII, intrigué par la
lettre de Jeanne, envoyée de Sainte-Catherine-de-Fierbois, où elle lui
disait : « je vous reconnaîtrai entre tous », avait fait mettre, à sa place,
lui-même se dissimulant dans la foule.
Le grand maître des cérémonies, conformément à ses instructions,
conduisit la jeune fille à cet élégant personnage et Jeanne, sans
méfiance, allait s'incliner devant lui, quand tout à coup, elle s'écria:
«Mais ce n'est pas le Roi !»
Vivement, elle écarte les courtisans derrière lesquels se dissimulait le
Monarque, s'incline par trois fois devant lui, comme on le lui avait
recommandé et lui dit: « je viens à vous, noble Sire, de par le Roi du
Ciel. J'ai nom Jeanne. Si vous m'écoutez, vous recouvrerez votre
Royaume et les Anglais s'en iront hors de France. Dieu vous mande
que vous me mettiez en oeuvre. Je ferai alors lever le siège d'Orléans
et vous conduirai à Reims. »
Etonné - on le serait à moins - le Dauphin demande des preuves.
La première. lui dit Jeanne, est celle-ci: « Tu es vrai héritier du
Royaume de France et fils de Roi ! »
A ce simple énoncé, le futur Charles VII pâlit de saisissement.
Depuis longtemps, un doute - qu'il avait jalousement gardé pour lui torturait son âme. Lui, le fils de la dépravée Isabeau die Bavière, étaitil réellement l'enfant légitime (et par conséquent l'héritier de la
couronne) du pauvre Roi Charles VI que ses malheurs personnels et la
ruine de son pays avaient conduit à la folie.
Mais Jeanne ne s'arrête pas là. Très à l'aise maintenant devant le
Monarque, fièrement elle continue Et maintenant, noble Prince, si 'je vous révèle les trois requêtes que
vous avez adressées à Dieu, le jour de la dernière Toussaint, croirezvous en ma mission ?
Oui, répond le Prince !
Voici votre première requête : Si je ne suis pas véritable héritier du
trône, faites, Seigneur, que je ne sente plus en moi le courage de
poursuivre cette campagne !
- Voici la seconde: Si les grandes adversités supportées depuis si
longtemps par mon pauvre peuple de France proviennent de mes
fautes, faites que je sois le seul puni !
- Voici la troisième: Si. c'est pour ses fautes que mon peuple
37
est puni, je vous en conjure, pardonnez à la Nation et, tirez-la des
tribulations qui la désolent !
Et devant le Dauphin stupéfait, sans fausse modestie et avec
l'assurance qui convient à celle qui se sait chargée d'une mission
providentielle, l'héroïne conclut : « Dieu a entendu votre prière et c'est
lui qui a guidé mes pas vers vous. Bien que le ne sois qu'une pauvre
fille de village, c'est moi qui. dois vous donner les moyens qui m ont
été divinement enseignés pour chasser vos adversaires hors des
frontières et poser sur votre front la Couronne de France. Donnez-moi
des gens d'armes et ayez confiance; je saurai m'en servir. »
Profondément ému et ravi, le Dauphin voit sombrer tous ses doutes
et fondre toutes ses hésitations. Il se tourne vers les membres de son
Conseil.
- Cette jeune fille, leur dit-il, m'est assurément envoyée par Dieu
pour m'aider à recouvrer mon Royaume. Il y a lieu de l'interroger plus
au long et d'aviser ensuite.
Le Dauphin décida, alors, que Jeanne résiderait à la Cour. Le château
du Coudray lui fut assigné comme demeure et elle y fut conduite
aussitôt. On la confia à une noble dame, l'épouse de Guillaume Bellier,
lieutenant du sire de Gaucourt, bailli d'Orléans. Puis il fut décidé que
des docteurs en théologie s'entretiendraient avec la Vierge lorraine et
examineraient soigneusement ses réponses et ses dires.
En attendant, notre héroïne fut traitée. avec le plus grand respect,
tant était grande l'influence qu'elle exerçait autour d'elle.
Tous les égards lui étaient prodigués, comme à une princesse. Elle
avait ses femmes, ses pages, une véritable petite Cour. Le Roi en avait
ainsi ordonné.
Déjà, elle faisait connaissance (les personnages les plus éminents de
la Cour. Le Roi la présentait, lui-même, à son cousin le duc d'Alençon,
grand chef aux Armées. Une sympathie naturelle, respectueuse et
profonde naquit - dès la première entrevue - entre le grand seigneur et
la petite paysanne. Elle devait durer toute la campagne.
Elle fut présentée à La Trémoille, chef de la politique royale et
conseiller intime du Roi. Contrairement à l'impression favorable
qu'elle avait faite sur le Duc, celle sur le Ministre, lui fut
immédiatement hostile.
La Trémoille était un homme cupide et pervers. Il comprit de
suite que cette pure jeune fille serait un obstacle irréductible à
ses vues ambitieuses et tortueuses. Dès le premier abord, elle fut
38
pour lui un danger qu'il s'efforcera, par la suite, d'écarter coûte que
coûte. Nous verrons, au cours de ce récit, et surtout à la fin à quelles
extrémités peuvent conduire la haine et l'envie.
Nous ne nous étendrons pas sur les événements de Poitiers où Jeanne
fut convoquée pour subir les examens des docteurs en théologie. Cette
partie de son histoire relève surtout des Conseils ecclésiastiques et elle
a été magistralement rapportée par tous les auteurs religieux qui se
sont occupés de la question. Résumons seulement ce que chacun sait,
c'est qu'elle sorties de cette épreuve de treize jours d'examens
doctrinaires, à la grande satisfaction, voire même édification des
savants et rigides docteurs qui l'interrogèrent.
Leur verdict, net et catégorique en faveur de l'inspirée, emporta
définitivement la conviction du Roi. Pour voir comment elle se
comporterait dans l'exercice du commandement, il décida de la mettre
à la tête d'un convoi de vivres destiné aux malheureux Orléanais.
Au cours des journées qui. suivirent. Charles VII eut de nombreux
entretiens avec la Pucelle. Il en fut d'abord charmé, étonné ensuite,
puis ébloui par l'étendue et la précision de ses vues sur tous sujets.
Finalement, il se sentit étreint d'une indéfinissable angoisse, en
découvrant chez cette toute jeune fille une sagesse et une science qu'il
n'avait jamais rencontrées chez aucun de ses meilleurs conseillers.
Elle lui exposait, avec une conviction basée sur le raisonnement le
plus serré, comment le sol français allait être libéré de l'envahisseur.
Ses déductions reposaient sur une connaissance approfondie des
sciences militaires, sur le comportement des troupes en campagne, sur
le combat et la façon de le diriger, en utilisant, tous les moyens
disponibles, les faisant converger rationnellement entre eux. Le
Monarque, en venait à se demander si, réellement il ne se trouvait pas
en présence d'un véritable génie. Evidemment Dieu seul avait pu
l'inspirer, comme elle ne cessait, d'ailleurs, de le lui affirmer.
Le 20 avril 1429, il se décida à nommer Jeanne d'Arc, chef de
guerre. C'est avec ce titre qu'il lui confirma l'ordre précédemment
donné de partir pour Orléans, à la tête du convoi préparé et de prendre,
sur Place, le commandement général des troupes.
La carrière militaire de Jeanne allait commencer.
39
DEUXIEME PARTIE
LE CHEF
CAMPAGNE DE LA LOIRE - LE TRIOMPHE
LE SACRE
40
PLAN de CAMPAGNE STRATEGIQUE et POLITIQUE
de Jeanne d'ARC
POUR la LIBERATION du TERRITOIRE
Parties striées: Zone occupée par l'ennemi - les Anglais à l'ouest de la
ligne Paris-Chartres-Orléans - les Bourguignons à l'est de cette ligne.
En blanc : Zone libre
Plan politique: pages 77 à 78
41
CHAPITRE III
En entreprenant de raconter l'histoire de la vie de, Jeanne d'Arc, chef
de guerre, nous nous trouvons, de suite, en présence de ce formidable
paradoxe de l'histoire de notre pays. Voici le chef de guerre le plus
extraordinaire entre tous et de tous les temps; son nom est
mondialement connu, même des plus ignorants. Par contre, ses
campagnes, ses exploits sont - pour ainsi dire - à peu près inconnus ou
ne sont relatés qu'en quelques lignes dans nos manuels les plus
détaillés.
Jeanne d'Arc, chef de guerre, n'est cependant pas une fiction, ni un
personnage de roman. Tout au contraire, elle est une ré-alité
historique, elle est l'hér6ine d'une épopée dont la grandeur nous
dépasse, la plus extraordinaire de l'humanité.
Chose stupéfiante : la véritable Jeanne d'Arc, celle qui parcourut
toute la France en conquérant toujours victorieux, qui fit, en toutes
circonstances, preuve d'une merveilleuse science des arts de la guerre,
fut dissimulée à l'histoire avec une passion inouïe.
Après le bûcher de Rouen, un silence systématique fut organisé
autour des hauts faits de la libératrice de la France. Et, aujourd'hui
encore, où est le manuel d'histoire, mis entre les mains de la jeunesse,
qui relate ses campagnes avec le même souci des détails que celles des
grands généraux ?
Il s'est établi sur son compte une sorte de version officielle la
représentant comme une inspirée périodique, une espèce d'automate
remonté de temps à autre, chaque fois que Dieu lui envoyait
42
une communication sur l'art de la guerre. Et, alors, mais alors
seulement, elle devenait une sorte de mystique ou de névrosée ne
rêvant qu'à « bouter » les Anglais.
Rien n'est plus faux ! Tout autre fut Jeanne d'Arc ! Qu'elle ait reçu de
Dieu le don des sciences militaires, cela n'est pas douteux. D'ailleurs
son cas - au point de vue religieux - n'est pas unique dans l'histoire. Il
y eut Moïse, il y eut David, ces autres grands conducteurs d'hommes.
Comme eux elle reçut. ce Don pour toute la vie et son génie ne
présenta jamais d'intermittences.
Que ce soit en stratégie, en tactique ou également en politique, elle
brilla toujours par ses connaissances, ses inspirations géniales et avec
la mentalité d'un chef ou, tout au moins d'un personnage de premier
plan. Nous en verrons maints exemples au cours de ce récit.
Certes, avant Jeanne d'Arc et depuis Jeanne d'Arc 6 de grands
capitaines avaient et ont réalisé les mêmes prodiges d'habileté militaire
et, comme elle, forcé la fortune par des traits de génie. C'est
Thémistocle à Marathon, Alexandre le Grand à Arbelles, le consul
Néron au Métaure, Jules César à Bourges, Clovis à Tolbiac,
Charlemagne sur l'Elbe, Guillaume le Conquérant à Hastings, Gaston
de Foix à Ravennes, Condé à Rocroi, Turenne aux Dunes, Pierre le
Grand à Putawa, Villars à Denain, Arnold à Saratoga, Napoléon à
Marengo, Foch à Saint-Gond, Mangin à Soissons, Leclerc à
Strasbourg. Tous ont su, par des manoeuvres hardies improvisées sur
place, en peine action, changer le résultat de la journée.
Mais tous avaient appris, avant de pratiquer. Tous avaient servi et
exercé, avant de commander. La plupart appartenaient à des familles
de soldats, et l'atavisme se conjuguant avec l'éducation, les avaient
préparés à leur rôle.
Chez Jeanne d'Arc, rien de pareil !
Cette gamine de 17 ans n'avait, commandé jusqu'alors qu'à des
bestiaux, et, ne sachant ni lire, ni écrire, elle n'avait pu s'initier, même
superficiellement, aux connaissances militaires.
Cependant elle se révéla brusquement « grand, chef de guerre ».
C'est là un fait unique dans l'histoire du monde, un conte de fées,
serait-on tenté de dire tant ce phénomène incontestablement démontré
- parait invraisemblable.
Ecoutons les explications des critiques.
Ceux qu'obscurcit la passion anti-religieuse et qui ne veulent y voir
que des raisons humaines, restent péniblement dans le vague.
Michelet, si lucide à l'ordinaire, même dans ses virulences les
plus romantiques, devient confus et hésitant quand il parle des
causes des succès de Jeanne d'Arc. Il y fait des allusions par inci-
6
Hervé de Rauville. - Charles VII et Jeanne d'Arc.
43
dentes. En un endroit, il allègue « la pitié qu'il y avait, au Royaume de
France (Jeanne d'Arc, page 33) ». Il indique « le bon sens dans
l'exaltation ( ?) (page 71): « L'originalité de la Pucelle, explique-t-il
enfin, ce qui fit son succès, ce ne fut pas tant sa vaillance ou ses
visions, ce fut son bon sens. »
Anatole France est complètement dérouté et tombe dans l'absurde.
Ecoutez ce savoureux passage et jugez comment l'intransigeance peut
fausser un esprit des plus clairvoyants: « La Pucelle, écrit-il, a bien pu
- à son époque - jouer le rôle de mascotte aux yeux des soldats de
Charles VII. Jusqu'à ce qu'elle parût, ces troupes tremblaient devant les
Anglais que la superstition populaire assimilait aux démons. Les
paysans nommaient les Anglais « les Coués » parce que ils croyaient
que ceux-ci avaient, comme les diables, une queue au derrière. Et,
Anatole France ajoute Anglais eurent - à leur tour - une peur affreuse
de Jeanne, d'Arc qu ils considérèrent comme une magicienne. »
Henri Martin se contente de faire de la littérature; c'est plus facile: «
Jeanne, dit-il, a été guidée par des inspirations émanées de la source
inconnue de toute âme et de toute vie. Descendue du Ciel avec la
couronne des Anges, elle y est remontée avec celle des martyrs... »
Quel pauvre, pathos !
Les critiques militaires (capitaine Paul Marin, capitaine de
Pimondan, général Davoust, général russe Dragomiroff, capitaine,
Champion, général Canonge) sont plus nets. Ils admettent que « les
victoires de Jeanne d'Arc nécessitaient l'emploi constant des principes
appliqués par les plus grands capitaines » et ils sont amenés, par
l'évidence des faits, à constater que « son génie irradiait à ce point que
les chefs de guerre les plus illustres de son temps, tels que Dunois et le
duc d'Alençon, s'inclinaient devant elle et lui obéissaient sans
difficulté ».
D'autres critiques, enfin, faisant taire tout scepticisme, ont admis que
le génie militaire de la Pucelle, génie incontestable, ne peut s'expliquer
que par le fait probable qu'elle reçut réellement de ses Voix, pendant
les quatre années ou elle les entendit (de 1424 à1428) une instruction
complète des principes de, la guerre et que l'ordre de se présenter au
Roi ne lui fut donné qu'au sortir de cette école de guerre d'un genre
totalement en dehors de l'entendement humain.
Et c'est bien à cette seule opinion qu'il faut s'arrêter si on est de
bonne foi, Jeanne l'a spécifié - elle-même - en maintes circonstances.
44
Elle l'a dit officiellement au Roi à Chinon. Elle l'a répété à ses
généraux, ahuris devant ses combinaisons tactiques qui les
stupéfiaient. Elle en a rendu compte aux savants docteurs de Poitiers,
chargés d'enquêter sur son compte. Enfin, elle s'en est fait gloire
devant le triste Tribunal de Rouen, lors de son procès.
Dans une petite brochure qu'il a fait paraître sous le titre « Charles
VII et Jeanne d'Arc », M. Hervé de Rauville s'exprime ainsi : « S'il est
vrai que la sainteté résulte de grâces spéciales auxquelles se soumet
docilement l'Elu, en y conformant ses actes dans leurs moyens et dans
leur but, nul n'a mérité plus que Jeanne d'Arc d'être placé sur les
autels. Mais ce dont les ennemis de notre monarchie ne se sont pas
suffisamment avisés, c'est que la canonisation de la Pucelle a eu pour
conséquence symétrique l'exaltation de la Royauté française. »
Jeanne, en effet, n'est point venue pour défendre l'Eglise qui,
d'ailleurs, n'avait pas à être défendue, puisque les Anglais étaient
catholiques comme les Français. Elle n'a point souffert le martyre pour
une cause religieuse, ni pour affirmer sa foi, si ce n'est sa foi en la
pérennité de la France et la nécessité, à cette époque de la Monarchie
pour assurer cette pérennité. Elle-même. dès, le début, a défini sa
mission, quand - à son arrivée à Chinon - elle affirmait qu'elle était
appelée « de par Dieu » à sauver le royaume, à délivrer Orléans, à
mener sacrer le Dauphin à Reims et à provoquer l'expulsion des
Anglais, propositions qu'elle n'a cessé de répéter.
Sa mission fut donc nationale.
Jeanne d'Arc a été envoyée par Dieu pour ramener en France l'ordre
moral et l'ordre national français. Elle fut une nationaliste intégrale;
toute sa carrière militaire fut dominée par cette idée d'apporter à la
Nation l'Unité de commandement politique.
45
CHAPITRE IV
Quand Jeanne d'Arc fut investie de son Commandement, l'Armée française,
dernier vestige des grandes armées féodales de chevaliers, n'existait, pour
ainsi dire, plus. La noblesse qui constituait la majeure partie du Corps
d'officiers a presque totalement disparu dans les grandes catastrophes
militaires de Crécy (1346), de Poitiers (1356), et d'Azincourt (1415). Ce qui
reste des troupes forme plutôt une bande de pillards, sans moeurs et sans
aveu qu'une aimée régulière.
La discipline n'existe plus.
L'armement est bon, conséquence d'une longue période de guerre de près
de cent ans, mais il est lourd et colle la troupe au sol. La tactique s'en ressent.
L'Artillerie, semblable dans les deux armées, comprend des pièces lourdes
et des pièces légères. Les pièces lourdes sont appelées «Bombardes». Les
plus puissantes accusent un calibre de 0,64. Le poids de la pièce est de
16,400 kilos; elle lance à 800 mètres un boulet de pierre de 340 kilos. Une
autre bombarde, plus légère, dite « Veuglaire » lance à même distance un
boulet de 160 livres. L'artillerie légère - si on peut lui donner ce nom comprend des couleuvrines sur affût à chevalet, tirant des balles de fer. On en
plaçait 2, 3, et même 4 sur un train à deux roues. Citons enfin « Le
Ribeaudequin » sorte de mitrailleuse à quatre tubes accouplés,
lançant de grosses flèches très courtes, dites carreaux, dont
46
la tête était munie d'une forte pointe et la base d'un empennage à larges
ailettes en tôle découpée. L'avant du ribeaudequin était garni d'un
mantelet ou bouclier en bois pour protéger le canonnier, le conducteur
et le cheval. L'affût était muni, en outre à sa partie antérieure de fers de
lance destinés à « rompre les batailles », c'est-à-dire à désorganiser les
troupes adverses en dispositif de combat. Ces chars étaient en somme
une transformation des antiques chars à faux, engins de corps à corps.
Le nombre de ribeaudequins étaient souvent considérable dans les
armées.
Toutes ces pièces se chargeaient par la culasse. En dehors des
boulets, elles lançaient aussi des engins volants, c'est-à-dire des fusées
capables de semer l'incendie à une grande distance.
Chaque grosse pièce portait un nom qui lui était propre. Les
chroniqueurs du temps en citent plusieurs, célèbres par leurs exploits:
« le Passe-Volant » chez les Anglais, en batterie au Guet de Saint-jeanle-Blanc devant Orléans. Il s'y montra extrêmement agressif, tirant
sans relâche sur la Ville, par-dessus la Loire, large à cet endroit de plus
de 350 mètres. Il y avait encore « le Chien », « le Montargis », « le
Riffault ». Chez les Français, une puissante bombarde appelée « la
Crosse Bergère » fit des merveilles. Son servant « maistre H. Jehan »
est resté célèbre dans les annales d'Orléans.
L'infanterie est armée, de piques et de, l'arc. Elle. possède un corps
d'arbalétriers munis de l'arbalète à tour. C'est une arme terrible, si
terrible-même que l'Eglise fit tous ses efforts pour en interdire l'usage.
Un bon arbalétrier tuait son homme à plus de 200 pas; les traits
perçaient les cottes de mailles et faussaient les armures. Chaque unité
un peu importante disposait de la « Grande Arbalète à pied de chèvre »
montée sur affût. C'était une machine de siège dont l'arc atteignait dix
mètres de long et était bandé à l'aide d'un treuil. La portée et la force
de pénétration du trait était considérable pour l'époque.
La cavalerie, bardée de fer, bonne à la lutte de corps à corps, était
impropre au service de reconnaissance, d'ailleurs pratiquement nul à
cette époque.
En ce qui. concerne l'art militaire, les théories en cours consistaient
en quelques données, considérées comme certaines et mathématiques.
Il était admis - sans discussion - que pour être victorieux il fallait avoir
le nombre, le matériel, des bases sûres, des positions savantes et bien
fortifiées.
Dans la guerre de siège, l'assaut seul comptait, suivi du massacre
destiné à jeter la terreur.
47
Dans le combat en rase campagne, on avait adopté une tactique jugée
invariable. Voilà comment l'expose Viollet-le-Duc, en parlant des
Anglais: « Ils choisissaient, dit-il, une bonne position, appuyaient leurs
flancs à certains obstacles (bois ou marais) et attendaient l'attaque de la
cavalerie ennemie. Quand celle-ci avait été mise en désordre par le tir
des archers de front et sur les flancs, les hommes d'armes chargeaient
en haie, sous la protection des terribles arbalétriers qui se répandaient
alors sur les flancs. »
« Ces données avaient le malheur d'être radicalement fausses, écrit
Jomini, critique militaire pendant et après le Premier Empire, parce
que, ajoute-t-il, elles laissaient de côté la donnée la plus importante du
problème, qu'il s'agisse de commandement ou d'exécution, celle qui
anime le sujet, le fait vivre, l'homme avec ses facultés intellectuelles,
morales et physiques, parce qu'elles faisaient, ainsi, de la guerre, une
science exacte, méconnaissant sa nature même de «drame effrayant et
passionné ».
En réalité, on peut dire qu'il n'y avait, au XVe siècle, ni tactique ni
stratégie. La méthode, la logique dans la conception du combat et dans
les plans étaient absentes du champ de bataille de la Guerre de Cent
ans.
Jeanne d'Arc eut l'immense mérite de créer de toutes pièces (on peut
dire créer, car, ne connaissant ni A ni B, entièrement illettrée, elle
n'avait pu apprendre la doctrine de la guerre dans les écrits des grands
conquérants du passé). Elle eut, dis-je, le mérite immense de créer de
toutes pièces une théorie de la guerre dont les principes généraux comme on le verra spécifier au cours de cette histoire – étaient :
L'unité de commandement.
Stratégie, diplomatie et politique allant de pair.
La coordination des différentes armes entre elles.
L'économie des forces.
La surprise.
La libre disposition des forces.
La sûreté.
L'exploitation du succès.
Aucun de ces principes n'a perdu de sa valeur à notre époque
actuelle. Ce sont les mêmes qui régissent l'art militaire au XXe siècle,
en attendant que la science dite « nucléaire » ne les ait renversés et
remplacés par un seul : « l'anéantissement total par l'écrabouillement ».
Jeanne d'Arc comprit les grands principes énumérés plus haut;
elle les utilisa au maximum, mais elle se garda bien d'en tirer des
48
règles immuables, parce qu'elle eut l'inspiration qui lui fit comprendre
qu'à la guerre, il n'y a que des cas particuliers, où les données du
problème sont, constamment, variables, et, par conséquent n'ont qu'une
valeur relative, par opposition à la valeur absolue des données
mathématiques.
Telle fut Jeanne d'Arc au point de vue intellectuel.
Au physique, elle est ainsi décrite par un chroniqueur du temps qui
confirme ce que nous avons exposé plus haut.
« Jeanne, dit-il, était toujours vêtue en habits d'homme, savoir.
pourpoint noir, chausses attachées, robe courte de gros gris noir,
cheveux noirs coupés ronds et courts, un chapeau noir sur la tète. Bien
qu'elle n'eut que 17 ans, cette jeune fille était grande et forte.
« Son visage, d'une mâle beauté, respirait en même temps l'énergie et
la douceur. Son regard clair et. inspiré donnait à sa physionomie une
expression toute céleste. Elle était. un cavalier consommé. »
Et le chroniqueur, en verve de documentation, ajoute: « Lorsque
Jeanne eut été admise par le roi, celui-ci s'occupa aussitôt de lui
procurer un habillement de guerre spécialement fait pour elle. Tours
possédait alors une des principales fabriques d'armures de l'époque,
dirigée par le sieur Colas de Montbazon. Quand la noble enfant
entendit le roi parler de l'épée que le fabricant aurait à lui fournir, le
dialogue suivant s'échangea entre elle et Charles VII :
- Gentil Prince, dit-elle, ne songez pas à mon épée : le Roi du Ciel y
a déjà pourvu.
- Comment cela., Jeanne ?
- Dieu, répliqua-t-elle, a voulu choisir - Lui-même l'arme qu'Il me
destine. Cette arme repose, avec d'autres, depuis longtemps dans la
chapelle de Sainte-Catherine de Fierbois. Envoyez-la quérir, Sire. On
la reconnaîtra à cinq petites croix qui sont gravées près de la garde.
Elle se trouve près de l'autel.
La suite de cette histoire est bien connue.
*
**
Nous connaissons bien maintenant notre héroïne, sa nature, son
caractère, sa connaissance des principes de la guerre. Le roi,
définitivement édifié, l'a nommée chef de guerre et l'envoie à Orléans
prendre le commandement de ses troupes.
49
Voyons-la opérer dans ce rôle.
Ayant accepté ces importantes fonctions, son premier soin est de
constituer sa maison militaire, autrement dit son état-major, comme
nous l'appelons aujourd'hui.
Dans cette circonstance elle fait aussitôt montre des qualités du chef
qui sait faire un choix judicieux de ses collaborateurs immédiats. Cet
état-major, elle le veut réduit, mobile, débarrassé de tous les
impédimenta, contrairement aux usages du temps, et ceci afin de
s'assurer toute sa liberté de mouvement si utile au point de vue
tactique.
Dunois, le duc d'Alençon, La Hire, le sire de Vendôme sont les
principaux chefs qui se tiendront près d'elle. Elle leur adjoint des chefs
de moindre importance, mais dont elle a immédiatement apprécié la
valeur; c'est de Gaucourt et de Boussac. Guyenne, sera son héraut
d'armes. Comme aide de camp, elle prend, très approuvée par le roi,
Jean d'Aulon, le plus sage et le plus courtois des preux de France. Ce
vaillant chevalier lui vouera un attachement sans bornes.
Une remarque ici s'impose. Contrairement à l'organisation stupide
actuelle du Haut Commandement dans notre armée française,
organisée démocratiquement, où - entre le généralissime et ses
collaborateurs - viennent s'immiscer des autorités dont l'influence
contrebalance la sienne (je veux dire : le Conseil supérieur de la
Guerre, le Président, du Conseil, le chef d'Etat-Major général, etc ...).
Jeanne d'Arc avait supprimé tout intermédiaire. Seule, elle
commanderait, sans cloison étanche. Tous les autres chefs ne seront
que des subalternes, si haut fussent-ils placés par le rang ou par la
naissance. C'est ce que fit Joffre en 1914, aussitôt après nos premiers
revers de Charleroi. Jeanne d'Arc n'attendit ni un revers, ni un succès;
ce fut son premier acte de chef.
L'état-major constitué, elle le rassemble et - de suite - domine ces
grands seigneurs. Elle capte leur admiration et leur confiance par la
netteté de ses décisions et la singulière connaissance de la stratégie
dont elle fait immédiatement preuve.
Le lecteur va pouvoir en juger par lui-même.
Pour cela, qu'il veuille bien se représenter la scène que nous allons
nous efforcer de décrire succinctement :
Tous les grands chefs de l'armée sont là, entourant Jeanne d'Arc. Elle
a fait placer devant elle une table sur laquelle on a déployé une grande
carte de France. Et voici les paroles que prononce Jeanne, le doigt sur
la carte qu'elle s'est fait expliquer, car elle ne sait ni lire, ni écrire.
50
« Le Dauphin, dit-elle posément, se trouve en présence de deux
terribles adversaires : le roi d'Angleterre et le duc de Bourgogne. Leurs
armées encerclent Paris, les Anglais par le sud, les Bourguignons par
le nord.
« Orléans et Compiègne, le premier au sud de Paris, le second au
nord, symétriquement situés par rapport à la capitale, sont
particulièrement précieux pour eux par leur situation stratégique, tout
autant que par les puissantes ressources qu'ils renferment.
« Orléans et Compiègne seront donc les deux objectifs à atteindre
par nos armées, tout d'abord. Paris sera l'objectif final.
« En conséquence, la campagne va se diviser en deux parties:
« 1° La campagne de la Loire: opérations autour d'Orléans.
« 2 " La campagne de l'Oise : opérations autour de Compiègne.»
Le lecteur se rend compte avec quelle clarté Jeanne a - du premier
coup - envisagé la situation générale et pris la décision.
Mais les grands chefs s'affolent: « Un pareil programme est
totalement irréalisable, surtout dans les conditions du moment. Jeanne
les fait taire et leur expose qu'avant d'engager la lutte, il y a lieu de
réorganiser l'armée.
C'est elle encore qui va leur en donner les moyens.
Le Conseil continue donc.
Jeanne prescrit de faire appel à tous les Français restés fidèles à leur
roi légitime. En réalité, elle décrète la mobilisation générale, chose
absolument contraire aux moeurs du temps. Sa bonne grâce, le sens
invraisemblable des choses de la guerre dont elle fait preuve
enthousiasment ses lieutenants. Dès ce moment, ils vont devenir ses
meilleurs recruteurs d'hommes. N'oublions pas, en effet, que tous sont
des grands seigneurs, tout-puissants dans leurs fiefs.
Et les événements se passent comme elle, le chef, l'a indiqué.
L'enthousiasme devient général. Partout, on se rend compte que s'est
levé un grand chef, par ce premier soin qu'il montre à forger
l'instrument de l'action.
« Et de toutes les contrées de l'ouest et du sud, disent les
chroniqueurs du temps, accourent de nombreuses recrues. Dans le pays
ruiné par l'invasion anglaise, on croit qu'il n'y a plus de chevaux, et,
comme par enchantement, les combattants arrivent à grande
chevauchée. »
Conséquence admirable du patriotisme réveillé qui suscite des
ressources que l'on estimait épuisées depuis longtemps; inépuisables
réserves aussi de ce beau pays de France dont il ne faut jamais douter.
51
Les caisses royales sont vides pour survenir aux frais de la
campagne. A l'appel de Jeanne, les chevaliers vendent leurs biens et en
versent le produit au Trésor.
Et, pendant que tout cela s'organise, Jeanne agit de son côté. sans
souci de popularité, de. plaire ou de déplaire.
A cette époque, les Grands Seigneurs étaient très pointilleux au sujet
du commandement de leurs troupes personnelles. En dehors de
l'autorité royale, ils admettaient difficilement l'ingérence de tout autre
chef dans leurs affaires particulières. Jeanne ne l'entend pas de cette
oreille-là; elle impose immédiatement son autorité, autrement dit : le
commandement unique.
Lorsque Dunois, qui n'est cependant pas le premier venu, il est le
propre: cousin du Dauphin, se présente à elle, Jeanne le salue très
respectueusement, mais fièrement lui fait comprendre que dorénavant,
seule, sa volonté à elle comptera. Nous verrons plus loin que - dans
une circonstance particulière - elle sut lui tenir un langage autrement
énergique (page 63).
L'armée, avec ses armures massives et ses chevaux bardés de fer, n'a
aucune mobilité. Elle va l'alléger considérablement.
Ce qu'elle veut, c'est une armure légère, permettant au cavalier de
combattre à toutes les allures et aussi bien à pied qu'à cheval. Elle
n'admet pas que le cavalier soit cloué sur sa monture par une pesante
carapace ou que, tombé à terre, il ne puisse plus se relever - « Ceci,
dit-elle, ne, répond plus aux progrès de la nouvelle guerre ».
Elle sépare l'artillerie lourde de l'artillerie légère et donne à cette
dernière une application qu'elle n'avait jamais connue jusqu'à ce jour,
la contre-batterie. Nous en verrons bien des exemples.
Elle crée le train des équipages.
Elle rétablit enfin la discipline dans l'armée qui cesse d'être une
cohue. Des soudards ayant, osé la regarder avec mépris, parce qu'elle
est femme, elle a vite fait de les mettre à la raison, malgré les
murmures et les colères qui grondent, si bien que l'un de ses généraux
- La Hire - s'avance devant sa troupe et – de sa mâle voix prononce,
devant tous, ces solennelles paroles:
« Je jure de vous suivre, Jeanne, moi, et toute ma compagnie, partout
où vous voudrez nous mener ».
Devant une déclaration aussi nette, venant d'un chef aussi respecté,
les mécontents se taisent. Jeanne est définitivement adoptée par
l'armée.
Enfin, celle-ci est prête et Jeanne va pouvoir - sans tarder entamer la
lutte.
52
Toutefois, avant d'en venir aux mains, elle veut tenter un effort
diplomatique auprès de l'ennemi, afin d'éviter, si possible, l'effusion du
sang et les horreurs de la guerre. Ce n'est pas, en effet, la gloire du
champ, de bataille qu'elle recherche, mais le départ des Anglais du
royaume de France.
Voici le texte de l'ultimatum qu'elle adresse au Roi d'Angleterre et au
duc de Bedfort, son oncle, commandant des armées anglaises en
France, ultimatum qui est un modèle de fermeté, d'énergie et de
confiance dans la justice de sa cause:
« Roi d'Angleterre,
« et vous, Duc de Bedfort, qui vous prétendez Régent du royaume de
France, vous Guillaume de la Powle, comte de Suffolk, Jean Sire de
Talbot, et vous Thomas Sire d'Escales qui vous dites lieutenants dudit
Duc de Bedfort, je vous somme - au nom du Roi du Ciel - de me
remettre les clés de toutes les villes que vous avez prises et violées en
France.
« Je suis prête à vous accorder la Paix, mais à une double condition :
« 1° Que vous restituerez à son chef légitime - le Roi - le pays de
France;
« 2° que vous l'indemniserez des dommages que vous y avez faits
pendant votre séjour.
« Roi d'Angleterre,
« Sachez bien que si n'agissez pas ainsi, moi Jeanne, chef des armées
françaises, je vous chasserai de la terre de France, vous et vos gens ou
vous ferai tuer.
« Sachez que j'ai reçu du Roi du Ciel mission de vous bouter hors de
France. Obéissez et je vous prendrai à merci.
« Ne vous obstinez pas dans votre projet, car vous ne conserverez
pas le royaume de France; il est au roi Charles, le vrai héritier et c'est
lui qui - par ordre de Dieu - le conserve ra.
« Si vous méprisez ces paroles, je vous avise qu'il sera fait un tel
carnage de vos troupes, qu'il n'y en a pas eu de semblable depuis mille
ans.
« Et vous, Duc de Bedfort,
« Je vous requiers d'éviter la destruction de vos hommes. Si vous
vous inclinez devant ces conditions, vous pourrez vous retirer sans
dommage et ce sera là le plus beau fait accompli par la chrétienté.
« Je vous prie de me donner réponse, si vous acceptez de
conclure la paix, devant cette cité d'Orléans. Si vous ne le faites
53
pas, vous supporterez la responsabilité de très grands dommages qui.
en résulteront.
« Ecrit, ce mardi de la semaine sainte. »
« Jehanne. »
Lecture de cette lettre fut donnée en sa présence - lors de son procès
- et Pierre Cauchon lui demanda si elle en reconnaissait bien les
termes. Jeanne répondit: « Oui; à une seule expression près. Dans ma
sommation, vous avez mis « Vous restituerez à la Pucelle le pays de
France... » Ce n'est pas cela que j'ai dit. J'ai dit: « Vous restituerez au
Roi, son chef légitime, le pays de France ».
On peut juger quelle impression de stupeur et de colère un pareil,
ultimatum dut provoquer à la Cour d'Angleterre, où l'on avait tout lieu
de croire la France définitivement vaincue.
Jeanne ne s'attendait certes pas à une réponse affirmative des
Anglais; elle avait seulement libéré sa conscience.
Maintenant la campagne de la Loire allait commencer.
54
CHAPITRE V
L'armée anglaise devant Orléans se, montait à 7.000 lances. Une
lance comprenant quatre hommes, c'était donc un effectif d'environ
28.000 hommes.
Elle était commandée par des chefs éprouvés, tous Anglais.
Le comte de Salisbury commandait en chef. Ses lieutenants étaient
William Powle que Jeanne, rieuse, appellera « La Poule » et Thomas
d'Escales qu'elle gratifiera du surnom de « Glacidas » qui lui est resté
dans l'histoire et sous lequel il est mort. Il y avait aussi Talbot, connu
sous l'appellation de « l'Achille Anglais ».
Le duc de Bedfort, oncle du roi d'Angleterre, régent du royaume de
France et commandant en chef des armées anglaises d'occupation,
n'avait pas été partisan du siège d'Orléans. A juste titre, il le
considérait comme un peu aventuré. Il aurait préféré que le siège fût
mis devant Angers, dont la possession aurait permis de menacer plus
directement Charles VII à Poitiers et à Chinon, tout en assurant plus
aisément les communications de l'armée anglaise avec ses bases de
Bretagne et, de Normandie.
Nous avons expliqué, plus haut, les raisons qui avaient motivé le
choix d'Orléans.
Du côté français, la défense d'Orléans se présentait ainsi 7 :
Deux enceintes concentriques.
L'enceinte intérieure affectait la forme d'un vaste quadrilatère, dont
l'un des côtés s'appuyait directement sur la Loire. Cette enceinte
comprenait quatre tours d'angle et cinq portes.
7
Page 68.
55
L'enceinte extérieure, ou grande enceinte, affectait vaguement la
même forme. Les murailles de l'une et de l'autre, hautes de 8 à 10
mètres, étaient entourées de fossés profonds.
Sur la Loire, un pont de pierre, construit au XIIe siècle, appuyé sur
dix-neuf arches et un îlot au milieu du fleuve, mesurait une longueur
de 350 mètres, reliant Orléans à la rive gauche et au bourg d'Olivet.
L'accès de ce pont était défendu par un avant-fort (que nous
appellerions aujourd'hui « fort détaché »), le fort des Tourelles. Les
Anglais s'en étaient emparé dès le début du siège, et en avaient fait
leur poste avancé.
La garnison de la défense comprenait 3.000 hommes des troupes
royales, doublés d'un effectif égal de la milice locale. Cette garnison
était commandée par Dunois, le bâtard d'Orléans, en personne.
L'artillerie comprenait soixante et onze pièces de fort calibre, plus un
certain nombre de couleuvrines, pièces légères de l'époque.
Du côté anglais, les dispositions suivantes avaient été adoptées pour
le blocus.
Le gros des forces britanniques était concentré au sud de la Loire,
entre le fleuve et le Loiret, et couvert par une ligne de retranchements.
Les Anglais avaient construit autour de la ville tout une série de
bastilles ou forteresses reliées entre elles par des fossés plein d'eau. Ce
boulevard - ainsi qu'on l'appelait – comprenait :
1° Au sud de la ville: la Bastille des Tourelles, dont ils s'étaient
emparés, puis ils avaient construit celle de Saint-Augustin, symétrique
aux Tourelles, et de l'autre côté de la route d'Olivet, la Bastille Privée,
à hauteur de l'île Charlemagne, ainsi qu'un fortin dans l'île pour
surveiller le fleuve.
2° A l'ouest de la ville: les Bastilles de Saint-Laurent, de la Bassée,
de Londres et de Paris.
3° A l'est de la ville: la Bastille de Saint-Loup sur la rive droite du
fleuve, se reliant avec la rive gauche par un fortin établi dans l'île aux
Toiles communiquant avec la bastille dite de Saint-Jean-le-Blanc. Plus
au nord, la Bastille Saint-Pouair.
4° Au nord de la ville: il y avait un espace ouvert, représentant. le
quart environ du périmètre extérieur de la Cité. A dessein, les Anglais
ne le traitèrent pas comme le reste du pourtour. Voici pourquoi :
d'abord, la forêt qui s'étendait de ce côté à trois kilomètres de la ville,
aurait
fourni
à
des
troupes
venant
au
secours
d'Orléans une trop grande facilité d'approche des ouvrages
édifiés à cet endroit. De plus, comme une attaque de ce côté était,
56
malgré tout, assez aléatoire, il était inutile d'y consacrer une garnison
qui aurait diminué d'autant leurs effectifs.
Le but, enfin, étant d'affamer Orléans et l'envahisseur ayant, luimême des difficultés à se nourrir, il lui paraissait sage de laisser une
brèche, tentante pour les ravitailleurs des assiégés qu'il serait facile
d'attaquer, en vue de s'emparer de leurs convois de subsistances. Le
fait, d'ailleurs, arriva (journée des harengs), mais passons.
Tout en laissant libre ce passage aux convois français, l'Anglais avait
eu soin de construire secrètement - au milieu de la forêt une puissante
bastille d'où - observant les routes qui s'avançaient sous bois - il lui
était loisible d'opérer sûrement contre toutes les tentatives assez
téméraires pour s'aventurer dans ces parages.
Enfin, au Nord-Ouest, à Janville, à trente-cinq kilomètres d'Orléans,
de fortes réserves étaient rassemblées sous les ordres de Falstaff.
Telle était la position des lignes ennemies à la fin d'avril 1429.
Normalement, pour forcer ce formidable blocus, il eût fallu disposer
de troupes considérables et, que de difficultés à surmonter, que de
temps à dépenser pour prendre - une à une - toutes ces forteresses.
On comprend pourquoi le Dauphin et ses Conseils. les docteurs et les
généraux, considéraient comme impossible de faire lever le siège, avec
leurs faibles forces disponibles. On conçoit dès lors quel pouvait être
leur état d'esprit, leur scepticisme devant les affirmations - si
catégoriques fussent-elles - de Jeanne d'Arc.
En d'autres termes, les puissantes positions anglaises présentaient, à
cette époque, une apparence d'indestructibilité que l'on peut comparer toutes choses égales d'ailleurs - à celle des fronts continus francoallemands de 1916 à 1918.
Le problème à résoudre était celui de la percée. Or, réussir une
percée dans le front anglais donnait le cauchemar aux généraux de
Charles VII et ils s'en sentaient absolument incapables. Ce ne sont pas
ceux d'entre nous qui ont fait la guerre qui, les blâmeront.
Jeanne d'Arc, confiante en son génie, n'hésitait pas à déclarer que,
non seulement la percée était possible, mais qu'elle s'engageait à la
réussir. Elle affirmait hautement qu'elle bousculerait le dispositif
anglais et mettrait les masses ennemies en défaut sur leurs points
faibles, de même que Miltiade - avec sa poignée de Grecs - avait su
battre, grâce à l'habileté de ses dispositions, l'armée innombrable des
Perses.
57
Jeanne, donc osa.
Retenons bien les dates des opérations que nous allons suivre
successivement. L'extraordinaire rapidité des succès que nous verrons
se succéder, précise étonnamment la valeur des dispositions prises par
ce général en chef d'un genre tout nouveau.
27 avril 1429:
Jeanne - à la tête de son armée - part de Tours. La première étape est
Blois, à 56 kilomètres.
L'armée y couche le soir même.
28 avril 1429 :
Mise en marche sur Meung, à 37 kilomètres.
Cette armée de secours comprend 8.000 hommes, de l'artillerie
lourde et de l'artillerie légère.
29 avril 1429:
Mise en marche sur Orléans - distance 18 kilomètres. C'est l'étape,
de beaucoup la plus courte, parce que les troupes vont se trouver au
contact de l'ennemi et qu'il va falloir manoeuvrer.
Le plan de Jeanne n'est pas de tenter un assaut sur un point
quelconque, mais de ravitailler la place en vivres, en matériel et en
hommes. Une fois dans la place, elle tentera de briser le blocus, cette
ceinture de fer qui étreint Orléans. je ne crois pas qu'on puisse trouver
dans l'histoire un seul exemple d'une pareille tactique où, pour chasser
l'assiégeant, l'armée de secours cherche d'abord à devenir - elle-même
- assiégée. Il est curieux de voir comment son chef va s'y prendre pour
réaliser son curieux plan.
Deux routes conduisent directement de Blois à Orléans; l'une par la
rive droite de la Loire : elle présente de grands obstacles, mais elle
permet d'aborder la ville sans avoir à traverser le fleuve; l'autre, par la
rive gauche, offre certains avantages. Elle semble plus favorable à
l'embarquement du convoi sur la Loire, mais elle a l'immense
inconvénient de venir buter dans le gros des forces anglaises, de plus
se présentera le fort obstacle du fleuve.
Jeanne décide de choisir la première route, celle de la rive droite. Les
autres chefs feignirent de s'en remettre à cette décision, mais - en
réalité - ils la trompèrent. Dès le départ de Blois, ils engagèrent l'armée
sur la rive gauche.
Ils avaient pris cette détermination d'accord avec Dunois, chef des
assiégés, qui devait tenter une sortie d'Orléans par le fleuve et venir
au-devant de l'armée royale.
Jeanne s'est parfaitement rendu compte qu'on l'a trompée.
58
Afin de ne pas créer de confusion (ordre - contre-ordre - désordre) au
point de vue surtout de la jonction avec Dunois, elle laisse faire. Vers
midi, en est au contact de l'ennemi, dont on aperçoit dans le lointain
les bastilles et le camp retranché, entre la Loire et le Loiret.
C'est alors que Dunois se présente à elle. Personne n'ignore que c'est
un des plus grands seigneurs de France, cousin du Dauphin et l'aîné de
Jeanne d'Arc de plus de 20 ans.
Cependant celle-ci le reçoit très mal :
- Est-ce vous, lui dit-elle, qui êtes le Bâtard d'Orléans ?
- Oui, répond celui-ci, et je suis heureux de votre venue.
- Est-ce vous, reprend Jeanne, qui avez donné l'ordre que j'arrive de
ce côté du fleuve et non point de l'autre où se trouve Talbot ?
- Oui, pour plus de sûreté: de plus sages que moi sont d'ailleurs de
cet avis.
- Eh bien, riposte durement Jeanne, mon avis est plus sage que le
vôtre . Vous avez cru me tromper et -c'est vous qui vous êtes trompé.
J'avais mes raisons pour utiliser la route de la rive droite et entrer dans
Orléans en forçant la bastille Saint-Laurent.
Voyez, vos chalands sont immobilisés, car les eaux sont trop basses
et - de plus - le vent souffle de l'est et les pousse en aval.
Dunois est confus ! Il comprend la critique du chef qui - lui n'agit
pas avec des idées préconçues et sait se garer contre les événements
imprévisibles. Dunois ne sait plus vraiment que faire, mais Jeanne
vient à son secours. « Prenez patience, lui dit-elle, ce contre-temps ne
va pas durer, et tout le convoi entrera dans la ville. »
Et là, nous sommes bien obligés d'accepter le merveilleux.
Subitement, le vent tourne à l'ouest et une crue du fleuve se produit;
les bateaux peuvent se confier à leurs voiles.
Cet événement est d'autant plus déconcertant, quand on ne considère
que la raison humaine, que cette variation du vent et cette crue des
eaux se doublèrent de l'inaction totale des Anglais qui assistèrent,
inertes, à ces faits de guerre, considérables, se passant sous leurs yeux
et à portée de leurs bastilles.
Au procès de réhabilitation de Jeanne d'Arc, Dunois, interrogé sur la
véracité de ces faits, dont il avait été le principal témoin, répondit: «
Cet incompréhensible événement fut pour moi la preuve indiscutable
que Jeanne et son action étaient de Dieu et non des hommes ».
59
Toutefois, on ne saurait admettre que les choses se passèrent aussi
facilement que le racontent certains auteurs, religieux la plupart, et qui
n'ont en vue que la mission divine de la Pucelle.
Mais, en étudiant la manoeuvre, nous allons voir apparaître le vrai
génie d'un très grand chef.
Bien que les écrits des auteurs de l'époque soient assez confus (et
pour cause) en ce qui concerne la manoeuvre tactique de cette fameuse
soirée du 29 avril 1429, on arrive cependant à la distinguer assez
nettement.
Voici comment les choses durent se passer, car - certainement Jeanne agit, ce jour-là, en employant la même méthode qu'elle
emploiera par la suite : coordination de toutes ses forces agissant
toutes ensemble sur un même point, avec l'utilisation au maximum de
l'effet de surprise.
Après son altercation avec Dunois son premier soin fut de faire
passer l'armée sur la rive droite, en utilisant le pont de Meung-surLoire que, seule, l'avant-garde avait dépassé.
L'ordre d'opération qu'elle remit au duc d'Alençon était - la Loire
passée - de se porter immédiatement sur Orléans et de venir prendre
position, à distance de tir d'artillerie, devant la bastille Saint-Laurent.
Cette artillerie ouvrirait le feu sur le fort, au moment où le convoi
fluvial arriverait à hauteur de l'île Charlemagne, ce qui aurait lieu à la
nuit tombante.
La partie la plus délicate de cette manoeuvre pour ravitailler Orléans
était la direction du convoi lui-même, dirigé en empruntant la voie
fluviale.
L'artillerie utilise le pont pour passer sur la rive droite.
Pour la manoeuvre par voie fluviale, Jeanne s'en est réservé le
commandement. Elle a conservé avec elle 200 lances (soit 800
hommes) de troupes d'élite.
A cette époque la navigation sur les rivières et - à plus forte raison sur les fleuves se faisaient couramment en employant de vastes bacs,
dont l'usage, d'ailleurs, s'est conservé en Loire jusqu'à nos jours. Les
chevaux, eux, ne connaissaient certainement pas les ennuis des
exercices d'embarquement.
Sur l'ordre de Jeanne, un quai d'embarquement suffisamment large,
bien que tout de fortune, est rapidement construit et judicieusement
établi sur le même plan que le bord des bacs. Ceux-ci viennent
successivement y accoster pour repartir ensuite chargés.
Cette jeune fille, douce et bonne, impérieuse quand il le faut,
sait diviser et distribuer le travail pour que la besogne s'achève
60
vite. Elle exige l'ordre et le silence, surveille l'embarquement de ses
200 chevaux, ne casant sur le même bateau que le nombre utile pour
pouvoir faire face à tout événement imprévu. Elle prend place enfin,
elle-même et - l'oeil fixé dans la direction de la ville - elle donne le
signal du départ.
A ce moment, la. journée touchait à sa fin et le disque du soleil allait
bientôt atteindre les eaux du fleuve. Mais ses derniers rayons encore
violents, gênaient terriblement les observateurs anglais.
Et la flottille avançait doucement, au milieu du clapotement des
oiseaux, du cliquetis des armes, du piétinement des chevaux, que leurs
cavaliers caressaient pour les empêcher de hennir.
Le convoi approche de l'île Charlemagne.
Sur la rive droite de la Loire, l'armée a pris position face à la bastille
Saint-Laurent, dont les défenseurs s'apprêtent à repousser l'assaut,
unique mode de combat de l'époque.
Ils doivent certainement être très intrigués par le dispositif adopté
par leurs adversaires.
En effet, face à leur bastille, plusieurs bombardes sont, mises en
batteries, tandis que un certain nombre de couleuvrines font face à l'île
Charlemagne. En arrière de ce dispositif, l'infanterie.
Brusquement, au signal convenu de la Pucelle, une formidable
canonnade éclate. L'artillerie lourde française bombarde de tous ses
moyens, le fort. Les défenseurs anglais répondent mollement,
stupéfaits d'un pareil emploi des bouches à feu, tandis que les troupes
d'assaut restent immobiles.
Tandis que les pièces lourdes s'emploient activement contre le fort,
les couleuvrines placées face au fleuve foudroient le fortin de l'île
Charlemagne et obligent les défenseurs à se terrer.
Et, entre chaque salve de cette artillerie légère - les pièces tirant
toutes ensemble - les bateaux passent les uns après les autres,
atteignent la porte Saint-Laurent et accostent à quai.
On peut envisager quel fut l'enthousiasme des habitants d'Orléans,
quand - à la hauteur des torches - ils virent entrer dans leur ville
Jeanne, image incarnée de la victoire et son convoi.
Récapitulons. - La petite colonne de Jeanne d'Arc est partie de Tours
le 27 avril au matin, marchant au secours d'une place forte,
puissamment encerclée et distante de 114 kilomètres.
Le 29 avril, à 9 heures du. soir, c'est-à-dire fin du troisième
jour, son chef lui a fait parcourir cette dure étape, a rectifié les
erreurs de direction commises, a rompu les barrages anglais et est
61
parvenu à introduire dans la place un important convoi de
ravitaillement et un renfort de 800 hommes et de 200 chevaux.
De cette première manoeuvre de Jeanne d'Arc, nous devons tirer un
certain nombre de conclusions qui sont pour nous du plus vif intérêt.
Considérons, tout d'abord, qu'en habile chef de guerre, elle a tout de
suite vu que les Anglais - suivant d'ailleurs les méthodes de l'époque ignorent les principes élémentaires de la sûreté.
Aucun service de reconnaissance ne fonctionne chez eux, capable de
les renseigner sur les mouvements de leur adversaire. Par conséquent,
aucune force n'est détachée pour lui barrer la route à temps et leur
donner - à eux - les délais nécessaires à faire intervenir leurs réserves.
Alors Jeanne en profite pour préparer et rassembler ses moyens
d'action, pour organiser sa manoeuvre et l'appliquer sur l'objectif
choisi par elle.
Elle peut agir, dans ces conditions, avec de grandes chances de
succès ; car son ennemi, n'ayant pas de service de sûreté, il y aura pour
elle-même, le bénéfice de la surprise.
La surprise étant possible, elle a compris que la victoire, autrement
dit le résultat définitif, sera pour elle, si elle agit avec décision.
Pour amener ce résultat, qui va constituer le dénouement de la partie
à jouer, que faut-il ? Sinon, faire converger toutes ses forces sur le
même objectif, afin d'amener la rupture d'équilibre à son profit.
C'est ce qui arrive, en effet, devant la bastille Saint-Laurent.
L'équilibre anglais est complètement rompu, car - au moment et au
point voulu - c'est lui, l'Anglais, qui est dominé, donc en état
d'infériorité.
Le passage du convoi français ne tient plus du merveilleux, mais de
l'art militaire du chef français qui arrive à ses fins parce qu'il a su
imposer ses volontés à l'adversaire.
Dans cette première affaire devant Orléans, Jeanne est passée
résolument et de suite à l'offensive ; elle a crée les événements et ne
les a point subis, tandis que son adversaire - mal renseigné ou pas du
tout - est resté sur la défensive, et dans ce duel, a été le combattant qui
ne fait que parer. Infailliblement, il devait être battu.
*
**
62
L'exploitation du succès étant pour Jeanne de règle absolue, elle
aurait voulu, - ce premier convoi passé - en profiter, ainsi que de la
nuit pour revenir en vitesse à Blois chercher le deuxième convoi et le
faire entrer dans Orléans, sous la protection de ses troupes en position
devant la bastille, Saint-Laurent. Ce n'est qu'avec peine que - sur les
instances pressantes de ses lieutenants, incapables de la comprendre elle consentit à remettre à 48 heures, c'est-à-dire au 1er mai, cette
seconde opération.
On peut se demander comment les Anglais - après une pareille alerte
- ne réagirent pas aussitôt, ce que craignait Jeanne, indiscutablement.
La raison probable, c'est que ceux-ci, fort émus et criant à la
sorcellerie (moyen facile d'excuser une défaite) perdirent leur temps en
palabres et en conseils de guerre, en Kriegspiel, comme on voudra.
Et 48 heures après - le 1 er mai - le second, convoi passait à leur barbe
et dans les mêmes conditions tactiques que le premier.
Il y eut cependant une variante dans la manoeuvre de Jeanne, qui
montre son souci de l'action. Au moment du passage du convoi devant
l'île Charlemagne, alors que notre artillerie de la rive droite foudroyait
à nouveau le fort Saint-Laurent, et que celui-ci répondait de toutes ses
pièces (Première lutte de batteries contre batteries) Jeanne - à la tête
d'une colonne de 500 hommes - sortit brusquement d'Orléans et opéra
une vigoureuse diversion ; utilisation de la solidarité au combat.
Cette manoeuvre enthousiasma Dunois qui ne peut s'empêcher de
dire à ses fidèles: « C'est chose incompréhensible ! Tandis
qu'auparavant, les Anglais avec 200 des leurs mettaient en fuite 800 ou
1.000 des nôtres, il suffit à cette jeune fille d'une toute petite troupe
pour lutter contre la puissance des Anglais. »
Jeanne n'allait pas tarder à lui apprendre - à lui-même – à
manoeuvrer. Elle fit d'abord - à la faveur de la nuit - entrer dans
Orléans le reste de ses troupes et tout le matériel laissés en observation
devant la bastille Saint-Laurent.
*
**
Le commandement anglais rendu furieux par le double et rude échec
qu'il venait d'éprouver - envoya l'ordre à Falstaff, qui commandait de
fortes réserves à Janville (35 kilomètres N.-O. d'Orléans), de venir de
toute urgence au sud de la ville, en passant par l'Ouest.
63
Jeanne fut immédiatement prévenue de cet ordre, de l'ennemi. Faut-il
en déduire qu'elle avait déjà organisé son service de renseignements ;
on serait tenté de le croire, quand on connaît la force de son
raisonnement et que l'on considère la rapidité avec laquelle elle fut
avisée et la précision de sa documentation. C'était du vrai service
d'Etat-Major (notre 2e Bureau actuel).
Quoi qu'il en soit, aussitôt prévenue, elle fait appeler Dunois, lui fait
connaître le mouvement de Falstaff qui - peut-être - est déjà en route et
lui signifie que - à aucun prix elle ne saurait admettre l'arrivée de ces
renforts à l'ennemi. Enfin elle clôt l'entretien par ces mots où se révèle
le vrai caractère du chef qui entend être obéi :
- Bâtard d'Orléans, prenez les dispositions immédiates de
reconnaissance de la marche de Falstaff et n'oubliez pas que je vous
donne l'ordre de me prévenir aussitôt qu'il sera signalé.
Et comme Dunois, très perplexe, veut, présenter quelques
observations, Jeanne lui ferme la bouche par ces paroles énergiques:
- Si Falstaff passe, sans que je le sache, vous serez aussitôt décapité.
L'expression exacte employée par Jeanne d'Arc fut: « je vous ferai
oster la tête. »
Un Pareil langage, tenu à un aussi puissant Seigneur, fit - dès ce
moment - comprendre à tous quel Chef était mis à leur tête. Depuis ce
jour, elle ne fut plus pour eux la petite paysanne, la frêle enfant de 17
ans, l'illettrée. Elle incarna à leurs yeux, la personne du Commandant
de l'Armée, responsable devant le pays et devant le Roi, émanation
même de la Nation. Tous surent qu'il fallait maintenant obéir, qu'il n'y
avait pas de commandement possible sans discipline, discipline stricte
dont l'impérieux devoir est au besoin - de forcer l'obéissance.
Tant que Jeanne fut à la tête de ses troupes, elle obtint des chefs qui
opéraient sous ses ordres, un respect et une obéissance absolus.
Chastellain, un des meilleurs chroniqueurs du temps, a relaté qu'elle
savait imposer son autorité et « dans toute entreprise « mener en chief
». Ses lieutenants avaient un grave motif de la traiter avec égards;
c'était son franc-parler, la netteté de ses décisions et on la savait
femme de parole.
L'ordre impérieux donné par Jeanne à Dunois concernant Falstaff
dont elle voulait, à tout prix, empêcher la jonction avec le gros de
l'armée anglaise, était motivé par le plan qu'elle venait d'adopter pour
la délivrance d'Orléans.
64
Son but était de reprendre aux Anglais le fort des Tourelles, à
l'extrémité du pont de la Loire et il lui paraissait naturellement
nécessaire d'empêcher de s'augmenter les effectifs de ses adversaires.
Dunois devait, en conséquence, agir comme flanc-garde, avec mission
d'immobiliser les troupes de renfort de Falstaff. C'est ce qu'il fit,
d'ailleurs, très brillamment.
Attaquer le fort des Tourelles de front, Jeanne n'y songea pas un seul
instant. C'eût été une lourde faute. Il fallait d'abord l'isoler, en le
privant de l'appui que ses défenseurs pouvaient espérer des forces
anglaises en position à l'est du pont.
Dans ce but, elle décida d'effectuer une vigoureuse sortie à l'est de la
ville, avec, comme objectif, la prise de la bastille Saint-Loup. On
attaquerait ensuite le guet de Saint-jean-le-Blanc, moins fortifié que les
bastilles, et qui - une fois tombé - donnerait aux assiégés la possession
de l'île aux Toiles, sur le fleuve, et toute liberté du côté de la Sologne.
Dans l'exécution de ce plan, Jeanne continuait à appliquer le principe
absolu
de
« l'économie des forces », autrement dit l'art de déverser toutes ses
ressources sur un seul point donné et au moment voulu, puis, le
résultat obtenu, de les faire de nouveau converger et agir contre un
nouveau but unique. Enlever d'abord, avec tous ses moyens, la bastille
Saint-Loup et ses satellites, et se jeter ensuite - toutes forces réunies contre les Tourelles.
Telles furent les explications et les directives que la jeune générale
exposa à ses lieutenants.
Il est certain qu'ils ne comprirent rien à cette tactique si nouvelle
pour eux, à cette concentration des forces, bref à la manoeuvre.
Ils ne virent qu'une chose; c'est qu'il s'agissait d'attaquer - en premier
lieu - la bastille Saint-Loup. Comme ils étaient très braves, très
ardents, grisés par les premiers succès, ils ne surent pas attendre l'ordre
d'attaque que leur Chef voulait donner à son heure et à bon escient.
Profitant de son sommeil, ils engagèrent l'action - le lendemain au
petit jour - contre les Anglais.
C'était une grosse faute contre la discipline au combat. D'autre part,
l'affaire, menée inconsidérément faillit tourner au désastre.
Réveillée en sursaut par le bruit de la bataille, Jeanne se lève, en
toute hâte, s'arme, monte à cheval et sort au galop par la porte de
Bourgogne.
Elle croise - à cet endroit - des blessés et aussi des fuyards.
Elle arrête ces derniers, les rassemble, les regroupe et leur indique
65
des chefs; puis, elle fait appel à sa réserve disponible de 1.500 hommes
que - heureusement - Dunois, qui n'a pas oublié l'algarade de la veille,
a tenu groupée. A la tête de cette force, Jeanne va rétablir la situation.
A ce moment, celle-ci est la suivante:
L'attaque française s'était portée en masse et sans aucune préparation
d'artillerie sur la bastille Saint-Loup qu'elle essayait, en vain,
d'écheller. Talbot, « l'Achille anglais », en position, plus au nord, à la
bastille Saint-Pouair, profitant de la situation assez aventurée des
Français parce que, sans liaison avec la ville, tentait une vigoureuse
sortie, afin de prendre position en arrière des Français, dans le but de
leur couper la retraite.
Heureusement, Jeanne est déjà arrivée près de ses lieutenants dont
les troupes attaquent le fort Saint-Loup. Elle arrête immédiatement ces
assauts inutiles et fait avancer l'artillerie.
Le mouvement de Talbot est alors signalé. Les capitaines français
comprennent la faute qu'ils ont commise. Ils s'affolent et demandent la
retraite immédiate.
Jeanne se rend compte que cette retraite va tourner au désastre, car pris entre deux combats - le contingent français serait écrasé. De plus,
il lui serait impossible de ramener son artillerie.
Sèchement, elle fait taire les conseilleurs. Elle appelle le maréchal de
Boussac, lui donne l'ordre de prendre 600 chevaliers et d'aller occuper
- de suite - la position que convoite Talbot.
Boussac exécute l'ordre et s'établit - nous dirions aujourd'hui « en
flanc-garde » - face au nord, c'est-à-dire à Talbot. Se voyant ainsi
devancé, ce dernier se retire, abandonnant son attaque. Il avoua plus
tard avoir été complètement déconcerté par cette manoeuvre qu'il
n'avait jamais vu employer jusque là.
Maintenant Jeanne est tranquillisée sur son flanc gauche ; elle n'a
rien à craindre sur sa droite que borde la Loire. Elle va reprendre
l'offensive contre la bastille Saint-Loup.
Après trois heures d'un bombardement violent, elle donne le signal
de l'assaut. La bastille est prise, ses occupants sont massacrés, malgré
la défense qui en avait;été faite par Jeanne qui fit tout pour modérer la
fureur de ses soldats. Toutefois, elle prescrivait d'incendier le fort et de
le raser complètement.
Cet important point d'appui était ainsi définitivement perdu pour les
Anglais.
Près de la bastille Saint-Loup, se trouvait une église du même
nom à laquelle Jeanne avait défendu de toucher. Elle existe encore
de nos jours. Quelques fuyards anglais s'y étaient réfugiés, et
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- pour éviter d'être massacrés s'étaient affublés de vêtements
sacerdotaux. On les mène, ainsi vêtus à Jeanne. A leur vue, celle-ci
éclata de rire et leur fait grâce de la vie.
Cette défaite jeta la consternation dans l'armée anglaise. Jeanne
essaya d'en profiter en leur adressant un nouvel ultimatum, ainsi conçu
:
« Anglais, vous qui n'avez aucun droit sur le Royaume de France, je
vous ordonne et vous mande de laisser vos bastilles et de retourner
dans votre pays; sinon, je vous infligerai une telle défaite qu'il en sera
perpétuelle mémoire.
« Je vous écris cela pour la troisième et dernière fois. »
JEHANNE.
A ce message - comme il fallait s'y attendre - les Anglais répondirent
par des injures.
Avant d'essayer de s'emparer de la puissante bastille des Tourelles,
que flanque à l'est le bastion du guet de Saint-Jean-le-Blanc, dont la
mission est de surveiller le passage du fleuve, Jeanne va manoeuvrer
par travaux d'approche.
Son premier souci est de se rendre maîtresse de l'énorme îlot appelé
« l'île aux Toiles ». La possession de cette île formera, en effet, pour
ses effectifs une base de départ merveilleuse pour ses attaques sur la
rive gauche.
L'île aux Toiles est défendue par une petite troupe anglaise, occupant
un léger fortin. On s' en emparera, par surprise, à la faveur de la nuit.
Mais, comme pour tout autre combat, celui envisagé pour surprendre
l'adversaire exige - pour sa réussite - des conditions spéciales :
préparation silencieuse, exécution rapide et finalement exploitation. Et,
c'est dans la réalisation de ces conditions que notre jeune chef va
encore exceller.
Tout d'abord, elle fait étudier discrètement par une reconnaissance
les abords du fleuve aux environs de l'île aux Toiles.
Un très court espace d'eau sépare l'île des rives du -fleuve
principalement sur la rive droite. Il est facile d'y jeter un ponceau que
deux bateaux suffiront à porter. La garnison est médiocre, très
démoralisée par la chute et la suppression de la grosse bastille SaintLoup.
De plus, dans l'île, existe tout le matériel nécessaire pour établir une
passerelle sur le petit bras de la Loire, du côté de la rive gauche.
67
L'enlèvement de l'île aux Toiles ne peut donc être qu'un incident de
la bataille pour la prise - plus importante - du guet de Saint-jean-leBlanc.
Celui-ci sera masqué par de l'infanterie, dont le rôle - au début - sera
un rôle de couverture pour protéger le passage de l'artillerie sur la
Loire. Saint-jean-le-Blanc doit tomber rapidement et, alors ce sera
l'opération principale, l'attaque des Tourelles, préparée par un violent
bombardement.
L'opération, ainsi décidée, est conduite énergiquement. Les troupes
d'attaque à l'effectif de 4.000 hommes - ce qui est considérable pour
l'époque - traversent le fleuve au point du jour, entre chien et loup, afin
de se porter vers le guet de Saint-Jean-le-Blanc, tandis qu'une forte
troupe envahit l'île dont les défenseurs, épouvantés se rendent aussitôt
à merci.
A peine, les colonnes françaises ont-elles commencé leur
débarquement sur la rive gauche, que l'on voit flamber le guet de
Saint-jean-le-Blanc. L'ennemi, ne se sentant pas en sûreté dans ce
poste, préférait l'abandonner après l'avoir livré aux flammes. Sa
garnison était recueille dans la forteresse des Augustins, construite
symétriquement à celle des Tourelles, et, défendant, avec elle, l'entrée
du pont de pierre.
La minutieuse préparation de l'attaque et l'exécution rapide et
énergique de la première partie du plan adopté par Jeanne recevait
ainsi et déjà sa récompense.
Toutefois, il est nécessaire de signaler ici que la nouveauté de ces
manoeuvres - si elle déconcertait les Anglais - elle ne déconcertait pas
moins les Français. En voyant leurs adversaires se replier, les soldats
de Jeanne restent indécis et hésitent à continuer l'action. Leurs officiers
ont grand-peine à les maintenir en place.
Pendant ce temps, l'artillerie est débarquée et amenée à bonne
distance de tir des forts des Tourelles et de Saint-Augustin.
Le feu est alors ouvert; c'est le tir à démolir, réglé pour toutes les
pièces sur le même point de chaque bastille. Les lourds boulets de 40
kilos et de 160 livres tombant, coup sur coup et toujours au même
endroit, ébranlent les murailles et commencent à jeter la terreur parmi
les défenseurs.
Alors les 4.000 fantassins s'avancent et viennent occuper une
première position dans le faubourg Portereau, qui conduit,
parallèlement au fleuve, aux bastilles anglaises. Un deuxième bond les
amène aux abords des forts.
A ce moment, on aperçoit une forte troupe anglaise, sortie de
68
PLAN D'ORLEANS INVESTIE PAR LES ANGLAIS
69
la bastille privée (voir la carte ci--jointe). Cette colonne se, porte au
secours des deux postes avancés.
Une panique. générale se met dans les troupes françaises, dont la
majeure partie regagne - en toute hâte - l'île aux Toiles.
A cette vue, Jeanne ne perd pas la tête. Vivement, elle rassemble
autour d'elle tous ceux qui lui sont restés fidèles et envoie un exprès au
chef de son artillerie, avec des instructions très précises sur la
manoeuvre qu'elle vient rapidement de combiner.
A la tête de sa petite troupe formant bloc compact, et aidée de La
Hire, elle part à la charge contre la colonne anglaise qu'elle a bien soin
de contourner, de façon à démasquer ses batteries. Alors celles-ci
ouvrent le feu sur les archers anglais et en font un véritable carnage.
Ne se croirait-on pas déjà transporté aux campagnes de Napoléon ?
En présence d'un pareil spectacle, les fuyards français, réfugiés dans
l'île aux Toiles, reprennent courage et reviennent au combat. Bientôt,
la bastille Saint-Augustin-, dans laquelle le tir de l'artillerie a ouvert
une large brèche, est en notre pouvoir. Jeanne en ordonne la
destruction immédiate par l'incendie, après avoir libéré les nombreux
prisonniers français que les Anglais y avaient enfermés.
Mais les Tourelles résistent toujours et la nuit vient. Les capitaines
français voudraient bien en rester là, pour aujourd'hui et rentrer dans
Orléans, quitte à perdre les résultats obtenus. Jeanne refuse de se
soumettre à leurs pressantes instances. Tout au contraire - si elle
consent à remettre, au lendemain l'assaut de la forteresse - elle signifie
à tous que les troupes bivouaqueront sur place, sous la protection
d'avant-postes. Elle fait établir ceux-ci de toutes parts, en liaison
absolue avec l'île aux Toiles et de là avec Orléans.
La nuit est arrivée. Le silence a succédé au bruit de la bataille. Mais
les capitaines français, qui ne peuvent admettre ces nouvelles moeurs
guerrières, se réunissent en comité secret et décident ensemble de
refuser de continuer le combat le lendemain matin. L'un d eux,
désigné-, vient trouver Jeanne et ose lui faire part de la décision des
chefs.
Ah ! Il est bien reçu. Sèchement, Jeanne lui coupe la parole :
- je n'ai que faire de votre conseil !
- Faites venir les chefs.
A ceux-ci, aussitôt rassemblés, elle précise:
- Demain, lever de très bonne heure ! Je vous indiquerai, celle
70
de la reprise du combat et faites en sorte d 'être prêts, car - demain nous entrerons dans les Tourelles.
Le lendemain - 7 mai - dès la pointe du jour et à l'heure fixée par
Jeanne, le combat reprend de plus belle.
C'est d'abord un violent duel d'artillerie qui dut sembler prodigieux, à
cette époque, à ceux qui en furent les témoins. Jeanne avait inventé la
contre-batterie et les Anglais s'étaient empressés de l'imiter. Mais dans
leur méconnaissance de cet emploi du feu, les Anglais négligèrent le
tir contre l'infanterie et celle-ci, conduite par son jeune entraîneur
d'hommes, en profita pour se glisser jusqu'aux fossés.
La bastille des Tourelles n'était pas un petit morceau à enlever.
Malgré la préparation d'artillerie, les Français durent revenir plusieurs
fois à l'assaut.
Vers une heure de l'après-midi, Jeanne, atteinte d'une flèche à
l'épaule et grièvement blessée, roula dans le fossé.
On l'emporta aussitôt et Dunois donna l'ordre de la retraite.
A cette nouvelle, Jeanne se réveille de sa torpeur. De ses mains, elle
brise une partie de la flèche qui lui traverse l'épaule gauche et arrache
l'autre morceau; elle est inondée de sang.
Un sorcier veut « charmer » la blessure; elle l'envoie promener. Un
chirurgien applique une compresse de lard et d'huile d'olive.
Malgré les cris de ceux qui l'entourent, elle se précipite aux avantpostes et ordonne la reprise de l'attaque. A nouveau l'artillerie f ait rage,
un morceau des Tourelles s'effondre, un dernier assaut et les Tourelles
sont prises.
La nuit est arrivée ! Craignant un retour offensif de l'ennemi, Jeanne
reste, de sa personne, une partie de la nuit, dans la forteresse. Ce ne fut
que très tard qu'elle accepta de rentrer dans Orléans et de se confier
aux soins d'un chirurgien.
Très lasse, épuisée par les fatigues de ces dures journées et par
l'énorme perte de sang sorti de sa blessure, elle aurait grand besoin de
s'abandonner au sommeil.
Elle y consent, mais auparavant, elle considère de son devoir de
dicter un véritable « communiqué » au Roi sur les événements
accomplis.
Charles VII - tout en manifestant un réel chagrin à la nouvelle de la
blessure de Jeanne - ne peut cacher sa joie des magnifiques résultats
obtenus; il ordonne des réjouissances publiques. Des « Te Deum »
d'actions de grâce » furent chantés dans toutes les villes
restées fidèles, notamment à Poitiers, à Chinon et dans
71
le midi de la France : Narbonne, Carcassonne, Brignolles, etc...
Châteaudun, Tournai...
La prise des Tourelles fut un coup terrible pour la puissance
anglaise, d'autant plus terrible qu'elle entraîna la chute des autres
bastilles. Leur chute n'offre qu'un intérêt tactique secondaire et auquel,
en conséquence, nous ne nous arrêterons pas.
L'armée anglaise était vaincue et désemparée. Elle leva le siège
d'Orléans, abandonnant un énorme butin : bombardes, couleuvrines,
veuglaires, poudres, étendards, armures, vivres, leurs blessés et
nombre de leurs prisonniers.
Dix jours avait suffi à Jeanne d'Arc pour obtenir ce formidable
résultat. Elle le devait à son sens profond de l'emploi des différentes
armes, à la sage coordination de tous ses moyens. Loin d'être esclave
de formes absolues - comme on l'était à cette époque - elle fit - au
contraire - constamment appel à cette initiative qui se traduit en art
d'agir sûrement et en toute liberté d'action. Toujours bien renseignée
sur les mouvements de son adversaire, sachant exactement, elle-même,
ce qu'elle voulait, elle sut, en toutes circonstances, attaquer sans se
découvrir, ou parer sans cesser de menacer l'adversaire.
Voir aux annexes le récit des événements qui se. sont passés du 8
mai (prise des Tourelles) au 8 juin (marche sur Jargeau).
72
CHAPITRE VI
L'armée anglaise, en battant en retraite, s'était partagée en deux
directions. Un corps, commandé par Suffolk, remontait la Loire, se
dirigeant sur Jargeau. L'autre, sous les ordres de Talbot, descendait le
fleuve, pour se fractionner encore à Meung et à Beaugency.
C'est la guerre en rase campagne qui va commencer. Nous verrons
Jeanne y opérer avec une compréhension de l'art militaire, aussi nette
que dans la guerre de siège.
Elle se rend parfaitement compte - tout d'abord - que son adversaire
commet deux lourdes fautes :
1° En divisant ses forces.
2° En éloignant un de ses corps, celui de Suffolk; de ses bases
d'opérations.
Elle a aussitôt pris sa décision; c'est sur ce dernier corps - plus
aventuré - qu'elle agira en premier lieu.
Mais, avant d'agir, la première chose à faire est de garder le contact
avec chacun de ses adversaires.
Malgré ses lieutenants que ces manoeuvres exaspèrent, parce qu'elles
sont tout l'opposé des coutumes routinières du temps Jeanne forme
deux corps de cavalerie d'accompagnement, forts chacun de 600
cavaliers. Le premier, sous les ordres de La Hire, battra l'estrade dans
la direction de Jargeau, l'autre, commandé par Ambroise de Loré, agira
de même en direction de Beaugency.
73
Ainsi, bien tenue au courant, par sa cavalerie, des mouvements de
l'ennemi, Jeanne d'Arc prend ses dispositions de combat.
Le 8 juin, sa masse de manoeuvre est reconstituée. Toute l'armée se
dirige sur Jargeau. La colonne principale occupe la route avec le
dispositif suivant : Cavalerie de couverture, dont nous avons déjà
parlé, gardant le contact. Avant-garde composée de troupes à cheval derrière cette avant-garde, Jeanne et son Etat-Major, afin d'être
renseignée dans les plus brefs délais; - puis, l'infanterie, encadrant
l'artillerie lourde, 24 chevaux tirant chaque pièce. L'artillerie légère,
composée de couleuvrines et de ribeaudequins, accompagne par eau et
surveille la rive droite du fleuve.
Le 11 juin, l'armée est en position devant Jargeau. L'attaque est fixée
au lendemain.
Les dispositions sont prises en conséquence.
La cavalerie de reconnaissance a fait connaître le dispositif anglais.
Les durs horions, reçus devant Orléans, ont rendu les tommies plus
circonspects. Ils ont maintenant, des avant-postes couvrant la ville et
occupant les faubourgs.
Dans ces conditions, l'infanterie française attaquera brusquement,
pendant la nuit, ces avant-postes et les anéantira. Le but principal de
cette opération de nuit est de permettre d'amener, au petit jour. les
grosses pièces à portée de tir de la ville.
L'opération de nuit, bien orientée et bien dirigée, réussit entièrement
et - à la pointe du jour - l'artillerie, dont Jeanne, personnellement,
dirigeait le feu ouvrait un tir de préparation.
De même qu'à l'attaque des Tourelles, tous les coups sont
uniquement dirigés sur la même tour d'angle qui ne tarde. pas à être
démolie, tandis que les couleuvrines tirent sur l'artillerie ennemie et
réussissait à la réduire au silence.
Ces résultats obtenus, Jeanne va donner l'ordre d'assaut. Le duc
d'Alençon émet, alors, l'avis qu'il est trop tôt et que la brèche n'est pas
suffisamment ouverte. Jeanne prend gaiement l'observation : «Ah !
gentil Duc, lui dit-elle en riant, as-tu peur ? Ne sais-tu pas que j'ai
promis à ta femme de te ramener sain et sauf ? »
Pour l'assaut, les troupes ont été divisées en deux colonnes. La
première, sous les ordres de d'Alençon, doit aborder la brèche. La
seconde, en soutien, est commandée par Jeanne en personne.
Dispositions heureuses. La première colonne, en effet, ne réussit pas
et est ramenée en arrière. Elle est reçue par Jeanne, regroupée
et reportée en avant, épaulée cette fois de toutes les forces dispo-
74
nibles. La position est vigoureusement enlevée, Suffolk est fait
prisonnier; la garnison est massacrée, malgré les efforts de Jeanne qui
en éprouve un violent chagrin.
Ainsi débarrassée du corps de Suffolk, entièrement détruit, Jeanne
ramène rapidement ses troupes à Orléans, pour se diriger, toutes forces
réunies, contre Talbot. On retrouve déjà là, la manoeuvre que 400 ans
plus tard, en 1814, Napoléon appliquera dans son immortelle
campagne de France, contre Blücher et Schwartzemberg.
Le 15 juin. c'est-à-dire 4 jours seulement après la victoire de Jargeau,
le pont de Meung est enlevé de vive force. Et ce ne fut pas une petite
affaire. Talbot y avait fait établir deux formidables têtes de pont, une
sur chaque rive de la Loire.
Le 16, Beaugency subit le même sort. La manoeuvre française est la
répétition à peu près exacte de celle de Jargeau. Mais Jeanne,
renseignée que Talbot s'est retiré, de sa personne, à Janville, où il se
hâte de rassembler les réserves de Falstaff, ne veut pas être gagnée de
vitesse.
Elle accorde aux défenseurs de Beaugency des conditions
honorables, afin de reprendre sa liberté d'action et de pouvoir agir de
suite et avec tous ses moyens, contre les nouvelles forces de Talbot.
Celui-ci est, en effet, parvenu à grouper 5.000 combattants et il se
porte au secours de Beaugency. A la nouvelle de la capitulation de
cette ville, il rebrousse chemin, afin de recevoir la bataille sur une
bonne position.
Mais Jeanne ne va pas lui en laisser le loisir.
Elle donne, à cette occasion, deux exemples de fermeté de caractère
qui méritent d'être signalés. Elle y fait acte de Général en Chef qui ne
cesse de voir l'ensemble. Chef de génie, conscient de ses
responsabilités, elle ne saurait s'embarrasser de considérations
hiérarchiques ou d'entraves gouvernementales, quand celles-ci peuvent
compromettre les opérations en cours.
En premier lieu, elle accepte le renfort de 1.200 hommes (400 lances
et 800 archers) que lui apporte le connétable de Richemont, malgré la
défense formelle du Dauphin d'employer Richemont, alors en disgrâce.
Elle l'accepte, sous sa seule responsabilité, malgré l'opposition de
d'Alençon et des autres grands seigneurs de son Etat-Major qui
exècrent le Connétable et se déclarent prêts à quitter l'armée si celui-ci
y est admis. Elle le reçoit cependant, se contentant de répondre aux
menaces: « Jamais, il n'y aura trop de Français autour de ma
bannière.» (Foch: Sur Jeanne d'Arc).
75
En second lieu, elle décide - malgré l'avis de ses généraux d'exploiter
à fond le succès de Beaugency, par une manoeuvre de surprise contre
Talbot, en une poursuite acharnée de cet ennemi en retraite, sans lui
donner le temps de prendre ses dispositions de combat.
En vue de réussir, elle inaugure un emploi tout nouveau de la
cavalerie, très bizarre pour l'époque. De sa seule autorité, elle
supprime toutes les parties d'armures inutiles qui ne font qu'alourdir
hommes et chevaux, puis s'adressant à ses officiers, elle leur pose
brusquement cette question :
- Avez-vous de bons éperons ?
Ils la regardent sans répondre, tellement ils sont interdits.
Et Jeanne de s'expliquer:
- Il va vous en falloir pour la poursuite !
Les Anglais se sont retirés sur Patay.
Sous la conduite de Jeanne d'Arc, toute la masse de cavalerie
s'ébranle, à très vive allure, dans cette direction.
Cette journée de Patay va être la gloire de la cavalerie française.
Elle peut se résumer ainsi: Choc extrêmement violent d'une
puissante troupe de cavalerie, lancée à la charge et énergiquement
commandée contre une arrière-garde de troupes en retraite, aux-quelles
il n'est pas laissé le temps de se reconnaître.
Quelques détails sur cette mémorable rencontre. Les Anglais sont
commandés par Talbot. C'est le meilleur général de l'Armée anglaise.
A l'approche de la cavalerie française, arrivant comme un torrent,
Talbot fait faire volte-face à son arrière-garde et, bravement accepte le
combat, tandis qu'il envoie l'ordre à Falstaff de s'établir
immédiatement en position de repli et de soutien pour le recevoir.
Malgré tous ses efforts désespérés, Talbot est culbuté, ses troupes
sont dispersées et, lui-même, finalement se rend à Xaintrailles,
lieutenant de La Hire.
Talbot prisonnier, et son arrière-garde détruite, les cavaliers français
continuent contre Falstaff, ainsi découvert, mais qui, grâce à l'héroïque
résistance de son chef a pu cependant ébaucher une vague position de
résistance.
En présence de cette nouvelle situation, Jeanne modifie
immédiatement sa tactique. Elle appelle à elle, en toute hâte, son
artillerie légère et la met en batterie contre les maigres retranchements
ennemies ? Soucieuse de ménager au maximum la vie de ses hommes
et, aussi pour donner le temps au plus grand nombre d'arrive r,
76
elle déclenche une préparation d'artillerie de plusieurs heures. Enfin,
c'est l'assaut final, sur une ligne écrasée par les boulets. L'infanterie
anglaise, épuisée, offre peu de résistance et est faite prisonnière.
Cette bataille de Patay fut incontestablement la première de l'histoire
où l'on vit l'utilisation de l'artillerie d'accompagnement de la cavalerie,
et - aussitôt après - la préparation d'artillerie contre des retranchements
de campagne. C'est la mise en pratique, près de 500 ans avant nous, de
cette règle de combat édictée par Pétain en 1918 : « L'artillerie
conquiert, l'infanterie occupe. »
Il n'y a pas deux mois que Jeanne a pris le commandement et, déjà,
une partie du sol national est libérée. Orléans, le bastion avancé
anglais, au sud de Paris - comme Compiègne est le bastion avancé au
nord - leur est arraché.
La campagne de la Loire est terminée.
« Au cours de cette brève campagne de la Loire, a écrit le général
Canonge, professeur à l'Ecole Supérieure de Guerre, Jeanne d'Arc fit
preuve de qualités militaires éminentes: la préparation puis l'offensive
sans répit; une foi imperturbable dans le succès; une intelligence rare;
une extraordinaire puissance de travail; l'exemple entraînant; l'esprit de
suite, secondé par une volonté inébranlable, le succès obtenu, d'en tirer
tout le parti possible. » Telle fut Jeanne d'Arc, chef de guerre.
77
CHAPITRE VII
LA MARCHE SUR REIMS - LE SACRE
____
Orléans délivré, se posa la question des opérations à entreprendre
afin de chasser les Anglais hors de France.
Deux voies se présentaient, celle du nord-ouest et celle du nord-est.
La première, c'était la course à la mer, en passant par la Normandie.
Les forces françaises tenteraient de couper aux Anglais la retraite vers
leur pays, en les décimant avant qu'ils aient pu s'embarquer. C'était le
plan du parti militaire qui le défendait avec force. Au point de vue
stratégique, cette opinion prévalait; la marche par le nord-ouest, étant
seule capable de mettre rapidement les Anglais hors de France e t de
terminer la guerre.
Mais ce dont les militaires ne se rendaient nullement compte, c'est le
fait que cette solution laissait la France, divisée au point de vue
politique, faute de chef, donc soumise au régime des partis.
Jeanne d'Arc - aussi fin politique que grand général - s'opposa
obstinément à l'adoption de ce plan et décida la marche en avant, par le
nord-est.
Tous les historiens, et surtout les critiques militaires qui ont
approfondi cette question, sont d'accord sur les raisons qui motivèrent
la décision de Jeanne d'Arc.
« Si important, en effet, que fut - en 1429 - le point de vue
militaire, ce n'était alors que l'élément d'une situation plus
complexe et plus vaste. Jeanne d'Arc l'avait senti d'emblée. Sa
78
Mission, ses Voix, sa haute intelligence, son extraordinaire bon sens
ne la laissaient pas s'y tromper.
Si sûre que fût la conquête anglaise, ce n'était que l'effet de causes
plus profondes qui n'auraient pas disparu avec elle. La conquête
anglaise tenait à la division, à l'émiettement, à l'affaiblissement et à
l'anarchie de l'Etat, tous malheurs qui, restaient eux-mêmes suspendus
à l'affreuse crise d'autorité, conséquence de la mise en doute des droits
du Dauphin. La France avait perdu sa tête et son coeur. Elle ne savait
plus, en qui se vouer, dans le déchirement des factions.
La guerre eût pu finir. mais pas sans renaître aussitôt de divi sions
nouvelles, dans lesquelles elle se fût débattue, faute d'un
gouvernement fort. C'était cette mort lente qu'il fallait empêcher en lui
rendant son centre et support naturel, le Chef.
Il fallait recréer l'unité du pays. Le seul moyen d'y parvenir, c'était
bien la route par le nord-est, autrement dit la route de Troyes, menant à
Reims, la ville du sacre.
Et même, au point de vue militaire, le raisonnement de Jeanne venait
appuyer et confirmer son raisonnement au point de vue politique.
Entièrement battue sur la Loire, l'Armée anglaise. s'est repliée sur ses
bases, découvrant totalement l'Armée bourguignonne, son alliée.
Pour garder le contact sur le nouveau front: Angers, Le Mans,
Chartres, Montargis, Gien. il fallait aux alliés, anglais et bourguignons,
trois ou quatre fois moins de forces que sur l'ancien front: Angers,
Orléans, Gien.
Les effectifs manquant, c'était donc, pour les Anglais l'obligation
fatale absolue, de replier toute leur ligne sur leur base et de découvrir,
ipso facto, les Bourguignons. Leur ligne, à eux-mêmes, se trouvant
ainsi raccourcie, se renforçait d'autant.
Jeanne se rendit parfaitement compte de cette situation. Elle choisit
alors le côté faible de l'adversaire, et voici ce qui explique sa marche
foudroyante sur Reims, à laquelle nous allons assister.
Décision de Jeanne d'Arc: « On passera par l'est, l'Armée marchant
en trois colonnes successives, échelonnées la droite en avant, à
intervalles de déploiement. »
Grâce à ce sage dispositif. il ne pourra pas arriver qu'un des éléments
soit surpris isolé, puisque sur tous les points, il y aura concentration.
D'autre part, si une attaque se produit sur son flanc gauche, toute
l'armée française pourra, immédiatement, faire face à l'ouest sans
marches, ni fatigues inutiles.
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L'itinéraire est choisi et imposé par Jeanne. C'est Gien, Auxerre,
Troyes, Châlons, 320 kilomètres, en passant sur le ventre de l'ennemi.
Au départ de Gien, l'Armée est forte de 12.000 hommes. Elle
n'emporte que de l'artillerie légère, pour éviter des retards. En route, on
incorporera tous les volontaires que réveille en masse le sentiment
national. Auxerre ouvre ses portes à la première sommation et paie, à
la caisse de l'Armée, une contribution de 2.000 écus d'or. (Michelet,
page 158).
Le 5 juillet, nos troupes sont devant Troyes qui semble vouloir
résister, et répond par un refus à la sommation de se rendre.
Jeanne, pressée d'arriver à Reims, s'irrite de ce retard. Par s es ordres,
des retranchements sont rapidement édifiés pour couvrir l'artillerie.
Dès le lendemain au matin, celle-ci est en batterie et l'infanterie, munie
de fascines attend ordre d'assaut.
Tous ces préparatifs, auxquels ont assisté les habitants du haut des
remparts, les ont fortement impressionnés. Aussi, au moment où va
commencer le bombardement, les portes de la ville s'ouvrent et une
délégation s'avance, demandant à capituler.
Charles VII, qui accompagnait l'armée, se montra généreux. Il
accorda même les honneurs de la guerre à la garnison anglobourguignonne qui s'était rendue sans combat.
Celle-ci abusa de la clémence royale en ayant la prétention
d'emmener avec elle les prisonniers français qu'elle détenait. Jeanne s'y
étant opposée, le Dauphin, pour éviter toute cause de conflit, consentit
à payer, de ses propres deniers, la rançon de ces malheureux.
La marche reprit, en direction de Reims. Le 15 juillet Châlons s'étant
rendu, Charles VII y fit son entrée. Maintenant c'est la dernière étape
sur Reims, à travers ces fameux champs catalauniques qu'avaient
foulés jadis les cavaliers d'Attila et où la génération à laquelle
j'appartiens devait faire bien des manoeuvres et des études militaires.
Le 16 juillet, Reims ouvrait ses portes, et accueillait son s ouverain
avec de grands transports d'allégresse. Celui-ci avait fait placer près de
lui celle à qui il devait le retour de son Royaume. Certes, les
acclamations de la foule allaient autant à la libératrice qu'au Roi luimême
Le couronnement fut fixé au lendemain 17 juillet.
Nous ne nous étendrons pas sur les détails de cette imposante
cérémonie du sacre. L'histoire religieuse de Jeanne d'Arc les
80
expose amplement et mieux que nous pourrions le faire nous-même.
Toutefois, il y eut un petit incident que nos manuels d'histoire
commentent trop peu ou pas du tout.
Rempli de reconnaissance envers celle à qui il devait sa couronne,
Charles VII lui offrit de lui accorder la faveur qu'elle lui lui
demanderait, quelle que fut cette faveur !
Jeanne se recueillit u instant. Levant ensuite fièrement la tête, et pour
montrer au Monarque l'importance qu'elle attribuait au rôle qu'elle
avait joué, elle répondit lentement par ces graves paroles :
Sire, à moi qui - par la grâce de Dieu - vous ai rendu le Royaume de
France. je vous demande de me le céder en toute propriété !
Interloqué, le Roi hésite quelques instants ! Tout était si déconcertant
dans cette extraordinaire jeune fille. Pourquoi une telle demande ? Il
accepte enfin ! « rouge de confusion », disent les auteurs du temps.
Froidement, Jeanne exigea que l'acte de donation fût solennellement
dressé et lu, ensuite, par les quatre secrétaires du Roi. La Charte
rédigée, dûment signée par le Roi, et par Jeanne pour acceptation, il en
fut aussitôt donné connaissance à toute l'assistance.
Jeanne, souriante, se tourna vers elle, et lui montrant le Roi tout
déconfit: «Voilà, dit-elle, le plus pauvre chevalier du Royaume ! »
Prenant ensuite la Charte entre ses mains, elle se prosterna et offrit le
Royaume de France au Christ, qui fut vraiment ce jour pour notre
pays, le Christ-Roi.
Après quelques instants de méditation, l'héroïne se releva. Allant à
Charles VII, elle s'inclina et lui dit:
- Maintenant, Sire, au nom de Dieu, je vous fais don du Royaume de
France, à vous et à tous vos successeurs et à perpétuité.
Puis elle exigea que l'acte solennel en;fût dressé par écrit.
*
**
De ce récit de la Campagne de la Loire, nous pouvons tirer des
enseignements précieux qui établissent la preuve que Jeanne d'Arc fut
incontestablement l'un des plus grands génies militaires qui aient
existé.
81
Elle eut l'âme d'un chef, dans toute l'acception du mot, le don du
commandement au suprême degré, celui qui sait imprimer sa
résolution dans le coeur et l'esprit de ses subordonnés.
Elle incarna aux yeux de ses concitoyens l'idée de Patrie. Elle prit en
main l'honneur national. Elle conquit l'amour et l'estime du soldat qui
reconnut en elle, non seulement le chef éclairé qui le conduisait à la
victoire, mais aussi celui qui avait le souci constant de ses intérêts. Et
c'est ainsi que Jeanne put tout entreprendre, tout demander, tout
obtenir.
Du chef, elle a le souci pitoyable pour la souffrance humaine. Certes
non, Jeanne n'a pas le « coeur sec » et, pour elle le troupier n'est pas ce
que, dans certains pays, on appelle « du matériel humain».
Elle est compatissante aux blessés qu'elle soigne, qu'ils soient
Français, Anglais ou Bourguignons. il existe, dans un de nos grands
musées, un tableau qui la représente après les charges de Patay.
Descendue de cheval, elle tient sur ses genoux un soldat ennemi
mourant, dont la tête repose sur sa poitrine et auquel, du doigt, elle
montre le Ciel.
La nuit qui suit sa première victoire où elle entre à Orléans, alors que
la ville est en liesse, elle, elle pleure, « comme elle n'aurait cru avoue-t-elle - qu'il fût si amer de pleurer », largement humaine et si
intimement française.
Dans son cours à l'Ecole de Guerre, quand il en arrive, à cette qualité
primordiale du chef « de savoir épargner la vie de ses soldats» Foch
cite cette parole de Jeanne, ce cri de Jeanne, toute frémissante à la vue
du sang : « Mon Dieu, c'est du sang français qui coule ! » et Foch
ajoute: « Quand vous donnerez vos ordres, Messieurs, pour la bataille
à livrer, vous n'oublierez pas ce mot de Jeanne : « C'est du sang
français qui coule ! »
Du chef, Jeanne a le souci réaliste du bien-être du soldat.
Au matin du 7 mai 1429, jour de la prise des Tourelles devant
Orléans. à l'aube, avant de donner l'ordre de la reprise du combat de la
veille, elle fait distribuer aux hommes une copieuse ration de vivres.
Pendant que chacun se restaure, elle prie à l'écart, puis monte à
cheval et donne l'ordre de l'attaque.
Nature d'élite par excellence, avide de responsabilités, profondément
imprégnée de la volonté de vaincre, Jeanne trouva dans cette volonté,
comme aussi dans la vision nette des seuls moyens qui
conduisent
à
la
victoire,
l'énergie
d'exercer
sans
hésitation les droits les us redoutables, d'aborder avec aplomb l'ère
82
des difficultés et des sacrifices, le courage de tout risquer, même son
honneur, car un général battu est un général souvent disqualifié.
De même que, plus tard, Napoléon, elle sut incarner en elle seule
toute l'autorité. Elle mena, dirigea son état-major et ne le suivit pas.
Aucun critique n'osa dire d'elle ce qui fut mis - après 1914 - sur le
nom, pourtant respecté, de Joffre lié à son G.Q.G. « Joffre et Cie ».
Les chroniqueurs du XVe siècle, même adverses comme Monstrelet,
attaché à la Cour de Bourgogne, n'ont relevé chez elle, ni une faute, ni
une défaillance, ni une erreur. Et ceci est particulièrement intéressant à
constater, quand on compare la bataille de Jeanne d'Arc à la bataille
napoléonienne.
N'a-t-il pas été répété, par plusieurs des maréchaux de Napoléon,
qu'à la Moskowa, l'Empereur a manqué de décision, qu'à Waterloo, il a
trop dormi et engagé le combat deux heures trop tard.
Aucun propos de ce genre n'a jamais été tenu sur Jeanne d'Arc. C'est
que chez cette jeune fille. naguère gardeuse de troupeaux et devenue
subitement chef de guerre, et dans quelles circonstances difficiles,
même désespérées, il n'y a aucun reproche à faire.
Chez elle, aucune préoccupation personnelle n'existait de celles qui
ont fait vaciller le génie de Napoléon, et lui enlevèrent sa liberté
d'esprit, quand il hésitait à lancer - au bon moment - la garde
impériale, dernière garantie de sa propre sécurité.
Chez Jeanne d'Arc, aucune place au sommeil, aucune place au repos
physique quand a sonné l'heure de l'action. L'exemple remarquable de
l'assaut des Tourelles où Jeanne regroupe les troupes restées fidèles,
alors que les autres ont fui, et charge les Anglais, montre à l'évidence
qu'elle ne faisait aucun cas de sa sécurité personnelle, lorsqu'il salissait
de rétablir une situation compromise et de fixer la victoire.
C'est ainsi qu'il faut comprendre le génie de Jeanne d'Arc, en ne le
considérant qu'au point de vue humain.
Et, si nous étudions ce que fut sa « bataille », ce n'est pas sans une
admiration profonde que nous sommes obligés de constater avec
quelle connaissance de l'art de la guerre elle sut la concevoir et la
diriger.
Chez elle, c'est l'initiative et la résolution qui dominent, qualités qui,
manquent totalement à ses adversaires, sauf Talbot. De son côté,
offensive continue, de l'autre, résistance passive.
Au combat, Jeanne apprécie d'abord le terrain et les dispositions
de l'ennemi; elle en déduit ensuite sa décision et en fait
83
suivre l'exécution. Exemple : son choix de la marche sur Reims, par
Troyes et Châlons.
Elle s'était créé une méthode personnelle, tout différente de celle
adoptée à son époque. Elle attaquait, toutes forces réunies, au point le
plus faible et le plus vulnérable de l'adversaire, tandis que celui-ci suivant les coutumes du temps - avait tendance à se constituer surtout
des réserves qu'il n'osait engager.
Il n'est pas douteux qu'elle avait formé un service de renseignements
de tout premier ordre qui la servit admirablement en maintes
circonstances. Alors, bien orientée, elle attaquait, son artillerie
préparant, son infanterie occupant, sa cavalerie allégée de ses pesantes,
armures, exploitant le succès.
Elle sut utiliser, au maximum l'effet de surprise, recherchant souvent
les manoeuvres de nuit contre un adversaire se gardant mal, ne
s'éclairant pas, tandis qu'elle-même sut pousser à l'extrême le service
de sûreté et celui de la découverte.
Dans l'emploi de l'artillerie, elle était « passée maître », a dit d'elle le
duc d'Alençon, son fidèle compagnon d'armes. Le fait est qu'elle sut
utiliser cette arme au maximum.
Que ce soit en artillerie d'accompagnement, en artillerie de
préparation, en artillerie tirant à démolir, en artillerie de contrebatterie, elle en fit un usage toujours judicieux et toujours par grandes
masses, à en laisser rêveurs les artilleurs de notre époque.
Le général Canonge s'exprime ainsi, en parlant de l'emploi de cette
arme par Jeanne d'Arc : « Faire la brèche sur le front des attaques,
ouvrir le chemin à l'infanterie, le tenir libre une fois ouvert, se sacrifier
au besoin pour lui permettre de remplir son oeuvre, surveiller les
batteries et les contre-batteries de l'ennemi, voilà ce que Jeanne d'Arc
exigea de ses artilleurs ».
Quel est l'officier d'artillerie qui viendrait nous dire que cette
conception de l'emploi de l'arme est aujourd'hui surannée ?
Dans la marche d'approche, elle sut - en toutes circonstances prendre les résolutions nécessaires pour s'assurer le bénéfice de la
décision. Largement protégée par sa cavalerie d'exploration allégée
comme nous l'avons vu, elle -disposait toujours ses colonnes suivant
les conditions de chaque cas particulier, de façon à faire entrer en
action, au moment voulu, chaque arme différente, munie du maximum
de ses moyens.
Rappelons-nous, à ce: sujet, son admirable manoeuvre du début,
la marche de Meung sur Orléans, en deux colonnes. l'une par
terre sur la rive droite du fleuve, cavalerie et artillerie poussées
jusqu'aux abords de la bastille Saint-Laurent, tandis que le convoi,
84
qu'il s'agissait de faire entrer dans la ville, remonte le fleuve, porté par
des chalands. Et tout se passe dans le plus grand calme, le plus grand
silence, impérieusement ordonnés. Sur route, la cavalerie couvre le
mouvement, refoulant les rares coureurs ennemis; puis ce sont les
milliers de fantassins, qu'accompagne le train des équipages portant les
échelles et les fascines destinées à l'assaut. Enfin, c'est la grosse
artillerie, chaque pièce pesant 16.400 kilos et traînée par 24 chevaux.
Enfin, il ne faut pas oublier que nul chef ne veilla mieux que Jeanne
d'Arc à la reconstitution de ses effectifs, à leur approvisionnement en
vivres, en munitions, en matériel. Nous en verrons des exemples très
caractéristiques dans la dernière partie de cet ouvrage (campagne de
l'Oise).
Le secours aux blessés, appelé aujourd'hui « la Croix-Rouge » fit
également l'objet de tous ses soins, si bien qu'on pourrait lui appliquer
cette parole de Vauban : « L'art de la guerre n'est rien, sans l'art de
subsister ! ». A ce sujet, la marche d'Orléans sur Reims fourmille de
détails du plus haut intérêt.
Jeanne d'Arc se classe donc au premier rang des plus grands génies
militaires qui aient jamais existé. Quelles que soient les causes
déterminantes de cet état de choses, le fait est là et il est pénible de
constater qu'une gloire nationale d'une telle envergure soit - en France
- absolument inconnue au point de vue purement humain.
85
TROISIEME PARTIE
CAMPAGNE DE L'OISE
ABANDONNEE ET TRAHIE8
8
Récit de Mgr H. Debout, commenté par l'auteur.
86
87
CHAPITRE VIII
La première partie de la Mission de Jeanne d'Arc était accomplie. Le
dauphin, sacré à Reims, était devenu le roi Charles VII. La France
avait retrouvé son chef légitime. Une partie du territoire national était
libérée. Il ne restait plus qu'à libérer nos provinces au nord de Paris,
autrement dit entreprendre la conclusion du plan stratégique de Jeanne
d'Arc, faire
LA CAMPAGNE DE L'OISE
Jeanne d'Arc était alors au faîte de sa gloire. Pour tous les Français,
accourus à Reims assister à sa rapide et brillante intervention dans les
affaires du pays, elle apparaissait comme un ange descendu du ciel au
secours de la Patrie.
Le monarque, reconnaissant, combla d'honneurs et de titres celle qui,
l'avait si bien servi, ainsi que toute sa famille. A Domremy, cité où elle
était née. fut accordé, à titre perpétuel, franchise, et on y ajouta
exemption de toutes tailles, aides, subsides et subventions.
Tous ces honneurs ne grisèrent pas la noble enfant. Elle conserve
lucide son esprit et ne pense qu'à continuer sa tâche : libération totale
du Pays et, pour cela, exploitation, sans tarder, des immenses succès
déjà obtenus.
Pour le moment, les Anglais sont hors de cause. Le nouvel
adversaire, c'est le Bourguignon.
La pensée d'être obligée de combattre contre des Français
88
cause une peine profonde à Jeanne. Ne serait-il pas possible d'éviter
l'effusion du sang
Ainsi qu'elle l'avait fait vis-à-vis du Roi d'Angleterre et des
principaux chefs anglais, au début de la campagne de la Loire. elle va
le faire, vis-à-vis du duc de Bourgogne.
Mais il s'agit de Français ! Aussi n'est-ce pas un ultimatum sévère,
implacable, qu'elle va adresser à Philippe. le Bon, mais une mise au
point digne, correcte, de la situation, lui demandant - en somme - de
rentrer simplement dans le devoir.
Voici la lettre que le jour même du sacre, elle lui adresse. Il y a lieu
de la lire avec attention si l'on veut bien comprendre les événements
ultérieurs. 9
JESUS, MARIA.
« Haut et redouté Prince, Duc de Bourgogne, Jeanne la Pucelle vous
demande, au nom du Roi du Ciel. mon légitime et souverain Seigneur,
de faire - le Roi de France et vous - bonne Paix, solide et durable.
« Pardonnez, de bon coeur, l'un à l'autre, complètement, ainsi que
doivent le faire de fidèles chrétiens.
« Le noble Roi de France est prêt à faire la paix avec vous, son
honneur demeurant sauf. Il ne tient donc qu'à vous qu'il en soit ainsi.
« Je vous prie et demande, les mains jointes, de ne pas faire la
guerre, de ne livrer aucun combat contre nous, pas plus que vos gens et
vos sujets.
« Croyez bien que, quel que soit le nombre de gens amenés contre
nous, ils ne gagneront pas, ce sera grande pitié de voir la grande
bataille et de voir répandre le sang de ceux qui viendront contre nous.
« Il y a trois semaines, je vous ai écrit et envoyé par un héraut une
lettre pour que vous assistiez au sacre du Roi qui a eu lieu, aujourd'hui
dimanche 17 juillet, à Reims. Je n'ai point eu de réponse et n'ai pas de
nouvelles de mon messager.
« Je vous recommande à Dieu qu'Il vous garde si c'est son bon
plaisir. Je prie Dieu qu'Il accorde le bienfait de la Paix..
« Ecrit à Reims, le 17 juillet. »
Sur l'adresse :
« Au Duc de Bourgogne. »
Jeanne ne se leurrait guère sur les résultats de sa démarche et, en
effet, elle ne reçut aucune réponse.
9
Cette lettre est conservée à Lille aux archives du Nord.
89
Toutefois, fût-ce une simple coïncidence, les fêtes du couronnement
n'étaient pas terminées que des ambassadeurs du duc de Bourgogne
arrivaient dans la ville. Ils avaient pour mission de saluer le Roi à
l'occasion de son sacre. Ce fut, du moins, la raison invoquée.
La vérité est que le Duc cherchait à entraver, par tous les moyens, la
marche en avant des troupes royales, bref à gagner du temps. Ce
résultat, au moins, fut atteint, car le Monarque se trouva retenu à
Reims, par les pourparlers avec l'ambassade bourguignonne, jusqu'au
jeudi 21 juillet.
Jeanne fut très mécontente de cet arrêt dans les opérations. Elle
aurait voulu, au contraire, que son offensive fût poussée sans retard et
à fond.
Si elle admettait le pardon réciproque, comme elle l'avait écrit à
Philippe le Bon, elle n'entendait pas que des conférences mensongères
vinssent ralentir les opérations militaires.
Les événement ultérieurs lui donneront raison, car le duc de
Bourgogne ne se montra désireux de la paix qu'aussi longtemps que le
sort des armes lui fut contraire.
Le 22 juillet, la campagne fut reprise.
Successivement, Soissons, Crécy-en-Brie, Provins, Coulommiers et
plusieurs autres places se rendirent sans coup férir.
Le 29 juillet, Jeanne a repris le commandement des troupes, alors
arrivées devant Château-Thierry. Tout annonce une bataille prochaine,
en raison de la proximité d'un fort parti bourguignon. Le bruit court
que l'ennemi a reçu un puissant renfort de troupes anglaises amenées
par le duc de Bedfort lui-même.
Cette nouvelle a jeté un certain froid dans les rangs français et des
murmures se font entendre. En bon général qui tient à conserver intact
le moral de ses hommes et à maintenir une discipline sévère, Jeanne se
rend au milieu de la troupe et a vite fait de redonner à tous espoir et
confiance.
Elle prend alors ses dispositions de combat. Celles-ci sont telles que
les chefs bourguignons, qui les voient, sont frappés de terreur.
Comprenant qu'ils vont être infailliblement battus, ils perdent courage
et capitulent.
Cette capitulation entraîna la chute de Château-Thierry.
L'armée quitta cette ville le 1 er août. Le Roi la conduisit à
Montmirail où l'on coucha le soir, après une étape de six lieues.
Le lendemain, Charles VII était à Provins. Il y reçut un accueil
enthousiaste.
90
Toutes ces étapes, marches et contre-marches, dans un rayon de 60 à
70 kilomètres autour de Paris, ne plaisaient guère à Jeanne. Elles
montraient l'indécision dans laquelle vivait le Monarque.
Pour elle, Jeanne, il s'agissait de prendre, sans retard, une
détermination définitive, et cette résolution ne pouvait être autre que la
marche sur Paris. On était à peu de distance de la Seine et rien
n'empêchait de côtoyer la rive droite pour atteindre la capitale.
Les ordres que, sur ses instances, elle finit par obtenir, semblaient
enfin indiquer une résolution définitive et salutaire.
L'ennemi était signalé vers Corbeil et Melun, tout prêt, disait-on, à
accepter la bataille. Nos troupes se transportèrent, alors, de Provins sur
Nangis. Jeanne y fit choix d'un endroit favorable pour le combat. Elle
y établit ses forces comme si la rencontre avec les Anglais était
imminente.
Le 4 août, de grand matin, elle activait les derniers préparatifs de la
lutte.
Mais ses patrouilles de reconnaissance revenaient, sans avoir
rencontré aucun adversaire. Il en fut ainsi toute la journée.
L'ennemi s'était donc dérobé ! C'était pire que cela !
A l'attitude équivoque du Roi, Jeanne devina bien vite qu'on l'avait
trompée.
En effet, tandis que ses troupes étaient disposées en ordre de bataille,
Charles VII s'occupait de tout autre chose que de prévoir les suites
d'une victoire et d'une marche en avant.
Sachant que Bedfort n'avait pas quitté Paris, distant de, dix-sept
lieues de Nangis et que sa soi-disant présence à Corbeil et Melun
n'était qu'une feinte pour maintenir Jeanne sur ses positions, le Roi
s'était bien gardé de l'en aviser, nous allons voir pourquoi.
Pendant ce temps il négociait avec la ville de Bray, en vue de
s'assurer, par le solide pont établi dans cette cité, un passage libre sur
la Seine.
Quel mouvement pouvait bien préparer, pour le lendemain et les
jours suivants, le Conseil royal, et cela à l'insu de Jeanne ?
La vérité est triste à dire ! Au sein du Conseil royal, une cabale était
montée contre la Pucelle pour se défaire d'elle. Cette cabale 6tait
dirigée par le fameux La Trémoille, conseiller intime du Roi et
profondément hostile à Jeanne d'Arc dont il redoutait l'influence.
Tandis que Jeanne promettait au Roi de délivrer Paris
s'il courait sus aux Anglais, basant sa conviction sur l'attitude terro-
91
risée de ces derniers, en présence des forces françaises supérieures en
nombre; La Trémoille, en secret, critiquait ces affirmations. Il affirmait
au Souverain que, à l'heure actuelle, il était trop tard pour songer à
entrer dans Paris sans coup férir.
Il affirmait, contrairement aux dires de la Pucelle, que l'issue d'une
bataille ou d'un siège pour Paris était plus qu'indécise, tandis qu'on
pouvait reprendre la capitale, sans lutte, au moyen d'un traité de paix
ou par la conclusion d'une trêve qu'il se faisait fort d'obtenir de
Philippe le Bon.
L'indolent et timide monarque, malgré toutes les preuves de son
génie que lui avait données Jeanne, malgré l'invraisemblance de la
proposition du perfide La Trémoille, préféra écouter cet indigne
conseiller.
Les conséquences sont tristes à constater !
A ce moment même où les Anglais c ommençaient à s'éloigner de la
capitale, tant ils craignaient les Français sous le commandement de
leur nouveau chef, Charles VII, sans motif apparent, envoyait à ce
dernier un ordre tout à fait inattendu. Prétextant qu'il avait obtenu des
habitants de Bray-sur-Seine la faculté d'utiliser leur excellent pont de
pierre. il prescrivait à ses troupes de regagner, par ce pont, et au plus
vite, les rives de la Loire.
C'était l'abandon de tous les gains acquis depuis Reims.
Les chroniqueurs du temps, tout en confirmant ce que nous venons
d'exposer, rapportent la patriotique tristesse des ducs d'Alençon, de
Bourbon, de Bar, des comtes de Vendôme, de Laval et de tous les
capitaines au reçu de cet ordre inqualifiable.
Quant à Jeanne, cette décision fut certainement, pour son coeur, la
souffrance la plus cruelle. Elle sentait que son influence ne s'exerçait
plus sur le Roi, retombé sous la néfaste domination de son perfide
Ministre.
Ce n'était que le commencement, elle devait en voir bien d'autres !
L'ordre- funeste a été communiqué à Jeanne le 4 août, dans la soirée.
Le lendemain, dès l'aube, elle a dû diriger ses soldats vers le pont de
Bray-sur-Seine.
Il se produisit alors un événement imprévu qui allait changer la face
des choses, tant il est vrai que - au cours de cette extraordinaire
campagne - on va de surprise en surprise.
A peine les cavaliers d'avant-garde ont-ils atteint le pont et
s'y engagent sans méfiance, sur la foi de la parole donnée à
92
Charles VII, que, de toutes parts surgissent des guerriers anglais qui
se précipitent sur les arrivants.
Sous l'effet de la surprise, les plus avancés sont faits prisonniers, les
autres s'enfuient à toute bride.
Que s'est-il donc passé ?
La nuit précédente, un détachement anglais est, parvenu devant la
ville de Bray. Le Commandement ennemi, évidemment prévenu du
changement d'orientation de la colonne française, a envoyé - par la
rive gauche de la Seine - une reconnaissance ayant pour mission de
faire connaître au Régent (Bedfort) la direction définitive de marche
des Français.
Cette diversion d'une faible troupe d'éclaireurs, énergiquement
commandée, changea totalement le cours des événements.
Les conseillers de Charles VII estimèrent, dans leur désarroi, que
cette troupe anglaise, pour agir avec une pareille audace contre des
forces bien supérieures, devait se savoir puissamment soutenue.
Aussi, sans plus amples renseignements, Charles VII arrêta le
mouvement de la traversée du fleuve et fit reculer les troupes sur leurs
emplacements précédents « ce dont, dit la chronique, les capitaines
furent bien joyeux et contents ».
Un Conseil royal fut immédiatement tenu. La plus grande partie des
officiers combattants qui y assistaient opinèrent pour que le Roi revint
au plan précédent, autrement dit à celui de Jeanne d'Arc, continuation
des conquêtes.
Ils insistèrent près du Monarque, en lui faisant respectueusement
remarquer que, en présence de la supériorité de ses effectifs, l'ennemi
n'avait pas osé engager une bataille.
Enfin cette opinion prévalut ! A nouveau, la marche à trave rs le pays
à reconquérir pour la cause nationale fut ordonnée.
En conséquence, Jeanne d'Arc ramena le. jour même - 5 août - ses
troupes vers Provins. Au soir. de cette journée, elles campèrent en vue
de la ville.
Jeanne profita de cette halte pour écrire aux habitants de Reims, très
inquiets de tous ces pourparlers entre le Roi et son adversaire, le duc
de Bourgogne.
Elle les assurait que la bonne cause triompherait et que la campagne
était reprise, autrement dit, la marche sur Paris.
Effectivement, le 7 août, le Roi. et ses troupes campent devant
Coulommiers.
De là, il est facile de s'avancer droit sur la capitale, distante
de quinze à seize lieues. La plaine à traverser ne présente pas
93
d'autre obstacle que la ville de Lagny et il n'est pas douteux que c ette
cité, à l'approche de l'armée, se rendra, comme les autres places de la
région.
La réalisation du plan de Jeanne ne demande plus désormais qu'une
marche rapide en avant pour surprendre Paris. Un peu de bonne
volonté et le succès est une simple affaire d'heures.
Que Charles écoute sa jeune conseillère qui ne l'a jamais trompé, et
dans deux jours la France sera définitivement sauvée du joug anglais
et, par contre-coup, de la tyrannie de La Trémoille et de sa bande.
Hélas! Le misérable veille. Il n'est pas homme à abandonner la partie
à ce moment décisif pour lui. Il risquera tout – même le salut de la
France - pour empêcher la Libératrice d'aboutir.
Il représentera au faible Monarque que si Bedfort a quitté la capitale,
c'est pour se concentrer avec les puissants renforts que le cardinal de
Winchester lui amène d'Angleterre. Il fera valoir aux yeux du Roi que
toutes les forces ennemies sont déjà établies, en masses puissantes, à
Corbeil, Melun et Montereau, et que son flanc gauche est terriblement
menacé.
La vérité était tout autre !
Bedfort redoutait, par-dessus tout, une attaque brusquée des Français
sur Paris, alors entièrement dégarni de troupes et à la merci d'un de ces
coups d'audace que Jeanne était d'humeur à tenter.
C'est pourquoi il quitta Montereau précipitamment et reprit le
chemin de Paris. Cette précipitation laisse perplexe. Fut-il prévenu des
Intentions du chef français? On ne le saura jamais !
Quoi qu'il en soit, Bedfort fut à Paris le 9 août, juste à temps pour
rédiger des ordres en vue de l'attaque qu'il prévoyait imminente.
Peine bien inutile ! Charles VII ne songeait plus à profiter de ses
avantages pour surprendre Paris.
Quant à Jeanne, forcée de subir ce nouvel arrêt, elle cherchait, avant
tout, à maintenir l'armée en haleine pendant c es délais que le soldat ne
pouvait s'expliquer.
On quitta Coulommiers le 10 août, mais ce ne fut pas pour marcher
sur Paris, ce fut pour marcher vers le nord, puis revenir à ChâteauThierry. Le lendemain, l'armée arrivait à Crépy-en-Valois.
Quinze jours d'étapes pour en revenir au même point !
Et l'éternel périple autour de Paris recommença.
L'armée recevait partout un accueil enthousiaste, c'était très
94
encourageant, mais n'avançait en rien les choses. Le 12 août, elle
traversait Lagny-le-Sec et le lendemain arrivait près de Dammartin,
semblant menacer, de nouveau, la capitale.
C'était le jour où expirait la trêve des quinze jours après lesquels le
duc de Bourgogne devait livrer Paris aux troupes royales.
Au lieu de cela, ce ne fut pas le duc de Bourgogne qui se présenta, ce
fut Bedfort à la tête de son armée renforcée. Le Régent estimait qu'il
était grand temps de barrer la route aux forces françaises et aussi
d'arrêter l'élan des populations retournant à leur Souverain légitime.
Cette fois-ci, Jeanne espère que les Anglais vont enfin accepter le
combat. Ce n'est pas pour lui déplaire. Ses troupes occupent en force
Dammartin et Lagny-le-Sec.
Elle dispose ses guerriers en bataille, les premières lignes atteignant
les rives de la Beuvronne, petite rivière qui. traverse le village de
Thieux.
Déjà ont eu lieu quelques petites escarmouches d'avant-gardes.
Mais. du côté anglais, ce n'était encore qu'une feinte et une mise en
scène, pour couvrir la retraite de leur gros abandonnant les fortes
positions qu'il tenait près de Mitry.
Le soir, Bedfort, de plus en plus indécis, et - pour vrai dire - peu
désireux d'affronter la terrible, amazone, reportait ses quartiers en
arrière, à Louvres, et, finalement, rentrait, de sa personne, à Paris.
Charles Vil, non moins timoré, au lieu de le suivre, l'épée dans les
reins, comme Jeanne l'en suppliait, exécuta, au contraire, un
mouvement de recul dans la direction de Crépy-en-Valois. Il arrêta ses
troupes à Baron et coucha à Crépy.
Sans en être venu aux mains, chacun des deux adve rsaires fuyait de
son côté.
Cette comédie de petits combats et de simples escarmouches dura du
12 au 21 août. Ce jour-là revinrent, au Quartier général du Roi, les
fameux plénipotentiaires bourguignons pour tenir encore une nouvelle
conférence.
Jeanne, alors, n'y tint plus ! Il lui parut impossible de supporter
davantage cette inaction voulue, alors que le pays était encore en grand
péril et pouvait être sauvé.
N'écoutant que son courage et son Patriotisme. elle prit une décision
d'une extrême audace. De sa propre autorité elle décida de marcher sur
Paris, sans consulter Charles VII. 10
10
En agissant de la sorte, ne commettait-elle pas une faute grave contre la
discipline qui exige chez le subordonné, une obéissance entière et une
soumission complète ? Pour notre part, nous ne le pensons pas. La discipline
doit être strictement observée par le simple exécutant ; c'est un fait évident,
autrement il n'y aurait pas de commandement possible.
Il n'en est pas, tout à fait de même, pour le chef suprême, responsable
devant l'autorité supérieure, mais aussi devant le pays.
95
Accompagnée des principaux et des meilleurs chefs de l'armée, La
Hire, Dunois et d'Alençon et de leurs troupes, elle donna le signal du
départ.
La petite colonne, sous ses ordres, gagne Senlis où elle rallie les
forces commandées par le comte de Vendôme, et ainsi, renforcée, vole
de succès en succès.
Le 25 août, elle entre dans Saint-Denis.
On devine l'émoi, de la capitale à l'annonce de la marche rapide de
Jeanne d'Arc. Le régent, Bedfort, ne se sent plus en sûreté. il décampe,
laissant la garde de la grande cité à son chancelier Louis de
Luxembourg, et prend le chemin de la Normandie.
Celui-ci, très ému et anxieux du rôle qui lui était confié, S'empressa
de faire renouveler le serment de fidélité à tous les notables de la ville.
Il disposa sur les remparts la plus grosse quantité de pièces d'artillerie
possible. En même temps, il faisait exploiter la crédulité des habitants
en leur faisant croire que l'ennemi était décidé à raser Paris et à y
passer la charrue.
Si les ordres données par l'autorité supérieure mettent en péril le succès des
opérations ou la vie même de la Nation, le chef responsable a le devoir de
présenter des observations respectueuses et dans certains cas extrêmes, si
celles-ci sont repoussées, de passer outre.
Le cas de Jeanne d'Arc fut le suivant. Du 7 au 14 août, elle a vu les erreurs
graves se succéder, mettant le sort du pays en danger. Elle n'a pas cessé
d'obéir jusqu'au 21 août, c'est-à-dire jusqu'à l'arrivée des plénipotentiaires
bourguignons.
Elle n'ignore pas l'entente secrète qui existe entre La Trémoille, le ministre
félon et les Bourguignons. Elle comprend parfaitement, étant donné le faible
caractère du Roi, que les atermoiements, les hésitations vont durer
indéfiniment et, que c'est le pays qui en supportera les terribles
conséquences.
Elle juge qu'il est de son devoir d'y parer ! Si elle agit autrement, elle
manque à sa mission. Elle sauvera Charles VII, malgré lui, quitte à
s'expliquer par la suite sur les raisons impérieuses qui l'ont fait agir, en
entraînant dans sa désobéissance les autres grands chefs de l'armée.
Ce fut un des plus pénibles moments de la vie militaire de Jeanne d'Arc..
96
PLAN DE JEANNE POUR LA BATAILLE DE PARIS
Préliminaires. - Un pont de bateaux est jeté sur la Seine à Saint-Denis, en
prévision des ravitaillements de toutes sortes sur la rive gauche du fleuve.
- Opérations préventives vers Meulan-Poissy et Saint-Germain-en-Laye
Dispositif de combat: - Remonter la Seine par Asnières-Courbevoie- Puteaux Saint-Cloud - Issy et déboucher sur Grenelle.
- Troupes d'attaque, en position face aux Portes Saint-Honoré et Tour-Carrée.
- Artillerie en position à la Butte des Moulins.
- Fortes réserves derrière la Butte.
97
CHAPITRE IX
BATAILLE DE PARIS
____
Dès son arrivée à Saint-Denis, Jeanne arrêta tous les préliminaires
d'une attaque de la capitale Elle estima cependant qu'il serait malséant
de sa part de tenter un assaut sans la présence du Roi et des troupes
qu'il avait avec lui.
Elle lui dépêcha le duc d'Alençon, dans lequel elle avait la plus
grande confiance et que le Roi estimait.
En attendant le retour du duc, elle fit faire de nombreuses
reconnaissances aux environs et tout particulièrement autour d'un
moulin situé entre la porte Saint-Denis et La Chapelle.
De plus, elle s'ingénia à se ménager des intelligences dans la place
où « le parti français était très important. Le duc de Montmorency,
entre autres, entièrement gagné à la cause nationale, n'attendait qu'un
premier succès pour sortir, apportant avec lui un secours utile et des
renseignements précieux. D'Alençon, lui aussi, avant de partir, avait
envoyé aux échevins des lettres scellées de son sceau, les invitant à se
rendre.
Le Roi avait été profondément vexé du départ de Jeanne et de ses
compagnons. Furieux et surtout poussé par La Trémoille, il n'avait pas
hésité à signer, le 27 août, un armistice avec le duc de Bourgogne. Cet
armistice n'était rien moins que le désaveu formel des plans et des
idées de la Pucelle.
Le 29 août, après s'être ainsi laissé berner, le pauvre Roi était parti
pour Senlis où il s'arrêta.
98
C'est dans cette ville que le duc d'Alençon alla le trouver le 1er
Septembre.
Le Roi refusa, une première fois, de le recevoir. Le 5 septembre, le
Duc se présenta à nouveau et fut admis.
Sa mission était évidemment, très difficile ! Le duc fut persuasif !
Dans son for intérieur et en conscience, le Souverain se rendait
parfaitement compte qu'il lui était difficile de désapprouver la vraie
libératrice de son royaume. Sur les instances du duc, il consentit, enfin,
à tout oublier et se mit en route pour Saint-Denis.
Il y arriva le 7 septembre. L'armée l'acclama. Les troupes qui
l'accompagnaient furent logées à Aubervilliers, à Montmartre et dans
d'autres Villages environnants. La venue du Prince causa une grande
joie à l'H6rcrine et à tous les braves qui avaient une foi aveugle en elle.
La présence du Souverain à l'armée permettait maintenant toute
espérance. Aussi Jeanne, avec une audace sans pareille, passant outre à
l'armistice conclu le 28 août dernier par le Roi, comprenant
parfaitement dans quel piège il était tombé, mais décidée à le sauver
coûte que coûte et la France avec lui, ayant enfin la conviction très
nette que le tout dépendait de la possession de la capitale, elle décida
l'attaque.
Dans ce but, -elle adopta les mêmes dispositions qu'elle avait prises
pour entrer dans Orléans et qui s'étaient montrées si efficaces :
pénétrer par la rive droite de la Seine et s'installer fortement sur les
positions conquises.
Mais, comme du côté opposé, à Crénelle, existaient des réduits où
l'ennemi pouvait se réfugier et prolonger la résistance. Jeanne avait
chargé le duc d'Alençon de faire construire un pont à l'île Saint-Denis,
afin de pouvoir prendre les assiégés à revers.
Le plan consistait à remonter la Seine et, par les villages d'Asnières,
Courbevoie, Puteaux, Suresnes, Saint-Cloud, Sèvres et Issy, de
déboucher sur Grenelle.
Voyons maintenant l'opération dans ses détails:
D'abord les préliminaires de la bataille proprement dite.
En chef prudent et avisé, Jeanne pense à la vie de ses soldats, à leur
subsistance et à leur entretien, au ravitaillement de toutes sortes au
cours des journées de combat. Une opération de cette envergure ne
peut, en effet, être traitée en un jour.
Sans retard, un pont de bateaux est jeté sur la Seine à Saint-Denis.
99
Ce pont établit les communications entre les deux rives, mesure
indispensable, puisque - depuis Troyes - les Français ne disposaient
d'aucun autre passage sur le fleuve.
Ils pourront maintenant se ravitailler sur la rive gauche. Ils n'y
manquèrent pas et organisèrent sur Asnières et les environs des
réquisitions qui permirent de se procurer des vivres et de remonter leur
cavalerie en chevaux.
On recruta des hommes parmi les paysans de la région.
Là ne s'arrêta pas la prévoyance d'un général aussi habile que l'était
notre Héroïne.
Elle allait investir Paris, mais elle avait à redouter sur ses arrières de
fortes concentrations de troupes anglaises.
Précisément, à l'ouest de Saint-Denis, les Anglais tenaient trois
Places fortes communiquant entre elles: Meulan, Poissy, SaintGermain-en-Lay. Les garnisons de ces trois villes pouvaient, le jour où
le gros de l'armée attaquerait Paris, créer une diversion excessivement
dangereuse.
Il s'agissait de surveiller ces troupes, et mieux, de les mettre hors
d'état de nuire, en coupant leurs communications respectives.
En conséquence, Jeanne organisa une expédition contre deux
châteaux forts, situés entre Saint-Germain et Poissy et commandant la
route qui relie ces places à Meulan; c'étaient Montjoie et Bèthemont.
Ces forteresses tombèrent rapidement en son pouvoir.
Désormais, non seulement l'armée de notre jeune chef ne craignait
plus rien sur ses arrières, mais, de plus, elle obligeait la garnison
anglaise à se tenir sur la défensive, application de ce fameux principe:
« La défensive passive est vouée à une défaite certaine ».
Ces préliminaires furent poussés hâtivement.
A Paris, les assiégés ne perdaient pas, non plus, leur temps. Les
chefs de quartier se répandaient le long de l'enceinte et activaient
fiévreusement les travaux de défense pour repousser l'assaut si
redouté.
Les talus des fossés, flanqués de tours, qui entouraient la cité, étaient
relevés. Les routes d'accès et même les rues de la ville étaient
barricadées.
Sur les murailles, des tonneaux remplis de grosses pierres sont
hissés. L'artillerie est dissimulée par des revêtements qui dépassent les
remparts. Les ouvrages de protection à l'entrée des portes sont
renforcés, ainsi que les boulevards qui les défendent.
100
La garnison comprenait environ deux mille hommes, parmi lesquels
- suivant la coutume séculaire de la Grande-Bretagne - très peu
d'Anglais, mais beaucoup de milices parisiennes bien aguerries. On y
comptait aussi quatre cents Bourguignons, les ordres directs de
Philippe le Bon, signataire de si belles trêves avec Charles VII.
C'était donc une grosse tache qu'avait assumée la Pucelle, en
promettant Paris au Monarque.
L'Héroïne était à la hauteur de la tache à accomplir:
Tous les événements que nous venons de raconter se passaient au
cours des quelques dernières journées qui précédèrent l'arrivée du Roi.
Ainsi que nous l'avons dit plus haut, ce fut le 7 septembre que
Charles VII entra à Saint-Denis. Le soir même, Jeanne commença
l'attaque. Elle ne voulait pas perdre une minute de ce temps qui lui
était accordé et pendant lequel elle pouvait encore agir en toute liberté.
Esprit de décision remarquable !
L'heure était déjà bien avancée. L'action fut sérieuse néanmoins. Les
assiégés opposèrent la plus grande résistance et les assiégeants la plus
grande hardiesse. Il y eut, de chaque côté, de nombreux morts et
blessés. La nuit complètement venue, Jeanne donna l'ordre de rompre
le combat.
La -bataille pour Paris était engagée. Il était difficile maintenant,
même pour le Roi, d'en arrêter le cours. Le lendemain, 8 septembre,
dès l'aube, le signal du rassemblement fut donné.
Avant de reprendre la lutte, des vivres furent distribués aux troupes.
Elles furent ensuite largement pourvues en munitions et de tout le
nécessaire pour livrer un assaut.
A notre époque, un tel luxe de précautions chez le commandant en
chef peut paraître étonnant. Mais si l'on veut bien se reporter à ce
début du XVe siècle où les armées étaient infiniment moins
nombreuses que maintenant, où il n'y avait pas de service d'intendance
et de ces multiples rouages qui forment l'ossature de nos armées
actuelles, on comprendra, sans peine, combien les responsabilités du
Commandement étaient complexes et ne pouvaient être confiées qu'à
des personnages ayant une longue expérience de la guerre.
Et tout n'est-il pas un sujet d'étonnement dans l'histoire de cette
enfant de 17 ans, chef d'armée, combattant, avec une expérience de
vieux soldat, contre un adversaire aguerri par une bataille d'un siècle.
101
A huit heures du matin, l'armée s'ébranla dans la «direction de la
porte Saint-Honoré. Deux heures Plus tard, elle était tout entière
rassemblée à la Butte des Moulins.
Sur cette butte. Jeanne disposa une partie de son artillerie, canons
lourds et couleuvrines légères. Derrière la butte, elle plaça un corps de
réserve, sous les ordres du duc d'Alençon et du duc de Bourbon. Le
reste de ses troupes fut disposé en plusieurs colonnes dont elle prit
directement le commandement.
L'action s'engagea aussitôt.
Une compagnie, conduite par le Sire de Saint-Vallier, s'élança sur le
boulevard situé devant la porte Saint-Honoré, tandis qu'une seconde
colonne, dirigée par Jeanne en personne, attaquait de flanc, la même
position, du côté de la Tour Carrée.
L'assaut fut long et vigoureux, la défense acharnée. Dans les deux
partis, disent les chroniques, éclataient « de merveilleuses » décharges
d'artillerie. Le fracas des pièces, joint au sifflement des flèches et des
viretons, était, à la fois, effrayant et grandiose.
Les troupes de la Pucelle obtinrent un premier et sérieux avantage; le
Sire de Saint-Vallier pénétrant, avec ses hommes, sur le boulevard,
enleva la barricade et y mit le feu, ainsi qu'à la porte Saint-Honoré.
Les défenseurs, éperdus, regagnèrent la ville en toute hâte.
Quelques explications sont ici nécessaires pour la compréhension
des événements qui vont suivre. Le lecteur nous excusera de ces
indications fréquentes, semblant hors texte, mais il voudra bien
admettre que, dans un récit aussi complexe de faits remontant à une
époque ancienne, il faut se mettre dans l'ambiance du temps, ou
impossible de suivre le cours des faits.
A cette époque, l'enceinte fortifiée de Paris était formée par une
épaisse muraille flanquée de tours et défendue par deux fossés
parallèles. Le plus éloigné de la ville demeurait constamment à sec,
mais, dans le second était ménagé une sorte de petit canal destiné suivant les variations du niveau de la Seine - à recevoir l'eau du fleuve
ou à s'y déverser, de telle façon que ce canal, aux jours de crue,
amenait le trop-plein sur le pourtour de la capitale.
Reprenons maintenant le récit du combat !
Jeanne vi ent d'assister au succès remporté par son lieutenant SaintVallier et à la fuite des défenseurs de la porte Saint-Honoré.
En présence de cette situation et désireuse de, profiter de l'occasion,
elle décide un mouvement très audacieux. Elle ordonne l'es-
102
calade des remparts, sans attendre que la brèche soit ouverte par
l'artillerie.
Elle a soin cependant de déclarer, auparavant, son projet aux chefs
qui l'environnent. Aucun n'élève la voix pour la détourner de ce
dessein.
Il est difficile d'admettre que pas un seul d'entre eux n'ait été au
courant d'un obstacle imprévu et terrible qui allait se présenter devant
les assaillants.
La crue de la Seine remplissait d'eau le second fossé, profond de 2
mètres 50 et large de plus de 20 mètres.
Les écrits du temps affirment que plusieurs de ceux qui étaient
autour de Jeanne d'Arc connaissaient ce fait, d'importance majeure,
qu'elle ignorait pour sa part ou qu'on lui, avait caché. Pourquoi ne l'en
avisèrent-ils pas; quel mauvais sentiment les empêcha de la prévenir ?
??
L'intrépide guerrière s'élança donc, son étendard à la main, suivie de
ses gens, elle eut vite atteint le dos d'âne qui séparait les deux fossés,
puisque le premier était à sec. Alors apparut au regard terrifié de la
vaillante enfant ce large étang qu'elle ne pouvait franchir sans le faire
combler.
Peut-être va-t-elle trouver un passage accessible, un gué quelconque.
Avec la hampe de sa bannière, elle sonde la profondeur de l'eau,
depuis la porte Saint-Honoré jusqu'à la Tour Carrée. Elle envoie, en
même temps, réclamer toutes les claies dont l'armée dispose.
Ainsi rapprochée des murailles, Jeanne et les siens offrent une cible
admirable aux défenseurs. Le tir de ceux-ci redouble d'intensité. Au
bout de quelques instants, le vireton d'une arbalète atteint la
courageuse jeune fille et lui traverse la cuisse de part en part.
Elle tombe, essaie de se relever aussitôt, mais il lui est impossible de
se tenir debout.
Elle n'en continue pas moins à donner des ordres, voulant à tout prix
combler ce fossé maudit et se créer un passage vers la ville.
L'endroit est par trop dangereux; ses hommes tombent autour d'elle.
La position n'est plus tenable. Force lui est de quitter le dos d'âne et de
redescendre dans le premier fossé.
A ce moment, un mouvement étrange se produit parmi ceux qui la
suivent. Le nombre de ses soldats diminue graduellement, comme
dans un scénario bien monté. C'est qu'une lâche trahison vient de
s'accomplir. La Trémoille et les chefs à sa dévotion ont fait passer
103
aux troupes d'attaque l'ordre de cesser toute offensive et de se retirer.
Le fourbe ministre, sachant Jeanne si près de réussir, obéissant à son
plan haineux; il ne voulait pas qu'elle donnât Paris à Charles VII.
En dépit de ces défections et de sa blessure, .,Jeanne parvint à
maintenir les positions conquises devant la porte Saint-Honoré. On
peut s'étonner que les défenseurs, témoins de la retraite d'une grande
partie des assaillants, n'aient pas tenté une vigoureuse sortie.
Supposons qu'ils étaient tenus en respect par des forces encore
suffisantes. L'attitude de Jeanne permettrait cette supposition.
Quoi qu'il en soit, la malheureuse restait là, blessée, assise dans le
premier fossé, promettant à ses fidèles - comme au soir du 7 mai, au
pied des Tourelles, à Orléans - la victoire aux siens, s'ils continuaient
le combat.
Malgré les impossibilités qu'on lui opposait, malgré l'évidence
apparente, elle ne cessait de répéter : « J'entrerai dans Paris aujourd'hui
ou je mourrai ici! »
La nuit était venue. Les uns après les autres les compagnons de
Jeanne s'étaient repliés et regagnaient leurs campements. Cependant
l'héroïque jeune fille demeurait toujours sur place, presque seule à
cette heure, suppliant qu'on ne battit pas en retraite et d'amener des
renforts.
C'est alors que le duc d'Alençon, qui était déjà rentré au camp, et
quelques autres chevaliers retournent vers elle et la transportent,
malgré ses protestations, hors des fossés. Subissant cette contrainte, la
guerrière blessée redit encore :
« Si vous aviez continué l'attaque, la place eût été prise. »Et, de fait,
on sut plus tard qu'une effroyable panique s'était répandue dans Paris
pendant l'assaut et que bien des bourgeois songeaient à se rendre. Un
peu plus d'audace eût exploité ce mouvement populaire et eût obtenu
la reddition de la capitale, ainsi que Jeanne le promettait.
Les chevaliers la mirent de force en selle et la reconduisirent à son
quartier général de La Chapelle. On y trouva le duc de Bar, le comte
de Clermont, ainsi que les gens de la suite du Roi qui - au cours de la
journée - étaient arrivés de Saint-Denis.
La vaillante guerrière n'avait accepté de se laisser emmener que sur
la promesse formelle du duc d'Alençon de recommencer la lutte le
lendemain.
Dans ce but, on laissa près de la porte Saint-Honoré, sous la
104
garde d'avant-postes, les fascines et les échelles avec lesquelles on
devait assaillir de nouveau les murailles.
Le lendemain vendredi 9 septembre... Jeanne, après avoir été pansée
et sans paraître se ressentir de sa grave blessure, se leva de grand matin
et fit appeler le duc d'Alençon. Elle lui prescrivit de faire sonner le
boute-selle et de ramener les troupes d'assaut devant Paris, sur les
emplacements conquis la veille.
Tandis qu'ils délibéraient sur les dispositions à prendre pour la
journée, voici que le baron de Montmorency (dont il a été question au
début du récit de cette bataille) qui, jusque là avait combattu sous les
bannières anglaises et bourguignonnes, sortit de la capitale, à la faveur
des ténèbres, accompagné d'un certain nombre de gentilshommes.
Cet apport, survenant durant le Conseil, ainsi que les renseignements
favorables communiqués par les nouveaux venus, encouragèrent
encore la Pucelle et ses compagnons.
Le mouvement sur Paris allait donc reprendre et, cette fois, il devait
être définitif.
A cet instant précis parurent le duc de Bar et le comte de Clermont.
Ils étaient porteurs d'un ordre du Roi, conçu en termes positifs et
absolus.
Il était enjoint à Jeanne d'Arc, commandant en chef, et au duc
d'Alençon, commandant en second, de se rendre immédiatement à
Saint-Denis, avec leurs troupes, toutes offensives cessantes. Sa
Majesté attendait, et, ses représentants avaient mission de veiller à
l'exécution de cet ordre.
Il fallait obéir et l'on n'eut même pas le loisir de retirer les fascines et
les échelles abandonnées près des fossés .
A la lecture de ce message impératif, une consternation douloureuse
s'empara de Jeanne et de Jean d'Alençon.
Néanmoins, ils s'inclinèrent devant la volonté du Monarque, donnant
l'exemple d'une discipline d'autant plus héroïque qu'ils comprenaient
mieux combien la conduite de Charles VII était en opposition avec les
plus chers intérêts de la France.
Ils obéirent, se promettant bien de faire l'impossible pour faire
revenir le Roi sur sa décision.
En retournant à Saint-Denis, ils s'entretenaient ensemble de cette
importante question, cherchant à se réconforter mutuellement.
Dans leur conviction profonde de bien savoir où était le salut du
Royaume, ils étaient convaincus que le Roi, mieux éclairé par eux et
voyant qu'il était odieusement trompé, ne pourrait leur refuser
l'autorisation de recommencer le lendemain leur tentative.
105
Il était facile de la réaliser par la rive gauche de la Seine, grâce au
pont de bateaux qu'ils avaient établi à l'île Saint-Denis et qui permettait
de transporter les troupes d'une rive à l'autre.
Au départ, Jeanne avait voulu que toutes dispositions fussent prises
pour l'enlèvement des blessés, les morts ayant été ensevelis au cours
de la nuit.
Il est bien difficile d'évaluer les pertes subies pendant cette terrible
journée du 8 septembre.
Les chroniqueurs bourguignons parlent de cette journée comme d'un
désastre pour leurs adversaires et évaluent leurs pertes à environ 1.500
hommes, dont 500 tués.
Perceval de Gagny, chroniqueur du duc d'Alençon, les dit
insignifiantes. Il s'exprime ainsi : « Il y eut beaucoup de fantassins et
de cavaliers frappés par les boulets de pierre lancés par les canons. Par
la grâce de Dieu et le bonheur que portait avec elle la Pucelle, il n'y eut
là un homme atteint à la mort, ni assez blessé pour ne pouvoir regagner
son logis sans secours étranger ».
Mais laissons de côté cette question, en somme secondaire, des
pertes en hommes. Ce qui nous intéresse c'est de constater, par l'étude
des faits relatés par les témoins et acteurs de la lutte, que - le 8
septembre- Jeanne d'Arc continua à faire preuve de ce talent militaire
remarquable que nous lui connaissons.
Elle conduisit ses hommes d'armes avec une énergie que rien
n'arrête, pas même une blessure grave. Elle se maintint sur les
positions conquises avec une inlassable persévérances, suppliant qu'on
livrât un dernier assaut auquel elle promettait le succès.
Si la victoire ne lui est pas demeurée fidèle, elle n'en est certes pas
responsable. La faute incombe aux chefs politiques, maladroits ou
perfides qui, loin de la seconder dans l'oeuvre de salut de la Patrie.
multiplièrent les démarches afin d'entraver son action.
Les officiers de son service de renseignements (car elle en avait un
nous l'avons exposé dans 1a première partie de cette étude), qui ne
l'avertirent pas de la crue de la Seine, furent grandement coupables. Ils
ne le furent pas moins ceux qui, la sachant blessée, en profitèrent pour
ramener en arrière leurs hommes, à cette heure grave où le besoin de
renforts se faisait le plus sentir.
Enfin, l'ordre formel et inconcevable de rétrograder vers Saint-Denis,
signé par le Roi et donné le 9 au matin, fut la cause. déterminante de
l'échec de la tentative sur Paris. Hélas ! Le faible Charles VII, une fois
de plus, s'était laissé berner par son infâme ministre.
106
Jeanne a tout fait, ce jour-là, pour assurer le triomphe de ses armes,
et elle devait réussir.
Ce fut près de la place actuelle des Pyramides, à l'endroit où se
dresse aujourd'hui sa statue en bronze, oeuvre de Frémiet, que la
vaillante Lorraine versa son sang pour la France.
L'avenue de l'Opéra indique assez nettement le chemin suivi le 8
septembre 1429 par Jeanne et par ses troupes.
Donc la Pucelle, le duc d'Alençon et tous les intrépides capitaines
qui ne demandaient qu'à courir sus aux Anglais, s'inclinant devant la
volonté royale, s'étaient rendus à Saint-Denis. Ils avaient rompu le
combat, la mort dans l'âme, au moment où, reprenant la lutte de la
veille, ils espéraient bien tenir la victoire.
Mais, en leur âme et conscience de vrais patriotes, ils ne doutaient
pas de voir le Monarque revenir sur sa décision quand il connaîtrait
mieux les chances de succès dont eux-mêmes étaient persuadés.
Pour Jeanne, comme pour chacun d'eux, et ils voulaient en persuader
le Roi, la seule solution possible du conflit, c'était la continuation de la
guerre à outrance. Mais il fallait la faire sans trêve ni merci, ne pas
donner à l'ennemi le temps de se reconnaître, exploiter à fond les
succès obtenus et ce jusqu'à la libération totale du territoire.
Tout au contraire. le triste entourage de Charles VII, fatigué de cette
interminable lutte qui durait depuis près de cent ans, ne croyait plus
possible de chasser l'étranger par les armes.
Complètement aveuglés par les intrigues, les passions et les trahisons
soigneusement entretenues par l'or ennemi, les plus hauts personnages
de la Cour - et le Roi lui-même - ne songeaient qu'à négocier et
mettaient tous leurs espoirs dans la diplomatie.
Et les négociations les plus tortueuses se poursuivaient, sans relâche,
avec le duc de Bourgogne.
Le traité du 28 août n'avait été que le prélude de nouveaux
pourparlers.
Des messages s'échangeaient constamment entre les deux Cours.
Un chroniqueur contemporain nous apprend qu'un envoyé de
Philippe le Bon, le Sire de Charny, arrivait ce 9 septembre auprès du
Monarque français. Il avait mission de renouveler les promesses de
son maître, de livrer définitivement Paris.
L'ambassade du Sire de Charny fut, probablement, ce qui décida le
Roi à arrêter les opérations. Il fit plus encore, ce fut de se décider à
licencier son armée.
107
Comme premier gage de cette résolution, il fit détruire, pendant la
nuit du 9 au 19 septembre, le pont de bateaux de Saint-Denis.
Désormais, plus d'illusions possibles, pour Jeanne et s es compagnons
d'armes, tout semblait fini !... Ils ne rendraient pas Paris à la France.
Epuisée par les souffrances que lui occasionnait sa blessure, accablée
moralement, en voyant sa mission compromise et tout appui humain
lui manquer, la pauvre enfant se tourna vers ses célestes Voix,
implorant leur appui et leur direction.
« Demeure à Saint-Denis » répondirent-elles.
Ces paroles signifiaient sans doute que Jeanne songea un: instant à se
dérober à l'ordre royal qui lui prescrivait que « dût-on employer la
force, elle serait désormais contrainte de suivre le Roi ».
Elle se résigna donc, bien à contre-coeur, à cesser - momentanément
la campagne.
108
CHAPITRE X
Cependant le Roi préparait son prochain retour sur les rives de la
Loire.
Pour gouverner les conquêtes faites dans le Beauvaisis et l'Ile-deFrance, il constitua une Lieutenance générale et la confia à Charles de
Bourbon, comte de Clermont, assisté d'un Conseil souverain dont le
chancelier, Regnault de Chartres, serait l'âme.
La résidence du Chancelier fut fixée à Beauvais. Jacques de
Chabannes fut nommé capitaine de Creil. L'amiral de Culant fut
chargé de Saint-Denis où séjournerait également le comte de
Vendôme.
Il était indispensable de fournir des défenseurs à tout ce pays. Il
allait, en effet, se trouver exposé aux attaques des Anglais qui - eux n'avaient pas fait la trêve.
Charles VII se trouva ainsi obligé de constituer d'importantes
garnisons qui, sous les ordres des chefs désignés ci-dessus, allèrent
s'établir dans les cités reconquises, avec mission de rayonner sur les
contrées environnantes.
Le 13 septembre, toutes ces choses étant réglées, Charles VII donna
l'ordre définitif de quitter Saint-Denis.
Jeanne dut céder !
De Saint-Denis, le Souverain se mit en route pour Lagny-sur-Marne.
Il gagna ensuite Provins, puis atteignit Bray-sur-Seine qui, cette fois,
ne fit aucune résistance et laissa libre le passage de la Seine.
109
De là, la petite armée prit la direction de Sens. On espérait s'en
rendre maître sans difficulté et y traverser l'Yonne.
La ville était fortement occupée par les Anglais et les habitants
refusèrent d'ouvrir leurs portes; force fut de passer la rivière à gué.
Continuant sa marche par Courtenay, Châteaubriand, Montargis, la
colonne arriva à Gien le 21 septembre.
Charles VII y séjourna quelque temps, attendant toujours des détails
sur les négociations avec Philippe le Bon et espérant, naïvement, que
la fameuse promesse de la reddition de Paris allait se réaliser.
Tandis que le Roi s'abandonnait à ces illusions, Jeanne bouillait
d'impatience d'intervenir et de combattre.
C'est une nouvelle désillusion qui lui était réservée.
A Gien, le Monarque procéda au licenciement envisagé de l'armée
du sacre. Jeanne vit, avec une profonde tristesse. partir les généreux
compagnons de ses fatigues et de ses luttes. Elle pouvait bien se
demander quelles nouvelles épreuves elle aurait encore à subir.
La politique suivie par les Conseils du Roi était vraiment
incompréhensible.
Après la brillante campagne de la Loire, la marche sur Reims et le
sacre, une vague d'immense espérance avait déferlé sur tout le pays.
Le parti national avait relevé la tête et repris confiance. La reddition
des nombreuses places fortes, villes et châteaux, au cours de la marche
des armées, augmentait déjà considérablement l'importance de
l'apanage royal reconquis sur l'envahisseur.
L'ensemble de ces événements avait comblé d'une joie profonde les
parties du royaume restées vraiment françaises. Si les patriotes
s'étonnaient de l'échec de la Pucelle devant Paris - en ignorant les
causes - ils n'en avaient pas moins au coeur une immense gratitude
pour l'angélique jeune fille qui avait ramené la victoire sous les plis de
l'étendard national et accru si rapidement le domaine du Souverain
légitime.
Par un contraste assez suggestif, la situation des Anglais n'était pas
moins paradoxale. Consternés par une série de défaites qu'ils
n'arrivaient pas à s'expliquer, ils n'avaient plus qu'une seule armée,
bien insuffisante pour faire campagne. Aussi se contentaient-ils de
défendre mollement la Normandie.
A cette heure suprême, le duc de Bourgogne est l'arbitre de
leur destinée. Que ce dernier accorde à la France « bonne et
110
loyale Paix », comme le lui avait demandé Jeanne d'Arc, avant de
commencer cette seconde campagne, la domination anglaise prenait
fin. et la guerre était terminée.
Hélas ! Le fastueux duc de Bourgogne, héritier de la politique
égoïste qui avait toujours dominé dans sa famille, n'a qu'un souci:
transformer son Duché en un vaste empire et, pour cela, profiter des
haines et des querelles semées autour de lui.
Jusqu'à cette heure, la fortune lui a souri. La lutte entre Henri VI et
Charles VII est trop utile à sa cause pour qu'il consente volontiers à la
voir se terminer par un loyal traité.
En réalité, Philippe ne désire pas la paix. S'il a provoqué des
négociations, c'est qu'un double motif l'y a déterminé. D'une part, il
redoute que les succès procurés par Jeanne à la France ne s'étendent et
n'arrivent à menacer sa propre puissance. D'autre part, il a promis à
Bedfort de l'aider à gagner du temps et de le secourir.
Le duc n'a pas oublié ses engagements; c'est pourquoi il prolonge les
pourparlers les plus complexes avec le Roi de France.
En face d'une telle attitude, il est évident que le Roi de France n'avait
qu'un parti à prendre : continuer à vaincre, se faire craindre et imposer,
par les armes, la réconciliation sincère comme une nécessité.
C'était tout le plan de Jeanne d'Arc.
Georges de La Trémoille, comme nous l'avons dit, en avait conçu un
autre qu'il sut faire adopter par le faible Charles VII : mettre fin à la
lutte par le désarmement unilatéral et négocier avec Philippe le Bon.
A ceux qui pourraient s'étonner de tant de naïveté, rappelons que,
tout récemment, alors que l'Europe entière s'armait jusqu'aux dents et
que l'immense deuxième guerre mondiale menaçait, il s'est trouvé, en
France, parmi nos hommes politiques, des partisans, non moins
acharnés et non moins stupides que ceux de 1429, du désarmement
unilatéral.
111
CHAPITRE XI
Parmi les clauses du fameux et triste traité du 28 août 1429, il y en
avait une que l'on n'osa pas insérer dans le texte officiel de la trêve sans doute par un reste de pudeur - mais dont l'exécution intéressait
tout particulièrement le duc de Bourgogne.
Charles VII avait promis à Philippe, comme garantie, de lui céder
Compiègne, la bonne ville, qui s'était montrée si loyale dans sa
soumission au Souverain légitime.
Or cette cité était la clé des communications entre Paris et la partie
du Duché de Bourgogne où résidait Philippe. Il est de toute évidence
que celui-ci avait, hâte d'entrer en possession de ce gage précieux.
Le chancelier Regnault de Chartres quitta Saint-Denis et prit le
chemin de Compiègne, peu de temps après le départ du Roi.
Il était porteur des ordres de ce dernier, enjoignant au Commandant
de la place et aux bourgeois de remettre leur ville au représentant du
duc de Bourgogne.
L'Archevêque de Reims 11 s'aboucha immédiatement avec Guillaume
de Flavy, gouverneur de la Citadelle, qui avait beaucoup de raisons de
se montrer docile 12 . Ils s'entendirent parfaitement pour rendre la place
aux Bourguignons.
11
Regnault de Chartres était, en même temps Grand Chancelier et Archevêque de
Reims. C'est lui, qui avait sacré Charles VII à Reims.
12
Guillaume de Flavy était un des fidèles de La Trémoille.
112
Mais les habitants de Compiègne ne l'entendaient pas de la même
façon. Ils opposèrent une résistance acharnée aux volontés de Charles
VII, affirmant qu'ils lui resteraient fidèles malgré lui. Ils préféraient
mourir, eux, leurs femmes et leurs enfants, plutôt que de retomber sous
le joug de leur ancien suzerain.
Il fallut bien s'incliner devant l'opiniâtreté de ces braves gens,
donnant ainsi une éloquente leçon aux perfides négociateurs.
Et ce fut contre sa volonté que Charles VII conserva cette noble cité.
Elle allait être bientôt le théâtre du plus pénible incident de toute la
guerre.
De Gien, le Roi se transporta à Bourges, espérant toujours, mais en
vain, la réalisation de la promesse faite par Philippe le Bon de lui livrer
Paris.
Il ne séjourna pas longtemps dans la vieille cité berrichonne, trop
rapprochée des garnisons ennemies du Nivernais, notamment de
Gosne et de La Charité, et alla demeurer au château de Mehun-surYèvres.
Pendant ce temps, Jeanne souffrait terriblement de l'inaction qui lui
était imposée. Elle ne cherchait qu'une occasion de reprendre la lutte,
fût-ce même de faire aux Anglais une guerre de partisans, en les usant,
tantôt sur un point, tantôt sur un autre.
Elle pensa, un moment, à rejoindre le duc d'Alençon qui, après le
licenciement à Gien du corps expéditionnaire, avait gagné les
frontières de Normandie où l'intrépide connétable de Richemont
continuait à guerroyer avec succès, au profit de Charles VII qui,
cependant, le détestait.
Près de lui, le duc d'Alençon avait levé des troupes sur les confins de
Bretagne et du Maine.
Lorsqu'il fut question de donner un chef à ces nouvelles recrues, la
pensée du duc se reporta, tout naturellement sur Jeanne. Il se souvint
de son génie militaire et de son attachement à la cause de la libération
nationale.
Persuadé que la réussite de l'expédition qu'il voulait tenter, était
assuré d'avance si la Pucelle en faisait partie, il entreprit d'actives
démarches et fit agir toutes ses influences auprès du Roi pour obtenir
d'avoir l'héroïne auprès de lui.
Il n'est pas douteux que cette dernière n'eût consenti de grand coeur à
suivre le vaillant chevalier. Quant au souverain, personnellement il
aurait cédé.
Mais, on se heurta toujours au même obstacle !
La Trémoille, Regnault de Chartres et le sire de Goncourt, firent à
cette requête une opposition irréductible.
113
Laisser partir la libératrice, la confier, surtout au duc d'Alençon,
n'était-ce exposer aux plus chevaleresques aventures ? Peut-être
l'imagination de ces signataires de la trêve du 28 août, était-elle hantée
de l'image d'une Jeanne victorieuse, traversant la Seine et s'emparant
de Paris, malgré leur opposition formelle ?
Ce projet n'aboutit donc pas ! Jamais plus, la Pucelle et d'Alençon ne
se revirent.
Mais Dieu aidant, les talents militaires de Jeanne allaient, de
nouveau, être utilisés par la force même des circonstances.
Nous avons vu, en effet, que - non loin de Bourges - des forteresses
riveraines de la Loire étaient encore occupées par des garnisons
ennemies.
Pour la tranquillité du pays et celle de la Cour, il parut nécessaire de
s'emparer de ces forteresses. La charge en fut confiée à Jeanne d'Arc.
On ne se doutait guère de l'importance que l'affaire allait prendre.
Son plan fut le suivant :
Les positions ennemies s'étalaient de Cosne à Nevers, le centre à La
Charité-sur-Loire.
Au sud de cette ville: Saint-Pierre-le-Moutier.
Pour recouvrer La Charité, il importait, tout d'abord de reprendre
Saint-Pierre-le-Moutier.
Bourges sera le point de concentration des troupes de choc. On y
équipa un petit corps de troupes, dont l'exacte composition nous est
inconnue.
L'attaque fut fixée aux derniers jours d'octobre.
Cette opération fut si mystérieuse et est si difficile à comprendre,
tactiquement parlant, qu'il est préférable de la laisser exposer par un
témoin oculaire, Jean d'Aulon, l'un des plus fidèles compagnons de
Jeanne.
Voici comment Jean d'Aulon a raconté - au procès de réhabilitation ce qui se passa devant Saint-Pierre-le-Moutier.
« Quand la Pucelle et ses gens eurent assiégé la ville durant un
certain temps, l'ordre arriva de donner l'assaut. On obéit et on se mit en
devoir d'emporter la place. Mais la garnison était nombreuse, les
fortifications puissantes et la résistance des défenseurs énergique, si
bien que les Français se virent contraints de battre en retraite.
A ce moment, je fus blessé d'un trait au talon et si grièvement que je
ne pouvais plus me tenir debout, ni avancer sans béquilles.
114
« De
l'endroit où je me trouvais, j'aperçus Jeanne qui, était restée
près de la place 'n très petite compagnie; elle n'avait que les gens de sa
maison et aucun autre soldat autour d'elle. Craignant qu'il lui arrivât
malheur, je me hissai sur un cheval et me rendis vers elle sans retard.
« - Que faites-vous donc ainsi seule, m'écriai-je, et pourquoi, ne pas
vous retirer avec les autres ?
« - Je ne suis pas seule, me répondit-elle. J'ai encore avec moi
cinquante mille de mes gens et je ne partirai point d'ici que la ville ne
soit prise.
« Je regardai alors autour d'elle, et, quelle que soit sa réponse, le puis
affirmer, ainsi que plusieurs autres qui l'aperçurent comme moi à ce
moment, qu'elle n'avait autour d'elle, pas plus de quatre à cinq,
hommes, aussi insistai-je derechef.
« - Quittez cette place, je vous en prie, et retirez-vous ainsi que font
les autres !
« - Faites-moi plutôt des fagots et des claies que je fasse un pont sur
les fossés, me répartit Jeanne. Puis, élevant la voix, elle s'écria : « Aux
fagots et aux claies, tout le monde, afin de jeter un pont. »
« Et voici qu'aussitôt ce pont fut fait et établi. .J'en fus tout
émerveillé, car de suite la ville fut, prise d'assaut, sans qu'on y trouvât
plus grande résistance. Oui. Tous les actes de la Pucelle me semblent
bien plus divins et miraculeux qu'humains. Il est impossible à une
jeune fille de faire de telles oeuvres sans le vouloir et la conduite de
Notre-Seigneur. »
Quoi qu'il en soit, la prise de Saint-Pierre-le-Moutier était d'un
excellent présage pour l'expédition projetée.
Tout en récompensant l'abnégation de la Pucelle, elle encourageait
Charles VII à s'occuper des préparatifs nécessaires pour la suite de la
campagne.
La ville de La Charité était autrement forte que la précédente.
Impossible de la réduire sans une puissante artillerie et des troupes
nombreuses. De plus, elle était commandée par un aventurier
bourguignon : Perrinet-Grasset, soldat de fortune arrivé à un poste
élevé par son seul mérite.
Le succès si rapide de Jeanne à Saint-Pierre-le-Moutier avait jeté le
désarroi dans le triste entourage du Roi. Ces mauvais conseillers la
voyait déjà maîtresse des villes de la Loire et recommençant ses
instances pour porter la guerre au coeur de la France.
Il fut donc décidé, en haut lieu, de la laisser agir seule, dans
115
l'espoir à peine déguisé, qu'ainsi abandonnée à elle-même, elle irait
fatalement à un échec.
Voici la courageuse enfant obligée de suppléer, par son initiative, au
mauvais vouloir de ces astucieux politiciens.
Réagissant avec une énergie inouïe contre ces nouveaux obstacles,
elle se mit à parcourir les cités des environs, cherchant partout des
recrues et des subsides pour sa petite armée.
Dans les endroits où elle ne pouvait se rendre en personne, elle
expédia des lettres pressantes. Le sire d'Albret, subissant l'influence
irrésistible et surnaturelle de l'étonnante jeune fille, s'unit à ses
démarches.
Le récit de ces faits serait incroyable, s'il n'existait à l'appui la
mention suivante insérée au livre des Mémoires et Diligences de la
ville de Clermont.
« Nous attestons que la Pucelle Jeanne, messagère de Dieu, et Mgr
de Lebret (sic) envoyèrent demander par lettre à la ville de Clermont,
le 7 novembre l'an 1429, de vouloir bien leur fournir une aide en
poudre à canon, en traits et en artillerie, pour le siège de La Charité.
Messeigneurs d'Eglise, les élus et les habitants de cette ville
ordonnèrent de leur envoyer les choses suivantes, que leur fit parvenir
Jean Merle, fourrier de Mgr le Dauphin, comme il appert par sa
quittance contenue en ce papier : en premier lieu, deux quintaux de
salpêtre, un quintal de soufre, deux caisses de traits en contenant un
millier, et pour Jeanne une épée, deux dagues et une hache d'armes. On
écrivit à messire Robert Andrieux qui se trouvait près de ladite Jeanne,
de présenter le harnois à Jeanne et au seigneur de Lebret. »
Une autre lettre fut dictée par Jeanne, aux habitants de Riom, deux
jours plus tard. Cette lettre est encore conservée dans les archives de
cette ville.
« Je vous prie, sur l'amour que vous avez pour le bien et l'honneur du
Roi et aussi de tous les autres de par deçà, de vouloir bien nous aider
dans ce siège, et nous envoyer sur le champ, de la poudre, du salpêtre,
du soufre, des traits, des arbalètes, fortes et autres engins de guerre.
Faites en sorte, à ce sujet, que la chose ne traîne pas, par suite du
manque de poudre et autres engins de guerre, et qu'on ne puisse vous
accuser de négligence ou de refus sur ce point.
Chers et bons amis, que Notre-Seigneur vous garde !
« Ecrit à Moulins, le 9 novembre. »
JEANNE.
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Sur l'adresse :
A mes chers et bons amis les gens d'Eglise, Bourgeois et habitants de
la ville de Riom.
Comme on le voit par cette lettre, Jeanne était à Moulins le 9
novembre 1429.
Au cours de la préparation de sa campagne contre La Charité-surLoire, Jeanne fit un séjour à Montfaucon-en-Bray. Elle se trouvait là
bien placée pour recueillir des ressources, recruter des soldats et
surveiller la garnison de la place qu'elle allait assiéger. Un autre
avantage de cette position, c'est sa proximité de Bourges, centre de
ravitaillement situé à huit lieues en arrière.
Les préparatifs du siège s'achevaient. Si les troupes étaient encore
peu nombreuses étaient du moins soutenues par les villes patriotes
dont on avait sollicité le concours.
Bourges fit un gros effort. Quoique déjà surchargée d'impôts, cette
ville n'hésita pas à en établir volontairement un nouveau.
Le 24 novembre, elle était en mesure d'envoyer à la Pucelle et au sire
d'Albert un secours de treize cents écuts d'or.
Orléans agit de même. De plus, la Ville prêta généreusement son
artillerie à la libératrice. La grosse bombarde et son attelage de 24
chevaux furent transportés par eau jusqu'aux abords de La Charité.
Plusieurs chalands amenèrent, en même temps une quantité
respectable de couleuvrines. Comme troupes, Orléans fournit un corps
de 105 hommes, tous revêtus d'un uniforme neuf, une huque gros-vert
brodée des orties orléanaises et relevée d'une croix blanche sur la
poitrine. Des auxiliaires civils augmentèrent encore le nombre des
combattants.
Le siège de La Charité, commencé fin novembre, dura trois
semaines. Le maréchal de Boussac y avait rejoint Jeanne et le sire
d'Albert.
Malgré ce renfort, étant donné l'oeuvre à accomplir, leurs troupes
réunies présentaient un effectif encore insuffisant.
Jeanne, suivant sa méthode, agit par fortes préparations d'artillerie
avant de donner l'ordre d'assaut. Celui-ci ne put réussir, tant la
résistance opposée par les assiégés fut énergique.
Le froid devenait extrêmement vif. Les combattants auraient eu
besoin d'être soutenus et largement nourris, mais on ne savait où
trouver des subsistances. Hélas ! durant cette campagne, les services
royaux n'ouvrirent point leur trésor pour fournir des vivres ou de
l'argent à ceux qui défendaient la cause nationale.
Abandonnée des dirigeants, l'armée fut bientôt réduite à la dernière
extrémité. Alors Jeanne, pour ne pas prolonger inutilement
117
les souffrances de ses soldats, fut bien obligée d'ordonner la retraite,
abandonnant devant la ville une partie de ses canons; elle n'avait plus
d'attelages pour les emporter.
Quelque peu honteux de son attitude envers celle à qui il devait tant,
Charles VII crut la dédommager en l'anoblissant, ainsi que toute sa
famille. Il lui fit délivrer des lettres patentes qui, par privilège presque
unique dans les fastes de l'Histoire de France, déclaraient la Noblesse
transmissible dans la famille d'Arc, non seulement par voie masculine,
mais aussi par descendance féminine.
Jeanne ne fut nullement éblouie par cette f aveur du Roi. Jamais elle
ne prétendit user des privilèges qui lui furent octroyés par ces titres.
Elle avait de toutes autres ambitions.
Or, de toutes parts, montait vers la Pucelle et vers le Roi, la voix
ardente du pays criant sa volonté de chasser l'envahisseur.
Les anciens compagnons de Jeanne guerroyaient, de leur côté, à
outrance. Richemont, d'Alençon, La Hire faisaient aux Anglais une
guerre sans merci.
L'héroïne bouillait d'impatience de les rejoindre et de mener avec
eux la guerre de partisans. Elle considérait, comme une prison, ce
château de Silly où le Monarque la maintenait près de lui. Il la
comblait d'honneurs et d'égards, mais elle n'était pas dupe, se sentant
dans les griffes du fameux La Trémoille, son mortel ennemi et
propriétaire du château.
Cependant les événements se précipitaient. Jeanne les suivait avec
attention, méditant dans un intime colloque avec ses Voix, ce que l'on
racontait autour d'elle des événements de Bourgogne, d'Angleterre et
de France.
Certaine que son heure viendrait, elle trouvait dans cette attente et
dans sa foi ardente, un dérivatif à ses patriotiques angoisses.
Elle rougissait, pour son Roi, de ces perpétuelles et fourbes
négociations bourguignonnes, voire même anglaises. Elle voyait les
Anglais multiplier les démarches de toutes sortes pour se rendre le duc
de Bourgogne favorable.
Elle considérait avec pitié l'audace des Britanniques couronnant Roi
de France et d'Angleterre le jeune prince Henri VI, alors âgé de neuf
ans et auquel on faisait tenir un langage provo cateur et fanfaron, sous
couleur d'affirmations pacifiques.
Son esprit clairvoyant saisissait parfaitement, en tous ces faits, une
menace permanente pour la cause de sa chère Patrie.
L'alliance anglo-bourguignonne était plus étroite que jamais.
Aussi Jeanne ne se faisait-elle pas faute d'affirmer au Roi que
pour amener la paix, il fallait la gagner et que, pour cela il n'y
118
avait qu'un moyen: une offensive énergique. Elle se proposait toujours
pour la mener à bien et rondement.
Charles demeurait inerte ! Il ne se rendait pas compte que ennemis
ne parlementaient avec lui, que pour permettre à eux-mêmes de durer.
Une pareille situation ne pouvait s'éterniser. Les affaires
commençaient à se gâter, car les masses ne comprenaient pas l'attitude
du Souverain.
Le peuple réclamait, de plus en plus, l'intervention du seul général en
chef, capable de dénouer la situation au profit de. la France: Jeanne.
Aux approches du printemps, l'Ile-de-France, prévoyant la reprise
certaine des hostilités, devenait d'une extrême nervosité.
Des partisans français avaient attaqué Saint-Denis et s'en étaient
emparés. Obligés d'abandonner la ville devant une puissante contreoffensive, ils s'étaient retirés, emportant un riche butin et emmenant de
nombreux prisonniers.
De l'autre côté du fleuve, les Anglais s'étaient jetés sur Lagny-surMarne, mais avaient été repoussés avec de, grosses pertes.
Dans Paris, on conspirait et il est certain que c'était à Jeanne seule
que les conjurés désiraient ouvrir les portes de la capitale.
Au milieu du luxe et des fêtes de Sully-sur-Loire, la vaillante jeune
fille n'hésitait pas à correspondre secrètement avec ces courageux
citoyens, souhaitant, de toute son âme, arriver à temps pour remettre
Paris à son Roi, malgré le mauvais vouloir de celui-ci.
Et, elle agit de même pour Reims dont les bourgeois ne lui cachent
pas leurs angoisses. Elle leur répond qu'elle compte bientôt reparaître
sur les champs de bataille et mettre l'ennemi dans l'impossibilité de les
assiéger.
Elle spécifie même que, si elle parvient à entrer par surprise dans
Paris, elle interdira du même coup la marche des Anglais sur la
Champagne.
Cette lettre est du 16 mars 1430.
Le 28 mars, nouvelle lettre aux échevins, bourgeois et habitants de
Reims. Jeanne y expose son ardent désir d'attaquer l'ennemi en lieu
propice et sûr.
Effectivement, à la fin de mars, excédée de l'inaction qui lui est
imposée, elle quitte brusquement le château de La Trémoille à Sullysur-Loire.
Perceval de Gagny, son chroniqueur contemporain raconte ainsi cet
épisode :
119
« En l'an 1430, le... jour de mars, le Roi étant en la ville de Sully-surLoire, la Pucelle, qui avait vu et entendu toute la façon et le mode dont
le Roi et son conseil usaient pour le recouvrement du royaume, en fut,
quant à elle, très mal contente et trouva moyen de se séparer d'eux.
« Sans le su du Roi, sans prendre congé de lui, elle feignit de se
mettre en route pour une excursion de plaisance, et, sans retourner à
Sully, s'en alla à Lagny-sur-Marne. De cette place, en effet, on faisait
bonne guerre aux Anglais de Paris et d'ailleurs. »
Le récit du chroniqueur est net. Jeanne est écoeurée de la ligne de
conduite adoptée par l'entourage du Roi, concernant l'expulsion de
l'envahisseur. Elle brise avec ces hommes et quitte ce milieu néfaste.
Encore une fois, qui l'en blâmera? C'est la vie même de la Nation qui
est en jeu.
Son projet n'est pas tant de rencontrer des amis qui l'aideront à entrer
en campagne, car, dans ce cas, l'Ouest avec d'Alençon et l'Est avec les
Rémois l'auraient attirée.
Elle cherche, avant tout, à se rapprocher de la capitale, parce qu'elle
a l'intuition que c'est là que le « dénouement » doit avoir lieu.
De là, il sera aisé de lutter contre l'envahisseur, au coeur même de la
France et peut-être, de finir la guerre d'un seul coup. Lagny n'est qu'à
une étape de Paris, à portée, par conséquent, des conspirateurs
patriotes dont il est parlé plus haut.
Seule désormais, n'ayant autour d'elle que des chefs de second ordre,
dépourvue de l'assistance du Roi et de ses ministres, réduite aux
uniques ressources de son inspiration, elle saura créer une armée et là
mettre en mesure de combattre l'invasion qui menace l'Ile-de-France.
Postée dans la place de Lagny, non loin de Paris qu'il s'agit de
surveiller, afin de pouvoir l'occuper, quand le mouvement
insurrectionnel préparé aura réussi, Jeanne ne se fait aucune illusion;
c'est d'une véritable armée sur le pied de guerre dont elle a besoin.
Il s'agit de la recruter et de lui procurer tout le matériel et le
ravitaillement nécessaire pour entrer e n campagne. Le problème est de
taille et effraierait un homme expérimenté et possédant même de
puissantes ressources. Elle, ne peut compter que sur elle-même, et elle
n'a pas encore dix-huit ans.
La garnison de Lagny et celles des places voisines lui fournissent les
premiers éléments. En quelques jours, une colonne volante de
trois à quatre cents hommes est formée. Jeanne l'organise, lui
120
désigne des cadres, en fait rapidement un tout homogène et bien en
main. Les nombreux partisans attendus de Paris, vo nt lui fournir un
sérieux complément de troupes et de matériel.
Subitement lui parvient une terrible nouvelle.
La conjuration qui. devait lui ouvrir les portes de la capitale a été
découverte. Le carme, Pierre d'Allès, l'instigateur du complot, a été
arrêté, ainsi que les notables bourgeois en correspondance avec lui.
Tous les suspects ont été incarcérés. La conspiration a été découverte,
le lundi 3 avril, et un grand nombre de Parisiens sont déjà sous les
verrous. D'autres arrestations sont en cours.
L'annonce d'une telle catastrophe fut cruelle pour Jeanne, mais
n'abattit pas son indomptable courage. Plus énergique que bien des
hommes, elle sut refouler sa grande douleur et continua ses préparatifs
de combats, comme si rien d'extraordinaire ne s'était passé.
Sur ces entrefaites, ses éclaireurs lui signalèrent l'approche près de
Lagny d'une colonne ennemie revenant de piller l'Ile-de-France.
Elle était commandée par un chef de bande, intrépide et fort redouté,
nommé Franquet d'Arras. C'était un de ces nombreux pillards
bourguignons, agissant pour leur propre compte et qui, afin de n'avoir
pas à s'inquiéter de la trêve, se prétendaient Anglais. Notre aventurier
menait avec lui une troupe d'environ quatre cents lascars, de tout
acabit, mais braves, bien aguerris et bien armés.
Jeanne saisit l'occasion. Celui-là tombait bien, il paierait pour les
autres !
Parfaitement renseignée sur la marche de cet adversaire inattendu,
elle ne perd pas une minute. Elle rassemble ses cavaliers, les allège,
suivant sa méthode, de toutes armures encombrantes et fond sur lui à
l'improviste.
La surprise fut complète et le mouvement adroitement combiné.
Lorsque Franquet aperçut les Français, déjà la retraite lui était coupée;
il dut accepter le combat.
D'ailleurs, au dire des chroniqueurs bourguignons qui racontent le
fait, la chose ne déplaisait pas, personnellement, au fameux aventurier.
Il éprouvait une certaine satisfaction à se mesurer avec cette terrible
amazone dont on racontait - non sans admiration même chez les plus
hostiles - les glorieuses campagnes d'Orléans, de Patay et de Rein».
Jeanne chargea l'ennemi avec la promptitude et la vigueur habituelle
de toutes ses attaques. Mais, elle avait à faire à forte partie.
121
Bien qu'elle eût infligé à l'adversaire des pertes très cruelles, ce
premier choc se heurta à une résistance acharnée.
Jeanne regroupe ses cavaliers, reforme leurs rangs et repart à la
charge. La seconde charge ne fut pas moins brutale, ni moins
meurtrière que la précédente. mais également impuissante à briser
complètement l'intrépide bloc adverse.
Toutefois le bloc avait terriblement souffert.
Comprenant que la journée serait chaude, Franquet d'Arras, en bon
manoeuvrier, profite de quelques instants de répit pour recourir à la
fameuse tactique anglaise en pareille circonstance.
Avisant non loin de là une longue haie touffue, il fait mettre pied à
terre à ses hommes et leur ordonne de se masser, au plus vite, derrière
l'épais buisson.
Les archers enfoncent profondément, en avant d'eux, leurs pieux et
établissent, de cette façon, une forte position de défense. Il ne reste
plus qu'à tenir cette ligne jusqu'au moment où il plaira aux cavaliers
français de venir chercher, sous les traits de leurs adversaires bien
abrités, la défaite et la mort.
Jeanne n'est pas prise au dépourvu !
Devant cette manoeuvre de Franquet, elle en imagine
immédiatement une autre que les généraux des siècles à venir
imiteront à l'envi.
Elle fait appel au canon : elle va briser cette muraille humaine, à la
façon d'une place assiégée.
Sur son ordre, Jean Foucault, un de ses lieutenants, se hâte de
chercher à Lagny l'artillerie disponible, des veuglaires et des
couleuvrines.
En attendant, on se contente d'observer l'adversaire, très surpris de
cet arrêt dans le combat et se demandant ce qui va se passer.
Jean Foucault a fait diligence; il est bientôt de retour avec les pièces.
Sur les indications précises de la jeune commandant de batterie, elles
sont mises en position et pointées contre le fameux buisson humain.
Grâce à cette habile manoeuvre, le bloc bourguignon est brutalement
disloqué par la préparation d'artillerie. Une troisième charge, aussitôt
lancée, achève le combat.
Tous ceux qui ne tombèrent pas sur le champ de bataille furent faits
prisonniers. Franquet d'Arras comptait parmi ces derniers.
Le retour des vainqueurs dans Lagny, ramenant les pillards, le butin,
fut salué avec enthousiasme.
122
Cette victoire était. une belle entrée en campagne. Elle eut un
retentissement considérable. La renommée qui s'en répandit fut très
favorable au recrutement de nouveaux contingents. La Pucelle y trouva
un adoucissement à l'amertume que lui avait causée la découverte du
complot sur lequel elle avait fondé tant d'espérances.
fête de Pâques arrivait. Elle marquait la fin de la trêve consentie
entre Charles VII et Philippe le Bon.
Pour le pays, c'était la perspective de luttes nouvelles, amenant des
tortures et des misères sans nombre dans les régions constamment
ravagées par cette guerre interminable.
Excédés, les habitants des villes occupées par l'envahisseur ne
cessaient de conspirer contre leurs tyrans et saisissaient toutes les
occasions favorables de rentrer dans le sein de la mère-patrie.
Melun, encouragé par la présence à Lagny de la libératrice et de ses
troupes, profita d'une circonstance opportune pour jeter, hors de ses
murs, sa garnison bourguignonne.
A la nouvelle de cet incident, Jeanne quitta Lagny et se rendit à
Melun où elle félicita les habitants de leur exploit.
Elle examina, à cette occasion, les moyens de défense de la cité et en
parcourut les fortifications.
D'après ses chroniqueurs, c'est alors que se trouvant dans les fossés,
sainte Catherine et sainte Marguerite lui, apparurent. Elle les vit avec
joie, mais - ce jour-là - les célestes messagères devaient prononcer une
parole qui glaça son âme d'effroi : « Tu seras prise, avant la Saint-Jean
prochaine ! »
Et comme la pauvre enfant suppliait que pareille douleur lui fût
épargnée - « Il faut, reprirent les saintes, que cela arrive. Cesse de t'en
étonner, prends tout en gré. Dieu t'aidera ! »
Quel surcroît de courage ne faudra-t-il pas désormais à la petite
Lorraine. Elle ne pense pas un instant à déserter son poste. Elle
remplira son rôle jusqu'au bout.
Elle s'acharnera encore davantage à bien conduire les opérations
militaires qu'elle médite.
123
CHAPITRE XII
OPERATIONS AUTOUR DE COMPIEGNE
Pendant que son armée achevait sa préparation, Jeanne se rendit à
Compiègne.
Elle savait, en effet, que le duc de Bourgogne n'avait pas d'autre but
que de s'emparer de cette place si importante pour lui.
Le premier soin de notre héroïne, à son arrivée dans la ville, fut de
prendre contact avec le comte de Vendôme, gouverneur de la cité et le
chancelier Regnault de Chartres, et de mettre tout en oeuvre pour les
décider à se joindre à elle, avec leurs gens.
Ils y consentirent, ou, feignirent d'y consentir, car c'était des gens
fourbes, tout à la solde de La Trémoille, à la condition expresse qu'elle
leur abandonnerait le commandement général des troupes.
Jeanne, très préoccupée par l'étude de la situation tactique du
moment, n'y fit aucune objection.
S'attendant à une attaque de Philippe le Bon, alors en personne, elle
considérait que le premier soin de ce dernier serait de venir prendre
position devant Choisy-au-Bac.
Cette place, située sur les bords de l'Aisne, à une lieue de son
confluent avec l'Oise, était comme le poste avancé qui protégeait
Compiègne. Assise sur le cours de l'Aisne, à proximité de la forêt de
Laigue, munie de remparts puissants, il était d'une importance capitale
pour le duc de Bourgogne de s'en emparer.
124
PLAN DE COMPIEGNE EN 1430
125
Les bourgeois de Compiègne le comprirent, si bien que - sur les
conseils de la Pucelle - ils s'empressèrent de prêter à leurs voisins une
partie de leur artillerie, notamment plusieurs grosses bombardes.
Le gouverneur de Choisy était Louis de Flavy 13 . Ce vaillant officier
sut organiser une défense énergique.
Le comte de Vendôme et le chancelier Regnault de Chartres, ayant
réussi à capter le commandement de la colonne formée par Jeanne
d'Arc la dirigèrent sur Soissons, au grand étonnement de celle-ci. A ses
observations, ils répondirent que cette marche était nécessaire,
Soissons était un solide point d'appui, un centre de ravitaillement
considérable. Il était indispensable de s'en assurer, c ar s'était aussi un
point de passage à tenir, si Choisy était attaquée.
En réalité, ils trahissaient la confiance que la pauvre enfant avait
mise en eux. Ils s'apprêtaient, tout bonnement, à lui ravir son armée.
Jamais, ce qu'on va lire n'aurait pû s'accomplir, sans un plan
traîtreusement concerté entre les exécutants.
En effet, dès que le gouverneur de Soissons, Guichard Bournel de
Thienbronne, secrètement d'accord avec le comte de Vendôme et le
Chancelier, fut averti de l'approche des troupes, il joua une abominable
comédie.
Il réunit les notables de la ville et s'efforça de les persuader que tous
ces soldats n'avaient pas d'autre but que dé s'installer dans leurs murs
et d'y festoyer à leur aise.
A son avis, il n'y avait qu'un moyen d'empêcher la malheureuse cité
d'être réduite à la misère et à la servitude, c'était d'en fermer les portes.
Les magistrats municipaux, effrayés de cette perspective, suivirent le
perfide conseil. Quand le gouverneur de Compiègne, le chancelier,
Jeanne et l'Armée se présentèrent devant Soissons, les ponts-levis
étaient relevés, comme s'il se fût agi d'ennemis.
Il est évident que cette détermination ne causa guère de surprise au
comte de Vendôme et au chancelier Regnault de Chartres. Ils jouèrent
leur rôle au sérieux et négocièrent avec le Gouverneur. Celui-ci parut
consentir - vers le soir - à laisser pénétrer dans la Ville le comte de
Vendôme, l'archevêque de Reims et la Pucelle, accompagnés d'une
faible escorte. Le reste des troupes bivouaquerait en plein champ.
13
Ne pas confondre avec Guillaume de Flavy.
126
S'il n'y avait eu complicité entre Bournel et les deux hauts
Personnages qu'il accueillait, cet officier félon aurait été révoqué
aussitôt de ses fonctions. L'habile négociateur qu'était le chancelier
n'aurait pas laissé cet affront impuni. Il se serait hâté - comme c 'était
son devoir - d'assembler les notables. Il leur aurait facilement
démontré qu'il s'agissait - non pas d'un séjour de longue durée à
Soissons - mais d'un simple et rapide passage sur le pont de l'Aisne.
Ce fut tout autre chose qui arriva !
Tandis que Jeanne était ainsi retenue dans la ville, le comte de
Vendôme et le chancelier, archevêque de Reims, Regnault de Chartres
revinrent au bivouac.
Rassemblant les chefs secondaires, ils s'efforcèrent de leur
démontrer qu'il était impossible de laisser séjourner les troupes dans la
région de l'Oise, ruinée par les expéditions précédentes.
Quant à s'enfermer dans Compiègne, c'était folie ! Comment y
songer à la veille d'être assiégés ? Il y avait à peine de vivres pour ses
habitants.
Ces venimeuses paroles, sorties de la bouche de personnages aussi
hauts placés, eurent raison de la simplicité d'une grande partie des
soldats. Dociles, ils furent immédiatement dirigés vers le sud, au-delà
de la Marne et de la Seine.
Lorsque Jeanne d'Arc voulut rejoindre ses hommes, l'iniquité était
consommée. Elle ne trouva plus que quelques compagnies fidèles qui
n'avaient pu se résoudre à partir avant son retour.
Le coeur plein d'angoisse, elle s'achemina vers Compiègne. Le
chancelier l'accompagnait, certainement dans le but de la surveiller et
d'éviter des surprises.
Elle ne se fit pas faute de lui montrer qu'elle n'était pas dupe de la
machination dont elle était victime. Dans sa juste colère contre le
comte de Vendôme, elle s'écriait: « Ce félon qui veut m'empêcher de
remplir ma mission, ce misérable mériterait à'être tiré à quatre chevaux
».
Le samedi 13 mal, elle entrait dans Compiègne, toujours suivie de
son triste compagnon.
Cependant la fidélité des Compiégnois restait inébranlable. Jeanne
disposant encore de la garnison de la ville et des quelques troupes qui,
malgré tout, l'avaient suivie. Les compagnies demeurées fidèles étaient
celles des Sires Jacques de Chabannes, Théol de Vallepergne, Rigault
de Fontaines et Poton de Xaintrailles.
Ce serait mal connaître Jeanne d'Arc de croire que tous ces
obstacles, semés systématiquement sur sa route, devaient finale-
127
ment avoir raison d'elle et lui faire abandonner sa mission. Elle était
décidée, âprement, à la mener jusqu'au bout.
Comme nous l'avons vu plus haut, notre héroïne envisageait la
défense de Choisy-au-Bac comme premier objectif, si on voulait
sauvegarder les abords de Compiègne.
Les nouveaux embarras, qui venaient de lui être suscités, ne la firent
pas varier dans ses décisions.
Le duc de Bourgogne, ayant quitté Péronne, s'était rendu à Noyon. Il
avait adopté cette ville, comme centre de ravitaillement et
communiquait avec elle par Pont-L'Evêque où se trouvait un excellent
passage sur l'Oise. Pont-L'Evêque était confié à la garde d'un corps
anglais, sous les ordres du Sire de Montmorency.
Choisy-au-Bac se trouvait ainsi. de plus en plus sérieusement
menacé. Pour y remédier, Jeanne va tenter un coup de main d'une
audace inouïe.
Elle conçoit le projet de s'emparer - par surprise - de Pont-L'Evêque
et de son pont. Si ce projet réussit, les communications de Philippe le
Bon avec ses réserves sont coupées. Les troupes, à la disposition
directe du Duc, étant alors masquées, elle se rejettera rapidement sur
Choisy.
Au cours de la nuit du 14 mal, c'est-à-dire le lendemain même de son
retour à Compiègne, Jeanne se met en route à la tête d'une colonne de
volontaires composée de ses fidèles de Choisy et de gens très sûrs de
la ville. Ces braves emportent tout un matériel d'escalade; on part en
longeant la rive droite de l'Oise.
A la pointe du jour, la petite troupe est devant les fossés de PontL'Evêque. Les échelles sont aussitôt dressées contre les murailles et,
dans un assaut irrésistible, les assaillants tombent à l'improviste sur les
défenseurs, les bousculent et - en moins de temps qu'il ne faut pour le
dire - sont au coeur de la place.
Mais, la troupe entière a pris part à l'assaut. Jeanne n'a pas de réserve
pour exploiter son succès.
De plus, la ville attaquée n'est située qu'à une faible distance de
Noyon, dont les faubourgs regorgent de soldats bourguignons. Au
premier signal d'alarme, ceux-ci, bien commandés par les sires de
Saveuse et de Brimeux, se précipitèrent au secours des Anglais, avant
que les assaillants eussent le temps d'achever leur oeuvre et de se
fortifier dans la place.
Après un combat meurtrier, les Français durent céder au nombre. Ils
se retirèrent en bon ordre.
128
Désormais Choisy était bien perdu. Il est toutefois consolant de dire
que son gouverneur, Louis de Flavy, frère cadet du gouverneur de
Compiègne, sut préparer une retraite honorable. Elle s'effectua, à la
faveur des ténèbres, et la garnison put rejoindre Compiègne avec
armes et bagages, artillerie comprise.
Après quoi, la ville capitula, le 16 mai.
Dans Compiègne, encore inviolée, la situation de Jeanne était
véritablement tragique. Si la population et les troupes lui étaient
entièrement dévouées, il n'en était pas de même des principaux
dirigeants: le comte de Vendôme, le chancelier Regnault, de Chartres,
évêque de Reims, et le nouveau gouverneur, Guillaume de Flavy,
remplaçant le comte de Vendôme à la tête de la ville.
Ces hauts personnages tinrent un conseil au cours duquel Regnault
de Chartres, évêque de Reims, qui avait eu l'honneur de sacrer Charles
VII, accepta une charge ignominieuse.
C'est lui en effet, qui s'efforça de faire comprendre au gouverneur de
la cité le service qu'il rendrait à ses puissants amis - La Trémoille et
consorts - s'il réussissait à faire disparaître Jeanne d'Arc de la scène
politique et militaire.
Ce traître choisi, c'était Guillaume de Flavy !
Cette idée, une fois ancrée dans la tête d'un tel homme, toutes les
suppositions deviennent permises. Au dire de ses contemporains,
Guillaume de Flavy, -avide et impudique dans sa vie privée, était, dans
ses actes publics, l'aventurier le plus audacieux et le plus redouté que
l'on connût.
D'ores et déjà, la pauvre Jeanne était condamnée.
*
**
Maître enfin de Choisy, le duc de Bourgogne ordonna que le vieux
château de cette ville fût entièrement démoli; puis, ayant rallié ses
troupes, il prit ses dispositions pour commencer l'attaque de
Compiègne.
Cette antique cité était, du côté du nord, le passage principal vers
Paris. Elle jouait, vis-à-vis de la capitale, un rôle identique à celui
d'Orléans dans la direction du sud. Que l'une ou l'autre de ces
citadelles tombât, et les armées d'invasion pouvaient pénétrer, sans
obstacle majeur, jusqu'au coeur du pays.
De plus, la position de Compiègne dans la trouée de l'Oise, la grande
ligne d'invasion, avait attiré, depuis longtemps, l'attention des grands
maîtres de la fortification.
Aussi cette ville présentait-elle un système de défense en rapport
avec son importance stratégique.
129
Son enceinte, d'un développement de deux mille six cent un mètres,
était protégée par une épaisse muraille flanquée d'un grand nombre de
tours.
Un fossé large, profond et rempli par les eaux de l'Oise, l'entourait de
toutes parts.
La ville s'étendait sur la rive gauche de la rivière. Quatre portes,
abritées par des ouvrages avancés, y donnaient accès.
L'une d'elles - dite porte du Pont - commandait, effectivement, un
pont de dix à onze arches qui permettait de communiquer avec l'autre
rive.
L'investissement d'une place ainsi fortifiée n'était pas une chose
aisée.
Philippe le Bon résolut de s'établir solidement sur la rive droite,
espérant s'emparer ensuite du pont, ce qui diminuerait sensiblement les
possibilités de la défense.
Dans ce but, il divisa ses forces en trois groupes; le premier,
composé de Bourguignons et de Flamands, sous les ordres de Jean de
Luxembourg, s'installa à Clairoix; le second, formé de Picards,
commandé par Baudot de Noyelles, maréchal des troupes, s'établit à
Margny, distant d'un kilomètre seulement du pont de Compiègne sur la
route de Clermont. Le troisième groupe - celui des soldats anglais - se
logea à Venette, à deux kilomètres de Margny, sur la même route (voir
le croquis p. 124).
Le duc de Bourgogne établit son poste de commandement en arrière
des trois groupes, au château de Coudin, sur la route de Montdidier, à
six kilomètres de la ville assiégée. Il avait avec lui, outre ses réserves,
sa garde et les officiers de son entourage (état-major), les sires de
Croy, de Créqui, de Commines, Hue de Lannoy, les trois frères de
Brimeux, son receveur des finances et le chroniqueur Enguerrand de
Monstrelet.
Avant toute chose, Philippe le Bon s'assura un passage sur l'Oise. Il
avait déjà fait réparer le pont d'Ours-Camp, en amont de Compiègne,
que les défenseurs avaient rompu.
Il prescrivit, en outre, de construire, en aval de la ville, un autre pont
de bois, non loin de la tour des Osiers, la dernière de l'enceinte dans la
direction du sud-ouest.
Les troupes anglo-bourguignonnes prirent position le 21 mai, dans
ces divers cantonnements.
Lorsque les bourgeois firent annoncer à la Pucelle qu'ils étaient
assiégés,
celle-ci, on l'a vu, se trouvait à Crépy, où elle s'efforçait
de reconstituer un détachement en état de faire campagne. Elle
avait à sa suite Barthélemy Barette, qui lui servait de lieutenant,
130
Poton le Bourguignon, Fr. Paquerel, son chapelain, Pierre d'Arc, son
frère, et Jean d'Aulon.
Grâce à sa persévérance, elle était parvenue à reformer un corps
franc de quatre cents combattants environ.
Dans la journée du 22 mai., Jeanne apprit donc les préparatifs de
l'ennemi pour l'attaque de Compiègne.
Elle donna aussitôt ses instructions, en vue d'une expédition
nocturne.
Vers minuit, la petite colonne se mit en marche.
Un de ses officiers lui fit alors remarquer qu'ils étaient bien peu
nombreux pour traverser les forces anglo-bourguignonnes. Elle se
contenta de lui répondre: « Nous sommes assez, j'irai voir mes bons
amis de Compiègne ».
Elle parlait ainsi, parce qu'elle était admirablement renseignée sur les
positions adverses. Sachant que nul Bourguignon ne s'était encore
montré sur la rive gauche de l'Oise, elle fit avancer ses soldats par la
route qui, de Crépy, se dirige vers la porte de Pierrefonds, à
Compiègne, après avoir coupé la forêt de Guise.
A l'aube, la colonne française arriva, sans encombre, devant les
ponts-levis de Compiègne. Ceux-ci s'abaissèrent aussitôt pour laisser
pénétrer Jeanne et ses gens dans la place où ils étaient, du reste,
attendus.
Une telle nuit avait épuisé les hommes. Des logements leur avaient
été préparés, ils en profitèrent pour prendre un repos bien gagné.
Quant à leur jeune chef elle alla immédiatement s'entendre avec le
gouverneur, le fameux Guillaume de Flavy. Ce dernier lui avait
demandé un entretien d'urgence.
Guillaume de Flavy n'était pas sans courage, mais c'était un homme
vil, un caractère ambitieux et jaloux. Il était certainement décidé à
résister à l'ennemi jusqu'à la dernière extrémité, mais il n'entendait pas
partager l'honneur de cette défense avec qui que ce soit.
D'autre part, il n'ignorait pas que La Trémoille, son chef
hiérarchique, et Regnault de Chartres, archevêque de Reims. grand
chancelier, son intime ami, désiraient ardemment voir celle que l'on
appelait « L'Envoyée de Dieu », disparaître de la scène politique, et
que ces misérables comptaient sur lui, pour cette infâme besogne.
Il la reçut, dès qu'elle se présenta, et insista aussitôt pour qu'elle fît,
le jour même, une sortie. Il lui affirmait qu'elle lui paraissait
nécessaire.
131
En suggérant à Jeanne. qu'il voulait perdre, cette sortie sur la rive
droite de l'Oise, une pensée atroce avait germé dans l'esprit envieux et
cruel de Guillaume : avertir les assiégeants de ce projet.
Le moyen employé par le misérable de communiquer à l'ennemi le
secret de cette attaque, sans avoir pour cela l'apparence d'un traître, fut
d'envoyer un courrier dans de telles conditions que l'adversaire
s'emparât de sa personne et lût ses dépêches.
La preuve de cette trahison se trouve, non seulement dans
l'accusation formelle d'un contemporain et dans les chroniques du XVe
siècle, mais encore et par-dessus tout, dans leur exposé sincère de ce
qui se passa à Compiègne le 23 mai 1430.
Il en résulte ce fait positif : la sortie de Jeanne, loin d'être une
surprise pour l'assiégeant, fut, au contraire, une lutte prévue. Non
seulement la riposte au mouvement offensif de: l'assiégé avait été
préparé d'avance, mais encore cette riposte se trouva aussi lestement
exécutée qu'une manoeuvre parfaitement mise au point par ceux qui en
furent les acteurs.
Examinons attentivement comment se déroula ce triste scénario.
Midi venait de sonner. Les soldats de la Pucelle, maintenant reposés,
prenaient leur repas, quand l'ordre leur fut donné de se rassembler sur
la place principale de la cité.
Jeanne, dûment chapitrée par le perfide Guillaume de Flavy, parut au
milieu d'eux. Elle leur exposa qu'une revanche sur le duc de
Bourgogne se préparait.
L'une des troupes bourguignonnes touchait presque la ville. Il était
facile, le soir venu, de faire - par une sortie foudroyante - bon nombre
de prisonniers, d'endommager le matériel de siège et de rentrer e nsuite,
après avoir causé un tort considérable « aux ennemis déloyaux du
noble Roi de France ».
Il est permis de s'imaginer l'accueil fait à de telles paroles et la joie
de ces guerriers brûlant de courir sus à l'ennemi. L'enthousiasme fut
communicatif. Au moment du départ, alors que les soldats se
rangeaient sur la place, des Compiégnois demandèrent à les suivre.
Bon nombre, n'ayant pas d'armes et croyant à une facile victoire,
s'étaient munis de gourdins.
Avant d'aller plus loin, il est important de bien connaître le terrain où
va avoir lieu cette lutte historique.
La partie de l'enceinte de Compiègne située devant l'Oise présente
une seule ouverture appelée porte du Pont, parce qu'elle communique
avec le pont signalé plus haut.
Sur la dernière arche s'élève une construction fortifiée qui en
132
protège l'accès et que l'on nomme porte de l'Avant-Pont. Vient ensuite
un boulevard, sorte d'ouvrage avancé renferment un moulin.
L'un des côtés de ce boulevard est baigné par l'Oise, tandis que les
autres sont entourés d'un fossé large de vingt-cinq mètres que
remplissent les eaux de la rivière.
A la jonction du fossé avec le cours principal de l'Oise est établi un
pont de bois, qui - au lieu de suivre la ligne droite - franchit le fossé
parallèlement à la ville.
Son accès est défendu extérieurement par une barrière formant
l'entrée du boulevard. C'est là aussi qu'aboutissent le chemin de Noyon
et la chaussée de Margnv (voir la carte, page 124).
Le chemin auquel donne accès le pont de bois prend une direction
perpendiculaire à l'Oise et parallèle au fossé.
Parfois l'Oise sort de son lit et inonde la prairie qui s'étend sur la rive
droite. Pour cette raison, le niveau de ce chemin est relevé
sensiblement au-dessus du sol. C'est un véritable talus, et sur sa crête,
la route donne un passage aisé, quelle que: soit l'humidité de la plaine.
Cette chaussée conduit directement au village de Margny, qui est,
alors, l'avant -poste fortifié des Bourguignons.
Placé à cet endroit, si l'on tourne le dos à Compiègne, on aperçoit à
droite Clairoix, à gauche Venette, puis à l'horizon, entre Margny et
Clairoix, le bourg de Coudun.
Les remparts étant déjà munis de grosses pièces d'artillerie,
Guillaume de Flavy, en vue de l'attaque, avait fait garnir le boulevard
de couleuvrines, d'arbalétriers et d'archers, puis il disposa, tout le long
de la rive droite de l'Oise, des bateaux de petit tonnage couverts de
branchages, derrière lesquels d'habiles tireurs se dissimulaient avec
leurs armes de trait.
Toutes ces dispositions étaient prises en vue de donner courage et
confiance à la troupe d'attaque de Jeanne.
Pendant ce temps-là, la compagnie, groupée sur la place de
Compiègne, attendait.
Vers 5 h. 1/2 du soir, au signal du départ, la petite colonne s'ébranla
par la rue conduisant directement à l a porte du Pont, sortit de la ville,
traversa le boulevard, puis tourna à droite pour passer le pont de bois,
et s'engagea enfin sur le chemin en remblai menant à la chaussée de
Margny.
Ce mouvement fut exécuté avec la plus grande rapidité. Au bout de
quelques minutes, les avant-postes ennemis étaient atteints.
133
Mais, au lieu de surprendre un adversaire tranquille et sans, défiance,
on s'aperçut tout de suite que les Bourguignons se tenaient sur leurs
gardes. Malgré ce contre-temps, l'héroïne n'hésita pas et se lança à
l'assaut, suivie des siens qu'elle électrisait par son cri de guerre :
« En nom Dieu, en avant ! »
A ce moment, les cloches de Compiègne sonnèrent à toute volée, à
l'insu de Jeanne. Elle ne remarqua pas ce fait insolite et imprima à ses
hommes un tel élan que les Bourguignons, bousculés, s'enfuirent en
hâte et se réfugièrent dans les maisons de Margny.
Mais alors, des troupes, sorties depuis longtemps de leur
cantonnement de Clairoix et embusquées près de là, derrière une
élévation de terrain, s'élancèrent brusquement sur la vaillante
compagnie. Celle-ci céda sous la pression et rétrograda vers la cité.
A nouveau, Jeanne les reprit en main et les entraîna d'ans une
furieuse attaque qui refoula les ennemis jusqu'à leurs quartiers. Mais
ceux-ci, r enforcés à leur tour, obligèrent, une seconde fois, les nôtres à
reculer.
Rejetée sur Compiègne, la courageuse jeune fille chargea pour la
troisième fois, avec l'énergie du désespoir. Malgré ses efforts, elle ne
put ramener ses hommes qu'à mi-chemin de Margny.
La plus grande partie de sa troupe, ayant aperçu les Anglais de
Venette qui sortaient de leur campement, au son des cloches de
Compiègne, cédèrent et la débandade se mit dans leurs rangs.
Le plan des Anglais était visible, ils cherchaient à couper la retraite à
Jeanne en la séparant de Compiègne.
A ce moment, Flavy fit fermer la barrière du boulevard.
Il prétendit, plus tard, qu'il avait agi ainsi, parce qu'il redoutait de
voir les Anglais pénétrer dans la ville, pêle-mêle avec les fuyards. En
même temps, il empêcha les arbalétriers, couleuvriniers et archers
placés dans le fortin pour protéger la retraite, de tirer sur les
Bourguignons. Il essaya de justifier sa conduite, en disant que ce
furent les fuyards qui, se jetant devant cette réserve, l'empêchèrent de
se servir de ses armes.
Cependant, d'Aulon et les quelques braves qui, à cheval,
accompagnaient la Pucelle, se voyant entourés et comme perdus au
milieu de cette foule d'ennemis, forcèrent l'héroïne à battre en retraite
vers le pont de bois.
Lentement et sans faiblir, la petite troupe approchait de la chaussée.
Mais, à cet endroit, les Anglais, en force, lui barraient la route.
134
Pourquoi les pièces d'artillerie placées sur les remparts n'ouvrirentelles pas le feu sur les Anglais, à peine distants des murailles de plus
de cinquante mètres ?
Il n'y a qu'une explication possible : celle d'une trahison de Flavy,
défendant à ses hommes de se servir de leurs armes.
De plus, il ne vint aucun secours, ni du boulevard, ni des barques
militaires qui pouvaient s'engager dans les fossés pleins d'eau et cribler
de traits les Anglo-Bourguignons.
Dans de telles conditions, la résistance de ces quatre ou cinq
guerriers restés seuls contre une foule d'ennemis, devenait impossible.
Cernés de toutes parts, perdus dans cette multitude qui les enserrait
et les empêchait de se servir de leurs armes, ils étaient réduits à
l'impuissance.
Ordre avait été donné de les prendre tous vivants.
Aussi l'acharnement était-il grand contre ces sauvages qui ne
voulaient pas se rendre. Groupés autour de Jeanne, ils lui faisaient un
rempart de leurs corps, mais le riche manteau rouge brodé d'or que
celle-ci avait revêtu sur sa cuirasse, la désignait aisément à ses
adversaires.
Il fallait en finir !
Tandis qu'elle faisait face à ceux qui l'assaillaient par-devant, un des
leurs, véritable hercule, la saisit derrière, par les bords de son manteau,
et d'un mouvement brusque, la désarçonna.
Malgré tous ses efforts et ceux de ses compagnons, elle ne peut se
relever.
Bousculant toute résistance, les Anglais finirent par s'emparer de sa
personne. Ils l'entraînèrent, et avec elle, Pierre d'Arc, son frère, Fr.
Paquenel, son chapelain, Paton le Bourguignon et Jean d'Aulon.
Chose de plus en plus louche, alors que cela se passait à deux pas de
Compiègne, que Guillaume de Flavy rassurait les hommes d'armes
rentrés en ville, on laissa emmener Jeanne, sans faire aucune tentative
pour la sauver.
Point de sortie. Aucun usage des nombreuses bouches à feu sur les
remparts. Ses dévoués partisans eux-mêmes, malgré leurs cris de se
porter à son secours, ne furent pas autorisés à risquer un suprême
effort qui serait demeuré l'honneur de la France.
Il est impossible de laver Guillaume de Flavy, gouverneur de
Compiègne, de l'accusation d'avoir livré la libératrice. de sa Patrie.
Il n'est pas seul à porter la responsabilité écrasante d'une
pareille félonie. Il fut - dans cette ignoble trahison - l'exécuteur des
135
décisions secrètes, dont nous avons parlé plus haut, prises par La
Trémoille, Regnault de Chartres, archevêque de Reims et grand
chancelier, et d'autres membres des Conseils royaux 14 .
*
**
Jeanne fut conduite, sous bonne garde à Margny. Ses vainqueurs
s'empressèrent de lui enlever son armure. Ils étaient stupéfaits de
contempler, toute simple dans son costume masculin, cette jeune fille
devant laquelle ils avaient si souvent tremblé.
A la nouvelle de la prise de Jeanne d'Arc, le duc de Bourgogne
accourut de Coudun. Il voulut visiter la prisonnière et se rendit à la
maison où on l'avait enfermée.
Il eut avec elle un entretien que l'histoire ne nous a pas conservé.
Pourtant, on a quelque raison de croire que Jeanne ne se fit pas faute
de parler au duc dans les termes de la lettre écrite par elle le jour du
sacre et de lui reprocher sa félonie envers la France.
Le chroniqueur bourguignon Monstrelet, témoin de cette rencontre,
lui pourtant si prolixe et coutumier des moindres détails, déclare avoir
oublié les propos échangés. De même, les courtisans de Philippe le
Bon qui rappelleront plus tard leurs souvenirs, se contentèrent de dire
que le duc afficha pour la Pucelle un profond dédain!
Tant de subterfuges pour masquer une conversation ne permettent-ils
pas de penser que le prince sortit peu satisfait de cette entrevue ?
Ainsi se termina la brillante carrière militaire de Jeanne d'Arc. La
nouvelle de sa capture fut accueilli e avec grand soulagement, par tous
les ennemis de la France.
Ils savaient bien que cette France qu'ils détestaient, perdait en elle,
non seulement le plus courageux et le plus habile de ses défenseurs,
mais encore et surtout le chef génial qui faisait dire à l'Europe entière:
« Dieu a pris en main la cause de la nation française et l'a secourue par
le plus grand miracle que l'histoire du monde ait jamais relaté. »
*
**
14
Voir aux annexes : Délivrance de Compiègne.
136
Dans cette deuxième campagne de sa vie militaire, Jeanne montra les
mêmes qualités de chef que dans la première campagne.
Elle continua à mener sa bataille, sans rien changer aux principes
qu'elle avait adoptés dès le début et qui sont les vrais principes de la
guerre. Elle méprisait les palabres, les pourparlers inutiles, les vaines
trêves.
C'est à la décision par les armes qu'elle revint toujours, parce que,
seule, elle fait un vainqueur et un vaincu.
Mais, pour qu'il y ait un résultat positif, il faut adapter les moyens,
c'est-à-dire la manoeuvre, au but, c'est-à-dire le succès. Jamais Jeanne
n'engagea une action sans l'avoir mûrement raisonnée, préparée et pour
cela, il était nécessaire qu'elle fut bien documentée.
C'est ce qui explique l'importance qu'elle apporta à son service de
renseignements. Elle le doubla d'un service de sûreté, les deux services
coordonnés lui assuraient sa liberté d'action et lui permettaient de
surprendre son adversaire et de ne pas être devancée par lui.
Dans cette deuxième phase de sa guerre, Jeanne d'Arc eut à lutter
autant contre ses ennemis de l'intérieur que contre ceux de l'extérieur.
La hideuse politique de gens, dont le devoir était de la soutenir, mais
qui, malheureusement - en raison de leur ambition - n'étaient que les
défaitistes de l'époque, vint constamment entraver ses projets.
Génie militaire par excellence, elle jugeait – au cours des combats avec une perspicacité et une clairvoyance étonnantes les diverses
péripéties ou phases de la lutte qui pouvaient amener telle ou telle
variation dans les opérations et savait prendre immédiatement les
décisions nécessaires. Maintes fois, elle eut la douleur de voir la
trahison renverser ses plans les mieux établis.
Abandonnée de tous, même de son Roi indolent et faible, livrée à
elle seule et sans ressource aucune, elle trouva dans son patriotisme et
sa foi ardente le pouvoir de galvaniser les masses, de les mobiliser, de
les instruire et finalement de les conduire à des succès qui les
stupéfiaient.
Le souci de la manoeuvre fut à la base de toutes ses offensives. Mais
savoir manoeuvrer n'est pas à la portée de tout le monde. Entre la
théorie et la pratique, il y a une marge très grande, que de très forts en
thème n'arrivent pas à franchir. Jeanne était admirablement
soutenue dans cet ordre d'idées, par la conviction ancrée
en elle, qu'elle était éclairée par ses Voix, qu'elle agissait, grâce
137
à l'instruction, aussi pratique que théorique, que ses Voix lui avaient
donnée et continuaient à lui donner. Aussi, dans les circonstances les
plus difficiles où il lui arriva de se trouver, elle sut prendre, à propos et
sans hésitation des résolutions nettes et les mettre aussitôt à exécution.
Elle possédait au suprême degré l'art de commander et de se faire
obéir. Aussi, engageait-elle toute opération avec une sûreté et une
vigueur d'exécution que l'on croyait ne pouvoir appartenir en propre
qu'à des hommes ayant déjà beaucoup et longtemps combattu.
Il est impossible de comprendre une telle connaissance des sciences
militaires chez une jeune fille de 18 ans à peine, entièrement illettrée,
quelle que pût être son intelligence, sans admettre l'intervention d'une
puissance supérieure qui les lui communiqua.
Aux sceptiques imbéciles qui rapportent tout au hasard même l'ordre
admirable qui régit la nature et les infinis des mondes, sans un accroc,
dans leurs révolutions millénaires, nous dirons, en terminant cette
étude que, pour nous et, tous ceux qui veulent réfléchi,r, le génie
militaire de Jeanne d'Arc est une preuve de plus, de l'existence de
Dieu.
138
EPILOGUE
Il n'est pas douteux que si Jeanne d'Arc avait été mieux comprise,
elle serait parvenue rapidement à libérer le territoire et à chasser les
Anglais, rendant à son Roi l'intégrité de son royaume.
Charles VII fut bien obligé de s'en rendre compte, le jour où cette
aide providentielle vint à lui faire défaut.
Il dut reconnaître les trahisons de La Trémoille et des amis de ce
dernier. Il s'en sépara. Ce mauvais serviteur, une fois écarté du
pouvoir, alla finir tristement ses jours dans ses terres, tandis que le
connétable de Richemont, qu'il avait toujours desservi près du Roi et
que Jeanne aimait, rentrait en grâce à la Cour.
Charles VII fit tous ses efforts pour arriver à délivrer la libératrice de
son Royaume, soit par les armes, soit autrement.
Enregistrons, à ce sujet, un témoignage capital, celui de l'ennemi luimême.
En juillet 1430, l'Université de Paris, toute acquise aux Anglais et
acharnée contre la Pucelle, avertissait le duc de Bourgogne que « ses
ennemis et adversaires (Charles VII et les Français) mettent tous leurs
soins, appliquent tous leurs entendements à délivrer icelle femme par
des moyens rares et qui pis est, par argent et rançon. »
Et la guerre continua, affirme le célèbre chroniqueur Morosini, qui
vivait dans la seconde moitié du XIVe siècle et le commencement du
XVe.
139
La Hire, maître de Louviers depuis 1429, fit de fréquentes incursions
dans le voisinage de Rouen où Jeanne était détenue. Il inquiéta fort le
gouvernement anglais.
En mars 1431, Charles VII commanda et paya une expédition sur
Rouen. La quittance motivée de Dunois pour une somme de trois mille
livres tournois, ordonnancée par le Roi le 12 mars 1431, existe encore
aux archives nationales,- rue des Francs-Bourgeois, à Paris.
Une autre expédition fut faite par le nord et la Picardie, sous les
ordres d'André Villequier, qui prit le château d'Eu.
La Hire, Dunois et Villequier échouèrent. Leurs ressources étaient
trop faibles.
Dans sa prison, la Pucelle avait annoncé: « Avant sept ans, les
Anglais perdront un gage plus grand que celui, qu'ils ont perdu devant
Orléans. »
Il s'agissait de Paris. Or, six années après le bûcher de Rouen,
Richemont, élève de Jeanne d'Arc et qui avait hérité d'elle ses
principes de la guerre, s'emparait de la capitale.
Les leçons pratiques d'art militaire laissées par la jeune guerrière à
l'armée française, ne furent pas perdues. Jeanne d'Arc avait attaché à
l'artillerie la plus grande importance. Le Roi voulut - à son exemple posséder une artillerie supérieure. Après plusieurs années d'efforts, il
parvint à se la procurer. C'est grâce à elle surtout qu'il obtint la suite de
ses victoires.
Les succès se succédèrent et le 10 novembre 1449, le Monarque fit
son entrée dans Rouen reconquis.
L'année suivante, en 1450, il battait les Anglais à Formigny, entre
Caen et Cherbourg.
Bordeaux capitula le 12 juin 1451, mais fut repris par Talbot en
1452.
Enfin les Anglais furent définitivement vaincus le 17 juillet 1453 à la
bataille de Castillon, en Dordogne.
Le 9 octobre suivant, Bordeaux capitulait pour la seconde fois.
Sur tout le continent, les Anglais ne possédaient plus que Calais.
La dernière prophétie de Jeanne d'Arc était accomplie . Charles VII
régnait sur la France reconquise.
La guerre de cent ans était terminée.
140
141
ANNEXES
RECIT DES EVENEMENTS
qui se sont passés du 8 mai (prise des Tourelles)
au 8 juin 1429 (marche sur Jargeau.)
Aussitôt après la prise des Tourelles, qui mit fin à l'occupation
anglaise devant Orléans et les obligea à battre en retraite, Charles VII
et sa Cour se retirèrent à Tours, faisant la navette entre cette ville et
Chinon.
Jeanne d'Arc, décidée à continuer l'offensive contre les Anglais en
déroute, mais voulant, auparavant, s'assurer le consentement du Roi, le
rejoignit à Tours.
La rencontre eut lieu le vendredi 13 mai, sur la route de Chinon à
Tours.
Jeanne entra à Tours avec le Monarque. Elle resta près de lui les dix
jours suivants, l'entretenant, sans cesse, de la nécessité absolue, les
Anglais mis hors de cause, de marcher sur Reims pour le sacre. Il était
de toute urgence de les devancer, car eux aussi songeaient à y faire
sacrer Roi de France... le jeune roi d'Angleterre, Henri VI.
Pour éviter ce malencontreux événement, Jeanne se faisait de plus en
plus pressante, ne perdant pas de vue, un seul instant, qu'il fallait avant
tout consommer la défaite anglaise, tant sur Jargeau que sur
Beaugency.
Le Roi, travaillé en sourdine par ses deux mauvais conseillers, le
chancelier Regnault et La Trémoille, était hésitant, mais Jeanne, toute
à sa mission, finit par le décider.
A la fin de mai, la Cour est à Loches et Jeanne va pouvoir rejoindre
Orléans où ses troupes l'attendent.
*
DELIVRANCE DE COMPIEGNE
Le 24 mai 1430, Jeanne d'Arc tombait au pouvoir de Jean
de Luxembourg, commandant l'armée assiégeant Compiègne.
Elle était victime de l'horrible complot tramé contre elle par les
deux ministres félons de Charles VII, Regnault de Char-
142
tres et La Trémoille, aidés par Guillaume de Flavy, gouverneur de
Compiègne. Le duc de Bourgogne avait ainsi tout lieu de croire que la
ville, encerclée par ses troupes, et maintenant privée de l'aide puissante
de la Pucelle, allait se rendre à bref délai.
En cela, il se trompait lourdement.
Depuis longtemps, une entente secrète existait entre Regnault de
Chartres et La Trémoille. Leur confiance dans la destinée du roi
Charles VII était fort limitée. C'elle du Bourguignon leur semblait plus
sûre. Il était prudent de le ménager, car s'il lui plaisait de devenir roi de
France, qui pourrait l'en empêcher ? Philippe saurait récompenser les
concours qui l'auraient aidé à réaliser ses immenses ambitions. De là,
toutes les négociations, dont le Roi était la dupe, favorisées entre lui et
le duc de Bourgogne, toutes les entraves mises aux projets de Jeanne
d'Arc qui, elle, voulait la guerre à outrance.
Quant à Guillaume de Flavy, s'il a trahi la Pucelle et provoqué sa
capture par les Anglo-Bourguignons, c'est pour tout autre motif.
Jeanne le gênait dans son rôle de gouverneur de Compiègne.
Ambitieux, orgueilleux et cupide, il voulait être seul à commander,
seul à défendre la ville. Maintenant, « débarrassé de cette femme », il
ne doutait pas - dans sa vanité - qu'il ne fût capable de diriger une
défense à outrance. C'est à lui seul, alors, que reviendrait l'honneur de
l'avoir conservée au Pays.
D'autre part, les anciens compagnons de Jeanne d'Arc, les chefs qui,
longtemps, avaient commandé auprès d'elle, furent frappés de stupeur
en apprenant sa capture. Rentrant en eux-mêmes, ils comprirent quelle
honte rejaillirait sur eux s'ils restaient indifférents à cette défaite,
susceptible de consommer leur perte et celle du pays.
Deux forts groupements de troupes fidèles se trouvaient non loin de
Compiègne, l'un à Senlis, sous les ordres de Vendôme et de SaintSévère, l'autre concentré à Château-Thierry, sous les ordres de
Xaintrailles. Ces chefs se concertèrent et convinrent de se porter au
secours de la ville et de faire lever le siège.
Le 24 octobre, la décision étant prise, Vendôme et Saint-Sévère
partirent de Senlis et, remontant la rive gauche de l'Oise, se dirigèrent
sur Compiègne.
Xaintrailles fit de même, mais dans le plus grand secret, espérant
arriver aux abords de la ville sans être repéré, grâce aux couverts de la
forêt de Compiègne. Il profiterait de l'effet de surprise.
La marche du premier corps se faisant, au contraire, à
découvert, les Anglo-Bourguignons ainsi prévenus, vinrent à
143
la rencontre de Vendôme et de Saint-Sévère. Ils prirent position Aux
environs de Royallieu, utilisant la vieille et simpliste tactique : se
couvrir d'une ligne de pieux acérés où devait venir se faire éventrer la
cavalerie ennemie. Quant à envoyer des reconnaissances dans la forêt
de Compiègne, comment y eussent-ils songé ?
Contrairement à leur attente, ils virent les troupes du Roi de France,
arrivées au contact, s'arrêter.
Les chefs français, bons élèves de Jeanne d'arc, voulaient coordonner
leurs efforts avec ceux de Xaintrailles pour passer à l'attaque.
Au moment où l'arrivée de ce dernier, dont les Anglo-Bourguignons
ne soupçonnaient pas la marche, fut signalée à Vendôme et à SaintSévère, ceux-ci déclenchèrent le feu de leur artillerie.
Il se passa alors le fait suivant, inattendu des deux partis en présence.
La porte, dite de le Tour-des-Osiers, des remparts de la ville, s'ouvrit et
une forte troupe de combattants commandée par Guillaume de Flavy,
gouverneur de la cité, sortit et se précipita à l'attaque de la bastille
anglaise la plus proche. Profitant de l'effet de surprise, elle s'en empara
facilement et tomba ensuite comme une trombe, sur les arrières de
l'ennemi.
Au même moment, Xaintrailles débouchait de la forêt de
Compiègne, s'emparait d'une autre bastille, défendue par Créqui et
Brimeu. Les occupants, surpris à leur tour, furent en grande partie
massacrés. Sans perdre de temps, Xaintrailles fondit sur les AngloBourguignons eux prises avec Vendôme.
Prises ainsi de front, de flanc et sur leurs arrières, les troupes
assiégeantes se débandèrent et s'enfuirent. Beaucoup de leurs
combattants furent massacrés, d'autres noyés dans l'Oise. L'armée
entière de Jean de Luxembourg, prise de panique, battit en retraite,
abandonnant son artillerie et ses approvisionnements.
Philippe de Bourgogne, en personne, fou de rage s'enfuit jusqu'à
Arras.
Compiègne était délivrée, ainsi que tout le pays environnant. Un
grand nombre de chefs étaient faits prisonniers : Brimeu, Créqui,
Thomas Kiriel, etc...
Xaintrailles, n'oublient pas les leçons de Jeanne d'Arc, exploitait le
succès par un poursuite acharnée, confirmait sa victoire, en infligeant
une deuxième et sanglante défaite aux Anglo-Bourguignons à Germiny
où ils avaient essayé de se regrouper.
De leur côté, Vendôme et Saint-Sévère battaient, à plate
144
couture, des renforts que Bedfort avait envoyés à Philippe le Bon.
L'esprit de Jeanne d'Arc dominait la bataille, comme si e lle eût été
effectivement présente.
*
L'ETENDARD DE JEANNE D'ARC
L'étendard que porta Jeanne d'Arc, au cours de sa vie militaire, et qui
lui était si cher, fut établi sur les indications qui lui furent données
directement par saint Michel, sainte Marguerite et sainte Catherine,
prescrivant un oriflamme symbolisant sa mission divine.
Jeanne d'Arc en confia l'exécution à un artiste de Tours - Hennès
Polnoir. En récompense de son travail, Jeanne dota sa fille Héliette de
cent écus d'or, qu'elle-même venait de recevoir de la Ville de Tours.
Instructions de Jeanne d'Arc données à Hennès POLNOIR pour
exécution de son étendard.
« Se procurer une bande solide de toile fine formant rectangle et dont
l'extrémité présente deux pointes.
« Sur la face principale, selon l'ordre exprès de Dieu, peindre JhésusChrist, étendant la main droite pour bénir et tenant de la gauche la
boule du monde, surmontée d'une croix. A ses côtés deux anges
prosternés lui offrant une fleur de lys. Vers les pointes du pennon, les
mots Jhésus-Maria. Sur l'autre face, près de la hampe, les armes de
France soutenues par deux anges, au-dessus de l'écu. Plus loin, la
scène de l'Annonciation, un ange à genou devant la Vierge et disant «
Ave Maria ». Le reste de la bannière semé de fleurs de lys d'or et les
bords largement frangés.
*
LE TESTAMENT DE JEANNE DARC
A LA MEMOIRE DES MORTS
Honorer la mémoire des braves gens qui l'avaient suivie, fut l'un des
plus chers désirs de Jeanne d'Arc. Pendant sa vie guerrière, elle ne
cessait de répéter : « Si je succombe, que mon Prince fasse bâtir des
chapelles, afin qu'on vienne y prier pour le salut des âmes de ceux qui
sont morts en défendant le Royaume. »
145
PERRINAIC
Pendant plusieurs mois, au cours de sa campagne de France, Jeanne
d'Arc eut près d'elle une petite Bretonne qu'elle affectionnait
beaucoup, en raison de sa piété et peut-être aussi parce que cette jeune
fille affirmait avoir entendu des voix.
Elle s'appelait Perrinaic.
Voici l'histoire de sa courte existence.
Née près de Guingamp, elle vint trouver le Dauphin de l'autre bout
de la France et, de sa « Marche d'Occident », comme Jeanne d'Arc
venait des « Marches de l'Est ».
Son Père était un homme d'armes qui avait été tué pendant la
première invasion anglaise.
Ceux-ci, depuis, avaient évacué la Bretagne. Le duc Jean V les avait
chassés, mais ils étaient toujours, pour les Bretons, les ennemis
héréditaires qu'ils appelaient « Ar Saozon miliget» - les Saxons
maudits.
Au mois de mai 1429, pendant le siège d'Orléans, Jeanne d'Arc
donna à Perrinaic qu'elle avait près d'elle, mission de se rendre à Paris,
pour y rencontrer le carme Jean Dallée.
Perrinaic pénétra dans Paris au péril de sa vie. Elle recueillit les
confidences du moine qui l'assura de la fidélité parisienne et elle lui
donna son propre avis sur les desseins de l'Armée Royale des
Armagnacs, autrement dit l'Armée de Charles VII.
Sa mission terminée, Perrinaic rejoignit Jeanne d'Arc à Lagny pour
lui rendre compte. Jeanne forma alors le projet de tenir la campagne
entre Melun et Lagny, entre la Seine et la Marne, en vue
d'entreprendre la libération de la capitale.
Pour préparer cette action, Perrinaic dut retourner à Paris, mais le
moine Jean Dallée était devenu suspect aux Anglais en raison de son
rôle patriotique. Perrinaic fut arrêtée près de Corbeil par un parti
anglo-bourguignon qui patrouillait dans la campagne.
Reconnue comme envoyée de Jeanne d'Arc, elle fut livrée à la justice
ecclésiastique.
Son procès dura six mois. En traînant les choses en longueur, les
Anglais espéraient tirer d'elle quelque aveu à charge de Jeanne, car la
Pucelle venait aussi d'être prise à Compiègne par les Bourguignons qui
l'avaient livrée aux Anglais.
Perrinaic fut brûlée vive sur le parvis de Notre-Dame, neuf mois
avant Jeanne d'Arc. La même flamme enveloppe et glorifie les deux
amies héroïques.
Il y a une cinquantaine d'années, le Comité des Dames de
Bretagne a fait ériger, sur la colline du Menez-Be, d'où la vue
146
s'étend sur les forêts de Cornouailles, sur le Goelo, par-delà Guingamp
jusqu'à la mer anglo-bretonne, un monument en granit à la mémoire de
Perrinaic.
*
UNIVERSITE DE POITIERS
CHARGEE PAR LE DAUPHIN
D'EXAMINER
LE CAS DE JEANNE D'ARC
se présentant comme inspirée de DIEU
pour sauver le Royaume
Examinateurs : Maître Pierre de VERCELLES, Abbé de Talmont,
futur Evêque de Digne, puis de Nevers.
Jean LOMBART, professeur de Théologie à
l'Université.
Guillaume LEMAIRE, chanoine de Poitiers.
Maître Jean MORIN, professeur.
Maître Jean ERAULT, professeur.
Jacques MALEDON et Mathieu MESNAIGE.
SEGUIN de SEIGNES
Guillaume AYMERI
Dominicains
Pierre TURLURE
Juristes :
JUVENAL des URSINS, président.
JUVENAL des URSINS, avoué, fils du précédent.
RABATEAU, Avocat général.
COUSINOT, maître des requêtes.
Jean BARBIN, avocat.
147
INDEX DES NOMS
des personnages vivants à l'époque de Jeanne d'Arc
et ayant joué un rôle dans cette épopée
A
AGRELLE. - Secrétaire de Charles VII - Membre de la Chambre des
Comptes - Enregistra au Livre des Chartes de ce temps, folio
CXXI, le 16 janvier 1430, l'acte d'anoblissement de la famille
d'Arc, en date de décembre 1429. (Voir M. Mallières.)
ALBRET. - (Sire d') de la Maison de Charles VII - Frère utérin de La
Trémoille - Compagnon fidèle de Jeanne d'Arc alors abandonnée
par le Roi et cherchant partout des ressources pour continuer la
campagne - Se distingua au siège de La Charité-sur-Loire.
ALENÇON. - (Jean V, duc d') - Cousin du Roi, fils du duc d'Alençon,
tué à Azincourt, au moment où il allait frapper d'un coup terrible
Henri V, roi d'Angleterre - S'attacha à Jeanne d'Arc et lui resta
fidèle jusqu'à la. fin - Etait, en titre, commandant général des
troupes, mais en réalité, obéissait à Jeanne d'Arc.
ALENÇON. - (Marie, duchesse d') - Mère du précédent, soeur de
Philippe le Bon, duc de Bourgogne, et du connétable de
Richemont.
ALEPEE. - (Jean) chanoine de Rouen - Après le supplice de Jeanne
d'Arc, le 30 mai 1431, s'écria : « Plût à Dieu que fût mon âme où
est celle de cette femme ».
ALLES. - (Pierre d') de l'ordre des Carmes - Chef d'une conspiration
ayant pour but d'introduire une garnison française dans Paris, après
avoir ouvert les portes de la capitale à Jeanne d'Arc - Le complot
fut découvert le 3 avril 1430 - P. d'Allés fut arrêté avec 150
conjurés dont la plupart furent exécutés.
ALLOPEE. Chanoine, membre de l'Université de Paris - Fit tous ses
efforts pour que le procès de Jeanne d'Arc fût confié à l'Université
de Paris, seule compétente pour en connaître.
148
AMBLEVILLE - Héraut d'armes de Jeanne d'Arc - Courrier envoyé porteur
de missives, aux Anglais.
ANDELOT. - (Lieutenant d') - Délégué par Jean de Torcenay (voir ce nom)
pour enquêter, au nom du Roi d'Angleterre, sur l'enfance de Jeanne d'Arc
en Lorraine - Il conclut en faveur de Jeanne d'Arc.
ANJOU. - (Marie d') reine de France - Epouse de Charles VII, fille de Louis
II, duc d'Anjou, et de la duchesse Yolande - Elle fut une reine et épouse
admirable et de très bon conseil.
ANJOU. - (Yolande d') mère de la précédente - Veuve en 1417, à l'âge de 37
ans, elle entra dans le Conseil de Charles VII, son gendre - Femme de
grande valeur, elle montra un profond esprit politique - Elle s'appliqua à
développer dans sa fille Marie, reine de France, toutes les qualités
requises pour faire une reine sage et une bonne épouse.
ARC. - (Jacques) père de Jeanne d'Arc - Anciennement Darc, avant son
anoblissement le 16 janvier 1430, avec toute sa famille - Etait présent au
sacre de Charles VII, sur convocation spéciale de sa fille.
ARC. - (Jacquemin, Jean et Pierre) frères de Jeanne d'Arc - Suivirent leur
soeur pendant ses campagnes.
ARC. - (Jeanne d') l'héroïne - Née le 6 janvier 1412 à Domremy (Lorraine) Fille de Jacques d'Arc et d'Isabelle Romée - Morte à Rouen le 30 mai
1431, brûlée par les Anglais - Le jugement de Rouen fut cassé le 7 juillet
1456 et Jeanne réhabilitée, par décision du Pape Calixte III - Au cours
des siècles suivants, on ne sait pourquoi, son souvenir tend à s'effacer
dans l'oubli ou à se transformer en légende - Ce n'est qu'en 1869 que des
démarches sont faites près de la Cour de Rome par Mgr Dupanloup,
évêque d'Orléans - Le 27 janvier 1894, le Pape Léon XIII la déclare «
vénérable » - Elle est béatifiée en 1909 par Pie X, et canonisée en 1920
par Benoît XV.
ARMAGNAC. - (Jean IV, comte d') - Retiré au royaume d'Aragon - Connu
sur tout par la lettre qu'il fit remettre le 22 août 1429 à Jeanne d'Arc à
Compiègne, lui demandant de lui indiquer quel était, des trois Papes
alors en question, le véritable : soit Martin V demeurant à Rome, soit
Clément VII fixé à Panisole, soit Benoit XIV (résidence inconnue) Jeanne d'Arc répondit que le vrai Pape siégeait à Rome.
149
ARMAGNAC. - (Thibaut d') compagnon de Jeanne d'Arc - Chef de troupes
- Se distingua au combat des Tourelles, devant Orléans.
ARONDEL. - (Comte d') de la Cour du jeune roi d'Angleterre, Henri VI, à
sa venue en France en mai 1430.
ARRAS - (Franquet d') aventurier bourguignon, chef de bandes et hardi
pillard - Battu à Lagny par Jeanne d'Arc au début d'avril 1430, il fut fait
prisonnier et traduit devant un Conseil de justice à, Senlis - Il fut
condamné à mort et exécuté.
ATTORNEY de COMPIEGNE - Avoués anglais : Quillet (Thomas) Bourgeois (Thibaut) - Crin (Pierre) - Le Riche (Gérard) - Purent chargés
d'accueillir, le 18 août 1429, Charles VII à Compiègne, auquel
Guillaume de Flavy, gouverneur, remit les clés de la ville - Les Attorneys
conduisirent ensuite le Roi à son logis : Hôtel du Boeuf, chez Jean Le
Péron.
AULON. - (Jean d') gentilhomme du Languedoc - Fit la connaissance de
Jeanne d'Arc à, Poitiers, s'attacha à son service et lui voua une fidélité à
toute épreuve - Le 23 mai 1430, la défendit avec acharnement à la
Chaussée-de-Margny devant Compiègne - Fait prisonnier avec elle, il fut
enfermé au château de Beaurevoir, près de Noyon - Après la tragédie de
Rouen, il continua de servir, avec courage et fidélité, le Roi de France
contre les Anglais.
AVOLLE - (Frère) de l'ordre des Carmes - Connu surtout par son sermon à
la cathédrale d'Orléans le 19 juin 1429, prononcé à la messe d'actions de
grâces pour la délivrance d'Orléans.
B
BAILLY. - (Nicolas) - Notaire à Chaumont - Délégué par Jean de Torcenay
(voir ce nom) pour enquêter - au nom du Roi d'Angleterre - sur la
jeunesse de Jeanne d'Arc à Domremy, remit un rapport élogieux à son
sujet – En fut très sévèrement blâmé par J. de Torcenay.
BAR - (Duc de) compagnon très dévoué de Jeanne d'Arc - Beau-frère de
Charles VII – Se distingua à l'affaire de Montepilloy.
BARBAZAN,. - (Sire de) dit « le Chevalier sans reproche » Prisonnier des Anglais et enfermé dans la forteresse de
150
Château-Gaillard, fut délivré par La Hire qui enleva cette forteresse
d'assaut, après avoir pris Louviers, à sept lieues de Rouen, où Jeanne
était détenue.
BARETTE - (Barthélemy) de la Maison militaire de Jeanne d'Arc à
Compiègne.
BARRE. - (de La) - Mme Vve Roger de La Barre donna l'hospitalité à
Jeanne d'Arc, lors de son arrivée à Chinon, et la logea chez elle, lui
prodiguant les plus grandes attentions jusqu'à sa présentation au
Dauphin.
BAUDRICOURT. - (Sire de) Robert - Capitaine de Vaucouleurs - Premier
chef militaire auquel s'adresse Jeanne d'Arc - Après quelques hésitations,
il l'autorisa à partir pour Chinon, voir le Roi qu'il faisait prévenir, en
même temps, par une lettre de recommandation.
BAUDUREAU. - (Olivier) - Héraut d'armes des Bourgeois de Compiègne Charles VII ayant le 9 août 1429 - envoyé à Compiègne son héraut
d'armes Montjoye, pour sommer les habitants de lui ouvrir leurs portes,
Baudureau accompagna, à son retour Montjoye, afin de demander au
Monarque un sauf-conduit, en faveur des ambassadeurs compiégnois Le Roi accorda le sauf-conduit que Baudureau rapporta à Compiègne.
BAUFREMONT. - (Pierre de) - Sire de Charny - De la Cour du Duc de
Bourgogne - Il fut un des signataires de la trêve du 28 août 1429 pour le
compte de son maître - Au moment du siège de Paris par Jeanne d'Arc, il
profita de sa qualité d'ambassadeur du duc près de Charles VII à SaintDenis, pour décider celui-ci à faire détruire, dans la nuit du 9 au 10
septembre 1429, le pont de cette ville sur la Seine, rendant ainsi
inexécutable le plan de la Pucelle - Il en fut payé, le 17 septembre 1429,
par de forts honoraires.
BAUBE. - (Pierre) - Lieutenant du connétable de Richemont, au combat du
pont de Meung-sur-Loire, le 18 juin 1429.
BAVIERE. - (Isabeau de) reine de France, épouse de Charles VI et mère de
Charles VII - De mauvaises moeurs, elle devint la maîtresse de Jean sans
Peur - Responsable du honteux traité de Troyes (1420), enlevant la
couronne à son fils, au profit de Henri V roi d'Angleterre, auquel elle
avait fait épouser sa fille Catherine - Après les défaites anglaises et le
sacre de son fils, devenu Charles VII, elle se confina dans l'hôtel SaintPol à Paris - Elle y mourut en 1435, méprisée autant des Anglais que des
Français.
151
BAZOCHES - (Thomas de) - lieutenant-adjoint à Antoine de Bellande (voir
ce nom), capitaine nommé Gouverneur de Reims, après le Sacre.
BEAUFORT - (Henri de) - Cardinal de Winchester, grand-oncle du jeune
roi d'Angleterre Henri VI - Farouche ennemi de Jeanne d'Arc qu'il
poursuivit de sa haine jusqu'au bûcher de Rouen.
BEAUMANOIR. - (Sire de) - Lieutenant du connétable de Richemont à la
charge de Patay - Présent au sacre.
BEDFORT. - (John de Lancastre, duc de) - Né le 20 1380, mort à Rouen, le
14 septembre 1435 - Frère de Henri V, roi d'Angleterre - Il le représentait
avec le titre de « Régent en France » - Il resta presque constamment en
France, comme commandant en chef de toutes les forces anglaises - Il
trouva en Jeanne d'Arc un terrible adversaire et ne lui pardonna jamais
l'échec de ses projets - Il fut l'âme du procès de Rouen et exigea la
condamnation au bûcher.
BELLIER - Lieutenant du sire de Gaucourt, bailli d'Orléans - Son épouse
résidait au château du Coudray à Chinon, près de la résidence royale C'est à elle que fut confiée la vierge lorraine, après son entrevue avec le
Roi et en attendant ses décisions.
BETHUNE. - (Antoine de) - Officier bourguignon - Il fut armé chevalier par
ordre de Bedfort, le 15 août 1429 - C'était la veille d'un combat, à 1/2
lieue de Senlis, près du village de N.-D. de La Victoire, sur les bords de
la Nonette - A ce combat, La Trémoille fut désarçonné et ne dut la vie
qu'à une vigoureuse contre-attaque de Jeanne d'Arc.
BETHUNE. - (Jeanne de) - Veuve de Robert de Bar, tué à Azincourt, en
1419 - Remariée à Jean de Luxembourg, le 23 novembre 1418 - Très
nationaliste - Etait au château de Beaurevoir, lors du passage de Jeanne
d'Arc, captive et emmenée à Rouen - Elle se montra pleine de bonté et
d'attention pour la pauvre prisonnière de son mari.
BODANT. - (Maître Hélie) - Moine prêcheur. Célèbre par son sermon, à
Périgueux, en présence de Jeanne d'Arc, à une messe dite aux frais de la
municipalité : « Les grands miracles, dit-il, accomplis en France par
votre intervention, prouvent que c'est, de par Dieu, que vous êtes venue
trouver le Roi, notre Sire. »
BOIAU.
-
(Jean)
-
Faisait
partie
des
renforts
envoyés
par
152
la ville d'Orléans à Jeanne d'Arc pour le siège de La Charité-sur-Loire.
BONNETERRE. - (Comte de) - De la suite de Henri VI, roi d'Angleterre, à
sa venue en France, en mai 1430.
BOISREDON - (Louis de) - Capitaine des gardes d'Isabeau de Bavière,
assassiné en 1417, sur ordre du connétable d'Armagnac, probablement à
cause de ses relations trop intimes avec la Reine.
BOSQUIER. - (Pierre) - Moine Bénédictin, condamné à huit mois de prison,
pour avoir protesté contre le supplice de Jeanne d'Arc.
BOUCHER. - (Jacques) - Trésorier du duc d'Orléans - Se distingua au siège
de cette ville - Reçut Jeanne d'Arc chez lui, hôtel de l'Annonciade.
BOUCHER. - (Marie Le) - Epouse de Jean Le Féron, procureur général du
Roi à Compiègne - Elle était de la famille du trésorier ducal d'Orléans,
Jacques Boucher, qui hébergea la Pucelle dans son hôtel de
l'Annonciade, à Orléans.
BOULAINVILLERS. - (Percival de) - Chroniqueur du duc de Milan Auteur d'un rapport très précis au sujet de la délivrance d'Orléans.
BOULIGNY. - (Sire de) - Conseiller de Charles VII et receveur des
Finances.
BOURDON. - Chef d'artillerie - Avait la, charge de la grosse bombarde
appartenant à la ville d'Orléans.
BOURGEOIS. - (Thibaut) - Attorney de Compiègne (voir ce mot).
BOURGOGNE - (Philippe le Bon, duc de) - Grand allié des Anglais au
temps de Jeanne d'Arc - Très ambitieux, espérait transformer son duché
en royaume, aux dépens de Charles VII et de la France - Sa Cour
comprenait : les ducs de Croy, de Créqui, de Comines, Hue le Bègue de
Lannoy, les frères de Brimeux (Jacques, David et Florimont), tous trois
chevaliers de la Toison d'Or), Antoine de Béthune-d'Humières, Liégeois
d'origine, et Jean de Fosseux.
BOUSSAC. - (Maréchal de) - Compagnon de Jeanne d'Arc au siège
d'Orléans, à la bataille de PatE4y, en 1429 - Son véritable nom est
Debrosse Jean, seigneur de Saint-Sévère et de Boussac - Il mourut en
1433.
BOUTELLIER. - (Raoul Le) - Chambellan du régent duc de
Bedfort,
remplaçant
ce
dernier,
par
intérim,
dans
la
153
charge de bailli de Rouen, depuis octobre 1430 - Assistait au supplice de
Jeanne d'Arc, le 30 mai 1431.
BRIMEU. - (David-de) - Du parti anglais, détaché à la Cour du duc de
Bourgogne, Philippe le Bon.
BRIMEU. - (Jean de) - Du parti anglais, attaché à, la suite du sire de
Châtillon, gouverneur de Reims avant le sacre de Charles VII - Après le
sacre reprit ses fonctions à la Cour du duc de Bourgogne, comme ses
frères, David et Florimont.
BRIMEU. - (Florimont) - Du parti anglais, frère des précédents, attaché,
comme eux à la Cour du duc de Bourgogne.
BRUSAC. - (Gautier de) - De la suite de Jeanne d'Arc au cours de la marche
sur Reims.
BRUYSE. - (jean) - Ecuyer anglais, gardien des coffres-forts royaux - Fut
chargé de payer - sur ordonnance royale - en date du 20 octobre 1430,
une somme de 10.000 livres à Jean de Luxembourg, comte de Ligny,
pour la livraison de Jeanne d'Arc, sa prisonnière.
BUDE. - Secrétaire de Charles VII, chargé de contresigner pour ampliation
les décisions royales.
BUEIL. - (Sire de) - Lieutenant du maréchal de Boussac.
C
CAGNY. - (Perceval de) - Chroniqueur du duc d'Alençon - Il a laissé de
nombreuses chroniques qui nous sont parvenues - Ces chroniques sont
très sévères pour La Trémoille et Régnault de Chartres, archevêque de
Reims, dont elles dénoncent les criminelles intrigues.
CAILLY. - (Guy de) - Notable d'Orléans - Anobli par Charles VII, sur
proposition de Jeanne d'Arc pour sa fidélité et sa belle conduite à
Orléans.
CALOT. - (Jean) - Sujet anglais, secrétaire de Henri VI - Au cimetière de
Saint-Ouen (voir ce mot) substitua, par ordre, à une lettre de simple
formalité lue à Jeanne d'Arc, une autre lettre, celle -ci d'abjuration, qu'il
lui fit signer - Cette odie use tromperie fut exploitée par les juges, en
toute connaissance de cause, pour la condamnation de Jeanne au bûcher.
154
CAMBRAI (Adam de) - Plénipotentiaire français - Membre de l'Ambassade,
envoyée le 30 avril 1429, par Charles VII, au duc de Bourgogne.
CANART. - (Abbé Jean) - Prieur de l'Abbaye de Saint-Denis, édifiée pour
garder la Sainte Ampoule.
CANIVET. - Maître de l'Université de Paris, arriva. à Rouen, le 3 mars
1431, pour prendre rang parmi les assesseurs près le Tribunal chargé de
juger Jeanne d'Arc.
CANNY. - (Aubert de) - Du parti bourguignon, gouverneur de Noyon et de
la forteresse de Beaurevoir - Ce fut la première étape de Jeanne d'Arc sur
le chemin de la captivité - Au château, où Canny la fit enfermer, Jeanne
d'Arc retrouva son fidèle écuyer Jean d'Aulon, fait prisonnier à, ses côtés,
le 23 mai 1430 - Première tentative d'évasion de Jeanne d'Arc (voir
Béthune (Jeanne de)).
CASTIGLIONE, - (Zéno de) - Evêque de Lisieux – Créature des Anglais,
adversaire farouche de Jeanne d'Arc.
CAUCHON. - (Pierre) - Evêque de Beauvais - Plus politicien que pontife,
livré corps et âme à l'Angleterre - Chassé de Beauvais par les habitants, à
l'arrivée de Charles VII, fin août 1429 - Envoyé par le régent Bedfort, en
mai 1430, au-devant de Henri VI, roi d'Angleterre, débarquant à Calais Président du Tribunal de Rouen qui jugea Jeanne d'Arc - Se montra d'une
partialité révoltante envers l'accusée.
CAYEUX. - (Hugues de) - Evêque d'Arras - Plénipotentiaire bourguignon Fit partie de la 2e Conférence qui se tint, le 21 août 1429, à Compiègne,
pour empêcher Charles VII d'investir Paris, autrement dit l'amener à
abandonner la marche à l'ennemi - C'est cette conférence qui décida
Jeanne d'Arc, écoeurée, à quitter le Roi, le lendemain 22 août - Les autres
plénipotentiaires étaient, pour la Bourgogne: Jean de Luxembourg, David
de Brimeux et le sire de Charny.
CHABANNES. - (Antoine de) - Officier de la suite de Charles VII - Nommé
le 12 juillet 1429 bailli de Troyes et le 10 septembre suivant, gouverneur
de Creil.
CHABANNES. - (Jacques de) - Chef de Compagnie resté fidèle à Jeanne
d'Arc, après la trahison du comte de Vendôme, en mai 1429 et de
Regnault de Chartres, grand chancelier et archevêque de Reims.
155
CHAILLY. - (Denis de) - Faisait partie de la troupe du commandeur de
Giresme (voir ce nom), se portant en avril 1430, au secours de Melun.
CHAMBET. - (Jean) - Bourgeois de Compiègne, député auprès de Charles
VII.
CHAMPS. - (Imbert des) - Tapissier à Paris - Nommé échevin par les
Anglais en juillet 1429.
CHAPELLE. - (Jean de La) - Notaire Apostolique, écrivain de la fin du XV e
siècle, raconte le passage de Jeanne d'Arc, prisonnière, à l'abbaye de
Saint-Riquier, et dit: « On parlera d'Elle éternellement, car la haine des
Anglais était injuste. »
CHARTIER, - (Jean) - Chroniqueur du temps de Jeanne d'Arc - Très sévère
pour La Trémoille et sa néfaste influence sur Charles VII.
CHATILLON. - (Sire de) - Gouverneur de Reims, pour les Anglais - Après
le sacre, se retira à le Féré avec Jean de Croy, Jean de Brimeu et 400
hommes.
CHRISTIAN. - Secrétaire de Philippe le Bon - Signa, pour le duc, le 23 mai
1430, à Coudun, près de Compiègne, la lettre aux habitants de Gand, leur
annonçant la capture de Jeanne d'Arc.
CIMETIERE DE SAINT-OUEN. - Mise en scène odieuse imaginée par le
cardinal de Winchester et l'évêque Cauchon, en vue d'arracher à Jeanne
d'Arc, par intimidation, un désaveu de sa mission - Le 24 mai 1431,
Jeanne est conduite au cimetière de Saint-Ouen, terre ecclésiastique,
après avoir été chapitrée par Jean Beaupère, un de ses plus farouches
ennemis - Une grande foule était présente -L'infâme Loyseleur, qui avait
su gagner sa confiance, lui promit qu'elle serait remise à l'Eglise, donc
sauvée, si elle acceptait seulement de reprendre des vêtements de femme
- Jeanne croit que c'est cela que contient une longue lettre dont on lui
donne lecture et qu'on la prie de signer - Elle est alors abominablement
trompée, car c'est une formule d'abjuration qu'on lui présente - Elle signe
d'une croix - Laurent Calot, -secrétaire de Henri VI, avait, par ordre,
substitué cette pièce à celle lue à l'accusée.
CLARENCE. - (Bâtard de) - Chef d'un fort parti anglais - Accourut à Paris à
l'appel du gouverneur, le sire de l'Isle Adam, effrayé de la découverte, le
3
août
1430,
de
156
la conjuration du Carme, Pierre d'Allée (voir ce nom), coïncidant avec
l'arrivée imprévue de Jeanne d'Arc à Lagny-sur-Marne.
CLERMONT. - (Charles de Bourbon, comte de) que Charles VII avait mis à
sa place au château de Chinon, lors de la réception de Jeanne d'Arc, pour
juger de sa perspicacité.
COINGNET. - Secrétaire de Charles VII, contresignait, après le Roi, et pour
ampliation les décisions royales.
COLETTE. - (Sainte) - De son vivant, réformatrice de l'Ordre des Clarisses
- Se trouvait à Moulins, lors du passage de Jeanne d'Arc (novembre
1429) - Elles se rencontrèrent et Jeanne d'Arc se recommanda aux prières
de la Vierge franciscaine.
COMPERE. - (Guy) - Bourgeois de Compiègne - Député près de Charles
VII.
CONNE. - (Laurent) - Curé de Saint-Jacques à Compiègne (voir
délégations).
CONSEIL DU ROI. - Convoqué à Chinon pour examiner le cas de Jeanne
d'Arc (avril 1429) - P. Raphanel, Robert de Rouvres, Pierre de Versailles,
Philippe de Coetquen.
COULONGES. - (Baron de) - Officier attaché au maréchal de Boussac - Se
distingua à la prise de la bastille Saint-Loup - Siège d'Orléans.
COUSINET. - (Guillaume) - Chancelier du duc d'Orléans - Se distingua au
siège d'Orléans.
COUTES. - (Louis de) - Page de Jeanne d'Arc - Très dévoué - Il
l'accompagna pendant toutes ses campagnes - A l'époque du procès de
réhabilitation, il plaida chaleureusement sa cause.
CREQUI. - (Jean de) - Officier bourguignon, armé chevalier le 15 août 1429
par ordre de Bedfort - C'était la veille d'un combat livré à 1/2 lieue de
Senlis, près du village de N.-D. de La Victoire, sur les bords de la
Nonette - Simple escarmouche où La Trémoille, désarçonné, ne dut la
vie qu'à une vigoureuse contre-attaque de Jeanne d'Arc.
CREQUY. - (Sire de) - Compagnon fidèle de Jeanne d'Arc -Grièvement
blessé au visage, à l'attaque de la Chaussée de Margny, le 23 mai 1430,
jour où Jeanne d'Arc fut faite prisonnière.
157
CRIN. - (Pierre) - Attorney de Compiègne (voir Attorney).
CROIX. - (Jean de) du parti anglais - Attaché au sire de Châtillon,
gouverneur de Reims, avant le ancre de Charles VII. (Voir Châtillon).
CROY. - (Jean) - Officier bourguignon, armé chevalier le 15 août 1429, par
ordre de Bedfort. (Voir Créqui, Jean de).
CULANT. - (Amiral Louis de) - Au cours de la marche sur Reims, investit
Bony et s'en empara le 25 juin 1429 - La paix revenue, se distingua dans
la réorganisation des armées royales - Mourut en 1444, à l'âge de 84 ans.
CUSQUEL. - (Pierre) - Secrétaire de Henri VI, roi d'Angleterre avec Jean
Tressart - Il raconte que ce dernier, après le supplice de Jeanne d'Arc, ne
cessait de répéter : «Nous sommes tous perdus, nous avons brûlé une
sainte. »
D
DAMPIERRE. - (Jean) Mercier - Echevin de Paris, au début de juillet 1429.
DELEGATION DES NOTABLES DE COMPIEGNE. - Pierre MOREL,
Laurent CONNE, Pierre de DURCAT, Jean Le FERON et Simon
LEFBVRE - Ils se rendirent de nuit à Crépy où se trouvait le Roi et
sollicitèrent un délai, avant de rendre la ville - Charles VII leur accorda
48 heures pour se décider.
DELEGUES DE L'UNIVERSITE DE PARIS QUI JOUERENT UN
ROLE IMPORTANT DANS LE PROCES DE JEANNE D'ARC :
- Jean BEAUPRE, de Nevers, docteur en Théologie, chanoine de
plusieurs
diocèses.
- Nicolas MIDI, docteur en Théologie : fut récompensé de son
acharnement contre la Pucelle par un canonicat à la cathédrale de Rouen.
-Jacques de TOURAINE, Frère Mineur, docteur en Théologie, très
hostile à Jeanne d'Arc.
- Pierre MAURICE, chanoine de Rouen.
- Gérard FeUILLET, Franciscain.
- Everardi : arriva à Rouen le 3 mars 1431 pour prendre rang parmi les
assesseurs près du Tribunal.
158
- CANIVET, maître de l'Université.
- LAMI, maître de l'Université.
- SABREVIS, maître de l'Université.
- FIEVI, maître de l'Université.
DINTEVILLE. - (Bailli Jean de) - Un des chefs choisis par Bedfort, pour la
garnison de Troyes. Contribua à la défense de cette ville, du 5 au 9 juillet
1430, jour où elle se rendit à Charles VII.
DRION. - (Geoffroy) - Médecin du Corps expéditionnaire envoyé en renfort
par la ville d'Orléans à Jeanne d'Arc pour le siège de La Charité.
DUPUY. - (Sire Jean) - Conseiller de là reine de Sicile. Assistait le 19
janvier 1430 à une réunion des élus de Tours, pour la lecture d'une lettre
de Jeanne d'Arc, exprimant aux habitants de Tours, sa profonde
affection.
DURAND. - (Laxart) - Oncle de Jeanne d'Arc - Très dévoué - Facilita ses
débuts - La soutint de ses conseils et démarches à Vaucouleurs - Etait du
nombre de ses compagnons jusqu'à Chinon.
DURCART. - (Pierre de) - Voir délégation.
E
EPINAL. - Habitant de Domremy - Venu à la tête d'une délégation de la
ville, saluer Jeanne d'Arc, à son arrivée à Châlons, après la prise de
Troyes - Jeanne accepta d'être la marraine de sa fille – C'est à lui qu'elle
fit cette confidence : « Je ne redoute que la trahison. »
ESCAILLES - (Sire d') - De la suite de Henri VI, roi d'Angleterre à sa venue
en France, en mai 1430. (Voir Norfolk).
EVERARDI. - Maître de l'Université de Paris. (Voir délégués).
159
F
FALSTAFF. - (Sir John) - Général anglais, commandant les réserves
anglaises à Patay, pendant le siège d'Orléans - Après la défaite de Patay,
le 19 juin 1429, parvint à s'échapper et à gagner Etampes – D'après le
chroniqueur Monstrelet, on l'aurait accusé de ne pas avoir secouru
Talbot, d'avoir fui honteusement et d'avoir été dégradé de l'Ordre de la
Jarretière - Opinion controversée - De 1436 à 1440, il guerroya en
Normandie et finit ainsi sa carrière militaire.
FERON. - (Jean Le) - Procureur du Roi à Compiègne - Propriétaire de l'hôtel
du Boeuf où il reçut le Roi et Jeanne d'Arc.
FERON. - (Jean Le) : Petit-fils du précédent.
FERON. - (Jean Le). Voir délégation.
FIEVI.- Maître de l'Université de Paris - Arriva à Rouen le 23 février 1431
pour prendre rang parmi les assesseurs près le Tribunal chargé de juger
Jeanne d'Arc.
FLAVY. - (Guillaume de) - Gouverneur de Compiègne depuis le 14 août
1429, pour le compte de Charles VII - Caractère faux et ambitieux Parent de Regnault de Chartres et ami de La Trémoille, complota avec
eux la perte de Jeanne d'Arc qui gênait leur funeste politique - Provoqua
sa capture, en prévenant les Bourguignons qui assiégeaient Compiègne
que Jeanne d'Arc allait tenter une sortie.
FLAVY. - (Louis de) - Parent du précédent, avec lequel il ne faut pas le
confondre - Aussi noble nature que Guillaume était vil - Gouverneur de
Choisy-au-Bac, poste avancé de Compiègne, il en organisa
énergiquement la défense en mai 1430 - Après l'échec de Jeanne d'Arc à
l'attaque de Pont-l'Evêque, il dut abandonner Choisy - Il sut organiser
une retraite habile et rejoignit Compiègne avec toute sa garnison.
FLEURY. - (Jean) - Greffier du baillage de Rouen, assistait au supplice de
Jeanne d'Arc, le 30 mai 1431.
FONTAINES. - (Rigault de) - Chef de troupes resté fidèle à Jeanne d'Arc,
après la trahison du comte de Vendôme
160
FOSSEUX - (Jean de) - Officier bourguignon - Armé chevalier le 15 août
1429, par ordre du duc de Bedfort, la veille d'un combat, à 1/2 lieue de
Senlis, près du village de N.-D.-de-La-Victoire, sur les bords de la
Nonette - La Trémoille désarçonné, ne dut la vie qu'à une vigoureuse
contre-attaque de Jeanne d'Arc. (Voir Béthune).
FOUCAULT. - (Jean) - Gentilhomme de la Cour de Charles VII - Adjoint à
Amboise de Lore, le 10 septembre 1429, dans le commandement d'une
forte garnison de la place de Lagny-sur-Marne.
FOUCAULT. - (Jean) - Gentilhomme limousin, chef des archers.
FOUG. - (Geoffroy de) - Jeune officier qui présenta à Robert de Baudricourt,
capitaine de Vaucouleurs, Jeanne d'Arc et son oncle, Durand Laxart.
FOUSTEL. - (Wavrin du) - Officier anglais des troupes de Falstaff - A la
défaite de Patay, le 19 juin 1429, fut de ceux qui parvinrent à s'échapper
avec leur Général et à gagner Etampes, puis Corbeil.
G
GAMACHES. - (Guillaume) - Compagnon de Jeanne d'Arc, chef de
Compagnie au siège d'Orléans - Se distingua à l'attaque des Tourelles.
GAUCOURT. -. (Sire Raoul de) de la Maison de Charles VII - Présent au
sacre - Ambassadeur de Charles VII près du duc de Bourgogne Gouverneur du Dauphiné, battit le 14 juin 1429, une colonne
bourguignonne, commandée par le prince d'Orange.
GELU. - (Jacques) - Archer d'Embrun - A Domremy fut conseiller de
Jeannette, enfant - Lui conserva toujours une grande affection - Après la
capture de Jeanne à Compiègne, n'hésita pas à écrire au Roi une lettre, lui
rappelant les services rendus par l'héroïne et le suppliant de mettre tout
en oeuvre pour la délivrer.
161
GENERAUX ANGLAIS COMMANDANT SOUS LES MURS
D'ORLEANS :
- Thomas de SCALES.
- Jean TALBOT.
- William de LA POOLE.
- Comte de SUFFOLK.
- FALSTAFIF, détaché à Patay avec les réserves.
GERARD. – (Jean) - Président du Parlement de Grenoble - Secrétaire
particulier de Charles VII.
GERSON. - Célèbre savant français - Dès les débuts de Jeanne d'Arc, chargé
d'étudier ce cas très particulier, remplit sa mission avec une profonde
conscience et sans idée préconçue - A la suite de son enquête, fit un
rapport très favorable - Mourut à la veille du sacre, le 14 juillet 1429.
GIAC. - (Pierre de) - Né en 1380, mort en 1427 - D'une vieille famille
d'Auvergne, il fut mêlé aux intrigues de la Cour d'Isabeau de Bavière,
dont sa femme était dame d'honneur - Elle était, en même temps,
maîtresse de Jean sans Peur - Après l'assassinat de ce dernier, Giac et sa
femme prêtèrent serment au Dauphin - Giac jouit bientôt de la plus
grande influence sur ce prince - Il porta, de ce fait, ombrage à La
Trémoille, qui avec l'aide du connétable de Richemont, le fit arrêter,
juger, enfermer dans un sac et jeter dans la rivière à Moulins - La
Trémoille épousa sa veuve et se fâcha avec le connétable de Richemont.
GIRESME. - (Nicolas de) - Commandeur de Saint-Jean-de-Jérusalem Compagnon de Jeanne d'Arc devant Orléans, se distingua à l'attaque des
Tourelles - En avril 1430, accourut au secours de Melun dont les
habitants, encouragés par le voisinage de Jeanne d'Arc, alors à Lagny,
avaient chassé leur garnison bourguignonne et redoutaient une vengeance
de Philippe le Bon, duc de Bourgogne.
GLASDALL (Le Chevalier) - Officier anglais, célèbre par sa bravoure - Fut
tué devant Orléans.
GONTAUT. - (Richard de) - Compagnon de Jeanne d'Arc, chef de troupes Se distingua à, l'attaque des Tourelles devant Orléans.
GRANVILLE. - (Bâtard de) - Officier anglais - Combattant
devant Orléans, c'est à lui que Jeanne s'adressa verbalement,
162
invitant les Anglais à se rendre - Granville répondit par des injures.
GRASSET. - (Perrinet) - Aventurier bourguignon, arrivé à la Noblesse et à
un poste avancé par sa bravoure et son audace - Gouverneur de La
Charité-sur-Loire pour le compte du duc de Bourgogne – S'empara, un
jour du sire de La Trémoille, bien que celui fût muni d'un «, laissezpasser » signé de Philippe le Bon et le retint en prison jusqu'au paiement
d'une forte rançon.
GRAVERENT. - (Maître Jean) - De l'ordre de saint Dominique - inquisiteur
de France, reçut le 26 mai 1430, de Louis de Luxembourg, chancelier de
l'Université de Paris pour les Anglais, l'ordre de déférer Jeanne d'Arc,
aux tribunaux ecclésiastiques - Soit qu'il fût absent ou qu'il refusât, c'est
son suppléant (Lefourbeur) (voir ce nom) qui signa la sommation.
GRAVILLE. (Sire de) - Un des quatre Grands Seigneurs dits « Otages de la
Sainte-Ampoule », chargés le jour du sacre du Roi à Reims, d'aller
chercher - à l'abbaye de Saint-Denis - la sainte Ampoule - C'était - le
maréchal de Boussac, l'amiral de Culan, les sires de Graville et de Rais.
GRELET. - (Jean) - Chapelain de la cathédrale de Reims - Noua une
intrigue avec le chanoine Honorat (voir ce nom) et Pierre Cauchon, pour
livrer Reims aux Anglais, en mars 1430.
GRES. - (Sir de) - De la suite de Henri VI, roi d'Angleterre, à sa venue en
France en mai 1430. (Voir Norfolk.)
GRESSY. - (Jean) - Receveur général des finances de Philippe le Bon, duc
de Bourgogne.
GUESDON. - (Laurent) - Lieutenant du bailli de Rouen Raoul Le Bouteiller
- Assistait au supplice de Jeanne d'Arc le 30 mai 1431.
GUETIN. . (Richard) - Bailli d'Evreux - Lieutenant de Talbot, général
anglais, en juin 1429.
GUILLAUME. - (Seigneur de Châtillon et de la Ferté-en-Ponthieu) Officier
Anglais
Gouverneur
de
Reims
avant
le
sacre. Affidé de Jean de Luxembourg, il était secondé
163
par deux tristes adjoints : Jean Cauchon, frère de l'Evêque, et Thomas de
Bazoches.
GUINOT. - (Auffroy) - Courrier de Jean VI, duc de Bretagne - Ce dernier
l'envoya porter des présents à Jeanne d'Arc, après la délivrance
d'Orléans.
GUITRY. - (Sire de) -,De la Maison de Jeanne d'Arc – Prit part à l'attaque
des Tourelles, devant Orléans.
GUYENNE. - Héraut d'armes de Jeanne d'Arc - Il fut envoyé par celle -ci
porter un ultimatum aux Anglais qui le gardèrent prisonnier dans une de
leurs bastides - Après la retraite des Anglais, les Français le délivrèrent.
H
HAITON. - (Guillaume) - Secrétaire des Commandements du Roi
d'Angleterre - Assistait, comme correspondant, à toutes les séances du
procès de Jeanne d'Arc, à charge de rendre compte à son maître.
HALLOT. - (Jean) - Sergent - Faisait partie des renforts envoyés par la ville
d'Orléans à Jeanne d'Arc pour le siège de La Charité-sur-Loire.
HARCOURT. (Christophe d') - Seigneur de la Cour de Charles VII Membre du Conseil royal.
HEBERT. - Recteur de l'Université de Paris - Affilié aux Anglais - Connu
pour sa lettre au roi d'Angleterre Henri VI, lui demandant que Jeanne
d'Arc soit jugée à Paris et non à Rouen - Cette lettre, en date du 21
novembre 1430, était doublée d'une seconde du même jour, adressée à
l'évêque Pierre Cauchon (même demande).
HEBERT. - Secrétaire du Grand Inquisiteur de France, contresigna la
sommation envoyée, le 26 mai 1430 à Philippe le Bon, de déférer Jeanne
d'Arc aux tribunaux ecclésiastiques.
HELLANDE.- - (Antoine de) - Seigneur de Hercanville - Neveu de
Regnault de Chartres, archevêque de Reims, pontife consécrateur du Roi
- Dut à cette parenté d'être nommé Gouverneur de Reims, après le sacre.
HEN. - (Comte de) - De la suite de Henri VI, roi d'Angleterre, à sa venue en
@ce en mai 1430.
164
HENNECOURT. - (Julien) - Compagnon fidèle de Jeanne d'Arc à son
départ de Vaucouleurs - L'accompagna jusqu'à Chinon.
HENNECOURT. - (Jean) - Frère du précédent - Accompagna Jeanne d'Arc
de Vaucouleurs à Chinon.
HENRI VI. - Agé de neuf ans - Couronné le 6 novembre 1429 roi
d'Angleterre - Le 20 décembre suivant, une circulaire annonçait son
arrivée en France et son intronisation à Saint-Denis comme roi de
France.
HERMINE. - Courrier du duc de Bretagne - Accompagnait le Frère Yves
Milbeau, envoyé par le duc à Jeanne d'Arc en juin 1429 - (Voir Milbeau).
HERMITE. - (Pierre L') - Prêtre attaché au service religieux de Charles VII
- Confesseur du Roi.
HESTITON. - (Comte de) - De la suite de Henri VI, roi d'Angleterre, à sa
venue en France en mai 1430 - (Voir Norfolk).
HONGUERFORT. - (Sir de) - Officier anglais fait prisonnier avec Talbot à
Patay, par La Hire, le 19 juin 1429.
HONORAT. - (Jean dit La Chambre) – Demeurant à Reims - En
correspondance secrète avec Pierre Cauchon, l'indigne évêque de
Beauvais, également originaire de Reims - Il avait noué avec ce dernier
une intrigue, en vertu de laquelle le chanoine Grelet, chapelain de la
cathédrale, devait ouvrir à l'ennemi les portes de Reims - Une sentence
datée du 2 mars 1430 condamna le chanoine à la détention perpétuelle (Voir Grelet).
HOUPPEVILLE. - (Nicolas de) - Maître ès-arts et bachelier en Théologie Assesseur près le Tribunal de Rouen - Au procès de Jeanne d'Arc, outré
de la partialité contre Jeanne d'Arc, du président Pierre Cauchon, le lui
reprocha vivement - Pierre Cauchon ne lui pardonna jamais, il réussit
même un moment à le faire emprisonner.
HUMIERES. - (d') - Liégeois (officier Bourguignon) - Armé chevalier le 15
août 1429, par ordre du duc de Bedfort, la veille d'un combat livré à une
demi-lieue de Senlis, près du village de N.-D.-de-la-Victoire, sur les
bords de la Nonette - A ce combat, La Trémoille, désarçonné, ne dut la
vie qu'à une vigoureuse contre-attaque de Jeanne d'Arc.
165
I
ILLIERS. - (Florent d') - Compagnon de Jeanne d'Arc à Orléans.
ISLE-ADAM. - (Jean de Villiers de L') - Gouverneur de Paris pour les
Anglais, par intérim, lors des absences du duc de Bedfort.
J
JACQUES. - (Frère) de l'ordre des Cordeliers - Faisait partie de la troupe de
renfort envoyée à Jeanne d'Arc par la ville d'Orléans, pour le siège de La
Charité-sur-Loire.
JAILLE - (Sire de) - Héraut d'armes - Courrier de Charles VII.
JOLIVET. - (Robert) - Abbé du Mont-Saint-Michel - Traître à la France,
avait résolu de livrer cette forteresse aux Anglais.
JUGES AU TRIBUNAL DE ROUEN. - Tous choisis par Pierre Cauchon.
- Pierre CAUCHON, président (voir ce nom).
- Gilles de DUREMONT, abbé de La Sainte-Trinité, à Fécamp, docteur
en Théologie.
- NICOLAS, abbé de Jumièges, docteur en Droit canon.
- PIERRE, prieur de Longueville, Docteur en Théologie.
- Raoul ROUSSEL, trésorier de l'Eglise de Rouen - Docteur en Droit
civil et canonique.
- Nicolas de VENIERES, archidiacre d'Eu, licencié en Droit canon.
- Robert BARBIER, licencié en Droit civil et canonique.
- Nicolas COPPEQUESNE, bachelier en Théologie.
- Nicolas LAPELEUR, maître ès-arts.
- Jean d'ESTIVET, surnommé « Bénédicite », chanoine de Bayeux et de
Beauvais, procureur chargé de soutenir l'accusation.
- Jean de LA FONTAINE, maître ès-arts, licencié en Droit canon, chargé
de l'instruction de l'affaire.
GREFFIER :
Guillaume MANCHON, de la Curie archiépiscopale.
EXECUTEUR DES MANDEMENTS :
Jean MASSIEU, doyen de la cathédrale de Rouen.
166
K
KERMOISAN. - (Tudmal de) - Gentilhomme breton - Compagnon de
Jeanne d'Arc, dans la marche sur Reims.
L
LADVENU. – (Martin) - Moine Dominicain, assista et confessa Jeanne
d'Arc dans. sa prison, à l'aube du 30 mai 1431, jour de son exécution Etait accompagné du moine Toutmouillé (voir ce nom) qui lui donna la
sainte communion.
LA HIRE. - (Etienne de VIGNOLLES, dit), le brave des braves, dut son
surnom : La Hire (la colère) à sa vivacité - Un des plus fidèles
compagnons de Jeanne d'Arc - Quand il vit le Roi, sous la funeste
influence de La Trémoille, cherchant à négocier plutôt qu'à combattre, La
Hire fit la guerre de partisans, comme le duc d'Alençon et le connétable
de Richemont - Il fit tous ses efforts pour délivrer Jeanne d'Arc
prisonnière - En 1430, il s'empara de Louviers, ayant Rouen en
perspective - Après le bûcher de Rouen, continua, une guerre acharnée
aux Anglais, jusqu'à sa mort, survenue en 1443.
LAMI. - Maître de l'Université de Paris - Arriva à Rouen le 3 mars 1431,
pour prendre rang parmi les assesseurs près le Tribunal chargé de juger
Jeanne d'Arc.
LANNOY. - (Hue de) -Guerrier picard très attaché à l'Angleterre - Félicité
par le duc de Bedfort à l'affaire de Montepilloy - Devint conseiller intime
de Philippe le Bon - Auteur d'un mémoire adressé aux Anglais, suggérant
de gagner à leur cause le duc de Bretagne, le connétable de Richemont,
afin de pouvoir attaquer Charles VII sur tous les fronts à la fois.
LAVAL. - (Comtesse de) - Mariée en premières noces au comte de Laval,
elle en eut deux enfants : Guy et André - Devenue veuve, elle épousa le
connétable Duguesclin, lui-même veuf de Tiphaine de Raguenel, célèbre
par ses connaissances en astrologie - Elle se retirait au Mont SaintMichel pour faire ses expériences.
LAVAL. - (Guy et André de) - Fils de la comtesse de Laval, deuxième
femme de Duguesclin - Jeanne d'Arc les attache à sa personne, en
mémoire du grand Connétable disparu.
167
LEFEVRE - (Simon) - Notable de Compiègne - (Voir Délégation).
LEFOURBEUR. - Secrétaire du Grand Inquisiteur de France, Maître
Graverent (voir ce nom) - Etablit la sommation envoyée, par son chef, le
26 mai 1430, au duc de Bourgogne, de déférer Jeanne d'Arc aux
Tribunaux ecclésiastiques.
LEMAISTRE. - (Husson) - Député par Charles VII le 31 juillet 1429 près
de Jeanne d'Arc à Château-Thierry, pour lui faire part de la décision
royale, exemptant, à perpétuité, les villes de Domremy et Greux, patrie
de Jeanne, de tous impôts.
LEMAITRE. - (Jean) - Vice-inquisiteur de France - Le Grand Inquisiteur,
Maître Greverent, s'étant excusé, dut le remplacer comme membre du
Tribunal de Rouen, chargé de juger Jeanne d'Arc - Quoique certain de
l'innocence de l'accusée, fit preuve de la plus grande pusillanimité et de
la non moins grande servitude aux ordres de Pierre Cauchon, président
du Tribunal.
LEPARMENTIER. . - Bourreau de Rouen - Le 9 mai 1431, se tenait, avec
son aide, dans le donjon du château de Rouen, prêt à appliquer la torture
à Jeanne d'Arc, en présence du Tribunal - Sur les douze assesseurs
présents, trois votèrent pour ce supplice (Morel, Courcelles et
Loyseleur), les neuf autres théologiens votèrent contre, ainsi que
l'Anglais Hatton, correspondant de S.M.
LOHEAC. - (Sire de) - Compagnon de Jeanne d'Arc - Capitaine détaché près
de Dunois.
LOHIER. - (Jean) - Prêtre normand, de passage à Rouen, se rendant à Rome
- Maître célèbre en Droit canon, ses avis faisaient autorité - Pierre
Cauchon le fit appeler et lui prescrivit, sous menace de mort de donner,
au sujet du procès de Jeanne d'Arc, une opinion contre l'accusée L'affaire étudiée, Jean Lohier n'hésita pas à conclure que « ce procès ne
valait rien, qu'il le blâmait, le trouvant injuste et vicié, par conséquent de
nulle valeur ».
LORRAINE. - Courrier de Philippe le Bon, envoyé au duc de Bretagne, le
23 mai 1430, pour lui annoncer la prise de Jeanne d'Arc, au combat de La
Chaussée-de-Margny, devant Compiè gne, à six heures du soir.
LORRAINE.
-
(Jean)
-
Artilleur
célèbre
par
son
adresse -
168
Très estimé de Jeanne d'Arc qui s'intéressait beaucoup à le voir pointer
ses pièces.
LORE. - (Sire Ambroise de) - Attaché à la Maison de la duchesse Yolande
d'Aragon, reine de Sicile - Fut mis à la disposition de Jeanne d'Arc à
Orléans - Commandait le gros de l'armée à la prise de Troyes (10 juillet
1429, marche sur Reims) - Confirmé dans toutes ses prérogatives en
septembre 1429 et nommé gouverneur de Lagny-sur-Marne, avec Jean
Foucault comme adjoint (voir ce nom) - Combattit vaillamment à
Jargeau et à, Patay - Après la mort de Jeanne d'Arc continua à servir Mourut en 1446.
LUDE. - (Sire de) - Officier attaché à la personne du duc d'Alençon - Il fut
tué à Jargeau, en prenant la place que venait de quitter le Duc.
LUXEMBOURG. - (Jean de) - Sire de Beaurevoir - Officier de la Cour de
Bourgogne - Plénipotentiaire, fit partie - entre autres - de la deuxième
conférence tenue à Compiègne, le 21 août 1429 (voir Cayeux, Hugues
de) qui aboutit le 27 août à un armistice signé le lendemain, 28 août Commandait les troupes devant Compiègne, à la Chaussée-de-Margny
qui firent Jeanne d'Arc prisonnière, le 23 mai 1430 - Alla la voir plus tard
à Rouen, dans sa prison.
LUXEMBOURG. - (Louis de) - Evêque de Thérouanne et chancelier de
France pour l'Angleterre - C'est lui qui, après la chute de Saint-Denis
n'hésita pas à s'emparer, dans la basilique de Saint-Denis, de l'armure de
Jeanne d'Arc qu'elle y avait laissée en ex-voto - « Pur sacrilège »dit le
Chroniqueur, qui raconte le fait.
M
MACHET. - (Gérard) - Prêtre, confesseur de Charles VII - Conseiller très
écouté du Roi, fut chargé après l'entrevue de Chinon, de faire une
enquête sur la jeune inspirée - Son enquête fut favorable et « conclua
qu'elle fut envoyée ».
MACON. - (Jean de) - Chanoine de la cathédrale d'Orléans - Vieillard de 70
ans - Professeur à l'Université et auteur d'ouvrages remarquables qui
nous sont parvenus.
MACY.
-
(Chevalier
Aymond
de)
-
Officier
bourguignon
-
169
Accompagnait Jean de Luxembourg, lors de sa visite à Jeanne d'Arc,
dans la prison de Rouen
MAHY. - (Jean) - De l'Ordre des Carmes - Prêcheur à la cathédrale
d'Orléans.
MAIGNELAY. - (Tristan de) - Gouverneur pour le Roi de F'rance de
Gournay-sur-Aronde, près de Montdidier - Assiégé, le 22 avril 1430, par
le duc de Bourgogne et sommé de se rendre, répondit qu'il consentirait à
capituler le 1er août suivant si, à cette époque, il n'avait pas été secouru
par Charles VII - Fait, plus bizarre encore, le duc de Bourgogne, très
pressé d'autre part, accepta, cette proposition et leva le siège.
MAILLY. - (Jean de) - Evêque de Noyon - Gagné à la cause anglaise Après la perte d'Orléans et devant les hésitations du duc de Bourgogne de
continuer la campagne, fut choisi comme chef de l'ambassade que
Bedfort envoya au duc pour resserrer l'alliance anglo-bourguignonne Réussit à persuader le duc.
MAILLY. - (de) - Membre de la, Maison de Charles VII - Présent au sacre
de Reims.
MALLIERES. - Secrétaire de Charles VII - Signa, par décision royale, l'acte
d'anoblissement de la famille d'Arc, en décembre 1429, à Meung-surYèvre - (Voir Agrelle).
MANTES. - (Bailli de) - Officier anglais - Un des défenseurs des Tourelles,
en mai 1429, au siège d'Orléans.
MARC. - (Rémond) - Drapier à Paris - Au début de juillet 1429, à la suite de
troubles contre les Anglais fut nommé Echevin par ceux-ci.
MARCHE. - (Sire de La) - Emule du connétable de Richemont, écarté,
comme lui de la Cour, par la jalousie, de La Trémoille - Fit, à l'exemple
du Connétable, la guerre de partisans.
MASQUEREAU. - (Le Bourg de), de la Maison d;e Jeanne d'Arc - Présent à
l'affaire des Tourelles devant Orléans, en mai 1429.
MASSIEU. - Huissier audiencier près le Tribunal,, de Rouen, chargé de
juger Jeanne d'Arc - Le 20 février 1421, donna à l'accusée lecture d'une
citation à comparaître le lendemain, huit heures, dans la chapelle du
château, pour s'expliquer sur l'accusation d'hérésie - En son privé, était
très favorable à Jeanne d'Arc.
170
MASSON. - (Robert Le) - Seigneur de Trèves, conseiller de Charles VII Au siège de Troyes - du 5 au 9 juillet 1429 - prit le parti de Jeanne d'Arc
contre les partisans de l'abandon du siège - La ville capitule le 10 juillet.
MATAGO. - Officier anglais, lieutenant de Talbot - En 1429, était
gouverneur de Beaugency.
MEDECINS DE ROUEN. - Chargés par Pierre Cauchon, Président du
Tribunal de Rouen, de visiter, dans sa prison, Jeanne d'Arc malade.
- Guillaume de LA CHAMBRE et Jean TIPHAINE, professeurs à
l'Université de Paris.
- Guillaume DESJARDINS, médecin.
Ces médecins avaient reçu de Warvick, les instructions suivantes : « Le
Roi tient absolument à ce que Jeanne d'Arc meure sur le bûcher et non de
maladie. »
METZ. - (Jean de), de son vrai nom : Jean de NOUILLONPONT, originaire
de Metz - Compagnon de Jeanne de Vaucouleurs, à Chinon.
MEULAN. - (Philibert) - Officier anglais de la garnison de Troyes, prise par Jeanne d'Arc, le 9 juillet, au cours de la marche sur Reims (1429) Elle accorda à la garnison les honneurs de la guerre, après avoir exigé la
remise des prisonniers français, que les Anglais voulaient emmener avec
eux.
MIDI. - (Nicolas) - Auteur, avec Thomas de Courcelles d'un factum odieux
en douze articles contre Jeanne d'Arc, prisonnière – C'est lui qui - à
Jeanne d'Arc sur son bûcher, attendant qu'on y mît le feu - donna lecture,
très lentement de la sentence la condamnant - Peu de jours après le
supplice, il était brusquement emporté par une attaque foudroyante de
lèpre.
MILAN. - (Philippe-Ange-Marie duc de) - Ordonna une enquête très
sérieuse sur Jeanne d'Arc, au moment de la libération d'Orléans.
MILBEAU. - (Frère Yves) - Confesseur du duc de Bretagne - Il fut envoyé
par le duc à Jeanne d'Arc, pour la féliciter de la délivrance d'Orléans et
lui offrir son concours.
MILET. - Secrétaire de Philippe le Bon - Le 23 mai 1430 à Coudun, prés de
Compiègne, rédigea pour le duc la lettre aux habitants de Saint-Quentinen-Vermandois, leur annonçant la capture de Jeanne d'Arc.
171
MOLYN. - (Guillaume) - Capitaine anglais, commandant le Fort des
Tourelles devant Orléans Résista vigoureusement aux attaques de Jeanne
d'Arc Celle -ci fut blessée et n'emporta le fort qu'après plusieurs assauts
précédés d'un violent bombardement.
MONTAUBAN. - (Robert de) Lieutenant du connétable de Richemont.
MONTBAZON. - (Colin de) Célèbre maître armurier de Tours - Reçut du
Roi l'ordre de fabriquer une armure destinée à Jeanne d'Arc. sauf l'épée Jeanne avait indiqué que « le Ciel y avait pourvu et qu'on trouverait cette
arme dans l'église de Sainte-Catherine-de-Fierbois, derrière le maîtreautel » - On fit des fouilles et on la trouva - Certaines chroniques
prétendent que cette épée avait appartenu à Charlemagne.
MONTGOMMERY. - (Sire de) - Gouverneur bourguignon de Pontl'Evéque-sur-Oise.
MONTJEU. - (Philibert) - Evêque de Coutances – Créature des Anglais Adversaire farouche de Jeanne d'Arc.
MONTJOYE. - Héraut d'armes de Charles VII - Fut chargé de se rendre à
Châlons et de sommer la ville de faire sa soumission, ce qui eut lieu - Le
9 août 1429, même mission pour Compiègne, même résultat.
MONTMORENCY. - (Baron de) - Servait la cause anglaise dans Paris - A
l'attaque de la capitale par la Pucelle, au soir du jour où elle fut blessée,
Montmorency sortit de Paris la nuit et se rendit au camp français avec sa
troupe. Ce fut un appoint précieux pour Jeanne d'Arc, malheureusement
rendu inutile par les intrigues de le Trémoille, qui trahissait déjà.
MONSTRELET. - (Enguerrand de) - Chroniqueur do Philippe le Bon, duc
de Bourgogne - A laissé de nombreuses chroniques très documentées On lui reproche sa partialité, par courtisanerie envers son maître.
MOREL. - Religieux Jacobin - (Voir : délégation).
MORY. - (Aimond de) - officier bourguignon, âgé de trente ans - Chargé de
la garde de Jeanne d'Arc, au château de Beaurevoir, voulut la violenter Celle-ci, affolée, essaya de s'évader - Elle tomba d'une hauteur de 60
pieds et se blessa grièvement.
172
N
NAVIEL - (Jean) - Clerc des Elus de Tournai et du procureur général - Fut
envoyé par eux à Arras où Jeanne d'Arc, prisonnière, était de passage - Il
était chargé de lui remettre un secours de- vingt-deux couronnes d'or. ,
NESLE. - (Blanche de) - Mère du chancelier Regnault de Chartres,
archevêque de Reims, prélat consécrateur de Charles VII - Veuve, en
première noces d'un Raoul de Flavy.
NEUFVILLE. - (Colin de) - Poissonnier - Nommé Echevin de Paris par les
Anglais, au début de 1429, en raison d'un soulèvement populaire contre
le gouvernement britannique.
NORFOLK. - (Duc Honard de) - De la Cour du jeune roi d'Angleterre Henri
VI, à sa venue en France, en mai 1430.
NOYELLES. - (Baudot de) Chef bourguignon - Commandant en mai 1430,
les troupes placées à Margny, à un kilomètre du Pont de Compiègne.
O
ORANGE. - (Prince d') - A l'instigation du duc de Bourgogne, envahit le
Dauphiné - Le Gouverneur de cette place pour Charles VII, le sire de
Gaucourt, lui infligea, le 11 juin 1429, près du château d'Authon, une
sanglante défaite, lui tuant plus de trois mille chevaliers - (Voir
Gaucourt).
ORBEC. - (d') - Capitaine au service de Philippe le Bon – Tué à
Montepilloy, devant Compiègne, le 14 août 1429.
ORLEANS. - (Jean, duc d') dit le Bâtard d'Orléans - Comte de Dunois-deLongueville, etc... - Fils naturel de Louis d'Orléans et de Mariette
d'Enghien, dite « La Dame de Canny » - Attaché en 1421 à la personne
du Dauphin Charles, futur Charles VII, il demeura toujours fidèle à la
cause royale - Il défendait Orléans, quand Jeanne d'Arc vint délivrer la
ville
du
siège
Resta,
sans
réserve,
dévoué et soumis à la Pucelle - Après la mort de
celle-ci, continua son oeuvre - Il mourut en 1468, laissant un fils
173
François, dont sortirent les dues de Longueville et la famille actuelle de
ce nom.
ORLEANS. - (Charles d') - Duc d'Orléans et de Valois, comte de Blois et de
Beaumont, seigneur de Coucy - Grand a,dmirateur de Jeanne d'Arc, il lui
envoya de Londres, où il était retenu prisonnier par les Anglais, des dons
somptueux pour qu'elle se vêtît richement.
ORLEANS. - (Jeanne d') - Epouse du duc d'Alençon, amie intime de Jeanne
d'Arc - Celle-ci lui promit, au château de Saint-Florent, après la prise
d'Orléans, de veiller sur son époux et de le ramener, sain et sauf des
combats.
OURS. - (Jacquet-Guillaume, seigneur d') - Patriote parisien très dévoué au
parti national - Impliqué dans la conjuration du Carme Pierre d'Allée
(voir ce nom) pour ouvrir les portes de Paris à Jeanne d'Arc, il fut arrêté
et exécuté.
P
PAQUEREL. - (Frère) - Moine Augustin de la résidence de Tours - Saint
religieux, fut choisi par Isabelle Romée, mère de Jeanne d'Arc, comme
guide spirituel de sa fille - Il ne quitta jamais sa jeune pénitente, prit part
à, tous ses combats et fut toujours son principal aumônier.
PARTADA. - (Alphonse de) - Valeureux guerrier, originaire d'Espagne - Se
distingua, à, l'attaque de La Bastide des Augustins, devant Orléans.
PETIT. - (Gérard) - Membre du Conseil d'Enquête réuni par Jean de
Torcenay (voir ce nom) pour enquêter sur l'enfance de Jeanne d'Arc - Le
rapport de Petit, étant en tout favorable, valut à son auteur le s pires
reproches.
PIERRE. - (Isambart de La) - Attaché eu vice-inquisiteur Jean Lemaitre Accompagna Pierre Cauchon, le 12 mars 1431, à la prison de Jeanne
d'Are pour un interrogatoire - Son impartialité le fit menacer de mort par
Pierre Cauchon.
PIERRONE. - (dite PERRENAIC) - Jeune Bretonne très attachée à Jeanne
d'Arc qui l'aimait beaucoup. Envoyée en mission secrète à Paris, elle fut
faite prisonnière et brûlée vive par les Anglais, parce qu'elle témoignait
des vertus de l'héroïne nationale.
174
PILAS. - (Jean) - Maître d'écuries à Orléans - En janvier 1430, logea les
chevaux de Jeanne d'Arc le 9 juillet 1429.
PLANCY. - (Sir de) - Officier anglais de la garnison de Troyes, prise par
Jeanne d'Arc le 9 juillet 1429.
POITEVIN. - (Jehan Le) - Chef nautonnier sur la Loire - Conduisant les
chalands, porteurs du matériel de guerre de Jeanne d'Arc, se dirigeant
vers Orléans.
POLNOIR. - (Hermès) - Artiste tourangeau, peignit l'étendard de Jeanne
d'Arc - Reconnaissante , Jeanne dota sa fille, Heliette, de cent écus d'or,
qu'elle-même avait reçus de la ville de Tours.
PONYNGS. - (Sir de) - Officier anglais de la défense du Fort des Tourelles à
Orléans, qui fut pris par Jeanne d'Arc, en mai 1429.
PORTEREAU. - Chef nautonnier sur la Loire - Conduisait des chalands sur
le fleuve, porteurs de matériel de guerre destiné à l'armée de Jeanne
d'Arc pour l'attaque d'Orléans.
PORTUGAL. - (Isabelle de) - Mariée à Philippe le Bon, duc de Bourgogne,
le 10 janvier 1430 - A l'occasion de ce mariage, le Sire de Gaucourt,
représentant du roi Charles VII, signa le 18 décembre 1429, à Bruges,
une convention prolongeant la trêve, pour un mois, qui expirait à Noël Il faut chercher encore un des motifs d'une seconde prolongation de la
trêve, par acte du 29 janvier 1430 - On l'étendit ensuite une troisième
fois, jusqu'aux fêtes de Pâques - C'est à ce mariage que fut institué un
nouvel ordre de Chevalerie qui reçut le nom de « La Toison d'O,r »,
allusion à la chevelure dorée de l'une des maîtresses du Prince.
POULENGY. - (Bertrand de) - Officier de la suite de Baudricourt, capitaine
de Vaucouleurs – C'est lui qui présenta Jeanne d'Arc et se fit son
protecteur - Il l'accompagna ensuite jusqu'à Chinon.
POULENGY. - (Robert de) - Frère du précédent - Au service de Robert de
Baudricourt, capitaine de Vaucouleurs.
POULIGNY. - (René de) - Trésorier de Charles VII - Il avait
reçu ordre de pourvoir à tous les besoins financiers de la
175
Maison militaire de Jeanne d'Arc - On trouve entre autres, un versement
à celle -ci de 243 livres tournois en grosse monnaie, et de 30 ducats d'or.
PRESSY. - (Jean de) - Receveur des Finances de Philippe le Bon, duc de
Bourgogne - Etant gouverneur d'Arras, lors du passage dans cette ville,
de Jeanne d'Arc, prisonnière, voulut remplir lui-même, les formalités
d'écrou, la captive représentant pour le duc, une valeur de 10.000 écus
d'or - Au cours du procès de Rouen, fit tous ses efforts pour éviter à la
pauvre accusée une condamnation à mort.
PUIS. - (Du) - Valeureux chef lorrain lieutenant de Robert de Sarrebruck (Voir ce nom).
Q
QUEUVILLE. - (Nïcolas de) - Chancelier de l'église d'Amiens - Détenu
prisonnier au château du Crotoy, en même temps que Jeanne d'Arc, la
secourut dans la mesure de moyens et en fit, plus tard, le plus grand
éloge.
QUILI,ET. - (Thomas) - Attorney de Compiègne - (Voir Attorney).
R
RABATEAU. - (Maître Jean) - Sire de Mortemer, citoyen d'Orléans Assistait à un banquet officiel offert à Jeanne d'Arc par la ville d'Orléans
lors de son passage en janvier 1430 - Propriétaire à Poitie rs de l'hôtel de
la Rose, il y offrit l'hospitalité à Jeanne d'Arc, en 1429, convoquée, après
l'entrevue de Chinon, à venir s'expliquer devant un aréopage de savants
docteurs, sur l'objet de sa mission.
RAIS. - (Gilles de) ou de RETZ, maréchal de France - Il fut l'un des plus
fidèles compagnons de Jeanne d'Arc et maréchal de France à 25 ans - Il
quitta l'armée, après l'exécution de Jeanne d'Arc et se retira dans son
château de Tiffauges - Son avidité le poussa à toutes sortes de crimes
dont la légende s'empara - Arrêté en 1440 sur ordre du Roi, on trouva
dans
une
tour
de
son
château,
les
ossements de plus de 200 victimes - Il fut jugé et exécuté -
176
C'est lui qui a inspiré à, Perrault son conte de « Barbe-Bleue ».
RAMEE - (Charles de La) - Lieutenant du connétable de Richemont - Se
distingua à l'affaire du pont de Meung-sur-Loire, le 18 juin 1429.
RAMPSTON. - (Sir) - Général anglais et compagnon de Talbot Commandait la retraite anglaise de Beaugency-sur-Patay, le 29 juin
1429.
RAULIN. - (Nicolas) - Secrétaire du duc de Bourgogne qui lui confia le
dépôt du parchemin remis le 14 juillet 1430, par Pierre Cauchon,
demandant la., livraison de Jeanne d'Arc au roi d'Angleterre.
REGNAULT DE CHARTRES. - Evêque de Reims, consécrateur de
Charles VII comme Roi de France - Grand Chancelier de France - Fit
cause commune avec le ministre de La Trémoille dans sa politique
néfaste et ses perfides conseils au Roi - Adversaire juré de Jeanne d'Arc,
la desservit constamment dans l'esprit du monarque - Causa
volontairement sa perte, d'accord avec La Trémoille, en donnant des
instructions secrètes à Guillaume de Flavy, gouverneur de Compiègne Il en résulta la capture de l'héroïne par les Bourguignons à la Chausséede-Margny, sous les murs de Compiègne, le 23 mai 1430.
RENAULT. - (Guillaume) - Gentilhomme de l'armée de Jeanne d'Arc - Fit
prisonnier le comte anglais de Suffolk à la prise de Jargeau - Celui-ci,
admirant le courage de son vainqueur, l'arma chevalier sur le champ de
bataille.
RICHARD Simple archer, compagnon de Jeanne d'Arc à son départ de
Vaucouleurs et jusqu'à Chinon.
RICHARD. - (Frère) - Moine franciscain - En 1429, revenait de Terre Sainte
- Célèbre par ses sermons - Jeanne d'Arc le rencontra à Troyes en juillet
1429 - Il s'attacha à elle et s'en fit l'apôtre.
RICHE. - (Gérard Le) - Attorney de Compiègne - (Voir ce mot).
RICHEMONT. - (Arthur III, due de Bretagne et de Touraine, comte de
Richemont) - Connu surtout sous ce nom qu'il illustra - Retrouvé, criblé
de blessures sous un monceau de cadavres à Azincourt, il partagea,
pendant
quel-
177
ques temps, la captivité du duc d'Orléans à Londres (voir Orléans) Rendu à la liberté et nommé. Connétable en 1424, il lutta contre la
puissance des favoris de Charles VII, ne pensant qu'à, son pays - Il
apporta l'appui de son épée à Jeanne d'Arc, dès la délivrance d'Orléans, à
la veille de la bataille de Patay -Il resta toujours en relation avec elle Quand Charles VII, sous l'influence néfaste de La Trémoille, ne pensa
plus qu'à négocier au lieu de combattre, Richemont, fit la guerre de
partisans - Après la mort de Jeanne d'Arc, continua son oeuvre,
employant ses méthodes - Il contribua ainsi à arracher aux Anglais une
partie de La Guyenne et toute la Normandie - Devenu duc de Bretagne, il
conserva sa charge de Connétable, voulant disait-il, honorer, dans sa
vieillesse une fonction qui avait honoré sa vie - Il mourut, en 1486, à
l'âge de 93 ans.
RICHEVILLE. - (Louis de) - Prieur du couvent des Augustins de Rouen.
RIEUX. - (Pierre de) - Maréchal de France - Arrêté arbitrairement par ordre
de Guillaume de Flavy, Gouverneur de Compiègne, mourut dans les
prisons de cet odieux personnage.
RIFFLAUD. - Conducteur d'artillerie - Etait chargé de l'entretien d'une
grosse bombarde appartenant à la ville d'Orléans.
RINEL. - (Jean de) - Neveu de Pierre Cauchon - Secrétaire du Roi
d'Angleterre - Fut chargé de porter à l'Université de Paris l'invitation de
participer, comme membres du Tribunal, au procès de Jeanne d'Arc,
moyennant de fortes compensations en espèces sonnantes - (Voir
délégués).
RIQUIER. - (Jean) - Prêtre de l'archidiocèse de Rouen - Pendant le procès
de Jeanne d'Arc, était en rapport constant avec les assesseurs de la
Procédure - Son opinion avouée fut : « C'est l'or anglais et la pression
exercée sur les juges qui ont fait tout le mal. »
ROCHEFORT. - (Sir de) - Officier anglais de la garnison de Troyes
assiégée par Jeanne d'Arc Elle se rendit le 9 juillet 1429 et sortit avec les
honneurs de la guerre.
ROCHELLE.- - (Catherine de La) - Prétendue voyante, hallucinée
et intrigante - En novembre 1429 vint trouver Jeanne
d'Arc à Montfaucon-en-Berry. près de Bourges – Jeanne
178
n'eut pas de peine à dévoiler l'imposture, elle se contenta de lui conseiller
de rejoindre son mari et ses enfants.
ROER. - (Sir de) - De la suite de Henri VI, roi d'Angleterre, à sa venue en
France, en mai 1430 - (Voir Norfolk).
ROMEE. - (Isabelle) Epouse de Jacques Darc et mère de Jeanne - Elle
s'attacha avec tendresse à donner à ses enfants, et tout particulièrement, à
sa Jeannette, une éducation parfaite - A cette dernière, sa benjamine, elle
désigna quatre parrains, répondant tous au nom de Jean, et huit
marraines, dont une s'appelait Jeanne et trois Jeannette - Ce fut ce
prénom que reçut la petite fille et nul à Domremy ne la désigna jamais
autrement.
ROSTRENEN. - (Sire de) - Envoyé de Jean VI, duc de Bretagne, porter des
présents à Jeanne d'Arc pour la délivrance d'Orléans.
ROUSSEL. - (Colas) - Originaire de Vierzon - Faisait partie des troupes
chargées de s'emparer, sous les ordres de Jeanne d'Arc, de la forteresse
de Saint-Pierre-le-Moutier - Avancée de La Charité-sur-Loire.
RUBE. - (Maître Jean) - Chanoine de Rouen – C'est chez lui que Pierre
Cauchon, président du Tribunal, chargé de juger Jeanne d'Arc, élut
domicile pendant toute la durée du procès.
S
SABREVOIS. - Maître de l'Université de Paris, arriva à Rouen le 23 février
1431 pour prendre rang parmi les assesseurs près le Tribunal chargé de
juger Jeanne d'Arc.
SAINT-AVIT. - (Jean de) - Evêque d'Avranches - Interrogé, lors du procès
de Rouen, répondit qu'une affaire aussi grave ne pouvait relever que du
Pontife de Rome, Notre Saint-Père le Pape.
SAINT-GILLES. - (Guillaume de) - Officier servant sous les ordres du
connétable de Richemont.
SAINT-POL. - (Bâtard de) - Chef Picard du parti bourguignon, gouverneur
de Meaux - Armé chevalier par le duc de Bedfort, le 15 août 1429.
179
SAINT-SEVERE. - (Maréchal de) - Chef d'un convoi de ravitaillement pour
Orléans, destiné à Jeanne d'Arc. Resta attaché à celle -ci et combattit près
d'elle pendant toute la marche sur Reims - Après le sacre de Charles VII,
fut nommé Maréchal de France - (Voir Boussac).
SAINT-VALIER. - (Sire de) - Chef de Compagnie dans l'armée de Jeanne
d'Arc devant Paris - A l'attaque de la Porte Saint-Honoré, il enleva le
boulevard, mit le feu aux barrières et à la porte, exploit qui eût amené la
chute de la Capitale, si un ordre formel de retraite donné par le Roi, à
l'instigation de La Trémoille, n'était venu tout compromettre.
SALISBURY. - (Comte de) Général commandant l'armée anglaise devant
Orléans au début du siège - Il fut tué, en octobre 1428, avant l'arrivée de
Jeanne d'Arc.
SALVART. - (Jean dit Jeannon) - Entrepreneur chargé de l'entretien du
château de Rouen où était enfermée Jeanne d'Arc - C'est lui qui
construisit la cage de fer où l'on mit, plusieurs fois, la pauvre prisonnière.
Cette cage était disposée de telle façon que la station debout y était seule
possible - C'est ainsi encagée que Jeanne d'Arc fut présentée, par le duc
de Bedfort lui-même, au jeune roi d'Angleterre, Henri VI, âgé de neuf
ans, lors de son passage à Rouen.
SANGUIN. - (Guillaume) - Prévôt des Marchands de Paris - Nommé à ce
poste par les Anglais au début de juillet 1429, à la suite de troubles.
SARREBRUCK. - (Robert de) - Célèbre damoiseau de Commercy ayant des
intérêts sur la forteresse de Montaigu dans le Laonnais - A la nouvelle
que Jeanne d'Arc guerroyait du côté de Montdidier et de Beauvais, et
soulevé par un élan de patriotisme, il forma une forte colonne d'artillerie
(bombardes, couleuvrines et veuglaires) et se porta au secours de
Gournay-sur-Aronde, assiégée par le duc de Bourgogne (avril 1430).
SAUVAGE. - (Raoul) - Dominicain - Requit devant le Tribunal de Rouen
que la cause de Jeanne d'Arc fût soumise au Souverain Pontife - Sa
requête n'eut pas de suite.
SAVEUSE, gouverneur
Officier anglais adjoint au seigneur de Châtillon,
de Reims pour les Anglais avant l'arrivée
180
de Jeanne d'Arc - Celle-ci s'empara de la ville et assista au sacre de
Charles VII.
SAVORE. - Simple garde - Son nom figure parmi les troupes de renforts
envoyées à Jeanne d'Arc par la ville d'Orléans pour faire le siège de La
Charité-sur-Loire.
SCALES. - (Sir de) - Général anglais, compagnon de Talbot -Commandait
devant Orléans, puis à Beaugency.
SCOT. - (Thomas) - Chevaucheur des écuries de Charles VII - Le 27 juillet
1429, il fut envoyé, à Tours, comme courrier royal, annoncer le sacre du
Roi - A cette occasion, il reçut de la Ville une récompense de huit livres
tournois.
STAFFORT. - (Comte de) - De la Cour de Henri VI, roi d'Angleterre (voir
Norfolk) - Rendit visite à Jeanne d'Arc dans sa prison de Rouen - Irrité
des propos de la jeune fille, fit le geste de tirer son épée, pour la frapper.
STANFORT. - (Bertaut) - Bourgeois de Compiègne – Député près de
Charles VII.
SUFFOLK. - Célèbre général anglais - Un des principaux chefs devant
Orléans - Commandait les forces anglaises à l'affaire de Jargeau - Il y fut
fait prisonnier par Guillaume Renault, gentilhomme de la suite de Jeanne
d'Arc - Admirant le, courage et la courtoisie de son vainqueur, Il l'arma
Chevalier sur le champ de bataille.
T
TALBOT. - (John) - Premier comte de Shrewsbury - Chef anglais de grande
valeur - Fit la campagne de France, à partir de 1419,. allant de -succès en
succès - Devint gouverneur de l'Anjou et du Maine - Au siège d'Orléans,
il fut un des principaux adversaires de Jeanne d'Arc - Battu à Patay par
La Hire, il fut fait prisonnier par les hommes de Xaintrailles - En 1433, il
fut échangé contre ce dernier, fait prisonnier, à son tour - Il retourna
combattre en France - Il mourut en 1453.
THERMES. - (Simon de) - Lieutenant écuyer du capitaine
de Montclair - Chargé par Jean de Torcenay (voir ce nom), bailli
181
de Chaumont, d'enquêter en Lorraine sur la jeunesse de Jeanne d'Arc, fit
sur elle un rapport des plus élogieux, confirmant ceux des autres
enquêteurs.
THIAN. - (Bâtard de) - Officier anglais des troupes de Falstaff - Combattant
à Patay, le 19 juin 1429, réussit à s'échapper avec Falstaff et à gagner
Etampes, puis Corbeil.
THILLAY. - (Jamet de) - De la, Maison de Jeanne d'Arc - Se distingua
devant la bastide de Paris pour la délivrance d'Orléans, en mai 1429.
THIERACHE. - (Geoffroy) - Bourreau de Rouen chargé de l'exécution de
Jeanne d'Arc le 30 mai 1430 - Après le supplice, retrouva le coeur intact,
il ne put réussir à le consumer et le jeta à la Seine avec les cendres D'après certains chroniqueurs, il se serait enfui épouvante, et réfugié au
couvent des Dominicains, ne cessant de répéter : « Jamais je n'obtiendrai
le pardon de Dieu, car j'ai brûlé une sainte femme ».
THIERRY. - (Nicolas) - Chirurgien de Charles VII - Doyen de Mehun-surYèvres - Faisait partie des troupes chargées, sous les ordres de Jeanne
d'Arc, de s'emparer de Saint-Pierre-de-Moutiers, forteresse avancée de
La Charité-sur-Loire.
TORCENAY. - (Jean de) - Bailli de Chaumont, pour le roi d'Angleterre Sur commission rogatoire, rédigée par Pierre Cauchon, président du
Tribunal de Rouen, il fit faire une enquête au pays natal de Jeanne d'Arc,
sur sa vie privée, avant son départ pour Chinon - Enquêteurs : Lt
d'Andelot, Gérard Petit et Nicolas Bailly, tabellion - Les trois rapporteurs
conclurent à la parfaite honorabilité de l'accusée, ce qui irrita fort ses
accusateurs.
TOULONGE. - (Maréchal de) - Ambassadeur du duc de Bourgogne à la
Cour ducale de Savoie - Travaillait à un rapprochement entre Philippe le
Bon, son maître, et Charles VII, son roi.
TOUROULDE. - (Marguerite de La) - épouse du Sire Bouligny - Dame
d'honneur de la reine Marie d'Anjou, épouse de Charles VII - Hébergea
chez elle à Bourges Jeanne d'Arc et la prit en grande amitié.
182
TOUTMOUILLE. - (Jean) - Moine dominicain - Avec son confrère, Martin
Ladvenu (voir ce nom), assista et communia Jeanne d'Arc dans sa prison,
à l'aube de son dernier jour, 30 mai 1431.
TREMOILLE. - (Georges de La) - Ministre de Charles VII, dont il fut l'âme
damnée - Ambitieux et cupide, ne cessa de contrarier les projets de
Jeanne d'Arc dont il craignait l'influence sur le Roi- - La poursuivit de sa
haine ainsi que tous ceux qui lui portaient ombrage, comme le connétable
de Richemont - Provoqua la capture de Jeanne d'Arc à Compiègne par
des instructions secrètes et criminelles données à des chefs de second
ordre qui en furent les exécuteurs (voir Flavy Guillaume) - S'employa au
maximum pour que Jeanne, prisonnière, ne fût pas secourue - Le
supplice de sa victime ne lui porta pas chance - Une tentative
d'assassinat, perpétrée contre lui en juin 1433 à Chinon, le laissa
grièvement blessé et mit fin à -sa carrière politique.
TRESSANT. - (Jean) - Secrétaire de Henri VI, roi d'Angleterre - Témoin du
supplice de Jeanne d'Arc, il s'écria : « Il vient de mourir une chrétienne
fidèle. Je la crois au Ciel et je crois damnés ceux qui l'ont jugée ».
TRIQUELLET. - Notaire apostolique accompagnait Pierre Cauchon, le 14
juillet 1430, près de Philippe le Bon Compiègne, requérant de livrer
Jeanne d'Arc au Roi d'Angleterre moyennant 10.000 livres.
TUDERT. - (Jean de) - Doyen de Paris (voir Châtillon Jacques).
TURQUETIL. - (Eustache) - Prêtre du diocèse de Rouen - Reçut sur la
Pucelle la confidence suivante de l'huissier Massieu (voir ce nom) : « Je
ne vois en elle que bien et honneur » - Pierre Cauchon, ayant connu ce
propos, menaça le courageux huissier de le faire jeter à la Seine.
U
UNIVERSITE DE POITIERS. - Chargée par le Dauphin d'examiner le cas
de Jeanne d'Arc.
Voir au début des annexes la composition du Jury d'examen.
183
V
VANGANAP. - (Godefroy) - Bourgeois de Compiègne – Député près de
Charles VII par les notables de la Cité.
VENDOME - (Louis de Bourbon, comte de) - Se trouvant à Compiègne en
mai 1430 et Jeanne d'Arc, à proximité de Crépy-en-Valois, demanda à
celle-ci de venir le rejoindre, avec tous ses gens, sous prétexte de lui
remettre Compiègne - En réalité, il s'agissait d'un subterfuge ourdi Avec
La Trémoille et Regnault de Chartres pour enlever à Jeanne le
commandement de ses troupes (voir récit de cette conjuration, pages 123
et suivantes).
VELLY. - (Maître Jean de) - Notable d'Orléans - Un des représentants de
cette ville à un banquet offert à Jeanne d'Arc, lors de -son passage, en
janvier 1430 - (Voir Rabateau).
VlENNE. - (Colet de) - Messager royal - Accompagna Jeanne d'Arc depuis
son départ de Vaucouleurs jusqu'à Chinon.
VIGNOLLES. - (Etienne de) - Surnommé La Hire (voir ce nom).
VILLARS. - (Sire de) - Maréchal de Beaucaire - Attaché à la personne de
Dunois le Bâtard d'Orléans, gouverneur de la ville du même nom Dunois l'envoya au Dauphin, demandant que l'on vérifiât la rumeur
publique annonçant la mission divine d'une jeune fille appelée Jeanne
d'Arc.
VILLEBRESME. - Secrétaire de Charles VII, signant au nom du Roi - Ce
fut lui qui rédigea, pour le Prince, la honteuse trêve de Compiègne du 28
août 1429 désaveu formel des plans et idées de Jeanne d'Arc.
VIILLENEUVE. (Jean de) - Second du Maréchal de Toulonge,
ambassadeur du duc de Bourgogne à la Cour du duc de Savoie, oncle de
Philippe le Bon - Fut chargé de sonder les intentions de Charles VII et de
son conseiller La Trémoille.
W
WALLEPERGUE. - (Théol) - Chef de troupes, reste fidèle à
Jeanne d'Arc, après la trahison du comte de Vendôme
184
(voir ce nom et le récit de la trahison, pages 125 et suivantes).
WANDONNE. - (Lyonnel, Bâtard de) - Chef picard bourguignon Commandait la Compagnie qui fît Jeanne d'Arc Prisonnière au combat de
la Chaussée-de-Margny devant Compiègne Il vendit sa prisonnière à
Jean de Luxembourg, son chef direct, et la lui livra dans la place de
Beaulieu - Nommé commandant de cette place, il en remplit les fonctions
jusqu'en 1441, et en fut chassé, cette année-là, par les habitants.
WARWICK. - (L'Enfant de) - Chef militaire anglais,. doublure de Sir de
Scales - Commandait avec lui la ville de Meung-sur-Loire en juin 1429 Fait prisonnier par Jeanne d'Arc, et libéré sur rançon, voua une haine
mortelle à la libératrice de la France.
WARWICK. - Membre du Conseil de Régence du jeune roi d'Angleterre,
Henri VI, âgé de neuf ans - A la nouvelle de la capture de Jeanne d'Arc,
les lords anglais tinrent conseil - Tous furent d'avis de la faire égorger ou
noyer, aussitôt acquise des Bourguignons -Warwick leur démontra qu'en
la faisant condamner à mort pour sortilège on aurait le double avantage
de la perdre dans l'opinion et de ridiculiser, voire même déshonorer
Charles VII.
WINCHESTER. - (Henri de Beaufort, cardinal de) - Chef militaire anglais,
plus que Pontife - Après la chute d'Orléans, il fut envoyé de Londres, à la
tête de renforts importants en hommes et en matériel pour le duc de
Bedfort - Le 10 octobre 1429, présidait à Saint-Denis une conférence
entre les Anglo-Bourguignons et les envoyés de Charles VII - On y fixa
au ler avril 1430 une réunion qui devait se tenir à Auxerre pour y étudier
les conditions de la paix.
X
XAINTRAILLES. - (Poton de) - Maréchal de France - Gentilhomme
gascon, fidèle au parti national, dès son enfance, avec son compatriote
Bernard d'Armagnac, qui donna son nom au parti - Camarade de La Hire
- Le Dauphin, futur Charles VII, le nomma en 1429 son Grand Ecuyer C'est sous ce vocable qu'il prit part, aux côtés de Jeanne d'Arc, à la
délivrance d'Orléans, puis la victoire de Patay - Il
fit avec Richemont et La Hire une rude guerre aux Anglais
185
- Après la mort de Jeanne d'Arc, il continua la guerre jusqu'à la libération
du territoire - Il mourut à Bordeaux en 1461
SUPPLEMENT
à simple titre documentaire
ARMOISES. (Jeanne des) - Aventurière qui, grâce à une
ressemblance singulière, put se faire passer pour Jeanne d'Are pendant
plusieurs années, de 1436 à 1441 - Les frères de Jeanne d'Arc la
reconnurent pour leur soeur - Elle profita de cette situation pour faire
des dupes, obtenir la protection de hauts personnages, tels que la,
duchesse de Luxembourg, Ulrich de Wurtemberg, et prit parti dans une
guerre que se firent deux compétiteurs à l'archevêché de Trèves Ensuite, elle épousa un noble Lorrain, Robert des Armoises - Elle
envoya alors son prétendu frère, Jean du Lys, à Orléans et même vers
le Roi de France - Elle s'enfuit en Italie avec un clerc et s'enrôla au
service du Pape Eugène IV - Puis elle revint en France et reprit son
rôle de Jeanne d'Arc; elle fut reçue en cette qualité à Orléans et à
Bourges et prit part à, une expédition armée dans le Poitou - Sommée
par le Parlement à comparaître, elle dut, devant le Roi, avouer sa
supercherie - Son mari étant mort, elle épousa un personnage obscur
d'Anjou - Jetée dans les prisons de Saumur, le Roi René lui fit grâce en
1457 - Depuis, on perd sa trace.
itinéraire sacré : cinq mille kilomètres,
entre Vaucouleurs (23 février 1429) et Rouen (25 décembre
1430)
ANNEE 1429
23 février
24 février
25 février
26 février
27 Février
- Départ de Vaucouleurs.'
- Montigny-les-Vaucouleurs - Rozièresen-Blois Deleuze - Abainville - Bonnet Mandres - Guillaume - Echenay Aingoulaincourt - Poissons - Saint-Urbain.
- Ceffons - Clairvaux - Pothières.
- Tonnerre - Auxerre.
- Toucy - Blenneau - Gien.
186
1 er Mars
2 Mars
3 Mars
4 Mars
5 Mars
6 Mars au 19 Mars
23 Mars
8 Avril
11 Avril
29 Avril
14 Mai
16 Mai
17 Mai
12 Juin
16 Juin
18 Juin
20 Juin
29 Juin
1 er Juillet
2 Juillet
3 Juillet
10 Juillet
13 Juillet
16 Juillet au 22 Juillet
23 Juillet
29 Juillet
- Senneley.
- Saint-Viatre - la Ferté-Imbault –
Menneton-sur-Cher.
- Loches.
- Sainte-Catherine-de-Fierbois.
- L'Ile-Bouchard - Chinon.
----- L'Ile-Bouchard - Port de Pile –
Châtellerault - Poitiers.
- Châtellerault - Port de Pile - IleBouchard -, Chinon - Tours.
- Blois.
- Ligny-le-Ribault - Jouy-le-Potier - Chécy
- Château de Reully - Orléans.
- Tours.
- Loches.
- Sainte-Catherine-de-Flierbois - IleBouchard - Chinon.
- Tours - Bourgueil - Saint-Florent Bourgueil - Tours - Selles-sur-Cher Ligny-le-Ribault - Jouy-le-Potier Jargeau.
- Beaugency.
- Meung-sur-Loire.
- Patay - Orléans.
- Sully-sur-Loire - Abbaye de Saint-Benoît
- Châteauneuf - Château de Reuilly Orléans.
------ Château de Reuilly - Châteauneuf Abbaye de Saint-Benoit - Sully-sur-Loire Gien.
- Montargis.
- Châteaurenard - Courtenay - Villefranche
- Chevillon - Sepeaux - Volga - Senon Laduz - Fleury - Perrigny - Auxerre.
- Appoigny - Seigneley - Briennon - SaîntFlorentin - Saint-Phal - Troyes.
- Arcis-sur-Aube - Bussy-Littré - Châlons
- Sept - Reims.
- Corbeny (Chemin des Dames) - Vaillysur-Aisne - Soissons.
- Mont-Notre-Dame - Château-Thierry.
187
l er Août
2 Août
4 Août
5 Août
9 Août
10 Août
11 Août
14 Août
- Montmirail.
- Provins.
- Nangis.
- Bray.
- Provins - Coulommiers.
- Château-Thierry - La Ferté-Milon.
- Crépy-en-Valois.
- Lagny-le-Sec - Dammartin Montepilloy.
17 Août
- Compiègne.
18 Août
- Beauvais.
19 Août
- Creil.
21 Août
- Chantilly - Senlis.
26 Août
- Saint-Denis.
8 Septembre
- Paris.
14 Septembre
- Saint-Denis - Lagny.
17 Septembre
- Nangis - Provins - Bray - Sens.
18 Septembre
- Courtenay.
19 Septembre
- Châteaurenaud.
20 Septembre
- Montargis.
21 Septembre
- Gien.
25 Octobre
- La Ferté-Imbault - Selles-sur-Cher –
Menneton sur-Cher - Mehun-sur-Yèvres Bourges.
2 Novembre
- Mehun-sur-Yèvres - Bourges - SaintPierre-le-Moutiers.
5 Novembre
- Moulins.
9 Novembre
- La Charité-sur-Loire.
er
1 Décembre
- Mehun-sur-Yèvres.
2 Décembre à fin Mars 1430 - Sully (Retenue au Château).
---ANNEE 1430
29 Mars
- Départ de Sully.
30 Mars
- Gien.
15 Avril
- La Chapelle-la-Reine - Fontainebleau Melun.
24 Mai
- Lagny - Dammartin - Senlis Montepilloy - Compiègne - Elincourt Pont-l'Evêque - Soissons - Crépy-enValois - Compiègne.
25 mai
- Margny (faite prisonnière).
---Sur la route de la captivité
26 Mai
- Beaulieu.
er
1 Août
- Saint-Quentin - Beauvoir.
188
21 Novembre
25 Décembre
- Cambrai - Arras - Saint-Riquier - Le
Crotoy.
- Saint-Valéry - Eu - Dieppe - Rouen.
189
TABLE
Pages
Prologue … … … … … … … … … … … … … … … … …11
PREMIERE PARTIE
L'HEROINE
Chapitre I … … … … … … … … … … … … … … … … 19
Chapitre II … … … … … … … … … … … … … … … … … 35
.
Chapitre III …
Chapitre IV …
Chapitre V …
Chapitre VI …
DEUXIEME PARTIE
LE CHEF
CAMPAGNE DE LA LOIRE
… … … … … … … … … …
… … … … … … … … … …
… … … … … … … … …
… … … … … … … … … …
39
45
54
72
LA MARCHE SUR REIMS
LE SACRE
Chapitre VII … … … … … … … … … … … 77
.
TROISIEME PARTIE
CAMPAGNE DE L'OISE
ABANDONNEE ET TRAHIE
Chapitre VIII … … … … … … … … … … … 87
190
Pages
Chapitre
Chapitre
Chapitre
IX
X
XI
BATAILLE DE PARIS
…
…
…
…
…
…
…
…
…
…
…
…
…
…
…
…
…
…
OPERATIONS
AUTOUR DE COMPIEGNE
Chapitre
XII
…
…
…
…
…
…
Epilogue
…
…
…
…
…
…
Annexes
…
…
…
…
…
…
…
Index des personnages … … … … … … …
…
…
…
…
…
…
…
96
108
112
123
138
141
147
PLANS ET CARTES
- La France sous l'occupation anglo-bourguignonne … … … 20
- La chevauchée de Jeanne d'Arc de Vaucouleurs à Chinon … 29
- Plan de la Campagne stratégique et politique de Jeanne d'Arc
pour la libération du territoire. … … … … … … … … … … 40
- Plan de Jeanne pour la bataille de Paris
… … … … … 96
- Plan de Compiègne en 1430 … … … … … … … … 124
191
L'humble
bergère
de
Domrémy domine de très
haut tous les Capitaines de
son temps.
«Les conceptions stratégiques
et tactiques de Jeanne d'Arc
étaient en avance de plus de
200 ans sur son époque... »
(Général Poydenot, ancien
Directeur
de
l'Ecole
Supérieure de Guerre) ».
Jeanne,
«
Grand Capitaine »,
«
Grand Stratège »,
«
Grand Politique »,
Jeanne ne savait ni A ni B à son départ de Domrémy. Elle apprit a tracer son nom
durant sa présence à la tête de l'Armée.
voilà ce que ce livre met en lumière. La plus belle, la plus réelle et la
plus émouvante histoire de notre patrimoine - une jeune fille, en une
campagne de guerre fulgurante, met fin à cent années de misères et de
guerres d'enfer - nous est ici contée avec une grande richesse
d'évocation et de documentation.
_________________________________________________________
Lt-Colonel de LANCESSEUR - JEANNE D'ARC, Chef de Guerre 9 NF
Imprimé en France