Modélisation des successions post-culturales. Application à la
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Modélisation des successions post-culturales. Application à la
ORSAY N°D’ORDRE UNIVERSITE DE PARIS-SUD U.F.R. SCIENTIFIQUE D’ORSAY Thèse présentée pour obtenir le grade de DOCTEUR EN SCIENCES DE L’UNIVERSITÉ PARIS 11, ORSAY Discipline : Écologie par Yann MARTINEAU Modélisation des successions post-culturales. Application à la gestion durable des agroécosystèmes des hautes Andes tropicales. Soutenance prévue le 29 Septembre 2004 devant le jury constitué de : M. ABBADIE Luc, Examinateur M. GARNIER Eric, Rapporteur M. LEADLEY Paul, Examinateur M. SAUGIER Bernard, Directeur de thèse M. SOUSSANA Jean-François, Rapporteur Département d’Ecophysiologie Végétale Laboratoire d’Ecologie, Systématique, Evolution Bâtiment 362 Université Paris-Sud XI 91405 Orsay Cedex [email protected] Ce travail a bénéficié des financements Du Ministère de l’Education Nationale, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche sous la forme d’une allocation moniteur polytechnicien (AMX), De la Commission Européenne dans le cadre du projet TROPANDES (INCO-DC N° ERBIC18-CT98-0263), De la Fondation Européenne pour la Science (ESF) dans le cadre du programme LINKECOL (Linking ecosystem and community ecology). I A mes racines, parents et grandsparents, qui m’ont transmis leurs semelles de vent, leur indépendance et une certaine idée de la liberté ; Et aux pierres qui, au hasard des rencontres, marquent les chemins : pierres tombales, cairns et pierres philosophales. II Remerciements III Sommaire 2 Introduction 14 15 18 21 1 - Développement d’un modèle mécaniste de succession végétale (FAPROM) 11 - Pourquoi modéliser ? 12 - À partir de quoi modéliser ? 13 - Comment modéliser ? 36 37 55 70 2 - Applications du modèle, de la plante à l’écosystème 21 - Croissance d’un couvert végétal monospécifique 22 - Dynamique de la communauté végétale 23 - Rôle de la jachère dans l’agro-écosystème 80 81 86 90 3 - Bilan critique et perspectives 31 - Hypothèses du modèle 32 - Projet de thèse 33 - Réflexions personnelles et avenir du modèle FAPROM 93 Conclusion 96 Références 106 Table des illustrations 109 Table des matières A1 A2 Annexes 1 A process-based model of old-field succession linking ecosystem and community ecology. Martineau Y, Saugier B. Soumis. A40 2 Evidence of hidden fluxes in the estimation of Net Primary Production in herbaceous ecosystems. Sarmiento L, Martineau Y, Acevedo D, Coûteaux MM, Saugier B, Escalona A. En préparation. A75 3 Uses and abuses of logistic growth: considering turnover to avoid biological nonsense in ecological modelling. Martineau Y, Deredec A, Genton B, Saugier B. En projet. A96 4 Modèle mécaniste simplifié de succession secondaire. Piste de réflexion. 3° 4° 4° carte Resumen en español Résumé en français Abstract in English Equations et paramètres du modèle 1 Introduction Des systèmes de culture à jachère 3 Des successions post-culturales 3 Du projet TROPANDES 4 Des sites d’étude 7 Des rotations culturales andines 7 Des sols et de la fertilité 9 De la production végétale au cours de la succession post-culturale 11 Du modèle FAPROM et des questions étudiées 11 De l’articulation du travail et du plan de la synthèse 12 2 Ce travail a été développé dans le cadre du projet européen TROPANDES dont l’objectif principal était de comprendre la dynamique de la fertilité du sol, base d’une gestion durable du système de culture à jachère longue des hautes Andes tropicales. Il a pour but de modéliser les successions post-culturales. Des systèmes de culture à jachère La jachère définit l’état d’une terre labourable qu’on abandonne un certain temps sans produire de récolte (dictionnaire Larousse, 1979). Historiquement, la jachère était utilisée pour laisser reposer la terre et la débarrasser des mauvaises herbes (Sebillotte et al. 1993). Au cours du 20ème siècle, la jachère a été très largement abandonnée au profit de l’utilisation d’engrais et de pesticides. Smil (2001) a souligné l’importance de la découverte du procédé d’Haber-Bosch (synthèse chimique de fertilisants azotés) : l’alimentation de 40% de la population mondiale en dépend aujourd’hui ! Toutefois, l’étude des jachères n’a pas perdu son intérêt : (1) certains agronomes posent à l’échelle mondiale la question de la durabilité des systèmes de culture intensifs (Crews & Peoples 2004) ; (2) la politique agricole commune mise en place par l’Europe en 1992 encourage la mise en jachère de 15% des terres cultivables pour limiter la production ce qui nécessite la recherche de nouveaux modes de gestion des terres (Doré & Dalbiès 1994) ; (3) et enfin, objet de notre recherche, la jachère reste dans de nombreuses régions du monde la pratique agricole incontournable pour pallier le manque de fertilité du sol1 (Floret & Pontanier 2000). Dans le système traditionnel, les paysans abandonnent les parcelles quand les rendements chutent. Au moment de rompre la jachère, parfois plusieurs dizaines d’années plus tard, le travail de labour consiste à incorporer la végétation naturelle à la terre. La végétation de la jachère joue ainsi le rôle d’engrais vert en se décomposant lentement dans le sol pendant la culture. Des successions post-culturales La végétation au cours de la jachère suit un processus de succession. C’est ainsi qu’on appelle en écologie le remplacement successif des espèces au cours du temps (Lepart & Escarré 1983) : les espèces dites pionnières colonisent rapidement le sol laissé nu après la culture ; des espèces dites intermédiaires s’installent progressivement tandis qu’évincées par la compétition, les espèces pionnières disparaissent peu à peu ; les espèces de fin de succession dominent plus tardivement. La dynamique post-culturale est qualifiée de 1 Nous entendons par fertilité l’aptitude du sol à produire. 3 succession secondaire : suite à la perturbation qu’il subit, l’écosystème tend à retourner à l’état naturel (climax, Clements 1916). Dans les environnements aux conditions climatiques extrêmes (écosystèmes arctiques et montagnards en particulier), on constate plus de changements d’abondance que de remplacements stricto sensu d’espèces ; Muller (1952) parle d’autosuccession et Urbanska (1997) de succession démographique. Les motifs de succession sont déterminés par de nombreux facteurs parmi lesquels : (1) la composition initiale de la végétation (Facelli & Pickett 1990) [conditions initiales] ; (2) les conditions locales du milieu, en particulier la fertilité du sol (Inouye & Tilman 1995) [conditions environnementales] ; et (3) la disponibilité des graines au sein du paysage (Frelich & Reich 1995) [conditions aux limites]. La structure et la dynamique des communautés végétales résultent de compromis entre les capacités de dispersion et de compétition des espèces (Aerts 1999, Tilman 1997). De nombreux auteurs ont ainsi proposé de classer les espèces en différentes stratégies : r-K (e.g. Hastings 1980, Tilman 1988, 1990, Ehrlen & Groenendael 1998) ; C-S-R, espèces compétitives, tolérantes au stress et rudérales (Grime 1974, 1988, 2001). Dans une succession, les espèces pionnières (stratégie r) sont suivies des espèces compétitives puis d’espèces tolérantes (stratégie K). Du projet TROPANDES Le projet européen TROPANDES affiche comme objectif à long terme d’améliorer les revenus des paysans et le niveau de vie des populations rurales qui pratiquent l’agriculture à jachère longue dans les hautes Andes tropicales (Carballas et al. 2002a). Il s’est développé sur une proposition de Lina Sarmiento dans la continuité des études menées à l’Universidad de los Andes (Mérida, Venezuela) sur le paramo2 de Gavidia. Dans l’optique de définir les bases agro-écologiques d’une agriculture à jachère durable, il a réuni, de 1998 à 2002, 7 équipes de chercheurs européens et sud-américains (le Tableau 1 donne la liste des institutions participantes) autour des trois axes de recherche suivants : (1) le système de culture au niveau de l’exploitation et à l’échelle régionale ; (2) les interactions plantes/sol au cours de la jachère ; et (3) les interactions plantes/sol au cours de la culture de pomme de terre. Le Tableau 2 fournit le détail des études définies dans la proposition du projet. Il montre la dimension pluridisciplinaire de la problématique et la démarche de développement durable dans laquelle elle s’inscrit : la question de l’amélioration économique du système de culture intègre différents aspects qui touchent à la fois l’économie, l’agronomie et l’écologie. 2 Paramo : lande caractéristique des régions humides des Andes du Nord. 4 Tableau 1. Les partenaires du projet européen TROPANDES (1998-2002). (1) Instituto de Investigaciones Agrobiologicas de Galicia (IIAG) Consejo Superior de Investigaciones Científicas (CSIC), Santiago de Compostela, Espagne Tarsy Carballas, coordinateur (2) Instituto de Ciencias Ambientales y Ecologicas (ICAE) Universidad de Los Andes (ULA), Mérida, Venezuela Maximina Monasterio (3) Instituto de Ecologia (IE) Universidad Mayor de San Andres (UMSA), La Paz, Bolivie Stephan Beck (4) Centre d’Ecologie Fonctionnelle et Evolutive (CEFE) Centre National de la Recherche scientifique (CNRS) UPR 90560, Montpellier, France Pierre Bottner (5) Plant Research International Wageningen University and Research Centre, Pays-Bas Klaas Metselaar (6) Laboratoire d’Ecologie, Systématique & Evolution (ESE) Université Paris Sud et CNRS UMR 8079, Orsay, France Bernard Saugier (7) Laboratoire d’Etudes Rurales (LER) Institut de Recherche pour le Développement (IRD), Montpellier, France Dominique Hervé Tableau 2. Les activités du projet européen TROPANDES (1998-2002). 1 – Bases agro-écologiques du système de culture à jachère longue des hautes Andes tropicales. 1.1 – Distribution spatiale de l’agriculture à jachère à l’échelle régionale. 1.2 – Dynamique du système culture/jachère à l’échelle de l’exploitation. 1.3 – Développement et application d’un modèle d’exploitation agricole. 1.4 – Application du modèle intégré à l’évaluation des stratégies de gestion d’exploitation (études de scénarios). 2 – Interactions plantes/sol au cours de la jachère. 2.1 – Diversité spécifique et production végétale. 2.1.1 – Typologie de la succession. 2.1.2 – Caractérisation qualitative et quantitative de la litière. 2.2 – Décomposition au cours de la jachère. 2.2.1 – Décomposition de la litière. 2.2.2 – Transferts de carbone et d’azote des plantes à la matière organique du sol. 2.3 – Effet de la jachère sur la MOS et sur la biomasse et l’activité microbiennes. 2.4 – Manipulation de la jachère (introduction de légumineuses). 2.5 – Développement et application de modèles. 2.5.1 – FAPROM : modèle de production de la jachère. 2.5.2 – MOMOS : modèle de décomposition de la matière organique du sol. 3 – Interactions plantes/sol pendant la culture. 3.1 – Développement de la pomme de terre à différents stades de succession. 3.2 – Transferts d’azote de la matière organique du sol à la pomme de terre. 3.3 – Décomposition des résidus de culture. 3.4 – Effet de la culture sur la MOS et sur la biomasse et l’activité microbiennes. 3.5 – Développement et application de modèles. 3.5.1 – LINTUL - SAHEL : modèles de culture et de bilan hydrique. 3.5.2 – MOMOS : modèle de décomposition de la matière organique du sol. 5 Trois objectifs concrets ont été définis au niveau de l’écosystème : (1) comprendre les mécanismes de perte et de restauration de la fertilité du sol au cours d’un cycle culture/jachère ; (2) tester des scénarios de gestion de la jachère qui permettent d’améliorer les rendements de la culture de pomme de terre ; et (3) élaborer un modèle du fonctionnement du système de culture à jachère longue des hautes Andes tropicales. Les études agroécologiques à l’échelle de la parcelle sont fondées sur l’hypothèse suivante : la perte rapide de la fertilité au cours de la culture n’est pas due à un stock trop faible de nutriments mais à leur faible disponibilité. La restauration de la fertilité résulterait d’une lente et progressive mobilisation de l’azote par la biomasse microbienne, de la fraction stable à la fraction labile de la matière organique. La jachère stimulerait l’activité de la biomasse microbienne. Figure 1. Situation géographique et diagrammes climatiques des sites d’étude du projet TROPANDES. A gauche : carte d’Amérique du Sud : Copyright © 2001 Yahoo! France & Hachette Multimédia / Hachette Livre. A droite : diagrammes climatiques. Les barres présentées sous les diagrammes climatiques symbolisent la durée de la saison sèche (en blanc) et la durée de la saison humide (en noir). Les espaces grisés représentent les périodes de l’année qui sont sèches ou humide en fonction du régime de précipitation de l’année considérée. a) Gavidia (Précipitations : 1300 mm par an ; Température moyenne annuelle : 8,4°C ; Amplitude diurne maximale : 17,3°C) b) Patarani (Précipitations : 400 mm par an ; Température moyenne annuelle : 10,0°C ; Amplitude diurne maximale : 29,4°C) 6 Des sites d’étude L’étage supérieur des Andes tropicales s’étend entre 3200 et 4200 mètres d’altitude du nord de l’Argentine et du Chili à la cordillère vénézuélienne. Le climat y subit l’influence conjointe des tropiques et de la haute montagne : il se caractérise par deux saisons marquées, l’une sèche, l’autre humide ; une température annuelle moyenne relativement basse ; et un fort rayonnement. Les équipes du projet TROPANDES ont étudié en particulier deux sites aux situations contrastées (Carballas et al. 2002a et b, Figure 1 p.6) : (1) le village de Gavidia (8°35’ N, 70°52’ W, Sierra de Mérida, Venezuela) est situé entre 3200 et 3800 mètres d’altitude dans une ancienne vallée glaciaire ; le total annuel de précipitations entre 1990 et 1999 varie de 1100 à 1700 mm avec une moyenne de 1300 mm par an ; le rayonnement global journalier moyen est de 15,8 MJ m-2 (Fontaine 2000) et la température moyenne annuelle chute de 10°C à 3200 m à 6°C à 3800 m (8,4°C à la station climatique, Llambi et al. 2003) ; (2) la communauté de Patarani (17°06’ S, 68°00’ W, Patacamaya, Bolivie) est localisée sur l’Altiplano à 110 km au sud de La Paz, à 3800 m d’altitude ; le total annuel de précipitation varie de 300 à 450 mm (en moyenne 409 mm), le rayonnement global journalier moyen est de 21,6 MJ m-2 (Sarps 2001) et la température moyenne annuelle est de 10,0°C (moyennes des années 1981-1991, Ortuño et al. 2004) mais avec de très fortes variations journalières en saison sèche (amplitude thermique maximale : 29,4°C) et en moyenne, 201 jours de gel par an (Migueis et al. 1998). A ces conditions climatiques extrêmes correspondent deux écosystèmes naturels distincts : (1) le paramo s’étend dans les régions humides des Andes du Nord (Equateur, Colombie et Venezuela) et se caractérise par des communautés dominées par des arbustes (tel que Hypericum laricifolium Juss.) et des rosettes géantes endémiques (comme Espeletia schultzii Wedd., emblématique du paramo de Gavidia ; Monasterio 1980) ; (2) la puna3, caractéristique des Andes centrales semi-arides (Pérou et Altiplano bolivien) est une lande dominée par des touffes de graminées pérennes, en particulier, Stipa ichu. Le Tableau 3 (p.8) résume les caractéristiques géographiques, climatiques, écologiques et socio-économiques des deux sites étudiés. Des rotations culturales andines Bien que les conditions naturelles soient peu favorables, les terres des hautes Andes tropicales sont cultivées. La pomme de terre est la culture de subsistance des 3 millions de sud-américains qui y vivent (Llambi et al. 2003). Le système agricole traditionnel alterne des 3 Puna : lande caractéristique des régions semi-arides des Andes centrales. 7 périodes de culture pendant lesquelles la terre s’épuise rapidement et des périodes de jachère pendant lesquelles la fertilité du sol est progressivement restaurée. Tableau 3. Résumé des caractéristiques des sites étudiés. Caractéristiques géographiques (a), climatiques (b), socio-économiques (c), écologiques (d) et bio-physico-chimiques des sols (e). Gavidia, Venezuela Patarani, Bolivie 08°40’ Nord 70°54’ Ouest 3200 à 3800 m Ancienne vallée glaciaire 17°06’ Sud 68°00’ Ouest 3800 m Altiplano 1300 mm 6 mois : de Mai à Octobre 8,4°C 17,3°C (en saison sèche) 12 15,8 MJ m-2 j-1 409 mm 4 mois : de Décembre à Mars 10,0°C 29,4°C (en saison sèche) 201 21,6 MJ m-2 j-1 Pomme de terre (PdT) 18,3 t ha-1 9,9 t ha-1 Carotte, Blé, Ail 2 (PdT) + 1 (Céréale) 1,8 t ha-1 (16:16:08 NPK) Faible Flexible, de 3 à 20 ans # 350 habitants Pomme de terre (PdT) a – Caractéristiques géographiques Latitude Longitude Altitude Topographie b – Caractéristiques climatiques Précipitations (Total annuel) Saison humide Température moyenne annuelle Amplitude thermique maxi.4 Nombre de jours de gels par an Rayonnement journalier moyen c – Système de culture Production principale Rendement 1ère année 2ème année Productions secondaires Temps de culture Fertilisation Irrigation Temps de jachère Nombre d’habitants 6 t ha-1 Orge, Avoine, Quinoa 1 (PdT) + 2 (Céréale) 1 à 2 t ha-1 (1,4:0,6:1,7 NPK) Fixé par la communauté, 10 ans # 200 habitants d – Caractéristiques écologiques Ecosystème naturel Espèces caractéristiques Richesse spécifique Succession secondaire Espèces pionnières Espèces intermédiaires Espèces de fin de succession Paramo Espeletia schultzii Hypericum laricifolium > 120 espèces Puna Stipa ichu (chaume) > 60 espèces Rumex acetosella Erodium cicutarium (« mauvaise herbe » introduite) (« mauvaise herbe ») Lupinus meridanus (légumineuse) Lupinus buchtienii (légumineuse) Acaena elongata (arbuste rampant) Aristida asplundii (graminée) Espeletia schultzii (rosette géante) Baccharis incarum (arbuste) Hypericum laricifolium (arbuste) Parastrephia lepidophylla (arbuste) Baccharis prunifolia (arbuste) Stipa ichu (graminée) e – Caractéristiques des sols Texture (% Sable Limon Argile) pH dans l’eau Matière organique (Carbone) 4 54-81 ; 10-30 ; 9-17 4,50 à 5,70 45,6 à 118,0 g kg-1 52-83 ; 5-30 ; 10-46 6,30 à 8,10 2,5 à 5,1 g kg-1 Différence des moyennes mensuelles des températures minimales et maximales. 8 La rotation culturale est plus ou moins figée : (1) à Gavidia, les parcelles sont généralement abandonnées après deux années de pomme de terre, éventuellement suivies par une troisième année de culture (blé, carotte, ail) ; la durée de la jachère est variable, de deux ans pour les terres de fond de vallée, proches des maisons, à plusieurs dizaines d’années pour les terres les plus éloignées ; (2) la gestion communautaire de Patarani fixe les règles suivantes : un an de pomme de terre, deux ans de céréale (orge et quinoa) puis dix ans de jachère (Hervé et al. 2003). L’accroissement des populations locales et l’augmentation consécutive des besoins vivriers poussent les paysans à chercher de meilleurs rendements (Gutierrez 1996). L’utilisation d’intrants (engrais organique et minéral) est assez répandue au Venezuela mais son coût en limite l’usage en Bolivie5. Quoiqu’il en soit, les engrais ne peuvent se substituer à la jachère (Sarmiento 1995). Dans certaines vallées vénézuéliennes moins élevées (altitude inférieure à 3000 m), la culture intensive est cependant soutenue par la fertilisation et l’irrigation des parcelles (Sarmiento et al. 1993, 2002). A Gavidia, le temps de jachère tend aussi à se raccourcir mais la diminution des rendements aboutit finalement à l’abandon de la terre après plusieurs années (Sarmiento & Bottner 2002). Sur l’Altiplano, on constate également une tendance au raccourcissement du temps de jachère mais par le biais d’une diminution des surfaces consacrées à ce système de culture, puisque les règles communautaires fixent la durée de la jachère (Hervé & Rivière 1988). En sus de son importance dans la récupération de la fertilité, la jachère joue d’autres rôles : la période de repos et le travail du sol permettent de limiter les populations des nématodes à kystes de la pomme de terre, de contrôler les parasites et de lutter contre les plantes adventices ; les terres en jachère sont pâturées ; la végétation naturelle fournit des matières premières, bois de feu, graminées pour le chaume des maisons (en Bolivie notamment, Pestalozzi 2000, Camacho 2001), plantes aux vertus médicinales (les feuilles d’Espeletia par exemple sont utilisées dans la préparation d’infusion) ; et à l’échelle du paysage, le système de culture à jachère longue maintient une importante biodiversité (plus de 120 espèces végétales ont été répertoriées dans le paramo de Gavidia, Sarmiento et al. 2002). Des sols et de la fertilité Néanmoins, la jachère est surtout pratiquée à cause de la perte de fertilité du sol. Les rendements décroissent en effet fortement après deux années consécutives de culture que ce soit à Gavidia (Sarmiento 1995) ou sur l’Altiplano bolivien (Hervé 1994), et plus fortement 5 Sur l’Altiplano, le seul intrant est organique : déjections ovines (guano). 9 encore pour les rotations pomme de terre / pomme de terre que pour les rotations pomme de terre / céréales (Hervé & Coûteaux, communication personnelle). Les courbes de dilution en azote (Greenwood et al. 1990) mettent en évidence une carence en azote (Figure 2, Sarmiento 1995). Les situations diffèrent cependant d’un site à l’autre : (1) les sols du paramo sont grossiers, acides et riches en matière organique mais les nutriments sont paradoxalement peu disponibles ; les modifications des valeurs de δ15N discriminent mieux les parcelles en fonction de leur âge et suggèrent une fermeture du cycle de l’azote au cours de la jachère6 (Abadin et al. 2002) ; la biomasse microbienne est largement réduite pendant la culture et progressivement restaurée au cours de la jachère (Sarmiento & Bottner 2002) ; (2) les sols de la puna sont sableux, neutres et pauvres en matière organique mais les nutriments échangeables (en particulier Ca, K, Mg, Na et P) sont relativement abondants ; le contenu en matière organique du sol est directement lié à la couverture végétale ; la biomasse microbienne est elle-même corrélée au contenu en matière organique (Carballas et al. 2002b). Dans les deux sites, les analyses de sol après différentes durées de jachère n’ont pas montré de différences significatives dans les contenus de carbone et d’azote du sol (du fait en partie d’une très grande hétérogénéité spatiale). Dans le Tableau 3e (p.8) sont résumées les caractéristiques bio-physico-chimiques des sols de Gavidia et de Patarani. Figure 2. Courbes de dilution en azote (Greenwood et al. 1990 ; données de Sarmiento 1995). Légende : A courbe théorique ; B traitement forte fertilisation ; C traitement basse fertilisation. 6 Les processus qui conduisent à la perte d’azote minéral (volatilisation de l’ammonium, lessivage des nitrates et dénitrification) discriminent contre l’isotope lourd 15N. Le δ15N du sol est donc lié au temps de résidence de l’azote dans l’écosystème (il décroît lorsqu’on passe d’un cycle ouvert à un cycle fermé). 10 De la production végétale au cours de la succession post-culturale Sous la responsabilité de Bernard Saugier, le partenaire numéro 6 du projet TROPANDES (Université Paris-Sud, Laboratoire d’Ecologie Systématique & Evolution, Département d’Ecophysiologie Végétale) était chargé de modéliser la production végétale de la jachère au cours de la succession. La première esquisse de modèle (Saugier, rapport intermédiaire 1998, communication personnelle) calculait la production primaire de l’écosystème à partir de l’efficience d’utilisation de la lumière des différentes plantes. Dans ce but, Magali Fontaine (2000) a mesuré pour les espèces les plus courantes du paramo (site vénézuélien) la réponse de la photosynthèse à la lumière ainsi que plusieurs traits écophysiologiques ou morphologiques (masse surfacique des feuilles, répartition de la biomasse, angle foliaire moyen). Un travail similaire a été effectué en 2001 sur les espèces les plus courantes de la puna (site bolivien) par Bernard Saugier et Jean-Yves Pontailler (données de photosynthèse, 2003) et Audrey Sarps (masse surfacique des feuilles, répartition de la biomasse et angle foliaire moyen, 2001). Mon travail de DEA s’est appuyé sur les travaux de Magali Fontaine publiés par Llambi et al. (2003) pour construire la première version du modèle FAPROM (Fallow Production Model, Martineau 2001). Du modèle FAPROM et des questions étudiées Nous avons construit un modèle mécaniste de succession secondaire fondé sur les cycles biogéochimiques, en particulier, sur l’estimation de la photosynthèse pour quantifier la dynamique de la production végétale de la jachère. La prise en compte des espèces principales (caractéristiques des différents stades de succession) devait permettre à la fois d’intégrer les différents taux de croissance des espèces et de quantifier la qualité de la litière produite. Le modèle décrit ainsi le fonctionnement de l’écosystème du point de vue de ses constituants (les espèces végétales assemblées) : il entre dans la catégorie des modèles multi-agents (Bonabeau 2002). Le modèle de communauté végétale fonctionne comme un système complexe autoorganisé (Capra 1996) : il est caractérisé par un flux continu de matière et d’énergie, un état éloigné de l’équilibre thermodynamique, l’émergence de motifs ordonnés au niveau supérieur (patron de succession végétale), le rôle central des boucles de rétroaction (disponibilité des ressources, eau, lumière et espace), et la description mathématique en terme d’équations non linéaires. Le modèle représente un écosystème artificiel et les simulations des expériences in silico. Ces simulations donnent des pistes de réflexion dans l’étude : (1) de la croissance végétale (paramètres clefs, patrons et modélisation) ; (2) des interactions spécifiques directes et indirectes (succession secondaire, compétition pour la lumière, compétition pour l’azote et 11 facilitation) ; (3) des services rendus par les écosystèmes, en particulier du rôle de la jachère dans la restauration de la fertilité et dans la dynamique des cycles du carbone et de l’azote (durée optimale de la jachère, scénario de gestion, jachère améliorée) ; (4) de la réponse des écosystèmes aux changements globaux et plus spécifiquement aux changements d’utilisation des terres (écosystème naturel, culture, jachère, pâturage) ; et (5) des liens entre diversité des communautés et fonctionnement des écosystèmes (productivité, stabilité et risques liés à l’extinction d’espèces). De l’articulation du travail et du plan de la synthèse La première partie de cette synthèse présentera la démarche que nous avons choisie pour étudier la succession post-culturale. Nous expliciterons à la fois ce que la modélisation peut apporter à la compréhension de la restauration de la fertilité et les étapes qui nous ont conduit à l’élaboration du modèle FAPROM. Les principaux résultats obtenus au cours de la thèse feront l’objet de la deuxième partie qui s’articulera autour des axes thématiques suivants : (1) croissance végétale d’un couvert monospécifique, patrons et paramètres clefs ; (2) succession secondaire, interactions entre espèces et indices de compétition ; (3) rôle de la jachère dans le système de culture, cycle de l’azote et restauration de la fertilité. La troisième partie exposera les qualités et les limites du modèle développé, les difficultés rencontrées au cours du projet et les perspectives de prolongement du travail. Nous reproduisons en annexe les articles rédigés au cours de la thèse : (1) A process-based model of old-field succession linking ecosystem and community ecology. Martineau Y, Saugier B. 2004. Cet article (soumis) présente le modèle FAPROM, décrit son fonctionnement et montre le comportement général du modèle (succession végétale, sensibilité aux conditions environnementales et aux conditions initiales, rôle de la jachère dans le cycle de l’azote) ; (2) Evidence of hidden fluxes in the estimation of Net Primary Production in herbaceous ecosystems. Sarmiento L, Martineau Y, Acevedo D, Couteaux MM, Escalona A, Saugier B. 2004. En préparation, cet article fondé à la fois sur les données mensuelles de biomasse et sur un modèle de production (variante de FAPROM), met en évidence qu’une part importante des flux de carbone n’est pas prise en compte dans l’estimation de la production primaire nette obtenue à partir du seul suivi des biomasses ; (3) Uses and abuses of logistic growth: considering turnover to avoid biological nonsense in ecological modelling. Martineau Y, Deredec A, Genton B, Saugier B. 2004. Ce projet d’article met en garde contre l’utilisation abusive de l’équation logistique dans la modélisation des dynamiques écologiques et propose une réécriture du modèle de Smith (1963) obtenue par dégradation du modèle FAPROM. Il insiste sur l’importance du 12 turn-over de la matière et présente un modèle étendu qui peut être utilisé tant pour ajuster des données que pour modéliser simplement les mécanismes de la croissance dans des systèmes plus complexes. 13 1 - Développement d’un modèle mécaniste de succession végétale (FAPROM) 15 1.1 - POURQUOI MODELISER ? 15 1.1.1 - Qu’est-ce qu’un modèle ? 16 1.1.2 - Le modèle répond à des objectifs scientifiques généraux. 16 1.1.3 - Le modèle apporte son concours aux études de terrain. 18 12 - À PARTIR DE QUOI MODELISER ? 18 1.2.1 - Quel type de modèle est-il adapté à nos objectifs ? 19 1.2.2 - Le modèle est construit sur des hypothèses simplificatrices. 21 13 - COMMENT MODELISER ? 21 1.3.1 - Le modèle conceptuel repose sur les mécanismes écophysiologiques. 21 Architecture du couvert 26 Compétition pour la lumière et photosynthèse potentielle 26 Respiration des plantes 27 Absorption d’azote et assimilation réalisée 28 Allocation des assimilats 29 Sénescence des organes 29 Matière organique du sol 30 Cycle reproductif 30 Pâturage et cueillette 30 1.3.2 - Le modèle est paramétré à partir d’observations et de mesures de terrain. 31 1.3.3 - Le modèle informatique a été développé en FORTRAN puis VENSIM. 33 1.3.4 - Le modèle est utilisé pour estimer la dynamique de l’écosystème. 34 1.3.5 - Le modèle est couplé à des modèles de sol et de culture. 14 Cette première partie a pour objet de présenter le modèle FAPROM (Fallow Production Model, Martineau & Saugier 2004, annexe 1) que nous avons développé à partir de février 2001 (stage de DEA). Notre exposé s’articulera autour de trois questions : (1) pourquoi modéliser ? (2) à partir de quoi modéliser ? et (3) comment modéliser ? Le travail de modélisation que nous avons mené consistait à intégrer les mesures de terrain (caractéristiques des sols, écophysiologie et morphologie des espèces) et prédire quantitativement la production végétale au cours de la jachère, la dynamique de la litière et la succession secondaire. 1.1 - POURQUOI MODELISER ? Où nous justifions l’approche de modélisation choisie. Afin de justifier l’approche développée, nous allons faire le point sur les différents objectifs de l’étude et montrer dans quelle mesure la modélisation est un moyen de répondre aux questions scientifiques posées. Nous mettrons ici en exergue : (1) les buts de la modélisation ; et (2) la contribution des modèles aux études de terrain. 1.1.1 - Qu’est-ce qu’un modèle ? On entend généralement par modèle ce qui est donné comme exemple, ce qu’on reproduit par imitation, ou la représentation elle-même de ce qu’on reproduit. En science, un modèle est une abstraction qui simplifie la réalité en ignorant de nombreuses caractéristiques du système réel étudié, pour se concentrer sur les aspects qui intéressent le modélisateur et qui définissent la problématique du modèle (Coquillard & Hill 1997, Davi et al. 2003). Il existe différents types de modèles scientifiques : les modèles verbaux, conceptuels ; les modèles physiques (modèles réduits ou agrandis, par exemple, les modèles de molécules en chimie) ; les modèles mathématiques, analytiques ou informatiques. Le modèle que nous proposons a pour objectif d’estimer la production végétale au cours de la succession post-culturale ; il repose sur des équations codées dans un programme informatique ; il entre dans la catégorie des modèles de simulations. 15 1.1.2 - Le modèle répond à des objectifs scientifiques généraux. La modélisation est un outil de recherche qui permet de synthétiser l’information connue et d’en identifier les manques (Daalen & Shugart 1998). Le modèle FAPROM a un but synthétique : la construction du modèle est l’occasion de rassembler l’information existante, sur un plan général (mécanismes écophysiologiques, processus de succession, cycles des nutriments) comme sur les sites d’études particuliers (connaissance du paramo et de la puna, botanique, écophysiologie des espèces étudiées). Il a aussi un but exploratoire dans le sens où il révèle l’information qui fait défaut dans notre compréhension du système : il doit permettre en particulier d’identifier les paramètres clefs de la croissance végétale, les facteurs qui déterminent la succession secondaire et le rôle de la diversité des communautés dans le fonctionnement des écosystèmes. Enfin, le modèle comme outil de recherche a un but explicatif : on cherche par exemple à déterminer les différentes stratégies végétales et à comprendre la réponse de l’écosystème aux perturbations comme l’impact du pâturage sur la dynamique de la communauté et la production de l’écosystème. Calibré et validé, le modèle est également un outil d’ingénierie. Comme outil diagnostique, il permet d’identifier les variables d’intérêt, ce qu’il importe de mesurer sur le terrain et ce qui semble être ou ne pas être un bon indicateur de l’état de la parcelle. Dans un cadre appliqué, il peut servir dans un but prédictif pour estimer les effets à court et long terme d’une réduction du temps de jachère, pour étudier l’impact de la collecte des graminées et du bois, et pour quantifier l’effet d’une jachère enrichie par semis de légumineuse. Il pourra même dans le meilleur des cas se révéler être un outil de gestion qui permette de choisir entre différentes pratiques culturales, d’évaluer la durée optimale de la jachère et de décider de la mise en culture et de la mise en jachère des terres. 1.1.3 - Le modèle apporte son concours aux études de terrain. Sur le terrain, il n’est pas toujours possible de mesurer ce dont on a besoin : (1) La dynamique de certaines variables d’état est difficile à étudier in situ. L’utilisation de méthodes destructives dans l’estimation de biomasse empêche d’en suivre la dynamique tandis que les méthodes non destructives affectent les mesures d’une erreur souvent mal maîtrisée (Sarps 2001). (2) Certains flux ne sont pas directement mesurables ou sont difficilement accessibles. Par exemple, les méthodes d’estimation de la production primaire nette des écosystèmes 16 uniquement à partir des relevés successifs de végétation dépendent très fortement de la fréquence des données et de la variance des mesures, et ne sont pas robustes quand la variance des mesures est trop élevée (cf. Sarmiento et al. 2004, annexe 2). Il est également difficile d’estimer directement le turn-over des différents organes. La méthode d’analyse inverse (Savenkoff et al. 2001, Leguerrier et al. 2003) pose un modèle a priori, établit des relations entre les différents stocks et flux du modèle, et détermine les contraintes du système ; grâce au principe de parcimonie, elle permet de compenser l’insuffisance des données : le modèle permet de déduire les flux non mesurés à partir des informations disponibles (flux mesurés et variables d’état). (3) Les incertitudes de mesure peuvent masquer la dynamique. Comment déceler les variations temporelles quand la variabilité spatiale est importante ? Dans le cas particulier de l’étude des variations de stocks de la matière organique du sol, aucune tendance n’a pu être mise en évidence à cause de la forte hétérogénéité des sols (Sarmiento & Bottner 2002) et du fait que (4) les données de terrains sont coûteuses et partielles. Le suivi de biomasse de 6 parcelles pendant 2 ans (cf. Sarmiento et al. 2004, annexe 2) aurait occupé une personne à plein temps pendant 3 ans ! Il est évident qu’on ne peut pas multiplier les mesures et en cela le modèle peut fournir une aide précieuse pour déterminer sur quelles variables faire porter les efforts. Un modèle peut également permettre de générer des données utiles au fonctionnement d’un autre modèle. Au cours des étapes de développement des modèles du projet TROPANDES, nous avons fourni des données journalières de production de litière au partenaire Montpelliérain qui développait le modèle de matière organique du sol (Pansu et al. 2004a et b). Réciproquement, nous avons utilisé des données d’évapotranspiration potentielle fournies par le modèle de bilan hydrique (Metselaar, communication personnelle). Le modèle constitue un laboratoire in silico. L’augmentation de la vitesse de calcul des ordinateurs a ouvert un champ d’opportunités aux modélisateurs : (1) Nous sommes capables d’effectuer un grand nombre de simulations en un temps raisonnable donc on peut tester théoriquement l’impact de telle variable environnementale sur la production primaire de l’écosystème, ou bien l’effet de tel paramètre sur la position de telle espèce dans la succession secondaire. (2) Et nous pouvons évaluer les effets à long terme de nos scénarios (sous les hypothèses du modèle bien évidemment) ce qui est également infaisable sur le terrain. Comme système complexe, le modèle peut mettre en évidence des résultats contre intuitifs qui résultent de combinaisons d’effets : il permet de dépasser les raisonnements conceptuels qui se limitent à des résultats qualitatifs et principalement aux effets linéaires. 17 1.2 - À PARTIR DE QUOI MODELISER ? Où nous situons le modèle dans la littérature et considérons le cahier des charges, les contraintes de réalisation et les hypothèses du modèle. Notre travail de modélisation a pour but d’estimer la dynamique de la production végétale et la qualité de la litière produite au cours de la jachère. Aussi nous sommes-nous intéressés au rôle des espèces tant pour tenir compte des différences de taux de croissance que des différences de qualité du matériel végétal : le modèle doit quantifier la production primaire de l’écosystème et reproduire la succession observée. Nous expliquerons dans cette section quel type de modèle nous avons choisi et pourquoi, en regard des différents types de modèles développés en écologie ; puis nous présenterons les hypothèses centrales du modèle, les différents processus écophysiologiques pris en compte et les paramètres et variables qui lient le modèle à la réalité. Modèles statistiques a) Modèles théoriques b) Modèles mécanistes Modèles de trouées ANOVA c) Modèles biogéochimiques Modèles de compétition type Lotka-Volterra Castanea DSSAT Figure 3. Classification des modèles écologiques (cf. texte). a) types de modèle (Lavigne et al. 2004), b) modèles de succession végétale, c) modèles de production végétale. 1.2.1 - Quel type de modèle est-il adapté à nos objectifs ? De nombreux types de modèles sont utilisés en écologie. Lavigne et al. (2004) propose de classer les modèles sur un triangle dont les sommets représentent trois grandes classes définies suivant l’objectif principal du modèle (Figure 3a) : (1) les modèles généraux et théoriques qui donnent un cadre conceptuel au développement d’une question scientifique ; (2) les modèles statistiques qui permettent de prédire avec précision dans le domaine étudié ; (3) les modèles mécanistes utilisés pour comprendre les processus afin d’être en mesure d’extrapoler les résultats au-delà du domaine d’étude et de pouvoir tester des scénarios et 18 évaluer des effets à long terme. Un modèle peut être un compromis entre ces différents aspects. Appliquée aux modèles de succession, cette classification place près des sommets du triangle (Figure 3b) : (1) les modèles de compétition purement théoriques (par exemple Blatt et al. 2001, basé sur les équations de Lotka-Volterra) ; (2) les modèles de trouées purement statistiques (voir Bugmann 2001 pour une revue des “gap models” utilisés pour simuler les dynamiques forestières) ; et (3) les modèles biogéochimiques purement mécanistes (dont s’approchent les modèles de van Oene et al. 1999a et b, Bachelet et al. 2001, voir aussi Caldwell 1995 pour une revue des modèles agronomiques à deux espèces). Si l’objectif est de quantifier la production végétale, on trouve près des sommets (Figure 3c) : (1) les modèles agronomiques génériques mais pas théoriques (Modèles DSSAT, CERES, Matthews & Stephens 2002) ; (2) les modèles statistiques du type régression linéaire (efficience photosynthétique) ou ANOVA (lorsque plusieurs variables explicatives sont prises en compte, telles que l’âge de la jachère, l’espèce dominante, les caractéristiques du sol, etc.) ; et (3) les modèles mécanistes écophysiologiques (Dufrêne et al. 2004) ou agronomiques (Parton et al. 1983, de Wit 1978). Dans le cadre du projet TROPANDES, on souhaitait (1) tester des scénarios pour améliorer la gestion du système de culture (semis de lupin en début de jachère, arrachage des arbustes, exclusion du pâturage) et (2) prédire les effets à long terme du raccourcissement du temps de jachère. Or pour pouvoir étendre les résultats du modèle audelà des observations, le modèle doit être au moins partiellement mécaniste (Reynolds et al. 2001). 1.2.2 - Le modèle est construit sur des hypothèses simplificatrices. La construction d’un modèle biogéochimique fondé sur la description des mécanismes écophysiologiques permet de satisfaire simultanément nos deux objectifs : reproduire la succession secondaire et quantifier la production végétale. Le modèle lie ainsi écologie des communautés et écologie des écosystèmes : à chaque pas de temps, la composition spécifique détermine les flux de l’écosystème (par l’estimation des processus écophysiologiques) ; et inversement, les flux de l’écosystème structurent la communauté (par le biais des interactions plantes/plantes et des interactions plantes/sol). Nous avons volontairement insisté sur la description des mécanismes écophysiologiques et avons réduit le système étudié à une « soupe végétale » dont la seule dimension spatiale est la structure verticale de la communauté : les espèces (six ont été 19 paramétrées pour chacun des sites étudiés) sont réparties dans le couvert en fonction de leur taille mais aléatoirement distribuées dans les strates qu’elles occupent. La hauteur des strates a été fixée à 10 cm dans nos simulations. Les espèces sont en compétition pour la lumière et l’azote. Chaque espèce est découpée en quatre organes : (1) les feuilles qui déterminent la photosynthèse brute potentielle ; (2) les tiges qui déterminent la hauteur du couvert ; (3) les racines qui déterminent l’absorption d’azote ; et (4) les graines qui participent au cycle reproductif. Le modèle décrit les cycles du carbone et de l’azote (Figure 4). Il simule au pas de temps horaire, la photosynthèse ; au pas de temps journalier, les respirations de croissance et d’entretien, l’allocation des assimilats, l’absorption, la fixation et la remobilisation de l’azote, la sénescence des tissus et la chute de nécromasse ; et au pas de temps annuel, la dispersion et la germination des graines. Ce modèle de végétation a été conçu pour être couplé à un modèle de sol. Dans l’attente du couplage au modèle développé par Pansu et al. (2004a et b), nous avons développé un petit modèle simplifié du fonctionnement de la matière organique du sol pour simuler la rétroaction du cycle de l’azote sur la dynamique de la communauté. a b Rm Uatm rg Pd = (1-rg).P g Gs S B D F S Usoil L B D F L R Hs Gs Hs N C c δ F β.L L aqd.L SOM asd.SOM Nm Usoil Nleached N aqd: rate of litter decomposition; asd: rate of soil organic matter decomposition; B: biomass; D: dead mass or standing necromass; F: fall of dead mass (litter accumulation); Gs: reproductive growth (seed germination); Hs: seed dispersion; L: litter; Nleached: mineral nitrogen lost by leaching; Nm: soil mineral nitrogen; Pd: daily net assimilation by photosynthesis; Pg: daily gross assimilation by photosynthesis; rg: fraction of Pg devoted to growth respiration; Rm: maintenance respiration; R: short recycling; S: senescence; SOM: soil organic matter; Uatm: atmospheric nitrogen uptake (leguminous only); Usoil: soil nitrogen uptake by roots; β: rate of litter burial; δ: daily nitrogen deposition. Figure 4. Modélisation des cycles du carbone et de l’azote. a) cycle du carbone dans les plantes ; b) cycle d’azote dans les plantes ; c) cycle d’azote dans le sol. 20 1.3 - COMMENT MODELISER ? Où nous décrivons le modèle et les étapes de développement. La description synthétique du modèle fait l’objet de l’article reproduit en annexe 1. Nous donnerons ici une vue d’ensemble des voies explorées pour la modélisation des différents processus écophysiologiques et quelques pistes d’amélioration du modèle. Dans la suite de cette section, nous proposons un résumé des étapes du développement du modèle, de son élaboration à son utilisation. On se réfèrera au Tableau 4 (paramètres utilisés et valeurs estimées pour les six espèces vénézuéliennes) et au Tableau 5 (principales équations telles qu’elles sont utilisées dans la dernière version du modèle). Le numéro des équations de référence est cité dans le texte précédé de la lettre E. Les Tableaux 4 et 5 sont reproduits pages suivantes et sur un volant cartonné recto-verso. 1.3.1 - Le modèle conceptuel repose sur les mécanismes écophysiologiques. La Figure 4 (page précédente) schématise les cycles du carbone et de l’azote dans les plantes et dans le sol tels qu’ils sont pris en compte dans le modèle FAPROM. Architecture du couvert Pour calculer la photosynthèse potentielle de chaque espèce, le modèle estime la surface foliaire, la hauteur du couvert et la distribution de la surface foliaire dans le couvert. La biomasse de feuilles (simulée par le modèle au pas de temps journalier) est convertie en surface foliaire en supposant une masse surfacique de feuille constante au cours du temps (E19). La surface foliaire est ensuite répartie de façon homogène dans les strates occupées par l’espèce (E20). La hauteur du couvert est déterminée en fonction de la biomasse aérienne par une régression linéaire (E18). On peut substituer à ces hypothèses simples un calcul de la hauteur du couvert et des fonctions de répartition des feuilles plus réalistes. La première version du modèle permettait de choisir entre trois distributions ‘théoriques’ : en pyramide, homogène, en parapluie. Elle a été abandonnée en attendant l’intégration complète des données de terrain. Ces données pourront être directement utilisées pour simuler les distributions. (Suite du texte p.26) 21 Tableau 4. Paramètres du modèle FAPROM, valeurs utilisées pour le site vénézuélien. 4.1 - Caractéristiques des espèces (W : saison humide ; D : saison sèche). Symbol Parameters Units References Ru Es Ac Hy Ba Lu γ (i ) Nitrogen-fixing cost ─ Cannell & Thornley (2000) [Ryle et al. 1979, Phillips 1980, Sheehy 1987] 1 1 1 1 1 0.20 rg Growth respiration rate gC gC-1 d-1 Ruimy (1995) 0.20 0.20 0.20 0.20 0.20 0.20 mN Maintenance respiration rate gC gN-1 d-1 Ryan (1991) 0.13 0.13 0.13 0.13 0.13 0.13 gDM m-2 Fontaine (2000) 54.4 195.9 114.9 182.5 120.9 87.8 Fontaine (2000) 80.0 60.7 20.2 51.8 52.0 34.1 Sinoquet et al. (2000), Bonhomme & VarletGrancher (1977) 0.52 0.69 0.95 0.77 0.76 0.89 W 15.4 24.3 13.3 12.1 11.4 24.3 D 8.3 62.4 9.5 8.3 11.4 17.1 LMA ( i ) Leaf mass per area ω(i ) Mean leaf angle degree k (i ) Light extinction coefficient* ─ Photosynthesis Photosynthetic P max ( i ) gross rate at saturating light µmol m-2 s-1 α (i ) Photochemical efficiency ─ θ(i ) Nonrectangular hyperbola curve ─ Fontaine (2000) Llambi et al. (2003) [Measurements corrected by 1.25 Saugier (p.c.)] W 0.019 0.008 0.035 0.015 0.008 0.020 D 0.039 0.008 0.011 0.019 0.008 0.025 W 0.982 0.616 0.935 0.974 0.500 0.934 D 0.500 0.500 0.500 0.505 0.500 0.642 Nitrogen concentrations n ( i , j ) n ( i , leaf ) Leaf W n ( i ,stem ) Stem W n ( i ,seed ) Seed W n ( i , root ) Root W n ( i , leaf ) Leaf D n ( i ,stem ) Stem D n ( i ,seed ) Seed D n ( i , root ) Root D dead mass Shoot dead mass Root n D ( i , shoot ) D n ( i , root ) Mortality rate s * s C s C s C s C s C s C s C s C C / 100 gN gDM-1 / 100 gN gDM-1 / 100 gN gDM-1 Berbesi (1990) except for Lupinus [Coûteaux (p.c.)] and for Acaena seed (estimation) Idem 1.96 0.70 1.44 1.26 1.23 3.25 0.63 0.95 0.63 0.60 0.63 2.25 1.02 0.53 1.00 1.51 1.19 2.75 0.53 0.60 0.46 0.49 0.42 1.93 2.32 0.67 1.50 1.35 0.61 3.25 0.63 1.10 0.62 0.70 1.30 2.25 2.60 0.41 1.00 1.10 1.12 2.75 0.85 0.40 0.45 0.61 0.53 1.93 0.93 0.74 1.05 1.27 1.23 2.32 0.47 1.04 0.84 0.77 0.93 0.95 0.50 0.25 0.43 0.29 0.37 0.67 0.28 0.02 0.03 0.02 0.03 0.28 0.28 0.28 0.28 0.28 0.28 0.28 0.33 0.10 0.11 0.09 0.11 0.55 2.00 0.38 0.64 0.34 0.37 2.67 1.12 0.03 0.04 0.02 0.02 1.11 1.12 0.42 0.42 0.33 0.28 1.11 1.32 0.15 0.17 0.11 0.09 2.22 Marquez (p.c.) (i,j) ( i , leaf ) Leaf W ( i , stem ) Stem W ( i , seed ) Seed W ( i , root ) Root W ( i , leaf ) Leaf D ( i , stem ) Stem D ( i , seed ) Seed D ( i , root ) Root D / 100 gC gC-1 d-1 / 100 gC gC-1 d-1 ω(i ) k ( i ) = 0.988 ⋅ cos 2.4 2 Sarmiento (p.c.) Estrada (p.c.) Martineau (results of firststep calibrations, not shown) Symbol Parameters Units H max ( i ) Maximal height SRL ( i ) Specific root length m m g-1 References Saugier (p.c.) Sarmiento (p.c., not shown) Ru Es Ac Hy Ba Lu 0.4 0.6 0.4 1.0 1.2 0.6 70 300 200 260 280 70 0.08 0.39 0.17 0.27 0.25 0.17 0.12 0.03 0.40 0.40 0.43 0.44 0.17 0.09 0.09 0.06 0.01 0.03 0.41 0.05 0.24 0.24 0.23 0.33 C Biomass distribution g T ( i , j ) g CW ( i , leaf ) Leaf W C W ( i , stem ) Stem W g W ( i , seed ) Seed W g C gC gC-1 Berbesi (1990) except for Lupinus [Fontaine (2000)] g C W ( i , root ) Root W g C W ( i , dead ) Dead mass W 0.22 0.44 0.10 0.03 0.08 0.03 C Leaf D 0.18 0.35 0.06 0.22 0.25 0.17 C Stem D 0.01 0.03 0.32 0.37 0.43 0.44 0.02 0.12 0.01 0.01 0.01 0.03 g D ( i , leaf ) g D ( i , stem ) gC gC-1 g C D ( i , seed ) Seed D g C D ( i , root ) Root D 0.53 0.06 0.31 0.25 0.23 0.33 g C D ( i , dead ) Dead mass D 0.26 0.44 0.30 0.15 0.08 0.03 0.16 0.64 0.43 0.48 0.57 0.34 0.23 0.01 0.15 0.17 0.20 0.23 0.23 0.25 0.14 0.13 0.03 0.26 0.38 0.10 0.28 0.22 0.20 0.17 C Initial biomass allocation f 0 f C 0 ( i , leaf ) Leaf f C 0 ( i , stem ) Stem ( i , seed ) Seed C f0 f C 0 ( i , root ) Idem (i,j) gC gC-1 d-1 Martineau (results of a compartment model, not shown) Root 4.2 - Caractéristiques de la parcelle Symbol Parameters Dimension References Value δ Nitrogen deposition rate gN m-2 a-1 Sarmiento (1995) 0.4 λ Nitrogen concentration in leached water Fraction of rain lost by drainage gN dm-3 Martineau (calibration) 0.025 % Sarmiento (2000) 37.6 Litter decomposition rate gN gN-1 d-1 Coûteaux (p.c.) 0.7 10-3 β Litter burying rate gN gN-1 d-1 Sarmiento et al. (2004) 6.5 10-3 a sd Soil organic matter decomposition rate Initial value of soil organic matter gN gN-1 d-1 Sarmiento et al. (2004) 0.02 10-3 gN m-2 Pansu (p.c.) 600 ρ a qd SOM0 4.3 - Conditions initiales des simulations (cas standard) Symbol G C r (i C ) G d (i ) Species Seed rain -2 -1 gC m a Dormant seeds gC m-2 Ru Es Ac Hy Ba Lu 2.5 0.06 0.002 0.05 0.06 0.05 25.0 6.0 0.2 5.0 6.0 5.0 Initial values of all other species-specific variables (B, D, L) equal to 0 (bare soil). a-1: per year; Ac: Acaena elongata; Ba: Baccharis prunifolia; d: day; Es: Espeletia schultzii; gC: gram of carbon; gDM: gram of dry matter; gN: gram of nitrogen; Hy: Hypericum laricifolium; Lu: Lupinus meridanus; m: meter; p.c.: personal communication; Ru: Rumex acetosella; s: second. Tableau 5. Equations du modèle FAPROM (voir Tableau 4 pour la signification des paramètres et Figure 4 pour le schéma global du fonctionnement du modèle). E1, E2, … refer to equation number as quoted in model description. Description is made for species i, organ j; exponents C and N refer respectively to carbon and nitrogen contents. ∆t represents the time step. ∆t = 1 day for all our simulations. 5.1 - Carbon cycle: daily growth of biomass (B) and standing dead mass (D) [cf. Figure 4-a]. f C P C d (i ) G (i ,j) / ∆t = f C / ∆t = S C ( C (i ,j) ⋅ Pd (i,j) C −F C + Gs (i ) )− R (i ) C m (i,j) −S C (i ,j) − H sC ( i , j ) C d (i ) E2 (i,j) ( = min U C theo ( i ) ;U ) C max ( i ) (i,j) Maintenance respiration: R Senescence: S C =s (i,j) C C m (i,j) (i ,j) N = m C ⋅B N ⋅B E5 (i,j) E6 (i,j) H Loss by seed dispersion F C Fall of standing dead mass, according to the standing dead/biomass ratio ν (i ,j) F C ( i , j ) = max D C (i ,j ) ν − B C (i ,j) ⋅ C 1− ν (i ,j) C (i ,j) C ( i ,j ) : ; 0 E7 5.2 - Nitrogen cycle: daily growth of biomass (B) and standing dead mass (D) [cf. Figure 4-b]. N N N N N ∆B N ( i , j ) / ∆t = f N ( i , j ) ⋅ G sN ( i ) + U atm ( i ) + U soil ( i ) + ∑ ℜ a ( i , j ' ) − S ( i , j ) − H s ( i , j ) j ' ∆D N (i,j) N (i,j) / ∆t = S N (i,j) N − ℜa (i,j) Nitrogen allocation coefficient: f N −F N = (i,j) f ∑ (f C (i ,j) C ξ (i,j) (i,j') j' ξ (i ,j' ) ) E10 Carbon / nitrogen ratio: ξ ( i , j ) = χ n ( i , j ) with carbon content χ = 0.45 for all species and organs n (i,j) Nitrogen concentration in biomass N C Nitrogen supply by seed rains: G s ( i ) = G s ( i ) ξ ( i , seed ) G N s (i U N atm ( i ) Symbiotic nitrogen fixation U N soil ( i ) Soil nitrogen uptake by plant roots ℜ N a (i,j) ) E11 Actual nitrogen remobilisation: N u theo (i ) N N N N = ℜ < ℜ ℜ ⋅ if u , then , else ∑ p (i,j') theo ( i ) p (i,j) p (i,j) (i,j) N j' ∑ ℜ p (i,j') j' C R ξ (i,j) m (i,j) N N + Potential nitrogen remobilisation: ℜ p ( i , j ) = S ( i , j ) ⋅ 1 − ξ ( i , necro ) ξ (i,j) N ℜa ℜ pN ( i , j ) N H (i,j) N s (i,j) F N (i,j) E8 E9 (i,j) ξ (i,j) S E3 E4 C s (i,j) f E1 Reproductive growth by seed germination ) C S ∆D C (i,j) C-uptake: P R m (i,j) C C Fraction of carbon allocated to the compartment (for details see in Appendix I, annexe 1) (i,j) C s (i ∆B Senescence: S N (i,j) = s C (i ,j) ⋅ B N (i,j) E12 E13 E14 Loss by seed dispersion Fall of standing dead mass: F N ( i , j ) = F C ( i , j ) ⋅ D N D C (i,j) E15 (i,j) 5.3 - Carbon and nitrogen uptake C U theo ( i ) rg l Ph ( i ) Potential daily carbon uptake: U Ctheo( i ) = (1 − rg ) ⋅ η ⋅ ∑∑ Phl ( i ) l h Growth respiration rate Instantaneous photosynthesis of leaf layer l at solar time h: P hl ( i ) = LAI l ( i ) ⋅ P max ( i ) + α ( i ) ⋅ A lh ( i ) − (P max ( i ) + α ( i ) ⋅ A lh ( i ) ) 2 ( η used to change units) E16 E17 − 4 ⋅ θ ( i ) ⋅ P max ( i ) ⋅ α ( i ) ⋅ A lh ( i ) 2 ⋅ θ ( i ) Light competition B C ( i , shoot ) Height: H ( i ) = min H max ( i ) ; max 0.01; H max ( i ) ⋅ C B max ( i , shoot ) C C C C with B ( i , shoot ) = B ( i , leaf ) + B ( i , stem ) and B max ( i , shoot ) the maximal value of B C ( i , shoot ) H (i ) B C ( i ,leaf ) E18 with carbon content χ = 0.45 LAI ( i ) Leaf area index: LAI ( i ) = LAI l ( i ) Leaf area index in layer l, linearly related to height (for details see in Appendix II, annexe 1) χ ⋅ LMA ( i ) k (i ) l Light interception: A h ( i ) = l A h (i ) ∑ k ( i ' ) ⋅ LAI l ( i ' ) i' ⋅ I lh ⋅ 1 − exp − ∑ k ( i ' ) ⋅ LAI l ( i ' ) i' E20 E21 0 h − 12 ⋅ π ; 0 E22 PAR above the canopy at solar time h: I h = max I max ⋅ cos τ ΓU ⋅ R g Daily maximal instantaneous radiation: I max = E23 ΓI ⋅ τ with data inputs ( R g : daily radiation and τ : day length) and constants ( Γ U : unit change and Γ I : integration) 0 Ih I max l +1 l +1 Instantaneous PAR above the layer l: I h Ih = I lh ⋅ exp − ∑ k ( i ' ) ⋅ LAI l ( i ' ) i' Nitrogen competition N C N U theo ( i ) Potential nitrogen assimilation: U theo ( i ) = U theo ( i ) ⋅ ∑ f j N V theo ( i ) U E19 N soil ( i ) N C U max ( i ) C (i,j) ξ (i,j) ) E25 N N N Plant nitrogen demand: V theo ( i ) = max U theo ( i ) − ∑ ℜ a ( i , j ) ; 0 j Actual plant uptake: U N soil ( i ) Soil mineral nitrogen [ ∆N m Nm U atm ( i ) ( E24 E26 C SRL ( i ) ⋅ B ( i , root ) N ∆N m = min V theo ( i ) ; ⋅ C ∆t ∑ SRL ( i ' ) ⋅ B ( i ' , root ) i' = N m in limiting nitrogen] ( E27 ) N N N N-fixing: U atm ( i ) = (1 − γ ( i ) ) ⋅ V theo ( i ) − U soil ( i ) E28 ( N N Actual carbon uptake: U Cmax ( i ) = ∑ ℜ aN ( i , j ' ) + U atm ( i ) + U soil ( i ) ⋅ ∑ ξ ( i , j ' ) ⋅ f j ' j' N (i,j') ) E29 5.4 - Seed cycle (cf. Table 4.3). C Gs with δ ( i ) if t = t 0 ( i ) then G Cd ( i ) C Seed germination: G s ( i ) = E30 C C if t = t g ( i ) [ 365 ] then G r ( i ) + (1 − δ ( i ) ) ⋅ H s ( i , seed ) ⋅ (1 − Ω ) fraction of seed dispersion; t g ( i ) time of seed germination and t 0 ( i ) time of first germination (i,j) Soil cover: Ω = 1 − exp − ∑ k ( i ' ) ⋅ LAI ( i ' ) i' C C Seed dispersion: H s ( i , j ) = if t = t d ( i ) [ 365 ] and j = seed , then B ( i , seed ) , else 0 (i ) Ω C Hs [ ] { E31 } E32 with t d ( i ) time of seed dispersion 5.5 - Nitrogen cycling through soil (cf. Table 4.2 and Figure 4-c). ∆N m / ∆t = δ + a qd L N + a sd SOM N N − N leached − U soil ∆L N / ∆t = F N − a qd L N − β L N ∆SOM N leached U N soil FN N / ∆t = β L N − a sd SOM ( E34 N Nitrogen leached: N leached = min λρW , ∆N m ∆t − U Plant uptake: U = ∑U N soil i N soil ( i ) N N Litter fall: F = ∑∑ F ( i , j ) i j β, δ, λ, ρ, aqd and asd are defined in Table 4.2. E33 N soil ) E35 E36 E37 E38 On fait l’hypothèse simplificatrice que dans chaque strate, les feuilles de chaque espèce sont distribuées aléatoirement dans le plan horizontal et que les distributions des feuillages de chaque espèce sont indépendantes. Compétition pour la lumière et photosynthèse potentielle Sous cette hypothèse, l’extinction de la lumière à travers le couvert végétal suit une loi de Beer-Lambert (Monsi & Saeki 1953, E24). Dans chaque strate, la lumière absorbée est répartie entre les espèces au prorata de leur indice local de surface foliaire modulé par leur coefficient d’absorption (Sinoquet et al. 2000, E21). Pour calculer l’assimilation journalière potentielle, on intègre sur les strates et sur les heures la réponse instantanée de la photosynthèse à la lumière mesurée en champ (Thornley & Johnson 1990, E16 à 23). Pour chaque espèce, deux courbes de réponse instantanée de la photosynthèse foliaire à la lumière ont été obtenues (Fontaine 2000, Llambi et al. 2003, Saugier & Pontailler 2003) : l’une en saison humide et l’autre en saison sèche (Gilmanov et al. 2003). Un modèle simplifié de bilan hydrique détermine quels paramètres utiliser. Une version antérieure du modèle distinguait lumière directe et lumière diffuse (Spitters et al. 1986, Spitters 1986, Dufrêne et al. 2004). Malgré l’importance de cette distinction (Gu et al. 2003 ont montré une augmentation de la photosynthèse consécutive à l’éruption du Pinatubo), ce raffinement semblait disproportionné par rapport à la description des autres processus, aussi l’avons-nous abandonné. Par ailleurs, l’application du modèle à des sites aux saisons moins marquées justifierait d’inclure un véritable bilan hydrique dans le modèle. Aucune dépendance de la photosynthèse à la température n’a été prise en compte dans le modèle. Respiration des plantes Nous modélisons la respiration en suivant le découpage classique croissance / entretien (Thornley 1970, Thornley & Cannell 2000, Figure 4a p.20). Nous prélevons d’abord 20% (rg) de l’assimilation photosynthétique pour assurer les besoins liés à la respiration de croissance (E16). Puis nous prélevons une part proportionnelle au contenu en azote de chaque organe pour assurer le renouvellement des substrats (Ryan 1991, E5) ; le coefficient de proportionnalité (mN) est estimé d’après Ryan7. Nous réduisons en outre la respiration 7 m N = ln ( Q 10 27 ⋅ exp 365 10 ) ⋅ T avec Q10 = 2 et T la température moyenne annuelle du site. 26 d’entretien des feuilles de 25% pour tenir compte de l’utilisation directe de l’énergie lumineuse par les feuilles pendant la journée (Penning de Vries et al. 1989, Cannell & Thornley 2000). Dans le modèle que nous avons construit pour estimer la production primaire nette des parcelles vénézuéliennes dont la biomasse avait été suivie pendant deux ans (cf. annexe 2), nous prélevons d’abord ce qui correspond à la respiration d’entretien, puis 25% du reste pour la respiration de croissance. Selon Cannell & Thornley 2000, cette méthode alternative est équivalente à celle employée pour le modèle FAPROM. Une amélioration substantielle de l’estimation de la respiration prendrait en compte la quantité de structures et de substrats dans chaque organe et décrirait le détail des besoins énergétiques liés aux différents processus écophysiologiques. Absorption d’azote et assimilation réalisée Les différentes espèces sont en compétition pour l’azote (Figure 4b p.20). Leur demande d’azote minéral (dérivée de l’assimilation potentielle, du C/N des organes et des coefficients d’allocation) est confrontée à l’offre d’azote minéral du sol (E25 à 27). Chaque espèce absorbe une quantité d’azote minéral au prorata de la longueur de ses racines (modèle de Berendse, van Oene et al. 1999a). La longueur des racines est calculée à partir de la biomasse de racines simulée et du SRL (Specific root length : longueur de racine par unité de masse). Au moment de la sénescence, une partie de l’azote peut-être remobilisée. Cette partie est calculée à partir des teneurs en azote des différents organes vivants et morts (E12-13). Les espèces légumineuses ont en outre la possibilité de compléter leur bilan d’azote par fixation symbiotique (E28). Cette fixation présente un coût respiratoire additionnel : chaque gramme d’azote fixé nécessite 0,2 g de carbone respiré (Cannell & Thornley 2000, Voisin et al. 2003). Une version antérieure du modèle répartissait l’azote minéral entre les espèces au prorata de leur demande d’azote (dérivée de l’assimilation potentielle). Le modèle de Berendse semble plus adapté pour prendre en compte la compétition pour l’azote. On pourrait poursuivre l’amélioration en distribuant les racines dans des strates de sol de façon symétrique au modèle du couvert (mais nous manquons encore de données sur la distribution des racines par espèce). Quant à la fixation symbiotique des légumineuses, elle était au départ calculée comme une portion fixe de la demande d’azote. La prise en compte du coût de la fixation permet une certaine plasticité de la réponse des légumineuses qui semble plus réaliste : la plante ne fixe de l’azote qu’en conditions limitantes ; en absence d’azote minéral, la plante a une fixation maximale d’azote. 27 Allocation des assimilats Mesurée Simulée Biomass distribution Assimilate allocation 0.7 0.26 0.4 Root Seed Stem Leaf 0.29 0.44 0.4 0.40 0.2 0.06 0.20 0.02 0.05 0.30 0.25 0.26 0.05 0 100 200 300 Date 0 100 200 300 Date Figure 5. Modélisation de l’allocation (Hypericum laricifolium). Gauche : répartitions de biomasse simulée et observée (une seule mesure par saison extrapolée sur la saison entière). Droite : coefficients d’allocation simulés. L’assimilation réalisée est égale au minimum de (1) ce qui est calculé en supposant que seules la lumière et l’eau sont limitantes, et de (2) ce qui est calculé en prenant également en compte la limitation en azote minéral (E27). Les cycles du carbone et de l’azote sont reliés par les teneurs en azote des différents organes (constantes par saison) et les coefficients d’allocation (variables au cours du temps) (E3, E10, E25). Les coefficients d’allocation8 sont ajustés au pas de temps journalier de telle sorte que la distribution résultante de la biomasse entre les différents organes soit conforme à (ou du moins s’approche autant que possible de) la distribution mesurée sur le terrain (deux mesures ont été effectuées pour chaque espèce : l’une en saison sèche et l’autre en saison humide). La Figure 5 présente la dynamique des coefficients d’allocation simulée pour Hypericum laricifolium, la répartition de biomasse résultante et la répartition mesurée sur le terrain. 8 Pour plus de détails, l’appendice I de l’article reproduit en annexe 1 donne les équations définies pour calculer les coefficients d’allocation. 28 La première version du modèle allouait les assimilats avec des coefficients fixes. Cette hypothèse ne permettait pas de simuler une répartition de biomasse conforme aux mesures de terrain. Améliorer la prise en compte des processus d’allocation nécessite vraisemblablement d’étudier la plasticité de l’allocation (réponse de la plante à un déficit en azote minéral ; croissance en hauteur stimulée par un déficit de lumière). Sénescence des organes La mortalité des tissus est modélisée par une équation du premier ordre : une fraction constante de biomasse meurt à chaque pas de temps (E6, E14). Un taux de turn-over assure ainsi le maintien des structures. Ce taux dépend de l’espèce, de l’organe et de la saison. La prise en compte de la phénologie des espèces permettrait d’améliorer sensiblement le modèle de sénescence. Noodén et al. (1997) fournissent des pistes pour intégrer l’action de la sécheresse dans les processus de sénescence : la compensation de la photosynthèse brute par la respiration d’entretien (due à la réduction de la photosynthèse consécutive à la fermeture des stomates lors d’un stress hydrique) constituerait un signal des processus de sénescence (le coût d’entretien des organes verts devient alors prohibitif). Matière organique du sol La chute de litière est simulée à partir du rapport de la nécromasse sur pied à la biomasse, estimées sur les mesures de terrain (E7, E15). La litière au sol est partiellement décomposée et partiellement enfouie sous l’action des macro-organismes du sol (Figure 4c p.20). La matière organique du sol (dont une partie est récalcitrante) se décompose à un taux beaucoup plus lent. Le bilan d’azote minéral (NO3- et NH4+) tient compte de la minéralisation de la litière et de la matière organique, de la déposition, du lessivage et de l’absorption par les racines des plantes (E33 à 38). Le couplage au modèle multicouche de Pansu & Bottner (2004 a et b) devrait permettre (1) de prendre en compte la qualité de la litière produite et (2) d’ajuster les taux de décomposition en fonction des conditions environnementales dans chaque couche (humidité du sol, température). Il serait également intéressant de modéliser la diversité des micro- et macro-organismes du sol afin de prendre en compte les boucles de rétroactions qui lient la diversité des compartiments aériens et souterrains (De Deyn et al. 2004). 29 Cycle reproductif Parallèlement à la croissance végétative, le modèle simule au pas de temps annuel la reproduction. A chaque pas de temps les différentes espèces allouent de la biomasse à leurs structures reproductives. A une date donnée (choisie en fonction de la phénologie de l’espèce), les graines sont dispersées (E32). La banque de graines du sol est alimentée par une partie de ces graines, par la pluie de graines qui arrive des parcelles voisines, et par les graines en dormance (E30). Lorsque les conditions climatiques sont réunies (au début de la saison humide suivante), une partie de ces graines germent (E31). On entend par germination la germination proprement dite et la phase de recrutement : la biomasse des graines « qui germent » est directement allouée aux organes de l’espèce. La modélisation du cycle reproductif reste simpliste. Le modèle ne prend en compte que la biomasse de graines ; il ne simule ni le nombre de graines ni le nombre de nouveaux individus recrutés : il n’y a pas de modèle de dynamique de populations sous-jacent. Des études complémentaires sur le terrain permettraient d’estimer les flux de graines intra- et inter-parcelles, la banque de graines, les chances de recrutement, et le rapport de biomasses graines dispersées / parties reproductives sur pied. Pâturage et cueillette Le modèle peut prendre en compte le prélèvement d’une partie de la biomasse d’une ou de plusieurs espèces. Pour des études préparatoires sur l’impact du pâturage sur la succession secondaire et sur la production primaire de l’écosystème, nous avons fait varier la pression d’herbivorie (fréquence et intensité des prélèvements). Pour étudier l’impact de la cueillette (prélèvement des arbustes), nous avons également fait varier la fréquence de la perturbation. Pour prendre correctement en compte le pâturage, il faudrait aussi modéliser l’apport de matière organique par les fèces des animaux et étudier l’impact mécanique du piétinement du bétail sur le sol et la végétation. 1.3.2 - Le modèle est construit à partir d’observations et de mesures de terrain. Le modèle FAPROM a été développé pour prédire la dynamique de la végétation et la production de litière. Les paramètres du modèle se devaient d’être estimables sinon mesurables sur le terrain. Le modèle constitue un lien entre les mesures écophysiologiques et 30 la dynamique de la communauté. Bien que nous ayons recherché le meilleur compromis entre réalisme et simplicité, le nombre de paramètres du modèle est élevé (une cinquantaine par espèce, cf. Tableau 4). De nombreux auteurs ont publié leur point de vue quant à la complexité des modèles (notamment Ginzburg & Jensen 2004, Lavigne et al. 2004) mais peu de ces contributions s’intéressent précisément à ce type de modèle : ici, notre objectif est clairement de faire le lien entre les processus instantanés (décrits à l’aide de traits spécifiques mesurables sur le terrain) et la dynamique globale de la communauté (production primaire, qualité de la litière, succession végétale). Les données interviennent donc à tous les niveaux du modèle et sont au cœur de notre démarche : (1) les données écophysiologiques et morphologiques déterminent les paramètres mécanistes de la croissance des différentes espèces et du fonctionnement de l’écosystème (photosynthèse, distribution de la biomasse, surface foliaire spécifique, angle foliaire moyen - cf. Tableau 4) ; (2) les données météorologiques9 (rayonnement journalier, température et précipitations) et les éventuelles variables exogènes (pluies de graines, flux d’azote minéral) constituent les variables de forçage du système ; (3) les données écologiques permettent de déterminer les conditions initiales de nos simulations et de valider le modèle : suivis de parcelle au cours de la jachère (biovolume des espèces et analyses de sol), expérience de jachère améliorée (semis de légumineuse), estimation de la production primaire nette de l’écosystème. Malheureusement, nous n’avons pas encore accès à toutes les données écologiques. 1.3.3 - Le modèle informatique a été développé d’abord en FORTRAN puis sous VENSIM10. Conjointement au développement conceptuel du modèle, le développement informatique constitue une part importante du travail. D’abord codé sous FORTRAN (Martineau 2001), le modèle a été traduit en 2002 sous VENSIM pour être compatible avec les autres modèles développés dans le cadre du projet TROPANDES en vue du couplage des 9 Les données climatiques du Venezuela ont été collectées par Lina Sarmiento à Gavidia. Lina Sarmiento et Julia Smith ont traité ces données et étendu le jeu de données disponible sur 34 ans en utilisant des corrélations entre plusieurs stations météorologiques voisines (pour plus de détails, se reporter à la partie Application de l’annexe 1 ou au Matériel & Méthodes de l’annexe 2). Les données climatiques de Bolivie ont été collectées par Jean Vacher à Patacamaya. Pierre Bottner a étendu le jeu de données disponible sur 20 ans en juxtaposant aléatoirement les années météorologiques complètes (19871991). 10 VENSIM est un logiciel de programmation graphique des systèmes dynamiques qui fonctionne en C (http://www.vensim.com). 31 modèles à l’échelle de l’écosystème. De nombreuses vérifications sont nécessaires pour garantir l’adéquation entre le jeu d’équations du modèle conceptuel et le programme informatique. L’utilisation du modèle sur deux sites différents a permis d’identifier certaines erreurs et nous espérons qu’après trois années d’utilisation, le programme est complètement épuré. De nombreuses discussions avec les différents partenaires du projet (en particulier Lina Sarmiento) et d’autres chercheurs (notamment Frank Berendse, Eric Garnier et Paul Leadley) ont contribué à l’évolution du modèle. La Figure 6 (ci-dessous) présente les différentes étapes de développement du modèle : conception, estimation des paramètres, calibration sur les données manquantes et validation sur des jeux de données indépendants. Calibration au niveau de la parcelle sur les données manquantes (ex.: banque et pluies de graines) Entrées - Conditions initiales Identification des paramètres espèce par espèce, calibration des paramètres de mortalité Modèle Sorties - Système d’équations qui décrit les mécanismes et les processus - Conditions aux limites - Conditions extérieures (données météo) Parcelle Région Validation sur les sorties réfutables (ex.: statut des espèces dans la succession , biomasse totale, production de litière) - Traits écophysiologiques et morphologiques mesurés sur chaque espèce Espèce Ecosystème - Cycle du carbone et de l’azote - Dynamique de la communauté Communauté Jachère Figure 6. Processus de modélisation. Développer un modèle de ce type ne se limite pas à programmer un certain nombre de fonctions : il faut également identifier l’ensemble des paramètres. Si la plupart des paramètres utilisés dans le modèle étaient (ou devaient être) mesurées au cours du projet TROPANDES, certains paramètres ont (au moins dans un premier temps) dû être calibrés : les paramètres de mortalité, la banque de graines et les flux de graines. On a traité les espèces les unes après les autres pour la procédure de calibration des paramètres de mortalité. On a considéré la banque et les flux de graines comme les conditions initiales et les conditions aux limites des simulations. L’idée du projet TROPANDES était de développer un modèle générique qui puisse être utilisé pour les deux sites d’études. Néanmoins en fonction des données disponibles sur 32 chaque site, il a fallu adapter le modèle au site particulier. Le modèle a été dans un premier temps développé sur le site vénézuélien. Il a été par la suite adapté au site bolivien en fonction des informations disponibles : par exemple, les concentrations en azote des différents organes ont été supposées constantes sur l’année (pas de variations saisonnières). Le travail sur la Bolivie date d’octobre 2002 et n’a pas été réactualisé depuis. La version du modèle qui a été utilisée pour les simulations avec les données du site bolivien ne tenait pas compte des derniers changements (juillet - août 2004) : les coefficients d’allocation sont supposés constants ; l’azote minéral disponible est une variable exogène (considérée comme constante) et est absorbé par les racines au prorata des demandes des plantes (Martineau 2001). 1.3.4 - Le modèle est utilisé pour estimer la dynamique de l’écosystème. Tableau 6. Variables d’intérêt et sorties réfutables du modèle FAPROM. Données collectées par les partenaires vénézuélien et bolivien. Gavidia, Venezuela Patarani, Bolivie Suivis de 123 parcelles Suivis de 19 parcelles Expériences de production (suivi de 6 parcelles pendant 2 ans) Expériences de production (12 parcelles) Manipulation de la jachère (semis de lupin) Manipulation de la jachère (semis de lupin) Statut des espèces Dynamique de la biomasse Dynamique du LAI Suivis de 123 parcelles Suivis de 19 parcelles Répartition de la biomasse Production de litière Expériences de production (suivi de 6 parcelles pendant 2 ans) Expériences de production (12 parcelles) Fonctionnement global de l’écosystème Indice de surface foliaire (LAI) Couverture végétale Biomasse aérienne Biomasse souterraine Production primaire Fixation de l’azote Succession végétale Une fois la calibration du modèle effectuée se pose la question de la validation. Il s’agit de vérifier l’adéquation des simulations aux observations de terrain sur un jeu de données indépendant de ceux utilisés pour la calibration. Dans quelle mesure le modèle est-il réfutable ? Pour que le modèle soit utile, il est nécessaire que les simulations aient un bon degré de réalisme, c’est-à-dire que les prédictions soient « suffisamment » proches des observations. Valider le modèle, c’est vérifier le réalisme d’un certain nombre de variables de 33 sortie du modèle. Le Tableau 6 (p.33) liste les variables d’intérêt et les sorties « réfutables » du modèle. Pour garantir l’indépendance des jeux de données qui servent à la calibration et à la validation du modèle, on calibre sur les paramètres écophysiologiques au niveau des espèces et on valide sur les conditions initiales au niveau de la communauté. Des études techniques complémentaires accompagnent l’étude du modèle : (1) test de la robustesse du modèle ; (2) étude de sensibilité du modèle aux conditions initiales ; (3) étude de sensibilité du modèle aux différents paramètres. 1.3.5 - Le modèle est couplé à des modèles de sol et de culture. Climat SAHEL LINTUL FAPROM MOMOS Plot 1 Plot 2 Plot n Exploitation 1 Exploitation 2 Région Exploitation k Figure 7. Intégration des modèles du projet TROPANDES (légende : cf. Tableau 7 page suivante). Un des objectifs du projet TROPANDES était de réaliser un modèle complet du système de culture à l’échelle de la parcelle (Figure 7). Il s’agissait de : (1) coupler les modèles de végétation (FAPROM pour la jachère et LINTUL pour la culture, Metselaar, communication personnelle) aux modèles de sol (MOMOS pour la matière organique du sol, Pansu et al. 2004a et b, et SAHEL pour le bilan hydrique et l’eau dans le sol, Metselaar, communication personnelle) ; puis de (2) coupler le modèle de jachère au modèle de culture. Ces couplages ont nécessité de programmer une plate-forme d’échange des données entre les différents modèles (les sorties d’un sous-modèle sont les entrées des autres, cf. Tableau 7) et de modéliser la gestion agronomique de la parcelle (planification des activités agricoles, 34 quantité de semence, d’engrais, etc.). La Figure 8 présente le chronogramme des activités agricoles. Tableau 7. Variables échangées entre les différents sous-modèles du modèle agro-écologique de parcelle du projet TROPANDES. (pc : communisation personnelle) SAHEL Metselaar, pc SAHEL Bilan hydrique et eau dans le sol MOMOS Pansu et al. 2004a et b LINTUL Metselaar, pc FAPROM Martineau & Saugier 2004 Humidité du sol ETP ETR ETP ETR Azote minéral Azote minéral MOMOS Matière organique du sol LINTUL Culture de pomme de terre LAI Couverture végétale Fertilisation Résidus de culture FAPROM Végétation de la jachère LAI Couverture végétale Production de litière Biomasse L’étape suivante serait d’inclure le modèle agro-écologique de la parcelle dans un modèle de fonctionnement de l’exploitation agricole (PUMANI, Migueis et al. 1998, Modèle multi-agent des décisions communautaires, Paz-Betancourt 1997) pour simuler la dynamique du système à l’échelle de la vallée. En effet les décisions des paysans (mise en culture des terres, mise en jachère, apport d’engrais, semis …) ne dépendent pas seulement des contraintes agro-écologiques mais également fortement des contraintes socio-économiques (coût du travail, des semences et des engrais, prix de la récolte, position géographique des champs, décisions communautaires …). Rompedura Abandon de la parcelle S R L S R L S R Pâturage Cueillette Jachère Pâturage Cueillette Culture A1 Culture A2 Culture A3 Jachère Figure 8. Chronogramme des activités agricoles. Légende : S : semis et fertilisation ; R : récolte ; L : labour ; Rompedura : rupture de la jachère, incorporation de la végétation naturelle à la terre. 35 2 - Applications du modèle, de la plante à l’écosystème 37 2.1 - CROISSANCE D’UN COUVERT VEGETAL MONOSPECIFIQUE 37 2.1.1 - Patron de croissance végétale, statut de succession et traits des espèces 40 Patron de croissance et statut de succession 41 Patron de croissance et traits des espèces (étude de sensibilité I) 43 Patron de croissance et mécanismes 47 53 2.1.2 - Application à l’estimation de la production primaire nette Que nous apprend le suivi de biomasse des parcelles vénézuéliennes ? 55 2.2 - DYNAMIQUE DE LA COMMUNAUTE VEGETALE 55 2.2.1 - Fonctionnement du modèle avec six espèces en interaction 58 2.2.2 - Le modèle surestime les vitesses de croissance et de mortalité des espèces 60 2.2.3 - Etudes de sensibilité II 60 Sensibilité aux conditions initiales 63 Réponse de l’écosystème au niveau de ressources 65 2.2.4 - Compétition et coexistence 65 Sensibilité aux paramètres Hmax et SRL (étude de sensibilité III) 66 Rôle de la compétition dans le patron de succession 66 Conditions de coexistence 67 Modèle mécaniste simplifié 67 2.2.5 - Tentative de validation du modèle sur les parcelles boliviennes 69 2.2.6 - Combien d’espèces et quelles espèces faut-il prendre en compte ? 70 Comment gérer la sensibilité aux conditions initiales ? 71 2.3 - ROLE DE LA JACHERE DANS L’AGRO-ECOSYSTEME 71 2.3.1 - Cycle de l’azote au cours de la jachère, potentialité de la jachère améliorée 73 Quelles sont les fonctions agro-écologiques de la jachère ? 74 Propositions de gestion durable de l’agro-écosystème 75 A quelle distance sommes-nous d’un modèle d’aide à la décision ? 76 2.3.2 - Impact du pâturage 77 2.3.3 - Diversité des communautés et fonctionnement de l’écosystème 36 Cette deuxième partie présente une synthèse des résultats prédits par le modèle FAPROM sur trois plans différents : (1) la croissance d’un couvert végétal monospécifique, (2) la dynamique d’une communauté végétale et (3) le rôle de la jachère dans l’agroécosystème. Sauf mention contraire, les simulations ont été effectuées avec les valeurs de paramètres définies dans le Tableau 4 (données vénézuéliennes). 2.1 - CROISSANCE D’UN COUVERT VEGETAL MONOSPECIFIQUE Nous présentons dans un premier temps les résultats prédits par le modèle FAPROM pour les différentes monocultures11. Nous analysons le patron de croissance des différentes espèces étudiées au regard de la place que ces espèces occupent dans la succession et interprétons leur patron de croissance en fonction de leurs traits. Afin de mieux comprendre les mécanismes de la croissance végétale, nous dégradons ensuite le modèle FAPROM. Nous obtenons un modèle mécaniste simplifié dont nous relions par une étude de sensibilité les paramètres (qui déterminent le patron de croissance) aux traits mesurés (c’est-à-dire aux paramètres qui servent à modéliser les espèces dans le modèle FAPROM). Nous exposons enfin les résultats d’une étude préliminaire à la validation du modèle FAPROM : l’estimation de la production primaire nette de l’écosystème par suivi de biomasse sur six parcelles vénézuéliennes, assimilées à des monocultures de Rumex acetosella. Les résultats concernant la dégradation du modèle FAPROM et l’étude du modèle mécaniste simplifié font l’objet du projet d’article reproduit en annexe 3 ; l’estimation de la production primaire nette des six parcelles vénézuéliennes fait l’objet de l’annexe 2. 2.1.1 - Patron de croissance végétale, statut de succession et traits des espèces Avant de simuler la communauté végétale, nous avons simulé chaque espèce séparément pour analyser le comportement du modèle pour chacune des monocultures et calibrer les paramètres de mortalité manquants. La Figure 9 présente l’évolution au cours du temps de la biomasse des différentes espèces (a - Venezuela, b - Bolivie). Le Tableau 8 (p.39) donne les valeurs des paramètres utilisés pour la Bolivie. Aux variations saisonnières près, les 11 Nous utiliserons le terme monoculture pour désigner un couvert végétal monospécifique. 37 courbes de croissance suivent un motif sigmoïde caractéristique des croissances logistiques : un début de croissance exponentielle et une saturation à la capacité de charge. Comment relier les deux paramètres du modèle logistique12 aux 55 paramètres et 25 équations du modèle FAPROM ? a) Paramo (Venezuela) Espeletia schultzii Hypericum laricifolium Baccharis prunifolia Rumex acetosella Acaena elongata Lupinus meridanus Biomass (gDM m-2) 1200 1000 800 600 400 200 0 0 2 4 6 8 10 0 2 4 Time b) Puna (Bolivia) 6 8 10 Time Stipa ichu Lupinus buchtienii Bacharis incarum Aristida asplundii Erodium cicutarium Parastrephia lepidophylla Biomass (gDM m-2) 1200 1000 800 600 400 200 0 0 5 10 Time 15 20 0 5 10 15 20 Time Figure 9. Patron de croissance des 12 espèces paramétrées. NB : Les échelles temporelles sont différentes (10 ans pour les espèces vénézuéliennes, en haut ; 20 ans pour les espèces boliviennes, en bas). Pour chaque espèce, les paramètres utilisés dans ces simulations correspondent à ceux des Tableaux 4 (Venezuela) et 8 (Bolivie) excepté pour les conditions initiales : 1 gC m-2 de graines en dormance (sauf pour Stipa ichu : 10 gC m-2) ; pas d’apport de graines en provenance de l’environnement au cours de la simulation. 12 L’équation logistique ( dx x = r ⋅ x ⋅ 1 − , Verhulst 1824, Pearl & Reed 1920) est entièrement dt K déterminée par 2 paramètres : le taux de croissance intrinsèque de la population (r) et sa capacité de charge (K). 38 Tableau 8. Paramètres utilisés pour les espèces boliviennes (W = saison humide ; D = saison sèche). Symbol Parameters Nitrogen-fixing cost γ (i ) Growth respiration rate Maintenance mN respiration rate LMA ( i ) Leaf mass per area rg Units ─ References Cannell & Thornley 2000 [Ryle et al. 1979, Phillips 1980, Sheehy 1987] Er Ar St Pa Ba Lu 1 1 1 1 1 0.20 gC gC-1 d-1 Ruimy 1995 0.25 0.25 0.25 0.25 0.25 0.25 gC gN-1 d-1 Martineau 2001 0.10 0.08 0. 08 0. 05 0.05 0.10 gDM m-2 Sarps 2001 42.9 84.2 945.1 131.4 154.8 36.1 Sarps 2001 61 37 77 61 58 60 ω(i ) Mean leaf angle degree k (i ) Light extinction coefficient ─ Sinoquet et al. (2000), Bonhomme & VarletGrancher (1977) 0.69 0.87 0.55 0.69 0.72 0.70 H max ( i ) Maximal height m Sarps 2001 0.10 0.30 0.50 0.70 0.70 0.25 W 25.6 13.6 17.7 22.2 20.0 21.0 W 0.086 0.040 0.057 0.061 0.063 0.045 ─ W 0.345 0.150 0.350 0.353 0.187 0.531 ─ D 0.0 0.3 1.0 0.4 0.4 0.0 2.18 0.72 0.63 1.18 1.12 2.73 1.90 0.72 0.63 0.51 0.57 2.73 1.90 0.72 0.63 0.51 1.12 2.73 1.90 1.06 0.63 0.51 0.36 2.73 1.90 0.72 0.63 0.51 0.56 2.73 8.50 2.60 0.20 0.85 0.40 3.00 8.56 2.60 0.20 0.80 0.52 3.00 0.50 2.20 0.20 0.50 0.50 0.50 8.56 2.60 0.20 0.80 0.57 3.00 8.00 1.20 0.20 0.80 0.40 1.20 4.35 1.01 0.50 0.50 0.30 1.00 0.05 0.05 0.05 0.05 0.05 0.05 4.33 0.80 1.40 0.50 0.29 2.00 Photosynthesis Photosynthetic gross rate at saturating light Photochemical α (i ) efficiency Non-rectangular θ(i ) hyperbola curve Modification factor for photosynthesis in dry season P max ( i ) µmol m-2 s-1 ─ Saugier & Pontailler 2003 Nitrogen concentrations n ( i , j ) n ( i , leaf ) Leaf n ( i ,stem ) Stem n ( i ,seed ) Seed n ( i , root ) Root n D ( i , shoot ) Coûteaux (p.c.) and Martineau (estimation) / 100 gN gDM-1 Dead mass Roots and stems have been taken as leaves in the absence of data. C Mortality rate s ( i , j ) s C ( i , leaf ) s C s C Leaf W ( i , stem ) Stem W ( i , seed ) Seed W s C ( i , root ) Root W s C ( i , leaf ) Leaf D s C s C s C ( i , stem ) Stem D ( i , seed ) Seed D ( i , root ) Root D Martineau (calibration) / 100 gC gC-1 d-1 / 100 gC gC-1 d-1 The high values result from high values of photosynthesis. Martineau (calibration) C Assimilate allocation f (i , j ) Leaf 0.27 0.35 0.35 0.15 0.11 0.13 Stem 0.15 0.01 0.01 0.40 0.51 0.18 Seed gC gC-1 Sarps 2001 0.19 0.14 0.04 0.02 0.06 0.34 Root 0.38 0.50 0.60 0.43 0.32 0.35 %Dead mass 0.09 0.50 0.89 0.20 0.15 0.28 Soil properties (daily nitrogen supply is assumed to be constant) Nsoil = 0.03 gN m-2 d-1 Legend: Ar: Aristida asplundii; Ba: Baccharis incarum; d: day; Er: Erodium cicutarium; gC: gram of carbon; gDM: gram of dry matter; gN: gram of nitrogen; Lu: Lupinus buchtienii; m: meter; Pa: Parastrephia lepidophylla; p.c.: personal communication; St: Stipa ichu; s: second. Nous allons répondre à cette question par trois méthodes différentes : (1) Nous analysons d’abord les liens entre traits (Grime 2001, Lavorel & Garnier 2002), stratégie r-K (Tilman 1988) et statut de succession des espèces (étude des gradients de succession). (2) Nous étudions ensuite par simulations la sensibilité des paramètres du modèle logistique (r, K) aux paramètres du modèle FAPROM (traits des espèces). (3) Nous dégradons enfin le modèle FAPROM pour obtenir un modèle analytique simple afin de mieux comprendre les mécanismes qui engendrent le patron de croissance simulé. Patron de croissance et statut de succession Le Tableau 9 donne le statut de succession et les paramètres ajustés r et K des différentes espèces. Nous retrouvons globalement la tendance exprimée par Tilman (stratégies r-K) : les espèces pionnières (Rumex acetosella au Venezuela et Erodium cicutarium en Bolivie) sont caractérisées par un taux de croissance intrinsèque fort et une capacité de charge faible ; alors que les espèces de fin de succession (Espeletia schultzii, Baccharis prunifolia et Hypericum laricifolium au Venezuela, et Parastrephia lepidophylla, Baccharis incarum et Stipa ichu en Bolivie) se placent à l’autre bout du gradient : taux de croissance intrinsèque faible et forte capacité de charge. Diverses combinaisons de traits (voir Tableaux 4 et 8) peuvent mener à un r faible et un fort K, on retrouve néanmoins les tendances dégagées par Grime : forte masse surfacique des feuilles, fort coefficient d’absorption de la lumière, faible efficacité photosynthétique, faible concentration en azote, faible taux de mortalité, forte hauteur maximale, et faible allocation aux graines. Nous étudions dans le paragraphe suivant la sensibilité des paramètres r et K aux traits des espèces. Tableau 9. Caractéristiques de croissance et statut de succession des espèces étudiées. Site Espèce r (g g-1 a-1) K (g m-2) Statut de succession RA Paramo de Gavidia (Venezuela) LM AE ES BP HL EC Puna de Patarani (Bolivie) AA LB PL BI SI 6,9 2,4 1,3 1,9 1,1 1,3 25,7 2,6 0,7 1,2 0,9 0,6 195 579 786 636 773 830 16 119 154 474 772 1018 P I I F F F P I I F F F NB : r et K obtenus par ajustement logistique sur les simulations de monocultures (cf. Figure 9) ; statuts de succession établis sur les études de Sarmiento et al. (2003, Venezuela) et d’Ortuño et al. (2004, Bolivie). Légende : P espèce pionnière, I espèce intermédiaire, F espèce de fin de succession, RA Rumex acetosella, LM Lupinus meridanus, AE Acaena elongata, ES Espeletia schultzii, BP Baccharis prunifolia, HL Hypericum laricifolium, EC Erodium cicutarium, LB Lupinus buchtienii, PL Parastrephia lepidophylla, BI Baccharis incarum, SI Stipa ichu. 40 L’établissement de la végétation est plus lent en Bolivie (de 3 à 15 ans) qu’au Venezuela (de 2 à 7 ans). Le temps d’établissement de Stipa ichu (Bolivie) est particulièrement lent ; il est probable que cette espèce ne parvienne jamais à sa capacité de charge au champ du fait qu’elle soit collectée pour servir de matériau de construction (chaume pour le toit des maisons). Lupinus meridanus (Venezuela) est l’espèce la plus sensible aux variations climatiques interannuelles : sa production primaire est fortement dépendante de la photosynthèse alors que le principal facteur limitant des autres espèces est l’azote (les variations climatiques interannuelles sont alors tamponnées par la disponibilité en azote minéral dont les variations sont plus faibles). Lupinus buchtienii et Erodium cicutarium (Bolivie) sont modélisées comme des annuelles : la biomasse retourne à zéro à la fin de la saison sèche ; l’espèce survit grâce aux graines. L’efficacité photosynthétique moyenne est plus forte en Bolivie qu’au Venezuela, et ce, malgré la correction déjà effectuée sur les données vénézuéliennes13. Cependant la capacité de charge des espèces boliviennes est en moyenne plus faible que celle des espèces vénézuéliennes. Cela est dû à une saison sèche plus longue sur les parcelles boliviennes. Patron de croissance et traits des espèces (étude de sensibilité I) 4 Non légumineuses Lupinus 3 Elasticité de r Elasticité de K 4 2 1 0 -1 3 2 1 0 -1 rg- rm- LMA- P+ S- N- rg- rm- LMA- P+ S+ N- Figure 10. Elasticité des paramètres de sortie r et K à différents traits des espèces. Légende : rg respiration de croissance ; rm respiration de maintenance ; LMA masse surfacique des feuilles ; P facteur d’échelle de la photosynthèse ; S facteur d’échelle de la mortalité ; N facteur d’échelle de la concentration en azote ; - élasticité négative ; + élasticité positive ; Non légumineuses : moyenne sur les espèces non légumineuses ; Lupinus : valeurs pour Lupinus meridanus. NB : la variabilité résulte de la non-linéarité du modèle (6 variations relatives ont été simulées) et des différences de comportement du modèle en fonction des valeurs de paramètres des espèces. La variabilité de l’élasticité de r est plus forte que celle de l’élasticité de K. Ceci est également imputable à la sensibilité de l’ajustement logistique sur le paramètre r. 13 Un facteur multiplicatif de 1,25 a été appliqué sur toutes les données vénézuéliennes suite à la détection d’une erreur de calibration liée au changement d’altitude entre le laboratoire (Mérida, 1600 m) et le site de mesures (Gavidia, 3200 m) - cf. annexe 1 pour plus de précision. 41 Nous avons étudié la sensibilité des paramètres de sortie r et K au coefficient de respiration de croissance (rg), au coefficient de respiration d’entretien (mN), à la masse surfacique des feuilles (LMA), à la capacité photosynthétique de l’espèce (P, facteur d’échelle14 du rendement quantique et de l’assimilation foliaire maximale), à la concentration en azote de l’espèce (N, facteur d’échelle des concentrations en azote des différents organes) et à la sénescence (S, facteur d’échelle des différents taux de mortalité des organes). L’élasticité15 des sorties r et K aux paramètres rg, mN, LMA, P, N et S a été estimée avec les données vénézuéliennes en moyennant l’élasticité obtenue pour 6 variations relatives de chaque paramètre (-15%, -10%, -5%, +5%, +10% et +15%). Nous présentons d’une part les résultats obtenus avec Lupinus meridanus, d’autre part la moyenne obtenue en utilisant les paramètres des espèces non légumineuses (Figure 10 p.41). L’élasticité de r et K aux paramètres liés à la limitation de la croissance par la ressource lumineuse (paramètres de la photosynthèse, masse foliaire spécifique, coefficients de respiration de croissance et d’entretien) est en moyenne 6,6 fois plus forte pour l’espèce légumineuse que pour les autres : la croissance du lupin est fortement limitée par la lumière. Pour les espèces non légumineuses, le paramètre qui donne la plus forte élasticité de K est la concentration en azote des organes : leur croissance est fortement limitée par la disponibilité en azote minéral. Le taux de croissance intrinsèque (r) est plus sensible que la capacité de charge (K) aux paramètres LMA et P : la lumière est le principal facteur limitant de la phase de croissance exponentielle. Les paramètres r et K définis sur les simulations de monocultures ne sont pas sensibles à la hauteur maximale (absence de compétition interspécifique pour la lumière) ni à la longueur de racine par unité de masse (absence de compétition interspécifique pour l’azote). En effet, le modèle utilise la hauteur maximale uniquement pour répartir la surface foliaire dans les strates de couvert. Pour une monoculture, il n’y a pas de compétition interspécifique et la lumière absorbée dépend uniquement de la surface foliaire totale et non de sa distribution dans les strates. Par contre, nous verrons que dans le cas d’un mélange d’espèces, le modèle est sensible à la définition des hauteurs maximales et plus 14 On appelle facteur d’échelle d’un paramètre un coefficient multiplicatif qu’on applique à ce paramètre. Dans la simulation standard (effectuée avec les valeurs de référence), le facteur d’échelle est égal à 1. 15 L’élasticité de la sortie S au paramètre P est définie par analogie avec l’allongement relatif d’un élastique rapporté à la variation relative de la force qui étire l’élastique, comme étant égale à : e S ( P ) = ∆S ∆P / . S P e S ( P ) > 0 si une variation positive du paramètre P entraîne une variation positive de la sortie S. e S ( P ) > 1 si la variation du paramètre P est amplifiée dans la sortie S. 42 particulièrement des hauteurs relatives entre les différentes espèces. En ce qui concerne l’absorption d’azote, le modèle ne simule pas la capacité d’absorption des différentes espèces mais uniquement leur capacité relative. Une espèce seule peut (dans le modèle) absorber tout l’azote minéral disponible quelle que soit sa biomasse de racines. Patron de croissance et mécanismes Pourquoi dégrader le modèle FAPROM ? Nous avons entrepris cette étude théorique avec deux objectifs : mettre à jour les mécanismes qui aboutissent au patron de croissance logistique et étudier les interactions entre les différents paramètres. Il est difficile en effet de faire une étude exhaustive du comportement d’un modèle de simulation au nombre élevé de paramètres. Il est plus simple d’étudier un modèle analytique au nombre limité de paramètres. L’analyse mathématique présente l’avantage de permettre d’étudier le comportement du modèle sur des ensembles plus larges et continus de paramètres. La réduction du nombre de paramètres permet en outre de visualiser les interactions entre ces différents paramètres et de mieux comprendre les patrons qui en résultent. Le modèle réduit peut en outre être utilisé comme module d’un modèle plus complexe. 1400 a Flux (gDM m-2 a-1) 1200 Figure 11. Dégradation du modèle FAPROM : a) production primaire nette et production de litière en fonction de la biomasse ; b) taux de croissance résultant. 1000 800 600 400 NPP N-stressed NPP N-unlimited Litter production 200 0 N-stressed N-unlimited Smith Verhulst Growth (gDM m-2 a-1) 800 600 b 400 200 Simulations effectuées avec les données d’Espeletia schultzii (Venezuela, Tableau 4), sans limitation d’azote (noir) et en conditions d’azote limitant (gris foncé). La production de litière (Figure 11a, gris clair) ne dépend pas du traitement. La Figure 11b présente en traits épais le taux de croissance annuelle en fonction de la biomasse moyenne annuelle pour les deux traitements, et en traits fins, l’ajustement avec la fonction de Smith (noir, R2 = 0.97) et l’ajustement avec la fonction logistique de Verhulst (gris, R2 = 0.91). 0 0 200 400 600 800 1000 1200 Yearly average biomass (gDM m-2) 43 Dégradation du modèle FAPROM Nous avons dégradé le modèle FAPROM par simplification des hypothèses (réduction à un seul compartiment de biomasse, considération d’une unique saison moyenne) et agrégation de paramètres (production primaire nette / mortalité). Nous discutons dans la suite les mécanismes et le patron de croissance sur une espèce particulière (Espeletia schultzii). La Figure 11 (page précédente) décompose le taux de croissance annuel d’Espeletia schultzii tracé en fonction de sa biomasse moyenne annuelle (11b) en deux composantes : la production primaire nette annuelle et la production annuelle de litière (11a). La production primaire nette peut être ajustée par une fonction croissante saturante de la biomasse (on a choisi une hyperbole, Tableau 10a). La réponse croissante saturante de la production résulte de l’intégration de la réponse instantanée de la photosynthèse foliaire à la lumière16. La première partie de la courbe (phase linéaire) résulte de la limitation de la croissance par le rendement quantique, de la masse surfacique des feuilles et de la fraction de biomasse consacrée à la surface foliaire. La seconde partie de la courbe (phase de saturation) résulte de la limitation de la croissance par la ressource la plus limitante : lumière ou azote minéral (dans l’application à nos sites d’étude, le facteur le plus limitant est l’azote minéral pour les espèces non légumineuses). La production de litière peut être ajustée par une fonction linéaire de la biomasse (Tableau 10a). Le taux de mortalité agrégé au pas de temps annuel, à l’échelle de l’espèce, résulte des paramètres de sénescence des différents organes et des coefficients d’allocation. Il intègre les variations saisonnières. La soustraction de la mortalité à la production donne le taux de croissance en fonction de la biomasse. La courbe en cloche qui en résulte est responsable du profil logistique obtenu. La Figure 11b montre également l’ajustement logistique (équation de Verhulst, cf. Tableau 10b, E1). Le caractère asymétrique de la courbe en cloche obtenue avec le modèle FAPROM diffère de la parfaite symétrie obtenue avec le modèle logistique. Cette asymétrie se traduit par le glissement du point d’inflexion à une biomasse inférieure à la demi-capacité de charge : le taux de croissance absolu est maximal pour une biomasse P inférieure à la demi-capacité de charge. P caractérise le point d’inflexion de la courbe qui représente la biomasse en fonction du temps. La phase de croissance exponentielle est plus courte que la phase de saturation. 16 Une combinaison linéaire de fonctions hyperboliques saturantes peut être elle-même correctement ajustée par une fonction hyperbolique saturante (résultat non montré). On a choisi une fonction à deux paramètres (hyperbole équilatère) par souci de simplicité. 44 Tableau 10a. Dégradation du modèle FAPROM. dx = Α(t ) − Β(t ) dt Α ( t ) : daily assimilation Β ( t ) : daily mortality A⋅a⋅x Α(t ) ≈ A+a⋅x N A ∝ soil n P ⋅ f (I ) N a ∝ (1 − r g ) ⋅ −m ⋅n LMA Β(t ) ≈ q ⋅ x q∝s A : maximal assimilation (g d-1) a : marginal rate of assimilation (g g-1 d-1) N soil : mineral nitrogen available in soil (gN d-1) n : average nitrogen concentration (gN g-1) r g : rate of growth respiration (dmnl) P : photosynthetic capacity (g m-2 d-1) f ( I ) : function of light intensity (dmnl) LMA : leaf mass per area (g m-2) N m : coefficient of maintenance respiration (g gN-1 d-1) q : mortality rate (g g-1 d-1) C s : average senescence rate (g g-1 d-1) C C NB : s représente la moyenne des taux de sénescence de l’espèce pondérée par la biomasse relative des différents organes. dmnl : sans dimension (dimensionless). Tableau 10b. Modèles de croissance et équivalence entre modèles. E1 E2 E3 dx = r ⋅ x ⋅ 1 − x dt K 1 − x K dx = r⋅x⋅ dt 1 + r ⋅ x q⋅K dx A⋅a⋅x = −q⋅x dt A+a⋅x Verhulst 1838, Pearl & Reed 1924 Smith 1963 derived from Martineau & Saugier 2004 E2 equivalent to E3 with the following change in variables: E2→E3 r = a − q K = A ⋅ 1 − 1 q a E3→E2 a = r + q A = K⋅ q ⋅ (r + q ) r Tableau 10c. Sensibilité du modèle de Smith Output elasticity to parameters A: maximal assimilation a: marginal rate of assimilation q: rate of mortality 1 r: relative growth rate 0 1− − a −1 q 1 − q 1− a q a 1 K: carrying capacity P: biomass for which the absolute growth rate is maximal a −1 q 1 1 1 ⋅ 2 1+ 1− 1 q a q a − 1 ⋅ 2 1 1− q a 45 Réécriture du modèle de Smith (1963) L’équation logistique a produit de nombreux résultats en écologie, tant dans le domaine des croissances physiologiques qu’en dynamique des populations. Smith (1963) revisite le modèle de Verhulst (Tableau 10b, E1) lorsqu’il constate des décalages temporels dans la dynamique de population des Daphnia magna qu’il a étudié en microcosmes. Il s’aperçoit que le taux de croissance relatif observé est plus faible que le taux de croissance relatif attendu avec le modèle logistique. Pour expliquer ces différences, il introduit un troisième paramètre : le taux de remplacement de la matière par unité de masse par unité de temps dans la phase de saturation (le taux de turn-over à l’équilibre). Le Tableau 10b montre l’équivalence entre l’équation obtenue par dégradation du modèle FAPROM (E3, écriture mécaniste du taux de croissance égal à la différence entre les processus de production et les processus de sénescence) et l’équation que Smith (E2, 1963) a obtenue en introduisant son troisième paramètre. Le changement de variables effectué permet de passer des paramètres mécanistes (taux d’assimilation marginal a, assimilation maximale A et taux de sénescence q) aux paramètres intégrés (taux de croissance initial r, capacité de charge K et turn-over à l’équilibre, égal à q). Le Tableau 10c donne les mesures d’élasticité des paramètres intégrés aux paramètres mécanistes. On retrouve ici certains résultats énoncés précédemment dans l’étude de sensibilité du modèle FAPROM : l’élasticité de la capacité de charge au taux de −1 q sénescence est égal à − 1 − qui est proche de -1 lorsque q << a. L’intérêt du modèle a analytique tient au fait qu’il formule l’élasticité indépendamment des valeurs particulières choisies pour l’estimer. Le modèle de Smith ainsi réécrit peut être étendu (modèle pseudo-logistique). Cette extension peut être utilisée en dynamique des populations. Comme cette utilisation déborde du cadre de cette thèse, on trouvera le développement correspondant dans le projet d’article reproduit en annexe 3. Intérêt et limites du modèle de Smith et du modèle pseudo-logistique De nombreux auteurs ont critiqué le modèle logistique pour son incapacité à modéliser correctement les dynamiques de population (Smith 1963, Fagerström 1987, Slobodkin 2001) parce qu’il ne prend notamment pas en compte les décalages temporels qui se traduisent dans l’asymétrie des courbes. De nombreuses équations ont été proposées pour 46 modifier la position du point d’inflexion sans changer le nombre de paramètres (Gompertz17 1825) ou pour la laisser libre an ajoutant un ou plusieurs paramètres supplémentaires (von Bertalanffy 1938, Zeide 1993, Birch 1999, Tsoularis 2001, Tsoularis & Wallace18 2002). Le modèle de Smith propose une explication mécaniste aux décalages observés en introduisant le taux de remplacement de la matière. La réécriture du modèle de Smith permet de séparer de façon mécaniste les processus de synthèse des processus de destruction. Nous discutons plus largement dans l’annexe 3 l’intérêt et les limites du modèle pseudo-logistique, et sa place dans les modèles de dynamique des populations. Les paramètres du modèle pseudo-logistique dépendent non seulement des caractéristiques des différentes espèces mais également des conditions du milieu dans lequel elles poussent. Tel quel, le modèle pseudo-logistique ne permet pas de modéliser la croissance d’une plante en environnement changeant (notamment au sein d’une communauté végétale). Pour établir un modèle mécaniste simple de succession végétale, il faut au préalable étudier la réponse des paramètres pseudo-logistiques aux conditions du milieu (en particulier, la lumière et l’azote disponible). Nous comptons poursuivre cette étude en discutant de la compétition interspécifique (cf. deuxième partie et annexe 4). 2.1.2 - Application du modèle FAPROM à l’estimation de la production primaire nette sur les parcelles vénézuéliennes Dans le but de calibrer / valider le fonctionnement du modèle sur les monocultures, nous utilisons les expériences de Sarmiento et al. (2004, annexe 2) pour estimer la production primaire nette d’une monoculture de Rumex acetosella. La biomasse de racines et la production souterraine de 2 parcelles (l’une de 0 à 2 ans de jachère, l’autre de 2 à 4 ans de jachère), et, la biomasse aérienne, la nécromasse sur pied et la litière de 6 parcelles (3 de 0 à 2 17 Le modèle de Gompertz utilise le logarithme népérien pour estimer le taux de croissance de la population : dx x = − r ⋅ x ⋅ ln L’abscisse du point d’inflexion se déplace en K/e. dt K 18 Le modèle logistique généralisé ajoute trois paramètres puissance au modèle logistique de Verhulst : dx = r ⋅ xα dt β x ⋅ 1 − K γ L’abscisse du point d’inflexion peut parcourir l’intervalle [0 ; K] suivant les valeurs des paramètres α, β et γ. 47 ans de jachère, et 3 de 2 à 4 ans de jachère) ont été suivies régulièrement pendant deux ans (respectivement, Figures 12 ci-dessous et 13 p.49). a Plot 2 b Plot 5 250 200 200 150 150 100 100 50 50 0 0 1.4 c Plot 2 1.2 d Plot 5 1.4 1.2 1.0 1.0 0.8 0.8 0.6 0.6 0.4 0.4 0.2 0.2 0.0 0.0 02/00 08/00 02/01 08/01 Time 02/02 02/00 08/00 Wet season 02/01 08/01 g m-2 250 Old plot (2-4 years) g m-2 d-1 Belowground production g m-2 d -1 Belowground phytomass g m-2 Young plot (0-2 years) 02/02 Time Figure 12. Phytomasse de racine (a, b) et production souterraine (c, d) mesurée par la méthode des ‘ingrowth core’, Lauenroth 2000) de deux parcelles vénézuéliennes (gauche : parcelle de 0 à 2 ans de jachère ; droite : de 2 à 4 ans). Nous avons estimé les productions primaires nettes aérienne et souterraine de l’écosystème à partir de ces suivis de biomasse en utilisant trois méthodes : - Méthode 1 : on somme uniquement les incréments positifs de matière aérienne entre deux prélèvements (Sala & Austin 2000) ; - Méthode 1bis : on ajoutant à cette somme la quantité de litière qui s’est décomposée entre deux dates (estimée grâce aux expériences des sacs à litière (litterbags), Coûteaux et al. 2004b) ; - Méthode 2 : on utilise les courbes de réponse instantanée de la photosynthèse foliaire à la lumière et un modèle (dérivé du modèle FAPROM) pour simuler la photosynthèse journalière, puis la respiration de croissance et d’entretien, et enfin la répartition des assimilats entre les compartiments aérien et souterrain. La méthode 1 (sommation des incréments positifs) présente deux inconvénients majeurs : (1) elle ne tient pas compte des flux simultanés (production, sénescence, décomposition) ; (2) elle n’est pas robuste, c’est-à-dire qu’elle est fortement sensible à 48 l’incertitude des mesures. Supposons par exemple une biomasse constante égale à B sur deux mesures consécutives. Si l’erreur de mesure est nulle, alors la production estimée par cette méthode sera nulle. Si maintenant on mesure la biomasse avec une précision δB, supposons qu’on mesure B – δB au premier coup puis B + δB au second, alors on estimera la production à 2δB. Aucun de ces résultats n’est évidemment satisfaisant. La méthode s’applique bien dans les cas où les processus de production et de sénescence sont bien dissociés dans le temps et que la production est directement mesurable dans l’accumulation de biomasse. Dans les écosystèmes herbacés tropicaux, les flux de production, sénescence et décomposition ont souvent lieu simultanément. b 4 4 0 0 c Plot 1 Plot 2 Plot 3 600 d Plot 4 Plot 5 Plot 6 Standing dead mass g m-2 800 600 400 400 200 200 0 200 0 e Plot 1 Plot 2 Plot 3 f Plot 4 Plot 5 Plot 6 100 200 100 0 0 g Plot 1 Plot 2 Plot 3 600 Litter g m-2 mm d-1 8 800 Biomass g m-2 12 g m-2 a 8 g m-2 12 Old plots (2-4 years) 400 h Plot 4 Plot 5 Plot 6 600 400 200 200 0 g m-2 Mean daily rain mm d-1 Young plots (0-2 years) 0 02/00 08/00 02/01 Time 08/01 02/02 02/00 Wet season 08/00 02/01 08/01 02/02 Time Figure 13. Précipitations (a, b, moyenne journalière sur l’intervalle) et, biomasse aérienne (c, d), nécromasse sur pied (e, f) et litière (g, h) pour les six parcelles suivies (gauche : parcelles de 0 à 2 ans de jachère ; droite : parcelles de 2 à 4 ans de jachère). 49 La méthode 1bis a été développée pour appliquer un correctif à la méthode 1, en prenant également en compte ce qui se décompose au cours de chaque intervalle entre deux mesures. Mais le taux de décomposition mesuré au champ ne permet pas d’expliquer la disparition de litière observée sur le terrain. En effet, pour le compartiment aérien, la décomposition estimée par le taux des sacs à litière (Tableau 11, colonne A) est environ 15 fois plus faible que les décréments observés (Tableau 11, colonne B). La méthode 1bis n’apporte donc pas le correctif escompté sur la méthode 1. La différence entre la décomposition estimée avec l’expérience des sacs à litière et la disparition de biomasse observée au champ peut être expliquée par différents facteurs parmi lesquels : une sousestimation du taux de décomposition dans l’expérience des sacs à litière (modification des conditions d’humidité, perturbation des interactions trophiques), une disparition de la biomasse par enfouissement (action de la macrofaune du sol) ou par consommation par les herbivores. Pour le compartiment souterrain, le taux de décomposition des sacs à litière semble compatible avec les décréments (les valeurs de la colonne A sont supérieures à celles de la colonne B). Ceci suggère que la technique des sacs à litière modifie plus fortement les conditions du milieu pour la litière aérienne que pour les racines mortes. Tableau 11. Décomposition et/ou disparition de litière aérienne et souterraine. Aboveground litter disappearance µ ± σ (g m-2 y-1) A B C Young plots Plot 1 Plot 2 Plot 3 19.0 ± 1.6 38.4 ± 1.4 24.2 ± 1.9 450.2 ± 52.0 502.2 ± 60.3 419.7 ± 47.1 1342.8 ± 57.7 2171.4 ± 63.4 1213.5 ± 67.5 Old plots Plot 4 Plot 5 Plot 6 14.3 ± 0.8 50.4 ± 2.9 12.2 ± 0.9 226.7 ± 25.8 583.6 ± 73.4 239.9 ± 32.8 654.0 ± 33.8 1682.2 ± 80.0 460.4 ± 38.7 A B C Belowground litter disappearance µ ± σ (g m-2 y-1) Young plot Plot 2 239.3 ± 11.4 94.6 ± 36.8 282.9 ± 34.2 Old plot Plot 5 265.5 ± 11.9 215.6 ± 35.1 561.8 ± 34.4 Légende : A : la décomposition est estimée à partir du taux mesuré avec l’expérience des Sacs à litière (Coûteaux et al. 2004b). B : la disparition de litière est calculée à partir des décréments de matière (Méthode 1, Sala & Austin 2002). C : la disparition de litière est calculée avec le modèle dynamique de production basé sur la photosynthèse, la respiration et l’allocation aux parties souterraines et aériennes (Méthode 2). Young plots : parcelles de 0 à 2 ans de jachère. Old plots : parcelles de 2 à 4 ans de jachère. La méthode 2 repose sur les délicats changements d’échelle de la feuille au couvert végétal, et des processus instantanés mesurés au champ, aux processus intégrés sur la journée 50 et l’intervalle entre deux mesures. Cette méthode est néanmoins plus robuste que la précédente car on estime la production avec une erreur relative constante (proportionnelle à la biomasse mesurée). Mais dans l’état actuel de notre travail, nous surestimons vraisemblablement la production. Tableau 12. Estimation de la production primaire nette aérienne. ANPP µ ± σ (g m-2 y-1) 2000 2001 Method 1 Method 2 Method 1 Method 2 Young Plots Plot 1 Plot 2 Plot 3 593.2 ± 92.4 857.3 ± 95.6 571.7 ± 67.2 1706.5 ± 84.5 2278.6 ± 53.2 1623.2 ± 93.1 530.4 ± 67.7 445.7 ± 63.9 446.0 ± 67.6 1004.7 ± 71.5 2267.2 ± 82.4 831.1 ± 81.2 Old Plots Plot 4 Plot 5 Plot 6 249.2 ± 40.0 627.1 ± 99.1 239.6 ± 42.8 717.5 ± 34.5 1756.6 ± 60.0 507.9 ± 48.3 166.1 ± 32.3 522.3 ± 104.8 128.6 ± 31.2 534.6 ± 41.0 1518.3 ± 116.3 237.9 ± 38.9 Légende : Méthode 1 : la production primaire nette aérienne est estimée à partir des incréments de matière (Sala & Austin 2002). Méthode 2 : la production primaire nette aérienne est calculée avec le modèle dynamique de production basé sur la photosynthèse, la respiration et l’allocation aux parties souterraines et aériennes. Young plots : parcelles de 0 à 2 ans de jachère. Old plots : parcelles de 2 à 4 ans de jachère. La méthode 2 donne des estimations de la production primaire nette 2,8 fois plus élevées que la méthode 1 (Tableau 12) : en moyenne sur les six parcelles et les 2 années, la méthode des décréments donne une production primaire aérienne nette de 900 gMS m-2 contre 2500 avec le modèle de photosynthèse. Néanmoins, si nous ajoutons à la production primaire estimée par les incréments de biomasse, la disparition observée de litière et la production souterraine, l’écart entre les estimations de production primaire nette de l’écosystème (aérien et souterrain) passe d’un facteur 2,8 à un facteur 1,7 : la production primaire totale estimée passe de 1650 gMS m-2 (ANPP = 900, BNPP = 200, correction disparition de litière = 550) à 2700 gMS m-2 (ANPP = 2500 et BNPP = 200). La Figure 14 (p.52) présente les résultats de la méthode 2 pour les 6 parcelles suivies : la production primaire estimée et les taux journaliers de mortalité, de chute et de disparition de litière. La dynamique intra-annuelle est bien corrélée à la dynamique des précipitations mais les taux calculés sont vraisemblablement surestimés. Cette surestimation résulte des hypothèses suivantes : on applique à l’ensemble du couvert les coefficients de photosynthèse estimés sur des feuilles en conditions optimales ; on néglige l’extinction du rayonnement par les organes pas ou peu photosynthétiques ; on estime le pourcentage de biomasse foliaire à partir d’un suivi de la concentration en azote des parties 51 aériennes19 (sans contrôle sur le terrain de la répartition de biomasse) ; on ne prend pas complètement en compte les effets d’une carence en azote ; on utilise un bilan hydrique simpliste (les paramètres de la saison sèche ont été estimés en début de saison sèche ; l’impact moyen du stress hydrique sur l’ensemble de la saison sèche est sans doute plus fort). Nous reviendrons sur ces problèmes dans l’évaluation de la capacité du modèle à reproduire le patron de succession observé en champ. 12 6 4 4 2 2 0 0 c Plot 1 Plot 2 Plot 3 0.08 d Plot 4 Plot 5 Plot 6 -2 8 -1 10 0.10 0.08 0.06 0.04 0.04 0.02 0.02 0.00 0.00 e Plot 1 Plot 2 Plot 3 0.8 f Plot 4 Plot 5 Plot 6 d -1 0.06 0.40 0.32 0.24 0.4 0.16 0.2 0.08 0.0 0.00 g 1.0 Plot 1 Plot 2 Plot 3 0.8 h Plot 4 Plot 5 Plot 6 d -1 0.6 0.15 0.12 0.6 0.09 0.4 0.06 0.2 0.03 0.0 0.00 -1 Detachment rate -1 d Plot 4 Plot 5 Plot 6 6 1.0 Litter disappearance rate -1 d b Plot 1 Plot 2 Plot 3 8 0.10 Mortality rate -1 d a 10 02/00 08/00 02/01 Time 08/01 02/02 02/00 Wet season 08/00 02/01 08/01 d Daily ANPP -2 -1 gm d 12 Old plots (2-4 years) gm d Young plots (0-2 years) 02/02 Time Figure 14. Production primaire nette aérienne journalière (a, b), et taux de mortalité (c, d), de chute de litière (e, f) et de disparition (g, h) simulés par le modèle utilisé pour la méthode 2. Young plots : parcelles de 0 à 2 ans de jachère. Old plots : parcelles de 2 à 4 ans de jachère. 19 On suppose constante la teneur en azote des différents organes aériens (tiges et feuilles). On attribue les variations de la teneur en azote moyenne des parties aériennes à des modifications de la distribution de biomasse entre les deux compartiments (cf. Table 2, annexe 2). 52 Que nous apprend le suivi de biomasse des parcelles vénézuéliennes (annexe 2) ? Cette étude met en évidence l’existence de flux cachés de l’écosystème (Tableau 13) : ces flux correspondent à la part équivalente de production qui passe dans le même intervalle de temps de la biomasse à la nécromasse sur pied par sénescence, de la nécromasse sur pied à la litière au sol par chute de litière, et qui disparaît par décomposition et/ou disparition de litière. La méthode traditionnelle des suivis de biomasse, nécromasse et litière est incapable de détecter ces flux lorsqu’ils ont lieu simultanément. Il semble que ces flux cachés représentent une part importante de la production primaire dans les écosystèmes herbacés tropicaux au turn-over rapide et dont la période de production s’étend plus ou moins sur toute l’année. Avec les hypothèses du modèle, on ne détecte par le suivi de biomasse qu’un tiers des flux de carbone. Même si la part des flux cachés est surestimée, on peut considérer que ces flux simultanés ne sont pas négligeables. Tableau 13. Bilan de carbone de la parcelle. Carbon flows Young plots (mean) % g m-2 y-1 Old plots (mean) g m-2 y-1 % GPP Respiration NPP 2506 781 1724 100 31 69 1438 444 993 100 31 69 Aboveground NPP Aboveground measured flows Aboveground hidden flows 1618 574 1044 100 35 65 879 322 557 100 37 63 Légende : GPP production primaire brute (Gross Primary Production). NPP production primaire nette (Net Primary Production). Young plots : parcelles de 0 à 2 ans de jachère. Old plots : parcelles de 2 à 4 ans de jachère. NB : La production primaire nette aérienne a été estimée par la méthode 2 (modèle de photosynthèse). Les flux aériens mesurés sont estimés par la méthode 1 (incréments). Les flux cachés de l’écosystème sont définis comme la différence entre la production primaire nette aérienne et les flux mesurés. Rumex acetosella représente 98, 93 et 63 % du biovolume20 des parcelles jeunes étudiées (0-2 ans de jachère). On assimile dans notre étude ces parcelles à des monocultures de Rumex. Le pic de biomasse mesuré (300-600 g m-2) est plus élevé que la capacité de charge du Rumex simulée par le modèle FAPROM (100-200 g m-2). Dans FAPROM, nous surestimons vraisemblablement les taux de mortalité du Rumex et sous-estimons donc la biomasse. D’autre part, le modèle FAPROM simule mal la dynamique intra-annuelle du Rumex. Nous surestimons les paramètres de mortalité en saison humide et nous les sous- 20 Le biovolume a été estimé à partir de la méthode des points quadrats (Fontaine 2000, Sarmiento et al. 2002). Il correspond au nombre de contacts entre une tige métallique et l’espèce considérée. Il peut être converti en biomasse moyennant un étalonnage préalable. 53 estimons en saison sèche. La dynamique qui en résulte (Figure 9a p.38) est beaucoup plus lisse que la dynamique des données de terrain (Figure 13 p.49) Il faudra donc revoir les paramètres de mortalité utilisés pour Rumex acetosella. La procédure de calibration devrait ensuite se poursuivre avec le suivi d’autres parcelles particulières : notamment les parcelles de paramo vierge ou les parcelles anciennes qui peuvent être assimilées à des monocultures d’Espeletia schultzii ou d’Hypericum laricifolium ; les parcelles des expériences de jachère améliorée (semées en lupin) peuvent être considérées comme des monocultures de Lupinus meridanus. Une fois ces calibrations faites pour les monocultures, la validation du modèle pourra être effectuée en confrontant la dynamique de la communauté simulée aux suivis diachroniques du biovolume des parcelles étudiées. 54 2.2 - DYNAMIQUE DE LA COMMUNAUTE VEGETALE Après avoir identifié les paramètres caractéristiques des espèces à partir des simulations de monocultures, nous avons étudié le comportement du modèle à l’échelle de la communauté végétale. Nous présentons d’abord les résultats obtenus sur le site vénézuélien : dynamique de la végétation, sensibilité aux conditions initiales (banque de graines) et aux conditions environnementales (ressources disponibles), et étude de la compétition dans un mélange de deux espèces. Nous présentons ensuite les résultats de validation du modèle pour la Bolivie. Les résultats concernant l’application au site vénézuélien font l’objet de l’article reproduit en annexe 1. 2.2.1 - Fonctionnement du modèle avec six espèces en interaction La calibration à l’échelle de la communauté consiste à définir les conditions initiales de la simulation (banque de graines en dormance, teneur en azote organique du sol) et ses conditions aux limites (pluies annuelles de graines, apports d’azote par déposition et départs par lessivage). La Figure 15 (p.56) a été obtenue avec les conditions initiales fournies dans le Tableau 4. Elle présente à la fois les biomasses simulées pour chaque espèce et les données de biovolume relatif de ces espèces (Sarmiento et al. 2003). La simulation reproduit correctement le motif de succession (ordre de dominance des différentes espèces) : Rumex acetosella domine en début de jachère puis sa présence diminue, il disparaît en revanche plus rapidement dans la simulation que dans les données de terrain (nous discutons ce point ultérieurement) ; Lupinus meridanus présente un pic de biomasse après quelques années de jachère ; la rosette géante Espeletia schultzii et les arbustes (Hypericum laricifolium, Baccharis prunifolia et Acaena elongata) dominent plus tardivement. Des simulations à long terme montrent que les espèces dominantes en fin de succession dépendent très largement du niveau de ressource (disponibilité en azote minéral) et du climat (durée de la saison humide). On détaille ce point dans les études de sensibilité aux ressources. 55 Figure 15. Dynamique de la communauté végétale. Gauche : biomasse simulée (Simulated biomass) pour chaque espèce en fonction de l’âge de la jachère (données vénézuéliennes, Tableau 4). Droite : données de biovolume relatif (Measured relative abundance) pour les espèces correspondantes (Sarmiento et al. 2003). NB : Il s’agit d’une comparaison qualitative (attention : les échelles d’ordonnées varient suivant les espèces) ; nous n’avons pas cherché à ajuster la simulation sur les données disponibles. Les paramètres décrivant chaque espèce ont été mesurés sur le terrain ou estimés indépendamment (Tableau 4) ; ils n’ont pas été modifiés. Le biovolume relatif n’est pas directement corrélée à la biomasse. Il traduit néanmoins la dynamique de l’espèce considérée au cours de la jachère. Le traitement ultérieur des données brutes de biovolume (et l’utilisation des corrélations biovolume / biomasse) devraient permettre d’effectuer un réel travail de validation du modèle sur le site vénézuélien. 56 Figure 16. Variables du fonctionnement de l’écosystème. a) LAI, indice de surface foliaire ; b) productions journalières brutes potentielle et réelle, et nette réelle ; c) biomasse aérienne, nécromasse sur pied et biomasse souterraine. NB : les Figures 15 et 16 correspondent à la même simulation (données vénézuéliennes, paramètres du Tableau 4). La Figure 16 présente l’indice de surface foliaire total de la communauté (LAI, Figure 16a), les productions brutes potentielle et réelle, et la production nette réelle (Figure 16b), ainsi que la biomasse totale de la communauté (aérienne, souterraine et nécromasse sur pied, Figure 16c). On appelle ici production brute potentielle la production limitée seulement par les caractéristiques photosynthétiques des espèces et la ressource en eau (par l’intermédiaire de la prise en compte de la saisonnalité de la réponse photosynthétique). La production brute réelle est inférieure à la production potentielle parce que les divers organes ayant une 57 concentration en azote constante, la demande en azote nécessaire pour satisfaire la croissance potentielle peut être supérieure à l’offre réelle en azote minéral du sol. Dans ce cas, la croissance est réduite à celle permise par l’offre en azote. Il y a alors un surplus de carbone qui n’est pas considéré dans le modèle. Ce surplus de carbone peut être interprété comme une estimation potentielle de l’exsudation racinaire. La différence entre la production brute et la production nette correspond à la respiration. En fin de succession, le LAI est environ de 2, la biomasse totale de l’ordre de 1000 gDM m-2, la production nette journalière moyenne de 0,7 gC m-2 d-1 et la respiration de 1,4 gC m-2 d-1. Le rapport entre production nette et production brute est donc faible dans nos simulations (de l’ordre de 30%), mais augmente fortement avec la disponibilité en azote minéral qui constitue le principal facteur limitant la production. L’augmentation de la carence azotée conduit à diminuer la part de production brute allouée à la synthèse de structures et à augmenter la part utilisée pour le turn-over des substrats (respiration). 2.2.2 - Le modèle surestime les vitesses de croissance et de disparition des espèces. La comparaison des simulations aux données de terrain met en évidence une surestimation des vitesses de croissance et de mortalité. Cette surestimation peut résulter de divers facteurs : (1) Il peut y avoir une surestimation de la photosynthèse : les courbes de réponse instantanée de la photosynthèse foliaire à la lumière ont été obtenues sur des feuilles pleinement développées, en conditions optimales, et sont appliquées à l’ensemble des feuilles, quels que soient leur statut dans la canopée ou leur âge. D’autre part, la photosynthèse en saison sèche a été mesurée au début de la saison sèche ; elle diminue sans doute au cours de la saison. De plus, le modèle ne prend pas en compte l’extinction de la lumière par les organes peu ou pas photosynthétiques (tiges, nécromasse sur pied, parties reproductives) et donc surestime la quantité de lumière absorbée par les feuilles. Par ailleurs, le rayonnement global journalier (donnée climatique d’entrée du modèle) est réparti sur les heures à l’aide d’une fonction sinusoïdale (cf. Tableau 5, équation E22). On remplace donc un rayonnement horaire variable (entre le plein soleil et un couvert nuageux dense) par un rayonnement moyen qui tend à surestimer la photosynthèse. Ainsi dans le modèle Castanea (Dufrêne et al. 2004), la 58 distribution sinusoïdale du rayonnement conduit à une surestimation de la photosynthèse de l’ordre de 10% (Guerric Le Maire, communication personnelle). (2) Les paramètres de mortalité ont pu être surestimés lors de la calibration. Les paramètres de mortalité de la saison humide ont été estimés de façon indépendante à partir des durées de vie des feuilles et de régressions utilisant la teneur en azote des différents organes (Sarmiento, communication personnelle). Les paramètres de mortalité de la saison sèche ont été calibrés de façon à obtenir des biomasses de monocultures conformes à celles attendues. Ils dépendent donc à la fois de la biomasse totale et de la production ; diverses combinaisons de mortalité et de production conduisent à la même biomasse. Ce problème de sur-paramétrisation se traduit ici par une surestimation des vitesses de croissance et de mortalité. (3) Le modèle ne prend pas en compte les positions respectives des plantes ni l’agrégation des couverts végétaux. Les feuilles sont réparties au hasard ce qui accroît la compétition interspécifique en mélangeant des espèces qui ne sont pas directement en contact dans la réalité. Une solution permettant de limiter ce problème consisterait à utiliser un automate cellulaire : chaque cellule correspondrait à une sous-parcelle dont on prédit l’évolution grâce au modèle ; les seules informations transmises d’une cellule à l’autre seraient les flux de graines. Cette solution pourrait d’abord être essayée sur le site vénézuélien où la densité de pierres21 favorise la ségrégation spatiale et le développement de la végétation en taches. (4) Le nombre limité d’espèces prises en compte peut aussi conduire à une surestimation de la croissance. En effet, moins il y a d’espèces, plus chacune d’elles a d’espace et de ressources pour se développer. De plus, les effets indirects sont souvent imprévisibles : une espèce rare peut avoir un rôle d’arbitre dans la compétition entre deux autres espèces. En outre, la validation pose la question du rôle des espèces considérées et de la représentativité des groupes fonctionnels : pour le Venezuela (Sarmiento et al. 2003), les espèces prises en compte représentent d’environ 95% du biovolume des espèces présentes en début de jachère (principalement Rumex acetosella) à 50% après 12 ans (en particulier Espeletia schultzii, Hypericum laricifolium et Baccharis prunifolia). Pour pouvoir valider le modèle, il faut assimiler chaque espèce présente au champ à une espèce paramétrée dans le modèle en fonction de ses caractéristiques fonctionnelles. 21 Les pierres couvrent jusqu’à 40% de la surface du sol dans certaines parcelles. 59 2.2.3 - Etudes de sensibilité II Sensibilité aux conditions initiales Figure 17. Sensibilité du modèle aux conditions initiales. Réponse aux conditions initiales des contenus en azote de : a) la biomasse végétale ; b) la litière au sol ; c) la matière organique du sol. Résultats de 25 simulations effectuées avec les paramètres du Tableau 4 (données vénézuéliennes) sauf conditions initiales. On a croisé : 5 scénarios de composition spécifique de la banque de graines et des pluies de graines : o conforme au Tableau 4.3 ; o avec plus d’Espeletia (x 1.66) ; o avec plus de Lupinus (x 2.00) ; o avec plus d’Espeletia (x 1.66) et de Lupinus (x 2.00) ; o avec plus d’Espeletia (x 1.66) et de Lupinus (x 2.00) et moins d’arbustes [Hypericum x 0.80, Baccharis x 0.66 et Acaena x 0.50]. 5 scénarios de masse initiale de graines : x (valeurs définies ci-dessus), 2x, x/2, x/10, et x/100. L’enrichissement rapide du contenu en azote de la matière organique (Figure 17c) correspond à un pic de la biomasse de légumineuse (Lupinus meridanus). Les différences d’amplitude de cet enrichissement sont dues à la durée et à l’amplitude du pic de légumineuse. Les décalages temporels de cet enrichissement sont fonction du scénario de masse initiale de graines : plus la masse initiale est faible, plus longue est la période d’épuisement du sol (baisse du contenu en azote) et plus tardif l’enrichissement. Une codominance d’espèces non légumineuses et de Lupinus meridanus se traduit par un enrichissement fort en azote durant toute la durée de la jachère. Le motif de succession et le fonctionnement de l’écosystème dépendent fortement des conditions initiales. La Figure 17 présente les résultats de 25 simulations dont on a fait varier à la fois la composition spécifique initiale et la biomasse initiale totale de graines. Nous présentons trois variables du modèle qui répondent très diversement aux modifications des conditions initiales : - le contenu en azote de la litière (Figure 17b) est relativement peu sensible aux conditions initiales : les différences entre simulations sont rapidement tamponnées ; 60 - le contenu en azote de la biomasse (Figure 17a) permet de classer les simulations en trois groupes distincts qui correspondent à la composition en espèces dominantes en fin de succession : o le contenu en azote de la biomasse du premier groupe de simulations se fixe aux alentours de 7,2 gN m-2 ; ces simulations aboutissent à un mélange des trois espèces arbustives en coexistence (Hypericum laricifolium, Baccharis prunifolia et Acaena elongata) ; o le deuxième groupe (contenu en azote autour de 6,0 gN m-2) réunit les simulations qui aboutissent à une dominance forte d’Acaena elongata en coexistence avec Hypericum laricifolium ; o le troisième groupe (contenu en azote autour de 4,9 gN m-2) correspond à une dominance forte d’Espeletia schultzii en coexistence avec Acaena elongata ; - le contenu en azote de la matière organique du sol (Figure 17c) est très sensible aux conditions initiales : la dynamique de ce compartiment est beaucoup plus lente ; il accumule les différences successives et fonctionne comme une mémoire de l’histoire de la parcelle ; les conditions initiales induisent des parcours de succession très différents et dont les différences se répercutent fortement dans la teneur en azote de la matière organique du sol. Toutes les simulations commencent par une diminution du contenu en azote de la matière organique du sol ; cette diminution correspond à la phase d’établissement de la végétation ; elle est d’autant plus forte que la banque de graines initiales est pauvre. Les phases d’augmentation rapide du contenu en azote de la matière organique du sol correspondent aux pics de biomasse de la légumineuse Lupinus meridanus. On a également étudié dans un mélange d’Hypericum laricifolium et de Baccharis prunifolia la sensibilité du recouvrement relatif d’Hypericum laricifolium aux paramètres suivants : conditions initiales (biomasses de graines d’Hypericum laricifolium et de Baccharis prunifolia), hauteur maximale et longueur de racine par unité de masse (SRL) d’Hypericum laricifolium (Figure 18, p.62). Ce qui nous intéresse ici est de constater la discontinuité des surfaces de dominance d’Hypericum laricifolium (en noir, recouvrement relatif au bout de 20 ans supérieur à 66%), de coexistence (en gris, recouvrement relatif au bout de 20 ans compris entre 33 et 66%) et de dominance de Baccharis prunifolia (en blanc, recouvrement relatif d’Hypericum laricifolium au bout de 20 ans inférieur à 33%). Les conditions initiales parcourent l’intervalle [0 ; 50 gC m-2] de 2 en 2 pour la biomasse des graines en dormance, 61 pour chacune des deux espèces considérées. Le glissement d’un petit carré au petit carré adjacent rend compte de la sensibilité du modèle aux conditions initiales. On s’attendrait a priori à un maintien voire un renforcement de la dominance de l’espèce A lorsqu’on augmente ses conditions initiales sans toucher à celles de l’espèce B. Il s’agit du cas majoritaire mais de nombreuses exceptions peuvent être détectées (cas d’un petit carré gris ou blanc entouré de petits carrés noirs par exemple). Les effets indirects des conditions initiales (à travers l’histoire de la parcelle) peuvent avoir des répercussions inattendues. On peut parler de phénomène d’hystérésis : le système garde en mémoire l’histoire de la parcelle. Nous étudierons plus loin les effets de la hauteur et du SRL. H = 0.6 (-40%) H = 0.8 (-20%) SRL = 220 (-15%) SRL = 240 (-8%) H=1 H = 1.2 (+20%) H = 1.4 (+40%) SRL = 260 SRL = 280 (+8%) SRL = 300 (+15%) Figure 18. Sensibilité du modèle aux paramètres spécifiques Hmax (hauteur maximale) et SRL (specific root length, longueur de racine par unité de masse). Simulations de mélanges d’Hypericum laricifolium et de Baccharis prunifolia avec les paramètres du Tableau 4 sauf pour Hmax et SRL d’Hypericum laricifolium (cf. Figure ou Tableau 4 par défaut) et les conditions initiales (de 0 à 50 gC m-2 de graines pour chacune des deux espèces, de 2 en 2 ; axes des abscisses : biomasse initiale de graines d’Hypericum laricifolium ; axes des ordonnées : biomasse initiale de graines de Baccharis prunifolia). Chaque image (résultant de 676 simulations sur 20 ans de jachère) présente le domaine de conditions initiales sur lequel Hypericum laricifolium domine (en noir, recouvrement d’Hypericum laricifolium supérieur à 66%), le domaine de coexistence des deux espèces (en gris, recouvrement d’Hypericum laricifolium entre 33 et 66%) et le domaine de dominance de Baccharis prunifolia (en blanc, recouvrement d’Hypericum laricifolium inférieur à 33%). Le premier petit carré de chaque image (en bas à gauche) correspond à la simulation ‘sol nu’. Haut : sensibilité du modèle à la hauteur maximale d’Hypericum laricifolium. Bas : sensibilité du modèle au SRL d’Hypericum laricifolium. La forte sensibilité du modèle aux conditions initiales et environnementales permet d’expliquer les divergences des patrons de succession mis en évidence par Sarmiento et al. (2003) au Venezuela et par Ortuño et al. (2004) en Bolivie. Dans les deux cas, on trouve que la variabilité de la composition spécifique entre parcelles d’un même âge augmente avec la 62 durée de la jachère. La situation d’une parcelle à une date donnée dépend non seulement de la durée de jachère mais également de son histoire antérieure (stock de matière organique du sol, disponibilité en azote minéral, banque de graines) et de la période de jachère elle-même (climat, disponibilité en eau, pluies de graines, compétition interspécifique). Réponse de l’écosystème au niveau de ressources (azote et eau) Figure 19. Sensibilité du modèle au niveau de ressources (eau et azote). Production cumulée sur 20 ans en fonction du niveau de ressources disponibles (saison humide comprise ente 3 et 9 mois ; flux d’azote minéral de 1 à 8 gN m-2 a-1). NB : l’azote mineral reste un facteur limitant à 8 gN m-2 a-1. Nous avons utilisé le fichier de données météorologiques étendu sur 20 ans par Pierre Bottner, communication personnelle (cf. annexe 1). Conditions initiales : - Banque de graines (gC m-2): Lupinus meridanus = 2 ; Rumex acetosella = 20 ; Espeletia schultzii = 4 ; Hypericum laricifolium = 6 ; Baccharis prunifolia = 10 ; Acaena elongata = 3 ; - Pluies de graines de l’environnement (gC m-2 a-1) égales à 1% de la banque de graines. Pour tester la sensibilité du modèle au niveau d’azote minéral disponible et à la durée de la saison sèche (disponibilité en eau), nous avons effectué 40 simulations à partir des mêmes conditions initiales (les détails sont donnés dans l’article reproduit en annexe 1). La Figure 19 montre la réponse de l’écosystème (production primaire cumulée sur 20 ans) au niveau de ressources (azote minéral disponible compris entre 1 et 8 gN m-2 a-1 ; durée de la saison humide comprise entre 3 et 9 mois). La gamme de production s’étend environ de 250 à 1500 g m-2 a-1 ; elle dépend essentiellement de l’espèce dominante de la communauté. De manière inattendue, l’augmentation du niveau de ressources ne se traduit pas toujours par une augmentation de la production. Ceci est dû aux effets indirects engendrés par les changements de composition végétale. En effet, si on regarde les dynamiques simulées (Figure 20 p.64), on s’aperçoit que la modification du niveau de ressources modifie rapidement le patron de succession. La production primaire cumulée sur l’ensemble de la succession (ici, sur 20 années) répond fortement à cette modification du patron de succession : le fonctionnement instantané de l’écosystème est déterminé par les espèces qui le composent au prorata de leur 63 présence et est très sensible aux différences de productivité des différentes espèces (dues notamment aux caractéristiques photosynthétiques des espèces, aux capacités d’absorption de l’azote et aux concentrations en azote des différents organes). Durée moyenne de la saison humide sur les 20 ans de simulation (jours) W1 : 93 j W2 :145 j W3 : 195 j W4 : 238 j W5 : 276 j 1 2 2.5 2.5 2 2 1.5 1.5 1 1 0.5 0.5 3 2.5 N1 1.5 2 1.5 1 0.5 1 0.5 0.5 0 0 0 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0 365 730 0 0 0 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 1.5 1 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 2.5 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 2.5 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 3 2.5 N2 2 2 1.5 1.5 1 2 1.5 0.5 1 1 0.5 0.5 0.5 1 0.5 0 0 0 0 365 730 0 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 1 1 0 0 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 2 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 2.5 3 2.5 2 1.5 N3 2 1.5 1 0.5 0.5 1.5 1 1 0.5 0.5 0.5 0 0 0 0 365 730 0 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 1.5 1.5 1 1 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 2 0 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 3 2.5 2.5 2 N4 1.5 2 1.5 1 1.5 1 0.5 1 0.5 0.5 0.5 0 N5 0 0 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0 1.5 1.5 1 1 365 730 0 0 0 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0.5 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 1 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 2.5 2.5 2 2 1.5 1.5 0.5 1 1 0.5 0.5 0.5 0.5 0 0 0 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 2 0 365 730 1.5 1 1 0 0 0 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 1.5 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 2.5 2 2 1.5 N6 1.5 1.5 1 1 1 0.5 0.5 0.5 0.5 0.5 0 0 0 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0 365 730 2 2 1.5 1.5 1 1 0 0 0 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 1.5 2.5 2.5 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 2.5 2 2 1.5 N7 1 1.5 1 1 0.5 0.5 0.5 0.5 0.5 0 0 0 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0 365 730 0 0 0 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 2.5 3.5 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 2.5 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 2.5 2.5 3 N8 2 2 2 2 1.5 1.5 1.5 1.5 2.5 2 1.5 1 1 1 1 0.5 0.5 0.5 0.5 1 0.5 0 0 0 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0 0 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 0 365 730 1095 1460 1825 2190 2555 2920 3285 3650 4015 4380 4745 5110 5475 5840 6205 6570 6935 7300 Figure 20. Réponse de la communauté végétale au niveau de ressources (eau, azote). Dynamique du LAI pour chaque espèce sur 20 ans en fonction du niveau de ressources disponibles (saison humide comprise ente 3 et 9 mois ; flux d’azote minéral de 1 à 8 gN a-1). Conditions initiales de la simulation : voir Figure 19 p.63. Légende : Vert: Acaena elongata; Noir: Baccharis prunifolia; Rouge: Espeletia schultzii; Gris: Hypericum laricifolium; Marron: Lupinus meridanus; Bleu: Rumex acetosella. Axes des ordonnées : LAI (attention, échelles différentes d’un graphe à l’autre ; graduation = 0,5 m2 m-2). Axes des abscisses : Durée de jachère (graduation = 1 an). 64 En milieu sec et suffisamment riche en azote, la communauté est dominée par Espeletia schultzii. Les productions les plus fortes sont atteintes en milieu pauvre en azote et relativement humide : la légumineuse Lupinus meridanus domine alors la communauté (Figure 20 p.64) ; elle fixe l’azote dont elle a besoin. Le modèle ne prend pas en compte les facteurs limitants de la fixation symbiotique tel que le phosphore ; il est donc très vraisemblable que la production des communautés dominées par le lupin soit surestimée. 2.2.4 - Compétition et coexistence Sensibilité du modèle aux paramètres Hmax et SRL (étude de sensibilité III) Utilisons maintenant la Figure 18 (p.62) pour tester la sensibilité du modèle à la hauteur maximale (Hmax, Figure 18 haut) et à la longueur de racine par unité de masse (SRL, Figure 18 bas). La modification du paramètre considéré induit une modification des surfaces de dominance et de coexistence. La taille et la position de ces surfaces sont plus sensibles au SRL qu’à la hauteur maximale. Ceci peut être interprété comme résultant du poids relatif de la compétition pour l’azote par rapport à la compétition pour la lumière. Les conditions de simulation mettent l’accent sur la carence en azote du système. La Figure 21 présente l’élasticité de la biomasse à 5 ans d’Hypericum laricifolium et de Baccharis prunifolia aux deux paramètres suivants : hauteur maximale et SRL d’Hypericum laricifolium. On constate que c’est l’espèce dominée (Baccharis prunifolia dans ce cas) qui réagit le plus fortement à une modification de ces paramètres. En outre, on constate de nouveau que le modèle est plus fortement sensible au SRL qu’à la hauteur maximale. L’extrême sensibilité du modèle au SRL devrait encourager à poursuivre des études sur le terrain dans le but d’améliorer l’estimation de ce paramètre. 1 Elasticity 0 -1 Hypericum laricifolium Baccharis prunifolia -2 SRL Figure 21. Sensibilité des biomasses d’Hypericum laricifolium et de Baccharis prunifolia aux paramètres Hmax et SRL d’Hypericum laricifolium. Paramètres du Tableau 4 excepté les conditions initiales : 1 gC de graines en dormance de chacune des deux espèces. On mesure la sensibilité du modèle sur la biomasse des deux espèces après 5 ans. Moyennes et écart-types de six variations de chaque paramètre (de -15% à +15% par pas de 5). Hmax 65 Rôle de la compétition dans le patron de succession Les simulations effectuées montrent la capacité du modèle à reproduire le patron de succession observé au champ. La compétition pour la lumière détermine très largement le statut des espèces dans la succession. Les espèces de fin de succession sont caractérisées par des traits22 liés à une grande taille et à une capacité d’ombrage importante (forte allocation aux feuilles, longue durée de vie des feuilles). La compétition pour l’azote détermine les espèces dominantes de chaque stade de succession. En milieu très pauvre en azote, ce sont les espèces les plus ‘économes’ qui dominent, c’est-à-dire les espèces qui sont caractérisées par des traits qui favorisent la rétention des nutriments (turn-over lent des organes, allocation forte aux organes structuraux). Dans les milieux riches (humides et peu carencés en azote), ce sont les espèces aux taux de croissance les plus forts qui dominent. Conditions de coexistence Dans la version actuelle du modèle FAPROM, plusieurs espèces peuvent coexister durablement, ce qui n’était pas le cas dans la première version. Cette modification du comportement du modèle met en lumière l’importance des hypothèses de modélisation de la compétition pour l’azote. La première version du modèle répartissait l’azote minéral entre les espèces au prorata de leur demande en azote (Hypothèse 1). La version actuelle répartit l’azote entre les espèces au prorata de la longueur (et de l’activité) de leurs racines (Hypothèse 2). Cette différence est fondamentale : l’hypothèse 1 amplifiait la compétition pour la lumière en favorisant l’absorption d’azote des espèces déjà favorisées par la lumière (celles qui avaient la plus forte assimilation potentielle) ; l’hypothèse 2 dissocie plus largement compétition pour la lumière et compétition pour l’azote. Cette dissociation favorise la création de niches le long du gradient de ressources et l’existence d’équilibres (dynamiques) de coexistence entre deux ou trois espèces. La prise en compte d’un plus grand nombre de facteurs limitants favorisent la coexistence d’un plus grand nombre d’espèces. D’autre part, les fluctuations climatiques favorisent également la coexistence par dissociation de niches temporelles (saison sèche, saison humide). L’alternance d’années plutôt humides et d’années plutôt sèches favorisent tour à tour des espèces différentes et entretient donc durablement la coexistence. Les changements climatiques (diminution du nombre d’années humides par décennie par exemple) peuvent entraîner des changements de 22 Traits de vie des espèces, traits de réponse et traits d’effet (Lavorel & Garnier 2002). 66 dominances. La diversité végétale peut jouer un rôle d’assurance (Yachi & Loreau 1999) en limitant les fluctuations du fonctionnement de l’écosystème (nous rediscutons ultérieurement cet aspect dans la partie 2.3). Modèle mécaniste simplifié L’annexe 4 présente des pistes de réflexion sur la façon de dégrader le modèle FAPROM pour modéliser la dynamique d’une communauté végétale. Une étape importante consiste à définir des indices mécanistes de compétition et à utiliser le modèle FAPROM pour tester ces différents indices. Les modèles mécanistes simplifiés que nous avons testés conservent une forte sensibilité aux conditions initiales, contrairement aux modèles théoriques plus simples (tels que les modèles du type Lotka-Volterra). 2.2.5 - Tentative de validation du modèle sur les parcelles boliviennes 1.0 1.5 b Annual herbs (simulated) Perennial grass (simulated) Shrubs (simulated) Annual herbs (data) Perennial grass (data) Shrubs (data) Biovolume Biovolume a 0.0 0.0 0 1 2 3 4 Time (years after crop abandonment) 10 11 12 13 14 Time (years after crop abandonment) Figure 22. Biovolume par groupe fonctionnel (simulations et données). a) Parcelle de 0 à 4 ans de jachère ; b) Parcelle de 10 à 14 ans de jachère. NB : Les données proviennent de Teresa Ortuño (communication personnelle). Les simulations ont été effectuées avec les conditions initiales optimisées définies dans le Tableau 14 (page suivante). Nous présentons ici quelques résultats obtenus avec le modèle sur le site bolivien. La Figure 22 présente la dynamique du biovolume simulée pour deux parcelles de Patacamaya (l’une ‘jeune’ : de 0 à 4 ans de jachère ; l’autre ‘vieille’ : de 10 à 14 ans de jachère). Les simulations sont confrontées aux données de Teresa Ortuño (communication personnelle) : 4 données en saison humide et deux en saison sèche (1998-2002). Nous avons groupé sur les données de terrain et les simulations les différentes espèces en 3 groupes fonctionnels : les 67 herbacées annuelles, les graminées pérennes et les arbustes. Le modèle simule assez bien la dynamique de la communauté de la parcelle ‘jeune’ (voir aussi Figure 23 ci-dessous). Il simule en revanche assez mal la parcelle ‘vieille’. Tableau 14. Conditions initiales optimisées pour les deux parcelles. Parcelle a) Parcelle de 0 à 4 ans b) Parcelle de 10 à 14 ans Variable Banque de graines (gC m-2) Pluie de graines (gC m-2 a-1) Banque de graines (gC m-2) Pluie de graines (gC m-2 a-1) Er 20 2 3 8 Ar 5 0 15 20 St 28 28 18 10 Pa 21 1 290 0 Ba 13 3 0 5 Lu 3 1 5 3 Légende : Ar: Aristida asplundii; Ba: Baccharis incarum; Er: Erodium cicutarium; Lu: Lupinus buchtienii; Pa: Parastrephia lepidophylla; St: Stipa ichu. 1.0 1.5 Annual herbs Perennial grass Shrubs Biovolume simulé b Biovolume simulé a 0.0 0.0 1.0 Biovolume mesuré 0.0 0.0 1.5 Biovolume mesuré Figure 23. Comparaison sur deux parcelles boliviennes des biovolumes simulés et mesurés (voir Figure 22 les dynamiques simulées et Tableau 14 les conditions initiales utilisées). a) Parcelle de 0 à 4 ans de jachère ; b) Parcelle de 10 à 14 ans de jachère. Plusieurs points peuvent expliquer les problèmes rencontrés pour la validation du modèle : incertitudes liées à la méthode du biovolume, corrélations biovolume / biomasse de mauvaise qualité, et surtout prélèvements d’arbustes et de Stipa ichu d’une année sur l’autre qui perturbent la dynamique de la végétation réelle et ne sont pas pris en compte dans les simulations faute de données. Les données de terrain sont exprimées en biovolume. Elles présentent parfois des variations importantes d’un an sur l’autre dont les causes peuvent être multiples : (1) le couvert végétal est relativement faible en Bolivie (< 30%) ce qui entraîne une forte incertitude sur la méthode ; (2) l’étalonnage biovolume / biomasse (Sarps 2001) présente une variabilité très forte (dû à différents facteurs, en particulier climatiques) ; (3) les prélèvements d’arbustes comme bois de feu font chuter brutalement le biovolume des arbustes et modifient la 68 dynamique globale de la communauté ; le manque d’information concernant ces ‘aléas’ rend difficile l’optimisation des simulations. Nous avons essayé de simuler les 19 parcelles boliviennes suivies pendant 4 ans par Teresa Ortuño. Sur ces 19 parcelles, seules 14 parcelles sont exploitables. Le modèle reproduit d’autant mieux la dynamique que la parcelle est jeune. Pour les parcelles en jachère depuis plus de 10 ans, le modèle est incapable de simuler correctement les herbacées. Aucune herbacée pérenne non graminée n’a été paramétrée et leur dynamique est assez différente de celle d’Erodium cicutarium (espèce pionnière rudérale). 2.2.6 - Combien d’espèces et quelles espèces faut-il prendre en compte ? Le fonctionnement instantané de l’écosystème est déterminé par les espèces au prorata de leur présence (Biomass ratio hypothesis, Grime 1998, Garnier 2004). Aussi est-il important de prendre en compte les espèces dominantes. Or on s’intéresse à la dynamique de la communauté, il faut donc modéliser les espèces dominantes aux différents stades de succession. La divergence des patrons de succession nécessite de s’intéresser à plusieurs espèces par stade de succession. Si l’on souhaite modéliser des changements de conditions tel que l’exclusion du pâturage, il faut également modéliser les espèces qui dominent dans ces nouvelles conditions. La difficulté est de déterminer a priori les espèces qui joueront un rôle déterminant a posteriori. C’est une problématique qui est largement débattue en biologie de la conservation (Courchamp et al. 2003) : certaines espèces minoritaires sont amenées à jouer un rôle clef dans l’écosystème après perturbation. Les effets indirects via la compétition interspécifique peuvent avoir un rôle primordial dans la dynamique de la communauté. Aussi certaines espèces rares peuvent-elles tenir un rôle clef. Parmi ces espèces, on peut distinguer (1) les espèces opportunistes (telles qu’Erodium cicutarium ou Lupinus buchtienii en Bolivie) qui peuvent exploser sur l’espace nu laissé libre (après l’arrachage d’un arbuste par exemple) si les conditions météorologiques et biogéochimiques sont favorables, et donc empêcher ou retarder le développement d’une autre espèce, et (2) les espèces qui jouent un rôle fonctionnel particulier (les légumineuses par exemple) et qui peuvent changer les conditions environnementales de façon décisive même si elles ne dominent pas la communauté. Aussi est-il souhaitable de couvrir autant que possible l’ensemble des groupes fonctionnels, et ce, pour les différents stades de succession. 69 En Bolivie, aucune herbacée pérenne (excepté les graminées) n’a été modélisée alors que ce groupe participe pour un bon tiers au biovolume des parcelles de fin de succession. Les premiers essais de validation du modèle sur les parcelles de Patarani (Bolivie) ont montré qu’il était difficile de prédire la dynamique observée dans les parcelles âgées : non seulement, on est incapable d’estimer la quantité d’herbacées, mais en plus, la non prise en compte de ce groupe modifie les relations de compétition entre les autres groupes fonctionnels (graminées et arbustes). Au Venezuela, aucune graminée n’a été modélisée. Dans l’écosystème ouvert, régulièrement pâturé, elles sont minoritaires et contribuent vraisemblablement assez peu au fonctionnement de l’écosystème. Mais en champ clos, dans les expériences d’exclusion du pâturage, elles dominent et modifient à la fois le fonctionnement de l’écosystème et la dynamique de la communauté (en retardant le développement des espèces de fin de succession). La gestion matricielle des équations dans le modèle permet d’ajouter ou d’enlever facilement des espèces. Il suffit de changer le nombre de modalités de l’indice espèce et de modifier le fichier des paramètres d’entrée. Le temps de calcul de la version actuelle est de l’ordre de 0,25 seconde par espèce et par an. Si on veut étudier la dynamique de 60 espèces sur 100 ans, le temps de calcul devrait rester inférieur à la demi-heure. Le temps de calcul ne semble donc pas limitant face aux efforts que nécessitent l’identification des paramètres et la calibration. Comment gérer la sensibilité aux conditions initiales ? La forte sensibilité du modèle FAPROM aux conditions initiales peut sembler limiter l’intérêt du modèle. Quelle crédibilité accorder à des simulations dont une petite variation des conditions initiales produit des changements brutaux en sortie ? En apparence, ce comportement peut mettre en évidence un manque de robustesse. Néanmoins, on peut aussi supposer qu’on aurait le même manque de robustesse dans des expériences réelles de compétition avec un nombre limité d’espèces. En outre, cette sensibilité aux conditions initiales peut être limitée : (1) en prenant en compte suffisamment d’espèces (cf. ci-dessus) ; (2) en étudiant le cycle reproductif des espèces pour définir les contraintes de variation des conditions initiales ; (3) en étudiant non pas seulement la dynamique de la communauté mais le fonctionnement global de l’écosystème. 70 2.3 - ROLE DE LA JACHERE DANS L’AGRO-ECOSYSTEME Nous présentons maintenant les résultats prédits par le modèle FAPROM sur le fonctionnement de l’écosystème. Nous avons étudié en particulier : (1) le rôle de la jachère dans le système de culture et les possibilités de jachère améliorée, (2) l’impact du pâturage et de la cueillette sur la dynamique de la communauté et le fonctionnement de la jachère, et (3) le rôle de la biodiversité sur les services de l’écosystème. 2.3.1 - Cycle de l’azote au cours de la jachère et potentialités de la jachère améliorée Figure 24. Dynamique du contenu en azote au cours de la jachère. a) Contenu en azote de la biomasse, de la nécromasse sur pied et de la litière (simulation de référence, paramètres vénézuéliens, Tableau 4 ; données de Sarmiento 1995 pour une parcelle de 12 ans) ; b) Contenu en azote de la matière organique du sol pour 3 simulations : communauté végétale (simulation de référence, Tableau 4) ; communauté végétale sans légumineuse ; sol nu. La Figure 24a présente la dynamique de l’accumulation d’azote dans la biomasse, la nécromasse sur pied et la litière. Le contenu en azote total de ces compartiments augmente en début de jachère, atteint un pic au bout de 3 ans (11 gN m-2) et diminue légèrement pour se fixer autour de 10 gN m-2. La continuation de la jachère au delà de 5 ans ne modifie pas le contenu en azote total du compartiment végétal. La Figure 24b compare trois scénarios différents : sol nu ; jachère sans légumineuse et jachère avec légumineuse. Le contenu en 71 azote de la matière organique décroît pour les trois scénarios dans une phase initiale (sol nu ou couvert végétal peu dense). Puis il se stabilise en présence de végétation et croît en présence de légumineuses. Le modèle estime la déposition à partir de données de terrain (Sarmiento 1995). L’estimation du lessivage pourrait être améliorée en simulant un bilan hydrique détaillé (drainage de l’eau de pluie en particulier) et en mesurant sur le terrain les concentrations en azote des eaux de pluies et de l’eau de drainage. Sous les hypothèses du modèle, les simulations montrent que la déposition ne compense pas les pertes par lessivage (Tableau 15) ; mais la présence de légumineuses (avec un pic de biomasse dans les cinq premières années de jachère) compense les pertes par lessivage et apportent un supplément d’azote au système. Le modèle montre donc l’importance de la fixation symbiotique dans les entrées d’azote du système. Il sera intéressant d’approfondir la modélisation du processus de fixation symbiotique et notamment, de prendre en compte les limitations de la fixation (cycle du phosphore en particulier). Tableau 15. Bilan d’azote sous différents scénarios. Nous donnons en gN m-2 les variables d’état au bout de 12 années et les flux cumulés sur 12 ans. Scenario Community Lupinus Community Espeletia Rumex with meridanus with no Lupinus monoculture monoculture monoculture legume meridanus gN m-2 Total plant mass ∆ Soil organic matter Naked soil 10.7 35.8 9.7 9.8 6.0 0.0 + 9.2 + 333.8 - 9.5 - 11.0 - 2.9 - 51.6 ∆ N stock 19.9 369.6 0.2 -1.2 3.1 - 51.6 ℓ3 N fixation 20.2 370.7 0.0 0.0 0.0 0.0 ℓ4 Deposition 4.9 4.9 4.9 4.9 4.9 4.9 25.1 375.6 4.9 4.9 4.9 4.9 8.2 8.6 7.8 6.5 6.4 56.5 57.8 106.1 55.1 56.0 57.6 0.0 3.0 2.6 3.1 0.4 4.6 0.0 ℓ1 ℓ2 N gains ℓ5 Leaching ℓ6 Plant uptake N seeds NB : ℓ1 + ℓ2 + ℓ5 – (ℓ3 + ℓ4) = importation nette de graines (conditions initiales + pluies de graines). ℓ6 = cumul sur 12 ans de l’absorption journalière d’azote minéral par les plantes. 72 Quelles sont les fonctions agro-écologiques de la jachère ? Le premier rôle de la jachère est de constituer un stock de biomasse qui est incorporée à la terre à la fin de la jachère et qui a la fonction d’engrais vert en se décomposant au cours de la culture. Ce stock atteint un plateau relativement rapidement dans les simulations (3 ou 4 ans23). Les prédictions du modèle sur la qualité de la litière produite (composition spécifique, contenus en azote ou rapports C/N) peuvent être utilisées conjointement aux études menées sur le terrain par Marie-Madeleine Coûteaux (Coûteaux et al. 2004a et b) sur les taux de décomposition des différentes espèces (et type de litière) pour savoir à quel moment il est le plus judicieux de rompre la jachère. A priori, les ligneux se décomposent moins vite que les herbacées ou les graminées et un mélange approprié de ligneux et d’herbacées pourrait permettre de gérer la fertilité (la mobilisation de l’azote minérale) sur les deux années de culture. Le second rôle de la jachère est d’accroître le stock de matière organique du sol, en particulier, d’alimenter le pool d’azote organique : (1) la végétation naturelle limite les pertes par lessivage (ce qui est cohérent avec la fermeture progressive du cycle de l’azote mise en évidence par l’étude du δ15N de la matière organique du sol qui décroît au cours de la jachère (Abadin et al. 2002, cf. p.10)) ; (2) les légumineuses apportent de l’azote au système par fixation symbiotique. Le pic de biomasse des légumineuses (et de l’activité fixatrice) a également lieu en début de jachère (dans les cinq premières années, ce qui est cohérent avec les observations de terrain, à la fois au Venezuela (Sarmiento et al. 2003) et en Bolivie (Ortuño et al. 2004)). L’amélioration de la jachère par semis de lupin permet d’augmenter considérablement le stock d’azote (il s’agit d’une efficacité potentielle de la fixation symbiotique puisque le modèle ne prend pas en compte pour l’instant la limitation de la fixation par le phosphore). Le troisième rôle agro-écologique de la jachère est d’éliminer les adventices. Les simulations montrent une réduction importante des espèces rudérales au cours des 2 ou 3 premières années. Des études sur le terrain sur la banque de graines, les pluies de graines et la dormance devraient permettre de déterminer la durée optimale de la jachère au regard de la lutte contre les mauvaises herbes. Une jachère trop courte ne fait qu’accroître la banque de graines des espèces rudérales et risque donc d’être néfaste pour la culture. 23 Mais il faut faire attention à la surestimation des vitesses dans le modèle et garder à l’esprit la sensibilité de la production et de la biomasse aux conditions initiales et environnementales. 73 D’autres rôles agro-écologiques doivent être pris en considération mais ne sont pas intégrés au modèle : limiter les populations de nématodes à kystes de la pomme de terre et les autres parasites de la culture ; stimuler l’activité de la biomasse microbienne et de la microfaune du sol ; modifier la structure du sol. Proposition de gestion durable de l’agro-écosystème La durée optimale de la jachère, au regard de la gestion de la fertilité du sol, fait donc l’objet de compromis entre ces différentes fonctions : reconstitution du stock de matière organique, fixation symbiotique d’azote, qualité de la litière incorporée au sol, lutte contre les adventices, limitation des parasites, stimulation de l’activité microbienne, modification de la structure du sol. Elle n’est pas nécessairement très longue (environ 5 ans). Elle peut être accélérée (pour certaines fonctions agro-écologiques en particulier ; il faudrait vérifier sur les autres fonctions qu’on ne détériore pas l’efficacité de la jachère). La jachère améliorée par semis de légumineuses offre de fortes potentialités (mais il faudrait inclure le cycle du phosphore dans le modèle pour pouvoir prédire l’efficacité réelle de la fixation). Il sera intéressant de confronter les prédictions du modèle aux expériences menées sur le terrain. En Bolivie, la jachère semée en lupin a doublé les rendements de la première année de culture (Dominique Hervé, communication personnelle). Au Venezuela, des résultats similaires ont été obtenus (Lina Sarmiento, communication personnelle). D’autres idées d’amélioration du système de jachère peuvent être testées avec le modèle FAPROM : fertilisation de la jachère, modification de la qualité de litière par travail de la jachère (arrachage de certaines espèces), alternance de périodes de culture et de jachère plus courtes. Il pourrait être intéressant par exemple de fertiliser la parcelle au cours de la jachère, au moins un an avant la mise en culture. En effet, la fertilisation sur sol nu en début de culture n’est pas optimale : une partie importante de l’azote minéral ajouté est lessivé avant le développement de la culture. La fertilisation sur jachère serait sans doute un moyen d’optimiser l’entrée d’azote dans le système. Par rapport à l’utilisation directe d’intrants organiques, l’utilisation de la biomasse verte garantit une meilleure adéquation entre les besoins de la culture et la disponibilité en azote minéral. Par rapport à la jachère traditionnelle, la fertilisation sur jachère permet d’augmenter cette biomasse verte. Il faut toutefois vérifier qu’elle ne favoriserait pas les adventices aux dépens des légumineuses et des espèces de fin de succession. 74 L’utilisation conjointe du modèle FAPROM et des études sur la décomposition des parties aériennes et souterraines des différentes espèces (Coûteaux et al. 2004a et b) devraient permettre de définir la composition optimale de la communauté (au moment de rompre la jachère) pour une régulation du flux d’azote minéral sur la période de culture. Le mélange idéal de qualités de litière différentes permettrait de prolonger la période cultivable sur trois années sans chute des rendements. Pour atteindre ce mélange idéal, on peut considérer un travail de la jachère : arrachage de certaines espèces (ou modification de la pression de pâturage, cf. paragraphes suivants) ; fertilisation à un certain moment ; irrigations des parcelles. Ces solutions peuvent paraître surprenante mais il serait intéressant de les tester sur le terrain. Une autre modification du système traditionnel consisterait à raccourcir les temps de culture et les périodes de jachère : l’alternance par exemple de cycles 1 / 4 (1 an de culture, suivie de 4 ans de jachère). Il faut néanmoins veiller aux conséquences d’une telle pratique, notamment sur la diversité de l’écosystème : on risque de privilégier à chaque cycle les espèces rudérales. Peut-être faut-il combiner ces différentes idées (semis de lupin et raccourcissement du temps de jachère, semis de lupin et fertilisation). A quelle distance sommes-nous d’un modèle d’aide à la décision ? Nous sommes relativement loin d’un modèle utilisable par un gestionnaire. En effet, un certain nombre d’étapes mériterait au préalable d’être franchi : (1) la validation approfondie du modèle FAPROM sur l’ensemble des données collectées sur le terrain afin de tester la robustesse des prédictions sur l’ensemble le plus vaste de conditions différentes ; (2) le développement éventuel d’autres modules (en particulier, le cycle du phosphore, le bilan hydrique, la répartition spatiale dans un modèle d’automate cellulaire) ; (3) la validation des modèles Sol et Culture ; (4) la validation du modèle intégré à l’échelle de la parcelle (couplages Sol et Végétation, Culture et Jachère). Néanmoins le modèle permet dans sa version actuelle de sélectionner des scénarios à tester sur le terrain. Le modèle repose sur l’estimation instantanée des processus écophysiologiques à l’échelle de la feuille (photosynthèse) ou de l’organe (mortalité, respiration). De nombreuses hypothèses sont formulées pour permettre les changements d’échelle de l’organe à l’espèce, de l’espèce à l’écosystème, de la seconde à la journée, et de la journée à l’année. Une validation complète du modèle nécessiterait une validation des estimations des flux aux échelles larges (écosystème, journée, année) en utilisant par exemple des mesures de tour à flux (cependant difficile en pratique sur les terrains en pente du Venezuela) ou sous cloche. 75 D’autre part, les aspects socio-économiques ne doivent pas être négligés et il est difficile de construire un modèle d’aide à la décision qui ne prenne pas en compte ces aspects. En effet, les mesures d’amélioration de la jachère présentent un coût qu’il faudrait intégrer. De plus, nous avons privilégié dans ce travail un aspect particulier de la fertilité (la disponibilité de l’azote minéral), mais l’aptitude du sol à produire est fonction de quantité d’autres facteurs (les autres nutriments minéraux, le climat, les intrants d’azote et d’eau, la pratique culturale, la lutte contre les parasites et cætera). 2.3.2 - Impact du pâturage 800 800 a 600 gDM m-2 a-1 gDM m-2 a-1 600 b 400 200 NPP Grazed by animals 400 200 0 0 0.00 0.05 0.10 0.15 Grazing pressure 0.20 0.00 0.01 0.02 0.03 0.04 Grazing pressure Figure 25. Effet du pâturage sur la productivité de l’écosystème. a) Prélèvement d’Hypericum laricifolium dans un couvert végétal monospécifique. b)Prélèvement d’Hypericum laricifolium dans la communauté végétale. La productivité de l’écosystème (NPP, moyenne sur 20 ans) est séparée en deux composantes : ce qui est prélevé par les animaux (Grazed by animals) et ce qui reste dans le cycle végétal (différence entre NPP et grazed by animals). La pression de pâturage correspond au pourcentage de biomasse de feuilles prélevée par les animaux, une fois par période de 30 jours. NB : Les échelles des abscisses sont différentes ! L’augmentation de la productivité de la communauté avec la pression de pâturage est essentiellement due à un changement de dominance : Hypericum laricifolium est progressivement exclu sous la pression directe du pâturage et les effets de la compétition entre espèces ; Espeletia schultzii bénéficie de l’exclusion d’Hypericum laricifolium et domine en fin de succession ; sa productivité est supérieure à celle d’Hypericum laricifolium. Nous avons effectué des simulations pour comprendre l’impact du pâturage sur la production végétale et sur le processus de succession. Les paramètres utilisés dans cette étude correspondent à ceux du Venezuela (Tableau 4) mais cette étude est purement théorique : aucune des espèces prises en compte dans le modèle n’est réellement appétante. La Figure 25a présente l’effet du pâturage sur une monoculture sans prendre en compte l’impact des fèces du bétail sur la matière organique ni l’impact mécanique du passage des animaux sur le couvert végétal et la structure du sol. On constate que la productivité primaire est stimulée par 76 le pâturage dans une large gamme d’intensité de pâturage : la consommation d’une partie des feuilles à intervalles réguliers augmente l’allocation aux feuilles. Les résultats diffèrent pour les mélanges d’espèces. La réponse de l’écosystème au pâturage dépend très fortement des effets indirects. On a étudié la réponse de la communauté au pâturage d’une seule espèce : une espèce dominante en fin de succession en absence de pâturage. La consommation des animaux est proportionnelle à la biomasse de l’espèce pâturée ; cette biomasse est beaucoup plus sensible à l’intensité du pâturage dans une communauté plurispécifique (Figure 25b) que lorsque l’espèce est en monoculture (Figure 25a). La productivité de l’écosystème dépend de la communauté résultante. Cette étude montre principalement que les espèces pâturées seront rares du fait que la compétition accélère l’effet d’exclusion du pâturage. Les expériences menées sur le terrain (Sarmiento, communication personnelle) ont montré que les espèces dominantes dans les champs clôturés (pâturage exclu) sont en général plus appétantes (graminées notamment). La cueillette des arbustes utilisés comme bois de feu et le prélèvement des touffes de Stipa utilisées comme chaume modifient l’aspect des parcelles et la dynamique de la communauté. L’espace libéré est recolonisé par les espèces pionnières et les espèces opportunistes. L’absence de relevé précis de ces pratiques rend parfois difficile l’interprétation des suivis de biovolumes. 2.3.3 - Relations entre la diversité des communautés et le fonctionnement de l’écosystème24 Pour tester la relation entre la diversité de la communauté et le fonctionnement de l’écosystème, nous avons tester l’ensemble des 26 = 64 assemblages possibles (il y a deux modalités par espèce : présence/absence). Nous avons effectué les 64 simulations sur 20 ans et comparons les productions primaires nettes. Si nous trions les simulations en fonction des 24 On s’intéresse à la biodiversité pour trois types de raisons au moins (Loreau 2002) : (1) elle procure un certain nombre de biens qui possèdent une valeur économique directe (nourriture, médicaments, gènes d’intérêt pour l’amélioration variétale, organismes utilisés en contrôle biologique) ; (2) elle est intrinsèquement liée au bien-être de l’homme pour des raisons éthiques, esthétiques, culturelles et scientifiques ; (3) elle peut contribuer à des "services" écologiques (production primaire et secondaire, pollinisation des plantes, régulation du climat, régulation du cycle de l’eau, maintien de la qualité de l’eau, maintien de la fertilité des sols). Au cours de la dernière décennie, les effets de la biodiversité sur les autres composantes du changement global ont reçu une attention croissante. En particulier, on a assisté à une croissance explosive des recherches sur les effets potentiels de la perte de biodiversité sur le fonctionnement des écosystèmes, et, par là, sur les "biens" et "services" écologiques qu’ils procurent aux sociétés humaines. 77 espèces présentes, on peut étudier la réponse de l’écosystème à la perte d’une espèce (Figure 26). On observe des patrons de réponse très différents suivant l’espèce à laquelle on s’intéresse. a b 1600 1200 x espèces sans l'espèce cible x espèces + l'espèce cible -2 gDM m a -1 1200 -2 gDM m a -1 1600 800 400 800 400 0 0 0 1 2 3 x espèces 4 5 0 1 2 3 4 5 x espèces Figure 26. Effet de la perte de diversité sur le fonctionnement de la communauté. a) Espèce cible : Lupinus meridanus ; b) Espèce cible: Baccharis prunifolia. Axe des ordonnées : productivité primaire nette (moyenne annuelle sur 20 ans) ; axes des abscisses : nombre d’espèces dans la communauté (en noir), nombre d’espèces associées à l’espèce cible (en gris). La disparition de Lupinus meridanus (Figure 26a, passage des barres grises aux barres noires précédentes) provoque une diminution de la productivité de l’écosystème. Lupinus meridanus est l’espèce la plus productive et la seule légumineuse prise en compte. La communauté perd non seulement la contribution la plus forte à la productivité mais également la fonction fixatrice d’azote. On peut également noter que l’augmentation de la diversité réduit la variabilité (même lorsqu’on corrige par le nombre d’assemblages) : la diversité a un effet ‘tampon’. La perte de Baccharis prunifolia (Figure 26b, passage des barres grises aux barres noires précédentes) provoque une augmentation de la productivité de l’écosystème. L’arbuste Baccharis prunifolia a tendance à fermer la communauté. La perte de cette espèce laisse l’opportunité à des espèces plus productives de se développer et de participer significativement à la productivité de l’écosystème. D’autre part, si on ne considère que les communautés végétales composées d’au moins Baccharis prunifolia (Figure 26b, barres grises), il y a un net effet positif de la diversité sur la productivité de l’écosystème. Ces simulations montrent qu’il y a un effet espèce majeur mais qu’on peut aussi mettre en évidence sous certaines hypothèses sur les fonctions écologiques assurées par les différentes espèces assemblées, un effet positif de la diversité sur le fonctionnement de l’écosystème (diminution de la variabilité et augmentation de la productivité). 78 Certains assemblages révèlent des cas de complémentarité de niche par association de groupes fonctionnels. En particulier, les mélanges Rumex acetosella et Lupinus meridanus sont plus productifs sur 20 ans (en moyenne, 1705 g m-2 a-1) que les monocultures prises séparément sur la même durée (respectivement 678 et 1697 g m-2 a-1). Ce type d’expérience est très sensible à la durée de l’expérience. Dans les cas des assemblages Rumex acetosella et Lupinus meridanus ils ne sont pas plus productifs que les monocultures sur des périodes de deux ans. Si on regarde la production sur 2 ans et non plus sur 20 ans, le mélange Rumex acetosella et Espeletia schultzii (635 g m-2 a-1) est plus productif que les monocultures associées (respectivement 615 et 587 g m-2 a-1) ; de même, le mélange Acaena elongata et Hypericum laricifolium (457 g m-2 a-1) produit plus que ses composantes seules (respectivement 442 et 425 g m-2 a-1). Pour tester l’hypothèse d’assurance, nous avons fait varier les conditions environnementales et regardé si les mélanges résistaient mieux que les monocultures associées aux changements de conditions. Certains mélanges (Espeletia schultzii et Rumex acetosella par exemple) résistent mieux aux changements de conditions environnementales (Espeletia schultzii résiste mieux à une carence en azote et au stress hydrique ; Rumex acetosella est plus productif en milieu riche). Cependant, sur l’étendue des conditions environnementales que nous avons testées, certaines espèces (telles que Lupinus meridanus) garantissent la productivité la plus forte quel que soit le milieu. Il serait intéressant de poursuivre ce type d’études en paramétrant un plus grand nombre d’espèces. 79 3 - Bilan critique et perspectives 81 3.1 - HYPOTHESES DU MODELE 81 3.1.1 - Intérêt du modèle, synthèse des résultats obtenus 81 But du modèle 81 Thèses développées 83 3.1.2 - Critique des hypothèses et perspectives de prolongement 83 Limites du modèle 85 Quel modèle choisir (bis) ? 86 3.2 - PROJET DE THESE 86 3.2.1 - Dynamique du projet TROPANDES, travail en équipe 86 3.2.2 - Evaluation critique du travail 86 Dans quelle mesure les objectifs ont-ils été atteints ? 87 Analyse des difficultés rencontrées 90 3.3 - REFLEXIONS PERSONNELLES ET PERSPECTIVES 90 3.3.1 - De la multiplicité des métiers du chercheur 90 3.3.2 - Avenir du modèle FAPROM 91 Validation complète sur les données vénézuéliennes 91 Adaptation aux écosystèmes méditerranéens 91 Utilisation du modèle dans les études ‘diversité et fonctionnement’ 80 Cette troisième partie a pour objectif d’évaluer le travail effectué : (1) nous revenons d’abord sur le but et les résultats du modèle, et resituons notre étude dans les perspectives actuelles de l’écologie ; (2) nous analysons ensuite dans quelle mesure les objectifs définis au départ ont été atteints et quelles difficultés nous avons rencontrées au cours de la thèse ; (3) nous discutons enfin l’expérience acquise en matière de recherche et l’avenir du modèle FAPROM. 3.1 - RETOUR SUR LES HYPOTHESES DU MODELE Nous commençons par résumer le but du modèle et les résultats obtenus puis nous revenons sur les hypothèses du modèle, en montrons les limites et les possibles dépassements. 3.1.1 - Intérêt du modèle, synthèse des résultats obtenus But du modèle Nous avons développé un modèle biogéochimique de succession végétale qui lie écophysiologie et écologie des communautés. Son originalité est d’assurer le couplage entre les processus écophysiologiques instantanés et la dynamique de la végétation, et d’intégrer tous les compartiments mesurés en identifiant des liens mécanistes entre eux. Il permet à la fois d’établir la réponse des végétaux au cours de la succession (traits de réponse) et d’étudier l’effet des végétaux sur le fonctionnement des écosystèmes (traits d’effet). Thèses développées Le modèle montre l’importance de prendre en compte le turn-over de la matière dans la modélisation des dynamiques écologiques : (1) à l’échelle d’une espèce, le turn-over est responsable des décalages temporels observés dans les dynamiques logistiques et se traduit dans l’asymétrie des courbes de croissance ; (2) à l’échelle de la communauté, le turn-over des espèces joue un rôle prépondérant dans les processus de compétition, en particulier, dans les milieux pauvres en azote minéral, où les espèces qui dominent sont caractérisées par des traits qui conduisent à une forte capacité de rétention des nutriments ; (3) à l’échelle de la parcelle enfin, le turn-over est impliqué dans la dynamique de la fertilité du sol : la disponibilité des nutriments est fonction de leur temps de résidence dans les différents 81 compartiments de la matière organique. Par conséquence, dans les écosystèmes herbacés tropicaux au turn-over relativement rapide, la biomasse aérienne n’est pas une estimation fiable de la productivité primaire nette de l’écosystème : d’importants flux cachés ne sont pas détectés par les suivis de biomasse car les processus de production, sénescence, chute de litière et décomposition ont lieu simultanément. La durée optimale de la jachère fait l’objet de compromis entre les différentes fonctions agro-écologiques de la jachère : constitution d’un stock de matière organique, fixation symbiotique d’azote, qualité de la litière incorporée au sol, lutte contre les adventices, limitation des parasites, stimulation de l’activité microbienne, modification de la structure du sol. Elle n’est pas nécessairement très longue au regard des critères testés avec le modèle sur les données vénézuéliennes : le stock de matière organique n’augmente plus au-delà de 5 ans et c’est au cours de cette période qu’on a la fixation maximale d’azote avec le pic des légumineuses. La jachère améliorée par semis de légumineuses offre de fortes potentialités (qu’il faudrait modérer en incluant une éventuelle limitation pour le phosphore dans le modèle). Le couplage aux études de décomposition de la matière organique devrait permettre de définir la composition idéale de la litière et la durée optimale de la jachère pour ce critère. D’autres idées pourront être testées, comme la fertilisation de la jachère ou la manipulation par arrachage et prélèvements. Le développement du modèle et l’analyse des résultats incitent à compléter les études entreprises sur les sites d’applications, en particulier, ce qui concerne : (1) le cycle reproductif des espèces considérées (banque et pluies de graines, dispersion, dormance et recrutement), car la dynamique de la communauté et le fonctionnement de l’écosystème sont fortement sensibles aux conditions initiales ; (2) le bilan hydrique et le bilan d’azote pendant la jachère (apports par déposition et fixation, et départs par lessivage), car la dynamique de la communauté et le fonctionnement de l’écosystème sont fortement sensibles au niveau de ressources disponibles (eau et azote) ; (3) le cycle du phosphore et les limitations de la fixation symbiotique, car celle-ci constitue la principale entrée d’azote dans le système ; (4) l’estimation de l’activité racinaire, représentée dans le modèle par SRL (Specific root length, longueur de racines et de mycorhizes par unité de masse), car la compétition en azote joue un rôle prépondérant dans la structuration de la communauté, notamment dans les milieux pauvres en nutriments ; (5) la structure du couvert, car elle détermine la compétition pour la lumière et est un facteur déterminant dans l’exclusion des espèces pionnières ; 82 (6) la durée de vie des organes, car le taux de turn-over joue un rôle prépondérant dans la dynamique du système ; (7) le bilan de carbone à l’échelle de la parcelle (par mesures sous cloches ou par tour à flux), car il permettra de valider le fonctionnement global du modèle. 3.1.2 - Critique des hypothèses et perspectives de prolongement L’objectif du modèle était de prédire sur plusieurs décennies la dynamique de la communauté et le fonctionnement de l’écosystème à partir des traits morphologiques et écophysiologiques des espèces qui avaient été mesurés sur le terrain. Pour parvenir à cet objectif, nous avons formulé de nombreuses hypothèses simplificatrices. Nous reprenons ici ces hypothèses en montrant quelles en sont les limites et quel champ de l’écologie s’applique à les étudier. Limites du modèle Dimension spatiale Nous avons développé le modèle sur la base des mécanismes écophysiologiques et de ce fait, volontairement réduit les aspects spatiaux du problème à la répartition verticale des espèces dans le couvert végétal. Nous négligeons ainsi la répartition des espèces dans le plan horizontal. Des modèles 3D ont été développés pour une plante unique ou pour des couverts réguliers monospécifiques (vigne) ou bispécifique (herbe et trèfle, Sinoquet 1998). Ces modèles prédisent l’extinction du rayonnement et l’assimilation photosynthétique du couvert. Mais ils nécessitent la description complète de la scène (position de toutes les plantes, voire de tous les organes) et ils travaillent généralement sur une scène fixe (qui n’est pas mise à jour à chaque pas de calcul). Le modèle FAPROM assimile le couvert à une « soupe végétale » (hypothèse « champ moyen ») mais prédit la dynamique de la communauté au pas de temps journalier sur plusieurs décennies. Nous simplifions aussi excessivement la dimension spatiale à l’échelle du paysage en supposant constant au cours du temps l’apport de graines en provenance des parcelles voisines. Pour pouvoir simuler la diversité à l’échelle du paysage, il faudrait coupler le modèle à une base de données géographiques et étudier les flux de graines entre parcelles. Dans le but de simuler la dynamique de la diversité à l’échelle de l’écorégion, il peut s’avérer 83 intéressant d’utiliser au sein de chaque parcelle un modèle mécaniste simplifié de succession secondaire, et un échiquier pour décrire les relations entre les différentes parcelles. Paramètres constants, dimension temporelle Nous avons supposé des paramètres constants par saison (parfois identiques sur les deux saisons) et constants sur la durée complète de la simulation. Nous supposons une classe d’âge unique par espèce, modélisons chaque espèce comme un individu moyen et négligeons les éventuels stades de développement des plantes individuelles. Pour les concentrations en azote par exemple, un modèle plus fin considèrerait plus précisément la phénologie et les stades de développement et de croissance des différentes espèces. Nous avons axé notre travail sur la compétition interspécifique et les mécanismes de la succession végétale. Nous n’étudions pas non plus la plasticité phénotypique. Par exemple, nous supposons toujours la même structure verticale du couvert pour une espèce donnée, quel que soit son environnement. Certains modèles intègrent la morphologie des plantes et la plasticité des caractères morphologiques ou écophysiologiques (Soussana et al. 2002, Dingkuhn et al. 2002) ; en revanche, ils ne simulent pas plus de deux espèces en interaction. Nous n’avons pas intégré de dépendance de la photosynthèse à la température ni à la teneur en CO2 de l’air. Nous ne pouvons donc pas simuler la réponse de l’écosystème aux changements globaux. Pour aller plus loin dans cette direction, il faudrait en particulier mesurer les courbes de réponse de la photosynthèse foliaire, de la respiration et de la répartition des assimilats, à la température et au CO2. D’une manière générale, tout raffinement demande d’introduire de nouveaux paramètres qui nécessitent donc de nouvelles études sur le terrain pour les déterminer. Nous avons construit le modèle en essayant d’utiliser toute l’information disponible sur les sites d’études, et dans la mesure du possible, en nous limitant à cette information. Nous focalisons notre étude sur une échelle de temps relativement courte au regard de l’évolution des espèces et ne traitons donc pas des aspects évolutifs dans la dynamique de la communauté. Cycles du carbone et de l’azote Le modèle décrit les cycles du carbone et de l’azote. Certains processus écophysiologiques (comme la fixation symbiotique) sont vraisemblablement limités par d’autres nutriments (P, K, Mg, Ca …). Il serait intéressant de tester (peut-être sur un modèle simplifié dans un premier temps) quel est l’impact de la prise en compte du cycle d’un 84 troisième élément dans la dynamique de la communauté. Cet ajout au modèle nécessiterait également un complément d’études sur le terrain. Interactions entre le monde végétal et les animaux Mis à part les simulations effectuées pour tester l’impact du pâturage sur la dynamique de la communauté et le fonctionnement de l’écosystème, nous négligeons les interactions entre le monde végétal et les animaux, en particulier : (1) les liens entre diversité aérienne et diversité souterraine (nématodes, micro et macrofaune du sol, Wardle 2002, De Deyn et al. 2004) ; (2) les petits herbivores aériens (insectes, petits rongeurs…) ; les pollinisateurs et les animaux qui interviennent dans le cycle reproductif des espèces (Molinillo & Farji Brener 1993 ont montré l’importance du bétail dans la dispersion des graines d’Acaena elongata). Les étapes de validation du modèle, confrontation des simulations aux relevés de terrain, peuvent mettre en évidence les limites des différentes hypothèses. Par exemple, le suivi de biomasse des parcelles semées en lupin peut montrer l’importance de la limitation de la fixation symbiotique et dans quelle mesure notre hypothèse de modélisation est capable de reproduire la réalité. Quel modèle choisir (bis) ? A chaque question, son modèle. L’objet du modèle FAPROM est d’établir les liens mécanistes entre les paramètres statiques (les traits des espèces mesurés sur le terrain), la dynamique de la communauté et le fonctionnement de l’écosystème au cours de la jachère. Un modèle mécaniste simplifié peut être utilisé pour aborder des questions qui nécessitent de changer d’échelle spatiale (écologie du paysage), temporelle (évolution) ou thématique (interactions trophiques, liens entre diversité aérienne et diversité souterraine). Les modèles globaux plus théoriques, du type logistique de Verhulst ou Lotka-Volterra pour les interactions entre espèces, permettent de dégager des tendances (stratégies r, K par exemple) et d’étudier les interactions simples entre un nombre limité de paramètres. Les approches globale (description du système dans son ensemble) et réductionniste (description du système du point de vue de ses constituants) sont complémentaires. Suivant les questions qu’on met en avant, il faudra pousser la description dans les détails ou au contraire la simplifier au maximum. 85 3.2 - RETOUR SUR LE PROJET DE THESE Nous revenons maintenant sur le déroulement du travail en analysant les aspects positifs et les problèmes rencontrés dans le cadre du projet TROPANDES. 3.2.1 - Dynamique du projet TROPANDES, travail en équipe Le projet TROPANDES fut une expérience humaine et polyglotte très enrichissante et nous espérons que les collaborations entreprises seront durables. Nous avons particulièrement apprécié le travail en équipe que nous avons développé avec les différents partenaires autour des trois axes suivants : (1) l’application aux parcelles boliviennes ; (2) l’application aux parcelles vénézuéliennes ; et (3) le couplage des modèles. Chacun des échanges que nous avons eu a été fructueux et les questions des différents partenaires ont stimulé le travail. Le travail en collaboration avec les équipes boliviennes et vénézuéliennes (en particulier Teresa Ortuño en Bolivie, et Lina Sarmiento au Venezuela) a permis d’améliorer le modèle (représentation de la respiration, de la fixation symbiotique, adaptation du modèle aux données boliviennes). Le travail avec le groupe des modélisateurs (en particulier Marc Pansu et Pierre Bottner à Montpellier et Klaas Metselaar à Wageningen) a permis d’avancer sur le bilan d’azote à l’échelle de la parcelle. Nous retiendrons l’importance des relations humaines, des contacts et de la confiance dans un tel projet. A l’heure des nouvelles technologies, le courrier électronique simplifie beaucoup les échanges matériels d’informations mais rien ne remplace les rencontres, les discussions en face-à-face et les collaborations main dans la main pour faire avancer le travail en équipe, d’autant plus quand les équipes sont multidisciplinaires et multiculturelles. 3.2.2 - Evaluation critique du travail Dans quelle mesure les objectifs ont-ils été atteints ? Dans le cadre du projet TROPANDES, nous étions chargé de modéliser, pour les sites vénézuélien et bolivien, la dynamique de la production végétale au cours de la succession post-culturale. La proposition du projet définissait les tâches suivantes : (1) le développement d’un modèle générique de production de la jachère ; (2) la paramétrisation du modèle pour les 86 sites d’études particuliers ; (3) la validation du modèle ; (4) le couplage des modèles biogéochimiques à l’échelle de la parcelle ; et (5) la compréhension des mécanismes de restauration de la fertilité des sols dans le système de culture à jachères longues des hautes Andes tropicales. Nous n’avons que partiellement rempli notre mission : si les objectifs 1 et 2 sont atteints, les objectifs 3, 4 et 5 restent inachevés. Notre projet de thèse avait l’ambition d’inclure le modèle de parcelle dans le modèle d’exploitation agricole développé par Bernardo Paz-Betancourt (1997) et de réunir les aspects écologiques, agronomiques et socio-économiques du problème. Bien que nous ayons gardé ce but en vue, nous avons rapidement revu nos objectifs à la baisse et seulement tenté de modéliser le fonctionnement agro-écologique de la parcelle. Analyse des difficultés rencontrées Nous analysons dans la suite de cette partie les difficultés auxquelles nous avons été confrontés et les disfonctionnements du projet. Développement informatique Nous avons initialement développé le modèle sous FORTRAN puisque tel était le langage utilisé au laboratoire. Nous avons ensuite traduit le modèle (et poursuivi son développement) sous VENSIM de façon à le rendre directement compatible aux autres modèles développés dans le projet. Si c’était à refaire, quelle solution choisirions-nous ? Les langages de programmation informatique (tels que FORTRAN) présentent l’avantage de ne pas être limités dans leurs possibilités techniques (encore faut-il que le programmeur ait suffisamment de dextérité). Mais ils ne sont pas vraiment ergonomiques, et sont difficilement partageables, difficilement modifiables par un tiers non spécialiste, et nécessitent l’écriture des fichiers de sorties dont on veut disposer. A contrario, les logiciels de programmation graphique des systèmes dynamiques (tels que VENSIM) sont ergonomiques, intuitifs (c’est-àdire qu’ils fonctionnent comme les produits Microsoft) donc facilement utilisables et modifiables par d’autres utilisateurs. D’autre part, toutes les sorties de simulation sont disponibles par défaut, et le logiciel offre un certain nombre d’utilitaires comme une plateforme de macro simulations (pour des études de sensibilité et des tirages de MonteCarlo) et de nombreuses fonctions mathématiques intégrées ( notamment les tirages aléatoires suivant de multiples lois). Toutefois, il n’est pas possible de faire des boucles imbriquées et d’appeler des sous-modèles en cours de calcul, ni d’augmenter le nombre de strates ou d’espèces au cours d’une simulation. Aussi la solution à adopter dépend-elle de l’objectif 87 fixé : VENSIM est un bon compromis pour un modèle didactique permettant l’échange entre chercheurs non modélisateurs. Pour un modélisateur également, l’interface de VENSIM permet de visualiser rapidement le fonctionnement d’un modèle et d’en saisir d’un coup d’oeil l’architecture globale. Mais pour développer des modèles plus complexes, comme le modèle socio-économique du fonctionnement du système de culture à jachères longues à l’échelle de la vallée, un langage de programmation sera nettement plus efficace. En effet, sous VENSIM, pour modéliser l’alternance culture/jachère, nous avons été amenés à additionner des zéros pour le modèle de jachère pendant la période de culture, et vice versa. Au cours du développement du modèle, on a parfois l’impression de refaire sans arrêt les mêmes simulations : à chaque fois que l’on modifie une équation ou qu’on affine l’estimation d’un paramètre, on doit recommencer l’étude du comportement du modèle. Il faudrait tout simplement pouvoir tout faire à la fin ! Mais on a besoin de résultats au cours du développement et c’est à partir de ces résultats et de leur discussion qu’on améliore la version courante du modèle. Gestion de projet Notre travail s’est intégré dans le cadre du projet TROPANDES mais il a commencé au milieu du projet, alors que les principales orientations avaient été prises, avec leurs conséquences sur le travail de terrain. Nous avons donc dû pour l’essentiel nous contenter des mesures effectuées, sans pouvoir réellement interagir avec les expérimentateurs pour compléter ces mesures dans un sens utile à notre modélisation. Ainsi le modèle FAPROM nous a révélé l’importance des paramètres de mortalité et de reproduction (production et dissémination des graines) mais nous avons dû déterminer ces paramètres par calibration du modèle, faute d’en avoir des mesures sur le terrain. Pour valider notre modèle, il nous aurait fallu un suivi aussi complet que possible de la biomasse par espèce tout au long de la succession. Certaines de ces données existent mais n’ont pas encore été dépouillées. Elles nous sont restées inaccessibles, faute d’avoir réussi, en dépit de nos efforts répétés, à convaincre les expérimentateurs de l’intérêt de collecter ces mesures ou de les exploiter en commun pour en tirer le meilleur parti. Il faut reconnaître que le travail de terrain est lourd et contraignant. Ainsi, un suivi de biomasse sur 6 parcelles pendant 2 années au Venezuela nécessite trois années complètes de travail pour une personne (cf. annexe 2). On peut comprendre que les expérimentateurs aient quelque réticence à ajouter des mesures à leur protocole et à laisser d’autres personnes 88 exploiter leurs données. Mais le projet dans son ensemble aurait gagné à ce que les discussions entre modélisateurs et expérimentateurs aient lieu assez tôt dans le projet (ce fut partiellement le cas), et surtout aient continué de façon régulière au fur et à mesure que les données arrivaient et que les modèles progressaient. Peut-être ce dialogue permanent n’est-t-il possible que lorsque le modélisateur est intégré dans une équipe d’expérimentateurs ; nos courrier électroniques, complétés par plusieurs visites, ont permis d’avancer dans l’échange mais de nombreuses données restent à exploiter. C’est en couplant les modèles de jachère, de culture et de matière organique du sol que nous avons réalisé l’importance du bilan d’azote, pour les modèles comme pour les mesures. La première version du modèle de matière organique du sol donnait des flux d’azote minéral beaucoup trop élevés qui modifiaient de façon irréaliste la dynamique de succession pendant la jachère et qui n’étaient pas limitants pour la culture. Nous nous sommes alors tournés vers les mesures pour valider ce bilan d’azote, ce qui a été possible au Venezuela mais pas en Bolivie où il manquait les pertes d’azote par lessivage. Couplage des modèles Beaucoup d’énergie a été dépensée dans le couplage des modèles. Un premier couplage opérationnel a été réalisé relativement rapidement mais la mise à jour séparée des modèles a nécessité de refaire le couplage à plusieurs reprises. Le couplage a révélé des différences d’approche de modélisation et des points d’intérêt non systématiquement convergents. Par exemple, le modèle agronomique est basé sur le calcul des efficiences d’utilisation de la lumière, de l’eau et de l’azote et calcule tout en kg ha-1 de matière sèche puis définit les contenus de carbone et d’azote ; alors que le modèle écologique décrit les cycles du carbone et de l’azote et calcule tous les stocks en g m-2 et les flux en g m-2 d-1. Il a donc fallu ajouter une vue de synthèse qui permettent d’échanger les variables entre les différents sous-modèles, vérifier l’homogénéité des unités et compléter le bilan d’azote minéral à l’échelle de la parcelle. A ce jour, le modèle couplé n’est toujours pas opérationnel : il nécessite encore la validation complète de chacun des éléments et la validation globale du modèle de fonctionnement de la parcelle sur un cycle culture / jachère. 89 3.3 - REFLEXIONS PERSONNELLES ET PERSPECTIVES 3.3.1 - De la multiplicité des métiers du chercheur Je quitte quelques instants le nous conventionnel pour analyser la façon dont j’ai vécu ce travail de thèse et la double dimension ingénierie / recherche du projet. Ce travail de thèse aurait requis les compétences d’un chercheur, d’un ingénieur, d’un programmeur, d’un consultant, d’un enseignant, d’un rédacteur, d’un graphiste et d’un voyageur. La variété des activités du recherche fait sans doute la richesse de ce métier mais l’aide de « professionnels » aurait souvent amélioré l’efficacité du travail. Une des compétences acquise au cours de la thèse est de savoir repérer des amateurs plus éclairés dans les domaines abordés et de tisser parmi eux son réseau de conseillers : un mathématicien, un statisticien, un programmeur, un informaticien, un physiologiste, un lecteur critique, un béotien, un assistant conception graphique et un traducteur spécialisé. Le travail mené relève à la fois de l’ingénierie et de la recherche : le développement du modèle nécessite de mettre les mains dans le cambouis, de se fixer des objectifs et d’être pragmatique (tout paramètre se doit d’être identifié) ; la recherche scientifique avance en posant sans cesse de nouvelles questions, dans un état de remise en cause permanent. Je regrette de n’avoir pas su me détacher davantage de l’aspect technique du travail et de n’avoir pas toujours su prendre du recul par rapport au développement du modèle, pour le considérer réellement comme un outil et l’utiliser pour analyser les questions scientifiques. Il faut savoir abandonner par moment le développement de l’outil pour pouvoir s’en servir sereinement. Et il faut s’en servir pour pouvoir améliorer son développement. Quand le concepteur et l’utilisateur sont bel et bien la même personne, il est difficile de mettre des frontières entre ces deux activités. 3.3.2 - Avenir du modèle FAPROM Nous terminons notre synthèse en évoquant l’avenir du modèle FAPROM : poursuite de la validation sur les données vénézuéliennes, application à de nouveaux sites, les friches méditerranéennes par exemple, et utilisation du modèle pour tester les relations entre diversité des communautés et fonctionnement des écosystèmes. 90 Validation complète sur les données vénézuéliennes Le modèle FAPROM devrait être utilisé par le partenaire vénézuélien qui pourra le valider avec les séries de données diachroniques de biovolume. Dans ce but, nous animons en juillet 2004 à l’Universidad de los Andes (Mérida, Venezuela) un atelier de modélisation qui a pour double objectif de familiariser les participants à la modélisation des systèmes dynamiques en écologie et de transmettre la dernière version du modèle FAPROM. Nous espérons que le partenaire vénézuélien utilisera le modèle FAPROM, qu’il en poursuivra le développement et que notre collaboration se poursuivra longtemps. Adaptation aux écosystèmes méditerranéens Eric Garnier (directeur de recherche CNRS au CEFE à Montpellier) a proposé en 2004 un sujet de thèse qui vise à étudier les conséquences écologiques de la déprise agricole en région méditerranéenne, dans le cas de l’abandon progressif de la vigne au cours du 20ème siècle. Cet abandon a créé une mosaïque d’habitats, correspondant à des parcelles abandonnées à des moments divers représentant des états successionnels différents. L’objectif est d’élaborer un outil de prédiction des patrons de succession végétale et des conséquences sur le fonctionnement des écosystèmes en adaptant le modèle FAPROM au milieu méditerranéen. Le modèle devrait être paramétré pour une vingtaine d’espèces végétales, grâce aux données recueillies par l’équipe ECOPAR du CEFE dans un système de douze friches proches de Montpellier et à des expérimentations complémentaires, notamment sur la niche de régénération. Utilisation du modèle dans l’étude des liens entre diversité et fonctionnement Au cours de la dernière décennie, de nombreuses expérimentations ont eu pour objectif de tester les relations entre diversité des communautés et fonctionnement des écosystèmes. De nombreuses expériences ont utilisé des communautés assemblées au hasard pour montrer que la richesse spécifique et la richesse en groupes fonctionnels des plantes ont un effet positif sur la production primaire et la rétention des nutriments. Les expériences du projet BIODEPTH (Hector et al. 1999) ont démontré des effets positifs de la diversité végétale sur la production de biomasse aérienne sur un ensemble de 8 sites en Europe. Mais l’interprétation de ces expériences a fait l’objet d’une controverse (Huston et al. 2000, Hector et al. 2000) du fait que leurs résultats peuvent être générés par différents mécanismes. Ce type d’expériences présente un jeu de données rêvé pour la validation du modèle FAPROM : les suivis de biomasses de monocultures et de mélanges en conditions semi- 91 contrôlées. L’utilisation du modèle en contrepartie peut permettre de faire l’étude exhaustive de toutes les combinaisons d’assemblages d’espèces pour contrôler l’effet d’échantillonnage. Le modèle permet en outre d’estimer la production primaire nette et non pas seulement la biomasse aérienne. Le modèle peut être intéressant pour généraliser les résultats de ces expériences. Des contacts préliminaires ont été pris avec Nina Buchmann (expérimentations à l’Institut Max Planck, Jena, Allemagne). 92 Conclusion 93 Nous souhaitons conclure en mettant en exergue les fruits de notre travail, les résultats de notre recherche et les idées que nous souhaitons faire passer. Ces éléments de conclusion rassemblent deux types de résultats : des résultats d’ordre méthodologique ou technique (1-4) et des résultats centrés sur notre problématique, la gestion durable du système de culture à jachère des hautes Andes tropicales (5-8). (1) Nous avons développé un modèle biogéochimique de succession végétale qui lie écophysiologie et écologie des communautés. Son originalité est d’assurer le couplage entre processus instantanés et dynamique de la végétation et d’intégrer tous les compartiments mesurés en identifiant des liens mécanistes entre eux. Il permet à la fois d’établir la réponse des végétaux au cours de la succession et d’étudier l’effet des végétaux sur le fonctionnement des écosystèmes. Disponible sur demande25, la dernière version est épurée et documentée. (2) Nous avons mis en évidence l’existence de flux cachés de l’écosystème et montré que la biomasse aérienne n’est pas une estimation fiable de la productivité primaire nette de l’écosystème, en particulier, dans les écosystèmes herbacés tropicaux au turn-over rapide. (3) Le modèle montre l’importance de prendre en compte le turn-over de la matière organique dans la modélisation des dynamiques écologiques : • A l’échelle d’une espèce, le turn-over est responsable des décalages temporels et se traduit dans l’asymétrie des courbes de croissance. • A l’échelle de la communauté, le turn-over des espèces joue un rôle prépondérant dans les processus de compétition, en particulier dans les milieux pauvres en nutriments. • A l’échelle de la parcelle, le turn-over est impliqué dans la dynamique de la fertilité du sol. (4) Nous avons montré l’intérêt des modèles de simulations en complément des modèles d’analyse mathématique (caractérisant les équilibres) pour comprendre la dynamique des systèmes complexes. La prise en compte des effets indirects conduit parfois à des résultats contre intuitifs (comme la baisse de production lorsque les ressources augmentent, cf. p.63). La modélisation multi-agent des systèmes complexes offre des perspectives intéressantes dans l’étude des dynamiques écologiques. 25 [email protected] 94 (5) La durée optimale de la jachère fait l’objet de compromis entre les différentes fonctions de la jachère : constitution d’un stock de matière organique, fixation symbiotique d’azote, qualité de la litière incorporée dans le sol, lutte contre les adventices. Elle n’est pas nécessairement très longue pour son rôle agro-écologique26 mais d’autres usages (comme la production de bois de feu en Bolivie) peuvent requérir plus de temps. (6) La jachère améliorée par semis de légumineuses offre de fortes potentialités (mais il faudrait inclure le cycle du phosphore dans le modèle pour pouvoir prédire l’efficacité réelle de la fixation). (7) Le modèle FAPROM est fortement sensible aux conditions initiales ce qui doit encourager l’étude des cycles reproductifs des espèces considérées (banque de graines, dormance et pluies de graines). (8) Le développement du modèle et l’analyse des résultats incitent à compléter les études entreprises sur les sites d’applications, en particulier, en ce qui concerne les graines, la mortalité, l’estimation du SRL (longueur de racine par unité de masse), la fixation symbiotique et le cycle du phosphore, la structure du couvert, le bilan hydrique et le bilan d’azote pendant la jachère, et le bilan de carbone à l’échelle de l’écosystème. 26 Les simulations montrent une stabilisation de la biomasse totale après 5 ans de jachère. Le modèle requiert encore néanmoins une validation plus approfondie pour améliorer la confiance dans les prédictions, notamment sur la vitesse d’établissement de la végétation. 95 Références bibliographiques 96 Abadin J, Gonzalez-Prieto SJ, Sarmiento L, Villar MC, Carballas T. 2002. Successional dynamics in a long fallow agricultural system of the high tropical Andes. Soil Biology & Biochemistry 34: 1739-1748. Aerts R. 1999. 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Forest Science 39: 594-616. 105 Table des illustrations 106 TABLEAUX T 1 : Partenaires du projet TROPANDES. 5 T 2 : Activités du projet TROPANDES. 5 T 3 : Caractéristiques des sites étudiés. 8 T 4 : Paramètres utilisés dans le modèle FAPROM, données vénézuéliennes. 22 T 5 : Equations du modèle FAPROM. 24 T 6 : Variables d’intérêt et sorties « réfutables » du modèle FAPROM. 33 T 7 : Variables échangées entre les modèles. 35 T 8 : Paramètres utilisées dans le modèle FAPROM, données boliviennes. 39 T 9 : Caractéristiques de croissance et statut de succession des espèces étudiées. 40 T10 : Dégradation du modèle FAPROM (équations, paramètres). 45 T11 : Décomposition et/ou disparition de litière. 50 T12 : Estimation de la production primaire nette aérienne. 51 T13 : Bilan de carbone de la parcelle. 53 T14 : Conditions initiales optimisées pour deux parcelles boliviennes. 68 T15 : Bilan d’azote sous différents scénarios de jachère. 72 FIGURES F 1 : Situation géographique et diagrammes climatiques des sites d’étude. 6 F 2 : Courbes de dilution en azote (Greenwood et al. 1990 ; Sarmiento 1995). 10 F 3 : Classification des modèles écologiques. 18 F 4 : Modélisation des cycles du carbone et de l’azote. 20 F 5 : Modélisation de l’allocation (Hypericum laricifolium). 28 F 6 : Processus de modélisation. 32 F 7 : Intégration des modèles du projet TROPANDES. 34 F 8 : Chronogramme des activités agricoles. 35 F 9 : Patron de croissance des 12 espèces paramétrées. 38 F10 : Elasticité des paramètres de sortie r et K à différents traits des espèces. 41 F11 : Dégradation du modèle FAPROM (mécanismes de la croissance). 43 107 F12 : Phytomasse de racines et production souterraine (Sarmiento et al. 2004). 48 F13 : Suivis de biomasse aérienne (Sarmiento et al. 2004). 49 F14 : Production primaire nette journalière et flux simulés. 52 F15 : Dynamique de la communauté végétale. 56 F16 : Fonctionnement de l’écosystème. 57 F17 : Sensibilité du modèle aux conditions initiales. 60 F18 : Sensibilité du modèle aux paramètres Hmax et SRL. 62 F19 : Sensibilité du modèle au niveau de ressources (eau et azote). 63 F20 : Réponse de la communauté végétale au niveau de ressources (eau et azote). 64 F21 : Elasticité de la biomasse aux paramètres Hmax et SRL. 65 F22 : Biovolume par groupe fonctionnel sur deux parcelles boliviennes. 67 F23 : Biovolume simulé versus mesuré sur deux parcelles boliviennes. 68 F24 : Dynamique du contenu en azote au cours de la jachère. 71 F25 : Effet du pâturage sur la productivité de l’écosystème. 76 F26 : Effet de la perte de diversité sur le fonctionnement de la communauté. 78 108 Table des matières 109 I II III Financement du travail Dédicace Remerciements 1 Sommaire 2 Introduction 3 3 4 7 7 9 11 11 12 Des systèmes de culture à jachère Des successions post-culturales Du projet TROPANDES Des sites d’étude Des rotations culturales andines Des sols et de la fertilité De la production végétale au cours de la succession post-culturale Du modèle FAPROM et des questions étudiées De l’articulation du travail et du plan de la synthèse 14 1 - Développement d’un modèle mécaniste de succession végétale (FAPROM) 15 15 16 16 1.1 - POURQUOI MODELISER ? 1.1.1 - Qu’est-ce qu’un modèle ? 1.1.2 - Le modèle répond à des objectifs scientifiques généraux. 1.1.3 - Le modèle apporte son concours aux études de terrain. 18 18 19 12 - À PARTIR DE QUOI MODELISER ? 1.2.1 - Quel type de modèle est-il adapté à nos objectifs ? 1.2.2 - Le modèle est construit sur des hypothèses simplificatrices. 21 21 21 26 26 27 28 29 29 30 30 30 31 33 34 13 - COMMENT MODELISER ? 1.3.1 - Le modèle conceptuel repose sur les mécanismes écophysiologiques. Architecture du couvert Compétition pour la lumière et photosynthèse potentielle Respiration des plantes Absorption d’azote et assimilation réalisée Allocation des assimilats Sénescence des organes Matière organique du sol Cycle reproductif Pâturage et cueillette 1.3.2 - Le modèle est paramétré à partir d’observations et de mesures de terrain. 1.3.3 - Le modèle informatique a été développé en FORTRAN puis VENSIM. 1.3.4 - Le modèle est utilisé pour estimer la dynamique de l’écosystème. 1.3.5 - Le modèle est couplé à des modèles de sol et de culture. 110 36 2 - Applications du modèle, de la plante à l’écosystème 37 37 40 41 43 47 53 2.1 - CROISSANCE D’UN COUVERT VEGETAL MONOSPECIFIQUE 2.1.1 - Patron de croissance végétale, statut de succession et traits des espèces Patron de croissance et statut de succession Patron de croissance et traits des espèces (étude de sensibilité I) Patron de croissance et mécanismes 2.1.2 - Application à l’estimation de la production primaire nette Que nous apprend le suivi de biomasse des parcelles vénézuéliennes ? 55 55 58 60 60 63 65 65 66 66 67 67 69 70 2.2 - DYNAMIQUE DE LA COMMUNAUTE VEGETALE 2.2.1 - Fonctionnement du modèle avec six espèces en interaction 2.2.2 - Le modèle surestime les vitesses de croissance et de disparition des espèces. 2.2.3 - Etudes de sensibilité II Sensibilité aux conditions initiales Réponse de l’écosystème au niveau de ressources (azote et eau) 2.2.4 - Compétition et coexistence Sensibilité aux paramètres Hmax et SRL (étude de sensibilité III) Rôle de la compétition dans le patron de succession Conditions de coexistence Modèle mécaniste simplifié 2.2.5 - Tentative de validation du modèle sur les parcelles boliviennes 2.2.6 - Combien d’espèces et quelles espèces faut-il prendre en compte ? Comment gérer la sensibilité aux conditions initiales ? 71 71 73 74 75 76 77 2.3 - ROLE DE LA JACHERE DANS L’AGRO-ECOSYSTEME 2.3.1 - Cycle de l’azote au cours de la jachère, potentialité de la jachère améliorée Quelles sont les fonctions agro-écologiques de la jachère ? Proposition de gestion durable de l’agro-écosystème A quelle distance sommes-nous d’un modèle d’aide à la décision ? 2.3.2 - Impact du pâturage 2.3.3 - Diversité des communautés et fonctionnement de l’écosystème 80 3 - Bilan critique et perspectives 81 81 81 81 83 83 85 3.1 - HYPOTHESES DU MODELE 3.1.1 - Intérêt du modèle, synthèse des résultats obtenus But du modèle Thèses développées 3.1.2 - Critique des hypothèses et perspectives de prolongement Limites du modèle Quel modèle choisir ? 86 86 86 86 87 3.2 - PROJET DE THESE 3.2.1 - Dynamique du projet TROPANDES, travail en équipe 3.2.2 - Evaluation critique du travail Dans quelle mesure les objectifs ont-ils été atteints ? Analyse des difficultés rencontrées 111 90 90 90 91 91 91 3.3 - REFLEXIONS PERSONNELLES ET PERSPECTIVES 3.3.1 - De la multiplicité des métiers du chercheur 3.3.2 - Avenir du modèle FAPROM Validation complète sur les données vénézuéliennes Adaptation aux écosystèmes méditerranéens Utilisation du modèle dans les études ‘diversité et fonctionnement’ 93 Conclusion 96 Références 106 Table des illustrations 109 Table des matières A1 Annexes A2 1 A process-based model of old-field succession linking ecosystem and community ecology. Martineau Y, Saugier B. Article soumis. A40 2 Evidence of hidden fluxes in the estimation of Net Primary Production in herbaceous ecosystems. Sarmiento L, Martineau Y, Acevedo D, Coûteaux MM, Saugier B, Escalona A. Article en préparation. A75 3 Uses and abuses of logistic growth: considering turnover to avoid biological nonsense in ecological modelling. Martineau Y, Deredec A, Genton B, Saugier B. Projet d’article. A96 4 Modèle mécaniste simplifié de succession secondaire. Piste d’étude. 3° 4° 4° carte Resumen en español Résumé en français Abstract in English Equations et paramètres du modèle 112 Resumen El sistema agrícola tradicional de los altos Andes tropicales alterna cortos períodos de cultivo y barbechos largos. El crecimiento demográfico induce una intensificación de consecuencias arriesgadas (pérdida de fertilidad y de biodiversidad). El proyecto europeo TROPANDES estudió los procesos agro-ecológicos que controlan la fertilidad del suelo para proponer una alternativa duradera a la intensificación. La vegetación natural que coloniza las parcelas abandonadas se incorpora a la tierra en el momento de romper el barbecho. Desarrollamos un modelo biogeoquímico de sucesión vegetal que permite cuantificar la acumulación de biomasa durante el barbecho. FAPROM (Fallow Production Model) describe una mezcla con varias capas de seis especies en competencia por la luz y el nitrógeno mineral. Simula distintos procesos: fotosíntesis en intervalos de una hora; asignación del carbono, respiración, senecencia, absorción y fijación de nitrógeno en intervalos diarios; y reproducción en intervalos anuales. El modelo se aplicó a dos lugares particulares: el paramo húmedo (Venezuela) y la puna semiárida (Bolivia). Se obtuvieron distintos resultados: (1) Nuestras simulaciones muestran la importancia del turn-over de la materia (respiración, senescencia) para considerar el crecimiento, la dinámica de la vegetación y la producción primaria del ecosistema. (2) La dinámica de la vegetación y el funcionamiento del ecosistema dependen estrechamente de las condiciones iniciales (semillas) y de los recursos (agua, nitrógeno). (3) El modelo permite cuantificar la importancia relativa de los procesos que controlan el balance nitrogenado bajo distintas situaciones (con o sin leguminosas). Palabras clave: Bolivia; Carbono; Dinámica de la vegetación; Fotosíntesis; Funcionamiento del ecosistema; Nitrógeno; Páramo; Producción primaria; Puna; Venezuela. Résumé Le système agricole traditionnel des hautes Andes tropicales alterne courtes périodes de culture et jachères longues. La croissance démographique des populations locales induit une intensification aux conséquences risquées (perte de fertilité et de biodiversité). Le projet européen TROPANDES a étudié les processus agro-écologiques qui contrôlent la fertilité du sol pour proposer une alternative durable à l’intensification. La végétation naturelle qui colonise les parcelles abandonnées est incorporée à la terre au moment de rompre la jachère. Aussi avons-nous développé un modèle biogéochimique de succession végétale qui permet de quantifier l’accumulation de biomasse pendant la jachère. FAPROM (Fallow Production Model) décrit un mélange multicouche de six espèces en compétition pour la lumière et l’azote minéral. Il simule divers processus : photosynthèse au pas de temps horaire ; allocation du carbone, respiration, sénescence, absorption et fixation d'azote au pas de temps journalier ; et reproduction au pas de temps annuel. Le modèle a été appliqué à deux sites particuliers : le paramo humide (Venezuela) et la puna semi-aride (Bolivie). Nos simulations montrent l’importance du turn-over de la matière (respiration, sénescence) pour estimer la croissance des plantes, la dynamique de la végétation et la production primaire de l’écosystème. La dynamique de la végétation et le fonctionnement de l’écosystème dépendent étroitement des conditions initiales (graines) et des ressources (eau et azote). Le modèle permet en outre de quantifier l’importance relative des processus qui contrôlent le bilan azoté sous différents scénarios (avec ou sans légumineuses). Mots clefs : Azote ; Bolivie ; Carbone ; Dynamique de la végétation ; Fonctionnement de l’écosystème ; Paramo ; Photosynthèse ; Production primaire ; Puna ; Venezuela. Abstract The traditional cropping system of the high tropical Andes alternates short cropping periods and long fallows. Demographic growth induced an intensification with hazardous consequences (loss of fertility and biodiversity). The European project TROPANDES studied the agro-ecological processes that control soil fertility to give a basis for a sustainable alternative. The natural vegetation colonizing fallow plots is incorporated to the ground at crop start. Therefore we built a biogeochemical model of plant succession to account for the accumulation of biomass during fallow. FAPROM (Fallow Production Model) describes a multi-layer mixture of six species in competition for light and mineral nitrogen. It simulates various processes: photosynthesis at a hourly time step; assimilates allocation, respiration, tissue mortality, nitrogen absorption and nitrogen fixation at a daily time-step; and reproduction at a yearly time step. The model was applied to two particular sites: the wet paramo (Venezuela) and the semi-arid puna (Bolivia). Simulations show the importance of matter turnover (respiration, senescence) to estimate plant growth, vegetation dynamics and ecosystem primary production. Vegetation dynamics and ecosystem functioning depend on initial conditions (seed bank) and on resources (water and nitrogen). The model helps quantifying the relative importance of the processes that control the nitrogen balance under several scenarios (with or without legumes). Keywords: Bolivia; Carbon; Ecosystem functioning; Nitrogen; Paramo; Photosynthesis; Primary production; Puna; Vegetation dynamics ; Venezuela.