revue de presse - Théâtre de l`aquarium

Transcription

revue de presse - Théâtre de l`aquarium
REVUE DE PRESSE //////////////////
ANNIVERSAIRE DE L’AQUARIUM
2 > 8 novembre 2015 /////////
Tél. 0 1 4 3 7 4 9 9 6 1
t h e a t re d e l a q u a r i u m . co m
PEGGY
VOIT LA FACE2015
DE DIEU
2 >PICKIT
8 novembre
///////////////
DANS LES VEINES RALENTIES
de Roland Schimmelpfennig
Anniversaire de l’Aquarium !
d’après Cris et chuchotements
d’Ingmar Bergman
d’Elsa Granat
diptyque > deux spectacles à voir ensemble outexte
séparément
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spectacle,
concerts,
rencontres,
débats,
lectures, bal...
mise
en scène
Aurélie
Van Den
Daele
> du lundi 2 au samedi 7 novembre à 20h30, dimanche 8 à 17h (relâche le 5 novembre)
Spectacle : L’Aquarium, d’hier à demain...
mise en scène François Rancillac, assisté de Juliette Giudicelli
avec la promotion sortante des comédiens de l’ESAD
> 2 novembre à l’issue de la représentation
Rencontre avec les fondateurs du Théâtre de l’Aquarium
Jean-Louis Benoit, Didier Bezace et Jacques Nichet témoignent
> 3 novembre à 19h
Lecture : Paroles d’Aquarium
mise en espace François Rancillac
montage d’extraits de pièces, écrites par et pour l’Aquarium, par Juliette Giudicelli
avec des comédiens amateurs
> 4 novembre à l’issue de la représentation
Débat : « Le théâtre documentaire » avec la Revue Éclair, Frédéric Ferrer et Cécile Saint-Paul
> 5 novembre à 20h30
Concert-lecture : « Exils » avec le quatuor à cordes Leonis
> 6 novembre à 19h
Concert : « Musique et politique » avec l’Ensemble Aleph
> 7 novembre à 17h
Débat : « La création collective : une utopie concrète ? » animé par Jean-Pierre Thibaudat
> à 18h
Conférence : « La Cartoucherie : une remise à jour du théâtre de service public » par Joël Cramesnil
> 8 novembre à 16h
Débat : « Le théâtre, pour quoi faire ? » animé par Olivier Neveux, avec Jean-Louis Benoit et d’autres
invités
> à l’issue de la représentation
Bal seventies !
Presse > Catherine Guizard 01 48 40 97 88 & 06 60 43 21 13 / [email protected]
Paris Ile-de-France
L’Aquarium : 50 ans et des craintes pour l’avenir
C’est un des théâtres de la Cartoucherie de Vincennes. Le Théâtre de l’Aquarium fête ses 50 ans avec
un spectacle retraçant son histoire mais s’interroge sur son avenir dans un contexte de restriction
budgétaire.
Un directeur a qui l’on a demandé de partir d’ici juin 2016, un budget revu à la baisse mais surtout un
nouveau projet très flou pour le lieu : à la Cartoucherie de Vincennes, le Théâtre de l’Aquarium fait la
grimace en soufflant ses 50 bougies.
L’Aquarium c’est au départ une troupe universitaire créée au milieu des années 1960. La troupe se
professionnalise et trouve, en 1972, un point d’ancrage à la Cartoucherie, au milieu du Bois de Vincennes,
aux côtés des théâtres du Soleil, de la Tempête et de l’Epée de Bois. Jacques Nichet, Jean-Louis Benoit
et Didier Bezace écriront quelques pages de l’histoire de l’Aquarium des années 80 au début des années
2000, cédant ensuite la direction à Julie Brochen puis François Rancillac, aux commandes aujourd’hui.
En juin 2015, le Ministère de la Culture annonce que le directeur devra quitter son poste à la fin de
la saison. Cela arrive parfois dans le monde du théâtre ... mais ce qui inquiète plus, c’est ce que le
Ministère envisage pour l’avenir de l’Aquarium : outre des subventions revues à la baisse, un projet un
peu flou qui ferait du lieu un espace de répétition et non plus de représentations. Dès lors la résistance
s’organise et une pétition en ligne est lancée. Elle a déjà recueilli près de 9000 signatures.
La mobilisation semble faire mouche : fin octobre, les représentants du théâtre ont été reçus au
Ministère. « Le Cabinet de Madame la Ministre de la culture nous a reçus vendredi dernier (le
30 octobre, ndlr) pour nous affirmer vouloir ouvrir (enfin !) une « vraie » discussion sur l’avenir de
l’Aquarium et prendre le temps de « vraiment » étudier le projet de François Rancillac. Le directeur
adjoint du Cabinet, nous transmettra l’évaluation des trois dernières saisons déjà faite en interne
(mais dont nous n’avions jamais eu connaissance...) et recevra courant novembre le Conseil
d’administration du Théâtre de l’Aquarium pour que les deux projets en lice soient exposés et discutés
avec le plus grand sérieux et en toute transparence. » explique-t-on sur le site de la pétition. De quoi
remettre un peu de baume au coeur à la veille des célébrations du 50e anniversaire de l’Aquarium.
Du 2 au 8 novembre, le théâtre proposera un spectacle, écrit et mis en scène par François Rancillac,
retraçant l’histoire de l’Aquarium. Intitulée « l’Aquarium d’hier à aujourd’hui », la pièce sera
interprétée par la promotion sortante de l’Ecole supérieure d’art dramatique de Paris. De nombreux
événements sont prévus autour de ses représentations : lectures, rencontres et concerts.
Audrey Natalizi
le 1 novembre 2015
er
Au théâtre de l’Aquarium, 50 ans de réflexion
Ce théâtre, composante de la Cartoucherie à Vincennes fête en spectacle un
demi-siècle de création dans un climat d’inquiétude quant à son avenir.
Dès son arrivée à la direction de l’Aquarium en 2009, François Rancillac a voulu fouiller les cartons et
les mémoires pour raconter son histoire. II lui donne la forme d’un spectacle à I’occasion du cinquantième
anniversaire du théâtre, du 2 au 8 novembre, à la Cartoucherie de Vincennes. Chaque représentation
gratuite se prolongera d’une rencontre, d’un concert ou d’une table ronde.
C’est qu’il y a beaucoup à raconter. Le théâtre de I’Aquarium fut d’abord une troupe universitaire réunie
autour de son jeune meneur Jacques Nichet. Elle est vite remarquée pour ses Guerres picrocholines,
inspirées du Gargantua de Rabelais, qui la mènent dès 1967 au théâtre du Vieux-Colombier à Paris et
en 1969 en Amérique latine. La presse trouve un écho à la révolte étudiante de Mai 68 dans la pièce
L’Héritier jouée au même moment.
Au début des années 1970, la troupe se professionnalise. Les comédiens Jean-Louis Benoit et Didier
Bezace viennent grossir ses rangs. Tous à I’intérieur aspirent à créer un théâtre d’aujourd’hui nourri
d’enquêtes de terrain. Ils vont à la rencontre des expropriés du centre de Paris pour créer Marchands
de ville en 1972. Après la spéculation immobilière, ils s’attaquent par le rire aux compromissions de la
presse (Cab ou le journal d un homme normal, 1973) ou au système educatif (Un conseil de classe très
ordinaire, 1981).
Longtemps sans subventions ou presque, le théâtre est condamné au succès.
En 1972, la troupe s’installe à la Cartoucherie sur les encouragements d’Ariane Mnouchkine et de JeanMarie Serreau déjà sur place. C’est là que la troupe de I’Aquarium va construire (de ses mains) son
théâtre. Dans ce lieu d ‘expérimentation tant en matiàre de création que de gestion, Jean-Louis Benoit
évoque un âge d’or. La rémunération est la même pour tous, les assemblées générales prennent parfois
plus de temps que les répétitions. Longtemps sans subventions ou presque, le théâtre est condamné
au succès. II en connaîtra de nombreux « dans les contradictions et les joies d’un collectif », témoigne
Didier Bezace.
Dans les années 1980, les utopies s’altèrent, le collectif aussi. Un triumvirat, puis un binôme, JeanLouis Benoit et Didier Bezace, gère le théâtre. Enfin, en 2001, la direction est transmise à Julie Brochen,
à laquelle succédera François Rancillac.
Pour le théâtre, ce spectacle doit permettre de faire le point « pour mieux se souvenir de I’avenir » à
I’heure où celui-ci est des plus incertains. François Rancillac qui postulait à un troisième et dernier
mandat devrait partir le 30 juin prochain. Que deviendra le lieu ? Le ministère se refuse pour I’heure à
toute communication alors qu’une pétition a déjà reuni 8 700 signatures et que la profession se mobilise.
Marie Soyeux
le 30 octobre 2015
L’Aquarium, l’un des théâtres qui compose la Cartoucherie (XIIe),
célèbre ce lundi son demi-siècle.
Une semaine de spectacles gratuits va retracer
l’histoire de ce lieu incontournable de la création théâtrale à Paris.
Mais c’est un anniversaire en double teinte puisque l’actuel directeur, François Rancillac
serait obligé d’abandonner son poste à la fin de la saison.
« On m’a dit que c’était pour régler le problème économique de la maison », expliquet-il avec amertume. Le ministère de la Culture, auquel il a présenté son projet en fin
de semaine dernière, et qui se garde de toute polémique, remettrait en cause le
fonctionnement économique de l’Aquarium et travaillerait donc à trouver un remplaçant
et un nouveau projet.
C’est sur ce dernier point que ça coince pour l’équipe de la Cartoucherie. Le ministère
voudrait installer un mode de fonctionnement sous forme de résidence. Un artiste, ou
une compagnie, serait donc maître des lieux. Un fonctionnement « suicidaire » pour
l’Aquarium selon François Rancillac.
« L’Aquarium, c’est un vrai théâtre, varié et en lien avec le public et on veut qu’il continue
à l’être », précise Jean-Louis Benoit, un des fondateurs. Un théâtre multiculturel en
effet puisque actuellement deux compagnies et deux groupes de musiques jouent à la
Cartoucherie.
Si ce projet de résidence voit le jour, cette diversité pourrait être moins présente. « C’est
que de l’affichage, une belle opération de communication » s’insurge François Rancillac.
Pour l’artiste, cette programmation signerait la fin de l’esprit de l’Aquarium.
Depuis quelques mois, une pétition circule pour tenter de contrer cette décision (déjà 8
000 signatures) et l’équipe de l’Aquarium n’entend pas baisser les bras. Les 50 ans sont
donc une belle manière de faire valoir l’esprit de l’Aquarium.
Derwell Queffelec
er
le 1 novembre 2015
L’ Aquarium, d’hier à demain
François Rancillac célèbre les 50 ans 60 et 70 (qui donne à réfléchir sur l’actuelle collectif et les désirs des différents artistes
création théâtrale universitaire…). Jacques (et quels artistes !). Jusqu’à , en toute lucidité,
du théâtre qu’il dirige
Conjuguer les turbulences de la création
et l’exigence d’un théâtre Service Public a
toujours été pour François Rancillac une
ardente obligation, qu’il dirige le Théâtre du
Peuple à Bussang (1991-1994), la Comédie
de Saint-Étienne (2002-2009) et aujourd’hui
le Théâtre de l’Aquarium qu’il anime depuis
2009.
Incertain sur son avenir à la tête de ce théâtre,
le Ministère de la culture n’ayant encore pas
statué, semble-t-il, sur la reconduction d’un
troisième mandat, François Rancillac a décidé
de célébrer et fêter le cinquantenaire du
Théâtre de l’Aquarium.
Il nous dit comment et pourquoi.
J’ai toujours été très sensible à l’histoire
des lieux dont on me confiait la direction.
Comprendre l’histoire de ces théâtres, les
enjeux qui ont présidé à leur naissance, à leur
évolution, est pour moi essentiel afin d’en mieux
imaginer le présent et les promesses d’avenir.
Afin aussi de partager ces réflexions avec mes
équipes qui font vivre ces théâtres au quotidien,
et bien évidemment avec les publics qui en
dernier ressort fondent notre légitimité. Etant
un homme de plateau, c’est par la scène que je
pense pouvoir le mieux transmettre ce regard
sur le passé en partant chaque fois de mon
point de vue de metteur en scène-directeur,
reprenant le flambeau de ces maisons à un
moment précis de leur histoire, de leurs forces
et de leur fragilité. Avec la conscience aiguë et
sereine d’être un héritier (je n’ai pas fondé ces
maisons !) et un transmetteur (il s’agira chaque
fois de passer le flambeau à un(e) autre artiste
qui continuera, à sa manière propre mais
(j’espère !) dans une continuité organique, à
faire grandir ce lieu et à promouvoir les valeurs
essentielles de “ théâtre de Service Public ”
au plus grand nombre de spectateurs les plus
divers, à l’image de notre société.
Transmettre, c’est d’abord transmettre aux
jeunes générations. C’est pourquoi je tiens à ce
que ces spectacles
“ historiques ”, didactiques (au meilleur sens
du terme) soient l’occasion d’une transmission
à de jeunes comédiens en formation qui, en
général, ignorent tout ou presque tout de
l’histoire du théâtre qui les a précédés. Pour
raconter l’aventure du Théâtre de l’Aquarium,
j’ai donc sollicité toute une promotion de
l’ESAD, école supérieure parisienne (qui vit
au cœur des Halles). Son directeur, Serge
Tranvouez, a tout de suite répondu à l’appel,
en me confiant ses 14 jeunes comédiens
actuellement en troisième année.
Dans ce spectacle, faites-vous référence
aux origines universitaires de la troupe et
évoquez-vous ses premiers spectacles, ceux
d’avant la Cartoucherie ?
Bien sûr ! Il était indispensable, à travers
l’histoire de l’Aquarium, de rendre hommage à
la vitalité du théâtre universitaire des années
Nichet et ses comparses d’alors (dont surtout
Bernard Faivre) n’auraient sans doute jamais
orienté leur compagnie sur les chemins d’un
théâtre engagé dans les questions sociales
contemporaines, s’ils n’avaient pas baigné dès
le début dans le bouillonnement estudiantin de
la fin des années 60, avec l’explosion que l’on
sait durant un certain mois de mai 68…
passer du collectif à la collégialité, à partir des
années 80.
Les premiers succès de l’Aquarium universitaire
(qui a été très vite remarqué pour son
inventivité et sa méthode de travail en collectif)
l’ont aidé à passer le cap du professionnalisme.
Reste que le travail d’enquête, d’allers-retours
incessants entre la réflexion dramaturgique et
les improvisations au plateau, d’où naissait peu
à peu une écriture, un spectacle, réclamaient
un abri qui puisse permettre ce très long
temps de maturation (de 4 à 12 mois de travail
par spectacle !). L’Aquarium a donc cherché
à se poser quelque part, mais en dehors de
l’institution, afin de s’inventer son propre outil,
son propre lieu où accueillir à sa manière les
spectateurs. La main tendue (en octobre 72)
d’Ariane Mnouchkine et Jean-Marie Serreau,
qui avaient déjà investi la Cartoucherie depuis
fin 70, en les invitant à venir occuper la dernière
nef en friche, a été pour eux une bénédiction. Et
un rebond essentiel dans leur aventure.
Au moment où vous célébrez le cinquantenaire
de l’Aquarium, quelle est la situation du
directeur que vous êtes ? Le ministère
persiste-t-il dans sa décision de ne pas
reconduire votre mandat ? Quelles raisons
vous a-t-il données ?
Outre le spectacle que je prépare, cet
anniversaire sera émaillé de nombreuses
autres manifestations, lectures, débats,
rencontres, colloques, et des concerts
proposés par l’Ensemble Aleph et le quatuor
Leonis qui nous feront entendre des musiques
d’aujourd’hui où résonnent les bruits et les
Une autre manière de penser le théâtre fureurs de l’Histoire.
Et on fera aussi la fête, après la dernière
Y évoquez-vous ce que représente son représentation du dimanche 8, avec un bal
implantation dans la Cartoucherie ?
seventies (à 21h).
Au jour d’aujourd’hui, j’attends encore la
décision de la Ministre de la culture qui doit
trancher entre le renouvellement pour trois ans
de mon projet mis en place depuis six ans et le
projet avancé par la DGCA d’un “ phalanstère
à compagnies’”, qui renfermerait le lieu sur le
travail d’un(e) seul(e) artiste. Ce qui signifierait
la fin de l’esprit de partage du formidable outil
de travail qu’est l’Aquarium, avec les artistes
associés, invités , avec les multiples actions
de sensibilisation des publics et de pratique
artistique en direction des adolescents, des
amateurs, des jeunes en formation dans les
Conservatoires d’arrondissements de Paris et
Je me suis surtout attaché dans le spectacle à de banlieue, dans les Ecoles supérieures, etc.
venir sur ces années-là : l’invention d’une autre Ce projet de “ phalanstère’” (pour compagnies
manière de penser le théâtre en cohérence déjà bien cotées et bien dotées) est assurément
avec l’espoir d’une autre société plus juste, une très mauvaise idée pour l’Aquarium et pour
plus démocratique. L’Aquarium est à ce titre l’ensemble de la Cartoucherie, car, refermé
exemplaire de toute une époque : il a tendu sur lui-même, un lieu s’asphyxie. Encore plus
vers une réelle “ création collective ”, avec à Paris.
égalité des salaires, refus de toute hiérarchie,
de toute division du travail, pour rendre compte Pour quelle raison souhaitez-vous effectuer
collectivement de quelques sujets chauds de la un troisième mandat ?
société capitaliste des années 70 : la servitude
volontaire (Les Evasions de Mr. Voisin), la Lorsque je suis arrivé à l’Aquarium, mon
spéculation immobilière (Marchands de ville), objectif était d’en faire une fabrique de théâtre
la presse (Gob, ou le journal d’un homme , un chantier d’expérimentation des formes
normal), la justice à deux vitesses (Tu ne voleras en même temps qu’un lieu de rencontres et
point), les luttes ouvrières (La jeune lune tient d’échanges où se conjuguent en même temps
la vieille lune toute une nuit dans ses bras), la la création et la transmission. J’ai dans cet
condition féminine (La sœur de Shakespeare), esprit crée le Festival des Ecoles de théâtre
le troisième âge (Pépé), le système éducatif autour duquel se rassemblent le public et les
(Conseil de classe très ordinaire), etc.
professionnels. Nous avons ainsi amorcé une
dynamique qu’il faut aujourd’hui consolider.
Evidemment, cette utopie en actes d’une On commence depuis trois ans à en voir
communauté égalitaire a été très difficile à les retours en spectateurs (le nombre de
inventer, à mettre en place, à tenir dans la spectateurs payants a augmenté de 50%, ces
durée. Mais, à travers les innombrables et trois dernières années !) – avant de transmettre
interminables AG (où tout se discutait et se le flambeau à un(e) artiste directeur/trice qui
décidait), à travers de multiples textes de continuera à sa manière à faire de l’Aquarium
réflexion (publiques, en interne, journaux un lieu bouillonnant, ouvert sur le monde de la
de travail…), on découvre un Aquarium en création et ouvert aux générations futures.
perpétuelle réflexion sur lui-même, en
permanente autocritique pour tenter de
déjouer les effets pervers de l’égalitarisme
Dominique Darzacq
forcené, de dénouer les tensions entre le
le 30 octobre 2015
L'Aquarium a 50 ans et toutes ses dents
Pour célébrer dignement les 50 ans de la création de la troupe de l'Aquarium, François Rancillac actuel directeur du lieu dont les autorités prétendument compétentes ont décidé de ne pas renouveler
le contrat - fait jouer par un groupe d'élèves comédiens (en formation à l'ESAD) nombre d'épisodes qui
retracent le parcours hasardeux de ce collectif. Nourri par les souvenirs de ceux qui furent de l'aventure
(Jacques Nichet, Didier Bezace, Jean-Louis Benoit, Karen Rencurel, Martine Bertrand, Alain Macé,
Philippe Marioge, Thierry Bosc, Bernard Faivre, Louis Merino, Joceline Lion, Henri Gruvman, Geneviève
Yeuillaz ...). Le spectacle subjugue.
Comme l'ont fait de nombreuses créations de ces garçons et filles qui avaient une vingtaine d'années
en 68.
Ces productions réalisées avec des moyens financiers dérisoires étaient au début le fruit d'improvisations.
Et des actes citoyens. "Marchands de villes" vit, par exemple, le jour pour dénoncer les menées des
promoteurs immobiliers qui, soutenus par les banques, rasaient des quartiers de Paris, en chassaient
les habitants et construisaient des immeubles pour une population nantie. Il fallut, pour inventer ce
théâtre sociologique et politique, où l'humour était fréquemment de la partie, déployer des trésors
d'ingéniosité et de patience.
Une grande partie du temps était consacrée aux assemblées générales où les décisions étaient prises
à main levée. Beaucoup se souviennent des tensions guerrières qui traversaient les réunions. Mais
aussi de moments poétiques tel celui où Jean-Louis Barrault entrouvrit la porte du bâtiment de la
Cartoucherie de Vincennes qui allait devenir l'Aquarium, mais où étaient encore entassés les costumes
de sa troupe, et, voyant répéter les jeunes membres de la compagnie, demanda, amusé, "on fait du
théâtre ici?".
Plus tard ce furent des auteurs aussi différents que Flaubert, Bove, Camon, Kafka, Feydeau... qui
furent mis en scène par Jacques Nichet, Didier Bezace et Jean-Louis Benoit. Puis chacun entama une
trajectoire différente.
Maître d'œuvre accompli, François Racillac a su de facétieuse façon rendre compte de cette
fourmillante aventure artistique si représentative de la France des années 70 où l'on conjuguait ses
forces et croyait ne pas s'en laisser conter. Quelle joie enfin de découvrir des comédiens en herbe qui,
avec une énergie sidérante, jouent, changeant continuellement d'identité, ces aînés qui ont inventé
un théâtre en rupture avec les conventions de leur époque.
Joshka Schidlow
le 3 novembre 2015
L’Aquarium d’hier à demain
Ils sont jeunes et dégagent une énergie toute neuve, à l’image des
personnages qu’ils vont interpréter. Sur le plateau nu de la petite
salle, avec quatorze chaises pour tout décor, leurs vêtements
pour tout costume, les comédiens frais émoulus de l‘ESAD (Ecole
supérieure d’art dramatique de Paris) nous content, deux heures et
demi durant, les aventures du Théâtre de l’Aquarium.
En ouverture, sagement assis, ils se posent une série de questions
comme « Pourquoi ce nom ? » Réponse : l’Aquarium est le sobriquet
donné au hall d’entrée de l’Ecole Normale Supérieure, rue d’Ulm,
dont était issu Jacques Nichet, alors étudiant en lettres. Ils lancent
des dates, des faits, pour situer l’action, puis très vite, des individus
émergent du groupe d’acteurs : ils se nomment, et là, commence
l’épopée d’une troupe, née en janvier 1965, sous la houlette de
Nichet.
Dans le cadre de la manifestation : L’Aquarium a 50 ans et toutes
ses dents, François Rancillac, assisté de Juliette Giudicelli, a
pioché dans les volumineuses archives du théâtre, pour concocter
un parcours savamment architecturé. Il a aussi interviewé une
quinzaine de fondateurs : leurs paroles rendent la pièce très vivante
et lui évite d’être un catalogue d’événements : elle est jalonnée de
scènes, de confrontations, d’affrontements, d’actions… Bref, on ne
s’ennuie pas.
« Me replonger dans le passé, cela m’aide à mieux imaginer un
avenir cohérent pour cette maison », dit l’actuel directeur des lieux,
au moment où ont lieu des pourparlers houleux avec le ministère
de la culture pour qu’il puisse conserver cet outil de travail (voir
l’article de Christine Friedel et Philippe du Vignal dans Le Théâtre
du Blog).
Jouant le pari du collectif, comme les protagonistes de cette
fresque, le metteur en scène fait tourner les rôles, chaque
comédien ou comédienne jouant alternativement Jacques Nichet
(reconnaissable à ses lunettes cerclées de noir), Didier Bezace,
Thierry Bosc, Jean-Louis Benoit, Bernard Faivre, et bien d’autres,
puisqu’ils ont été jusqu’à vingt permanents…
Un traitement
particulier est réservé au personnage de
l’administrateur, celui qui trouve les sous… Par sa bouche,
s’expriment les problèmes - toujours actuels - de l’économie du
spectacle vivant : nécessaires concessions à faire au système,
gratuité des actions militantes, hiérarchie des salaires, statut
d’intermittent et passage obligé par la case chômage. L’éternelle
question de l’artiste face à l’argent...
On se trouve bientôt plongé au cœur des événements de mai
1968 : les barricades, l’occupation de l’Odéon, le militantisme.
Et quid de la Révolution ? Marx, Trotski, Mao sont convoqués
ainsi que des sociologues, philosophes, et économistes. Tous les
questionnements - là aussi toujours actuels - qui préoccupaient
les intellectuels engagés, et plus spécifiquement, le théâtre de
l’époque.
Comment représenter la classe ouvrière au théâtre ? Comment
soutenir les luttes ? Comment s’opposer à la spéculation immobilière
et aux expulsions et combattre le pouvoir des banques… ?
Les réponses se trouvent d’abord dans l’autogestion de cette troupe
universitaire qui se professionnalise en 1970 : on voit concrètement,
sur le plateau comment s’opérait le partage des tâches manuelles
et artistiques et on assiste, amusés, à leur vie démocratique lors
d’interminables assemblées générales dans la cuisine enfumée.
Et cela ne va pas de soi, comme en témoignent altercations,
moqueries,contradictions qui opposent ici les jeunes comédiens.
Nous assistons avec bonheur au récit de leur arrivée à la
Cartoucherie, en 1972. Certains, qui n’avaient même jamais planté
un clou, se mettent à déblayer les gravats, à gâcher du plâtre.
Jacques Nichet n’est pas très à l’aise quand il manipule une
échelle…
On découvre sa méthode pour créer un théâtre politique et
documentaire; on voit aussi comment s’élaborent des spectacles.
Ainsi sont nés, après de longues enquêtes sur le terrain, de
multiples lectures et des mois d’improvisations : L’Héritier (inspirés
des Héritiers de Bourdieu et Passeron), Marchands de ville, Gob
ou le journal d’un homme normal, Tu ne voleras point, Un Conseil
de classe très ordinaire… et bien d’autres succès de la compagnie.
Avec cette histoire du Théâtre de l’Aquarium, ce sont les années
soixante-dix qui défilent, ponctuées par les discours de Charles de
Gaulle, Georges Pompidou, Valéry Giscard d’Estaing (qui chante
horriblement faux) et François Mitterrand, dont l’élection marque
la fin d’une période d’effervescence, riche en créations et porteuse
de rêves.
On glisse ensuite un peu vite sur la suite, la transformation du
collectif en triumvirat, les départs successifs, vécus comme une
désertion, de Jacques Nichet pour Montpellier, de Didier Bezace
pour Aubervilliers et enfin, en 2001, de Jean-Louis Benoît pour
Marseille… Leur succède Julie Brochen, montrée comme un
personnage BCBG, sage et appliquée puis François Rancillac.
Quand le noir se fait, on entend un « C’est fini ? ». Mais c’est une
fausse fin : la scène se rallume : clin d’œil à la situation actuelle.
Non, ce n’est pas fini, espérons-le ! Ce spectacle évite toutes les
chausse-trappes du genre et il y a une belle inventivité du scénario,
une qualité de la direction d’acteurs et de la mise en scène à
l’écart de toute hagiographie, commémoration respectueuse ou
reconstitution compassée.
Instructif pour ceux qui n’ont pas connu les débuts de la troupe,
touchant pour les témoins de cette histoire, toujours pertinent et
drôle, le spectacle recrée l’esprit de l’Aquarium. Tout en ouvrant sur
demain. Un brin nostalgique, il propose une utopie pour l’avenir, un
avenir pour l’utopie.
On aimerait que cette pièce soit reprise et tourne un peu partout
pour témoigner d’un pan de l’histoire du théâtre très fortement liée
à l’histoire politique et sociale française. Pour mieux « se souvenir
de l’avenir », dirait Louis Aragon. Ce soir-là, étaient présents,
entre autres, Jacques Nichet, Didier Bezace, Jean-Louis Benoit.
Ce fut l’occasion de les revoir sur scène, après le spectacle, avec
quelques-uns de leurs compagnons de route, et d’entendre leurs
réactions, à la fois amusées et émues.
Ils saluèrent le travail de François Rancillac et des comédiens.
«Jacques était souvent joli, à travers la jeune comédienne qui le
jouait », plaisanta Didier Bezace. « Quand je repense aux années
soixante-dix, c’était formidable, extraordinaire ! », dit Jean-Louis
Benoit.
Quant à Jacques Nichet, il évoqua son départ en se référant aux
conteurs africains qui terminent ainsi leur récit : « Mon conte est
terminé, j’en reste là ; quelqu’un viendra le reprendre et le reracontera. » Ils expliquèrent ensuite, comment, au départ de JeanLouis Benoit, l’existence de l’Aquarium fut menacée par les voisins
de la Cartoucherie. Comme elle l’est encore aujourd’hui…
Mireille Davidovici
le 4 novembre 2015
« L’Aquarium, d’hier à demain… »
mise en scène de François Rancillac, Théâtre de l’Aquarium
L’Aquarium a 50 ans. Et comme il est précisé, « toutes ses
dentss». Et François Rancillac montre les dents devant le danger
qui menace ce lieu emblématique. C’est tout sourire, ce sourire
qui le caractérise si bien, qu’il met en scène « L’Aquarium d’hier
à demain… ». Ils sont importants ces points de suspension tant
l’avenir de ce théâtre semble menacé. Avec Juliette Giudicelli,
ils ont plongé dans les archives de ce précieux théâtre : textes
des spectacles, notes de travail et de mises en scène, articles
de presse, photos… Ils ont rencontré les pionniers de cette
aventure incroyable : Jacques Nichet, Jean-Louis Benoit, Didier
Bezace, les acteurs qui les ont accompagnés, les techniciens,
les administrateurs… qui parfois étaient tout cela à la fois dans
cette utopie réalisée, cette aventure humaine, fragile parce
que utopique et humaine, où chacun se devait d’être sur le
plateau et hors du plateau, comédiens et plâtriers, comédiens
et costumiers…
C’était quoi l’Aquarium ? D’abord de 1964 à 1970 une troupe
universitaire, celle de la rue d’Ulm soit l’E.N.S, comme il y en
avait tant à l’époque et d’où sortirent d’autres metteurs en
scène et directeurs de lieux dont Ariane Mnouchkine et Patrice
Chéreau. Avant qu’elle ne devienne professionnelle en 1970 et
de s’installer en 1972, par l’entremise de Jean-Louis Barrault
et l’accord d’Ariane Mnouchkine, dans un entrepôt désaffecté
de la Cartoucherie. Jusqu’en 1982 c’est un collectif qui devient
dès cette année-là un collégial avec Jacques Nichet, JeanLouis Benoit et Didier Bezace. Ce trio devient duo avec le départ
de Jacques Nichet en 1986. En 1997 Jean-Louis Benoit devient
l’unique directeur. Julie Brochen prend le relais en 2001. 2009
c’est l’arrivée de François Rancillac qui risque fort par l’incurie
d’un ministère de la culture, ne voyant en ce lieu qu’une ligne
budgétaire, d’être remercié à la fin de son mandat exemplaire.
C’était quoi d’autre l’Aquarium ? C’était aussi et surtout
une aventure collective, une énergie au service d’un théâtre
résolument engagé, politique jusque dans son fonctionnement
interne où chacun percevait le même salaire, où la parole de
chacun était écoutée, les propositions mises à l’épreuve du
plateau, les discussions enflammées. Enfants de 68 qui furent
aussi les désenchantés des lendemains de 1981, ils sont en
cette fin de siècle la mémoire d’un théâtre en pleine ébullition,
ouvert sur le monde et révolutionnaire dans son appréhension,
un théâtre sans concession sur ses idéaux artistiques
novateurs et politiques. Et la mémoire d’une certaine gauche
bientôt désillusionnée. Des créations marquantes, des échecs
cinglants, des réussites éclatantes.
C’est un spectacle joyeux, sans nostalgie, mais avec la
conscience aigüe de François Rancillac d’être l’héritier, le
dépositaire et le passeur de toute cette histoire. C’est une
création où se révèle encore sa formidable direction d’acteur.
Les élèves de l’ENSAD forment un chœur mobile, potache et
sérieux qui s’empare de cette histoire avec une sacré énergie,
un talent certain. Sur le plateau nu, juste quelques chaises,
ils sont tour à tour Jacques Nichet, Didier Besace, Jean-Louis
Benoit, l’administrateur, les comédiens… Ils sont l’Aquarium
dans tous ses états. Il n’y a rien non plus de romantique dans
cette évocation. Il n’est pas éludé les difficultés, les rancœurs,
les fatigues, les coups de gueule, les dissensions. C’est
d’ailleurs par une ronde répétée qui peu à peu se disloque,
image simple et efficace, que se révèle la fragilité d’une telle
aventure. « Société tu ne m’auras pas » chante Renaud pendant
que tournent jusqu’à épuisement les acteurs de cette histoire.
Douce ironie puisque 1981 et l’élection de François Mitterrand
à la présidence de la République marque un tournant qui voit
les protagonistes historiques – Nichet, Bezace, Benoit – peu à
peu s’éloigner de l’Aquarium pour d’autres aventures, intégrer
le théâtre public. C’est à pas de loup qu’ils disparaissent du
plateau, s’effaçant avec discrétion. François Rancillac passe
vite sur cette période car ce qui l’intéresse c’est de constater
combien cette épopée de trente ans, jusqu’aux années 80 donc,
avec ses hauts et ses bas, a considérablement marqué les
générations futures, héritières indirectes d’une autre façon de
faire du théâtre, de s’engager, et de révéler le monde. Si les
élèves de l’ENSAD nous racontent l’histoire de l’Aquarium c’est
aussi la leur qu’ils racontent. Dire, chaussés de lunettes, « je
suis Jacques Nichet » quand celui-ci est dans la salle – il y était
ce soir-là – n’est pas qu’une facétie, c’est aussi affirmer combien
cette génération est le fruit d’une utopie réalisée vent-debout.
Et c’est cela qu’un ministère de la culture et ses conseillers
veulent mettre à bas, faire de ce lieux un garage théâtral dont
le projet est des plus flou, pour des raisons d’ignorance et de
budget. C’est anéantir cinquante ans d’une histoire singulière
et forte, exemplaire, qui perdure encore, qui doit perdurer.
Notre ministre de la culture devrait « se taper » cette création
pour comprendre, au-delà de l’Aquarium, que le théâtre est
avant tout une aventure humaine, fragile et forte, et que nous
ne sommes pas là pour être « rassurés » mais conforter dans
nos rêves d’un théâtre citoyen, ouvert sur la société, le monde.
Le théâtre est affaire de révélation et de transmission. François
Rancillac, combatif et sans illusion, mais convaincu et chevillé
à cet idéal, ne mérite pas un tel traitement. Ce n’est pas pour
lui qu’il se bat mais pour la pérennité d’un projet dont il est
certes l’héritier mais également le garant pour les générations
à venir, lesquelles sont invitées en ces lieux pour des résidences
fructueuses et riches de partage. « Bon anniversaire ! » jamais
titre de manifestation ne fut plus ambigu. Mais par cette
création ludique et intelligente François Rancillac signe non
un manifeste, non une charge revancharde, aigrie, mais une
réponse ouverte et ludique sur l’avenir parce que riche d’une
histoire encore une fois, j’insiste, profondément humaine,
politique et généreuse.
Denis Sanglard
le 6 novembre 2015
L’Aquarium ! Le théâtre de « L’Aquarium » a investi la
Cartoucherie dans le bois de Vincennes en 1972 pour y
inventer ce Théâtre Politique, qui cultive le collectif et le
singulier comme vous le savez certainement !
Cette année, il fête ses 50 ans avec toutes ses dents mais en
garde une contre quiconque voudrait le voir fermer !
Les temps sont durs, raison de plus pour aller soutenir ce
Théâtre qui propose toute cette semaine un spectacle qui
retrace son histoire, avec des concerts, des rencontres, un bal
seventies... Rencontre avec ses fondateurs, Jean-Louis Benoit,
Didier Bezace, Jacques Nichet... Ils viendront témoigner !
Lecture, débats, conférences...
Paroles d’Aquarium, ça va décoiffer à la Cartoucherie et c’est
gratuit pour souffler sur ses 50 bougies !
Bon Anniversaire de la part de Fip (légèrement plus jeune mais
tellement complice) et qu’il en ait encore plein d’autres !
Jane Villenet
le 3 novembre 2015