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LA REVUE DE L’INSTITUT SUISSE JEUNESSE ET MÉDIAS PAROLE 1/12 RENCONTRE : Sacha Poliakova – Mes empreintes enterrées sous la neige DOSSIER : Topographies enfantines LECTURE D’ALBUMS : Georges Lemoine, petits objets – grands effets AS-TU LU? AS-TU LU? AS-TU LU? AS-TU LU? AS-TU LU? AS-TU LU? AS-TU LU? AS-TU LU? AS-TU LU? AS-TU LU? 1 ÉDITORIAL / SOMMAIRE SOMMAIRE Chères lectrices, chers lecteurs, PAROLE 1/2012 C’est sous le titre de «topographies enfantines» que nous vous présentons quelques pérégrinations dans des lieux que l’enfance s’approprie jour après jour. L’environnement quotidien est sans cesse réinventé par les artistes qui écrivent et dessinent pour les plus jeunes. Ainsi la maison est-elle un lieu à apprendre, à apprivoiser pour l’enfant épris de sécurité et d’aventure à la fois. Et cela tombe bien, car les maisons sont en perpétuelle mutation et n’offrent souvent qu’une apparence de stabilité, comme le montre Cécile Desbois dans son article intitulé «Murs et murmures de maisons». On quitte la maison pour marcher dans les rues ; ici aussi il s’agit d’une conquête pour l’enfant, souvent sur le mode du jeu, de l’imaginaire. Symbole d’une autonomie en voie d’être conquise, la rue est le lieu où peut surgir l’inconnu, mais aussi celui où l’on convoque tantôt l’aventure, tantôt la routine, et l’enfant n’a pas son pareil pour les réinventer toutes deux. Avec Madeline Roth, on découvre la ville (et Paris en particulier), un espace urbain que les artistes maquillent allègrement, parent d’atours insolites et zèbrent d’équipées fantastiques ; la cité n’est pas uniquement un décor, elle est la vie même, colorée, bruyante, qu’auteurs et illustrateurs s’approprient et réinventent, emmenant l’enfant dans des balades savantes et ludiques à la fois. Avant de fêter les 25 ans de La Joie de lire, et d’entendre à ce propos son éditrice de toujours, Francine Bouchet, on fera encore un détour buissonnier : Ulrike Blatter pose un regard singulier sur l’œuvre de Georges Lemoine, et s’interroge sur la présence et le rôle des objets dans son travail d’illustrateur. Quant à Sacha Poliakova, d’une seule image elle nous ouvre grandes les portes de la ville, et tant d’autres encore, en évoquant avec Janine Kotwica un parcours remarquablement fécond et exigeant. Nous espérons que vous aurez du plaisir à cheminer en tant de compagnies, SYLVIE NEEMAN RENCONTRE Sacha Poliakova : Mes empreintes enterrées sous la neige 2 JANINE KOTWICA TOPOGRAPHIES ENFANTINES Murs et murmures de maisons 5 CÉCILE DESBOIS-MÜLLER Dans les villes... 8 MADELINE ROTH «Se promener dans les rues, c’est une tâche sérieuse» 11 SYLVIE NEEMAN Notre sélection 14 La maison est en carton 17 GAËLLE FARRE LECTURE D’ALBUMS Georges Lemoine; petits objets – grands effets 18 ULRIKE BLATTER Coups de coeur 20 ANNIVERSAIRE La Joie de lire a 25 ans 22 CLAUDE-ANNE CHOFFAT AROLE ET LE BUREAU ROMAND DE L’INSTITUT 24 MENTIONS ET PRIX / CALENDRIER / INFORMATIONS 26 INDEX / IMPRESSUM 28 AS-TU LU ? cahier final RESPONSABLE DE LA RÉDACTION : Sylvie Neeman COMITÉ DE RÉDACTION : Ulrike Blatter, Barbara Bonardi Valentinotti et Brigitte Membrez ONT PARTICIPÉ À CE NUMÉRO : Alessandra Bernasconi, Céline Cerny, Claude-Anne Choffat, Cécile Desbois-Müller, Gaëlle Farre, Janine Kotwica, Brigitte Praplan et Madeline Roth. ILLUSTRATION DE SACHA POLIAKOVA EXTRAITE DE LA CITÉ DES OISEAUX, écrit par Danielle Fossette ©Gautier-Languereau / Hachette Livre, tous droits de reproduction strictement interdits. 2 RENCONTRE AVEC SACHA POLIAKOVA MES EMPREINTES ENTERRÉES SOUS LA NEIGE Les artistes russes émigrés en France ont considérablement enrichi notre vision de l’image dans les livres. Après l’âge d’or des Rojankovsky, Chem, Exter, Ivanovsky et autres Parain, d’autres sont venus, comme Vitaly Statzynski, récemment disparu, ou, plus près de nous, Sacha Poliakova. Son talent singulier, où la douceur se mêle à la violence, a très vite attiré l’attention du monde du livre et elle a publié chez Gautier-Languereau, Gallimard, Le Seuil, Thierry Magnier, Flies France, Larousse… C’est cette jeune artiste que le Centre André François a accueillie, en l’automne 2011, pour une exposition, Mes empreintes enterrées sous la neige, et une résidence de trois mois. ENTRETIEN AVEC JANINE KOTWICA. mon enfance, le 1er septembre, c’était la fête du savoir. Les fillettes arboraient un joli tablier blanc, les garçons une chemise blanche. Les écoliers portaient des fleurs à leurs institutrices et chaque un petit nouveau. C’était quand même plus festif qu’en France ! Mais bien sûr que les enfants n’étaient pas toujours contents d’aller à l’école : il ne faut pas rêver ! P H OTO G R A P H I E D E JA N I N E KOT W I CA Quelles étaient alors vos lectures ? J’aimais beaucoup Ond ej Sekora et les histoires de sa fourmi Ferda, Selma Lagerlöf, Astrid Lindgren, très populaire là-bas, et aussi Les extraordinaires aventures de Karik et Valia de Yan Larri, méconnues en France. Galina Kabakova, linguiste et anthropologue, fille du célèbre artiste conceptuel russe Ilya Kabakov, fondatrice des Editions Sacha, où êtes-vous née ? A Leningrad ou à Saint-Pétersbourg ? Flies, vous a confié l’illustration des Contes de l’Oncle Rémus... Le 3 mars 1977, c’était, en principe, Leningrad. Cependant, ce J’avais déjà publié chez elle Les Contes du Désert. Sa collection nom n’a pas la même présence affective et imaginaire que pourrait s’intituler «Les Contes de notre enfance» car elle édite Saint-Pétersbourg, ville prestigieuse sur le plan historique et les premières lectures qui nous ont marquées, elle comme moi. artistique, même si les patriotes russes sont fiers d’avoir résisté Les Contes de l’Oncle Rémus est un livre controversé de Joel aux nazis lors du «siège de Leningrad». Chandler Harris publié aux Etats-Unis en 1880 et 1905 et qui, en 1946, a été adapté pour le cinéma par Walt Disney. On a beau- Quels souvenirs avez-vous de la période soviétique ? coup critiqué sa vision de l’esclavage et le film n’est jamais paru Il y avait un fossé entre ce qu’on disait à l’extérieur et à la mai- en DVD. J’illustre ce texte en ce moment. son, mais pour moi, c’était avant tout le temps de l’école et j’en garde un bon souvenir. On me parle souvent de «propagande». La Russie est très présente dans vos publications. En fait, c’était plutôt une solide éducation morale et la trans- C’est parfois un peu agaçant d’être cataloguée dans le rayon mission de valeurs humanistes universelles. Au début, nous russe ! Il y a eu Comptines et berceuses de Babouchka chez Didier en portions toutes un foulard rouge et une étoile de fer à l’effigie 2006 et, pour Gallimard en 2007, Tableaux d’une exposition. Les de Lénine, ce qui prête à sourire, mais l’obligation s’en est per- toiles de Victor Hartmann qui ont inspiré Moussorgski en 1874 due. Ce qui me semble différent de ce que je vis de l’école fran- étaient sombres, mais j’ai dû édulcorer cet univers qu’on çaise à travers mes enfants, c’est la très grande place accordée à jugeait trop dur pour des enfants. Dans Aujourd’hui en Russie, la poésie et aussi, un sens du rituel. J’ai beaucoup souffert du toujours chez Gallimard, je me suis sentie assez libre car c’est traumatisme de la rentrée des classes de mes deux aînés. Dans une amie, Nastassia Paoutova, qui a pris en charge la partie PAROLE 1/2012 grand garçon emportait vers sa nouvelle classe, sur ses épaules, 3 © C E N T R E A N D R É F R A N Ç O I S E T S AC H A P O L I A KOVA RENCONTRE AVEC SACHA POLIAKOVA documentaire. Mais je ne me reconnais pas dans l’histoire qui C’est une méditation lyrique sur la fuite éperdue, la sépara- est racontée par un homme, et français de surcroît. tion, l’absence, un des deux livres dont vous avez vousmême écrit le texte, avec tact, et des litotes qui ouvrent au Cependant le portrait de la jolie Larissa vous ressemble ! Vous lecteur la porte du rêve. On aimerait que vous preniez la deviez être une adorable petite fille, mais avec un caractère plume plus souvent. Je l’ai lu à des enfants qui ont été émus bien trempé ! Les caricatures ornithologiques que vous faites et intrigués. de vos professeurs sont redoutables ! Les enfants posent de bonnes questions ! Ils ont de l’intuition et Oui, je me vengeais un peu par le dessin… de la sensibilité. Quand je leur présente ce livre, ils évoquent le plus souvent l’absence du père, ou sa mort, ou le départ de quel- PAROLE 1/2012 Vous étiez déjà très douée. Vos dessins d’enfant, exposés à qu’un qu’ils aiment. Ils lisent les images avec pertinence et Margny, ont impressionné nos visiteurs ! Vous avez com- remarquent des détails qui échappent à la plupart des adultes. mencé votre formation artistique à Saint-Pétersbourg ? Pendant la résidence, au cours des ateliers, j’ai souvent été Je suis entrée à l’Académie théâtrale de Saint-Pétersbourg où étonnée de la créativité des plus petits, et de la qualité de leur j’ai été initiée à la scénographie. Cela explique sans doute que attention, mais pendant un temps très court ! les arts de la scène, et en particulier les marionnettes, seront bien présents dans mes livres. Les travaux des élèves qui ont été exposés au Centre André De là je suis partie en France et j’ai suivi, à Dunkerque, les François témoignent de votre souci d’initier votre jeune cours de l’Ecole des Beaux-arts. On y enseignait l’art conceptuel public aux techniques les plus diverses. Or, justement, ce que et je n’y ai pas eu vraiment ma place. L’année suivante, à Valen- montre l’exposition de vos œuvres à vous, c’est la variété des ciennes, je découvre les différentes sortes de gravure, de la techniques que vous employez et l’étendue des différents pointe sèche à la linogravure, la xylographie ou l’aquatinte, registres que vous maîtrisez. L’affiche de notre exposition techniques que j’aime beaucoup, et que j’ai utilisées dans des allie xylogravure et collage, et vous utilisez le numérique, les travaux personnels, et dans des livres comme Les Contes du Che- papiers découpés, la gouache, l’aquarelle... val ou Le Cirque magique. Et enfin, j’entre aux Arts Déco, à Paris. J’essaie d’expérimenter toujours, et surtout d’adapter ma tech- Le département «Illustration» était dirigé par Xavier Pangaud et nique au contenu du livre. Carmen est une histoire de passion et mes professeurs étaient illustrateurs comme Jean-Marie Le de mort qui se déroule au soleil. Il fallait des couleurs vives et Faou ou Laurent Corvaisier, ou éditeurs comme Frédéric Hous- contrastées et j’ai tenté l’ordinateur. Mais l’expérience, même si sin qui m’a fait participer à l’aventure collective de Mon Premier elle a été intéressante, est frustrante et je ne peux pas exprimer Larousse de Poésies. Mon travail de fin d’études présenté en 2003 mes sentiments avec cet outil qui m’a semblé plus froid. En a été publié par L’Art à la page en 2008 sous le titre Un million de attendant le printemps, qui s’adresse à des tout-petits, m’a donné poissons rouges. envie d’oser la force graphique des papiers découpés noirs sur des fonds bleu ciel ou blancs. Quant à Dame Sei Shônagon et le C’est un très très beau livre, Sacha, plein de poésie et de sen- samouraï, qui se passe dans la société japonaise lettrée, j’ai sibilité et qui m’a donné le regret de ne pas vous avoir voulu un support et une peinture qui puissent rendre cette connue petite fille ! J’ai été bouleversée par votre écriture tout atmosphère raffinée, d’où cette longue bande de papier de soie en retenue, et la délicatesse de votre illustration. Et le jury de quatre mètres peinte à l’aquarelle et à l’encre. La plupart de aussi a été sous le charme ! mes autres livres sont à la gouache, dont j’aime le velouté, ou à Brigitte Morel, qui était à ce moment-là aux éditions du Seuil, l’aquarelle qui permet de jouer avec les nuances ; pour Galilée, faisait partie du jury et a pris tout de suite rendez-vous pour un publié au Seuil, j’ai alterné gouache et crayon gris pour simuler album. Ce sera L’âme du cheval, que j’ai conçu durant ma pre- les grimoires d’autrefois. mière grossesse et que j’ai rendu à l’éditrice le 18 août 2004, jour de la naissance de mon fils Pierre. Je le lui ai dédié, à lui et à mon Vous avez, avant même votre sortie d’école, participé à de mari Aurélien. prestigieuses expositions... 4 I L LU S T R AT I O N D E S AC H A P O L I A KOVA P O U R U N M I L L I O N D E P O I S S O N S ROU G E S , L’A R T À L A PAG E Oui, j’ai eu la chance d’être sélectionnée, en 2000 et 2002, à Mon- C’est d’un très grand lyrisme et vos dentelles foliacées sont treuil, pour Figures Futur, de participer à quatre expositions de la superbes... Avec votre mari, vous avez, en plus de vos quatre Fiera de Bologne entre 2002 et 2006, d’être choisie pour Barreiro rejetons de chair et d’os, fait un enfant de papier désormais au Portugal en 2003 et Sarmede, en 2007, dans le cadre de Le introuvable... Immagini della Fantasia. C’est vrai ! Quand Toutou se carapate, paru, encore, chez GautierLanguereau en 2006 est épuisé et n’a pas été réédité. C’est un Vous êtes trop modeste : la chance n’y est pour rien ! C’est livre animé où j’ai illustré de courts poèmes et des comptines votre talent qui a été vite reconnu, et ce fut la même chose de Mikhaïl Yasnov qui était une bonne connaissance. Jean-Luc dans le monde de l’édition : votre premier album n’a pas Moreau les a traduits du russe et Aurélien a réalisé l’ingénierie attendu votre sortie des Arts Déco ! du pop-up. Mon premier album de jeunesse a été publié chez Gautier-LanEt, avec ce livre, nous retrouvons vos racines russes, comme beaucoup compté dans mon parcours. J’ai illustré Quand j’étais pour votre extraordinaire La petite clé d’or ou Les Aventures de loup, un texte de Philippe Lechermeier qui revisitait le thème du Bouratino. Un album très admiré, version russe de Pinocchio... loup-garou. Je viens de retravailler cet automne avec le même C’est un conte d’Alexis Nikolaïevitch Tolstoï, que mes lecteurs auteur pour Le Cirque magique où j’ai eu plaisir à juxtaposer dans confondent souvent avec Léon Tostoï, l’auteur de Guerre et Paix le même livre toutes sortes de techniques. dont il est un lointain parent. Il est paru en 1936, très célèbre dans l’ensemble de l’Europe de l’Est, souvent réédité, adapté au Ce thème ambigu de la métamorphose et de l’animalité pré- théâtre et au cinéma, et représenté même sur des timbres- sente dans l’être humain, vous le retrouvez dans La Belle et la poste ! Dans sa préface, Alexis Tolstoï déclare avoir lu Pinocchio Bête que vous mettez en images en 2004 pour Thierry Magnier. dans son enfance. Mais c’est faux ! Le livre de Collodi n’était pas En 2005, vous exposez, à la Fiera de Bologne, les originaux de encore édité en russe, et Tolstoï ignorait l’italien. Il a, en fait, La Cité des Oiseaux. Peut-on voir la contamination de votre mari découvert l’histoire du pantin de bois par un ami qui travaillait architecte dans votre aisance à représenter des architectures à la traduction du texte. Il l’a trouvée trop moralisante. Alors il qui allient Le Corbusier à Numérobis ? l’a réécrite à sa façon. C’est une histoire qui m’était très fami- J’ai souvent dessiné des maisons, celles des villages tradition- lière. Je n’ai même pas eu besoin de faire des essais pour les por- nels, mais aussi les constructions contemporaines. C’est Auré- traits des personnages : je les portais en moi. En plus, j’ai eu le lien qui m’a soufflé l’idée de l’école, qui est un projet de Robert plaisir de créer des décors de théâtre qui m’ont rappelé mes Mallet Stevens. Mais l’illustration de ce livre m’a mise mal à études à l’Académie de Saint-Pétersbourg. l’aise, et je retrouve cette gêne quand on me demande de le présenter à des enfants des «quartiers». J’ai essayé de corriger La même année que Pef, vous avez mis en images L’Ogre de par des images gaies le côté déprimant du texte qui dévalorise Moscovie, extrait de Bon conseil aux amants, un poème de les lieux que ces enfants habitent. Ce n’est pas le sentiment Victor Hugo paru dans le recueil Toute la lyre en 1861. Votre que j’en ai. éditeur a supprimé le préambule et les personnages sont En revanche, j’ai été en accord avec A l’ombre du tilleul de transformés en marionnettes... Un livre exceptionnel ! Cécile Roumiguière qui est paru en 2005, encore chez Gautier- J’ai voulu ajouter une pointe de féminisme à la fin et transfé- Languereau. La relation avec mon grand-père ou avec ma rer l’histoire dans un théâtre de marionnettes pour la mettre à Babouchka ont beaucoup compté pour moi et comme j’aime la distance, car cette dévoration d’un enfant en direct était très nature, j’ai eu plaisir à dessiner des végétaux, les arbres en violente. particulier. Une touche d’humour noir si différent du lyrisme de A l’omAvec leurs racines ? bre du tilleul… Vous êtes cousine de Protée ! Merci, chère Oui, cela étonne toujours les enfants ! Sacha... PAROLE 1/2012 guereau en 2003 où j’ai travaillé avec Maryvonne Denizet qui a TOPOGRAPHIES ENFANTINES MURS ET MURMURES DE MAISONS Qui se penche sur le thème de la maison en littérature jeunesse en pensant la voir surgir tel le rempart des remparts, serait surpris de ne trouver que flottement, mouvement et bouleversement. Secouée d’émois, éprise de changement, parfois même frappée par le chaos, la maison – cette image de nous-même – se dessine alors sur un mode trépidant, celui de la vie. PAR CÉCILE DESBOIS-MÜLLER le voyageur-lecteur laissera peut-être son esprit vagabonder… jusqu’aux antipodes. Là où, grâce aux plans de Byron Barton, On construit une maison (L’Ecole des loisirs) bien plus normalisée. Finalement, entre ce documentaire destiné aux tout-petits et les pérégrinations de M. Cagibi, tient tout un monde insaisissaI L LU S T R AT I O N D E J U T TA B A U E R P O U R A L O RS O N A D É M É N AG É , L A J O I E D E L I R E ble d’étranges constructions… PAROLE 1/2012 Ecoutons d’abord : «J’aimerais qu’il existe des lieux stables, immobiles, intangibles, intouchés et presque intouchables, Les mots de la maison immuables, enracinés ; des lieux qui seraient des références, Appellation précise des métiers concernés, description des des points de départ, des sources ; mon pays natal, le berceau de matériaux utilisés… On construit une maison est bien un docu- ma famille, la maison où je serais né, l’arbre que j’aurais vu mentaire. De ceux qui tentent d’ordonner, classer, définir et grandir (que mon père aurait planté le jour de ma naissance), le expliquer. Pourtant, dans ce territoire du rationnel, la maison grenier de mon enfance empli de souvenirs intacts…». On pour- déjà s’envisage hors les murs. Récemment, les Archives d’archi- rait croire ces phrases de Georges Perec (Espèces d’espaces, Galli- tecture moderne de Bruxelles ont sélectionné dans leurs riches mard) émises, tel un vœu, par un personnage d’album pour fonds un corpus de magnifiques dessins pour illustrer une exi- enfants, constatant avec une certaine joie effrayée que, dans ce geante collection d’initiation à l’architecture. Véritable encyclo- monde de mots et d’images, l’habitat se fait aussi immense et pédie illustrée du logis, Les mots de la maison (deux volumes) nom- vibrant que le monde tout entier. ment et précisent les lieux intérieurs et extérieurs de la maison, ses pièces, séparations et appendices. Accompagnant chaque Des maisons pour grandir espace d’une citation littéraire, l’ouvrage découpe méticuleuse- Reconnaissons-le, les contes, déjà, nous mettaient en garde : ment l’espace privé… pour mieux montrer, presque à son corps dans les masures, les petits enfants ne sont à l’abri de rien, pas défendant et par ce jeu d’illustrations délicieusement désuètes, même de leurs parents (Le Petit Poucet) ou de quelque jalouse la porosité des lieux cloisonnés, la fragilité de cet épiderme, fût-il marâtre hourdant de sombres projets (Blanche-Neige) ; les chau- en briques ou de béton. Vides de tout habitant, les pièces déser- mières alléchantes hébergent souvent des sorcières (Hänsel et tées («absentes» dirait l’artiste italien Claudio Parmiggiani), n’en Gretel) ou des ours mal léchés (Boucle d’or) ; les châteaux sont semblent que plus aérées, ouvertes à l’imagination. tenus par de cruels princes (Barbe Bleue) et les murs des logis Dans des ouvrages plus simples d’accès, couvrant de plus s’effondrent au moindre souffle de loup (Les trois petits grandes aires géographiques ou historiques, l’habitat apparaît cochons)… dans cette même essence, tel un fruit du hasard répondant à des Ces effrayantes maisonnettes, que l’on doit quitter ou besoins et utilisations différents et changeants. Présentée dans affronter pour grandir, n’ont pourtant pas freiné l’ardeur d’un sa fonction vitale, celle de l’abri, la maison est aussi un objet pro- explorateur, le célèbre Alphonse Cagibi. Dans son beau carnet téiforme, rappelle – en filigrane et dans un léger désordre – Le de voyage rempli de croquis, notes et commentaires, celui-ci monde des maisons (Circonflexe). Chalets, isbas, yourtes, huttes, nous invite à pousser plus loin notre chemin, à le suivre dans sa HLM ou caravanes, les maisons nomades ou sédentaires, indivi- folle course aux Graines de cabanes (Gautier-Languerau). Cabane duelles ou collectives, sont au-delà du refuge, des formes et sup- d’oiseaux, en pain d’épices (nous y revoilà !) ou du bout du ports artistiques, des signes et insignes, les symboles de notre monde, ces poétiques habitations rappellent la joie d’inventer relation au monde. Et si l’on peut accepter (quoique) de les défi- des espaces fragiles, éphémères et colorés. Au fil de ces pages, nir comme un négatif de l’extérieur, raconter leur historique, les 5 6 resituer dans leur contexte social (La maison à petits pas, Actes la vie du jeune garçon vient de s’achever, un autre commence Sud Junior), nos demeures n’en restent pas moins inclassables. dans une maison qui ne sera plus jamais la même… C’est dans cet esprit que Laura Ljungkvist s’est plu à se jouer Dans un registre moins symbolique, d’autres albums évo- des règles du genre documentaire. Destiné à de petites mains, quent la maison comme point d’appui à un saut vertigineux Suis la ligne (Circonflexe) propose la visite d’une maison, de la vers l’ailleurs. Alors on a déménagé (La Joie de lire) raconte les cave au grenier, en passant par le réfrigérateur de la cuisine et le pérégrinations d’une famille nomade, d’une tribu – parents, coffre à jouets. La mise en page, réussie et interactive, combine grands-parents, petit frère, grande sœur – atteinte de bougeotte formes géométriques, silhouettes et contours stylisés, jeux de chronique. Dix-huit fois ils emménagent. Dix-huit fois ils repar- matières (bois, tissus à motifs imprimés) et collages (photos et tent. De l’intérieur d’un violon à une salle de cinéma en passant cartes postales). Mais surtout, elle laisse cette ligne, fil d’Ariane par la Lune, la vie s’écoule avec ses bonheurs et ses drames, rieur, nous guider et nous égarer dans un monde où certains dans des lieux insolites, réputés être inhabitables. Racontées objets, fugueurs ou squatters, ont décidé de s’installer là où nul (par Peter Stamm) sous forme de comptines, illustrées (par Jutta ne les attendait. N’en est-il pas exactement ainsi ? La maison Bauer) de façon poétique à la peinture et au crayon, ces petites est en soi un lieu en dérangement permanent… histoires disent, au-delà de la cavalcade insensée, un peu l’errance et l’insatisfaction, beaucoup l’envie d’habiter des lieux Un monde en mouvement déraisonnables, et surtout le plaisir d’être ensemble peu Intervalle flottant, la maison se fait l’espace propice aux fic- importe où. Et quand finalement tout ce petit monde atterrit tions osées, inscrivant le changement au cœur de leur récit. dans une maison de banlieue, on peine à croire qu’il s’agit là Aisément, le quotidien rassurant (ou étouffant) peut alors être d’une solution définitive. balayé par une brise rafraîchissante ou une sourde tempête. Presque à contre-pied de cette chute, Beatrice Alemagna Un Dimanche matin (Circonflexe) dans une maison encore commence l’histoire de La maison bleue (Casterman) là où elle plongée dans les brumes du sommeil, un jouet, petit bonhomme semblait devoir s’arrêter. Un voyageur pose ses valises. Près de de bois, attend qu’un train vienne le chercher. L’omnibus dévale la mer, dans un coin de sable et de bleu. Il y construit sa maison la table, quitte la cuisine, prend sur le chemin d’autres passa- avec une seule fenêtre pour faire un clin d’œil au soleil. Mais de gers. Avec très peu de texte et des illustrations d’une douceur repos, il ne pourra goûter, pressé qu’il est par trois emplumés toute enfantine, Kota Taniuchi raconte, dans une ambiance imbéciles d’agrandir sa maison. Couverte de bleu, (en)volée par ouatée, un petit quelque chose de magique. Sans bruit, le train des mosaïques d’oiseaux, la maison finira par trouver son véri- glisse sur le carrelage pour amener ses précieux voyageurs jus- table espace dans l’azur infini où se confondent mer et ciel. qu’à leur destination : la chambre de l’enfant. Est-ce un rêve ? Sans murs, ni limites, ne serait-elle pas la promesse d’un nou- Tout ceci peut-il se passer dans une maison aussi sage ? veau voyage ? Cette interrogation-là ne semble pas exister dans l’univers de Kota Taniuchi. Et encore moins dans celui d’Anthony Browne. Des toits si fragiles Tout change, déclare-t-il dans ce manifeste surréaliste qui s’em- Alors on a déménagé en parlait sans en faire le cœur du récit, pare des meubles et objets du quotidien. Absolument tout. Une Schmélele et l’Eugénie des larmes (L’Ecole des loisirs) l’aborde sans bouilloire peut se transformer en félin, un canapé en alligator, détour : il arrive qu’une maison ne soit pas celle dont on rêve, une pantoufle en oiseau. Tout n’est que métamorphoses, défor- qu’elle ne parvienne plus à nous protéger des dangers exté- mations et monstruosités. Et face à ces bouleversements, Joseph rieurs, il arrive qu’une maison soit si délabrée que les fenêtres, s’interroge : même sa chambre n’est plus le refuge qu’il connais- les murs et le toit aient décidé de s’en aller. Ouverte à tous les sait. Exprimant l’inquiétude croissante face à un changement vents et toutes les tristesses, celle de Schmélele n’a pu éviter dont le lecteur ignore la nature, la transformation d’objets iner- que ses parents disparaissent, écrasés par le poids de leur tra- tes en formes animales annonce l’imminence du grand inconnu. vail. De leur foyer, il ne reste que la porte, la fidèle Bâle qui Joseph ne devra pas fuir cet endroit mais y accueillir la petite accompagne Schmélele lorsque celui-ci quitte à son tour cet sœur que ses parents ramènent à la fin du livre. Un moment de endroit de désolation. Comme toujours chez Ponti, ce départ PAROLE 1/2012 ILL LA UST M A R AT ISO ION D N DE ’EL CO ZBIE UC T I-C A PO OU UR ÇA , R O UE RG UE TOPOGRAPHIES ENFANTINES I L LU S T R AT I O N D E M A X D U C O S P O U R J E U D E P I ST E À VO L U B I L I S , S A R B ACA N E annonce une magnifique quête au cours de laquelle le jeune secret de cette demeure. Au passage, celui-ci découvrira des héros se confronte à lui-même. Au terme de son expédition œuvres d’art et une autre forme d’habitat, éloigné des normes mouvementée, Schmélele retrouvera ses parents intacts et fera actuelles. Mais surtout il sera heureux de finir cette histoire là où pousser une maison singulière, si démesurément haute que la toute maison se ressemble, dans une pièce qui parfois n’est largeur du livre ne lui suffira plus. qu’un coin, où quelques livres nous attendent. Dans sa représen- Ce thème de l’exil forcé est aussi donné à lire par Elzbieta, avec toute la sensibilité qui caractérise son œuvre. «Quand il tation même, la bibliothèque assure que le texte et l’image restent bien au cœur de nous-même. PAROLE 1/2012 était petit, Petit-Gris attrapa la pauvreté. Toute la famille l’eut Dans un autre genre, plusieurs recueils mettent en exergue en même temps». Alors les chasseurs les délogèrent et plus ce rapport de l’art au logis. Il y a quelques années, Helen Percy jamais ils ne trouvèrent la paix. Pour améliorer leurs conditions nous ouvrait les portes des Maisons (Dragon d’or) de Malevitch, de vie, échapper aux chasseurs, aller plus vite, les parents de Chagall ou Vermeer dans un petit livre simple mais rempli d’uni- Petit-Gris (Pastel) se demandaient : faut-il abandonner Petit-Gris vers chatoyants. Lui emboîtant le pas, Elisabeth de Lambilly et à des gens plus riches ? Aller ailleurs ? Et même lorsqu’ils cons- Béatrice Fontanel invitent le lecteur à pousser la porte de Ma truisirent «une île qui flottait sur la mer», les chasseurs voulu- Maison (Palette), et à découvrir le livre sur le mode visuel ou par rent les contraindre à partir. Alors Petit-Gris, de son éponge l’écoute d’un texte court, proche de la comptine. Dans une sélec- magique venue de la mer, effaça tout ce vilain monde. Et dans le tion d’œuvres qui s’éloignent un peu des «chefs-d’œuvre», l’en- grand vide des dernières pages, il semble que lui-même ait fant découvre des foyers dans ce qu’ils ont de plus précieux : disparu… leurs habitants («La porte d’une chambre était entrouverte, j’ai Ce thème immensément actuel inspira à Elzbieta un autre aperçu un bébé à qui on faisait la toilette...») et les activités aux- album, plus léger. Avec sa forme de gâteau, ses murs de pain quelles ils se livrent. Que se passait-il quelques minutes avant d’épice et son nappage de chocolat, La maison de Couci-Couça est cette scène troublante ? Tous ces personnages appartiennent- irrésistible. Les souris s’y invitent chaque mardi, tant et si bien ils à une seule et même famille ? Autant de chemins possibles qu’à la fin, de sa maison il ne reste rien. Entre conte et comp- pour susciter des réflexions sur le rôle de la maison et ses tine, l’album parle de la gourmandise, mais aussi de la peur de modes de représentation. perdre son foyer… Plus ludique, La maison des arts (Sandrine Andrew, Palette) Indéniablement, les albums jeunesse n’oublient pas Les invite l’expression plastique à s’installer dans toutes les pièces. Petits bonshommes sur le carreau (Le Rouergue), les miséreux, les Une tasse à poils pour prendre le thé dans le salon, un hambur- sans-abri, les exclus, les habitués du froid, de l’indifférence, de ger géant dans la cuisine, un baiser d’or dans la chambre des la honte. Un dessin dans la buée, des personnages en argile parents, un coffre rempli de cauchemars surréalistes dans la photographiés : ne pas fermer les yeux. chambre des enfants... Celui qui ouvre les volets de cette maison s’expose à de belles découvertes ! A la maison d’art, d’art ! Sans les claquer, refermons ces quelques portes à peine Ouvrir les yeux. Un peu plus grand pour nous inviter chez entrouvertes. D’autres maisons bientôt seront à explorer. Magritte, dans L’empire des lumières. Confrontant dans une même Posant toujours cette question : que veut dire avoir Un lieu à scène un ciel diurne et des éclairages nocturnes, ce tableau soi (Gallimard Jeunesse) ? Que veut dire habiter son corps, sa transforme la maison en espace magique, sombre, renfermant maison ou le monde ? Des éléments, non de réponse mais de quelques (obscurs ou lumineux, on ne saurait dire) secrets. réflexion, sont apportés par ce merveilleux livre d’initiation à la Dès lors, la porte est ouverte pour que la magie de l’art s’em- philosophie écrit par Anissa Castel. pare de ce lieu sacré qu’est le domus. Et dans cette brèche se sont Qui nous offre au passage, et en conclusion, une autre pen- enfilés nombre d’ouvrages dont le plus surprenant reste sans sée de Perec : «On est chez nous, on est à son bureau, on est doute Jeu de piste à Volubilis (Max Duco, Sarbacane). Dans une mai- dans le métro, on est dans la rue. C’est évident bien sûr. Mais son «étrange» ou «moderne», héritière de l’architecture lecorbu- qu’est-ce qui n’est pas évident ? De temps en temps, pourtant, sienne, une petite fille invite le lecteur à rechercher avec elle le on devrait se demander où on (en) est…». 7 8 TOPOGRAPHIES ENFANTINES DANS LES VILLES… Et si l’on marchait un peu dans les rues de la ville ? Comment la littérature jeunesse rend-elle compte de l’espace urbain ? Du livre animé au documentaire, en passant par l’album, petit tour d’horizon avec Paris pour destination finale. PAR MADELINE ROTH I M AG E S D E GA Ë TA N D O R É M U S P O U R R H I N O D E S V I L L E S , A U T R E M E N T La ville est, semble-t-il, assez peu présente dans les livres pour Popville, c’est «un pop-up fascinant, architectural et labyrin- enfants. Sans doute parce qu’elle est associée au réel et aux thique», selon les mots de l’éditeur ; tout commence donc avec hommes, femmes et enfants qui la peuplent – quand tant d’al- l’église, au centre de l’image, une route et quelques arbres bums préfèrent ouvrir la porte à un autre espace (la forêt, la autour. On tourne la page, et on cherche les différences. La route nature…) peut-être plus grand, mystérieux, plus propice aux s’est agrandie. Deux engins de chantier sont apparus, ainsi que animaux et aux aventures, à la fiction, au rêve. Dans les livres quatre bâtiments près de l’église. On tourne encore. Une grue, qui suivent, on s’aperçoit que la ville n’est plus seulement un un chemin de fer. Et encore d’autres constructions. A chaque décor, mais qu’elle devient bel et bien un personnage à part fois plus nombreuses. Il faut bientôt agrandir l’espace, ouvrir entière : sous le regard de l’architecte, du photographe, du pein- les pages sur leurs bords. «Aujourd’hui, il y a de grandes tours tre, elle s’habille de lumière et devient tour à tour terrain de jeu visibles de loin. On s’y rend par les autoroutes fraîchement gou- et mystère. C’est parti ? dronnées et lisses comme de la lave, on y rejoint ceux qui ont mené leur grand projet : construire». Des forêts aux immeubles Voilà. On est dans la ville, la vraie, la grande, multiple, colorée, Point de départ de la balade. On est encore en forêt. On touche bruyante, anonyme, inattendue. Deux très beaux livres de les pages et les ronds de couleurs dans le blanc, trois ronds photographie viennent nous la raconter. Dans le premier, on comme les points de suspension du titre, Vers la ville..., un traque le rhinocéros. Sur les vieux bâtiments de Strasbourg, album qu’Eric Battut a publié chez Didier jeunesse en 2004. dans les jardins, dans les vitrines des boulangeries, d’un quar- Douze doubles pages, lumineuses, douze couleurs et douze tier à l’autre, dans les musées, les écoles, les parkings : le rhino- animaux qui avancent vers la ville. Le sanglier se cache dans la céros de Gaëtan Dorémus est partout (Rhino des villes, Autrement, forêt, le cerf sort du bois. Le hérisson traverse les chemins, l’oi- 2010). On pense à Miss Tic, Ernest Pignon-Ernest ou encore aux seau remonte le grand fleuve. Voilà, on est arrivé. Comme dans mosaïques de l’artiste français Invader que l’on peut trouver les plus beaux albums de Battut, c’est la force des couleurs – et aujourd’hui dans des villes du monde entier. Rhino des villes, c’est la densité, la lumière – qui prime. du «street art», de l’art urbain, qui investit et questionne «Au commencement, il y a souvent une église et son clocher, visible de loin. On s’y rend par l’unique route cabossée, on s’y l’espace, multiplie les techniques et les supports, et surtout, je crois, s’amuse ! retrouve, et voilà le début d’une communauté». Ce sont les pre- Le deuxième livre, En ville de A à Z, est épuisé depuis quelque mières phrases du texte de Joy Sorman que l’on peut lire à la fin temps, il était paru aux éditions Panama en 2008 et avant de Popville, d’Anouck Boisrobert et Louis Rigaud (Hélium, 2009). cela chez l’éditeur italien Corraini, vrai réservoir de pépites 9 I L LU S T R AT I O N D E M I R O S L AV S A S E K P O U R PA R I S , CA S T E R M A N TOPOGRAPHIES ENFANTINES graphiques. C’est un abécédaire : 26 lettres et 26 photos prises Beatrice Alemagna écrit à la fin de l’album : «Je me suis dans la ville de Londres par Roberto Berreta et Andreu Llorens. demandé pourquoi ce lion est si aimé par les Parisiens. Je crois «Tout a commencé par un accident», précise Roberto Berreta que c’est parce qu’il semble très heureux là où il est». Beatrice dans un texte inséré au milieu du livre : deux photographies Alemagna est née à Bologne avant de venir s’installer à Paris. dont l’auteur s’est rendu compte, en les plaçant côte à côte, Nul doute que cet album parle aussi bien de Paris que de la qu’elles représentaient très clairement un I et un J. «L’idée d’en peur de l’étranger et de l’intégration – avec poésie, humour et tirer un abécédaire s’est immédiatement imposée. Et c’est vite douceur. PAROLE 1/2012 devenu une obsession». On y trouve essentiellement des gros On reste à Paris, mais on remonte un peu le temps. En 1960 plans, de bâtiments, de rues, de façades. On adore en particulier paraissait dans «L’Encyclopédie Casterman» une série de por- le X et l’enfant au milieu. On découvre que «trouver un G a été traits de villes illustrés, spécialement conçus pour la jeunesse. un véritable cauchemar». Paris, Rome, Londres, Venise, New York... c’est le Tchécoslovaque Miroslav Sasek, mort en 1980, qui donna naissance à ces Promenade à Paris images, modernes, drôles, colorées. Casterman a décidé il y a Quatre albums presque sans texte qui dessinent chacun à leur peu d’en proposer de nouvelles éditions en fac-similés, une manière une ville-couleurs, une ville multiple, et surtout une page additionnelle en fin d’ouvrage venant simplement consta- ville vivante. Continuons la balade, cette fois dans les rues de la ter les principaux changements ou les monuments apparus. La capitale. On traquait le rhinocéros, on va suivre le lion. Un lion à première double page du Paris de Sasek est magnifique. La Tour Paris (paru aux éditions Autrement en 2006) est un grand album Eiffel, le Sacré Cœur, l’Arc de Triomphe et Notre-Dame : quatre à qui l’on doit faire faire un quart de tour pour le lire de haut en monuments qui se détachent, et les maisons, les immeubles, bas, comme un carnet de voyage peut-être. Il s’ouvre sur un cro- les arbres prennent la forme de centaines de carrés de couleurs quis très simple : un plan de Paris sur lequel Beatrice Alemagna à la manière des pointillistes. La balade est un vrai bonheur, a tracé le parcours de son lion, de la Gare de Lyon à la place Den- remplie de chats, de boîtes aux lettres, de réverbères, de monu- fert-Rochereau, en passant notamment par St-Germain-des- ments bien sûr, mais aussi de personnages burlesques à la Tati. Prés, Beaubourg, le Sacré-Cœur, la Tour Eiffel. Bruno Gibert connaissait-il le livre de Sasek ? Parce que son L’histoire, c’est celle d’un gros lion qui s’ennuie beaucoup livre à lui, Peluches à Paris – paru à l’automne 2011 – joue vérita- dans sa savane et qui décide donc de partir «chercher un travail, blement avec ce côté rétro. On trouve aux deux ouvrages beau- un amour, un avenir». «Il arriva à Paris par le train et sans aucun coup de points communs, ne serait-ce que ce portrait à la fois bagage. C’était sa première fois dans une grande ville. Cela lui drôle et tendre de la ville, et jusque dans la construction des faisait un peu peur, bien sûr». images, où les détails s’annulent pour laisser toute l’impor- Le Paris d’Alemagna est longtemps gris-bleu, avant de s’ou- tance au blanc et aux couleurs. Participent au voyage à Paris vrir à la lumière sur une double page où la Tour Eiffel vient cas- cinq peluches : Poussin, son grand-père Papi Toutou, Madame ser le rythme de l’album, envahissant l’espace jusque-là Trompette, Tonton Mouton et Miss Titi la meilleure amie de réservé au texte. La Seine, très présente dans l’album, passe Poussin. Ils découvrent le métro, les monuments, les boutiques même du bleu au vert d’eau, et aux fenêtres des immeubles, les de chapeaux, les musées, la soirée à l’opéra et le cimetière du gens sourient à pleines dents. «La ville, qui le matin lui parais- Père-Lachaise. Place de la Concorde, «il y avait comme un fleuve sait si morne, si effrayante, si grise, semblait maintenant lui à traverser, un large fleuve infesté de crocodiles». Ils ont ce sourire de toutes ses fenêtres». Le lion termine sa balade place regard neuf et insolite : se promener avec eux donne immédia- Denfert-Rochereau, où il décide de rester (la statue sur la place tement le sourire – et il y a cette double page fabuleuse où deux a été érigée par l’architecte Bartholdi, entre 1876 et 1880). peluches se cachent derrière les colonnes de Buren. 10 I L LU S T R AT I O N D E B R U N O G I B E R T P O U R P E L U C H E S À PA R I S , A U T R E M E N T TOPOGRAPHIES ENFANTINES Quand deux portraits s’opposent des citations et les lieux évoqués. Balade incroyable, riche, écla- La capitale, mise en images par Beatrice Alemagna, Miroslav tante de couleurs, savoureuse et fantaisiste. du rêve, un genre de pays imaginaire qui n’aurait pas d’âge. Et trois cadeaux pour finir C’est tout l’inverse qui se dégage du livre de Claude Ponti inti- Il est presque midi. Le soleil illumine l’écran sur lequel j’écris tulé Paris, paru à L’Ecole des Loisirs en 1992. Tout l’inverse sans cet article, quelque part au sud (vraiment au sud) de Paris. J’ai, je doute parce que le trait du dessinateur est extrêmement net, crois, gardé «le meilleur pour la fin», c’est souvent comme ça ses façades tellement lisses, chaque détail si précis... Noël-Jean que l’on fait, non ? Trois livres. Bergeroux explique dans une très belle préface comment sont Deux petits cadeaux d’abord, Destination Paris et Drôles de nés ces dessins, commandés par le journal L’Express-Paris entre balades dans Paris, imaginés par Claude Combet et Thierry Lefèvre mars 1990 et juin 1991. Ponti, qui jusqu’alors dessinait plutôt et illustrés par Magali Le Huche (Actes Sud junior, 2006 et 2008). des monstres, en noir et blanc, se retrouve à devoir représenter Je dis cadeaux, parce que ces deux petits livres-là sont précieux. avec précision toutes les façades de la rue du Jour («commande Le premier n’est pas un guide, mais une «balade instructive et passée entre quatre yeux, secrètement, tant pouvait paraître ludique» où l’on découvre l’histoire, les lieux, les anecdotes, les bizarre de demander un dessin architectural à celui qui, en ce records, «le quiz des têtes de veaux», et mille autres choses avec temps-là, illustrait d’un trait encore un rien morbide la chro- la complicité des images toujours drôles et fraîches de Magali le nique humoristique de dernière page»). Suivront «quatre-vingt Huche. Le second propose vingt-six promenades «originales et semaines de petits bonheurs hebdomadaires, d’attendrisse- saugrenues» à découvrir dans Paris avec enfants, petits et ments et de redécouvertes. La lumière avait pris le pas sur les grands, marcheurs et moins marcheurs. Il y a des balades en ténèbres primordiales». métro, en bus ou en rollers, d’autres à la découverte de lieux qui Oui, c’est bel et bien de lumière dont il est question dans ce livre, la lumière si caractéristique du dessin de Ponti et qui par- font peur, des chasses aux trésors et balades oulipiennes au no 7 de la septième rue du 7e arrondissement... ticipe très certainement du mystère et de la fascination Et le dernier, le plus beau, c’est un livre de Jean Lecène paru qu’exercent ses images. Geneviève Brisac a introduit chacune en octobre 2011 aux éditions Palette et qui s’intitule Paris, l’art des balades mais c’est Ponti qui en écrit le texte, avec une en capitale. En cinq chapitres, il nous promène dans le Paris des extrême douceur, une attention aux choses, aux petits détails, peintres. C’est le jardin des Tuileries par Manet, par Pissaro ; la des phrases courtes et douces, reposantes. Le Paris de Ponti est Tour Eiffel par Nicolas de Staël ou photographiée par André calme, mystérieux, presque silencieux. Kersetz ; le métro peint par Dubuffet ou Vuillard... On y lit aussi Prenons encore une vision opposée. Un Paris cette fois-ci cer- des phrases de Baudelaire, d’Henri Calet, de Prévert, de Cen- tainement bruyant, coloré, un peu bordélique mais sans aucun drars. C’est la plus belle des découvertes de la ville, à travers le doute multiple et vivant : c’est en tout cas l’impression qui res- regard d’artistes, d’époques et de nationalités différentes. «La sort du livre de Francesca Bazzurro et Orith Kolodny, paru à La capitale devenait alors pour eux une seconde patrie. Au fil des Joie de Lire en 2010, dans la collection «De ville en ville» (où l’on décennies, une génération a remplacé l’autre et chacun a posé peut retrouver Tel Aviv, Berlin, Genève). L’idée (j’avais écrit «le son chevalet en des lieux différents, pour observer le kaléido- pari»...) était de présenter la ville à travers des citations d’écri- scope aux mille facettes de la grande cité, en métamorphose vains, artistes et chansonniers, et d’en donner une représenta- perpétuelle». tion vraiment originale (dessins, photographies, mise en page). Comme si ce livre, par la multiplicité des regards, des tech- Il faut s’attarder sur les images pour en découvrir les détails et niques, des points de vue, donnait la juste représentation de la revenir souvent aux dernières pages qui présentent les auteurs ville : multiple et insaisissable, immense, changeante. PAROLE 1/2012 Sasek et Bruno Gibert, a décidément quelque chose de l’ordre TOPOGRAPHIES ENFANTINES «SE PROMENER DANS LES RUES, C’EST UNE TÂCHE SÉRIEUSE» Dans l’univers de l’enfant, les rues ne sont pas des lieux comme les autres ; symboles du dehors, d’un extérieur parfois menaçant, riche de dangers et d’inconnu, symboles aussi des premières tentatives d’émancipation, d’une autonomie en voie d’être conquise, elles déroulent leur cortège de sensations, d’impressions et d’émotions. PAR SYLVIE NEEMAN terre, éventuellement même plus onirique, n’aurait pas affaibli l’effet préventif de ces pages, peut-être même l’aurait-elle renforcé car un discours uniquement alarmiste et injonctif ne favorise certes pas l’adhésion du jeune lecteur. Dans un tout autre registre, les éditions Passage Piétons et le poète Jacques Jouet, ainsi que de multiples photographes, nous donnent un Rendez-vous dans ma rue auquel il est difficile de résister : «Si tu passes dans ma rue / (mais ma rue n’est pas à moi) / (...) tu pourras dévaliser le coffre / à savoir / le coffre aux costumes (...)». Ici tout est invitation faite à l’enfant : invitation à se saisir au vol de ce qu’il voit, de ce qu’il croise, à faire sien un I L LU S T R AT I O N S D ’A N T H O N Y B R OW N E P O U R U N E AUT R E H I STO I R E , K A L É I D O S C O P E jongleur de rue aussi bien qu’un cortège costumé, à admirer Une rue peut être accueillante ou hostile, elle peut réunir ou une rangée de sandales autant que des statues amoureuses, à séparer, elle peut inciter à la rêverie ou à la prudence la plus comprendre que tout s’offre à lui et que poser un regard poé- extrême, on peut la fréquenter passionnément ou la redouter. tique sur les banalités du quotidien, c’est les élever et s’élever Nous commencerons ce petit itinéraire au gré des rues par deux avec elles. Cet «imagier pour enfant moderne» fonctionne sur le documentaires ; l’un est centré sur la mise en garde et l’autre, mode de marabout-bout-de ficelle, mais ici ce sont surtout les qui n’a peut-être de documentaire que l’apparence, est tourné idées qui se télescopent et engendrent la représentation sui- vers l’imaginaire. vante, la page suivante, par association parfois verbale ou, plus souvent encore, visuelle. Le lieu de tous les dangers et de tous les rêves Le 66e et dernier titre de la collection «Mine de rien» chez Galli- Les visages des rues mard jeunesse est consacré à la rue. Cette collection, on le rap- La rue peut donc revêtir différents habits, offrir différents visa- pelle, présente aux enfants tout un éventail de situations fami- ges. Dans Une autre histoire (Kaléidoscope 2009), Anthony liales, sociales, émotionnelles auxquelles ils sont susceptibles Browne proposait une version étonnante de Boucle d’Or et les d’être confrontés, posant ainsi des mots (ceux de Catherine trois ours. Les pages de droite, colorées de teintes douces, mon- Dolto) et des images (celles de Frédérick Mansot) sur un quoti- traient une famille d’ours partis faire un tour pendant que leur dien qui peut être vécu avec plus ou moins de difficultés. porridge matinal refroidissait ; tandis qu’à gauche, l’illustrateur Dans La rue, mode d’emploi, Catherine Dolto se livre à un proposait, sans texte aucun et dans un parallèle subtil, le par- inventaire des innombrables périls qu’encourt l’enfant qui cours d’une fillette égarée dans ce que l’on pense être une ban- aurait encore le courage, voire l’inconscience, après cette lec- lieue en Angleterre, images on ne peut plus réalistes, en noir et ture, de s’aventurer hors de chez lui ! Tout est passé en revue : la blanc – à l’exception de quelques cheveux roux échappés du circulation bien sûr, l’interdiction de jouer, comment et où mar- capuchon de la gamine. cher sur le trottoir pour ne pas se faire blesser par une porte qui Tout, dans les illustrations, est symétrie : les angles des dalles s’ouvrirait, les mauvaises rencontres éventuelles, les chats et du sol répondent à ceux des briques des murs, la verticalité des chiens qu’il ne faut pas caresser, le danger accru de nuit, etc. gouttières et des réverbères fait écho à celle des façades et des Bien entendu, en tant que parent, on comprend la nécessité barrières, et quand un peu de fantaisie zèbre l’image, ce sont les de ces explications, mais une petite contrepartie moins terre à éclats d’une fenêtre brisée. Un monde urbain gris et monotone, 11 I L LU S T R AT I O N D E N ATA L I FO R T I E R P O U R T U R E N T R E S À L A M A I S O N , ACT E S S U D J U N I O R 12 au cœur duquel brille soudain une lumière, celle de la maison min qu’effectue une fillette au sortir de l’école. Le texte très des ours, et la fillette répondra à cette invitation à entrer dans ce doux s’adresse à l’enfant, lui raconte, en quelque sorte, ce nouvel espace… avant d’en être chassée, comme il se doit. qu’elle est en train de vivre : «La route est longue qui te ramène Elle retrouvera alors des rues assombries encore par la pluie, à ta maison. Le cartable pèse sur tes épaules...» Ce «tu», très rare façades taggées et murs surmontés de barbelés, mais à nou- en littérature pour la jeunesse, et que l’on pourrait imaginer là veau un éclat attire son regard, et cette fois ce sont les cheveux afin de désigner avec plus de précision cette enfant en particu- roux de sa mère. lier, est comme contrebalancé par une autre assertion, pour le coup étonnante : «Tu t’appelles Valérie ou Natacha. Ou Prune, Capucine ou Yasmina. Tu t’appelles petite fille.» s’achève avec la fuite de la petite héroïne qui est, de façon inté- Par ces flottements narratifs, l’auteure parvient à rendre sa ressante, à nouveau livrée à elle-même au cœur de la forêt. Ici, jeune héroïne à la fois très unique et très universelle : ce qui une fois la fillette partie, on voit à la fenêtre un jeune ours pen- arrive à cette fillette, quel que soit son nom, est une aventure sif qui déclare «J’aimerais bien connaître son histoire». L’his- merveilleuse et cette enfant est digne de notre plus grand intérêt. toire d’une gamine d’aujourd’hui, qui vit avec sa mère dans une Et pourtant, quoi de plus banal que ce chemin quotidien : banlieue grise et qui s’en sort très bien, les retrouvailles finales quatre, cinq rues à traverser, quelques dunes imaginaires à lumineuses symbolisant leur affection et la force qu’elles y pui- escalader, un vélo fou à éviter, et le fils du boulanger, à qui sou- sent. Et elles ont «une histoire». Contrairement au petit ours et rire. Mais le lecteur sent que tout ceci n’est pas insignifiant, que à sa vie feutrée ? la narratrice serre de près la fillette, qu’elle l’entoure de ses A ces rues vides et froides, j’opposerai volontiers l’univers mots-balises, de ses mots-bouées ; en réalité l’enfant est seule à foisonnant, fou, exubérant, d’un David Merveille rendant hom- la maison pour quelques jours, sa maman a dû subir une opéra- mage à Jacques Tati dans Le jacquot de Monsieur Hulot (Rouergue tion et il n’y avait personne d’autre pour veiller sur elle. Alors 2005). Monsieur Hulot se balade en ville, à mobylette ; il tombe l’auteure s’en charge, en quelque sorte. sous le charme d’un perroquet dans une vitrine, et il ramène On l’aura compris, le texte est superbe, plein de caresses et l’oiseau chez lui, sur son porte-bagage. Toute l’histoire – sans d’attention ; mais les images de Natali Fortier ne sont pas en texte – est là. Mais il y a le reste : et ce reste, ce sont les petits reste (Natali qui racontera plus tard un autre retour à la maison, détails qui peuplent chaque page. Les rues de la ville sont le si dramatique celui-là, qu’Ulrike Blatter avait évoqué dans théâtre de tant d’événements, tous plus délicieux ou loufoques Parole 1 / 2009). les uns que les autres. Et lorsque l’image montre Monsieur Ici pas de tragédie, mais des couleurs chaleureuses, des sil- Hulot s’éloignant innocemment du chaos que son passage a houettes cernées de fins traits noirs qui font que malgré la dou- suscité, le plaisir de la lecture est immense ! ceur des teintes on ne tombe jamais dans la mièvrerie. Rares Les enfants passeront des heures à découvrir les scènes sont les pages qui n’accueillent pas un chat ou un oiseau, une comiques, les clins d’œil, les allusions (pour certaines d’entre plante ou un gâteau, autrement dit rares sont celles qui n’offrent elles, les adultes les aideront…), les loufoqueries. Cela va du nom pas un réconfort visuel à l’expression de la solitude de la petite. des boutiques à la grosse dame qui se cogne à un réverbère, d’une Les deux auteures ont su transformer un événement excep- fontaine capricieuse à une statue involontairement coopérative, tionnel et douloureux en un récit que l’enfant lecteur recevra sans compter un certain nombre de catastrophes en série… comme une aventure courageuse et finalement heureuse. La rue, ici, c’est la vie même, dans ce qu’elle a de plus accidentel et poétique à la fois. Un autre trajet riche d’émotions et de sensations de toutes sortes, c’est celui que fait la petite Shau-yu En allant acheter des œufs. Cette histoire de la Chinoise Chen Chih-Yuan, parue chez En sortant de l’école... Picquier jeunesse, propose une douce errance en brun, ocre et En 2002, Natali Fortier illustrait un beau texte de Claude Carré blanc, errance à travers la ville, de rue en rue, jusqu’à l’épicerie pour la collection «Les albums tendresse» chez Actes Sud junior : où la fillette, fière de sa mission, doit acheter des œufs pour le comme son titre l’indique, Tu rentres à la maison raconte le che- riz cantonais du soir. PAROLE 1/2012 Pas de manichéisme dans cette réécriture de Browne, mais beaucoup de nuances : on le sait, la «vraie» histoire de Boucle d’or I L LU S T R AT I O N D E R É G I S L EJ O N C P O U R L A RU E Q U I N E S E T R AV E RS E PAS , N OTA R I 13 PAROLE 1/2012 Cette mini-épopée commence par deux pages de garde, silen- rue qui ne se traverse pas, paru l’année dernière aux éditions cieuses, où apparaît simplement la façade de l’appartement Notari. L’album est tout en verticalité, il est tout vertige aussi, familial, à l’intérieur duquel on distingue les silhouettes d’un avec une première page aérienne, car Régis Lejonc offre au lec- chat, d’un chien, de plantes, d’habits suspendus. Cette même teur le point de vue de l’oiseau, qui survole, qui ne connaît pas image rassurante conclura d’ailleurs l’ouvrage, comme une les obstacles que connaissent les humains. Puis une autre per- parenthèse qui se referme. Mais pour l’heure elle s’ouvre, et la spective s’offre au regard : on ne voit pas la rue qui donne son première double page montre une pièce de la maison et expose titre à l’ouvrage, mais on y est, à une certaine hauteur là aussi, le projet du livre : la fillette souhaite «sortir jouer», sa maman puisque seul le haut des immeubles apparaît, de part et d’autre accepte à condition qu’elle fasse un petit achat pour le repas. des doubles pages. Cette page à peine tournée, l’amusement commence, la On ne sait pour quelles raisons au juste cette rue ne se tra- fillette est dans la rue et déjà elle joue les équilibristes sur l’om- verse pas, seuls les oiseaux se jouent de cet espace interdit, ou bre portée du toit de l’immeuble sur la chaussée, imitée en cela impossible. Et dans leurs appartements qui se font face, il y a un par la vraie ombre du chat quelques étages plus haut, et même par garçon et une fille. la typographie ! A la page suivante, c’est le chien qu’on retrouve, Les amoureux qu’imaginent Henri Meunier et Régis Lejonc endormi sur le trottoir ; l’émancipation de la fillette se fait pro- n’ont pas d’âge. Ils semblent des enfants, au début de l’album, gressivement, la rue est jalonnée de présences familières à l’en- puis sans que cela soit dit le temps doit faire son œuvre puisque fant, qui l’accompagnent dans son aventure. Le jeu continue, dans les dernières pages, c’est un couple adulte qui danse – avec la découverte d’une bille bleue à travers laquelle Shau-yu mais cela peut tout aussi bien être un rêve. Entre-temps, les redécouvre sa ville comme un paysage aquatique – et la narra- oiseaux auront joué les messagers, les entremetteurs : nourris tion, sans crier gare, quitte ici la troisième personne pour passer par la jeune fille, ils apportent au garçon quelques graines que à la première : «je suis comme un petit poisson dans l’océan.» celui-ci met à germer, tout en leur racontant ses rêves, qu’ils Autre trouvaille, autre jeu : une paire de lunettes qui, cette offrent en retour à la demoiselle ; jusqu’à ce jour où, «parole fois, lui font voir les rues toutes floues et en plus, remarque la d’oiseau», les deux fenêtres sont vides et l’album s’achève sur fillette, «on dirait maman». Ceci permettra encore un dernier cette question : «A-t-on besoin de connaître les choses clandes- jeu, de rôles à présent, avec l’épicier à qui elle déclare vouloir tines qui habitent le ciel et les cœurs amoureux ?» faire du riz cantonais «à mon mari et à ma fille.» Un livre plein de mystères et d’onirisme, magnifiquement On le voit, dans ce bel album la rue est un terrain de jeu, voire servi par le texte hautement poétique d’Henri Meunier, et les une scène de théâtre, elle est le décor idéal où l’imagination images somptueuses de Lejonc : ses bleus et ses bruns disent enfantine peut se déployer, faire feu de tout bois, autrement dit tour à tour la solitude des villes, les murs et fossés qu’elles transformer toute petite trouvaille, aussi insignifiante soit-elle, engendrent – mais que le ciel, l’air et les désirs des humains en vecteur d’amusement et d’aventure. L’enfant s’amuse à agir peuvent dépasser. sur le monde, à le transformer, à le modeler à sa façon. Ce Dans un livre d’entretiens qu’il a menés avec Henri Thomas monde n’est pas donné comme hostile, c’est d’ailleurs une rue (Les Heures lentes, Arléa), Alain Veinstein déclarait, en réponse à sans danger apparent, et l’enfant y est montrée seule, dans des des souvenirs de déambulations nocturnes que l’écrivain pages sobres qui font la part belle à la jeune héroïne, à ses venait d’évoquer : «Et se promener dans les rues, pour un écri- expressions et ses postures gracieuses autant qu’espiègles. vain, c’est une tâche sérieuse.» Les rues et le temps qui passe semblerait que l’on puisse affirmer que pour un enfant aussi, Je le disais en préambule, il y a aussi des rues qui séparent, et je c’est là une tâche sérieuse – sans doute au moins aussi sérieuse terminerai cette déambulation dans les rues de papier avec La que le jeu. Au terme de ces quelques pérégrinations et réflexions, il 14 TOPOGRAPHIES ENFANTINES NOTRE SÉLECTION Coccinelles cherchent maison Anouk Ricard une animalerie. Et bien entendu ils se chargent Lorsque des coccinelles cherchent une maison, elles font appel, d’imaginer leur petite entreprise à leur façon, généralement tota- bien entendu, au spécialiste en la matière, le fringant Balanin – lement loufoque, regorgeant de détails absurdes ou désopilants. du nom de ces bestioles qui font des trous dans les noisettes, Chaque double page est donc un univers en soi, où l’on peut mais ici en l’occurrence Monsieur Balanin est agent immobilier s’amuser à reconnaître tout ce qui fait la «patte» d’un artiste, de son état. Il promènera le jeune couple de pet-de-loup moisi mais on peut aussi y chercher les objets et aliments répertoriés en coquille d’escargot borgne, sans oublier les maisons pour sur la liste de courses donnée sur la couverture de l’album. oiseaux et celles des jeux de Monopoly… Davide Cali a enfermé ses brèves répliques (tout le texte est Un exercice de style brillant et extravagant, qui offre une belle idée de la vitalité de l’image aujourd’hui et de la diversité dialogue) dans des phylactères ronds comme des pucerons, et des univers graphiques de ceux qui la pratiquent. le lecteur s’amusera à suivre à la trace le parcours – du combat- SYLVIE NEEMAN coloré qu’agité. Car c’est Marc Boutavant qui illustre ce petit monde cocasse, et on sait que le chatoyant et le foisonnant lui PAR UN COLLECTIF D’ILLUSTRATEURS Rue de l’Articho Thierry Magnier, 2011. Dès 8 ans. réussissent bien, depuis qu’on a suivi les aventures de son ourson Mouk à travers le monde. La vivacité et la drôlerie des répliques (Madame, face à la Je cherche les clés du paradis bouteille cassée que Monsieur Balanin leur présente comme un Une petite fille nous présente sa maison avec ses pièces innom- «loft», s’écrie «Et qui fera les vitres ?») ne doivent pas faire brables qui recèlent des trésors parfois anciens, de mémorables oublier les nombreuses informations sur le monde des insectes fêtes d’anniversaires organisées dans le jardin où poussent que l’enfant glanera ici et là au détour des pages. lierre, bignone et glycine. La maison est ici bien plus qu’un Une expérience de lecture pétillante, ce qui est la moindre des décor, elle est comme un membre de la famille, la narratrice la choses, avec tous ces ronds et ces bulles qui peuplent les pages ! compare même à «une vieille dame qui aurait été très belle SYLVIE NEEMAN dans sa jeunesse». La demeure a vu les générations se succéder, a été la voisine d’une ferme, a traversé les siècles et son histoire DAVIDE CALI ILLUSTRATIONS DE MARC BOUTAVANT Coccinelles cherchent maison Sarbacane, 2011. Dès 7 ans. continue mais plus pour la même famille... En effet, la maison chérie de tous va bientôt être vendue. Il est question dans ce court roman illustré de la mémoire et des souvenirs. C’est un journal intime sensible où se mêlent enfance et maturité, cette dernière étant provoquée par la bru- Rue de l’Articho talité de la nouvelle de la vente. A l’origine, L’Articho est une association «dédiée aux images». Le propos de l’auteur est plein de sagesse : la petite fille fait Toutes les sortes d’images. Avec en point de mire des événe- provision de bons moments passés avec cette maison, auxquels ments où des artistes de tous bords se rencontrent et créent elle pourra repenser sans regrets. Car si le texte a des accents ensemble, pour du public. nostalgiques, il n’est pas mélancolique. Il se clôt sur une note A présent, et après trois cahiers thématiques, c’est aussi un positive, sur le temps présent : la fillette se régale de figues, sans livre : Rue de l’Articho rassemble sous une même couverture – doute pour la dernière fois dans ce jardin, mais qu’à cela ne bariolée, déjantée, kitch et naïve – seize illustrateurs, de diffé- tienne... les fruits sont mûrs et il faut pro-fi-ter ! rentes tendances et origines (et n’œuvrant pas forcément en GAËLLE FARRE littérature pour la jeunesse, je dois d’ailleurs avouer que plusieurs m’étaient inconnus), qui ont reçu la consigne de se repré- FLORENCE HIRSCH ILLUSTRATIONS DE PHILIPPE DUMAS senter sous les traits d’un commerçant de cette rue imaginaire : Je cherche les clés du paradis Delphine Durand tient un bazar, Charles Dutertre une librairie, L’Ecole des loisirs / Mouche, 2009. Dès 8 ans. PAROLE 1/2012 tant bien sûr – des bestioles dans cet album grand format aussi 15 I L LU S T R AT I O N D ’A L B E R T I N E TOPOGRAPHIES ENFANTINES Tour B2, mon amour Clélia, jeune adolescente solitaire, orpheline de mère, vit avec son père écrivain dans une maison de campagne. La jeune fille confie ses secrets à un arbre pour ne pas sombrer, tandis que son père, qui vit difficilement de son écriture, se voit contraint de vendre la propriété où ils demeurent. Ils quittent alors ce lieu Les Gratte-ciel symbolique et maternel, chargé d’une histoire douloureuse, Vous en avez assez des grues dans nos villes, ou pire, dans nos pour aller vivre dans une cité. Clélia espère secrètement que ce montagnes ? Alors cet album vous interpellera ! D’abord parce nouvel espace, anonyme et vierge, aidera son père à se recons- que sa couverture montre deux de ces engins et qu’ils y parais- truire et à retrouver l’inspiration. sent fins, élancés, presque aériens, que ce dessin blanc sur un PAROLE 1/2012 Lorsqu’elle rejoint la classe de Tristan, elle découvre un uni- carton foncé, tout en hauteur, parvient à souligner leur côté vers froid qui la déstabilise, très différent de celui qui était le esthétique. (Oui, il m’a subjuguée et a changé mon regard face à sien jusque-là. Tristan la remarque et est profondément troublé ces machines étonnantes qui encombrent nos horizons…). Et par cette fille particulière qui subit les railleries de ses camara- que penser de son intérieur ? des de classe. La trame de la fable, comme la nomme l’éditeur, consiste en Il fait partie d’une bande de jeunes du quartier pris dans de très brefs commentaires qui soulignent le côté compétitif l’habituel jeu de pouvoir de la banlieue. Il en éprouve pourtant d’une surenchère entre deux propriétaires qui construisent des un certain malaise, il se sent de plus en plus décalé et ne trouve maisons toujours plus hautes, toujours plus osées. Si l’un com- plus son compte dans l’escalade des petits délits insignifiants mande du marbre de Carrare, l’autre veut une porte en or. Si qui résonnait comme une simple provocation au départ, mais l’un des deux se fait livrer une mosaïque, l’autre est en train qui rapidement les entraîne vers une douce délinquance. Il n’a d’installer une salle de cinéma. Si l’un travaille avec l’architecte pourtant pas la force de caractère de résister à ses camarades et le plus cher du monde, l’autre aménage une pièce pour ses col- de s’affirmer dans ses sentiments pour Clélia, alors que celle-ci lections… La compétition fait monter des étages farfelus et des accapare toutes ses pensées de façon de plus en plus évidente. centaines d’invités s’y pressent à des soirées que l’on devine La relation qu’il noue avec elle lui ouvre malgré lui les portes d’univers inconnus, lui révèle une sensibilité qu’il peine à accepter. très mondaines ! Est-ce le lustre en verre de Murano ou l’immense drapeau qui a fini par orner la construction audacieuse de la page de Pierre Bottero, décédé en 2009, déclinait là un texte poétique gauche qui lui sera fatal ? Ce qui est sûr, c’est que le petit salon ponctué de belles envolées littéraires sur des sentiments fine- jaune, l’observatoire, le cabinet des curiosités, même le jardin ment décrits. Différent de ses œuvres de fantasy, ce roman tou- suspendu vont dégringoler – et avec cela tout le reste ! chera le lecteur adolescent par une incursion dans le quotidien Le propriétaire du gratte-ciel – tout aussi loufoque – de la de la réalité des cités. On apprivoise Tristan, influençable et en page de droite, content d’être débarrassé de son rival, s’installe construction, qui est capable du pire comme du meilleur. alors sur sa terrasse supérieure et se commande une pizza, Un langage direct et franc, une construction narrative par- laquelle, hélas, n’arrivera jamais jusqu’à lui. faite donnent sa force à ce récit malgré une intrigue sans A part la leçon du «toujours plus» néfaste comme on le voit, grande surprise mais bien menée, les personnalités attachantes cet album humoristique d’un duo bien entraîné me semble des héros et un dénouement heureux laissant le jeune lecteur contenir encore une autre vérité : les gens très riches ne man- sur une impression positive. gent pas forcément mieux que les autres… BRIGITTE MEMBREZ ULRIKE BLATTER PIERRE BOTTERO Tour B2, mon amour Flammarion/Tribal, 2010 (rééd.). Dès 12 ans. GERMANO ZULLO ILLUSTRATIONS D’ALBERTINE Les Gratte-ciel La Joie de lire, 2011. Dès 9 ans. 16 I L LU S T R AT I O N D E M A R I J E TO L M A N TOPOGRAPHIES ENFANTINES Le livre qui rend heureux l’enfant y a une place et même une responsabilité. La prise de Ce grand album sans texte, sobre, aux illustrations pleine page, conscience de cela est ce qui permettra à l’enfant d’être citoyen symbolise et représente à l’envi la maison, ce lieu où tout tant dans le microcosme de sa famille que dans le monde. converge, autour duquel tout gravite, espace protecteur où se déroule la vie, où passe le temps avec bonheur. Les illustrations d’Edmée Cannard mêlant collages et acrylique sont riches de couleurs, à l’image des trésors de la Terre. D’un trait léger, qui suggère et appréhende l’espace délicate- Elle nous donne à voir l’intime (le cœur de l’enfant) comme ment, les auteurs imposent leur trace heureuse, y mélangent l’immensité du cosmos. De grandes doubles pages se déplient des allusions aux mythes de la genèse, à l’histoire universelle. et permettent au lecteur de vagabonder parmi les mers et les Le Livre qui rend heureux ne se raconte pas, il raconte. Ainsi se lisent simultanément différentes histoires, celle de étoiles… ainsi la magie des rêves n’est pas oubliée. GAËLLE FARRE chacun selon ses propres références. La maison dans l’arbre, la en rêve l’affranchissement des contraintes humaines et représente le cocon où l’on se confie, s’émancipe. L’ours blanc nage ALAIN SERRES ILLUSTRATIONS D’EDMÉE CANNARD Ma maison bleue Rue du monde, 2007. Dès 5 ans. dans les eaux bleutées, y trouve la maison dans l’arbre, bientôt rejoint par l’ours brun qui s’approche, lui, en barque. Ils s’y installent et coulent des jours heureux, aussitôt entourés par Mon voyage dans la maison mille présences amies. Si tu ne peux pas partir en vacances, ce sont les vacances qui La narration est simple, essentielle et s’inscrit logiquement par une succession de pages aux couleurs douces où se croisent viendront à toi. Et non seulement les vacances, mais l’aventure, la découverte, les émotions de toutes sortes. les protagonistes d’une arche de Noé mythique aux contours Voici la trame du livre de Florie Saint-Val, qui fait rapetisser sans cesse réinventés. Images allégoriques qui semblent maté- son jeune héros Hugo jusqu’à ce qu’il atteigne la taille de sa rialiser ici la naissance du monde, là celle du verbe. peluche préférée, et en route pour Mon voyage dans la maison ! BRIGITTE MEMBREZ Chaque pièce – la chambre, la cuisine, la salle de bains, le salon – donne son nom à un chapitre, lequel se divise en sections aux MARIJE ET RONALD TOLMAN Le livre qui rend heureux Milan Jeunesse, 2010. Dès 3 ans et pour tous. noms joyeusement évocateurs : «La route des crayons», «Le volcan du thé bouillant», «Le buisson des cotons». Les images aux couleurs vives – mais rendues presque douces par le beau papier de MeMo – suggèrent l’aspect audacieux Ma maison bleue de chaque étape du voyage, et l’auteure-illustratrice tire un heu- «Ma maison est bleue» : tel est décrit l’univers, qui est le point reux profit des objets qui entourent l’enfant (ses jouets, mais de départ d’un grand voyage dont un enfant est le guide. Nous aussi sa brosse à dents, une cuillère, un légume) et qui, dans leur allons vers le soleil, les planètes puis un continent : la Terre, démesure, sont ici prétextes à tant d’utilisations plus ou moins avant de nous arrêter dans un pays où l’enfant habite une détournées, mais la plupart du temps charmantes et cocasses. «petite maison bleue». Il nous invite à découvrir son quotidien Le texte, très sage hormis les titres déjà évoqués, se marie à et son environnement. Nous faisons un détour dans son cœur la fraîcheur naïve des images pour offrir à l’ouvrage un petit avant de repartir et nous diriger vers la Grande Ourse et la Voie côté rétro. Lactée… L’enfant habite donc une maison à quatre murs, mais aussi le monde. L’humain et la galaxie sont mis en perspective et la prise de recul que propose Alain Serres est fort intéressante. Si l’enfant est souvent considéré comme acteur d’une école ou d’une ville, il est plus rare que soient évoqués les continents et l’univers. Or, Et l’on n’oubliera pas de s’attarder sur la carte finale, qui rappelle le trajet parcouru – même si ce n’était peut-être qu’un rêve… SYLVIE NEEMAN FLORIE SAINT-VAL Mon voyage dans la maison Editions MeMo, 2010. Dès 4 ans. PAROLE 1/2012 maison qui rejoint le ciel, petit royaume intemporel qui porte TOPOGRAPHIES ENFANTINES DES IMAGES PENSÉES POUR ÊTRE DES TABLEAUX Il est une petite maison d’édition créée par une passionnée de l’image et située à Sore – au cœur des Landes – où le travail est minutieux et attentionné, où l’uniformisation est bannie et le soin apporté aux productions extrême… Cette maison pas comme les autres, c’est La maison est en carton et sa créatrice est Manon Jaillet. PAR GAËLLE FARRE Après des études dans les métiers du livre et plusieurs années La maison a acquis une visibilité et la passion qui anime passées à promouvoir la littérature jeunesse, notamment en tant Manon Jaillet est intacte : les idées de futures collections et autres qu’assistante d’édition chez Rue du monde, Manon Jaillet a pu projets un peu fous ne manquent pas. En 2012, deux nouvelles constater le dynamisme grandissant de ce secteur et le succès en séries de douze images sont bien sûr prévues, une ou deux particulier des illustrateurs. Elle veut aller plus loin et décide de «Grandimages» ainsi qu’un nouveau carnet d’illustrateur sont voler de ses propres ailes en 2007 en créant La maison est en car- au programme… PAROLE 1/2012 ton. Un joli nom au goût d’enfance – clin d’œil à la comptine «Pirouette Cacahuète» – pour une maison qui met l’illustration Dans ma maison jeunesse à l’honneur : Manon Jaillet devient éditrice d’images ! Je veux m’attarder maintenant plus longuement sur un projet que je pense hors du commun, petit par la taille mais grand par Un soin particulier porté à la conception et à la fabrication l’ambition : Dans ma maison, le premier livre de La maison est en Son ambition première est de proposer un espace pour l’image carton. Il est né de la réunion de 76 dessins de maisons (chaque seule – et non pas l’image accompagnatrice de texte. Le talent illustrateur dessine une maison en entrant au sein de La mai- des artistes est ainsi au cœur de son projet. L’aventure a com- son est en carton, les dessins accompagnent les biographies de mencé avec l’édition de reproductions d’images inédites et chacun) que Manon Jaillet a présentés un jour à Thomas Scotto. signées en tirage limité. Le succès est vite au rendez-vous et Non seulement la thématique de la maison lui plaisait, mais deux collections de douze images sortent chaque année depuis l’idée de placer ses mots comme des illustrations, alors que les la création de la maison. images étaient déjà réalisées, l’a enthousiasmé. Il s’est trans- La maison est en carton va fêter ses 5 ans en 2012… 5 ans de formé comme il le dit lui-même «en agent immobilier» et a ima- travail intense et passionné à sillonner les salons de littérature giné 76 textes aux tons très variés, poétiques, humoristiques, jeunesse pour se faire une place, à passer du temps avec les sensibles ; où humour et réflexion sont savamment réunis... illustrateurs pour faire aboutir ce qu’ils ont en tête. Voilà un des Thomas Scotto a un plaisir particulier «à dire beaucoup en peu aspects primordiaux de La maison est en carton : la combinai- de mots». Si ce livre est pour lui «une grande fierté» comme il me son entre le projet d’un artiste et la forme de l’objet créé doit l’a confié, c’est notamment parce que la place de Manon fut celle être parfaite. Manon Jaillet est présente durant toutes les étapes d’une véritable éditrice : patiente en même temps qu’exigeante, qui vont de la conception à l’impression. Souvent seule, elle elle suggère et fait avancer. De son côté, Manon garde en mémoire tient à conserver la taille de sa maison, une «maison à taille la belle expérience humaine que lui a permis de vivre ce livre. humaine», garante de la qualité tant des relations avec les artis- «Quand l’adresse est jolie, on veut y faire son nid. Et si la clé tes et ses clients, que du soin apporté aux productions. s’est envolée c’est encore mieux.». Voilà un extrait de Dans ma maison qui donne une belle idée de La maison est en carton : Un catalogue qui s’étoffe et des projets à foison c’est une maison-refuge que l’on a plaisir à retrouver et un for- Des collections sont venues étoffer le catalogue : «Boîtes à ima- midable espace de liberté où il est possible de créer. ges» (1 artiste, 1 boîte, 12 images), «Grandimages» (un paravent à déplier), «A mots découverts» (les mots gagnent finalement la maison avec des textes poétiques de Franck Prévot), «Tit’zic» (une comptine illustrée) et enfin «Carnet d’illustrateur» (un THOMAS SCOTTO COLLECTIF DE 76 ILLUSTRATEURS Dans ma maison La maison est en carton, 2010. Dès 6 ans. voyage dans l’univers d’un artiste), c’est la dernière-née des collections, qui a vu le jour fin 2011. Pour en savoir plus : www.lamaisonestencarton.com 17 18 LECTURES D’ALBUMS GEORGES LEMOINE : PETITS OBJETS – GRANDS EFFETS Je voudrais évoquer ici un aspect ludique dans le travail d’un artiste qui passe peut-être d’abord pour grave, à qui on a souvent demandé d’accompagner des textes plutôt classiques ou même tragiques : la présence de jouets et de divers objets dans l’œuvre de Georges Lemoine. PAR ULRIKE BLATTER interprétation délicate d’un conte célébrissime, mais aussi que dérangeait presque, telle une interruption réaliste dans un monde si onirique. Quelques pièces de monnaie, des cartes à jouer, mais surtout des marionnettes et un dragon en carton donnent une féerie rare au livre dédié à Mozart, édité en Suisse en 1988 ; jabots en dentelle aériens, bijoux et perruques nous charment aussi sans se faire par trop remarquer. Le jeune Wolfgang Amadeus luimême est représenté sur une des pages comme une marionnette qui aurait arraché ses ficelles pour courir vers la liberté… Dans un mouvement brusque, une sorte d’accelerando… Il y a Dans une production abondante couvrant maintenant des des compositions picturales dans cet album qui me semblent décennies, dans un parcours, divers certes déjà par les tech- posséder une musicalité digne de leur héros ! niques et l’évolution personnelle, nous pouvons pourtant déceler une prédilection constante pour certains objets, traduisant Objets emblématiques un esthétisme raffiné, rare dans les albums pour la jeunesse. Venons maintenant à un petit album Folio Cadet Or qui recèle effectivement mille pépites, je veux parler de La cour de récréation Objets aimables (1991). Dans les pourtours des pages imprimées, encadrant déli- Jouets ou simples détails agréables, colorés et faits pour accro- catement les vers de Claude Roy, nous trouvons tout un réper- cher le regard, ces objets aimables (à aimer), dont l’original est toire décoratif qui répond aux poèmes de l’intérieur et où l’on souvent travaillé artisanalement, sont parfois presque plus peut discerner, sans que cela ne gêne, des objets aussi prosaïques séduisants que les personnages un peu austères qu’ils accom- que des boutons et des allumettes, des pipes et des plumes, des pagnent… Voyez par exemple le bâton que le jeune garçon du barrières et des poulies. Les plumes – in facto à mi-chemin entre Livre de la Création tient à la main : avec ces jolies billes qui le règne animal et le monde utilitaire des hommes, à la limite du retiennent les bouts des cordelettes, nous le retrouvons, avec vivant et de l’inerte, je dois les mentionner ici, car, comme l’en- des cordes un peu éméchées, à la fin du Livre de Jonas, plein de crier, comme les crayons, elles symbolisent souvent l’écriture satisfaction un peu comme lorsqu’on redécouvre un objet per- dans les illustrations de Lemoine… Jean Perrot les a d’ailleurs sonnel que l’on avait cru égaré. qualifiées d’emblématiques dans un article paru en 2009 (Georges Il faut dire que le premier livre que Georges Lemoine nous ait offert – et cela a dû être en 1983, l’année de sa parution chez Lemoine, écrire – dessiner : «L’élévation de Georges Lemoine, malin Génie des lieux,» Editions Henri des Abbayes, 2009). Grasset – se trouve être un titre où les jouets ont vraiment le Parfois les détails susmentionnés se trouvent coupés en beau rôle puisqu’il s’agissait du Petit Soldat de plomb d’Andersen. deux, et cela fait penser à la bague précieuse de Barbedor sur la Lui, effectivement très petit, mais stoïque et vivant grâce à couverture de l’album du même nom. son regard intense (comme on le lui reproche, il n’a pas su garder Dans La petite Marchande d’allumettes (1999), les jouets n’appa- ses yeux dans sa poche), elle, d’abord un peu anodine, statique raissent que dans les visions de la pauvre fillette : aussitôt aper- (et pour cause !), puis parée d’une fascination grandissante. Je çus, ils vont à nouveau disparaître, tout comme les couverts me rappelle que nous étions tout de suite subjugués par cette étincelants, comme l’arbre de Noël. Par leur légèreté féerique, PAROLE 1/2012 I L LU S T R AT I O N S D E G E O R G E S L E M O I N E P O U R M O Z A RT , L A J O I E D E L I R E la page qui montre les enfants possédant tous ces jouets nous I L LU S T R AT I O N S D E G E O R G E S L E M O I N E P O U R L E L I V R E D E JO N AS , L E C E N T U R I O N 19 par leur teinte bleuâtre, ces pages (sur la troisième il ne reste que Cette étincelle de vie, n’est-ce pas aussi ce qu’un peintre la poupée et un rai de lumière surnaturelle), se distinguent tota- comme Oskar Kokoschka recherche en plaçant un objet fétiche lement du reste de l’album, dont le réalisme cru (le conte est à côté de ses personnes à portraiturer ? Lui qui collectionnait transposé à Sarajevo !), les couleurs sombres paraissent alors des récipients antiques ou des naturalia, des choses qui, par encore plus pesants. leurs qualités esthétiques ou leur mystère, avaient le don de PAROLE 1/2012 Mes derniers exemples sont proches de nous par la date de susciter son élan créatif ou son amusement, représentait aussi leur parution. Dans Intrépides petits voyageurs (2010), il ne s’agit parfois des jouets, simples ou saugrenus, qui nous surprennent que de jouets (Marcel le marin, Colombine la danseuse, Baptiste encore aujourd’hui, une trentaine d’années après sa mort, par l’acrobate et Firmin l’automobiliste) et en plus des jouets sortis leur présence sur la toile, l’originalité de leur rendu ! d’un petit album des années 1930 ! Que des tonalités de gris ! Et Georges Lemoine, si nous pensons maintenant à ses livres Ces quatre personnages font penser à des ombres éclairées pour adultes, ses carnets dédiés aux villes de Rouen, d’Amiens mystérieusement par le souvenir lointain de l’enfance. Un ou de Fribourg par exemple, a aussi l’habitude de représenter monde englouti dont la vie pourtant s’empare au fur et à des monuments ou des sculptures comme s’il les réinventait, mesure que l’histoire avance, que l’aventure se déroule… et que en choisissant ses détails, en les colorant en partie, en parse- nous retrouvons tout ce petit monde en pleine nature, dans un mant ses pages de personnages rencontrés, de chats… de univers foisonnant, subissant des intempéries, et s’éloignant moments de sa vie à lui. finalement beaucoup de leur modèle ancien. Un style nostal- Oui, il me semble que l’artiste, en tant qu’illustrateur et en gique, classique et subjectif à la fois, et un album très impres- tant que dessinateur, a été souvent à la recherche de cet objet à sionnant par la plasticité et la finesse du dessin à la mine de ressusciter : petites marionnettes ou sculptures anciennes, plomb ! jouets amusants ou détails folkloriques… L’important étant En 2011 a paru un album qui a comme héros le pantin de finalement que la vie les habite à nouveau. Gepetto, une sorte de poupée extrêmement habile, agile, dont le «Les riens, c’est là précisément ce que sait voir Georges corps stylisé a pour mission de représenter les lettres de l’al- Lemoine» écrit François Vié dans sa monographie de 1987 ; obser- phabet. Nullement en bois, nullement articulé, plutôt tout en vation reprise par Christine Plu dans son introduction du récent lignes et en souplesse, il renouvelle ce genre classique d’une volume «Poche Illustrateur» où l’artiste se trouve en excellente façon inédite. Drôle et élégant à la fois, souple et gai, L’Acrobaty- compagnie (André François, J.J. Grandville, Honoré Daumier, pographe réinvente son personnage, en s’approchant par le Saul Steinberg etc.). texte de ce qui est arrivé véritablement au personnage de Savoir les voir, ces riens, ces «peu de choses», mais aussi Pinocchio. Finalement cela ne va pas sans courbatures, et on est savoir les rendre à nouveau visibles, voilà ce qui parvient à nous content pour lui d’arriver à la lettre Z. impressionner aujourd’hui ! Etincelles de vie Mais que se passe-t-il lorsque nous essayons de comprendre des enfants (ou les grandes personnes !) absorbés par un jouet ? Le Livre de la création et Le Livre de Jonas ont paru aux éditions du Nous nous rappelons que celui-ci pouvait se révéler tout à coup Centurion, les textes sont de Pierre-Marie Beaude. Mozart, avec vivant ; en fait, au moment où nous avions investi assez d’amour un texte de Christophe Gallaz, a paru à La Joie de Lire. Et Intrépi- pour pouvoir y croire… Qu’il y avait là comme une étincelle de des petits voyageurs ainsi que Pinocchio l’acrobatypographe ont vie, laquelle permettait à la poupée, tombée dans l’herbe et à paru chez Gallimard Jeunesse / Giboulées. nouveau dans nos bras, de nous remercier par un petit clin Oskar Kokoschka – Cabinet de curiosités, catalogue édité sous la d’œil secret ! direction de Régine Bonnefoit et Roland Scotti, Steidl 2010. 20 COUPS DE CŒUR I L LU S T R AT I O N D ’ O L I V I E R T H I É B A U T LECTURES D’ALBUMS Plein Soleil aspect de la personnalité mise en scène. Les traits se délinéant A l’heure où les questions liées à l’avenir du livre se font pres- avec des médicaments appartiendraient donc à l’homme qui se santes, un album magnifique vient nous rappeler les charmes croit malade, la silhouette légère qui se dessine sur une tapisse- du papier : Plein Soleil, d’Antoine Guilloppé, à qui l’on doit aussi rie serait celle de l’homme invisible «qu’on pense qu’il n’est pas Pleine Lune, paru en 2010 et réalisé avec cette même technique là et pourtant si il y est»… du découpage en dentelles. Les textes de François David, autant de rêveries parfois drô- Tandis que la savane s’éveille doucement, le jeune Issa s’en les parfois graves, offrent une interprétation possible de ces va. Le long de son chemin, il rencontre les éléphants à la peau images insolites. Un travail créatif remarquable, où les jeux de tannée, les zébres qui boivent lentement, les léopards immobi- mots dialoguent d’un clin d’œil avec un étonnant répertoire de les dont le pelage se mêle aux herbes hautes, le crocodile, toute caractères humains. gueule ouverte où un petit oiseau est venu se percher. Mais où BARBARA BONARDI VALENTINOTTI animaux sauvages, noires d’un côté de la page, blanches de FRANÇOIS DAVID l’autre, créent un jeu de lumière mystérieux, mouvant, digne Les hommes n’en font qu’à leur tête d’un théâtre d’ombres chinoises. Les coupes tout en finesse, ILLUSTRATIONS D’OLIVIER THIÉBAUT Sarbacane, 2011. Dès 6 ans. soutenues par de rares touches dorées, renforcent le contraste. Au plaisir de la main qui vient caresser la page, s’ajoute celui Besti’Art d’un texte simple, bien rythmé, qui touche à l’essentiel et invite Livre d’histoire de l’art, cabinet de curiosités, ce magnifique au voyage, donnant à l’ensemble un léger suspense qui se bestiaire fait défiler devant nos yeux des œuvres, sculptures, dénoue joliment à la fin. Il y a de la magie dans ce moment de peintures, masques, de toutes les époques. lecture à faire partager. Avec Plein Soleil, l’auteur nous offre un Le fil conducteur : montrer la façon dont les artistes, de l’An- livre d’art, sompteux et envoûtant. tiquité jusqu’à nos jours, ont représenté des êtres fantastiques CÉLINE CERNY tirés de légendes et récits mythologiques, tels que le Sphinx, Cerbère ou le Minotaure. ANTOINE GUILLOPPÉ Plein Soleil Hachette / Gautier-Languereau, 2011. Dès 5 ans. Une mise en page soignée met en valeur les photos de ces pièces conservées dans plusieurs musées de France, d’Italie et des Etats-Unis. Des volets se dépliant permettent d’apprécier les images de grandes dimensions et favorisent également le dialo- Les hommes n’en font qu’à leur tête gue esthétique entre les œuvres. Les textes succincts offrent des Voici un livre original et ludique, qui associe de délicieux petits informations de qualité sur les différentes périodes historiques poèmes à de fascinantes illustrations explicitement inspirées ainsi que sur les courants artistiques. Sonia Chaine se penche des «têtes composées» d’Arcimboldo. Cet artiste italien, peintre sur la symbolique de ces créatures en expliquant que leur signi- officiel à la cour des Habsbourg au XVIe siècle, est connu pour ses fication peut être opposée d’une culture à l’autre : le dragon, bête portraits burlesques et allégoriques, assemblages de fruits, légu- satanique pour le christianisme d’Occident, est vénéré et consi- mes, fleurs et objets du quotidien, qui représentent symbolique- déré comme bénéfique en Orient. L’auteure tisse aussi des liens ment les saisons, les quatre éléments ainsi que des métiers. entre les croyances religieuses, le pouvoir politique en place et la Dans Les hommes n’en font qu’à leur tête, Olivier Thiébaut réus- représentation de ces animaux censés expliquer l’origine du sit la tâche ardue d’inventer des visages innovateurs tout en monde ou souvent utilisés pour semer la terreur. payant sa dette au maître. Ses physionomies de paille, d’ouate, BARBARA BONARDI VALENTINOTTI de fer, de bouts de journaux, d’ustensiles de toutes sortes, réveillent la curiosité du lecteur en l’invitant à se pencher sur SONIA CHAINE les innombrables détails de l’image. Le choix des matériaux qui Besti’Art composent les profils n’est pas anodin ; il suggère en effet un Milan, 2011. Dès 7 ans. PAROLE 1/2012 peut bien se rendre le chasseur ? Les silhouettes ajourées des 21 LECTURES D’ALBUMS I L LU S T R AT ION DE M ERVYN PE AKE Le livre des vrai faux inattendu entre le pirate sanguinaire et la Créature Jaune, sorte Cet album ingénieux utilise des arguments pertinents pour de caricature de faune aux yeux ronds. D’une originalité radi- inciter le lecteur à s’interroger sur les idées reçues propres à cale, Capitaine Massacrabord, avec ses personnages tantôt notre culture. La tortue serait-elle l’animal le plus lent comme inquiétants tantôt ridicules, donne l’occasion de découvrir le le suggère la fable Le Lièvre et la Tortue de Jean de la Fontaine ? talent de Peake, ses dessins aux allures baroques et aux fins tra- L’auteur passe au crible de nombreux lieux communs en expliquant leur origine : on découvre ainsi que certaines convic- cés dont l’expressivité est toujours remarquable. CÉLINE CERNY tions qu’on nous inculque depuis l’enfance s’appuient de manière erronée sur des textes littéraires, des chansons – Charlemagne n’a certes pas inventé l’école –, mais également sur le «bon» sens ; qui n’a jamais entendu dire qu’au pôle Nord il fait MERVYN PEAKE TRADUCTION DE PATRICK GYGER Capitaine Massacrabord La Joie de Lire, 2011. Dès 6 ans. PAROLE 1/2012 plus froid qu’au pôle Sud ? Une mise en page dynamique, jouant sur la taille des caractères, ainsi qu’une segmentation de l’espace en plages de diffé- Le bébé tombé du train rentes couleurs rendent cet ouvrage particulièrement attrayant Sorte de compromis entre le roman et l’album illustré, ce à la vue. superbe récit ne s’adresse pas aux tout jeunes lecteurs, sa Les illustrations ironiques et cocasses, sortes de vignettes volonté d’aborder le thème central de manière très symbolique humoristiques, facilitent la lecture en contrebalançant le nécessitant une certaine maturité et des connaissances de sérieux des textes avec une touche légère. Du monde des ani- l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. maux à la géographie, en passant par des sujets de société, les Anatole, un vieil homme reclus et triste, trouve dans son jar- nombreux thèmes abordés sont censés satisfaire tous les curieux. din un tout petit enfant. D’abord surpris, dérangé dans sa soli- Un travail bien documenté à lire pour savoir de quoi on parle lors- tude volontaire, il se laisse néanmoins troubler et accepte ce qu’on affirme que les éléphants ont une excellente mémoire… cadeau de la vie. Il accueille ce petit être qu’il baptise Virgile. BARBARA BONARDI VALENTINOTTI Cette relation le remet miraculeusement en contact avec luimême. Il réapprend à exister et découvre avec émerveillement GÉRARD DHÔTEL ILLUSTRATIONS DE BENOÎT PERROUD Le livre des vrai faux La Martinière, 2012. Dès 8 ans. la valeur du lien, le bonheur de donner et de recevoir. Le récit met face à face deux êtres aux extrémités de la vie, aux destinées si éloignées, que rien ne prédisposait à faire se rencontrer mais qui se sauvent mutuellement. La vie cependant va se charger de donner un sens encore Capitaine Massacrabord plus profond à tout cela, les confrontant à sa vérité. Il y a des livres au destin cruel. C’est le cas de Capitaine Massacra- Trois couleurs pour les illustrations fortes qui s’apposent en bord, premier ouvrage du Britannique Mervyn Peake, publié en aplats sans nuances. Elles dévoilent subtilement ce que les mots 1939 mais dont le stock brûle dans un incendie. Bien que rééditée ne disent pas. Le noir, le blanc et le jaune qui implicitement porte après la mort de son auteur, cette aventure de pirates farfelus le sens, symbolise la renaissance, la lumière et évoque l’étoile de restait introuvable. C’est dire si cette première édition française, David. La présence de quadrillages répétitifs, la récurrence de dans une traduction de Patrick Gyger, est une heureuse surprise. tracés de voie de chemin de fer, ces rappels linéaires allusifs A bord du Black Tiger, le Capitaine Massacrabord et ses marins, Billy Bouteille aux bras interminables ou Garry Garrot fonctionnent en métaphores et interpellent la mémoire. BRIGITTE MEMBREZ et ses tatouages, partent à la découverte d’une île rose. Parmi les étranges créatures du lieu, il y en a une, «luisante comme du beurre», que les matelots capturent et à laquelle le Capitaine va vite s’attacher. L’histoire se développe autour de cet amour JO HOESTLANDT ILLUSTRÉ PAR ANDRÉE PRIGENT Le bébé tombé du train Oskar / Trimestre, 2011. Dès 8 ans. 22 ANNIVERSAIRE LA JOIE DE LIRE A 25 ANS Installées au 5, chemin Neuf, les éditions genevoises La Joie de lire semblent des plus épanouies et rayonnent sur un marché du livre pourtant frileux. A travers le regard comblé qu’elle porte sur son catalogue, leur directrice Francine Bouchet confie à Parole son enthousiasme intact à semer partout et toujours la joie de lire qui l’habite... ENTRETIEN AVEC CLAUDE-ANNE CHOFFAT notre premier héros et sa talentueuse illustratrice si attachante ; Marta et la montgolfière, autre héroïne à la volonté toute personnelle ; Le Temps des mots à voix basse, sous la plume si exigeante d’Anne-Lise Grobéty, les textes pour la jeunesse de S. Corinna Bille rassemblés dans une pièce de notre maison ; la collection P H OTO G R A P H I E D E V I N C E N T CA L M E L De ville en ville, comme un prolongement à notre premier docusemble-t-il, de notre travail littéraire ; et bien d’autres encore... Ces «incontournables» correspondent-ils à vos meilleures ventes et à ce propos, un éditeur est-il toujours en mesure de prédire ses succès ? Certains titres ont eu une belle carrière, d’autres pas du tout ! Si l’on pouvait anticiper, le métier serait moins intéressant ! Nous Francine Bouchet, vous dirigez les éditions La Joie de lire faisons bien sûr des pronostics, nous équilibrons nos prises de depuis leur création en 1987. Acceptez-vous de partager avec risque. Mais, comme dans la vie, tout reste aléatoire. les lecteurs de Parole quelques souvenirs marquants de ces 25 années à la tête d’une maison qui s’est admirablement Votre ligne éditoriale me paraît d’ailleurs plutôt audacieuse, développée, jusqu’à devenir un édifice incontournable de la avec des ouvrages originaux et diversifiés, répondant à des littérature de jeunesse ? exigences à la fois intellectuelles, culturelles et éthiques. Est- Une mosaïque me vient à l’esprit : des palettes de livres dans ce, à vos yeux, un gage de qualité, une marque de fabrique ? mon garage ; dans une banlieue parisienne pas très engageante, Notre catalogue est un chemin de lectures. A nos débuts, nous un enfant tenant la main de son grand-père et de l’autre un sac passions avec appétit d’un livre à un autre, comme un lecteur le Milton ; le regard et la voix de Maurice Chappaz dans sa cuisine ferait dans sa bibliothèque. La contrainte des collections et l’ar- au Châble, où mon amie Anne Salem et moi-même étions ticulation générale du catalogue nous ont amenés à faire des conviées parfois ; un éditeur américain qui, le premier, nous a choix plus «conscients» dans un paysage culturel qui est le acheté des droits, Albertine et Germano me présentant timide- mien et celui de ceux qui ont croisé ma route. Si vous tenez à la ment Le Petit Fantôme. Chaque souvenir pourrait faire l’objet marque de fabrique, je verrais une certaine exigence qui écarte d’une histoire… la complaisance et tend à la justification absolue de chaque parution. N’oublions pas que nous avons une grande responsa- Votre univers semble justement peuplé d’histoires, éditées bilité face au jeune public, d’où l’éthique que vous mentionnez. ou pas (encore)… Parmi les 350 que vous avez publiées, pouvez-vous nous faire part de vos préférées ? Cette responsabilité que vous assumez précisément face aux Difficile de parler de préférés pour ses propres «enfants» ! Evo- jeunes consiste-t-elle avant tout à leur transmettre le goût de quons plutôt ceux qui ont marqué le catalogue : Corbu comme le la lecture ou votre objectif principal est-il d’un autre ordre ? Corbusier, le premier, celui qui se voulait différent de ceux qu’on C’est transmettre d’abord le plaisir de lire. Une «bonne» lecture voyait alors sur les tables des libraires, un documentaire autre nourrit l’imaginaire et participe à la construction de l’identité. qui suggère sans expliquer, un anti-livre scolaire... Moi Milton, Une lecture libre, sans contrôle, sans regard de l’adulte. Nos livres PAROLE 1/2012 mentaire ; enfin les Rétroviseur, un développement original, me ANNIVERSAIRE sont également une sensibilisation à l’esthétique, à l’humour. Ils Encrage) et des Gratte-ciel d’Albertine et Germano Zullo. De conduisent à leur manière à la connaissance. plus, deux bandes dessinées de votre catalogue peuvent être téléchargées via l’App store des iPad et iPhone. Comment La PAROLE 1/2012 Pensez-vous que les pratiques de lecture des enfants ont évo- Joie de lire vit-elle ce nouveau défi numérique ? lué depuis vos débuts dans le métier ? A l’heure des multiples Nos développements Internet ne sont pas encore au stade de la sollicitations technologiques, comment se porte, selon vous, conquête ! Nous allons commencer la numérisation de tous les le livre de jeunesse ? textes de notre catalogue et avons rassemblé une petite équipe Je préfère parler de transformation plutôt que d’évolution... Cer- qui développe un principe d’albums. L’expérience de la BD n’est tes, la période que nous vivons est très riche en nouvelles qu’un ballon d’essai. La période que nous vivons est certes pas- découvertes. L’important, me semble-t-il, est de ne pas se limi- sionnante, mais méfions-nous de la poudre aux yeux. Notre cap ter au divertissement. La maîtrise de l’écrit demeurant un fac- doit être maintenu. Question sens, choix et exigence ! Et quoi teur d’adaptation essentiel dans la société, on ose espérer que qu’on en dise, le modèle économique n’est pas encore là. la lecture résistera. On sait que le problème est socioculturel. Si les enseignants ne croient plus qu’au chant des sirènes, alors... Quant au marché du livre, comment se porte-t-il ? Mais je reste optimiste, surtout lorsque je vois le nombre impor- Plutôt mal, il faut bien le dire, surtout en France. En Suisse, nous tant de bons livres publiés pour la jeunesse aujourd’hui. espérons très fortement que la loi sur le prix unique passe... Il est évident que le paysage des librairies va encore se modifier et Vos diverses collections s’adressent aux enfants et aux jeunes. que nous devrons trouver des solutions pour nous adapter. Nos Pourquoi vous limiter à ce public ? nombreuses ventes de droits à l’étranger nous ont bien aidés Bonne question ! J’ai toujours eu la tentation de passer le gué... l’année dernière. Espérons que ça continue ! et je n’ai pas dit mon dernier mot encore... Mais revenons à nos petits moutons : le jeune public est une formidable espérance, Si l’on en vient, Francine Bouchet, à votre parcours personnel : toutes ses portes sont encore ouvertes. On les voit parfois se fer- vous avez dû cumuler tout un lot de savoir-faire, avec les sen- mer si vite. Notre rôle est bien de les maintenir ouvertes à tous sibilités qu’ils impliquent. De l’invasion de votre garage à la les vents de la connaissance, du rêve, du rire, de la profondeur. conquête de talents artistiques, en passant j’imagine par une importante gestion administrative, votre métier semble des Votre récente collection Encrage s’adresse, quant à elle, aux plus exigeants. Était-ce pour vous une vocation ? adolescents dès quinze ans. Comment a-t-elle été accueillie C’est une vocation pour tous les éditeurs qui ont un projet exi- par ces adultes en devenir ? geant, qui respectent leurs lecteurs et qui font passer leur idéal Il est plusieurs façons de faire de l’édition, on peut répéter les avant les intérêts économiques. exercices des autres, suivre la mode, enquêter auprès des lecteurs etc. Il suffit de regarder les livres pour les adolescents sur Quels sont désormais vos projets ? Et quel avenir se dessine les tables des libraires, pour comprendre que la collection pour votre maison d’édition ? Encrage est à contre-courant. Son «emballage», ses couvertures Dans l’immédiat, en plus de notre programme courant, nous ont une unité subtile, grâce au talent de Tullet, pour des conte- allons proposer deux nouvelles maquettes de couverture pour nus diversifiés. Chaque livre, comme chaque lecteur, est unique. remplacer la collection Récit qui s’appellera Hibouk... cet oiseau Cette collection est notre manière d’aller à la rencontre de ce étant notre emblème. C’est Albertine qui illustrera au trait les dernier, que nous croyons capable de goûter à des genres divers. couvertures des textes pour les 7/10 et des photos seront choi- Les ventes sont au rendez-vous, du moins dans notre modèle sies pour celles des textes pour les 10/13. Des parutions dans économique... cette nouvelle collection sont prévues tous les deux mois, avec à chaque fois au moins, une nouveauté et deux textes de notre Le site Youtube permet actuellement de visionner des clips de fonds. Pour les grands projets, il faudra attendre l’automne 2012 présentation du roman Tarja (de Jean-Noël Sciarini, coll. et le printemps 2013. Ils se préparent dans le grand secret ! 23 24 P H OTO G R A P H I E S D E R É G I N E B A R AT AROLE ET LE BUREAU ROMAND DE L’INSTITUT L’ISJM ET JEUNESSE ET MÉDIAS.AROLE membres de l’association Forum suisse leurs conséquences. Selon lui, la lecture L’avenir du lire débattu aux Journées d’AROLE sur la lecture, dont l’assemblée générale sur internet est une pratique sociale qui 2011 s’est tenue en marge du colloque. ouvre peu sur l’imaginaire. Lecture, écri- Les Journées d’AROLE 2011 ont eu pour thème Avec la thématique L’avenir du lire, ture et interaction sont profondément L’avenir du lire. Elles se sont déroulées les 18 et l’ISJM a souhaité s’intéresser aux pro- liées et les jeunes cherchent à exister 19 novembre à l’Université de Lausanne (UNIL) ductions culturelles pour la jeunesse sur socialement en mobilisant les autres et ont réuni plus de cent cinquante personnes. les nouveaux supports de la lecture. En usagers autour de leur existence «vir- conférence d’ouverture, Cécile Desbois- tuelle» dans les réseaux sociaux. consécutive, Muller a présenté un panorama non Trois auteurs ont proposé leurs points l’Institut suisse Jeunesse et Médias (ISJM) exhaustif de livres numériques dévelop- de vue sur ce nouveau champ de l’édition. a organisé ce colloque en collaboration pés pour les iPad. De sa contribution se Hervé Tullet a présenté son application avec l’Interface sciences société de l’UNIL. dégageait l’idée que les applications pour enfants Un jeu. Marie Desplechin a Cette collaboration permet notamment existantes témoignent d’une créativité raconté ses expériences dans le numé- d’ancrer cette manifestation dédiée à la en devenir, même si les produits actuels rique, notamment dans le cadre du projet culture pour l’enfance et la jeunesse dans sont esthétiquement souvent pauvres et Smartnovel pour lequel elle a rédigé La un cadre académique et d’intéresser des les thématiques rarement originales. belle Adèle. Et Daniel de Roulet a discuté chercheurs romands aux problématiques Ainsi, ces livres numériques cherchent à des contradictions liées à sa pratique de la lecture et de la littérature jeunesse rappeler l’imprimé, en imitant manifes- d’auteur, créateur solitaire dans son scrip- en leur proposant d’imaginer une confé- tement par exemple le bruit d’une page torium, et des exigences d’une production rence en lien avec le thème. qui se tourne, et les scénarios revisitent numérique qui nécessite de nouvelles fréquemment les classiques comme les compétences et un travail en équipe. Pour la deuxième fois Cette année, ce sont Olivier Glassey, responsable de recherche à l'observatoire contes traditionnels. Pour clôturer le colloque, Christian Science, Politique et Société de l'Univer- Frédéric Kaplan s’est intéressé aux Gallimard a proposé son analyse du sité de Lausanne, et Frédéric Kaplan, potentiels de ces nouveaux supports en champ de l’édition face aux nouvelles chercheur à l’EPFL et spécialiste des nou- envisageant quels sont les spécificités et technologies. Le directeur des éditions velles interfaces et de l'intelligence artifi- les possibles liés à ces nouvelles façons Calligram, tout en soulignant que le cielle, qui se sont prêtés au jeu. de faire des livres. Pour lui, les applica- numérique a été introduit dans les pro- Pour la première fois, les Journées tions numériques pour la jeunesse cessus éditoriaux dès les années 1970, a d’AROLE ont bénéficié de la collaboration représentent une forme de création qui, soutenu que l’ensemble des acteurs de la de la Bibliothèque cantonale et universi- à l’image du cinéma, implique la collabo- chaîne du livre devra réorganiser ses acti- taire – Lausanne (BCUL). Cette dernière a ration entre différents acteurs : scénaris- vités pour répondre aux transformations proposé une bibliographie thématique tes, illustrateurs, metteurs en son, gra- liées aux nouveaux médias. Il a aussi remise aux participants (vous pouvez télé- phistes, musiciens, narrateurs, etc. Cette souligné son intérêt pour les applications charger ce document sur le site internet articulation impliquerait le développe- numériques qui apparaissent comme un www.isjm.ch), et dont les livres étaient ment de produits culturels uniques et complément intéressant aux imprimés. directement empruntables sur son stand. novateurs, contrairement à l’adaptation Dans le cadre du colloque, l’ISJM a de livres imprimés en livres numériques, Journées proposé aux participants d’explorer les qui témoignerait plutôt d’un processus Isabelle Decuyper, attachée au Ministère nouvelles lectures en mettant à disposi- de standardisation. Mais il apparaît éga- de la fédération Wallonie-Bruxelles, et tion des liseuses et des iPad prêtés par la lement que ces nouvelles productions Régine BCUL et la Bibliothèque de l’Institut et du sont très coûteuses, ce qui freine leur Contalyre (Belgique), sur www.ricochet- Musée d’ethnographie de Neuchâtel. développement. jeunes.org (Rubrique «Le Magazine» – Les Journées d’AROLE 2011 ont égale- Olivier Glassey a discuté des nouvel- ment servi de lieu de rencontre aux les habitudes des jeunes lecteurs et de Retrouvez l’article témoignant des d’AROLE Barat, 2011 membre rédigé de Libres propos – L’avenir du lire). YVAN VON ARX par l’ASBL PAROLE 1/2012 Marie Desplechin dédicaçant l’un de ses ouvrages pendant les Journées d’AROLE. 25 AROLE ET LE BUREAU ROMAND DE L’INSTITUT P H OTO G R A P H I E S D E G E N E V I È V E I N G O L D Quelques moments d’animations en portugais et en tamoul : une maman lit à son enfant, la découverte précoce de la lecture par un bébé, l’émerveillement des enfants à l’écoute d’un conte... L’ISJM ET JEUNESSE ET MÉDIAS.AROLE été conduit dans différents quartiers de Le Prix Enfantaisie 2012 la ville. Résultats le 25 avril, à Genève ! Comme chaque année, le Prix Enfantaisie A propos de la participation des parents, le constat est général. La plupart Les animatrices, elles-mêmes issues du temps, au début, les parents restent de la migration, ont suivi trois jours com- en retrait, laissant prendre l’essentiel de plets de formation. la place aux animatrices. Au fil des ani- PAROLE 1/2012 sera remis au Salon international du livre Pour informer et atteindre le public- et de la presse de Genève. La cérémonie cible, des flyers dans les huit langues du apparaissent, les parents prennent une officielle et la remise du prix d’une valeur projet, ainsi qu’en français, ont été dis- part progressivement plus active. de cinq mille francs se dérouleront le tribués de main à main, avant tout par Diverses animatrices ont eu l’occa- mercredi 25 avril 2012. Organisé en colla- les animatrices elles-mêmes. La plupart sion d’expérimenter que la mémoire vive boration avec Payot libraire, le Prix d’entre elles ont fait un gros investisse- se réveille au contact d’une autre Enfantaisie bénéficie cette année et pour ment de promotion (dans les centres mémoire. Ainsi, quand il est demandé la première fois du soutien de la Radio religieux, les magasins et commerces de aux parents s’ils se souviennent d’un Télévision Suisse (RTS). Ce partenariat leurs communautés, leurs réseaux, les chant à partager, la réponse est souvent s’est concrétisé notamment par la parti- lieux centraux du quartier). Elles se sont, négative. Mais quand un chant est initié cipation, en mars, d’écoliers de Bulle (FR) d’une manière générale, senties très bien par l’animatrice, il y a spontanément des à l’émission des Zèbres présentée par accueillies. Des affiches, des courriels, pans de mémoire qui s’activent chez Jean-Marc Richard, le parrain du prix qui des newsletters ont également participé chacun, et une émotion perceptible de animera la cérémonie du 25 avril. à l’information autour du projet. renouer avec son enfance. Toutes les informations sur www.isjm.ch mations cependant, des évolutions En ce qui concerne la fréquentation Durant la phase pilote, les bases pour des animations par les familles, nous l’enracinement du projet en ville de pouvons avancer quelques commentai- Lausanne ont été posées, avec un res. En moyenne, 8 personnes ont parti- enthousiasme extraordinaire de la part L’ISJM ET JEUNESSE ET MÉDIAS.AROLE cipé aux animations, mais ces chiffres des animatrices, des formatrices et de la «1001 histoires dans les langues du monde» recouvrent des réalités fort diverses coordinatrice et responsable de projet, Premier bilan de la phase pilote allant de 0 à 27 personnes. Les familles se Geneviève Ingold. L’analyse plus détaillée révèlent fidèles puisque, pour la plupart de la démarche devrait nous permettre Parole 3 / 11 annonçait le lancement, dans des langues, les mêmes familles sont de corriger certains choix, d’approfondir la commune de Lausanne, de la phase venues plusieurs fois. Cela est encoura- certains aspects en formation continue pilote du projet 1001 histoires, en partena- geant pour la poursuite du projet. et de toucher et fidéliser un plus grand YVAN VON ARX riat avec le Bureau lausannois de l’intégra- A propos de la perception des objec- tion des immigrés et grâce au soutien du tifs de 1001 histoires, les animatrices Travailler dans le domaine de l’éveil Bureau vaudois de l’intégration des immi- constatent que certains parents ont de la au langage et à la langue du récit auprès grés. A l’heure où nous tirions un premier difficulté à saisir à quoi servent les ani- des familles et des bébés est un travail bilan de cette étape, nous apprenions que mations. Ils arrivent parfois avec des peu spectaculaire, où les résultats ne le projet pourrait se poursuivre en 2012. attentes scolaires (apprendre à écrire, à sont pas immédiats, où les subventions Spécifiquement destiné aux familles traduire d’une langue à l’autre, etc.). sont à négocier. migrantes allophones avec enfants d’âge Raconter, lire avec les bébés… peut heur- Mais c’est surtout un travail indispen- préscolaire, 1001 histoires propose des ren- ter des convictions personnelles, comme sable, qui augmente les chances de contres autour des histoires et des livres cette maman pour qui cela ne fait pas de chaque enfant de maîtriser un jour l’écrit en langue d’origine. Pour les huit langues sens de raconter des histoires à un bébé et de développer un monde intérieur du projet – albanais, bosnio-serbo-croate, qui ne comprend pas ; son bébé pourtant riche, facilitant la lecture et l’interpréta- espagnol, portugais, somali, tamoul, tigri- était parmi les plus attentifs des enfants tion du monde. nia et turc – , un cycle de 6 animations a présents. BRIGITTE PRAPLAN nombre de familles allophones. 26 MENTIONS ET PRIX / INFORMATIONS INFORMATIONS Le Prix Pitchou 2012 du Salon du livre de Saint-Paul-Trois-Châteaux a été attribué à l’Abécédaire de Pascale Estellon, aux éditions Les Grandes Personnes. Le Prix Sésame, décerné par un jury de collégiens après lecture d’une sélection de cinq ouvrages, est quant à lui revenu à La ballade de Sean Hopper de Martine Pouchain, paru dans la collection Exprim’ des éditions Sarbacane. Bibliographie Depuis plusieurs années, les Bibliothèques Municipales de la Ville de Genève éditent une bibliographie en rapport avec le thème annuel choisi par l’Eveil culturel et artistique de la petite enfance et le Service de la petite enfance. En 2011, la bibliographie a traité le thème de «la ville». La Ville, mon doudou et moi propose une sélection de documents s’adressant à de tout jeunes lecteurs (0-6 ans). Telle une promenade, cette bibliographie invite à un bout de chemin en partant de l’habitat, la maison, pour sortir vers la rue, le quartier – environnements quotidiens de l’enfant – puis passer à la ville tout entière, avec les infrastructures qui la caractérisent. Parallèlement à ce parcours linéaire, certains aspects jugés intéressants ont été mis en valeur, comme par exemple les laissés-pour-compte de la ville, les moyens de transport, les bruits de la ville, les chantiers et engins de chantier, mais aussi la ville à travers le temps et le phénomène d’urbanisation. Les ouvrages de fiction sont plus largement représentés et ont été clairement privilégiés ; ils abordent les thématiques de façon plus fine et plus nuancée et sont plus à même de mettre l’accent sur la ville vécue, la ville découverte et expérimentée par l’enfant, où ce dernier va pouvoir se reconnaître. Les ouvrages présentés dans la bibliographie peuvent être empruntés ou consultés aux Bibliothèques municipales de Genève. Pour plus d’informations, vous pouvez consulter le site : www.ville-ge.ch/bmu. Vous y trouverez aussi une version de la bibliographie en ligne. Une belle invitation à poursuivre cette promenade à travers maisons, rues et villes que Parole vous propose en ce début d’année ! Voici les prix distribués lors du 24e Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil : Pépite de l’album 2011 : Le Roi des oiseaux de Gwendal Le Bec, Albin Michel Jeunesse. Pépite du 1er album : Mäko de Julien Béziat, Pastel. Pépite du roman ado européen : Une dernière chance de Seita Parkkola, traduction de Johanna Kuningas, Actes Sud junior. Pépite du documentaire : Enfants de tous les temps, de tous les mondes, collectif sous la direction de Jérôme Baschet, Gallimard Jeunesse / Giboulées. Pépite Coup de cœur de l’équipe du Salon, récompensant un livre «inclassable», autrement dit qui ne correspond pas aux critères traditionnels de l’édition jeunesse : Le haret québécois et autres histoires d’Anna Boulanger, éditions Attila. Voici deux ouvrages que les participants aux Journées d’AROLE 2011 connaissent bien pour avoir entendu leurs auteurs s’exprimer à leur sujet lors des conférences : Pépite de la création numérique : Un Jeu d’Hervé Tullet, Bayard, d’après Un livre paru aux éditions Bayard jeunesse. Pépite du livre d’art : Mon petit théâtre de Peau d’Âne de Marie Desplechin et JeanMichel Othoniel, éditions Courtes et Longues. Pépite de l’adaptation, catégorie Courts et moyens métrages : L’homme en colère, réalisé par Anita Killi d’après Sinna Mann de Gro Dahle et Svein Nyhus (Cappelen Verlag). Pépite de l’adaptation, catégorie Séries télévisées : Nini Patalo, réalisé par Boris Guilloteau, écrit par Lisa Mandel et Laurent Sarfati d’après l’œuvre de Lisa Mandel (Glénat). A noter que le Prix Tam-Tam du Salon du Livre et de la Presse Jeunesse de Montreuil fait peau neuve ! Une nouvelle formule voit le jour : six romans sont soumis aux jeunes lecteurs qui votent eux-mêmes, ce mois de mars, pour leur ouvrage préféré. Résultat dans notre prochain numéro. Le Festival international de la bande dessinée d’Angoulême a distingué les auteurs suivants : Le Fauve d’Or ou Prix du meilleur album est attribué à Chroniques de Jérusalem de Guy Delisle (Delcourt). Le Fauve d’Angoulême ou Prix spécial du jury est attribué à Frank et le congrès des bêtes de Jim Woodring (éditions L’Association). Le Fauve Jeunesse est attribué à Zombillénium, Tome 2 : Ressources humaines d’Arthur de Pins (Dupuis). Tous les prix sont sur www.bdangouleme.com Le prix Goncourt des lycéens a été attribué au récit Du domaine des murmures de Carole Martinez, Gallimard. Un jury d’élèves suisses romands a lu neuf «romans de Romands» avant d’élire leur préféré : le texte lauréat de la 3e édition du prix Génération nouvelle est Angeles de U. B. Reynald Freudiger (L’Aire). ALESSANDRA BERNASCONI PAROLE 1/2012 I L LU S T R AT I O N D E J U L I E N B É Z I AT P O U R M Ä KO ( PA S T E L ) MENTIONS ET PRIX 27 D E SS I N D ’A N D R É F R A N Ç O I S CALENDRIER PAROLE 1/2012 André François, le Phœnix En juillet 1945, André François s'installe avec sa femme et ses deux enfants à Grisy-les-Plâtres, petit village du Vexin devenu mythique dans le monde des arts graphiques. En 1973, il investit un nouvel espace construit, dans le jardin, sur les plans de son fils Pierre, architecte. André François fut sculpteur, peintre, décorateur de théâtre, affichiste, graveur, illustrateur de livres et dessinateur de presse. Dans ce bel atelier de 140 m², il peut stocker tous les matériaux et supports nécessaires à sa création et accumuler non seulement ses œuvres, mais aussi des archives abondantes et variées, correspondance, revues, livres... Dans la nuit du 7 au 8 décembre 2002, l'atelier s'enflamme. La mémoire d'une vie entièrement vouée aux arts a été dévorée dans l'enfer de l'incendie. Les toiles et sculptures sont brûlées, ainsi que la plupart des œuvres sur papier, livres et documents. Quelques affiches, estampes et dessins, aux bords carbonisés, sont encore lisibles et ont pu être conservés. André François décède le 11 avril 2005. Quant aux œuvres récupérées dans les décombres, elles dormaient, depuis l'incendie, entassées dans «la petite maison au fond du jardin». Quelque cent-cinquante de ces dessins meurtris, mais encore bien vivants, sont présentés pour la première fois, avec un catalogue, jusqu’au 15 mai 2012, au Centre André François. JANINE KOTWICA André François, le Phœnix Dessins rescapés de l'incendie de l’atelier Commissariat : Janine Kotwica Centre André François Centre Régional de Ressources sur l’Album et l’Illustration 70 rue Aimé Dennel F – 60280 Margny-lès-Compiègne Tél. : + 33 3 44 36 31 59 [email protected] CALENDRIER Jusqu’au 30 mars 2012 Exposition Béatrice Poncelet à La Galerie l’Art à la page. 12 rue Servandoni, Paris 6e Tél. : + 33 1 43 57 84 95 Jusqu’au 21 avril 2012 A la Bibliothèque médiathèque municipale de Vevey : Les éditions La Joie de lire ont 25 ans ! La Joie de lire présente son travail dans une exposition ouverte aux grands et aux petits, en mettant à l’honneur l’ouvrage de Mervyn Peake, Capitaine Massacrabord. Quai Perdonnet 33, 1800 Vevey Tél. : 021 925 59 60 Jusqu’au 15 mai 2012 «André François, le Phœnix» Le Centre André François, inauguré en septembre 2011 à Margny-lès-Compiègne, présente les dessins rescapés de l'incendie de l’atelier de l’artiste. Voir aussi Informations ci-contre. Du 20 mars au 1er avril 2012 Fête du livre de jeunesse de Villeurbanne L’invité d’honneur est Hervé Tullet. fetedulivre.villeurbanne.fr Du 20 au 22 avril 2012 Le Salon du livre de jeunesse LitteraDécouverte se tiendra à Saint-Maurice, en Valais. On pourra y rencontrer en particulier l’illustratrice Isabelle Chatellard, on y découvrira les noms des gagnants du concours d’écriture sur le thème des «Souvenirs d’enfance», on y fera beaucoup d’autres découvertes encore ! www.litteradecouverte.com Le 23 avril 2012 Dans le cadre de la Journée mondiale du livre, Germano Zullo et Albertine donnent une conférence sur le thème de la bibliothèque idéale. Quels sont les livres qui ont marqué les auteurs et comment ont-ils influencé leur travail ? A la Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne. Palais de Rumine. Entrée libre, la conférence débute à 19h. Du 25 au 29 avril 2012 Le Salon du livre de Genève a une nouvelle fois changé de responsable. C’est Isabelle Falconnier qui en assume désormais la présidence. Cette 26e édition aura pour hôte d’honneur le Maroc, et comme chaque année une large place est réservée à la littérature pour la jeunesse. Et on y fêtera les 25 ans de La Joie de lire ! www.salondulivre.ch Du 18 au 30 mai 2012 Les 34es Journées Littéraires de Soleure auront lieu comme toujours lors du week-end de l'Ascension. Le programme sera publié en avril sur le site : www.literatur.ch Du 22 au 26 mai 2012 Festival «Livre et petite enfance» sur la promenade des Bastions, à Genève. Du 6 au 9 juin 2012 Le Festival du livre de jeunesse d’Annemasse, ce sont trois jours de fête autour de cette littérature ; tous les acteurs du livre y seront représentés… Le thème de cette année : «Miroir, que lis-tu ?» Au Parc Montessuit, à Annemasse. www.festivaldulivrejeunesseannemasse. blogspot.com Du 23 au 26 août 2012 C’est à Londres qu’aura lieu le 33e congrès d’IBBY, sur le thème «Traverser les frontières : traductions et migrations.» www.ibbycongress2012.org Le 9 novembre 2012 La Nuit du conte, événement national désormais incontournable, aura pour thème cette année «Tout feu, tout flamme». www.jm-arole.ch et [email protected]. U. B. 28 INDEX / IMPRESSUM INDEX DES TITRES PRÉSENTÉS BOTTERO, PIERRE. Tour B2, mon amour. P. 15 CALI, DAVIDE ; BOUTAVANT, MARC. Coccinelles cherchent maison. P. 14 CHAINE, SONIA. Besti’Art. P. 20 COLLECTIF D’ILLUSTRATEURS. Rue de l’Articho. P. 14 DAVID, FRANÇOIS ; THIÉBAUT, OLIVIER. Les hommes n’en font qu’à leur tête. P. 20 DHÔTEL, GÉRARD ; PERROUD, BENOÎT. Le livre des vrai faux. P. 21 GUILLOPPÉ ANTOINE. Plein Soleil. P. 20 HIRSCH, FLORENCE ; DUMAS, PHILIPPE. Je cherche les clés du paradis. P. 14 HOESTLANDT, JO ; PRIGENT, ANDRÉE. Le bébé tombé du train. P. 21 PEAKE, MERVYN. Capitaine Massacrabord. P. 21 SAINT-VAL, FLORIE. Mon voyage dans la maison. P. 16 SCOTTO, THOMAS ; COLLECTIF DE 76 ILLUSTRATEURS. Dans ma maison. P. 17 SERRES, ALAIN ; CANNARD, EDMÉE. Ma maison bleue. P. 16 TOLMAN, MARIJE ET RONALD. Le livre qui rend heureux. P. 16 IMPRESSUM Parole est la revue des membres de Jeunesse et Médias. AROLE. C’est une publication de l’Institut suisse Jeunesse et Médias. Adresse : Saint-Etienne 4, CH – 1005 Lausanne Tél. / Fax : + 41 21 311 52 20 [email protected] www.jm-arole.ch et www.isjm.ch RESPONSABLE DE LA RÉDACTION : Sylvie Neeman, [email protected] Nouvelle-Héloïse 8, CH – 1815 Clarens. Tél. + 41 21 964 24 48 CORESPONSABLE : Ulrike Blatter, tél. + 41 21 963 36 42 RESPONSABLE DE LA RÉDACTION D’AS-TU LU ? : Claude-Anne Choffat, tél. + 41 32 471 19 58 ONT PARTICIPÉ À CE NUMÉRO D’AS-TU LU ? : Barbara Bonardi Valentinotti, Céline Cerny, Claude-Anne Choffat, Gaëlle Farre, Véronique Mertenat, Sylvie Neeman, Véronique Perret, Karine Richard et Françoise Zutter. RELECTURE : Elsa Neeman Nous remercions pour leurs services de presse les éditeurs dont les livres sont distribués en Suisse par Diffulivres, La Joie de Lire, OLF, Servidis et Zoé. Les membres de Jeunesse et Médias.AROLE reçoivent Parole gratuitement. Ils reçoivent en outre des informations, des bibliographies, bénéficient de conditions avantageuses pour la location d’expositions et de réductions sur les Journées d’AROLE et autres manifestations. POUR DEVENIR MEMBRE DE JEUNESSE ET MÉDIAS.AROLE, COTISATIONS 2012 : Membres individuels en Suisse : Fr. 50.– Membres individuels à l’étranger : Euros : 40.– Membres collectifs en Suisse : Fr. 100.– Membres collectifs à l’étranger : Euros : 70.– Pour recevoir uniquement la revue Parole : Fr. 35.– ou Euros : 30.– pour l’étranger Prix au numéro : Fr. 12.– TIRAGE : 1200 exemplaires. Paraît trois fois par année. CONCEPTION GRAPHIQUE : Prill, Vieceli, Albanese. Adaptation du concept pour Parole : Sabina Albanese. MISE EN PAGE, IMPRESSION ET ENVOI : Swissprinters Lausanne SA, Renens. Les articles de Parole ne peuvent être reproduits sans l’accord de la rédaction. PAROLE 1/2012 ZULLO, GERMANO ; ALBERTINE. Les gratte-ciel. P. 15 1 LE E PA R O IN A L D F R IE CA H ? U L U AS-T 1/12 PAROLE 1/2012 ANNE CORTEY ET FRANÇOISE DE GUIBERT ILLUSTRATIONS DE JUDITH DREWS ILLUSTRATIONS DE NATHALIE CHOUX Atchoum JULIEN BÉZIAT Blanche NordSud, 2011, Fr. 14.80 Mäko Hélium, 2011, Fr. 22.40 Mäko est un morse artiste : il passe ses journées à sculpter sur la banquise une carte des fonds marins qu’il explore. Ainsi, chacun sait où trouver la nourriture dont il a besoin. Hélas, un jour, la glace se fissure et commence à partir en morceaux, emportant avec elle à la fois les œuvres de Mäko… et les poissons de l’océan ! Affamés, tous les animaux se tournent alors vers le morse. Un superbe album plein de poésie, dans les tons gris et bleus, qui se déploie sur des doubles pages pour une véritable plongée au cœur du monde polaire de Mäko et de ses amis ! Depuis cinquante-quatre jours précisément, Nö ne va pas bien. Désarmée, son amie Blanche ne peut rester à le regarder et s’en va en quête d’un remède. Elle ramènera de son périple des choses dures comme une larme, des choses belles comme un papillon, des choses douces comme des mots. De quoi rendre le sourire à Nö… Anne Cortey et Françoise de Guibert signent un texte à la fois fin et fort, célébrant dignement l’amitié. Sous le trait irrésistible de Nathalie Choux, les protagonistes émerveillent le lecteur qui suit avec intérêt le voyage de Blanche. Gorge qui pique, nez qui coule, éternuements «à tout-va» : Petit Lapin bien enrhumé est «tout raplapla». Le voilà forcé de rester au lit. Les uns après les autres, ses amis viennent le réconforter et lui apportent un cadeau : une fleur, un chocolat chaud ou une pomme. Car si Maman Lapin est là pour le bisou du soir, ce sont avant tout Caribou, Madame Chouette et la famille Fourmi qui accompagnent Petit Lapin. Avec ses dessins au gros trait sur pages cartonnées et son texte amusant jouant sur les répétitions, cet album séduira les plus petits qui connaissent bien les rhumes en série. VÉRONIQUE PERRET GAËLLE FARRE CÉLINE CERNY L’Ecole des loisirs, 2011, Fr. 22.20 (Pastel) I L LU S T R AT I O N : M I C H E L B O U C H E R CALLY STRONG ALBUMS 0 – 6 ANS 2 AS-TU LU ? EVA JANIKOVSZKY ILLUSTRATIONS DE LÀSZLÒ RÉBER Moi, si j’étais grand EDOUARD MANCEAU Les boutiques d’Angélique La vie secrète du loup Albin Michel jeunesse, 2011, Fr. 26.90 Tourbillon, 2011, Fr. 27.20 (Premier âge ; L’heure du jeu) Dans ce très joli coffret pyramidal se superposent trois adorables petits livres cartonnés. Imbriquées les unes sur les autres, leurs tranches affichent la silhouette d’un loup à la pose quelque peu crispée. C’est à sa rencontre que sont conviés les tout jeunes lecteurs qui en apprendront long sur l’animal le plus redouté des contes classiques ! Un après l’autre, les mini-albums dévoilent ce qui se trame dans la tête du grand méchant, ce qui marine dans son estomac gavé et encore où le conduisent chaque jour ses pattes griffues… Il y a là, pour les plus petits, de quoi écouter, rire, jouer et empiler ! Son panier à la main, la petite Angélique parcourt les différentes échoppes de la Grand-Rue marchande. Parviendra-t-elle à y dénicher la rose jaune, le tuyau d’arrosage ou encore le mirliton siffleur de sa liste de courses ? Rien n’est garanti si ce n’est que le lecteur attentif la suivra avec une folle curiosité, soulevant à chaque page un rabat lui permettant de franchir avec Angélique la porte d’attrayantes boutiques. Amusés, les plus jeunes chercheront à repérer parmi les rayonnages encombrés les articles indispensables à la fillette. Que de finesse dans les traits d’Alice Melvin, que d’éclat dans sa palette et… quelle perle que cet album ! KARINE RICHARD CLAUDE-ANNE CHOFFAT La Joie de lire, 2011, Fr. 17.– «Lave-toi les mains ! Range tes jouets ! Regarde où tu mets les pieds !» Les adultes ne cessent de donner des ordres alors qu’eux font toujours ce qu’ils veulent. En voilà une injustice ! Fort de ce constat, un petit garçon s’imagine en grande personne et dans son univers, on élève des poissons rouges dans sa baignoire tout en mangeant du chocolat au petit déjeuner. Le gamin se voit père d’une famille nombreuse au sein de laquelle épouse et enfants le suivent dans ses courses en trottinette et autres sauts dans les flaques d’eau. Avec son esthétique un brin désuète et son texte avant-gardiste – la première édition en hongrois date de 1965 –, cet album garde toute son actualité et aborde avec humour la complexité des rapports parents-enfants. CÉLINE CERNY OLIVIER ADAM ALEX SANDERS ILLUSTRATIONS D’ILYA GREEN FRANÇOISE JAY Maxiloup Achile et la rivière ILLUSTRATIONS DE FRÉDÉRICK MANSOT L’Ecole des loisirs, 2011, Fr. 16.50 (Loulou & Cie) Actes Sud Junior, 2011, Fr. 24.– Tamanna, princesse d'arabesque Sous-titré L’imagier des petits loups, ce cartonné carré décline ses trouvailles de page en page. Comme tout imagier, il présente le petit monde de l’enfant, son environnement, son corps, ses activités. Classique. Mais pas tout à fait cependant, puisqu’ici il s’agit d’un petit loup, et ce sont donc des pieds de loup, une maison de loup, une sieste de loup qui s’offrent aux yeux – forcément très rieurs – du lecteur ! Si l’on ajoute à cela les couleurs vives et l’humour qui n’hésite jamais à pointer le bout de son nez, les points de vue charmants et les allusions au monde des contes, on a là typiquement un livre que les adultes ne rechigneront pas à parcourir souvent avec leurs… petits loups. Agacé par l’agitation qui règne chez lui, Achile va demander du calme à Angelo, le gardien de la rivière. A son retour, le résultat est effrayant : sa maison est tellement silencieuse qu’elle lui paraît sans vie. Le jeune garçon affecté va alors supplier que tout redevienne comme avant, du temps où les enfants jouaient, le père dansait et les invités buvaient un café dans un joyeux brouhaha… La vie peut être bruyante, mais elle ne vaut d’être vécue sans un entourage avec qui partager le temps qui passe. Le texte d’Olivier Adam parle avec une infinie tendresse de la difficulté de se faire une place parmi les autres. Ses mots sont magnifiés par les illustrations d’Ilya Green. Tamanna a deux amours : le dessin et Ksantu. Chaque fois qu'elle le peut, elle peint en chantant sa joie d'être aimée en retour. Un jour, Ksantu arrive avec de très mauvaises nouvelles : son père refuse leur mariage, sous prétexte que la famille de Tamanna est trop pauvre. Bien que les deux amoureux vivent dans un pays où il est difficile de s'opposer à la volonté paternelle, l'art et la ténacité de la belle princesse des arabesques lui permettront d’obtenir ce dont elle rêve. Vive l'amour ! Chaque page est un tableau qui enchante par ses formes et ses couleurs : un monde merveilleux met alors nos sens en émoi. Une réussite non dénuée d’humour ! SYLVIE NEEMAN GAËLLE FARRE VÉRONIQUE MERTENAT Gallimard jeunesse, 2011, Fr. 27.90 (Giboulées) PAROLE 1/2012 ALICE MELVIN 3 AS-TU LU ? MICHAËL ESCOFFIER ILLUSTRATIONS DE MATTHIEU MAUDET Un mammouth dans le frigo L’Ecole des loisirs, 2011, Fr. 18.– AURÉLIA GRANDIN Le théâtre en carton Didier jeunesse, 2011, Fr. 31.30 PAROLE 1/2012 Dans une école, il y a une classe. «Dans cette classe, il y a la maîtresse et… des enfants. Au fond de la classe, il y a un théâtre en carton» qui est au cœur de l’album. Les élèves ont écrit une pièce et le soir du spectacle de fin d’année, les trois coups retentissent et le rideau se lève sur les jeunes comédiens. Cet album est spectaculaire par ses illustrations qui débordent de vitalité : ses couleurs sont franches et son grand format sert particulièrement bien le talent d’Aurélia Grandin. Et quelle bonne idée d’aborder le théâtre ; c’est original et réussi ! GAËLLE FARRE Après le succès incontesté de leur génial Bonjour Docteur, voici que les compères Escoffier et Maudet rempilent avec un album à la fois drôle et décalé ! Quelle frousse lorsque le petit Noé découvre un mammouth recroquevillé dans son frigo ! Pris de panique, ses parents appellent les pompiers. L’animal échappe toutefois aux mailles de leurs filets et «cataclop», personne ne parvient à arrêter sa folle cavale… Seule Flavie réussira à l’appâter, une fois la nuit tombée. C’est que le pachyderme semble être à la fillette ce que Hobbes est à Calvin : un compagnon imaginaire, aussi farceur qu’indispensable ! Pour les petits lecteurs à l’humour aiguisé, friands de situations improbables et un brin surréalistes. CLAUDE-ANNE CHOFFAT MONICA BROWN BENJAMIN CHAUD Une chanson d’ours Hélium, 2011, Fr. 26.– Alors que l’automne s’épuise et que son père ronfle déjà, Petit ours attiré par le parfum du miel se lance à la poursuite d’une abeille drôlement tardive. Lorsqu’il s’aperçoit de la disparition de son fils, Papa ours se précipite à sa recherche. De leur tanière aux ruches installées sur le toit du Palais Garnier à Paris, le plantigrade et son rejeton précédés de l'insecte affolé se livrent à une course spectaculaire ! Son format généreux et ses panoramas fourmillant de détails font de cet album un magnifique livre-jeu que les petits observeront avec minutie. Les clins d’œil de l’auteur sont subtils et beaucoup se souviendront de cette formidable chanson d'ours que leur chantait leur maman... CLAUDE-ANNE CHOFFAT ILLUSTRATION DE JOHN PARRA La bibli des deux ânes EVA JANIKOVSZKY Rue du monde, 2011, Fr. 20.30 ILLUSTRATIONS LÀSZLÒ RÉBER YANN AUTRET ILLUSTRATIONS DE SYLVIE SERPRIX Mille petits poucets Qu’il est difficile pour un enfant de comprendre que ses parents, eux aussi, ont été un jour petits et qu’ils existaient avant même sa naissance ! Heureusement, Mimi peut compter sur les explications de son grand frère quant à la généalogie de leur famille. Avec à l’appui un lot de photos jaunies, il la renseigne patiemment sur leurs différents liens de parenté : il s’agit alors pour la fillette de saisir «qui est la maman de qui, qui est le papa de qui, et qui est l’enfant de qui»… Publié pour la première fois en 1966, cet album au charme rétro décortique une filiation des plus classiques. Il n’est pas encore question ici de famille recomposée et pourtant… c’est déjà bien compliqué ! Inspiré d’une histoire vraie, cet album raconte l’extraordinaire volonté d’un instituteur qui – accompagné de ses deux ânes chargés de livres – voyage à travers son pays à la rencontre des enfants à qui il lit des histoires et prête des ouvrages. Juché sur son étonnante bibliothèque à huit pattes, il parcourt les villages isolés de Colombie depuis vingt ans. Agrémenté de jolies illustrations réalisées à partir de peintures naïves sur bois, l’album rend un bel hommage à toutes les bibliothèques ambulantes (caravanes de chameaux, carrioles, bateaux et autres bibliobus) qui partent à la rencontre de leurs lecteurs. A noter l’engagement des éditions Rue du Monde qui, grâce à la vente de cet ouvrage, contribuent à l’équipement de cette bibliothèque originale. KARINE RICHARD VÉRONIQUE PERRET GAËLLE FARRE Incroyable mais vrai La Joie de lire, 2011, Fr. 17.– Grasset jeunesse, 2011, Fr. 27.20 Dans cette maison se côtoient un homme doux, une méchante femme, beaucoup d’enfants et de la misère. Excédée par ses gamins «qui les mènent à la ruine», Madame charge son mari de les perdre en forêt. Mais le père n’en égarera aucun, bien au contraire, il en recueillera d’autres au fil de ses promenades et… rencontrera même le véritable amour. Tout dans cet album laisse penser qu’il vient d’un temps immémorial : la mise en page et l’achevé d’imprimer, la moralité à la fin du texte, les pages de garde avec le texte original du Petit Poucet de Perrault. La riche palette de Sylvie Serprix sert à merveille les mots graves et percutants de Yann Autret. 4 AS-TU LU ? SÉBASTIEN G. ORSINI Dans le mystère des animaux sauvages : abécédaire en linogravure Actes Sud junior, 2011, 52 p., Fr. 29.80 FABRIZIO SILEI ILLUSTRATIONS DE MAURIZIO A.C. QUARELLO STEVE JENKINS ET ROBIN PAGE C’est l’heure de se laver : pour tout savoir sur les animaux et leur toilette Circonflexe, 2011, 23 p., Fr. 16.80 (Aux couleurs du monde) Le petit d’homme a bien des points communs avec les animaux : la démarche des auteurs consiste ici à établir des comparaisons et à interroger l’enfant sur son propre comportement, tout en lui apprenant comment le mérou tomate, la spatule ou le gecko s’y prennent pour se laver. Malin et subtil, ce très bon documentaire animalier s’adresse aux 4 à 7 ans, dans une mise en page sobre et efficace, avec des informations complémentaires en fin d’ouvrage. Dans la même collection : C’est l’heure de dormir ; C’est l’heure de manger. Ils sont bien inquiétants, ces animaux sauvages, dans cette représentation aux teintes sombres ! En même temps, il s’en dégage une telle ambiance qu’on est obligé d’y revenir à trois ou quatre reprises en tout cas : sur la page de gauche, la première lettre du nom d’un animal est mise en scène, alors qu’à droite, une linogravure le place dans son élément naturel. C’est saisissant ! Il y a de quoi se raconter bien des histoires sur une simple double page et avoir envie d’en savoir davantage en ouvrant son dictionnaire ou en faisant une recherche sur le Net. En plus de nourrir l’imaginaire, l’ouvrage suscitera peutêtre un élan créateur : et si je me mettais à la linogravure ? Une totale réussite ! FRANÇOISE ZUTTER Le bus de Rosa Sarbacane, 2011, Fr. 26.– Grand-Père emmène Ben, son petit-fils, au musée Ford à Detroit. Lorsqu’ils montent dans un antique bus jaune, le vieil homme évoque ses souvenirs : il y a longtemps, il était dans ce même véhicule avec une femme nommée Rosa. C'était du temps où, aux Etats-Unis, les Noirs n'avaient pas les mêmes droits que les Blancs. GrandPère raconte le combat de Rosa qui avait refusé de céder sa place à un Blanc. Son courage avait alors initié un vaste mouvement pour l'égalité des droits des Noirs. Un album aux illustrations magnifiques pour nous rappeler «qu'il y a un autobus qui passe dans la vie de chacun d'entre nous». Gardons tous les yeux bien ouverts afin de ne pas le rater ! VÉRONIQUE MERTENAT ALBUMS 7 – 12 ANS JACOB ET WILHELM GRIMM FRANÇOISE ZUTTER ARSÈNE LUTIN D’APRÈS JACK LONDON ILLUSTRATIONS DE SYBILLE SCHENKER ILLUSTRATIONS D’ANTOINE GUILLOPPÉ Hänsel et Gretel DIANNA HUTTS ASTON Croc-Blanc Minedition, 2011, Fr. 47.60 ILLUSTRATIONS DE SYLVIA LONG Auzou, 2011, Fr. 25.50 Quoi de plus commun qu'un œuf ? Mais vous n'y êtes pas ! Un œuf peut être rond, ovale ou pointu… coloré ou tacheté, à coquille dure ou molle. Et dans un œuf peut se développer un manchot, un grillon ou encore un iguane. Ce documentaire pour les petits explique de façon ludique et poétique la «vie» des multiples variétés d'œufs. Sylvia Long les dessine à merveille et ses illustrations reflètent l'incroyable diversité du monde animal, mais également la beauté de la vie. Un petit bijou ! Dans un format imposant de 30 sur 35 cm, Antoine Guilloppé se lance dans une adaptation de ce classique toujours demandé, plus d’un siècle après sa parution, en 1905 ! Il réussit à ramener le récit à sa plus simple expression (c’est d’ailleurs sûrement lui qui se cache sous ce pseudo rigolo) pour une version album, laissant éclater toute sa force créatrice avec des illustrations qui se déploient sur la double page. Effet garanti, émotions intenses, beauté et force de l’animal, grandes valeurs défendues envers et contre tous : magnifique ! Coup de chapeau aussi au graphiste pour son travail de mise en page, de lien entre texte et images ! Qui ne connaît pas l’histoire de Hänsel et Gretel, deux pauvres enfants abandonnés dans la forêt qui se retrouvent prisonniers d’une affreuse sorcière ? En voici une nouvelle représentation tout à fait convaincante. La structure des illustrations faites d’un savant assemblage de couleurs, de dessins en noir et blanc et sur calques, ainsi que le jeu typographique rendent à ce conte toute sa dimension angoissante et inquiétante. La mise en perspective originale de cet album – par superposition des transparents – est une belle réussite. Quel enchantement que cette récente version de ce grand classique des frères Grimm déjà si souvent revisité : bravo à la jeune et talentueuse Sybille Schenker ! VÉRONIQUE MERTENAT FRANÇOISE ZUTTER VÉRONIQUE PERRET L'histoire d'un œuf Circonflexe, 2011, 38 p., Fr. 23.80 (Aux couleurs du monde) PAROLE 1/2012 DOCUMENTAIRES 0 – 6 ANS 5 AS-TU LU ? AGNÈS DE LESTRADE ILLUSTRATIONS DE NATHALIE CHOUX Tout le monde veut voir la mer Rouergue, 2011, 89 p., Fr. 10.90 (ZigZag) MICHEL PIQUEMAL NATHALIE KUPERMAN ILLUSTRATIONS DE BRUNO PILORGET La liberté est une poussière d’étoile Omotou, guerrier masaï : Ousmane Sow L’Ecole des loisirs, 2011, 88 p., Fr. 12.80 (Neuf) L’Elan vert, 2011, Fr. 22.40 (Pont des arts) PAROLE 1/2012 Afin d’entrer dans l’œuvre d’Ousmane Sow, sculpteur sénégalais, les auteurs ont choisi une pièce de la série Masaï, intitulée Guerrier debout. Voici que l’œuvre devient le personnage principal du récit, celui de Sékou, garçon dont l’enfance est meurtrie par la guerre. Mais Sékou sait donner vie à l’argile. Il crée ainsi, de ses mains, un fétiche capable de le protéger des soldats, de l’aider à traverser les épreuves et à retrouver sa mère ! Entre fiction et documentaire – un reportage photographique et un portrait de l’artiste complètent le récit –, voici un très joli coup de projecteur sur un pays, une culture et une sensibilité. FRANÇOISE ZUTTER Ce roman enjoué, au titre poétique, est en réalité une fable ubuesque sur l’oppression, le totalitarisme, la pensée unique et l’obéissance irréfléchie. Chien a été capturé par des canards. Pour recouvrer sa liberté, il doit répondre à une question de leur chef ; or quelle que soit sa réponse, elle est décrétée fausse par le tyrannique palmipède ! Mais d’où vient la cruauté de Canard ? Et les parents de Chien, en le mettant en laisse, le protègeront-ils vraiment ? Nathalie Kuperman propose ici un texte fort, qui pose de pertinentes questions ; elle parvient, avec son modèle animal, à donner une bonne idée de la complexité des rapports humains – et du besoin de liberté de notre espèce… Le Secours populaire organise une journée à la mer pour les enfants de la cité. Marika aurait certes préféré une sortie à cheval – son rêve le plus cher – mais elle accepte l’excursion, pour ne pas décevoir sa meilleure amie. Et jamais elle n’aurait imaginé que cela puisse être aussi réussi ! La plage met fin à des rivalités entre garçons du quartier et Christian, un jeune jusqu’alors mis à l’écart, parvient à se distinguer. Voilà un roman juste et sans clichés ! On s’attache à ces enfants dont les liens persistent après cette jolie journée. Les illustrations rondes et enjouées de Nathalie Choux s’accordent au texte qui se termine sur une note d’optimisme et d’espoir. GAËLLE FARRE DOCUMENTAIRES 7 – 12 ANS SYLVIE NEEMAN ROMANS 7 – 12 ANS BERNARD CHAMBAZ NANCY SPRINGER ILLUSTRATIONS DE PEF Métro Baker Street Petit Charlie deviendra Charlot CÉCILE ROUMIGUIÈRE Nathan, 2011, 199 p., Fr. 26.20 Rue du monde, 2011, 44 p., Fr. 13.30 ILLUSTRATIONS DE SYLVAIN BOURRIÈRES (Les enquêtes d'Enola Holmes ; 6) (Petit deviendra grand) «Il y a la classe, (…) et à part, il y a Angel.» Le jeune gitan est arrivé en cours d’année et seule Camille va mettre ses préjugés de côté pour découvrir le quotidien de ce garçon atypique. Souvent maladroite dans sa relation avec Angel, la fillette révise peu à peu ses a priori et fait la connaissance d’une famille passionnante. Au camp des Voyageurs, elle participe à la recherche de Leslie, une petite «gadgie» disparue. Avec sensibilité, Cécile Roumiguière aborde la différence et l’exclusion, tout en exposant la richesse de la culture gitane. «C’est important, d’être différent, de ne pas bêler bêtement au milieu du troupeau en même temps que les autres.» Enola, la sœur de Sherlock Holmes, est une adolescente vive et intelligente qui s'est enfuie de son domicile pour éviter le pensionnat. Ses deux frères voulaient l'y envoyer pour qu’on lui enseigne les bonnes manières – celles d’une jeune fille de famille anglaise distinguée dans les années 1880. En plus d’avoir échappé à ses frères, Enola résout des enquêtes au nez et à la barbe de Sherlock. Elle vit sa vie comme elle l'entend, refusant de se soumettre aux règles strictes d’une société qui ne laisse aucune place aux femmes et luttant de toutes ses forces pour garder son indépendance. Pour ne rien gâter, l'écriture très documentée de Nancy Springer est aussi vive et jubilatoire que son héroïne. Une série à lire absolument ! Joli défi que les éditions Rue du Monde relèvent avec cette nouvelle collection : capter l’attention de gamins du XXIe siècle en racontant l’enfance d’hommes célèbres du XXe (tiens, on aimerait bien y trouver des femmes aussi !). Une enfance pas facile, faite d’adversité et de grande pauvreté pour Charlie Chaplin, et qui s’inscrit comme la source de toute la créativité et de l’inventivité de ce génie qui a marqué sa génération, son siècle. C’est bien fait : texte court et percutant, illustrations pleines de poésie, le tout complété d’un petit dossier documentaire à la fin de l’ouvrage pour un éclairage historique. Dans la même collection : Petit Jacques deviendra Prévert ; Petit Pablo deviendra Picasso. GAËLLE FARRE VÉRONIQUE MERTENAT FRANÇOISE ZUTTER Dans les yeux d'Angel Flammarion, 2011, 124 p., Fr. 10.70 (Castor Poche. Romans) 6 AS-TU LU ? ROMANS DÈS 13 ANS JULIE JACOB-CŒUR Ces années blanches Thierry Magnier, 2011, 139 p., Fr. 18.– (Roman) ILLUSTRATIONS DE DELPHINE PERRET L’amour selon Ninon Autrement jeunesse, 2011, 63 p., Fr. 23.70 (Les petits albums de philosophie) Par une succession de saynètes, nous suivons Ninon dans ses grandes interrogations : elle est amoureuse et se sent toute «bizarre»… Elle tente alors de mettre ses idées et ses sentiments au clair avec son entourage : ses parents, le voisin qui aime trouver des réponses dans les mythes, les copines. Parce que c’est compliqué la vie, les émotions… et que c’est bien de pouvoir s’exprimer sur tout ça ! Ton juste, dessins tendres au trait aérien pour une jolie boîte à outils mise à disposition de tout un chacun. FRANÇOISE ZUTTER GUILLAUME GUÉRAUD Une jeune fille raconte la descente aux enfers de la drogue vécue par sa sœur aînée, et subie par toute une famille. Marie, la narratrice, est en colère quand elle évoque la dépendance de Rose : ses accès de violence, ses mensonges et fugues ont eu raison de la vie familiale qui a volé en éclats et ont contraint Marie à quitter le toit parental pour «un environnement plus stable». Dans un tel contexte, comment trouver sa place, comment se construire et tenter de vivre une adolescence «normale» ? Un texte fort et parfois déroutant dans lequel on passe du présent au passé et inversement presque sans s’en rendre compte. Beaucoup de sensibilité et de justesse dans l’écriture de ce premier roman. VÉRONIQUE PERRET BANDE DESSINÉE 7 – 12 ANS CAMILLA LAGERQVIST L’enfant du cirque Bayard jeunesse, 2011, 247 p., Fr. 18.70 (Millézime) KATHERINE ET FLORIAN FERRIER En ce 21 mars, Marietta et tout le personnel de l’Hôtel Etrange sont encore à hiberner, alors que la belle saison arrive et qu’affluent avec elle… les clients. C’est que M. Printemps a disparu ! Il faudra à Marietta l’aide de ses amis pour mettre bon ordre dans les saisons et ne pas flancher devant les obstacles. Tout cela avant de découvrir que M. Printemps n’était finalement pas très loin ! Quel délice que cette bande dessinée : c’est joyeux et enlevé, les personnages sont amusants et les dessins exquis par leurs couleurs, la rondeur de leurs traits. En bonus, on trouve la recette des Visitandines, des biscuits qui ont une place dans le récit. GAËLLE FARRE CLAUDE-ANNE CHOFFAT Sarbacane, 2010, 37 p., Fr. 20.90 (Hôtel Etrange ; 1) Rouergue, 2012, 107 p., Fr. 15.40 (DoAdo. Noir) Le père de Marco a contracté il y a dix ans un mariage blanc pour de l’argent avec Anka. La jeune femme décède et la police dépose ses effets personnels chez Marco. Ce dernier a tout d’abord du mal à composer avec ces nouvelles – il ne savait rien pour le mariage de son père avec cette jeune Roumaine – puis il se prend de passion pour l’histoire d’Anka : comment a-telle pu mourir à vingt-neuf ans de la tuberculose ? Il va faire la découverte d’un destin brisé et malheureux, qui le poussera à l’irréparable… On pense à Je mourrai pas gibier du même auteur, après avoir tourné la dernière page d’Anka. Le monde que décrit Guillaume Guéraud est fait de misère et d’injustice. C’est extrêmement fort, l’écriture est implacable, mais notre société semble l’être plus encore et c’est bien cela qui est ici dénoncé. GAËLLE FARRE En 1917, Ellen, alors âgée de six ans, est achetée par Madame Zénitha, directrice du Cirque Formidable. Privée de l’affection de sa mère, la fillette est entraînée à la dure, enchaînant les étirements douloureux et les exercices de voltige. L’enfant prodige, talentueuse contorsionniste et funambule, devient ainsi l’étoile montante de la troupe et mène, sous le chapiteau, une vie trépidante. Seulement, une fois qu’elle y a goûté, impossible pour la jeune artiste de renoncer à l’odeur envoûtante de la piste… Avec doigté, Camilla Lagerqvist saisit l’ambiance à la fois magique et ambiguë de ce cirque suédois : elle ne tait ni la passion des athlètes, ni l’attitude d’un public railleur, friand de la «monstruosité» de ceux qu’on exploitait, à l’époque, comme des phénomènes de foire. L'hiver au printemps Anka MONI NILSSON Pourquoi mon père porte de grandes chaussures (et autres grands mystères de ma vie) Bayard, 2011, 126 p., Fr. 18.90 (Millézime) De l’humour et de la légèreté dans ce récit raconté à la première personne par Semla, qui avance dans la vie avec optimisme et gaieté. Ses seuls soucis sont ceux d’une adolescente de douze ans et demi : un cortège de questions propres à cet âge qu’elle aborde de manière franche avec juste ce qu’il faut d’impertinence ! Et ceci malgré la gravité de certaines situations comme le divorce de ses parents ou la dépression de son père ! Quant à savoir pourquoi ce dernier porte de grandes chaussures… Eh bien, réponse à la fin de ce petit roman pétillant ! VÉRONIQUE PERRET PAROLE 1/2012 OSCAR BRENIFIER 7 AS-TU LU ? MALORIE BLACKMAN Boys don’t cry Milan, 2011, 286 p., Fr. 17.80 (Macadam) PAROLE 1/2012 Dante n’a que 17 ans et toute sa vie devant lui lorsqu’il apprend qu’il est le père d’une petite fille de quelques mois, fruit d’une relation sans lendemain… La jeune maman complètement épuisée lui confie l’enfant et disparaît. Commence alors pour Dante – fort heureusement aidé dans sa tâche par son père et son frère – une nouvelle existence faite de renoncements, mais aussi de bonheur auprès de ce bébé tombé du ciel. Parallèlement, c’est aussi Adam, le frère de Dante, qui est au centre de cette histoire captivante. Très bien écrit (et traduit) selon le principe de la narration alternée, ce nouveau roman de Malorie Blackman – qui nous avait déjà enchantés avec la série Entre chiens et loups – aborde un thème rare en littérature jeunesse : la paternité non désirée mais finalement assumée ! DOCUMENTAIRES TOUT PUBLIC MARIE-PIERRE FARKAS ILLUSTRATIONS DE MARIANNE RATIER ANNICK DE GUIRY Françoise Dolto, l’heure juste ILLUSTRATIONS DE MERLIN Naïve, 2011, 157 p., Fr. 36.80 Les grandes routes : de la Route de la soie à (Grands destins de femmes) la Route du thé Seuil, 2011, 63 p., Fr. 26.60 CARAGH M. O’BRIEN Ce vaste tour d’horizon, richement illustré, des premiers voyages déterminant les échanges entre les continents nous mène dans un univers d’aventuriers, d’hommes visionnaires qui, pour différentes raisons, partirent vers l’inconnu. Dans cet ouvrage fascinant, les anecdotes des carnets de voyage alternent avec les faits historiques, sensibilisant les enfants au thème des relations de pouvoir entre l’Occident et l’Orient ou les Amériques. Les exploitants et les exploités, les mérites de chaque culture : l’auteure offre des pistes pour comprendre les antécédents de la mondialisation. Bannie BARBARA BONARDI VALENTINOTTI VÉRONIQUE PERRET Deux femmes ont uni leur talent dans ce roman graphique pour dresser le portrait d’enfance et relater la jeunesse de cette fameuse psychanalyste et pédiatre que fut Françoise Dolto. Choisir les moments clés d’une vie, faire les liens entre les événements familiaux et mondiaux qui furent à la naissance de cette vocation, user avec bonheur de l’art de l’ellipse pour que cette lecture soit un grand moment d’humanité et d’humour : ah, quel chef-d’œuvre ! On en ressort époustouflé par la grandeur et l’extrême simplicité du personnage, ébahi devant la synthèse brillante de la scénariste, touché par le délicat dessin au crayon gris de l’illustratrice. FRANÇOISE ZUTTER Mango, 2011, 380 p., Fr. 27.– (Birth marked ; 2) PAUL ROUILLAC Dans la continuité du premier opus de cette passionnante série, Caragh M. O’Brien poursuit l’histoire de Gaia, que les lecteurs avaient quittée à regret dans sa fuite éperdue. Alors que la jeune sage-femme vient d’atteindre la destination que sa mère et la vieille Meg lui avaient indiquée, son arrivée à Zile est une nouvelle déception : Gaia y apprend le décès de sa grand-mère et Maya, sa petite sœur et désormais seule famille, lui est arrachée. L’auteure des romans enrubannés renoue avec la dystopie qui lui est chère : elle peint ici une société matriarcale piégée par son propre système, contre lequel son héroïne se bat avec conviction. Avec un subtil dosage de détermination, d’angoisse et de désir, la recette fait mouche, une fois encore ! Autre titre : Rebelle ; 1. A paraître : Captive ; 3. FRANS LANTING Masques : un livre pop-up Pingouin Mango, 2011, 155 p., Fr. 34.50 Pour fêter leurs vingt-cinq ans d’existence, les éditions Taschen publient cette merveille à petit prix, pour une démonstration brillante de ce qui fait leur force : «…des livres d’art au bon rapport qualité-prix qui ont un immense succès international.» Frans Lanting est considéré comme l’un des plus grands photographes naturalistes contemporains et a reçu de nombreux prix saluant son travail. Il nous propose ici de nous émerveiller avec lui des pingouins, gorfous sauteurs, manchots de Magellan, manchots empereurs, manchots papous… sur la terre, dans la mer et sur la glace. Un très, très beau cadeau à offrir tout autour de soi ! A travers douze masques réalisés par un jeune relieur passionné de papier, le lecteur ébloui voyage du Japon au Nigéria en passant par le Groenland, le Burkina Faso ou encore la Papouasie. Quelle manière originale d’aborder l’art de différentes civilisations ! S’inspirant de pièces de la collection du Musée du Quai Branly à Paris, le jeune artiste a créé ce livre pop-up en mélangeant habilement divers matériaux (papier, raphia, paille), tout en respectant chaque détail de l’œuvre originale. Une petite note explicative sur l’origine de chaque masque accompagne la réalisation. Beaucoup de finesse dans ce travail d’artiste et un régal pour les yeux. CLAUDE-ANNE CHOFFAT FRANÇOISE ZUTTER VÉRONIQUE PERRET Taschen, 2011, 168 p., Fr. 13.90 8 AS-TU LU ? LAURE MISTAL ET ANNE-SOPHIE DE MONSABERT Achile et la rivière. P. 2 PHOTOGRAPHIES D’UWE OMMER L’amour selon Ninon. P. 6 Histoires d’enfants des cinq continents Anka. P. 6 Albin Michel, 2011, 340 p., Fr. 52.– Atchoum. P. 1 Bannie. P. 7 VÉRONIQUE PERRET POÉSIE TOUT PUBLIC FRANÇOIS DAVID RAMBHAROS JHA Bestiaire du Gange. P. 8 Bestiaire du Gange La bibli des deux ânes. P. 3 Actes Sud junior, 2011, 32 p., Fr. 34.40 Birth Marked. P. 7 Blanche. P. 1 Comment, en quelques phrases, rendre justice à un livre aussi beau ? En évoquant les brefs textes qui le composent, des poèmes classiques tamouls qui saisissent, à la manière de haïkus, des instants de vie des animaux aquatiques du Gange ? En admirant les couleurs vives des illustrations, toutes des sérigraphies originales, qui illuminent cet ouvrage fabriqué à la main ? Ou encore en parlant de l’odeur du papier, de son toucher épais et granuleux, et pourtant d’une douceur fascinante ? Cet album est tout cela à la fois : recueil de poèmes d’une simplicité fulgurante, imagier hypnotique, bestiaire où le familier semble fantastique, livre d’art unique en son genre. Les boutiques d’Angélique. P. 2 SYLVIE NEEMAN Histoires d’enfants des cinq continents. P. 8 Boys don’t cry. P. 7 Le bus de Rosa. P. 4 Ces années blanches. P. 6 C’est l’heure de se laver. P. 4 Une chanson d’ours. P. 3 Croc-Blanc. P. 4 Dans le mystère des animaux sauvages : abécédaire en linogravure. P. 4 Dans les yeux d'Angel. P. 5 L’enfant du cirque. P. 6 Les Enquêtes d'Enola Holmes. P. 5 Françoise Dolto : l’heure juste. P. 7 Les grandes routes : de la route de la soie à la route du thé. P. 7 Hänsel et Gretel. P. 4 L'histoire d'un œuf. P. 4 ILLUSTRATIONS DE CONSUELO DE MONT-MARIN L'hiver au printemps. P. 6 Vole Vole Vole Hôtel Etrange. P. 6 Incroyable mais vrai. P. 3 Les Carnets du Dessert de Lune, 2011, 64 p., Fr. 14.– (Lalunestlà) LITTÉRATURE SECONDAIRE Je cherche un livre pour enfant : le guide des livres pour les 8/16 ans. P. 8 On sait que François David est non seulement un éditeur, mais aussi un poète. Et on découvre ce poète amoureux des oiseaux, à l’affût du temps «si ténu / entre / le moment où l’oiseau chante encore / et celui où il ne chante plus», écrivant sous leur dictée, guettant leur passage, admirant ailleurs «Un oiseau / immobile / sur un fil / invisible / en plein ciel». Le ton est au sérieux aussi bien qu’à l’humour, on évoque la guerre, la mort, mais aussi d’imaginaires courses avec les hélicoptères, le petit oiseau de l’appareil photo. François David pose son regard malicieux et parfois mélancolique sur le monde, et Consuelo de Mont-Marin pose ses dessins au trait, simples et parfois loufoques, sur le monde de François David. Tout se tient, en somme… SYLVIE NEEMAN La liberté est une poussière d’étoile. P. 5 TONI DI MASCIO Mäko. P. 1 Je cherche un livre pour un enfant : Un mammouth dans le frigo. P. 3 le guide des livres pour les 8/16 ans Masques : un livre pop-up. P. 7 Gallimard jeunesse/De facto, 2011, 140 p., Fr. 32.30 Maxiloup. P. 2 Métro Baker Street. P. 5 Après avoir magnifiquement abordé les ouvrages pour les plus jeunes, cette collection se penche avec autant de succès sur les livres à l’attention des «grands». Sorte de manuel très exhaustif, on y trouve une mine d’informations précieuses : une organisation par tranche d’âge, un décryptage des genres montrant de manière schématique leurs origines et dérivés, des conseils avisés sur les goûts de ce public pas toujours facile à séduire. Du professionnel au néophyte, chacun peut en tirer profit ; une invitation à découvrir une littérature jamais assez connue ! Mille petits poucets. P. 3 BARBARA BONARDI VALENTINOTTI titre générique et au titre du volume. Moi, si j'étais grand. P. 2 Omotou, guerrier masaï : Ousmane Sow. P. 5 Petit Charlie deviendra Charlot. P. 5 Pingouin. P. 7 Pourquoi mon père porte de grandes chaussures (et autres grands mystères de ma vie). P. 6 Tamanna, princesse d'arabesques. P. 2 Le théâtre en carton. P. 3 Tout le monde veut voir la mer. P. 5 La vie secrète du loup. P. 2 Vole Vole Vole. P. 8 En gras, les titres qui sont dans l’index à la fois au PAROLE 1/2012 Nous voilà partis pour un voyage haut en couleurs à travers les cinq continents ! Le photographe Uwe Ommer a parcouru la planète et visité quelque cent trente pays durant quatre ans à la rencontre d’enfants et de leur famille. Chaque fillette ou jeune garçon présente avec enthousiasme et fierté son entourage, son quotidien, son pays, sa manière de vivre. Universalité et diversité se dégagent de ce très beau documentaire qu’on feuillette comme un album photos avec l’envie de partir à la découverte de contrées inconnues. Un ouvrage de très belle qualité. PAYOT LIBRAIRE VOUS DONNE RENDEZ-VOUS SUR AU A U SALON SAL LON DU LIVR LIVRE RE DE G GENÈVE ENÈV VE DU 25 AU 29 AVRIL 2012 Plus de 20'000 livres pour enfants choisis par nos libraires Des rencontres inoubliables avec des auteurs, des illustrateurs, des conteurs, des musiciens : Jacques Salomé, Catherine Louis, Haydé, Barroux, Nina Caniac, Gaëtan, Souleymane, Anne Richard… N ot re m pl et pr og ra m m e co le ib on sp di se ra r il v a im la dès s le es da ns to ut t yo Pa s ie lib ra ir et su r pay o t. ch Des concours malicieux, des jeux et des ateliers ingénieux pour petits et grands La remise du prix enfantaisie du meilleur album et du meilleur roman de l’année, en présence du parrain du prix Jean-Marc Richard, présentateur de l’émission «Les Zèbres», le mercredi 25 avril, en partenariat avec la En exclusivité sur notre stand, la méthode de lecture La Planète des Alphas et les Éditions La Joie de lire qui fêtent cette année leurs 25 ans ! :ceVgiZcVg^ViVkZX