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LA REVUE DE L’INSTITUT SUISSE
JEUNESSE ET MÉDIAS
PAROLE
1/12
RENCONTRE :
Sacha Poliakova – Mes empreintes
enterrées sous la neige
DOSSIER :
Topographies enfantines
LECTURE D’ALBUMS :
Georges Lemoine,
petits objets – grands effets
AS-TU LU? AS-TU LU? AS-TU LU? AS-TU LU? AS-TU LU? AS-TU LU? AS-TU LU? AS-TU LU? AS-TU LU? AS-TU LU?
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ÉDITORIAL / SOMMAIRE
SOMMAIRE
Chères lectrices, chers lecteurs,
PAROLE 1/2012
C’est sous le titre de «topographies enfantines» que nous
vous présentons quelques pérégrinations dans des lieux
que l’enfance s’approprie jour après jour. L’environnement quotidien est sans cesse réinventé par les artistes
qui écrivent et dessinent pour les plus jeunes. Ainsi la
maison est-elle un lieu à apprendre, à apprivoiser pour
l’enfant épris de sécurité et d’aventure à la fois. Et cela
tombe bien, car les maisons sont en perpétuelle mutation et n’offrent souvent qu’une apparence de stabilité,
comme le montre Cécile Desbois dans son article intitulé
«Murs et murmures de maisons».
On quitte la maison pour marcher dans les rues ; ici
aussi il s’agit d’une conquête pour l’enfant, souvent sur
le mode du jeu, de l’imaginaire. Symbole d’une autonomie en voie d’être conquise, la rue est le lieu où peut
surgir l’inconnu, mais aussi celui où l’on convoque tantôt l’aventure, tantôt la routine, et l’enfant n’a pas son
pareil pour les réinventer toutes deux.
Avec Madeline Roth, on découvre la ville (et Paris en
particulier), un espace urbain que les artistes maquillent
allègrement, parent d’atours insolites et zèbrent d’équipées fantastiques ; la cité n’est pas uniquement un
décor, elle est la vie même, colorée, bruyante, qu’auteurs
et illustrateurs s’approprient et réinventent, emmenant
l’enfant dans des balades savantes et ludiques à la fois.
Avant de fêter les 25 ans de La Joie de lire, et d’entendre à ce propos son éditrice de toujours, Francine
Bouchet, on fera encore un détour buissonnier : Ulrike
Blatter pose un regard singulier sur l’œuvre de Georges
Lemoine, et s’interroge sur la présence et le rôle des
objets dans son travail d’illustrateur.
Quant à Sacha Poliakova, d’une seule image elle nous
ouvre grandes les portes de la ville, et tant d’autres
encore, en évoquant avec Janine Kotwica un parcours
remarquablement fécond et exigeant.
Nous espérons que vous aurez du plaisir à cheminer
en tant de compagnies,
SYLVIE NEEMAN
RENCONTRE
Sacha Poliakova : Mes empreintes enterrées sous la neige
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JANINE KOTWICA
TOPOGRAPHIES ENFANTINES
Murs et murmures de maisons
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CÉCILE DESBOIS-MÜLLER
Dans les villes...
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MADELINE ROTH
«Se promener dans les rues, c’est une tâche sérieuse»
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SYLVIE NEEMAN
Notre sélection
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La maison est en carton
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GAËLLE FARRE
LECTURE D’ALBUMS
Georges Lemoine; petits objets – grands effets
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ULRIKE BLATTER
Coups de coeur
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ANNIVERSAIRE
La Joie de lire a 25 ans
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CLAUDE-ANNE CHOFFAT
AROLE ET LE BUREAU ROMAND DE L’INSTITUT
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MENTIONS ET PRIX / CALENDRIER / INFORMATIONS
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INDEX / IMPRESSUM
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AS-TU LU ?
cahier final
RESPONSABLE DE LA RÉDACTION :
Sylvie Neeman
COMITÉ DE RÉDACTION :
Ulrike Blatter, Barbara Bonardi Valentinotti et Brigitte Membrez
ONT PARTICIPÉ À CE NUMÉRO :
Alessandra Bernasconi, Céline Cerny, Claude-Anne Choffat,
Cécile Desbois-Müller, Gaëlle Farre, Janine Kotwica, Brigitte
Praplan et Madeline Roth.
ILLUSTRATION DE SACHA POLIAKOVA EXTRAITE DE LA CITÉ DES OISEAUX,
écrit par Danielle Fossette ©Gautier-Languereau / Hachette Livre, tous droits de
reproduction strictement interdits.
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RENCONTRE AVEC SACHA POLIAKOVA
MES EMPREINTES
ENTERRÉES SOUS LA NEIGE
Les artistes russes émigrés en France ont considérablement enrichi notre vision de l’image dans les livres. Après
l’âge d’or des Rojankovsky, Chem, Exter, Ivanovsky et autres Parain, d’autres sont venus, comme Vitaly Statzynski,
récemment disparu, ou, plus près de nous, Sacha Poliakova. Son talent singulier, où la douceur se mêle à la violence, a très vite attiré l’attention du monde du livre et elle a publié chez Gautier-Languereau, Gallimard, Le
Seuil, Thierry Magnier, Flies France, Larousse… C’est cette jeune artiste que le Centre André François a accueillie,
en l’automne 2011, pour une exposition, Mes empreintes enterrées sous la neige, et une résidence de trois mois.
ENTRETIEN AVEC JANINE KOTWICA.
mon enfance, le 1er septembre, c’était la fête du savoir. Les fillettes
arboraient un joli tablier blanc, les garçons une chemise blanche.
Les écoliers portaient des fleurs à leurs institutrices et chaque
un petit nouveau. C’était quand même plus festif qu’en France !
Mais bien sûr que les enfants n’étaient pas toujours contents
d’aller à l’école : il ne faut pas rêver !
P H OTO G R A P H I E D E JA N I N E KOT W I CA
Quelles étaient alors vos lectures ?
J’aimais beaucoup Ond ej Sekora et les histoires de sa fourmi
Ferda, Selma Lagerlöf, Astrid Lindgren, très populaire là-bas, et
aussi Les extraordinaires aventures de Karik et Valia de Yan Larri,
méconnues en France.
Galina Kabakova, linguiste et anthropologue, fille du célèbre
artiste conceptuel russe Ilya Kabakov, fondatrice des Editions
Sacha, où êtes-vous née ? A Leningrad ou à Saint-Pétersbourg ?
Flies, vous a confié l’illustration des Contes de l’Oncle Rémus...
Le 3 mars 1977, c’était, en principe, Leningrad. Cependant, ce
J’avais déjà publié chez elle Les Contes du Désert. Sa collection
nom n’a pas la même présence affective et imaginaire que
pourrait s’intituler «Les Contes de notre enfance» car elle édite
Saint-Pétersbourg, ville prestigieuse sur le plan historique et
les premières lectures qui nous ont marquées, elle comme moi.
artistique, même si les patriotes russes sont fiers d’avoir résisté
Les Contes de l’Oncle Rémus est un livre controversé de Joel
aux nazis lors du «siège de Leningrad».
Chandler Harris publié aux Etats-Unis en 1880 et 1905 et qui, en
1946, a été adapté pour le cinéma par Walt Disney. On a beau-
Quels souvenirs avez-vous de la période soviétique ?
coup critiqué sa vision de l’esclavage et le film n’est jamais paru
Il y avait un fossé entre ce qu’on disait à l’extérieur et à la mai-
en DVD. J’illustre ce texte en ce moment.
son, mais pour moi, c’était avant tout le temps de l’école et j’en
garde un bon souvenir. On me parle souvent de «propagande».
La Russie est très présente dans vos publications.
En fait, c’était plutôt une solide éducation morale et la trans-
C’est parfois un peu agaçant d’être cataloguée dans le rayon
mission de valeurs humanistes universelles. Au début, nous
russe ! Il y a eu Comptines et berceuses de Babouchka chez Didier en
portions toutes un foulard rouge et une étoile de fer à l’effigie
2006 et, pour Gallimard en 2007, Tableaux d’une exposition. Les
de Lénine, ce qui prête à sourire, mais l’obligation s’en est per-
toiles de Victor Hartmann qui ont inspiré Moussorgski en 1874
due. Ce qui me semble différent de ce que je vis de l’école fran-
étaient sombres, mais j’ai dû édulcorer cet univers qu’on
çaise à travers mes enfants, c’est la très grande place accordée à
jugeait trop dur pour des enfants. Dans Aujourd’hui en Russie,
la poésie et aussi, un sens du rituel. J’ai beaucoup souffert du
toujours chez Gallimard, je me suis sentie assez libre car c’est
traumatisme de la rentrée des classes de mes deux aînés. Dans
une amie, Nastassia Paoutova, qui a pris en charge la partie
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grand garçon emportait vers sa nouvelle classe, sur ses épaules,
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© C E N T R E A N D R É F R A N Ç O I S E T S AC H A P O L I A KOVA
RENCONTRE AVEC SACHA POLIAKOVA
documentaire. Mais je ne me reconnais pas dans l’histoire qui
C’est une méditation lyrique sur la fuite éperdue, la sépara-
est racontée par un homme, et français de surcroît.
tion, l’absence, un des deux livres dont vous avez vousmême écrit le texte, avec tact, et des litotes qui ouvrent au
Cependant le portrait de la jolie Larissa vous ressemble ! Vous
lecteur la porte du rêve. On aimerait que vous preniez la
deviez être une adorable petite fille, mais avec un caractère
plume plus souvent. Je l’ai lu à des enfants qui ont été émus
bien trempé ! Les caricatures ornithologiques que vous faites
et intrigués.
de vos professeurs sont redoutables !
Les enfants posent de bonnes questions ! Ils ont de l’intuition et
Oui, je me vengeais un peu par le dessin…
de la sensibilité. Quand je leur présente ce livre, ils évoquent le
plus souvent l’absence du père, ou sa mort, ou le départ de quel-
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Vous étiez déjà très douée. Vos dessins d’enfant, exposés à
qu’un qu’ils aiment. Ils lisent les images avec pertinence et
Margny, ont impressionné nos visiteurs ! Vous avez com-
remarquent des détails qui échappent à la plupart des adultes.
mencé votre formation artistique à Saint-Pétersbourg ?
Pendant la résidence, au cours des ateliers, j’ai souvent été
Je suis entrée à l’Académie théâtrale de Saint-Pétersbourg où
étonnée de la créativité des plus petits, et de la qualité de leur
j’ai été initiée à la scénographie. Cela explique sans doute que
attention, mais pendant un temps très court !
les arts de la scène, et en particulier les marionnettes, seront
bien présents dans mes livres.
Les travaux des élèves qui ont été exposés au Centre André
De là je suis partie en France et j’ai suivi, à Dunkerque, les
François témoignent de votre souci d’initier votre jeune
cours de l’Ecole des Beaux-arts. On y enseignait l’art conceptuel
public aux techniques les plus diverses. Or, justement, ce que
et je n’y ai pas eu vraiment ma place. L’année suivante, à Valen-
montre l’exposition de vos œuvres à vous, c’est la variété des
ciennes, je découvre les différentes sortes de gravure, de la
techniques que vous employez et l’étendue des différents
pointe sèche à la linogravure, la xylographie ou l’aquatinte,
registres que vous maîtrisez. L’affiche de notre exposition
techniques que j’aime beaucoup, et que j’ai utilisées dans des
allie xylogravure et collage, et vous utilisez le numérique, les
travaux personnels, et dans des livres comme Les Contes du Che-
papiers découpés, la gouache, l’aquarelle...
val ou Le Cirque magique. Et enfin, j’entre aux Arts Déco, à Paris.
J’essaie d’expérimenter toujours, et surtout d’adapter ma tech-
Le département «Illustration» était dirigé par Xavier Pangaud et
nique au contenu du livre. Carmen est une histoire de passion et
mes professeurs étaient illustrateurs comme Jean-Marie Le
de mort qui se déroule au soleil. Il fallait des couleurs vives et
Faou ou Laurent Corvaisier, ou éditeurs comme Frédéric Hous-
contrastées et j’ai tenté l’ordinateur. Mais l’expérience, même si
sin qui m’a fait participer à l’aventure collective de Mon Premier
elle a été intéressante, est frustrante et je ne peux pas exprimer
Larousse de Poésies. Mon travail de fin d’études présenté en 2003
mes sentiments avec cet outil qui m’a semblé plus froid. En
a été publié par L’Art à la page en 2008 sous le titre Un million de
attendant le printemps, qui s’adresse à des tout-petits, m’a donné
poissons rouges.
envie d’oser la force graphique des papiers découpés noirs sur
des fonds bleu ciel ou blancs. Quant à Dame Sei Shônagon et le
C’est un très très beau livre, Sacha, plein de poésie et de sen-
samouraï, qui se passe dans la société japonaise lettrée, j’ai
sibilité et qui m’a donné le regret de ne pas vous avoir
voulu un support et une peinture qui puissent rendre cette
connue petite fille ! J’ai été bouleversée par votre écriture tout
atmosphère raffinée, d’où cette longue bande de papier de soie
en retenue, et la délicatesse de votre illustration. Et le jury
de quatre mètres peinte à l’aquarelle et à l’encre. La plupart de
aussi a été sous le charme !
mes autres livres sont à la gouache, dont j’aime le velouté, ou à
Brigitte Morel, qui était à ce moment-là aux éditions du Seuil,
l’aquarelle qui permet de jouer avec les nuances ; pour Galilée,
faisait partie du jury et a pris tout de suite rendez-vous pour un
publié au Seuil, j’ai alterné gouache et crayon gris pour simuler
album. Ce sera L’âme du cheval, que j’ai conçu durant ma pre-
les grimoires d’autrefois.
mière grossesse et que j’ai rendu à l’éditrice le 18 août 2004, jour
de la naissance de mon fils Pierre. Je le lui ai dédié, à lui et à mon
Vous avez, avant même votre sortie d’école, participé à de
mari Aurélien.
prestigieuses expositions...
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I L LU S T R AT I O N D E S AC H A P O L I A KOVA P O U R U N M I L L I O N
D E P O I S S O N S ROU G E S , L’A R T À L A PAG E
Oui, j’ai eu la chance d’être sélectionnée, en 2000 et 2002, à Mon-
C’est d’un très grand lyrisme et vos dentelles foliacées sont
treuil, pour Figures Futur, de participer à quatre expositions de la
superbes... Avec votre mari, vous avez, en plus de vos quatre
Fiera de Bologne entre 2002 et 2006, d’être choisie pour Barreiro
rejetons de chair et d’os, fait un enfant de papier désormais
au Portugal en 2003 et Sarmede, en 2007, dans le cadre de Le
introuvable...
Immagini della Fantasia.
C’est vrai ! Quand Toutou se carapate, paru, encore, chez GautierLanguereau en 2006 est épuisé et n’a pas été réédité. C’est un
Vous êtes trop modeste : la chance n’y est pour rien ! C’est
livre animé où j’ai illustré de courts poèmes et des comptines
votre talent qui a été vite reconnu, et ce fut la même chose
de Mikhaïl Yasnov qui était une bonne connaissance. Jean-Luc
dans le monde de l’édition : votre premier album n’a pas
Moreau les a traduits du russe et Aurélien a réalisé l’ingénierie
attendu votre sortie des Arts Déco !
du pop-up.
Mon premier album de jeunesse a été publié chez Gautier-LanEt, avec ce livre, nous retrouvons vos racines russes, comme
beaucoup compté dans mon parcours. J’ai illustré Quand j’étais
pour votre extraordinaire La petite clé d’or ou Les Aventures de
loup, un texte de Philippe Lechermeier qui revisitait le thème du
Bouratino. Un album très admiré, version russe de Pinocchio...
loup-garou. Je viens de retravailler cet automne avec le même
C’est un conte d’Alexis Nikolaïevitch Tolstoï, que mes lecteurs
auteur pour Le Cirque magique où j’ai eu plaisir à juxtaposer dans
confondent souvent avec Léon Tostoï, l’auteur de Guerre et Paix
le même livre toutes sortes de techniques.
dont il est un lointain parent. Il est paru en 1936, très célèbre
dans l’ensemble de l’Europe de l’Est, souvent réédité, adapté au
Ce thème ambigu de la métamorphose et de l’animalité pré-
théâtre et au cinéma, et représenté même sur des timbres-
sente dans l’être humain, vous le retrouvez dans La Belle et la
poste ! Dans sa préface, Alexis Tolstoï déclare avoir lu Pinocchio
Bête que vous mettez en images en 2004 pour Thierry Magnier.
dans son enfance. Mais c’est faux ! Le livre de Collodi n’était pas
En 2005, vous exposez, à la Fiera de Bologne, les originaux de
encore édité en russe, et Tolstoï ignorait l’italien. Il a, en fait,
La Cité des Oiseaux. Peut-on voir la contamination de votre mari
découvert l’histoire du pantin de bois par un ami qui travaillait
architecte dans votre aisance à représenter des architectures
à la traduction du texte. Il l’a trouvée trop moralisante. Alors il
qui allient Le Corbusier à Numérobis ?
l’a réécrite à sa façon. C’est une histoire qui m’était très fami-
J’ai souvent dessiné des maisons, celles des villages tradition-
lière. Je n’ai même pas eu besoin de faire des essais pour les por-
nels, mais aussi les constructions contemporaines. C’est Auré-
traits des personnages : je les portais en moi. En plus, j’ai eu le
lien qui m’a soufflé l’idée de l’école, qui est un projet de Robert
plaisir de créer des décors de théâtre qui m’ont rappelé mes
Mallet Stevens. Mais l’illustration de ce livre m’a mise mal à
études à l’Académie de Saint-Pétersbourg.
l’aise, et je retrouve cette gêne quand on me demande de le
présenter à des enfants des «quartiers». J’ai essayé de corriger
La même année que Pef, vous avez mis en images L’Ogre de
par des images gaies le côté déprimant du texte qui dévalorise
Moscovie, extrait de Bon conseil aux amants, un poème de
les lieux que ces enfants habitent. Ce n’est pas le sentiment
Victor Hugo paru dans le recueil Toute la lyre en 1861. Votre
que j’en ai.
éditeur a supprimé le préambule et les personnages sont
En revanche, j’ai été en accord avec A l’ombre du tilleul de
transformés en marionnettes... Un livre exceptionnel !
Cécile Roumiguière qui est paru en 2005, encore chez Gautier-
J’ai voulu ajouter une pointe de féminisme à la fin et transfé-
Languereau. La relation avec mon grand-père ou avec ma
rer l’histoire dans un théâtre de marionnettes pour la mettre à
Babouchka ont beaucoup compté pour moi et comme j’aime la
distance, car cette dévoration d’un enfant en direct était très
nature, j’ai eu plaisir à dessiner des végétaux, les arbres en
violente.
particulier.
Une touche d’humour noir si différent du lyrisme de A l’omAvec leurs racines ?
bre du tilleul… Vous êtes cousine de Protée ! Merci, chère
Oui, cela étonne toujours les enfants !
Sacha...
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guereau en 2003 où j’ai travaillé avec Maryvonne Denizet qui a
TOPOGRAPHIES ENFANTINES
MURS ET
MURMURES DE MAISONS
Qui se penche sur le thème de la maison en littérature jeunesse en pensant la voir surgir tel le rempart des remparts, serait surpris de ne trouver que flottement, mouvement et bouleversement. Secouée d’émois, éprise de
changement, parfois même frappée par le chaos, la maison – cette image de nous-même – se dessine alors sur un
mode trépidant, celui de la vie. PAR CÉCILE DESBOIS-MÜLLER
le voyageur-lecteur laissera peut-être son esprit vagabonder…
jusqu’aux antipodes. Là où, grâce aux plans de Byron Barton, On
construit une maison (L’Ecole des loisirs) bien plus normalisée.
Finalement, entre ce documentaire destiné aux tout-petits et
les pérégrinations de M. Cagibi, tient tout un monde insaisissaI L LU S T R AT I O N D E J U T TA B A U E R P O U R A L O RS O N A D É M É N AG É , L A J O I E D E L I R E
ble d’étranges constructions…
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Ecoutons d’abord : «J’aimerais qu’il existe des lieux stables,
immobiles, intangibles, intouchés et presque intouchables,
Les mots de la maison
immuables, enracinés ; des lieux qui seraient des références,
Appellation précise des métiers concernés, description des
des points de départ, des sources ; mon pays natal, le berceau de
matériaux utilisés… On construit une maison est bien un docu-
ma famille, la maison où je serais né, l’arbre que j’aurais vu
mentaire. De ceux qui tentent d’ordonner, classer, définir et
grandir (que mon père aurait planté le jour de ma naissance), le
expliquer. Pourtant, dans ce territoire du rationnel, la maison
grenier de mon enfance empli de souvenirs intacts…». On pour-
déjà s’envisage hors les murs. Récemment, les Archives d’archi-
rait croire ces phrases de Georges Perec (Espèces d’espaces, Galli-
tecture moderne de Bruxelles ont sélectionné dans leurs riches
mard) émises, tel un vœu, par un personnage d’album pour
fonds un corpus de magnifiques dessins pour illustrer une exi-
enfants, constatant avec une certaine joie effrayée que, dans ce
geante collection d’initiation à l’architecture. Véritable encyclo-
monde de mots et d’images, l’habitat se fait aussi immense et
pédie illustrée du logis, Les mots de la maison (deux volumes) nom-
vibrant que le monde tout entier.
ment et précisent les lieux intérieurs et extérieurs de la maison,
ses pièces, séparations et appendices. Accompagnant chaque
Des maisons pour grandir
espace d’une citation littéraire, l’ouvrage découpe méticuleuse-
Reconnaissons-le, les contes, déjà, nous mettaient en garde :
ment l’espace privé… pour mieux montrer, presque à son corps
dans les masures, les petits enfants ne sont à l’abri de rien, pas
défendant et par ce jeu d’illustrations délicieusement désuètes,
même de leurs parents (Le Petit Poucet) ou de quelque jalouse
la porosité des lieux cloisonnés, la fragilité de cet épiderme, fût-il
marâtre hourdant de sombres projets (Blanche-Neige) ; les chau-
en briques ou de béton. Vides de tout habitant, les pièces déser-
mières alléchantes hébergent souvent des sorcières (Hänsel et
tées («absentes» dirait l’artiste italien Claudio Parmiggiani), n’en
Gretel) ou des ours mal léchés (Boucle d’or) ; les châteaux sont
semblent que plus aérées, ouvertes à l’imagination.
tenus par de cruels princes (Barbe Bleue) et les murs des logis
Dans des ouvrages plus simples d’accès, couvrant de plus
s’effondrent au moindre souffle de loup (Les trois petits
grandes aires géographiques ou historiques, l’habitat apparaît
cochons)…
dans cette même essence, tel un fruit du hasard répondant à des
Ces effrayantes maisonnettes, que l’on doit quitter ou
besoins et utilisations différents et changeants. Présentée dans
affronter pour grandir, n’ont pourtant pas freiné l’ardeur d’un
sa fonction vitale, celle de l’abri, la maison est aussi un objet pro-
explorateur, le célèbre Alphonse Cagibi. Dans son beau carnet
téiforme, rappelle – en filigrane et dans un léger désordre – Le
de voyage rempli de croquis, notes et commentaires, celui-ci
monde des maisons (Circonflexe). Chalets, isbas, yourtes, huttes,
nous invite à pousser plus loin notre chemin, à le suivre dans sa
HLM ou caravanes, les maisons nomades ou sédentaires, indivi-
folle course aux Graines de cabanes (Gautier-Languerau). Cabane
duelles ou collectives, sont au-delà du refuge, des formes et sup-
d’oiseaux, en pain d’épices (nous y revoilà !) ou du bout du
ports artistiques, des signes et insignes, les symboles de notre
monde, ces poétiques habitations rappellent la joie d’inventer
relation au monde. Et si l’on peut accepter (quoique) de les défi-
des espaces fragiles, éphémères et colorés. Au fil de ces pages,
nir comme un négatif de l’extérieur, raconter leur historique, les
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resituer dans leur contexte social (La maison à petits pas, Actes
la vie du jeune garçon vient de s’achever, un autre commence
Sud Junior), nos demeures n’en restent pas moins inclassables.
dans une maison qui ne sera plus jamais la même…
C’est dans cet esprit que Laura Ljungkvist s’est plu à se jouer
Dans un registre moins symbolique, d’autres albums évo-
des règles du genre documentaire. Destiné à de petites mains,
quent la maison comme point d’appui à un saut vertigineux
Suis la ligne (Circonflexe) propose la visite d’une maison, de la
vers l’ailleurs. Alors on a déménagé (La Joie de lire) raconte les
cave au grenier, en passant par le réfrigérateur de la cuisine et le
pérégrinations d’une famille nomade, d’une tribu – parents,
coffre à jouets. La mise en page, réussie et interactive, combine
grands-parents, petit frère, grande sœur – atteinte de bougeotte
formes géométriques, silhouettes et contours stylisés, jeux de
chronique. Dix-huit fois ils emménagent. Dix-huit fois ils repar-
matières (bois, tissus à motifs imprimés) et collages (photos et
tent. De l’intérieur d’un violon à une salle de cinéma en passant
cartes postales). Mais surtout, elle laisse cette ligne, fil d’Ariane
par la Lune, la vie s’écoule avec ses bonheurs et ses drames,
rieur, nous guider et nous égarer dans un monde où certains
dans des lieux insolites, réputés être inhabitables. Racontées
objets, fugueurs ou squatters, ont décidé de s’installer là où nul
(par Peter Stamm) sous forme de comptines, illustrées (par Jutta
ne les attendait. N’en est-il pas exactement ainsi ? La maison
Bauer) de façon poétique à la peinture et au crayon, ces petites
est en soi un lieu en dérangement permanent…
histoires disent, au-delà de la cavalcade insensée, un peu l’errance et l’insatisfaction, beaucoup l’envie d’habiter des lieux
Un monde en mouvement
déraisonnables, et surtout le plaisir d’être ensemble peu
Intervalle flottant, la maison se fait l’espace propice aux fic-
importe où. Et quand finalement tout ce petit monde atterrit
tions osées, inscrivant le changement au cœur de leur récit.
dans une maison de banlieue, on peine à croire qu’il s’agit là
Aisément, le quotidien rassurant (ou étouffant) peut alors être
d’une solution définitive.
balayé par une brise rafraîchissante ou une sourde tempête.
Presque à contre-pied de cette chute, Beatrice Alemagna
Un Dimanche matin (Circonflexe) dans une maison encore
commence l’histoire de La maison bleue (Casterman) là où elle
plongée dans les brumes du sommeil, un jouet, petit bonhomme
semblait devoir s’arrêter. Un voyageur pose ses valises. Près de
de bois, attend qu’un train vienne le chercher. L’omnibus dévale
la mer, dans un coin de sable et de bleu. Il y construit sa maison
la table, quitte la cuisine, prend sur le chemin d’autres passa-
avec une seule fenêtre pour faire un clin d’œil au soleil. Mais de
gers. Avec très peu de texte et des illustrations d’une douceur
repos, il ne pourra goûter, pressé qu’il est par trois emplumés
toute enfantine, Kota Taniuchi raconte, dans une ambiance
imbéciles d’agrandir sa maison. Couverte de bleu, (en)volée par
ouatée, un petit quelque chose de magique. Sans bruit, le train
des mosaïques d’oiseaux, la maison finira par trouver son véri-
glisse sur le carrelage pour amener ses précieux voyageurs jus-
table espace dans l’azur infini où se confondent mer et ciel.
qu’à leur destination : la chambre de l’enfant. Est-ce un rêve ?
Sans murs, ni limites, ne serait-elle pas la promesse d’un nou-
Tout ceci peut-il se passer dans une maison aussi sage ?
veau voyage ?
Cette interrogation-là ne semble pas exister dans l’univers de
Kota Taniuchi. Et encore moins dans celui d’Anthony Browne.
Des toits si fragiles
Tout change, déclare-t-il dans ce manifeste surréaliste qui s’em-
Alors on a déménagé en parlait sans en faire le cœur du récit,
pare des meubles et objets du quotidien. Absolument tout. Une
Schmélele et l’Eugénie des larmes (L’Ecole des loisirs) l’aborde sans
bouilloire peut se transformer en félin, un canapé en alligator,
détour : il arrive qu’une maison ne soit pas celle dont on rêve,
une pantoufle en oiseau. Tout n’est que métamorphoses, défor-
qu’elle ne parvienne plus à nous protéger des dangers exté-
mations et monstruosités. Et face à ces bouleversements, Joseph
rieurs, il arrive qu’une maison soit si délabrée que les fenêtres,
s’interroge : même sa chambre n’est plus le refuge qu’il connais-
les murs et le toit aient décidé de s’en aller. Ouverte à tous les
sait. Exprimant l’inquiétude croissante face à un changement
vents et toutes les tristesses, celle de Schmélele n’a pu éviter
dont le lecteur ignore la nature, la transformation d’objets iner-
que ses parents disparaissent, écrasés par le poids de leur tra-
tes en formes animales annonce l’imminence du grand inconnu.
vail. De leur foyer, il ne reste que la porte, la fidèle Bâle qui
Joseph ne devra pas fuir cet endroit mais y accueillir la petite
accompagne Schmélele lorsque celui-ci quitte à son tour cet
sœur que ses parents ramènent à la fin du livre. Un moment de
endroit de désolation. Comme toujours chez Ponti, ce départ
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TOPOGRAPHIES ENFANTINES
I L LU S T R AT I O N D E M A X D U C O S P O U R J E U D E P I ST E À VO L U B I L I S , S A R B ACA N E
annonce une magnifique quête au cours de laquelle le jeune
secret de cette demeure. Au passage, celui-ci découvrira des
héros se confronte à lui-même. Au terme de son expédition
œuvres d’art et une autre forme d’habitat, éloigné des normes
mouvementée, Schmélele retrouvera ses parents intacts et fera
actuelles. Mais surtout il sera heureux de finir cette histoire là où
pousser une maison singulière, si démesurément haute que la
toute maison se ressemble, dans une pièce qui parfois n’est
largeur du livre ne lui suffira plus.
qu’un coin, où quelques livres nous attendent. Dans sa représen-
Ce thème de l’exil forcé est aussi donné à lire par Elzbieta,
avec toute la sensibilité qui caractérise son œuvre. «Quand il
tation même, la bibliothèque assure que le texte et l’image restent bien au cœur de nous-même.
PAROLE 1/2012
était petit, Petit-Gris attrapa la pauvreté. Toute la famille l’eut
Dans un autre genre, plusieurs recueils mettent en exergue
en même temps». Alors les chasseurs les délogèrent et plus
ce rapport de l’art au logis. Il y a quelques années, Helen Percy
jamais ils ne trouvèrent la paix. Pour améliorer leurs conditions
nous ouvrait les portes des Maisons (Dragon d’or) de Malevitch,
de vie, échapper aux chasseurs, aller plus vite, les parents de
Chagall ou Vermeer dans un petit livre simple mais rempli d’uni-
Petit-Gris (Pastel) se demandaient : faut-il abandonner Petit-Gris
vers chatoyants. Lui emboîtant le pas, Elisabeth de Lambilly et
à des gens plus riches ? Aller ailleurs ? Et même lorsqu’ils cons-
Béatrice Fontanel invitent le lecteur à pousser la porte de Ma
truisirent «une île qui flottait sur la mer», les chasseurs voulu-
Maison (Palette), et à découvrir le livre sur le mode visuel ou par
rent les contraindre à partir. Alors Petit-Gris, de son éponge
l’écoute d’un texte court, proche de la comptine. Dans une sélec-
magique venue de la mer, effaça tout ce vilain monde. Et dans le
tion d’œuvres qui s’éloignent un peu des «chefs-d’œuvre», l’en-
grand vide des dernières pages, il semble que lui-même ait
fant découvre des foyers dans ce qu’ils ont de plus précieux :
disparu…
leurs habitants («La porte d’une chambre était entrouverte, j’ai
Ce thème immensément actuel inspira à Elzbieta un autre
aperçu un bébé à qui on faisait la toilette...») et les activités aux-
album, plus léger. Avec sa forme de gâteau, ses murs de pain
quelles ils se livrent. Que se passait-il quelques minutes avant
d’épice et son nappage de chocolat, La maison de Couci-Couça est
cette scène troublante ? Tous ces personnages appartiennent-
irrésistible. Les souris s’y invitent chaque mardi, tant et si bien
ils à une seule et même famille ? Autant de chemins possibles
qu’à la fin, de sa maison il ne reste rien. Entre conte et comp-
pour susciter des réflexions sur le rôle de la maison et ses
tine, l’album parle de la gourmandise, mais aussi de la peur de
modes de représentation.
perdre son foyer…
Plus ludique, La maison des arts (Sandrine Andrew, Palette)
Indéniablement, les albums jeunesse n’oublient pas Les
invite l’expression plastique à s’installer dans toutes les pièces.
Petits bonshommes sur le carreau (Le Rouergue), les miséreux, les
Une tasse à poils pour prendre le thé dans le salon, un hambur-
sans-abri, les exclus, les habitués du froid, de l’indifférence, de
ger géant dans la cuisine, un baiser d’or dans la chambre des
la honte. Un dessin dans la buée, des personnages en argile
parents, un coffre rempli de cauchemars surréalistes dans la
photographiés : ne pas fermer les yeux.
chambre des enfants... Celui qui ouvre les volets de cette maison s’expose à de belles découvertes !
A la maison d’art, d’art !
Sans les claquer, refermons ces quelques portes à peine
Ouvrir les yeux. Un peu plus grand pour nous inviter chez
entrouvertes. D’autres maisons bientôt seront à explorer.
Magritte, dans L’empire des lumières. Confrontant dans une même
Posant toujours cette question : que veut dire avoir Un lieu à
scène un ciel diurne et des éclairages nocturnes, ce tableau
soi (Gallimard Jeunesse) ? Que veut dire habiter son corps, sa
transforme la maison en espace magique, sombre, renfermant
maison ou le monde ? Des éléments, non de réponse mais de
quelques (obscurs ou lumineux, on ne saurait dire) secrets.
réflexion, sont apportés par ce merveilleux livre d’initiation à la
Dès lors, la porte est ouverte pour que la magie de l’art s’em-
philosophie écrit par Anissa Castel.
pare de ce lieu sacré qu’est le domus. Et dans cette brèche se sont
Qui nous offre au passage, et en conclusion, une autre pen-
enfilés nombre d’ouvrages dont le plus surprenant reste sans
sée de Perec : «On est chez nous, on est à son bureau, on est
doute Jeu de piste à Volubilis (Max Duco, Sarbacane). Dans une mai-
dans le métro, on est dans la rue. C’est évident bien sûr. Mais
son «étrange» ou «moderne», héritière de l’architecture lecorbu-
qu’est-ce qui n’est pas évident ? De temps en temps, pourtant,
sienne, une petite fille invite le lecteur à rechercher avec elle le
on devrait se demander où on (en) est…».
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TOPOGRAPHIES ENFANTINES
DANS LES VILLES…
Et si l’on marchait un peu dans les rues de la ville ? Comment la littérature jeunesse rend-elle compte de l’espace
urbain ? Du livre animé au documentaire, en passant par l’album, petit tour d’horizon avec Paris pour destination
finale. PAR MADELINE ROTH
I M AG E S D E GA Ë TA N D O R É M U S P O U R R H I N O D E S V I L L E S , A U T R E M E N T
La ville est, semble-t-il, assez peu présente dans les livres pour
Popville, c’est «un pop-up fascinant, architectural et labyrin-
enfants. Sans doute parce qu’elle est associée au réel et aux
thique», selon les mots de l’éditeur ; tout commence donc avec
hommes, femmes et enfants qui la peuplent – quand tant d’al-
l’église, au centre de l’image, une route et quelques arbres
bums préfèrent ouvrir la porte à un autre espace (la forêt, la
autour. On tourne la page, et on cherche les différences. La route
nature…) peut-être plus grand, mystérieux, plus propice aux
s’est agrandie. Deux engins de chantier sont apparus, ainsi que
animaux et aux aventures, à la fiction, au rêve. Dans les livres
quatre bâtiments près de l’église. On tourne encore. Une grue,
qui suivent, on s’aperçoit que la ville n’est plus seulement un
un chemin de fer. Et encore d’autres constructions. A chaque
décor, mais qu’elle devient bel et bien un personnage à part
fois plus nombreuses. Il faut bientôt agrandir l’espace, ouvrir
entière : sous le regard de l’architecte, du photographe, du pein-
les pages sur leurs bords. «Aujourd’hui, il y a de grandes tours
tre, elle s’habille de lumière et devient tour à tour terrain de jeu
visibles de loin. On s’y rend par les autoroutes fraîchement gou-
et mystère. C’est parti ?
dronnées et lisses comme de la lave, on y rejoint ceux qui ont
mené leur grand projet : construire».
Des forêts aux immeubles
Voilà. On est dans la ville, la vraie, la grande, multiple, colorée,
Point de départ de la balade. On est encore en forêt. On touche
bruyante, anonyme, inattendue. Deux très beaux livres de
les pages et les ronds de couleurs dans le blanc, trois ronds
photographie viennent nous la raconter. Dans le premier, on
comme les points de suspension du titre, Vers la ville..., un
traque le rhinocéros. Sur les vieux bâtiments de Strasbourg,
album qu’Eric Battut a publié chez Didier jeunesse en 2004.
dans les jardins, dans les vitrines des boulangeries, d’un quar-
Douze doubles pages, lumineuses, douze couleurs et douze
tier à l’autre, dans les musées, les écoles, les parkings : le rhino-
animaux qui avancent vers la ville. Le sanglier se cache dans la
céros de Gaëtan Dorémus est partout (Rhino des villes, Autrement,
forêt, le cerf sort du bois. Le hérisson traverse les chemins, l’oi-
2010). On pense à Miss Tic, Ernest Pignon-Ernest ou encore aux
seau remonte le grand fleuve. Voilà, on est arrivé. Comme dans
mosaïques de l’artiste français Invader que l’on peut trouver
les plus beaux albums de Battut, c’est la force des couleurs – et
aujourd’hui dans des villes du monde entier. Rhino des villes, c’est
la densité, la lumière – qui prime.
du «street art», de l’art urbain, qui investit et questionne
«Au commencement, il y a souvent une église et son clocher,
visible de loin. On s’y rend par l’unique route cabossée, on s’y
l’espace, multiplie les techniques et les supports, et surtout, je
crois, s’amuse !
retrouve, et voilà le début d’une communauté». Ce sont les pre-
Le deuxième livre, En ville de A à Z, est épuisé depuis quelque
mières phrases du texte de Joy Sorman que l’on peut lire à la fin
temps, il était paru aux éditions Panama en 2008 et avant
de Popville, d’Anouck Boisrobert et Louis Rigaud (Hélium, 2009).
cela chez l’éditeur italien Corraini, vrai réservoir de pépites
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TOPOGRAPHIES ENFANTINES
graphiques. C’est un abécédaire : 26 lettres et 26 photos prises
Beatrice Alemagna écrit à la fin de l’album : «Je me suis
dans la ville de Londres par Roberto Berreta et Andreu Llorens.
demandé pourquoi ce lion est si aimé par les Parisiens. Je crois
«Tout a commencé par un accident», précise Roberto Berreta
que c’est parce qu’il semble très heureux là où il est». Beatrice
dans un texte inséré au milieu du livre : deux photographies
Alemagna est née à Bologne avant de venir s’installer à Paris.
dont l’auteur s’est rendu compte, en les plaçant côte à côte,
Nul doute que cet album parle aussi bien de Paris que de la
qu’elles représentaient très clairement un I et un J. «L’idée d’en
peur de l’étranger et de l’intégration – avec poésie, humour et
tirer un abécédaire s’est immédiatement imposée. Et c’est vite
douceur.
PAROLE 1/2012
devenu une obsession». On y trouve essentiellement des gros
On reste à Paris, mais on remonte un peu le temps. En 1960
plans, de bâtiments, de rues, de façades. On adore en particulier
paraissait dans «L’Encyclopédie Casterman» une série de por-
le X et l’enfant au milieu. On découvre que «trouver un G a été
traits de villes illustrés, spécialement conçus pour la jeunesse.
un véritable cauchemar».
Paris, Rome, Londres, Venise, New York... c’est le Tchécoslovaque Miroslav Sasek, mort en 1980, qui donna naissance à ces
Promenade à Paris
images, modernes, drôles, colorées. Casterman a décidé il y a
Quatre albums presque sans texte qui dessinent chacun à leur
peu d’en proposer de nouvelles éditions en fac-similés, une
manière une ville-couleurs, une ville multiple, et surtout une
page additionnelle en fin d’ouvrage venant simplement consta-
ville vivante. Continuons la balade, cette fois dans les rues de la
ter les principaux changements ou les monuments apparus. La
capitale. On traquait le rhinocéros, on va suivre le lion. Un lion à
première double page du Paris de Sasek est magnifique. La Tour
Paris (paru aux éditions Autrement en 2006) est un grand album
Eiffel, le Sacré Cœur, l’Arc de Triomphe et Notre-Dame : quatre
à qui l’on doit faire faire un quart de tour pour le lire de haut en
monuments qui se détachent, et les maisons, les immeubles,
bas, comme un carnet de voyage peut-être. Il s’ouvre sur un cro-
les arbres prennent la forme de centaines de carrés de couleurs
quis très simple : un plan de Paris sur lequel Beatrice Alemagna
à la manière des pointillistes. La balade est un vrai bonheur,
a tracé le parcours de son lion, de la Gare de Lyon à la place Den-
remplie de chats, de boîtes aux lettres, de réverbères, de monu-
fert-Rochereau, en passant notamment par St-Germain-des-
ments bien sûr, mais aussi de personnages burlesques à la Tati.
Prés, Beaubourg, le Sacré-Cœur, la Tour Eiffel.
Bruno Gibert connaissait-il le livre de Sasek ? Parce que son
L’histoire, c’est celle d’un gros lion qui s’ennuie beaucoup
livre à lui, Peluches à Paris – paru à l’automne 2011 – joue vérita-
dans sa savane et qui décide donc de partir «chercher un travail,
blement avec ce côté rétro. On trouve aux deux ouvrages beau-
un amour, un avenir». «Il arriva à Paris par le train et sans aucun
coup de points communs, ne serait-ce que ce portrait à la fois
bagage. C’était sa première fois dans une grande ville. Cela lui
drôle et tendre de la ville, et jusque dans la construction des
faisait un peu peur, bien sûr».
images, où les détails s’annulent pour laisser toute l’impor-
Le Paris d’Alemagna est longtemps gris-bleu, avant de s’ou-
tance au blanc et aux couleurs. Participent au voyage à Paris
vrir à la lumière sur une double page où la Tour Eiffel vient cas-
cinq peluches : Poussin, son grand-père Papi Toutou, Madame
ser le rythme de l’album, envahissant l’espace jusque-là
Trompette, Tonton Mouton et Miss Titi la meilleure amie de
réservé au texte. La Seine, très présente dans l’album, passe
Poussin. Ils découvrent le métro, les monuments, les boutiques
même du bleu au vert d’eau, et aux fenêtres des immeubles, les
de chapeaux, les musées, la soirée à l’opéra et le cimetière du
gens sourient à pleines dents. «La ville, qui le matin lui parais-
Père-Lachaise. Place de la Concorde, «il y avait comme un fleuve
sait si morne, si effrayante, si grise, semblait maintenant lui
à traverser, un large fleuve infesté de crocodiles». Ils ont ce
sourire de toutes ses fenêtres». Le lion termine sa balade place
regard neuf et insolite : se promener avec eux donne immédia-
Denfert-Rochereau, où il décide de rester (la statue sur la place
tement le sourire – et il y a cette double page fabuleuse où deux
a été érigée par l’architecte Bartholdi, entre 1876 et 1880).
peluches se cachent derrière les colonnes de Buren.
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TOPOGRAPHIES ENFANTINES
Quand deux portraits s’opposent
des citations et les lieux évoqués. Balade incroyable, riche, écla-
La capitale, mise en images par Beatrice Alemagna, Miroslav
tante de couleurs, savoureuse et fantaisiste.
du rêve, un genre de pays imaginaire qui n’aurait pas d’âge.
Et trois cadeaux pour finir
C’est tout l’inverse qui se dégage du livre de Claude Ponti inti-
Il est presque midi. Le soleil illumine l’écran sur lequel j’écris
tulé Paris, paru à L’Ecole des Loisirs en 1992. Tout l’inverse sans
cet article, quelque part au sud (vraiment au sud) de Paris. J’ai, je
doute parce que le trait du dessinateur est extrêmement net,
crois, gardé «le meilleur pour la fin», c’est souvent comme ça
ses façades tellement lisses, chaque détail si précis... Noël-Jean
que l’on fait, non ? Trois livres.
Bergeroux explique dans une très belle préface comment sont
Deux petits cadeaux d’abord, Destination Paris et Drôles de
nés ces dessins, commandés par le journal L’Express-Paris entre
balades dans Paris, imaginés par Claude Combet et Thierry Lefèvre
mars 1990 et juin 1991. Ponti, qui jusqu’alors dessinait plutôt
et illustrés par Magali Le Huche (Actes Sud junior, 2006 et 2008).
des monstres, en noir et blanc, se retrouve à devoir représenter
Je dis cadeaux, parce que ces deux petits livres-là sont précieux.
avec précision toutes les façades de la rue du Jour («commande
Le premier n’est pas un guide, mais une «balade instructive et
passée entre quatre yeux, secrètement, tant pouvait paraître
ludique» où l’on découvre l’histoire, les lieux, les anecdotes, les
bizarre de demander un dessin architectural à celui qui, en ce
records, «le quiz des têtes de veaux», et mille autres choses avec
temps-là, illustrait d’un trait encore un rien morbide la chro-
la complicité des images toujours drôles et fraîches de Magali le
nique humoristique de dernière page»). Suivront «quatre-vingt
Huche. Le second propose vingt-six promenades «originales et
semaines de petits bonheurs hebdomadaires, d’attendrisse-
saugrenues» à découvrir dans Paris avec enfants, petits et
ments et de redécouvertes. La lumière avait pris le pas sur les
grands, marcheurs et moins marcheurs. Il y a des balades en
ténèbres primordiales».
métro, en bus ou en rollers, d’autres à la découverte de lieux qui
Oui, c’est bel et bien de lumière dont il est question dans ce
livre, la lumière si caractéristique du dessin de Ponti et qui par-
font peur, des chasses aux trésors et balades oulipiennes au no 7
de la septième rue du 7e arrondissement...
ticipe très certainement du mystère et de la fascination
Et le dernier, le plus beau, c’est un livre de Jean Lecène paru
qu’exercent ses images. Geneviève Brisac a introduit chacune
en octobre 2011 aux éditions Palette et qui s’intitule Paris, l’art
des balades mais c’est Ponti qui en écrit le texte, avec une
en capitale. En cinq chapitres, il nous promène dans le Paris des
extrême douceur, une attention aux choses, aux petits détails,
peintres. C’est le jardin des Tuileries par Manet, par Pissaro ; la
des phrases courtes et douces, reposantes. Le Paris de Ponti est
Tour Eiffel par Nicolas de Staël ou photographiée par André
calme, mystérieux, presque silencieux.
Kersetz ; le métro peint par Dubuffet ou Vuillard... On y lit aussi
Prenons encore une vision opposée. Un Paris cette fois-ci cer-
des phrases de Baudelaire, d’Henri Calet, de Prévert, de Cen-
tainement bruyant, coloré, un peu bordélique mais sans aucun
drars. C’est la plus belle des découvertes de la ville, à travers le
doute multiple et vivant : c’est en tout cas l’impression qui res-
regard d’artistes, d’époques et de nationalités différentes. «La
sort du livre de Francesca Bazzurro et Orith Kolodny, paru à La
capitale devenait alors pour eux une seconde patrie. Au fil des
Joie de Lire en 2010, dans la collection «De ville en ville» (où l’on
décennies, une génération a remplacé l’autre et chacun a posé
peut retrouver Tel Aviv, Berlin, Genève). L’idée (j’avais écrit «le
son chevalet en des lieux différents, pour observer le kaléido-
pari»...) était de présenter la ville à travers des citations d’écri-
scope aux mille facettes de la grande cité, en métamorphose
vains, artistes et chansonniers, et d’en donner une représenta-
perpétuelle».
tion vraiment originale (dessins, photographies, mise en page).
Comme si ce livre, par la multiplicité des regards, des tech-
Il faut s’attarder sur les images pour en découvrir les détails et
niques, des points de vue, donnait la juste représentation de la
revenir souvent aux dernières pages qui présentent les auteurs
ville : multiple et insaisissable, immense, changeante.
PAROLE 1/2012
Sasek et Bruno Gibert, a décidément quelque chose de l’ordre
TOPOGRAPHIES ENFANTINES
«SE PROMENER DANS LES RUES,
C’EST UNE TÂCHE SÉRIEUSE»
Dans l’univers de l’enfant, les rues ne sont pas des lieux comme les autres ; symboles du dehors, d’un extérieur
parfois menaçant, riche de dangers et d’inconnu, symboles aussi des premières tentatives d’émancipation, d’une
autonomie en voie d’être conquise, elles déroulent leur cortège de sensations, d’impressions et d’émotions.
PAR SYLVIE NEEMAN
terre, éventuellement même plus onirique, n’aurait pas affaibli
l’effet préventif de ces pages, peut-être même l’aurait-elle renforcé car un discours uniquement alarmiste et injonctif ne
favorise certes pas l’adhésion du jeune lecteur.
Dans un tout autre registre, les éditions Passage Piétons et le
poète Jacques Jouet, ainsi que de multiples photographes, nous
donnent un Rendez-vous dans ma rue auquel il est difficile de
résister : «Si tu passes dans ma rue / (mais ma rue n’est pas à
moi) / (...) tu pourras dévaliser le coffre / à savoir / le coffre aux
costumes (...)». Ici tout est invitation faite à l’enfant : invitation à
se saisir au vol de ce qu’il voit, de ce qu’il croise, à faire sien un
I L LU S T R AT I O N S D ’A N T H O N Y B R OW N E P O U R U N E AUT R E H I STO I R E , K A L É I D O S C O P E
jongleur de rue aussi bien qu’un cortège costumé, à admirer
Une rue peut être accueillante ou hostile, elle peut réunir ou
une rangée de sandales autant que des statues amoureuses, à
séparer, elle peut inciter à la rêverie ou à la prudence la plus
comprendre que tout s’offre à lui et que poser un regard poé-
extrême, on peut la fréquenter passionnément ou la redouter.
tique sur les banalités du quotidien, c’est les élever et s’élever
Nous commencerons ce petit itinéraire au gré des rues par deux
avec elles. Cet «imagier pour enfant moderne» fonctionne sur le
documentaires ; l’un est centré sur la mise en garde et l’autre,
mode de marabout-bout-de ficelle, mais ici ce sont surtout les
qui n’a peut-être de documentaire que l’apparence, est tourné
idées qui se télescopent et engendrent la représentation sui-
vers l’imaginaire.
vante, la page suivante, par association parfois verbale ou, plus
souvent encore, visuelle.
Le lieu de tous les dangers et de tous les rêves
Le 66e et dernier titre de la collection «Mine de rien» chez Galli-
Les visages des rues
mard jeunesse est consacré à la rue. Cette collection, on le rap-
La rue peut donc revêtir différents habits, offrir différents visa-
pelle, présente aux enfants tout un éventail de situations fami-
ges. Dans Une autre histoire (Kaléidoscope 2009), Anthony
liales, sociales, émotionnelles auxquelles ils sont susceptibles
Browne proposait une version étonnante de Boucle d’Or et les
d’être confrontés, posant ainsi des mots (ceux de Catherine
trois ours. Les pages de droite, colorées de teintes douces, mon-
Dolto) et des images (celles de Frédérick Mansot) sur un quoti-
traient une famille d’ours partis faire un tour pendant que leur
dien qui peut être vécu avec plus ou moins de difficultés.
porridge matinal refroidissait ; tandis qu’à gauche, l’illustrateur
Dans La rue, mode d’emploi, Catherine Dolto se livre à un
proposait, sans texte aucun et dans un parallèle subtil, le par-
inventaire des innombrables périls qu’encourt l’enfant qui
cours d’une fillette égarée dans ce que l’on pense être une ban-
aurait encore le courage, voire l’inconscience, après cette lec-
lieue en Angleterre, images on ne peut plus réalistes, en noir et
ture, de s’aventurer hors de chez lui ! Tout est passé en revue : la
blanc – à l’exception de quelques cheveux roux échappés du
circulation bien sûr, l’interdiction de jouer, comment et où mar-
capuchon de la gamine.
cher sur le trottoir pour ne pas se faire blesser par une porte qui
Tout, dans les illustrations, est symétrie : les angles des dalles
s’ouvrirait, les mauvaises rencontres éventuelles, les chats et
du sol répondent à ceux des briques des murs, la verticalité des
chiens qu’il ne faut pas caresser, le danger accru de nuit, etc.
gouttières et des réverbères fait écho à celle des façades et des
Bien entendu, en tant que parent, on comprend la nécessité
barrières, et quand un peu de fantaisie zèbre l’image, ce sont les
de ces explications, mais une petite contrepartie moins terre à
éclats d’une fenêtre brisée. Un monde urbain gris et monotone,
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ACT E S S U D J U N I O R
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au cœur duquel brille soudain une lumière, celle de la maison
min qu’effectue une fillette au sortir de l’école. Le texte très
des ours, et la fillette répondra à cette invitation à entrer dans ce
doux s’adresse à l’enfant, lui raconte, en quelque sorte, ce
nouvel espace… avant d’en être chassée, comme il se doit.
qu’elle est en train de vivre : «La route est longue qui te ramène
Elle retrouvera alors des rues assombries encore par la pluie,
à ta maison. Le cartable pèse sur tes épaules...» Ce «tu», très rare
façades taggées et murs surmontés de barbelés, mais à nou-
en littérature pour la jeunesse, et que l’on pourrait imaginer là
veau un éclat attire son regard, et cette fois ce sont les cheveux
afin de désigner avec plus de précision cette enfant en particu-
roux de sa mère.
lier, est comme contrebalancé par une autre assertion, pour le
coup étonnante : «Tu t’appelles Valérie ou Natacha. Ou Prune,
Capucine ou Yasmina. Tu t’appelles petite fille.»
s’achève avec la fuite de la petite héroïne qui est, de façon inté-
Par ces flottements narratifs, l’auteure parvient à rendre sa
ressante, à nouveau livrée à elle-même au cœur de la forêt. Ici,
jeune héroïne à la fois très unique et très universelle : ce qui
une fois la fillette partie, on voit à la fenêtre un jeune ours pen-
arrive à cette fillette, quel que soit son nom, est une aventure
sif qui déclare «J’aimerais bien connaître son histoire». L’his-
merveilleuse et cette enfant est digne de notre plus grand intérêt.
toire d’une gamine d’aujourd’hui, qui vit avec sa mère dans une
Et pourtant, quoi de plus banal que ce chemin quotidien :
banlieue grise et qui s’en sort très bien, les retrouvailles finales
quatre, cinq rues à traverser, quelques dunes imaginaires à
lumineuses symbolisant leur affection et la force qu’elles y pui-
escalader, un vélo fou à éviter, et le fils du boulanger, à qui sou-
sent. Et elles ont «une histoire». Contrairement au petit ours et
rire. Mais le lecteur sent que tout ceci n’est pas insignifiant, que
à sa vie feutrée ?
la narratrice serre de près la fillette, qu’elle l’entoure de ses
A ces rues vides et froides, j’opposerai volontiers l’univers
mots-balises, de ses mots-bouées ; en réalité l’enfant est seule à
foisonnant, fou, exubérant, d’un David Merveille rendant hom-
la maison pour quelques jours, sa maman a dû subir une opéra-
mage à Jacques Tati dans Le jacquot de Monsieur Hulot (Rouergue
tion et il n’y avait personne d’autre pour veiller sur elle. Alors
2005). Monsieur Hulot se balade en ville, à mobylette ; il tombe
l’auteure s’en charge, en quelque sorte.
sous le charme d’un perroquet dans une vitrine, et il ramène
On l’aura compris, le texte est superbe, plein de caresses et
l’oiseau chez lui, sur son porte-bagage. Toute l’histoire – sans
d’attention ; mais les images de Natali Fortier ne sont pas en
texte – est là. Mais il y a le reste : et ce reste, ce sont les petits
reste (Natali qui racontera plus tard un autre retour à la maison,
détails qui peuplent chaque page. Les rues de la ville sont le
si dramatique celui-là, qu’Ulrike Blatter avait évoqué dans
théâtre de tant d’événements, tous plus délicieux ou loufoques
Parole 1 / 2009).
les uns que les autres. Et lorsque l’image montre Monsieur
Ici pas de tragédie, mais des couleurs chaleureuses, des sil-
Hulot s’éloignant innocemment du chaos que son passage a
houettes cernées de fins traits noirs qui font que malgré la dou-
suscité, le plaisir de la lecture est immense !
ceur des teintes on ne tombe jamais dans la mièvrerie. Rares
Les enfants passeront des heures à découvrir les scènes
sont les pages qui n’accueillent pas un chat ou un oiseau, une
comiques, les clins d’œil, les allusions (pour certaines d’entre
plante ou un gâteau, autrement dit rares sont celles qui n’offrent
elles, les adultes les aideront…), les loufoqueries. Cela va du nom
pas un réconfort visuel à l’expression de la solitude de la petite.
des boutiques à la grosse dame qui se cogne à un réverbère, d’une
Les deux auteures ont su transformer un événement excep-
fontaine capricieuse à une statue involontairement coopérative,
tionnel et douloureux en un récit que l’enfant lecteur recevra
sans compter un certain nombre de catastrophes en série…
comme une aventure courageuse et finalement heureuse.
La rue, ici, c’est la vie même, dans ce qu’elle a de plus accidentel et poétique à la fois.
Un autre trajet riche d’émotions et de sensations de toutes
sortes, c’est celui que fait la petite Shau-yu En allant acheter des
œufs. Cette histoire de la Chinoise Chen Chih-Yuan, parue chez
En sortant de l’école...
Picquier jeunesse, propose une douce errance en brun, ocre et
En 2002, Natali Fortier illustrait un beau texte de Claude Carré
blanc, errance à travers la ville, de rue en rue, jusqu’à l’épicerie
pour la collection «Les albums tendresse» chez Actes Sud junior :
où la fillette, fière de sa mission, doit acheter des œufs pour le
comme son titre l’indique, Tu rentres à la maison raconte le che-
riz cantonais du soir.
PAROLE 1/2012
Pas de manichéisme dans cette réécriture de Browne, mais
beaucoup de nuances : on le sait, la «vraie» histoire de Boucle d’or
I L LU S T R AT I O N D E R É G I S L EJ O N C P O U R L A RU E Q U I N E S E T R AV E RS E PAS , N OTA R I
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PAROLE 1/2012
Cette mini-épopée commence par deux pages de garde, silen-
rue qui ne se traverse pas, paru l’année dernière aux éditions
cieuses, où apparaît simplement la façade de l’appartement
Notari. L’album est tout en verticalité, il est tout vertige aussi,
familial, à l’intérieur duquel on distingue les silhouettes d’un
avec une première page aérienne, car Régis Lejonc offre au lec-
chat, d’un chien, de plantes, d’habits suspendus. Cette même
teur le point de vue de l’oiseau, qui survole, qui ne connaît pas
image rassurante conclura d’ailleurs l’ouvrage, comme une
les obstacles que connaissent les humains. Puis une autre per-
parenthèse qui se referme. Mais pour l’heure elle s’ouvre, et la
spective s’offre au regard : on ne voit pas la rue qui donne son
première double page montre une pièce de la maison et expose
titre à l’ouvrage, mais on y est, à une certaine hauteur là aussi,
le projet du livre : la fillette souhaite «sortir jouer», sa maman
puisque seul le haut des immeubles apparaît, de part et d’autre
accepte à condition qu’elle fasse un petit achat pour le repas.
des doubles pages.
Cette page à peine tournée, l’amusement commence, la
On ne sait pour quelles raisons au juste cette rue ne se tra-
fillette est dans la rue et déjà elle joue les équilibristes sur l’om-
verse pas, seuls les oiseaux se jouent de cet espace interdit, ou
bre portée du toit de l’immeuble sur la chaussée, imitée en cela
impossible. Et dans leurs appartements qui se font face, il y a un
par la vraie ombre du chat quelques étages plus haut, et même par
garçon et une fille.
la typographie ! A la page suivante, c’est le chien qu’on retrouve,
Les amoureux qu’imaginent Henri Meunier et Régis Lejonc
endormi sur le trottoir ; l’émancipation de la fillette se fait pro-
n’ont pas d’âge. Ils semblent des enfants, au début de l’album,
gressivement, la rue est jalonnée de présences familières à l’en-
puis sans que cela soit dit le temps doit faire son œuvre puisque
fant, qui l’accompagnent dans son aventure. Le jeu continue,
dans les dernières pages, c’est un couple adulte qui danse –
avec la découverte d’une bille bleue à travers laquelle Shau-yu
mais cela peut tout aussi bien être un rêve. Entre-temps, les
redécouvre sa ville comme un paysage aquatique – et la narra-
oiseaux auront joué les messagers, les entremetteurs : nourris
tion, sans crier gare, quitte ici la troisième personne pour passer
par la jeune fille, ils apportent au garçon quelques graines que
à la première : «je suis comme un petit poisson dans l’océan.»
celui-ci met à germer, tout en leur racontant ses rêves, qu’ils
Autre trouvaille, autre jeu : une paire de lunettes qui, cette
offrent en retour à la demoiselle ; jusqu’à ce jour où, «parole
fois, lui font voir les rues toutes floues et en plus, remarque la
d’oiseau», les deux fenêtres sont vides et l’album s’achève sur
fillette, «on dirait maman». Ceci permettra encore un dernier
cette question : «A-t-on besoin de connaître les choses clandes-
jeu, de rôles à présent, avec l’épicier à qui elle déclare vouloir
tines qui habitent le ciel et les cœurs amoureux ?»
faire du riz cantonais «à mon mari et à ma fille.»
Un livre plein de mystères et d’onirisme, magnifiquement
On le voit, dans ce bel album la rue est un terrain de jeu, voire
servi par le texte hautement poétique d’Henri Meunier, et les
une scène de théâtre, elle est le décor idéal où l’imagination
images somptueuses de Lejonc : ses bleus et ses bruns disent
enfantine peut se déployer, faire feu de tout bois, autrement dit
tour à tour la solitude des villes, les murs et fossés qu’elles
transformer toute petite trouvaille, aussi insignifiante soit-elle,
engendrent – mais que le ciel, l’air et les désirs des humains
en vecteur d’amusement et d’aventure. L’enfant s’amuse à agir
peuvent dépasser.
sur le monde, à le transformer, à le modeler à sa façon. Ce
Dans un livre d’entretiens qu’il a menés avec Henri Thomas
monde n’est pas donné comme hostile, c’est d’ailleurs une rue
(Les Heures lentes, Arléa), Alain Veinstein déclarait, en réponse à
sans danger apparent, et l’enfant y est montrée seule, dans des
des souvenirs de déambulations nocturnes que l’écrivain
pages sobres qui font la part belle à la jeune héroïne, à ses
venait d’évoquer : «Et se promener dans les rues, pour un écri-
expressions et ses postures gracieuses autant qu’espiègles.
vain, c’est une tâche sérieuse.»
Les rues et le temps qui passe
semblerait que l’on puisse affirmer que pour un enfant aussi,
Je le disais en préambule, il y a aussi des rues qui séparent, et je
c’est là une tâche sérieuse – sans doute au moins aussi sérieuse
terminerai cette déambulation dans les rues de papier avec La
que le jeu.
Au terme de ces quelques pérégrinations et réflexions, il
14
TOPOGRAPHIES ENFANTINES
NOTRE SÉLECTION
Coccinelles cherchent maison
Anouk Ricard une animalerie. Et bien entendu ils se chargent
Lorsque des coccinelles cherchent une maison, elles font appel,
d’imaginer leur petite entreprise à leur façon, généralement tota-
bien entendu, au spécialiste en la matière, le fringant Balanin –
lement loufoque, regorgeant de détails absurdes ou désopilants.
du nom de ces bestioles qui font des trous dans les noisettes,
Chaque double page est donc un univers en soi, où l’on peut
mais ici en l’occurrence Monsieur Balanin est agent immobilier
s’amuser à reconnaître tout ce qui fait la «patte» d’un artiste,
de son état. Il promènera le jeune couple de pet-de-loup moisi
mais on peut aussi y chercher les objets et aliments répertoriés
en coquille d’escargot borgne, sans oublier les maisons pour
sur la liste de courses donnée sur la couverture de l’album.
oiseaux et celles des jeux de Monopoly…
Davide Cali a enfermé ses brèves répliques (tout le texte est
Un exercice de style brillant et extravagant, qui offre une
belle idée de la vitalité de l’image aujourd’hui et de la diversité
dialogue) dans des phylactères ronds comme des pucerons, et
des univers graphiques de ceux qui la pratiquent.
le lecteur s’amusera à suivre à la trace le parcours – du combat-
SYLVIE NEEMAN
coloré qu’agité. Car c’est Marc Boutavant qui illustre ce petit
monde cocasse, et on sait que le chatoyant et le foisonnant lui
PAR UN COLLECTIF D’ILLUSTRATEURS
Rue de l’Articho
Thierry Magnier, 2011. Dès 8 ans.
réussissent bien, depuis qu’on a suivi les aventures de son ourson
Mouk à travers le monde.
La vivacité et la drôlerie des répliques (Madame, face à la
Je cherche les clés du paradis
bouteille cassée que Monsieur Balanin leur présente comme un
Une petite fille nous présente sa maison avec ses pièces innom-
«loft», s’écrie «Et qui fera les vitres ?») ne doivent pas faire
brables qui recèlent des trésors parfois anciens, de mémorables
oublier les nombreuses informations sur le monde des insectes
fêtes d’anniversaires organisées dans le jardin où poussent
que l’enfant glanera ici et là au détour des pages.
lierre, bignone et glycine. La maison est ici bien plus qu’un
Une expérience de lecture pétillante, ce qui est la moindre des
décor, elle est comme un membre de la famille, la narratrice la
choses, avec tous ces ronds et ces bulles qui peuplent les pages !
compare même à «une vieille dame qui aurait été très belle
SYLVIE NEEMAN
dans sa jeunesse». La demeure a vu les générations se succéder,
a été la voisine d’une ferme, a traversé les siècles et son histoire
DAVIDE CALI
ILLUSTRATIONS DE MARC BOUTAVANT
Coccinelles cherchent maison
Sarbacane, 2011. Dès 7 ans.
continue mais plus pour la même famille... En effet, la maison
chérie de tous va bientôt être vendue.
Il est question dans ce court roman illustré de la mémoire et
des souvenirs. C’est un journal intime sensible où se mêlent
enfance et maturité, cette dernière étant provoquée par la bru-
Rue de l’Articho
talité de la nouvelle de la vente.
A l’origine, L’Articho est une association «dédiée aux images».
Le propos de l’auteur est plein de sagesse : la petite fille fait
Toutes les sortes d’images. Avec en point de mire des événe-
provision de bons moments passés avec cette maison, auxquels
ments où des artistes de tous bords se rencontrent et créent
elle pourra repenser sans regrets. Car si le texte a des accents
ensemble, pour du public.
nostalgiques, il n’est pas mélancolique. Il se clôt sur une note
A présent, et après trois cahiers thématiques, c’est aussi un
positive, sur le temps présent : la fillette se régale de figues, sans
livre : Rue de l’Articho rassemble sous une même couverture –
doute pour la dernière fois dans ce jardin, mais qu’à cela ne
bariolée, déjantée, kitch et naïve – seize illustrateurs, de diffé-
tienne... les fruits sont mûrs et il faut pro-fi-ter !
rentes tendances et origines (et n’œuvrant pas forcément en
GAËLLE FARRE
littérature pour la jeunesse, je dois d’ailleurs avouer que plusieurs m’étaient inconnus), qui ont reçu la consigne de se repré-
FLORENCE HIRSCH
ILLUSTRATIONS DE PHILIPPE DUMAS
senter sous les traits d’un commerçant de cette rue imaginaire :
Je cherche les clés du paradis
Delphine Durand tient un bazar, Charles Dutertre une librairie,
L’Ecole des loisirs / Mouche, 2009. Dès 8 ans.
PAROLE 1/2012
tant bien sûr – des bestioles dans cet album grand format aussi
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I L LU S T R AT I O N D ’A L B E R T I N E
TOPOGRAPHIES ENFANTINES
Tour B2, mon amour
Clélia, jeune adolescente solitaire, orpheline de mère, vit avec
son père écrivain dans une maison de campagne. La jeune fille
confie ses secrets à un arbre pour ne pas sombrer, tandis que
son père, qui vit difficilement de son écriture, se voit contraint
de vendre la propriété où ils demeurent. Ils quittent alors ce lieu
Les Gratte-ciel
symbolique et maternel, chargé d’une histoire douloureuse,
Vous en avez assez des grues dans nos villes, ou pire, dans nos
pour aller vivre dans une cité. Clélia espère secrètement que ce
montagnes ? Alors cet album vous interpellera ! D’abord parce
nouvel espace, anonyme et vierge, aidera son père à se recons-
que sa couverture montre deux de ces engins et qu’ils y parais-
truire et à retrouver l’inspiration.
sent fins, élancés, presque aériens, que ce dessin blanc sur un
PAROLE 1/2012
Lorsqu’elle rejoint la classe de Tristan, elle découvre un uni-
carton foncé, tout en hauteur, parvient à souligner leur côté
vers froid qui la déstabilise, très différent de celui qui était le
esthétique. (Oui, il m’a subjuguée et a changé mon regard face à
sien jusque-là. Tristan la remarque et est profondément troublé
ces machines étonnantes qui encombrent nos horizons…). Et
par cette fille particulière qui subit les railleries de ses camara-
que penser de son intérieur ?
des de classe.
La trame de la fable, comme la nomme l’éditeur, consiste en
Il fait partie d’une bande de jeunes du quartier pris dans
de très brefs commentaires qui soulignent le côté compétitif
l’habituel jeu de pouvoir de la banlieue. Il en éprouve pourtant
d’une surenchère entre deux propriétaires qui construisent des
un certain malaise, il se sent de plus en plus décalé et ne trouve
maisons toujours plus hautes, toujours plus osées. Si l’un com-
plus son compte dans l’escalade des petits délits insignifiants
mande du marbre de Carrare, l’autre veut une porte en or. Si
qui résonnait comme une simple provocation au départ, mais
l’un des deux se fait livrer une mosaïque, l’autre est en train
qui rapidement les entraîne vers une douce délinquance. Il n’a
d’installer une salle de cinéma. Si l’un travaille avec l’architecte
pourtant pas la force de caractère de résister à ses camarades et
le plus cher du monde, l’autre aménage une pièce pour ses col-
de s’affirmer dans ses sentiments pour Clélia, alors que celle-ci
lections… La compétition fait monter des étages farfelus et des
accapare toutes ses pensées de façon de plus en plus évidente.
centaines d’invités s’y pressent à des soirées que l’on devine
La relation qu’il noue avec elle lui ouvre malgré lui les portes
d’univers inconnus, lui révèle une sensibilité qu’il peine à
accepter.
très mondaines !
Est-ce le lustre en verre de Murano ou l’immense drapeau
qui a fini par orner la construction audacieuse de la page de
Pierre Bottero, décédé en 2009, déclinait là un texte poétique
gauche qui lui sera fatal ? Ce qui est sûr, c’est que le petit salon
ponctué de belles envolées littéraires sur des sentiments fine-
jaune, l’observatoire, le cabinet des curiosités, même le jardin
ment décrits. Différent de ses œuvres de fantasy, ce roman tou-
suspendu vont dégringoler – et avec cela tout le reste !
chera le lecteur adolescent par une incursion dans le quotidien
Le propriétaire du gratte-ciel – tout aussi loufoque – de la
de la réalité des cités. On apprivoise Tristan, influençable et en
page de droite, content d’être débarrassé de son rival, s’installe
construction, qui est capable du pire comme du meilleur.
alors sur sa terrasse supérieure et se commande une pizza,
Un langage direct et franc, une construction narrative par-
laquelle, hélas, n’arrivera jamais jusqu’à lui.
faite donnent sa force à ce récit malgré une intrigue sans
A part la leçon du «toujours plus» néfaste comme on le voit,
grande surprise mais bien menée, les personnalités attachantes
cet album humoristique d’un duo bien entraîné me semble
des héros et un dénouement heureux laissant le jeune lecteur
contenir encore une autre vérité : les gens très riches ne man-
sur une impression positive.
gent pas forcément mieux que les autres…
BRIGITTE MEMBREZ
ULRIKE BLATTER
PIERRE BOTTERO
Tour B2, mon amour
Flammarion/Tribal, 2010 (rééd.). Dès 12 ans.
GERMANO ZULLO
ILLUSTRATIONS D’ALBERTINE
Les Gratte-ciel
La Joie de lire, 2011. Dès 9 ans.
16
I L LU S T R AT I O N D E M A R I J E TO L M A N
TOPOGRAPHIES ENFANTINES
Le livre qui rend heureux
l’enfant y a une place et même une responsabilité. La prise de
Ce grand album sans texte, sobre, aux illustrations pleine page,
conscience de cela est ce qui permettra à l’enfant d’être citoyen
symbolise et représente à l’envi la maison, ce lieu où tout
tant dans le microcosme de sa famille que dans le monde.
converge, autour duquel tout gravite, espace protecteur où se
déroule la vie, où passe le temps avec bonheur.
Les illustrations d’Edmée Cannard mêlant collages et acrylique sont riches de couleurs, à l’image des trésors de la Terre.
D’un trait léger, qui suggère et appréhende l’espace délicate-
Elle nous donne à voir l’intime (le cœur de l’enfant) comme
ment, les auteurs imposent leur trace heureuse, y mélangent
l’immensité du cosmos. De grandes doubles pages se déplient
des allusions aux mythes de la genèse, à l’histoire universelle.
et permettent au lecteur de vagabonder parmi les mers et les
Le Livre qui rend heureux ne se raconte pas, il raconte.
Ainsi se lisent simultanément différentes histoires, celle de
étoiles… ainsi la magie des rêves n’est pas oubliée.
GAËLLE FARRE
chacun selon ses propres références. La maison dans l’arbre, la
en rêve l’affranchissement des contraintes humaines et représente le cocon où l’on se confie, s’émancipe. L’ours blanc nage
ALAIN SERRES
ILLUSTRATIONS D’EDMÉE CANNARD
Ma maison bleue
Rue du monde, 2007. Dès 5 ans.
dans les eaux bleutées, y trouve la maison dans l’arbre, bientôt
rejoint par l’ours brun qui s’approche, lui, en barque. Ils s’y
installent et coulent des jours heureux, aussitôt entourés par
Mon voyage dans la maison
mille présences amies.
Si tu ne peux pas partir en vacances, ce sont les vacances qui
La narration est simple, essentielle et s’inscrit logiquement
par une succession de pages aux couleurs douces où se croisent
viendront à toi. Et non seulement les vacances, mais l’aventure,
la découverte, les émotions de toutes sortes.
les protagonistes d’une arche de Noé mythique aux contours
Voici la trame du livre de Florie Saint-Val, qui fait rapetisser
sans cesse réinventés. Images allégoriques qui semblent maté-
son jeune héros Hugo jusqu’à ce qu’il atteigne la taille de sa
rialiser ici la naissance du monde, là celle du verbe.
peluche préférée, et en route pour Mon voyage dans la maison !
BRIGITTE MEMBREZ
Chaque pièce – la chambre, la cuisine, la salle de bains, le salon
– donne son nom à un chapitre, lequel se divise en sections aux
MARIJE ET RONALD TOLMAN
Le livre qui rend heureux
Milan Jeunesse, 2010. Dès 3 ans et pour tous.
noms joyeusement évocateurs : «La route des crayons», «Le volcan du thé bouillant», «Le buisson des cotons».
Les images aux couleurs vives – mais rendues presque douces par le beau papier de MeMo – suggèrent l’aspect audacieux
Ma maison bleue
de chaque étape du voyage, et l’auteure-illustratrice tire un heu-
«Ma maison est bleue» : tel est décrit l’univers, qui est le point
reux profit des objets qui entourent l’enfant (ses jouets, mais
de départ d’un grand voyage dont un enfant est le guide. Nous
aussi sa brosse à dents, une cuillère, un légume) et qui, dans leur
allons vers le soleil, les planètes puis un continent : la Terre,
démesure, sont ici prétextes à tant d’utilisations plus ou moins
avant de nous arrêter dans un pays où l’enfant habite une
détournées, mais la plupart du temps charmantes et cocasses.
«petite maison bleue». Il nous invite à découvrir son quotidien
Le texte, très sage hormis les titres déjà évoqués, se marie à
et son environnement. Nous faisons un détour dans son cœur
la fraîcheur naïve des images pour offrir à l’ouvrage un petit
avant de repartir et nous diriger vers la Grande Ourse et la Voie
côté rétro.
Lactée…
L’enfant habite donc une maison à quatre murs, mais aussi le
monde. L’humain et la galaxie sont mis en perspective et la prise
de recul que propose Alain Serres est fort intéressante. Si l’enfant
est souvent considéré comme acteur d’une école ou d’une ville, il
est plus rare que soient évoqués les continents et l’univers. Or,
Et l’on n’oubliera pas de s’attarder sur la carte finale, qui rappelle le trajet parcouru – même si ce n’était peut-être qu’un rêve…
SYLVIE NEEMAN
FLORIE SAINT-VAL
Mon voyage dans la maison
Editions MeMo, 2010. Dès 4 ans.
PAROLE 1/2012
maison qui rejoint le ciel, petit royaume intemporel qui porte
TOPOGRAPHIES ENFANTINES
DES IMAGES PENSÉES
POUR ÊTRE DES TABLEAUX
Il est une petite maison d’édition créée par une passionnée de l’image et située à Sore – au cœur des Landes – où
le travail est minutieux et attentionné, où l’uniformisation est bannie et le soin apporté aux productions
extrême… Cette maison pas comme les autres, c’est La maison est en carton et sa créatrice est Manon Jaillet.
PAR GAËLLE FARRE
Après des études dans les métiers du livre et plusieurs années
La maison a acquis une visibilité et la passion qui anime
passées à promouvoir la littérature jeunesse, notamment en tant
Manon Jaillet est intacte : les idées de futures collections et autres
qu’assistante d’édition chez Rue du monde, Manon Jaillet a pu
projets un peu fous ne manquent pas. En 2012, deux nouvelles
constater le dynamisme grandissant de ce secteur et le succès en
séries de douze images sont bien sûr prévues, une ou deux
particulier des illustrateurs. Elle veut aller plus loin et décide de
«Grandimages» ainsi qu’un nouveau carnet d’illustrateur sont
voler de ses propres ailes en 2007 en créant La maison est en car-
au programme…
PAROLE 1/2012
ton. Un joli nom au goût d’enfance – clin d’œil à la comptine
«Pirouette Cacahuète» – pour une maison qui met l’illustration
Dans ma maison
jeunesse à l’honneur : Manon Jaillet devient éditrice d’images !
Je veux m’attarder maintenant plus longuement sur un projet
que je pense hors du commun, petit par la taille mais grand par
Un soin particulier porté à la conception et à la fabrication
l’ambition : Dans ma maison, le premier livre de La maison est en
Son ambition première est de proposer un espace pour l’image
carton. Il est né de la réunion de 76 dessins de maisons (chaque
seule – et non pas l’image accompagnatrice de texte. Le talent
illustrateur dessine une maison en entrant au sein de La mai-
des artistes est ainsi au cœur de son projet. L’aventure a com-
son est en carton, les dessins accompagnent les biographies de
mencé avec l’édition de reproductions d’images inédites et
chacun) que Manon Jaillet a présentés un jour à Thomas Scotto.
signées en tirage limité. Le succès est vite au rendez-vous et
Non seulement la thématique de la maison lui plaisait, mais
deux collections de douze images sortent chaque année depuis
l’idée de placer ses mots comme des illustrations, alors que les
la création de la maison.
images étaient déjà réalisées, l’a enthousiasmé. Il s’est trans-
La maison est en carton va fêter ses 5 ans en 2012… 5 ans de
formé comme il le dit lui-même «en agent immobilier» et a ima-
travail intense et passionné à sillonner les salons de littérature
giné 76 textes aux tons très variés, poétiques, humoristiques,
jeunesse pour se faire une place, à passer du temps avec les
sensibles ; où humour et réflexion sont savamment réunis...
illustrateurs pour faire aboutir ce qu’ils ont en tête. Voilà un des
Thomas Scotto a un plaisir particulier «à dire beaucoup en peu
aspects primordiaux de La maison est en carton : la combinai-
de mots». Si ce livre est pour lui «une grande fierté» comme il me
son entre le projet d’un artiste et la forme de l’objet créé doit
l’a confié, c’est notamment parce que la place de Manon fut celle
être parfaite. Manon Jaillet est présente durant toutes les étapes
d’une véritable éditrice : patiente en même temps qu’exigeante,
qui vont de la conception à l’impression. Souvent seule, elle
elle suggère et fait avancer. De son côté, Manon garde en mémoire
tient à conserver la taille de sa maison, une «maison à taille
la belle expérience humaine que lui a permis de vivre ce livre.
humaine», garante de la qualité tant des relations avec les artis-
«Quand l’adresse est jolie, on veut y faire son nid. Et si la clé
tes et ses clients, que du soin apporté aux productions.
s’est envolée c’est encore mieux.». Voilà un extrait de Dans ma
maison qui donne une belle idée de La maison est en carton :
Un catalogue qui s’étoffe et des projets à foison
c’est une maison-refuge que l’on a plaisir à retrouver et un for-
Des collections sont venues étoffer le catalogue : «Boîtes à ima-
midable espace de liberté où il est possible de créer.
ges» (1 artiste, 1 boîte, 12 images), «Grandimages» (un paravent
à déplier), «A mots découverts» (les mots gagnent finalement la
maison avec des textes poétiques de Franck Prévot), «Tit’zic»
(une comptine illustrée) et enfin «Carnet d’illustrateur» (un
THOMAS SCOTTO
COLLECTIF DE 76 ILLUSTRATEURS
Dans ma maison
La maison est en carton, 2010. Dès 6 ans.
voyage dans l’univers d’un artiste), c’est la dernière-née des collections, qui a vu le jour fin 2011.
Pour en savoir plus : www.lamaisonestencarton.com
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LECTURES D’ALBUMS
GEORGES LEMOINE :
PETITS OBJETS – GRANDS EFFETS
Je voudrais évoquer ici un aspect ludique dans le travail d’un artiste qui passe peut-être d’abord pour grave, à qui
on a souvent demandé d’accompagner des textes plutôt classiques ou même tragiques : la présence de jouets et
de divers objets dans l’œuvre de Georges Lemoine. PAR ULRIKE BLATTER
interprétation délicate d’un conte célébrissime, mais aussi que
dérangeait presque, telle une interruption réaliste dans un
monde si onirique.
Quelques pièces de monnaie, des cartes à jouer, mais surtout
des marionnettes et un dragon en carton donnent une féerie
rare au livre dédié à Mozart, édité en Suisse en 1988 ; jabots en
dentelle aériens, bijoux et perruques nous charment aussi sans
se faire par trop remarquer. Le jeune Wolfgang Amadeus luimême est représenté sur une des pages comme une marionnette qui aurait arraché ses ficelles pour courir vers la liberté…
Dans un mouvement brusque, une sorte d’accelerando… Il y a
Dans une production abondante couvrant maintenant des
des compositions picturales dans cet album qui me semblent
décennies, dans un parcours, divers certes déjà par les tech-
posséder une musicalité digne de leur héros !
niques et l’évolution personnelle, nous pouvons pourtant déceler une prédilection constante pour certains objets, traduisant
Objets emblématiques
un esthétisme raffiné, rare dans les albums pour la jeunesse.
Venons maintenant à un petit album Folio Cadet Or qui recèle
effectivement mille pépites, je veux parler de La cour de récréation
Objets aimables
(1991). Dans les pourtours des pages imprimées, encadrant déli-
Jouets ou simples détails agréables, colorés et faits pour accro-
catement les vers de Claude Roy, nous trouvons tout un réper-
cher le regard, ces objets aimables (à aimer), dont l’original est
toire décoratif qui répond aux poèmes de l’intérieur et où l’on
souvent travaillé artisanalement, sont parfois presque plus
peut discerner, sans que cela ne gêne, des objets aussi prosaïques
séduisants que les personnages un peu austères qu’ils accom-
que des boutons et des allumettes, des pipes et des plumes, des
pagnent… Voyez par exemple le bâton que le jeune garçon du
barrières et des poulies. Les plumes – in facto à mi-chemin entre
Livre de la Création tient à la main : avec ces jolies billes qui
le règne animal et le monde utilitaire des hommes, à la limite du
retiennent les bouts des cordelettes, nous le retrouvons, avec
vivant et de l’inerte, je dois les mentionner ici, car, comme l’en-
des cordes un peu éméchées, à la fin du Livre de Jonas, plein de
crier, comme les crayons, elles symbolisent souvent l’écriture
satisfaction un peu comme lorsqu’on redécouvre un objet per-
dans les illustrations de Lemoine… Jean Perrot les a d’ailleurs
sonnel que l’on avait cru égaré.
qualifiées d’emblématiques dans un article paru en 2009 (Georges
Il faut dire que le premier livre que Georges Lemoine nous ait
offert – et cela a dû être en 1983, l’année de sa parution chez
Lemoine, écrire – dessiner : «L’élévation de Georges Lemoine, malin
Génie des lieux,» Editions Henri des Abbayes, 2009).
Grasset – se trouve être un titre où les jouets ont vraiment le
Parfois les détails susmentionnés se trouvent coupés en
beau rôle puisqu’il s’agissait du Petit Soldat de plomb d’Andersen.
deux, et cela fait penser à la bague précieuse de Barbedor sur la
Lui, effectivement très petit, mais stoïque et vivant grâce à
couverture de l’album du même nom.
son regard intense (comme on le lui reproche, il n’a pas su garder
Dans La petite Marchande d’allumettes (1999), les jouets n’appa-
ses yeux dans sa poche), elle, d’abord un peu anodine, statique
raissent que dans les visions de la pauvre fillette : aussitôt aper-
(et pour cause !), puis parée d’une fascination grandissante. Je
çus, ils vont à nouveau disparaître, tout comme les couverts
me rappelle que nous étions tout de suite subjugués par cette
étincelants, comme l’arbre de Noël. Par leur légèreté féerique,
PAROLE 1/2012
I L LU S T R AT I O N S D E G E O R G E S L E M O I N E P O U R
M O Z A RT , L A J O I E D E L I R E
la page qui montre les enfants possédant tous ces jouets nous
I L LU S T R AT I O N S D E G E O R G E S L E M O I N E P O U R L E L I V R E D E JO N AS , L E C E N T U R I O N
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par leur teinte bleuâtre, ces pages (sur la troisième il ne reste que
Cette étincelle de vie, n’est-ce pas aussi ce qu’un peintre
la poupée et un rai de lumière surnaturelle), se distinguent tota-
comme Oskar Kokoschka recherche en plaçant un objet fétiche
lement du reste de l’album, dont le réalisme cru (le conte est
à côté de ses personnes à portraiturer ? Lui qui collectionnait
transposé à Sarajevo !), les couleurs sombres paraissent alors
des récipients antiques ou des naturalia, des choses qui, par
encore plus pesants.
leurs qualités esthétiques ou leur mystère, avaient le don de
PAROLE 1/2012
Mes derniers exemples sont proches de nous par la date de
susciter son élan créatif ou son amusement, représentait aussi
leur parution. Dans Intrépides petits voyageurs (2010), il ne s’agit
parfois des jouets, simples ou saugrenus, qui nous surprennent
que de jouets (Marcel le marin, Colombine la danseuse, Baptiste
encore aujourd’hui, une trentaine d’années après sa mort, par
l’acrobate et Firmin l’automobiliste) et en plus des jouets sortis
leur présence sur la toile, l’originalité de leur rendu !
d’un petit album des années 1930 ! Que des tonalités de gris !
Et Georges Lemoine, si nous pensons maintenant à ses livres
Ces quatre personnages font penser à des ombres éclairées
pour adultes, ses carnets dédiés aux villes de Rouen, d’Amiens
mystérieusement par le souvenir lointain de l’enfance. Un
ou de Fribourg par exemple, a aussi l’habitude de représenter
monde englouti dont la vie pourtant s’empare au fur et à
des monuments ou des sculptures comme s’il les réinventait,
mesure que l’histoire avance, que l’aventure se déroule… et que
en choisissant ses détails, en les colorant en partie, en parse-
nous retrouvons tout ce petit monde en pleine nature, dans un
mant ses pages de personnages rencontrés, de chats… de
univers foisonnant, subissant des intempéries, et s’éloignant
moments de sa vie à lui.
finalement beaucoup de leur modèle ancien. Un style nostal-
Oui, il me semble que l’artiste, en tant qu’illustrateur et en
gique, classique et subjectif à la fois, et un album très impres-
tant que dessinateur, a été souvent à la recherche de cet objet à
sionnant par la plasticité et la finesse du dessin à la mine de
ressusciter : petites marionnettes ou sculptures anciennes,
plomb !
jouets amusants ou détails folkloriques… L’important étant
En 2011 a paru un album qui a comme héros le pantin de
finalement que la vie les habite à nouveau.
Gepetto, une sorte de poupée extrêmement habile, agile, dont le
«Les riens, c’est là précisément ce que sait voir Georges
corps stylisé a pour mission de représenter les lettres de l’al-
Lemoine» écrit François Vié dans sa monographie de 1987 ; obser-
phabet. Nullement en bois, nullement articulé, plutôt tout en
vation reprise par Christine Plu dans son introduction du récent
lignes et en souplesse, il renouvelle ce genre classique d’une
volume «Poche Illustrateur» où l’artiste se trouve en excellente
façon inédite. Drôle et élégant à la fois, souple et gai, L’Acrobaty-
compagnie (André François, J.J. Grandville, Honoré Daumier,
pographe réinvente son personnage, en s’approchant par le
Saul Steinberg etc.).
texte de ce qui est arrivé véritablement au personnage de
Savoir les voir, ces riens, ces «peu de choses», mais aussi
Pinocchio. Finalement cela ne va pas sans courbatures, et on est
savoir les rendre à nouveau visibles, voilà ce qui parvient à nous
content pour lui d’arriver à la lettre Z.
impressionner aujourd’hui !
Etincelles de vie
Mais que se passe-t-il lorsque nous essayons de comprendre des
enfants (ou les grandes personnes !) absorbés par un jouet ?
Le Livre de la création et Le Livre de Jonas ont paru aux éditions du
Nous nous rappelons que celui-ci pouvait se révéler tout à coup
Centurion, les textes sont de Pierre-Marie Beaude. Mozart, avec
vivant ; en fait, au moment où nous avions investi assez d’amour
un texte de Christophe Gallaz, a paru à La Joie de Lire. Et Intrépi-
pour pouvoir y croire… Qu’il y avait là comme une étincelle de
des petits voyageurs ainsi que Pinocchio l’acrobatypographe ont
vie, laquelle permettait à la poupée, tombée dans l’herbe et à
paru chez Gallimard Jeunesse / Giboulées.
nouveau dans nos bras, de nous remercier par un petit clin
Oskar Kokoschka – Cabinet de curiosités, catalogue édité sous la
d’œil secret !
direction de Régine Bonnefoit et Roland Scotti, Steidl 2010.
20
COUPS DE CŒUR
I L LU S T R AT I O N D ’ O L I V I E R T H I É B A U T
LECTURES D’ALBUMS
Plein Soleil
aspect de la personnalité mise en scène. Les traits se délinéant
A l’heure où les questions liées à l’avenir du livre se font pres-
avec des médicaments appartiendraient donc à l’homme qui se
santes, un album magnifique vient nous rappeler les charmes
croit malade, la silhouette légère qui se dessine sur une tapisse-
du papier : Plein Soleil, d’Antoine Guilloppé, à qui l’on doit aussi
rie serait celle de l’homme invisible «qu’on pense qu’il n’est pas
Pleine Lune, paru en 2010 et réalisé avec cette même technique
là et pourtant si il y est»…
du découpage en dentelles.
Les textes de François David, autant de rêveries parfois drô-
Tandis que la savane s’éveille doucement, le jeune Issa s’en
les parfois graves, offrent une interprétation possible de ces
va. Le long de son chemin, il rencontre les éléphants à la peau
images insolites. Un travail créatif remarquable, où les jeux de
tannée, les zébres qui boivent lentement, les léopards immobi-
mots dialoguent d’un clin d’œil avec un étonnant répertoire de
les dont le pelage se mêle aux herbes hautes, le crocodile, toute
caractères humains.
gueule ouverte où un petit oiseau est venu se percher. Mais où
BARBARA BONARDI VALENTINOTTI
animaux sauvages, noires d’un côté de la page, blanches de
FRANÇOIS DAVID
l’autre, créent un jeu de lumière mystérieux, mouvant, digne
Les hommes n’en font qu’à leur tête
d’un théâtre d’ombres chinoises. Les coupes tout en finesse,
ILLUSTRATIONS D’OLIVIER THIÉBAUT
Sarbacane, 2011. Dès 6 ans.
soutenues par de rares touches dorées, renforcent le contraste.
Au plaisir de la main qui vient caresser la page, s’ajoute celui
Besti’Art
d’un texte simple, bien rythmé, qui touche à l’essentiel et invite
Livre d’histoire de l’art, cabinet de curiosités, ce magnifique
au voyage, donnant à l’ensemble un léger suspense qui se
bestiaire fait défiler devant nos yeux des œuvres, sculptures,
dénoue joliment à la fin. Il y a de la magie dans ce moment de
peintures, masques, de toutes les époques.
lecture à faire partager. Avec Plein Soleil, l’auteur nous offre un
Le fil conducteur : montrer la façon dont les artistes, de l’An-
livre d’art, sompteux et envoûtant.
tiquité jusqu’à nos jours, ont représenté des êtres fantastiques
CÉLINE CERNY
tirés de légendes et récits mythologiques, tels que le Sphinx,
Cerbère ou le Minotaure.
ANTOINE GUILLOPPÉ
Plein Soleil
Hachette / Gautier-Languereau, 2011. Dès 5 ans.
Une mise en page soignée met en valeur les photos de ces
pièces conservées dans plusieurs musées de France, d’Italie et
des Etats-Unis. Des volets se dépliant permettent d’apprécier les
images de grandes dimensions et favorisent également le dialo-
Les hommes n’en font qu’à leur tête
gue esthétique entre les œuvres. Les textes succincts offrent des
Voici un livre original et ludique, qui associe de délicieux petits
informations de qualité sur les différentes périodes historiques
poèmes à de fascinantes illustrations explicitement inspirées
ainsi que sur les courants artistiques. Sonia Chaine se penche
des «têtes composées» d’Arcimboldo. Cet artiste italien, peintre
sur la symbolique de ces créatures en expliquant que leur signi-
officiel à la cour des Habsbourg au XVIe siècle, est connu pour ses
fication peut être opposée d’une culture à l’autre : le dragon, bête
portraits burlesques et allégoriques, assemblages de fruits, légu-
satanique pour le christianisme d’Occident, est vénéré et consi-
mes, fleurs et objets du quotidien, qui représentent symbolique-
déré comme bénéfique en Orient. L’auteure tisse aussi des liens
ment les saisons, les quatre éléments ainsi que des métiers.
entre les croyances religieuses, le pouvoir politique en place et la
Dans Les hommes n’en font qu’à leur tête, Olivier Thiébaut réus-
représentation de ces animaux censés expliquer l’origine du
sit la tâche ardue d’inventer des visages innovateurs tout en
monde ou souvent utilisés pour semer la terreur.
payant sa dette au maître. Ses physionomies de paille, d’ouate,
BARBARA BONARDI VALENTINOTTI
de fer, de bouts de journaux, d’ustensiles de toutes sortes,
réveillent la curiosité du lecteur en l’invitant à se pencher sur
SONIA CHAINE
les innombrables détails de l’image. Le choix des matériaux qui
Besti’Art
composent les profils n’est pas anodin ; il suggère en effet un
Milan, 2011. Dès 7 ans.
PAROLE 1/2012
peut bien se rendre le chasseur ? Les silhouettes ajourées des
21
LECTURES D’ALBUMS
I L LU S T R AT
ION DE M
ERVYN PE
AKE
Le livre des vrai faux
inattendu entre le pirate sanguinaire et la Créature Jaune, sorte
Cet album ingénieux utilise des arguments pertinents pour
de caricature de faune aux yeux ronds. D’une originalité radi-
inciter le lecteur à s’interroger sur les idées reçues propres à
cale, Capitaine Massacrabord, avec ses personnages tantôt
notre culture. La tortue serait-elle l’animal le plus lent comme
inquiétants tantôt ridicules, donne l’occasion de découvrir le
le suggère la fable Le Lièvre et la Tortue de Jean de la Fontaine ?
talent de Peake, ses dessins aux allures baroques et aux fins tra-
L’auteur passe au crible de nombreux lieux communs en
expliquant leur origine : on découvre ainsi que certaines convic-
cés dont l’expressivité est toujours remarquable.
CÉLINE CERNY
tions qu’on nous inculque depuis l’enfance s’appuient de
manière erronée sur des textes littéraires, des chansons – Charlemagne n’a certes pas inventé l’école –, mais également sur le
«bon» sens ; qui n’a jamais entendu dire qu’au pôle Nord il fait
MERVYN PEAKE
TRADUCTION DE PATRICK GYGER
Capitaine Massacrabord
La Joie de Lire, 2011. Dès 6 ans.
PAROLE 1/2012
plus froid qu’au pôle Sud ?
Une mise en page dynamique, jouant sur la taille des caractères, ainsi qu’une segmentation de l’espace en plages de diffé-
Le bébé tombé du train
rentes couleurs rendent cet ouvrage particulièrement attrayant
Sorte de compromis entre le roman et l’album illustré, ce
à la vue.
superbe récit ne s’adresse pas aux tout jeunes lecteurs, sa
Les illustrations ironiques et cocasses, sortes de vignettes
volonté d’aborder le thème central de manière très symbolique
humoristiques, facilitent la lecture en contrebalançant le
nécessitant une certaine maturité et des connaissances de
sérieux des textes avec une touche légère. Du monde des ani-
l’histoire de la Seconde Guerre mondiale.
maux à la géographie, en passant par des sujets de société, les
Anatole, un vieil homme reclus et triste, trouve dans son jar-
nombreux thèmes abordés sont censés satisfaire tous les curieux.
din un tout petit enfant. D’abord surpris, dérangé dans sa soli-
Un travail bien documenté à lire pour savoir de quoi on parle lors-
tude volontaire, il se laisse néanmoins troubler et accepte ce
qu’on affirme que les éléphants ont une excellente mémoire…
cadeau de la vie. Il accueille ce petit être qu’il baptise Virgile.
BARBARA BONARDI VALENTINOTTI
Cette relation le remet miraculeusement en contact avec luimême. Il réapprend à exister et découvre avec émerveillement
GÉRARD DHÔTEL
ILLUSTRATIONS DE BENOÎT PERROUD
Le livre des vrai faux
La Martinière, 2012. Dès 8 ans.
la valeur du lien, le bonheur de donner et de recevoir.
Le récit met face à face deux êtres aux extrémités de la vie,
aux destinées si éloignées, que rien ne prédisposait à faire se
rencontrer mais qui se sauvent mutuellement.
La vie cependant va se charger de donner un sens encore
Capitaine Massacrabord
plus profond à tout cela, les confrontant à sa vérité.
Il y a des livres au destin cruel. C’est le cas de Capitaine Massacra-
Trois couleurs pour les illustrations fortes qui s’apposent en
bord, premier ouvrage du Britannique Mervyn Peake, publié en
aplats sans nuances. Elles dévoilent subtilement ce que les mots
1939 mais dont le stock brûle dans un incendie. Bien que rééditée
ne disent pas. Le noir, le blanc et le jaune qui implicitement porte
après la mort de son auteur, cette aventure de pirates farfelus
le sens, symbolise la renaissance, la lumière et évoque l’étoile de
restait introuvable. C’est dire si cette première édition française,
David. La présence de quadrillages répétitifs, la récurrence de
dans une traduction de Patrick Gyger, est une heureuse surprise.
tracés de voie de chemin de fer, ces rappels linéaires allusifs
A bord du Black Tiger, le Capitaine Massacrabord et ses
marins, Billy Bouteille aux bras interminables ou Garry Garrot
fonctionnent en métaphores et interpellent la mémoire.
BRIGITTE MEMBREZ
et ses tatouages, partent à la découverte d’une île rose. Parmi
les étranges créatures du lieu, il y en a une, «luisante comme du
beurre», que les matelots capturent et à laquelle le Capitaine va
vite s’attacher. L’histoire se développe autour de cet amour
JO HOESTLANDT
ILLUSTRÉ PAR ANDRÉE PRIGENT
Le bébé tombé du train
Oskar / Trimestre, 2011. Dès 8 ans.
22
ANNIVERSAIRE
LA JOIE DE LIRE A 25 ANS
Installées au 5, chemin Neuf, les éditions genevoises La Joie de lire semblent des plus épanouies et rayonnent sur
un marché du livre pourtant frileux. A travers le regard comblé qu’elle porte sur son catalogue, leur directrice
Francine Bouchet confie à Parole son enthousiasme intact à semer partout et toujours la joie de lire qui l’habite...
ENTRETIEN AVEC CLAUDE-ANNE CHOFFAT
notre premier héros et sa talentueuse illustratrice si attachante ;
Marta et la montgolfière, autre héroïne à la volonté toute personnelle ; Le Temps des mots à voix basse, sous la plume si exigeante
d’Anne-Lise Grobéty, les textes pour la jeunesse de S. Corinna
Bille rassemblés dans une pièce de notre maison ; la collection
P H OTO G R A P H I E D E V I N C E N T CA L M E L
De ville en ville, comme un prolongement à notre premier docusemble-t-il, de notre travail littéraire ; et bien d’autres encore...
Ces «incontournables» correspondent-ils à vos meilleures
ventes et à ce propos, un éditeur est-il toujours en mesure de
prédire ses succès ?
Certains titres ont eu une belle carrière, d’autres pas du tout ! Si
l’on pouvait anticiper, le métier serait moins intéressant ! Nous
Francine Bouchet, vous dirigez les éditions La Joie de lire
faisons bien sûr des pronostics, nous équilibrons nos prises de
depuis leur création en 1987. Acceptez-vous de partager avec
risque. Mais, comme dans la vie, tout reste aléatoire.
les lecteurs de Parole quelques souvenirs marquants de ces
25 années à la tête d’une maison qui s’est admirablement
Votre ligne éditoriale me paraît d’ailleurs plutôt audacieuse,
développée, jusqu’à devenir un édifice incontournable de la
avec des ouvrages originaux et diversifiés, répondant à des
littérature de jeunesse ?
exigences à la fois intellectuelles, culturelles et éthiques. Est-
Une mosaïque me vient à l’esprit : des palettes de livres dans
ce, à vos yeux, un gage de qualité, une marque de fabrique ?
mon garage ; dans une banlieue parisienne pas très engageante,
Notre catalogue est un chemin de lectures. A nos débuts, nous
un enfant tenant la main de son grand-père et de l’autre un sac
passions avec appétit d’un livre à un autre, comme un lecteur le
Milton ; le regard et la voix de Maurice Chappaz dans sa cuisine
ferait dans sa bibliothèque. La contrainte des collections et l’ar-
au Châble, où mon amie Anne Salem et moi-même étions
ticulation générale du catalogue nous ont amenés à faire des
conviées parfois ; un éditeur américain qui, le premier, nous a
choix plus «conscients» dans un paysage culturel qui est le
acheté des droits, Albertine et Germano me présentant timide-
mien et celui de ceux qui ont croisé ma route. Si vous tenez à la
ment Le Petit Fantôme. Chaque souvenir pourrait faire l’objet
marque de fabrique, je verrais une certaine exigence qui écarte
d’une histoire…
la complaisance et tend à la justification absolue de chaque
parution. N’oublions pas que nous avons une grande responsa-
Votre univers semble justement peuplé d’histoires, éditées
bilité face au jeune public, d’où l’éthique que vous mentionnez.
ou pas (encore)… Parmi les 350 que vous avez publiées, pouvez-vous nous faire part de vos préférées ?
Cette responsabilité que vous assumez précisément face aux
Difficile de parler de préférés pour ses propres «enfants» ! Evo-
jeunes consiste-t-elle avant tout à leur transmettre le goût de
quons plutôt ceux qui ont marqué le catalogue : Corbu comme le
la lecture ou votre objectif principal est-il d’un autre ordre ?
Corbusier, le premier, celui qui se voulait différent de ceux qu’on
C’est transmettre d’abord le plaisir de lire. Une «bonne» lecture
voyait alors sur les tables des libraires, un documentaire autre
nourrit l’imaginaire et participe à la construction de l’identité.
qui suggère sans expliquer, un anti-livre scolaire... Moi Milton,
Une lecture libre, sans contrôle, sans regard de l’adulte. Nos livres
PAROLE 1/2012
mentaire ; enfin les Rétroviseur, un développement original, me
ANNIVERSAIRE
sont également une sensibilisation à l’esthétique, à l’humour. Ils
Encrage) et des Gratte-ciel d’Albertine et Germano Zullo. De
conduisent à leur manière à la connaissance.
plus, deux bandes dessinées de votre catalogue peuvent être
téléchargées via l’App store des iPad et iPhone. Comment La
PAROLE 1/2012
Pensez-vous que les pratiques de lecture des enfants ont évo-
Joie de lire vit-elle ce nouveau défi numérique ?
lué depuis vos débuts dans le métier ? A l’heure des multiples
Nos développements Internet ne sont pas encore au stade de la
sollicitations technologiques, comment se porte, selon vous,
conquête ! Nous allons commencer la numérisation de tous les
le livre de jeunesse ?
textes de notre catalogue et avons rassemblé une petite équipe
Je préfère parler de transformation plutôt que d’évolution... Cer-
qui développe un principe d’albums. L’expérience de la BD n’est
tes, la période que nous vivons est très riche en nouvelles
qu’un ballon d’essai. La période que nous vivons est certes pas-
découvertes. L’important, me semble-t-il, est de ne pas se limi-
sionnante, mais méfions-nous de la poudre aux yeux. Notre cap
ter au divertissement. La maîtrise de l’écrit demeurant un fac-
doit être maintenu. Question sens, choix et exigence ! Et quoi
teur d’adaptation essentiel dans la société, on ose espérer que
qu’on en dise, le modèle économique n’est pas encore là.
la lecture résistera. On sait que le problème est socioculturel. Si
les enseignants ne croient plus qu’au chant des sirènes, alors...
Quant au marché du livre, comment se porte-t-il ?
Mais je reste optimiste, surtout lorsque je vois le nombre impor-
Plutôt mal, il faut bien le dire, surtout en France. En Suisse, nous
tant de bons livres publiés pour la jeunesse aujourd’hui.
espérons très fortement que la loi sur le prix unique passe... Il
est évident que le paysage des librairies va encore se modifier et
Vos diverses collections s’adressent aux enfants et aux jeunes.
que nous devrons trouver des solutions pour nous adapter. Nos
Pourquoi vous limiter à ce public ?
nombreuses ventes de droits à l’étranger nous ont bien aidés
Bonne question ! J’ai toujours eu la tentation de passer le gué...
l’année dernière. Espérons que ça continue !
et je n’ai pas dit mon dernier mot encore... Mais revenons à nos
petits moutons : le jeune public est une formidable espérance,
Si l’on en vient, Francine Bouchet, à votre parcours personnel :
toutes ses portes sont encore ouvertes. On les voit parfois se fer-
vous avez dû cumuler tout un lot de savoir-faire, avec les sen-
mer si vite. Notre rôle est bien de les maintenir ouvertes à tous
sibilités qu’ils impliquent. De l’invasion de votre garage à la
les vents de la connaissance, du rêve, du rire, de la profondeur.
conquête de talents artistiques, en passant j’imagine par une
importante gestion administrative, votre métier semble des
Votre récente collection Encrage s’adresse, quant à elle, aux
plus exigeants. Était-ce pour vous une vocation ?
adolescents dès quinze ans. Comment a-t-elle été accueillie
C’est une vocation pour tous les éditeurs qui ont un projet exi-
par ces adultes en devenir ?
geant, qui respectent leurs lecteurs et qui font passer leur idéal
Il est plusieurs façons de faire de l’édition, on peut répéter les
avant les intérêts économiques.
exercices des autres, suivre la mode, enquêter auprès des lecteurs etc. Il suffit de regarder les livres pour les adolescents sur
Quels sont désormais vos projets ? Et quel avenir se dessine
les tables des libraires, pour comprendre que la collection
pour votre maison d’édition ?
Encrage est à contre-courant. Son «emballage», ses couvertures
Dans l’immédiat, en plus de notre programme courant, nous
ont une unité subtile, grâce au talent de Tullet, pour des conte-
allons proposer deux nouvelles maquettes de couverture pour
nus diversifiés. Chaque livre, comme chaque lecteur, est unique.
remplacer la collection Récit qui s’appellera Hibouk... cet oiseau
Cette collection est notre manière d’aller à la rencontre de ce
étant notre emblème. C’est Albertine qui illustrera au trait les
dernier, que nous croyons capable de goûter à des genres divers.
couvertures des textes pour les 7/10 et des photos seront choi-
Les ventes sont au rendez-vous, du moins dans notre modèle
sies pour celles des textes pour les 10/13. Des parutions dans
économique...
cette nouvelle collection sont prévues tous les deux mois, avec
à chaque fois au moins, une nouveauté et deux textes de notre
Le site Youtube permet actuellement de visionner des clips de
fonds. Pour les grands projets, il faudra attendre l’automne 2012
présentation du roman Tarja (de Jean-Noël Sciarini, coll.
et le printemps 2013. Ils se préparent dans le grand secret !
23
24
P H OTO G R A P H I E S D E R É G I N E B A R AT
AROLE ET LE BUREAU ROMAND DE L’INSTITUT
L’ISJM ET JEUNESSE ET MÉDIAS.AROLE
membres de l’association Forum suisse
leurs conséquences. Selon lui, la lecture
L’avenir du lire débattu aux Journées d’AROLE
sur la lecture, dont l’assemblée générale
sur internet est une pratique sociale qui
2011
s’est tenue en marge du colloque.
ouvre peu sur l’imaginaire. Lecture, écri-
Les Journées d’AROLE 2011 ont eu pour thème
Avec la thématique L’avenir du lire,
ture et interaction sont profondément
L’avenir du lire. Elles se sont déroulées les 18 et
l’ISJM a souhaité s’intéresser aux pro-
liées et les jeunes cherchent à exister
19 novembre à l’Université de Lausanne (UNIL)
ductions culturelles pour la jeunesse sur
socialement en mobilisant les autres
et ont réuni plus de cent cinquante personnes.
les nouveaux supports de la lecture. En
usagers autour de leur existence «vir-
conférence d’ouverture, Cécile Desbois-
tuelle» dans les réseaux sociaux.
consécutive,
Muller a présenté un panorama non
Trois auteurs ont proposé leurs points
l’Institut suisse Jeunesse et Médias (ISJM)
exhaustif de livres numériques dévelop-
de vue sur ce nouveau champ de l’édition.
a organisé ce colloque en collaboration
pés pour les iPad. De sa contribution se
Hervé Tullet a présenté son application
avec l’Interface sciences société de l’UNIL.
dégageait l’idée que les applications
pour enfants Un jeu. Marie Desplechin a
Cette collaboration permet notamment
existantes témoignent d’une créativité
raconté ses expériences dans le numé-
d’ancrer cette manifestation dédiée à la
en devenir, même si les produits actuels
rique, notamment dans le cadre du projet
culture pour l’enfance et la jeunesse dans
sont esthétiquement souvent pauvres et
Smartnovel pour lequel elle a rédigé La
un cadre académique et d’intéresser des
les thématiques rarement originales.
belle Adèle. Et Daniel de Roulet a discuté
chercheurs romands aux problématiques
Ainsi, ces livres numériques cherchent à
des contradictions liées à sa pratique
de la lecture et de la littérature jeunesse
rappeler l’imprimé, en imitant manifes-
d’auteur, créateur solitaire dans son scrip-
en leur proposant d’imaginer une confé-
tement par exemple le bruit d’une page
torium, et des exigences d’une production
rence en lien avec le thème.
qui se tourne, et les scénarios revisitent
numérique qui nécessite de nouvelles
fréquemment les classiques comme les
compétences et un travail en équipe.
Pour
la
deuxième
fois
Cette année, ce sont Olivier Glassey,
responsable de recherche à l'observatoire
contes traditionnels.
Pour clôturer le colloque, Christian
Science, Politique et Société de l'Univer-
Frédéric Kaplan s’est intéressé aux
Gallimard a proposé son analyse du
sité de Lausanne, et Frédéric Kaplan,
potentiels de ces nouveaux supports en
champ de l’édition face aux nouvelles
chercheur à l’EPFL et spécialiste des nou-
envisageant quels sont les spécificités et
technologies. Le directeur des éditions
velles interfaces et de l'intelligence artifi-
les possibles liés à ces nouvelles façons
Calligram, tout en soulignant que le
cielle, qui se sont prêtés au jeu.
de faire des livres. Pour lui, les applica-
numérique a été introduit dans les pro-
Pour la première fois, les Journées
tions numériques pour la jeunesse
cessus éditoriaux dès les années 1970, a
d’AROLE ont bénéficié de la collaboration
représentent une forme de création qui,
soutenu que l’ensemble des acteurs de la
de la Bibliothèque cantonale et universi-
à l’image du cinéma, implique la collabo-
chaîne du livre devra réorganiser ses acti-
taire – Lausanne (BCUL). Cette dernière a
ration entre différents acteurs : scénaris-
vités pour répondre aux transformations
proposé une bibliographie thématique
tes, illustrateurs, metteurs en son, gra-
liées aux nouveaux médias. Il a aussi
remise aux participants (vous pouvez télé-
phistes, musiciens, narrateurs, etc. Cette
souligné son intérêt pour les applications
charger ce document sur le site internet
articulation impliquerait le développe-
numériques qui apparaissent comme un
www.isjm.ch), et dont les livres étaient
ment de produits culturels uniques et
complément intéressant aux imprimés.
directement empruntables sur son stand.
novateurs, contrairement à l’adaptation
Dans le cadre du colloque, l’ISJM a
de livres imprimés en livres numériques,
Journées
proposé aux participants d’explorer les
qui témoignerait plutôt d’un processus
Isabelle Decuyper, attachée au Ministère
nouvelles lectures en mettant à disposi-
de standardisation. Mais il apparaît éga-
de la fédération Wallonie-Bruxelles, et
tion des liseuses et des iPad prêtés par la
lement que ces nouvelles productions
Régine
BCUL et la Bibliothèque de l’Institut et du
sont très coûteuses, ce qui freine leur
Contalyre (Belgique), sur www.ricochet-
Musée d’ethnographie de Neuchâtel.
développement.
jeunes.org (Rubrique «Le Magazine» –
Les Journées d’AROLE 2011 ont égale-
Olivier Glassey a discuté des nouvel-
ment servi de lieu de rencontre aux
les habitudes des jeunes lecteurs et de
Retrouvez l’article témoignant des
d’AROLE
Barat,
2011
membre
rédigé
de
Libres propos – L’avenir du lire).
YVAN VON ARX
par
l’ASBL
PAROLE 1/2012
Marie Desplechin dédicaçant l’un de ses ouvrages
pendant les Journées d’AROLE.
25
AROLE ET LE BUREAU ROMAND DE L’INSTITUT
P H OTO G R A P H I E S D E G E N E V I È V E I N G O L D
Quelques moments d’animations en portugais et en tamoul : une maman lit à son enfant, la découverte précoce de la lecture par un bébé, l’émerveillement
des enfants à l’écoute d’un conte...
L’ISJM ET JEUNESSE ET MÉDIAS.AROLE
été conduit dans différents quartiers de
Le Prix Enfantaisie 2012
la ville.
Résultats le 25 avril, à Genève !
Comme chaque année, le Prix Enfantaisie
A propos de la participation des
parents, le constat est général. La plupart
Les animatrices, elles-mêmes issues
du temps, au début, les parents restent
de la migration, ont suivi trois jours com-
en retrait, laissant prendre l’essentiel de
plets de formation.
la place aux animatrices. Au fil des ani-
PAROLE 1/2012
sera remis au Salon international du livre
Pour informer et atteindre le public-
et de la presse de Genève. La cérémonie
cible, des flyers dans les huit langues du
apparaissent, les parents prennent une
officielle et la remise du prix d’une valeur
projet, ainsi qu’en français, ont été dis-
part progressivement plus active.
de cinq mille francs se dérouleront le
tribués de main à main, avant tout par
Diverses animatrices ont eu l’occa-
mercredi 25 avril 2012. Organisé en colla-
les animatrices elles-mêmes. La plupart
sion d’expérimenter que la mémoire vive
boration avec Payot libraire, le Prix
d’entre elles ont fait un gros investisse-
se réveille au contact d’une autre
Enfantaisie bénéficie cette année et pour
ment de promotion (dans les centres
mémoire. Ainsi, quand il est demandé
la première fois du soutien de la Radio
religieux, les magasins et commerces de
aux parents s’ils se souviennent d’un
Télévision Suisse (RTS). Ce partenariat
leurs communautés, leurs réseaux, les
chant à partager, la réponse est souvent
s’est concrétisé notamment par la parti-
lieux centraux du quartier). Elles se sont,
négative. Mais quand un chant est initié
cipation, en mars, d’écoliers de Bulle (FR)
d’une manière générale, senties très bien
par l’animatrice, il y a spontanément des
à l’émission des Zèbres présentée par
accueillies. Des affiches, des courriels,
pans de mémoire qui s’activent chez
Jean-Marc Richard, le parrain du prix qui
des newsletters ont également participé
chacun, et une émotion perceptible de
animera la cérémonie du 25 avril.
à l’information autour du projet.
renouer avec son enfance.
Toutes les informations sur www.isjm.ch
mations
cependant,
des
évolutions
En ce qui concerne la fréquentation
Durant la phase pilote, les bases pour
des animations par les familles, nous
l’enracinement du projet en ville de
pouvons avancer quelques commentai-
Lausanne ont été posées, avec un
res. En moyenne, 8 personnes ont parti-
enthousiasme extraordinaire de la part
L’ISJM ET JEUNESSE ET MÉDIAS.AROLE
cipé aux animations, mais ces chiffres
des animatrices, des formatrices et de la
«1001 histoires dans les langues du monde»
recouvrent des réalités fort diverses
coordinatrice et responsable de projet,
Premier bilan de la phase pilote
allant de 0 à 27 personnes. Les familles se
Geneviève Ingold. L’analyse plus détaillée
révèlent fidèles puisque, pour la plupart
de la démarche devrait nous permettre
Parole 3 / 11 annonçait le lancement, dans
des langues, les mêmes familles sont
de corriger certains choix, d’approfondir
la commune de Lausanne, de la phase
venues plusieurs fois. Cela est encoura-
certains aspects en formation continue
pilote du projet 1001 histoires, en partena-
geant pour la poursuite du projet.
et de toucher et fidéliser un plus grand
YVAN VON ARX
riat avec le Bureau lausannois de l’intégra-
A propos de la perception des objec-
tion des immigrés et grâce au soutien du
tifs de 1001 histoires, les animatrices
Travailler dans le domaine de l’éveil
Bureau vaudois de l’intégration des immi-
constatent que certains parents ont de la
au langage et à la langue du récit auprès
grés. A l’heure où nous tirions un premier
difficulté à saisir à quoi servent les ani-
des familles et des bébés est un travail
bilan de cette étape, nous apprenions que
mations. Ils arrivent parfois avec des
peu spectaculaire, où les résultats ne
le projet pourrait se poursuivre en 2012.
attentes scolaires (apprendre à écrire, à
sont pas immédiats, où les subventions
Spécifiquement destiné aux familles
traduire d’une langue à l’autre, etc.).
sont à négocier.
migrantes allophones avec enfants d’âge
Raconter, lire avec les bébés… peut heur-
Mais c’est surtout un travail indispen-
préscolaire, 1001 histoires propose des ren-
ter des convictions personnelles, comme
sable, qui augmente les chances de
contres autour des histoires et des livres
cette maman pour qui cela ne fait pas de
chaque enfant de maîtriser un jour l’écrit
en langue d’origine. Pour les huit langues
sens de raconter des histoires à un bébé
et de développer un monde intérieur
du projet – albanais, bosnio-serbo-croate,
qui ne comprend pas ; son bébé pourtant
riche, facilitant la lecture et l’interpréta-
espagnol, portugais, somali, tamoul, tigri-
était parmi les plus attentifs des enfants
tion du monde.
nia et turc – , un cycle de 6 animations a
présents.
BRIGITTE PRAPLAN
nombre de familles allophones.
26
MENTIONS ET PRIX / INFORMATIONS
INFORMATIONS
Le Prix Pitchou 2012 du Salon du livre de Saint-Paul-Trois-Châteaux a été attribué à
l’Abécédaire de Pascale Estellon, aux éditions Les Grandes Personnes.
Le Prix Sésame, décerné par un jury de collégiens après lecture d’une sélection de cinq
ouvrages, est quant à lui revenu à La ballade de Sean Hopper de Martine Pouchain,
paru dans la collection Exprim’ des éditions Sarbacane.
Bibliographie
Depuis plusieurs années, les Bibliothèques Municipales de la Ville de
Genève éditent une bibliographie en rapport avec le thème annuel choisi par
l’Eveil culturel et artistique de la petite
enfance et le Service de la petite enfance.
En 2011, la bibliographie a traité le thème
de «la ville».
La Ville, mon doudou et moi propose une
sélection de documents s’adressant à de
tout jeunes lecteurs (0-6 ans).
Telle une promenade, cette bibliographie invite à un bout de chemin en partant de l’habitat, la maison, pour sortir
vers la rue, le quartier – environnements
quotidiens de l’enfant – puis passer à la
ville tout entière, avec les infrastructures
qui la caractérisent.
Parallèlement à ce parcours linéaire,
certains aspects jugés intéressants ont
été mis en valeur, comme par exemple
les laissés-pour-compte de la ville, les
moyens de transport, les bruits de la
ville, les chantiers et engins de chantier,
mais aussi la ville à travers le temps et le
phénomène d’urbanisation.
Les ouvrages de fiction sont plus largement représentés et ont été clairement
privilégiés ; ils abordent les thématiques
de façon plus fine et plus nuancée et sont
plus à même de mettre l’accent sur la
ville vécue, la ville découverte et expérimentée par l’enfant, où ce dernier va
pouvoir se reconnaître.
Les ouvrages présentés dans la bibliographie peuvent être empruntés ou
consultés aux Bibliothèques municipales
de Genève. Pour plus d’informations,
vous pouvez consulter le site :
www.ville-ge.ch/bmu.
Vous y trouverez aussi une version de
la bibliographie en ligne.
Une belle invitation à poursuivre cette
promenade à travers maisons, rues et
villes que Parole vous propose en ce
début d’année !
Voici les prix distribués lors du 24e Salon du livre et de la presse jeunesse de Montreuil :
Pépite de l’album 2011 : Le Roi des oiseaux de Gwendal Le Bec, Albin Michel Jeunesse.
Pépite du 1er album : Mäko de Julien Béziat, Pastel.
Pépite du roman ado européen : Une dernière chance de Seita Parkkola, traduction de
Johanna Kuningas, Actes Sud junior.
Pépite du documentaire : Enfants de tous les temps, de tous les mondes, collectif
sous la direction de Jérôme Baschet, Gallimard Jeunesse / Giboulées.
Pépite Coup de cœur de l’équipe du Salon, récompensant un livre «inclassable», autrement dit qui ne correspond pas aux critères traditionnels de l’édition jeunesse : Le
haret québécois et autres histoires d’Anna Boulanger, éditions Attila.
Voici deux ouvrages que les participants aux Journées d’AROLE 2011 connaissent bien
pour avoir entendu leurs auteurs s’exprimer à leur sujet lors des conférences :
Pépite de la création numérique : Un Jeu d’Hervé Tullet, Bayard, d’après Un livre paru
aux éditions Bayard jeunesse.
Pépite du livre d’art : Mon petit théâtre de Peau d’Âne de Marie Desplechin et JeanMichel Othoniel, éditions Courtes et Longues.
Pépite de l’adaptation, catégorie Courts et moyens métrages : L’homme en colère, réalisé
par Anita Killi d’après Sinna Mann de Gro Dahle et Svein Nyhus (Cappelen Verlag).
Pépite de l’adaptation, catégorie Séries télévisées : Nini Patalo, réalisé par Boris
Guilloteau, écrit par Lisa Mandel et Laurent Sarfati d’après l’œuvre de Lisa Mandel
(Glénat).
A noter que le Prix Tam-Tam du Salon du Livre et de la Presse Jeunesse de Montreuil
fait peau neuve ! Une nouvelle formule voit le jour : six romans sont soumis aux jeunes lecteurs qui votent eux-mêmes, ce mois de mars, pour leur ouvrage préféré.
Résultat dans notre prochain numéro.
Le Festival international de la bande dessinée d’Angoulême a distingué les auteurs
suivants :
Le Fauve d’Or ou Prix du meilleur album est attribué à Chroniques de Jérusalem de
Guy Delisle (Delcourt).
Le Fauve d’Angoulême ou Prix spécial du jury est attribué à Frank et le congrès des
bêtes de Jim Woodring (éditions L’Association).
Le Fauve Jeunesse est attribué à Zombillénium, Tome 2 : Ressources humaines
d’Arthur de Pins (Dupuis).
Tous les prix sont sur www.bdangouleme.com
Le prix Goncourt des lycéens a été attribué au récit Du domaine des murmures de
Carole Martinez, Gallimard.
Un jury d’élèves suisses romands a lu neuf «romans de Romands» avant d’élire leur
préféré : le texte lauréat de la 3e édition du prix Génération nouvelle est Angeles de
U. B.
Reynald Freudiger (L’Aire).
ALESSANDRA BERNASCONI
PAROLE 1/2012
I L LU S T R AT I O N D E J U L I E N B É Z I AT
P O U R M Ä KO ( PA S T E L )
MENTIONS ET PRIX
27
D E SS I N D ’A N D R É F R A N Ç O I S
CALENDRIER
PAROLE 1/2012
André François, le Phœnix
En juillet 1945, André François s'installe
avec sa femme et ses deux enfants à
Grisy-les-Plâtres, petit village du Vexin
devenu mythique dans le monde des arts
graphiques. En 1973, il investit un nouvel
espace construit, dans le jardin, sur les
plans de son fils Pierre, architecte.
André François fut sculpteur, peintre,
décorateur de théâtre, affichiste, graveur,
illustrateur de livres et dessinateur de
presse. Dans ce bel atelier de 140 m², il
peut stocker tous les matériaux et supports nécessaires à sa création et accumuler non seulement ses œuvres, mais
aussi des archives abondantes et variées,
correspondance, revues, livres...
Dans la nuit du 7 au 8 décembre 2002,
l'atelier s'enflamme. La mémoire d'une
vie entièrement vouée aux arts a été
dévorée dans l'enfer de l'incendie.
Les toiles et sculptures sont brûlées,
ainsi que la plupart des œuvres sur
papier, livres et documents. Quelques
affiches, estampes et dessins, aux bords
carbonisés, sont encore lisibles et ont pu
être conservés.
André François décède le 11 avril
2005. Quant aux œuvres récupérées dans
les décombres, elles dormaient, depuis
l'incendie, entassées dans «la petite maison au fond du jardin».
Quelque cent-cinquante de ces dessins meurtris, mais encore bien vivants,
sont présentés pour la première fois,
avec un catalogue, jusqu’au 15 mai 2012,
au Centre André François.
JANINE KOTWICA
André François, le Phœnix
Dessins rescapés de l'incendie de l’atelier
Commissariat : Janine Kotwica
Centre André François
Centre Régional de Ressources sur l’Album et
l’Illustration
70 rue Aimé Dennel
F – 60280 Margny-lès-Compiègne
Tél. : + 33 3 44 36 31 59
[email protected]
CALENDRIER
Jusqu’au 30 mars 2012
Exposition Béatrice Poncelet à La Galerie
l’Art à la page.
12 rue Servandoni, Paris 6e
Tél. : + 33 1 43 57 84 95
Jusqu’au 21 avril 2012
A la Bibliothèque médiathèque municipale de Vevey : Les éditions La Joie de lire
ont 25 ans !
La Joie de lire présente son travail
dans une exposition ouverte aux grands
et aux petits, en mettant à l’honneur
l’ouvrage de Mervyn Peake, Capitaine
Massacrabord.
Quai Perdonnet 33, 1800 Vevey
Tél. : 021 925 59 60
Jusqu’au 15 mai 2012
«André François, le Phœnix»
Le Centre André François, inauguré en
septembre 2011 à Margny-lès-Compiègne,
présente les dessins rescapés de l'incendie de l’atelier de l’artiste.
Voir aussi Informations ci-contre.
Du 20 mars au 1er avril 2012
Fête du livre de jeunesse de Villeurbanne
L’invité d’honneur est Hervé Tullet.
fetedulivre.villeurbanne.fr
Du 20 au 22 avril 2012
Le Salon du livre de jeunesse LitteraDécouverte se tiendra à Saint-Maurice,
en Valais.
On pourra y rencontrer en particulier
l’illustratrice Isabelle Chatellard, on y
découvrira les noms des gagnants du
concours d’écriture sur le thème des
«Souvenirs d’enfance», on y fera beaucoup d’autres découvertes encore !
www.litteradecouverte.com
Le 23 avril 2012
Dans le cadre de la Journée mondiale du
livre, Germano Zullo et Albertine donnent une conférence sur le thème de la
bibliothèque idéale. Quels sont les livres
qui ont marqué les auteurs et comment
ont-ils influencé leur travail ?
A la Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne. Palais de Rumine.
Entrée libre, la conférence débute à 19h.
Du 25 au 29 avril 2012
Le Salon du livre de Genève a une nouvelle fois changé de responsable. C’est
Isabelle Falconnier qui en assume désormais la présidence. Cette 26e édition aura
pour hôte d’honneur le Maroc, et comme
chaque année une large place est réservée à la littérature pour la jeunesse. Et on
y fêtera les 25 ans de La Joie de lire !
www.salondulivre.ch
Du 18 au 30 mai 2012
Les 34es Journées Littéraires de Soleure
auront lieu comme toujours lors du
week-end de l'Ascension. Le programme
sera publié en avril sur le site :
www.literatur.ch
Du 22 au 26 mai 2012
Festival «Livre et petite enfance» sur la
promenade des Bastions, à Genève.
Du 6 au 9 juin 2012
Le Festival du livre de jeunesse d’Annemasse, ce sont trois jours de fête autour
de cette littérature ; tous les acteurs du
livre y seront représentés… Le thème de
cette année : «Miroir, que lis-tu ?» Au Parc
Montessuit, à Annemasse.
www.festivaldulivrejeunesseannemasse.
blogspot.com
Du 23 au 26 août 2012
C’est à Londres qu’aura lieu le 33e congrès
d’IBBY, sur le thème «Traverser les frontières : traductions et migrations.»
www.ibbycongress2012.org
Le 9 novembre 2012
La Nuit du conte, événement national désormais incontournable, aura pour thème
cette année «Tout feu, tout flamme».
www.jm-arole.ch et [email protected].
U. B.
28
INDEX / IMPRESSUM
INDEX DES TITRES PRÉSENTÉS
BOTTERO, PIERRE. Tour B2, mon amour. P. 15
CALI, DAVIDE ; BOUTAVANT, MARC. Coccinelles cherchent maison. P. 14
CHAINE, SONIA. Besti’Art. P. 20
COLLECTIF D’ILLUSTRATEURS. Rue de l’Articho. P. 14
DAVID, FRANÇOIS ; THIÉBAUT, OLIVIER. Les hommes n’en font qu’à leur tête. P. 20
DHÔTEL, GÉRARD ; PERROUD, BENOÎT. Le livre des vrai faux. P. 21
GUILLOPPÉ ANTOINE. Plein Soleil. P. 20
HIRSCH, FLORENCE ; DUMAS, PHILIPPE. Je cherche les clés du paradis. P. 14
HOESTLANDT, JO ; PRIGENT, ANDRÉE. Le bébé tombé du train. P. 21
PEAKE, MERVYN. Capitaine Massacrabord. P. 21
SAINT-VAL, FLORIE. Mon voyage dans la maison. P. 16
SCOTTO, THOMAS ; COLLECTIF DE 76 ILLUSTRATEURS. Dans ma maison. P. 17
SERRES, ALAIN ; CANNARD, EDMÉE. Ma maison bleue. P. 16
TOLMAN, MARIJE ET RONALD. Le livre qui rend heureux. P. 16
IMPRESSUM
Parole est la revue des membres de Jeunesse et Médias. AROLE.
C’est une publication de l’Institut suisse Jeunesse et Médias.
Adresse : Saint-Etienne 4, CH – 1005 Lausanne
Tél. / Fax : + 41 21 311 52 20
[email protected]
www.jm-arole.ch et www.isjm.ch
RESPONSABLE DE LA RÉDACTION : Sylvie Neeman, [email protected]
Nouvelle-Héloïse 8, CH – 1815 Clarens. Tél. + 41 21 964 24 48
CORESPONSABLE : Ulrike Blatter, tél. + 41 21 963 36 42
RESPONSABLE DE LA RÉDACTION D’AS-TU LU ? : Claude-Anne Choffat, tél. + 41 32 471 19 58
ONT PARTICIPÉ À CE NUMÉRO D’AS-TU LU ? : Barbara Bonardi Valentinotti, Céline Cerny, Claude-Anne Choffat,
Gaëlle Farre, Véronique Mertenat, Sylvie Neeman, Véronique Perret, Karine Richard et Françoise Zutter.
RELECTURE : Elsa Neeman
Nous remercions pour leurs services de presse les éditeurs dont les livres sont distribués en Suisse
par Diffulivres, La Joie de Lire, OLF, Servidis et Zoé.
Les membres de Jeunesse et Médias.AROLE reçoivent Parole gratuitement. Ils reçoivent en outre des
informations, des bibliographies, bénéficient de conditions avantageuses pour la location d’expositions
et de réductions sur les Journées d’AROLE et autres manifestations.
POUR DEVENIR MEMBRE DE JEUNESSE ET MÉDIAS.AROLE, COTISATIONS 2012 :
Membres individuels en Suisse : Fr. 50.–
Membres individuels à l’étranger : Euros : 40.–
Membres collectifs en Suisse : Fr. 100.–
Membres collectifs à l’étranger : Euros : 70.–
Pour recevoir uniquement la revue Parole : Fr. 35.– ou Euros : 30.– pour l’étranger
Prix au numéro : Fr. 12.–
TIRAGE : 1200 exemplaires. Paraît trois fois par année.
CONCEPTION GRAPHIQUE : Prill, Vieceli, Albanese. Adaptation du concept pour Parole : Sabina Albanese.
MISE EN PAGE, IMPRESSION ET ENVOI : Swissprinters Lausanne SA, Renens.
Les articles de Parole ne peuvent être reproduits sans l’accord de la rédaction.
PAROLE 1/2012
ZULLO, GERMANO ; ALBERTINE. Les gratte-ciel. P. 15
1
LE
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1/12
PAROLE 1/2012
ANNE CORTEY ET FRANÇOISE DE GUIBERT
ILLUSTRATIONS DE JUDITH DREWS
ILLUSTRATIONS DE NATHALIE CHOUX
Atchoum
JULIEN BÉZIAT
Blanche
NordSud, 2011, Fr. 14.80
Mäko
Hélium, 2011, Fr. 22.40
Mäko est un morse artiste : il passe ses
journées à sculpter sur la banquise une
carte des fonds marins qu’il explore. Ainsi,
chacun sait où trouver la nourriture dont il
a besoin. Hélas, un jour, la glace se fissure et
commence à partir en morceaux, emportant avec elle à la fois les œuvres de Mäko…
et les poissons de l’océan ! Affamés, tous les
animaux se tournent alors vers le morse.
Un superbe album plein de poésie, dans
les tons gris et bleus, qui se déploie sur des
doubles pages pour une véritable plongée
au cœur du monde polaire de Mäko et de
ses amis !
Depuis cinquante-quatre jours précisément, Nö ne va pas bien. Désarmée, son
amie Blanche ne peut rester à le regarder
et s’en va en quête d’un remède. Elle
ramènera de son périple des choses dures
comme une larme, des choses belles
comme un papillon, des choses douces
comme des mots. De quoi rendre le sourire à Nö…
Anne Cortey et Françoise de Guibert
signent un texte à la fois fin et fort, célébrant dignement l’amitié. Sous le trait
irrésistible de Nathalie Choux, les protagonistes émerveillent le lecteur qui suit avec
intérêt le voyage de Blanche.
Gorge qui pique, nez qui coule, éternuements «à tout-va» : Petit Lapin bien enrhumé est «tout raplapla». Le voilà forcé
de rester au lit. Les uns après les autres,
ses amis viennent le réconforter et lui
apportent un cadeau : une fleur, un chocolat chaud ou une pomme. Car si Maman
Lapin est là pour le bisou du soir, ce sont
avant tout Caribou, Madame Chouette et
la famille Fourmi qui accompagnent Petit
Lapin.
Avec ses dessins au gros trait sur pages
cartonnées et son texte amusant jouant
sur les répétitions, cet album séduira les
plus petits qui connaissent bien les rhumes en série.
VÉRONIQUE PERRET
GAËLLE FARRE
CÉLINE CERNY
L’Ecole des loisirs, 2011, Fr. 22.20 (Pastel)
I L LU S T R AT I O N : M I C H E L B O U C H E R
CALLY STRONG
ALBUMS 0 – 6 ANS
2
AS-TU LU ?
EVA JANIKOVSZKY
ILLUSTRATIONS DE LÀSZLÒ RÉBER
Moi, si j’étais grand
EDOUARD MANCEAU
Les boutiques d’Angélique
La vie secrète du loup
Albin Michel jeunesse, 2011, Fr. 26.90
Tourbillon, 2011, Fr. 27.20
(Premier âge ; L’heure du jeu)
Dans ce très joli coffret pyramidal se
superposent trois adorables petits livres
cartonnés. Imbriquées les unes sur les
autres, leurs tranches affichent la silhouette d’un loup à la pose quelque peu
crispée. C’est à sa rencontre que sont
conviés les tout jeunes lecteurs qui en
apprendront long sur l’animal le plus
redouté des contes classiques ! Un après
l’autre, les mini-albums dévoilent ce qui
se trame dans la tête du grand méchant,
ce qui marine dans son estomac gavé et
encore où le conduisent chaque jour ses
pattes griffues…
Il y a là, pour les plus petits, de quoi
écouter, rire, jouer et empiler !
Son panier à la main, la petite Angélique
parcourt les différentes échoppes de la
Grand-Rue marchande. Parviendra-t-elle à
y dénicher la rose jaune, le tuyau d’arrosage ou encore le mirliton siffleur de sa
liste de courses ? Rien n’est garanti si ce
n’est que le lecteur attentif la suivra avec
une folle curiosité, soulevant à chaque
page un rabat lui permettant de franchir
avec Angélique la porte d’attrayantes boutiques. Amusés, les plus jeunes chercheront à repérer parmi les rayonnages
encombrés les articles indispensables à la
fillette.
Que de finesse dans les traits d’Alice
Melvin, que d’éclat dans sa palette et…
quelle perle que cet album !
KARINE RICHARD
CLAUDE-ANNE CHOFFAT
La Joie de lire, 2011, Fr. 17.–
«Lave-toi les mains ! Range tes jouets !
Regarde où tu mets les pieds !» Les adultes
ne cessent de donner des ordres alors
qu’eux font toujours ce qu’ils veulent. En
voilà une injustice ! Fort de ce constat, un
petit garçon s’imagine en grande personne et dans son univers, on élève des
poissons rouges dans sa baignoire tout en
mangeant du chocolat au petit déjeuner.
Le gamin se voit père d’une famille nombreuse au sein de laquelle épouse et
enfants le suivent dans ses courses en
trottinette et autres sauts dans les flaques
d’eau.
Avec son esthétique un brin désuète et
son texte avant-gardiste – la première édition en hongrois date de 1965 –, cet album
garde toute son actualité et aborde avec
humour la complexité des rapports
parents-enfants.
CÉLINE CERNY
OLIVIER ADAM
ALEX SANDERS
ILLUSTRATIONS D’ILYA GREEN
FRANÇOISE JAY
Maxiloup
Achile et la rivière
ILLUSTRATIONS DE FRÉDÉRICK MANSOT
L’Ecole des loisirs, 2011, Fr. 16.50 (Loulou & Cie)
Actes Sud Junior, 2011, Fr. 24.–
Tamanna, princesse d'arabesque
Sous-titré L’imagier des petits loups, ce cartonné carré décline ses trouvailles de page
en page. Comme tout imagier, il présente
le petit monde de l’enfant, son environnement, son corps, ses activités. Classique.
Mais pas tout à fait cependant, puisqu’ici il
s’agit d’un petit loup, et ce sont donc des
pieds de loup, une maison de loup, une
sieste de loup qui s’offrent aux yeux – forcément très rieurs – du lecteur !
Si l’on ajoute à cela les couleurs vives et
l’humour qui n’hésite jamais à pointer le
bout de son nez, les points de vue charmants et les allusions au monde des
contes, on a là typiquement un livre que
les adultes ne rechigneront pas à parcourir
souvent avec leurs… petits loups.
Agacé par l’agitation qui règne chez lui,
Achile va demander du calme à Angelo, le
gardien de la rivière. A son retour, le résultat est effrayant : sa maison est tellement
silencieuse qu’elle lui paraît sans vie. Le
jeune garçon affecté va alors supplier que
tout redevienne comme avant, du temps
où les enfants jouaient, le père dansait et
les invités buvaient un café dans un
joyeux brouhaha…
La vie peut être bruyante, mais elle ne
vaut d’être vécue sans un entourage avec
qui partager le temps qui passe. Le texte
d’Olivier Adam parle avec une infinie tendresse de la difficulté de se faire une place
parmi les autres. Ses mots sont magnifiés
par les illustrations d’Ilya Green.
Tamanna a deux amours : le dessin et
Ksantu. Chaque fois qu'elle le peut, elle
peint en chantant sa joie d'être aimée en
retour. Un jour, Ksantu arrive avec de très
mauvaises nouvelles : son père refuse leur
mariage, sous prétexte que la famille de
Tamanna est trop pauvre. Bien que les
deux amoureux vivent dans un pays où il
est difficile de s'opposer à la volonté
paternelle, l'art et la ténacité de la belle
princesse des arabesques lui permettront
d’obtenir ce dont elle rêve. Vive l'amour !
Chaque page est un tableau qui enchante par ses formes et ses couleurs : un
monde merveilleux met alors nos sens en
émoi. Une réussite non dénuée d’humour !
SYLVIE NEEMAN
GAËLLE FARRE
VÉRONIQUE MERTENAT
Gallimard jeunesse, 2011, Fr. 27.90 (Giboulées)
PAROLE 1/2012
ALICE MELVIN
3
AS-TU LU ?
MICHAËL ESCOFFIER
ILLUSTRATIONS DE MATTHIEU MAUDET
Un mammouth dans le frigo
L’Ecole des loisirs, 2011, Fr. 18.–
AURÉLIA GRANDIN
Le théâtre en carton
Didier jeunesse, 2011, Fr. 31.30
PAROLE 1/2012
Dans une école, il y a une classe. «Dans
cette classe, il y a la maîtresse et… des
enfants. Au fond de la classe, il y a un
théâtre en carton» qui est au cœur de l’album. Les élèves ont écrit une pièce et le
soir du spectacle de fin d’année, les trois
coups retentissent et le rideau se lève sur
les jeunes comédiens.
Cet album est spectaculaire par ses
illustrations qui débordent de vitalité : ses
couleurs sont franches et son grand format
sert particulièrement bien le talent d’Aurélia Grandin. Et quelle bonne idée d’aborder
le théâtre ; c’est original et réussi !
GAËLLE FARRE
Après le succès incontesté de leur génial
Bonjour Docteur, voici que les compères
Escoffier et Maudet rempilent avec un
album à la fois drôle et décalé !
Quelle frousse lorsque le petit Noé
découvre un mammouth recroquevillé
dans son frigo ! Pris de panique, ses parents
appellent les pompiers. L’animal échappe
toutefois aux mailles de leurs filets et
«cataclop», personne ne parvient à arrêter
sa folle cavale… Seule Flavie réussira à l’appâter, une fois la nuit tombée. C’est que le
pachyderme semble être à la fillette ce que
Hobbes est à Calvin : un compagnon imaginaire, aussi farceur qu’indispensable !
Pour les petits lecteurs à l’humour
aiguisé, friands de situations improbables
et un brin surréalistes.
CLAUDE-ANNE CHOFFAT
MONICA BROWN
BENJAMIN CHAUD
Une chanson d’ours
Hélium, 2011, Fr. 26.–
Alors que l’automne s’épuise et que son
père ronfle déjà, Petit ours attiré par le parfum du miel se lance à la poursuite d’une
abeille drôlement tardive. Lorsqu’il s’aperçoit de la disparition de son fils, Papa ours
se précipite à sa recherche. De leur tanière
aux ruches installées sur le toit du Palais
Garnier à Paris, le plantigrade et son rejeton
précédés de l'insecte affolé se livrent à une
course spectaculaire !
Son format généreux et ses panoramas
fourmillant de détails font de cet album
un magnifique livre-jeu que les petits observeront avec minutie. Les clins d’œil de
l’auteur sont subtils et beaucoup se souviendront de cette formidable chanson
d'ours que leur chantait leur maman...
CLAUDE-ANNE CHOFFAT
ILLUSTRATION DE JOHN PARRA
La bibli des deux ânes
EVA JANIKOVSZKY
Rue du monde, 2011, Fr. 20.30
ILLUSTRATIONS LÀSZLÒ RÉBER
YANN AUTRET
ILLUSTRATIONS DE SYLVIE SERPRIX
Mille petits poucets
Qu’il est difficile pour un enfant de comprendre que ses parents, eux aussi, ont été
un jour petits et qu’ils existaient avant
même sa naissance ! Heureusement, Mimi
peut compter sur les explications de son
grand frère quant à la généalogie de leur
famille. Avec à l’appui un lot de photos
jaunies, il la renseigne patiemment sur
leurs différents liens de parenté : il s’agit
alors pour la fillette de saisir «qui est la
maman de qui, qui est le papa de qui, et
qui est l’enfant de qui»…
Publié pour la première fois en 1966, cet
album au charme rétro décortique une
filiation des plus classiques. Il n’est pas
encore question ici de famille recomposée
et pourtant… c’est déjà bien compliqué !
Inspiré d’une histoire vraie, cet album
raconte l’extraordinaire volonté d’un
instituteur qui – accompagné de ses deux
ânes chargés de livres – voyage à travers
son pays à la rencontre des enfants à qui il
lit des histoires et prête des ouvrages.
Juché sur son étonnante bibliothèque à
huit pattes, il parcourt les villages isolés
de Colombie depuis vingt ans.
Agrémenté de jolies illustrations réalisées à partir de peintures naïves sur bois,
l’album rend un bel hommage à toutes les
bibliothèques ambulantes (caravanes de
chameaux, carrioles, bateaux et autres
bibliobus) qui partent à la rencontre de
leurs lecteurs.
A noter l’engagement des éditions Rue
du Monde qui, grâce à la vente de cet
ouvrage, contribuent à l’équipement de
cette bibliothèque originale.
KARINE RICHARD
VÉRONIQUE PERRET
GAËLLE FARRE
Incroyable mais vrai
La Joie de lire, 2011, Fr. 17.–
Grasset jeunesse, 2011, Fr. 27.20
Dans cette maison se côtoient un homme
doux, une méchante femme, beaucoup
d’enfants et de la misère. Excédée par ses
gamins «qui les mènent à la ruine»,
Madame charge son mari de les perdre en
forêt. Mais le père n’en égarera aucun,
bien au contraire, il en recueillera d’autres
au fil de ses promenades et… rencontrera
même le véritable amour.
Tout dans cet album laisse penser qu’il
vient d’un temps immémorial : la mise en
page et l’achevé d’imprimer, la moralité à
la fin du texte, les pages de garde avec le
texte original du Petit Poucet de Perrault.
La riche palette de Sylvie Serprix sert à
merveille les mots graves et percutants de
Yann Autret.
4
AS-TU LU ?
SÉBASTIEN G. ORSINI
Dans le mystère des animaux sauvages :
abécédaire en linogravure
Actes Sud junior, 2011, 52 p., Fr. 29.80
FABRIZIO SILEI
ILLUSTRATIONS DE MAURIZIO A.C. QUARELLO
STEVE JENKINS ET ROBIN PAGE
C’est l’heure de se laver : pour tout savoir sur
les animaux et leur toilette
Circonflexe, 2011, 23 p., Fr. 16.80
(Aux couleurs du monde)
Le petit d’homme a bien des points communs avec les animaux : la démarche des
auteurs consiste ici à établir des comparaisons et à interroger l’enfant sur son
propre comportement, tout en lui apprenant comment le mérou tomate, la spatule
ou le gecko s’y prennent pour se laver.
Malin et subtil, ce très bon documentaire animalier s’adresse aux 4 à 7 ans,
dans une mise en page sobre et efficace,
avec des informations complémentaires
en fin d’ouvrage.
Dans la même collection : C’est l’heure
de dormir ; C’est l’heure de manger.
Ils sont bien inquiétants, ces animaux
sauvages, dans cette représentation aux
teintes sombres ! En même temps, il s’en
dégage une telle ambiance qu’on est
obligé d’y revenir à trois ou quatre reprises
en tout cas : sur la page de gauche, la première lettre du nom d’un animal est mise
en scène, alors qu’à droite, une linogravure le place dans son élément naturel.
C’est saisissant ! Il y a de quoi se raconter
bien des histoires sur une simple double
page et avoir envie d’en savoir davantage
en ouvrant son dictionnaire ou en faisant
une recherche sur le Net. En plus de nourrir l’imaginaire, l’ouvrage suscitera peutêtre un élan créateur : et si je me mettais à
la linogravure ? Une totale réussite !
FRANÇOISE ZUTTER
Le bus de Rosa
Sarbacane, 2011, Fr. 26.–
Grand-Père emmène Ben, son petit-fils, au
musée Ford à Detroit. Lorsqu’ils montent
dans un antique bus jaune, le vieil homme
évoque ses souvenirs : il y a longtemps, il
était dans ce même véhicule avec une
femme nommée Rosa. C'était du temps
où, aux Etats-Unis, les Noirs n'avaient pas
les mêmes droits que les Blancs. GrandPère raconte le combat de Rosa qui avait
refusé de céder sa place à un Blanc. Son
courage avait alors initié un vaste mouvement pour l'égalité des droits des Noirs.
Un album aux illustrations magnifiques pour nous rappeler «qu'il y a un
autobus qui passe dans la vie de chacun
d'entre nous». Gardons tous les yeux bien
ouverts afin de ne pas le rater !
VÉRONIQUE MERTENAT
ALBUMS 7 – 12 ANS
JACOB ET WILHELM GRIMM
FRANÇOISE ZUTTER
ARSÈNE LUTIN D’APRÈS JACK LONDON
ILLUSTRATIONS DE SYBILLE SCHENKER
ILLUSTRATIONS D’ANTOINE GUILLOPPÉ
Hänsel et Gretel
DIANNA HUTTS ASTON
Croc-Blanc
Minedition, 2011, Fr. 47.60
ILLUSTRATIONS DE SYLVIA LONG
Auzou, 2011, Fr. 25.50
Quoi de plus commun qu'un œuf ? Mais
vous n'y êtes pas ! Un œuf peut être rond,
ovale ou pointu… coloré ou tacheté, à
coquille dure ou molle. Et dans un œuf
peut se développer un manchot, un grillon
ou encore un iguane.
Ce documentaire pour les petits
explique de façon ludique et poétique la
«vie» des multiples variétés d'œufs. Sylvia
Long les dessine à merveille et ses illustrations reflètent l'incroyable diversité du
monde animal, mais également la beauté
de la vie. Un petit bijou !
Dans un format imposant de 30 sur 35 cm,
Antoine Guilloppé se lance dans une adaptation de ce classique toujours demandé,
plus d’un siècle après sa parution, en 1905 !
Il réussit à ramener le récit à sa plus simple
expression (c’est d’ailleurs sûrement lui
qui se cache sous ce pseudo rigolo) pour
une version album, laissant éclater toute
sa force créatrice avec des illustrations qui
se déploient sur la double page. Effet
garanti, émotions intenses, beauté et force
de l’animal, grandes valeurs défendues
envers et contre tous : magnifique ! Coup
de chapeau aussi au graphiste pour son
travail de mise en page, de lien entre texte
et images !
Qui ne connaît pas l’histoire de Hänsel et
Gretel, deux pauvres enfants abandonnés
dans la forêt qui se retrouvent prisonniers
d’une affreuse sorcière ? En voici une nouvelle représentation tout à fait convaincante. La structure des illustrations faites
d’un savant assemblage de couleurs, de
dessins en noir et blanc et sur calques,
ainsi que le jeu typographique rendent à
ce conte toute sa dimension angoissante
et inquiétante. La mise en perspective originale de cet album – par superposition
des transparents – est une belle réussite.
Quel enchantement que cette récente
version de ce grand classique des frères
Grimm déjà si souvent revisité : bravo à la
jeune et talentueuse Sybille Schenker !
VÉRONIQUE MERTENAT
FRANÇOISE ZUTTER
VÉRONIQUE PERRET
L'histoire d'un œuf
Circonflexe, 2011, 38 p., Fr. 23.80
(Aux couleurs du monde)
PAROLE 1/2012
DOCUMENTAIRES 0 – 6 ANS
5
AS-TU LU ?
AGNÈS DE LESTRADE
ILLUSTRATIONS DE NATHALIE CHOUX
Tout le monde veut voir la mer
Rouergue, 2011, 89 p., Fr. 10.90 (ZigZag)
MICHEL PIQUEMAL
NATHALIE KUPERMAN
ILLUSTRATIONS DE BRUNO PILORGET
La liberté est une poussière d’étoile
Omotou, guerrier masaï : Ousmane Sow
L’Ecole des loisirs, 2011, 88 p., Fr. 12.80 (Neuf)
L’Elan vert, 2011, Fr. 22.40 (Pont des arts)
PAROLE 1/2012
Afin d’entrer dans l’œuvre d’Ousmane Sow,
sculpteur sénégalais, les auteurs ont choisi
une pièce de la série Masaï, intitulée Guerrier
debout. Voici que l’œuvre devient le personnage principal du récit, celui de Sékou, garçon dont l’enfance est meurtrie par la
guerre. Mais Sékou sait donner vie à l’argile.
Il crée ainsi, de ses mains, un fétiche capable
de le protéger des soldats, de l’aider à traverser les épreuves et à retrouver sa mère !
Entre fiction et documentaire – un
reportage photographique et un portrait de
l’artiste complètent le récit –, voici un très
joli coup de projecteur sur un pays, une culture et une sensibilité.
FRANÇOISE ZUTTER
Ce roman enjoué, au titre poétique, est en
réalité une fable ubuesque sur l’oppression, le totalitarisme, la pensée unique et
l’obéissance irréfléchie.
Chien a été capturé par des canards.
Pour recouvrer sa liberté, il doit répondre à
une question de leur chef ; or quelle que
soit sa réponse, elle est décrétée fausse
par le tyrannique palmipède ! Mais d’où
vient la cruauté de Canard ? Et les parents
de Chien, en le mettant en laisse, le protègeront-ils vraiment ?
Nathalie Kuperman propose ici un texte
fort, qui pose de pertinentes questions ;
elle parvient, avec son modèle animal, à
donner une bonne idée de la complexité
des rapports humains – et du besoin de
liberté de notre espèce…
Le Secours populaire organise une journée
à la mer pour les enfants de la cité. Marika
aurait certes préféré une sortie à cheval –
son rêve le plus cher – mais elle accepte
l’excursion, pour ne pas décevoir sa
meilleure amie. Et jamais elle n’aurait
imaginé que cela puisse être aussi réussi !
La plage met fin à des rivalités entre garçons du quartier et Christian, un jeune
jusqu’alors mis à l’écart, parvient à se
distinguer.
Voilà un roman juste et sans clichés ! On
s’attache à ces enfants dont les liens persistent après cette jolie journée. Les illustrations rondes et enjouées de Nathalie
Choux s’accordent au texte qui se termine
sur une note d’optimisme et d’espoir.
GAËLLE FARRE
DOCUMENTAIRES 7 – 12 ANS
SYLVIE NEEMAN
ROMANS 7 – 12 ANS
BERNARD CHAMBAZ
NANCY SPRINGER
ILLUSTRATIONS DE PEF
Métro Baker Street
Petit Charlie deviendra Charlot
CÉCILE ROUMIGUIÈRE
Nathan, 2011, 199 p., Fr. 26.20
Rue du monde, 2011, 44 p., Fr. 13.30
ILLUSTRATIONS DE SYLVAIN BOURRIÈRES
(Les enquêtes d'Enola Holmes ; 6)
(Petit deviendra grand)
«Il y a la classe, (…) et à part, il y a Angel.»
Le jeune gitan est arrivé en cours d’année
et seule Camille va mettre ses préjugés de
côté pour découvrir le quotidien de ce garçon atypique. Souvent maladroite dans sa
relation avec Angel, la fillette révise peu à
peu ses a priori et fait la connaissance
d’une famille passionnante. Au camp des
Voyageurs, elle participe à la recherche de
Leslie, une petite «gadgie» disparue.
Avec sensibilité, Cécile Roumiguière
aborde la différence et l’exclusion, tout en
exposant la richesse de la culture gitane.
«C’est important, d’être différent, de ne
pas bêler bêtement au milieu du troupeau
en même temps que les autres.»
Enola, la sœur de Sherlock Holmes, est une
adolescente vive et intelligente qui s'est
enfuie de son domicile pour éviter le pensionnat. Ses deux frères voulaient l'y
envoyer pour qu’on lui enseigne les bonnes manières – celles d’une jeune fille de
famille anglaise distinguée dans les
années 1880. En plus d’avoir échappé à ses
frères, Enola résout des enquêtes au nez et
à la barbe de Sherlock. Elle vit sa vie
comme elle l'entend, refusant de se soumettre aux règles strictes d’une société
qui ne laisse aucune place aux femmes et
luttant de toutes ses forces pour garder
son indépendance.
Pour ne rien gâter, l'écriture très documentée de Nancy Springer est aussi vive et
jubilatoire que son héroïne. Une série à lire
absolument !
Joli défi que les éditions Rue du Monde
relèvent avec cette nouvelle collection :
capter l’attention de gamins du XXIe siècle
en racontant l’enfance d’hommes célèbres
du XXe (tiens, on aimerait bien y trouver
des femmes aussi !). Une enfance pas
facile, faite d’adversité et de grande pauvreté pour Charlie Chaplin, et qui s’inscrit
comme la source de toute la créativité et
de l’inventivité de ce génie qui a marqué
sa génération, son siècle.
C’est bien fait : texte court et percutant,
illustrations pleines de poésie, le tout
complété d’un petit dossier documentaire
à la fin de l’ouvrage pour un éclairage historique.
Dans la même collection : Petit Jacques
deviendra Prévert ; Petit Pablo deviendra
Picasso.
GAËLLE FARRE
VÉRONIQUE MERTENAT
FRANÇOISE ZUTTER
Dans les yeux d'Angel
Flammarion, 2011, 124 p., Fr. 10.70
(Castor Poche. Romans)
6
AS-TU LU ?
ROMANS DÈS 13 ANS
JULIE JACOB-CŒUR
Ces années blanches
Thierry Magnier, 2011, 139 p., Fr. 18.– (Roman)
ILLUSTRATIONS DE DELPHINE PERRET
L’amour selon Ninon
Autrement jeunesse, 2011, 63 p., Fr. 23.70
(Les petits albums de philosophie)
Par une succession de saynètes, nous suivons Ninon dans ses grandes interrogations : elle est amoureuse et se sent toute
«bizarre»… Elle tente alors de mettre ses
idées et ses sentiments au clair avec son
entourage : ses parents, le voisin qui aime
trouver des réponses dans les mythes, les
copines. Parce que c’est compliqué la vie,
les émotions… et que c’est bien de pouvoir
s’exprimer sur tout ça ! Ton juste, dessins
tendres au trait aérien pour une jolie boîte à
outils mise à disposition de tout un chacun.
FRANÇOISE ZUTTER
GUILLAUME GUÉRAUD
Une jeune fille raconte la descente aux
enfers de la drogue vécue par sa sœur
aînée, et subie par toute une famille. Marie,
la narratrice, est en colère quand elle
évoque la dépendance de Rose : ses accès
de violence, ses mensonges et fugues ont
eu raison de la vie familiale qui a volé en
éclats et ont contraint Marie à quitter le
toit parental pour «un environnement
plus stable». Dans un tel contexte, comment trouver sa place, comment se construire et tenter de vivre une adolescence
«normale» ?
Un texte fort et parfois déroutant dans
lequel on passe du présent au passé et
inversement presque sans s’en rendre
compte. Beaucoup de sensibilité et de justesse dans l’écriture de ce premier roman.
VÉRONIQUE PERRET
BANDE DESSINÉE 7 – 12 ANS
CAMILLA LAGERQVIST
L’enfant du cirque
Bayard jeunesse, 2011, 247 p., Fr. 18.70 (Millézime)
KATHERINE ET FLORIAN FERRIER
En ce 21 mars, Marietta et tout le personnel de l’Hôtel Etrange sont encore à hiberner, alors que la belle saison arrive et
qu’affluent avec elle… les clients. C’est
que M. Printemps a disparu ! Il faudra à
Marietta l’aide de ses amis pour mettre
bon ordre dans les saisons et ne pas flancher devant les obstacles. Tout cela avant
de découvrir que M. Printemps n’était finalement pas très loin !
Quel délice que cette bande dessinée :
c’est joyeux et enlevé, les personnages
sont amusants et les dessins exquis par
leurs couleurs, la rondeur de leurs traits.
En bonus, on trouve la recette des Visitandines, des biscuits qui ont une place dans
le récit.
GAËLLE FARRE
CLAUDE-ANNE CHOFFAT
Sarbacane, 2010, 37 p., Fr. 20.90 (Hôtel Etrange ; 1)
Rouergue, 2012, 107 p., Fr. 15.40 (DoAdo. Noir)
Le père de Marco a contracté il y a dix ans
un mariage blanc pour de l’argent avec
Anka. La jeune femme décède et la police
dépose ses effets personnels chez Marco.
Ce dernier a tout d’abord du mal à composer avec ces nouvelles – il ne savait rien
pour le mariage de son père avec cette
jeune Roumaine – puis il se prend de passion pour l’histoire d’Anka : comment a-telle pu mourir à vingt-neuf ans de la
tuberculose ? Il va faire la découverte d’un
destin brisé et malheureux, qui le poussera à l’irréparable…
On pense à Je mourrai pas gibier du
même auteur, après avoir tourné la dernière page d’Anka. Le monde que décrit
Guillaume Guéraud est fait de misère et
d’injustice. C’est extrêmement fort, l’écriture est implacable, mais notre société
semble l’être plus encore et c’est bien cela
qui est ici dénoncé.
GAËLLE FARRE
En 1917, Ellen, alors âgée de six ans, est
achetée par Madame Zénitha, directrice
du Cirque Formidable. Privée de l’affection
de sa mère, la fillette est entraînée à la
dure, enchaînant les étirements douloureux et les exercices de voltige. L’enfant
prodige, talentueuse contorsionniste et
funambule, devient ainsi l’étoile montante de la troupe et mène, sous le chapiteau, une vie trépidante. Seulement, une
fois qu’elle y a goûté, impossible pour la
jeune artiste de renoncer à l’odeur envoûtante de la piste…
Avec doigté, Camilla Lagerqvist saisit
l’ambiance à la fois magique et ambiguë
de ce cirque suédois : elle ne tait ni la passion des athlètes, ni l’attitude d’un public
railleur, friand de la «monstruosité» de
ceux qu’on exploitait, à l’époque, comme
des phénomènes de foire.
L'hiver au printemps
Anka
MONI NILSSON
Pourquoi mon père porte de grandes chaussures (et autres grands mystères de ma vie)
Bayard, 2011, 126 p., Fr. 18.90 (Millézime)
De l’humour et de la légèreté dans ce récit
raconté à la première personne par Semla,
qui avance dans la vie avec optimisme et
gaieté. Ses seuls soucis sont ceux d’une
adolescente de douze ans et demi : un cortège de questions propres à cet âge qu’elle
aborde de manière franche avec juste ce
qu’il faut d’impertinence ! Et ceci malgré la
gravité de certaines situations comme le
divorce de ses parents ou la dépression de
son père ! Quant à savoir pourquoi ce dernier porte de grandes chaussures… Eh bien,
réponse à la fin de ce petit roman pétillant !
VÉRONIQUE PERRET
PAROLE 1/2012
OSCAR BRENIFIER
7
AS-TU LU ?
MALORIE BLACKMAN
Boys don’t cry
Milan, 2011, 286 p., Fr. 17.80 (Macadam)
PAROLE 1/2012
Dante n’a que 17 ans et toute sa vie devant
lui lorsqu’il apprend qu’il est le père d’une
petite fille de quelques mois, fruit d’une
relation sans lendemain… La jeune maman
complètement épuisée lui confie l’enfant et
disparaît. Commence alors pour Dante –
fort heureusement aidé dans sa tâche par
son père et son frère – une nouvelle existence faite de renoncements, mais aussi de
bonheur auprès de ce bébé tombé du ciel.
Parallèlement, c’est aussi Adam, le
frère de Dante, qui est au centre de cette
histoire captivante. Très bien écrit (et traduit) selon le principe de la narration
alternée, ce nouveau roman de Malorie
Blackman – qui nous avait déjà enchantés
avec la série Entre chiens et loups – aborde
un thème rare en littérature jeunesse : la
paternité non désirée mais finalement
assumée !
DOCUMENTAIRES TOUT PUBLIC
MARIE-PIERRE FARKAS
ILLUSTRATIONS DE MARIANNE RATIER
ANNICK DE GUIRY
Françoise Dolto, l’heure juste
ILLUSTRATIONS DE MERLIN
Naïve, 2011, 157 p., Fr. 36.80
Les grandes routes : de la Route de la soie à
(Grands destins de femmes)
la Route du thé
Seuil, 2011, 63 p., Fr. 26.60
CARAGH M. O’BRIEN
Ce vaste tour d’horizon, richement illustré, des premiers voyages déterminant les
échanges entre les continents nous mène
dans un univers d’aventuriers, d’hommes
visionnaires qui, pour différentes raisons,
partirent vers l’inconnu.
Dans cet ouvrage fascinant, les anecdotes des carnets de voyage alternent avec
les faits historiques, sensibilisant les
enfants au thème des relations de pouvoir
entre l’Occident et l’Orient ou les Amériques. Les exploitants et les exploités, les
mérites de chaque culture : l’auteure offre
des pistes pour comprendre les antécédents de la mondialisation.
Bannie
BARBARA BONARDI VALENTINOTTI
VÉRONIQUE PERRET
Deux femmes ont uni leur talent dans ce
roman graphique pour dresser le portrait
d’enfance et relater la jeunesse de cette
fameuse psychanalyste et pédiatre que fut
Françoise Dolto. Choisir les moments clés
d’une vie, faire les liens entre les événements familiaux et mondiaux qui furent à
la naissance de cette vocation, user avec
bonheur de l’art de l’ellipse pour que cette
lecture soit un grand moment d’humanité
et d’humour : ah, quel chef-d’œuvre ! On
en ressort époustouflé par la grandeur et
l’extrême simplicité du personnage, ébahi
devant la synthèse brillante de la scénariste, touché par le délicat dessin au
crayon gris de l’illustratrice.
FRANÇOISE ZUTTER
Mango, 2011, 380 p., Fr. 27.– (Birth marked ; 2)
PAUL ROUILLAC
Dans la continuité du premier opus de cette
passionnante série, Caragh M. O’Brien poursuit l’histoire de Gaia, que les lecteurs
avaient quittée à regret dans sa fuite éperdue. Alors que la jeune sage-femme vient
d’atteindre la destination que sa mère et la
vieille Meg lui avaient indiquée, son arrivée
à Zile est une nouvelle déception : Gaia y
apprend le décès de sa grand-mère et Maya,
sa petite sœur et désormais seule famille,
lui est arrachée.
L’auteure des romans enrubannés renoue avec la dystopie qui lui est chère : elle
peint ici une société matriarcale piégée par
son propre système, contre lequel son
héroïne se bat avec conviction. Avec un
subtil dosage de détermination, d’angoisse
et de désir, la recette fait mouche, une fois
encore ! Autre titre : Rebelle ; 1. A paraître :
Captive ; 3.
FRANS LANTING
Masques : un livre pop-up
Pingouin
Mango, 2011, 155 p., Fr. 34.50
Pour fêter leurs vingt-cinq ans d’existence,
les éditions Taschen publient cette merveille à petit prix, pour une démonstration
brillante de ce qui fait leur force : «…des
livres d’art au bon rapport qualité-prix qui
ont un immense succès international.»
Frans Lanting est considéré comme l’un
des plus grands photographes naturalistes
contemporains et a reçu de nombreux prix
saluant son travail. Il nous propose ici de
nous émerveiller avec lui des pingouins,
gorfous sauteurs, manchots de Magellan,
manchots empereurs, manchots papous…
sur la terre, dans la mer et sur la glace.
Un très, très beau cadeau à offrir tout
autour de soi !
A travers douze masques réalisés par un
jeune relieur passionné de papier, le lecteur ébloui voyage du Japon au Nigéria en
passant par le Groenland, le Burkina Faso
ou encore la Papouasie. Quelle manière
originale d’aborder l’art de différentes
civilisations ! S’inspirant de pièces de la
collection du Musée du Quai Branly à
Paris, le jeune artiste a créé ce livre pop-up
en mélangeant habilement divers matériaux (papier, raphia, paille), tout en
respectant chaque détail de l’œuvre originale. Une petite note explicative sur l’origine de chaque masque accompagne la
réalisation.
Beaucoup de finesse dans ce travail
d’artiste et un régal pour les yeux.
CLAUDE-ANNE CHOFFAT
FRANÇOISE ZUTTER
VÉRONIQUE PERRET
Taschen, 2011, 168 p., Fr. 13.90
8
AS-TU LU ?
LAURE MISTAL ET ANNE-SOPHIE DE MONSABERT
Achile et la rivière. P. 2
PHOTOGRAPHIES D’UWE OMMER
L’amour selon Ninon. P. 6
Histoires d’enfants des cinq continents
Anka. P. 6
Albin Michel, 2011, 340 p., Fr. 52.–
Atchoum. P. 1
Bannie. P. 7
VÉRONIQUE PERRET
POÉSIE TOUT PUBLIC
FRANÇOIS DAVID
RAMBHAROS JHA
Bestiaire du Gange. P. 8
Bestiaire du Gange
La bibli des deux ânes. P. 3
Actes Sud junior, 2011, 32 p., Fr. 34.40
Birth Marked. P. 7
Blanche. P. 1
Comment, en quelques phrases, rendre
justice à un livre aussi beau ? En évoquant
les brefs textes qui le composent, des poèmes classiques tamouls qui saisissent, à la
manière de haïkus, des instants de vie des
animaux aquatiques du Gange ? En admirant les couleurs vives des illustrations,
toutes des sérigraphies originales, qui illuminent cet ouvrage fabriqué à la main ?
Ou encore en parlant de l’odeur du papier,
de son toucher épais et granuleux, et pourtant d’une douceur fascinante ?
Cet album est tout cela à la fois : recueil
de poèmes d’une simplicité fulgurante,
imagier hypnotique, bestiaire où le familier semble fantastique, livre d’art unique
en son genre.
Les boutiques d’Angélique. P. 2
SYLVIE NEEMAN
Histoires d’enfants des cinq continents. P. 8
Boys don’t cry. P. 7
Le bus de Rosa. P. 4
Ces années blanches. P. 6
C’est l’heure de se laver. P. 4
Une chanson d’ours. P. 3
Croc-Blanc. P. 4
Dans le mystère des animaux sauvages : abécédaire
en linogravure. P. 4
Dans les yeux d'Angel. P. 5
L’enfant du cirque. P. 6
Les Enquêtes d'Enola Holmes. P. 5
Françoise Dolto : l’heure juste. P. 7
Les grandes routes : de la route de la soie à la route
du thé. P. 7
Hänsel et Gretel. P. 4
L'histoire d'un œuf. P. 4
ILLUSTRATIONS DE CONSUELO DE MONT-MARIN
L'hiver au printemps. P. 6
Vole Vole Vole
Hôtel Etrange. P. 6
Incroyable mais vrai. P. 3
Les Carnets du Dessert de Lune, 2011, 64 p.,
Fr. 14.– (Lalunestlà)
LITTÉRATURE SECONDAIRE
Je cherche un livre pour enfant : le guide des livres
pour les 8/16 ans. P. 8
On sait que François David est non seulement un éditeur, mais aussi un poète. Et
on découvre ce poète amoureux des
oiseaux, à l’affût du temps «si ténu / entre /
le moment où l’oiseau chante encore / et
celui où il ne chante plus», écrivant sous
leur dictée, guettant leur passage, admirant ailleurs «Un oiseau / immobile / sur un
fil / invisible / en plein ciel».
Le ton est au sérieux aussi bien qu’à
l’humour, on évoque la guerre, la mort,
mais aussi d’imaginaires courses avec les
hélicoptères, le petit oiseau de l’appareil
photo.
François David pose son regard malicieux et parfois mélancolique sur le
monde, et Consuelo de Mont-Marin pose
ses dessins au trait, simples et parfois loufoques, sur le monde de François David.
Tout se tient, en somme…
SYLVIE NEEMAN
La liberté est une poussière d’étoile. P. 5
TONI DI MASCIO
Mäko. P. 1
Je cherche un livre pour un enfant :
Un mammouth dans le frigo. P. 3
le guide des livres pour les 8/16 ans
Masques : un livre pop-up. P. 7
Gallimard jeunesse/De facto, 2011, 140 p., Fr. 32.30
Maxiloup. P. 2
Métro Baker Street. P. 5
Après avoir magnifiquement abordé les
ouvrages pour les plus jeunes, cette collection se penche avec autant de succès sur
les livres à l’attention des «grands». Sorte
de manuel très exhaustif, on y trouve une
mine d’informations précieuses : une organisation par tranche d’âge, un décryptage
des genres montrant de manière schématique leurs origines et dérivés, des conseils
avisés sur les goûts de ce public pas toujours facile à séduire.
Du professionnel au néophyte, chacun
peut en tirer profit ; une invitation à découvrir une littérature jamais assez connue !
Mille petits poucets. P. 3
BARBARA BONARDI VALENTINOTTI
titre générique et au titre du volume.
Moi, si j'étais grand. P. 2
Omotou, guerrier masaï : Ousmane Sow. P. 5
Petit Charlie deviendra Charlot. P. 5
Pingouin. P. 7
Pourquoi mon père porte de grandes chaussures (et
autres grands mystères de ma vie). P. 6
Tamanna, princesse d'arabesques. P. 2
Le théâtre en carton. P. 3
Tout le monde veut voir la mer. P. 5
La vie secrète du loup. P. 2
Vole Vole Vole. P. 8
En gras, les titres qui sont dans l’index à la fois au
PAROLE 1/2012
Nous voilà partis pour un voyage haut en
couleurs à travers les cinq continents ! Le
photographe Uwe Ommer a parcouru la
planète et visité quelque cent trente pays
durant quatre ans à la rencontre d’enfants
et de leur famille. Chaque fillette ou jeune
garçon présente avec enthousiasme et
fierté son entourage, son quotidien, son
pays, sa manière de vivre. Universalité et
diversité se dégagent de ce très beau documentaire qu’on feuillette comme un
album photos avec l’envie de partir à la
découverte de contrées inconnues.
Un ouvrage de très belle qualité.
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VE
DU 25 AU 29 AVRIL 2012
Plus de 20'000 livres pour enfants
choisis par nos libraires
Des rencontres inoubliables
avec des auteurs, des illustrateurs, des conteurs,
des musiciens : Jacques Salomé, Catherine Louis,
Haydé, Barroux, Nina Caniac, Gaëtan,
Souleymane, Anne Richard…
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Des concours malicieux, des jeux et
des ateliers ingénieux pour petits et grands
La remise du prix enfantaisie
du meilleur album et du meilleur roman
de l’année, en présence du parrain du prix
Jean-Marc Richard, présentateur de l’émission
«Les Zèbres», le mercredi 25 avril,
en partenariat avec la
En exclusivité sur notre stand, la méthode
de lecture La Planète des Alphas
et les Éditions La Joie de lire qui fêtent
cette année leurs 25 ans !
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