Anévrismes intracrâniens - Fonds pour la chirurgie cardiaque
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Anévrismes intracrâniens - Fonds pour la chirurgie cardiaque
R E C H E R C H E Anévrismes intracrâniens Un laboratoire de médecine expérimentale carolo participe à un programme de recherche européen, le projet « Thrombus » E n tant qu’hôpital général affilié à l’Université Libre de Bruxelles, le CHU de Charleroi est un lieu de recherche et d’enseignement en sciences médicales. Il possède un laboratoire de médecine expérimentale impliqué dans divers projets de recherche concernant les mécanismes des maladies, le diagnostic et la thérapeutique. Ce centre participe notamment au projet de recherche européen «Thrombus», qui a pour but de faire avancer les connaissances sur le mécanisme de guérison des anévrismes intracrâniens. Nous avons rencontré le directeur du projet pour la Belgique, le Docteur Karim Zouaoui, chercheur (Laboratoire de Médecine Expérimentale, ULB 222 Unit). Objectif Cœur. Pour éclairer la lanterne de nos lecteurs, pourriez-vous tout d’abord expliquer ce qu’est un anévrisme intracrânien ? Dr Karim Zouaoui. Un anévrisme intracrânien (ou cérébral) est la dilatation d'une artère située dans le cerveau, que l’on peut comparer à une hernie sur une chambre à air de bicyclette. Il se crée une zone fragile qui peut se rompre à tout moment et provoquer une grosse hémorragie dont les conséquences sont souvent fatales. En effet, le sang qui se répand alors à l'intérieur de la boîte crânienne ne peut pas s'échapper et accroît rapidement la pression sur le tissu cérébral. La taille et le volume des 8 • Objectif Coeur 37 • juin 2013 anévrismes varient considérablement. Certains ne font que quelques millimètres, mais on en trouve parfois qui ont plus de deux centimètres et demi de diamètre. On estime que 2 à 4 % de la population serait porteuse d'un anévrisme cérébral, mais que l'incidence de la rupture d'anévrisme, sa conséquence la plus sévère, est d'environ 10 par 100.000 habitants par année, ce qui correspond à 1000 cas en Belgique. L'anévrisme cérébral représente quelque 10 % de tous les accidents vasculaires cérébraux. O.C. Comment se produisent-ils? Dr KZ. Parmi les anévrismes intracrâniens, on distingue habituellement les anévrismes sacciformes (en forme de sac), les plus fréquents, qui sont le résultat d’une anomalie congénitale de la paroi artérielle. Au fil du temps, la malformation peut s’accroître et finalement se rompre. Cette rupture peut se produire chez un individu jeune, mais également chez des personnes plus âgées à la suite d’une fragilisation consécutive à l’artériosclérose ou à une hypertension artérielle. Un deuxième type d’anévrisme intracrânien est l’anévrisme fusiforme d’origine athéroscléreuse peu fréquent au niveau cérébral. Plus rarement, les anévrismes intracrâniens sont d’origine infectieuse (méningite) ou traumatique. Les anévrismes peuvent causer des lésions anatomiques en exerçant une compression sur les structures environnantes. Les causes de l’anévrisme cérébral et de son développement, comme par ex. les processus de formation, de croissance et de rupture de l’anévrisme, sont assez mal connus. Des atteintes structurales de la paroi des artères cérébrales, associées à des facteurs hémodynamiques, sont présumées être responsables de ces excroissances vasculaires. Même s'ils n'en sont pas directement la cause, certains facteurs influencent le développement des anévrismes et augmentent les risques de rupture. La prise de contraceptifs oraux et la consommation excessive d'alcool en font partie, mais c'est le tabagisme qui vient au premier rang de ces facteurs. On estime que le risque de rupture d'anévrisme est de 3 à 10 fois plus élevé chez les fumeurs que chez les non-fumeurs et, que ce risque augmente avec le nombre de cigarettes fumées. Les anévrismes sont plus fréquents entre l'âge de 35 et 60 ans, et ils touchent plus souvent le sexe féminin avec un ratio de 3 femmes pour 2 hommes. On les rencontre rarement chez les enfants et les adolescents. O.C. Comment évoluent-ils? Dr KZ. Le pronostic des anévrismes intracrâniens est difficile à établir. Avec le temps et sous l'influence de certains facteurs, la paroi de l'artère où est localisé l'anévrisme peut s'amincir encore et se rompre. La gravité des symptômes varie selon l'importance de l'hémorragie mais typiquement, la rupture d'anévrisme se manifeste par l'apparition brutale et inattendue d'un mal de tête violent, généralement diffus, mais parfois localisé dans la région occipitale ou la région frontale, décrit souvent comme une explosion ou un coup de poignard. Cette céphalée est souvent accompagnée d'une brève perte de conscience, de nausées, de vomissements et d'intolérance à la lumière. En cas d'hémorragie peu importante, une raideur de la nuque peut parfois être le seul signe observable. Dans les cas les plus graves, la personne tombe immédiatement dans le coma et la respiration devient insuffisante. Ces symptômes apparaissent souvent au cours d’un effort. On estime qu’environ 10% des personnes qui subissent une rupture d'anévrisme meurent avant d'avoir reçu les soins appropriés, que 40% d'entre eux décèdent malgré une intervention médicale et que 30 % des survivants présentent ensuite des séquelles neurologiques permanentes. Cela signifie que seulement 20 % des personnes s'en tirent avec un bon pronostic. Malheureusement, l'anévrisme n'est souvent découvert que lors d'une complication grave. C'est donc essentiellement à l'occasion d'une rupture anévrismale que le diagnostic est fait. Le diagnostic d’une hémorragie cérébrale ou cérébro-méningée est généralement porté par un examen au scanner qui montre le saignement. Les anévrismes cérébraux peuvent également persister sans se rompre. Généralement, l’anévrisme cérébral non rompu est découvert fortuitement lors d’une investigation radiologique (ct-scan ou RMN) pour un tout autre problème. En effet, bien que certaines personnes puissent ressentir divers symptômes (maux de têtes localisés, problèmes visuels, douleurs…) normalement, aucune manifestation n’est associée à l’anévrisme cérébral non rompu. 9 Objectif Coeur 37 • juin 2013 • Banc d’essais pour anévrisme. Reproduction à l’échelle 1/1 d’un anévrisme cérébral (basé sur une imagerie cérébrale d’un patient). ♥ O.C. Quel traitement appliquer ? L'Université de Mons et l'Université Libre de Bruxelles viennent de déposer conjointement un brevet pour cette nouvelle technologie de reproduction des flux dans les anévrismes cérébraux afin de mieux comprendre la manière de les traiter. Cette technologie a pu être développée via des financements provenant du mécénat privé, Heidelberg Cement représenté par Mr Daniel Gaulthier, via un projet Biowin de la région Wallonne (Walbiostent) avec la société Cardiatis représentée par Mr Noureddine Frid, via le soutien du CHU de Charleroi représenté par Mr Philippe Lejeune et via le projet européen Thrombus (FP7 CP ICT VPH N°269966) dont le coordinateur scientifique et chef de projet est Mr Guy Courbebaisse (CNRS – INSA Lyon - CREATIS). Le Fonds pour la Chirurgie Cardiaque a accordé une subvention pour la poursuite des recherches du Pr K. Zouaoui. 10 • Objectif Coeur 37 • juin 2013 Dr KZ. Avant toute intervention, un bilan angiographique complet est réalisé afin de déterminer la localisation de l’anévrisme sur la vascularisation intra-cérébrale, sa morphologie, son implantation sur le vaisseau porteur et ses rapports avec les structures cérébrales avoisinantes. Les deux principaux moyens utilisés pour traiter les anévrismes sont la chirurgie et le traitement endovasculaire en neuroradiologie. La chirurgie vise à placer un petit clip de métal au niveau du collet de l'anévrisme, ce qui ferme le sac anévrismal de manière définitive mais nécessite une ouverture du crâne. Le traitement endovasculaire consiste à colmater l'anévrisme à l'aide d'un cathéter qui va rejoindre l’anévrisme après introduction par l’artère fémorale. Par le cathéter une fois mis en place, on peut introduire divers dispositifs (par exemple des microspires, qui ressemblent un peu aux filaments visibles dans une ampoule électrique) dans la poche anévrismale de manière à obtenir un maillage serré empêchant l’entrée du sang et supprimant ainsi le risque ultérieur de rupture. D’autres dispositifs sont les stents, semblables à ceux qu’on place dans les artères coronaires, ou encore des ballonnets. Ce traitement ne convient pas à tous les types d'anévrisme, mais il représente une solution intéressante de rechange à la chirurgie, surtout pour les personnes dont l'anévrisme est difficile à atteindre ou qu'il serait dangereux d'opérer. Le traitement de la rupture d'anévrisme vise avant tout à éviter toute hémorragie subséquente une fois les complications écartées. O.C. Venons-en au programme de recherche ‘Thrombus’. Il s’agit en fait d’un projet de recherche européen ? Dr KZ. Ce projet bénéficie en effet de collaborations internationales de haut niveau avec des centres de recherche situés en France, Allemagne, Suisse, Hollande, Belgique. Ces centres sont spécialisés dans diverses disciplines: imagerie médicale et traitement d’image, modélisation et simulation numérique, fabrication de prothèses endovasculaires, biologie de la thrombose, neuroradiologie etc. O.C. Quels sont les objectifs de ces recherches ? Dr KZ. On a vu qu’à côté du traitement chirurgical de l’anévrisme intracrânien qui consiste en un clippage du collet, existe un autre traitement par voie endovasculaire qui vise à provoquer un caillot (thrombus, d’où le nom du programme de recherche) dans la poche anévrismale pour l’obstruer. Le but de la recherche est de préciser les mécanismes de formation du thrombus, notamment les facteurs mécaniques locaux liés au flux sanguin et qui sont encore mal connus. C’est là que notre laboratoire entre en jeu sur base de nos travaux sur les globules rouges et les plaquettes et le fait que nous nous intéressons aux contraintes mécaniques à la surface de la paroi vasculaire. O.C. Pouvez-vous nous donner quelques détails sur ce modèle expérimental qui représente votre contribution au programme de recherche ‘Thrombus’ ? Dr KZ. Sur base des images que vont nous fournir nos collègues cliniciens, nous allons reproduire les anévrismes dans des matériaux particuliers (voir photo ci-dessus) et les perfuser avec des globules rouges et des plaquettes. Le flux et le comportement de ces éléments sanguins seront observés grâce à un microscope holographique. Les images observées seront enregistrées sur une caméra numérique permettant de reconstruire une image tridimensionnelle quantitative. Avec cette méthode, nous développons véritablement une approche de pointe. Cette modélisation en laboratoire ne va pas sans poser certaines difficultés: notamment les problèmes posés par la diversité des dispositifs introduits par cathéter dans l’anévrisme et les divers types d’anévrisme selon leur taille, leur forme régulière ou irrégulière, leur profondeur, la taille de leur collet, paramètres qui conditionnent la qualité de l’occlusion. Une autre difficulté provient des mouvements pulsatiles de la paroi anévrismale. L’usage de logiciels de traitement d’image et la collaboration de physiciens et informaticiens nous aidera à résoudre ces problèmes. Nous allons également analyser un grand nombre de dossiers de patients traités dans les hôpitaux partenaires du projet et nous concentrer sur la situation la plus fréquente et deux situations extrêmes, ce qui est assez logique dans l’optique d’une première modélisation. O.C. On s’aperçoit que c’est véritablement une recherche de pointe ! Dr KZ. Il s’agit en effet d’une recherche très sophistiquée qui se situe au carrefour de différentes disciplines : la médecine, la biologie, l’informatique, l’ingénierie médicale. L’originalité tient dans le fait que nous sommes en mesure d’intégrer dans ce modèle tous les paramètres liés au flux sanguin et à la formation du thrombus. Le modèle qui sera développé doit permettre d’améliorer la prédictivité de la formation du thrombus en fonction de la géométrie de l’anévrisme, avec la perspective d’améliorer par cette approche le pronostic des patients traités. Il ne s’agit donc pas d’une recherche purement académique, car elle devrait en principe avoir des conséquences directes sur les stratégies de traitement des anévrismes cérébraux. Docteur Pierre Stenier Journaliste médical 11 Objectif Coeur 37 • juin 2013 •
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