SUD-CORÉENS INQUIETS, MAIS TOUJOURS CALMES

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SUD-CORÉENS INQUIETS, MAIS TOUJOURS CALMES
SUD-CORÉENS INQUIETS, MAIS TOUJOURS CALMES
Arnaud Leveau
Outre-terre | Outre-Terre
2012/2 - n° 32
pages 53 à 57
ISSN 1636-3671
Article disponible en ligne à l'adresse:
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Pour citer cet article :
-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Leveau Arnaud, « Sud-Coréens inquiets, mais toujours calmes »,
Outre-Terre, 2012/2 n° 32, p. 53-57. DOI : 10.3917/oute.032.0053
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Sud-Coréens inquiets, mais
toujours calmes
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Le 10 novembre 2011, l’Institut coréen de politique économique internationale
(KIEP) 2 a organisé à Séoul un séminaire d’une journée sur la crise de l’euro et ses
implications politiques pour la Corée 3. Ce séminaire faisait suite à une réunion organisée quelque temps plus tôt par l’Institut pour les Affaires étrangères et la Sécurité
nationale (IFANS) 4 sur la viabilité politique de la zone euro 5. En complément des
travaux de ces think-tanks gouvernementaux, des centres de réflexions privés comme
l’Institut coréen du capital et du marché 6 ou l’Institut de recherche sur la richesse
mondiale7 organisent régulièrement des réunions sur le thème de la crise de la zone
euro.
L’EUROPE, DEUXIÈME DESTINATION DES EXPORTATIONS SUD-CORÉENNES
L’inquiétude des autorités sud-coréennes est légitime. Après avoir légèrement décliné dans le milieu des années 2000 la part de l’Union européenne dans les échanges
internationaux de la Corée du Sud a rebondi en 2011 consécutivement à la mise
en œuvre de l’accord de libre-échange entre les deux régions. En 2010, l’UE était
avec environ 10,7 % des échanges internationaux de la Corée du Sud le quatrième
partenaire commercial du pays derrière la Chine, l’ASEAN (Association des nations
du Sud-Est asiatique) et le Japon et devant les États-Unis ; de même qu’elle figurait
surtout avec un total de 40 564, 4 millions d’euros comme la deuxième destination
des exportations sud-coréennes dans le monde. Cela est d’autant plus important que
les exportations restent le principal moteur du développement économique sud-coréen. Elles représentent près de 43 % du PIB sud-coréen, soit le taux de dépendance
le plus élevé des pays membres du G20. En s’engageant dans un accord de libreéchange avec l’Union européenne, les autorités sud-coréennes avaient un objectif
clair : atteindre 3 % des parts du marché intérieur de l’UE d’ici 2014. L’accord avait
déjà rendu possible une augmentation de 5,5 % des exportations sud-coréennes à
1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. Consultant.
Korea Institute for International Economic Policy (KIEP), ‹www.kiep.go.kr›.
Crisis of the Euro and its Policy implications for Korea.
Institute of Foreign Affairs and National Security (IFANS), ‹www.ifans.go.kr›.
Political Sustainability of the Euro Zone, réunion du 7 mars 2011.
Korea Capital Market Institute (KCMI), ‹www.ksri.org/Eng›.
Global Affluence Research Institute.
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destination de l’Europe en 2011. Un ralentissement de la croissance et de la demande dans la zone euro ne pouvait avoir que des conséquences négatives sur l’économie sud-coréenne.
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En janvier 2012, les exportations à destination de l’Union européenne ont chuté
de 44,8 %. La hausse des exportations vers la Chine (+ 7,3 %) et les États-Unis
(+ 23,3 %) au cours des vingt premiers jours du même mois n’allait pas suffire à
pallier la faiblesse de la demande européenne. Ainsi en janvier 2012 le montant total
des exportations sud-coréennes a baissé de 6,6 % en comparaison avec l’année précédente. Cette baisse significative fait suite à une baisse de 1,5 % des exportations au
cours du dernier trimestre 2011. Les conséquences négatives de la crise européenne
sont perceptibles depuis la fin de l’année 2011. Outre la baisse des exportations, la
croissance sud-coréenne n’a été d’octobre à décembre 2011 que de 0,4 %, soit le taux
le plus faible depuis 2009. Une chute brutale. Au trimestre précédent, la croissance
était encore de 0,8 %. En moyenne annuelle, la croissance n’a été que de 3,4 % alors
qu’elle était de 6,2 % en 2010. Une persistance de la crise dans la zone euro pourrait avoir également des conséquences négatives sur les exportations sud-coréennes
vers la Chine. Près de 75 % des exportations vers la Chine sont considérées comme
« intermédiaires », c’est-à-dire qu’il s’agit de matériaux entrant dans la composition
de produits par la suite réexportés depuis la Chine. Toute baisse des exportations
chinoises vers l’Europe entraînera une baisse par effet de contagion des importations
chinoises en provenance de la Corée du Sud.
L’ÉVOLUTION DE LA CRISE VUE DE SÉOUL : VERS UNE EUROPE À DEUX VITESSES
Depuis Séoul la crise que traverse la zone Euro devrait à terme renforcer le processus d’intégration européenne autour d’un noyau dur composé de l’Allemagne,
de la France et des Pays-Bas. D’après les différentes analyses de cette crise sorties en
Corée du Sud 8, l’Allemagne et la France s’appuieront sur l’article 136 du traité de
Lisbonne pour renforcer leurs coordinations budgétaires sans attendre le soutien des
autres pays membres de l’Union. Pour les Sud-Coréens, l’Europe risque de se retrouver à terme de nouveau coupée en deux avec d’un côté un groupe de pays acceptant
de renforcer la coordination de leurs politiques macroéconomiques et de l’autre des
pays isolés, donc moins protégés.
8. Cf. par exemple Jun Hae-won, Political Sustainability of the Eurozone, IFANS, Brief, 2001-2002, mars 2011, 5 p. ou encore
유로존위기의 현황과 향후 전망 (La crise actuelle de la zone euro et ses perspectives), rapport du Korea Capital Market
Institute, décembre 2011, 69 p.
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VULNÉRABILITÉ SUD-CORÉENNE
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L’objectif des pays du premier groupe sera d’harmoniser progressivement leurs
politiques budgétaires. Ceux qui y parviendront pourront affirmer leur leadership
sur toute l’Union, pas uniquement d’un point de vue monétaire mais quant à l’ensemble des politiques communes (industrielle, agricole, sociale, recherche). Selon les
Sud-Coréens semblable harmonisation budgétaire devrait permettre aux pays du
premier groupe de pouvoir émettre des euro-obligations (Eurobonds) et d’approfondir l’union politique.
Les mesures d’austérité adoptées par la plupart des membres de l’Union ouvrent
des fenêtres d’opportunité pour la coopération euro-sud-coréenne, notamment dans
le domaine de la politique étrangère. Du point de vue de Séoul, si l’ensemble des
principes fondamentaux de la politique étrangère européenne notamment en matière de droits de l’Homme et de promotion de la démocratie restent inchangés, les
budgets de l’aide publique au développement ainsi que ceux consacrés à la politique
commune de sécurité et de défense risquent d’être revus à la baisse. Le financement
de cette politique commune de sécurité et de défense reposant sur les contributions
des États membres, certains se verront contraints de revoir leur participation, l’ensemble du processus s’en trouvant affaibli. Pour compenser l’impact de ces limitations budgétaires, l’UE devra sûrement chercher à renforcer ses coopérations avec
des partenaires extérieurs à l’Union. Ainsi la Corée du Sud et l’Union européenne
devraient être en mesure de coopérer sur des sujets d’intérêts mutuels tels que les
participations à des opérations de maintien de la paix sous l’égide des Nations unies,
la lutte contre la piraterie et les trafics et les politiques d’aide au développement. Qui
plus est : pour les Sud-Coréens l’UE sera susceptible d’accorder plus d’importance à
des questions de bonne gouvernance mondiale ayant peu d’influence sur ses budgets
comme le changement climatique et la lutte contre le terrorisme et sur lesquels la
Corée du Sud peut également être partie prenante.
PROMOUVOIR LA RECHERCHE EN COMMUN
Les Sud-Coréens souhaitent encore profiter de la crise actuelle pour renforcer
la coopération entre leur pays et l’Union européenne en matière de recherche et
de développement (R&D). Pour sortir de la crise et retrouver de la compétitivité,
l’Europe va devoir faire un effort considérable en matière de R&D. Les restrictions
budgétaires risquant cependant de contrarier cet effort. La Corée du Sud note en
effet que certains pays sont contraints de plafonner leurs dépenses en matière d’éducation et de recherche malgré l’impérieuse nécessité pour l’Europe d’investir dans ces
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UNE OPPORTUNITÉ POUR LA CORÉE DU SUD : LA POLITIQUE COMMUNE DE SÉCURITÉ
ET DE DÉFENSE
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domaines. L’Union n’aura pas d’autre choix que de s’ouvrir à des coopérations avec
des partenaires extérieurs, notamment la Corée du Sud.
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Source : Fonds monétaire international, direction des statistiques du commerce, 2011 (Par Union européenne, nous entendons
indifféremment : Communauté économique européenne en 1980, l’Union à 15 en 1990 et en 2000, l’Union à 27 en 2009 et 2010)
Depuis 2002, le budget sud-coréen de la recherche a augmenté d’environ 10,5 %
par an. Selon l’organisation mondiale de la propriété intellectuelle en matière de dépôts de brevets, la Corée du Sud était classée en 2010 au cinquième rang mondial
après les États-Unis, le Japon, l’Allemagne et la Chine 9. En termes de dépense
intérieure brute R&D, la Corée du Sud se classait toujours en 2010 au quatrième
rang des pays de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) et au cinquième rang mondial 10. Toujours en 2010, le nombre d’articles
scientifiques signés par des chercheurs sud-coréens plaçaient le pays au onzième rang
mondial 11. Environ 75 % des investissements sud-coréens en R&D provenaient de
l’industrie (contre 72 % en Chine, 71 % aux États-Unis et 70 % en Allemagne).
Cependant, la recherche sud-coréenne vit dans un environnement à peu près clos.
Les investissements directs étrangers en R&D ne représentaient en 2009 que 0,3 %
du secteur sud-coréen. C’est le niveau le plus bas des pays de l’OCDE, avec le Japon.
Par ailleurs, le nombre de chercheurs étrangers autorisés à participer aux projets de
recherche en Corée du Sud reste très limité
9. World intellectual property organization, World Property Indicators 2011, WIPO Economics & Statistics Series, Genève,
2011, 211 p.
10. Derrière Israël, le Japon, la Suède et la Finlande. OCDE, Panorama des statistiques de l’OCDE 2010. Économie, environnement et société, OCDE, Paris, janvier 2011, 277 p., p.150-151.
11. 12e rang en 2007, 53e en 1981. Cf. Jonathan Adams, David Pendlebury, Global Research Report : Materials Science and
Technology, Leeds, Evidence, Thomson Reuters Business, juin 2011, 12 p. et « Climbing Mount Publishable The old scientific
powers are starting to lose their grip », The Economist, 11 novembre 2010.
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Principaux partenaires commerciaux de la Corée du Sud de 1980 à 2010
Sud-Coréens inquiets, mais toujours calmes
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Source : Korea Statistics
Les Sud-Coréens estiment que les Européens ne seront pas en mesure d’investir
seuls et qu’ils ont là une opportunité à exploiter. Ils souhaitent élargir les échanges
universitaires et multiplier le développement de programmes de recherche communs. Sous cet angle, la crise européenne est perçue par les Coréens du Sud comme
un moyen de renforcer leur compétitivité en Asie Orientale, notamment dans le
secteur de la recherche.
Échanges entre l’Union européenne et la Corée du Sud
Biens de consommation (2011)
Exportations européennes vers la Corée du Sud: 32,4 milliards d’euros
Importation européennes en provenance de Corée du Sud : 36,1 milliards d’euros
Services (2010) Exportations européennes vers la Corée du Sud: 7,5 milliards d’euros
Importation européennes en provenance de Corée du Sud : 4,5 milliards d’euros
Investissements directs étrangers (2010)
Investissements européens en Corée du Sud : 2,8 milliards d’euros
Investissement sud-coréens en Europe : 3,8 milliards d’euros
Stocks d’investissements européens en Corée du Sud : 39 milliards d’euros
Stocks d’investissements sud-coréens en Europe : 13,8 milliards d’euros
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Dépenses de recherche et développement en % du PNB