a propos d`un cas de luxation oculaire spontanee lors d`un
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a propos d`un cas de luxation oculaire spontanee lors d`un
Revue SOAO n° 01- 2009, pp. 32-36 Revue SOAO - n° 01 - 2009, pp. 32-36 © EdUCI 2009 A PROPOS D’UN CAS DE LUXATION OCULAIRE SPONTANEE LORS D’UN SYNDROME DE CROUZON A study about a case of spontaneous ocular dislocation during a syndrome of Crouzon. A. AHNOUX-ZABSONRE1, IA. DIOMANDE2, S. BONI3, AS. BARRY4, M. SOUMAHORO1, M. DIALLO1. 1 - Service d’ophtalmologie, CHU de Cocody, Abidjan - Côte d’Ivoire. 2 - Service d’ophtalmologie, CHU de Bouaké, Abidjan - Côte d’Ivoire. 3 - Service d’ophtalmologie, CHU de Treichville, Abidjan - Côte d’Ivoire. 4 - Service d’ophtalmologie, CHU Donka,Conakry - Guinée Correspondance : Dr IA. DIOMANDE Service d’ophtalmologie des CHU de Cocody/Bouaké. [email protected]. Cel: 07 67 58 23/66 12 87 97/03 12 32 31 Resume Le syndrome de Crouzon est une crâniosténose rare (1/50000 naissances), héréditaire. Elle entraîne de graves malformations crâniennes de traitement chirurgical difficile. Nous rapportons ici l’observation d’une fille de 4 ans porteuse d’une dysmorphie crânio-faciale depuis l’âge de 3 mois reçue en consultation d’ophtalmologie au CHU de Cocody en janvier 2004 pour une exophtalmie bilatérale très importante à droite qui aurait débuté vers l’âge de 6 mois. Un de ses frères souffrait d’une hypoacousie et deux étaient décédés en bas âge de cause non précisée. L’examen ophtalmologique a révélé une luxation spontanée du globe oculaire droit avec chémosis, hyperhémie conjonctivale, Summary Crouzon’s syndrome is a rare, hereditary craniostenosis, (1/50000 births). It leads serious cranial malformations requiring difficult surgical treatment. We report here the case of a 4 years old girl with a craniofacial dysmorphy since the age of three months. She is coming in January 2004 to ophthalmology’s consultation in the university hospital of Cocody for a bilateral protopsis, very important at right since the age of six months. One of her brothers had a hypoacousia, and two died in low age of unknown cause. Ophthalmologic examination revealed a spontaneous luxation of the panophtalmie et une exophtalmie axile gauche. Une énucléation droite associée à une blépharorraphie fut pratiquée, non complétée par une prise en charge par le neurochirurgien ou le chirurgien maxillofacial du fait d’une inaccessibilité financière. L’évolution fut marquée par le décès de la patiente par complications neurologiques. Les auteurs insistent sur la prise en charge pluridisciplinaire de cette affection. mots-cles complications neurologiques. right eyeball with chemosis, conjunctival hyperhemia, panophthalmitis and a left protopsis. A right enucleation with blepharorraphy was performed without a neurosurgical and a maxillary and facial managment because too expensive. In the evolution the child died of neurological complications. The authors draw attention to the pluridisciplinary treatment of this affection Key words: Crouzon’s syndrome, protopsis, eyeball’s spontaneous luxation, enucleation, blepharorraphy. A. AHNOUX-ZABSONRE et al. 32 : syndrome de crouzon- luxation spontanee du globe oculaire-exophtalmie- énucleation- blepharorraphie- Revue SOAO - n° 01 - 2009, pp. 32-36 INTRODUCTION Le syndrome de Crouzon est une crâniosténose rare (1/50000 naissances), héréditaire. Elle entraîne de graves malformations crâniennes imposant dans l’enfance de multiples interventions chirurgicales complexes précoces, pour un développement harmonieux du cerveau et de la face1. Nous rapportons ici les conséquences oculaires d’un syndrome de Crouzon non pris en charge par les services de chirurgie maxillo-faciale et de neurochirurgie dès la découverte de l’affection. Cas clinique Une fille de 4 ans nous a été présentée en janvier 2004 au service d’ophtalmologie du CHU de Cocody pour la prise en charge d’une exophtalmie bilatérale très importante à droite. Cette exophtalmie aurait débuté 6 mois après la naissance, précédée 3 mois avant de l’apparition d’une dysmorphie crânio-faciale sans traumatisme préalable. Lors d’une consultation de neurochirurgie, la proposition d’une exploration tomodensitométrique en vue d’une indication opératoire n’avait pas reçu l’adhésion des parents du fait d’inaccessibilité financière. Les antécédents familiaux de cette fillette révélaient un frère ayant une hypoacousie, deux frères décédés à bas âge de cause non précisée. L’examen de cette enfant a révélé un retard mental et staturo-pondéral. Elle avait une dysmorphie crânio-faciale franche type syndrome de Crouzon (fig.1,2), avec une acrocéphalie, un front haut et une bosse frontale médiane, la présence de crêtes sur les cotés du crâne à proximité des sutures coronales, une exophtalmie, un hypertélorisme, un nez large et incurvé «en bec de perroquet», un prognathisme. Cette dysmorphie crânio-faciale était associée à une malformation des coudes et des genoux avec hyper extension incomplète. Par ailleurs on relevait des difficultés respiratoires. L’examen ophtalmologique a mis en évidence à l’œil droit non pas une exophtalmie, mais plutôt une luxation du globe avec chémosis, hyperhémie conjonctivale, panophtalmie, et une perception lumineuse négative. A l’œil gauche, nous avons noté une exophtalmie axile augmentant lors des cris de l’enfant faisant craindre une luxation spontanée d’un moment à l’autre ; l’acuité visuelle était difficilement appréciable l’enfant ne coopérant pas ; l’examen oculaire était par ailleurs sans particularité. Une tomodensitométrie cérébrale (fig. 3 et 4) a confirmé le diagnostic de syndrome de Crouzon par : 1) la présence de globe oculaire droit marqué par une nette réduction volumique comparativement au côté gauche et dont le vitré est traversé par de fines membranes hyperdenses plaidant en faveur d’un décollement rétinien ; 2) la présence d’une paroi oculaire droite dont le versant externe déclive est silhouetté par une collection hypodense d’environ 10 mm de grand diamètre ; l’absence de processus expansif au sein des cônes musculo-aponévrotiques orbitaires droit et gauche. Une prise en charge pluridisciplinaire (neurochirurgicale et maxillo-faciale) était alors indiquée. Nous avons pratiqué une énucléation à l’œil droit ; nous avons noté lors de l’intervention un remaniement des muscles oculomoteurs avec hypoplasie. La protrusion des éléments restants de l’orbite comme les muscles remaniés, a amené à pratiquer une blépharorraphie. La patiente a été adressée au service de neurochirurgie. Les parents ont préféré surseoir à l’acte chirurgical devant son coût. Quelques semaines plus tard, l’enfant décédait à domicile des suites de complications neurologiques symptomatique de l’absence de traitement. a propos d’un cas de luxation oculaire spontanée lors d’un syndrome de crouzon 33 Revue SOAO - n° 01 - 2009, pp. 32-36 Discussion Le syndrome de Crouzon est une dysostose crâniofaciale complexe de type acrobrachycéphale avec fermeture prématurée des sutures coronales, sagittale et parfois lambdoïde. La crâniosténose se complète progressivement de la naissance à 3 ans avec une hypoplasie du massif facial médian (rétrusion nasomaxillaire) et un pseudoprognathisme comportant une lippe de la lèvre inférieur. Il s’y associe aussi une surdité et un nez en bec de perroquet. Au niveau oculaire il est noté un hypertélorisme avec divergences des axes orbitaires, exophtalmie (du fait de petites orbites), ptosis. Il peut exister une cataracte, un œdème papillaire, une atrophie optique, un nystagmus. Le locus du gène (CFDI) est en 10q25-q26, il est responsable d’une mutation d’un récepteur du facteur de croissance des fibroblastes. L’affection est autosomique dominante ou autosomique récessive. Elle a été décrite pour la première fois en 1912 par Crouzon2. Il s’agit d’une maladie orpheline que l’on peut maintenant éviter au sein des familles porteuses de ce gène par la possibilité de diagnostic préimplantatoire (DPI) de la maladie3 dans les pays développés. Un enfant ayant cette pathologie doit être pris en charge chirurgicalement très tôt dès la première année de vie1 par la méthode de la distorsion La distorsion est un mécanisme utilisé en chirurgie maxillo-faciale et qui permet, après la mise en place d’un instrument spécifique, de faire fabriquer du tissu osseux en supplément. Ceci a pour but de créer un élargissement de la boîte crânienne. Cela permet de lui éviter des complications très graves comme la luxation du globe. Les luxations du bulbe oculaire peuvent être d’origine multiple. Elles sont surtout d’origine traumatique, notamment après les accidents de la voie publique4,5,6. Elles peuvent être provoquées par automutilation7. Elles peuvent être spontanées lors de prise de poids importante8, en cas d’exophtalmie comme dans la maladie de Basedow. Celles apparaissant au cours d’un syndrome de Crouzon semblent rares, car le plus souvent le patient est pris en charge chirurgicalement avant l’apparition de telles complications ; mais elles ont déjà été décrites9,10. La physiopathologie serait le rétrécissement progressif de l’orbite qui n’arriverait plus à contenir le bulbe oculaire qui, lui, continue de croître et se retrouve hors de l’orbite. Il s’en suit une distension des muscles oculomoteurs avec leur hypoplasie comme celle retrouvée en per opératoire chez cette enfant et des rétractions secondaires palpébrales11. Ces anomalies musculaires ont été constatées avec présence de strabisme même en l’absence d’exophtalmie franche12. L’évolution vers une panophtalmie ou une endophtalmie semble aussi être une des possibilités de cette luxation du bulbe oculaire9. Quand la luxation se présente assez tôt avant les complications infectieuses une blépharorraphie peut être pratiquée pour en prévenir les récidives10. Conclusion Le syndrome de Crouzon est une pathologie grave mais rare qui peut maintenant être évitée dans les pays développés. Elle entraîne des malformations diverses quand elle n’est pas prise en charge de façon adé- quate avec au niveau oculaire la possibilité d’une perte anatomique et fonctionnelle. L’une des ses complications, l’exophtalmie, vue assez précocement pourra bénéficier d’une blépharorraphie. REFERENCES 3. Abou-Sleiman PM, Apesso A., Harper JC., Serhal P., Delhanty JD. Pregnancy following preimplantation genetic diagnosis for Crouzon syndrome. Mol Hum Reprod 2002; (8): 304-9. 1. Hoefkens MF, Vermeij-Keers C, Vaandrager JM; Crouzon syndrome: phenotypic signs and symptoms of the postnatally expressed subtype. J. Craniofac Surg. 2004 ; 15 (2):23340 2. Pouliquen Y. Dictionnaire d’ophtalmologie. CILF, Paris, 2002: 150 A. AHNOUX-ZABSONRE et al. 34 Revue SOAO - n° 01 - 2009, pp. 32-36 4. Lang GK, Bialasiewicz AA, Rohr WD. Bilateral traumatic eye avulsion. 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