Item 242 : HÉMOCHROMATOSE
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Item 242 : HÉMOCHROMATOSE
©Collège des Enseignants d’Endocrinologie, Diabète et Maladies Métaboliques. Mise à jour décembre 2004 Item 242 : HÉMOCHROMATOSE Objectifs pédagogiques terminaux : « Diagnostiquer une hémochromatose », « Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient » C’est une surcharge en fer de l’organisme d’origine génétique (hémochromatose primitive, rôle des mutations du gène HFE) à distinguer des surcharges secondaire à différentes causes, l’alcoolisme chronique étant la principale. L’hémochromatose primitive est une des maladies génétiques les plus fréquentes (1/ 200-400 en Europe du Nord), autosomique récessive. Elle s’accompagne d’une atteinte endocrinienne fréquente par cytotoxicité liée à la thésaurisation métallique. Rappel sur le métabolisme du Fer Le stock normal de fer est de 4 grammes avec des entrées égales aux sorties. Le fer circule dans le sang lié à la transferrine plasmatique et s’accumule dans les cellules sous forme de ferritine. L’apport alimentaire de fer est de 1 à 2 mg/j avec une absorption intestinale au niveau du duodénum (1). Le fer alimentaire (Fe+++) est réduit en Fe++ pour être absorbé (rôle de DMT1). La fonction de la protéine HFE n’est pas complètement connue mais on sait qu’elle agit en association avec la β2 microglobuline et en se liant au récepteur de la transferrine de type 1 pour diminuer par compétition la captation de fer par les entérocytes à partir de la transferrine qui transporte deux atomes de fer. Le fer circule dans l’organisme lié à la transferrine et est utilisé principalement par la moelle osseuse pour fabriquer les globules rouges. 10 à 15 % est retrouvé dans les muscles (myoglobine) et dans différents tissus (enzymes et cytochromes). Le fer est stocké dans le foie (1000 mg) et les macrophages du tissu réticulo-endothélial. Ces macrophages vont récupérer le fer ferrique des érythrocytes vieillissants et le refixer sur la transferrine pour une distribution aux tissus. Les sorties comprennent la desquamation des cellules muqueuses du tube digestif, d’autres pertes sanguines et la menstruation chez la femme, en tout 1 à 2 mg/jour. 3 phénomènes sont importants pour l’homéostasie du fer (2): l’absorption du fer par les entérocytes qui s’adapte et contrôle le stock en fer global de l’organisme, l’érythro-phagocytose et le recyclage du fer vers la transferrine, et un système qui associe Iron Responsive Element (IRE) et Iron Regulatory Protein (IRP) permettant à chaque cellule de maîtriser la quantité de fer qui y pénètre et de l’orienter au besoin vers la ferritine pour protéger la cellule. Les acteurs protéiques qui participent à ces contrôles sont multiples et récemment a été identifiée l’hepcidine (2). L’hepcidine est une protéine retrouvée dans le sang et l’urine humain possédant une activité antibactérienne. L’invalidation des 2 gènes HEPC chez la souris aboutit à une surcharge en fer comparable à l’hémochromatose génétique avec surcharge hépatique et pancréatique majeure et faible surcharge du système macrophagique. L’hepcidine pourrait être un des éléments clés contrôlant l’absorption du fer, le contenu en fer macrophagique et donc le recyclage du fer (3). Car, à l’inverse, l’hepcidine en excès diminue l’absorption du fer et favorise la rétention du fer dans le système macrophagique comme on l’observe en cas de carence en fer ou d’anémie inflammatoire. La relation entre le gène HFE et l’hepcidine reste à démontrer mais des arguments récents retrouvent une diminution de l’expression hépatique de l’hepcidine (RNAm) chez des patients avec hémochromatose génétique (4). Les transporteurs du fer ne sont pas tous connus. Un gène important pour le transport est IREG1 et son expression a été trouvée augmentée au niveau hépatique chez des patients avec hémochromatose (4) et au niveau duodénal (5). Un autre transporteur est DCT1 (divalent cation transporter 1) dont l’expression au niveau duodénal (RNAm) est augmentée dans l’hémochromatose avec mutation homozygote C282Y malgré la surcharge en fer des cellules (5). En dehors de TfR1 dont la localisation est diffuse, l’expression de HFE et de TfR2 (second gène du récepteur de la transferrine) est limitée aux cellules des cryptes duodénales chez l’Homme (6). Une mutation de HFE modifie la localisation de TfR2 dans ces cryptes (6). D’autres transporteurs du fer existent au niveau intestinal comme le DMT1 www.endocrino.net Page 1 sur 5 ©Collège des Enseignants d’Endocrinologie, Diabète et Maladies Métaboliques. Mise à jour décembre 2004 (divalent metal transporteur 1) ou la ferroportin 1 (FPN1) qui contiennent chacun un IRE (iron responsive element). La desferroxamine (chélateur du fer) stimule la transcription de ces deux transporteurs du fer sur des cellules en culture (7). Le tableau clinique typique (“ historique ”) associe une mélanodermie diffuse, un diabète sucré, une hépatomégalie (“ cirrhose bronzée avec diabète ”), une cardiomyopathie, des arthralgies, d’autres endocrinopathies. L’évocation du diagnostic doit se faire à un stade plus précoce (règle des 3 A) : asthénie inexpliquée, arthralgies, aminotransférases (ALAT) élevées, hépatomégalie, douleurs abdominales, palpitations et lorsqu’il existe des antécédents familiaux (les apparentés au premier degré d’un sujet atteint doivent être testés). Les atteintes endocriniennes associent un diabète par augmentation du stock de fer intrapancréatique délétère pour le fonctionnement des cellules β avec insulino-résistance et souvent insulinorequérance. Il s’agit d’un diabète instable difficile à traiter. L’amélioration du diabète avec disparition de la nécessité de recours à l’insuline est fréquente après déplétion martiale. L’atteinte de l’axe hypophyso-gonadique doit être soulignée : impuissance sexuelle avec baisse de la libido, atrophie testiculaire, diminution de la pilosité pubienne, sont la conséquence d’un taux de testostérone abaissé, cet hypogonadisme étant d’origine centrale (baisse de la réponse des gonadotrophines hypophysaires après stimulation par GnRH) témoignant de la toxicité de l’excès de fer sur les cellules hypophysaires. L’hémochromatose est aussi une cause d’hypoparathyroidie. Les patients avec hémochromatose sont plus sensibles aux infections. Le diagnostic positif consiste à affirmer biochimiquement l’anomalie du métabolisme du fer. Il faut mesurer le coefficient de saturation de la transferrine (CST). A/ si le CST est inférieur à 45% avec une CRP normale, l’hémochromatose est éliminée. Toutefois, un CST normal reste compatible avec trois autres types de surcharge en fer : - l’hépatosidérose dysmétabolique (NASH : non alcoholic steatosis hepatitis) associant syndrome d’insulino-résistance, avec élévation des ALAT et des GGT et de la ferritinémie. Il s’agit d’une cause fréquente de surcharge en fer qui tire bénéfice de la déplétion martiale. - l’acéruléoplasminémie héréditaire qui peut s’accompagner d’un diabète et d’une surcharge hépatique en fer avec des signes neurologiques (syndrome extrapyramidal, ataxie, démence) qui n’existent pas dans l’hémochromatose. Il s’agit d’un déficit de l’activité ceruléoplasmine ferroxidase. - la surcharge hépatique en fer par mutation du gène de la ferroportine- 1 Il s’agit d’une maladie dominante de description récente avec surcharge en fer macrophagique, ferritine très élevée et CST normal. La réponse au traitement par déplétion martiale est faible ou nulle. B/ si le CST est supérieur à 50% chez la femme et à 60% chez l’homme, le diagnostic doit être évoqué mais il faut encore se méfier car ce marqueur n’est pas spécifique. Cette élévation peut se voir dans les supplémentations martiales excessives, les anémies hémolytiques, les dysérythropoïèses, les transfusions répétées, les cytolyses majeures (hépatite C), les insuffisances hépatocellulaires. Il faut donc toujours confronter les données clinico-biologiques. La dernière étape est de prouver l’hémochromatose familiale. Il faut rechercher une mutation sur le gène HFE, protéine du complexe majeur d’histocompatibilité de classe I HLA3 : la mutation C282Y (Cys 282 Tyr) est la plus fortement associée à l’hémochromatose, située dans le domaine alpha 3 de la protéine. Elle est supposée conduire à une augmentation du nombre de transporteurs du fer retrouvés dans les cellules des cryptes duodénales. La seconde mutation H63D du gène HFE (His 63 Asp) n’est impliquée qu’en cas d’association à la précédente et son mécanisme n’est pas connu. 3 possibilités sont rencontrées : - Le patient est homozygote C282Y +/+ : le diagnostic d’hémochromatose est acquis (HFE1) si le contexte biologique est présent. Dans ce cas, la valeur prédictive positive est de 100% chez www.endocrino.net Page 2 sur 5 ©Collège des Enseignants d’Endocrinologie, Diabète et Maladies Métaboliques. Mise à jour décembre 2004 l’homme et 67% chez la femme (8). Rappelons que tous les sujets porteurs de la mutation à l’état homozygote ne sont pas tous atteints par la surcharge en fer. Il faut : 1/ quantifier la surcharge par mesure de la ferritine sérique et mesurer la surcharge hépatique par IRM quantitative. 2/ Evaluer le retentissement viscéral et métabolique : transaminases, glycémie et, en fonction du contexte clinique, radiographies articulaires, ECG et échographie cardiaque, bilan hormonal. La ponction-biopsie hépatique peut apprécier s’il existe déjà une fibrose et rechercher des signes de gravité (cirrhose, cancer hépatocellulaire). - le patient est hétérozygote C282Y +/- : il faut mettre en doute la causalité entre hétérozygotie et surcharge en fer et rechercher tout autre type d’excès de fer. En l’absence d’autre étiologie, il faut rechercher la mutation H63D qui oriente vers une hétérozygotie composite C282Y +/- et H63D +/- qui joue un rôle potentialisateur - le patient est C282Y -/- : il faut être très critique vis à vis du diagnostic d’hémochromatose. Si le phénotype est évocateur, il peut s’agir : 1/ d’une hémochromatose juvénile (HFE2), affection exceptionnelle dont le mécanisme a été découvert très récemment : mutations du gène de l’hepcidine en 19q13 (9). Sujet de moins de 30 ans avec tableau clinique dominé par l’atteinte cardiaque et l’hypogonadisme hypogonadotrope 2/ d’une HFE3, en rapport avec une mutation du gène du récepteur de la transferrine de type 2 (TfR2). Cette anomalie a été décrite dans quelques familles siciliennes et portugaises. En pratique, le diagnostic est moléculaire si la mutation homozygote C282Y est retrouvée. Dans les autres cas, il faut avoir recours à la biopsie hépatique. Le traitement : Son but est d‘éliminer l’excès de fer, il s’agit d’un traitement “ curatif ”. Il repose sur la déplétion martiale par phlébotomies (saignées) à l’hôpital ou à domicile, à intervalles réguliers tous les 8 à 15 jours au début. Il comprend deux phases : - la phase de déplétion : 400 à 500 ml par semaine, selon la tolérance clinique et la baisse du taux d’hémoglobine. L’objectif à atteindre est une ferritine ≤ 50 µg/l et un CST < 20%. - la phase d’entretien : 400 à 500 ml tous les mois à tous les trois mois, à vie. L’objectif est de maintenir la ferritine ≤ 50 µg/l et ferritine ≤ 50 µg/l un CST < 45%. Les résultats : une amélioration certaine de l’état général est obtenue en 3 à 6 mois avec atténuation de la mélanodermie, régression de l’hépatomégalie en l’absence de cirrhose, amélioration de l’état myocardique mais peu de changement de l’état articulaire. Dans les cas avec cirrhose évoluée, une transplantation hépatique doit être envisagée mais le résultat de la transplantation est moins bon dans cette indication du fait des infections et des complications cardiaques (10). Pour le diabète, il faut noter un fréquent recours à l’insuline mais une équilibration plus aisée avec la perte de fer. Enfin, on observe une mauvaise réponse de l’insuffisance gonadique qui doit être compensée. www.endocrino.net Page 3 sur 5 ©Collège des Enseignants d’Endocrinologie, Diabète et Maladies Métaboliques. Mise à jour décembre 2004 Références : 1/ Andrews NC. Disorders of iron metabolism. N Engl J Med 1999, 341, 1986-95 2/ Loréal O, Brissot P. L‘hepcidine : petite molécule, grands desseins. Rev Med Int 2003, 24, 213-5 3/ Nicolas G, Bennoun M, Devaux I, et al. Lack of hepcidne gene expression and severe tissue iron overload in upstream stimulatory factor 2 (USF2) knockout mice. Proc Natl Acad Sci 2001, 98, 8780-5 4/ Bridle KR, Frazer DM, Wilkins SJ et al. Disrupted hepcidine regulation in HFE-associated haemochromatosis and the liver as a regulator of body iron homeostasis. Lancet, 2003, 361,669-73 5/ Rolfs A, Bonkovsky HL, Kohlroser JG et al. Intestinal expression of genes involved in iron absorption in humans. Am J Gastrointest Liver Physiol 2002, 282, G598-607 6/ Griffiths WJ, Cox TM. Co-localization of the mammalian hemochromatosis gene product (HFE) and a newly identified transferrin receptor (TfR2) in intestinal tissue and cells. J Histochem Cytochem, 2003, 51, 613-24 7/ Zoller H, Theurl I, Koch R et al. Mechanisms of iron mediated regulation of the duodenal iron transporters divalent metal transporter 1 and ferroportin 1. Blood Cells Mol Dis 2002, 29, 488-97 8/ Njajou OT, Houwing-Distermaat JJ, Osborne RH et al. A population-based study of the effect of the HFE C282Y and H63D mutations on iron metabolism. Eur J Hum Genet 2003, 11, 225-31 9/ Roetto A, Papanikolaou G, Politou M et al. Mutant antimicrobial hepcidin is associated with severe juvenile hemochromatosis. Nat Genet 2003, 33, 21-2 10/ WhittingtonCA, Kowdley KV. Review article : haemochromatosis. Aliment Pharmacol Ther 2002, 16, 1963-75 Figure 1. Métabolisme du fer chez l’adulte (Ref. 1) www.endocrino.net Page 4 sur 5 ©Collège des Enseignants d’Endocrinologie, Diabète et Maladies Métaboliques. Mise à jour décembre 2004 www.endocrino.net Page 5 sur 5
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