Sortir n° 11

Transcription

Sortir n° 11
Théâtre
«Ubu roi»
Une passion d’ogres
N° 11 | Février 2015
Porgy Bess
A C C U E I L D U N E W Y O R K H A R L E M T H E AT E R S M
The Gershwins’®
and
SM
AMERIC AN FOLK OPERA EN 3 ACTES
GEORGE GERSHWIN
D U B O S E E T D O R O T H Y H E Y WA R D E T I R A G E R S H W I N
DIRECTION ARTISTIQUE & MUSICALE
WILLIAM BARKHYMER
MISE EN SCÈNE
B A AY O R K L E E
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PORGY
TERRY COOK
A LV Y P O W E L L
BESS
M O R E N I K E F A D AY O M I
INDIRA MAHAJAN
CHŒUR & ORCHESTRE
D U N E W Y O R K H A R L E M T H E AT E R
SM
13>24.02.2015
SAISON1415
WWW.GENEVEOPERA.CH
+41(0)22 322 5050
S
SOMMAIRE
LE TEMPS | FÉVRIER 2015
SORTIR
Cinéma
Le manifeste
du «mummy porn»
Le best-seller «Cinquante Nuances
de Grey» inspire à Sam TaylorJohnson des images lisses
et glacées. L’esthétique du marketing
de luxe, étrangère au frisson façon
marquis de Sade, devrait booster
les ventes de sex-toys
Exposition
La quête
de Paul Gauguin
Parti à la recherche d’un
supplément d’âme dans les mers
du Sud, l’artiste français a
composé une œuvre riche et
sensuelle, à découvrir à la
Fondation Beyeler
4
6
Photographie
Théâtre
William Eggleston,
apôtre de la couleur
L’artiste américain fut ébloui par le travail
de Cartier-Bresson dans ses jeunes
années. Plus tard, il adopta le point de
vue de la mouche ou du chat. Sa
démarche singulière et sa conversion à la
couleur sont mises en lumière au Musée
de l’Elysée
14
En couverture
«Ubu roi»,
le monstre en nous
8
L’Irlandais Declan Donnellan a
le don de mettre à nu la fragilité
des hommes. Il monte la pièce
qu’Alfred Jarry a écrite en 1896,
en traquant un couple broyé
par une société où le jeunisme
est roi. Redoutable!
48
Classique
AGENDA
La harpe, invitée de marque
à Gstaad
18
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36
36
39
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48
48
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Les Sommets musicaux célèbrent cet instrument aux
sonorités diaphanes. Le Français Emmanuel Ceysson,
harpiste de haut vol, guidera de jeunes talents. Grands
pianistes et chanteurs complètent l’affiche
Festival
Earth, rock
des grands espaces
Le groupe américain, pionnier du «drone metal»,
est l’un des invités phares de l’édition 2015
d’Antigel. La manifestation genevoise poursuit avec
brio son exploration des marges signifiantes
IMPRESSUM
Le Temps Sortir
Supplément du Temps
paraissant un samedi par mois
Ne peut être vendu
séparément
Editeur Le Temps S.A.
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d’administration
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16
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3
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IRL plus S.A.
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vos programmes culturels
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Courrier électronique
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EEXPOSITIONS
SORTIR
LE TEMPS | FÉVRIER 2015
«Parau Api (Quelles
nouvelles?)», 1892.
Huile sur toile,
67 x 91 cm.
Paul Gauguin
la posture mystique
d'un marginal
Par Laurence Chauvy
La Fondation Beyeler annonce
d'emblée la couleur, une couleur
vive, un projet monstre: l'exposition Gauguin qu'elle s'apprête à
présenter, au terme de six années
de préparation, est le projet qui a
nécessité le plus d'investissement
de son histoire, avec des prêts en
provenance de 13 pays. Il s'agit, en
somme, de répondre à ces questions très simples: qui était Paul
Gauguin, cet artiste au caractère
fort, qu'allait-il chercher dans les
mers du Sud et qu'y a-t-il trouvé?
La manifestation, en effet, est centrée sur les séjours en Polynésie.
Les peintres sont des habitués
des voyages, qu'ils enchaînent parfois dans des tournées qui s'étendent sur plusieurs années. Mais rares sont ceux – encore aujourd'hui
– à se rendre dans des contrées
aussi lointaines que les îles qu'a
rejointes Paul Gauguin à la fin du
XIXe siècle, et où il est mort. Il faut
dire que l'artiste, petit-fils de Flora
Tristan, avait passé une partie de
son enfance au Pérou, qu'il avait
entamé une carrière dans la marine marchande, avant de se lancer
dans la profession de courtier en
bourse, puis dans la vie de la bohème parisienne.
Paul Gauguin a participé à
l'émulation picturale à PontAven, en Bretagne, et travaillé aux
4
THE ILLUSTRATED LONDON NEWS PICTURE LIBRARY, LONDON, UK / BRIDGEMAN IMAGES
La Fondation Beyeler
crée l'événement
en proposant 50 chefsd'œuvre de l'artiste.
Au-delà du personnage
hautain et mal-aimé
qu'il s'est composé,
Gauguin a trouvé
à Tahiti le bonheur
de l'expression
L’artiste en 1891.
côtés de Van Gogh en Arles, avant
de partir en quête d'un bonheur
primitif, préservé de la civilisation
occidentale, à Tahiti puis aux Marquises. Sensualité et exotisme participent de cette quête existentielle. L'exposition réunit une
cinquantaine de chefs-d'œuvre,
dont des tableaux aussi célèbres
que La Vision après le sermon (ou La
Lutte de Jacob avec l'ange), peint en
1888, où les spectateurs sont des
femmes en coiffe bretonne, et Parau Api (Quelles nouvelles?), daté
de 1892. Ou encore Arearea et les
étranges Contes barbares. La sculp-
ture, pratiquée à l'exemple de la
statuaire polynésienne et à laquelle l'artiste accordait beaucoup d'importance, est également
représentée.
A Tahiti, où il arrive une première fois en 1891, puis une seconde fois en 1895, le peintre
prend rapidement femme parmi
la jeunesse (il s'est séparé de
Mette, son épouse danoise, et éloigné de ses cinq enfants); il s'intéresse à la vie locale, commence à
apprendre le maori, se mêle à la
population. Laissant venir ses futurs modèles, amadoués par cette
E
LE TEMPS | FÉVRIER 2015
SORTIR
EXPOSITIONS
JÜRGEN KARPINSKI
PEINTURE ET SCULPTURE
Paradis perdu
>
Du 8 février au 28 juin
posture de retrait, il interprète
leurs poses nonchalantes, tantôt
boudeuses, tantôt rêveuses, de
manière à dégager la pensée qui
couve, l'alliance de sensualité et
de mysticisme.
Naissent alors les toiles célèbres qui mettent en scène ces femmes aux membres massifs, aux lèvres pleines et au regard songeur,
revêtues d'étoffes de teintes splendides, dans des décors tropicaux
nullement surchargés. Les chemins sont rouges, les lointains
bleus, la rive jaune. Des bêtes, des
fruits, des fleurs apportent un
supplément d'âme; les poses sont
étudiées de manière à faire passer
un message, une attitude devant
la vie. Lorsque, malade et harcelé
de dettes, en deuil de sa fille Aline,
l'artiste songe à se suicider, il élabore son testament spirituel, sous
la forme d'un tableau de format
panoramique, qui pose les grandes questions: D'où venons-nous?
Que sommes-nous? Où allons-nous?
Dévoré de tourments et d'inquiétudes, Gauguin se remet
pourtant, et continue à peindre
des compositions synthétiques, et
visionnaires, où tel détail, tel mo-
5
tif, telle surface empruntent encore à la manière impressionniste.
En 1901, le peintre se rend aux îles
Marquises, où, outré par les abus
des autorités, il tente de défendre
les indigènes, se met à dos tout le
monde et vit en ermite. Lorsqu'il
meurt en 1903, son chevalet porte
un paysage enneigé, une toile bretonne.
Paul Gauguin.
Du 8 février au 28 juin.
Fondation Beyeler, Riehen (BS).
(Rens. 061 645 97 00,
www.beyeler.com).
C
CINEMA
SORTIR
LE TEMPS | FÉVRIER 2015
Amour, gloire et fessée
Anastasia Steele (Dakota Johnson) dans l’attente anxieuse du plaisir que son maître va lui prodiguer.
Phénomène éditorial,
pierre d'angle
du «mummy porn»,
«Cinquante Nuances
de Grey» engendre
un film chic et glacé
comme une pub
pour le chocolat noir
DRAME
PSYCHOLOGIQUE
Luxure
>
11 février
Par Antoine Duplan
«Je me précipite dans la salle de
bains: j'ai les yeux trop brillants,
les joues trop roses, et quant à
mes cheveux… l'horreur! Les
couettes style «je viens de me faire
sauter», ça ne me va pas, mais
alors pas du tout.» Ce grand moment de littérature est extrait du
premier tome de la trilogie Fifty
Shades, le phénomène qui, depuis
trois ans, fait l'effet d'un puissant
aphrodisiaque sur les ventes de
livres et le comportement sexuel
des Terriens.
L'affaire se goupille modestement. Erika Leonard, E. L. James de
son nom de plume, une Anglaise
travaillant dans l'audiovisuel,
s'éprend de Twilight, dont elle
écrit la suite. Cet avenant à la romance de la tendre Bella Swan et
d'Edward Cullen, membre de
l'aristocratie des hématophages,
s'émancipe d'un modèle, dont
elle conserve toutefois la dynamique nunuche.
Anastasia Steele, étudiante de
21 ans et toujours vierge, est amenée à interviewer Christian Grey,
businessman milliardaire de
6
28 ans. Elle succombe évidemment au charme de ce mâle dominant. Il est beau, riche, mais aussi
un peu cruel et cynique. Il signe
avec Anastasia un contrat amoureux. Elle s'y soumet avec terreur
et délice, goûtant aux joies incandescentes de la fessée, avant que
ne se révèle dans sa glorieuse plénitude l'Amour vrai! Le passage de
la fanfiction sur Internet à l'édition
papier et tablettes s'exprime en
chiffres: traduit en 51 langues,
Fifty Shades of Grey se vend à plus
de 100 millions d'exemplaires.
«Tout ce qui rapporte du pognon en librairie finit à l'écran»
(proverbe hollywoodien). C'est à
la réalisatrice Sam Taylor-Johnson
(Nowhere Boy) qu'incombe la tâche de traduire en images le manifeste du mummy porn, avec Dakota
Johnson dans le rôle d'Anastasia
et Jamie Dornan dans celui de
Christian.
Dévoilée le 24 juillet 2014, la
bande-annonce de Cinquante
nuances de Grey a été visionnée
plus de 100 millions de fois. On se
dit que l'imaginaire contemporain est bien déshydraté pour se
ruer sur ce robinet à eau tiède:
UIP
images lisses et glacées déjà vues
cent fois dans des pubs pour produits de luxe, tendre agnelle aux
yeux mouillés rendant visite au
grand méchant loup gris, Beyoncé
qui se pâme sur la bande-son…
On vient de célébrer le bicentenaire de la mort du marquis de
Sade. Il reste sulfureux comme au
premier jour. Son athéisme offensif, ses protocoles fantasmatiques où la cruauté et la jouissance s'accordent ont conservé
leur potentiel subversif. «Donnez-moi votre cul, madame […]
que je le baise pendant qu'on me
suce, et ne vous étonnez point de
mes blasphèmes: un de mes plus
grands plaisirs est de jurer Dieu
quand je bande» (La Philosophie
dans le boudoir).
Le divin marquis a connu la prison, E. L. James la fortune. L'adaptation cinématographique du
best-seller bénéficie d'un plan
marketing qui devrait stimuler la
vente de menottes en plastique et
de fouets en peluche. Concluons
avec l'oraison funèbre impie que
l'écrivain lance dans Sade, de
Benoît Jacquot: «Quelle tristesse
de mourir en ayant si peu foutu.»
EEXPOSITIONS
WILLIAM EGGLESTON COURTESY ARTISTIC TRUST
LE TEMPS | FÉVRIER 2015
PHOTOS: WILLIAM EGGLESTON COURTESY WILSON CENTRE FOR PHOTOGRAPHY
SORTIR
>
Le point de vue
d’une mouche
qui s’approcherait
d’une ampoule fixée
à un plafond bleu.
Elle poursuivrait
sa balade dans un couloir
vert tendre.
>
Pour aboutir dehors
et survoler les passantes.
8
E
LE TEMPS | FÉVRIER 2015
SORTIR
EXPOSITIONS
William
Eggleston
PHOTOGRAPHIE
Palette sur
pellicule
>
Du 30 janvier au 3 mai
rejeton de Cartier-Bresson
Caroline Stevan
Pour vérifier qu'une photographie est vraiment bonne, regardez-la à l'envers, la composition
sera plus claire. Ce conseil, inattendu peut-être, émane à la fois
d'Henri Cartier-Bresson et de
William Eggleston. Le maître de
l'instant et le pionnier de la couleur ont bien d'autres choses en
commun. Milieu familial bourgeois, études tournées vers la
peinture, passion pour Bach. Mais,
surtout, le premier révéla la photographie à son cadet.
«Etudiant dans le Mississippi,
Eggleston est isolé artistiquement. Il n'a accès à la photographie qu'à travers les magazines
et les journaux. En 1959, chez un
ami, il tombe sur The Decisive Moment, la traduction en anglais
d'Images à la sauvette, et comprend alors que la photographie
est quelque chose d'extraordinaire», relate Daniel Girardin,
commissaire de l'exposition
William Eggleston, from black and
white to color. Le jeune homme
part alors à Paris, sur les traces
du Français. Et ne parvient pas à
prendre une seule image. «Je ne
pouvais imaginer faire mieux
que de parfaits faux Cartier-Bresson», dira-t-il ensuite. Drôle
d'hommage.
De retour dans le Sud américain, Eggleston vise une inspiration autre. «Il me fallut accepter le
fait que ce que je devais faire,
c'était aller chercher des paysages
inexplorés. Ce qui était nouveau à
l'époque, c'était les centres commerciaux et c'est ce que j'ai photographié.» Un jeune homme
pousse un caddie, tablier clair et
coupe de cheveux à la Happy Days.
Des barbes à papa s'alignent dans
une vitrine. Un pompiste attend le
client. Eggleston dresse la typologie d'un quotidien banal et
jusqu'alors méprisé.
«On retrouve au départ le
même schéma de composition
que celui d'Henri Cartier-Bresson.
Les diagonales, le graphisme de
l'image, les perspectives…, poursuit le conservateur. Eggleston a
beaucoup photographié depuis
une voiture, sans doute inspiré
par Images à la sauvette, dont une
partie a été faite en roulant à travers les Etats-Unis. Mais assez vite,
il essaie d'adopter un point de vue
différent, celui de la mouche par
exemple. Il multiplie ainsi les possibilités autour d'une image.»
L'homme photographie à hauteur de chat, près du sol, ou s'élève
comme un insecte, zigzaguant
près du plafond. Ses clichés semblent une divagation, la balade
d'un diptère qui passerait devant
un étalage, traverserait un hall
pour approcher une ampoule
puis ressortirait heurter des passants. «Contrairement à CartierBresson, il n'y a pas de sens à chercher chez Eggleston. Ses images
sont apolitiques, elles ne comportent aucun message, pas même
social», estime Daniel Girardin.
Eggleston s'ingénie à donner un
air instantané à ses photographies. La théorie de l'instant déci-
EGGLESTON ARTISTIC TRUST, COLLECTION DE L’ARTISTE
Le pionnier américain de la couleur et du point de vue décalé s’est jeté
dans la photographie après avoir découvert le travail de son aîné français
Dans ce cliché pris par sa femme Rosa en 1964, on voit que l’Américain s’endort avec
«Les Européens» publié en 1955 par Henri Cartier-Bresson.
sif, alliée à une perfection formelle chez Cartier-Bresson, peut
laisser croire que le sujet est
épuisé, synthétisé durablement
en une seule vue – les planchescontacts du Français montrent
pourtant qu'il expérimentait
beaucoup avant de désigner LA
bonne image. Eggleston, au contraire, tourne autour du pot et
multiplie les tentatives d'approche, comme un ethnologue soucieux de consigner sa matière
sous tous les angles.
Dès 1965, l'Américain commence à travailler en couleur et
c'est là son autre grande révolution. Les motifs restent identiques; ils trouvent leur ancrage
dans le consumérisme ambiant:
matériel ménager, rayonnages,
fast-foods. C'est ce tournant chro-
9
matique que documente l'exposition lausannoise, déjà présentée…
à la Fondation Henri Cartier-Bresson en fin d'année passée. En
1976, John Szarkowski, conservateur de la photographie au
MoMA, expose les tirages en couleur de William Eggleston. Une
première et un scandale. La comparaison avec Henri Cartier-Bresson, alors, semble d'une autre
époque.
Parallèlement, le Musée de
l'Elysée consacre une exposition
aux livres de photographie et une
autre aux huit nominés de son
premier Prix, remis l'été prochain.
William Eggleston.
Du 30 janvier au 3 mai.
Musée de l'Elysée, Lausanne.
(Rens. 021 316 99 11, www.elysee.ch).
SSPECTACLE
LE TEMPS | FÉVRIER 2015
BERGER
SORTIR
THÉÂTRE
Un pavé dans
l’histoire
>
Du 2 au 22 février
Lola Riccaboni
et Felipe Castro
prêtent voix au
texte très
personnel de
José Lillo.
Démons suisses
Le metteur en scène
José Lillo fait résonner
«Le Rapport Bergier»,
monument de 11 000
pages, au Poche
à Genève
Le Rapport Bergier.
Du 2 au 22 février.
Théâtre Le Poche, Genève.
(Loc. 022 310 37 59,
www.lepoche.ch).
Par Alexandre Demidoff
Vingt-neuf secondes pour que
remonte en flèche une vérité refoulée. Imaginez la séquence – elle
existe dans les archives de la RTS. A
l'écran, une noria d'hommes, cols
blancs, cravates sombres, visages
de marbre. Ils ont les yeux braqués
sur l'un d'eux. Il s'avance vers
nous, la démarche est avenante, le
front altier, les oreilles décollées. Il
s'adresse à la caméra, c'est-à-dire
aussi à la postérité. Ce 30 septembre 1933 à Genève, il affirme que
le gouvernement national-socialiste et l'Allemagne veulent la
paix. Mais qui parle? Joseph Goebbels, ministre tout frais de la propagande du IIIe Reich. A peine
a-t-il proféré ces mensonges qu'on
voit son avion s'envoler. Sur la
piste de Cointrin, les hommes aux
cols blancs saluent, bras levés. Surprise, on dit «Heil Hitler» à Genève
comme à Berlin.
10
Ce document frappe l'acteur
et metteur en scène genevois José
Lillo. Il est à l'origine de son désir
de porter Le Rapport Bergier au
théâtre. L'entreprise paraît insensée. Le 19 décembre 1996, le
Conseil fédéral demande à l'historien Jean-François Bergier
d'éclairer l'attitude de la Suisse
vis-à-vis des victimes du régime
nazi, des demandeurs d'asile
juifs notamment, des avoirs
qu'ils déposent dans notre pays.
Au cœur de cette enquête, plusieurs questions cruciales, dont
celle-ci: le Conseil fédéral avait-il
connaissance, et si oui, à partir
de quand, de la mise en place
d'un système d'extermination
des juifs? Pendant cinq ans, des
scientifiques épluchent les documents. Il en résulte un monument de 11 000 pages qui réduit
en miettes l'image d'un pays-hérisson, prêt à résister à l'ennemi
au cœur de ses montagnes.
Ce procès-verbal serré, précis,
complexe, est tout sauf shakespearien. José Lillo n'entend
d'ailleurs pas le mettre dans la
bouche de ses trois acteurs, Lola
Riccaboni, Felipe Castro et Maurice Aufair. «C'est impossible à
traiter, confie-t-il. Une page suffirait à nourrir un téléfilm. D'une
manière générale, les mots des
historiens sont difficiles à transmettre, du fait de leur complexité.
Ce que j'ai voulu faire, c'est livrer
une parole seconde, celle qui est
née de ma lecture. Ce spectacle
n'aura rien d'un documentaire. Il
s'agira plutôt d'une suite de variations autour de sujets qui restent
ultra-sensibles, comme celui de
notre rapport aux étrangers.»
Cet automne au Théâtre du
Loup, José Lillo projetait sous une
lumière de garage souterrain Les
Démons de Dostoïevski. Près de
quatre heures durant, un bataillon
d'acteurs
héroïques
jouaient merveilleusement avec le
feu. Le Rapport Bergier est autrement électrique. José Lillo est obsédé par les années 1930, ce moment où l'Europe s'embrume. Il
n'entend pas gloser dessus, mais
en transmettre le courant.
M
MUSIQUE
SORTIR
LE TEMPS | FÉVRIER 2015
Brad Mehldau
l’art du brio
LDD
Le pianiste américain
est en solo à Genève,
occasion rare
de goûter l’un des jeux
les plus subtils
de sa génération
JAZZ
Le toucher
d’un géant
>
29 janvier
Par Arnaud Robert
Il ne faut pas avoir peur. Pas une
seconde. Pour se lancer, fin
XXe siècle, dans une carrière de
pianiste jazz. Quand on a un brin
de culture, qu'on n'ignore pas les
méandres de l'odyssée gravée, de
Jelly Roll Morton à Bill Evans, à
Keith Jarrett aussi, dont les solos
sont attendus comme les prêches
laïcs et grognés d'une pulsation
qu'on n'éteint pas. Brad Mehldau,
né en 1970 à Jacksonville en Floride, n'avait pas peur. Et il n'ignorait rien.
On se souvient très clairement
de ses premières apparitions au
début des années 1990, la dégaine
lâche, le rictus légèrement blasé. Il
accompagnait Joshua Redman,
un autre lion qui donnait l'impression qu'il restait encore tout à
faire en matière de swing. On se
souvient de ses premiers trios, de
ces innombrables enregistrements dans un club de Manhattan: The Village Vanguard, là précisément où Bill Evans avait inscrit
à jamais son jeu hanté.
Village Vanguard, Septième
Avenue, le signe rouge, l'escalier,
tout est infime, on a le front forcément posé contre une colonne, si
on a de la chance, si elle n'entrave
pas tout simplement le regard.
Brad Mehldau s'est installé là pour
lancer son destin, pour indiquer
une filiation mais aussi une mise à
sac. La purification du temple.
Brad Mehldau est déjà désagréable, certain de sa fortune, sorti de
la New School, le Harvard du Jazz,
une figure rock, tatouée, instable.
Zankel Hall,
le 11 mars 2011.
Et pourtant dédié tout entier à la
forme la plus classique de l'histoire des musiques africaines
américaines: le trio piano.
Brad Mehldau, 25 ans plus
tard, n'a rien lâché. Il a patiemment déconstruit les nouveaux
standards du millénaire, dont Radiohead. D'un jeu fondamentalement mélodique, qui vole autant
à Evans qu'à Jarrett, mais qui
jaillit surtout d'une lueur très intime, il s'est métamorphosé. En
orchestre symphonique, avec sa
compagne la chanteuse Fleurine,
12
avec ses frères le guitariste Peter
Bernstein, le contrebassiste Larry
Grenadier, le batteur Jorge Rossy,
puis Jeff Ballard. Il a réconcilié les
nécessités de l'époque (la petite
légende du mutin, la religiosité
charismatique de ses concerts) et
une concentration monacale sur
l'essentiel.
Brad Mehldau n'a jamais eu
peur. «Tout a été dit, sauf par moi»,
pensait-il sans doute au moment
de poser ses premières phrases sur
un clavier long qu'il épousait de
son dos rond. Il parle peu des mes-
sies, il parle de ses mentors, des
figures moins connues du grand
public: le pianiste new-yorkais
Fred Hersch, surtout, soit le sérieux absolu du jazzeur qui considère sa musique comme une entreprise de salubrité publique.
Brad a 44 ans. Il est à l'apogée de
son expression. Si on aime le jazz,
il faut l'avoir vu, au moins une fois.
Brad Mehldau.
Jeudi 29 janvier à 20h30.
Victoria Hall, Genève.
(Loc. www.fnac.ch).
INVITATIONS EXCLUSIVES
THÉÂTRE VIDY-LAUSANNE
Le Kung-Fu
De Dieudonné Niangouna
Samedi 7 février 2015 à 19h30
(Code 11)
THÉÂTRE VIDY-LAUSANNE
D’après une histoire vraie
De Christian Rizzo
Vendredi 13 février 2015 à 20h00
(Code 12)
THÉÂTRE VIDY-LAUSANNE
Affabulation
De Stanislas Nordey
Samedi 7 mars 2015 à 19h00
(Code 13)
THÉÂTRE VIDY-LAUSANNE
No World/FPLL
Winter Family
Samedi 14 mars 2015 à 19h00
(Code 14)
Seuls les gagnants du tirage au sort sont avisés par courrier.
Privilèges réservés aux abonnés
du Temps. Pour gagner deux
invitations, vous pouvez participer:
Par téléphone
(CHF 1.–/appel depuis une ligne fixe)
1. Appelez le 0901 001 003 et
tapez le code du concours
2. Suivez les instructions
Par SMS (CHF 1.–/SMS)
1. Tapez LTCONCOURS et le code
du concours
2. Envoyez le message au numéro 959
Par courrier
Envoyez une carte postale avec
coordonnées (nom, prénom,
adresse, tél., code du concours) à:
Le Temps Concours
Case postale 2570 - 1211 Genève 2
Cette offre est valable jusqu’au
lundi 26 janvier à minuit.
M
MUSIQUE
SORTIR
LE TEMPS | FÉVRIER 2015
DR
Terra incognita
Earth. A gauche, Dylan Carlson.
Earth, le gang de Dylan Carlson, redéfinit
l'essence du rock depuis 1989.
A goûter dans le cadre du festival Antigel
Par Philippe Simon
Sa gueule est une préface qui
ouvre sur des histoires parallèles.
Où a-t-on vu Dylan Carlson? A la
barre du Pequod? A Gettysburg,
sanglé dans un uniforme confédéré? Ou alors le cul bien calé sur
un tracteur, à tirer des bords sans
fin dans un champ de l'Arkansas?
Tout cela à la fois. Mais dans notre
univers à nous, c'est derrière une
guitare qu'on le voit le plus souvent, impressionnante barbe à la
Souvarov de vieux lion pelé (il y en
avait encore aux Etats-Unis il y a
12 000 ans), yeux caves, dodelinant un rock de train routier dont
le nom de code, Earth, traduit assez bien le poids et l'importance.
Earth, c'est une carrière de
26 ans ponctuée par une longue
éclipse et maintenue par une envie constante de redéfinir les schémas de son genre natif – qu'on
l'appelle metal ou, puisqu'on est
avec Carlson dans une esthétique
de la transcendance et de l'inclusion, rock, tout simplement.
Lorsqu'il fonde son groupe en
1989 à Olympia, dans l'Etat de
Washington, Nirvana n'a pas encore sorti son Nevermind, mais on
est déjà en pleine effervescence
grunge – Seattle se situe à une
heure de voiture à peine, vers le
nord-est. Socialement, Dylan Carlson fait partie de la scène – Kurt
Cobain geindra sur un des premiers titres de Earth («Divine and
Bright», paru sur Sunn Amps and
Smashed Guitars) – et la légende
(ainsi que les rapports de police)
veut que ce soit Carlson qui ait
acheté l'arme qui a permis au
pape du grunge de découvrir
l'autre monde.
Là n'est pas l'important. Ce qui
restera dans l'histoire de la musique entendue comme suite de notes et non d'anecdotes, c'est que
Carlson réintroduit dans le rock
indépendant des valeurs qui, mi-
FESTIVAL ANTIGEL
Earth
>
27 janvier
14
ses ensemble, créent une alchimie
nouvelle: la lenteur et la répétition. On résume cela sous le nom
de «drone» – rien à voir avec les
forces aériennes, on parle ici de
l'art antique du bourdon: le drone
est «un son unique et continu, originel, qui contient toutes les harmoniques à partir desquelles s'organise un discours musical
souvent monodique et modal»,
précisent les musicologues. Dans
le vocabulaire de Earth, cela donnera des disques massifs, à haut
dosage de distorsion: Phase 3:
Thrones and Dominions (1995) ou
Pentastar In The Style of Demons
(1996). Carlson a alors créé un
genre, le drone metal: ses maîtres
actuels, Sunn0))), se baptiseront
d'ailleurs de la sorte par une
forme d'hommage cosmologique.
De 1996 à 2005, on entre dans
un désert. L'héro impose le silence
à Carlson («Ce truc aide à sortir du
lit, pas à composer», avouera-t-il).
A veines claires, ce sera toutefois
une renaissance, tant personnelle
qu'esthétique: Hex (Or Printing in
the Infernal Method) sort à la fin du
tunnel et montre un son beaucoup plus aéré – la distorsion est
plus discrète, les développements
plus amples, le minimalisme davantage assumé: c'est désormais
un rock de grands espaces, mantrique, pur, qui va chercher du
côté de l'americana (country, folk,
jazz) mais qui conserve la perversité d'un saloon sous codéine.
Depuis, la formule connaît des
états de raffinement croissants:
The Bees Made Honey in the Lion's
Skull (2008), les albums jumeaux
Angels of Darkness, Demons of Light
I & II (2011 et 2012) et Primitive
and Deadly (2014) voient Carlson
et ses acolytes contemporains
(Adrienne Davies à la batterie, Bill
Herzog à la basse) offrir des propositions toujours plus affûtées…
et ouvertes – le dernier grand
œuvre de Carlson (Boa / Cold, publié par Ninja Tune) consistant en
une collaboration a priori improbable mais au final implacable
avec The Bug (alias Kevin Martin),
grand maître anglais du dub électronique. La Terre est large.
Earth.
Mardi 27 janvier à 22h.
Cave 12, Genève.
(Loc. www.antigel.ch).
M
MUSIQUE
SORTIR
LE TEMPS | FÉVRIER 2015
Harpes cristallines à
La quinzième édition
du festival des
Sommets musicaux
met l'accent
sur cet instrument
au répertoire méconnu.
Le piano et la voix
sont aussi très présents
Gstaad
FESTIVAL
Des notes
en altitude
>
Du 30 janvier au 7 février
Par Julian Sykes
Avant l'arrivée du futur directeur artistique Renaud Capuçon
en 2016, les Sommets musicaux
de Gstaad vivent une année de
transition. Ce festival, qui convie
stars confirmées et talents en devenir, a perdu son directeur artistique en juillet dernier. Décédé subitement, Thierry Scherz sera
dans l'esprit de beaucoup lors de
cette édition 2015 qui fut concoctée par ses soins.
Pianistes, chanteurs, chefs d'orchestre: il y en a pour tous les
goûts. Pendant neuf jours, le festival alterne concerts de soirée dans
les églises de Saanen et de Rougemont et concerts de l'après-midi à
la chapelle de Gstaad. Parmi les
vedettes attendues, les pianistes
russes Elisabeth Leonskaja (dans
le 1er Concerto de Chopin, sa 31
janvier à Saanen) et Arcadi Volodos (dans les Klavierstücke Op. 118
et la Sonate D 960 de Schubert, di
1er février à Rougemont) promettent des émotions vives. Autre
figure célèbre: Ivo Pogorelich
jouera le 2e Concerto de Chopin
avec Michel Tabachnik et le Sinfonia Varsovia (ve 6 février à Saanen). A noter que le pianiste
croate – si brillant au début de sa
carrière – cultive aujourd'hui un
style discutable, mais l'on ne sait
jamais…
La soprano Inva Mula, qui a
bien connu Thierry Scherz, chantera l'Ave Maria de Schubert, Vocalise de Rachmaninov et le «Chant à
la lune» tiré de Rusalka de Dvorák
aux côtés du chef Ondrej Lenárd
et de l'Orchestre symphonique de
la radio de Prague lors de la soirée
JCHUSSON
Emmanuel Ceysson.
d'ouverture. A ce même concert,
l'invité en résidence Emmanuel
Ceysson interprète le Concerto
pour harpe de Rheinhold Glière (ve
30 janvier à l'église de Saanen). On
se réjouit aussi d'entendre la
mezzo-soprano américaine Jennifer Larmore dans des airs baroques de Händel et Purcell, accompagnée par David Greilsammer et
le Geneva Camerata (lu 2 février).
La harpe, rien que la harpe!
C'est l'instrument retenu pour les
jeunes talents qui se produiront
successivement à la chapelle de
Gstaad. Sous l'égide du Français
Emmanuel Ceysson, ces harpistes
en devenir se succéderont lors des
concerts à 16 heures à la chapelle
de Gstaad. A l'issue de ces huit
jours, les plus méritants recevront
des prix afin d'encourager leur
carrière.
Fin et élégant, Emmanuel Ceysson joue non seulement au concert d'ouverture, mais se produit
avec d'autres musiciens à l'église
de Rougemont (je 5 février). Il est
tombé amoureux de cet instrument à cause du Concerto pour
flûte et harpe de Mozart qu'il a entendu à 6 ans. «C'était une forme
d'évidence: ce timbre, cette résonance, ces arpèges faisaient écho
en moi comme aucune musique
auparavant.» Pour clore le festival,
Stefan Vladar et l'Orchestre de
chambre de Vienne accompagnent Daniel Lozakovitj, âgé de
seulement 13 ans, dans le Concerto pour violon de Beethoven (sa
7 février à Saanen).
Sommets musicaux de Gstaad.
Du 30 janvier au 7 février.
(Loc. www.sommets-musicaux.com).
16
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FOX WARNER
Comédie
«Birdman»
Alejandro González Iñárritu
Le réalisateur de «21 Grammes» décrypte la mythologie
du super-héros à travers l’acteur qui incarnait l’hommeoiseau dans sa jeunesse glorieuse et qui aujourd’hui
encore se sent des ailes.
Satire
Comédie
«Snow Therapy» «Dancing Arabs»
Ruben Ostlund
Eran Riklis
Une famille suédoise jouit de
ses vacances de neige. Mais, en
révélant la lâcheté du père, une
avalanche balaie les certitudes.
Un film d’une cruauté exquise.
Admis dans un prestigieux
internat juif de Jérusalem, un
jeune Palestinien se lie avec un
Israélien malade. Un habile
questionnement identitaire.
Dilemme
Néoréalisme
«Félix et Meira»
«Les Merveilles»
A Montréal, la jeune épouse d’un
juif intégriste est attirée par un
charmant glandeur. Choc de la
modernité et de la tradition,
incertitude et mélancolie.
A l’écart du monde, une famille
italienne produit du miel. Le
monde moderne s’immisce
dans leur existence et la
menace. Prix du Jury à Cannes.
Maxime Giroux
Alice Rohrwacher
C
CINÉMA
NOS PRÉFÉRENCES
SORTIR
C
CINEMA
LE TEMPS | FÉVRIER 2015
La phrase du mois
«Je suis un robot,
je ne peux pas être
offensé»
Moelleux comme un marshmallow, bon comme le pain blanc,
Baymax est un robot gonflable programmé pour prodiguer des
soins médicaux. Les insultes lui coulent dessus comme de l’eau sur
les plumes d’une oie grasse. Les trois lois de la robotique, définies
par Asimov en 1942, selon lesquelles une créature artificielle ne
peut nuire à un être humain dictent toujours l’éthique du patapouf
Disney. En des temps où tout un chacun est prompt à se sentir
outragé par son prochain, on se prend à rêver de l’équanimité de
Baymax. Le robot est-il l’avenir de l’homme?
DISNEY
«Les Nouveaux Héros», de Don Hall et Chris Williams
LES ÉTOILES DU TEMPS
Par nos critiques
20 000 Days on Earth
Adieu au langage
American Sniper
Birdman
Broken Land
Charlie Mortdecai
Chic!
Cinquante Nuances de Grey
Coming Home
Comment tuer son boss 2
Des Chevaux et des Hommes
Difret
Durak – The Fool
Exodus: Gods and Kings
Félix et Meira
Fidelio, l’odyssée d’Alice
Foxcatcher
Homo Faber (Trois Femmes)
Interstellar
Into the Woods
Invincible (Unbroken)
Jupiter Ascending
Kingsman: The secret service
La Dame en noir 2: L’ange de la mort
La Famille Bélier
La French
La Nuit au musée 3: Le secret des pharaons
La Rançon de la gloire
Le Chant de la mer
L’Enquête
Le Hobbit 3: La bataille des cinq armées
Le Sel de la terre
Les Merveilles (Le Meraviglie)
Les Moomins sur la riviera
Les Nouveaux Héros (Big Hero 6)
20
Norbert
Creutz
Antoine
Duplan
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Les Nouveaux Sauvages (Relatos salvajes)
Les Opportunistes (Il capitale umano)
Les Souvenirs
L’Interview qui tue!
Loin des hommes
Loin des yeux
Magic in the Moonlight
Master of the Universe
Mommy
Mon Fils (Dancing Arabs)
My Name Is Salt
Mr. Turner
Northmen – A Viking Saga
Paddington
Papa ou maman
Snow Therapy (Turist)
Taken 3
Terre battue
The Cut
The Hunger Games – Mockingjay: Part 1
Thulethuvalu
The Imitation Game
The Riot Club
Timbuktu
Tout feu tout flamme (Feuer & Flamme)
Une Belle Fin (Still Life)
Toute première fois
Une Heure de tranquillité
Une Merveilleuse Histoire du temps
When Marnie Was There
Whiplash
Wild
Yalom’s Cure/Yalom: La thérapie du bonheur
Norbert
Creutz
Antoine
Duplan
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V
VVVVj'adule VVVj'admire VVj'estime Vje supporte U je peste UU j'abhorre -- je n'ai pas vu
C
LE TEMPS | FÉVRIER 2015
SORTIR
CINEMA
DRAME
Le déclin des Vikings
Dans «Turist» («Snow Therapy»), une famille suédoise s'éclate sur les pistes de ski. Mais, balayant les derniers bastions du patriarcat,
une avalanche dévaste l'harmonie et précipite la chute du mâle occidental. Un film d’une cruauté délectable
LOOK NOW!
Danger d’avalanche! Les femmes et les enfants d’abord…
Tomas et sa femme Ebba, accompagnés de leurs deux enfants blonds,
ont quitté la Suède pour passer une semaine de ski dans les Alpes
françaises. Luxe, confort et grand air! Formidable, jusqu'à ce qu'une
avalanche vienne semer la zizanie dans le parfait agencement des
vacances. Elle déferle en direction d'une terrasse en altitude, et menace
de l'engloutir. Tandis qu’Ebba protège ses chéris, Tomas s'enfuit… Lorsque le danger est écarté, il rejoint la table, mais il y a quelque chose de
pourri dans la cellule familiale. Pour son troisième film après Involuntary, comédie de mœurs, et Play, saisissante évocation d'une série de
rackets survenue à Göteborg, Ruben Ostlund poursuit dans Turist (qui
porte parfois en français le titre Snow Therapy (Force Majeure)…) sa
vivisection cruelle de la social-démocratie et raille le tourisme hivernal –
ô pauvre montagne bétonnée, trouée, résillée de câbles, secouée par des
explosions nocturnes et des binge drinkings barbares…
En préférant l'instinct de survie à l'instinct maternel, en oubliant que
«Les femmes et les enfants d'abord», Tomas perd ce qu'il restait de son
statut de patriarche. Il se dégonfle littéralement telle une baudruche.
Ebba le crucifie du regard et de la parole, raconte sa lâcheté à leurs amis.
Dommage collatéral, même le très barbu Mats est atteint dans sa virilité
par la veulerie de son congénère. L'ironie impitoyable du propos passe
par une grande rigueur cinématographique – plans-séquences, cadrages remarquables, précision de la mise en scène et jeu remarquable des
comédiens. Antoine Duplan
Les Bronzés aux sports d'hiver, deuxième! Le rire est plus grinçant…
VVVTurist, de Ruben stlund, avec Johannes Kuhnke,
Lisa Loven Kongsli, Clara et Vincent Wettergren, Kristofer Hivju,
Fanni Metelius, Karin Myrenberg
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LE RAPPORT
BERGIER
DE ET PAR JOSÉ LILLO
AVEC MAURICE AUFAIR
FELIPE CASTRO
LOLA RICCABONI
THÉÂTRE LE POCHE
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2 > 22 FÉVRIER 2015
21
SORTIR
Sorties du 28 janvier
-
Into the Woods –
Promenons-nous
dans les bois
Comédie musicale de Rob Marshall
avec James Corden, Emily Blunt,
Meryl Streep, Anna Kendrick, Chris
Pine, Lilla Crawford, Johnny Depp,
Daniel Huttlestone, Tracey Ullman.
Une comédie musicale de génie,
servie par de grands interprètes
Un humble boulanger et sa
femme sont frappés d’un sort qui
a rendu leur union stérile. Mais un
jour, la sorcière responsable leur
laisse entrevoir une possibilité de
le lever, en lui ramenant quatre
ingrédients très rares. Ils s’enfoncent alors dans les bois, où ils vont
croiser Cendrillon et le Petit Chaperon rouge, Jack (au haricot magique) et Raiponce… Pour sa troisième comédie musicale après le
mémorable Chicago et le moins
heureux Nine, l’ex-chorégraphe
Rob Marshall s’est tourné vers la
Rolls du genre: Stephen Sondheim. Créée à Broadway en 1987,
Into the Woods s’inspire aussi bien
des contes de Grimm et de Perrault que de leur psychanalyse
par Bruno Bettelheim. Plusieurs
contes s’y croisent donc afin d’explorer nos rêves et nos désirs, le
passage de l’innocence à l’expérience. Malgré une réalisation qui
se repose trop sur les effets spéciaux (comme La Belle et la Bête de
Christophe Gans), cette production Disney reste fidèle, avec un
second acte plus sombre qui
donne toute sa profondeur à
l’œuvre. Après l’admirable Sweeney Todd de Tim Burton, Hollywood aurait-il enfin saisi le génie de Sondheim? NC
C
CINEMA
pête drosse à la Côte d'Azur. Ils
vont y mener la grande vie. C’est
en Finlande, en 1945, que Tove
Jansson crée les Moomins. Ces petits êtres fantastiques tenant de
l’hippopotame et des Barbapapa
sont une institution en Scandinavie. Ils ont nourri les rêves des enfants du reste du monde, inspiré
des dessins animés jusqu’au Japon. Les Moomins sur la Riviera est
un film franco-finlandais réalisé
en animation 2D classique par Xavier Picard. ADN
U
L’Interview qui tue!
(The Interview)
Comédie de
Seth Rogen et Evan Goldberg
avec James Franco, Seth Rogen,
Lizzy Kaplan, Randall Park.
Un film qui énerve Kim Jong-un ne
peut pas être tout à fait mauvais
Deux crétins, le journaliste Dave
Skylark (James Franco) et le producteur Aaron Rappaport (Seth
Rogen), produisent un show TV
que les crétins adorent. Et Kim
Jong-un aussi. Le leader nord-coréen invite les deux gnafrons
pour une interview exclusive; la
CIA les recrute pour qu’ils l’assassinent . Issu de la mouvance Apatow (40 ans, toujours puceau), Seth
Rogen s’allie à Evan Goldberg (This
Is The End) pour tirer de ce postulat improbable une farce d’une totale potacherie à dominante scatologique affirmée. La suite a failli
dégénérer en troisième guerre
mondiale: cyberattaque massive
contre Sony, menaces d’attentat
dans les cinémas, sortie du film
annulée, avant que tout ne rentre
dans l’ordre. L’Interview qui tue!
fait évidemment plus pitié qu’il ne
suscite le rire. ADN
VVV
-
Les Moomins
sur la Riviera
Film d’animation de Xavier Piccard.
L’intrusion d’une bande de pirates
dans l’idyllique vallée va bouleverser la vie tranquille des Moomins et leur donner soif d’aventures. Ils embarquent à bord d’un
petit bateau à voiles que la tem-
Master
of the Universe
Documentaire de Marc Bauder.
Un documentaire sur la finance qui
permettra de ne pas mourir idiot
Rainer Voss, ancien banquier
d’affaires allemand d’une cinquantaine d’années, livre son expérience à son jeune compatriote
Marc Bauder. De sa fulgurante as-
22
LE TEMPS | FÉVRIER 2015
cension professionnelle à la fin
des années 1980 à la retraite anticipée qui l’a frappé comme tous
ses pairs, il revient sur l’évolution
délirante du système financier
mondial durant le dernier quart
de siècle: la libéralisation du marché, l’invention des produits dérivés, la course à toujours plus
toujours plus vite, pour finir par
un découplage entre finance et
économie réelle, la crise mondiale et la mise à genoux de pays
entiers… Superbement mis en
scène dans une tour abandonnée
de Francfort, ce banquier «repenti» est un personnage fort. A
travers lui, on revit la griserie
d’une époque et de ces jeunes
loups qui s’imaginèrent en maîtres de l’univers. Mais avec le recul, il dévoile aussi tout l’envers
du décor: de l’hypocrisie et l’irresponsabilité qui règnent dans le
milieu à une dérive mondiale qui
pourrait nous coûter encore très
cher. Sacré meilleur documentaire européen de l’année, un film
fascinant qui vaut vingt-cinq ans
de vaine lecture de pages économiques quotidiennes! NC
-
Souvenirs
de Marnie
(When Marnie Was There)
Film d’animation
de Hiromasa Yonebayashi.
My Name Is Salt
Anna, jeune fille solitaire, est envoyée soigner son asthme dans un
petit village au nord d’Hokkaïdo.
Au cœur des marais, elle découvre
une vieille demeure inhabitée.
C’est là que vit l’étrange Marnie.
Un lien puissant se noue entre les
deux filles. Lorsque Marnie disparaît, Anna se met en quête de son
amie perdue. Tiré d’un classique
des lettres anglaises, écrit par Joan
G. Robinson, ce vingtième longmétrage produit par les studios
Ghibli est l’œuvre de Hiromasa Yonebayashi. Il a été intervalliste sur
Princesse Mononoké, animateur sur
Le Voyage de Chihiro, Le Château
ambulant et Ponyo sur la falaise de
maître Miyazaki, avant de voler de
ses propres ailes une première fois
avec Arrietty, le petit monde des chapardeurs. Les Souvenirs de Marnie
est le premier film produit par le
mythique studio auquel n’ont participé ni Hayao Miyazaki ni Isao
Takahata, partis à la retraite. ADN
Documentaire de Farida Pacha.
Un splendide documentaire, plus
contemplatif qu’exotique
VV
VVV
Le Rann de Kutch est un immense
marais salant de plus de 5000 km2
au nord-ouest de l’Inde, dans
l’Etat du Gujarat à la frontière du
Pakistan. Désertique la plus
grande partie de l’année, il se retrouve submergé au moment de
la mousson. Chaque année, des
milliers de familles s’y rendent
durant la saison sèche pour extraire le sel, réputé le plus blanc
sur Terre. Parmi eux, Sanabhai et
sa famille… Documentaire indien
soutenu par la Suisse, My Name Is
Salt a été salué dans de nombreux
festivals. Sans commentaire off, la
cinéaste Farida Pacha y donne la
priorité aux images et aux actions, parfois mystérieuses, des
protagonistes. Au suspense tout
simple de savoir si la famille parviendra à récolter suffisamment
de sel avant la fin de la saison, elle
ajoute une rare poésie visuelle qui
donne une dimension épique à ce
travail épuisant. Un magnifique
film «contemplatif», jamais ennuyeux. NC
Imitation Game
(The Imitation Game)
Drame de Morten Tyldum
avec Benedict Cumberbatch, Keira
Knightley, Matthew Goode, Allen
Leach, Matthew Beard, Charles
Dance, Rory Kinnear, Mark Strong.
Alan Turing crée le premier
ordinateur pour contrer le nazisme
En 1952, Alan Turing, discret professeur de l’Université de Manchester, se retrouve au poste de
police. C’est le début de la fin
d’une incroyable affaire qui a débuté en 1939 quand ce jeune mathématicien féru de cryptologie
se retrouve appelé à participer à
l’effort de guerre. Avec son équipe
du centre de Bletchley Park, Turing est chargé par le gouvernement de percer le secret de la célèbre machine de cryptage
allemande Enigma, réputée inviolable… Deuxième film consacré à
ce qui fut longtemps le secret le
mieux gardé de la Seconde Guerre
C
LE TEMPS | FÉVRIER 2015
SORTIR
CINEMA
mondiale (après Enigma de Michael Apted, en 2001), The Imitation Game est tiré d’une biographie d’Alan Turing qui remet ce
personnage, lui-même énigmatique, au centre de l’affaire. Confié à
l’habile faiseur norvégien Morten
Tyldum (Headhunters), le film est
un biopic moyen, plein de clichés
et de simplifications, hissé à un
niveau supérieur par l’intérêt de
son sujet historique et la performance de Benedict Cumberbatch.
Mais la comparaison avec le nettement plus inspiré The Theory of
Everything de James Marsh (sur
Stephen Hawking) joue en sa défaveur. NC
U
Toute première
fois
Comédie de
Noémie Saglio et Maxime Govare
avec Pio Marmaï, Adrianna Gradziel,
Franck Gastambide, Lannick Laubry,
Camille Cottin, Frédéric Pierrot.
Pour deux nouvelles comédiennes
Sorties du 4 février
Jérémie, 34 ans, émerge dans un
appartement inconnu aux côtés
d’Adna, une ravissante Suédoise.
Le début d’un conte de fées? Rien
n’est moins sûr. Car Jérémie est sur
le point de se marier… avec Antoine, son compagnon de longue
date. Troublé, Jérémie essaie d’en
parler avec son collègue Charlie,
séducteur patenté. Puis tente de
s’expliquer avec ses parents, avec
Edna et Antoine – mais ne rencontre qu’incompréhension… Après
Les Voies impénétrables (2012, inédit) qui s’amusait de la vie de nonnes d’aujourd’hui, le tandem Noémie
Saglio/Maxime
Govare
s’attaque à la sexualité moderne.
Leur modèle pour raconter ce «coming out inversé» est clairement
la comédie à la fois grossière et
tendre façon Judd Apatow. Mais à
ce niveau d’indigence de jeu et
d’écriture, on déclare forfait. NC
V
Difret
Drame de Zeresenay Mehari
avec Meron Getnet, Tizita Hagere,
Shetaye Abreha Mekonen, Leake.
Pour la bonne cause des femmes
éthiopiennes
Dans un village éthiopien, la jeune
Hirut, 14 ans, est kidnappée sur le
chemin de l’école par sept hommes armés et violée par un prétendant éconduit dans le but d’en
faire malgré tout sa femme. En
prenant la fuite, elle tue son ravisseur. Un conseil tribal décide alors
qu’elle doit être exécutée. Mais
avant que la sentence puisse être
appliquée, Hirut est sauvée par
Meaza Ashefani, une avocate de la
capitale engagée pour les droits
de la femme. Sa vie reste toutefois
menacée… Salué par des prix du
PUBLICITÉ
23
public à Sundance et Berlin (section Panorama), Difret est le typique film «à sujet» où la forme ne
suit pas. Certes, la cause est juste et
il s’agit d’une première œuvre,
mais comment fermer les yeux sur
la naïveté du récit et les maladresses de la réalisation? Malgré la
caution d’Angelina Jolie, créditée
comme productrice exécutive, on
constate ici encore une fois le retard du cinéma africain et l’insuffisance des bonnes intentions. NC
VVV
Homo Faber
(Trois Femmes)
Film d’art et d’essai de Richard Dindo
avec Marthe Keller, Daphné Baiwir,
Amanda Barron, Christian Kohlund.
Le verbe de Frisch prend chair
devant l’objectif du cinéaste
Ingénieur soucieux de réduire le
monde à sa réalité tangible, Wal-
SORTIR
C
CINEMA
LE TEMPS | FÉVRIER 2015
DRAME PSYCHOLOGIQUE
La musique ou le Talmud?
CINEWORX
Dans «Félix et Meira», un glandeur patenté et une jeune femme d’obédience juive orthodoxe tombent amoureux. Dilemme et mélancolie…
Félix (Martin Dubreuil) et Meira (Hadas Yaron).
A Montréal, Meira (Hadas Yaron) passe des heures grises auprès d’un
être trop différent: Shulem, son époux à barbe et à principes. Pendant ce
temps, Félix, un poil dans la main, mène une vie marginale. Son père, avec
lequel il était brouillé depuis des années, vient de mourir et il dilapide
sans joie sa part d’héritage. Ces deux-là n’auraient jamais dû se rencontrer.
Seulement, la jeune maman aime la musique et le dessin, activités prohibées au sein de sa rigide communauté hassidique. Et Félix se sent bien
seul. Ils se rapprochent. Elle découvre la «vraie vie» (jeans, salsa, pingpong): elle doit affronter le dilemme de l’amour et du devoir (maternel)…
Maxime Giroux (Demain, Jo pour Jonathan) s’est souvenu du Kadosh
d’Amos Gitai pour Félix et Meira, sacré «Meilleur film canadien» au
Festival de Toronto, ce qui laisse songeur sur la qualité du cinéma
canadien. Car ce drame, forcément touchant, trahit les faiblesses inhérentes à la plupart des productions québécoises: le ressort narratif se
détend, les scènes traînent des pieds, l’intérêt pique du nez. Le cinéaste a
toutefois le mérite de ne pas céder aux facilités de la caricature: sous le
poil hassidique se cache un être humain; la psychorigidité traditionnelle de Shulem n’empêche pas la sensibilité et l’empathie.
Maxime Giroux a aussi le bon goût de ne pas prôner le triomphe de
l’amour vrai. Félix et Meira finissent en gondole à Venise, mais pour
quelle destination? Habitué du clip, le réalisateur larde son film d’intermèdes musicaux, décalés (un clip de Wendy Rene) ou déconcertants
(commentaires de deux danseurs latinos). Et un moment de grâce
infiniment plus grand que le film: «Famous Blue Raincoat», de Leonard
Cohen, qui, en quelques mots, exprime la quintessence des enjeux:
«Ensuite tu as offert à ma femme un flocon de ta vie»… Antoine Duplan
La plus belle des chansons de Leonard Cohen, «Famous Blue Raincoat», est
sertie dans ce film
VVFélix et Meira, de Maxime Giroux, avec Martin Dubreuil, Hadas Yaron,
Luzer Twersky, Anne-Elisabeth Bosse, Benoît Girard, Melissa Weisz.
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24
C
LE TEMPS | FÉVRIER 2015
SORTIR
CINEMA
ter Faber considère les femmes
comme des objets de luxe et de
conquête. Il rompt avec Ivy
(Amanda Barron) et se souvient
de Hanna (Marthe Keller), rencontrée vingt ans plus tôt à Zurich. Sur le bateau qui le ramène
en Europe, ce misogyne raffiné
fait la connaissance de Sabeth
(Daphné Baiwir), 20 ans, dont la
fraîcheur l’attire. Ils prennent ensemble la route de la Grèce. Sur
une plage d’Eleusis, Sabeth est
mordue par un serpent. Publié en
1957, Homo Faber est un des romans les plus célèbres de Max
Frisch. L’approche de Richard
Dindo, qui a tourné Max Frisch,
Journal I-III, est autrement radicale
et passionnante. Walter Faber
n’apparaît jamais à l’écran. On entend juste sa voix intérieure. On
découvre le monde, les femmes,
les souvenirs par ses yeux – via la
caméra que le cinéaste porte luimême. ADN
-
Jupiter Ascending
Film de science-fiction d’Andy
& Lana Wachowski
avec Channing Tatum, Mila Kunis,
Sean Bean, Eddie Redmayne,
Douglas Booth, Gugu Mbatha-Raw,
Tuppence Middleton, Vanessa Kirby.
La jeune Jupiter Jones (Mila Kunis)
rampe tout en bas de l’échelle sociale: elle nettoie les WC. A des
années-lumière de là, la Reine de
l’Univers ourdit l’assassinat de la
petite déclassée. Elle dépêche
Caine, un tueur génétiquement
amélioré (Channing Tatum, avec
les oreilles en pointe). Mais il en
faudrait plus pour détourner Jupiter de son destin… Au soir du
XXe siècle, les frères Wachowski
ont réformé et popularisé la science-fiction avec Matrix, trilogie surestimée. Depuis, Andy et son
frère Larry, devenu(e) sa sœur
Lana, courent après le succès à travers de grands spectacles ambitieux que le ridicule n’épargne
pas: Speed Racer, ou Les Fous du
Volant dans la 4e dimension, suivi
de Cloud Atlas, conglomérat de récits transtemporels pour comédiens à rôles multiples. A priori, ce
Jupiter Ascending a tout l’air de
noyer la ténuité candide d’une intrigue flattant la volonté de puissance, dans un débordement illimité d’effets spéciaux bien
kitsch. ADN
V
La Nuit au musée 3:
Le secret des
pharaons
(Night at the Museum: Secret of
the Tomb)
Comédie de Shawn Levy
avec Ben Stiller, Robin Williams,
Dan Stevens, Owen Wilson, Rebel
Wilson, Rami Malek, Ben Kingsley.
Une suite londonienne qui nous
vaut un amusant Lancelot
Après qu’une soirée de gala au
planétarium du Musée de New
York a viré au chaos du fait des
phénomènes nocturnes qui s’y
déroulent, le gardien Larry Daley
se retrouve chargé d’une mission:
se rendre au British Museum de
Londres pour sauver l’antique tablette égyptienne frappée de corrosion qui en est la cause… Troisième et en principe dernier
volet d’une série plutôt sympathique, ce Secret des pharaons est
surtout prétexte à réunir les personnages des volets précédents
et à multiplier les courses poursuites bourrées d’effets spéciaux.
Shawn Levy n’a toujours pas l’ombre d’un style et les gags sont de
niveaux très variables. Le
meilleur vient d’un Lancelot
(Dan Stevens) aussi perdu que les
personnages évadés de la fiction
dans La Rose pourpre du Caire. Et
rien que pour saluer une dernière fois Robin Williams et Mickey Rooney, on peut envisager
d’accompagner les enfants. NC
-
Maya l’abeille
(Die Biene Maya)
Film d’animation d’Alexs Stadermann.
Dans la ruche, la discipline règne.
Mais Maya, adorable petite peste
blonde, n’en fait qu’à sa tête. Bannie, elle découvre le vaste monde
rutilant et parfumé, mais dangereux aussi – crapauds, frelons, etc.
Créée en 1912 par l’écrivain allemand Waldemar Bonsels, Maya
l’abeille fait l’objet de dessins animés japonais dès 1975. Alexs Stadermann propose une nouvelle
version qui renvoie forcément à
1001 Pattes, Fourmiz et autres pro-
duits pour enfants sages plongeant dans le monde merveilleux
des insectes. ADN
VV
V
(Feuer & Flamme)
Papa ou maman
Comédie de Martin Bourboulon
avec Laurent Lafitte, Marina Foïs,
Judith El Zein,Michel Vuillermoz.
Les têtes à baffes ne volent pas
leurs paires de claques
Florence (Marina Foïs), chef de
chantier, et Vincent (Laurent Lafitte), gynécologue, forment un
couple stable depuis quinze ans.
Pourtant, ils divorcent. Simple
formalité s’il n’y avait 1) trois enfants plus ou moins insupportables, 2) une opportunité professionnelle pour le papa et pour la
maman de passer quelques mois à
l’étranger. Dans cette nouvelle La
Guerre des Rose, chacun va faire le
pire pour que la garde des gosses
incombe à l’autre. Maman s’invite
à une boum et fout la honte à sa
fille, papa invite ses rejetons en
salle d’op où ils tournent de l’œil…
Sur ce postulat infâme, Martin
Bourboulon, formé à l’école des
Guignols de l’info, signe une comédie plus décapante que le titre
ne le laisse supposer. ADN
-
Tout feu,
tout flamme
Documentaire d’Iwan Schumacher.
L’alliage de l’art et de la métallurgie
Les sculptures d’Urs Fischer, de Katharina Fritsch ou de Paul McCarthy impressionnent le public des
galeries et des biennales par leurs
formes et leurs volumes. Il ne faut
pas oublier les artisans dont le savoir a permis l’érection de ces
masses saisissantes. Iwan Schumacher est allé à leur rencontre dans
la fonderie d’art de Saint-Gall, et
dans sa succursale de Shanghai.
Sous la houlette de Felix Lehner,
fondeurs et sculpteurs travaillent
le cuivre, la fonte, la cire, la résine
époxyde… Images fascinantes,
gestes séculaires, ballet incandescent du métal en fusion. Et success
story d’une entreprise. ADN
Sorties du 11 février
-
Cinquante
Nuances de Grey
The Cut
(Fifty Shades of Grey)
Drame historique de Fatih Akin
avec Tahar Rahim, Simon Abkarian,
Makram Khoury, Hindi Zahra,
Moritz Bleibtreu, Arsinée Khanjian.
Drame érotique
de Sam Taylor-Johnson
avec Dakota Johnson, Jamie
Dornan, Jennifer Ehle, Luke Grimes,
Rita Ora, Marcia Gay Harden.
Anatolie, 1915. Dans le tumulte
de la Première Guerre mondiale,
alors que l’armée turque s’attaque
aux Arméniens, le jeune forgeron
Nazaret Manoogian est séparé de
sa femme et de ses deux filles. Des
années plus tard, rescapé du génocide, Nazaret apprend que ses
filles sont toujours en vie. Porté
par l’espoir de les retrouver, il se
lance dans une quête éperdue,
ponctuée de rencontres avec des
anges et des démons, du désert de
la Mésopotamie aux prairies sauvages du Dakota. Cinéaste allemand d’origine turque, Fatih Akin
questionne par le documentaire
(Crossing the Bridge, Polluting Paradise) et la fiction (Head On, De
l’autre côté) la Turquie et l’immigration. Avec The Cut, il signe son
premier film historique. ADN
25
Anastasia Steele, étudiante ingénue, est amenée à interviewer
Christian Grey. Ce séduisant
jeune milliardaire lui fait tourner
la tête. Elle se soumet avec terreur
et délice aux protocoles SM qu’il
lui impose. On a reconnu l’intrigue de Cinquante Nuances de Grey,
d’E. L. James, qui affole le monde
de l’édition depuis trois ans. C’est
à Sam Taylor-Johnson qu’incombe la responsabilité de traduire en images glacée de pub de
luxe le manifeste du mummy porn.
Cette réalisatrice londonienne n’a
signé
qu’un
long-métrage,
Nowhere Boy, une chronique des
jeunes années de John Lennon,
plus sentimentale que rock’n’roll.
Dakota Johnson tient le rôle
d’Anastasia Steele. Cette actrice
SORTIR
C
CINEMA
LE TEMPS | FÉVRIER 2015
DRAME PSYCHOLOGIQUE
Vivre comme Arabe en Israël
Dans «Mon Fils (Dancing Arabs)», Eran Riklis aborde le conflit israélo-palestinien par le biais d’une amitié entre un jeune Palestinien
et un jeune Israélien susceptible d’aller jusqu’à la confusion identitaire
FILMCOOPI
Très apprécié au dernier Festival de Locarno sur la Piazza Grande, le
dernier film de l’Israélien Eran Riklis (après Zaytoun) est un nouvel
appel à plus de compréhension et de tolérance pour le peuple palestinien. S’inspirant du roman semi-autobiographique Dancing Arabs de
Sayed Kashua, un Arabe d’Israël, le réalisateur signe toutefois là son
meilleur film depuis ses mémorables Citronniers de 2008.
Ce récit d’une éducation débute dans une bourgade palestinienne
durant la guerre du Golfe, qui voit la famille d’Iyad se réjouir des frappes
irakiennes sur Israël. Quelques années plus tard, à 16 ans, Iyad intègre
un internat juif de Jérusalem. Premier Arabe admis, il est progressivement accepté par ses camarades mais n’a qu’un véritable ami, Yonatan,
un garçon atteint d’une grave maladie. A force, il devient comme un
deuxième fils pour sa mère, jusqu’à faire germer une étrange idée…
En narrant ce devenir israélien d’un jeune Arabe, au risque d’y laisser
son identité, les auteurs éclairent un nouvel aspect de la complexité du
conflit israélo-palestinien. Lancé comme une comédie et toujours
agréable à l’œil, le film arrondit certes quelques angles. Mais le drame
finit par être aussi parlant que prenant, en particulier grâce à ses
excellents comédiens, jusqu’à surclasser le très proche et déjà estimable
Le Fils de l’autre de Lorraine Lévy. Norbert Creutz
Un habile drame identitaire qui pose les bonnes questions
Yonatan (Michael Moshonov), Iyad (Tawfeek Barhom) et Edna (Yaël Abecassis)
texane de 25 ans s’est révélée dans
The Social Network et a mis le pied
sur l’accélérateur dans Need for
Speed. Avant d’incarner Christian
Grey, Jamie Dornan a porté des
slips pour Calvin Klein avant de se
découvrir comédien dans des séries TV (Once Upon A Time, The
Fall). ADN
-
Conducta
Drame d’Ernesto Daranas
avec Armando Valdés Freire, Alina
Rodríguez, Silvia Aguila, Yuliet Cruz.
La Havane. Le petit Chala, 11 ans,
prend soin de sa mère alcoolique
et ne connaît pas son père. Pour
ramener de l’argent à la maison, il
élève des pigeons voyageurs et entraîne des chiens de combat. Les
services sociaux ont un œil sur ce
petit délinquant en puissance.
Heureusement pour lui, il y a Carmel, la vieille institutrice de
l’école, et Yeni, la première de sa
classe… Prix du public au dernier
festival Filmar en América Latina,
Conducta (Comportement) est déjà
le troisième opus du jeune cinéaste cubain Ernesto Daranas,
mais le premier à avoir circulé
dans les festivals. Ses atouts seraient le tableau sans fard de la
pauvreté à Cuba, heureusement
compensé par plusieurs belle histoires d’amour entre le jeune héros et les «femmes de sa vie». D’où
un film paradoxalement optimiste et chaleureux. A défaut d’arguments formels plus évidents,
comme dans les dernières importations cubaines de trigon Una
Noche (Lucy Molloy) et Melaza
(Carlos Lechuga)? NC
U
L’Enquête
Drame de Vincent Garenq
avec Gilles Lellouche, Charles
Berling, Laurent Capelluto.
Retour inespéré d’un cinéma
politique en France
2001. Le journaliste Denis Robert
secoue le monde de la finance en
dénonçant le fonctionnement
26
VVMon Fils (Dancing Arabs),
d’Eran Riklis, avec Tawfeek Barhom, Yael Abecassis, Michael Moshonov,
Danielle Kitzis, Ali Suliman, Razi Gabareen, Marlene Bajali, Laetitia Eido, Norman Issa.
opaque de la société bancaire
luxembourgeoise Clearstream. Sa
quête de vérité le conduit au cœur
d’une machination politico-financière baptisée «affaire Clearstream» qui va secouer la Ve République… Après Présumé coupable
(2013), consacré à l’affaire
d’Outreau, Vincent Garenq essaie
d’apporter quelques lumières sur
ces affaires d’évasion fiscale et de
blanchiment d’argent, aux ramifications poléitiques. Basé sur les
livres de Denis Robert, Révélation$
et La Boîte noire, peine à débrouiller cette histoire de David
contre Goliath. Parce que Gilles
Lellouche est un comédien limité,
le scénario faible et la réalisation à
la peine, L’Enquête perpétue une
tradition de médiocrité du film
politique français qui remonte
aux oeuvres d’Yves Boisset ADN
VV
Les Nouveaux
Héros
(Big Hero 6)
Film d’animation
de Don Hall et Chris Williams.
Baymax, le robot gonflable, est
sympa comme un gros Mickey de
marshmallow
Hiro Hamada, jeune cybernéticien de génie, fait équipe avec Baymax, un robot infirmier alliant la
corpulence du Bibendum et la
physionomie d’Arthur le fantôme,
pour déjouer un complot criminel menaçant de détruire San
Fransokyo. A leurs côtés marchent
GoGo Tamago, Wasabi, Honey Lemon et Fred. Ce sont les Big 6. Ils
viennent du Japon où ils jouent un
rôle semblable à celui des Avengers aux Etats-Unis. Ils accèdent
de plain-pied dans la culture américaine puisqu’ils font l’objet du
54e «Classique d’animation» des
studios Disney et le cinquième à
tâter de la science-fiction. Atteignant de nouveaux sommets en
matière d’animation, Les Nouveaux Héros séduit par la qualité
humaine des personnages (surtout le robot). L’intérêt faiblit dans
le deuxième partie, avec superméchant et final apocalyptique ADN
C
LE TEMPS | FÉVRIER 2015
SORTIR
CINEMA
Sorties du 18 février
ton, face à la mer nocturne d’où
surgira bien quelque Léviathan… Où commence la fiction,
où s’arrête le documentaire
dans ce film étrange et fascinant
que Iain Forsyth et Jane Pollard
consacrent au rocker australien? ADN
-
20 000 Days
On Earth
Documentaire de
Iain Forsyth et Jane Pollard.
Anguille et rock’n’roll
-
American Sniper
Drame de Clint Eastwood
avec Bradley Cooper, Sienna Miller,
Luke Grimes, Jake McDorman,
Cory Hardrict, Kevin Lacz,
Keir O’Donnell.
Le 24 juin 2012, Nick Cave célébrait son 20 000e jour sur terre.
Il s’est réveillé à 7 heures pile. Il a
consulté son psychiatre, il a
traîné dans ses archives, The Museum of Important Shit, il a enregistré «Boson Higgs Blues», il a
mangé des nouilles noires et de
l’anguille chez Warren Ellis, son
violoniste, il a roulé en voiture
avec Kylie Minogue, Ray Winstone et Blixa Bargeld, un ancien
des Bad Seeds. Il a donné un
concert formidable avant de
s’asseoir sur la plage de Brigh-
Tireur d’élite des Navy SEAL, Chris
Kyle est envoyé en Irak avec pour
seule mission de protéger ses camarades. Sa précision sauve d’innombrables vies, si bien que sa
réputation et son surnom de «Légende» se propagent au-delà des
lignes ennemies. Malgré le danger, et l’angoisse dans laquelle vit
sa famille, Chris participe à quatre batailles décisives en Irak.
Mais de retour au pays, il prend
conscience qu’il ne parviendra
plus à retrouver une vie normale… Même si nos attentes d’un
nouveau film signé Clint Eastwood ont été revues la baisse depuis 2010 (Au-delà, J. Edgar, Jersey
Boys), on se réjouit de ce qui passe
(outre-Atlantique) pour un retour en forme. American Sniper serait ainsi le meilleur film sur la
guerre en Irak depuis Démineurs
de Kathryn Bigelow et Redacted
de Brian De Palma. Pas de quoi
faire un grand succès, sans doute,
mais un film plus réfléchi que la
moyenne sur l’héroïsme à l’américaine. Avec un grand rôle pour
Bradley Cooper, nommé à l’Oscar. NC
-
Bis
Comédie de Dominique Farrugia
PUBLICITÉ
AUX
DU 3.9.2014
AU 17.5.2015
TIRAGE : 3’000
DES
10‘000 ANS
D‘ARCHÉOLOGIE
EN NUBIE
ORIORI
GINES
<wm>10CAsNsja1MLUw1DUwMDI3MwUA5Ob3rw8AAAA=</wm>
PHARAONS
<wm>10CFXKqw7DMAxG4Sdy5NvvOjOswqKCaTxkGt77o7VjBUeHfHMWGv_bx_Eaz0IihZh1C5RGNMdWFtnAXtxFlcUfYpqu0fPmz4U5Y12GuJPoEiMNgi0B2vf9-QGypZBvcgAAAA==</wm>
NOIRS
27
avec Kad Merad, Franck Dubosc,
Alexandra Lamy, Gérard Darmon,
Julien Boisselier, Anne Girouard.
Eric est un hédoniste polygame
et Patrice un père de famille bien
rangé. Après une soirée arrosée,
les deux vieux potes se retrouvent projetés en 1986 quand ils
avaient 17 ans. Vont-ils en profiter pour modifier le cours de
leur existence? Ci-devant rigolo
chez Les Nuls sur Canal +, Dominique Farrugia est devenu un
magnat de l’audiovisuel, producteur peu inspiré (RTT, Vidocq,
Jameais le premier soir…) doublé
d’un cinéaste navrant (Delphine
1-Yvan 0, Trafic d’influence,
L’amour, c’est mieux à deux, Le
Marquis…). Dans ce Bis qui a l’air
de pomper sans vergogne l’excellent Camille redouble de Noémie Lvovsky, il dirige Kad Merad
et Franck Dubosc dans les rôles
principaux. Un gage de qualité?
Non, seulement de rentabilité. ADN
SORTIR
C
CINEMA
LE TEMPS | FÉVRIER 2015
DRAME PSYCHOLOGIQUE
Une famille dans les marges
FILMCOOPI
Primé à Cannes, «Les Merveilles» d’Alice Rohrwacher échappe aux clichés italiens. Grand Prix du jury à Cannes
Monica Bellucci en reine étrusque dans un show télé.
-
Bob l’éponge: Un
héros sort de l’eau
(The SpongeBob Movie: Sponge
Out of Water)
Film d’animation de Paul Tibbitt
et Mike Mitchell.
Tout baigne pour Bob l’éponge,
Patrick l’étoile de mer fidèle et
Carlo le calamar. Mais la recette du
pâté de crabe est volée par le diabolique pirate Steak Barbare! Pour
sauver leur civilisation pélagique,
Bob & Cie se risquent sur la terre
ferme! Cette bande d’invertébrés
se transforme même en super-héros… Paul Tibbitt, producteur de
la sympathique série TV, s’allie au
réalisateur Mike Mitchell (Gigolo à
tout prix, Shrek 4…) pour emmener
ses personnages batifoler hors de
la mer. Exquise astuce: sous l’eau,
Bob et ses amis sont dessinés au
trait. Sortis de leur élément et jetés
sur le macadam de notre monde
filmé en images réelles, ils acquiè-
rent le volume de l’image de synthèse. Mais restent idiots… ADN
-
Kingsman:
Services secrets
(Kingsman: The Secret Service)
Film d’espionnage de
Matthew Vaughn
avec Colin Firth, Taron Egerton,
Samuel L. Jackson, Michael Caine.
A la tête des services secrets,
Harry Hart (Colin Firth, so British
indeed) engage un délinquant juvénile prometteur pour en faire le
top gun du MI6. Comme la majorité des blockbusters américains,
Kingsman est l’adaptation d’un comics de Dave Gibbons et Mark
Millar dont la bande-annonce
laisse supposer une grosse louche
de jamesbonderie, relevée d’un
zeste de second degré façon Chapeau melon et Bottes de cuir (parapluie à champ gravitationnel of-
28
A Cannes, le Grand Prix du jury nous avait paru un bien grand
honneur pour ce petit film italien, deuxième opus d’Alice Rohrwacher
après le plus réussi Corpo celeste (2011). La présidence de Jane Campion
et la majorité de femmes au jury auraient-elles fait la différence? Il
n’empêche que ce joli récit d’apprentissage doux-amer vaut le détour.
C’est l’histoire de l’adolescente Gelsomina qui vit avec ses parents, un
couple italo-allemand, et ses trois jeunes sœurs en Ombrie dans une
ferme délabrée où ils produisent du miel. Tenues à l’écart du monde par
leur père, qui en prédit la fin proche et prône un rapport privilégié à la
nature, les filles commencent à rêver d’autre chose. Les règles strictes
qui tiennent la famille ensemble vont être mises à mal par l’arrivée de
Martin, un jeune délinquant accueilli dans le cadre d’un programme de
réinsertion, et par le tournage d’un jeu télévisé…
Avec à nouveau une jeune fille pour héroïne (sans être plus directement autobiographique), la cinéaste creuse sa voie. Comme dans les
récents La Belle Vie (Jean Denizot) et Vie sauvage (Cédric Kahn), il s’agit ici
d’une vie marginale qui devient pesante pour les enfants qui ne l’ont pas
choisie. Mais comme dans ces films, on peine à être totalement convaincu. Jusqu’à cet improbable show télé présidé par Monica Bellucci –
sur une île et en costumes étrusques – qui ne parvient pas à rendre
magique ce réalisme un peu trop terre à terre. Norbert Creutz
Aimable chronique d’une enfance marginale
VVLes Merveilles (Le Meraviglie), d’Alice Rohrwacher, avec Maria Alexandra Lungu, Sam Louwyck, Alba Rohrwacher, Sabine Timoteo, Monica Bellucci.
fensif…). Matthew Vaughn a
travaillé avec Guy Ritchie avant
de passer à la réalisation (Layer
Cake, Stardust, Kick-Ass, X-Men le
commencement). Samuel L. Jackson apporte la caution américaine tandis que Lady Gaga, Elton
John et David Beckham tiennent
leur propre rôle. Oh dear, what
fun! ADN
Sorties du 25 février
-
108 Rois-Démons
Film d’animation de Pascal Morelli.
En Chine, au XIe siècle, les RoisDémons terrorisent le pays. Pour
vaincre ces monstres, il faudrait
avoir le courage de 100 tigres, la
force de 1000 buffles, la ruse
d’autant de serpents… et une
chance de pendu. Comme ils
ignoraient ces recommandations,
un prince grassouillet, un vieux
moine et une petite mendiante
s’attaquent à l’impossible… Un
dessin animé signé Pascal Morelli,
auteur en 2001 de Corto Maltese, la
cour secrète des arcanes. ADN
-
Annie
Comédie musicale de Will Gluck
avec Quvenzhané Wallis, Jamie
Foxx,Cameron Diaz, David Zayas.
Inspiré de la fameuse BD Little OrphanAnnie(de1924!),Annieraconte
l’histoire d’une orpheline de 10 ans
qui doit se battre contre la méchanceté de ses geôliers. Sa rencontre
avec un milliardaire va renverser la
situation… Cette nouvelle adaptation d’Annie, comédie musicale de
Broadway (de Thomas Meehan,
Martin Charnin et Charles Strouse,
1977) était-elle bien nécessaire? Le
succès d’une récente reprise à New
York en a soufflé l’idée à quelques
producteurs.Maisàencroirelacritique, le jeune Will Gluck n’a pas réé-
C
LE TEMPS | FÉVRIER 2015
SORTIR
CINEMA
dité l’exploit du vétéran John Huston qui, en 1982, avait surpris en
réalisant avec beaucoup de verve
cette fantaisie de la Grande Dépression. En guise de remise au goût du
jour, le réalisateur du médiocre Sexe
entre amis (2011) n’aurait fait qu’offrir les rôles principaux à des AfroAméricainsetconfonduagitationet
chorégraphie… NC
-
Le Dernier Loup
(Wolf Totem)
Drame de Jean-Jacques Annaud
avec Shaofeng Feng, Shawn Dou
En 1967, un jeune étudiant pékinois est envoyé éduquer une
tribu de bergers nomades. Il a
naturellement plus à apprendre
qu’à enseigner. Il découvre la
réalité de la vie dans cette contrés infinie et hostile, ainsi que
la créature la plus crainte et la
plus vénérée des steppes: le
loup. Le mode de vie traditionnel, le lien quasi mystique de
l’homme et de la bête, l’avenir
même de la terre sont menacés
lorsque le gouvernement décide d’éradiquer les loups… Cinéaste engagé (La Victoire en
chantant, Coup de tête) puis réalisateur de l’impossible (La
Guerre du feu, Le Nom de la rose,
L’Amant), Jean-Jacques Annaud
a perdu la patte et les faveurs du
public avec Sept Ans au Tibet ou
Stalingrad, avant de signer d’indignes navets (Sa Majesté Minor,
Or noir). Il essaye de se refaire en
Chine, avec un film animalier,
genre dont il est coutumier
(L’Ours, Deux Frères). ADN
Slava Fetisov, ce documentaire retrace la domination soviétique en
matière de hockey sur glace pendant la Guerre froide. Red Army
montre comment le plus populaire des sports russes était bien
davantage qu’un jeu, un instrument de propagande – avec officier du KGB planté sur le bord de
la patinoire et menaçant d’envoyer en Sibérie les joueurs peu
motivés… «Fabuleux, prenant, significatif. Un documentaire sur le
sport pour ceux qui n’en ont rien
à foutre du sport», s’enthousiasme un critique de cinéma
américain. ADN
VV
Schweizer Helden
-
Red Army
Documentaire de Gabe Polsky.
A travers la figure du capitaine
Comédie de Peter Luisi
avec Esther Gemsch, Karim Rahoma,
Komi Mizrajim Togbonou, Newroz
Baz, Elvis Clausen, Klaus Wildbolz.
Pour se souvenir que Guillaume Tell
était un insoumis
PUBLICITÉ
29
Délaissée par sa famille aux moments des Fêtes, Sabine découvre
qu’il existe des solitudes supérieures à la sienne: celles des demandeurs d’asile qui, foule babélienne et bigarrée, s’entassent
dans une cabane de Club alpin. La
grande bourgeoise s’improvise
assistante sociale et monte avec
les déclassés une adaptation du
Guillaume Tell de Schiller… Né en
1975, Peter Luisi (Verflixt Verliebt,
Love Made Easy, Der Sandmann)
travaille depuis 2001 sur ce projet, inspiré d’une histoire vraie,
qui mêle le rire aux larmes. On se
marre de voir ces comédiens amateurs à peine germanophones se
frotter au symbole suprême de la
suissitude. Mais on ne rit plus trop
lorsque le black à dreadlocks, qui
tient le rôle de l’arbalétrier rebelle, est expulsé avant la représentation. Certes, Schweizer Helden manque un peu de
dynamisme, mais ce film recèle
davantage de finesses qu’on pourrait le croire. ADN
SORTIR
C
CINEMA
LE TEMPS | FÉVRIER 2015
COMÉDIE DRAMATIQUE
Les principaux films encore à l’affiche
Les ailes à peine
rognées
VVVV
Adieu au langage
Film d'art et essai
de Jean-Luc Godard
avec Héloïse Godet, Zoé Bruneau,
Kamel Abdelli, Richard Chevallier,
Roxy Miéville.
En matière de 3D, JLG plus fort
que ILM
FOX-WARNER
Avec «Birdman», Alejandro González Iñárritu propose
un aggiornamento finaud du mythe d’Icare
Michael Keaton, un acteur qui se souvient du temps où il était un super-héros.
Riggan Thomson (Michael Keaton) est un acteur hollywoodien au
bout du rouleau. Il a été célèbre, des décennies plus tôt, pour avoir
incarné Birdman dans des blockbusters. Aujourd’hui, il entend la
voix du super-héros désactivé et s’imagine possédant des dons de
télékinésie et de lévitation. Il essaye de se refaire à Broadway en
dirigeant l’adaptation scénique d’une nouvelle de Raymond Carver.
Lors d’une répétition, une lampe choit sur un acteur qu’il n’aime pas;
il en déduit qu’il a déterminé cet accident par la pensée…
Avec Guillermo del Toro (Pacific Rim) et Alfonso Cuaron (Gravity),
Alejandro González Iñárritu est un des «trois caballeros», ce trio de
réalisateurs mexicains devant lequel Hollywood s’incline. Après sa
«Death Trilogy» (Amores perros, 21 Grams et Babel), puis Biutiful, une
plongée dans les bas-fonds de Barcelone sur les traces d’un déclassé
mourant, le cinéaste aborde par le biais de l’ironie macabre le thème
ô combien américain du super-héros et cultive l’ambiguïté: Riggan
est-il juste fou ou a-t-il quand même des pouvoirs? Par ailleurs,
Iñárritu se permet un coup d’épate en donnant habilement l’impression que Birdman résulte d’un plan-séquence de deux heures… Non
sans malice, il confie le rôle de l’homme-oiseau cloué au sol à
Michael Keaton, qui a été Batman en 1989, devant la caméra de Tim
Burton. La critique américaine apprécie «la profondeur excentrique
de ce film qui incite le spectateur à regarder la magie de tous les jours
que nous tendons à ignorer, réprimer ou détester». Antoine Duplan
- Birdman, d’Alejandro González Iñárritu, avec Michael Keaton, Edward
Norton, Emma Stone, Zach Galifianakis, Andrea Riseborough, Naomi
Watts.
30
«Le propos est simple Une femme
mariée et un homme libre se rencontrent Ils s'aiment, se disputent,
les coups pleuvent Un chien erre
entre ville et campagne Les saisons passent…» C'est en ces termes que Jean-Luc Godard décrit
Adieu au langage. Résumé irréprochable. Un peu court, toutefois,
jeune homme. On pourrait rajouter bien des choses en somme, car
ce manifeste poétique s'organise
en deux thèmes, la Nature et la
Métaphore, et se consacre à l'appauvrissement de la culture littéraire et picturale. Mary Shelley y
fait une apparition, mais le rôle
principal est dévolu à Roxy Miéville. Le museau de ce corniaud
crève véritablement l'écran, puisque JLG s'essaye à la 3D, et ça dépote autrement dans son antre
d'alchimiste rollois que dans les
laboratoires futuristes de Hollywood. Une expérience intellectuelle et sensorielle inouïe! ADN
VV
Broken Land
Documentaire de Stéphanie Barbey
et Luc Peter.
Une film très éclairant sur la politique mexicaine des Etats-Unis
En Arizona, à l'ombre de l'immense barrière érigée pour contrôler l'immigration clandestine
venue du Mexique, quelques
Américains dévoilent comment la
frontière a affecté leurs vies…
L'Amérique réussit décidément à
nos documentaristes. Après The
Short Life of José Antonio Gutierrez
(Heidi Specogna), No More Smoke
Signals (Fanny Braüning) ou The
Marsdreamers (Richard Dindo),
c'est au tour du tandem lémanique Stéphanie Barbey/Luc Peter
(Magic Radio, sur le Niger) d'approfondir une question trop peu
traitée sur place: la frontière entre
Nord et Sud et sa porosité persistante, malgré l'érection d'un véritable mur de séparation. Bien
trouvés même s'il s'agit surtout
d'hommes dans la soixantaine, les
intervenants forment ensemble
une vision complexe de la question, tant économiquement que
politiquement et humainement.
Pourquoi la traque aux clandestins, le trafic de drogue et les milliers de morts chaque année? Sans
doute parce que cela arrange bien
certains… NC
VVV
Durak – The Fool
Comédie dramatique de Youri Bykov
avec Artem Bystrov, Boris Nevzorov,
Natalia Sourkova, Kirill Poloukine,
Daria Moroz, Youri Tsourilo.
Candide chez les Soviets!
Le plombier Nikitin découvre
qu'une cité-dortoir, lézardée des
fondations au toit, menace de s'effondrer. Au lieu de rentrer gentiment chez lui, il alerte les autorités.
Panique
dans
la
nomenklatura! Car les conseillers
municipaux sont tous plus pourris les uns que les autres. L'argent
des rénovations a été détourné, les
édiles se sont goinfrés. Bientôt, les
loups se mangent entre eux et la
vie du candide whistleblower ne
pèse plus lourd… En russe, durak
veut dire «idiot». Et l'idiot de la
fable, c'est bien Nikitin, le héros
malgré lui de ce film d'une drôlerie et d'une noirceur féroces, signé
par le réalisateur, scénariste et
compositeur Youri Bykov. ADN
VVV
Fidelio, l’odyssée
d’Alice
Drame psychologique
de Lucie Borleteau
avec Ariane Labed, Melvil Poupaud,
Anders Danielsen Lie, Pascal Tagnati,
Jean-Louis Coulloc’h, Bogdan Zamfir.
Une femme à la mer qui n'a nul
besoin d'un sauveteur!
Alice, 30 ans et mécanicienne dans
la marine marchande, délaisse son
amant norvégien pour embarquer
C
LE TEMPS | FÉVRIER 2015
SORTIR
CINEMA
sur le vieux cargo Fidelio où elle
retrouve, dans l'uniforme du capitaine, son premier grand amour.
Femme libre qui chérit la mer et
aime les hommes, elle cède à son
désir tout en enquêtant sur son
prédécesseur, mort dans des conditions mystérieuses en laissant
un journal intime… Premier longmétrage de la jeune Française Lucie Borleteau, Fidelio, l'odyssée
d'Alice a valu un Prix d'interprétation bien mérité à son interprète
principale Ariane Labed au dernier Festival de Locarno. Cette dernière s'y livre en effet corps et âme
pour incarner cette femme dans
un milieu d'hommes, magnifiquement indépendante et malgré
tout tiraillée entre deux amours.
Ce film, dont le titre ne s'inspire
pas par hasard de l'unique opéra
de Beethove,n devient une très
belle fable sur le genre (sexué) et le
conflit entre liberté et fidélité. Un
film de femme ambitieux et
abouti comme on n'en voit pas
tous les jours. NC
VVV
Foxcatcher
Drame de Bennett Miller
avec Steve Carell, Channing Tatum,
Mark Ruffalo, Vanessa Redgrave,
Sienna Miller, Anthony Michael Hall,
Guy Boyd, Brett Rice.
Incroyable performance de Steve
Carell derrière son faux nez
Le lutteur Mark Schultz (Channing Tatum) a décroché la médaille d'or aux Jeux olympiques,
mais n'a pas su faire fructifier sa
gloire. John du Pont (le comique
Steve Carell, méconnaissable et
très inquiétant à contre-emploi),
l'une des plus grosses fortunes des
Etats-Unis, lui offre de venir s'entraîner en son domaine de Foxcatcher. Ebloui par le luxe et le discours de ce mécène, Mark accepte.
Mais, rejeton dégénéré d'une aristocratie cruelle, ce coach tombé
de nulle part est un vrai sociopathe, les frères Schultz l'apprendront à leurs dépens. Bennett
Miller signait un chef-d'œuvre
avec son premier film, Truman Capote. Dans Le Stratège, le cinéaste
new-yorkais s'est intéressé au base-ball sous l'angle économique. Il
reste dans le domaine du sport
avec Foxcatcher, basé sur un fait
divers qui a défrayé la chronique à
la fin des années 90: l'assassinat
d'un champion de lutte par un
milliardaire ornithologue, philatéliste, philanthrope et patriote. ADN
VVV
La Rançon
de la gloire
Comédie dramatique
de Xavier Beauvois
avec Benoît Poelvoorde, Roschdy
Zem, Séli Gmach, Nadine Labaki,
Chiara Mastroianni, Peter Coyote,
Xavier Maly, Marilyne Canto.
L'accord chaplinesque du rire et
des larmes
Le jour de Noël 1977, Charlie Chaplin décède à Vevey. Un gag macabre vient tempérer la tristesse
mondiale suscitée par la disparition du génial comique: deux minus dérobent le cercueil du défunt
et demandent une rançon à la famille… Réalisateur remarquable,
Xavier Beauvois est l'auteur de
quelques drames bouleversants
(N'oublie pas que tu vas mourir, Le
Petit Lieutenant, Des Hommes et des
Dieux). Cette fois, il s'inspire du
fait divers veveysan pour créer un
mélodrame doux-amer qui,
s'émancipant des soucis de véracité historique pour mieux rendre
hommage à Charlot et au cinéma.
Porté par une partition étincelante de Michel Legrand (82 ans!),
La Rançon de la gloire témoigne
d'une grande charité envers les
plus humbles des malfrats. De
leur côté, Benoît Poelvoorde et
Roschdy Zem forment un magnifique duo de voleurs de cadavres,
à la fois minables et terriblement
humains. ADN
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INVITATIONS
EXCLUSIVES
GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE
Iphigénie en Tauride
Tragédie en 4 actes
Christoph Willibald Gluck
Mercredi 4 février 2015 à 19h30
(Code 15)
PORGY & BESS
American folk opera en 3 actes
Accueil du New York Harlem Theater
George Gershwin
Dubose et Dorothy Heyward & Ira
Gershwin
Vendredi 20 février 2015 à 19h30
(Code 16)
Privilèges réservés aux abonnés
du Temps. Pour gagner deux
invitations, vous pouvez participer:
Par téléphone
(CHF 1.–/appel depuis une ligne fixe)
1. Appelez le 0901 001 003 et tapez le code
du concours
2. Suivez les instructions
Par SMS (CHF 1.–/SMS)
1. Tapez LTCONCOURS et le code
du concours
2. Envoyez le message au numéro 959
Par courrier
Envoyez une carte postale avec coordonnées
(nom, prénom, adresse, tél., code du concours) à:
Le Temps Concours
Case postale 2570 - 1211 Genève 2
Cette offre est valable jusqu’au
lundi 26 janvier à minuit.
Seuls les gagnants du tirage au sort sont avisés par courrier.
31
SORTIR
VVV
Loin des hommes
Drame de David Oelhoffen
avec Viggo Mortensen, Reda Kateb,
Djemel Barek, Vincent Martin,
Nicolas Giraud, Yann Goven,
Sonia Amori, Angela Molina.
Un superbe «western philosophique» algérien d'après Camus
Algérie, 1954. Au cœur d'un hiver
glacial, Daru, un instituteur français d'origine espagnole qui
s'était retiré du monde, se retrouve obligé d'escorter au tribunal le plus proche l'Arabe Mohamed, coupable du meurtre d'un
cousin. Poursuivis par des villageois réclamant la loi du sang et
par des colons revanchards, les
deux hommes passent par les crêtes de l'Atlas algérien et se retrouvent en plein conflit armé…
Bonne surprise française de la dernière Mostra de Venise, le
deuxième long-métrage de David
Oelhoffen est une libre adapta-
C
CINEMA
tion d'une nouvelle d'Albert Camus: L'Hôte. Traité comme une
sorte de western philosophique,
le film reflète bien la morale camusienne où l'homme se révèle
par ses choix et ses actes, même s'il
opte pour une autre fin. Sur une
excellente musique signée par le
tandem Nick Cave-Warren Ellis, le
face-à-face entre le grand polyglotte Viggo Mortensen et la valeur montante Reda Kateb emporte le morceau. NC
VV
Les Nouveaux
Sauvages
(Relatos salvajes)
Comédie de Damián Szífron
avec Dario Grandinetti, María
Marull, Julieta Zylberberg, César
Bordón, Rita Cortese, Leonardo
Sbaraglia, Walter Donado, Ricardo
Darín, Oscar Martínez, Maria
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LE TEMPS | FÉVRIER 2015
Onetto, Osmar Núñez, Alan Daicz,
Erica Rivas, Diego Gentile.
Un formidable défouloir venu
d’Argentine
VVV
Six «contes sauvages» composent
le menu de ce all-stars argentin.
Les passagers d'un avion découvrent qu'un fou est aux commandes. La cuisinière d'un restauroute
assaisonne un plat du jour de
mort-aux-rats. Deux automobilistes se livrent un duel à mort. Un
spécialiste des explosifs se venge
de la fourrière de Bueños Aires. Un
riche homme d'affaires est prêt à
n'importe quelle compromission
pour éviter l'inculpation de son
fils. Et une fête de mariage tourne
au vinaigre… Venu de la télévision, Damián Szifron se réfère naturellement aux films à sketches
italiens des années 60-70, Les
Monstres et autres délicates mécaniques d'humour noir et d'anticonformisme. Le rire libérateur
avoisine le malaise existentiel au
gré des histoires. ADN
Comédie dramatique
d'Uberto Pasolini
avec Eddie Marsan, Joanne Froggatt,
Karen Drury, Andrew Buchan.
Un petit film attachant avec un
grand Eddie Marsan
Une Belle Fin
(Still Life)
Employé des pompes funèbres
municipales dans une banlieue au
sud de Londres, John May a pour
mission de retrouver les proches
des personnes décédées sans famille connue. Mais malgré sa
bonne volonté, il se retrouve le
plus souvent seul à leurs obsèques. Lorsque son nouveau patron le licencie dans un plan de
rationalisation, John décide de redoubler d'efforts pour un dernier
cas qui pourrait bien changer son
existence… Producteur (Palookaville, The Full Monty)d'origine italienne établi en Angleterre,
Uberto Pasolini s'était essayé à la
réalisation avec l'amusante comédie sociale Sri Lanka National Handball Team (Machan, 2008). Le voici
qui récidive avec une fable sociale
tout aussi aimable, qui se penche
sur la solitude, l'aliénation et la
mort dans notre société moderne.
Pas de quoi faire un tabac, peutêtre, mais une vraie réussite qui
s'insinue profondément en vous.
En petit fonctionnaire gris qui gagne en couleurs, Eddie Marsan
(Happy-Go-Lucky, Tyrannosaur)est
irrésistible dans un rare rôle principal. NC
VVV
Une Merveilleuse
Histoire du temps
(The Theory of Everything)
Biopic de James Marsh
avec Eddie Redmayne, Felicity Jones,
Charlie Cox, David Thewlis, Simon
McBurney, Emily Watson, Maxine
Peake, Harry Lloyd, Christian McKay.
Stephen Hawking inspire un biopic
de rêve, intelligent et bouleversant
1963, Stephen Hawking, brillant
étudiant en physique à l'Université de Cambridge, cherche déjà
une réponse au mystère de la création de l'univers quand il tombe
amoureux d'une étudiante en lettres, Jane Wilde. Mais le jeune
32
C
LE TEMPS | FÉVRIER 2015
SORTIR
CINEMA
homme se heurte à un diagnostic
implacable: une dystrophie neuromusculaire va s'attaquer à ses
membres, sa motricité et son élocution. Avec Jane, qui l'épouse
contre toute attente, il se lance
alors dans un combat perdu
d'avance… Après le documentaire
Une Brève Histoire du temps (Errol
Morris, 1991) et le téléfilm Hawking (Phillip Martin, 2004), il
n'était plus qu'une question de
temps jusqu'à ce qu'un grand biopic de l'extraordinaire Stephen
Hawking voie le jour. C'est chose
faite avec ce film qui adapte les
mémoires de son ex-épouse Jane.
Entre les mains de l'excellent James Marsh (Man on Wire, Shadow
Dancer), ce qui aurait pu devenir
un bête mélo devient une superbe
méditation sur le temps inexorable et nos rêves que pour y échapper, qu'ils s'appellent science, foi
ou amour. Avec deux performances majeures de la part d'Eddie
Redmayne et de Felicity Jones,
nommés aux Oscars. NC
VVV
Whiplash
Drame psychologique
de Damien Chazelle
avec Miles Teller, J.K. Simmons,
Paul Reiser, Melissa Benoist, Austin
Stowell, Nate Lang, Chris Mulkey.
Un récit initiatique qui envisage
la musique comme une guerre
Andrew, 19 ans, rêve de devenir
l'un des meilleurs batteurs de jazz
de sa génération. Mais la concurrence est rude au Conservatoire de
Manhattan où il s'entraîne avec
acharnement. Alors que son objectif est d'intégrer l'orchestre dirigé par Terence Fletcher, un professeur féroce et intraitable, celuici le repère enfin et Andrew se
lance, sous sa direction, dans la
quête de l'excellence… Grand Prix
aux Festivals de Sundance et de
Deauville, montré à la Quinzaine
des réalisateurs de Cannes, Whiplash serait donc la nouvelle merveille du cinéma indépendant
américain. Lui-même musicien de
jazz, le jeune Damien Chazelle
(déjà remarqué pour son film de
fin d'études Guy and Madeline on a
Park Bench) sait apparemment de
quoi il parle. Tous les critiques
n'ont pourtant pas goûté à ce rapport sadomaso entre maître et
élève qui approcherait le film musical comme Full Metal Jacket de
Kubrick le film de guerre! NC
VV
Wild
Drame psychologique
de Jean-Marc Vallée
avec Reese Witherspoon, Laura
Dern, Thomas Sadoski, Michiel
Huisman, Gaby Hoffman, W. Earl
Brown, Kevin Rankin, Cliff De Young.
Un bel éloge de la marche,
discrètement féministe
Suite à la mort prématurée de sa
mère d’un cancer, Cheryl Strayed a
perdu pied. Après une descente
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33
aux enfers qui s’est soldée par son
divorce, elle cherche à se reconstruire. En 1995, elle se lance dans
une longue randonnée en solitaire à travers l’Ouest américain,
du désert du Mojave à l’Etat de
Washington… Ce film, inspiré par
un livre publié en 2012, s’inscrit
clairement dans la lignée de Into
the Wild (Sean Penn). Voulu par
l’actrice Reese Witherspoon (Walk
the Line, Water for Elephants), il réunit du beau monde, avec l’Anglais
Nick Hornby (High Fidelity, About a
Boy) au scénario et le Canadien
Jean-Marc Vallée (C.R.A.Z.Y, Dallas
Buyers Club) à la réalisation. Le résultat s’avère prenant, avec une comédienne très «nature» qui n’a
pas volé sa nomination à l’Oscar et
les paysages à couper le souffle de
cette «piste des crêtes Pacifique».
Mais aussi grâce à un habile travail de montage et de mixage qui
ajoute une dimension mentale à
cette marche solitaire, en évoquant le passé traumatisant de
l’héroïne! NC
Opéra
«Porgy and Bess»
Le Grand Théâtre de Genève a une intense actualité.
Outre «Iphigénie en Tauride» de Gluck, la maison lyrique
met à l’affiche le fameux opéra de Gershwin qui flirte
avec la comédie musicale, porté par une équipe de
chanteurs venue du New York Harlem Theater.
Opéra
Classique
Le choc Verdi
Titan du clavier
Ravissante et douée, la soprano
russe Olga Peretyatko fait ses
débuts en Violetta à l’Opéra de
Lausanne. «La Traviata» dépeint
le destin d’une jeune courtisane
frappée de phtisie à Paris.
Après son concert à Genève,
Grigory Sokolov fait une escale
à La Chaux-de-Fonds pour un
récital dans la Salle de musique.
Comme toujours, le pianiste
russe ne laisse pas indifférent.
Rock
Electro
L’art du forgeron Grand froid
LUCIANO ROMANO
Le duo alémanique Sum of R
se spécialise dans un post-rock
faussement primitif,
et éminemment hypnotique.
Kangding Ray, protégé français
du label Raster-Noton, propose
une techno architecturale
fourmillant de volutes.
M
MUSIQUE
NOS PRÉFÉRENCES
SORTIR
M
MUSIQUE
LE TEMPS | FÉVRIER 2015
OPÉRA
«Iphigénie en Tauride», le grand retour
GTG/CAROLE PARODI
Après trente-sept ans d’absence, l’opéra de Christoph Willibald Gluck revient sur la scène genevoise dans une production maison
Anna Caterina Antonacci (Iphigénie) en répétition.
classique
Genève
Charles Dutoit
et Nelson Freire
à l’OSR
Victoria Hall, rue du Général-Dufour
14. Je 5, ve 6 février à 20h.
(Loc. 022 807 00 00, www.osr.ch).
Deux grandes figures pour deux
soirées d'exception très attendues
Un rendez-vous avec eux, c'est la
promesse de moments intenses.
Dans l'éclat comme dans la douceur. Charles Dutoit et Nelson
Freire reviennent régulièrement à
Genève, comme à un port d'attache. On ne peut que se réjouir de
cette fidélité. Cette fois, le programme marie élégamment la variété des caractères. Celui de Chopin offrira, sous les doigts du
pianiste brésilien, des nuances
contrastées, mais il livrera surtout
le fond d'une âme et d'un cœur débordant d'affections. Le 2e Concerto occupera le centre de la soirée, entre Ibéria de Debussy, Le
Chant du rossignol de Stravinski et
la 2e Suite de Daphnis et Chloé de
Ravel, que l'OSR éclairera sous la
baguette du grand chef suisse. De
la beauté à tous les niveaux. SBO
L’OCG accueille
Hervé Niquet
BFM, pl. des Volontaires 2. Ma 17
février à 20h. (Loc. 022 807 17 90,
www.locg.ch).
36
Il y a des ouvrages qui résistent. Au temps, mais aussi à la fréquence.
Comme s'il fallait de longues périodes d'absence pour retrouver le
plaisir de leur fréquentation. Iphigénie en Tauride, de Christoph Willibald Gluck, fait partie du lot. L'œuvre n'est plus apparue sur la scène du
Grand Théâtre depuis 1978 où le chef Raymond Leppard, le metteur en
scène Erhard Fischer et le décorateur Roland Aeschlimann étaient réunis autour de la partition de Gluck sur le livret de Nicolas-François
Guillard. Yachel Yakar chantait le rôle-titre. Presque quarante ans de
silence…
Pourtant, Iphigénie en Tauride connut, après sa création en 1779, un
succès enviable. On n'imagine pas aujourd'hui qu'un ouvrage lyrique
puisse occuper les esprits jusqu'au sommet de l'Etat. A l'époque, c'est
avec passion que la naissance de l'opéra fut suivie, soulevant des disputes entre partisans de Piccini et de Gluck. Marie-Antoinette vient en
personne, le 18 mai, pour sa création à l'Académie royale de musique.
En un demi-siècle, l'œuvre fut représentée plus de 400 fois. Puis elle
connut de nombreuses productions internationales et fut traduite en
allemand et en italien. C'est dire que le sujet, issu des Atrides d'après
Euripide, a su séduire le monde.
Iphigénie en Tauride sera repris à Genève dans une mise en scène de
Lukas Hemleb et des décors d'Alexander Polzin, avec Hartmut Haenchen à la baguette. Pour faire la nique à la querelle entre les styles
musicaux nationaux d'alors, deux grandes voix se partageront le rôle-titre: l'Italienne Anna Caterina Antonacci et la Française Mireille Delunsch. De belles promesses vocales. Sylvie Bonier
Deux grandes voix pour un grand rôle, dans un ouvrage rare:
la «redécouverte» de l’opéra de Gluck s’annonce bien
Genève. Grand Théâtre, pl. de Neuve.
Ma 27, je 29, sa 31 janvier, lu 2, me 4 février à 19h30.
(Loc. 022 322 50 50, www.geneveopera.ch).
Le chef tire les fils d’un programme
original avec marionnettes
chestre de Juan Crisóstomo de Arriaga. Vous avez dit original? SBO
Hervé Niquet s'est fait connaître
dans le domaine baroque avec son
célèbre ensemble du Concert spirituel. Mais son amour de
l'authenticité n'a pas de frontières. Le chef français explore le répertoire bien au-delà de la sphère
ancienne. Et sa curiosité musicale
dépasse largement les limites des
territoires et des genres. Son passage à Genève à la tête de l'OCG en
témoigne: il défend un joli projet
avec la compagnie de marionnettes Bambalina, autour du Retable
de Maître Pierre de Manuel de
Falla. La mezzo-soprano Solenn'
Lavanant Linke, le ténor Mathias
Vidal et le baryton Marc Labonnette seront de l'aventure, entre
l'«Ouverture» de Don Giovanni, la
Suite de Don Quichotte de Telemann, et la Symphonie à grand or-
Les élans
romantiques
de Trifonov
Victoria Hall, rue du Général-Dufour
14. Lu 16 février à 20h.
(Loc. 022 319 61 11,
www.culturel-migros-geneve.ch).
Un poète du piano dans les deux
très beaux «Concertos» de Chopin
Le jeune pianiste russe Daniil Trifonov mène une tournée helvétique avec la Kremerata Baltica. Il a
choisi les deux Concertos de Chopin, qu'il interprète dans un arrangement de Yevgeniy Sharlat pour
piano et orchestre à cordes. Depuis
qu'il s'est distingué dans trois concours (3e Prix du Concours Chopin
à Varsovie, 1er Prix du Concours
M
LE TEMPS | FÉVRIER 2015
SORTIR
MUSIQUE
Arthur Rubinstein de Tel-Aviv et
1er Prix du Concours Tchaïkovski
de Moscou), le pianiste est rapidement devenu célèbre. S'il lui arrive
d'être excessif dans les élans virtuoses, il possède une vraie fibre
poétique reposant sur une riche
palette de couleurs. La Kremerata
Baltica joue par ailleurs la Chaconne pour orchestre à cordes de
Penderecki, sous-titrée «In memoria Giovanni Paolo II» (comme
hommage au regretté pape Jean
Paul II), et Trois Pièces dans un style
ancien de Gorecki. JS
Mélodie Zhao
et «Le Fleuve jaune»
Victoria Hall, rue du Général-Dufour
14. Ma 27 janvier à 20h.
(Loc. 022 319 61 11,
www.culturel-migros-geneve.ch).
La pianiste sino-suisse dans
un concerto aux emportements
virtuoses
Après son intégrale des 32 sonates
de Beethoven enregistrée pour la
firme Claves (un vrai défi à un si
jeune âge), la pianiste sino-suisse
de 20 ans Mélodie Zhao se produit
avec l'Orchestre symphonique de
Guangzhou. Elle joue le Concerto
pour piano «Le Fleuve jaune», un arrangement d'une cantate intitulée
Le Fleuve jaune écrite par Xian Xinghai (1905-1945). Ce compositeur,
qui s'est perfectionné en France
auprès de Paul Dukas et de Vincent
d'Indy, s'est servi de la musique
comme arme de protestation dans
les années 1930. «A l'origine, il
s'agissait d'une cantate dont les paroles invitaient les Chinois à se rebeller contre l'occupant japonais,
explique Mélodie Zhao, dans une
interview accordée au Migros Magazine. L'œuvre a ensuite été transposée en concerto pour piano et orchestre. Plusieurs compositeurs ont
travaillé sur le projet, apportant
chacun différents éléments rappelant Rachmaninov, Liszt ou Chopin.» Le chef Lin Daye dirige par
ailleurs la «Folk Song Suite» de Guo
Wenjing et la belle 5e Symphonie en
mi mineur de Tchaïkovski. JS
Natalie Dessay
et Laurent Naouri
Grand Théâtre, pl. de Neuve. Me
28 janvier à 19h30. (Loc. 022
322 50 50, www.geneveopera.ch).
Florilège d’airs par le célèbre couple,
en français dans le texte
On a beau savoir que la soirée est
complète, on espère que ceux qui
ne pourront pas se rendre au récital de Natalie Dessay et Laurent
Naouri sauront s'annoncer pour
échanger leur place. Car le couple
de chanteurs propose un programme 100% français à la hau-
teur de leur talent: éclatant. Accompagnés au piano par Maciej
Pikulski, le duo délivrera un très
généreux florilège d'une trentaine
d'airs. Fauré, Duparc, Poulenc, Délibes et Widor se partagent l'affichent, sur des textes qui puisent
aux sources de la grande littérature: Baudelaire, Hugo, Verlaine,
Apollinaire, Valéry ou de Vilmorin… L'esprit, la poésie et la délicatesse mélodique seront plus que
bien servis! SBO
Sur les pas
enneigés
de Schubert
du Voyage d'hiver de Schubert, non
pas dans la version originale avec
piano, mais dans un arrangement
pour ténor, accordéon et quintette
à vents. Une première genevoise
donnée dans le cadre des Swiss
Chamber Concerts. Viviane Chassot (accordéon), Felix Renggli
(flûte), Emmanuel Abbühl (hautbois), François Benda (clarinette),
Diego Chenna (basson) et Christian Lampert (cor) l'accompagnent dans cette œuvre parmi les
plus poignantes de Schubert. JS
Un champion de la
musique française
Studio Ernest-Ansermet, passage
de la Radio 2. Sa 31 janvier à 20h.
(Loc. 022 737 09 34,
www.scc-concerts.ch).
Julian Prégardien dans le sublime
cycle du «Voyage d'hiver»
Comme son père Christoph Prégardien, Julian Prégardien mène
lui aussi une carrière de ténor. Actif dans le répertoire baroque
comme dans l'opéra et le lied, il
possède une belle voix lumineuse,
chaude et expressive. Julian Prégardien a signé un disque de lieder chez Myrios Classics. Avec son
père, il vient d'enregistrer un album de duos intitulé Vater und
Sohn, paru chez Challenge Classics.
Le voici qui aborde le grand cycle
PUBLICITÉ
RENDEZ-VOUS 2015
MARCHÉ
DE L’ART
DEUXIÈME JEUDI DU MOIS
12 février, 12 mars, 9 avril, 7 mai,
11 juin, 3 septembre, 8 octobre,
12 novembre, 10 décembre
Pour votre publicité, Le Temps:
Tél. Genève +41 22 888 59 00
Tél. Zurich +41 44 213 17 88
www.letemps.ch/pub - [email protected]
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Victoria Hall, rue du Général-Dufour
14. Me 18 février à 20h.
(Loc. 021 345 00 25, www.ocl.ch).
Des œuvres rares servies
par Bertrand de Billy et l'OCL
Premier chef invité de l'Orchestre
de chambre de Lausanne, Bertrand
de Billy a choisi des œuvres françaises pour ses prochains concerts
avec l'OCL. Dans Masques et Bergamasques, Fauré rend hommage aux
fêtes galantes du XVIIIe siècle. Les
Trois Petites Liturgies de la présence
divine d'Olivier Messiaen, pour
chœur de femmes, piano, ondes
Martenot et orchestre sans vents,
s'appuient sur un poème du compositeur lui-même. Cette œuvre en
trois mouvements évoque la pré-
SORTIR
sence de Dieu, en lui-même, en
nous et en toutes choses. Une musique céleste servie par Bertrand
de Billy et la Maîtrise de Radio
France. Au cœur de ce programme,
Sarah Louvion (flûte) et Letizia Belmondo (harpe) interprètent le
Concerto pour flûte et harpe en ut
majeur de Mozart composé pendant son séjour à Paris en 1778
pour le duc de Guines, bon flûtiste
amateur qui aimait jouer en compagnie de sa fille harpiste. JS
La Chaux-de-Fonds
Un flûtiste et un
monstre du clavier
Salle de musique, av. Léopold-Robert 27-29. Di 25 janvier à 17h,
sa 7 février à 20h.
(Loc. 032 967 60 50,
musiquecdf.ch)
Emmanuel Pahud et Grigory Sokolov
à la mythique Salle de musique
M
MUSIQUE
Emmanuel Pahud est le plus
grand flûtiste de sa génération.
Accompagné par François-Xavier
Roth et l’Orchestre symphonique
de la SWR de Baden-Baden et Fribourg-en-Brisgau, il joue le Concerto N° 1 en sol majeur, KV 313, de
Mozart et «Originel» de Explosante
de Boulez. La Grande Fugue et la
Symphonie N° 4 de Beethoven complètent ce programme (di 25 février à 17h). Quant à Grigory Sokolov, le pianiste est une sorte
d’ovni. Rien que sa corpulence en
impose, alors qu’il mêle puissance
et délicatesse. Son récital en décembre dernier au Victoria Hall de
Genève a donné un bel aperçu de
son art. Dans la 1re Partita de Bach
comme la 7e Sonate de Beethoven,
il a fait ressortir admirablement
les lignes polyphoniques. Certes,
la 3e Sonate de Chopin (presque
beethovénienne dans sa conception) manquait un peu d’ivresse.
Mais que l’on adhère ou non à ses
partis pris, Sokolov impressionne
toujours. JS
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LE TEMPS | FÉVRIER 2015
La Chaux-de-Fonds
et Genève
Musique
et peinture
La Chaux-de-Fonds. Salle de
musique, av. Léopold-Robert 27-29.
Di 1er février à 17h. (Loc. 032 967 60
50 www.musiquedeslumieres.ch).
Genève. Salle Frank Martin, rue de
la Vallée 3. Je 5 février à 20h.
(Loc. 022 319 61 11).
Des œuvres suisses par une
violoncelliste valaisanne qui monte
Le chef d’origine argentine Facundo Agudin, la violoncelliste
valaisanne Estelle Revaz et l’orchestre Musique des Lumières
proposent un programme qui
sort des sentiers battus. Ils créent
le Concerto pour violoncelle et orchestre «Pitture» du compositeur
bâlois Andreas Pflüger (né en
1941). Chacun des sept mouvements s’inspire d’un tableau. Les
peintres choisis (Felice Filippini,
Böcklin, Adolf Wölfli, Segantini,
Karl Pflüger Gotstein, Klee, Soutter) sont Suisses et issus des quatre
régions linguistiques du pays. Estelle Revaz joue par ailleurs la
Rhapsodie Hébraïque «Schelomo»
d’Ernest Bloch. Facundo Agudin
dirige encore Quatre Poèmes symphoniques d’après Arnold Böcklin
de Max Reger, une œuvre qui fait
également le pont entre musique
et peinture. JS
Lausanne
L’ensorceleuse
Olga Peretyatko
Opéra de Lausanne, av. du Théâtre
12. Ve 6 à 20h, di 8 à 17h, me 11 à
19h, ve 13 à 20h, di 15 février à 15h.
(Loc. 021 315 40 20,
www.opera-lausanne.ch).
La brillante soprano colorature russe
fait ses débuts en Violetta
M
LE TEMPS | FÉVRIER 2015
SORTIR
MUSIQUE
Depuis un fameux Rossignol de
Stravinski donné en 2010 au Festival d'Aix-en-Provence, magnifié
par les brumes, les eaux réfléchissantes et les marionnettes orientales du metteur en scène Robert Lepage, Olga Peretyatko est devenue
une des figures recherchées du
monde de l'opéra. Sa voix possède
la rondeur et le charme d'une tessiture lyrique, tout en offrant, dans
l'extrême aigu, les scintillements
d'une colorature. La soprano russe
est attendue dans sa prise de rôle
en Violetta, à l'Opéra de Lausanne.
Le jeune ténor Isamel Jordi, élève
d'Alfredo Kraus, et le barytonbasse Roberto Frontali complètent
le trio vocal dans l'irrésistible Traviata de Verdi. Vanessa d'Ayral de
Sérignac réalise une mise en scène
signée Jean-Louis Grinda, sous la
baguette du chef italien Corrado
Rovaris. JS
Ce quatuor à cordes s'était
jusqu'ici beaucoup investi à sertir
les productions des autres. Mais
l'émancipation est bonne conseillère: après un premier album
sui generis en 2012 (La Poule au pot
moléculaire, Two Gentlemen), premier coup de maître alliant l'expérimentation la plus pure à des
blues presque infusés chez Tom
Waits, Laurence Crevoisier, Sara
Oswald, Annick Rody et Camille
Stoll emmènent plus loin encore
avec Polysomnographie (toujours
chez Two Gentlemen), d'une teinte
davantage neoclassical mais pas
moins prenante. Le vernissage lausannois sera l'occasion de juger
sur pièces. PS
actuelles
Cave 12, rue de la Prairie 4. Di 25
janvier à 21h. (Loc. www.cave12.org).
Thérapie par le bruit
Schwarz
Le Romandie, pl. de l'Europe 1a.
Sa 24 janvier à 22h.
(Loc. www.petzitickets.ch).
La dignité de l'obscur
C'est un vent sombre, mais frais: les
Jurassiens de Schwarz propulsent
un premier album dans une sphère
stylistique risquée, qu'il est convenu aujourd'hui de nommer dark
pop. Risquée, car le genre, en conviant les contraires qui lui donnent
son nom, peut tout autant se résumer à un alliage boiteux qu'à des
clichés laborieusement enquillés
sur la désespérance adolescente.
Rien de tout cela ici: ce premier album éponyme, sorti chez Hummus, est une merveille de cohérence, de sobriété et d'intelligence.
On a rarement vu côté sombre
traité avec autant de dignité. PS
Berne
Barbouze
de chez Fior
Turnhalle, Speichergasse 4.
Di 15 février à 15h30.
(Loc. www.petzitickets.ch).
Cordes de tête
«Porgy and Bess»
en direct
de Harlem
Le grand succès de Gershwin apparaît pour la première fois
à Genève dans une production new-yorkaise
Genève
My Daily Noise
Bombardement sonore en perspective: Kasper T. Toeplitz et Daniel
Buess unissent leurs arsenaux
(basse pour le premier, percussions pour le second, traitements
électroniques pour tous les deux)
dans une improvisation dont l'étiquette (My Daily Noise) ne laisse
que peu de doutes sur la violence
de l'assaut. Cela étant, le pedigree
des deux intervenants interdit de
voir dans l'expérience quelque
chose qui tiendrait du grand n'importe quoi: non, on est là dans une
étude profonde et intelligente du
bruit, de ses valeurs et de ses effets.
Mais il sera tout de même bienvenu de se munir de tampons. PS
Lausanne
James Blackshaw
Le Bourg, rue de Bourg 51.
Me 4 février à 20h30.
(Loc. www.petzitickets.ch).
La guitare aux émotions véloces
C'est un génie trentenaire de la
douze cordes, un digne épigone
du fingerpicking à la John Fahey.
D'une esthétique peut-être plus
unanimement mélancolique que
celle de sa figure tutélaire, James
Blackshaw reste un incroyable
conteur mélodique: un doigté
cristallin, une exécution millimétrée… et une ouverture d'esprit
LUCIANO ROMANO
Lausanne
OPÉRA
The Gershwins au New York Harlem Theater sous la direction artistique
de William Barkhymer.
Décidément, le mois de février lyrique sera rare, à Genève. Après
Iphigénie, Porgy and Bess débarque à la place de Neuve. A la limite
de la comédie musicale, le «folk opéra américain» de George
Gershwin fera le bonheur des amateurs du genre, car il n'avait
encore jamais franchi les portes du Grand Théâtre. L'erreur sera
réparée dès le 14 du mois prochain, pour onze représentations. La
scène genevoise entend bien séduire son public traditionnel, mais
aussi les classes de jeunes et d'étudiants qui auront droit à un
quota de places à 30 francs seulement pour assister au spectacle,
sur présentation d'un justificatif.
Si tout le monde connaît la fameuse berceuse «Summertime»,
reprise par tous les grands chanteurs et musiciens, jusque dans des
versions jazz ou rock (inoubliable Janis Joplin!…), les spectateurs
de tous âges seront heureux de découvrir une production venue
directement du New York Harlem Theater. Initialement créée dans
la Big Apple en 1935 à l'Alvin Theater, Porgy and Bess représente la
quintessence de la musique américaine des années 30, qui puise
aux sources métissées du negro-spiritual, du blues et des work
songs, assimilées au langage européen traditionnel et au jazz. Le
compositeur des fameux Rhapsody in blue et An American in Paris
signe, avec Porgy and Bess, un bel hommage à l'Amérique noire. Des
racines et des notes… Sylvie Bonier
«Summertime, and the living is easy» va venir s’incruster à onze reprises
dans les têtes et les cœurs. Réjouissances
Genève. Grand Théâtre, pl. de Neuve.
Sa 14 à 19h30, di 15 à 15h et 19h30, lu 16, me 18, je 19, ve 20, sa 21, di 22,
lu 23, ma 24 février à 19h30.
(Loc. 022 322 50 50, www.geneveopera.ch).
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SORTIR
M
MUSIQUE
LE TEMPS | FÉVRIER 2015
FESTIVAL
Diagonales Jazz, la Suisse se rêve en bleu
RETO ANDREOLI
Le festival présente dans toutes les régions du pays dix jeunes formations électrisantes
Bounce.
qui aura vu le guitariste anglais
collaborer au fil des années avec
des figures aussi hétéroclites que
celles de l'expérimentateur ambient Duane Pitre ou du pianiste de
l'extrême Lubomir Melnyk – talent
et polyvalence. PS
Emmenbrücke (LU)
Sum of R
Sedel, Sedelhof 2. Ve 30 janvier
à 21h. (Loc. www.petzitickets.ch).
Epiphanies du charbon
Formation à géométrie variable
centrée sur la personne de Reto
Mäder, Sum of R excelle dans une
forme de post-rock minimal, tribal
et sombre. Mais le primitivisme est
ici mis au service d'une poésie tranchée, extrêmement bien maîtrisée,
et cela même en configuration de
concert, où Mäder (associé actuellement à la guitariste Julia Valentina
Wolf) a pour habitude de laisser libre cours à la puissance d'improvisation que sa musique tient en elle.
On peut, pour un avant-goût, se re-
porter au dernier album du duo,
Lights on Water, publié l'an passé
par Utech Records. PS
Lausanne
Jarboe, Helen
Money, Alexander
Hacke & Danielle
de Picciotto
Le Bourg, rue de Bourg 51.
Je 19 février à 20h30.
(Loc. www.petzitickets.ch).
L’ensemble est supérieur
à la somme de ses parties
On a beau chercher, on ne trouve
pas encore de segment écoutable
de la collaboration annoncée entre Jarboe et Helen Money. Mais la
somme des individualités ici présentes ne laisse qu'augurer un
concert d'envergure, qui brasse
large dans l'histoire de l'avantgarde musicale de ces trente dernières années. On rappellera à
toutes fins utiles que Jarboe fut
40
Une Suisse rêvée, faite de musiques, de réseaux parallèles, de relève
glorieuse. Jusqu'au 15 février, nouvelle édition du festival Diagonales
Jazz: dix formations aventurières qui traversent les principaux clubs de
Suisse, de tous les côtés de la Sarine et au-delà. Comme ce quintet,
l'incroyable Akku, dont l'album est un défilé hypnotique qui conduit
d'un différent stade du sommeil à l'autre. Vraiment. Intelligence rythmique, long format sans concession, concept-album furieux, c'est l'un
des groupes helvétiques sur lesquels on veut compter. De même, l'un
des autres groupes invités, les Bernois de Bounce, rapidement repérés
pour la qualité de leurs solistes autant que leur vraie rock attitude
décomplexée.
Diagonales Jazz dit cela du jazz en Suisse: très peu de tradition,
aucun snobisme, la traque euphorique du bon son qui déborde. On ira
entendre le trio Heinz Herbert, élégante métamorphose des textures.
Les modernistes impeccables, très New Jazz, de Insidevening. Ou encore redécouvrir le saignant trio That Pork, Romands tout-terrain dont
la virtuosité ne cache jamais un réel esprit d'investigation. «Jazz is not
dead» parmi la jeune garde d'ici; Diagonales, à sa manière, lance des
ponts intérieurs qui font d'individus parfois isolés une scène.
Arnaud Robert
Une façon de ne pas voir les frontières en matière d’improvisation suisse,
mais les ponts
Divers lieux en Suisse. Diagonales Jazz. Jusqu’au 15 février.
(Loc. www.diagonales.ch).
l'une des fondatrices de Swans,
dont elle accompagna à la voix le
parcours jusqu'en 1998. Avec Helen Money (Alison Chesley de son
vrai nom), on a une tête chercheuse du violoncelle, ancienne
élève de Fred Frith, pionnière dans
les noces de son instrument et des
pédales de looping. Ajoutez à cela
que les deux grandes dames seront pour le coup accompagnées
d'Alexander Hacke, guitariste chez
Einstürzende Neubauten, et de
l'inclassable Danielle de Picciotto
(que l'on connaît entre autres
pour avoir lancé la première Love
Parade à Berlin en 1989), et vous
aurez tous les ingrédients d'un
melting-pot à haute valeur
d'étrangeté ajoutée. PS
Nyon
Kadebostany
Usine à Gaz, rue César-Soulier 1.
Sa 7 février à 21h30.
(Loc. www.petzitickets.ch).
Sous les décorations de guerre
d'un Etat fictif, le génie pop
Kadebostany déplace ses vestes
militaires, ses moustaches lustrées
et son pays de contrefaçon partout
où le vent de l'Est l'emporte. Prodige d'inventivité visuelle, de mythologie féconde (l'invention d'un
Etat oriental comme support à la
joute), manifeste de petites pop
songs bien vernies, Kadebostany
ébaubit par la variété de ses intentions, de ses modes de production
et par son renouvellement permanent. Des fanfares minées aux
hymnes de la télévision kadebostanienne, rien ne semble arrêter la
bonne marche de cette utopie née,
il faut un certain effort d'imagination pour s'en souvenir, du côté de
Genève. ARO
Fribourg
Harold Mabern
Trio
La Spirale, pl. du Petit-Saint-Jean 39.
Ve 30 janvier à 21h.
(Loc. www.starticket.ch).
Une âme forte de Memphis
M
LE TEMPS | FÉVRIER 2015
SORTIR
MUSIQUE
Farmsworth à la batterie, le maître
sudiste en appelle à des muses
qu'on croyait enfuies. ARO
LDD
Bâle
On ne cessera de célébrer la programmation tous horizons de La
Spirale à Fribourg. Goût du passé,
quête de nouvelles promesses, le
petit club touche juste. Comme
cette fois: revenir sur les pas du jazz.
Harold Mabern a presque 80 ans, il
est une âme de Memphis. On ne lui
fera pas l'affront de citer tous les
monuments américains qu'il a escaladés: Miles Davis, Sonny Rollins,
Cannonball Adderley ou Wes Montgomery, pour ne citer que les plus
saillants. Harold est un maître du
bop résistant, du trio d'école, des
standards labourés comme des
champs en friche. Avec John Webber à la contrebasse, mais aussi Joe
DJ Sprinkles
HeK, Freilager-Platz 9. Sa 7 février
à 23h. (Loc. www.hek.ch).
Résurgence profonde
On avait un peu perdu de vue Terre
Thaemlitz au cours des années:
soutien éminemment engagé de la
cause transgenre, juge de l'absence de politisation de la culture
électronique, l'artiste avait en son
nom propre fait les beaux jours,
dans les années 90, d'une ambient
plutôt altérée, intellectuelle et exigeante. Sous le nom de DJ Sprinkles, Terre Thaemlitz met l'accent
sur une forme de résurgence de la
deep house de la même époque,
avec un sens certain de l'ancrage
des basses. PS
Lausanne
Kowton
Kangding Ray
Le Bourg, rue de Bourg 51.
Ve 20 février à 23h.
(Loc. www.petzitickets.ch).
Triple carrefour électronique
Le Romandie, pl. de l'Europe 1a.
Ve 6 février à 22h.
(Loc. www.petzitickets.ch).
Danser, pierre après pierre
David Letellier est architecte, et
on ne peut s'empêcher de penser
que cette formation est pour
quelque chose dans son approche
de la musique. Le Français construit une electro en forme de cathédrale, imposante, mais dont
les niches et les alcôves renferment un fourmillement d'idées –
qui se retrouvent par ailleurs dans
une discographie éminemment
prolifique. Parfaitement à l'aise
au sein du label Raster-Noton
(qui a sorti l'année passée Solens
Arc, dernière production en date),
la poétique froide de Kangding
Ray cultive le paradoxe d'enflammer les âmes – certainement un
effet de l'amour igné. PS
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Lorsque, cramé par sa popularité
exponentielle, le dubstep s'est effiloché en tant que genre – il y a quelque cinq ou six années de cela –,
nombre de petits malins (aucune
animosité dans ce propos) ont
tenté de le revitaliser, qui en appuyant sur ses éléments de base à la
recherche d'un nouveau purisme,
qui en l'hybridant avec des styles
voisins. Parmi ces derniers, on
comptera Joe Cowton (alias Kowton), natif de Bristol et dont les productions (comme celles de ses affidés, qu'il contrôle au sein du label
Livity Sound) tentent une double
pollinisation croisée en direction
de l'épaisseur du dub et de la rythmique binaire propre à la techno.
Un succès, qui apporte un éclairage
solaire étonnamment bienvenu. PS
SORTIR
M
MUSIQUE
LE TEMPS | FÉVRIER 2015
FESTIVAL
Antigel, un coup de sirocco à Genève
La nouveauté, cette année? Une halle de 2000 m2 pour faire la fête
ROSA-FRANK.COM
Antigel, 5e! Comme de coutume, ce festival hivernal lié aux communes genevoises conjugue des projets originaux dans des lieux exotiques
(usine, patinoire, piscines…) avec une programmation danse et musique plus classique concoctée par Prisca Harsch et Eric Linder. Mais cette
année, une nouveauté s'ajoute encore à ce métissage vigoureux: Antigel
s'associe avec Motel Campo et La Gravière, deux lieux festifs bien connus
des Genevois, et investit à Pont-Rouge, au pied de la rampe qui mène à
Lancy, une immense halle en friche des CFF dans laquelle les trois
acteurs de la nuit aménagent un club electro d'une capacité de 2000
personnes. Waow. A l'affiche de ces nuits electro? Des grands noms
comme Kerri Chandler (ve 30 janv.) ou le collectif new-yorkais Body &
Soul (ve 6 fév.) Pour créer un espace plus intime dans cette halle de
2000 m2, les architectes genevois du Bureau A ont créé un cube géant à
partir de 2600 palettes de bois brut.
Côté programmation, on observe aussi un savant mélange entre des
pointures et des artistes plus confidentiels. En danse, par exemple,
Christian Rizzo, Raimund Hoghe et Yann Marussich partagent l'affiche
avec Lisbeth Gruwez et Daniel Hellmann. En musique, Eric Linder a eu le
bon goût d'appuyer sur les différents leviers à même d'assurer tout à la
fois la diversité et la solidité d'une programmation: genres, degrés de
notoriété, niveaux d'accessibilité. Cet équilibre repose sur l'association
de fondations légendaires (Mogwai, Pere Ubu, Tindersticks), d'une
escadrille de têtes chercheuses un brin plus confidentielles (Earth,
Pierre Bastien, Nisennenmondai, Lubomyr Melnyk) et de plusieurs
soirées consacrées au plaisir pur du clubbing (DJ Shadow & Cut Chemist, ou Stewart Walker). Sélection subjective ci-dessous.
Marie-Pierre Genecand, Philippe Simon
«An Evening with Judy», le nouveau solo de Raimund Hoghe.
Antigel, le festival qui dégèle
Genève. Antigel.
Jusqu’au 8 février.
(Loc. 022 901 13 00, www.antigel.ch).
Morceaux choisis de l’édition 2015
musique
Collonge-Bellerive (GE)
Chassol
L’épicentre, ch. de Mancy 61.
Sa 31 janvier à 20h30.
Un défricheur qui soigne aussi
bien le son que l’image
Il est d’une discrétion gourmande, dans son atelier charpenté de Paris d’où il filme ses
voisins pour en faire des films
musicaux. Christophe Chassol
synchronise depuis longtemps
des images qu’il a lui-même
tournées pour en faire des bandes originales aux airs électroacoustiques. Il était parti à La
Nouvelle-Orléans, il est retourné
en Inde. Son documentaire Indiamore,dont il interprète sur scène
les mélodies entêtantes, est un
poème puissant en hommage au
Gange, aux trafiqueurs de sitars,
aux danseurs du kathakali. Chassol invente sa forme, ni tout à
fait visuelle ni complètement
mélomane. Un monde de défrichage ludique et malin où se
fondent les correspondances rimées entre les arts. ARO
42
Genève
Dean Blunt
La Gravière, ch. de la Gravière 9.
Je 29 janvier à 21h30.
L'étrangeté pour repaire
C'est devenu la coqueluche de la
presse musicale underground (il a
fait une toute récente une de The
Wire, excusez du peu), et c'est amplement mérité: l'Anglais Dean
Blunt renverse les codes avec un irrespect réjouissant. Où est-on avec
lui? Nulle part et un peu partout –
certainement un héritage de ses
premières armes faites au sein du
très conceptuel duo Hype
Williams: quelques souvenirs hiphop déformés par une mémoire
piégée, une recherche de l'étrangeté signifiante et des voisinages
scandaleux. Son dernier album,
Black Metal (Rough Trade, 2014),
vaut pour manifeste. PS
Francisco López
Musée d'art et d'histoire, rue Charles-Galland 2. Sa 31 janvier à 19h.
Le son comme masses
On le présente souvent comme un
peintre sonore, mais on aurait
presque envie de lui préférer la mé-
M
LE TEMPS | FÉVRIER 2015
SORTIR
MUSIQUE
Erik Truffaz
Quartet & Gregory
Maqoma Vuyani
Dance Theater
BFM, pl. des Volontaires 2.
Ma 3 février à 20h30.
La rencontre des corps
et des pulsations
Difficile de suivre Erik Truffaz. On
le trouve un matin en duo avec le
dessinateur Enki Bilal, l'après-midi
en train de composer une symphonie sous le regard attentif du compositeur Pierre Henry et puis revenir, sans en avoir l'air à ses amours
anciennes, au souffle long de Miles
Davis, avec la chanteur Sophie
Hunger. Pour Antigel, Truffaz se
métamorphose encore. Avec la
compagnie du chorégraphe sudafricain Gregory Maqoma, aperçu
auprès d'Akram Khan, il ouvre de
nouvelles pistes. Neuf danseurs,
quatre musiciens, la rencontre des
corps et des pulsations. L'invention
féroce, véloce, de mondes que rien
ne peut définir sinon l'amour de la
rencontre. ARO
Vernier (GE)
Ghostpoet
Piscine du Lignon, rte du Bois-desFrères 30. Ve 30 janvier à 20h30.
Vers des rues sombres
On l'a vu débouler en 2013 avec un
album incroyable, Some Say I So I
Say Light, sorti chez Play It Again
Sam. Le Londonien Obaro Ejimiwe
y délivrait un travail impeccable
de poésie urbaine: un flow tendu et
monocorde, un substrat grime très
sec hybridé au trip hop bon teint,
et surtout une intelligence absolue
lorsqu'il s'agit de créer une am-
biance délavée à partir de quelques simples boucles sonores. On
peut reprocher à Ghostpoet le ronflant de son pseudonyme, mais
pas sa justesse descriptive. PS
Quand Sidiki joue avec Toumani,
au festival Antigel, ce sont les effluves qui reviennent aussi en mémoire de ce concert donné dans le
même cadre, il y a quelques années. Toumani était alors seul. L'intensité sera cette fois, on n'en
doute pas, redoublée. ARO
Tricky
Salle des fêtes, pl. du Lignon 6.
Me 4 février à 20h30.
Renaissance trip hop
spectacles
Le présente-t-on encore? Tricky,
maître à penser de la première
heure trip hop (on se rappelle des
chocs répétés, en 1995 et 1996, de
Maxinquaye et Pre-Millenium Tension). Malheureusement, le Bristolien s'est ensuite perdu dans la fadeur d'albums dispensables.
Jusqu'à Adrian Thaws (False Idols,
2014), dernier en date, nommé de
son patronyme réel: ce retour aux
sources de l'état civil est aussi renaissance de son énergie primordiale, mêlée aux vingt années des
avancées irrémédiables que la musique a réalisées sans lui. Il s'est désormais rattrapé, c'est une réussite,
et on a là une invitation on ne peut
plus méritée. PS
Genève
Sous l’onglet «Made in Antigel»…
Une journée détox à la salle communale de Soral (Les Dadas du
yoga). Une virée à l'aéro-club de
Meyrin pour bricoler des avions et
découvrir le vol d'aéroplanes miniatures (Air Antigel). Une visite
nocturne des sous-sols de la voirie
de Carouge (Balade dans l'au-delà).
De la danse country à Chancy
(Chancy Far West). Ou encore les lubies les plus allumées dans le cadre automatisé d'ABB, à Satigny
(Coup de foudre à ABB). S'il y a bien
une marque de fabrique propre à
Antigel, ce sont ces projets originaux créés en lien avec les communes genevoises et qui permettent
d'arpenter des lieux peu connus
du canton ou de vivre des expériences inédites, comme cette promesse d'apocalypse dans la commune tranquille d'Avusy (3 x 1 =
Avusy)… Regroupées sous l'onglet
«Made in Antigel» sur le site, ces virées remportent un grand succès,
preuve que le public local est tout
sauf frileux. MPG
Troinex (GE)
Toumani & Sidiki
Diabaté
Salle des fêtes, Route de Moillebin
20. Lu 2 février à 20h.
Quand le doigté rime avec intensité
On se souvient de cet enfant, Sidiki,
dans la cour de terre rouge d'une
maison de Bamako. Il portait entre
ses mains fermes un instrument
plus grand que lui: une harpe
mandingue, une kora, 21 cordes
vouées entièrement à la perpétuation d'une mémoire millénaire. Et
cet homme en boubou satiné, son
propre père, Toumani Diabaté, qui
le regardait en se souvenant que
lui-même, quelques années plus
tôt, avait vécu la même scène sous
les yeux de son griot de paternel.
nue… Ici, c'est son imaginaire qui
décolle. Car, pour une fois, Yann
Marussich signe une pièce qu'il
n'interprète pas. A sa place, des
danseurs et des… aviateurs. Drôle
de rencontre pour un drôle de projet basé sur la chorégraphie des patrouilleurs des airs. Plus exactement, les gestes qu'ils font, les yeux
fermés, assis sur des chaises, dans le
silence, pour répéter leurs figures
vertigineuses. Joliment, les pilotes
d'avion appellent ça La Musique.
Muette, mystérieuse, parfaite. On se
réjouit de décoller avec eux. MPG
Vernier (GE)
Projets originaux
Les Aviateurs
Salle des Eaux-Vives, rue des EauxVives 82-84. Sa à 19h, ma-me ve à
20h30 du 3 au 7 février.
La musique silencieuse des airs
YOURI LENQUETTE
taphore de la sculpture: car ce que
déplace Francisco López, ce sont
des masses, plus ou moins lourdes,
plus ou moins denses, en rapport
plus ou moins conflictuel avec le
vide – le silence. Son vocabulaire de
base est large (bruit blanc, sampling, field recording, piano préparé…), son protocole est malin –
l'Espagnol propose souvent à son
public de se bander les yeux pour
apprécier à leur pleine valeur les
courants auditifs qu'il met en
branle: expérience sensorielle de
haute valeur ajoutée. PS
Yann Marussich aime les projets
qui l'emmènent ailleurs, le déplacent. Tantôt il se laisse parcourir le
corps par des fourmis, tantôt il
plonge dans un cube rempli de
verre cassé. Parfois, il se fait tirer au
sol par un treuil que doit actionner
une personne du public. Récemment, un rideau de lames se levait
et se baissait sur son corps, laissant
de petites entailles sur sa peau
43
An Evening
with Judy
Salle des fêtes du Lignon, pl. du
Lignon. Sa 31 janvier à 20h, di 1er
février à 18h.
L'actrice sensible derrière la star
Sa présence est déjà tout un poème.
Silhouette menue, bossue, gestes
délicats, Raimund Hoghe ouvre des
horizons sensibles en étant simplement là. Peut-être puise-t-il cette
densité dans les années passées aux
côtés de Pina Bausch, chorégraphe
à l'âme théâtrale dont il a été le dramaturge de 1980 à 1990? Ce qui est
sûr, c'est que Raimund Hoghe s'est
toujours intéressé au portrait.
Avant d'entrer dans le monde du
spectacle vivant, il racontait pour
Die Zeit la vie de gens simples et de
célébrités. Dans son nouveau solo
An Evening with Judy, il approche à
sa manière, rituelle et délicate, la
star Judy Garland. Et souhaite
«créer un parallèle entre le répertoire incroyablement varié de la
star et sa vie et son époque». C'est
que l'actrice était moins kitsch que
l'image qu'elle a laissée. «Elle n'était
pas seulement la star des comédies
musicales hautes en couleur, mais
impressionnait aussi dans les films
en noir et blanc des années
soixante comme Jugement à Nuremberg», démontre le chorégraphe.
Qui invite le danseur Takashi Ueno
à éclairer avec lui ces autres facettes
de la star. Avant, Maria Callas a bénéficié du même traitement. Un
grand moment, assurément. MPG
Festival Antigel
Du 23 janvier au 8 février
(Loc. 022 901 13 00 - www.antigel.ch).
Excès
«Ubu roi»
Declan Donnellan
Dans cette version du metteur en scène britannique,
pas de débordement hystérique. Mais une névrose
domestique, en milieu bourgeois, avec un Père
et une Mère Ubu qui pourraient être vous et moi…
Idoles
Amours en chaîne
«Le Kung-fu»
«Les Histoires
d’A-Andromaque»
Dieudonné Niangouna
Le guerrier blessé et magnifique
poète du Congo-Brazaville vient
à Vidy-Lausanne avec des
scènes de films-cultes qui ont
sauvé sa vie d’enfant soldat.
Avis aux cinéphiles lausannois.
Alexandre Doublet
«Andromaque», c’est la tragédie
racinienne où A aime B qui aime
C qui aime D… Ici, des enfants
questionnent les grands.
JOHAN PERSSON 2013
S
SPECTACLE
NOS PRÉFÉRENCES
Epistolaire
Magnétisme
«La Voix
du Peuple»
«La Bête dans
la jungle»
Installé à Vienne, le metteur
en scène a compilé dix ans
de courrier de lecteurs du
quotidien «24 heures». Portrait
inédit des Vaudois.
Actrice magnétique qui vient
de s’illustrer en mère possessive
dans «Les Revenants» d’Ibsen,
Valérie Dreville livre la parole
incandescente de Duras au TPR.
Jérôme Junod
Célie Pauthe
SORTIR
SSPECTACLE
LE TEMPS | FÉVRIER 2015
THÉÂTRE
théâtre
Le cinéma
de Dieudonné
Niangouna
Cologny (GE)
Assoiffés
Théâtre du Crève-Coeur, ch. de
Ruth 16. Di à 18h, ma-sa à 20h du 17
février au 22 mars.(Loc.0227868600,
www.theatreducrevecoeur.ch).
Wajdi Mouawad prend le spectateur
à la gorge
CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE
L'acteur et poète congolais célèbre les bobines de son enfance
Mourir de peur, ou presque. Se sentir défaillir quand la milice
passe en lame traîtresse. Dieudonné Niangouna a connu l’effroi,
enfant, quand la guerre civile dévastait son Congo-Brazzaville natal.
Il a vu mourir les siens, il a été ce gamin éberlué qui cherche une
consolation auprès des grandes personnes qu’il finit par consoler. Sa
chance, alors, c’est peut-être son père, professeur de linguistique,
intellectuel sévère qui puise dans les livres des raisons de rester
debout. Il fait lire le jeune Dieudonné; Aimé Césaire, Sony Labou
Tansi, Arthur Rimbaud sont ses frères d’ombre; c’est à partir d’eux
qu’il écrit des poèmes qui sont des épopées, des chants émaillés de
clameurs.
Le public du Festival d’Avignon – puis celui du Théâtre Saint-Gervais à Genève – découvre ainsi entre 2010 et 2011 Inepties volantes,
solo à tombeau ouvert. C’est son histoire qu’il scande, celle d’un
garçon qui fuit la mitraille. Plus tard, toujours à Avignon, il ouvre les
vannes de sa mémoire et déploie à ciel ouvert, au milieu de la
garrigue, un roman cabossé joué par une dizaine d’acteurs. Cette
pièce, il la titre Shéda.
Aujourd’hui, dans Le Kung-fu, il invite à le suivre dans les cinémas
de son enfance. A l’époque, il a l’habitude de raconter à sa parentèle
les films qui le ravissent. Pour son nouveau spectacle, il fait davantage: il propose aux habitants des villes où il s’arrête de jouer devant
sa caméra des scènes-cultes de leur choix. Les représentations à Vidy
intégreront des séquences tournées à Lausanne avec des amoureux
des salles obscures. Le cinéma est une cabale libératrice.
Alexandre Demidoff
Il arrive que le cinéma sauve du désespoir
Lausanne. Théâtre de Vidy, av. E.-Jaques-Dalcroze 5.
Ma-sa à 19h30 du 3 au 21 février et di 15, di 22 février à 17h.
(Loc. 021 619 45 45, www.vidy.ch).
46
Est-ce parce que Wajdi Mouawad
est né au Liban, qu'il y a vu la
guerre, qu'il a dû s'exiler, enfant,
en France d'abord, puis à Montréal, où il vit aujourd'hui? L'écrivain et chef de troupe écrit sur les
failles de nos identités, là où nous
ne savons plus à qui nous rattacher, là où nous aspirons à retrouver un lien perdu. Comme le plus
rusé des feuilletonistes, il sait donner à ses interrogations intimes un
tour épique, qu'il signe Incendies,
Forêts, Littoral, trilogie qui a ravi le
Festival d'Avignon en 2009, ou Assoiffés. C'est cette dernière pièce
que le Genevois Vincent Babel
monte. Un anthropologue est appelé à identifier deux corps rejetés
par le fleuve. Stupeur, il découvre
que l'un d'entre eux est un ancien
camarade de classe. Isabelle
Caillat, Jean-Luc Farquet, Lionel
Brady se fondent dans les ténèbres
de Mouawad. On a hâte de goûter
avec eux à la lumière. ADF
Genève
La Trilogie
de Belgrade
Théâtre du Grütli, grande salle, rue
du Général-Dufour 16. Di à 18h, ma
je sa à 19h, me ve à 20h jusqu'au 8
février. (Loc. 022 888 44 88,
www.grutli.ch/reservations).
Farce musicale du départ
Partir. Tourner le dos aux discours nationalistes, à la folie
d'une guerre intestine. Telle est la
tentation d'une génération au
mitan des années 1990, quand la
Yougoslavie vole en éclats. Cette
fable du départ, l'auteur Biljana
Srbljanovic la raconte dans La Trilogie de Belgrade. Des hommes,
des femmes passent le Réveillon
aux quatre coins du monde. Ils
croient être heureux, mais Belgrade les rattrape et leurs existences déraillent soudain. A la
mise en scène, Véronique Ros de
la Grange annonce une farce musicale servie par de bons comédiens, dont Jacques Michel et Doris Ittig. ADF
Ballade en orage
Théâtre du Loup, ch. de la Gravière
10. Je sa à 19h, me ve à 20h du 28
au 31 janvier. (Loc. 022 301 31 00,
www.theatreduloup.ch).
Le roi Lear en chantant
Julien Mages évoque les liens familiaux avec une liberté et une
acuité peu communes, comparables aux pièces du Français Joël
Pommerat. Nouvelle preuve avec
cette Ballade en orage qui propose
avec sa compagnie, le Collectif
Division, une relecture contemporaine et chantée (oui, oui!) du
Roi Lear de Shakespeare. En coulisses, un vieil homme se meurt et
laisse non pas un royaume à diriger, mais une maison et une affaire à se partager. Sur une scène
quasi dénudée à l’exception d’une
passerelle polygonale imaginée
par Chloé Decaux, ses trois filles
et deux frères, amis de la famille
(Athéna Poullos, Marika Dreistadt, Viviane Pavillon, Frank Arnaudon, Roman Palacio), parlent
succession et filiation. La maladie
pourrait être un thème de cette
ballade où chacun affiche une pathologie. Mais l’astuce, ou l’espoir
de ce clan déficient, c’est la chanson. Subitement, les discordes
s’effacent dans la maîtrise de la
polyphonie, le chant à l’unisson,
sur des compositions d’Alexis
Gfelle. MPG
Le Roi Lear
Comédie de Genève, bd des Philosophes 6. Di à 17h, ma-je sa à 19h,
ve à 20h du 27 janvier au 7 février.
(Loc. 022 320 50 01,
www.comedie.ch).
La plus poignante des pièces
de Shakespeare
Un sommet dans la carrière d'un
metteur en scène. Le Roi Lear laisse
toujours coi, dans un premier
temps. L'histoire de ce monarque
orgueilleux qui cède son royaume
à ses filles malfaisantes, Goneril et
Regane, sacrifiant sa préférée Cordélia, a fait l'objet de spectacles sidérants. En 2006, le Français An-
S
LE TEMPS | FÉVRIER 2015
SORTIR
SPECTACLE
dré Engel transposait ainsi Lear et
sa cour dans une campagne des
années 1930-1940, avec un Michel
Piccoli impressionnant en fauve
blessé. Il y a quelques mois, au
Théâtre national populaire de Villeurbanne, l'acteur Serge Merlin,
80 ans, frappait en ermite orageux.
Le directeur de la Comédie Hervé
Loichemol empoigne à son tour la
pièce de Shakespeare. «C'est un
rêve et une angoisse terrible», confiait-il au mois de juin passé. Il s'est
entouré d'acteurs aguerris, dont
Patrick Le Mauff, Anne Durand,
Ahmed Belbachir, Brigitte Rosset
et Camille Figuereo. Le vent de la
lande souffle sur eux. ADF
Lausanne
Les Histoires d’AAndromaque
Théâtre Arsenic, rue de Genève 57.
Ma 3, me 4, je 5, ve 6, sa 7 février à
19h30. (Loc. 021 625 11 36,
www.arsenic.ch).
Racine soumis aux questions
d'enfants
C'est une constante chez Alexandre Doublet, codirecteur avec Denise Maillefer du Théâtre Les Halles, à Sierre. Qu'il mette en scène
Platonov, de Tchekhov, ou Hamlet,
de Shakespeare, l'an dernier avec
de jeunes comédiens, cet artiste
conserve la même distance amusée, le même humour dégagé, injectant des éléments contemporains et volontiers populaires
dans les textes classiques. En serat-il de même avec Andromaque,
rebaptisée Les Histoires d'A-Andromaque en hommage aux Rita Mitsouko? «Cette fois, je souhaite
monter le texte tel que Racine l'a
écrit, répond le metteur en scène.
Mais à la fin de chaque acte – il y
en a cinq –, des enfants questionneront les acteurs sur les enjeux
de cette tragédie amoureuse où A
aime B qui aime C qui aime D,
etc.» Fiamma Camesi, Malika Khatir, Roland Gervet, Baptiste Morisod et Julien Jacquérioz seront les
comédiens qui relaieront les
alexandrins raciniens tout en répondant aux questions sans
doute nettement plus directes des
enfants.«Je suis très soucieux de
l'idée de transmission et je me demande comment, aujourd'hui, la
jeune génération reçoit Racine»,
précise Alexandre Doublet. MPG
Meyrin (GE) et
Villars-sur-Glâne (FR)
Court-Miracles
Meyrin. Forum Meyrin, pl. des
Cinq-Continents 1. Me 28 janvier
à 19h. (Loc. 022 989 34 34,
www.forum-meyrin.ch).
Villars-sur-Glâne. Espace
Nuithonie, rue du Centre 7. Ve 30, sa
31 janvier à 20h. (Loc. 026 350 11 00,
www.fribourgtourisme.ch).
L’art plus fort que la guerre
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47
«C'est un des devoirs de l'artiste
d'être «reporter» pour ses contemporains, des aventures humaines intérieures et extérieures», affirme Lucie Boulay,
cofondatrice de la compagnie Le
Boustrophédon. Cette profession
de foi, la troupe toulousaine l'a
faite sienne lorsqu'elle est partie
en mission en Palestine il y a
quelques années, sous la bannière de Clowns sans frontières.
De ce contact avec les enfants
meurtris par la guerre est né un
spectacle où il est question de
miraculés. Dans un camp se côtoient un gardien, des infirmiers
et des blessés. La guerre poursuit
son œuvre funeste mais les rescapés s'organisent, accueillent les
nouveaux venus en leur prodiguant des soins, pourchassent
les rats et improvisent un orchestre de fortune. Mi-hommes, mimarionnettes, ils sont les orfèvres de petits miracles qui
dissipent les ombres du malheur.
Dès 7 ans. KS
Neuchâtel
Le Poisson
combattant
Théâtre du Passage, passage Maximilien-de-Meuron 4. Ma 10, me 11,
je 12, ve 13 à 20h, sa 14 à 18h, di 15
février à 17h. (Loc. 032 717 79 07,
www.theatredupassage.ch).
Fabrice Melquiot écrit à fleur
de nénuphars
Deux fines âmes; deux lyriques;
deux enthousiastes. L'auteur Fabrice
Melquiot et l'acteur Robert Bouvier
sont frères en élans. Ils ne le savaient
pas jusqu'à il y a peu, ils l'éprouvent
aujourd'hui. Le premier écrit des
pièces à hauteur d'adolescents qui
touchent souvent juste. Le second se
glisse dans des rôles ambigus, parfois, comme dans son récent Doute,
pièce de John Patrick Shanley, en
tournée romande. Fabrice Melquiot
a écrit Le Poisson combattant pour
Robert Bouvier. Un homme quitte
sa fille et sa compagne pour enterrer Charlie, mais oui, le poisson tant
aimé qui s'est échappé de son bocal.
La fugue promet. ADF
Neuchâtel et Meyrin (GE)
Ubu roi
Neuchâtel. Théâtre du Passage,
passage Maximilien-de-Meuron 4.
SSPECTACLE
Ve 30 janvier à 20h. (Rens. 032 717
82 00, www.theatredupassage.ch).
(Loc. 032 717 79 07, www.theatredupassage.ch).
Meyrin (GE). Forum Meyrin, pl. des
Cinq-Continents 1. Je 5 février à
20h30. (Loc. 022 989 34 34,
www.forum-meyrin.ch).
Le monstrueux qui est en nous
Declan Donnellan, metteur en
scène irlandais âgé de 62 ans, affectionne la fragilité derrière la virilité. Lorsque, avec sa compagnie
Cheek by Jowl, il a monté Le Cid,
Hamlet ou Le Roi Lear, il s'est toujours employé à souligner la fragilité des hommes, des pères, avant
d'en montrer la folie ou l'arrogance aveugle. A l'œuvre cette année avec Ubu roi, célèbre pochade
d'Alfred Jarry devenu l'emblème
des surréalistes, Declan Donnellan
poursuit cette analyse en creux
des déviances ordinaires. Pas d'excès, ni de monstres en scène dans
cette version britannique, mais un
couple bourgeois, infantilisé par
la société du jeunisme tout-puissant, qui court à sa perte à travers
cette obsession. «Lorsqu'une personne pense qu'elle n'est pas capable de violence ou d'égoïsme, c'est
un signe de folie. Il est dangereux
d'ensevelir le Père et la Mère Ubu
qui sont en nous», prévient
l'homme de théâtre. Qui a choisi
de montrer le fils voyeur qu'a pu
être Jarry, adolescent lorsqu'il a
LE TEMPS | FÉVRIER 2015
écrit cette pièce d'anthologie en
1896: durant tout le spectacle, un
jeune garçon filme le couple qui
flippe. La pataphysique est en
nous. MPG
Cabaret
Théâtre du Passage, passage Maximilien-de-Meuron 4. Ve 6 à 20h,
sa 7 à 18h, di 8 février à 17h.
(Loc. 032 717 79 07,
www.theatredupassage.ch).
Le strass contre la menace
Oui, c'est bien LE Cabaret rendu
célèbre par Liza Minnelli, dans
une réalisation de Bob Fosse, en
1972. C'est bien la même comédie
musicale qui raconte l'histoire de
ce jeune écrivain des années
trente logé dans une petite pension de Berlin où il rencontre Sally
Bowles, chanteuse au charme fou,
qui se produit dans un lieu miracle où le simple passant va noyer
sa peur du monde qui vire au tragique. Le spectacle, produit à
Bruxelles, affiche d'ailleurs le
même minois aux yeux expressifs
et la mèche de jais sur ses visuels.
Inspiré par la pièce de John Van
Druten et le récit de Christopher
Isherwood, Cabaret réunit 24 comédiens, chanteurs, danseurs et
musiciens pour les fameux titres
qui,
depuis
«Willkommen»
jusqu'à «je m'en fous», célèbrent la
joie malgré le trauma. MPG
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humour
Yverdon-les-Bains
Joseph Gorgoni:
De A à Zouc
Théâtre Benno Besson, rue du
Casino 9. Ve 30, sa 31 janvier à 20h.
(Loc. 024 423 65 80,
www.tbb-yverdon.ch).
Gorgoni sans sa gorgone, le choc!
Dans Joseph Gorgoni: De A à Zouc,
l'humoriste romand quitte le corps
de Marie-Thérèse et apparaît à visage découvert, sans sa perruque
peroxydée, ni son maquillage de
vieille rombière. Oui, le comique
né à Genève il y a 48 ans raconte sa
vie à lui, rien qu'à lui, durant une
48
DR
SORTIR
heure et demie: son apprentissage
de danseur classique, son engagement inespéré dans Cats à Paris,
son recrutement militaire habillé
en fille, string compris. Mis en
forme et surtout en gags par le
complice Pierre Naftule, le récit est
coquet, coquin, corsé. On rit. Mais,
et il en va ainsi des amours terribles, le moment le plus émouvant
du solo revient quand même à Marie-Thérèse Porchet, MTP, la Gorgone de Gorgoni. Leur «duo», sur
l'air de «J'ai encore rêvé d'elle»,
donne des frissons. Peut-être parce
qu'il célèbre cet attachement
étrange, vaguement schizophrénique et totalement fascinant, qui
existe entre un créateur et sa créature? Marie-Thérèse for ever! MPG
danse
Lausanne
D'après une
histoire vraie
Théâtre de Vidy, av. E.-Jaques-Dalcroze 5. Me 11 à 20h, je 12 à 19h, ve
13 février à 20h. (Loc. 021 619 45 45,
www.vidy.ch).
Dix hommes, le soleil dans leur
danse
Le chorégraphe Christian Rizzo
travaille plutôt sur les vides que
sur les pleins, d'ordinaire. Sur ces
failles, ces absences qui racontent
beaucoup de nos errances. Mais
D'après une histoire vraie, spectacle
salué au Festival d'Avignon 2013,
tranche avec la tonalité habituelle
de cet artiste français. Bouleversé
par la force qui se dégageait d'une
danse folklorique masculine vue à
Istanbul lors d'un voyage, Christian Rizzo a réuni dix danseurs du
pourtour de la Méditerranée et
leur a écrit une chorégraphie qui
mêle ces mouvements ancestraux
S
LE TEMPS | FÉVRIER 2015
SORTIR
SPECTACLE
THÉÂTRE
Valérie Dréville dans la jungle de Duras
Sur la jetée, il n'y aurait plus qu'eux, elle et lui. Ils viennent de se
retrouver. Elle se souvient qu'ils se sont déjà rencontrés dix ans
auparavant lors d'une réception dans un château. Lui n'est pas sûr.
Mais elle insiste. Elle se rappelle qu'il lui a confié son secret, cette
conviction qu'il a depuis toujours qu'un événement va bouleverser
son destin, que cet événement est imminent. Ils passent alors un
pacte: ils attendront ensemble cette révélation, l'apocalypse peutêtre, l'amour, allez savoir, quelque chose d'immense qui s'apparente à
une bête dans la jungle.
Cette trame énigmatique est celle de La Bête dans la jungle, roman que
Henry James, cet observateur délicat des cœurs, écrit en 1903. Sa tension
fascine dans les années 1960 l'écrivain James Lord, qui en imagine une
version théâtrale. Il demande à Marguerite Duras de le seconder dans
son entreprise. C'est elle qui signe la version française d'une pièce qui a
déjà sa légende.
En 1981, Delphine Seyrig et Sami Frey prêtent leur élégance ascétique
à cette passion souterraine. Ce spectacle signé Alfredo Arias fait date.
C'est aujourd'hui au tour des intenses Valérie Dréville et John Arnold
d'habiter le vide, d'être sur la jetée, aux aguets, dans l'espoir que
survienne l'accomplissement promis. Valérie Dréville a incarné Phèdre
naguère pour Luc Bondy – au Théâtre de Vidy, c'est inoubliable. Récemment, elle a joué une femme dévorée par l'amour maternel dans Les
Revenants d'Ibsen, à Vidy aussi. Elle aspire au dépassement, à cet état
second qui confine parfois à la grâce. La Bête dans la jungle est un jardin
fait pour elle. Alexandre Demidoff
Où qu'elle passe, Valérie Dréville marque
La Chaux-de-Fonds. Théâtre populaire romand, rue de Beau-Site 30.
Ve 30 à 20h15, sa 31 janvier à 18h15.
(Loc. 032 967 60 50, www.arcenscenes.ch).
ELIZABETH CARECCHIO
La grande actrice française joue l'envoûtante «Bête dans la jungle»
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49
SORTIR
SSPECTACLE
LE TEMPS | FÉVRIER 2015
THÉÂTRE
avec un vocabulaire plus contemporain. L'effet est enthousiasmant
et, chaque fois, le public témoigne
de sa joie devant cette manifestation de fraternité puissante et ensoleillée. Peu avant Vidy, le spectacle se donnera à Genève, le
7 février, au Bâtiment des forces
motrices, dans le cadre du festival
Antigel. MPG
Lettres
de lecteurs, une
mine théâtrale
Dans «La Voix du Peuple», Jérôme Junod compile dix ans
de courrier des lecteurs
spectacles les plus éblouissants,
L'Histoire du soldat, avant La Visite
de la vieille dame de Friedrich Dürrenmatt. Un bain de jouvence, au
fond. ADF
Le Dératiseur
de Hamelin
Théâtre des marionnettes
de Genève, rue Rodo. Ma à 19h, sa
à 17h, di à 11h et 17h jusqu’au 8 février.
(Loc. 022 807 31 07,
www.marionnettes.ch).
Une flûte enchantée pour mieux
repenser la société
enfants
Genève
Ils sont arrivés par milliers, attirés
par l'abondance de biens. L'invasion de Hamelin était inévitable:
comment empêcher des rats de
bouder la nourriture qui, désormais, s'amoncèle dans les poubelles? La petite cité allemande, prospère, se désespère. Le fléau de la
peste menace de l'emporter; pour y
parer, ses habitants décident de recourir à… un flutiste. La légende du
Joueur de flûte de Hamelin naquit
ainsi, il y a fort longtemps, avant
d'être couchée sur le papier par les
frères Grimm, notamment. La compagnie vaudoise Pied de biche s'en
empare pour sonder son mystère.
Et s'interroger: «Quelle peut être la
place des enfants et des artistes
dans une société vouée au profit
sans fin? Le musicien cache-t-il un
impitoyable justicier ou un passeur
éclairé entre différents mondes?»
Comédiens, chanteurs et manipulateurs évoluent au milieu de marionnettes aux tailles changeantes.
La promesse esthétique devrait être
à la hauteur de l'interrogation philosophique. Dès 7 ans. KS
L'Histoire
du soldat
Le point commun entre la libre circulation, le maraudage des
noix, les soldes, les radars, la CGN, le port du voile, le 1er Août, le
partenariat enregistré, les haricots du Kenya, le général Guisan et les
chiens dangereux? Tous ces sujets figurent dans des lettres de lecteurs du quotidien romand 24 heures. Grâce à ses parents, de vrais
collectionneurs un peu fous, Jérôme Junod a pu consulter dix ans de
cette manne étrange. Il en tire un portrait identitaire qu'il annonce
poétique et déroutant. Le metteur en scène, qui enseigne la direction
d'acteurs à Vienne, est formel: «Même si ces lettres révèlent un
certain esprit vaudois, elles emmènent le lecteur loin des clichés et
des caricatures.»
On est curieux de découvrir comment le théâtre va s'emparer de
cette littérature a priori plus terre à terre et pesante que légère et
inspirante. Curieux aussi de voir comment Valérie Liengme, AnneCatherine Savoy, Peter Palasthy et Mathieu Ziegler trouveront le juste
ton de cette radiographie sociologique.
Jérôme Junod s'est déjà frotté au quotidien et à la répétition. Dans
Atteintes à sa vie, de Martin Crimp, le metteur en scène a tenté de
cerner les 17 visages d'une femme, Anne, qu'on ne devine que par
des indices laissés derrière elle. L'enveloppe sans le contenu. Dans La
Voix du Peuple, c'est l'inverse: il s'agira de recomposer les personnages
à partir de la seule parole. Marie-Pierre Genecand
Cher journal…
Lausanne. Grange de Dorigny.
Ma je sa à 19h, me ve à 20h30 du 27 au 31 janvier.
(Loc. 021 692 21 12, www.grangededorigny.ch).
50
Le diable est une tentation; la promesse d'un bain de jouvence. C'est
ce qu'Omar Porras a dû se dire. Il y
a onze ans, au Théâtre Am Stram
Gram déjà, il montait L'Histoire du
soldat, ce bonheur de contrebande
musicale signé Igor Stravinski. Il
incarnait Lucifer sur le chemin
d'un soldat – Joan Mompart – de
retour de la guerre. Le spectacle cavalait sur la pente épineuse du
conte. Omar Porras, son frère
Fredy, qui signait les décors, et les
acteurs du Teatro Malandro ensorcelaient la partition, escortés par
l'Ensemble Contrechamps. Les mêmes artistes ont souhaité
aujourd'hui éprouver de nouveau
la force du sortilège. Le Teatro Malandro fête ses 20 ans. Pour franchir ce cap, il remonte deux de ses
Lausanne
Les Trois Petits
Cochons
Le petit théâtre, pl. de la Cathédrale
12. Sa-di à 14h et 17h, me à 15h du 4
au 22 février. (Loc. 021 323 62 13,
www.lepetittheatre.ch).
Noëlle Revaz caresse le grand
méchant loup
ELIZABETH CARECCHIO
FABRICE DUCREST
Théâtre Am Stram Gram, rte de
Frontenex 56. Ve 16 janvier à 19h
et sa-di à 17h, ma à 19h jusqu'au
3 février. (Loc. 022 735 79 24,
www.amstramgram.ch).
Omar Porras est un sorcier.
«L'Histoire du soldat» lui va bien
Tout commence par des enfants
qui se pâment à la lecture des Trois
Petits Cochons. Billets d'avion en poche, ils se retrouvent catapultés sur
l'île du Lard, où ils construisent
bientôt leur première maison. Leur
S
LE TEMPS | FÉVRIER 2015
SORTIR
SPECTACLE
Renens (VD)
Histoires pressées
Salle de spectacles, rue de Lausanne 37. Sa 14 février à 17h.
(Loc. 079 271 12 89,
[email protected]).
Les miniatures sur mesure
du Fanfareduloup Orchestra
Villars-sur-Glâne (FR),
Neuchâtel et Morges
Fanfareduloup Orchestra met en
musique les Histoires pressées de
Bernard Friot, auteur pour la jeunesse, avec une sélection subjective de ces récits brefs qui jouent
avec les mots, les situations, les
personnages ou les émotions.
Pour savourer autrement ces
éclats d'imaginaire, les douze musiciens du collectif genevois ont
composé des «miniatures» sur
mesure. Plus qu'une illustration
sonore d'histoires couchées sur le
papier, le concert donne chair à
l'écriture de Bernard Friot. Spectateur enchanté, l'auteur lui-même
avoue avoir découvert ses petits
récits «[…] neufs, plus grands,
plus forts, plus lumineux […]. La
musique transforme les textes, les
gonfle au maximum et les laisse
s'envoler, comme des ballons.»
Dès 7 ans. KS
Villars-sur-Glâne. Espace
Nuithonie, rue du Centre 7. Je 12
février à 20h. (Loc. 026 350 11 00,
www.fribourgtourisme.ch).
Neuchâtel. Théâtre du Passage,
passage Maximilien-de-Meuron 4.
Ma 17, me 18 février à 20h.
(Loc. 032 717 79 07,
www.theatredupassage.ch).
Morges. Théâtre de Beausobre,
av. de Vertou 2. Je 19 février à 20h.
(Loc. 021 804 97 16,
www.beausobre.ch).
Névrose endiablée sur les sommets
Hôtel Paradiso
Son nom sonne comme une promesse. Mais derrière l'enseigne qui
rutile, le drame est en marche. Car
en pénétrant dans cet établissement niché au cœur des Alpes et
qui arbore fièrement ses quatre
étoiles, on trésaille. Au contact de
l'aïeule, qui mène son petit monde
PUBLICITÉ
51
LDD
mission? Convaincre le seul loup à
la ronde, un herbivore endurci, que
leur histoire préférée vaut la peine
d'être vécue. Signée Noëlle Revaz,
cette version du fameux conte,
transposée dans notre temps, est
nourrie d'un amour des livres et du
pouvoir des mots. Le metteur en
scène Georges Grbic voudrait donner à voir ce passage du récit à la
fiction incarnée par des comédiens,
avec la part de subjectivité et de liberté inhérente à chacun. La scénographie de Neda Loncarevic, elle,
s'appuie sur le livre en tant qu'objet
pour baliser le chemin vers une
réalité rêvée. La grande bibliothèque qui se dresse sur le plateau recèle des passages secrets. Laissonsnous happer! Dès 5 ans. KS
à la baguette – ses coups de canne
ne manquent jamais leur cible! La
face obscure du lieu, c'est aussi
celle qu'incarne le cuisinier, un
boucher en puissance. Ou celle du
rejeton des propriétaires, en mal
d'aventures (romantiques). Et ce
cadavre qui refait surface, malgré
les efforts déployés pour le dissimuler… La compagnie berlinoise
Familie Flöz met en scène ce microcosme haut en couleur, entre
tragique et comique. Un théâtre
de masques, sans paroles, qui fait
la part belle à l'expressivité du
corps. Dès 8 ans. KS
Lausanne
De Raphaël à Gauguin
Collection
Depuis trois décennies, cet amoureux du support papier
qu’est Jean Bonna a réuni une admirable collection, pour
le plaisir de l’œil. A voir à la Fondation de l’Hermitage,
comme ce marcassin peint sur vélin à l’aquarelle
et à la gouache par Hans Hoffmann en 1578.
Zurich
Six siècles
de dessins
Panorama
Le Kunsthaus propose un
balayage raffiné de sa collection
de dessins, riche de 37 000
pièces. Avec des œuvres de
Füssli, Hodler ou Martin Disler.
Berne
Genève
Paris
Henry Moore
artgenève
Circulation(s)
Les grandes figures du sculpteur
anglais dialoguent ici avec une
série de dessins, qui évoquent
notamment les abris dans
les métros durant la guerre.
Un rendez-vous qui se veut
aussi un salon, avec quelque
70 galeries mais aussi
une vingtaine de propositions
non commerciales.
Le festival dédié à la jeune
photographie européenne
reprend ses quartiers au 104,
à Paris, pour zoomer sur
les talents du continent. A noter,
la Suissesse Nathalie Herschdorfer
est marraine de l’édition.
Sculpture
Foire
Photographie
MUSÉE DE L’HERMITAGE / PROLITTERIS / PATRICK GOETELEN
EXPOSITIONS
E
NOS PRÉFÉRENCES
SORTIR
EEXPOSITIONS
LE TEMPS | FÉVRIER 2015
SCULPTURE
suisse
Henry Moore
le pacifique
THE HENRY MOORE FOUNDATION/ALL RIGHTS RESERVED/DACS 2014 /TATE LONDON, 2014/ PROLITTERIS
Le Centre Paul Klee célèbre le sculpteur, mais aussi le dessinateur
Modèle de travail pour «Three Way Piece N° 2: Archer», 1964. Bronze,
77,5 x 78,7 x 61,5 cm.
Le grand sculpteur anglais Henry Moore a réussi la gageure d'allier la figuration, avec des thèmes éminemment traditionnels
comme la mère à l'enfant, ou le nu couché, et une approche moderniste et expérimentale de la sculpture. Ses pièces monumentales, aux
contours toujours doux, sont présentes dans de nombreux pays - à
Genève en face du Musée d'art et d'histoire. Le Centre Paul Klee rend
hommage à l'artiste, en accueillant 28 sculptures et 42 dessins en
provenance de la Tate et du British Council.
Né dans une famille de mineurs, Henry Moore (1898-1986) est
devenu extrêmement célèbre après la Seconde Guerre mondiale.
Proche de la vie, attaché à en restituer les formes et les manifestations, il a également réalisé une œuvre dessinée originale et très
intéressante; il s'est notamment penché sur les aléas de la guerre, par
exemple avec ses représentations de citadins réfugiés dans les abris
de métro, dans un style glissant, fluide, où les corps ressortent en
blanc dans la nuit des souterrains.
Inlassablement, le sculpteur a cherché à simplifier ses figures –
assises, couchées, debout, simples ou en groupe – qui constituent le
thème central de son œuvre. Même les sculptures abstraites conservent une connotation humaniste, en tant qu'évocations organiques,
dans la ligne du surréalisme. Le but n'est pas de copier le réel, mais
d'insuffler la vie à des créations inédites. Laurence Chauvy
Un jeu de formes simples et amples, monumentales
Berne. Centre Paul Klee, Monument im Fruchtland 3.
Ma-di 10h-17h du 30 janvier au 24 mai.
(Rens. 031 359 01 01, www.zpk.org).
54
Aarau
par le cycle de Gerhard Richter, acquisition récente, qui met en scène
une Annonciation d'après Titien, entre figuration et abstraction, appropriation et vision inédite. LC
Miriam Cahn /
Adolf Stäbli
Belle haleine –
L'odeur de l'art
Aargauer Kunsthaus, Aargauerplatz. Ma-me ve-di 10h-17h, je 10h20h jusqu’au 12 avril. (Rens. 062 835
23 30, www.aargauerkunsthaus.ch).
La peinture à l'honneur
Museum Tinguely, Paul-Sacher-Anlage 1. Ma-di 11h-18h du 11 février
au 17 mai. (Rens. 061 681 93 20,
www.tinguely.ch).
A visiter le nez au vent
D'un côté, les paysages maussades,
orageux, d'Adolf Stäbli (18421901), qui peignit sa région argovienne et celle de Munich où il
s'était installé. De l'autre, les personnages, les animaux, les arbres de
Miriam Cahn (née en 1949), vibrants comme des auras de couleurs vives, tels qu'on les a appréciés au Centre culturel suisse à Paris
cet automne. Le Kunsthaus d'Aarau
proposent deux expositions qui
semblent avoir peu à voir. Mais à regarder les effets de pluie du peintre
du XIXe ou à sentir la frémissante
présence des objets et des êtres représentés par Miriam Cahn, on se
dit qu'on aurait bien organisé une
rencontre entre ces deux-là. ELC
L'art, au XXe siècle, puis naturellement au XXIe, se plaît à recourir à
la synesthésie: il marie volontiers
les sens, la vue et l'ouïe, parfois le
toucher… et même l'odorat. L’exposition recense des installations qui,
de Marcel Duchamp à Edward Ruscha ou Valeska Soares, recourent à
des stimuli olfactifs. Non tant à la
manière proustienne, pour évoquer au passé des sensations et des
émotions, bien plutôt pour provoquer, en s'attaquant à des tabous.
Tels ces travaux de la Norvégienne
Sissel Tolaas, qui a étudié les mathématiques, la chimie et l'art, et
qui s'est penchée particulièrement
sur le langage des odeurs, qu'à la
différence des couleurs «on ne peut
nommer», et qui pourtant suggèrent avec force et persuasion par
exemple la peur. LC
Bâle
De Cézanne
à Richter
Museum für Gegenwartskunst, St.
Alban-Rheinweg 60. Ma-di 11h-18h
du 14 février 2015 au 21 février 2016.
(Rens. 061 206 62 62,
www.kunstmuseumbasel.ch).
Balade au fil de la peinture
européenne
En raison de la fermeture du Kunstmuseum pour travaux, le Museum
für Gegenwartskunst accueille les
chefs-d'œuvre de la maison mère.
Cette collection majeure est centrée
sur les artistes de la fin du XIXe siècle et les classiques modernes. La
présentation suit lachronologie des
tendances picturales en Europe jusque dans les années 1970, sans
avancer des thèses nouvelles. La parole est laissée aux peintres qui
comme Cézanne ont mené une recherche obstinée afin de dépasser
l'académisme et de construire des
tableaux au moyen de touches et de
surfaces. Le point d'orgue est fourni
Genève
Ernie Gehr,
Raphael Hefti
Centre d'art contemporain, rue des
Vieux-Grenadiers 10. Ma-di 11h-18h
du 30 janvier au 26 avril. (Rens.
022 329 18 42, www.centre.ch).
Duo d’inédits
Figure du cinéma structuraliste
américain, Ernie Gehr crée des vidéos non narratives, qui questionnent le monde et la perception
qu'on en a, dans une vision abstraite et utopique. Au CAC, l'artiste
présente huit installations vidéo,
jamais montrées en Europe – notamment Bon Voyage, qui donne
son titre à l'exposition –, ainsi que
cinq nouvelles pièces. Le plasticien
alémanique Raphael Hefti, avec or
or or, lui donne la réplique, dans
une exposition parallèle, qui témoigne de talents de sculpteur et
d'artiste alchimiste. LC
E
LE TEMPS | FÉVRIER 2015
SORTIR
EXPOSITIONS
Des histoires
sans fin: séquence
printemps
Mamco, rue des Vieux-Grenadiers
10. Sa-di 11h-18h, ma-ve 12h-18h
du 18 février au 10 mai. (Rens.
022 320 61 22, www.mamco.ch).
Entre redécouverte et inédits
Une esquisse de rétrospective de
Mounir Fatmi, qui vit entre Maroc et
France et dont le travail sur le langage et l'image pourrait apporter
un peu de distance aux débats actuels sur l'iconographie du religieux, des Charges-objets de JeanMichel Sanejouand, associations
incongrues d'objets des années
1960, onze tableaux d'Agnes
Martin, peintre américano-canadienne décédée en 2004, voici quelques promesses parmi la dizaine
d'expositions du Mamco ce printemps. Sans compter After Dark,
collective curatée par Xavier Franceschi, directeur de la Frac Ile-deFrance, à partir de ses collections. ELC
www.ville-ge.ch/ariana).
L'émail à la fête
Trois maîtres du vase céramique
émaillé, que caractérisent leurs recherches acharnées sur la qualité
des émaux, mats, satinés, brillants,
de couleur vive ou sourde, sont
réunis au Musée Ariana. Ils se sont
rencontrés à diverses reprises, et
leur travail présente nombre de
points communs. Josep Llorens
Artigas (1892-1980), qui à Barcelone a formé une nouvelle génération de céramistes, a conjugué
dans son travail des formes dépouillées et des décors de teintes
subtiles. Né en 1921, le Vaudois
Edouard Chapallaz soigne le galbe
et les formes plus ramassées, tout
en osant des émaux chauds et intenses. Son contemporain, le Frère
Daniel de Montmollin, actif dans
la communauté religieuse de
Taizé, travaille le grès et des émaux
à base de cendres végétales, grâce
auxquelles il obtient des surfaces
mouchetées et irisées. LC
Lausanne
Artigas, Chapallaz,
De Raphaël à
de Montmollin,
chantres des émaux Gauguin. Trésors de la
Musée Ariana, av. de la Paix 10.
Ma-di 10h-18h du 4 février
au 31 mai. (Rens. 022 418 54 50,
collection Jean Bonna
Fondation de l'Hermitage, rte du
Signal 2. Ma-me ve-di 10h-18h, je
10h-21h du 6 février au 24 mai.
(Rens. 021 320 50 01,
www.fondation-hermitage.ch).
A savourer du regard
Après les collections Planque ou
Hahnloser, la Fondation de l'Hermitage accueille une autre collection de prestige. Bibliophile et
donc amoureux du support papier,
le Genevois Jean Bonna a réuni au
fil des trente dernières années un
ensemble riche et diversifié de dessins. Cet amateur se distingue pour
sa prédilection pour les compositions achevées, et son goût pour la
figure féminine, les paysages et les
sujets animaliers. Sa collection
couvre la période allant de la Renaissance italienne au début du
XXe siècle, et vise moins l'exhaustivité que le plaisir de l'œil. LC
Paris, à nous deux!
Musée cantonal des beaux-arts,
Palais de Rumine, pl. de la Riponne
6. Ma-ve 11h-18h, sa-di 11h-18h du 5
février au 26 avril. (Rens. 021 316 34
45, www.mcba.ch).
Une riche palette de peintres
Tous les chemins mènent à Rome.
Ou à Paris. Si l’Italie est longtemps
restée une destination privilégiée,
la Ville-Lumière a bien sûr aussi
beaucoup compté pour les artistes
romands. A différents titres.
Comme lieu de formation, pour
PUBLICITÉ
55
ses salons ou ses Expositions universelles, pour s’y frotter aux milieux parisiens, culturels, mais
aussi à cette foule urbaine qui n’a
pas sa pareille en Suisse. Pour y séjourner ou pour y vivre. Pour illustrer cette diversité d’histoires entre
les artistes romands et la capitale
française, le MCBA prend appui
sur ses propres collections et sur
des prêts. ELC
Yves Dana
Espace Arlaud, pl. de la Riponne.
Sa-di 11h-17h, me-ve 12h-18h
du 13 février au 26 avril. (Rens.
021 316 38 50, www.musees.vd.ch/
espace-arlaud).
Un sculpteur de la verticalité
Le sculpteur Yves Dana a reçu
champ libre pour occuper la totalité de l'Espace Arlaud et y mettre
en scène trente ans de carrière. En
même temps paraît, aux Editions 5
continents et avec un texte de Tahar Ben Jelloun («L'idée de l'escalade, de l'ascension obsède cet enfant d'Alexandrie, écrit-il de Dana.
Chaque pièce est une tentative
d'aller plus haut»), une monographie en deux volumes, qui recense
non seulement le travail de sculpture, dans le bronze et surtout la
pierre, mais aussi les peintures, au
nombre d'une centaine. Le tout
constitue un bel hommage à
l'œuvre hiératique de l'artiste. LC
SORTIR
EEXPOSITIONS
Pully (VD)
Romainmôtier (VD)
Mathias Schmied
Elisabeth Llach
Musée d'art de Pully, ch. de Davel 2.
Me-di 14h-18h jusqu’au 15 mars.
(Rens. 021 721 38 00,
www.museedepully.ch).
L'artiste jongle avec le papier
dAM – Espace de Andrès-Missirlian,
pl. du Bourg 5. Sa-di 14h-18h du
31 janvier au 26 avril. (Rens. 079
478 77 90, www.espacedam.ch).
Beauté sourde et lucidité
Fou du papier, le Bernois Mathias
Schmied dessine littéralement au
scalpel, il sculpte le vide, frange les
surfaces et produit des pièces inclassables, entre dentelle et dessin
au trait. S'inspirant de la culture
pop et des comics, il réalise des pièces qui se détachent du mur, investissent l'espace et, avec leurs couleurs vives, le font chatoyer. Tout est
mis en œuvre pour que le regard
soit capté dans ces rets savants, afin
que l'image, parfois des lettres, ou
des têtes de mort, ou des figures de
bande dessinée, apparaisse dans un
deuxième temps. Son exposition est
sous-titrée «Critical Mass of Silence». LC
La peinture «flibustière», et sarcastique, d'Elisabeth Llach, ses installations au scalpel n'hésitent pas à gêner, voire à choquer, pour faire
passer un message - pour la femme,
pour la vie, pour l'art. L'exposition,
sous-titrée A-t-elle le droit de montrer
ses extrémitées?, se focalise sur la figure d'Eve, l'audacieuse, qui transgresse les interdits et les normes du
goût, et montre ses «extrémitées».
Des images en camaïeu, telles des
photographies bougées, d'un flou
dirigé, mettent en scène cette
femme acide, lucide, son regard,
son corps, ce personnage prêt à
tout. Les motifs ressortent, un peu
flottants, en clair au sein de l'obscu-
PUBLICITÉ
56
LE TEMPS | FÉVRIER 2015
rité, telle la conscience à l'œuvre
parmi les rêves et les cauchemars.
Etrangeté, inquiétude, provocation,
mais aussi tendresse et respect pour
ces victimes que sont trop souvent
les femmes. LC
Saint-Gall
Michel Verjux
Kunstmuseum St. Gallen,
Lokremise, Grünbergstr. 7. Di 11h18h, lu-sa 13h-20h du 7 février au
26 juillet. (Rens. 071 242 06 71,
www.kunstmuseumsg.ch).
Un poète de la lumière
Le Français Michel Verjux se fait
connaître dans les années 1980
pour ses éclairages, qui constitueront son travail poétique et deviendront sa «marque de fabrique».
L'artiste pratique l'installation lumineuse à la fois d'une manière sobre – il se contente de la lumière
blanche, en faisceau de forme
ronde – et avec des effets saisissants.
L'éclairage in situ métamorphose
l'espace, met en valeur l'architecture qu'il contribue à déconstruire.
Par nature, l'éclairage vient donner
contre quelque élément solide,
mur, colonne, et traverse les ouvertures, portes, fenêtres. En combinant le vide et le plein, l'ombre et le
jour, l'artiste obtient des scénographies en noir et blanc du plus bel
effet, qu'il s'agisse d'œuvres d'intérieur ou d'installations dans les
lieux publics. Michel Verjux s'inscrit
dans la lignée des plasticiens qui
ont choisi comme matériau la lumière, à travers la vidéo, les tubes de
néon ou les ampoules colorées. LC
La Chaux-de-Fonds
4e Nuit de la photo
Club 44, rue de la Serre 64. Sa 14
février 17h. (Rens. 032 913 45 44,
www.club-44.ch).
La photographie sous tous les angles
E
LE TEMPS | FÉVRIER 2015
SORTIR
EXPOSITIONS
Nyon
Luca Zanier:
Space and Energy
Galerie Focale, pl. du Château 4.
Me-di 14h-18h du 25 janvier
au 1er mars. (Rens. 022 361 09 66,
www.focale.ch).
Pour les amateurs de centrales
Le Zurichois Luca Zanier promène
son appareil photographique dans
les centrales nucléaires et hydroélectriques. Puis, il travaille à l'abstraction. Couloirs sans âme
comme des traits graphiques. Tunnels étranges. Jeux de lumières. On
devine un univers à partir d'un élément architectural, et l'on pressent
que ce pourrait bien être tout
autre chose. CST
europe
Mons/B
Capitale
européenne
de la culture
Mons.
Jusqu’au 31 décembre.
(Rens. www.mons2015.eu).
Une vision participative de la culture
«En 2015, je suis Montois. Et toi?»
C’est le slogan de Mons capitale
européenne de la culture 2015 (avec
Pilsen, en République tchèque). Il
dit en fait les multiples échelles et
directions qu’expérimente cette
ville de moins de 100 000 habitants
(250 000 avec l’agglomération). Ancré dans le terroir local et le patrimoine, son projet s’ose aussi contemporain, s’offre les dimensions
du numérique et s’agrandit grâce à
un partenariat avec 18 villes belges
et françaises. Parmi les trésors affi-
chés, un nouveau Centre des congrès dessiné par Daniel Libeskind,
un pont de Santiago Calatrava, trois
objets inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco: les minières néolithiques de Spiennes, un beffroi baroque et une fête, la ducasse de
Mons, ou «Doudou». Pour l’ouverture, le 24 janvier, on vernit aussi
l’exposition Van Gogh au Borinage. La
naissance d’un artiste. ELC
RENDEZ-VOUS
artgenève,
nouveau territoire
Le salon genevois expose de l'art contemporain, mais aussi
de l'art moderne et du design
Paris
Circulation(s)
Le Centquatre.
Jusqu’au 8 mars. (Rens.www.104.fr).
Pour approcher les talents
de demain
Pour sa cinquième édition, le festival Circulation(s) – dédié à la jeune
photographie européenne – prouve
une fois encore ses inclinations
suisses en choisissant une marraine
helvétique. Nathalie Herschdorfer,
directrice du Musée des beaux-arts
du Locle, ancienne conservatrice au
Musée de l'Elysée et ex-directrice du
festival Alt+1000, a offert des cartes
blanches à Salvi Danés, Ola Lanko,
Cyril Porchet et WassinkLundgren.
En outre, une quarantaine de photographes sont présentés sur les
murs du 104, ancien siège des pompes funèbres parisiennes. CST
CINIMOD STUDIO/ PROLITTERIS
L'image envahit une fois encore les
musées, espaces culturels et autres
galeries de La Chaux-de-Fonds, à la
nuit tombée. Au programme, les
violences en Ukraine vues par
Guillaume Herbaut, la poésie absurde de Chema Madoz, un hommage à René Burri ou encore l'incursion de Steeve Iuncker dans la
ville la plus froide du monde. CST
General Idea. «Fin de siècle», 1991. Fausse fourrure, paille, mousse de polystyrène.
Württembergischer Kunstverein, Stuttgart, 1992
Villeneuve d'Ascq/F
Aloïse Corbaz
en constellation
LaM – Musée d'art moderne Lille
Métropole.
Du 14 février au 10 mai.
(Rens. www.musee-lam.fr).
Aloïse à Lille
Parmi les prestations du LaM figure
la découverte de l'art brut et de ses
acteurs. Figure emblématique, la
Lausannoise Aloïse Corbaz, ou
Aloïse tout court, est à l'honneur ce
printemps avec son cortège de dessins aux crayons de couleur, où le
rouge répond au bleu, un rouge
frais et orangé, un bleu azur, où les
princes offrent leurs lèvres au baiser. L'exposition dispose «en constellation» autour d'un long rouleau
de 14 mètres (déposé au musée par
le collectionneur Jean-David Mermod) 250 œuvres et documents de
cette créatrice prolifique. LC
Pour sa quatrième édition, artgenève affiche toujours les mêmes
prétentions: faire figure de salon autant que de foire, c'est-à-dire ne
pas être un simple lieu marchand. Et offrir ainsi «une plateforme
artistique de premier plan pour l'art contemporain, l'art moderne et
le design» aux publics lémaniques curieux. Au vu des premiers
épisodes, on peut gager que ce programme sera une nouvelle fois
respecté. Cette année, en plus, artgenève affiche une sorte de thème,
autour de l'évolution des questions territoriales, et des notions
habituelles de centre et de périphérie largement remises en cause
depuis quelques décennies. Ainsi, outre les quelque 70 galeries
présentes et quelques institutions invitées, la liste est riche.
Joana Warsza, commissaire d'exposition de Manifesta 10 à SaintPétersbourg l'an dernier, mêle arts et sciences autour des notions
d'accélération et de régression. Anri Sala, représentant de la France à
la Biennale de Venise en 2013, lie l'image à la musique, tout comme le
collectif suisse M/2 (Jean Crotti, Alain Huck, Robert Ireland, Jean-Luc
Manz, Christian Messerli et Catherine Monney). Nicolas Trembley
expose quelques pièces de la collection Syz, dont il est le curateur.
Michael Ringier prête une vaste installation sonore d'Ugo Rondinone, The Dancer and the Dance, et Samuel Gross, commissaire de
l'espace Living Room, a demandé aux exposants de ne lui proposer que
des pièces blanches. Elisabeth Chardon
Pour tous les curieux, pas seulement les collectionneurs
Genève. Geneva Palexpo.
Du 29 janvier au 1er février de 12h à 20h. (Rens. www.artgeneve.ch).
.
57
SORTIR
EEXPOSITIONS
LE TEMPS | FÉVRIER 2015
DESSIN
Six siècles au trait
PROLITTERIS 2014
Le Kunsthaus évoque les points forts
de sa collection de dessins
George Grosz, «Dada Image», 1919. Collage, photomontage, encre sur papier,
37 x 30,3 cm.
En 1915, le Kunsthaus de Zurich initiait le premier «inventaire des
dessins et des estampes». Pour son centenaire, le Cabinet des estampes
et des dessins du musée propose un balayage raffiné de sa collection –
qui se monte à plus de 90 000 œuvres sur papier et de multiples, dont
37 000 dessins. Cette dernière pratique est au cœur de cette exposition
rétrospective qui couvre six siècles. Elle comprend des chefs-d'œuvre de
Raphaël, Dürer, Füssli, Turner, Hodler, Cézanne, Picasso, Giacometti,
sans oublier les productions actuelles (Jorinde Voigt, Urs Fischer, Aleksandra Mir, Erik van Lieshout et d'autres).
Le conservateur des dessins a cherché à dégager les points forts de
cette collection magistrale, inaugurée au tournant des XVIIIe et XIXe
siècles avec les Mahlerbücher produits par la Künstlergesellschaft, société des artistes. Johann Heinrich Füssli se voit ainsi représenté par un
lot de 650 feuilles, tandis que la catégorie «dessin de paysages suisses»
se révèle riche des idylles de Salomon Gessner ou des vues préromantiques de Caspar Wolf. Les œuvres de Ferdinand Hodler forment à elles
seules un noyau important.
Autre moment incontournable, les feuilles qui rappellent et illustrent la présence de Dada à Zurich. Des ensembles essentiels, et numériquement plus rares, comptent par exemple six aquarelles de Cézanne,
et un carnet d'esquisses de Théodore Géricault. Pour le XXe siècle, le
cabinet a acquis des dessins et collages de Lovis Corinth, Louis Soutter,
Sophie Taeuber-Arp, Martin Disler, Miriam Cahn… L'occasion est magnifique de suivre ainsi de très près l'histoire d'une pratique, modeste
dans ses moyens, et aux effets infinis. Laurence Chauvy
Premier moyen d'expression, et le plus sensible, tel est le dessin
Zurich. Kunsthaus, Heimpl. 1.
Ma ve-di 10h-18h, me je 10h-20h jusqu’au 19 avril.
(Rens. 044 253 84 84, www.kunsthaus.ch).
PUBLICITÉ
EXPOSITION
28 janvier au 02 mai 2015
VERNISSAGE
mardi 27 janvier dès 18:00
MONIQUE FRYDMAN
U-Topie de la couleur
des Songes (Tarlatanes)
ESPACE MURAILLE
58
5 PLACE DES CASEMATES
CP 3166 / 1211 GENEVE 3 / SUISSE
T +41 (0)22 310 4292
M +41 (0)79 522 7933
du mardi au vendredi 10:00 à 12:00 et de 13:00 à 18:00
le samedi de 11:00 à 12:00 et de 13:00 à 18:00
ou sur rendez-vous
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5 rue de la muse
1205 genève
www.blondeau.ch
artgenève
28/01- 01/02/15
(palexpo)
martin szekely,
map (détail), 2013
photo didier jordan