Sortir n° 11
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Sortir n° 11
Théâtre «Ubu roi» Une passion d’ogres N° 11 | Février 2015 Porgy Bess A C C U E I L D U N E W Y O R K H A R L E M T H E AT E R S M The Gershwins’® and SM AMERIC AN FOLK OPERA EN 3 ACTES GEORGE GERSHWIN D U B O S E E T D O R O T H Y H E Y WA R D E T I R A G E R S H W I N DIRECTION ARTISTIQUE & MUSICALE WILLIAM BARKHYMER MISE EN SCÈNE B A AY O R K L E E Z » e m i t r e mm RET «S u VE ROU UR VE S E I L EN CÈN L A S RAND DU GÂTRE THÉ PORGY TERRY COOK A LV Y P O W E L L BESS M O R E N I K E F A D AY O M I INDIRA MAHAJAN CHŒUR & ORCHESTRE D U N E W Y O R K H A R L E M T H E AT E R SM 13>24.02.2015 SAISON1415 WWW.GENEVEOPERA.CH +41(0)22 322 5050 S SOMMAIRE LE TEMPS | FÉVRIER 2015 SORTIR Cinéma Le manifeste du «mummy porn» Le best-seller «Cinquante Nuances de Grey» inspire à Sam TaylorJohnson des images lisses et glacées. L’esthétique du marketing de luxe, étrangère au frisson façon marquis de Sade, devrait booster les ventes de sex-toys Exposition La quête de Paul Gauguin Parti à la recherche d’un supplément d’âme dans les mers du Sud, l’artiste français a composé une œuvre riche et sensuelle, à découvrir à la Fondation Beyeler 4 6 Photographie Théâtre William Eggleston, apôtre de la couleur L’artiste américain fut ébloui par le travail de Cartier-Bresson dans ses jeunes années. Plus tard, il adopta le point de vue de la mouche ou du chat. Sa démarche singulière et sa conversion à la couleur sont mises en lumière au Musée de l’Elysée 14 En couverture «Ubu roi», le monstre en nous 8 L’Irlandais Declan Donnellan a le don de mettre à nu la fragilité des hommes. Il monte la pièce qu’Alfred Jarry a écrite en 1896, en traquant un couple broyé par une société où le jeunisme est roi. Redoutable! 48 Classique AGENDA La harpe, invitée de marque à Gstaad 18 34 36 36 39 44 46 48 48 50 52 54 57 Les Sommets musicaux célèbrent cet instrument aux sonorités diaphanes. Le Français Emmanuel Ceysson, harpiste de haut vol, guidera de jeunes talents. Grands pianistes et chanteurs complètent l’affiche Festival Earth, rock des grands espaces Le groupe américain, pionnier du «drone metal», est l’un des invités phares de l’édition 2015 d’Antigel. La manifestation genevoise poursuit avec brio son exploration des marges signifiantes IMPRESSUM Le Temps Sortir Supplément du Temps paraissant un samedi par mois Ne peut être vendu séparément Editeur Le Temps S.A. Président du conseil d’administration Stéphane Garelli Administarteur délégué Daniel Pillard Rédacteur en chef Pierre Veya Responsable Marie-Claude Martin (MCM, rédactrice en chef adjointe) Rédaction Alexandre Demidoff (ADF, chef de rubrique Culture et Société) Elisabeth Chardon (ELC) Laurence Chauvy (LC) Norbert Creutz (NC) Antoine Duplan (ADN) Marie-Pierre Genecand (MPG) Lisbeth Koutchoumoff (LK) Philippe Simon (PS) 16 Arnaud Robert (ARO) Khadidja Sahli (KS) Caroline Stevan (CST) Eléonore Sulser (ESR) Julian Sykes (JS) Assistante de production Khadidja Sahli Camille Bozonnet Responsable production Nicolas Gressot Conception maquette Bontron & Co S.A. Graphisme, photolitho Cyril Domon, Nicolas Gressot, Christine Immelé, Mathieu de Montmollin Direction, rédaction Place de Cornavin 3 CH-1201 Genève Responsable iconographie Véronique Botteron Responsable correction Jean-Marc Meunier Cinéma Musique Opéra Classique Actuelles Spectacle Théâtre Humour Danse Enfants Expositions Suisse Europe Courrier Le Temps S.A. CP 2570, CH-1211 Genève 2 Tél. +41 22 888 58 58 Fax +41 22 888 58 59 Publicité Responsable du département Marianna Di Rocco [email protected] Tél. +41 22 888 59 00 www.letemps.ch/pub 3 Internet – Site d’information: www.letemps.ch/sortir Impression IRL plus S.A. Merci de nous faire parvenir vos programmes culturels par écrit au minimum deux semaines avant la publication de Sortir Adresse Le Temps, Mémento, CP 2570, CH-1211 Genève 2, Fax +41 22 888 57 90 Courrier électronique [email protected] EEXPOSITIONS SORTIR LE TEMPS | FÉVRIER 2015 «Parau Api (Quelles nouvelles?)», 1892. Huile sur toile, 67 x 91 cm. Paul Gauguin la posture mystique d'un marginal Par Laurence Chauvy La Fondation Beyeler annonce d'emblée la couleur, une couleur vive, un projet monstre: l'exposition Gauguin qu'elle s'apprête à présenter, au terme de six années de préparation, est le projet qui a nécessité le plus d'investissement de son histoire, avec des prêts en provenance de 13 pays. Il s'agit, en somme, de répondre à ces questions très simples: qui était Paul Gauguin, cet artiste au caractère fort, qu'allait-il chercher dans les mers du Sud et qu'y a-t-il trouvé? La manifestation, en effet, est centrée sur les séjours en Polynésie. Les peintres sont des habitués des voyages, qu'ils enchaînent parfois dans des tournées qui s'étendent sur plusieurs années. Mais rares sont ceux – encore aujourd'hui – à se rendre dans des contrées aussi lointaines que les îles qu'a rejointes Paul Gauguin à la fin du XIXe siècle, et où il est mort. Il faut dire que l'artiste, petit-fils de Flora Tristan, avait passé une partie de son enfance au Pérou, qu'il avait entamé une carrière dans la marine marchande, avant de se lancer dans la profession de courtier en bourse, puis dans la vie de la bohème parisienne. Paul Gauguin a participé à l'émulation picturale à PontAven, en Bretagne, et travaillé aux 4 THE ILLUSTRATED LONDON NEWS PICTURE LIBRARY, LONDON, UK / BRIDGEMAN IMAGES La Fondation Beyeler crée l'événement en proposant 50 chefsd'œuvre de l'artiste. Au-delà du personnage hautain et mal-aimé qu'il s'est composé, Gauguin a trouvé à Tahiti le bonheur de l'expression L’artiste en 1891. côtés de Van Gogh en Arles, avant de partir en quête d'un bonheur primitif, préservé de la civilisation occidentale, à Tahiti puis aux Marquises. Sensualité et exotisme participent de cette quête existentielle. L'exposition réunit une cinquantaine de chefs-d'œuvre, dont des tableaux aussi célèbres que La Vision après le sermon (ou La Lutte de Jacob avec l'ange), peint en 1888, où les spectateurs sont des femmes en coiffe bretonne, et Parau Api (Quelles nouvelles?), daté de 1892. Ou encore Arearea et les étranges Contes barbares. La sculp- ture, pratiquée à l'exemple de la statuaire polynésienne et à laquelle l'artiste accordait beaucoup d'importance, est également représentée. A Tahiti, où il arrive une première fois en 1891, puis une seconde fois en 1895, le peintre prend rapidement femme parmi la jeunesse (il s'est séparé de Mette, son épouse danoise, et éloigné de ses cinq enfants); il s'intéresse à la vie locale, commence à apprendre le maori, se mêle à la population. Laissant venir ses futurs modèles, amadoués par cette E LE TEMPS | FÉVRIER 2015 SORTIR EXPOSITIONS JÜRGEN KARPINSKI PEINTURE ET SCULPTURE Paradis perdu > Du 8 février au 28 juin posture de retrait, il interprète leurs poses nonchalantes, tantôt boudeuses, tantôt rêveuses, de manière à dégager la pensée qui couve, l'alliance de sensualité et de mysticisme. Naissent alors les toiles célèbres qui mettent en scène ces femmes aux membres massifs, aux lèvres pleines et au regard songeur, revêtues d'étoffes de teintes splendides, dans des décors tropicaux nullement surchargés. Les chemins sont rouges, les lointains bleus, la rive jaune. Des bêtes, des fruits, des fleurs apportent un supplément d'âme; les poses sont étudiées de manière à faire passer un message, une attitude devant la vie. Lorsque, malade et harcelé de dettes, en deuil de sa fille Aline, l'artiste songe à se suicider, il élabore son testament spirituel, sous la forme d'un tableau de format panoramique, qui pose les grandes questions: D'où venons-nous? Que sommes-nous? Où allons-nous? Dévoré de tourments et d'inquiétudes, Gauguin se remet pourtant, et continue à peindre des compositions synthétiques, et visionnaires, où tel détail, tel mo- 5 tif, telle surface empruntent encore à la manière impressionniste. En 1901, le peintre se rend aux îles Marquises, où, outré par les abus des autorités, il tente de défendre les indigènes, se met à dos tout le monde et vit en ermite. Lorsqu'il meurt en 1903, son chevalet porte un paysage enneigé, une toile bretonne. Paul Gauguin. Du 8 février au 28 juin. Fondation Beyeler, Riehen (BS). (Rens. 061 645 97 00, www.beyeler.com). C CINEMA SORTIR LE TEMPS | FÉVRIER 2015 Amour, gloire et fessée Anastasia Steele (Dakota Johnson) dans l’attente anxieuse du plaisir que son maître va lui prodiguer. Phénomène éditorial, pierre d'angle du «mummy porn», «Cinquante Nuances de Grey» engendre un film chic et glacé comme une pub pour le chocolat noir DRAME PSYCHOLOGIQUE Luxure > 11 février Par Antoine Duplan «Je me précipite dans la salle de bains: j'ai les yeux trop brillants, les joues trop roses, et quant à mes cheveux… l'horreur! Les couettes style «je viens de me faire sauter», ça ne me va pas, mais alors pas du tout.» Ce grand moment de littérature est extrait du premier tome de la trilogie Fifty Shades, le phénomène qui, depuis trois ans, fait l'effet d'un puissant aphrodisiaque sur les ventes de livres et le comportement sexuel des Terriens. L'affaire se goupille modestement. Erika Leonard, E. L. James de son nom de plume, une Anglaise travaillant dans l'audiovisuel, s'éprend de Twilight, dont elle écrit la suite. Cet avenant à la romance de la tendre Bella Swan et d'Edward Cullen, membre de l'aristocratie des hématophages, s'émancipe d'un modèle, dont elle conserve toutefois la dynamique nunuche. Anastasia Steele, étudiante de 21 ans et toujours vierge, est amenée à interviewer Christian Grey, businessman milliardaire de 6 28 ans. Elle succombe évidemment au charme de ce mâle dominant. Il est beau, riche, mais aussi un peu cruel et cynique. Il signe avec Anastasia un contrat amoureux. Elle s'y soumet avec terreur et délice, goûtant aux joies incandescentes de la fessée, avant que ne se révèle dans sa glorieuse plénitude l'Amour vrai! Le passage de la fanfiction sur Internet à l'édition papier et tablettes s'exprime en chiffres: traduit en 51 langues, Fifty Shades of Grey se vend à plus de 100 millions d'exemplaires. «Tout ce qui rapporte du pognon en librairie finit à l'écran» (proverbe hollywoodien). C'est à la réalisatrice Sam Taylor-Johnson (Nowhere Boy) qu'incombe la tâche de traduire en images le manifeste du mummy porn, avec Dakota Johnson dans le rôle d'Anastasia et Jamie Dornan dans celui de Christian. Dévoilée le 24 juillet 2014, la bande-annonce de Cinquante nuances de Grey a été visionnée plus de 100 millions de fois. On se dit que l'imaginaire contemporain est bien déshydraté pour se ruer sur ce robinet à eau tiède: UIP images lisses et glacées déjà vues cent fois dans des pubs pour produits de luxe, tendre agnelle aux yeux mouillés rendant visite au grand méchant loup gris, Beyoncé qui se pâme sur la bande-son… On vient de célébrer le bicentenaire de la mort du marquis de Sade. Il reste sulfureux comme au premier jour. Son athéisme offensif, ses protocoles fantasmatiques où la cruauté et la jouissance s'accordent ont conservé leur potentiel subversif. «Donnez-moi votre cul, madame […] que je le baise pendant qu'on me suce, et ne vous étonnez point de mes blasphèmes: un de mes plus grands plaisirs est de jurer Dieu quand je bande» (La Philosophie dans le boudoir). Le divin marquis a connu la prison, E. L. James la fortune. L'adaptation cinématographique du best-seller bénéficie d'un plan marketing qui devrait stimuler la vente de menottes en plastique et de fouets en peluche. Concluons avec l'oraison funèbre impie que l'écrivain lance dans Sade, de Benoît Jacquot: «Quelle tristesse de mourir en ayant si peu foutu.» EEXPOSITIONS WILLIAM EGGLESTON COURTESY ARTISTIC TRUST LE TEMPS | FÉVRIER 2015 PHOTOS: WILLIAM EGGLESTON COURTESY WILSON CENTRE FOR PHOTOGRAPHY SORTIR > Le point de vue d’une mouche qui s’approcherait d’une ampoule fixée à un plafond bleu. Elle poursuivrait sa balade dans un couloir vert tendre. > Pour aboutir dehors et survoler les passantes. 8 E LE TEMPS | FÉVRIER 2015 SORTIR EXPOSITIONS William Eggleston PHOTOGRAPHIE Palette sur pellicule > Du 30 janvier au 3 mai rejeton de Cartier-Bresson Caroline Stevan Pour vérifier qu'une photographie est vraiment bonne, regardez-la à l'envers, la composition sera plus claire. Ce conseil, inattendu peut-être, émane à la fois d'Henri Cartier-Bresson et de William Eggleston. Le maître de l'instant et le pionnier de la couleur ont bien d'autres choses en commun. Milieu familial bourgeois, études tournées vers la peinture, passion pour Bach. Mais, surtout, le premier révéla la photographie à son cadet. «Etudiant dans le Mississippi, Eggleston est isolé artistiquement. Il n'a accès à la photographie qu'à travers les magazines et les journaux. En 1959, chez un ami, il tombe sur The Decisive Moment, la traduction en anglais d'Images à la sauvette, et comprend alors que la photographie est quelque chose d'extraordinaire», relate Daniel Girardin, commissaire de l'exposition William Eggleston, from black and white to color. Le jeune homme part alors à Paris, sur les traces du Français. Et ne parvient pas à prendre une seule image. «Je ne pouvais imaginer faire mieux que de parfaits faux Cartier-Bresson», dira-t-il ensuite. Drôle d'hommage. De retour dans le Sud américain, Eggleston vise une inspiration autre. «Il me fallut accepter le fait que ce que je devais faire, c'était aller chercher des paysages inexplorés. Ce qui était nouveau à l'époque, c'était les centres commerciaux et c'est ce que j'ai photographié.» Un jeune homme pousse un caddie, tablier clair et coupe de cheveux à la Happy Days. Des barbes à papa s'alignent dans une vitrine. Un pompiste attend le client. Eggleston dresse la typologie d'un quotidien banal et jusqu'alors méprisé. «On retrouve au départ le même schéma de composition que celui d'Henri Cartier-Bresson. Les diagonales, le graphisme de l'image, les perspectives…, poursuit le conservateur. Eggleston a beaucoup photographié depuis une voiture, sans doute inspiré par Images à la sauvette, dont une partie a été faite en roulant à travers les Etats-Unis. Mais assez vite, il essaie d'adopter un point de vue différent, celui de la mouche par exemple. Il multiplie ainsi les possibilités autour d'une image.» L'homme photographie à hauteur de chat, près du sol, ou s'élève comme un insecte, zigzaguant près du plafond. Ses clichés semblent une divagation, la balade d'un diptère qui passerait devant un étalage, traverserait un hall pour approcher une ampoule puis ressortirait heurter des passants. «Contrairement à CartierBresson, il n'y a pas de sens à chercher chez Eggleston. Ses images sont apolitiques, elles ne comportent aucun message, pas même social», estime Daniel Girardin. Eggleston s'ingénie à donner un air instantané à ses photographies. La théorie de l'instant déci- EGGLESTON ARTISTIC TRUST, COLLECTION DE L’ARTISTE Le pionnier américain de la couleur et du point de vue décalé s’est jeté dans la photographie après avoir découvert le travail de son aîné français Dans ce cliché pris par sa femme Rosa en 1964, on voit que l’Américain s’endort avec «Les Européens» publié en 1955 par Henri Cartier-Bresson. sif, alliée à une perfection formelle chez Cartier-Bresson, peut laisser croire que le sujet est épuisé, synthétisé durablement en une seule vue – les planchescontacts du Français montrent pourtant qu'il expérimentait beaucoup avant de désigner LA bonne image. Eggleston, au contraire, tourne autour du pot et multiplie les tentatives d'approche, comme un ethnologue soucieux de consigner sa matière sous tous les angles. Dès 1965, l'Américain commence à travailler en couleur et c'est là son autre grande révolution. Les motifs restent identiques; ils trouvent leur ancrage dans le consumérisme ambiant: matériel ménager, rayonnages, fast-foods. C'est ce tournant chro- 9 matique que documente l'exposition lausannoise, déjà présentée… à la Fondation Henri Cartier-Bresson en fin d'année passée. En 1976, John Szarkowski, conservateur de la photographie au MoMA, expose les tirages en couleur de William Eggleston. Une première et un scandale. La comparaison avec Henri Cartier-Bresson, alors, semble d'une autre époque. Parallèlement, le Musée de l'Elysée consacre une exposition aux livres de photographie et une autre aux huit nominés de son premier Prix, remis l'été prochain. William Eggleston. Du 30 janvier au 3 mai. Musée de l'Elysée, Lausanne. (Rens. 021 316 99 11, www.elysee.ch). SSPECTACLE LE TEMPS | FÉVRIER 2015 BERGER SORTIR THÉÂTRE Un pavé dans l’histoire > Du 2 au 22 février Lola Riccaboni et Felipe Castro prêtent voix au texte très personnel de José Lillo. Démons suisses Le metteur en scène José Lillo fait résonner «Le Rapport Bergier», monument de 11 000 pages, au Poche à Genève Le Rapport Bergier. Du 2 au 22 février. Théâtre Le Poche, Genève. (Loc. 022 310 37 59, www.lepoche.ch). Par Alexandre Demidoff Vingt-neuf secondes pour que remonte en flèche une vérité refoulée. Imaginez la séquence – elle existe dans les archives de la RTS. A l'écran, une noria d'hommes, cols blancs, cravates sombres, visages de marbre. Ils ont les yeux braqués sur l'un d'eux. Il s'avance vers nous, la démarche est avenante, le front altier, les oreilles décollées. Il s'adresse à la caméra, c'est-à-dire aussi à la postérité. Ce 30 septembre 1933 à Genève, il affirme que le gouvernement national-socialiste et l'Allemagne veulent la paix. Mais qui parle? Joseph Goebbels, ministre tout frais de la propagande du IIIe Reich. A peine a-t-il proféré ces mensonges qu'on voit son avion s'envoler. Sur la piste de Cointrin, les hommes aux cols blancs saluent, bras levés. Surprise, on dit «Heil Hitler» à Genève comme à Berlin. 10 Ce document frappe l'acteur et metteur en scène genevois José Lillo. Il est à l'origine de son désir de porter Le Rapport Bergier au théâtre. L'entreprise paraît insensée. Le 19 décembre 1996, le Conseil fédéral demande à l'historien Jean-François Bergier d'éclairer l'attitude de la Suisse vis-à-vis des victimes du régime nazi, des demandeurs d'asile juifs notamment, des avoirs qu'ils déposent dans notre pays. Au cœur de cette enquête, plusieurs questions cruciales, dont celle-ci: le Conseil fédéral avait-il connaissance, et si oui, à partir de quand, de la mise en place d'un système d'extermination des juifs? Pendant cinq ans, des scientifiques épluchent les documents. Il en résulte un monument de 11 000 pages qui réduit en miettes l'image d'un pays-hérisson, prêt à résister à l'ennemi au cœur de ses montagnes. Ce procès-verbal serré, précis, complexe, est tout sauf shakespearien. José Lillo n'entend d'ailleurs pas le mettre dans la bouche de ses trois acteurs, Lola Riccaboni, Felipe Castro et Maurice Aufair. «C'est impossible à traiter, confie-t-il. Une page suffirait à nourrir un téléfilm. D'une manière générale, les mots des historiens sont difficiles à transmettre, du fait de leur complexité. Ce que j'ai voulu faire, c'est livrer une parole seconde, celle qui est née de ma lecture. Ce spectacle n'aura rien d'un documentaire. Il s'agira plutôt d'une suite de variations autour de sujets qui restent ultra-sensibles, comme celui de notre rapport aux étrangers.» Cet automne au Théâtre du Loup, José Lillo projetait sous une lumière de garage souterrain Les Démons de Dostoïevski. Près de quatre heures durant, un bataillon d'acteurs héroïques jouaient merveilleusement avec le feu. Le Rapport Bergier est autrement électrique. José Lillo est obsédé par les années 1930, ce moment où l'Europe s'embrume. Il n'entend pas gloser dessus, mais en transmettre le courant. M MUSIQUE SORTIR LE TEMPS | FÉVRIER 2015 Brad Mehldau l’art du brio LDD Le pianiste américain est en solo à Genève, occasion rare de goûter l’un des jeux les plus subtils de sa génération JAZZ Le toucher d’un géant > 29 janvier Par Arnaud Robert Il ne faut pas avoir peur. Pas une seconde. Pour se lancer, fin XXe siècle, dans une carrière de pianiste jazz. Quand on a un brin de culture, qu'on n'ignore pas les méandres de l'odyssée gravée, de Jelly Roll Morton à Bill Evans, à Keith Jarrett aussi, dont les solos sont attendus comme les prêches laïcs et grognés d'une pulsation qu'on n'éteint pas. Brad Mehldau, né en 1970 à Jacksonville en Floride, n'avait pas peur. Et il n'ignorait rien. On se souvient très clairement de ses premières apparitions au début des années 1990, la dégaine lâche, le rictus légèrement blasé. Il accompagnait Joshua Redman, un autre lion qui donnait l'impression qu'il restait encore tout à faire en matière de swing. On se souvient de ses premiers trios, de ces innombrables enregistrements dans un club de Manhattan: The Village Vanguard, là précisément où Bill Evans avait inscrit à jamais son jeu hanté. Village Vanguard, Septième Avenue, le signe rouge, l'escalier, tout est infime, on a le front forcément posé contre une colonne, si on a de la chance, si elle n'entrave pas tout simplement le regard. Brad Mehldau s'est installé là pour lancer son destin, pour indiquer une filiation mais aussi une mise à sac. La purification du temple. Brad Mehldau est déjà désagréable, certain de sa fortune, sorti de la New School, le Harvard du Jazz, une figure rock, tatouée, instable. Zankel Hall, le 11 mars 2011. Et pourtant dédié tout entier à la forme la plus classique de l'histoire des musiques africaines américaines: le trio piano. Brad Mehldau, 25 ans plus tard, n'a rien lâché. Il a patiemment déconstruit les nouveaux standards du millénaire, dont Radiohead. D'un jeu fondamentalement mélodique, qui vole autant à Evans qu'à Jarrett, mais qui jaillit surtout d'une lueur très intime, il s'est métamorphosé. En orchestre symphonique, avec sa compagne la chanteuse Fleurine, 12 avec ses frères le guitariste Peter Bernstein, le contrebassiste Larry Grenadier, le batteur Jorge Rossy, puis Jeff Ballard. Il a réconcilié les nécessités de l'époque (la petite légende du mutin, la religiosité charismatique de ses concerts) et une concentration monacale sur l'essentiel. Brad Mehldau n'a jamais eu peur. «Tout a été dit, sauf par moi», pensait-il sans doute au moment de poser ses premières phrases sur un clavier long qu'il épousait de son dos rond. Il parle peu des mes- sies, il parle de ses mentors, des figures moins connues du grand public: le pianiste new-yorkais Fred Hersch, surtout, soit le sérieux absolu du jazzeur qui considère sa musique comme une entreprise de salubrité publique. Brad a 44 ans. Il est à l'apogée de son expression. Si on aime le jazz, il faut l'avoir vu, au moins une fois. Brad Mehldau. Jeudi 29 janvier à 20h30. Victoria Hall, Genève. (Loc. www.fnac.ch). INVITATIONS EXCLUSIVES THÉÂTRE VIDY-LAUSANNE Le Kung-Fu De Dieudonné Niangouna Samedi 7 février 2015 à 19h30 (Code 11) THÉÂTRE VIDY-LAUSANNE D’après une histoire vraie De Christian Rizzo Vendredi 13 février 2015 à 20h00 (Code 12) THÉÂTRE VIDY-LAUSANNE Affabulation De Stanislas Nordey Samedi 7 mars 2015 à 19h00 (Code 13) THÉÂTRE VIDY-LAUSANNE No World/FPLL Winter Family Samedi 14 mars 2015 à 19h00 (Code 14) Seuls les gagnants du tirage au sort sont avisés par courrier. Privilèges réservés aux abonnés du Temps. Pour gagner deux invitations, vous pouvez participer: Par téléphone (CHF 1.–/appel depuis une ligne fixe) 1. Appelez le 0901 001 003 et tapez le code du concours 2. Suivez les instructions Par SMS (CHF 1.–/SMS) 1. Tapez LTCONCOURS et le code du concours 2. Envoyez le message au numéro 959 Par courrier Envoyez une carte postale avec coordonnées (nom, prénom, adresse, tél., code du concours) à: Le Temps Concours Case postale 2570 - 1211 Genève 2 Cette offre est valable jusqu’au lundi 26 janvier à minuit. M MUSIQUE SORTIR LE TEMPS | FÉVRIER 2015 DR Terra incognita Earth. A gauche, Dylan Carlson. Earth, le gang de Dylan Carlson, redéfinit l'essence du rock depuis 1989. A goûter dans le cadre du festival Antigel Par Philippe Simon Sa gueule est une préface qui ouvre sur des histoires parallèles. Où a-t-on vu Dylan Carlson? A la barre du Pequod? A Gettysburg, sanglé dans un uniforme confédéré? Ou alors le cul bien calé sur un tracteur, à tirer des bords sans fin dans un champ de l'Arkansas? Tout cela à la fois. Mais dans notre univers à nous, c'est derrière une guitare qu'on le voit le plus souvent, impressionnante barbe à la Souvarov de vieux lion pelé (il y en avait encore aux Etats-Unis il y a 12 000 ans), yeux caves, dodelinant un rock de train routier dont le nom de code, Earth, traduit assez bien le poids et l'importance. Earth, c'est une carrière de 26 ans ponctuée par une longue éclipse et maintenue par une envie constante de redéfinir les schémas de son genre natif – qu'on l'appelle metal ou, puisqu'on est avec Carlson dans une esthétique de la transcendance et de l'inclusion, rock, tout simplement. Lorsqu'il fonde son groupe en 1989 à Olympia, dans l'Etat de Washington, Nirvana n'a pas encore sorti son Nevermind, mais on est déjà en pleine effervescence grunge – Seattle se situe à une heure de voiture à peine, vers le nord-est. Socialement, Dylan Carlson fait partie de la scène – Kurt Cobain geindra sur un des premiers titres de Earth («Divine and Bright», paru sur Sunn Amps and Smashed Guitars) – et la légende (ainsi que les rapports de police) veut que ce soit Carlson qui ait acheté l'arme qui a permis au pape du grunge de découvrir l'autre monde. Là n'est pas l'important. Ce qui restera dans l'histoire de la musique entendue comme suite de notes et non d'anecdotes, c'est que Carlson réintroduit dans le rock indépendant des valeurs qui, mi- FESTIVAL ANTIGEL Earth > 27 janvier 14 ses ensemble, créent une alchimie nouvelle: la lenteur et la répétition. On résume cela sous le nom de «drone» – rien à voir avec les forces aériennes, on parle ici de l'art antique du bourdon: le drone est «un son unique et continu, originel, qui contient toutes les harmoniques à partir desquelles s'organise un discours musical souvent monodique et modal», précisent les musicologues. Dans le vocabulaire de Earth, cela donnera des disques massifs, à haut dosage de distorsion: Phase 3: Thrones and Dominions (1995) ou Pentastar In The Style of Demons (1996). Carlson a alors créé un genre, le drone metal: ses maîtres actuels, Sunn0))), se baptiseront d'ailleurs de la sorte par une forme d'hommage cosmologique. De 1996 à 2005, on entre dans un désert. L'héro impose le silence à Carlson («Ce truc aide à sortir du lit, pas à composer», avouera-t-il). A veines claires, ce sera toutefois une renaissance, tant personnelle qu'esthétique: Hex (Or Printing in the Infernal Method) sort à la fin du tunnel et montre un son beaucoup plus aéré – la distorsion est plus discrète, les développements plus amples, le minimalisme davantage assumé: c'est désormais un rock de grands espaces, mantrique, pur, qui va chercher du côté de l'americana (country, folk, jazz) mais qui conserve la perversité d'un saloon sous codéine. Depuis, la formule connaît des états de raffinement croissants: The Bees Made Honey in the Lion's Skull (2008), les albums jumeaux Angels of Darkness, Demons of Light I & II (2011 et 2012) et Primitive and Deadly (2014) voient Carlson et ses acolytes contemporains (Adrienne Davies à la batterie, Bill Herzog à la basse) offrir des propositions toujours plus affûtées… et ouvertes – le dernier grand œuvre de Carlson (Boa / Cold, publié par Ninja Tune) consistant en une collaboration a priori improbable mais au final implacable avec The Bug (alias Kevin Martin), grand maître anglais du dub électronique. La Terre est large. Earth. Mardi 27 janvier à 22h. Cave 12, Genève. (Loc. www.antigel.ch). M MUSIQUE SORTIR LE TEMPS | FÉVRIER 2015 Harpes cristallines à La quinzième édition du festival des Sommets musicaux met l'accent sur cet instrument au répertoire méconnu. Le piano et la voix sont aussi très présents Gstaad FESTIVAL Des notes en altitude > Du 30 janvier au 7 février Par Julian Sykes Avant l'arrivée du futur directeur artistique Renaud Capuçon en 2016, les Sommets musicaux de Gstaad vivent une année de transition. Ce festival, qui convie stars confirmées et talents en devenir, a perdu son directeur artistique en juillet dernier. Décédé subitement, Thierry Scherz sera dans l'esprit de beaucoup lors de cette édition 2015 qui fut concoctée par ses soins. Pianistes, chanteurs, chefs d'orchestre: il y en a pour tous les goûts. Pendant neuf jours, le festival alterne concerts de soirée dans les églises de Saanen et de Rougemont et concerts de l'après-midi à la chapelle de Gstaad. Parmi les vedettes attendues, les pianistes russes Elisabeth Leonskaja (dans le 1er Concerto de Chopin, sa 31 janvier à Saanen) et Arcadi Volodos (dans les Klavierstücke Op. 118 et la Sonate D 960 de Schubert, di 1er février à Rougemont) promettent des émotions vives. Autre figure célèbre: Ivo Pogorelich jouera le 2e Concerto de Chopin avec Michel Tabachnik et le Sinfonia Varsovia (ve 6 février à Saanen). A noter que le pianiste croate – si brillant au début de sa carrière – cultive aujourd'hui un style discutable, mais l'on ne sait jamais… La soprano Inva Mula, qui a bien connu Thierry Scherz, chantera l'Ave Maria de Schubert, Vocalise de Rachmaninov et le «Chant à la lune» tiré de Rusalka de Dvorák aux côtés du chef Ondrej Lenárd et de l'Orchestre symphonique de la radio de Prague lors de la soirée JCHUSSON Emmanuel Ceysson. d'ouverture. A ce même concert, l'invité en résidence Emmanuel Ceysson interprète le Concerto pour harpe de Rheinhold Glière (ve 30 janvier à l'église de Saanen). On se réjouit aussi d'entendre la mezzo-soprano américaine Jennifer Larmore dans des airs baroques de Händel et Purcell, accompagnée par David Greilsammer et le Geneva Camerata (lu 2 février). La harpe, rien que la harpe! C'est l'instrument retenu pour les jeunes talents qui se produiront successivement à la chapelle de Gstaad. Sous l'égide du Français Emmanuel Ceysson, ces harpistes en devenir se succéderont lors des concerts à 16 heures à la chapelle de Gstaad. A l'issue de ces huit jours, les plus méritants recevront des prix afin d'encourager leur carrière. Fin et élégant, Emmanuel Ceysson joue non seulement au concert d'ouverture, mais se produit avec d'autres musiciens à l'église de Rougemont (je 5 février). Il est tombé amoureux de cet instrument à cause du Concerto pour flûte et harpe de Mozart qu'il a entendu à 6 ans. «C'était une forme d'évidence: ce timbre, cette résonance, ces arpèges faisaient écho en moi comme aucune musique auparavant.» Pour clore le festival, Stefan Vladar et l'Orchestre de chambre de Vienne accompagnent Daniel Lozakovitj, âgé de seulement 13 ans, dans le Concerto pour violon de Beethoven (sa 7 février à Saanen). Sommets musicaux de Gstaad. Du 30 janvier au 7 février. (Loc. www.sommets-musicaux.com). 16 PRIVILÈGES ABONNÉS PROFITEZ DE NOS OFFRES CULTURELLES EXCLUSIVES RÉSERVÉES À NOS ABONNÉS! GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE GSTAAD MENUHIN FESTIVAL & ACADEMY 15% de réduction sur l’achat de places en catégories A, B, C pour les opéras, ballets et récitals. 40% de réduction sur le 2e billet pour l’achat de deux places pour un concert sous la tente. (Hors tarif jeunes et hors spectacles invités.) (Offre valable pour les catégories A, B, C et D, non cumulable. Concert du 21 août non inclus.) 10% de réduction pour l’achat de billets pour les concerts dans les églises. (Offre non cumulable et hors église de Saanen.) Ouverture de la billetterie: 1er février 2015. THÉÂTRE VIDY-LAUSANNE Carte de réduction 14-15 à CHF 80.– (rabais CHF 50.–). (Uniquement pour tout nouvel adhérent. Aucun remboursement pour une carte déjà acquise. Non cumulable.) 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Si vous n’êtes pas abonné(e), rendez-vous sur www.letemps.ch/abonnements FOX WARNER Comédie «Birdman» Alejandro González Iñárritu Le réalisateur de «21 Grammes» décrypte la mythologie du super-héros à travers l’acteur qui incarnait l’hommeoiseau dans sa jeunesse glorieuse et qui aujourd’hui encore se sent des ailes. Satire Comédie «Snow Therapy» «Dancing Arabs» Ruben Ostlund Eran Riklis Une famille suédoise jouit de ses vacances de neige. Mais, en révélant la lâcheté du père, une avalanche balaie les certitudes. Un film d’une cruauté exquise. Admis dans un prestigieux internat juif de Jérusalem, un jeune Palestinien se lie avec un Israélien malade. Un habile questionnement identitaire. Dilemme Néoréalisme «Félix et Meira» «Les Merveilles» A Montréal, la jeune épouse d’un juif intégriste est attirée par un charmant glandeur. Choc de la modernité et de la tradition, incertitude et mélancolie. A l’écart du monde, une famille italienne produit du miel. Le monde moderne s’immisce dans leur existence et la menace. Prix du Jury à Cannes. Maxime Giroux Alice Rohrwacher C CINÉMA NOS PRÉFÉRENCES SORTIR C CINEMA LE TEMPS | FÉVRIER 2015 La phrase du mois «Je suis un robot, je ne peux pas être offensé» Moelleux comme un marshmallow, bon comme le pain blanc, Baymax est un robot gonflable programmé pour prodiguer des soins médicaux. Les insultes lui coulent dessus comme de l’eau sur les plumes d’une oie grasse. Les trois lois de la robotique, définies par Asimov en 1942, selon lesquelles une créature artificielle ne peut nuire à un être humain dictent toujours l’éthique du patapouf Disney. En des temps où tout un chacun est prompt à se sentir outragé par son prochain, on se prend à rêver de l’équanimité de Baymax. Le robot est-il l’avenir de l’homme? DISNEY «Les Nouveaux Héros», de Don Hall et Chris Williams LES ÉTOILES DU TEMPS Par nos critiques 20 000 Days on Earth Adieu au langage American Sniper Birdman Broken Land Charlie Mortdecai Chic! Cinquante Nuances de Grey Coming Home Comment tuer son boss 2 Des Chevaux et des Hommes Difret Durak – The Fool Exodus: Gods and Kings Félix et Meira Fidelio, l’odyssée d’Alice Foxcatcher Homo Faber (Trois Femmes) Interstellar Into the Woods Invincible (Unbroken) Jupiter Ascending Kingsman: The secret service La Dame en noir 2: L’ange de la mort La Famille Bélier La French La Nuit au musée 3: Le secret des pharaons La Rançon de la gloire Le Chant de la mer L’Enquête Le Hobbit 3: La bataille des cinq armées Le Sel de la terre Les Merveilles (Le Meraviglie) Les Moomins sur la riviera Les Nouveaux Héros (Big Hero 6) 20 Norbert Creutz Antoine Duplan V VV V V U VV V VVV V VVV VVVV VVV VVV VV VV V V VVV VV U VV VV VVV VVVV VVV U VVV VV VVV UU VV V VVV VVV VVV U VVV VVV V V VVV VV Les Nouveaux Sauvages (Relatos salvajes) Les Opportunistes (Il capitale umano) Les Souvenirs L’Interview qui tue! Loin des hommes Loin des yeux Magic in the Moonlight Master of the Universe Mommy Mon Fils (Dancing Arabs) My Name Is Salt Mr. Turner Northmen – A Viking Saga Paddington Papa ou maman Snow Therapy (Turist) Taken 3 Terre battue The Cut The Hunger Games – Mockingjay: Part 1 Thulethuvalu The Imitation Game The Riot Club Timbuktu Tout feu tout flamme (Feuer & Flamme) Une Belle Fin (Still Life) Toute première fois Une Heure de tranquillité Une Merveilleuse Histoire du temps When Marnie Was There Whiplash Wild Yalom’s Cure/Yalom: La thérapie du bonheur Norbert Creutz Antoine Duplan VVV VVV VV VVV V VVV VVV VV VV VVV VVVV V V VVV VV VV VV VV VVV VVV U U VVV VVV VV - VV U VVV VVV VVV VV VV VVV U V V VVV VV VV VVV VV VVV VV V VV V VVVVj'adule VVVj'admire VVj'estime Vje supporte U je peste UU j'abhorre -- je n'ai pas vu C LE TEMPS | FÉVRIER 2015 SORTIR CINEMA DRAME Le déclin des Vikings Dans «Turist» («Snow Therapy»), une famille suédoise s'éclate sur les pistes de ski. Mais, balayant les derniers bastions du patriarcat, une avalanche dévaste l'harmonie et précipite la chute du mâle occidental. Un film d’une cruauté délectable LOOK NOW! Danger d’avalanche! Les femmes et les enfants d’abord… Tomas et sa femme Ebba, accompagnés de leurs deux enfants blonds, ont quitté la Suède pour passer une semaine de ski dans les Alpes françaises. Luxe, confort et grand air! Formidable, jusqu'à ce qu'une avalanche vienne semer la zizanie dans le parfait agencement des vacances. Elle déferle en direction d'une terrasse en altitude, et menace de l'engloutir. Tandis qu’Ebba protège ses chéris, Tomas s'enfuit… Lorsque le danger est écarté, il rejoint la table, mais il y a quelque chose de pourri dans la cellule familiale. Pour son troisième film après Involuntary, comédie de mœurs, et Play, saisissante évocation d'une série de rackets survenue à Göteborg, Ruben Ostlund poursuit dans Turist (qui porte parfois en français le titre Snow Therapy (Force Majeure)…) sa vivisection cruelle de la social-démocratie et raille le tourisme hivernal – ô pauvre montagne bétonnée, trouée, résillée de câbles, secouée par des explosions nocturnes et des binge drinkings barbares… En préférant l'instinct de survie à l'instinct maternel, en oubliant que «Les femmes et les enfants d'abord», Tomas perd ce qu'il restait de son statut de patriarche. Il se dégonfle littéralement telle une baudruche. Ebba le crucifie du regard et de la parole, raconte sa lâcheté à leurs amis. Dommage collatéral, même le très barbu Mats est atteint dans sa virilité par la veulerie de son congénère. L'ironie impitoyable du propos passe par une grande rigueur cinématographique – plans-séquences, cadrages remarquables, précision de la mise en scène et jeu remarquable des comédiens. Antoine Duplan Les Bronzés aux sports d'hiver, deuxième! Le rire est plus grinçant… VVVTurist, de Ruben stlund, avec Johannes Kuhnke, Lisa Loven Kongsli, Clara et Vincent Wettergren, Kristofer Hivju, Fanni Metelius, Karin Myrenberg PUBLICITÉ LE RAPPORT BERGIER DE ET PAR JOSÉ LILLO AVEC MAURICE AUFAIR FELIPE CASTRO LOLA RICCABONI THÉÂTRE LE POCHE www.lepoche.ch / 022 310 37 59 2 > 22 FÉVRIER 2015 21 SORTIR Sorties du 28 janvier - Into the Woods – Promenons-nous dans les bois Comédie musicale de Rob Marshall avec James Corden, Emily Blunt, Meryl Streep, Anna Kendrick, Chris Pine, Lilla Crawford, Johnny Depp, Daniel Huttlestone, Tracey Ullman. Une comédie musicale de génie, servie par de grands interprètes Un humble boulanger et sa femme sont frappés d’un sort qui a rendu leur union stérile. Mais un jour, la sorcière responsable leur laisse entrevoir une possibilité de le lever, en lui ramenant quatre ingrédients très rares. Ils s’enfoncent alors dans les bois, où ils vont croiser Cendrillon et le Petit Chaperon rouge, Jack (au haricot magique) et Raiponce… Pour sa troisième comédie musicale après le mémorable Chicago et le moins heureux Nine, l’ex-chorégraphe Rob Marshall s’est tourné vers la Rolls du genre: Stephen Sondheim. Créée à Broadway en 1987, Into the Woods s’inspire aussi bien des contes de Grimm et de Perrault que de leur psychanalyse par Bruno Bettelheim. Plusieurs contes s’y croisent donc afin d’explorer nos rêves et nos désirs, le passage de l’innocence à l’expérience. Malgré une réalisation qui se repose trop sur les effets spéciaux (comme La Belle et la Bête de Christophe Gans), cette production Disney reste fidèle, avec un second acte plus sombre qui donne toute sa profondeur à l’œuvre. Après l’admirable Sweeney Todd de Tim Burton, Hollywood aurait-il enfin saisi le génie de Sondheim? NC C CINEMA pête drosse à la Côte d'Azur. Ils vont y mener la grande vie. C’est en Finlande, en 1945, que Tove Jansson crée les Moomins. Ces petits êtres fantastiques tenant de l’hippopotame et des Barbapapa sont une institution en Scandinavie. Ils ont nourri les rêves des enfants du reste du monde, inspiré des dessins animés jusqu’au Japon. Les Moomins sur la Riviera est un film franco-finlandais réalisé en animation 2D classique par Xavier Picard. ADN U L’Interview qui tue! (The Interview) Comédie de Seth Rogen et Evan Goldberg avec James Franco, Seth Rogen, Lizzy Kaplan, Randall Park. Un film qui énerve Kim Jong-un ne peut pas être tout à fait mauvais Deux crétins, le journaliste Dave Skylark (James Franco) et le producteur Aaron Rappaport (Seth Rogen), produisent un show TV que les crétins adorent. Et Kim Jong-un aussi. Le leader nord-coréen invite les deux gnafrons pour une interview exclusive; la CIA les recrute pour qu’ils l’assassinent . Issu de la mouvance Apatow (40 ans, toujours puceau), Seth Rogen s’allie à Evan Goldberg (This Is The End) pour tirer de ce postulat improbable une farce d’une totale potacherie à dominante scatologique affirmée. La suite a failli dégénérer en troisième guerre mondiale: cyberattaque massive contre Sony, menaces d’attentat dans les cinémas, sortie du film annulée, avant que tout ne rentre dans l’ordre. L’Interview qui tue! fait évidemment plus pitié qu’il ne suscite le rire. ADN VVV - Les Moomins sur la Riviera Film d’animation de Xavier Piccard. L’intrusion d’une bande de pirates dans l’idyllique vallée va bouleverser la vie tranquille des Moomins et leur donner soif d’aventures. Ils embarquent à bord d’un petit bateau à voiles que la tem- Master of the Universe Documentaire de Marc Bauder. Un documentaire sur la finance qui permettra de ne pas mourir idiot Rainer Voss, ancien banquier d’affaires allemand d’une cinquantaine d’années, livre son expérience à son jeune compatriote Marc Bauder. De sa fulgurante as- 22 LE TEMPS | FÉVRIER 2015 cension professionnelle à la fin des années 1980 à la retraite anticipée qui l’a frappé comme tous ses pairs, il revient sur l’évolution délirante du système financier mondial durant le dernier quart de siècle: la libéralisation du marché, l’invention des produits dérivés, la course à toujours plus toujours plus vite, pour finir par un découplage entre finance et économie réelle, la crise mondiale et la mise à genoux de pays entiers… Superbement mis en scène dans une tour abandonnée de Francfort, ce banquier «repenti» est un personnage fort. A travers lui, on revit la griserie d’une époque et de ces jeunes loups qui s’imaginèrent en maîtres de l’univers. Mais avec le recul, il dévoile aussi tout l’envers du décor: de l’hypocrisie et l’irresponsabilité qui règnent dans le milieu à une dérive mondiale qui pourrait nous coûter encore très cher. Sacré meilleur documentaire européen de l’année, un film fascinant qui vaut vingt-cinq ans de vaine lecture de pages économiques quotidiennes! NC - Souvenirs de Marnie (When Marnie Was There) Film d’animation de Hiromasa Yonebayashi. My Name Is Salt Anna, jeune fille solitaire, est envoyée soigner son asthme dans un petit village au nord d’Hokkaïdo. Au cœur des marais, elle découvre une vieille demeure inhabitée. C’est là que vit l’étrange Marnie. Un lien puissant se noue entre les deux filles. Lorsque Marnie disparaît, Anna se met en quête de son amie perdue. Tiré d’un classique des lettres anglaises, écrit par Joan G. Robinson, ce vingtième longmétrage produit par les studios Ghibli est l’œuvre de Hiromasa Yonebayashi. Il a été intervalliste sur Princesse Mononoké, animateur sur Le Voyage de Chihiro, Le Château ambulant et Ponyo sur la falaise de maître Miyazaki, avant de voler de ses propres ailes une première fois avec Arrietty, le petit monde des chapardeurs. Les Souvenirs de Marnie est le premier film produit par le mythique studio auquel n’ont participé ni Hayao Miyazaki ni Isao Takahata, partis à la retraite. ADN Documentaire de Farida Pacha. Un splendide documentaire, plus contemplatif qu’exotique VV VVV Le Rann de Kutch est un immense marais salant de plus de 5000 km2 au nord-ouest de l’Inde, dans l’Etat du Gujarat à la frontière du Pakistan. Désertique la plus grande partie de l’année, il se retrouve submergé au moment de la mousson. Chaque année, des milliers de familles s’y rendent durant la saison sèche pour extraire le sel, réputé le plus blanc sur Terre. Parmi eux, Sanabhai et sa famille… Documentaire indien soutenu par la Suisse, My Name Is Salt a été salué dans de nombreux festivals. Sans commentaire off, la cinéaste Farida Pacha y donne la priorité aux images et aux actions, parfois mystérieuses, des protagonistes. Au suspense tout simple de savoir si la famille parviendra à récolter suffisamment de sel avant la fin de la saison, elle ajoute une rare poésie visuelle qui donne une dimension épique à ce travail épuisant. Un magnifique film «contemplatif», jamais ennuyeux. NC Imitation Game (The Imitation Game) Drame de Morten Tyldum avec Benedict Cumberbatch, Keira Knightley, Matthew Goode, Allen Leach, Matthew Beard, Charles Dance, Rory Kinnear, Mark Strong. Alan Turing crée le premier ordinateur pour contrer le nazisme En 1952, Alan Turing, discret professeur de l’Université de Manchester, se retrouve au poste de police. C’est le début de la fin d’une incroyable affaire qui a débuté en 1939 quand ce jeune mathématicien féru de cryptologie se retrouve appelé à participer à l’effort de guerre. Avec son équipe du centre de Bletchley Park, Turing est chargé par le gouvernement de percer le secret de la célèbre machine de cryptage allemande Enigma, réputée inviolable… Deuxième film consacré à ce qui fut longtemps le secret le mieux gardé de la Seconde Guerre C LE TEMPS | FÉVRIER 2015 SORTIR CINEMA mondiale (après Enigma de Michael Apted, en 2001), The Imitation Game est tiré d’une biographie d’Alan Turing qui remet ce personnage, lui-même énigmatique, au centre de l’affaire. Confié à l’habile faiseur norvégien Morten Tyldum (Headhunters), le film est un biopic moyen, plein de clichés et de simplifications, hissé à un niveau supérieur par l’intérêt de son sujet historique et la performance de Benedict Cumberbatch. Mais la comparaison avec le nettement plus inspiré The Theory of Everything de James Marsh (sur Stephen Hawking) joue en sa défaveur. NC U Toute première fois Comédie de Noémie Saglio et Maxime Govare avec Pio Marmaï, Adrianna Gradziel, Franck Gastambide, Lannick Laubry, Camille Cottin, Frédéric Pierrot. Pour deux nouvelles comédiennes Sorties du 4 février Jérémie, 34 ans, émerge dans un appartement inconnu aux côtés d’Adna, une ravissante Suédoise. Le début d’un conte de fées? Rien n’est moins sûr. Car Jérémie est sur le point de se marier… avec Antoine, son compagnon de longue date. Troublé, Jérémie essaie d’en parler avec son collègue Charlie, séducteur patenté. Puis tente de s’expliquer avec ses parents, avec Edna et Antoine – mais ne rencontre qu’incompréhension… Après Les Voies impénétrables (2012, inédit) qui s’amusait de la vie de nonnes d’aujourd’hui, le tandem Noémie Saglio/Maxime Govare s’attaque à la sexualité moderne. Leur modèle pour raconter ce «coming out inversé» est clairement la comédie à la fois grossière et tendre façon Judd Apatow. Mais à ce niveau d’indigence de jeu et d’écriture, on déclare forfait. NC V Difret Drame de Zeresenay Mehari avec Meron Getnet, Tizita Hagere, Shetaye Abreha Mekonen, Leake. Pour la bonne cause des femmes éthiopiennes Dans un village éthiopien, la jeune Hirut, 14 ans, est kidnappée sur le chemin de l’école par sept hommes armés et violée par un prétendant éconduit dans le but d’en faire malgré tout sa femme. En prenant la fuite, elle tue son ravisseur. Un conseil tribal décide alors qu’elle doit être exécutée. Mais avant que la sentence puisse être appliquée, Hirut est sauvée par Meaza Ashefani, une avocate de la capitale engagée pour les droits de la femme. Sa vie reste toutefois menacée… Salué par des prix du PUBLICITÉ 23 public à Sundance et Berlin (section Panorama), Difret est le typique film «à sujet» où la forme ne suit pas. Certes, la cause est juste et il s’agit d’une première œuvre, mais comment fermer les yeux sur la naïveté du récit et les maladresses de la réalisation? Malgré la caution d’Angelina Jolie, créditée comme productrice exécutive, on constate ici encore une fois le retard du cinéma africain et l’insuffisance des bonnes intentions. NC VVV Homo Faber (Trois Femmes) Film d’art et d’essai de Richard Dindo avec Marthe Keller, Daphné Baiwir, Amanda Barron, Christian Kohlund. Le verbe de Frisch prend chair devant l’objectif du cinéaste Ingénieur soucieux de réduire le monde à sa réalité tangible, Wal- SORTIR C CINEMA LE TEMPS | FÉVRIER 2015 DRAME PSYCHOLOGIQUE La musique ou le Talmud? CINEWORX Dans «Félix et Meira», un glandeur patenté et une jeune femme d’obédience juive orthodoxe tombent amoureux. Dilemme et mélancolie… Félix (Martin Dubreuil) et Meira (Hadas Yaron). A Montréal, Meira (Hadas Yaron) passe des heures grises auprès d’un être trop différent: Shulem, son époux à barbe et à principes. Pendant ce temps, Félix, un poil dans la main, mène une vie marginale. Son père, avec lequel il était brouillé depuis des années, vient de mourir et il dilapide sans joie sa part d’héritage. Ces deux-là n’auraient jamais dû se rencontrer. Seulement, la jeune maman aime la musique et le dessin, activités prohibées au sein de sa rigide communauté hassidique. Et Félix se sent bien seul. Ils se rapprochent. Elle découvre la «vraie vie» (jeans, salsa, pingpong): elle doit affronter le dilemme de l’amour et du devoir (maternel)… Maxime Giroux (Demain, Jo pour Jonathan) s’est souvenu du Kadosh d’Amos Gitai pour Félix et Meira, sacré «Meilleur film canadien» au Festival de Toronto, ce qui laisse songeur sur la qualité du cinéma canadien. Car ce drame, forcément touchant, trahit les faiblesses inhérentes à la plupart des productions québécoises: le ressort narratif se détend, les scènes traînent des pieds, l’intérêt pique du nez. Le cinéaste a toutefois le mérite de ne pas céder aux facilités de la caricature: sous le poil hassidique se cache un être humain; la psychorigidité traditionnelle de Shulem n’empêche pas la sensibilité et l’empathie. Maxime Giroux a aussi le bon goût de ne pas prôner le triomphe de l’amour vrai. Félix et Meira finissent en gondole à Venise, mais pour quelle destination? Habitué du clip, le réalisateur larde son film d’intermèdes musicaux, décalés (un clip de Wendy Rene) ou déconcertants (commentaires de deux danseurs latinos). Et un moment de grâce infiniment plus grand que le film: «Famous Blue Raincoat», de Leonard Cohen, qui, en quelques mots, exprime la quintessence des enjeux: «Ensuite tu as offert à ma femme un flocon de ta vie»… Antoine Duplan La plus belle des chansons de Leonard Cohen, «Famous Blue Raincoat», est sertie dans ce film VVFélix et Meira, de Maxime Giroux, avec Martin Dubreuil, Hadas Yaron, Luzer Twersky, Anne-Elisabeth Bosse, Benoît Girard, Melissa Weisz. PUBLICITÉ OUZBÉKISTAN Les hauts-lieux & la fête du printemps en Bactriane 11 - 25 mars 2620 fr.* JORDANIE La voie royale entre sites & nature 18 - 28 mars 3840 fr.* ÉTHIOPIE Abyssinie millénaire 7-22 février & 3-18 avril dès 5250 fr.* OMAN Dans le désert d’Arabie 27 mars - 7 avril 4800 fr.* * prix TTC par pers incl. vol, chambre double, pension selon prog., car, entrées, guide www.geo-decouverte.com Rue du Cendrier 12-14 - GENÈVE Tél. 022 716.30.00 24 C LE TEMPS | FÉVRIER 2015 SORTIR CINEMA ter Faber considère les femmes comme des objets de luxe et de conquête. Il rompt avec Ivy (Amanda Barron) et se souvient de Hanna (Marthe Keller), rencontrée vingt ans plus tôt à Zurich. Sur le bateau qui le ramène en Europe, ce misogyne raffiné fait la connaissance de Sabeth (Daphné Baiwir), 20 ans, dont la fraîcheur l’attire. Ils prennent ensemble la route de la Grèce. Sur une plage d’Eleusis, Sabeth est mordue par un serpent. Publié en 1957, Homo Faber est un des romans les plus célèbres de Max Frisch. L’approche de Richard Dindo, qui a tourné Max Frisch, Journal I-III, est autrement radicale et passionnante. Walter Faber n’apparaît jamais à l’écran. On entend juste sa voix intérieure. On découvre le monde, les femmes, les souvenirs par ses yeux – via la caméra que le cinéaste porte luimême. ADN - Jupiter Ascending Film de science-fiction d’Andy & Lana Wachowski avec Channing Tatum, Mila Kunis, Sean Bean, Eddie Redmayne, Douglas Booth, Gugu Mbatha-Raw, Tuppence Middleton, Vanessa Kirby. La jeune Jupiter Jones (Mila Kunis) rampe tout en bas de l’échelle sociale: elle nettoie les WC. A des années-lumière de là, la Reine de l’Univers ourdit l’assassinat de la petite déclassée. Elle dépêche Caine, un tueur génétiquement amélioré (Channing Tatum, avec les oreilles en pointe). Mais il en faudrait plus pour détourner Jupiter de son destin… Au soir du XXe siècle, les frères Wachowski ont réformé et popularisé la science-fiction avec Matrix, trilogie surestimée. Depuis, Andy et son frère Larry, devenu(e) sa sœur Lana, courent après le succès à travers de grands spectacles ambitieux que le ridicule n’épargne pas: Speed Racer, ou Les Fous du Volant dans la 4e dimension, suivi de Cloud Atlas, conglomérat de récits transtemporels pour comédiens à rôles multiples. A priori, ce Jupiter Ascending a tout l’air de noyer la ténuité candide d’une intrigue flattant la volonté de puissance, dans un débordement illimité d’effets spéciaux bien kitsch. ADN V La Nuit au musée 3: Le secret des pharaons (Night at the Museum: Secret of the Tomb) Comédie de Shawn Levy avec Ben Stiller, Robin Williams, Dan Stevens, Owen Wilson, Rebel Wilson, Rami Malek, Ben Kingsley. Une suite londonienne qui nous vaut un amusant Lancelot Après qu’une soirée de gala au planétarium du Musée de New York a viré au chaos du fait des phénomènes nocturnes qui s’y déroulent, le gardien Larry Daley se retrouve chargé d’une mission: se rendre au British Museum de Londres pour sauver l’antique tablette égyptienne frappée de corrosion qui en est la cause… Troisième et en principe dernier volet d’une série plutôt sympathique, ce Secret des pharaons est surtout prétexte à réunir les personnages des volets précédents et à multiplier les courses poursuites bourrées d’effets spéciaux. Shawn Levy n’a toujours pas l’ombre d’un style et les gags sont de niveaux très variables. Le meilleur vient d’un Lancelot (Dan Stevens) aussi perdu que les personnages évadés de la fiction dans La Rose pourpre du Caire. Et rien que pour saluer une dernière fois Robin Williams et Mickey Rooney, on peut envisager d’accompagner les enfants. NC - Maya l’abeille (Die Biene Maya) Film d’animation d’Alexs Stadermann. Dans la ruche, la discipline règne. Mais Maya, adorable petite peste blonde, n’en fait qu’à sa tête. Bannie, elle découvre le vaste monde rutilant et parfumé, mais dangereux aussi – crapauds, frelons, etc. Créée en 1912 par l’écrivain allemand Waldemar Bonsels, Maya l’abeille fait l’objet de dessins animés japonais dès 1975. Alexs Stadermann propose une nouvelle version qui renvoie forcément à 1001 Pattes, Fourmiz et autres pro- duits pour enfants sages plongeant dans le monde merveilleux des insectes. ADN VV V (Feuer & Flamme) Papa ou maman Comédie de Martin Bourboulon avec Laurent Lafitte, Marina Foïs, Judith El Zein,Michel Vuillermoz. Les têtes à baffes ne volent pas leurs paires de claques Florence (Marina Foïs), chef de chantier, et Vincent (Laurent Lafitte), gynécologue, forment un couple stable depuis quinze ans. Pourtant, ils divorcent. Simple formalité s’il n’y avait 1) trois enfants plus ou moins insupportables, 2) une opportunité professionnelle pour le papa et pour la maman de passer quelques mois à l’étranger. Dans cette nouvelle La Guerre des Rose, chacun va faire le pire pour que la garde des gosses incombe à l’autre. Maman s’invite à une boum et fout la honte à sa fille, papa invite ses rejetons en salle d’op où ils tournent de l’œil… Sur ce postulat infâme, Martin Bourboulon, formé à l’école des Guignols de l’info, signe une comédie plus décapante que le titre ne le laisse supposer. ADN - Tout feu, tout flamme Documentaire d’Iwan Schumacher. L’alliage de l’art et de la métallurgie Les sculptures d’Urs Fischer, de Katharina Fritsch ou de Paul McCarthy impressionnent le public des galeries et des biennales par leurs formes et leurs volumes. Il ne faut pas oublier les artisans dont le savoir a permis l’érection de ces masses saisissantes. Iwan Schumacher est allé à leur rencontre dans la fonderie d’art de Saint-Gall, et dans sa succursale de Shanghai. Sous la houlette de Felix Lehner, fondeurs et sculpteurs travaillent le cuivre, la fonte, la cire, la résine époxyde… Images fascinantes, gestes séculaires, ballet incandescent du métal en fusion. Et success story d’une entreprise. ADN Sorties du 11 février - Cinquante Nuances de Grey The Cut (Fifty Shades of Grey) Drame historique de Fatih Akin avec Tahar Rahim, Simon Abkarian, Makram Khoury, Hindi Zahra, Moritz Bleibtreu, Arsinée Khanjian. Drame érotique de Sam Taylor-Johnson avec Dakota Johnson, Jamie Dornan, Jennifer Ehle, Luke Grimes, Rita Ora, Marcia Gay Harden. Anatolie, 1915. Dans le tumulte de la Première Guerre mondiale, alors que l’armée turque s’attaque aux Arméniens, le jeune forgeron Nazaret Manoogian est séparé de sa femme et de ses deux filles. Des années plus tard, rescapé du génocide, Nazaret apprend que ses filles sont toujours en vie. Porté par l’espoir de les retrouver, il se lance dans une quête éperdue, ponctuée de rencontres avec des anges et des démons, du désert de la Mésopotamie aux prairies sauvages du Dakota. Cinéaste allemand d’origine turque, Fatih Akin questionne par le documentaire (Crossing the Bridge, Polluting Paradise) et la fiction (Head On, De l’autre côté) la Turquie et l’immigration. Avec The Cut, il signe son premier film historique. ADN 25 Anastasia Steele, étudiante ingénue, est amenée à interviewer Christian Grey. Ce séduisant jeune milliardaire lui fait tourner la tête. Elle se soumet avec terreur et délice aux protocoles SM qu’il lui impose. On a reconnu l’intrigue de Cinquante Nuances de Grey, d’E. L. James, qui affole le monde de l’édition depuis trois ans. C’est à Sam Taylor-Johnson qu’incombe la responsabilité de traduire en images glacée de pub de luxe le manifeste du mummy porn. Cette réalisatrice londonienne n’a signé qu’un long-métrage, Nowhere Boy, une chronique des jeunes années de John Lennon, plus sentimentale que rock’n’roll. Dakota Johnson tient le rôle d’Anastasia Steele. Cette actrice SORTIR C CINEMA LE TEMPS | FÉVRIER 2015 DRAME PSYCHOLOGIQUE Vivre comme Arabe en Israël Dans «Mon Fils (Dancing Arabs)», Eran Riklis aborde le conflit israélo-palestinien par le biais d’une amitié entre un jeune Palestinien et un jeune Israélien susceptible d’aller jusqu’à la confusion identitaire FILMCOOPI Très apprécié au dernier Festival de Locarno sur la Piazza Grande, le dernier film de l’Israélien Eran Riklis (après Zaytoun) est un nouvel appel à plus de compréhension et de tolérance pour le peuple palestinien. S’inspirant du roman semi-autobiographique Dancing Arabs de Sayed Kashua, un Arabe d’Israël, le réalisateur signe toutefois là son meilleur film depuis ses mémorables Citronniers de 2008. Ce récit d’une éducation débute dans une bourgade palestinienne durant la guerre du Golfe, qui voit la famille d’Iyad se réjouir des frappes irakiennes sur Israël. Quelques années plus tard, à 16 ans, Iyad intègre un internat juif de Jérusalem. Premier Arabe admis, il est progressivement accepté par ses camarades mais n’a qu’un véritable ami, Yonatan, un garçon atteint d’une grave maladie. A force, il devient comme un deuxième fils pour sa mère, jusqu’à faire germer une étrange idée… En narrant ce devenir israélien d’un jeune Arabe, au risque d’y laisser son identité, les auteurs éclairent un nouvel aspect de la complexité du conflit israélo-palestinien. Lancé comme une comédie et toujours agréable à l’œil, le film arrondit certes quelques angles. Mais le drame finit par être aussi parlant que prenant, en particulier grâce à ses excellents comédiens, jusqu’à surclasser le très proche et déjà estimable Le Fils de l’autre de Lorraine Lévy. Norbert Creutz Un habile drame identitaire qui pose les bonnes questions Yonatan (Michael Moshonov), Iyad (Tawfeek Barhom) et Edna (Yaël Abecassis) texane de 25 ans s’est révélée dans The Social Network et a mis le pied sur l’accélérateur dans Need for Speed. Avant d’incarner Christian Grey, Jamie Dornan a porté des slips pour Calvin Klein avant de se découvrir comédien dans des séries TV (Once Upon A Time, The Fall). ADN - Conducta Drame d’Ernesto Daranas avec Armando Valdés Freire, Alina Rodríguez, Silvia Aguila, Yuliet Cruz. La Havane. Le petit Chala, 11 ans, prend soin de sa mère alcoolique et ne connaît pas son père. Pour ramener de l’argent à la maison, il élève des pigeons voyageurs et entraîne des chiens de combat. Les services sociaux ont un œil sur ce petit délinquant en puissance. Heureusement pour lui, il y a Carmel, la vieille institutrice de l’école, et Yeni, la première de sa classe… Prix du public au dernier festival Filmar en América Latina, Conducta (Comportement) est déjà le troisième opus du jeune cinéaste cubain Ernesto Daranas, mais le premier à avoir circulé dans les festivals. Ses atouts seraient le tableau sans fard de la pauvreté à Cuba, heureusement compensé par plusieurs belle histoires d’amour entre le jeune héros et les «femmes de sa vie». D’où un film paradoxalement optimiste et chaleureux. A défaut d’arguments formels plus évidents, comme dans les dernières importations cubaines de trigon Una Noche (Lucy Molloy) et Melaza (Carlos Lechuga)? NC U L’Enquête Drame de Vincent Garenq avec Gilles Lellouche, Charles Berling, Laurent Capelluto. Retour inespéré d’un cinéma politique en France 2001. Le journaliste Denis Robert secoue le monde de la finance en dénonçant le fonctionnement 26 VVMon Fils (Dancing Arabs), d’Eran Riklis, avec Tawfeek Barhom, Yael Abecassis, Michael Moshonov, Danielle Kitzis, Ali Suliman, Razi Gabareen, Marlene Bajali, Laetitia Eido, Norman Issa. opaque de la société bancaire luxembourgeoise Clearstream. Sa quête de vérité le conduit au cœur d’une machination politico-financière baptisée «affaire Clearstream» qui va secouer la Ve République… Après Présumé coupable (2013), consacré à l’affaire d’Outreau, Vincent Garenq essaie d’apporter quelques lumières sur ces affaires d’évasion fiscale et de blanchiment d’argent, aux ramifications poléitiques. Basé sur les livres de Denis Robert, Révélation$ et La Boîte noire, peine à débrouiller cette histoire de David contre Goliath. Parce que Gilles Lellouche est un comédien limité, le scénario faible et la réalisation à la peine, L’Enquête perpétue une tradition de médiocrité du film politique français qui remonte aux oeuvres d’Yves Boisset ADN VV Les Nouveaux Héros (Big Hero 6) Film d’animation de Don Hall et Chris Williams. Baymax, le robot gonflable, est sympa comme un gros Mickey de marshmallow Hiro Hamada, jeune cybernéticien de génie, fait équipe avec Baymax, un robot infirmier alliant la corpulence du Bibendum et la physionomie d’Arthur le fantôme, pour déjouer un complot criminel menaçant de détruire San Fransokyo. A leurs côtés marchent GoGo Tamago, Wasabi, Honey Lemon et Fred. Ce sont les Big 6. Ils viennent du Japon où ils jouent un rôle semblable à celui des Avengers aux Etats-Unis. Ils accèdent de plain-pied dans la culture américaine puisqu’ils font l’objet du 54e «Classique d’animation» des studios Disney et le cinquième à tâter de la science-fiction. Atteignant de nouveaux sommets en matière d’animation, Les Nouveaux Héros séduit par la qualité humaine des personnages (surtout le robot). L’intérêt faiblit dans le deuxième partie, avec superméchant et final apocalyptique ADN C LE TEMPS | FÉVRIER 2015 SORTIR CINEMA Sorties du 18 février ton, face à la mer nocturne d’où surgira bien quelque Léviathan… Où commence la fiction, où s’arrête le documentaire dans ce film étrange et fascinant que Iain Forsyth et Jane Pollard consacrent au rocker australien? ADN - 20 000 Days On Earth Documentaire de Iain Forsyth et Jane Pollard. Anguille et rock’n’roll - American Sniper Drame de Clint Eastwood avec Bradley Cooper, Sienna Miller, Luke Grimes, Jake McDorman, Cory Hardrict, Kevin Lacz, Keir O’Donnell. Le 24 juin 2012, Nick Cave célébrait son 20 000e jour sur terre. Il s’est réveillé à 7 heures pile. Il a consulté son psychiatre, il a traîné dans ses archives, The Museum of Important Shit, il a enregistré «Boson Higgs Blues», il a mangé des nouilles noires et de l’anguille chez Warren Ellis, son violoniste, il a roulé en voiture avec Kylie Minogue, Ray Winstone et Blixa Bargeld, un ancien des Bad Seeds. Il a donné un concert formidable avant de s’asseoir sur la plage de Brigh- Tireur d’élite des Navy SEAL, Chris Kyle est envoyé en Irak avec pour seule mission de protéger ses camarades. Sa précision sauve d’innombrables vies, si bien que sa réputation et son surnom de «Légende» se propagent au-delà des lignes ennemies. Malgré le danger, et l’angoisse dans laquelle vit sa famille, Chris participe à quatre batailles décisives en Irak. Mais de retour au pays, il prend conscience qu’il ne parviendra plus à retrouver une vie normale… Même si nos attentes d’un nouveau film signé Clint Eastwood ont été revues la baisse depuis 2010 (Au-delà, J. Edgar, Jersey Boys), on se réjouit de ce qui passe (outre-Atlantique) pour un retour en forme. American Sniper serait ainsi le meilleur film sur la guerre en Irak depuis Démineurs de Kathryn Bigelow et Redacted de Brian De Palma. Pas de quoi faire un grand succès, sans doute, mais un film plus réfléchi que la moyenne sur l’héroïsme à l’américaine. Avec un grand rôle pour Bradley Cooper, nommé à l’Oscar. NC - Bis Comédie de Dominique Farrugia PUBLICITÉ AUX DU 3.9.2014 AU 17.5.2015 TIRAGE : 3’000 DES 10‘000 ANS D‘ARCHÉOLOGIE EN NUBIE ORIORI GINES <wm>10CAsNsja1MLUw1DUwMDI3MwUA5Ob3rw8AAAA=</wm> PHARAONS <wm>10CFXKqw7DMAxG4Sdy5NvvOjOswqKCaTxkGt77o7VjBUeHfHMWGv_bx_Eaz0IihZh1C5RGNMdWFtnAXtxFlcUfYpqu0fPmz4U5Y12GuJPoEiMNgi0B2vf9-QGypZBvcgAAAA==</wm> NOIRS 27 avec Kad Merad, Franck Dubosc, Alexandra Lamy, Gérard Darmon, Julien Boisselier, Anne Girouard. Eric est un hédoniste polygame et Patrice un père de famille bien rangé. Après une soirée arrosée, les deux vieux potes se retrouvent projetés en 1986 quand ils avaient 17 ans. Vont-ils en profiter pour modifier le cours de leur existence? Ci-devant rigolo chez Les Nuls sur Canal +, Dominique Farrugia est devenu un magnat de l’audiovisuel, producteur peu inspiré (RTT, Vidocq, Jameais le premier soir…) doublé d’un cinéaste navrant (Delphine 1-Yvan 0, Trafic d’influence, L’amour, c’est mieux à deux, Le Marquis…). Dans ce Bis qui a l’air de pomper sans vergogne l’excellent Camille redouble de Noémie Lvovsky, il dirige Kad Merad et Franck Dubosc dans les rôles principaux. Un gage de qualité? Non, seulement de rentabilité. ADN SORTIR C CINEMA LE TEMPS | FÉVRIER 2015 DRAME PSYCHOLOGIQUE Une famille dans les marges FILMCOOPI Primé à Cannes, «Les Merveilles» d’Alice Rohrwacher échappe aux clichés italiens. Grand Prix du jury à Cannes Monica Bellucci en reine étrusque dans un show télé. - Bob l’éponge: Un héros sort de l’eau (The SpongeBob Movie: Sponge Out of Water) Film d’animation de Paul Tibbitt et Mike Mitchell. Tout baigne pour Bob l’éponge, Patrick l’étoile de mer fidèle et Carlo le calamar. Mais la recette du pâté de crabe est volée par le diabolique pirate Steak Barbare! Pour sauver leur civilisation pélagique, Bob & Cie se risquent sur la terre ferme! Cette bande d’invertébrés se transforme même en super-héros… Paul Tibbitt, producteur de la sympathique série TV, s’allie au réalisateur Mike Mitchell (Gigolo à tout prix, Shrek 4…) pour emmener ses personnages batifoler hors de la mer. Exquise astuce: sous l’eau, Bob et ses amis sont dessinés au trait. Sortis de leur élément et jetés sur le macadam de notre monde filmé en images réelles, ils acquiè- rent le volume de l’image de synthèse. Mais restent idiots… ADN - Kingsman: Services secrets (Kingsman: The Secret Service) Film d’espionnage de Matthew Vaughn avec Colin Firth, Taron Egerton, Samuel L. Jackson, Michael Caine. A la tête des services secrets, Harry Hart (Colin Firth, so British indeed) engage un délinquant juvénile prometteur pour en faire le top gun du MI6. Comme la majorité des blockbusters américains, Kingsman est l’adaptation d’un comics de Dave Gibbons et Mark Millar dont la bande-annonce laisse supposer une grosse louche de jamesbonderie, relevée d’un zeste de second degré façon Chapeau melon et Bottes de cuir (parapluie à champ gravitationnel of- 28 A Cannes, le Grand Prix du jury nous avait paru un bien grand honneur pour ce petit film italien, deuxième opus d’Alice Rohrwacher après le plus réussi Corpo celeste (2011). La présidence de Jane Campion et la majorité de femmes au jury auraient-elles fait la différence? Il n’empêche que ce joli récit d’apprentissage doux-amer vaut le détour. C’est l’histoire de l’adolescente Gelsomina qui vit avec ses parents, un couple italo-allemand, et ses trois jeunes sœurs en Ombrie dans une ferme délabrée où ils produisent du miel. Tenues à l’écart du monde par leur père, qui en prédit la fin proche et prône un rapport privilégié à la nature, les filles commencent à rêver d’autre chose. Les règles strictes qui tiennent la famille ensemble vont être mises à mal par l’arrivée de Martin, un jeune délinquant accueilli dans le cadre d’un programme de réinsertion, et par le tournage d’un jeu télévisé… Avec à nouveau une jeune fille pour héroïne (sans être plus directement autobiographique), la cinéaste creuse sa voie. Comme dans les récents La Belle Vie (Jean Denizot) et Vie sauvage (Cédric Kahn), il s’agit ici d’une vie marginale qui devient pesante pour les enfants qui ne l’ont pas choisie. Mais comme dans ces films, on peine à être totalement convaincu. Jusqu’à cet improbable show télé présidé par Monica Bellucci – sur une île et en costumes étrusques – qui ne parvient pas à rendre magique ce réalisme un peu trop terre à terre. Norbert Creutz Aimable chronique d’une enfance marginale VVLes Merveilles (Le Meraviglie), d’Alice Rohrwacher, avec Maria Alexandra Lungu, Sam Louwyck, Alba Rohrwacher, Sabine Timoteo, Monica Bellucci. fensif…). Matthew Vaughn a travaillé avec Guy Ritchie avant de passer à la réalisation (Layer Cake, Stardust, Kick-Ass, X-Men le commencement). Samuel L. Jackson apporte la caution américaine tandis que Lady Gaga, Elton John et David Beckham tiennent leur propre rôle. Oh dear, what fun! ADN Sorties du 25 février - 108 Rois-Démons Film d’animation de Pascal Morelli. En Chine, au XIe siècle, les RoisDémons terrorisent le pays. Pour vaincre ces monstres, il faudrait avoir le courage de 100 tigres, la force de 1000 buffles, la ruse d’autant de serpents… et une chance de pendu. Comme ils ignoraient ces recommandations, un prince grassouillet, un vieux moine et une petite mendiante s’attaquent à l’impossible… Un dessin animé signé Pascal Morelli, auteur en 2001 de Corto Maltese, la cour secrète des arcanes. ADN - Annie Comédie musicale de Will Gluck avec Quvenzhané Wallis, Jamie Foxx,Cameron Diaz, David Zayas. Inspiré de la fameuse BD Little OrphanAnnie(de1924!),Annieraconte l’histoire d’une orpheline de 10 ans qui doit se battre contre la méchanceté de ses geôliers. Sa rencontre avec un milliardaire va renverser la situation… Cette nouvelle adaptation d’Annie, comédie musicale de Broadway (de Thomas Meehan, Martin Charnin et Charles Strouse, 1977) était-elle bien nécessaire? Le succès d’une récente reprise à New York en a soufflé l’idée à quelques producteurs.Maisàencroirelacritique, le jeune Will Gluck n’a pas réé- C LE TEMPS | FÉVRIER 2015 SORTIR CINEMA dité l’exploit du vétéran John Huston qui, en 1982, avait surpris en réalisant avec beaucoup de verve cette fantaisie de la Grande Dépression. En guise de remise au goût du jour, le réalisateur du médiocre Sexe entre amis (2011) n’aurait fait qu’offrir les rôles principaux à des AfroAméricainsetconfonduagitationet chorégraphie… NC - Le Dernier Loup (Wolf Totem) Drame de Jean-Jacques Annaud avec Shaofeng Feng, Shawn Dou En 1967, un jeune étudiant pékinois est envoyé éduquer une tribu de bergers nomades. Il a naturellement plus à apprendre qu’à enseigner. Il découvre la réalité de la vie dans cette contrés infinie et hostile, ainsi que la créature la plus crainte et la plus vénérée des steppes: le loup. Le mode de vie traditionnel, le lien quasi mystique de l’homme et de la bête, l’avenir même de la terre sont menacés lorsque le gouvernement décide d’éradiquer les loups… Cinéaste engagé (La Victoire en chantant, Coup de tête) puis réalisateur de l’impossible (La Guerre du feu, Le Nom de la rose, L’Amant), Jean-Jacques Annaud a perdu la patte et les faveurs du public avec Sept Ans au Tibet ou Stalingrad, avant de signer d’indignes navets (Sa Majesté Minor, Or noir). Il essaye de se refaire en Chine, avec un film animalier, genre dont il est coutumier (L’Ours, Deux Frères). ADN Slava Fetisov, ce documentaire retrace la domination soviétique en matière de hockey sur glace pendant la Guerre froide. Red Army montre comment le plus populaire des sports russes était bien davantage qu’un jeu, un instrument de propagande – avec officier du KGB planté sur le bord de la patinoire et menaçant d’envoyer en Sibérie les joueurs peu motivés… «Fabuleux, prenant, significatif. Un documentaire sur le sport pour ceux qui n’en ont rien à foutre du sport», s’enthousiasme un critique de cinéma américain. ADN VV Schweizer Helden - Red Army Documentaire de Gabe Polsky. A travers la figure du capitaine Comédie de Peter Luisi avec Esther Gemsch, Karim Rahoma, Komi Mizrajim Togbonou, Newroz Baz, Elvis Clausen, Klaus Wildbolz. Pour se souvenir que Guillaume Tell était un insoumis PUBLICITÉ 29 Délaissée par sa famille aux moments des Fêtes, Sabine découvre qu’il existe des solitudes supérieures à la sienne: celles des demandeurs d’asile qui, foule babélienne et bigarrée, s’entassent dans une cabane de Club alpin. La grande bourgeoise s’improvise assistante sociale et monte avec les déclassés une adaptation du Guillaume Tell de Schiller… Né en 1975, Peter Luisi (Verflixt Verliebt, Love Made Easy, Der Sandmann) travaille depuis 2001 sur ce projet, inspiré d’une histoire vraie, qui mêle le rire aux larmes. On se marre de voir ces comédiens amateurs à peine germanophones se frotter au symbole suprême de la suissitude. Mais on ne rit plus trop lorsque le black à dreadlocks, qui tient le rôle de l’arbalétrier rebelle, est expulsé avant la représentation. Certes, Schweizer Helden manque un peu de dynamisme, mais ce film recèle davantage de finesses qu’on pourrait le croire. ADN SORTIR C CINEMA LE TEMPS | FÉVRIER 2015 COMÉDIE DRAMATIQUE Les principaux films encore à l’affiche Les ailes à peine rognées VVVV Adieu au langage Film d'art et essai de Jean-Luc Godard avec Héloïse Godet, Zoé Bruneau, Kamel Abdelli, Richard Chevallier, Roxy Miéville. En matière de 3D, JLG plus fort que ILM FOX-WARNER Avec «Birdman», Alejandro González Iñárritu propose un aggiornamento finaud du mythe d’Icare Michael Keaton, un acteur qui se souvient du temps où il était un super-héros. Riggan Thomson (Michael Keaton) est un acteur hollywoodien au bout du rouleau. Il a été célèbre, des décennies plus tôt, pour avoir incarné Birdman dans des blockbusters. Aujourd’hui, il entend la voix du super-héros désactivé et s’imagine possédant des dons de télékinésie et de lévitation. Il essaye de se refaire à Broadway en dirigeant l’adaptation scénique d’une nouvelle de Raymond Carver. Lors d’une répétition, une lampe choit sur un acteur qu’il n’aime pas; il en déduit qu’il a déterminé cet accident par la pensée… Avec Guillermo del Toro (Pacific Rim) et Alfonso Cuaron (Gravity), Alejandro González Iñárritu est un des «trois caballeros», ce trio de réalisateurs mexicains devant lequel Hollywood s’incline. Après sa «Death Trilogy» (Amores perros, 21 Grams et Babel), puis Biutiful, une plongée dans les bas-fonds de Barcelone sur les traces d’un déclassé mourant, le cinéaste aborde par le biais de l’ironie macabre le thème ô combien américain du super-héros et cultive l’ambiguïté: Riggan est-il juste fou ou a-t-il quand même des pouvoirs? Par ailleurs, Iñárritu se permet un coup d’épate en donnant habilement l’impression que Birdman résulte d’un plan-séquence de deux heures… Non sans malice, il confie le rôle de l’homme-oiseau cloué au sol à Michael Keaton, qui a été Batman en 1989, devant la caméra de Tim Burton. La critique américaine apprécie «la profondeur excentrique de ce film qui incite le spectateur à regarder la magie de tous les jours que nous tendons à ignorer, réprimer ou détester». Antoine Duplan - Birdman, d’Alejandro González Iñárritu, avec Michael Keaton, Edward Norton, Emma Stone, Zach Galifianakis, Andrea Riseborough, Naomi Watts. 30 «Le propos est simple Une femme mariée et un homme libre se rencontrent Ils s'aiment, se disputent, les coups pleuvent Un chien erre entre ville et campagne Les saisons passent…» C'est en ces termes que Jean-Luc Godard décrit Adieu au langage. Résumé irréprochable. Un peu court, toutefois, jeune homme. On pourrait rajouter bien des choses en somme, car ce manifeste poétique s'organise en deux thèmes, la Nature et la Métaphore, et se consacre à l'appauvrissement de la culture littéraire et picturale. Mary Shelley y fait une apparition, mais le rôle principal est dévolu à Roxy Miéville. Le museau de ce corniaud crève véritablement l'écran, puisque JLG s'essaye à la 3D, et ça dépote autrement dans son antre d'alchimiste rollois que dans les laboratoires futuristes de Hollywood. Une expérience intellectuelle et sensorielle inouïe! ADN VV Broken Land Documentaire de Stéphanie Barbey et Luc Peter. Une film très éclairant sur la politique mexicaine des Etats-Unis En Arizona, à l'ombre de l'immense barrière érigée pour contrôler l'immigration clandestine venue du Mexique, quelques Américains dévoilent comment la frontière a affecté leurs vies… L'Amérique réussit décidément à nos documentaristes. Après The Short Life of José Antonio Gutierrez (Heidi Specogna), No More Smoke Signals (Fanny Braüning) ou The Marsdreamers (Richard Dindo), c'est au tour du tandem lémanique Stéphanie Barbey/Luc Peter (Magic Radio, sur le Niger) d'approfondir une question trop peu traitée sur place: la frontière entre Nord et Sud et sa porosité persistante, malgré l'érection d'un véritable mur de séparation. Bien trouvés même s'il s'agit surtout d'hommes dans la soixantaine, les intervenants forment ensemble une vision complexe de la question, tant économiquement que politiquement et humainement. Pourquoi la traque aux clandestins, le trafic de drogue et les milliers de morts chaque année? Sans doute parce que cela arrange bien certains… NC VVV Durak – The Fool Comédie dramatique de Youri Bykov avec Artem Bystrov, Boris Nevzorov, Natalia Sourkova, Kirill Poloukine, Daria Moroz, Youri Tsourilo. Candide chez les Soviets! Le plombier Nikitin découvre qu'une cité-dortoir, lézardée des fondations au toit, menace de s'effondrer. Au lieu de rentrer gentiment chez lui, il alerte les autorités. Panique dans la nomenklatura! Car les conseillers municipaux sont tous plus pourris les uns que les autres. L'argent des rénovations a été détourné, les édiles se sont goinfrés. Bientôt, les loups se mangent entre eux et la vie du candide whistleblower ne pèse plus lourd… En russe, durak veut dire «idiot». Et l'idiot de la fable, c'est bien Nikitin, le héros malgré lui de ce film d'une drôlerie et d'une noirceur féroces, signé par le réalisateur, scénariste et compositeur Youri Bykov. ADN VVV Fidelio, l’odyssée d’Alice Drame psychologique de Lucie Borleteau avec Ariane Labed, Melvil Poupaud, Anders Danielsen Lie, Pascal Tagnati, Jean-Louis Coulloc’h, Bogdan Zamfir. Une femme à la mer qui n'a nul besoin d'un sauveteur! Alice, 30 ans et mécanicienne dans la marine marchande, délaisse son amant norvégien pour embarquer C LE TEMPS | FÉVRIER 2015 SORTIR CINEMA sur le vieux cargo Fidelio où elle retrouve, dans l'uniforme du capitaine, son premier grand amour. Femme libre qui chérit la mer et aime les hommes, elle cède à son désir tout en enquêtant sur son prédécesseur, mort dans des conditions mystérieuses en laissant un journal intime… Premier longmétrage de la jeune Française Lucie Borleteau, Fidelio, l'odyssée d'Alice a valu un Prix d'interprétation bien mérité à son interprète principale Ariane Labed au dernier Festival de Locarno. Cette dernière s'y livre en effet corps et âme pour incarner cette femme dans un milieu d'hommes, magnifiquement indépendante et malgré tout tiraillée entre deux amours. Ce film, dont le titre ne s'inspire pas par hasard de l'unique opéra de Beethove,n devient une très belle fable sur le genre (sexué) et le conflit entre liberté et fidélité. Un film de femme ambitieux et abouti comme on n'en voit pas tous les jours. NC VVV Foxcatcher Drame de Bennett Miller avec Steve Carell, Channing Tatum, Mark Ruffalo, Vanessa Redgrave, Sienna Miller, Anthony Michael Hall, Guy Boyd, Brett Rice. Incroyable performance de Steve Carell derrière son faux nez Le lutteur Mark Schultz (Channing Tatum) a décroché la médaille d'or aux Jeux olympiques, mais n'a pas su faire fructifier sa gloire. John du Pont (le comique Steve Carell, méconnaissable et très inquiétant à contre-emploi), l'une des plus grosses fortunes des Etats-Unis, lui offre de venir s'entraîner en son domaine de Foxcatcher. Ebloui par le luxe et le discours de ce mécène, Mark accepte. Mais, rejeton dégénéré d'une aristocratie cruelle, ce coach tombé de nulle part est un vrai sociopathe, les frères Schultz l'apprendront à leurs dépens. Bennett Miller signait un chef-d'œuvre avec son premier film, Truman Capote. Dans Le Stratège, le cinéaste new-yorkais s'est intéressé au base-ball sous l'angle économique. Il reste dans le domaine du sport avec Foxcatcher, basé sur un fait divers qui a défrayé la chronique à la fin des années 90: l'assassinat d'un champion de lutte par un milliardaire ornithologue, philatéliste, philanthrope et patriote. ADN VVV La Rançon de la gloire Comédie dramatique de Xavier Beauvois avec Benoît Poelvoorde, Roschdy Zem, Séli Gmach, Nadine Labaki, Chiara Mastroianni, Peter Coyote, Xavier Maly, Marilyne Canto. L'accord chaplinesque du rire et des larmes Le jour de Noël 1977, Charlie Chaplin décède à Vevey. Un gag macabre vient tempérer la tristesse mondiale suscitée par la disparition du génial comique: deux minus dérobent le cercueil du défunt et demandent une rançon à la famille… Réalisateur remarquable, Xavier Beauvois est l'auteur de quelques drames bouleversants (N'oublie pas que tu vas mourir, Le Petit Lieutenant, Des Hommes et des Dieux). Cette fois, il s'inspire du fait divers veveysan pour créer un mélodrame doux-amer qui, s'émancipant des soucis de véracité historique pour mieux rendre hommage à Charlot et au cinéma. Porté par une partition étincelante de Michel Legrand (82 ans!), La Rançon de la gloire témoigne d'une grande charité envers les plus humbles des malfrats. De leur côté, Benoît Poelvoorde et Roschdy Zem forment un magnifique duo de voleurs de cadavres, à la fois minables et terriblement humains. ADN PUBLICITÉ INVITATIONS EXCLUSIVES GRAND THÉÂTRE DE GENÈVE Iphigénie en Tauride Tragédie en 4 actes Christoph Willibald Gluck Mercredi 4 février 2015 à 19h30 (Code 15) PORGY & BESS American folk opera en 3 actes Accueil du New York Harlem Theater George Gershwin Dubose et Dorothy Heyward & Ira Gershwin Vendredi 20 février 2015 à 19h30 (Code 16) Privilèges réservés aux abonnés du Temps. Pour gagner deux invitations, vous pouvez participer: Par téléphone (CHF 1.–/appel depuis une ligne fixe) 1. Appelez le 0901 001 003 et tapez le code du concours 2. Suivez les instructions Par SMS (CHF 1.–/SMS) 1. Tapez LTCONCOURS et le code du concours 2. Envoyez le message au numéro 959 Par courrier Envoyez une carte postale avec coordonnées (nom, prénom, adresse, tél., code du concours) à: Le Temps Concours Case postale 2570 - 1211 Genève 2 Cette offre est valable jusqu’au lundi 26 janvier à minuit. Seuls les gagnants du tirage au sort sont avisés par courrier. 31 SORTIR VVV Loin des hommes Drame de David Oelhoffen avec Viggo Mortensen, Reda Kateb, Djemel Barek, Vincent Martin, Nicolas Giraud, Yann Goven, Sonia Amori, Angela Molina. Un superbe «western philosophique» algérien d'après Camus Algérie, 1954. Au cœur d'un hiver glacial, Daru, un instituteur français d'origine espagnole qui s'était retiré du monde, se retrouve obligé d'escorter au tribunal le plus proche l'Arabe Mohamed, coupable du meurtre d'un cousin. Poursuivis par des villageois réclamant la loi du sang et par des colons revanchards, les deux hommes passent par les crêtes de l'Atlas algérien et se retrouvent en plein conflit armé… Bonne surprise française de la dernière Mostra de Venise, le deuxième long-métrage de David Oelhoffen est une libre adapta- C CINEMA tion d'une nouvelle d'Albert Camus: L'Hôte. Traité comme une sorte de western philosophique, le film reflète bien la morale camusienne où l'homme se révèle par ses choix et ses actes, même s'il opte pour une autre fin. Sur une excellente musique signée par le tandem Nick Cave-Warren Ellis, le face-à-face entre le grand polyglotte Viggo Mortensen et la valeur montante Reda Kateb emporte le morceau. NC VV Les Nouveaux Sauvages (Relatos salvajes) Comédie de Damián Szífron avec Dario Grandinetti, María Marull, Julieta Zylberberg, César Bordón, Rita Cortese, Leonardo Sbaraglia, Walter Donado, Ricardo Darín, Oscar Martínez, Maria PUBLICITÉ LE TEMPS | FÉVRIER 2015 Onetto, Osmar Núñez, Alan Daicz, Erica Rivas, Diego Gentile. Un formidable défouloir venu d’Argentine VVV Six «contes sauvages» composent le menu de ce all-stars argentin. Les passagers d'un avion découvrent qu'un fou est aux commandes. La cuisinière d'un restauroute assaisonne un plat du jour de mort-aux-rats. Deux automobilistes se livrent un duel à mort. Un spécialiste des explosifs se venge de la fourrière de Bueños Aires. Un riche homme d'affaires est prêt à n'importe quelle compromission pour éviter l'inculpation de son fils. Et une fête de mariage tourne au vinaigre… Venu de la télévision, Damián Szifron se réfère naturellement aux films à sketches italiens des années 60-70, Les Monstres et autres délicates mécaniques d'humour noir et d'anticonformisme. Le rire libérateur avoisine le malaise existentiel au gré des histoires. ADN Comédie dramatique d'Uberto Pasolini avec Eddie Marsan, Joanne Froggatt, Karen Drury, Andrew Buchan. Un petit film attachant avec un grand Eddie Marsan Une Belle Fin (Still Life) Employé des pompes funèbres municipales dans une banlieue au sud de Londres, John May a pour mission de retrouver les proches des personnes décédées sans famille connue. Mais malgré sa bonne volonté, il se retrouve le plus souvent seul à leurs obsèques. Lorsque son nouveau patron le licencie dans un plan de rationalisation, John décide de redoubler d'efforts pour un dernier cas qui pourrait bien changer son existence… Producteur (Palookaville, The Full Monty)d'origine italienne établi en Angleterre, Uberto Pasolini s'était essayé à la réalisation avec l'amusante comédie sociale Sri Lanka National Handball Team (Machan, 2008). Le voici qui récidive avec une fable sociale tout aussi aimable, qui se penche sur la solitude, l'aliénation et la mort dans notre société moderne. Pas de quoi faire un tabac, peutêtre, mais une vraie réussite qui s'insinue profondément en vous. En petit fonctionnaire gris qui gagne en couleurs, Eddie Marsan (Happy-Go-Lucky, Tyrannosaur)est irrésistible dans un rare rôle principal. NC VVV Une Merveilleuse Histoire du temps (The Theory of Everything) Biopic de James Marsh avec Eddie Redmayne, Felicity Jones, Charlie Cox, David Thewlis, Simon McBurney, Emily Watson, Maxine Peake, Harry Lloyd, Christian McKay. Stephen Hawking inspire un biopic de rêve, intelligent et bouleversant 1963, Stephen Hawking, brillant étudiant en physique à l'Université de Cambridge, cherche déjà une réponse au mystère de la création de l'univers quand il tombe amoureux d'une étudiante en lettres, Jane Wilde. Mais le jeune 32 C LE TEMPS | FÉVRIER 2015 SORTIR CINEMA homme se heurte à un diagnostic implacable: une dystrophie neuromusculaire va s'attaquer à ses membres, sa motricité et son élocution. Avec Jane, qui l'épouse contre toute attente, il se lance alors dans un combat perdu d'avance… Après le documentaire Une Brève Histoire du temps (Errol Morris, 1991) et le téléfilm Hawking (Phillip Martin, 2004), il n'était plus qu'une question de temps jusqu'à ce qu'un grand biopic de l'extraordinaire Stephen Hawking voie le jour. C'est chose faite avec ce film qui adapte les mémoires de son ex-épouse Jane. Entre les mains de l'excellent James Marsh (Man on Wire, Shadow Dancer), ce qui aurait pu devenir un bête mélo devient une superbe méditation sur le temps inexorable et nos rêves que pour y échapper, qu'ils s'appellent science, foi ou amour. Avec deux performances majeures de la part d'Eddie Redmayne et de Felicity Jones, nommés aux Oscars. NC VVV Whiplash Drame psychologique de Damien Chazelle avec Miles Teller, J.K. Simmons, Paul Reiser, Melissa Benoist, Austin Stowell, Nate Lang, Chris Mulkey. Un récit initiatique qui envisage la musique comme une guerre Andrew, 19 ans, rêve de devenir l'un des meilleurs batteurs de jazz de sa génération. Mais la concurrence est rude au Conservatoire de Manhattan où il s'entraîne avec acharnement. Alors que son objectif est d'intégrer l'orchestre dirigé par Terence Fletcher, un professeur féroce et intraitable, celuici le repère enfin et Andrew se lance, sous sa direction, dans la quête de l'excellence… Grand Prix aux Festivals de Sundance et de Deauville, montré à la Quinzaine des réalisateurs de Cannes, Whiplash serait donc la nouvelle merveille du cinéma indépendant américain. Lui-même musicien de jazz, le jeune Damien Chazelle (déjà remarqué pour son film de fin d'études Guy and Madeline on a Park Bench) sait apparemment de quoi il parle. Tous les critiques n'ont pourtant pas goûté à ce rapport sadomaso entre maître et élève qui approcherait le film musical comme Full Metal Jacket de Kubrick le film de guerre! NC VV Wild Drame psychologique de Jean-Marc Vallée avec Reese Witherspoon, Laura Dern, Thomas Sadoski, Michiel Huisman, Gaby Hoffman, W. Earl Brown, Kevin Rankin, Cliff De Young. Un bel éloge de la marche, discrètement féministe Suite à la mort prématurée de sa mère d’un cancer, Cheryl Strayed a perdu pied. Après une descente PUBLICITÉ 33 aux enfers qui s’est soldée par son divorce, elle cherche à se reconstruire. En 1995, elle se lance dans une longue randonnée en solitaire à travers l’Ouest américain, du désert du Mojave à l’Etat de Washington… Ce film, inspiré par un livre publié en 2012, s’inscrit clairement dans la lignée de Into the Wild (Sean Penn). Voulu par l’actrice Reese Witherspoon (Walk the Line, Water for Elephants), il réunit du beau monde, avec l’Anglais Nick Hornby (High Fidelity, About a Boy) au scénario et le Canadien Jean-Marc Vallée (C.R.A.Z.Y, Dallas Buyers Club) à la réalisation. Le résultat s’avère prenant, avec une comédienne très «nature» qui n’a pas volé sa nomination à l’Oscar et les paysages à couper le souffle de cette «piste des crêtes Pacifique». Mais aussi grâce à un habile travail de montage et de mixage qui ajoute une dimension mentale à cette marche solitaire, en évoquant le passé traumatisant de l’héroïne! NC Opéra «Porgy and Bess» Le Grand Théâtre de Genève a une intense actualité. Outre «Iphigénie en Tauride» de Gluck, la maison lyrique met à l’affiche le fameux opéra de Gershwin qui flirte avec la comédie musicale, porté par une équipe de chanteurs venue du New York Harlem Theater. Opéra Classique Le choc Verdi Titan du clavier Ravissante et douée, la soprano russe Olga Peretyatko fait ses débuts en Violetta à l’Opéra de Lausanne. «La Traviata» dépeint le destin d’une jeune courtisane frappée de phtisie à Paris. Après son concert à Genève, Grigory Sokolov fait une escale à La Chaux-de-Fonds pour un récital dans la Salle de musique. Comme toujours, le pianiste russe ne laisse pas indifférent. Rock Electro L’art du forgeron Grand froid LUCIANO ROMANO Le duo alémanique Sum of R se spécialise dans un post-rock faussement primitif, et éminemment hypnotique. Kangding Ray, protégé français du label Raster-Noton, propose une techno architecturale fourmillant de volutes. M MUSIQUE NOS PRÉFÉRENCES SORTIR M MUSIQUE LE TEMPS | FÉVRIER 2015 OPÉRA «Iphigénie en Tauride», le grand retour GTG/CAROLE PARODI Après trente-sept ans d’absence, l’opéra de Christoph Willibald Gluck revient sur la scène genevoise dans une production maison Anna Caterina Antonacci (Iphigénie) en répétition. classique Genève Charles Dutoit et Nelson Freire à l’OSR Victoria Hall, rue du Général-Dufour 14. Je 5, ve 6 février à 20h. (Loc. 022 807 00 00, www.osr.ch). Deux grandes figures pour deux soirées d'exception très attendues Un rendez-vous avec eux, c'est la promesse de moments intenses. Dans l'éclat comme dans la douceur. Charles Dutoit et Nelson Freire reviennent régulièrement à Genève, comme à un port d'attache. On ne peut que se réjouir de cette fidélité. Cette fois, le programme marie élégamment la variété des caractères. Celui de Chopin offrira, sous les doigts du pianiste brésilien, des nuances contrastées, mais il livrera surtout le fond d'une âme et d'un cœur débordant d'affections. Le 2e Concerto occupera le centre de la soirée, entre Ibéria de Debussy, Le Chant du rossignol de Stravinski et la 2e Suite de Daphnis et Chloé de Ravel, que l'OSR éclairera sous la baguette du grand chef suisse. De la beauté à tous les niveaux. SBO L’OCG accueille Hervé Niquet BFM, pl. des Volontaires 2. Ma 17 février à 20h. (Loc. 022 807 17 90, www.locg.ch). 36 Il y a des ouvrages qui résistent. Au temps, mais aussi à la fréquence. Comme s'il fallait de longues périodes d'absence pour retrouver le plaisir de leur fréquentation. Iphigénie en Tauride, de Christoph Willibald Gluck, fait partie du lot. L'œuvre n'est plus apparue sur la scène du Grand Théâtre depuis 1978 où le chef Raymond Leppard, le metteur en scène Erhard Fischer et le décorateur Roland Aeschlimann étaient réunis autour de la partition de Gluck sur le livret de Nicolas-François Guillard. Yachel Yakar chantait le rôle-titre. Presque quarante ans de silence… Pourtant, Iphigénie en Tauride connut, après sa création en 1779, un succès enviable. On n'imagine pas aujourd'hui qu'un ouvrage lyrique puisse occuper les esprits jusqu'au sommet de l'Etat. A l'époque, c'est avec passion que la naissance de l'opéra fut suivie, soulevant des disputes entre partisans de Piccini et de Gluck. Marie-Antoinette vient en personne, le 18 mai, pour sa création à l'Académie royale de musique. En un demi-siècle, l'œuvre fut représentée plus de 400 fois. Puis elle connut de nombreuses productions internationales et fut traduite en allemand et en italien. C'est dire que le sujet, issu des Atrides d'après Euripide, a su séduire le monde. Iphigénie en Tauride sera repris à Genève dans une mise en scène de Lukas Hemleb et des décors d'Alexander Polzin, avec Hartmut Haenchen à la baguette. Pour faire la nique à la querelle entre les styles musicaux nationaux d'alors, deux grandes voix se partageront le rôle-titre: l'Italienne Anna Caterina Antonacci et la Française Mireille Delunsch. De belles promesses vocales. Sylvie Bonier Deux grandes voix pour un grand rôle, dans un ouvrage rare: la «redécouverte» de l’opéra de Gluck s’annonce bien Genève. Grand Théâtre, pl. de Neuve. Ma 27, je 29, sa 31 janvier, lu 2, me 4 février à 19h30. (Loc. 022 322 50 50, www.geneveopera.ch). Le chef tire les fils d’un programme original avec marionnettes chestre de Juan Crisóstomo de Arriaga. Vous avez dit original? SBO Hervé Niquet s'est fait connaître dans le domaine baroque avec son célèbre ensemble du Concert spirituel. Mais son amour de l'authenticité n'a pas de frontières. Le chef français explore le répertoire bien au-delà de la sphère ancienne. Et sa curiosité musicale dépasse largement les limites des territoires et des genres. Son passage à Genève à la tête de l'OCG en témoigne: il défend un joli projet avec la compagnie de marionnettes Bambalina, autour du Retable de Maître Pierre de Manuel de Falla. La mezzo-soprano Solenn' Lavanant Linke, le ténor Mathias Vidal et le baryton Marc Labonnette seront de l'aventure, entre l'«Ouverture» de Don Giovanni, la Suite de Don Quichotte de Telemann, et la Symphonie à grand or- Les élans romantiques de Trifonov Victoria Hall, rue du Général-Dufour 14. Lu 16 février à 20h. (Loc. 022 319 61 11, www.culturel-migros-geneve.ch). Un poète du piano dans les deux très beaux «Concertos» de Chopin Le jeune pianiste russe Daniil Trifonov mène une tournée helvétique avec la Kremerata Baltica. Il a choisi les deux Concertos de Chopin, qu'il interprète dans un arrangement de Yevgeniy Sharlat pour piano et orchestre à cordes. Depuis qu'il s'est distingué dans trois concours (3e Prix du Concours Chopin à Varsovie, 1er Prix du Concours M LE TEMPS | FÉVRIER 2015 SORTIR MUSIQUE Arthur Rubinstein de Tel-Aviv et 1er Prix du Concours Tchaïkovski de Moscou), le pianiste est rapidement devenu célèbre. S'il lui arrive d'être excessif dans les élans virtuoses, il possède une vraie fibre poétique reposant sur une riche palette de couleurs. La Kremerata Baltica joue par ailleurs la Chaconne pour orchestre à cordes de Penderecki, sous-titrée «In memoria Giovanni Paolo II» (comme hommage au regretté pape Jean Paul II), et Trois Pièces dans un style ancien de Gorecki. JS Mélodie Zhao et «Le Fleuve jaune» Victoria Hall, rue du Général-Dufour 14. Ma 27 janvier à 20h. (Loc. 022 319 61 11, www.culturel-migros-geneve.ch). La pianiste sino-suisse dans un concerto aux emportements virtuoses Après son intégrale des 32 sonates de Beethoven enregistrée pour la firme Claves (un vrai défi à un si jeune âge), la pianiste sino-suisse de 20 ans Mélodie Zhao se produit avec l'Orchestre symphonique de Guangzhou. Elle joue le Concerto pour piano «Le Fleuve jaune», un arrangement d'une cantate intitulée Le Fleuve jaune écrite par Xian Xinghai (1905-1945). Ce compositeur, qui s'est perfectionné en France auprès de Paul Dukas et de Vincent d'Indy, s'est servi de la musique comme arme de protestation dans les années 1930. «A l'origine, il s'agissait d'une cantate dont les paroles invitaient les Chinois à se rebeller contre l'occupant japonais, explique Mélodie Zhao, dans une interview accordée au Migros Magazine. L'œuvre a ensuite été transposée en concerto pour piano et orchestre. Plusieurs compositeurs ont travaillé sur le projet, apportant chacun différents éléments rappelant Rachmaninov, Liszt ou Chopin.» Le chef Lin Daye dirige par ailleurs la «Folk Song Suite» de Guo Wenjing et la belle 5e Symphonie en mi mineur de Tchaïkovski. JS Natalie Dessay et Laurent Naouri Grand Théâtre, pl. de Neuve. Me 28 janvier à 19h30. (Loc. 022 322 50 50, www.geneveopera.ch). Florilège d’airs par le célèbre couple, en français dans le texte On a beau savoir que la soirée est complète, on espère que ceux qui ne pourront pas se rendre au récital de Natalie Dessay et Laurent Naouri sauront s'annoncer pour échanger leur place. Car le couple de chanteurs propose un programme 100% français à la hau- teur de leur talent: éclatant. Accompagnés au piano par Maciej Pikulski, le duo délivrera un très généreux florilège d'une trentaine d'airs. Fauré, Duparc, Poulenc, Délibes et Widor se partagent l'affichent, sur des textes qui puisent aux sources de la grande littérature: Baudelaire, Hugo, Verlaine, Apollinaire, Valéry ou de Vilmorin… L'esprit, la poésie et la délicatesse mélodique seront plus que bien servis! SBO Sur les pas enneigés de Schubert du Voyage d'hiver de Schubert, non pas dans la version originale avec piano, mais dans un arrangement pour ténor, accordéon et quintette à vents. Une première genevoise donnée dans le cadre des Swiss Chamber Concerts. Viviane Chassot (accordéon), Felix Renggli (flûte), Emmanuel Abbühl (hautbois), François Benda (clarinette), Diego Chenna (basson) et Christian Lampert (cor) l'accompagnent dans cette œuvre parmi les plus poignantes de Schubert. JS Un champion de la musique française Studio Ernest-Ansermet, passage de la Radio 2. Sa 31 janvier à 20h. (Loc. 022 737 09 34, www.scc-concerts.ch). Julian Prégardien dans le sublime cycle du «Voyage d'hiver» Comme son père Christoph Prégardien, Julian Prégardien mène lui aussi une carrière de ténor. Actif dans le répertoire baroque comme dans l'opéra et le lied, il possède une belle voix lumineuse, chaude et expressive. Julian Prégardien a signé un disque de lieder chez Myrios Classics. Avec son père, il vient d'enregistrer un album de duos intitulé Vater und Sohn, paru chez Challenge Classics. Le voici qui aborde le grand cycle PUBLICITÉ RENDEZ-VOUS 2015 MARCHÉ DE L’ART DEUXIÈME JEUDI DU MOIS 12 février, 12 mars, 9 avril, 7 mai, 11 juin, 3 septembre, 8 octobre, 12 novembre, 10 décembre Pour votre publicité, Le Temps: Tél. Genève +41 22 888 59 00 Tél. Zurich +41 44 213 17 88 www.letemps.ch/pub - [email protected] 37 Victoria Hall, rue du Général-Dufour 14. Me 18 février à 20h. (Loc. 021 345 00 25, www.ocl.ch). Des œuvres rares servies par Bertrand de Billy et l'OCL Premier chef invité de l'Orchestre de chambre de Lausanne, Bertrand de Billy a choisi des œuvres françaises pour ses prochains concerts avec l'OCL. Dans Masques et Bergamasques, Fauré rend hommage aux fêtes galantes du XVIIIe siècle. Les Trois Petites Liturgies de la présence divine d'Olivier Messiaen, pour chœur de femmes, piano, ondes Martenot et orchestre sans vents, s'appuient sur un poème du compositeur lui-même. Cette œuvre en trois mouvements évoque la pré- SORTIR sence de Dieu, en lui-même, en nous et en toutes choses. Une musique céleste servie par Bertrand de Billy et la Maîtrise de Radio France. Au cœur de ce programme, Sarah Louvion (flûte) et Letizia Belmondo (harpe) interprètent le Concerto pour flûte et harpe en ut majeur de Mozart composé pendant son séjour à Paris en 1778 pour le duc de Guines, bon flûtiste amateur qui aimait jouer en compagnie de sa fille harpiste. JS La Chaux-de-Fonds Un flûtiste et un monstre du clavier Salle de musique, av. Léopold-Robert 27-29. Di 25 janvier à 17h, sa 7 février à 20h. (Loc. 032 967 60 50, musiquecdf.ch) Emmanuel Pahud et Grigory Sokolov à la mythique Salle de musique M MUSIQUE Emmanuel Pahud est le plus grand flûtiste de sa génération. Accompagné par François-Xavier Roth et l’Orchestre symphonique de la SWR de Baden-Baden et Fribourg-en-Brisgau, il joue le Concerto N° 1 en sol majeur, KV 313, de Mozart et «Originel» de Explosante de Boulez. La Grande Fugue et la Symphonie N° 4 de Beethoven complètent ce programme (di 25 février à 17h). Quant à Grigory Sokolov, le pianiste est une sorte d’ovni. Rien que sa corpulence en impose, alors qu’il mêle puissance et délicatesse. Son récital en décembre dernier au Victoria Hall de Genève a donné un bel aperçu de son art. Dans la 1re Partita de Bach comme la 7e Sonate de Beethoven, il a fait ressortir admirablement les lignes polyphoniques. Certes, la 3e Sonate de Chopin (presque beethovénienne dans sa conception) manquait un peu d’ivresse. Mais que l’on adhère ou non à ses partis pris, Sokolov impressionne toujours. JS PUBLICITÉ 38 LE TEMPS | FÉVRIER 2015 La Chaux-de-Fonds et Genève Musique et peinture La Chaux-de-Fonds. Salle de musique, av. Léopold-Robert 27-29. Di 1er février à 17h. (Loc. 032 967 60 50 www.musiquedeslumieres.ch). Genève. Salle Frank Martin, rue de la Vallée 3. Je 5 février à 20h. (Loc. 022 319 61 11). Des œuvres suisses par une violoncelliste valaisanne qui monte Le chef d’origine argentine Facundo Agudin, la violoncelliste valaisanne Estelle Revaz et l’orchestre Musique des Lumières proposent un programme qui sort des sentiers battus. Ils créent le Concerto pour violoncelle et orchestre «Pitture» du compositeur bâlois Andreas Pflüger (né en 1941). Chacun des sept mouvements s’inspire d’un tableau. Les peintres choisis (Felice Filippini, Böcklin, Adolf Wölfli, Segantini, Karl Pflüger Gotstein, Klee, Soutter) sont Suisses et issus des quatre régions linguistiques du pays. Estelle Revaz joue par ailleurs la Rhapsodie Hébraïque «Schelomo» d’Ernest Bloch. Facundo Agudin dirige encore Quatre Poèmes symphoniques d’après Arnold Böcklin de Max Reger, une œuvre qui fait également le pont entre musique et peinture. JS Lausanne L’ensorceleuse Olga Peretyatko Opéra de Lausanne, av. du Théâtre 12. Ve 6 à 20h, di 8 à 17h, me 11 à 19h, ve 13 à 20h, di 15 février à 15h. (Loc. 021 315 40 20, www.opera-lausanne.ch). La brillante soprano colorature russe fait ses débuts en Violetta M LE TEMPS | FÉVRIER 2015 SORTIR MUSIQUE Depuis un fameux Rossignol de Stravinski donné en 2010 au Festival d'Aix-en-Provence, magnifié par les brumes, les eaux réfléchissantes et les marionnettes orientales du metteur en scène Robert Lepage, Olga Peretyatko est devenue une des figures recherchées du monde de l'opéra. Sa voix possède la rondeur et le charme d'une tessiture lyrique, tout en offrant, dans l'extrême aigu, les scintillements d'une colorature. La soprano russe est attendue dans sa prise de rôle en Violetta, à l'Opéra de Lausanne. Le jeune ténor Isamel Jordi, élève d'Alfredo Kraus, et le barytonbasse Roberto Frontali complètent le trio vocal dans l'irrésistible Traviata de Verdi. Vanessa d'Ayral de Sérignac réalise une mise en scène signée Jean-Louis Grinda, sous la baguette du chef italien Corrado Rovaris. JS Ce quatuor à cordes s'était jusqu'ici beaucoup investi à sertir les productions des autres. Mais l'émancipation est bonne conseillère: après un premier album sui generis en 2012 (La Poule au pot moléculaire, Two Gentlemen), premier coup de maître alliant l'expérimentation la plus pure à des blues presque infusés chez Tom Waits, Laurence Crevoisier, Sara Oswald, Annick Rody et Camille Stoll emmènent plus loin encore avec Polysomnographie (toujours chez Two Gentlemen), d'une teinte davantage neoclassical mais pas moins prenante. Le vernissage lausannois sera l'occasion de juger sur pièces. PS actuelles Cave 12, rue de la Prairie 4. Di 25 janvier à 21h. (Loc. www.cave12.org). Thérapie par le bruit Schwarz Le Romandie, pl. de l'Europe 1a. Sa 24 janvier à 22h. (Loc. www.petzitickets.ch). La dignité de l'obscur C'est un vent sombre, mais frais: les Jurassiens de Schwarz propulsent un premier album dans une sphère stylistique risquée, qu'il est convenu aujourd'hui de nommer dark pop. Risquée, car le genre, en conviant les contraires qui lui donnent son nom, peut tout autant se résumer à un alliage boiteux qu'à des clichés laborieusement enquillés sur la désespérance adolescente. Rien de tout cela ici: ce premier album éponyme, sorti chez Hummus, est une merveille de cohérence, de sobriété et d'intelligence. On a rarement vu côté sombre traité avec autant de dignité. PS Berne Barbouze de chez Fior Turnhalle, Speichergasse 4. Di 15 février à 15h30. (Loc. www.petzitickets.ch). Cordes de tête «Porgy and Bess» en direct de Harlem Le grand succès de Gershwin apparaît pour la première fois à Genève dans une production new-yorkaise Genève My Daily Noise Bombardement sonore en perspective: Kasper T. Toeplitz et Daniel Buess unissent leurs arsenaux (basse pour le premier, percussions pour le second, traitements électroniques pour tous les deux) dans une improvisation dont l'étiquette (My Daily Noise) ne laisse que peu de doutes sur la violence de l'assaut. Cela étant, le pedigree des deux intervenants interdit de voir dans l'expérience quelque chose qui tiendrait du grand n'importe quoi: non, on est là dans une étude profonde et intelligente du bruit, de ses valeurs et de ses effets. Mais il sera tout de même bienvenu de se munir de tampons. PS Lausanne James Blackshaw Le Bourg, rue de Bourg 51. Me 4 février à 20h30. (Loc. www.petzitickets.ch). La guitare aux émotions véloces C'est un génie trentenaire de la douze cordes, un digne épigone du fingerpicking à la John Fahey. D'une esthétique peut-être plus unanimement mélancolique que celle de sa figure tutélaire, James Blackshaw reste un incroyable conteur mélodique: un doigté cristallin, une exécution millimétrée… et une ouverture d'esprit LUCIANO ROMANO Lausanne OPÉRA The Gershwins au New York Harlem Theater sous la direction artistique de William Barkhymer. Décidément, le mois de février lyrique sera rare, à Genève. Après Iphigénie, Porgy and Bess débarque à la place de Neuve. A la limite de la comédie musicale, le «folk opéra américain» de George Gershwin fera le bonheur des amateurs du genre, car il n'avait encore jamais franchi les portes du Grand Théâtre. L'erreur sera réparée dès le 14 du mois prochain, pour onze représentations. La scène genevoise entend bien séduire son public traditionnel, mais aussi les classes de jeunes et d'étudiants qui auront droit à un quota de places à 30 francs seulement pour assister au spectacle, sur présentation d'un justificatif. Si tout le monde connaît la fameuse berceuse «Summertime», reprise par tous les grands chanteurs et musiciens, jusque dans des versions jazz ou rock (inoubliable Janis Joplin!…), les spectateurs de tous âges seront heureux de découvrir une production venue directement du New York Harlem Theater. Initialement créée dans la Big Apple en 1935 à l'Alvin Theater, Porgy and Bess représente la quintessence de la musique américaine des années 30, qui puise aux sources métissées du negro-spiritual, du blues et des work songs, assimilées au langage européen traditionnel et au jazz. Le compositeur des fameux Rhapsody in blue et An American in Paris signe, avec Porgy and Bess, un bel hommage à l'Amérique noire. Des racines et des notes… Sylvie Bonier «Summertime, and the living is easy» va venir s’incruster à onze reprises dans les têtes et les cœurs. Réjouissances Genève. Grand Théâtre, pl. de Neuve. Sa 14 à 19h30, di 15 à 15h et 19h30, lu 16, me 18, je 19, ve 20, sa 21, di 22, lu 23, ma 24 février à 19h30. (Loc. 022 322 50 50, www.geneveopera.ch). 39 SORTIR M MUSIQUE LE TEMPS | FÉVRIER 2015 FESTIVAL Diagonales Jazz, la Suisse se rêve en bleu RETO ANDREOLI Le festival présente dans toutes les régions du pays dix jeunes formations électrisantes Bounce. qui aura vu le guitariste anglais collaborer au fil des années avec des figures aussi hétéroclites que celles de l'expérimentateur ambient Duane Pitre ou du pianiste de l'extrême Lubomir Melnyk – talent et polyvalence. PS Emmenbrücke (LU) Sum of R Sedel, Sedelhof 2. Ve 30 janvier à 21h. (Loc. www.petzitickets.ch). Epiphanies du charbon Formation à géométrie variable centrée sur la personne de Reto Mäder, Sum of R excelle dans une forme de post-rock minimal, tribal et sombre. Mais le primitivisme est ici mis au service d'une poésie tranchée, extrêmement bien maîtrisée, et cela même en configuration de concert, où Mäder (associé actuellement à la guitariste Julia Valentina Wolf) a pour habitude de laisser libre cours à la puissance d'improvisation que sa musique tient en elle. On peut, pour un avant-goût, se re- porter au dernier album du duo, Lights on Water, publié l'an passé par Utech Records. PS Lausanne Jarboe, Helen Money, Alexander Hacke & Danielle de Picciotto Le Bourg, rue de Bourg 51. Je 19 février à 20h30. (Loc. www.petzitickets.ch). L’ensemble est supérieur à la somme de ses parties On a beau chercher, on ne trouve pas encore de segment écoutable de la collaboration annoncée entre Jarboe et Helen Money. Mais la somme des individualités ici présentes ne laisse qu'augurer un concert d'envergure, qui brasse large dans l'histoire de l'avantgarde musicale de ces trente dernières années. On rappellera à toutes fins utiles que Jarboe fut 40 Une Suisse rêvée, faite de musiques, de réseaux parallèles, de relève glorieuse. Jusqu'au 15 février, nouvelle édition du festival Diagonales Jazz: dix formations aventurières qui traversent les principaux clubs de Suisse, de tous les côtés de la Sarine et au-delà. Comme ce quintet, l'incroyable Akku, dont l'album est un défilé hypnotique qui conduit d'un différent stade du sommeil à l'autre. Vraiment. Intelligence rythmique, long format sans concession, concept-album furieux, c'est l'un des groupes helvétiques sur lesquels on veut compter. De même, l'un des autres groupes invités, les Bernois de Bounce, rapidement repérés pour la qualité de leurs solistes autant que leur vraie rock attitude décomplexée. Diagonales Jazz dit cela du jazz en Suisse: très peu de tradition, aucun snobisme, la traque euphorique du bon son qui déborde. On ira entendre le trio Heinz Herbert, élégante métamorphose des textures. Les modernistes impeccables, très New Jazz, de Insidevening. Ou encore redécouvrir le saignant trio That Pork, Romands tout-terrain dont la virtuosité ne cache jamais un réel esprit d'investigation. «Jazz is not dead» parmi la jeune garde d'ici; Diagonales, à sa manière, lance des ponts intérieurs qui font d'individus parfois isolés une scène. Arnaud Robert Une façon de ne pas voir les frontières en matière d’improvisation suisse, mais les ponts Divers lieux en Suisse. Diagonales Jazz. Jusqu’au 15 février. (Loc. www.diagonales.ch). l'une des fondatrices de Swans, dont elle accompagna à la voix le parcours jusqu'en 1998. Avec Helen Money (Alison Chesley de son vrai nom), on a une tête chercheuse du violoncelle, ancienne élève de Fred Frith, pionnière dans les noces de son instrument et des pédales de looping. Ajoutez à cela que les deux grandes dames seront pour le coup accompagnées d'Alexander Hacke, guitariste chez Einstürzende Neubauten, et de l'inclassable Danielle de Picciotto (que l'on connaît entre autres pour avoir lancé la première Love Parade à Berlin en 1989), et vous aurez tous les ingrédients d'un melting-pot à haute valeur d'étrangeté ajoutée. PS Nyon Kadebostany Usine à Gaz, rue César-Soulier 1. Sa 7 février à 21h30. (Loc. www.petzitickets.ch). Sous les décorations de guerre d'un Etat fictif, le génie pop Kadebostany déplace ses vestes militaires, ses moustaches lustrées et son pays de contrefaçon partout où le vent de l'Est l'emporte. Prodige d'inventivité visuelle, de mythologie féconde (l'invention d'un Etat oriental comme support à la joute), manifeste de petites pop songs bien vernies, Kadebostany ébaubit par la variété de ses intentions, de ses modes de production et par son renouvellement permanent. Des fanfares minées aux hymnes de la télévision kadebostanienne, rien ne semble arrêter la bonne marche de cette utopie née, il faut un certain effort d'imagination pour s'en souvenir, du côté de Genève. ARO Fribourg Harold Mabern Trio La Spirale, pl. du Petit-Saint-Jean 39. Ve 30 janvier à 21h. (Loc. www.starticket.ch). Une âme forte de Memphis M LE TEMPS | FÉVRIER 2015 SORTIR MUSIQUE Farmsworth à la batterie, le maître sudiste en appelle à des muses qu'on croyait enfuies. ARO LDD Bâle On ne cessera de célébrer la programmation tous horizons de La Spirale à Fribourg. Goût du passé, quête de nouvelles promesses, le petit club touche juste. Comme cette fois: revenir sur les pas du jazz. Harold Mabern a presque 80 ans, il est une âme de Memphis. On ne lui fera pas l'affront de citer tous les monuments américains qu'il a escaladés: Miles Davis, Sonny Rollins, Cannonball Adderley ou Wes Montgomery, pour ne citer que les plus saillants. Harold est un maître du bop résistant, du trio d'école, des standards labourés comme des champs en friche. Avec John Webber à la contrebasse, mais aussi Joe DJ Sprinkles HeK, Freilager-Platz 9. Sa 7 février à 23h. (Loc. www.hek.ch). Résurgence profonde On avait un peu perdu de vue Terre Thaemlitz au cours des années: soutien éminemment engagé de la cause transgenre, juge de l'absence de politisation de la culture électronique, l'artiste avait en son nom propre fait les beaux jours, dans les années 90, d'une ambient plutôt altérée, intellectuelle et exigeante. Sous le nom de DJ Sprinkles, Terre Thaemlitz met l'accent sur une forme de résurgence de la deep house de la même époque, avec un sens certain de l'ancrage des basses. PS Lausanne Kowton Kangding Ray Le Bourg, rue de Bourg 51. Ve 20 février à 23h. (Loc. www.petzitickets.ch). Triple carrefour électronique Le Romandie, pl. de l'Europe 1a. Ve 6 février à 22h. (Loc. www.petzitickets.ch). Danser, pierre après pierre David Letellier est architecte, et on ne peut s'empêcher de penser que cette formation est pour quelque chose dans son approche de la musique. Le Français construit une electro en forme de cathédrale, imposante, mais dont les niches et les alcôves renferment un fourmillement d'idées – qui se retrouvent par ailleurs dans une discographie éminemment prolifique. Parfaitement à l'aise au sein du label Raster-Noton (qui a sorti l'année passée Solens Arc, dernière production en date), la poétique froide de Kangding Ray cultive le paradoxe d'enflammer les âmes – certainement un effet de l'amour igné. PS PUBLICITÉ 41 Lorsque, cramé par sa popularité exponentielle, le dubstep s'est effiloché en tant que genre – il y a quelque cinq ou six années de cela –, nombre de petits malins (aucune animosité dans ce propos) ont tenté de le revitaliser, qui en appuyant sur ses éléments de base à la recherche d'un nouveau purisme, qui en l'hybridant avec des styles voisins. Parmi ces derniers, on comptera Joe Cowton (alias Kowton), natif de Bristol et dont les productions (comme celles de ses affidés, qu'il contrôle au sein du label Livity Sound) tentent une double pollinisation croisée en direction de l'épaisseur du dub et de la rythmique binaire propre à la techno. Un succès, qui apporte un éclairage solaire étonnamment bienvenu. PS SORTIR M MUSIQUE LE TEMPS | FÉVRIER 2015 FESTIVAL Antigel, un coup de sirocco à Genève La nouveauté, cette année? Une halle de 2000 m2 pour faire la fête ROSA-FRANK.COM Antigel, 5e! Comme de coutume, ce festival hivernal lié aux communes genevoises conjugue des projets originaux dans des lieux exotiques (usine, patinoire, piscines…) avec une programmation danse et musique plus classique concoctée par Prisca Harsch et Eric Linder. Mais cette année, une nouveauté s'ajoute encore à ce métissage vigoureux: Antigel s'associe avec Motel Campo et La Gravière, deux lieux festifs bien connus des Genevois, et investit à Pont-Rouge, au pied de la rampe qui mène à Lancy, une immense halle en friche des CFF dans laquelle les trois acteurs de la nuit aménagent un club electro d'une capacité de 2000 personnes. Waow. A l'affiche de ces nuits electro? Des grands noms comme Kerri Chandler (ve 30 janv.) ou le collectif new-yorkais Body & Soul (ve 6 fév.) Pour créer un espace plus intime dans cette halle de 2000 m2, les architectes genevois du Bureau A ont créé un cube géant à partir de 2600 palettes de bois brut. Côté programmation, on observe aussi un savant mélange entre des pointures et des artistes plus confidentiels. En danse, par exemple, Christian Rizzo, Raimund Hoghe et Yann Marussich partagent l'affiche avec Lisbeth Gruwez et Daniel Hellmann. En musique, Eric Linder a eu le bon goût d'appuyer sur les différents leviers à même d'assurer tout à la fois la diversité et la solidité d'une programmation: genres, degrés de notoriété, niveaux d'accessibilité. Cet équilibre repose sur l'association de fondations légendaires (Mogwai, Pere Ubu, Tindersticks), d'une escadrille de têtes chercheuses un brin plus confidentielles (Earth, Pierre Bastien, Nisennenmondai, Lubomyr Melnyk) et de plusieurs soirées consacrées au plaisir pur du clubbing (DJ Shadow & Cut Chemist, ou Stewart Walker). Sélection subjective ci-dessous. Marie-Pierre Genecand, Philippe Simon «An Evening with Judy», le nouveau solo de Raimund Hoghe. Antigel, le festival qui dégèle Genève. Antigel. Jusqu’au 8 février. (Loc. 022 901 13 00, www.antigel.ch). Morceaux choisis de l’édition 2015 musique Collonge-Bellerive (GE) Chassol L’épicentre, ch. de Mancy 61. Sa 31 janvier à 20h30. Un défricheur qui soigne aussi bien le son que l’image Il est d’une discrétion gourmande, dans son atelier charpenté de Paris d’où il filme ses voisins pour en faire des films musicaux. Christophe Chassol synchronise depuis longtemps des images qu’il a lui-même tournées pour en faire des bandes originales aux airs électroacoustiques. Il était parti à La Nouvelle-Orléans, il est retourné en Inde. Son documentaire Indiamore,dont il interprète sur scène les mélodies entêtantes, est un poème puissant en hommage au Gange, aux trafiqueurs de sitars, aux danseurs du kathakali. Chassol invente sa forme, ni tout à fait visuelle ni complètement mélomane. Un monde de défrichage ludique et malin où se fondent les correspondances rimées entre les arts. ARO 42 Genève Dean Blunt La Gravière, ch. de la Gravière 9. Je 29 janvier à 21h30. L'étrangeté pour repaire C'est devenu la coqueluche de la presse musicale underground (il a fait une toute récente une de The Wire, excusez du peu), et c'est amplement mérité: l'Anglais Dean Blunt renverse les codes avec un irrespect réjouissant. Où est-on avec lui? Nulle part et un peu partout – certainement un héritage de ses premières armes faites au sein du très conceptuel duo Hype Williams: quelques souvenirs hiphop déformés par une mémoire piégée, une recherche de l'étrangeté signifiante et des voisinages scandaleux. Son dernier album, Black Metal (Rough Trade, 2014), vaut pour manifeste. PS Francisco López Musée d'art et d'histoire, rue Charles-Galland 2. Sa 31 janvier à 19h. Le son comme masses On le présente souvent comme un peintre sonore, mais on aurait presque envie de lui préférer la mé- M LE TEMPS | FÉVRIER 2015 SORTIR MUSIQUE Erik Truffaz Quartet & Gregory Maqoma Vuyani Dance Theater BFM, pl. des Volontaires 2. Ma 3 février à 20h30. La rencontre des corps et des pulsations Difficile de suivre Erik Truffaz. On le trouve un matin en duo avec le dessinateur Enki Bilal, l'après-midi en train de composer une symphonie sous le regard attentif du compositeur Pierre Henry et puis revenir, sans en avoir l'air à ses amours anciennes, au souffle long de Miles Davis, avec la chanteur Sophie Hunger. Pour Antigel, Truffaz se métamorphose encore. Avec la compagnie du chorégraphe sudafricain Gregory Maqoma, aperçu auprès d'Akram Khan, il ouvre de nouvelles pistes. Neuf danseurs, quatre musiciens, la rencontre des corps et des pulsations. L'invention féroce, véloce, de mondes que rien ne peut définir sinon l'amour de la rencontre. ARO Vernier (GE) Ghostpoet Piscine du Lignon, rte du Bois-desFrères 30. Ve 30 janvier à 20h30. Vers des rues sombres On l'a vu débouler en 2013 avec un album incroyable, Some Say I So I Say Light, sorti chez Play It Again Sam. Le Londonien Obaro Ejimiwe y délivrait un travail impeccable de poésie urbaine: un flow tendu et monocorde, un substrat grime très sec hybridé au trip hop bon teint, et surtout une intelligence absolue lorsqu'il s'agit de créer une am- biance délavée à partir de quelques simples boucles sonores. On peut reprocher à Ghostpoet le ronflant de son pseudonyme, mais pas sa justesse descriptive. PS Quand Sidiki joue avec Toumani, au festival Antigel, ce sont les effluves qui reviennent aussi en mémoire de ce concert donné dans le même cadre, il y a quelques années. Toumani était alors seul. L'intensité sera cette fois, on n'en doute pas, redoublée. ARO Tricky Salle des fêtes, pl. du Lignon 6. Me 4 février à 20h30. Renaissance trip hop spectacles Le présente-t-on encore? Tricky, maître à penser de la première heure trip hop (on se rappelle des chocs répétés, en 1995 et 1996, de Maxinquaye et Pre-Millenium Tension). Malheureusement, le Bristolien s'est ensuite perdu dans la fadeur d'albums dispensables. Jusqu'à Adrian Thaws (False Idols, 2014), dernier en date, nommé de son patronyme réel: ce retour aux sources de l'état civil est aussi renaissance de son énergie primordiale, mêlée aux vingt années des avancées irrémédiables que la musique a réalisées sans lui. Il s'est désormais rattrapé, c'est une réussite, et on a là une invitation on ne peut plus méritée. PS Genève Sous l’onglet «Made in Antigel»… Une journée détox à la salle communale de Soral (Les Dadas du yoga). Une virée à l'aéro-club de Meyrin pour bricoler des avions et découvrir le vol d'aéroplanes miniatures (Air Antigel). Une visite nocturne des sous-sols de la voirie de Carouge (Balade dans l'au-delà). De la danse country à Chancy (Chancy Far West). Ou encore les lubies les plus allumées dans le cadre automatisé d'ABB, à Satigny (Coup de foudre à ABB). S'il y a bien une marque de fabrique propre à Antigel, ce sont ces projets originaux créés en lien avec les communes genevoises et qui permettent d'arpenter des lieux peu connus du canton ou de vivre des expériences inédites, comme cette promesse d'apocalypse dans la commune tranquille d'Avusy (3 x 1 = Avusy)… Regroupées sous l'onglet «Made in Antigel» sur le site, ces virées remportent un grand succès, preuve que le public local est tout sauf frileux. MPG Troinex (GE) Toumani & Sidiki Diabaté Salle des fêtes, Route de Moillebin 20. Lu 2 février à 20h. Quand le doigté rime avec intensité On se souvient de cet enfant, Sidiki, dans la cour de terre rouge d'une maison de Bamako. Il portait entre ses mains fermes un instrument plus grand que lui: une harpe mandingue, une kora, 21 cordes vouées entièrement à la perpétuation d'une mémoire millénaire. Et cet homme en boubou satiné, son propre père, Toumani Diabaté, qui le regardait en se souvenant que lui-même, quelques années plus tôt, avait vécu la même scène sous les yeux de son griot de paternel. nue… Ici, c'est son imaginaire qui décolle. Car, pour une fois, Yann Marussich signe une pièce qu'il n'interprète pas. A sa place, des danseurs et des… aviateurs. Drôle de rencontre pour un drôle de projet basé sur la chorégraphie des patrouilleurs des airs. Plus exactement, les gestes qu'ils font, les yeux fermés, assis sur des chaises, dans le silence, pour répéter leurs figures vertigineuses. Joliment, les pilotes d'avion appellent ça La Musique. Muette, mystérieuse, parfaite. On se réjouit de décoller avec eux. MPG Vernier (GE) Projets originaux Les Aviateurs Salle des Eaux-Vives, rue des EauxVives 82-84. Sa à 19h, ma-me ve à 20h30 du 3 au 7 février. La musique silencieuse des airs YOURI LENQUETTE taphore de la sculpture: car ce que déplace Francisco López, ce sont des masses, plus ou moins lourdes, plus ou moins denses, en rapport plus ou moins conflictuel avec le vide – le silence. Son vocabulaire de base est large (bruit blanc, sampling, field recording, piano préparé…), son protocole est malin – l'Espagnol propose souvent à son public de se bander les yeux pour apprécier à leur pleine valeur les courants auditifs qu'il met en branle: expérience sensorielle de haute valeur ajoutée. PS Yann Marussich aime les projets qui l'emmènent ailleurs, le déplacent. Tantôt il se laisse parcourir le corps par des fourmis, tantôt il plonge dans un cube rempli de verre cassé. Parfois, il se fait tirer au sol par un treuil que doit actionner une personne du public. Récemment, un rideau de lames se levait et se baissait sur son corps, laissant de petites entailles sur sa peau 43 An Evening with Judy Salle des fêtes du Lignon, pl. du Lignon. Sa 31 janvier à 20h, di 1er février à 18h. L'actrice sensible derrière la star Sa présence est déjà tout un poème. Silhouette menue, bossue, gestes délicats, Raimund Hoghe ouvre des horizons sensibles en étant simplement là. Peut-être puise-t-il cette densité dans les années passées aux côtés de Pina Bausch, chorégraphe à l'âme théâtrale dont il a été le dramaturge de 1980 à 1990? Ce qui est sûr, c'est que Raimund Hoghe s'est toujours intéressé au portrait. Avant d'entrer dans le monde du spectacle vivant, il racontait pour Die Zeit la vie de gens simples et de célébrités. Dans son nouveau solo An Evening with Judy, il approche à sa manière, rituelle et délicate, la star Judy Garland. Et souhaite «créer un parallèle entre le répertoire incroyablement varié de la star et sa vie et son époque». C'est que l'actrice était moins kitsch que l'image qu'elle a laissée. «Elle n'était pas seulement la star des comédies musicales hautes en couleur, mais impressionnait aussi dans les films en noir et blanc des années soixante comme Jugement à Nuremberg», démontre le chorégraphe. Qui invite le danseur Takashi Ueno à éclairer avec lui ces autres facettes de la star. Avant, Maria Callas a bénéficié du même traitement. Un grand moment, assurément. MPG Festival Antigel Du 23 janvier au 8 février (Loc. 022 901 13 00 - www.antigel.ch). Excès «Ubu roi» Declan Donnellan Dans cette version du metteur en scène britannique, pas de débordement hystérique. Mais une névrose domestique, en milieu bourgeois, avec un Père et une Mère Ubu qui pourraient être vous et moi… Idoles Amours en chaîne «Le Kung-fu» «Les Histoires d’A-Andromaque» Dieudonné Niangouna Le guerrier blessé et magnifique poète du Congo-Brazaville vient à Vidy-Lausanne avec des scènes de films-cultes qui ont sauvé sa vie d’enfant soldat. Avis aux cinéphiles lausannois. Alexandre Doublet «Andromaque», c’est la tragédie racinienne où A aime B qui aime C qui aime D… Ici, des enfants questionnent les grands. JOHAN PERSSON 2013 S SPECTACLE NOS PRÉFÉRENCES Epistolaire Magnétisme «La Voix du Peuple» «La Bête dans la jungle» Installé à Vienne, le metteur en scène a compilé dix ans de courrier de lecteurs du quotidien «24 heures». Portrait inédit des Vaudois. Actrice magnétique qui vient de s’illustrer en mère possessive dans «Les Revenants» d’Ibsen, Valérie Dreville livre la parole incandescente de Duras au TPR. Jérôme Junod Célie Pauthe SORTIR SSPECTACLE LE TEMPS | FÉVRIER 2015 THÉÂTRE théâtre Le cinéma de Dieudonné Niangouna Cologny (GE) Assoiffés Théâtre du Crève-Coeur, ch. de Ruth 16. Di à 18h, ma-sa à 20h du 17 février au 22 mars.(Loc.0227868600, www.theatreducrevecoeur.ch). Wajdi Mouawad prend le spectateur à la gorge CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE L'acteur et poète congolais célèbre les bobines de son enfance Mourir de peur, ou presque. Se sentir défaillir quand la milice passe en lame traîtresse. Dieudonné Niangouna a connu l’effroi, enfant, quand la guerre civile dévastait son Congo-Brazzaville natal. Il a vu mourir les siens, il a été ce gamin éberlué qui cherche une consolation auprès des grandes personnes qu’il finit par consoler. Sa chance, alors, c’est peut-être son père, professeur de linguistique, intellectuel sévère qui puise dans les livres des raisons de rester debout. Il fait lire le jeune Dieudonné; Aimé Césaire, Sony Labou Tansi, Arthur Rimbaud sont ses frères d’ombre; c’est à partir d’eux qu’il écrit des poèmes qui sont des épopées, des chants émaillés de clameurs. Le public du Festival d’Avignon – puis celui du Théâtre Saint-Gervais à Genève – découvre ainsi entre 2010 et 2011 Inepties volantes, solo à tombeau ouvert. C’est son histoire qu’il scande, celle d’un garçon qui fuit la mitraille. Plus tard, toujours à Avignon, il ouvre les vannes de sa mémoire et déploie à ciel ouvert, au milieu de la garrigue, un roman cabossé joué par une dizaine d’acteurs. Cette pièce, il la titre Shéda. Aujourd’hui, dans Le Kung-fu, il invite à le suivre dans les cinémas de son enfance. A l’époque, il a l’habitude de raconter à sa parentèle les films qui le ravissent. Pour son nouveau spectacle, il fait davantage: il propose aux habitants des villes où il s’arrête de jouer devant sa caméra des scènes-cultes de leur choix. Les représentations à Vidy intégreront des séquences tournées à Lausanne avec des amoureux des salles obscures. Le cinéma est une cabale libératrice. Alexandre Demidoff Il arrive que le cinéma sauve du désespoir Lausanne. Théâtre de Vidy, av. E.-Jaques-Dalcroze 5. Ma-sa à 19h30 du 3 au 21 février et di 15, di 22 février à 17h. (Loc. 021 619 45 45, www.vidy.ch). 46 Est-ce parce que Wajdi Mouawad est né au Liban, qu'il y a vu la guerre, qu'il a dû s'exiler, enfant, en France d'abord, puis à Montréal, où il vit aujourd'hui? L'écrivain et chef de troupe écrit sur les failles de nos identités, là où nous ne savons plus à qui nous rattacher, là où nous aspirons à retrouver un lien perdu. Comme le plus rusé des feuilletonistes, il sait donner à ses interrogations intimes un tour épique, qu'il signe Incendies, Forêts, Littoral, trilogie qui a ravi le Festival d'Avignon en 2009, ou Assoiffés. C'est cette dernière pièce que le Genevois Vincent Babel monte. Un anthropologue est appelé à identifier deux corps rejetés par le fleuve. Stupeur, il découvre que l'un d'entre eux est un ancien camarade de classe. Isabelle Caillat, Jean-Luc Farquet, Lionel Brady se fondent dans les ténèbres de Mouawad. On a hâte de goûter avec eux à la lumière. ADF Genève La Trilogie de Belgrade Théâtre du Grütli, grande salle, rue du Général-Dufour 16. Di à 18h, ma je sa à 19h, me ve à 20h jusqu'au 8 février. (Loc. 022 888 44 88, www.grutli.ch/reservations). Farce musicale du départ Partir. Tourner le dos aux discours nationalistes, à la folie d'une guerre intestine. Telle est la tentation d'une génération au mitan des années 1990, quand la Yougoslavie vole en éclats. Cette fable du départ, l'auteur Biljana Srbljanovic la raconte dans La Trilogie de Belgrade. Des hommes, des femmes passent le Réveillon aux quatre coins du monde. Ils croient être heureux, mais Belgrade les rattrape et leurs existences déraillent soudain. A la mise en scène, Véronique Ros de la Grange annonce une farce musicale servie par de bons comédiens, dont Jacques Michel et Doris Ittig. ADF Ballade en orage Théâtre du Loup, ch. de la Gravière 10. Je sa à 19h, me ve à 20h du 28 au 31 janvier. (Loc. 022 301 31 00, www.theatreduloup.ch). Le roi Lear en chantant Julien Mages évoque les liens familiaux avec une liberté et une acuité peu communes, comparables aux pièces du Français Joël Pommerat. Nouvelle preuve avec cette Ballade en orage qui propose avec sa compagnie, le Collectif Division, une relecture contemporaine et chantée (oui, oui!) du Roi Lear de Shakespeare. En coulisses, un vieil homme se meurt et laisse non pas un royaume à diriger, mais une maison et une affaire à se partager. Sur une scène quasi dénudée à l’exception d’une passerelle polygonale imaginée par Chloé Decaux, ses trois filles et deux frères, amis de la famille (Athéna Poullos, Marika Dreistadt, Viviane Pavillon, Frank Arnaudon, Roman Palacio), parlent succession et filiation. La maladie pourrait être un thème de cette ballade où chacun affiche une pathologie. Mais l’astuce, ou l’espoir de ce clan déficient, c’est la chanson. Subitement, les discordes s’effacent dans la maîtrise de la polyphonie, le chant à l’unisson, sur des compositions d’Alexis Gfelle. MPG Le Roi Lear Comédie de Genève, bd des Philosophes 6. Di à 17h, ma-je sa à 19h, ve à 20h du 27 janvier au 7 février. (Loc. 022 320 50 01, www.comedie.ch). La plus poignante des pièces de Shakespeare Un sommet dans la carrière d'un metteur en scène. Le Roi Lear laisse toujours coi, dans un premier temps. L'histoire de ce monarque orgueilleux qui cède son royaume à ses filles malfaisantes, Goneril et Regane, sacrifiant sa préférée Cordélia, a fait l'objet de spectacles sidérants. En 2006, le Français An- S LE TEMPS | FÉVRIER 2015 SORTIR SPECTACLE dré Engel transposait ainsi Lear et sa cour dans une campagne des années 1930-1940, avec un Michel Piccoli impressionnant en fauve blessé. Il y a quelques mois, au Théâtre national populaire de Villeurbanne, l'acteur Serge Merlin, 80 ans, frappait en ermite orageux. Le directeur de la Comédie Hervé Loichemol empoigne à son tour la pièce de Shakespeare. «C'est un rêve et une angoisse terrible», confiait-il au mois de juin passé. Il s'est entouré d'acteurs aguerris, dont Patrick Le Mauff, Anne Durand, Ahmed Belbachir, Brigitte Rosset et Camille Figuereo. Le vent de la lande souffle sur eux. ADF Lausanne Les Histoires d’AAndromaque Théâtre Arsenic, rue de Genève 57. Ma 3, me 4, je 5, ve 6, sa 7 février à 19h30. (Loc. 021 625 11 36, www.arsenic.ch). Racine soumis aux questions d'enfants C'est une constante chez Alexandre Doublet, codirecteur avec Denise Maillefer du Théâtre Les Halles, à Sierre. Qu'il mette en scène Platonov, de Tchekhov, ou Hamlet, de Shakespeare, l'an dernier avec de jeunes comédiens, cet artiste conserve la même distance amusée, le même humour dégagé, injectant des éléments contemporains et volontiers populaires dans les textes classiques. En serat-il de même avec Andromaque, rebaptisée Les Histoires d'A-Andromaque en hommage aux Rita Mitsouko? «Cette fois, je souhaite monter le texte tel que Racine l'a écrit, répond le metteur en scène. Mais à la fin de chaque acte – il y en a cinq –, des enfants questionneront les acteurs sur les enjeux de cette tragédie amoureuse où A aime B qui aime C qui aime D, etc.» Fiamma Camesi, Malika Khatir, Roland Gervet, Baptiste Morisod et Julien Jacquérioz seront les comédiens qui relaieront les alexandrins raciniens tout en répondant aux questions sans doute nettement plus directes des enfants.«Je suis très soucieux de l'idée de transmission et je me demande comment, aujourd'hui, la jeune génération reçoit Racine», précise Alexandre Doublet. MPG Meyrin (GE) et Villars-sur-Glâne (FR) Court-Miracles Meyrin. Forum Meyrin, pl. des Cinq-Continents 1. Me 28 janvier à 19h. (Loc. 022 989 34 34, www.forum-meyrin.ch). Villars-sur-Glâne. Espace Nuithonie, rue du Centre 7. Ve 30, sa 31 janvier à 20h. (Loc. 026 350 11 00, www.fribourgtourisme.ch). L’art plus fort que la guerre PUBLICITÉ 47 «C'est un des devoirs de l'artiste d'être «reporter» pour ses contemporains, des aventures humaines intérieures et extérieures», affirme Lucie Boulay, cofondatrice de la compagnie Le Boustrophédon. Cette profession de foi, la troupe toulousaine l'a faite sienne lorsqu'elle est partie en mission en Palestine il y a quelques années, sous la bannière de Clowns sans frontières. De ce contact avec les enfants meurtris par la guerre est né un spectacle où il est question de miraculés. Dans un camp se côtoient un gardien, des infirmiers et des blessés. La guerre poursuit son œuvre funeste mais les rescapés s'organisent, accueillent les nouveaux venus en leur prodiguant des soins, pourchassent les rats et improvisent un orchestre de fortune. Mi-hommes, mimarionnettes, ils sont les orfèvres de petits miracles qui dissipent les ombres du malheur. Dès 7 ans. KS Neuchâtel Le Poisson combattant Théâtre du Passage, passage Maximilien-de-Meuron 4. Ma 10, me 11, je 12, ve 13 à 20h, sa 14 à 18h, di 15 février à 17h. (Loc. 032 717 79 07, www.theatredupassage.ch). Fabrice Melquiot écrit à fleur de nénuphars Deux fines âmes; deux lyriques; deux enthousiastes. L'auteur Fabrice Melquiot et l'acteur Robert Bouvier sont frères en élans. Ils ne le savaient pas jusqu'à il y a peu, ils l'éprouvent aujourd'hui. Le premier écrit des pièces à hauteur d'adolescents qui touchent souvent juste. Le second se glisse dans des rôles ambigus, parfois, comme dans son récent Doute, pièce de John Patrick Shanley, en tournée romande. Fabrice Melquiot a écrit Le Poisson combattant pour Robert Bouvier. Un homme quitte sa fille et sa compagne pour enterrer Charlie, mais oui, le poisson tant aimé qui s'est échappé de son bocal. La fugue promet. ADF Neuchâtel et Meyrin (GE) Ubu roi Neuchâtel. Théâtre du Passage, passage Maximilien-de-Meuron 4. SSPECTACLE Ve 30 janvier à 20h. (Rens. 032 717 82 00, www.theatredupassage.ch). (Loc. 032 717 79 07, www.theatredupassage.ch). Meyrin (GE). Forum Meyrin, pl. des Cinq-Continents 1. Je 5 février à 20h30. (Loc. 022 989 34 34, www.forum-meyrin.ch). Le monstrueux qui est en nous Declan Donnellan, metteur en scène irlandais âgé de 62 ans, affectionne la fragilité derrière la virilité. Lorsque, avec sa compagnie Cheek by Jowl, il a monté Le Cid, Hamlet ou Le Roi Lear, il s'est toujours employé à souligner la fragilité des hommes, des pères, avant d'en montrer la folie ou l'arrogance aveugle. A l'œuvre cette année avec Ubu roi, célèbre pochade d'Alfred Jarry devenu l'emblème des surréalistes, Declan Donnellan poursuit cette analyse en creux des déviances ordinaires. Pas d'excès, ni de monstres en scène dans cette version britannique, mais un couple bourgeois, infantilisé par la société du jeunisme tout-puissant, qui court à sa perte à travers cette obsession. «Lorsqu'une personne pense qu'elle n'est pas capable de violence ou d'égoïsme, c'est un signe de folie. Il est dangereux d'ensevelir le Père et la Mère Ubu qui sont en nous», prévient l'homme de théâtre. Qui a choisi de montrer le fils voyeur qu'a pu être Jarry, adolescent lorsqu'il a LE TEMPS | FÉVRIER 2015 écrit cette pièce d'anthologie en 1896: durant tout le spectacle, un jeune garçon filme le couple qui flippe. La pataphysique est en nous. MPG Cabaret Théâtre du Passage, passage Maximilien-de-Meuron 4. Ve 6 à 20h, sa 7 à 18h, di 8 février à 17h. (Loc. 032 717 79 07, www.theatredupassage.ch). Le strass contre la menace Oui, c'est bien LE Cabaret rendu célèbre par Liza Minnelli, dans une réalisation de Bob Fosse, en 1972. C'est bien la même comédie musicale qui raconte l'histoire de ce jeune écrivain des années trente logé dans une petite pension de Berlin où il rencontre Sally Bowles, chanteuse au charme fou, qui se produit dans un lieu miracle où le simple passant va noyer sa peur du monde qui vire au tragique. Le spectacle, produit à Bruxelles, affiche d'ailleurs le même minois aux yeux expressifs et la mèche de jais sur ses visuels. Inspiré par la pièce de John Van Druten et le récit de Christopher Isherwood, Cabaret réunit 24 comédiens, chanteurs, danseurs et musiciens pour les fameux titres qui, depuis «Willkommen» jusqu'à «je m'en fous», célèbrent la joie malgré le trauma. MPG PUBLICITÉ humour Yverdon-les-Bains Joseph Gorgoni: De A à Zouc Théâtre Benno Besson, rue du Casino 9. Ve 30, sa 31 janvier à 20h. (Loc. 024 423 65 80, www.tbb-yverdon.ch). Gorgoni sans sa gorgone, le choc! Dans Joseph Gorgoni: De A à Zouc, l'humoriste romand quitte le corps de Marie-Thérèse et apparaît à visage découvert, sans sa perruque peroxydée, ni son maquillage de vieille rombière. Oui, le comique né à Genève il y a 48 ans raconte sa vie à lui, rien qu'à lui, durant une 48 DR SORTIR heure et demie: son apprentissage de danseur classique, son engagement inespéré dans Cats à Paris, son recrutement militaire habillé en fille, string compris. Mis en forme et surtout en gags par le complice Pierre Naftule, le récit est coquet, coquin, corsé. On rit. Mais, et il en va ainsi des amours terribles, le moment le plus émouvant du solo revient quand même à Marie-Thérèse Porchet, MTP, la Gorgone de Gorgoni. Leur «duo», sur l'air de «J'ai encore rêvé d'elle», donne des frissons. Peut-être parce qu'il célèbre cet attachement étrange, vaguement schizophrénique et totalement fascinant, qui existe entre un créateur et sa créature? Marie-Thérèse for ever! MPG danse Lausanne D'après une histoire vraie Théâtre de Vidy, av. E.-Jaques-Dalcroze 5. Me 11 à 20h, je 12 à 19h, ve 13 février à 20h. (Loc. 021 619 45 45, www.vidy.ch). Dix hommes, le soleil dans leur danse Le chorégraphe Christian Rizzo travaille plutôt sur les vides que sur les pleins, d'ordinaire. Sur ces failles, ces absences qui racontent beaucoup de nos errances. Mais D'après une histoire vraie, spectacle salué au Festival d'Avignon 2013, tranche avec la tonalité habituelle de cet artiste français. Bouleversé par la force qui se dégageait d'une danse folklorique masculine vue à Istanbul lors d'un voyage, Christian Rizzo a réuni dix danseurs du pourtour de la Méditerranée et leur a écrit une chorégraphie qui mêle ces mouvements ancestraux S LE TEMPS | FÉVRIER 2015 SORTIR SPECTACLE THÉÂTRE Valérie Dréville dans la jungle de Duras Sur la jetée, il n'y aurait plus qu'eux, elle et lui. Ils viennent de se retrouver. Elle se souvient qu'ils se sont déjà rencontrés dix ans auparavant lors d'une réception dans un château. Lui n'est pas sûr. Mais elle insiste. Elle se rappelle qu'il lui a confié son secret, cette conviction qu'il a depuis toujours qu'un événement va bouleverser son destin, que cet événement est imminent. Ils passent alors un pacte: ils attendront ensemble cette révélation, l'apocalypse peutêtre, l'amour, allez savoir, quelque chose d'immense qui s'apparente à une bête dans la jungle. Cette trame énigmatique est celle de La Bête dans la jungle, roman que Henry James, cet observateur délicat des cœurs, écrit en 1903. Sa tension fascine dans les années 1960 l'écrivain James Lord, qui en imagine une version théâtrale. Il demande à Marguerite Duras de le seconder dans son entreprise. C'est elle qui signe la version française d'une pièce qui a déjà sa légende. En 1981, Delphine Seyrig et Sami Frey prêtent leur élégance ascétique à cette passion souterraine. Ce spectacle signé Alfredo Arias fait date. C'est aujourd'hui au tour des intenses Valérie Dréville et John Arnold d'habiter le vide, d'être sur la jetée, aux aguets, dans l'espoir que survienne l'accomplissement promis. Valérie Dréville a incarné Phèdre naguère pour Luc Bondy – au Théâtre de Vidy, c'est inoubliable. Récemment, elle a joué une femme dévorée par l'amour maternel dans Les Revenants d'Ibsen, à Vidy aussi. Elle aspire au dépassement, à cet état second qui confine parfois à la grâce. La Bête dans la jungle est un jardin fait pour elle. Alexandre Demidoff Où qu'elle passe, Valérie Dréville marque La Chaux-de-Fonds. Théâtre populaire romand, rue de Beau-Site 30. Ve 30 à 20h15, sa 31 janvier à 18h15. (Loc. 032 967 60 50, www.arcenscenes.ch). ELIZABETH CARECCHIO La grande actrice française joue l'envoûtante «Bête dans la jungle» PUBLICITÉ 49 SORTIR SSPECTACLE LE TEMPS | FÉVRIER 2015 THÉÂTRE avec un vocabulaire plus contemporain. L'effet est enthousiasmant et, chaque fois, le public témoigne de sa joie devant cette manifestation de fraternité puissante et ensoleillée. Peu avant Vidy, le spectacle se donnera à Genève, le 7 février, au Bâtiment des forces motrices, dans le cadre du festival Antigel. MPG Lettres de lecteurs, une mine théâtrale Dans «La Voix du Peuple», Jérôme Junod compile dix ans de courrier des lecteurs spectacles les plus éblouissants, L'Histoire du soldat, avant La Visite de la vieille dame de Friedrich Dürrenmatt. Un bain de jouvence, au fond. ADF Le Dératiseur de Hamelin Théâtre des marionnettes de Genève, rue Rodo. Ma à 19h, sa à 17h, di à 11h et 17h jusqu’au 8 février. (Loc. 022 807 31 07, www.marionnettes.ch). Une flûte enchantée pour mieux repenser la société enfants Genève Ils sont arrivés par milliers, attirés par l'abondance de biens. L'invasion de Hamelin était inévitable: comment empêcher des rats de bouder la nourriture qui, désormais, s'amoncèle dans les poubelles? La petite cité allemande, prospère, se désespère. Le fléau de la peste menace de l'emporter; pour y parer, ses habitants décident de recourir à… un flutiste. La légende du Joueur de flûte de Hamelin naquit ainsi, il y a fort longtemps, avant d'être couchée sur le papier par les frères Grimm, notamment. La compagnie vaudoise Pied de biche s'en empare pour sonder son mystère. Et s'interroger: «Quelle peut être la place des enfants et des artistes dans une société vouée au profit sans fin? Le musicien cache-t-il un impitoyable justicier ou un passeur éclairé entre différents mondes?» Comédiens, chanteurs et manipulateurs évoluent au milieu de marionnettes aux tailles changeantes. La promesse esthétique devrait être à la hauteur de l'interrogation philosophique. Dès 7 ans. KS L'Histoire du soldat Le point commun entre la libre circulation, le maraudage des noix, les soldes, les radars, la CGN, le port du voile, le 1er Août, le partenariat enregistré, les haricots du Kenya, le général Guisan et les chiens dangereux? Tous ces sujets figurent dans des lettres de lecteurs du quotidien romand 24 heures. Grâce à ses parents, de vrais collectionneurs un peu fous, Jérôme Junod a pu consulter dix ans de cette manne étrange. Il en tire un portrait identitaire qu'il annonce poétique et déroutant. Le metteur en scène, qui enseigne la direction d'acteurs à Vienne, est formel: «Même si ces lettres révèlent un certain esprit vaudois, elles emmènent le lecteur loin des clichés et des caricatures.» On est curieux de découvrir comment le théâtre va s'emparer de cette littérature a priori plus terre à terre et pesante que légère et inspirante. Curieux aussi de voir comment Valérie Liengme, AnneCatherine Savoy, Peter Palasthy et Mathieu Ziegler trouveront le juste ton de cette radiographie sociologique. Jérôme Junod s'est déjà frotté au quotidien et à la répétition. Dans Atteintes à sa vie, de Martin Crimp, le metteur en scène a tenté de cerner les 17 visages d'une femme, Anne, qu'on ne devine que par des indices laissés derrière elle. L'enveloppe sans le contenu. Dans La Voix du Peuple, c'est l'inverse: il s'agira de recomposer les personnages à partir de la seule parole. Marie-Pierre Genecand Cher journal… Lausanne. Grange de Dorigny. Ma je sa à 19h, me ve à 20h30 du 27 au 31 janvier. (Loc. 021 692 21 12, www.grangededorigny.ch). 50 Le diable est une tentation; la promesse d'un bain de jouvence. C'est ce qu'Omar Porras a dû se dire. Il y a onze ans, au Théâtre Am Stram Gram déjà, il montait L'Histoire du soldat, ce bonheur de contrebande musicale signé Igor Stravinski. Il incarnait Lucifer sur le chemin d'un soldat – Joan Mompart – de retour de la guerre. Le spectacle cavalait sur la pente épineuse du conte. Omar Porras, son frère Fredy, qui signait les décors, et les acteurs du Teatro Malandro ensorcelaient la partition, escortés par l'Ensemble Contrechamps. Les mêmes artistes ont souhaité aujourd'hui éprouver de nouveau la force du sortilège. Le Teatro Malandro fête ses 20 ans. Pour franchir ce cap, il remonte deux de ses Lausanne Les Trois Petits Cochons Le petit théâtre, pl. de la Cathédrale 12. Sa-di à 14h et 17h, me à 15h du 4 au 22 février. (Loc. 021 323 62 13, www.lepetittheatre.ch). Noëlle Revaz caresse le grand méchant loup ELIZABETH CARECCHIO FABRICE DUCREST Théâtre Am Stram Gram, rte de Frontenex 56. Ve 16 janvier à 19h et sa-di à 17h, ma à 19h jusqu'au 3 février. (Loc. 022 735 79 24, www.amstramgram.ch). Omar Porras est un sorcier. «L'Histoire du soldat» lui va bien Tout commence par des enfants qui se pâment à la lecture des Trois Petits Cochons. Billets d'avion en poche, ils se retrouvent catapultés sur l'île du Lard, où ils construisent bientôt leur première maison. Leur S LE TEMPS | FÉVRIER 2015 SORTIR SPECTACLE Renens (VD) Histoires pressées Salle de spectacles, rue de Lausanne 37. Sa 14 février à 17h. (Loc. 079 271 12 89, [email protected]). Les miniatures sur mesure du Fanfareduloup Orchestra Villars-sur-Glâne (FR), Neuchâtel et Morges Fanfareduloup Orchestra met en musique les Histoires pressées de Bernard Friot, auteur pour la jeunesse, avec une sélection subjective de ces récits brefs qui jouent avec les mots, les situations, les personnages ou les émotions. Pour savourer autrement ces éclats d'imaginaire, les douze musiciens du collectif genevois ont composé des «miniatures» sur mesure. Plus qu'une illustration sonore d'histoires couchées sur le papier, le concert donne chair à l'écriture de Bernard Friot. Spectateur enchanté, l'auteur lui-même avoue avoir découvert ses petits récits «[…] neufs, plus grands, plus forts, plus lumineux […]. La musique transforme les textes, les gonfle au maximum et les laisse s'envoler, comme des ballons.» Dès 7 ans. KS Villars-sur-Glâne. Espace Nuithonie, rue du Centre 7. Je 12 février à 20h. (Loc. 026 350 11 00, www.fribourgtourisme.ch). Neuchâtel. Théâtre du Passage, passage Maximilien-de-Meuron 4. Ma 17, me 18 février à 20h. (Loc. 032 717 79 07, www.theatredupassage.ch). Morges. Théâtre de Beausobre, av. de Vertou 2. Je 19 février à 20h. (Loc. 021 804 97 16, www.beausobre.ch). Névrose endiablée sur les sommets Hôtel Paradiso Son nom sonne comme une promesse. Mais derrière l'enseigne qui rutile, le drame est en marche. Car en pénétrant dans cet établissement niché au cœur des Alpes et qui arbore fièrement ses quatre étoiles, on trésaille. Au contact de l'aïeule, qui mène son petit monde PUBLICITÉ 51 LDD mission? Convaincre le seul loup à la ronde, un herbivore endurci, que leur histoire préférée vaut la peine d'être vécue. Signée Noëlle Revaz, cette version du fameux conte, transposée dans notre temps, est nourrie d'un amour des livres et du pouvoir des mots. Le metteur en scène Georges Grbic voudrait donner à voir ce passage du récit à la fiction incarnée par des comédiens, avec la part de subjectivité et de liberté inhérente à chacun. La scénographie de Neda Loncarevic, elle, s'appuie sur le livre en tant qu'objet pour baliser le chemin vers une réalité rêvée. La grande bibliothèque qui se dresse sur le plateau recèle des passages secrets. Laissonsnous happer! Dès 5 ans. KS à la baguette – ses coups de canne ne manquent jamais leur cible! La face obscure du lieu, c'est aussi celle qu'incarne le cuisinier, un boucher en puissance. Ou celle du rejeton des propriétaires, en mal d'aventures (romantiques). Et ce cadavre qui refait surface, malgré les efforts déployés pour le dissimuler… La compagnie berlinoise Familie Flöz met en scène ce microcosme haut en couleur, entre tragique et comique. Un théâtre de masques, sans paroles, qui fait la part belle à l'expressivité du corps. Dès 8 ans. KS Lausanne De Raphaël à Gauguin Collection Depuis trois décennies, cet amoureux du support papier qu’est Jean Bonna a réuni une admirable collection, pour le plaisir de l’œil. A voir à la Fondation de l’Hermitage, comme ce marcassin peint sur vélin à l’aquarelle et à la gouache par Hans Hoffmann en 1578. Zurich Six siècles de dessins Panorama Le Kunsthaus propose un balayage raffiné de sa collection de dessins, riche de 37 000 pièces. Avec des œuvres de Füssli, Hodler ou Martin Disler. Berne Genève Paris Henry Moore artgenève Circulation(s) Les grandes figures du sculpteur anglais dialoguent ici avec une série de dessins, qui évoquent notamment les abris dans les métros durant la guerre. Un rendez-vous qui se veut aussi un salon, avec quelque 70 galeries mais aussi une vingtaine de propositions non commerciales. Le festival dédié à la jeune photographie européenne reprend ses quartiers au 104, à Paris, pour zoomer sur les talents du continent. A noter, la Suissesse Nathalie Herschdorfer est marraine de l’édition. Sculpture Foire Photographie MUSÉE DE L’HERMITAGE / PROLITTERIS / PATRICK GOETELEN EXPOSITIONS E NOS PRÉFÉRENCES SORTIR EEXPOSITIONS LE TEMPS | FÉVRIER 2015 SCULPTURE suisse Henry Moore le pacifique THE HENRY MOORE FOUNDATION/ALL RIGHTS RESERVED/DACS 2014 /TATE LONDON, 2014/ PROLITTERIS Le Centre Paul Klee célèbre le sculpteur, mais aussi le dessinateur Modèle de travail pour «Three Way Piece N° 2: Archer», 1964. Bronze, 77,5 x 78,7 x 61,5 cm. Le grand sculpteur anglais Henry Moore a réussi la gageure d'allier la figuration, avec des thèmes éminemment traditionnels comme la mère à l'enfant, ou le nu couché, et une approche moderniste et expérimentale de la sculpture. Ses pièces monumentales, aux contours toujours doux, sont présentes dans de nombreux pays - à Genève en face du Musée d'art et d'histoire. Le Centre Paul Klee rend hommage à l'artiste, en accueillant 28 sculptures et 42 dessins en provenance de la Tate et du British Council. Né dans une famille de mineurs, Henry Moore (1898-1986) est devenu extrêmement célèbre après la Seconde Guerre mondiale. Proche de la vie, attaché à en restituer les formes et les manifestations, il a également réalisé une œuvre dessinée originale et très intéressante; il s'est notamment penché sur les aléas de la guerre, par exemple avec ses représentations de citadins réfugiés dans les abris de métro, dans un style glissant, fluide, où les corps ressortent en blanc dans la nuit des souterrains. Inlassablement, le sculpteur a cherché à simplifier ses figures – assises, couchées, debout, simples ou en groupe – qui constituent le thème central de son œuvre. Même les sculptures abstraites conservent une connotation humaniste, en tant qu'évocations organiques, dans la ligne du surréalisme. Le but n'est pas de copier le réel, mais d'insuffler la vie à des créations inédites. Laurence Chauvy Un jeu de formes simples et amples, monumentales Berne. Centre Paul Klee, Monument im Fruchtland 3. Ma-di 10h-17h du 30 janvier au 24 mai. (Rens. 031 359 01 01, www.zpk.org). 54 Aarau par le cycle de Gerhard Richter, acquisition récente, qui met en scène une Annonciation d'après Titien, entre figuration et abstraction, appropriation et vision inédite. LC Miriam Cahn / Adolf Stäbli Belle haleine – L'odeur de l'art Aargauer Kunsthaus, Aargauerplatz. Ma-me ve-di 10h-17h, je 10h20h jusqu’au 12 avril. (Rens. 062 835 23 30, www.aargauerkunsthaus.ch). La peinture à l'honneur Museum Tinguely, Paul-Sacher-Anlage 1. Ma-di 11h-18h du 11 février au 17 mai. (Rens. 061 681 93 20, www.tinguely.ch). A visiter le nez au vent D'un côté, les paysages maussades, orageux, d'Adolf Stäbli (18421901), qui peignit sa région argovienne et celle de Munich où il s'était installé. De l'autre, les personnages, les animaux, les arbres de Miriam Cahn (née en 1949), vibrants comme des auras de couleurs vives, tels qu'on les a appréciés au Centre culturel suisse à Paris cet automne. Le Kunsthaus d'Aarau proposent deux expositions qui semblent avoir peu à voir. Mais à regarder les effets de pluie du peintre du XIXe ou à sentir la frémissante présence des objets et des êtres représentés par Miriam Cahn, on se dit qu'on aurait bien organisé une rencontre entre ces deux-là. ELC L'art, au XXe siècle, puis naturellement au XXIe, se plaît à recourir à la synesthésie: il marie volontiers les sens, la vue et l'ouïe, parfois le toucher… et même l'odorat. L’exposition recense des installations qui, de Marcel Duchamp à Edward Ruscha ou Valeska Soares, recourent à des stimuli olfactifs. Non tant à la manière proustienne, pour évoquer au passé des sensations et des émotions, bien plutôt pour provoquer, en s'attaquant à des tabous. Tels ces travaux de la Norvégienne Sissel Tolaas, qui a étudié les mathématiques, la chimie et l'art, et qui s'est penchée particulièrement sur le langage des odeurs, qu'à la différence des couleurs «on ne peut nommer», et qui pourtant suggèrent avec force et persuasion par exemple la peur. LC Bâle De Cézanne à Richter Museum für Gegenwartskunst, St. Alban-Rheinweg 60. Ma-di 11h-18h du 14 février 2015 au 21 février 2016. (Rens. 061 206 62 62, www.kunstmuseumbasel.ch). Balade au fil de la peinture européenne En raison de la fermeture du Kunstmuseum pour travaux, le Museum für Gegenwartskunst accueille les chefs-d'œuvre de la maison mère. Cette collection majeure est centrée sur les artistes de la fin du XIXe siècle et les classiques modernes. La présentation suit lachronologie des tendances picturales en Europe jusque dans les années 1970, sans avancer des thèses nouvelles. La parole est laissée aux peintres qui comme Cézanne ont mené une recherche obstinée afin de dépasser l'académisme et de construire des tableaux au moyen de touches et de surfaces. Le point d'orgue est fourni Genève Ernie Gehr, Raphael Hefti Centre d'art contemporain, rue des Vieux-Grenadiers 10. Ma-di 11h-18h du 30 janvier au 26 avril. (Rens. 022 329 18 42, www.centre.ch). Duo d’inédits Figure du cinéma structuraliste américain, Ernie Gehr crée des vidéos non narratives, qui questionnent le monde et la perception qu'on en a, dans une vision abstraite et utopique. Au CAC, l'artiste présente huit installations vidéo, jamais montrées en Europe – notamment Bon Voyage, qui donne son titre à l'exposition –, ainsi que cinq nouvelles pièces. Le plasticien alémanique Raphael Hefti, avec or or or, lui donne la réplique, dans une exposition parallèle, qui témoigne de talents de sculpteur et d'artiste alchimiste. LC E LE TEMPS | FÉVRIER 2015 SORTIR EXPOSITIONS Des histoires sans fin: séquence printemps Mamco, rue des Vieux-Grenadiers 10. Sa-di 11h-18h, ma-ve 12h-18h du 18 février au 10 mai. (Rens. 022 320 61 22, www.mamco.ch). Entre redécouverte et inédits Une esquisse de rétrospective de Mounir Fatmi, qui vit entre Maroc et France et dont le travail sur le langage et l'image pourrait apporter un peu de distance aux débats actuels sur l'iconographie du religieux, des Charges-objets de JeanMichel Sanejouand, associations incongrues d'objets des années 1960, onze tableaux d'Agnes Martin, peintre américano-canadienne décédée en 2004, voici quelques promesses parmi la dizaine d'expositions du Mamco ce printemps. Sans compter After Dark, collective curatée par Xavier Franceschi, directeur de la Frac Ile-deFrance, à partir de ses collections. ELC www.ville-ge.ch/ariana). L'émail à la fête Trois maîtres du vase céramique émaillé, que caractérisent leurs recherches acharnées sur la qualité des émaux, mats, satinés, brillants, de couleur vive ou sourde, sont réunis au Musée Ariana. Ils se sont rencontrés à diverses reprises, et leur travail présente nombre de points communs. Josep Llorens Artigas (1892-1980), qui à Barcelone a formé une nouvelle génération de céramistes, a conjugué dans son travail des formes dépouillées et des décors de teintes subtiles. Né en 1921, le Vaudois Edouard Chapallaz soigne le galbe et les formes plus ramassées, tout en osant des émaux chauds et intenses. Son contemporain, le Frère Daniel de Montmollin, actif dans la communauté religieuse de Taizé, travaille le grès et des émaux à base de cendres végétales, grâce auxquelles il obtient des surfaces mouchetées et irisées. LC Lausanne Artigas, Chapallaz, De Raphaël à de Montmollin, chantres des émaux Gauguin. Trésors de la Musée Ariana, av. de la Paix 10. Ma-di 10h-18h du 4 février au 31 mai. (Rens. 022 418 54 50, collection Jean Bonna Fondation de l'Hermitage, rte du Signal 2. Ma-me ve-di 10h-18h, je 10h-21h du 6 février au 24 mai. (Rens. 021 320 50 01, www.fondation-hermitage.ch). A savourer du regard Après les collections Planque ou Hahnloser, la Fondation de l'Hermitage accueille une autre collection de prestige. Bibliophile et donc amoureux du support papier, le Genevois Jean Bonna a réuni au fil des trente dernières années un ensemble riche et diversifié de dessins. Cet amateur se distingue pour sa prédilection pour les compositions achevées, et son goût pour la figure féminine, les paysages et les sujets animaliers. Sa collection couvre la période allant de la Renaissance italienne au début du XXe siècle, et vise moins l'exhaustivité que le plaisir de l'œil. LC Paris, à nous deux! Musée cantonal des beaux-arts, Palais de Rumine, pl. de la Riponne 6. Ma-ve 11h-18h, sa-di 11h-18h du 5 février au 26 avril. (Rens. 021 316 34 45, www.mcba.ch). Une riche palette de peintres Tous les chemins mènent à Rome. Ou à Paris. Si l’Italie est longtemps restée une destination privilégiée, la Ville-Lumière a bien sûr aussi beaucoup compté pour les artistes romands. A différents titres. Comme lieu de formation, pour PUBLICITÉ 55 ses salons ou ses Expositions universelles, pour s’y frotter aux milieux parisiens, culturels, mais aussi à cette foule urbaine qui n’a pas sa pareille en Suisse. Pour y séjourner ou pour y vivre. Pour illustrer cette diversité d’histoires entre les artistes romands et la capitale française, le MCBA prend appui sur ses propres collections et sur des prêts. ELC Yves Dana Espace Arlaud, pl. de la Riponne. Sa-di 11h-17h, me-ve 12h-18h du 13 février au 26 avril. (Rens. 021 316 38 50, www.musees.vd.ch/ espace-arlaud). Un sculpteur de la verticalité Le sculpteur Yves Dana a reçu champ libre pour occuper la totalité de l'Espace Arlaud et y mettre en scène trente ans de carrière. En même temps paraît, aux Editions 5 continents et avec un texte de Tahar Ben Jelloun («L'idée de l'escalade, de l'ascension obsède cet enfant d'Alexandrie, écrit-il de Dana. Chaque pièce est une tentative d'aller plus haut»), une monographie en deux volumes, qui recense non seulement le travail de sculpture, dans le bronze et surtout la pierre, mais aussi les peintures, au nombre d'une centaine. Le tout constitue un bel hommage à l'œuvre hiératique de l'artiste. LC SORTIR EEXPOSITIONS Pully (VD) Romainmôtier (VD) Mathias Schmied Elisabeth Llach Musée d'art de Pully, ch. de Davel 2. Me-di 14h-18h jusqu’au 15 mars. (Rens. 021 721 38 00, www.museedepully.ch). L'artiste jongle avec le papier dAM – Espace de Andrès-Missirlian, pl. du Bourg 5. Sa-di 14h-18h du 31 janvier au 26 avril. (Rens. 079 478 77 90, www.espacedam.ch). Beauté sourde et lucidité Fou du papier, le Bernois Mathias Schmied dessine littéralement au scalpel, il sculpte le vide, frange les surfaces et produit des pièces inclassables, entre dentelle et dessin au trait. S'inspirant de la culture pop et des comics, il réalise des pièces qui se détachent du mur, investissent l'espace et, avec leurs couleurs vives, le font chatoyer. Tout est mis en œuvre pour que le regard soit capté dans ces rets savants, afin que l'image, parfois des lettres, ou des têtes de mort, ou des figures de bande dessinée, apparaisse dans un deuxième temps. Son exposition est sous-titrée «Critical Mass of Silence». LC La peinture «flibustière», et sarcastique, d'Elisabeth Llach, ses installations au scalpel n'hésitent pas à gêner, voire à choquer, pour faire passer un message - pour la femme, pour la vie, pour l'art. L'exposition, sous-titrée A-t-elle le droit de montrer ses extrémitées?, se focalise sur la figure d'Eve, l'audacieuse, qui transgresse les interdits et les normes du goût, et montre ses «extrémitées». Des images en camaïeu, telles des photographies bougées, d'un flou dirigé, mettent en scène cette femme acide, lucide, son regard, son corps, ce personnage prêt à tout. Les motifs ressortent, un peu flottants, en clair au sein de l'obscu- PUBLICITÉ 56 LE TEMPS | FÉVRIER 2015 rité, telle la conscience à l'œuvre parmi les rêves et les cauchemars. Etrangeté, inquiétude, provocation, mais aussi tendresse et respect pour ces victimes que sont trop souvent les femmes. LC Saint-Gall Michel Verjux Kunstmuseum St. Gallen, Lokremise, Grünbergstr. 7. Di 11h18h, lu-sa 13h-20h du 7 février au 26 juillet. (Rens. 071 242 06 71, www.kunstmuseumsg.ch). Un poète de la lumière Le Français Michel Verjux se fait connaître dans les années 1980 pour ses éclairages, qui constitueront son travail poétique et deviendront sa «marque de fabrique». L'artiste pratique l'installation lumineuse à la fois d'une manière sobre – il se contente de la lumière blanche, en faisceau de forme ronde – et avec des effets saisissants. L'éclairage in situ métamorphose l'espace, met en valeur l'architecture qu'il contribue à déconstruire. Par nature, l'éclairage vient donner contre quelque élément solide, mur, colonne, et traverse les ouvertures, portes, fenêtres. En combinant le vide et le plein, l'ombre et le jour, l'artiste obtient des scénographies en noir et blanc du plus bel effet, qu'il s'agisse d'œuvres d'intérieur ou d'installations dans les lieux publics. Michel Verjux s'inscrit dans la lignée des plasticiens qui ont choisi comme matériau la lumière, à travers la vidéo, les tubes de néon ou les ampoules colorées. LC La Chaux-de-Fonds 4e Nuit de la photo Club 44, rue de la Serre 64. Sa 14 février 17h. (Rens. 032 913 45 44, www.club-44.ch). La photographie sous tous les angles E LE TEMPS | FÉVRIER 2015 SORTIR EXPOSITIONS Nyon Luca Zanier: Space and Energy Galerie Focale, pl. du Château 4. Me-di 14h-18h du 25 janvier au 1er mars. (Rens. 022 361 09 66, www.focale.ch). Pour les amateurs de centrales Le Zurichois Luca Zanier promène son appareil photographique dans les centrales nucléaires et hydroélectriques. Puis, il travaille à l'abstraction. Couloirs sans âme comme des traits graphiques. Tunnels étranges. Jeux de lumières. On devine un univers à partir d'un élément architectural, et l'on pressent que ce pourrait bien être tout autre chose. CST europe Mons/B Capitale européenne de la culture Mons. Jusqu’au 31 décembre. (Rens. www.mons2015.eu). Une vision participative de la culture «En 2015, je suis Montois. Et toi?» C’est le slogan de Mons capitale européenne de la culture 2015 (avec Pilsen, en République tchèque). Il dit en fait les multiples échelles et directions qu’expérimente cette ville de moins de 100 000 habitants (250 000 avec l’agglomération). Ancré dans le terroir local et le patrimoine, son projet s’ose aussi contemporain, s’offre les dimensions du numérique et s’agrandit grâce à un partenariat avec 18 villes belges et françaises. Parmi les trésors affi- chés, un nouveau Centre des congrès dessiné par Daniel Libeskind, un pont de Santiago Calatrava, trois objets inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco: les minières néolithiques de Spiennes, un beffroi baroque et une fête, la ducasse de Mons, ou «Doudou». Pour l’ouverture, le 24 janvier, on vernit aussi l’exposition Van Gogh au Borinage. La naissance d’un artiste. ELC RENDEZ-VOUS artgenève, nouveau territoire Le salon genevois expose de l'art contemporain, mais aussi de l'art moderne et du design Paris Circulation(s) Le Centquatre. Jusqu’au 8 mars. (Rens.www.104.fr). Pour approcher les talents de demain Pour sa cinquième édition, le festival Circulation(s) – dédié à la jeune photographie européenne – prouve une fois encore ses inclinations suisses en choisissant une marraine helvétique. Nathalie Herschdorfer, directrice du Musée des beaux-arts du Locle, ancienne conservatrice au Musée de l'Elysée et ex-directrice du festival Alt+1000, a offert des cartes blanches à Salvi Danés, Ola Lanko, Cyril Porchet et WassinkLundgren. En outre, une quarantaine de photographes sont présentés sur les murs du 104, ancien siège des pompes funèbres parisiennes. CST CINIMOD STUDIO/ PROLITTERIS L'image envahit une fois encore les musées, espaces culturels et autres galeries de La Chaux-de-Fonds, à la nuit tombée. Au programme, les violences en Ukraine vues par Guillaume Herbaut, la poésie absurde de Chema Madoz, un hommage à René Burri ou encore l'incursion de Steeve Iuncker dans la ville la plus froide du monde. CST General Idea. «Fin de siècle», 1991. Fausse fourrure, paille, mousse de polystyrène. Württembergischer Kunstverein, Stuttgart, 1992 Villeneuve d'Ascq/F Aloïse Corbaz en constellation LaM – Musée d'art moderne Lille Métropole. Du 14 février au 10 mai. (Rens. www.musee-lam.fr). Aloïse à Lille Parmi les prestations du LaM figure la découverte de l'art brut et de ses acteurs. Figure emblématique, la Lausannoise Aloïse Corbaz, ou Aloïse tout court, est à l'honneur ce printemps avec son cortège de dessins aux crayons de couleur, où le rouge répond au bleu, un rouge frais et orangé, un bleu azur, où les princes offrent leurs lèvres au baiser. L'exposition dispose «en constellation» autour d'un long rouleau de 14 mètres (déposé au musée par le collectionneur Jean-David Mermod) 250 œuvres et documents de cette créatrice prolifique. LC Pour sa quatrième édition, artgenève affiche toujours les mêmes prétentions: faire figure de salon autant que de foire, c'est-à-dire ne pas être un simple lieu marchand. Et offrir ainsi «une plateforme artistique de premier plan pour l'art contemporain, l'art moderne et le design» aux publics lémaniques curieux. Au vu des premiers épisodes, on peut gager que ce programme sera une nouvelle fois respecté. Cette année, en plus, artgenève affiche une sorte de thème, autour de l'évolution des questions territoriales, et des notions habituelles de centre et de périphérie largement remises en cause depuis quelques décennies. Ainsi, outre les quelque 70 galeries présentes et quelques institutions invitées, la liste est riche. Joana Warsza, commissaire d'exposition de Manifesta 10 à SaintPétersbourg l'an dernier, mêle arts et sciences autour des notions d'accélération et de régression. Anri Sala, représentant de la France à la Biennale de Venise en 2013, lie l'image à la musique, tout comme le collectif suisse M/2 (Jean Crotti, Alain Huck, Robert Ireland, Jean-Luc Manz, Christian Messerli et Catherine Monney). Nicolas Trembley expose quelques pièces de la collection Syz, dont il est le curateur. Michael Ringier prête une vaste installation sonore d'Ugo Rondinone, The Dancer and the Dance, et Samuel Gross, commissaire de l'espace Living Room, a demandé aux exposants de ne lui proposer que des pièces blanches. Elisabeth Chardon Pour tous les curieux, pas seulement les collectionneurs Genève. Geneva Palexpo. Du 29 janvier au 1er février de 12h à 20h. (Rens. www.artgeneve.ch). . 57 SORTIR EEXPOSITIONS LE TEMPS | FÉVRIER 2015 DESSIN Six siècles au trait PROLITTERIS 2014 Le Kunsthaus évoque les points forts de sa collection de dessins George Grosz, «Dada Image», 1919. Collage, photomontage, encre sur papier, 37 x 30,3 cm. En 1915, le Kunsthaus de Zurich initiait le premier «inventaire des dessins et des estampes». Pour son centenaire, le Cabinet des estampes et des dessins du musée propose un balayage raffiné de sa collection – qui se monte à plus de 90 000 œuvres sur papier et de multiples, dont 37 000 dessins. Cette dernière pratique est au cœur de cette exposition rétrospective qui couvre six siècles. Elle comprend des chefs-d'œuvre de Raphaël, Dürer, Füssli, Turner, Hodler, Cézanne, Picasso, Giacometti, sans oublier les productions actuelles (Jorinde Voigt, Urs Fischer, Aleksandra Mir, Erik van Lieshout et d'autres). Le conservateur des dessins a cherché à dégager les points forts de cette collection magistrale, inaugurée au tournant des XVIIIe et XIXe siècles avec les Mahlerbücher produits par la Künstlergesellschaft, société des artistes. Johann Heinrich Füssli se voit ainsi représenté par un lot de 650 feuilles, tandis que la catégorie «dessin de paysages suisses» se révèle riche des idylles de Salomon Gessner ou des vues préromantiques de Caspar Wolf. Les œuvres de Ferdinand Hodler forment à elles seules un noyau important. Autre moment incontournable, les feuilles qui rappellent et illustrent la présence de Dada à Zurich. Des ensembles essentiels, et numériquement plus rares, comptent par exemple six aquarelles de Cézanne, et un carnet d'esquisses de Théodore Géricault. Pour le XXe siècle, le cabinet a acquis des dessins et collages de Lovis Corinth, Louis Soutter, Sophie Taeuber-Arp, Martin Disler, Miriam Cahn… L'occasion est magnifique de suivre ainsi de très près l'histoire d'une pratique, modeste dans ses moyens, et aux effets infinis. Laurence Chauvy Premier moyen d'expression, et le plus sensible, tel est le dessin Zurich. Kunsthaus, Heimpl. 1. Ma ve-di 10h-18h, me je 10h-20h jusqu’au 19 avril. (Rens. 044 253 84 84, www.kunsthaus.ch). PUBLICITÉ EXPOSITION 28 janvier au 02 mai 2015 VERNISSAGE mardi 27 janvier dès 18:00 MONIQUE FRYDMAN U-Topie de la couleur des Songes (Tarlatanes) ESPACE MURAILLE 58 5 PLACE DES CASEMATES CP 3166 / 1211 GENEVE 3 / SUISSE T +41 (0)22 310 4292 M +41 (0)79 522 7933 du mardi au vendredi 10:00 à 12:00 et de 13:00 à 18:00 le samedi de 11:00 à 12:00 et de 13:00 à 18:00 ou sur rendez-vous ESPACEMURAILLE.COM 5 rue de la muse 1205 genève www.blondeau.ch artgenève 28/01- 01/02/15 (palexpo) martin szekely, map (détail), 2013 photo didier jordan