de Campagnes - Confédération Paysanne
Transcription
de Campagnes - Confédération Paysanne
CS 305.qxd:CS actu 245.qxd 26/03/15 8:53 Page 1 Campagnes solidaires Mensuel de la Confédération paysanne N° 305 avril 2015 – 5,50 € – ISSN 945863 Dossier Fermes-usines : l’industrialisation de l’agriculture s’accélère • Porc Sortir des crises structurelles • Des produits fermiers dans les épiceries sociales CS 305.qxd:CS actu 245.qxd 26/03/15 8:53 Page 2 Envie de paysans ? Sommaire Allez à la Ferme à Paris ! Dossier Dans le cadre de la campagne Envie de paysans !, la Confédération paysanne et ses collectifs partenaires organisent la deuxième édition de la Ferme à Paris, les 10 et 11 avril. Place Stalingrad, dans le XIXe arrondissement, la fête battra son plein durant deux jours. Le programme est riche, autour des deux grands thèmes structurants (agriculture et climat, le vendredi, et industrialisation de l’agriculture, le samedi) : marché paysan, ateliers et activités pour les grands et les petits (mini-ferme aux animaux…), musique, théâtre (« Nourrir l’Humanité c’est un métier », cf. CS n° 304), cinéma, conférences gesticulées et autres débats… Il y en aura pour toutes et tous, sans temps mort. Tout le programme sur : www.enviedepaysans.fr Fermes-usines contre agriculture paysanne Mines de plombs 4 Vie syndicale 5 ECVC Plus jeunes, plus nombreux, plus radicaux Actualité 6 Les produits fermiers dans les politiques publiques 7 Des produits fermiers dans les épiceries sociales et solidaires 8 Élevage De l’industrie des productions animales 9 Finances Spéculation criminelle 9 Lait 1 000 vaches : la Conf’ ne lâche pas ! 10 Finances Loin de l’économie locale, la face cachée du Crédit agricole 11 Biodiversité Une loi pour offrir la biodiversité aux marchés financiers 12 Porc Sortir des crises structurelles Points de vue 13 Les beaux parleurs ne sont pas les payeurs Social 14 Lot-et-Garonne « Une main-d’œuvre qui arrive rapidement, toujours disponible le dimanche » Initiative 16 Pays Basque « Beaucoup de paysans se sentent comme à la maison, en confiance, à EHLG » Agriculture paysanne 18 Pays Basque Les pigeons de Kanderatzea 19 Pays Basque Le tourteau et l’huile de Nouste Ekilili Terrain 20 Limousin Le collectif 1 000 voix-Novissen Creuse en lutte contre les usines à viande Culture 21 Sivens Un barrage contre la démocratie 22 Annonces Envie de paysans ! 24 L’agriculture paysanne s'invite dans les grandes écoles 2 \ Campagnes solidaires • N° 305 avril 2015 Les textes publiés dans Campagnes solidaires peuvent être reproduits avec indication d’origine à l’exception de ceux de la rubrique Point de vue qui sont de la responsabilité de leurs auteurs et pour lesquels un accord préalable est requis. Campagnes solidaires est imprimé sur du papier recyclé CS 305.qxd:CS actu 245.qxd 26/03/15 8:53 Page 3 On l’ouvre Restons fermes ! U Mikel Hiribarren, paysan au Pays Basque, secrétaire national de la Confédération paysanne Mensuel édité par : l’association Média Pays 104, rue Robespierre – 93170 Bagnolet Tél. : 01 43 62 82 82 – fax : 01 43 62 80 03 [email protected] www.confederationpaysanne.fr www.facebook.com/confederationpaysanne Twitter : @ConfPaysanne Abonnements : 01 43 62 82 82 [email protected] Directeur de la publication : Laurent Pinatel Directeur de la rédaction : Christian Boisgontier Rédaction : Benoît Ducasse et Sophie Chapelle Secrétariat de rédaction : Benoît Ducasse Maquette : Pierre Rauzy Dessins : Samson Diffusion : Anne Burth et Jean-Pierre Edin Comité de publication : Jo Bourgeais, Michel Curade, Véronique Daniel, Florine Hamelin, Jean-Claude Moreau, Josie Riffaud, Geneviève Savigny, Véronique Léon Impression : Chevillon 26, boulevard Kennedy BP 136 – 89101 Sens Cedex CPPAP n° 1116 G 88580 N° 305 avril 2015 Dépôt légal : à parution Bouclage : 25 mars 2015 « Un peuple qui danse et qui chante au pied de Pyrénées » : c’était l’image qu’avait rapportée Voltaire d’un voyage en Pays Basque. L’histoire n’aura pas retenu que les musiques et les danses étaient originales, ou que les chants étaient en euskara, langue basque qui n’a aucune parenté de structure avec les langues latines environnantes. Les Pyrénées plongent là dans l’océan, et par leur ligne de crête séparent les Basques de France au nord et ceux d’Espagne au sud. Une montagne et des coteaux, un climat doux, un pays d’élevage et de transhumance, avec beaucoup de fermes petites et moyennes dispersées dans les vallées ou regroupées dans les villages. Les femmes et les hommes ont toujours été très attachés à leur terre, à leur culture et à leur pays. Dans les années soixante, quand les villes prospéraient ailleurs et attiraient tous les bras des campagnes, ici des filles ou des fils sont restés à la terre. Et Jean Pitrau, paysan de Tardets, comme Bernard Lambert dans l’Ouest, a été la figure militante de cette époque, œuvrant avec ses amis à la défense de l’agriculture de montagne et à l’amélioration des conditions de vie de toutes les fermes éparpillées dans la campagne. Bien sûr, ici comme partout, les dernières décennies ont transformé les élevages et les vallées, les façons de travailler et les modes de vie. Et la tâche est aussi rude qu’ailleurs quand il s’agit de convaincre les paysans d’abord, la population et les élus ensuite, du fait que notre agriculture n’a pas d’autre issue que celle de rester paysanne. On retrouve dans toutes les filières et sur tous les territoires la même tendance à l’industrialisation de l’agriculture, avec l’essentiel des soutiens publics captés par une minorité qui brasse des volumes et qui par ce fait aussi peut se satisfaire de prix bas à la vente, avec en prime la complaisance des pouvoirs qui leur réduisent les coûts sociaux ou environnementaux. Mais il n’y a pas de fatalité. Depuis dix ans maintenant, Michel Berhocoirigoin et beaucoup de militants basques, paysans et citoyens, sont mobilisés autour de EHLG, l’association de la chambre alternative, pour reprendre la main sur l’avenir de l’agriculture et du pastoralisme en Pays Basque (1). Ni les multiples entraves administratives et politiques, ni les procès en tribunaux n’auront suffi à empêcher l’élan populaire de cette initiative. Et tout le monde est unanime aujourd’hui pour reconnaître la pertinence de la démarche et de l’engagement d’EHLG. Il n’y a pas deux agricultures possibles pour un même pays : la Conf’ l’avait réaffirmé au congrès de Nevers en 2013. L’une est prédatrice de l’autre. Or c’est l’agriculture paysanne qui assume à la fois la fonction de production et les services d’intérêt général, qui répond à la demande croissante de la société par ses modes de conduites de fermes et d’élevage. Nous le confirmerons au congrès des 22 et 23 avril à Saint-Jean-Piedde-Port, au Pays Basque : il n’y a pas d’autre avenir pour nos campagnes que l’agriculture paysanne. Restons fermes ! Atxik (2) ! (1) cf.p.16-17. (2) “Ne lâchons rien !” (prononcer « atchic ») Campagnes solidaires • N° 305 avril 2015 / 3 CS 305.qxd:CS actu 245.qxd 26/03/15 8:53 Page 4 Vie syndicale Sivens : la raison doit l’emporter, tout en retenues ! VrTH : recours et moratoire Malgré la décision du conseil général du Tarn, votant le 6 mars pour la par mutation génétique artificielle (VrTH) comme des OGM construction d’un barrage plus petit que le projet initial, la Confédération cachés, des organisations de la société civile n’ont cessé d’in- paysanne a rappelé qu’elle souhaite l’abandon de tout ouvrage sur le site terpeller, depuis 2010, les ministres de l’Environnement et actuel. Elle se prononce pour la réalisation de retenues collinaires de de l’Agriculture afin qu’ils appliquent la réglementation en tailles adaptées au soutien du Tescou et aux besoins des fermes situées matière d’évaluation, de suivi et d’information qui concerne en coteaux. les OGM. La Conf’, dans un communiqué du 5 mars, argumentait : « L’agriculture a Considérant les plantes rendues tolérantes aux herbicides Faudra-t-il attendre que toutes les plantes cultivées et sauvage de la famille des choux soient définitivement tolérantes besoin d’eau qu’il est nécessaire d’apporter parfois sur certains territoires sous forme d’irrigation. L’eau est un bien public à préserver, il est donc important de s’interroger sur les conditions de son utilisation. Les prélèvements doivent se faire à un niveau compatible avec le aux herbicides, avec les risques d’augmentation des quantités d’herbicides utilisés, les risques sanitaires et environnementaux qui vont avec, pour que le gouvernement prenne les mesures qui s’imposent ? (…) fonctionnement des écosystèmes et doivent servir à sécuriser des Face à la prolifération de ces cultures et en l’absence de productions créatrices de richesses, d’emplois et répondant à la réponse du Premier Ministre à leur demande de moratoire souveraineté alimentaire. L’irrigation ne doit pas être le moyen d’une sur la vente et la culture des colzas TH en 2015, neuf orga- course au rendement, d’autant plus lorsqu’elle est subventionnée par des nisations – dont la Confédération paysanne – lancent un fonds publics (…). Enfin, la qualité de l’eau restituée à l’environnement recours juridique, démarche soutenue par de nombreux doit être prise en compte (nitrates et pesticides). La monoculture de maïs scientifiques et responsables politiques. ne satisfait pas à ces conditions. » (communiqué du 19/3) Agriculture climato-intelligente : le leurre et l’argent du leurre Aides à la bio : 2014 rattrapée, et après ? A l’occasion de la 3ème Conférence scientifique mondiale sur l’agriculture climato-intelligente – à Montpellier du 16 au 18 mars – Attac France et la Confédération paysanne ont publié un rapport qui dénonce les dispositifs donnant la priorité aux biotechnologies et à la finance carbone plutôt qu’aux savoir-faire et pratiques des paysans et paysannes. Soulignant combien ces projets – auxquels s’associent des firmes telles Monsanto, Syngenta ou Yara, le leader mondial de l’engrais – ne répondent pas aux exigences de la lutte contre les dérèglements climatiques pas plus qu’ils ne peuvent relever le défi de la crise alimentaire, les deux organisations demandent au gouvernement français qu’il se retire immédiatement de cette alliance internationale. (communiqué du 16/3) Il aura fallu l’annonce d’une manifestation nationale de l’ensemble des paysans bio pour que le ministère trouve, ce 17 mars, le moyen de remplir ses engagements de soutien à l’agriculture biologique. La Confédération paysanne qui comme le Modef avait fortement critiqué l’annonce, le 11 mars, de diminution de 25 % des aides au maintien, apprécie ce revirement du ministère mais s’inquiète de voir cette situation se reproduire. Le ministre annonce que l’enveloppe va continuer d’augmenter, mais les efforts sont à concrétiser : avec 300 000 hectares de plus prévus pour cette année, ce sont 150 millions d’euros au minimum qui seront nécessaires pour maintenir les aides. Pour la suite, il est à craindre que les financements annoncés (160 millions en moyenne entre 2015 et 2020) ne suffisent pas à maintenir ces aides sur des surfaces en augmentation constante. La situation est d’autant plus critique que certaines régions ne souhaitent plus activer l’aide au maintien sur leur territoire, ou sur une partie seulement. De plus, le plafonnement des aides à la conversion n’a pas été activé par le gouvernement. Il est donc impossible d’assurer aux paysans un montant stable de leurs aides dans les années à venir. Cette situation d’incertitude n’est pas cohérente avec les objectifs affichés de développement de l’agriculture biologique. On ne peut accepter le recours à des enveloppes exceptionnelles comme outil politique, les paysans bio ont besoin de plus de clarté pour s’approprier des pratiques agroécologiques dignes de ce nom. (communiqué du 17/3) Accords de libre-échange : nous ne jouons plus ! Suite à la fuite d’un document du Secrétariat général aux Affaires européennes, il apparaît clairement que le gouvernement n’a pas l’intention de remettre en cause le mécanisme d’arbitrage des différends investisseur/État (ISDS), au cœur des accords de libre-échange, de type Tafta. Il apparaît désormais manifeste que les négociations de ces accords commerciaux internationaux ne peuvent exister que dans l’opacité. C’est pourquoi, après avoir joué le jeu et participé depuis six mois aux réunions du Comité de suivi stratégique (CSS) des négociations de ces accords, mis en place par le secrétaire d’État au Commerce extérieur, la Confédération paysanne, les Amis de la Terre, Attac et l’Union syndicale Solidaires ont annoncé le 17 mars leur retrait de ce comité et d’un processus de « parodie de démocratie ». (communiqué du 17/3) 4 \ Campagnes solidaires • N° 305 avril 2015 26/03/15 8:53 Page 5 Vie syndicale Plus jeunes, plus nombreux, plus radicaux Les représentants des organisations de la Coordination européenne Via campesina (ECVC) se sont réunis en assemblée générale, début mars à Bruxelles. Le réseau compte aujourd’hui 26 organisations. Deux nouvelles, de l’Est de l’Europe, ont présenté leur candidature pour les rejoindre. Plus jeunes C’est une assemblée générale dynamisante que nous avons vécue ces 2 et 3 mars à Bruxelles. En plaçant la rencontre politique annuelle de notre organisation européenne au centre d’un programme très chargé (1), nous avons pu rassembler une assistance nombreuse, jeune et largement féminine, rassurante sur l’avenir du mouvement. Le comité de coordination s’est également rajeuni en intégrant trois nouveaux membres : Paula Gioia, de l’organisation Abl en Allemagne, très active dans le groupe jeune européen et à l’international, ainsi que Jyoti Fernandez et Adam Payne, tous deux issus du Land Workers Alliance, un membre récent qui dynamise l’agriculture britannique, étouffée par la National Farmers Union (la « Fnsea » locale, NDLR). Plus nombreux En 2014, ECVC avait initié un processus de décentralisation de pilotage des dossiers, afin de faire face aux faibles moyens humains et financiers de l’organisation. Les résultats sont inégaux, mais plus d’organisations et de paysannes se sentent responsables de porter nos luttes communes sur le terrain et auprès des institutions européennes et internationales. Le processus de renforcement des organisations paysannes en Europe, initié dans le forum Nyeleni-Europe en 2011, à Krems en Autriche, porte progressivement ses fruits. Une organisation pay- Les jeunes d’ECVC se sont réunis la veille de l’assemblée générale du réseau d’organisations paysannes européennes, l’occasion de montrer un bel enthousiasme pour construire et faire vivre en Europe une agriculture paysanne au service de la souveraineté alimentaire. sanne géorgienne, Elkana, présente à Krems, a ainsi été reçue comme candidate à l’adhésion. La Latvian Farmers Union, de Lituanie, nous a également rejoints comme candidate. Le renforcement à l’Est reste un grand enjeu. Ramona, au nom d’Ecoruralis organisation roumaine membre d’ECVC, qui porte ce dossier, a invité tous les participants de l’AG à un futur rassemblement Nyeleni-Europe en Roumanie, à l’horizon 2016. À cette fin, des forums nationaux devraient être organisés dans chaque pays autour de la souveraineté alimentaire. Un défi pour la Confédération paysanne qui peine à « remonter à la base » ce concept fédérateur des luttes paysannes. Plus radicaux Si en France l’accaparement de l’agroécologie par notre ministre Stéphane Le Foll nous a quelque peu dégoûtés de ce concept, en Europe, pour de nombreux participants, le choix est clair de défendre l’agroécologie comme chemin concret pour gagner la souveraineté alimentaire. C’est dans les champs, et avec la société, qu’on gagnera la bataille pour défendre les paysans, mais aussi la planète. Ce qui faisait écrire dans le communiqué de presse à la suite de la conférence « Changement climatique, les voies paysannes » (2) organisée par ECVC : « En 2015, ECVC dénoncera les fausses solutions au changement climatique que représentent “l’agriculture intelligente” et “l’économie verte”. Nous disons haut et fort : ce sont les paysans qui, grâce à l’agro-écologie, constituent la solution à la crise climatique. Tel est le message que nous porterons à la 21ème Conférence Climat à Paris, en décembre prochain. Et c’est pour cette raison que nous poursuivrons notre lutte contre les accords de libre-échange bilatéraux négociés par la Commission européenne, à l’instar du Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP ou Tafta) ». n Geneviève Savigny, paysanne en Haute-Provence, comité de coordination d’ECVC (1) Le programme a vu se succéder : l’assemblée des jeunes, le samedi et dimanche, la rencontre des femmes le dimanche, l’AG proprement dite du dimanche soir au mardi, une conférence publique le mercredi et une rencontre d’agro-écologie en fin de semaine. (2) La conférence devait avoir lieu au Parlement européen avec le soutien de Lidia Senra (GUE, ex-membre du CC d’ECVC), José Bové (EELV) et Eric Andrieu (S & D). Elle s’est finalement tenue dans un autre lieu pour des raisons de sécurité renforcée dans les bâtiments publics de la « forteresse Europe ». Le site d’ECVC : www.eurovia.org Le ruraleur CS 305.qxd:CS actu 245.qxd Le ruraleur Le bien-être inestimable À propos de la « malbouffe » ou de la modification du vivant, nous, paysans, avons été « lanceurs d’alerte ». Mais cela peut aussi être le fait d’autres citoyens. Intéressons-nous au cas du lanceur d’alerte des LuxLeaks, Antoine Deltour. Ce citoyen français travaillait au Luxembourg dans l’une des quatre sociétés se partageant au niveau mondial la majeure partie des audits de commissaires aux comptes des sociétés grandes et moyennes. Il a révélé la teneur des rescrits fiscaux, sorte d’équivalents secrets aux « retours sur marge arrière » qu’impose la grande distribution à ses fournisseurs. Ces arrangements avec l’État luxembourgeois pour n’y payer que très peu d’impôts se sont évidemment faits au détriment de tous les contribuables des autres pays dans lesquels travaillent aussi ces sociétés. Subissant une plainte de la part du Luxembourg, Antoine Deltour a exprimé sa motivation: « Dans notre société, il est considéré comme suspect d’agir selon sa conscience, surtout si cela va à l’encontre de nos intérêts individuels. Les défenseurs de l’ordre établi ne comprennent pas la démarche des lanceurs d’alerte… Nous sommes donc des milliards de lanceurs d’alerte potentiels, car agir selon sa conscience apporte un bien-être inestimable. » La commissaire européenne à la Concurrence utilise les informations de Luxleaks pour enquêter sur le cas de 22 pays européens et peut-être arriver à la transparence sur les rescrits fiscaux à compter de 2016. Le Parlement européen veut aussi enquêter. Les transnationales manœuvrent ouvertement contre. Agir selon sa conscience : il était complètement fou cet Antoine Deltour ! Raison de plus pour le soutenir ! PS : Pour violation du secret des affaires et pour blanchiment (!) A. Deltour risque jusqu’à 5 ans de prison et 1 250 000 euros d’amende, hors dommages et intérêts éventuels. On peut exprimer sa solidarité en signant la pétition de soutien sur https ://support-antoine.org 23 mars 2015 Campagnes solidaires • N° 305 avril 2015 /5 Écobrèves Produits laitiers : des amendes pour entente illicite L’Autorité de la concurrence a annoncé qu’elle infligeait une amende totale de 192,7 millions d’euros à dix laiteries accusées d’entente sur les prix de 2006 à 2012. Les concurrents s’entendaient sur les hausses à appliquer aux grandes surfaces (selon les produits) pour les marques distributeurs. Le montant des amendes paraît un peu fantaisiste, variant selon « les capacités financières des entreprises ». Yoplait est même exempté pour… avoir dévoilé le pot au lait! En revanche Lactalis écope d’une sanction – majorée par la taille du groupe – de 60,4 millions d’euros cumulés, mais le groupe a annoncé qu’il faisait appel. Les règles de la concurrence révèlent tout de même quelques bizarreries. Certes les entreprises impliquées « représentent plus de 90 % du marché concerné » selon l’institution, mais elles négocient avec des centrales d’achat dont quatre d’entre elles concentrent 93 % des achats… Une certitude : les producteurs et les consommateurs font les frais de ces magouilles. Les fermes-usines : pas un problème A la publication (bien médiatisée) de la carte nationale des fermes-usines par la Confédération paysanne (cf. p. II-III), la chambre d’agriculture de Charente – à majorité Coordination rurale – a cru nécessaire de prendre le contre-pied en affirmant qu’elle « ne s’opposait pas aux modèles agricoles à grande échelle (…) Une exploitation n’est ni un service public ni une œuvre de charité. Sa mission est de générer des profits ». La Fnsea n’ose pas afficher clairement sa position quand la Coordination rurale n’hésite pas à faire de la surenchère ! Bonjour la collaboration entre syndicats minoritaires… Écobrèves CS 305.qxd:CS actu 245.qxd 26/03/15 8:53 Page 6 Actualité Les produits fermiers dans les politiques publiques Dans le cadre de la campagne « Nouvelle Pac, nouveaux horizons » (1), un colloque sur la place des produits fermiers dans les politiques publiques s’est déroulé les 4 et 5 mars à Chaumont (Haute-Marne). O rganisé par la Confédération paysanne, l’événement réunissait paysans, techniciens, élus et autres acteurs associatifs afin d’échanger autour des produits de nos fermes et des enjeux de société qui s’y rattachent. Près de 80 personnes ont fait le déplacement, parfois de loin, pour s’informer, témoigner ou partager leurs interrogations dans un cadre convivial propice à l’échange et aux rencontres. Le colloque intervenait conjointement à la mission parlementaire sur les circuits courts et la relocalisation des filières agricoles et agroalimentaires, dont la rapporteure, Brigitte Allain députée et ancienne porte-parole nationale de la Confédération paysanne, était présente à Chaumont. Trois thèmes principaux Trois principales thématiques ont structuré ces deux jours, autour de tables rondes avec des témoignages pointus, et dans des ateliers davantage destinés à l’échange d’expériences et au travail collectif. La problématique des outils de transformation, et plus particulièrement des abattoirs, a été abordée en focalisant sur la pertinence d’outils de proximité pour la structuration des territoires. Celle de la restauration collective a été l’occasion de présenter des exemples d’organisations de producteurs fermiers fournissant des collectivités. Elle a aussi montré les limites inhérentes à l’organisation actuelle du système de restauration collective. 6 \ Campagnes solidaires • N° 305 avril 2015 Ateliers, tables rondes, débats… 2 jours de travail productif lors du colloque « Quelle place pour les produits fermiers dans les politiques publiques ? », à Chaumont, les 4 et 5 mars. Enfin, la politique alimentaire a été débattue avec la mise en avant du principe de solidarité et de l’accès à une alimentation de qualité pour tous (cf.p.7). Parmi ces thématiques, celle des abattoirs de proximité a reçu une écoute particulière des participants. Certains ont pu dresser un état des lieux de la situation actuelle et identifier des pistes potentielles de travail au cours de l’atelier dédié. Plusieurs constats ont été dressés, notamment que la garantie de qualité des produits fermiers passe par un abattage de qualité (réduction du stress et du transport, bonnes pratiques), que l’application des normes est parfois inadaptée, que la création d’un abattoir de proximité doit répondre à une demande spécifique d’un territoire et nécessite une grande rigueur, ou encore que les compétences professionnelles des parties prenantes sont parfois à renforcer par des actions de formation (éleveurs, personnel d’abattoirs, boucher). Pour répondre à cet état de fait, des actions concrètes ont été proposées, comme par exemple développer un guide méthodologique pour la création d’un abattoir de proximité, créer un guide des bonnes pratiques d’abattage ou encore - pourquoi pas ? - limiter à 150 kilomètres le transport d’animaux vivants. Bonne surprise, puisque c’est dans ce sens que travaille notre réseau actuellement, avec le montage en cours d’un projet bénéficiant de financements ministériels (2) et réunissant de nombreux partenaires sur la thématique des abattoirs de proximité. Ce projet porté par la Fadear devrait concerner les régions Rhône-Alpes, Champagne-Ardenne, Limousin et Midi-Pyrénées, ainsi que d’autres associations de producteurs fermiers proches de nous. Comme quoi, ce genre d’événement sert aussi bien à faire part des problématiques auxquelles nous sommes confrontés qu’à nous conforter dans les actions que nous menons déjà et à les renforcer par des expériences de terrain. n Julien Bailly, animateur de l’Association régionale pour le développement de l’emploi agricole et rural (Ardear) de Rhônes-Alpes (1) www.enviedepaysans.fr (2) Par le compte d’affectation spéciale « développement agricole et rural » (Casdar). 26/03/15 8:53 Page 7 Actualité Des produits fermiers dans les épiceries sociales et solidaires L’initiative Uniterres met en place une coopération entre les structures d’aide alimentaire et l’agriculture locale. a réflexion sur la mise en place d’Uniterres, programme visant à l’introduction de produits fermiers au sein des épiceries sociales et solidaires, est née d’un constat alarmant: des paysans en situation de précarité fréquentent ces épiceries. Face à l’augmentation des inégalités sociales de santé liées à l’insécurité alimentaire des populations précaires et aux difficultés économiques auxquelles font face de nombreux agriculteurs, le programme vise à mettre en place une coopération en circuits courts entre les structures d’aide alimentaire et l’agriculture locale. Cela se traduit par l’approvisionnement des épiceries en fruits et légumes frais, par les agriculteurs en difficulté. Le programme vise quatre grands objectifs : • améliorer l’alimentation des populations bénéficiaires de l’aide alimentaire, par un approvisionnement régulier en fruits et légumes frais ; • promouvoir des habitudes alimentaires favorables à la santé ; • renforcer le lien social entre consommateur et producteur ; L • soutenir le développement de l’agriculture paysanne locale. Une contractualisation est signée entre les producteurs et les épiceries sur une période d’un an. Les prix sont fixés en accord entre les agriculteurs et l’Association nationale de développement des épiceries solidaires (Andes). Un accompagnement des paysans a été mis en place, mais il gagnera à être amélioré grâce à une meilleure connaissance du terrain. Des diagnostics de territoire devraient aussi aider. Informer et accompagner Au niveau des épiceries, l’action logistique est assurée par l’Andes, en partenariat avec d’anciens agriculteurs qui font la tournée des producteurs et livrent ensuite les épiceries. Le plus gros travail a été d’intégrer ces nouveaux produits frais sur les étals, et donc de réussir à les vendre. Ce qui passe par l’information des bénéficiaires sur l’utilisation de ces produits. Pour cela, des ateliers cuisine, des visites chez les producteurs, des ateliers parents/enfants ont été mis en place. Leur développement est en cours. Il serait également intéressant de mettre en place des modules de sensibilisation et de connaissance des circuits courts et des produits paysans. Des acteurs de l’initiative Uniterres à Arbanats, en Gironde. Une des difficultés qu’il a fallu surmonter a été de gérer les précommandes sur une année. La consommation de ces produits était faible avant la mise en place de cette initiative, il était donc difficile de savoir à l’avance quelle quantité allait être vendue. Le premier bilan de cette initiative est plutôt positif. Elle a permis de mobiliser 20 à 30 paysans par région, certains pour lesquels l’intérêt est financier, les autres pour lesquels il était de s’engager dans une démarche sociale. L’initiative qui a démarré en PoitouCharentes a essaimé. Elle est actuellement lancée dans plusieurs autres régions : Aquitaine, Midi-Pyrénées, Pays-de-la-Loire et Bretagne. L’initiative montre également qu’il est possible d’orienter les politiques d’aide alimentaire vers un soutien à l’agriculture paysanne, et donc aux produits fermiers, plutôt qu’à l’agriculture industrielle. S’engager dans ces démarches, c’est aller vers plus de soutien au type d’agriculture que l’on défend. n Florine Hamelin, paysanne en devenir en Normandie NB : Article écrit à partir des interventions de Matthieu Duboys de Labarre au colloque sur les produits fermiers, en Haute-Marne, les 4 et 5 mars. Écobrèves CS 305.qxd:CS actu 245.qxd Écobrèves AIM, feuilleton à rebondissements En redressement judiciaire depuis le 6 janvier, AIM (Abattoir Industriel de la Manche) est au régime douche froide. Cet abattoir dont le principal actionnaire est la coopérative Cap 50 (groupement porcin) emploie plus de 350 salariés à Sainte-Cécile (50). Dans un premier temps, une offre de reprise (de l’activité mais pas de tout le personnel) a été formulée par le groupe Declomesnil, appuyé par Sofiprotéol. Las, les salariés se sont mis en grève pour protester contre les licenciements, et ils accusent Cap 50 d’avoir délibérément fait perdre 22 millions d’euros à AIM. En rapport ou non avec cette accusation (démontrée), Declomesnil/Sofiprotéol se sont désistés, prétextant « le blocage du site »… Suite à cela, le tribunal de commerce de Coutances, après plusieurs reports, a fixé au 27 mars sa décision. En effet, à défaut de repreneur les salariés proposent une reprise en Scop, qui maintiendrait 200 à 250 emplois. 8 millions d’euros sont déjà trouvés auprès de divers partenaires, dont 500000 euros par les salariés qui comptent aussi sur un coup de pouce du ministère. Le tribunal juge le projet digne d’intérêt. Lorsque vous lirez ces lignes, le verdict sera rendu… Une convention de la MSA avec la Poste La MSA et la Poste ont signé une convention de partenariat au cours du Salon de l’Agriculture. Celle-ci concrétise les nouvelles fonctions que la Poste entend assurer en milieu rural : « l’objectif est d’apporter des solutions à l’isolement rural et géographique ». Ainsi le facteur pourra apporter des médicaments, assurer du lien social, donner des informations sur les droits sociaux… Pas sûr que cette interprétation du service public relève de la compétence des facteurs… Campagnes solidaires • N° 305 avril 2015 / 7 Écobrèves Vers un contrat aléas climatiques Depuis le début des années 2000, le Fonds national d’indemnité pour perte de récolte a été abandonné au profit d’assurances volontaires privées. De ce fait, seules 30 % des surfaces de grandes cultures et 20 % des vignes sont couvertes par une assurance multirisque. Les assureurs ont élaboré ensemble les bases d’un contrat socle a minima pour permettre au maximum d’agriculteurs d’avoir une couverture « coup dur » qui pourra être complétée par des garanties optionnelles. La formule devrait être proposée à l’automne pour la récolte 2016. Les pouvoirs publics poussent à la roue, d’autant que des aides européennes sont accessibles. Les producteurs sont récalcitrants à de nouvelles charges, les assureurs méfiants compte tenu d’une rentabilité aléatoire. Groupama, très engagé sur ce créneau, entend néanmoins pousser les pions. Il n’en reste pas moins que, sauf assurance obligatoire (modeste prélèvement sur livraisons?), les plus vulnérables resteront au bord de la route. Agriculture et réchauffement climatique Quelques mois avant la grande conférence de l’ONU sur le sujet, en décembre près de Paris, le réchauffement climatique est à l’ordre du jour. Selon le Centre d’étude de la pollution atmosphérique, l’agriculture rejette 18 % des gaz à effet de serre (GES). Le méthane, produit des élevages, contribue fortement au réchauffement. D’après Catherine Picon-Cochard (Inra Clermont), les élevages intensifs affichent un mauvais bilan carbone. En revanche, les élevages herbagers extensifs sont plus vertueux: les animaux ingèrent moins d’aliments concentrés et les prairies jouent leur rôle de puits de carbone. Une analyse que ne partagent pas tous les « chercheurs », mais qui plaide en faveur de l’agriculture paysanne. Écobrèves CS 305.qxd:CS actu 245.qxd 26/03/15 8:53 Page 8 Actualité Élevage De l’industrie des productions animales Directrice de recherche à l’Inra, Jocelyne Porcher intervenait lors d’une conférence (« L’agriculture refroidit la planète ? ») organisée le 24 février par la Confédération paysanne lors du Salon de l’Agriculture 2015, dans le cadre de la campagne Envie de paysans ! (1) « La situation de l’élevage dans les pays industrialisés est particulièrement critique et, toutes choses égales par ailleurs, il n’est pas excessif de considérer l’élevage comme une activité en voie de disparition. L’élevage est mis en accusation d’un point de vue environnemental. Il serait responsable d’une partie importante des émissions de gaz à effet de serre. Responsable de la diminution des ressources en eau. Responsable de la réduction des terres agricoles. Il serait la cause d’une perte de biodiversité végétale et animale. La cause de nombreuses maladies dans les pays développés. La cause enfin de la souffrance des animaux d’élevage. Haro sur le baudet ! L’élevage n’a plus qu’à disparaître. Cette disparition est inscrite dans la dynamique de l’industrialisation de l’élevage depuis le XIXe siècle. La prise en main par les industriels et les scientifiques de cette époque, au moment où s’est développé le capitalisme industriel, a transformé l’élevage en « productions animales », via la zootechnie, autodécrite comme « la science de l’exploitation des 8 \ Campagnes solidaires • N° 305 avril 2015 machines animales ». Le but du travail avec les animaux n’a plus été de produire de la nourriture et de l’énergie motrice, mais de faire du profit. Ainsi le terme d’« élevage industriel » est un non-sens sémantique, un oxymore. L’élevage, contrairement aux productions animales, est un rapport de travail aux animaux fondé sur une rationalité, qui n’est pas économique mais relationnelle. Depuis le début des processus domesticatoires, nous vivons avec des animaux, non pas pour en tirer profit et bénéfices, mais d’abord parce que la vie ensemble est plus facile et souhaitable pour nous et pour les animaux que si nous vivions séparés. Vivre ensemble, c’est travailler ensemble et, grâce aux revenus du travail, pouvoir pérenniser nos relations. Il n’y a donc pas d’« élevage industriel », mais une industrie des productions animales, c’est-à-dire la pensée industrielle appliquée à nos relations aux animaux. Un non-sens environnemental, économique, social et, ce qui apparaît le plus clairement à nos concitoyens aujourd’hui, un non-sens moral. D’un point de vue économique et moral, il faut souligner que ces systèmes industriels qui prétendent s’inscrire dans la modernité, l’efficacité et la performance sont de fait considérés par certains comme archaïques. Ils sont en voie d’être remplacés par ce que l’on peut regarder comme le stade ultime des productions animales : la production de matières animales sans les animaux, via par exemple la production de viandes in vitro et les biotechnologies végétales. Les productions animales restent polluantes, lourdes, violentes envers les humains et les animaux. Ce qu’affichent ne pas être les biotechnologies qui prétendent produire des aliments sains, non pollués, non destructeurs pour les animaux. Ce qui est important pour nous tous, c’est de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain, c’est-à-dire l’élevage avec les productions animales. L’élevage n’est pas une forme parmi d’autres de nos relations aux animaux, il en est la matrice. C’est-à-dire que si l’élevage, en tant que rapport de travail aux animaux de ferme, venait à disparaître, il ne fait aucun doute que toutes les relations de travail aux animaux seraient condamnées. Le plus important lorsqu’on pense à construire une autre agriculture est de prendre acte que l’élevage est une composante essentielle de cette agriculture, mais qu’il est aussi bien plus que cela car il porte en lui une part de notre avenir avec les animaux domestiques. » n (1) www.enviedepaysans.fr 26/03/15 8:53 Page 9 Actualité Finances Spéculation criminelle Il y a deux ans, sous la pression d’Oxfam-France, les principales banques françaises s’engageaient à réduire ou stopper leurs activités spéculatives sur les matières premières agricoles. En février 2015, l’ONG publiait un rapport pour faire le point sur ces engagements. L es émeutes de la faim de 2008 à 2010, liées à la flambée des prix alimentaires dans les pays les plus pauvres, déclenchent un travail d’expertise de l’ONG OxfamFrance sur l’implication des grandes banques françaises. La Banque Mondiale reconnaît alors que « les activités des fonds indiciels (1) ont joué un rôle clé dans la flambée des prix alimentaires en 2008 ». Quatre banques françaises sont ainsi identifiées. Elles proposaient à leurs clients des outils financiers destinés à spéculer sur les matières premières agricoles. Au 1er janvier 2013, BNP Paribas totalisait 1,419 milliard d’euros sur ces fonds spéculatifs. Le groupe Natixis (Banque populaire et Caisse d’épargne) en possédait pour 620 millions d’euros, la Société Générale, 467 millions et le Crédit Agricole 77 millions. En avril 2013, Oxfam lance la campagne «La faim leur profite bien». Soucieuses de leur image, les banques s’engagent à réduire leurs activités sur ces marchés, en fermant un certain nombre de fonds indiciels, voire à cesser toute activité spéculative sur les matières premières agricoles. Parallèlement, le candidat Hollande s’était engagé à mettre fin aux produits financiers toxiques qui enrichissent les spéculateurs. Mais ce n’est qu’a minima que des parlementaires obtiennent de l’autorité des marchés financiers un plafond du nombre de contrats et la communication des positions prises. Près d’un an et demi après, ces mesures législatives ne sont toujours pas mises en œuvre. Oxfam renouvelle son étude en août 2014 et la publie en février 2015. Elle révèle que trois groupes bancaires proposent toujours à leurs clients des outils permettant de spéculer sur les produits agricoles : BNP Paribas (au total 1,318 milliards d’euros : des fonds ont été fermés mais d’autres, non identifiés en 2013, ont été repérés, signifiant l’opacité des activités bancaires), la Société Générale (avec de nouveaux fonds découverts, elle totalise 1,359 milliards d’euros de fonds spéculatifs sur l’alimentation), Natixis (qui a augmenté son fonds de 43 %). Seul le Crédit Agricole (selon les informations disponibles) ne possède plus ces fonds. Mais il refuse de s’engager formellement à cesser toute activité spéculative sur les matières premières agricoles dans le long terme. Oxfam rappelle qu’entre 2012 et 2014, 800 millions de personnes souffraient toujours de la faim, que ce fléau n’est pas un problème de disponibilité mais d’accessibilité des produits alimentaires pour les plus vulnérables. Quand les ménages des pays développés ne consacrent plus que 15 % de leur revenu pour leur alimentation, les plus pauvres y dépensent 75 % de leur faible budget. Quels mots faudra-t-il utiliser pour faire comprendre à ces banques que la spéculation tue? n Christian Boisgontier (1) Les fonds indiciels contiennent un panier de matières premières indexées sur l’évolution des prix des contrats à terme, sans obligation de vente, augmentant la demande de façon artificielle. En France et dans 90 pays Oxfam France est une association de solidarité internationale qui agit sur les causes de la pauvreté et des injustices en menant notamment des campagnes de mobilisation citoyenne et de pression sur les décideurs politiques. Elle est l’affilié français d’Oxfam, un réseau international de 17 ONG présentes dans plus de 90 pays. www.oxfamfrance.org Lait 1 000 vaches : la Conf’ ne lâche pas ! L e 17 mars, la Confédération paysanne de Basse-Normandie a bloqué le principal accès de l’entreprise Délicelait, à Moyon, près de Saint-Lô (Manche), dont le groupe coopératif Agrial est l’un des actionnaires. C’est là qu’arrive le lait de la ferme-usine des 1 000 vaches, dans la Somme (à 315 km !). Et là qu’on trouve une tour de séchage pour transformer le lait en poudre, destinée en bonne partie à l’export et aux industries agroalimentaires. La tour est financée par une augmentation des parts sociales des producteurs Agrial de 4 à 7 %. Conséquence : à Moyon, la ferme-usine des 1 000 vaches «profite d’infrastructures financées d’abord pour absorber d’éventuelles augmentations de volume des producteurs Agrial », commente Guy Bessin, porte-parole régional de la Confédération paysanne Et d’ajouter : «avec Agrial, Délicelait est responsable d’un lait “lowcost” et de la mort des paysans.» Le syndicat dénonce les fermesusines comme celle des 1 000 vaches et les processus d’industrialisation de l’agriculture. « A terme, la production ne sera plus faite par les paysans », se désole Yves Sauvaget, responsable de la commission nationale « lait de vache ». La disparition des quotas laitiers au 1er avril participe de cette sinistre évolution (cf. CS n° 304). n Écobrèves CS 305.qxd:CS actu 245.qxd Écobrèves Des drones sur les champs Les drones ont le vent en poupe (même s’il n’y a sans doute pas de poupe sur un drone). Ils se multiplient à grande vitesse : 100 000 vendus en France en 2014. En agriculture, de multiples usages sont explorés : pour surveiller les cultures ou le bétail, ajuster les dosages d’engrais, et même voir ce qui se passe chez le voisin… Vous n’en avez peutêtre pas encore vu, mais selon une société de services spécialisée, 100 000 hectares ont été survolés en 2014 en France. Groupama a déjà annoncé qu’il assurerait (tous risques ?) les engins, et les utiliserait pour observer les dégâts d’intempéries, par exemple. Pour l’agriculteur moderne, plus besoin de bottes ! Finistère : 6 paysans en examen Suite aux incendies de la MSA et du centre des impôts de Morlaix, en septembre 2014 (2,5 millions de dégâts), le tribunal de Brest a finalement mis en examen 6 agriculteurs sur la base de « constatation sur du matériel agricole ». Ils ont été présentés le 5 mars au juge d’instruction qui a décidé de les laisser partir libres, alors que le parquet souhaitait un placement sous contrôle judiciaire. Le président de la Fdsea, Thierry Merret, s’est félicité de leur libération tout en dénonçant « des interpellations dignes du grand banditisme ». Selon les avocats de la défense, c’est « une mise en examen un peu fourre-tout. Aucun élément ne met en cause personnellement les suspects ». Peut-être que c’est exprès, il n’y a pas de leaders en Bretagne, c’est pas comme à la Conf’ ! Jo Bourgeais Campagnes solidaires • N° 305 avril 2015 / 9 CS 305.qxd:CS actu 245.qxd 26/03/15 8:53 Page 10 Actualité Finances Loin de l’économie locale, la face cachée du Crédit agricole Troisième banque française, le Crédit agricole est bien arrimé dans le paysage d’une finance mondialisée et sans grands scrupules, loin des principes mutualistes et « du bon sens près de chez vous ». L e Crédit agricole est la troisième banque française, derrière BNP Paribas et la Société générale. Les agriculteurs connaissent bien cette « banque coopérative qui s’engage près de chez vous » et « dynamise l’économie locale ». Derrière ces séduisants slogans, la banque mutualiste abrite un autre visage, un peu moins sympathique. C’est ce que révèle le Livre noir des banques, écrit conjointement par des journalistes du média indépendant en ligne Bastamag.net et des économistes de l’association altermondialiste Attac. Les conséquences négatives des activités financières des grandes banques françaises y sont détaillées. Si le « casier judiciaire » du Crédit agricole en la matière n’est pas le plus lourd, il est loin d’être vierge. En 2008 et 2010, des émeutes de la faim secouent des pays d’Afrique et d’Asie. Les fonds spéculatifs indexés sur le prix des matières premières agricoles (blé, maïs, soja, café, élevage…) sont pointés du doigt pour avoir provoqué artificiellement une hausse des cours. Au niveau mondial, plus de 600 milliards de dollars sont alors investis dans des titres adossés aux matières premières, principalement aux États-Unis. Mais les financiers français ne sont pas en reste, et la banque d’affaires du Crédit agricole participe à la curée. Suite aux pressions de l’organisation Oxfam (1), la banque ferme ses fonds polémiques, d’une valeur de 77 millions d’euros. Elle est la seule à le faire. BNP Paribas, Natixis (BPCE) et Société générale poursuivent leurs activités spéculatives sur les produits agricoles. Sur un autre dossier, celui du réchauffement climatique, le Crédit agricole a encore de nombreux progrès à accomplir. À cause de ses investissements dans le pétrole, le gaz et le charbon, la banque mutualiste est, en France, la plus polluante : chaque euro qui lui est confié produit plus d’1 kg de CO2 par an, pointe une étude du cabinet de conseil en développement durable Utopies. Le Crédit agricole est aussi accusé d’apporter son soutien financier à une forme d’exploitation du charbon particulièrement destructrice et polluante : le « mountain top removal », littéralement « suppression des cimes de montagnes ». Pour accéder plus facilement aux gisements de charbon et limiter les dépenses de main-d’œuvre, cette technique consiste à évider à coups d’explosifs les sommets des collines. Ce qui provoque pollutions de l’eau, déchets et poussières toxiques. Aux États-Unis, le Crédit agricole a financé à hauteur d’un demi milliard d’euros deux sociétés recourant à cette technique controversée, Arch Coal et Alpha Natural Ressources. Sous la menace de lourdes amendes En matière de fraudes et de manipulations, le Crédit agricole fait face à deux affaires en cours. En France, elle est accusée par l’Autorité de la concurrence, avec les autres banques de détail, d’entente illégale sur le coût de commissions qu’elle faisait payer sur les chèques. Elle risque une amende de 103,8 millions d’euros. Au niveau européen, la banque est confrontée à une enquête de la Commission européenne pour avoir participé à la manipulation des taux du marché monétaire interbancaires (appelé Euribor et Libor), qui a des conséquences sur le niveau des taux d’intérêts pratiqués par les banques auprès de leurs clients. En 2013, la Société générale a été condamnée pour des faits similaires à 450 millions d’euros et la banque allemande Deutsche Bank à 725 millions. « Le Groupe Crédit Agricole a refusé de reconnaître son implication dans les manipulations alléguées », se défend son directeur général Jean-Paul Chifflet. Enfin, il y a trois ans, la banque demeurait la troisième banque française la plus présente dans les paradis fiscaux, avec 104 filiales des Bahamas à la Suisse en passant par le Luxembourg ou Singapour, selon le décompte du CCFD Terres solidaires. L’évasion fiscale que permettent ces territoires opaques, coûte chaque année entre 60 et 80 milliards d’euros. Autant d’argent qui ne finance probablement pas l’économie locale. n Ivan du Roy, journaliste à Basta ! (www.bastamag.net) (1) Présente dans plus de 90 pays, Oxfam est une organisation internationale de développement qui « mobilise le pouvoir citoyen contre la pauvreté » – www.oxfamfrance.org Une douzaine de chercheurs et de journalistes d’Attac et de Basta ! ont passé au peigne fin rapports des ONG (spécialisées dans l’environnement, la finance, la lutte contre la corruption ou les paradis fiscaux…), travaux d’universitaires, d’analystes, d’anciens banquiers et de la Cour des Comptes. Résultat : "Le Livre noir des banques", paru en février. Riche, et implacable. Le Livre noir des banques, Editions Les Liens qui Libèrent, 2015, 372 pages, 21,50 euros. 10 \ Campagnes solidaires • N° 305 avril 2015 CS 305.qxd:CS actu 245.qxd 26/03/15 8:53 Page 11 Actualité Biodiversité Une loi pour offrir la biodiversité aux marchés financiers Le projet de loi biodiversité débattu en mars en première lecture à l’Assemblée nationale se montre impuissant face à la biopiraterie. L a diversité de la vie est insupportable parce qu’elle se reproduit gratuitement. Comment enrichir les riches si aucun argent n’est utilisé pour produire les biens essentiels que nous offre la nature? En 1992, la Convention sur la diversité biologique (CDB (1)) a mis fin à ce scandale en faisant rentrer la biodiversité dans le marché. Si les peuples indigènes qui vivent de leur immersion au sein de la biodiversité sauvage sont les plus menacés, les pay- çaise : impuissant face la biopiraterie, il la renforce au contraire avec le nouveau marché de la « compensation ». Il serait pourtant simple de conditionner toute autorisation de mise en marché, tout brevet ou COV, à l’indication des ressources génétiques utilisées afin de vérifier que le partage des avantages a été respecté. Mais la loi biodiversité préfère s’appuyer sur les déclarations spontanées de l’industrie sans se donner aucun moyen de les contrôler. moine commun » librement accessible, l’Inra relance les collectes de semences et de savoirs paysans concernant ces nouveaux caractères. L’industrie n’a plus qu’à identifier quelques séquences génétiques associées à ces caractères pour les breveter et interdire ainsi aux paysans qui ont donné leurs semences de continuer à les cultiver. Suite à l’interpellation de l’Inra par la Confédération paysanne lors du dernier Salon de l’Agriculture, de nombreux députés ont proposé que la loi biodiversité interdise ces brevets sur les « traits natifs ». Mais pour la ministre de l’Écologie, la France serait impuissante face aux lois européennes et « on devrait au contraire encourager les paysans à déposer des brevets concernant leurs pratiques ». Espérons que ses conseillers lui expliqueront avant la deuxième lecture de la loi que les paysans partagent leurs semences et n’utilisent pas les outils de séquençage génétique destinés à les breveter. Les mêmes députés ont voulu interdire les colzas et tournesols mutés qui détruisent la biodiversité en disséminant leurs gènes de tolérance aux herbicides : là encore, la Le 2 mars, la Confédération paysanne manifestait au Salon de l’Agriculture pour demander que la loi sur la biodiver- ministre a préféré reporter le débat. sité interdise les brevets sur les gènes ou séquences de gènes naturellement présents dans les graines sélectionnées Enfin, au lieu d’interdire les depuis des générations par les agriculteurs. atteintes irréversibles à la biodisans qui cultivent et élèvent la biodiversité La farce du partage des avantages a encore versité, la loi propose de les « compenvégétale, animale, des micro-organismes de beaux jours à vivre ! ser ». Comme si une mare aux canards des sols et des transformations fermières Privées de tout accès au marché réservé en Camargue pouvait « compenser » la sont aussi la cible des marchés. par le catalogue aux seules semences confis- destruction d’une zone humide à NotreLa promesse du partage des avantages fut quées par un COV ou hybrides F1, les Dame-des-Landes. La Caisse des Dépôts le miroir aux alouettes chargé de faire accep- semences paysannes sont enfermées dans vend déjà pour cela des « actifs natuter les brevets sur la vie. Mais, depuis 1992, les banques de gènes où elles constituent rels ». Ce nouveau marché va accorder un seules quelques miettes ont été partagées le réservoir de ressources génétiques de droit à détruire la biodiversité en un tandis que les brevets et autres COV (2) des l’industrie. Mais ce vieux réservoir ne se endroit en échange de sa « restauration » industries pharmaceutiques, chimiques, renouvelle plus. L’industrie a aujourd’hui ailleurs. agroalimentaires et semencières ont pillé les besoin de nouveaux caractères génétiques La biodiversité n’est pas un produit finansavoirs populaires et confisqué les soins d’adaptation aux changements climatiques cier, il est temps que les paysans et les des plantes, des animaux et des hommes, et de résistances aux nouveaux pathogènes citoyens se réapproprient la gestion colles semences et les animaux reproducteurs. devenus eux-mêmes résistants à ses pesti- lective des communs naturels et cultivés ! n Pour redorer le blason de la CDB terni par cides, caractères que les plantes dévelopGuy Kastler 20 ans d’inefficacité, le protocole de Nagoya pent dans les champs d’aujourd’hui où les promet de l’appliquer pour de bon depuis « systèmes semenciers paysans informels » (1) La Convention sur la diversité biologique (CDB) est un traité international adopté lors du sommet de la Terre à Rio octobre 2014. Le projet de loi biodiversité les sélectionnent. de Janeiro en 1992. débattu en mars en première lecture à l’AsEstimant que tout ce qui pousse dans les (2) Certificat d’Obtention Végétale, droit de propriété semblée nationale est sa déclinaison fran- champs des paysans appartient au « patri- industrielle spécifique aux semences. Campagnes solidaires • N° 305 avril 2015 / 11 CS 305.qxd:CS actu 245.qxd 26/03/15 8:53 Page 12 Actualité Porc Sortir des crises structurelles La filière porcine est à nouveau en crise. Le 12 mars, la Confédération paysanne adressait une lettre ouverte à Stéphane Le Foll, pour réclamer la « fin de la stratégie de l’exportation à tout prix » et « un plan stratégique de reconquête de la valeur ajoutée, des marchés intérieurs, des marchés d’exportation rémunérateurs ». « Monsieur le ministre, La crise dans la filière porcine est plus structurelle que conjoncturelle. Cette filière n’installe plus depuis longtemps car le niveau nécessaire de capitaux à apporter dissuade les volontés de reprise. Elle ne rémunère plus ses producteurs, ne modernise pas ses outils de production et de transformation, et la concentration excessive fait baisser la production. Pourtant, les défis de valeur ajoutée, de qualité, les exigences sanitaires et environnementales de la société sont toujours là… mais le mirage de l’export continue à être prôné comme objectif de développement de la filière ! L’embargo russe a bon dos car apparemment d’autres marchés export ont compensé. Par contre, il détourne notre attention des responsabilités des tenants de la filière dans la situation actuelle des éleveurs. Une filière bien gérée devrait être solide et capable de faire face à des situations comme celle-là. Ne pas s’être préparé à un aléa géopolitique de ce type était une faute grave, d’autant que la Russie est coutumière du fait. Nous soutenons bien sûr les mesures de crise qui viennent d’être prises en faveur des producteurs : étalement/exonération partielle des cotisations sociales, prises en charge des intérêts, etc. Elles sont nécessaires à très court terme mais insuffisantes pour donner des perspectives durables aux éleveurs. En revanche, nous sommes plus que dubitatifs sur l’intérêt des aides au stockage privé qui peuvent certes maintenir a minima les cours en ce moment mais qui les feront chuter au moment du déstockage si aucune mesure structurelle n’est mise en place en parallèle. Pour maintenir les emplois en production porcine à long terme, particulièrement sur les petites et moyennes structures qui en sont les plus pourvoyeuses, nous demandons : • à court terme, des aides directes aux producteurs en ciblant les élevages familiaux de moins de 200 truies. L’emploi à la production mérite autant d’être soutenu que l’emploi à l’abattage-transformation. La stratégie du maintien du potentiel de production en le concentrant pour maintenir les emplois dans les industries agroalimentaires montre aujourd’hui ses limites. On aura sacrifié des producteurs sans sauver les salariés de l’agroalimentaire. • La fin de la stratégie de l’export à tout prix. Comment être compétitifs face à des pays qui sont autonomes en protéines ? • Un plan stratégique de reconquête de la valeur ajoutée, des marchés intérieurs, des marchés export rémunérateurs. Monsieur 12 \ Campagnes solidaires • N° 305 avril 2015 le Ministre, quel bilan faites-vous de votre plan lancé en 2013 ? Cette réorientation vitale nous paraît impossible tant qu’il n’y aura pas eu une réorganisation au niveau de l’aval : à la sortie de l’élevage, le porc français est compétitif mais il perd cette compétitivité aux moments de l’abattage et de la transformation (1). Comment se fait-il que les grandes et moyennes surfaces arrivent à s’entendre pour acheter ensemble et que les abatteurs-transformateurs ne soient pas en mesure de faire de même pour vendre et ainsi avoir plus de poids dans le rapport de force ? Au contraire, ils sont dans une stratégie suicidaire d’alignement des prix par le bas. Pourquoi nos transformateurs n’adaptent pas rapidement leur offre à la demande, en termes de produits, de gammes comme le font d’autres pays européens ? La filière doit être capable de se pencher collectivement sur son avenir, et d’abord de faire son autocritique. Nous appelons à passer d’une gestion à court terme et au petit bonheur la chance du coût de revient à une stratégie à moyen et long terme de création de revenu par le prix. Le revenu des producteurs et l’emploi des salariés ne doivent pas être les seules variables d’ajustement de toute la filière. Il existe deux manières de réagir : • celle que l’on subit depuis trop longtemps et qui montre ses limites : attendre la crise aiguë, que la restructuration se fasse par la baisse anarchique du nombre de producteurs et des outils d’abattage, tout en réclamant l’intervention des pouvoirs publics pour aider les plus gros, assimilés à tort aux plus compétitifs ; • celle que nous appelons de nos vœux : anticiper et éviter les crises, en se dotant d’outils de régulation de la production et des marchés. Rappelons que l’attribution d’aides publiques ne peut se faire sans conditions et sans contreparties de la filière elle-même, en termes d’organisation ou de modes de production plus vertueux au niveau social et environnemental. Aussi, Monsieur le ministre, nous souhaiterions savoir quelle est votre vision de la filière porcine dans dix ans, votre « engagement » contre l’industrialisation et votre stratégie pour atteindre cette ambition ? » n Laurent Leray, secrétaire national en charge du Pôle Élevage et Pierre Brosseau, responsable de la commission nationale « porc » (1) Cette perte de compétitivité est aussi en partie due au manque d’harmonisation sociale européenne. CS 305.qxd:CS actu 245.qxd 26/03/15 8:53 Page I Dossier Fermes-usines contre agriculture paysanne Fermes-usines et grands projets inutiles envahissent le territoire. Sous prétexte d’emplois, de développement économique, voire même de lutte contre le réchauffement climatique, une agriculture prédatrice des terres agricoles fertiles se propage. Encouragée par la Pac et plus encore par le gouvernement français, la course au productivisme s’accélère. Produire plus, inonder le « marché », exporter et déverser nos excédents dans les pays du Sud, à des prix inférieurs aux coûts de la production locale… Peu importe ! La production agricole considérée comme « matière première » n’est plus la source essentielle du revenu de ces usines. Comme le prône Sofiprotéol (groupe Avril), jamais loin de la construction de ces projets, « il faut tout exploiter ! », profiter de toutes les opportunités en faisant le plain d’aides publiques : agrocarburants, méthanisation, recherche génétique, production d’aliments du bétail à base de tourteaux de colza et de tournesol… Propriétaire ou actionnaire d’entreprises de l’amont à l’aval des filières d’oléoprotéagineux, d’élevage de volailles, de porcs ou de vaches, Sofiprotéol a tout intérêt à développer une production à bas prix sans souci de sa qualité. « Il faut nourrir les pauvres et développer l’export » souligne le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll, répétant quasiment les propos de Xavier Beulin, le président de la Fnsea et président du groupe SofiprotéolAvril ! Ce développement présenté comme « moderne, compétitif et performant » qui happe des paysans fatigués, endettés, à qui l’on fait croire qu’ils vont avoir « une vie meilleure » est destructeur de l’agriculture de qualité. À la Confédération paysanne, nous sommes convaincus que nous pouvons nourrir tout le monde dans le respect de la terre et de la vie. Le projet d’agriculture paysanne ne concerne pas seulement des petites fermes en circuit court. Utiliser des compétences agronomiques qui permettent de respecter la terre qui nous nourrit sans l’épuiser, en partager les ressources, se regrouper pour alléger le travail, pour acheter du matériel, pour commercialiser, s’organiser pour que la ferme soit transmissible, c’est possible ! Réfléchir aux investissements, utiliser le territoire au mieux pour être autonome, envisager la distribution pour réduire les émissions de gaz à effets de serre, ne pas produire plus que ce dont nous avons besoin, respecter la vie autant dans sa biodiversité animale et végétale que par la production d’aliments qui permettront une meilleure santé des populations, vivre de son travail, en être fier et heureux, c’est possible aussi, et c’est le projet que défend la Confédération paysanne. Annie Sic, paysanne dans les Alpes-Maritimes Campagnes solidaires • N° 305 avril 2015 /I CS 305.qxd:CS actu 245.qxd 26/03/15 8:53 Page II Dossier Industrialisation La carte d’une dérive destructrice Pourtant loin d’être exhaustive, la carte des fermes-usines lancée par la Confédération paysanne à la veille du Salon de l’Agriculture fin février, a fait l’effet d’une bombe. Il suffit d’y jeter un œil pour comprendre que le cas des 1000 vaches est loin d’être isolé. Sur tout le territoire, des usines à poulets, à vaches, à porcs, à tomates... sont en projet ou déjà en fonctionnement. Il est désormais impossible de l’ignorer, tout comme l’évolution de la réglementation qui les favorise. Mais le ministre de l’Agriculture ne voit pas tout à fait les choses de la même manière. Pour lui, il y a certes quelques projets qui posent problèmes, mais il salue les regroupements d’agriculteurs même si leurs usines font disparaître l’emploi paysan et que les savoir-faire sont niés au profit des multinationales. Abbeville (80) L’agrobusiness est en effet au cœur du problème. Dans la plupart des cas, de grands Élevage de 1 000 vaches laitières et 750 génisses, adossé à un méthaniseur de 0,6 MW. groupes tiennent la barre de ces projets : Michel Ramery aux 1000 vaches, la pieuvre AvrilSofiprotéol de Xavier Beulin, Intermarché par la SVA Jean Rozé, etc. Est-ce là l’agriculture Loueuse (60) de demain ? Projet d’extension d’un élevage porcin à 3 000 places. Charente-Maritime Vent debout contre une usine à tomates Trébrivan (22) Brécey (50) 25 hectares de serres chauffées pour tomates hors sol. 50 tonnes de tomates produites par jour, 9000 tonnes par an. A Échillais, la mobilisation monte contre Maternité industrielle de 900 truies un projet d’hyper-incinérateur construit pour 23 000 porcelets par an. Bréhan (56) par Vinci et porté par le Syndicat interÉlevage de 280 vaches laitières avec quatre robots de traite et communautaire du littoral (SIL). Ce monstre de plus de 20 000 m2 deux robots de fonctionnement (racleur et affourragement). et haut de 41 mètres viendrait remplacer deux incinérateurs, à Échillais et Oléron, et valoriserait « jusqu’à 94 % des déchets entrants ». Le 12 novembre dernier, le SIL a signé un protocole d’accord pour fournir de la chaleur via un système de cogénération aux jardiniers charentais (1), une société qui pourrait créer Monts (3 7) jusqu’à 25 hectares de serres de tomates hors sol. « Cet hyper-inci420 vaches lai nérateur est un effet d’aubaine pour cette société, note Missé (79) 1300 chèv res Jérôme Blauth de la Confédération paysanne. 17 hectares Extension d’un poulailler de 91 000 volailles à 350 000 volailles. ont déjà été acquis sans passage en Safer, il y a une opaLuzay (79) cité terrible ! » Coussay- les Projet de maternité de 1000 truies pour 25 000 porcelets par an. Situées à une dizaine de kilomètres de l’esProjet d’e ng tuaire de la Charente, ces serres pourraient Poiroux (85) avoir des répercussions environnemen- Maternité industrielle de 900 truies pour 23 000 porcelets par an Pamproux (79) tales et économiques. « Un hectare de Élevage de 600 000 poul ett serres de tomates en hydroponie relâche 8 tonnes de nitrates purs dans 700 millions d’œufs com me Échillais (17) l’eau », souligne Jérôme Blauth. Multipliez par 25 et imaginez des algues 25 ha de serres, 50 tonnes de tomates vertes en plein cœur d’un département touristique… « Sans compter produites par jour, 9 000 tonnes par an. que nous sommes sur une zone conchylicole majeure. Le Bassin Marennes Oléron est en proie à une crève massive de coquillages, huîtres, moules et coquilles Saint-Jacques ». 9 000 tonnes de tomates grappes Lapouyade (33) et cerises seraient produites chaque année dans ces serres. Alors que cet aliment est à forte valeur ajoutée pour les 8 ha de serres chauffées de tomates pour une production annuelle de 4 000 tonnes. maraîchers, la Confédération paysanne de Charente-Maritime redoute des ventes de tomates en grande distribution à des Saint-Symphorien (33) prix défiant toute concurrence, et fragilisant les petites Projet d’extension d’un élevage 11 00 Parentis (40) exploitations. d’épandage nécessaires seraient d’e 10 ha de serres, production de « Dans ces serres surchauffées, le coût de la chaleur c’est 30 % 5 000 tonnes de tomates hors sol par an. du coût de production d’une tomate, ajoute Jérôme Lannepax (32) Blauth. Ce projet ne peut être pérenne que s’il bénéficie de subventions. » Entre 80 et 100 millions d’euros Élevage de 725 000 poulets par an, 115 000 poulets en permanence. d’argent public sont engagés dans ce projet d’hyperinSouraïde (64) cinérateur et de serres à tomates pétrochimiques. Un large front Saint-Élix-Theux (32) 4500 brebis laitières associatif et citoyen, dont la Conf’ 17 est partie prenante, Élevage de 725 000 po ule plaide pour la mise en place d’une politique zéro déchets ren- et 700 chèvres en hors-sol. Espelette (64) dant l’incinérateur actuel suffisant et compromettant de fait la viabilité de l’usine 3 000 brebis laitières et 300 Chèvres. à tomates. Une zone à défendre s’est également installée sur le site du projet d’hyperincinérateur depuis le 31 décembre dernier. La décision d’expulsion du tribunal administratif le 12 janvier 2015 renforce la mobilisation et la vigilance des opposants. SC (1) Outre un ingénieur industriel, les porteurs du projet de serres sont une entreprise régionale de BTP, la société hollandaise A + G Van Den Bosch, et un producteur de noisettes. II \ Campagnes solidaires • N° 305 avril 2015 CS 305.qxd:CS actu 245.qxd 26/03/15 8:53 Page III Dossier Somme Où en est le projet des 1 000 vaches ? ) . 0) es. es et Malgré quelques éclaircies début 2015 (investitures aux cantonales très défavorables pour les pro 1 000 vaches, un début de rectitude retrouvée par la préfecture qui a refusé un permis de construire modificatif aux promoteurs du projet, audience prochaine au tribunal administratif sur le fond du dossier, etc.), le paysage s’assombrit à nouveau du côté d’Abbeville… Heuringhem (62) En effet, nous avons constaté début mars un certain nombre d’éléments inquiétants qui laisProjet d’engraissement de 4 500 porcs par an. sent présager un nouveau traitement de faveur de la part de la préfecture pour l’usine des 1 000 vaches. Épandages sauvages, camions d’équarrissage très régulièrement sur site, mouvements d’animaux importants, taux important de cellules dans le lait collecté, dimension des camions de lait et occupation de l’espace qui laisse penser qu’il y aurait plus de 500 vaches sur site… Doullens (80) S’ajoute à cela que la préfecture vient de décaler la première réunion du groupe de suivi élus/rive250 000 poules pondeuses, objectif de 400 millions d’œufs par an. rains au mois d’avril. Six mois après le démarrage de l’exploitation et malgré ces signaux Landifay (02) alarmants, la préfecture reste sourde à la demande de transparence Projet d’engraissement de 1 500 taurillons à Landifay. des opposants. Sans compter que planent des rumeurs de demande d’autorisation d’exploiter pour 899 vaches (seuil qui ne déclencherait pas automatiquement une nouvelle enquête publique) dans les prochaines semaines… Vitry-le-François (51) Projet d’extension d’un élevage porcin à 15 600 places de porcs De quoi rehausser le niveau d’inquiétude et de vigilance à 1 100 truies reproductrices/30 000 porcs engraissés par an. son maximum pour la Confédération paysanne et Novissen. Si la préfecture n’assure pas la transSteinseltz (67) parence minimum sur le projet, alors Passer d’un élevage de 800 000 poulettes à l’année (306 000 poulettes en permanence) à un élevage de 1,5 million les opposants s’en chargeront. Arcis-sur-Aube (10) Centre d’engraissement de 2000 taurillons. de poulettes par an (692 000 poulettes en permanence). Pierre-Alain Prévost Somme Bientôt un poulailler géant ? Un élevage de 250 000 poules pondeuses se prépare à 40 kilo(3 7) mètres de la ferme-usine des 1 000 vaches. Situé à Beauval, le projet hes laitières, 260 génisses, 210 taurillons, prévoit deux bâtiments de trois étages avec « un niveau pour vivre », hèv res, soit 2200 animaux au total. « un autre pour se nourrir » et « un troisième pour pondre ». Soit 9 poules au mètre carré. Production ? 70 millions d’œufs par an. « C’est surtout la taille de l’élevage qui nous choque, souligne Vincent Chombart, de la Confédération payy- les-Bois (86) sanne de la Somme. Il y a aussi la question prophylactique : en cas de maladie, on assasd’e ngraissement de 1 200 taurillons. sine 250 000 poules d’un coup ! » Ce mode de production fleurit en Allemagne et aux Pays-Bas, et se veut deux oul ettes, plus de 600 000 poules pondeuses fois moins cher qu’en bio. Le propriétaire des lieux, Pascal Lemaire, est déjà à om mercialisés par an, soit 1,2 million de volailles. la tête d’un poulailler bio de 18 000 poules, d’une Saint-Didier-d’Aussiat (01) Projet d’engraissement de 1000 jeunes bovins. usine de conditionnement d’œufs et d’une usine d’aliments pour volailles. Il envisage la création de six emplois sur place et une vingtaine en aval. Côté financement, la Banque Courtine (23) publique d’investissement et trois fonds picards auraient mis sept millions Centre d’engraissement de 1000 taurillons sur le plateau d’euros sur la table. « Il y a là un énorme capital aux mains d’un seul indide Millevaches (1400 jeunes bovins par an). vidu, alors que l’on pourrait faire vivre plusieurs exploitations », souligne Vincent Chombart. L’instruction du dossier à la préfecture serait toujours SC en cours. 11 000 places de porcs. Les surfaces nt d’environ 1 000 hectares. L’industrialisation de l’agriculture est déjà là ! L’agriculture n’est pas seulement industrialisée par des investisseurs façon Ramery, elle s’industrialise aussi par les Rullac-Saint-Cirq (12) « voies naturelles ». Des exploitations en place depuis longEngraissement de 120 000 agneaux par an. temps ne ratent aucune occasion de s’agrandir et atteignent aujourd’hui des dimensions folles. C’est le modèle soutenu par 32) Fdsea/Ja : on installe le fils sur la ferme du voisin et quand on part à la po ulets par an, 115 000 poulets en permanence. retraite, on rassemble tout ! C’est ainsi que la moyenne des exploitations de Haute-Marne dépasse maintenant les 180 hectares. Quelques « fermes » cultivent plus de 1 000 hectares, bien plus entre 500 et 1000, beaucoup dans les 200 à 300, et de moins en moins vivent avec moins de 100 hectares. De nombreuses fermes laitières sont équipées de robots de traite pour des troupeaux qui atteignent et dépassent fréquemment les 200 vaches. Près de moi, une ferme compte environ 1 700 têtes de bovins, laitiers et allaitants, répartis sur plusieurs sites pour avoir l’air moins gros, mais avec tout de même un hangar d’un demi-hectare… Le pire, c’est que ça ne nous Hippolyte Babouillard, Haute-Marne choque plus ! Grillon (84) Élevage de 850 000 poulets par an, 125 000 poulets en permanence. Campagnes solidaires • N° 305 avril 2015 / III CS 305.qxd:CS actu 245.qxd 26/03/15 8:53 Page IV Dossier Isère Les déboires de Boulieu Imaginé dès 1957, le domaine de Boulieu, en Isère, est un projet pharaonique pour l’époque, avec ses 800 vaches laitières. C’est l’histoire de la mutation de l’agriculture paysanne vers l’agro-industrie, avec son lot de misères, de tricheries, de perte génétique et de qualité alimentaire T out commence un soir de Noël, en Savoie. Édouard Rebotton passe la veillée chez ses beaux-parents, paysans avec 8 vaches laitières. L’une d’entre elles vêle; le veau est mort. Consternation. Rebotton, alors fleuriste à Chambéry, se dit qu’il n’est pas possible que le sort d’une famille de paysans soit lié à la vie ou à la mort d’un veau. Il a 25 ans et voyage de par le monde pour implanter le système Interflora. Il cherche quel pourrait être le bon niveau d’étable qui remédierait à la catastrophe de sa belle-famille. Nous sommes à l’aube de la Ve République et du développement de la mécanisation agricole, de la spécialisation, avec la pétrochimie et, en corollaire, le massif exode rural. Rebotton arrête son projet sur 800 vaches, 7 à 800 hectares et 40 travailleurs spécialisés. Il trouve le foncier : 3 fermes en vente de 400, 300 et 70 hectares, contiguës en Nord-Isère. Au cours de ses voyages, il fait la connaissance de la race Holstein canadienne, de haut niveau génétique laitier. Un premier lot de 20 vaches et deux taureaux arrive par avion en 1960, suivi par une vague de 400 génisses pleines, arrivées au Havre par bateau deux ans plus tard. Quatre ans après, le domaine de Boulieu est en vitesse de croisière : bâtiments et équipements modernes, cultures ray-grass maïs, vaches à l’étable, soutien technique par le Herd-book Holstein, travailleurs compétents, le tout dirigé par Rebotton et son beau-frère, François Ravier. Des démonstrations de la firme John Deere et de nombreuses visites rythment la vie de la ferme « modèle ». Mais deux imprévus surviennent : la sécheresse de l’été 1976, suivie d’un automne 1977 très très pluvieux. L’approvisionnement en fourrage, en qualité et quantité, est mauvais. D’où des difficultés techniques, puis financières, pour l’entreprise. Elle ne s’en relèvera pas. François Ravier reprend sa part de foncier où il conduit sa propre production de céréales et viande bovine. Rebotton périclite, ses 400 hectares à la merci du Crédit Agricole et des autres créanciers. Les rats (John Deere, Herd-book Holstein) ont quitté le navire : ils n’avaient plus besoin de la tête de pont Boulieu pour réaliser leurs progressions techniques et commerciales. De faillite en saisie, Rebotton perd tout, même son commerce de fleurs. Sa femme reprend un travail d’infirmière pour faire bouillir la marmite. Ils décéderont à six mois d’intervalle, en 1997. La faillite Rebotton est reprise par une fabrique belge d’aliments du bétail qui se plantera aussi. Puis viendra Claude Mercier, éleveur et producteur de fromages à Albertville (Savoie), aux amitiés politiques locales fortes et aux pratiques dénoncées par la Confédération paysanne. 1,2 million de litres de lait produits annuellement à Boulieu – dont 50 % illégalement (1) –, à base de ray grass-maïs-soja, prennent la route de la Savoie pour devenir… du beaufort AOC. Mercier sentira l’orage se rapprocher et vendra sa laiterie. A ce jour cependant, 400 vaches produisent toujours chacune 6 à 7 000 litres de lait par an à Boulieu. Ce n’est plus illégal pour Mercier depuis ce 1er avril et la fin des quotas laitiers. n Jean Moly, paysan retraité en Isère (1) Par défaut de déclaration de mutation foncière à laquelle était lié un versement de litrage à la réserve nationale. Bouches-du-Rhône La déconfiture de 1 000 hectares de pêchers La fin des années quatre-vingt-dix est marquée par des mobilisations très fortes de la Confédération paysanne contre une immense usine végétale en Provence. E n France, des mégafermes n’existent pas seulement dans l’élevage. Rappelons l’affaire Comte, dans les Bouchesdu-Rhône. En 1999, cette société compte 1 700 hectares de vergers, dont 1 000 hectares de pêches industrielles situés autour de Saint-Martin-de-Crau. La Confédération paysanne manifeste sur ces terres, avec des slogans comme « Trois cents fermes valent mieux qu’une grande », ou encore « Trop d’arbres à noyaux attirent les pépins ». Comte est à l’époque le plus grand arboriculteur de France. En dépit de nombreux traitements avec des pesticides, sa production est labellisée « Agriculture raisonnée ». Sans permis préalable, l’entrepreneur laboure même des dizaines d’hectares de Crau sèche, une steppe avec une faune et une flore uniques. Il installe aussi à Saint-Martin une station géante de conditionnement robotisée… Des centaines d’ouvriers venant du Maroc et de Tunisie, en majorité sous contrat saisonnier OMI, travaillent sur ses terres, dans des conditions lamentables. A l’été 2005, la rumeur de difficultés financières de l’entreprise se répand. Par peur de ne pas percevoir les arriérés et autres retards de paiement, les travailleurs se mettent en grève. On apprend également qu’une partie des vergers implantés dans la Crau sèche a attrapé la sharka, une maladie virale très grave. A l’automne 2005, les sociétés de Comte sont placées en redressement judiciaire. Un an plus tard, le patron des « forçats de la Crau » est relaxé par le tribunal de Tarascon. Mais il doit abandonner ses 1 000 hectares de pêches. Il revient à la Safer de procéder à la redistribution des terres. Un autre arboriculteur, déjà propriétaire de centaines d’hectares, achète les vergers en pleine pro- IV \ Campagnes solidaires • N° 305 avril 2015 ductivité. Une partie est transformée en prairie naturelle pour le foin de Crau, et pour les arbres malades – cerise sur le gâteau – un sauveur public, la CDC Biodiversité (1), paie grassement au propriétaire ces arbres sans valeur. Elle compte en effet réhabiliter l’écosystème unique de la Crau dans le cadre d’une opération de compensation de biodiversité. Si reconvertir ces terres souillées en pâturage pour des moutons est sûrement une bonne solution, permettre que cette réhabilitation autorise à polluer ailleurs est scandaleux. L’affaire Comte est désormais une vieille histoire. Mais il existe toujours dans les Bouches-du-Rhône des agromanagers avec des centaines, voire des milliers d’hectares, qui profitent de la bienveillance et de l’admiration d’une partie des pouvoirs publics et juridiques. n Peter Gerber,paysan dans les Bouches-du-Rhône (1) Filiale de la Caisse des dépôts et consignations CS 305.qxd:CS actu 245.qxd 26/03/15 8:53 Page V Dossier Champagne Le baron allemand de la volaille y a perdu ses plumes Une exploitation régnant à elle seule sur 14 % de la production française d’œufs ! C’est le projet démentiel d’un industriel au début des années quatre-vingt-dix, stoppé dans son élan par les actions de la Conf’. Photo : Alain Basson Mai 1993 : sur la marche Pohlmann – Bruxelles Photo : Alain Basson F in 1991, la population de Fère-Champenoise, dans la Marne, apprend qu’un industriel allemand dénommé Pohlmann veut installer aux alentours des bâtiments pour 5,6 millions de poules pondeuses ! Les premières réactions sont plutôt favorables, les élus locaux mettant en avant les créations d’emplois (350 annoncés) et les délégués Fdsea l’écoulement des céréales et la fumure bon marché des fientes. Des adhérents de la Confédération paysanne, d’associations environnementales et de consommateurs ressentent le besoin d’en savoir plus sur le comportement de Pohlmann en Allemagne. Grâce aux liens tissés au sein de la Coordination paysanne européenne entre la Conf’ et son homologue allemand AbL, on en sait plus sur les élevages de cet industriel : surconcentration, forte mortalité des animaux, pollutions, conditions de travail déplorables pour les employés, nuisances pour les riverains. D’où les fréquentes condamnations de celui surnommé dans son pays le « baron de la volaille ». La projection en Champagne d’un documentaire sur ces réalités attire 250 personnes en février 1992. Un Comité d’opposition au projet Pohlmann (COPP) se crée et lance une pétition qui fait croître le nombre d’opposants. Dès janvier 1992, la Confédération paysanne appelle au refus du projet et réunit son comité national sur place, en avril. Les bureaux de Pohlmann à Fère-Champenoise sont vidés et leurs Mai 1993 : sur la marche Pohlmann – Bruxelles façades décorées de plumes. Des plumes qui le même jour voleront dans bon nombre de DDA (1) de France. Car l’enjeu n’est pas seulement régional : si le « baron » installe ses 5,6 millions de poules, il régnera à lui seul sur 14 % de la production française d’œufs, menaçant la survie économique de milliers de petits et moyens ateliers sur tout le territoire. Conséquence de cette journée d’action: perquisitions, gardes à vue, inculpations. L’instruction se termine finalement par un non-lieu général. Autre conséquence, plus intéressante : le député local propose une loi prévoyant une autorisation préfectorale pour des ateliers hors-sol dépassant une certaine taille. La loi est votée en juillet 1992 et valable un an. Le décret fixe ce seuil à 300 000 poules. Pohlmann n’en continue pas moins à préparer ses dossiers (enquête d’utilité publique, permis de construire accordé en octobre 1992). Sur le terrain, les opposants poursuivent leur travail d’information, incitant les agriculteurs à refuser d’inclure leurs terres dans le plan d’épandage. Mais ils craignent que Pohlmann joue la montre en attendant la fin de la validité de la loi. La Confédération paysanne décide alors d’organiser en mai 1993 une marche baptisée Pohlmann-Bruxelles. Il s’agit d’interpeller la Commission européenne pour aller vers une limitation de la taille des ateliers, au niveau européen cette fois. Le maintien de la pression incite le Parlement français à proroger de trois ans, le 11 juin 1993, la validité de la loi sur la taille des élevages avicoles. Dans la foulée, le préfet de la Marne oppose le 21 juin un refus au projet de Pohlmann qui jette l’éponge en France. La victoire est là, récompensant la mobilisation. Certes, la Confédération paysanne n’a pas gagné une limitation européenne de la taille des ateliers, mais par la suite la mobilisation citoyenne a permis de faire échec à des petits Pohlmann français qui se sentaient pousser des ailes en Champagne. Il y a vingt ans, les gouvernants qui ne péroraient pas tant sur l’agroécologie ont su mettre en place les outils pour faire échec à un projet inutile et dangereux. Ceux d’aujourd’hui seraient bien inspirés d’en faire autant, qu’il s’agisse de veaux, vaches, cochons ou couvées. n Alain Basson, paysan dans la Marne, et Laurent Cartier, paysan en Haute-Marne (1) Directions départementales de l’agriculture Campagnes solidaires • N° 305 avril 2015 /V CS 305.qxd:CS actu 245.qxd 26/03/15 8:53 Page VI Dossier Vendée De la ferme-usine des porcelets à Sofiprotéol-Avril La Vendée, nouvelle terre d’accueil des usines d’élevage porcin ? Pollutions de l’eau, déni de démocratie, financiarisation de l’agriculture… La Confédération paysanne de Vendée dénonce les dérives d’un projet aux antipodes de l’agriculture paysanne. À Poiroux, dans l’arrière littoral des Sables-d’Olonne, une maternitéusine de 890 truies et 23 000 porcelets s’apprête à voir le jour. Le permis de construire pour le bâtiment de 4 621 m2 a été accordé en juin 2014. « Une pelleteuse est arrivée sur le terrain début mars », note Michel Jolly, de la Confédération paysanne Vendée. « Ce projet est-il démesuré ? On sait que l’agriculture bouge, que les volumes se regroupent et augmentent… 900 truies, c’est assez courant en Bretagne. En Vendée, c’est le premier projet de cette dimension, avec combien de mains ? Lorsqu’on a découvert que ce projet était un montage de sociétés dans lesquelles on retrouvait peu d’agriculteurs, on a décidé de se mobiliser. » Qui est derrière ce projet ? En 2009 se constitue une société civile d’exploitation agricole « Le village du bois ». Elle comprend cinq actionnaires (1) dont une EARL et une SARL en élevage porcin, une EARL spécialisée dans la culture de céréales, légumineuses et graines oléagineuses, une SARL spécialisée dans la production d’électricité… Mais aussi et surtout la SARL Kerloann qui vise, selon ses statuts, à « faciliter et accompagner toute opération de transmission ou de restructuration d’entreprises agricoles ». Cette société est détenue en partie par Sanders Ouest, filiale du géant français de l’agroindustrie Sofiprotéol-Avril. La Confédération paysanne est aussi interpellée par l’engagement de la SARL Kerloann dans un autre projet contesté très similaire : celui d’une « ferme-usine aux 1 000 truies » à Trébrivan, dans les Côtesd’Armor. « Dans un cas comme dans l’autre, ces projets ne créent que trois à quatre emplois, relève Michel Jolly, qui redoute que les paysans ne soient transformés en ouvriers spécialisés sur des chaînes de production. Sur des schémas de 100 truies naisseurs engraisseurs, il faut compter normalement 1,5 personne. Dans le projet de Poiroux, on aurait pu monter à 7 ou 8 emplois minimum ! » Dès le lancement du projet en 2009, plusieurs associations locales pointent les risques de pollution (2). Située à 15 kilomètres de la mer, à l’emplacement des sources de la Vertonne, la porcherie industrielle pourrait affecter par ses épandages les marais et les zones ostréicoles. Outre les risques d’algues vertes, les associations relèvent l’insuffisance des études d’impacts et l’absence d’expertise indépendante. D’abord retoqué par le préfet en 2010, le projet connaît un rebondissement trois ans plus tard : le tribunal administratif enjoint le nouveau préfet d’autoriser l’exploitation. « Aujourd’hui, toutes les communes alentour sont contre ce projet, sauf le maire du Poiroux », indique Michel Jolly. Le collectif d’opposants à la porcherie du Poiroux (3), récemment rejoint par la Confédération paysanne et l’association Attac, dénonce une attitude de « pompier pyromane » qui d’un côté a pour mission de veiller à la qualité des eaux, et accorde de l’autre cette autorisation d’exploitation. « Les industriels agricoles ont de plus en plus de mal à s’implanter en Bretagne qui est saturée, ajoute le collectif. Ils déploient donc leurs capitaux en Vendée qui va devenir une terre de colonisation d’élevages industriels. » Des unités d’engraissement industriel devraient en toute logique s’implanter à proximité de l’unité de naissage du Poiroux. « Le porc aujourd’hui est en crise, résume Michel Jolly. Il n’y aucun intérêt à faire des usines à cochons s u b ve nt i o n n é e s tous les ans par le contribuable. Le consommateur demande d’autres produits dans son assiette. Pourquoi ne pas avoir du porc en Vendée sur des unités qui correspondent à la demande, à savoir des unités sur paille, plus petites, pouvant faire marcher les industries autour, allant dans des points de collecte en vente directe ? » Un appel à mobilisation le 4 avril a été lancé (voir l’encadré). Une votation citoyenne locale auprès des personnes touchées par le projet est également envisagée. n Sophie Chapelle (1) l’EARL du Payré (85), l’EARL Gorioux (17), la SARL Cecoger (79), la SARL Les étangs du Kevir (29) et la SARL Kerloann (22). (2) la Fève (Fédération écocitoyenne de Vendée), Terres et Rivières et Avigen (Association de vigilance environnementale). (3) www.porcherie-poiroux.fr Appel à boycott des marques de Sofiprotéol-Avril Lesieur, Matines et Puget. Voilà trois marques possédées par la multinationale française Sofiprotéol-Avril. Ce géant français de l’agro-industrie est la nouvelle cible de la campagne Requins lancée en mars 2015 par l’association Attac-France. Via sa filiale Sanders, Sofiprotéol-Avril est engagé avec d’autres partenaires dans la maternité porcine industrielle du Poiroux. Objectif de la campagne : mettre la pression sur ce groupe pour qu’il se désengage du projet à Poiroux, mais aussi de la maternité porcine industrielle à Trébrivan, dans les Côtes-d’Armor. Pour ce faire, des autocollants appelant au boycott des marques de Sofiprotéol-Avril ont été créés. L’idée ? Les coller sur des caddies de supermarché ou en tête de linéaire. Des actions de boycott devaient avoir lieu partout en France le 4 avril prochain, le jour d’un rassemblement à Poiroux. Plus d’infos sur www.lesrequins.org/2015 VI \ Campagnes solidaires • N° 305 avril 2015 CS 305.qxd:CS actu 245.qxd 26/03/15 8:53 Page VII Dossier Quel lien y a-t-il entre les œufs Matines, les huiles Puget et Lesieur, les tourteaux de soja, le diester et des fermes-usines de porcelets ? Un groupe français tentaculaire, Sofiprotéol-Avril, dirigé par le président de la Fnsea. D e l’alimentation humaine à la nutrition animale, en passant par les semences, les énergies renouvelables et même la presse agricole (1), AvrilSofiproteol est partout. Avec 7 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 8 200 salariés, 77 sites de production en France, le groupe est dirigé depuis quinze ans par Xavier Beulin, président de la Fnsea. Par le biais de son fonds d’investissement Sofiprotéol, ce groupe constitue le bras financier de l’agroindustrie française. « L’intégration totale des filières », telle est la doctrine officielle de Sofiprotéol-Avril. Qui a par exemple progressivement mis la main sur l’ensemble de la filière porcine à travers ses filiales spécialisées dans la nutrition (Sunfeed), l’hygiène et la santé (Tecnofirm), la génétique (Adevia), jusqu’aux abattoirs. Via ses filiales, elle apparaît dans le montage sociétaire des maternités industrielles porcines en Vendée et Côtes-d’Armor (voir article ci-contre). SofiprotéolAvril se pose aussi en sauveur des industries en crise, en déposant en février 2015 une offre de reprise des abattoirs porcins AIM en Normandie. Mais revenons au cœur de métier originel de Sofiprotéol, l’huile. Le groupe a construit son empire sur un agrocarburant, le diester, abondamment financé par des fonds publics. Or, l’étape industrielle qui transforme le grain de colza ou de tournesol en huile végétale, produit des quantités astronomiques de tourteaux (2). En 2007, le groupe prend le contrôle de Glon-Sanders, alors numéro un en France de l’alimentation animale, et projette de substituer le très décrié soja génétiquement modifié par du colza. Alliées de poids, les chambres d’agriculture font de la réclame pour le tourteau de colza. L’Inra est aussi mis à contribution pour rendre le colza digeste pour tous les animaux. Un temps sera envisagé de profiter de la contractualisation pour obliger l’éleveur, en échange de la collecte d’un volume de lait garanti, à acheter à la coopérative tous les produits qu’elle peut lui vendre… Alors que les exploitations laitières s’agrandissent, de plus en plus passent de l’herbe à une alimentation à base de colza. Une vache ingérant en moyenne 3,5 kg de tourteaux de colza par jour, les fermesusines sont de véritables aubaines pour le diester. Devinez les derniers investissements de Sofiprotéol-Avril ? Ils concernent la méthanisation, notamment dans les sociétés Biogasyl et Fertigaz, au moment où le ministère de l’Agriculture envisage un grand plan en la matière. Or, l’installation d’un méthaniseur n’est concevable que pour les grandes exploitations. La boucle est bouclée. n SC (1) Campagnes Solidaires, rassurez-vous, a pour seule source de financement le soutien de ses lecteurs ! Message à faire passer… (2) Pour 1 000 kg de ces graines qui donneront le diester, on obtient 560 kg de tourteaux. Source : Cetiom. Pour aller plus loin : l’enquête du site d’informations Reporterre sur Sofiprotéol-Avril à découvrir sur www.reporterre.net La Ruralheureuse « La pieuvre » Sofiprotéol-Avril, acteur clé de l’industrialisation de l’agriculture La Ruralheureuse Moi, Marguerite, je me sens vachement bien ! Je me prélasse dans la paille fraîche, entre Diva et Coquette, mes copines d’étable. Miron le chat m’observe de son air endormi. Par moment je lèche le bloc de sel que Christophe (mon maître et idole) a suspendu à ma portée. Je rumine au rythme de mon bol alimentaire et je somnole au son des soupirs de mes copines d’étable. Bon, 2 fois par jour je dois bien me lever pour aller me faire traire, mais il sait y faire, mon héros ! Il m’offre en échange de mon lait un gros bol de céréales, récoltées dans ses champs avec amour. Et puis j’attends avec impatience la montée en alpage, la senteur de l’herbe fraîche, le son joyeux des sonnailles, le soleil, la sensation d’être vivante. En attendant je savoure la paix de l’hiver, le silence, la vue des montagnes enneigées. L’autre soir on a eu une réunion téléphonique avec les copines de « l’usine prolait ». Elles étaient dépitées ! C’est pas une vie de vache! Elles sont tenues de « pisser » du lait sans se plaindre, et sans joie. Point de petit nom affectueux, que des numéros : entre 001 et 999, pas d’affinité, pas de câlins, on est là pour bosser, et mourir jeunes. On est loin des caresses de Christophe qui nous interpelle affectueusement, chacune par son nom. Celui-là, c’est vraiment quelqu’un ! J’ai entendu dire qu’il va aller manifester samedi prochain à la grande ville avec ses copains de la Confédération paysanne contre les usines à bestiaux qu’ils honnissent ! Alors, qui sait si je ne serai pas « sa » préférée, moi, Mirabelle, auquel cas je marcherai en tête, arborant fièrement ma barre de coupe humide et puissante, armée d’une grosse langue rugueuse, et mes gros yeux pleins d’amour pour mon héros courageux, afin de défendre la cause des vaches libres élevées par des paysans responsables et dignes de ce nom. Véronique Léon Campagnes solidaires • N° 305 avril 2015 / VII CS 305.qxd:CS actu 245.qxd 26/03/15 8:53 Page VIII Dossier Refusons les fermes-usines, battons-nous pour l’agriculture paysanne ! Des aliments à la chaîne, des animaux « machines », des paysans ouvriers spécialisés ; autant de dérives de l’agriculture industrielle âprement combattues par la Confédération paysanne. Mais dénoncer ne suffira pas. L’urgence est aussi à la mise en place sur les fermes de l’agriculture paysanne. O n nous annonçait l’usine de la Somme comme une exception, issue de la volonté farouche d’un entrepreneur local de « moderniser » l’agriculture… Ça s’arrêterait là. Nul besoin de faire du bruit, nul besoin de chercher plus loin. Et puis, après de longs mois de recherches et de travail, la Confédération paysanne a sorti, la veille du Salon de l’Agriculture, la carte des fermes-usines. Depuis, la « profession », le ministre, n’ont de cesse de justifier : « oui, mais il y a des paysans (?) derrière », « il faut se regrouper pour être compétitif », « ça reste une exception ». Le bal des faux-culs bat son plein! Peu importe si ce sont des exploitants agricoles (désolé mais parler de « paysans » pour ce type de projets, je peux pas), peu importe si ce phénomène ne s’est pas encore vulgarisé. La question est : a-t-on besoin d’usines ? Les citoyens consommateurs accepterontils d’être roulés ainsi dans la farine ? Non, bien évidemment non ! Sommesnous si peu sûrs de nous, des qualités de notre agriculture, pour vouloir copier des modèles industriels à bout de souffle venant des États-Unis ? L’agriculture française rayonne dans le monde grâce à ses productions de qualité, à la notoriété de ses AOC et autres IPG. La valorisation de la diversité de nos terroirs et territoires impulse depuis très longtemps déjà l’excellence culinaire. Et l’on devrait accepter des usines pour permettre à certains de se gaver encore plus d’argent public, tant ces fermes ne tournent que parce leur capacité à capter des primes est importante ? Sérieux ? Mais on est en plein délire là ! Le cadre doit être posé, fixé, pesé ! Quelle alimentation pour quelle agriculture ? Avec combien de paysans ? Répartis où ? Sans ce cadre-là, sans cette vision politique à long terme, Emmanuel Besnier, PDG de Lactalis, poursuivra son ascension dans la hiérarchie des familles les plus fortunées de France. Nous continuerons à voir des régions entières se désertifier, perdre leurs paysans et les services publics induits. Nous verrons de plus en plus s’étendre des zones « nitrate ». La machine à concentrer va trouver là un nouvel essor. Stéphane Le Foll au 67e Congrès de la Fnsea, à Troyes, en 2013. En février 2015, à deux jours de l’ouverture du Salon de l’agriculture, le ministre affirmait dans une interview à l’AFP que l’on ne pouvait pas se passer de l’agriculture industrielle, avant de recevoir une délégation de la Fnsea et annoncer des mesures destinées à « alléger les normes environnementales ». Des usines donc… Pour « fabriquer », « manufacturer » des aliments, « produire » à la chaîne l’alimentation des citoyens. Des usines avec des animaux « machines » et des paysans ouvriers spécialisés. Ça va faire rêver ça… Faire rêver les citoyens qui, lors de chaque crise de défiance (vache folle, lasagnes), cherchent à identifier qui est leur producteur, à aller voir comment nous produisons ce que nous leur proposons de manger. Faire rêver les jeunes qui peu à peu se détournent de notre métier, et vont pointer à l’usine en se disant « paysan », assuré que la crise des vocations est réglée. Faire rêver Xavier Beulin et consorts, d’Avril à Sofiprotéol, qui vont injecter de l’argent dans ce délire, et en tirer moult profits et bénéfices en faisant des économies d’échelle. C’est-àdire en détruisant de l’emploi paysan. Une nouvelle fois, il y a déficit de vision à long terme, il y a erreur de diagnostic. On préfère gérer les conséquences plutôt que de s’attaquer aux causes. De nombreux citoyens, déjà, se lèvent et se mettent en marche pour arrêter cette dérive industrielle de l’agriculture. De nombreuses réunions publiques se tiennent, des salles pleines à craquer, pour s’informer et lutter, se réapproprier la question alimentaire. Nous devons, à la Confédération paysanne, coordonner ces luttes, les éclairer de notre VIII \ Campagnes solidaires • N° 305 avril 2015 analyse, faire comprendre aux paysans qu’une nouvelle fois, ce seront eux les premiers sacrifiés sur l’autel de l’appétit sans fin des multinationales et des industriels d’amont et d’aval qui viennent imposer leur diktat dans nos fermes. De nombreuses actions vont avoir lieu, des actions citoyennes que nous accompagnerons. Mais en parallèle, il nous faut plus que jamais nous battre pour que notre projet d’agriculture paysanne soit mis sur le devant de la scène. Sans relâche, nous devons porter au-devant des politiques, citoyens et paysans, la seule issue possible pour s’attaquer enfin aux causes du mal. Nous devons dénoncer le système dans lequel on enferme les producteurs, nous avons obligation de convaincre, de fédérer et de mettre en place sur nos fermes l’agriculture paysanne. Il y a urgence à résister, nous devons agir pour démonter cet envahissement de notre métier. Refusons, sereinement mais fermement, cette dérive. La Confédération paysanne a posé le débat et nul aujourd’hui ne peut ignorer le risque imminent. Je trouve plutôt pathétique de les voir, les uns ou les autres, tenter de justifier cette injustifiable dérive. Charge à nous de continuer le combat et de le gagner. Et c’est largement possible ! n Laurent Pinatel, porte-parole de la Confédération paysanne CS 305.qxd:CS actu 245.qxd 26/03/15 8:53 Page 13 Points de vue Les beaux parleurs ne sont pas les payeurs Dans les campagnes, on entend de beaux discours, bien libéraux. Les beaux parleurs vantent le modèle libéral que chaque jour, pourtant, nous subissons. Par Claude Bâcle, paysan dans l’Orne. demie sans qu’aucune personne ne s’endorme, très rare en de telles circonstances. Il affirme en gros: « Vous avez de la chance, la production agricole a de l’avenir avec l’augmentation de la demande mondiale. Bien sûr, il y aura des crises, vous allez en baver, beaucoup disparaîtront… ». Mais avec un savant dosage de flatteries (« Vous être de bons producteurs »), d’attaques contre les « contraintes environnementales » et les « anti-tout », il réussit à se faire applaudir pendant de longues minutes (de trop longues minutes, à mon point de vue). Il est contre la relocalisation de l’économie, la production doit s’internationaliser. La grève du lait en 2009 fut une véritable conne- caractérisée par une production hors sol bien intégrée dans la filière, avec une quantité produite et un coût régulier tout au long de l’année, une productivité importante du travail (un million de litres par actif !). Mais pour quel résultat : trois fois plus de volume de production par éleveur mais trois fois a mode du moment: les discours très moins de revenu que le producteur français! libéraux diffusés par des économistes Nous ne voulons pas devenir des tâchebeaux parleurs à la solde de l’agrobusiness. rons de l’agroalimentaire et être la variable Ils veulent nous faire croire que notre agriculd’ajustement de leurs profits. Ces discours ture va nourrir le monde, alors que l’Europe, sont relayés par les responsables de nos plus à titre d’exemple, exportait en 2010 la progrosses coopératives agricoles, par des diriduction de 2,2 millions d’hectares de blé mais geants de la Fnsea dont le président est à importait l’équivalent de 17 millions d’hectares la fois leader syndical et président d’un de soja et 7 millions d’hectares d’autres oléagifonds d’investissement et d’un empire agroindustriel. Leurs objectifs sont toujours l’augmentation des volumes de productions pour se positionner sur un marché mondial de produits basiques, hautement spéculatif, qui ne représente que quelques pourcents de la production mondiale. Les cours peuvent varier du simple au double : les conséquences sont dramatiques pour les paysans. Ces gens-là ne peuvent plus se prétendre être les défenseurs du monde paysan, mais bien des complices de sa disparition. À l’inverse, la Confédération paysanne dénonce l’industrialisation de l’agriculture ; la lutte contre la ferme-usine des mille vaches Élevage de poulets en Bretagne : la France exporte 30 % de sa production bas de gamme mais importe 40 % de ses besoins en est le symbole. L’exemple d’une qualité supérieure. de la volaille bretonne est neux pour nourrir surtout ses élevages. Ces éco- rie. Les prairies, ce n’est pas assez produc- vraiment un désastre : la filière s’est tournomistes sont à la botte de l’agro-industrie et tif, il faut augmenter la productivité à l’hec- née vers la production de poulets bas de de son commerce. Sous le prétexte de la sacro- tare et celle du travail. Il est contre le « frein » gamme (1,8 kg) pour l’export subvensainte compétitivité, ils poussent à la spéciali- environnemental, contre les adeptes de la tionné, au détriment du marché intérieur sation des exploitations et à l’industrialisation décroissance comme il appelle les oppo- qui demande du poulet de 2,4 kg. Résulde la production, rendant les paysans com- sants au barrage de Sivens, alors que pen- tat : la France exporte 30 % de sa producplètement dépendants de l’agrofourniture. dant ce temps en Australie on fait des bar- tion bas de gamme mais importe 40 % de Lors d’une assemblée générale de coopé- rages de 1 000 hectares pour irriguer les ses besoins d’une qualité supérieure. Un rative, fin 2014, Vincent Chatellier, éco- terres. Les aides Pac diminueront à l’hectare, comble pour un pays réputé pour son excelnomiste de l’Inra, était de passage dans le mais avec la restructuration et l’agrandisse- lence gastronomique ! La production porPerche Ornais. Ayant lu son analyse de ment, elles augmenteront par exploitation. cine dont la profession, par le biais de ses l’évolution de la filière laitière dans le jour- Il affirme que les aides Pac, « c’est diminuer groupements de producteurs, contrôle la nal L’Express, avec un discours très pro- le budget alimentaire de nos concitoyens », commercialisation de 97 % de la producductiviste insensible à la disparition des alors qu’il consacre l’ensemble de son exposé tion est, elle, en crise quasi permanente. fermes, j’ai décidé de m’y rendre. Je n’ai pas à la conquête des marchés mondiaux… Devons-nous encore faire confiance à ces été déçu. Pour un beau parleur, c’est vraiEn production laitière, il cite en exemple donneurs de leçons ? La réponse est ment le top : un exposé d’une heure et le système danois pour son organisation « NON » ! n L Campagnes solidaires • N° 305 avril 2015 / 13 CS 305.qxd:CS actu 245.qxd 26/03/15 8:53 Page 14 Social « Une main-d’œuvre qui arrive rapidement, toujours disponible le dimanche » Dans les exploitations fruitières et légumières intensives du Lot-et-Garonne, les exploitants agricoles, souvent adhérents ou proches de la Coordination rurale, font de l’emploi de travailleurs saisonniers migrants une variable d’ajustement pour la compétitivité de leurs entreprises. gère, le nombre de contrats OMI baisse dans les années quatre-vingt. Mais lorsque la Coordination rurale arrive à la tête de la chambre d’agriculture départementale en 2001, « les agriculteurs, plus terre à terre que presse-papiers, s’organisent pour obtenir le pouvoir de négociation », relate le président de l’Asemaa. Près d’un tiers des salariés agricoles du Lot-et-Garonne est de nationalité étrangère Un accord passé par la chambre favorise le recours à des travailleurs polonais. Les chiffres explosent : entre 2001 et 2007, le nombre de Polonais passe de 92 à 982, près de 3 000 « premières introductions » sont accordées au total. En 2000, 30 employeurs signaient des « contrats OMI », ils sont 312 en 2005. Aujourd’hui, près d’un tiers des salariés agricoles du département est de nationalité étrangère. L’embauche est d’autant plus facile qu’il n’y a plus besoin d’autorisation de travail pour les ressortissants communautaires. Elle s’appuie sur des réseaux informels : des travailleurs jouent le rôle d’intermédiaire pour répondre aux besoins de leurs employeurs en faisant venir des parents ou des amis. Les candidats sont nombreux : au chômage, même diplômés, ils désirent s’installer en France, attirés par la perspective d’un meilleur niveau de vie, ou sont prêts à faire des allers-retours chaque année pour toucher des salaires français. En apparence un système « gagnantgagnant » : niveau de salaire pour qualité de la main-d’œuvre, les intérêts se rencontrent, la demande de travail s’accorde à une offre. En mai 2013, la Coordination rurale organise une manifestation contre l’augmentation des charges, les complications administratives, et surtout « le harcèlement sur le terrain par l’Inspection du travail », institution qui fait l’objet d’une haine ouvertement affichée 14 \ Campagnes solidaires • N° 305 avril 2015 Photo : Nicolas César / La Croix S ur les hauteurs de Sainte-Livrade, dans le Lot-et-Garonne, nous découvrons de larges surfaces de serres, des bâtiments servant à entreposer le matériel agricole, deux mobil-homes dernier cri et plusieurs maisonnettes. Le bureau de l’exploitant agricole est précédé par une grande salle de réunion dans laquelle résonnent des échos en polonais. Une dizaine de jeunes ouvriers se retrouve là après une longue journée de travail dans les serres. Sur un mur, des panneaux affichent des documents, tous traduits en langue polonaise. Les travailleurs s’éclipsent quand arrive le président de l’Association syndicale des employeurs de main-d’œuvre agricole en Aquitaine (Asemaa), 250 adhérents. Luimême embauche selon la saison entre vingt et cinquante Polonais sur son exploitation de fraises hors sol, qui devrait doubler son volume d’ici 2016, passant de 200 à 400 tonnes de production. Il n’a presque jamais travaillé avec des Français : « Les demandeurs d’emploi – on ne peut même pas les appeler comme ça, bref, les chômeurs – ne veulent pas travailler dans l’agriculture. » L’Asemaa est très proche de la Coordination rurale, principal syndicat du département. Les deux organisations insistent sur l’emploi nécessaire d’une main-d’œuvre rentable, « des gens qui ont faim et qui veulent travailler ». Le recours à des travailleurs étrangers pour les besoins agricoles du département n’est pas un phénomène nouveau : Italiens dans les années 1920, rapatriés indochinois et algériens dans les années cinquante et soixante, Espagnols, Portugais et Marocains venus par le biais des contrats d’introduction de l’Office des migrations internationales (OMI), aujourd’hui remplacée par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). Avec l’entrée de l’Espagne et du Portugal dans l’Union européenne, et du fait de politiques migratoires nationales visant à limiter l’introduction de main-d’œuvre étran- et promue par le syndicat. Le dossier qu’elle publie à cette occasion mentionne qu’« en agriculture, nous avons les salaires les plus hauts d’Europe. Nos salariés le savent, sont heureux, et reviennent chaque année ». Cette supposée convergence d’intérêts masque les rapports d’exploitation que permet un modèle d’agriculture industrielle et concurrentielle. Pour le président de l’Asemaa, qui loge ses employés polonais sur l’exploitation en ne retenant que les charges d’eau et d’électricité, « c’est une bouffée d’oxygène, cette main-d’œuvre qui arrive rapidement et qui est toujours disponible le dimanche ». D’après les témoignages recueillis, l’emploi sans contrat de travail est bien répandu. S’il peut résulter d’un accord tacite entre employeur et salarié, il prive celui-ci de ses droits et de toute protection. Lorsqu’un contrat de travail existe, les formes particulières proposées instaurent une relation biaisée, un pouvoir s’instaure de fait sur le salarié. Ainsi, rien n’empêche un employeur de signer plusieurs contrats saisonniers successifs, il y CS 305.qxd:CS actu 245.qxd 26/03/15 8:53 Page 15 Social Travailleuses polonaises dans une serre de fraisiers en Lot-et-Garonne : en 2012, environ 1 500 Polonais travaillaient dans le département, notamment 700 dans le secteur de la fraise. est même encouragé en bénéficiant d’exonérations. Ces contrats peuvent être non renouvelés, ou rompus aisément par l’employeur, puisqu’ils ne fixent pas précisément de date de terme. ` Des travailleurs qui cotisent sans pour autant bénéficier de droits sociaux Quant au contrat OFII, il est toujours en vigueur même si les politiques migratoires nationales sont officiellement orientées vers la fermeture des frontières et l’arrêt de l’immigration du travail. En 2013, 600 Marocains étaient employés en Lot-et-Garonne par le biais de ce dispositif. La régularité et la durée du séjour sont étroitement liées au contrat de travail, qui ne peut excéder six mois afin que la résidence principale reste établie hors de France. Cela empêche les travailleurs de bénéficier de nombre de droits sociaux (allocations chômage, CMU…), alors qu’ils versent des cotisations de la même manière que les autres salariés. À la fin du contrat, ils doivent retourner au Maroc et pointer au bureau de l’OFII s’ils veulent espérer revenir l’année suivante. Cette possibilité dépend uniquement de la décision de l’employeur, ce qui constitue un moyen de pression considérable durant la période travaillée en France. Dans ce cadre, les abus ne peuvent être qu’encouragés, d’autant plus que les dénonciations sont peu nombreuses. Quelques affaires ont porté des employeurs devant les tribunaux : ils ont été notamment condamnés à verser à leurs salariés polonais et marocains le paiement d’heures supplémentaires dues. En 2013, un intermédiaire portugais a été jugé par le tribunal correctionnel d’Agen pour avoir logé des compatriotes dans des conditions indignes, et retenu une part disproportionnée sur leur salaire qui lui était directement versé par l’agriculteur. Mais plusieurs fois, des travailleurs se sont rétractés avant ou durant une audience, au vu de ce qui pouvait leur en coûter. De plus, le peu de poursuites engagées et le faible écho médiatique détournent l’esprit des consommateurs – statut qui remplace celui de citoyen quand l’attention et l’intérêt des personnes portent en priorité sur le « pouvoir d’achat ». Encouragés par la publicité et les pratiques de la grande distribution qui prônent des prix toujours plus bas, masquent l’origine des produits et les conditions sociales de production, ceux-ci se sentent peu concernés dès lors que les conséquences des abus en agriculture dépassent le cadre de leur santé personnelle. En dix ans, le Lot-et-Garonne a perdu le quart de ses exploitations agricoles, et le quart de l’emploi dans ce secteur. La survie de quelques-uns et leurs bénéfices (« nous, on gagne bien notre vie, on n’a pas de problème ») passent par la concentration et l’agrandissement des exploitations, la recherche de compétitivité par les prix pour s’imposer sur un marché européen voire mondial, et l’écrasement des coûts de production. Le travail – perçu comme une charge et non comme créateur de valeur ajoutée – doit constituer une variable d’ajustement. Contrairement à la population locale, les saisonniers étrangers venus vendre leur force de travail en France acceptent les conditions qui leur sont offertes parce qu’ils sont convaincus qu’il s’agit là d’une période temporaire (« le passage obligé par les champs avant la belle vie en France », selon un témoignage recueilli par un représentant syndical). Ce modèle base sa force sur une convergence d’intérêts illusoire, qui rend toute mobilisation individuelle et collective impossible – alors que les spécificités du secteur agricole, le statut de saisonnier et celui d’étranger, constituent déjà des obstacles de poids. Les Polonais continueront donc à ramasser les fraises de Sainte-Livrade-sur-Lot, les Marocains les pommes de Port-SainteMarie. Si les frontières n’entravent plus la circulation des fruits et légumes ni celle de la main-d’œuvre, des barrières empêchent toujours l’accès au droit pour les travailleurs migrants saisonniers. n Mikele Dumaz, mission « Travailleurs migrants saisonniers » en Aquitaine, volontaire pour la Confédération paysanne pour le programme « Échanges et partenariats » en 2015 emi-cfd.com/echanges-partenariats Campagnes solidaires • N° 305 avril 2015 / 15 CS 305.qxd:CS actu 245.qxd 26/03/15 8:53 Page 16 Initiative Pays Basque « Beaucoup de paysans se sentent comme à la maison, en confiance, à EHLG » Euskal Herriko Laborantza Ganbara (EHLG) a dix ans. Un de ses fondateurs, Michel Berhocoirigoin, a été jusqu’en janvier le premier président de cette « chambre » au service de l’agriculture paysanne et du Pays Basque qui accueille ce mois d’avril le congrès de la Confédération paysanne (1). EHLG a fêté ses dix ans en janvier. Si tu devais retenir deux ou trois événements, lesquels seraient-ils ? La création d’Euskal Herriko Laborantza Ganbara, le 15 janvier 2005, reste un jour de rêve. Un de ceux qui ne se réalisent que très rarement. Si l’on se replace dans le contexte de l’époque, avec la forte pression qui nous entourait, avec les menaces qui planaient déjà, avec l’incroyable affluence de ce jourlà, sans aucun artifice, ELB (le syndicat basque membre de la Confédération paysanne, NDLR) a donné naissance à EHLG à l’occasion d’une assemblée pleine d’émotion! Je garde aussi en mémoire le 29 janvier 2009, jour du procès à Bayonne (voir encadré). Cette journée avait eu un énorme écho, une foule impressionnante s’était réunie, et moi je sentais un poids énorme sur moi : je n’avais pas le droit de faire le moindre faux pas par égard aux milliers de personnes qui nous soutenaient, qu’ils soient paysans ou non ; j’étais sans filet, seul, à côté de tant de gens… Mais vu l’issue, je n’en garde que les bons souvenirs ! Le troisième fait que je retiens donne du sens et de la valeur aux deux premiers cités, c’est le travail quotidien d’EHLG: de plus en plus de paysans, qu’ils soient d’ELB ou pas, utilisent nos services ou viennent aux animations que nous organisons. Il en est de même de la part des communautés de communes ou d’autres organismes et collectivités. territoires. Il ne veut pas de changements structurels issus d’initiatives locales. Au lieu de nous faire front comme un âne, pourquoi l’État ne nous a-t-il pas laissé le droit à l’expérimentation, la possibilité d’imaginer une nouvelle formule de chambre d’agriculture, qui serait aussi profitable à d’autres territoires, qui apporterait un renouveau salutaire aux chambres officielles, toujours plus bureaucratiques et éloignées des paysans ? Malheureusement, il est atteint de maladie incurable à ce niveau. EHLG est devenue une structure conséquente. Qu’a-t-elle apporté aux paysans ? Oui, c’est une structure conséquente avec 15 équivalents temps plein et 750000 euros de budget (cf. CS n° 277). Elle a apporté de la proximité dans le quotidien des paysans, géographiquement, mais aussi professionnellement. Beaucoup de paysans se sentent comme à la maison à EHLG, en confiance, compris… C’est très important ! Nous faisons progresser certaines idées, comme le fait que le respect de l’environnement et l’activité économique se marient bien. Je rappelle que le premier chantier sur lequel nous avons travaillé, il y a presque dix ans, était celui de Natura 2000, en montrant comment l’économique et l’environnement pouvaient être alliés. Nous avons été les premiers à casser un Aujourd’hui, l’existence d’EHLG s’est normalisée (une convention sera même signée cette année avec la chambre d’agriculture des Pyrénées-Atlantiques). Pourtant les procès et les luttes sont encore dans nos mémoires. La mise en place de n’importe quelle alternative en Pays Basque doit-elle inévitablement passer par une situation de conflit ? La position de l’État est incompréhensible… Il est effrayé par toute initiative qui modifierait un tant soit peu le cadre qu’il a fixé! L’État ne veut pas laisser au Pays Basque le moindre espace dans lequel nous pourrions mettre en place des compétences ou une quelconque organisation, et il ne veut pas non plus que le Pays Basque puisse être un modèle ou servir d’exemple pour d’autres 16 \ Campagnes solidaires • N° 305 avril 2015 tabou, alors que les positions démagogiques tenues par la chambre de Pau et certains élus étaient très dures contre ces mesures. Depuis de l’eau a coulé sous les ponts. Les premières aides liées à Natura 2000 octroyées en Pays Basque l’ont été dans les secteurs que nous avons animés. Nous menons également un important travail de développement de l’agriculture paysanne, en montrant des exemples, en dispensant des formations, en menant des expériences. Le bras de fer est dur entre les modèles agricoles industriels et paysans. Nous savons qui pousse dans quel sens. Nous faisons partie de ceux qui poussent, aux côtés d’autres, en faveur de l’agriculture paysanne et durable, en expliquant que la rotation vaut mieux que la monoculture, qu’il faut faire attention au niveau d’investissement, en montrant comment aller vers l’autonomie, les systèmes à l’herbe, la production de protéines, etc. Nous sommes aussi partie prenante d’une dizaine de démarches de qualité : la viande Herriko, le blé panifiable Herriko (cf. CS n° 301), la cerise d’Itxassou, l’huile fermière (cf.p.19), etc. Tout cela a des conséquences positives pour l’agriculture du Pays Basque. Que manque-t-il encore à EHLG ? Nous couvrons la plupart des secteurs agricoles. Volontairement, nous 10 ans d’existence, dont 5 de combat pour cette existence Longtemps, les spécificités du Pays Basque ne trouvent que peu d’écho au sein de la chambre d’agriculture des Pyrénées Atlantiques, à Pau. Une chambre propre au Pays Basque apparaît comme une évidence. En janvier 2005, le syndicat agricole ELB, membre de la Confédération paysanne, décide de le créer, au format associatif. Dès les semaines suivantes se mettra en place la contre-offensive de l’État français qui était, jusque-là, resté sourd face à cette revendication. Blocage de subventions, menaces auprès des élu-e-s, annulation de conventions… et enfin en 2008, dépôt de plainte du préfet contre EHLG. En janvier 2009, le tribunal de Bayonne rejette la plainte préfectorale et relaxe l’association. Cette décision sera renouvelée en appel, à Pau, le 18 février 2010. Pendant tout ce temps, le soutien à EHLG ne cesse de s’élargir et dépasse largement le territoire du Pays Basque. Aujourd’hui, EHLG poursuit son travail auprès des paysan-ne-s du Pays Basque Nord. Mais si Laborantxa Ganbara est, sans nul doute, une structure efficace et nécessaire, on peut encore regretter le blocage de la France qui refuse, encore aujourd’hui, d’accorder une chambre d’agriculture officielle, alors même que sa nécessité a été maintes fois démontrée par les nombreuses actions de l’association Euskal Herriko Laborantxa Ganbara. Site officiel de EHLG : www.ehlgbai.org Source : www.batera.info CS 305.qxd:CS actu 245.qxd 26/03/15 8:54 Page 17 Initiative Le 26 mars 2009, le tribunal de grande instance de Bayonne relaxe EHLG et son président, Michel Berhocoirigoin, accusés par le préfet des Pyrénées-Atlantiques, représentant de l’État français, « d’usage illicite de l’appellation chambre d’agriculture » et de mener une activité « dans des conditions créant la confusion avec une fonction publique de chambre d’agriculture départementale ». n’agissons pas directement dans le champ de l’agriculture biologique ou de la production fermière, les associations BLE et Idoki faisant un travail efficace dans ces domaines, dans l’esprit de l’agriculture paysanne. Plutôt que de doubler le service, il vaut mieux travailler en partenariat. Nous devons encore renforcer quelques secteurs au vu des sollicitations que nous avons, en élevage par exemple, mais nous ne sommes pas loin de notre régime de croisière ! Enfin, nous devons veiller à toujours respecter l’esprit et les objectifs de départ. Comment vois-tu l’avenir de l’agriculture basque ? Le défi principal que nous avons est de prouver qu’une agriculture avec des pay- sans nombreux est possible aujourd’hui et à long terme aussi. Si nous n’en sommes pas capables, le résultat de toutes nos luttes sera, au final, qu’il nous arrivera la même chose qu’ailleurs mais avec un décalage de 20 ou 30 ans. Je pense qu’avec la force et toutes les dynamiques de l’agriculture du Pays Basque, au niveau syndical comme au niveau économique ou du développement agricole, nous pouvons préserver cette agriculture à laquelle nous aspirons pendant encore longtemps. Je le répète, la clé est dans le fait d’être nombreux : pour donner envie de s’installer, pour conserver de la vie dans tous nos coins de territoire, pour garder de la solidarité, de la culture, du moral, pour préserver notre environnement et nos beaux paysages. Ce n’est pas gagné, mais je veux croire que l’agriculture de demain est sur ce chemin… Après trente ans de syndicalisme (2) et dix ans passés dans le développement agricole, tu quittes la présidence d’EHLG. Est-ce l’heure de la retraite d’une vie militante riche et sans doute éprouvante aussi ? Une page se tourne, mais je ne pense pas à la retraite. Je vais continuer d’être membre du bureau d’EHLG encore un peu, après on verra… En agriculture, toujours au service des mêmes objectifs, il y a de quoi faire, même si c’est d’une autre façon… J’ai encore des idées qui tournent dans la tête ! n Propos recueillis par Maritxu Lopepe, journaliste à Laborari, hebdomadaire d’ELB, syndicat basque adhérent de la Confédération paysanne (1) Les 22 et 23 avril, à Garazi (Saint-Jean-Pied-de-Port). (2) Michel Berhocoirigoin a été secrétaire général de la Confédération paysanne dans les années 1990. Une coprésidence en relais Michel Berhocoirigoin (à droite) passe la main à Francis Poineau et Beñat Molimos Le 20 février, deux coprésidents ont été choisis à la tête d’EHLG, pour « alléger le travail » : « Nous touchons à beaucoup de domaines et le temps est essentiel pour assurer les charges », rappellent les membres du bureau de l’association qui emploie quinze salariés à ce jour. Ce sont donc Francis Poineau et Beñat Milimos qui succèdent à Michel Berhocoirigoin. Le premier, ancien secrétaire national de la Confédération paysanne, est berger-fromager à Moncayole et Larrau, membre du bureau et trésorier depuis 2005. Le second est paysan à Bunus, membre du bureau depuis 2007. Campagnes solidaires • N° 305 avril 2015 / 17 CS 305.qxd:CS actu 245.qxd 26/03/15 8:54 Page 18 Agriculture paysanne Pays Basque Les pigeons de Kanderatzea Natxo Angulo est installé à la ferme Kanderatzea, près de Tardets, où il élève des pigeons dans de grandes volières. Les pigeonneaux sont vendus dans des restaurants et directement aux consommateurs. Peux-tu présenter ta ferme et nous 14 pigeonneaux par an ; en dessous de 11, commencé par le bouche à oreille. On a vite raconter le début de ton activité ? il vaut mieux changer de couple. On va trouvé des restaurateurs dans une démarche Depuis trois ans, avec l’aide de ma com- commencer à sélectionner les meilleurs et d’approvisionnement local. Depuis bientôt pagne, j’élève 160 couples de pigeons dans chercher à faire des échanges avec d’autres deux ans, nous faisons les marchés de Mauun bâtiment coupé en huit volières spa- éleveurs afin notamment d’éviter la consan- léon et d’Oloron, tous les 15 jours. Les cieuses, de 10 m3 pour 20 couples. Les guinité. clients viennent aussi directement à la pigeons profitent de la lumière et de la Les pigeons demandent des soins ferme. température naturelles. Avant, nous étions particuliers ? Avec sa viande tendre et fine, le pigeondéjà locataires de Kanderatzea, mais nous Il faut s’en occuper tous les jours. Nous neau est un produit festif. Nous vendons n’étions pas agriculteurs, nous nous occu- leur laissons à manger à volonté, une nour- le pigeonneau de 450-500 grammes à pions juste de l’entretien du parc. riture composée à 85 % de maïs garanti non 6,50 euros, à partir de 500 grammes à Suite à un licenciement économique, OGM, 10 % de protéiniques (tourteau de 7 euros. j’avais envie de changer de métier. Je soja ou luzerne) et de sels minéraux. Pour connaissais le monde paysan Vivez-vous à deux de cette grâce à des amis agriculteurs et activité ? Idoki, en tant que consommaNon. Maitena travaille à l’exteur (1). Les méthodes d’élevage térieur. Je ne suis encore que des producteurs fermiers Idoki, cotisant solidaire. Pour être sur des fermes à taille humaine reconnu chef d’exploitation, il et dans le respect du bien-être faudrait avoir 1 200 couples, des animaux et de l’environ600 couples pour une deminement, me correspondaient. SMI (3). On nous pousse à être Un jour, en observant mes des industriels. Il manque une pigeons offerts par un pépé qui reconnaissance des petits pron’arrivait plus à s’en occuper, ducteurs. Niveau qualité et j’ai eu l’idée de demander à environnement, il vaut pourIdoki s’il existait des éleveurs tant mieux plus de petits prode pigeonneaux parmi leurs ducteurs qu’un gros. Aujourproducteurs. Je me suis alors d’hui, mon salaire correspond mis en relation avec l’unique à un demi-Smic. On aimerait éleveuse du réseau, Claudette arriver à 300 couples d’ici Damestoy. Elle m’a motivé pour quelques années afin de dégame lancer et me fait encore parger un salaire correct, tout en tager ses 30 années d’expérestant à taille humaine. Nous rience. Idoki et l’Afog (2) m’ont Natxo Angulo : « On nous pousse à être des industriels. Il manque une reconnaissance allons développer l’élevage proégalement apporté des outils, des petits producteurs. » gressivement, en fonction de des formations. Sans leur aide, la demande et du contexte écoje n’aurais pas été capable de me lancer. 20 couples, il faut 25 kg de maïs par nomique. En 2014, les ventes ont augsemaine. Nous sommes à la recherche de menté, nous nous sommes retrouvés en Quelles sont les caractéristiques 2 ou 2,5 hectares de terres pour produire rupture en fin d’année. de l’élevage ? nos céréales, actuellement nous nous fourD’autres pourraient se lancer, dans la Claudette m’a donné 20 couples pour nissons localement. même démarche. Claudette a pris sa retraite essayer. Au bout de deux mois, je suis passé Il faut être rigoureux sur l’hygiène pour j’étais un temps le seul producteur de à 160. Les couples se font pour toute leur éviter des maladies telles la salmonellose. pigeons au Pays Basque. Depuis, une autre vie. Chacun a deux nids. La femelle pond Dès que l’on sort les petits, il faut changer éleveuse a aussi choisi cet élevage. À pluun ou deux œufs qui éclosent 18 jours les nids. Les adultes refont eux-mêmes leur sieurs, on peut s’aider, se conseiller. Je suis plus tard. Au bout de 8 à 10 jours, elle va nid avec de la paille fraîche mélangée à prêt à partager mon expérience avec quelpondre dans un second nid. Les deux leur fiente. À travers des caillebotis, les qu’un qui voudrait se lancer, tout comme parents se relaient pour couver les œufs et autres fientes tombent sur des bâches, net- Claudette l’a fait avec moi. n nourrir les petits avec le lait de leur jabot. toyées chaque semaine. Source : Maritxu Lopepe, dans Laborari (n° 1096), Ils les nourrissent ainsi jusqu’à 20 -25 jours. hebdomadaire d’ELB, syndicat basque adhérent On tue les pigeonneaux à l’âge de Comment sont vendus les pigeons ? de la Confédération paysanne 25-30 jours. On garde les couples environ Dans notre salle d’abattage, nous tuons (1) Association de producteurs fermiers du Pays Basque. trois ou quatre ans, au-delà ils sont moins chaque année 2300-2400 pigeonneaux (2) Association de formation collective à la gestion. productifs. Un couple produit environ pour les vendre prêts à cuire. La vente a (3) Surface minimum d’installation. 18 \ Campagnes solidaires • N° 305 avril 2015 CS 305.qxd:CS actu 245.qxd 26/03/15 8:54 Page 19 Agriculture paysanne Pays Basque Le tourteau et l’huile de Nouste Ekilili Jean-Jacques Prebendé cultive du tournesol depuis sept ans après avoir abandonné le maïs semence. Le tourteau produit nourrit ses vaches et une partie de l’huile fait carburer son tracteur. En 2014, lui et ses collègues de la coopérative Nouste Ekilili ont lancé l’huile fermière alimentaire. Peux-tu nous présenter ta ferme ? Elle se situe à Gabat, près de SaintPalais. Je dispose de 42 hectares dont 11,5 ha de maïs et 4 ha de tournesol. Le reste est constitué de prairies. J’élève des vaches allaitantes : 47 mères et 30 génisses. Je commercialise un tiers en vente directe, qu’il s’agisse de veaux (au total une quinzaine par an) ou de vaches (huit par an). J’engraisse toutes les vaches, que je les vende en colis ou au négociant. réalisé une étude de marché, en faisant le tour des collèges, des restaurants, des maisons de retraite… En octobre, nous sommes passés dans trois ou quatre collèges. Tout le monde s’accorde à dire que notre huile est très bonne, qu’elle a du goût, car l’huile du commerce est désodorisée chimiquement. Nous avons signé le premier contrat avec le lycée de Navarre (Saint-JeanPied-de-Port) qui nous prend 350 litres. Nous faisons aussi le tour de certains magasins pour la vente aux particuliers (2). Comment t’es-tu mis à cultiver du tournesol ? Jusqu’en 2007, je produisais du maïs semence. Cette année-là, nous avions mené une lutte contre la coopérative à cause du prix. J’avais alors abandonné le maïs semence, l’irrigation aussi. Des essais de colza et de tournesol venaient de démarrer avec EHLG (1). La possibilité de produire du tourteau pour les vaches m’a incité à me lancer. Que t’a apporté cette culture ? J’ai du tourteau à la maison, même si je dois encore en acheter un peu car j’engraisse 12 à 15 vaches par an. L’avantage du tourteau fermier est qu’en plus, on sait comment il est produit. Ceux qui vendent du tourteau fermier le vendent à 300 euros la tonne, plus ou moins le prix Jean-Jacques Prebendé : « Tout le monde s’accorde à dire que notre huile est du marché actuellement Les terres très bonne, qu’elle a du goût, car l’huile du commerce est désodorisée chisont en meilleur état, je fais davanmiquement. » tage de rotations. Je fertilise moins, Est-ce une culture difficile à réussir ? La récolte de tournesol génère pour deux le fumier et le lisier de la ferme me suffiPas plus que les autres. On fertilise moins tiers de tourteau et de l’huile pour un tiers. sent. Je fais moins de traitements. Le traque le maïs, le tournesol n’a pas besoin d’être Nous utilisons l’huile pour nos tracteurs, vail a beaucoup diminué en comparaison irrigué, il entre dans une rotation. Il faut à 30 % de mélange avec le gasoil, dans au maïs semence, en particulier l’été. garder le grain propre car nous ne pressons n’importe quel type de moteur. Je conseille aux paysans de s’intéresser à pas tout en même temps, puis surveiller le Comme il y a beaucoup d’huile, nous cette culture, même si au début les voisins pressage. Il y a bien moins de travail qu’en avons cherché des débouchés. Un contrat nous ont pris pour des fous. Ils avaient maïs semence où il faut passer de nom- a été signé pour que les camions de ramas- entendu parler de la production de tourbreuses fois dans la parcelle. sage du syndicat local de traitement des teau, mais pas de l’utilisation de l’huile déchets ménagers utilisent notre huile, dans le tracteur. Aujourd’hui, ils voient mélangée au gasoil. Deux bateaux de pêche que ça marche, qu’on peut vivre sans proLe tourteau est-il facile à utiliser ? Une fois pressé, le produit est prêt à être de Ciboure utilisent aussi notre huile végé- duire de maïs semence. Jusqu’ici le cours consommé par les vaches. Celles-ci le man- tale pure comme carburant, dans le cadre du maïs était haut. Il a baissé. La Pac oblige gent aussi facilement que du tourteau d’un projet européen destiné à réduire l’em- aussi désormais à avoir au moins trois culacheté. Les éleveurs ovins ont remarqué que preinte carbone grâce à un approvision- tures. Peu à peu, les paysans viendront au les brebis aiment beaucoup le tourteau fer- nement en filière courte. Nous avons aussi, colza et au tournesol. Certains nous demanmier (il a 28 % d’azote). Un copain béar- depuis le début, la volonté de produire de dent déjà comment il faut faire… n nais cultive 12 hectares de tournesol et l’huile alimentaire fermière. C’est assez Source : Maritxu Lopepe, dans Laborari (n° 1088), vend toute la production de tourteaux aux compliqué car il faut beaucoup d’analyses, hebdomadaire d’ELB, syndicat basque adhérent les normes sont strictes, il a fallu réunir éleveurs ovins du Pays Basque. de la Confédération paysanne beaucoup d’infos avant de commencer. Nous avons mis en bouteilles d’un litre (1) Chambre d’agriculture alternative du Pays Basque, Travailler en groupe, c’est justement et en bidons de 5 litres notre première cf. p.16. une de vos particularités… Huile de tournesol vendue 4 euros par litre, l’huile de Oui. Nous avons créé la coopérative récolte en 2014, en huiles de colza et de (2) colza à 4,50 euros par litre. Pour les collectivités, le condiNouste Ekilili en 2009, nous sommes une tournesol. La coopérative a acheté la tionnement se fait par 5 litres : 2,50 euros par litre pour vingtaine de paysans basques et du Béarn. machine qu’il faut pour cela. Nous avions l’huile de tournesol, 3 euros par litre pour le colza. Campagnes solidaires • N° 305 avril 2015 / 19 CS 305.qxd:CS actu 245.qxd 26/03/15 8:54 Page 20 Terrain Limousin Le collectif 1 000 voix-Novissen Creuse en lutte contre les usines à viande En décembre 2014, un collectif citoyen s’est constitué contre un projet de centre d’engraissement de 1 000 taurillons sur le plateau de Millevaches, porté avec la société Jean Rozé, filiale d’Intermarché. L ors du passage de la caravane des convergences des luttes vers NotreDame-des-Landes, le 29 juin 2014 à Peyrelevade, la Confédération paysanne du Limousin alerte la population locale du projet de construction d’un atelier d’engraissement de 1 000 veaux, à Saint-Martial-le-Vieux, sur le territoire du Parc naturel régional de Millevaches (PNR). Un collectif citoyen démarre alors sa gestation. Dans les années soixante-dix, les agriculteurs du plateau de Millevaches se spécialisent dans l’élevage des « broutards », jeunes veaux de 7 ou 8 mois élevés sous la mère à l’herbe des prairies. Ces veaux sont destinés à être exportés en Italie. Ils y seront engraissés avec les céréales de la plaine du Pô, et produiront des taurillons à la viande rosée, viande qui n’est pas consommée en France. L’élevage ovin diminue alors fortement, au profit de ces broutards dont l’élevage de plus en plus important, sur des fermes de plus en plus grandes, transforme le paysage du plateau en immenses prairies (nombreuses bruyères ont été défrichées et sont rarissimes) pour faire uniquement du foin (alimentation 6/7 mois de l’année) ; les céréales locales – seigle, avoine, blé noir qui nourrissaient les petits élevages – sont aban- données. Mais l’exportation de ces veaux vers l’Italie est en baisse, de façon inquiétante pour les éleveurs. Sur le camp militaire en reconversion de La Courtine, des éleveurs s’orientent vers un centre d’engraissement de veaux issus du territoire. Fin 2010, ils constituent une société à actions simplifiées, la SAS Alliance Millevaches, et s’associent avec un industriel de la grande distribution, SAS Jean Rozé, qui s’engage à acheter les veaux. Le projet, très gourmand en soutiens financiers publics, inclut la production d’énergie, avec panneaux photovoltaïques et méthaniseur. Promouvoir l’agriculture paysanne En décembre 2014, le collectif d’opposants au projet se constitue, avec comme objectif de promouvoir une agriculture paysanne, autonome, diversifiée et indépendante des lobbies agro-industriels, favorisant la relocalisation de l’agriculture et de l’alimentation. Il se réfère à l’association Novissen (comme « Nos villages se soucient de leur environnement ») qui lutte dans la Somme contre l’usine des mille vaches. Le Collectif 1 000 Voix s’inscrit dans la fédération des luttes contre l’implantation de fermes-usines et autres grands projets inutiles qui conduisent à la désertification des territoires ruraux (1). Il exprime ses positions et arguments : « Les industriels volent l’agriculture aux paysans ! La description catastrophique du contexte économique brossée par la SAS renforce notre inquiétude quant au fiasco financier qui s’annonce pour les éleveurs de broutards. Les Italiens ont de grosses difficultés financières dues à l’augmentation des coûts de production, et la concurrence des élevages industriels des pays de l’Est et du Brésil est redoutable, due à une maind’œuvre peu rémunérée, et des céréales produites sur place. L’incertitude des aides de la Pac à l’engraissement et les futurs accords Tafta accompagnent les éleveurs dans une impasse. L’industrialisation de l’élevage pourrait conduire les éleveurs de broutards vers les mêmes marchés saturés de par l’influence de la grande distribution qui s’approvisionne auprès des marchés les plus bas. » Le plateau de Millevaches a une tradition de résistance. De plus en plus de gens décident de s’installer ici et veulent relever « le défi d’inventer ici une autre vie ». Le collectif veut reprendre le slogan du Parc naturel régional (PNR) (2) en proposant des alternatives à cette industrialisation, afin de préserver la marque PNR qui devrait garantir la qualité exceptionnelle du territoire et de ses produits. La thématique sera discutée aux journées d’été des Amis de la Confédération paysanne (cf. encadré) et à la grande Fête de la montagne limousine (septembre 2015), initiée par les habitants de Tarnac. n # « 1 000 voix – Novissen Creuse » [email protected] (1) avec le soutien d’EELV Limousin, MRJC Limousin, Sources et rivières du Limousin, PCF 23, Attac 23/87, AGRObio 19 et les Confédérations paysannes locales. (2) « Une autre vie s’invente ici ». # Cet été dans le Limousin, les combats paysans se retrouveront dans les assiettes des « Amis de la Conf’ ». Notez la date : nous y reviendrons. Du 16 au 19 juillet, les journées d’été de l’association des AmiEs de la Confédération paysanne se tiendront sur le plateau des Millevaches, à Peyrelevade. Au menu : les alternatives à l’industrialisation de l’agriculture, un enjeu territorial, syndical et citoyen au service du bien commun. Sur le plateau, on débat et on réinvente la démocratie pour vitaliser nos campagnes. Les AmiEs y contribueront à l’heure de la spécialisation, de l’intensification et la financiarisation de l’agriculture par son « bras armé » : le business agroalimentaire. William Élie, Ami de la Confédération paysanne, [email protected] Journées d’été 2013 des AmiEs de la Confédération paysanne, à l’écocamping du Cun, sur le Larzac. D’un plateau l’autre : les journées d’été 2015 se tiendront sur celui de Millevaches, du 16 au 19 juillet. 20 \ Campagnes solidaires • N° 305 avril 2015 A CS 305.qxd:CS actu 245.qxd 26/03/15 8:54 Page 21 Culture Un barrage contre la démocratie A près la mort tragique de Rémi Fraisse, les médias nationaux ont largement relayé le conflit autour du projet de barrage de Sivens, faisant entendre les points de vue à la fois des opposants et des partisans du projet. Le livre de Ben Lefetey apporte des clarifications bienvenues pour comprendre le « dossier » Sivens, du point de vue de l’un des fers de lance du Collectif Testet. Ce qu’on découvre, c’est un processus de prise de décision publique entaché de conflits d’intérêts multiples, de collusions entre élus et milieux d’affaire, de passages en force, de déni de transparence sur les documents administratifs et de refus de considérer les avis des commissions chargées de la protection de la nature et de l’eau. Le rôle de la Compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne, notamment, paraît bien ambigu, qui à la fois étudie la nécessité d’un barrage et devient quelques années plus tard le maître d’œuvre d’un chantier lucratif… # L’auteur montre comment, tous les recours juridiques ayant été tentés en vain pour empêcher le démarrage des travaux, et face à un sentiment immense de déni de justice, les opposants au projet ont décidé de poursuivre la lutte en occupant la zone promise à la destruction, créant ainsi une nouvelle « zone à défendre ». La question du modèle agricole est au cœur du conflit de Sivens : débat sur la répartition des aides publiques, sur les modes de production, ainsi que sur la destination de la production. À côté des quelques producteurs de maïs-semence irrigué destiné à l’export qui profiteraient du barrage, combien de paysans et de paysannes privés de soutien ? On ne s’étonnera donc pas de trouver autour de ce conflit une opposition frontale entre la Fnsea et la Confédération paysanne ! Plus largement, l’étude du « cas » Sivens appelle à une réflexion approfondie et propose des pistes de solutions intéressantes sur la prise de décisions publiques autour des projets d’infrastructures et les procédures de concertation. Un chemin nécessaire pour que le scandale des grands projets inutiles et imposés cesse. n Morgan Ody, paysanne dans le Morbihan Sivens, un barrage contre la démocratie, par Ben Lefetey, préface de José Bové, éditions Les Petits matins, 160 pages, 9,00 euros, parution : 12 mars 2015 NB : Ben Lefetey est porte-parole du Collectif pour la sauvegarde de la zone humide du Testet www.collectif-testet.org S’abonner à Campagnes solidaires, c’est participer à l’émergence d’« autres mondes possibles » Ou avec le bulletin d’abonnement à retourner sous enveloppe timbrée avec votre chèque à l’ordre de Campagnes solidaires au 104, rue Robespierre – 93170 BAGNOLET N° 305 Campagnes solidaires Mensuel de la Confédération paysanne TARIFS : Annuel (11 numéros) : 42 € 6 numéros : 22 € Soutien, collectivité et étranger : 55 € (ou plus) # Nom ______________________________ Prénom __________________________________ Adresse _____________________________________________________________________ Code postal _____________Ville _______________________________________________ Profession_________________________Téléphone ________________________________ Courriel : ____________________________________________________________________ Ou avec le mandat de prélèvements sepa ci-dessous à retourner en y joignant un relevé bancaire (RlB) ou postal (RIP) au 104, rue Robespierre – 93170 BAGNOLET Nom ______________________________Prénom ____________________ Adresse_______________________________________________________ Code postal Ville __________________________________ J’autorise l’établissement teneur de mon compte à effectuer sur ce dernier les prélèvements correspondant à mon abonnement. En cas de litige, je pourrai en faire suspendre l’exécution par simple demande à l’établissement teneur de mon compte. Nom et adresse de l’établissement teneur du compte à débiter: Établissement/Agence _________________________________________ Adresse_______________________________________________________ Code postal _____________Ville_________________________________ Sauf ordre contraire ce virement est d’une durée illimitée. Je vous prie de bien vouloir présenter en faveur de Média Pays sur le compte référence ci-dessous les sommes correspondant à mon abonnement: Fait à...................................... (le 5ème jour du premier mois) Signature : le............................................ Tous les quatre mois r 14 € ou r 18 € Soutien, collectivité et étranger Annuellement r 42 € ou r 55 € Soutien, collectivité et étranger (à la date du renouvellement) IBAN Association bénéficiaire : Média pays – Numéro national d’émetteur : FR96ZZZ492109 BIC Ou sur le site de la Confédération paysanne : www.confederationpaysanne.fr Tél. : 01 43 62 82 82 – [email protected] Les informations contenues dans la présente demande ne seront utilisées que pour les seules nécessités de gestion et pourront donner lieu à l’exercice du droit individuel d’accès aux informations dans les conditions prévues par la délibération N° 80 du 1/4/80 de la CNIL. CS 305.qxd:CS actu 245.qxd 26/03/15 8:54 Page 22 Annonces Les petites annonces sont payantes, sauf celles qui concernent l’emploi, les recherches et propositions d’installation, et toute autre demande à but non lucratif. Tarif : 8,5 € les six lignes + 1,5 € par ligne supplémentaire (30 caractères par ligne). Pour les tarifs publicitaires, contacter : Média Pays – 104, rue Robespierre – 93170 BAGNOLET Tél. : 01 43 62 82 82 Emploi-stages-formation Offres • Corse - Recrute 3 personnes à partir de début septembre pour la cueillette des châtaignes - Si possible sachant manier la débroussailleuse et la tronçonneuse - Durée à déterminer (six mois max) 06 11 09 93 43 • Aveyron: Nous cherchons salarié plein temps (durée 4 mois à partir du 15 avril) au sein d’une production fermière (faible mécanisation) de petits fruits et vaches allaitantes. Compétences souhaitées: bon sens et autonomie - 0674669413 - pascal. [email protected] Demandes • Sud - Exp. + de 20 ans en milieu rural, agriculture en maraîchage bio et activité équestre, je recherche un emploi polyvalent : gîte, table d’hôtes, camping à la ferme, relais équestre, accueil tourisme en milieu rural… - Étudie ttes propositions Régions : Midi-Pyrénées, Lozère, Héraut - 06 73 04 86 10 • Toutes régions - Je suis à la recherche d’un emploi saisonnier en maraîchage à partir d’avril Exp., bonne humeur et motivé, je peux me déplacer partout en France à condition d’être logé ou de pouvoir planter ma tente [email protected] • Montagne - JH ch. poste de saisonnier pour cet été - Exp. travail avec brebis, actuellement formation en chèvrerie en Belgique - Idéalement, poste en haute-montagne où combiner la garde d’un petit troupeau (chèvres, brebis ou mixte) et pourquoi pas une activité de vente et/ou service (chèvrerierefuge) - Suis accompagné d’un chien de travail - Prêt à me déplacer partout en France [email protected] +32479693471 • Toutes régions - Ch. emploi saisonnier pour une durée quelconque (cueillette, plantation…) avec possibilité de logement sur place - Dispo dès avril - Exp. dans ce type de travaux - [email protected] • Toutes régions - Avec exp. travaux saisonniers en maraîchage et récoltes en AB, ch. emploi dès maintenant et pour toute la “saison” 2015 - Autonomie pour logement [email protected] - 0685871699 • Sud - Ch. à travailler ou reprendre une exploitation avicole de préférence - 67 ans, seul, en pleine forme, sportif, j’ai moi-même des volailles sur Cannes - 06 15 47 05 62 Association - installation transmission Offre • Lot-et-Garonne (Nord) - Couple retraité cède (vente ou locationvente) fermette 4 ha en bio depuis 1976 - Vocation cultures maraîchères, petit élevage - Irrigation, bâtiments opérationnels, maison confort avec cinq chambres - 0618995638. • Doubs - Ch. partenaires pour une exploitation collective maraîchage et élevage ovin en bio - Traction asine, petits fruits, vergers, poules, chèvres - Projet militant, écolo, pour personnes expérimentées qui ont envie d’aller au champ (1 km) en vélo - 2,5 ha labourables, tunnels froids + pâtures, vergers et bois - Habitat collectif sur place - 0381841250 [email protected] • Ardèche - Cause retraite, loue expl. Agri., 15 ha, alt. 800 m, en AB Actuellement petits fruits rouges, châtaignes, divers - Dispos: lac collinaire, pompe et réseau pour 2,5 ha, bâtiment agri. 250 m², train de ferme, logement 55 m² - Conditions: tutorat et (ou) pré-installation souhaités, culture en AB sur toutes les surfaces, libre juillet 2016 - 0626451948 [email protected] • Provence - Reprise de ferme en maraîchage - 9 ha, environnement préservé - près de Sisteron - Vente directe - Terrains en location - Possible à plusieurs - 0492651839 (HR) • Bourgogne, limite Centre - Agriculteur offre gratuitement corps de ferme, avec 2 ha et un logement, pour élevage ou maraîchage - Étudie toute proposition - 0632076973 - 0386454381 • Vendée - Ferme à transmettre , à 20 minutes de Nantes - Cession prévue en 2016 - Lait 365000 l., en syst. herbager, 55 ha en 2 lots - Irrigation poss. - Agrandissement ou exploitation d’un seul lot poss. Autres productions poss. (V. A, cultures, etc.) - Parrainage envisageable - 0251419742 • Loire - Ch. associé y compris couple, cause départ à la retraite Entre Lyon et St Étienne, la ferme est un gaec à 3 associés, 50 ha en agri. paysanne (chèvres, porcs, pondeuses, volailles et miel), transfo. et vente directe à la ferme, marchés, magasin collectifs et amap. 0477202311 - 06 99 51 36 31 - 06 58 71 32 05 [email protected] • Allier - Ch. associé - Ferme bio polyculture (50 ha culture) élevage bovins laitiers (55 VL, 350 000 l.), sans transfo. actuellement, deux associés en gaec - 150 ha principalement groupés autour des bâtiments - Pour une reprise progres- sive, avec un statut salarié pendant la période de transition - Départ à la retraite d’un associé prévu dans 5 ans - 06 67 44 82 22 • Aude - A transmettre petite propriété zone montagne, 4 ha, à personnes soucieuses de préserver les ressources naturelles et étrangères à spéculation foncière - Terres sur le relief (2 ha 5 prés, 1 ha bois-landes) + habitation (115 m2 et garage 43 m2). - Peut intéresser projet agrotourisme/petit élevage/productions céréales et transformation/horticulture/aménagement paysager/plaine de jeux de plein air-espaces récréatifs… ou activités complémentaires du voisinage qui sont : viticulture bio, apiculture, viande bio, hébergement tourisme, maraîchage bio, tourisme équestre, fourrage bio [email protected] • Alpes-Maritimes - URGENT : Reprise ferme bio ovin bovin lait, transfo. from., poules pondeuses 1200 m alt., 80 brebis lait, 2 vaches, 400 poules - Vente circuit local Grande maison (288 m2), un bâtiment annexe avec deux grandes pièces (71 m2), une fromagerie (68 m2), une bergerie neuve de 350 m2, salle de traite et un grenier, 2 poulaillers, 52 ha de parcours primés dont 9 ha en propriété + petite estive - Accès par piste de 1,2 km - Ferme jusqu’alors occupée par un collectif de 4 à 7 personnes. -Endroit magnifique et vallée dynamique - Aujourd’hui en bail rural, foncier à la vente [email protected] 0493047065 • Côtes-d’Armor -Cédons ancien corps de ferme en partie écorénové, pouvant servir à projets vie collective, avec de la vente directe - Beaucoup de possibilités, réseau local dynamique - Maison d’habitation 170 m2 (3 ch), plusieurs dépendances, dont studio aménagé indépendant, un hangar 80 m², box stabulation pour chevaux et rond de longe, un labo de transf. 25 m2, et un four à bois - 1 ha de terre, arbres fruitiers, ruisseau, fontaine + champ de 0,8 ha à 100 m de la maison Possibilité rajouter 10 ha à la vente, certifié bio - Calme, à 5 minutes d’une ville avec tous les services Prévoir qq travaux finitions [email protected] • Lot-et-Garonne - A vendre petit terrain en bio, en PPAM, coteau sud - 8 000 m2 cultivés en plantes pérennes - Poss. louer terres à la SCI, en tout 4,5 ha dont 0,5 ha en bois - Pas d’irrigation, mais poss. créer petit lac - 17 000 €(tracteur vendu avec) - [email protected] • Creuse (Bas-Berry) - Ferme d’élevage à reprendre: 73 ha dont 40 % de prairies naturelles avec bon parcellaire - Vastes bâtiments d’exploitation: 2 hangars à fourrage, 3 stabus libres + bâtiments traditionnels en bon état - Maison d’habitation 100 m2 avec chauffage central bois, grenier et potager - Pas de matériel ni troupeau à reprendre, donc toute liberté pour bâtir des projets - Le propriétaire est un GFA familial - Les sept sociétaires souhaitent vendre 370 K€- Projet agri. paysanne autonome exigé, si besoin avec plusieurs porteurs, montage à discuter - Environnement préservé, développement local à bâtir - 06 69 03 61 90 [email protected] • Vaucluse - La Commune de Gargas, propriétaire d’une propriété agricole (17 ha d’un seul tenant) y crée une ou deux expl. et réhabilite le corps de ferme pour le logement des agriculteurs et des logements sociaux - Objectifs: activité agricole respectueuse de l’environnement, créer ou maintenir les habitats « naturels » participant au développement des espèces animales et végétales présentes sur le site ou amenées à s’y installer, réhabiliter les volumes habitables pour y accueillir une population permanente - Possibilité d’une installation d’ici octobre 2015 avril 2016, avec terres + bâtiment d’exploitation + logement - Place pour 2 installations ou un projet collectif - Pas d’élevage - Candidatures avant le 31/4 - Contact : Mylène Maurel, 04 90 04 42 01 [email protected] • Vosges - Petite ferme dans belle vallée ch. un associé avec connaissances en élevage et/ou de maraîchage - Projet: activité maraîchère, support pour de l’accueil sur la ferme, principalement « social » - Qualité, respect de la terre et de ceux qui l’habitent, partage des connaissances et des savoir - faire - Début d’ici peu Si intéressés: [email protected] • Vendée - Ch. candidat(e) à l’installation pour 2017, en prévision de la fusion de deux exploitations (en élevage et céréales bio): - une 140 ha lait et céréales, 2.5 uth (2 associés de 36 et 42 ans et un salarié à mitemps) - une 48 ha céréales, bœufs et accueil à la ferme (2 uth, un départ à la retraite en 2017 à remplacer) - 20 ans de luttes paysannes en Vendée Malbouffe, pollution des sols et des nappes phréatiques, fermes géantes, gaspillage de l’eau, OGM… L’agriculture intensive, productiviste, est au cœur de bien des polémiques actuelles. Dès les années 1970, des jeunes agriculteurs qui se concevaient d’abord comme des travailleurs de la terre, ont lutté contre ces orientations d’industrialisation de l’agriculture et ont montré qu’une autre agriculture était possible. Pour faire entendre leur voix, ils ont rompu avec le syndicalisme corporatif et conservateur de la Fnsea et contribué à fonder l’actuelle Confédération paysanne. C’est le combat inlassable de quelques équipes militantes vendéennes que retrace l’ouvrage de l’historien Jean-Marc Herreng « 20 ans de luttes paysannes en Vendée ». Afin que le livre puisse être édité, le Centre d’Histoire du Travail lance une souscription-préachat: adressez votre chèque de 22 euros au Centre d’Histoire du Travail avant le 20 avril en mentionnant « souscription livre » au dos du chèque : 2 bis boulevard Léon-Bureau – 44200 Nantes – 02 40 08 22 04 – [email protected] 22 \ Campagnes solidaires • N° 305 avril 2015 Candidat(e) avec CPI (contrat pré-installation) d’un an - Niveau bac +2, sensibilité à l’agriculture durable et bio - [email protected] 0688440890 • Finistère - Ferme 23 ha brebis laitière tout herbe ch. associé pour accroître le troupeau ou créer cheptel bovin - Atelier transfo. laitière aux normes CE, vaches et brebis, vente en circuit court - Stage de parrainage possible, égalité de capital souhaité, partage du travail 06 75 96 31 20 [email protected] • Bouches-du-Rhône - Apiculteur depuis 10 a suite à conversion, j’envisage transmission à terme - Ma petite exploitation arrive à une taille honorable et ne demande qu’a se développer - voir www.labeillevie.fr - Souhait : faciliter l’installation d’un(e) jeune apiculteur (trice) porteur de projet - Zone périurbaine Aubagne-Marseille, bon réseau de vente, divers et varié - Équipement modeste mais très correct et beaux emplacements pour une grosse centaine de ruches - Propose collaboration dès maintenant, allant jusqu’à une cession vers un terme et une forme à négocier - [email protected] - 0689740944 • Haute-Marne (Sud) - Expl. polyculture-élevage à transmettre pour pratique agri. paysanne - Expl. herbagère 50 vaches allaitantes/céréales Système relativement autonome - Ch. candidats pour éventuelle conversion en AB ou pour développer atelier de transf. - Transmission entre 70 et 94ha de terres selon projet - Environnement paysan favorable: importante Cuma et groupement de producteurs en vente directe - 0686758965 [email protected] Demandes • Franche-Comté - Deux futurs paysans ch. ferme à transmettre, à louer ou à vendre, pour projet culture et transfo. de céréales (bière paysanne, pain au levain) - 30 ha de Scop nécessaires - Ch. également en Sud 52 et Est 21 - Étudions toutes propositions - [email protected] 06 52 85 82 95 • Aude - Couple apiculteurs en cours d’installation (BPREA api) ch. maison d’habitation et lieu activité apicole (hangar, grange, dépendances) - Étudions toute proposition - Prod. miel, transfo., vente directe, au plus proche de l’agri. Paysanne 04 68 31 74 36 - 06 42 13 16 71 [email protected] • Drôme - Jeune couple exp. ch. foncier pour s’installer en brebis lait bio avec vente directe - Dans le Crestois, Diois et dans les Baronnies, environ 30/50 ha de prés parcours terres pour y mettre à terme 80-100 brebis - La présence de bâtiments serait un plus - Envisageons achat ou location - Éligible DJA 06 52 86 08 12 - 06 62 95 41 01 66 [email protected] • Toutes régions - Jeune couple formé (BTSA horti et BPREA maraîchage) et exp. ch. maison avec mini 1 ha de terrain irrigable, en location ou vente à terme - Pour installation individuelle en maraîchage, PPAM et petit élevage, en agroécologie, développer vente directe et liens sur territoire - Étudie toute proposition 04 75 08 11 10 [email protected] Animaux - Matériel • Drôme - Vends beau mulet, 5 ans - 04 75 27 73 38 Vacances • Charente-Maritime - A louer, île d’Oléron, maison (4 pers.) - Dans village typique côte ouest, entre plages et vignes: pêche à pied, produits locaux, commerces de proximité… Accueil personnalisé pour les confédérés et Amis de la Conf’07 86 48 04 12 • Alpes-de-Haute-Provence - A louer 2 gîtes Accueil Paysan, un de 8 pers., un de 2/3 pers., dans fermes avec vaches et brebis allaitantes - Découverte de la ferme et de la Haute-Provence - www.montragnedelure.com - 0627859600 Divers • Toutes régions - Paysan, retraité fin 2014, dispo pour aide bénévole chez éleveuse - Région et situation indifférentes - 03 86 45 43 81 06 32 07 69 73 Des clics ! En prévision du Colloque sur l’agriculture de montagne: «Installer et maintenir des paysans en montagne, enjeux et perspectives» que la Confédération paysanne de l’Ariège organise les 5 et 6 novembre 2015, les paysans ariègeois organisent un concours photos. Envoyez- nous vos plus belles photos d’agriculture de montagne de France et d’ailleurs, nous les réunirons en une exposition mobile de médiathèque en médiathèque à travers le département. Les auteurs de nos trois photos préférées seront invités au colloque (transport, hébergement, repas). La médiathèque partenaire «Des Vallées d’Ax» propose à l’occasion de l’expo photos de mettre à disposition de ses lecteurs des ouvrages traitant de l’agriculture de montagne. Nous sommes à la recherche de titres que vous conseilleriez et que la médiathèque achètera. Merci pour votre participation, envoyez vos photos à [email protected] avant le 31 juillet. Plus de renseignements au 05 61 02 14 31 CS 305.qxd:CS actu 245.qxd 26/03/15 8:54 Page 23 www.enviedepaysans.fr Pas de bonne bouffe sans paysans ! LE CRÉDIT MUTUEL, PARTENAIRE DES AGRICULTEURS Fidèle à ses valeurs de solidarité et de proximité, le Crédit Mutuel place ses clients au coeur de ses préoccupations et de ses actions. Financements souples, avances de trésorerie, gestion d’épargne, assurance : le Crédit Mutuel s’engage à vos côtés. CNCM – 88/90 rue Cardinet – 75017 Paris. * Crédit Mutuel : banque de l’année 2014 en France selon le magazine international “the Banker” décembre 2014. CS 305.qxd:CS actu 245.qxd 26/03/15 8:55 Page 24 L’agriculture paysanne s’invite dans les grandes écoles Pas courant : des paysans dans les amphis et les couloirs de Sciences Po ou de l’École normale supérieure. Un peu moins rare mais pas si fréquent non plus dans ceux d’Agro Paris Tech. Et exceptionnel la présence d’étudiants de ces trois « grandes écoles » dans les locaux de la Confédération paysanne, à Bagnolet. C’est pourtant bien ce qui s’est passé du 16 au 21 mars, dans le cadre de la campagne Envie de paysans ! Le menu était goûteux. Trois conférences d’abord qui ont rempli les amphithéâtres, autour de la souveraineté alimentaire, de la propriété intellectuelle dans les questions agricoles ou de l’avenir de l’agriculture, avec la participation appréciée aux côtés des paysans de l’économiste et agronome Aurélie Trouvé, de l’historien des sciences Frédéric Thomas ou de l’ancien rapporteur spécial pour le droit de l’alimentation à l’ONU Olivier de Schutter. Mais aussi un petit-déjeuner débat avec les journalistes du site Reporterre, une conférence gesticulée (« Rural ou la convergence des rustres », d’Hervé Chaplais), des apéros paysans après chaque événement, beaucoup de discussions et même de la musique avec de jeunes chanteurs plein de talent et d’enthousiasme (Léopoldine, Tithaume, les Tripotes). Les partenaires étudiants en sont sortis ravis. Pour eux, la semaine sur l’agriculture paysanne a permis de renforcer et dynamiser les relations entre les associations des trois écoles en travaillant ensemble sur un thème concret, mais aussi et surtout de faire avancer la connaissance des questions paysannes, par l’intermédiaire d’une Conf’ jeune et dynamique que ce public BD motivé a appris à bien mieux connaître. Photos : Yann Deva et Zoé Chalaux
Documents pareils
Un empire contre l`agriculture paysanne
Réuni les 20 et 21 mai pour la première fois suite à son élection au congrès de Saint-Jean-Pied-de-Port (Pays Basque),
le comité national a élu en son sein le secrétariat national qui aura en charg...