Documentation – Informations Catholiques – Internationales
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D. I.C. I. Documentation – Informations Catholiques – Internationales Nº 47 – 22 mars 2002 Directeur de la publication Abbé Arnaud Sélégny Rédacteur Abbé Bernard Lorber SOMMAIRE [email protected] LE JOURNAL Rome Abonnement par voie électronique: www.le-combat-catholique.com * N.O.M.........................................................................................................2 Paraît le vendredi soir Le numéro: 1,5 € * Pie XII diffamé. L’Eglise attaquée.........................................................2 Abonnement annuel à DICI: 60,- € * Orthodoxes russes. Le dialogue œcuménique : bientôt un monologue. ............................................................................3 Abonnement annuel à Nouvelles de Chrétienté: 25,- € (Abonnement de soutien: 45,- €) L’Eglise à travers le monde Paiement par chèque à l’ordre de: CIVIROMA. * Autriche. Madame l’abbé. .......................................................................4 * Irlande. L’après-référendum...................................................................5 * Colombie. Assassinat de l’archevêque de Cali.....................................5 * Thaïlande. Un nouvel évêque traditionnel ?.........................................5 * France. Bourreaux : on embauche........................................................6 LES DOCUMENTS 1. La transsubstantiation ou l’hérésie ...................................................7 2. Le dossier « Pie XII et les Juifs » .......................................................8 3. “Perles” du dialogue judéo-chrétien................................................ 11 Adresse postale Service de Presse DICI Etoile du Matin F – 57230 EGUELSHARDT ☎ 03.87.06.54.43 Fax : 03.87.06.59.09 DICI veut proposer une revue de presse ainsi qu’une recension de livres intéressants. Nous vous serions reconnaissants de nous faire parvenir vos livres et revues. Fraternité Sacerdotale St-Pie X Parution hebdomadaire DICI 43220202 Imprimé par nos soins DICI Nº 47 2 • 22 mars 2002 JOURNAL Rome N.O.M. La 1ère édition typique du Novus Ordo Missæ est parue en 1968 ; elle sera rapidement corrigée. Une deuxième verra le jour dans les années 80. Ce lundi 18 mars, des représentants de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements ont présenté la troisième au pape Jean-Paul II. Le texte en avait déjà été approuvé par le pape le 20 avril 2000, mais des difficultés de composition du chant grégorien auraient retardé la publication du missel. Le monde évolue, par conséquent, on adapte. « Il est évident qu’en 27 ans, le Missel a dû être retouché, en particulier le sanctoral », a déclaré l’archevêque Francesco Pio Tamburrino, secrétaire de la Congrégation, au micro de Radio Vatican. Les autres changements sont « des petites retouches nécessaires après la promulgation de l’Instruction «Varietates legitimae»1 qui prévoit la possibilité de faire quelques adaptations, dans des zones de mission en particulier », a-t-il poursuivi. « Par ailleurs, dans l’ordinaire du Missel on a intégré ce qui avait déjà été permis dans certains Missels nationaux, à savoir les prières eucharistiques pour la réconciliation, et les prières eucharistiques pour les différentes nécessités ». L’Institutio generalis a également été entièrement revue. Ainsi les conférences épiscopales se voient attribuer des pouvoirs étendus pour réaliser des adaptations liturgiques dans le sens de l’inculturation. Il est prévu de plus d’étendre les cas de communion sous les deux espèces. Le dossier « Pie XII et les Juifs » : du réchauffé. Voilà plusieurs semaines que la propagande anti cléricale bat son plein. L’occasion en est le fi lm de Costa-Gravas sur Pie XII, une caricature fondée sur le mensonge historique. La thèse est simple : Pie XII savait et s’est tu, et il s’est tu parce que c’était un politique obnubilé par la menace communiste, obnubilé par la survie de sa propre Eglise et de ses intérêts mesquins et peut-être aussi, parce qu’il était raciste et antisémite. Depuis la pièce de Rolf Hochhuth, Le Vicaire, qui date de 1963, cette calomnie est entretenue par des livres (Le Pape et Hitler de John Cornwell, 1999) ou articles qui n’ont d’autre but que de souiller l’Eglise. En réalité, il ne s’agit plus d’une question historique, car les faits sont là et prouvés de longue date. Le Père Blet, jésuite français, a coordonné les travaux de recherche sur les archives vaticanes, travaux qui ont abouti à l’édition en douze volumes des Actes et documents du Saint-Siège relatifs à la Seconde Guerre mondiale (cette œuvre monumentale contient 5.100 documents). Dans un ouvrage remarquable publié chez Perrin, le Père Blet a résumé cette portion Comme l’on sait, le terme de prière eucharistique est l’expression du jargon ecclésiastique actuel pour désigner le canon de la Messe. Ce qui signifie – si l’on s’en tient à la déclaration de Mgr Tamburrino, que de nouveaux «canons» ont été autorisés en sus des quatre contenus dans la première édition typique. Cette inflation est proprement affolante. Si, durant les siècles précédents, de nouvelles préfaces ont été ajoutées avec l’approbation de Rome dans des Missels nationaux, comme par exemple des préfaces d’origine gallicane 2 telles que la préface de Saint Jean-Baptiste ou la préface de l’Avent, ces pièces courtes, théologiquement irréprochables, n’ont toutefois pas été intégrées au Missel romain par souci de romanité et d’universalité. Cette nouvelle édition typique du Missel de Paul VI veut au contraire marquer plus profondément encore s’il était possible, la rupture avec le passé, en multipliant les transformations de la partie la plus sacrée de la Messe. Il y aura bientôt un canon pour tous les jours de l’année. Attendons d’avoir le texte de ce nouveau missel entre les mains pour mieux en juger. Pour l’heure, les courageux pourront s’atteler à la lecture de la nouvelle mouture de l’Institutio generalis : 25 400 mots en 70 pages... Un curé un peu “trop” conservateur appelait cela « l’Eglise photocopiante ». A défaut d’être enseignante. 1 Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, 25 janvier 1994. 2 Au sens de : originaires de France, et non au sens de l’erreur gallicane. d’histoire en un seul volume sous le titre Pie XII et la Seconde Guerre mondiale d’après les archives du Vatican. Tout ouvrage un tant soit peu sérieux sur ce sujet, ne peut que faire référence aux travaux de recherche de l’équipe à laquelle appartenait le Père Blet. Nous renvoyons donc à ce livre le lecteur désireux d’en savoir davantage. En fi n de compte, à travers Pie XII, c’est l’Eglise qui est attaquée. Le fi lm Amen l’illustre. Ce ramdam autour de Pie XII est purement idéologique. On pourrait le comparer à la question de l’évolutionnisme. Depuis belle lurette, les scientifiques sérieux démontrent l’imposture de la thèse darwinienne. Cette thèse est cependant utilisée comme missile idéologique pour pénétrer dans les cerveaux, y détruisant l’idée de création par Dieu et d’ordre naturel. Le même processus est utilisé contre l’Eglise avec le dossier « Pie XII et les Juifs ». L’affiche fut autant un scandale que le fi lm. On regrette la trop molle réaction de Mgr Ricard, président de la conférence épiscopale de France, qui n’a pas osé demander l’enlèvement des affiches en référé. Il est triste de constater comment l’on peut déshono- DICI Nº 47 • rer notre Sainte mère l’Eglise sans que les évêques ne cherchent à la faire respecter. Et si le président du tribunal de grande instance de Paris, Jean-Claude Magendie, a débouté l’AGRIF de sa demande de voir les affiches retirées, nous le devons encore aux valeureux évêques de France (du moins une trentaine d’entre eux) qui, le 30 septembre 1997 à Drancy, ont battu leur coulpe sur la poitrine de leurs prédécesseurs 3 : « Aujourd’hui nous confessons que le silence fut une faute, nous reconnaissons que l’Eglise de France a alors failli à sa mission d’éducatrice des consciences. » Une perche trop belle tendue au juge qui fondera son refus sur le fait que l’affiche est en adéquation « avec la pensée actuelle de l’épiscopat français dans sa déclaration de repentance ». Et pourtant, pour une fois, les ennemis de l’Eglise étaient ses alliés : Henri Hajdenberg, ancien vice-président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), Samuel-René Sirat, ancien grand rabbin de Les Orthodoxes russes. Quand le dialogue œcuménique devient un monologue. Dans un article de la Civiltà cattolica du 14 mars, le cardinal Kasper président du Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens donne quelques explications sur l’attitude actuelle de l’Eglise orthodoxe russe vis-à-vis de l’Eglise catholique. Quelques jours après l’érection des administrations apostoliques russes de Saratow, Nowosibirsk et Irkutsk en diocèses et du diocèse de Moscou en archidiocèse, le 11 février dernier, le patriarcat de Moscou avait annoncé la suspension des relations officielles qu’il entretenait avec le SaintSiège. De même, la visite du cardinal Kasper, prévue à la fi n du même mois, fut annulée. Pour les responsables orthodoxes, cette décision vaticane était une “provocation” et une volonté de prosélytisme de la part des catholiques. Dans son article, le cardinal Kasper accuse l’Orthodoxie de réagir idéologiquement. Selon lui, l’Eglise orthodoxe russe « défend non seulement une réalité qui désormais n’existe plus, mais aussi une relation entre l’Eglise et le peuple qui est problématique sur le plan théologique ». Il critique en outre une «hérésie ecclésiologique» consistant à « ne pas reconnaître à l’Eglise catholique sa dimension missionnaire au nom d’un concept de prosélytisme indûment amplifi é dans sa signifi cation ». Après une longue période d’oppression communiste, ajoute le cardinal dans l’article, « l’Eglise orthodoxe russe se retrouve face au monde moderne pluraliste. On comprend qu’elle soit encore à la recherche de sa place, mais cela exige de la patience de notre part ». Reconnaissant ainsi une certaine «cohérence» dans la position orthodoxe, il précise toutefois qu’elle ne permettra pas « d’affronter le futur ». « Ils feraient mieux de reprendre le dialogue avec l’Eglise catholique et de sortir de l’impasse 3 22 mars 2002 France furent les premiers signataires d’une pétition contre l’affiche, pétition où figurent aussi les noms de Gérard Israël, Emmanuel Weintraub, président de la section française du Congrès juif mondial... Qui sème la repentance, récolte l’injustice. Dans le dossier que vous pourrez lire dans la seconde partie du bulletin, vous trouverez : • Quelques exemples de contre-vérités contenues dans le fi lm de Costa-Gravas. • Des citations d’auteurs juifs expliquant ce que Pie XII a fait pour les Juifs. 3 Le 13 mai 1942, le président du Consistoire central des rabbins s’adressant aux prélats et aux prêtres français, avait dit : « Jamais le judaïsme ne pourra être assez reconnaissant de ce que font pour nous, sans aucune arrière-pensée, prélats, prêtres, pasteurs et fidèles catholiques et protestants. Ma gratitude s’adresse spécialement au cardinal Gerlier, compatissant et charitable à toutes les infortunes. » (Cité par Adrien Némoz, dans La Croix du 1er octobre 1997) dans laquelle ils se trouvent. L’Eglise catholique est prête à ce dialogue et est disposée à collaborer ». Analyse L’érection des administrations apostoliques en diocèses était devenue une nécessité ; en effet, la Douma concocte un projet de loi tendant à circonvenir l’activité de l’Eglise catholique. Afi n cependant de ménager la sensibilité des «frères» de «l’Eglise sœur», le Vatican ne donna pas comme noms aux nouveaux diocèses les noms de villes, mais des noms de saints russes. M. Navarro-Valls exprima le souhait du SaintSiège que « grâce à cette nouvelle organisation le dialogue et le travail en commun avec l’Eglise orthodoxe russe pourraient s’améliorer. » Sachant que les Grecs catholiques (« Uniates ») demandent cette transformation depuis longtemps, on peut légitimement craindre que leur demande ne soit immolée sur l’autel du dialogue œcuménique. De son côté, l’Eglise orthodoxe russe n’a pas hésité à ériger des diocèses pour ses rares fidèles disséminés en Europe de l’Ouest (Berlin, Bonn, Vienne, Bruxelles, Ravenne). Le Patriarcat orthodoxe fait construire à Rome, sur le Janicule, une grande église surdimensionnée par rapport au nombre de fidèles ; tout cela sans même en informer le pape. Si l’Eglise orthodoxe russe a, dans le passé, répondu aux avances de Rome, cela avait surtout un but intéressé. Par exemple, l’œuvre L’Eglise en détresse du Père Werenfried van Straaten a donné à elle seule la somme coquette de 17 millions de dollars aux fidèles ou aux œuvres russes. La vision de l’œcuménisme chez les Orthodoxes russes semble comporter d’autres considérants que ceux du Vatican. Le cardinal Kasper s’en étonne ; leurs dispositions anti-romaines n’ont pourtant pas nouvelles, puisqu’elles font office de justification de leur existence. Que cette «Eglise», schismatique depuis des siècles, ait été DICI Nº 47 4 • récupérée par le parti communiste n’est qu’une page de son histoire. Si elle se sent obligée vis-à-vis des dirigeants du Parti, la chose n’est pas réciproque, surtout depuis 1993, année qui vit l’introduction d’une loi tendant à garantir la liberté de religion (du moins pour les Orthodoxes). A tel point que Poutine ne cache pas son mécontentement au sujet des dispositions antiromaines du patriarche Alexis. L’affaire de l’érection des Administrations apostoliques fut d’ailleurs l’occasion de nouvelles frictions. L’ambassadeur de Russie près le Saint-Siège, Wjatscheslaw Kostikow, dans une interview donnée au journal russe Argumenty i Fakty révèle quelques détails intéressants. Le patriarche Alexis aurait demandé à Poutine d’avertir le Vatican de ne pas procéder à la démarche prévue. On en déduit que cette érection ne fut pas une surprise pour les Orthodoxes, contrairement à ce qu’ils ont affi rmé. Poutine fit suivre la demande au Ministère des Affaires étrangères, lequel conseilla au Vatican d’attendre encore quelques temps. La réponse fut courtoise, mais le message fut clair : « Nous attendons depuis dix ans. » Le journal allemand Die Tagespost (9/03/2002) évoque aussi le fait que le nonce apostolique sur place, Mgr Georg Zur, aurait essayé en vain de contacter le patriarcat durant deux semaines et qu’il se serait heurté systématiquement à une fi n de non-recevoir. Le métropolite Kirill, responsable des relations extérieures pour le patriarcat de Moscou n’hésite pas à affi rmer au micro de la chaîne télévisée RTR que les activités de l’Eglise catholique en Russie représentent « un danger pour le pays » et que sa présence peut engendrer « une perte de l’identité spirituelle de la Russie ». Si la hiérarchie orthodoxe russe se montre agressive envers l’Eglise catholique, il semble qu’il n’en soit pas de même avec les fidèles. Le 14 février dernier, la radio moscovite Echo Moskwy proposa aux auditeurs 22 mars 2002 un débat sur la question suivante : « Considérez-vous l’activité de l’Eglise catholique en Russie comme un danger ? » Sur les 5000 réponses, il y eut 62% de «non». Pour fi nir, quelques réflexions énoncées de façon synthétique : • Nous saluons le fait de l’érection des diocèses en Russie. Cela contribuera certainement à donner plus de stabilité à l’Eglise catholique en ce pays. • Il est dommage qu’après la période du communisme pur et dur, l’Eglise catholique se heurte à un autre ennemi en Russie en la «personne» de l’Eglise orthodoxe-russe, laquelle accuse l’Eglise catholique de faire du prosélytisme. • Le dialogue œcuménique ne changera rien aux dispositions du patriarcat russe orthodoxe. Son retour à l’Eglise catholique sera l’œuvre de la grâce et non celle des paroles humaines. Si la boulimie verbale du dialogue œcuménique était convertie en prières, nul doute que la conversion aurait déjà eu lieu. • L’analyse du cardinal Kasper n’omet pas de mentionner l’une des différences essentielles entre l’Eglise catholique d’aujourd’hui et l’orthodoxie russe, à savoir que cette dernière n’admet pas le faux principe de la liberté religieuse et ne craint pas de rester sur ses positions. « Elle ne pourra pas entamer un dialogue constructif avec la société moderne ni avec l’Eglise catholique. Sa position est certainement cohérente en soi, mais elle n’est pas en mesure d’affronter l’avenir. » Ce n’est pas en prêchant la subjectivité de la vérité que le cardinal parviendra à faire rentrer l’Orthodoxie russe dans le giron de l’Eglise catholique. La base est faussée, contrairement à celles des Orthodoxes qui reconnaissent l’objectivité de la vérité. Le jour où la grâce les fera revenir à la véritable Eglise, ils seront peut-être plus catholiques que nos prélats romains... L’Eglise à travers le monde Autriche. Madame l’abbé L’évêque californien Peter Hickman, de la secte des Vieux-Catholiques, ne serait pas opposé à “ordonner” neuf femmes du mouvement ultra-progressiste Wir sind Kirche (Nous sommes l’Eglise). C’est ce qu’il fit savoir au journal allemand Passauer Neuen Presse, ce mercredi 20 mars. Analyse. L’extrémisme de certains mouvements progressistes est devenu chose banale. Leur plan d’action l’est moins. La grande question pour eux, ces derniers temps, est de savoir comment ils vont pouvoir faire passer l’ordination des femmes. L’opposition à ce sujet est encore trop forte, même dans la hiérarchie. Les uns plaident pour une campagne de matraquage ; d’autres – comme le mouvement en question – envisagent de passer à l’acte et de mettre la hiérarchie devant le fait accompli, même si cela devait entraîner une excommunication. Le mouvement est implanté essentiellement en Autriche, en Suisse et dans le sud de l’Allemagne. Il affi rme qu’un autre évêque, catholique celui-ci (du moins officiellement...) serait également disposé à l’ordination des neuf dames. Lieu et date n’ont pas été publiés. On peut s’attendre à tout de la part de ces gens. En attendant, c’est une manière de se rendre intéressant et de faire avancer la révolution. DICI Nº 47 • 5 22 mars 2002 Irlande. L’après-référendum Après le référendum concernant l’amendement de la constitution et la courte victoire des groupes prolife, le statu quo législatif est un fait, mais les prises de position des uns et des autres restent aussi confuses que le projet de loi lui-même. Les évêques ont fait une déclaration dans laquelle ils déplorent l’absentéisme de certains et renouvellent une défense de leur position face aux critiques des groupes pro-life, lesquels accusaient les pasteurs de compromettre l’enseignement de l’Eglise concernant la vie pour satisfaire à des impératifs politiques. Rappelons que le projet de loi accordait la protection à la vie naissante, le début de celle-ci étant cependant assimilé au moment de l’implantation du fœtus dans l’utérus, laissant ainsi la porte ouverte à certains moyens abortifs. Les groupes de gauche (minoritaires) tentent de s’approprier la victoire et demandent – paradoxalement – au gouvernement l’introduction d’une législation en faveur de l’avortement. Dans une interview accordée à Catholic World News, Patricia Casey, membre de l’équivalent irlandais du Conseil de l’ordre des médecins de 1994 à 1999, affi rme : « Je pense que la décision de la semaine dernière [le référendum] a maintenant ouvert la porte à la légalisation de l’avortement en Irlande. Il y aura un processus de conditionnement et quelqu’un suggérera que nous nous débarrassions de l’article 40.3.3 de la constitution. (...) Je pense que d’ici quelques mois, le Conseil de l’ordre des médecins modifi era ses directives pour permettre l’avortement dans les cas de risque de suicide. Je prédis que dans quelques années, nous serons sur le même chemin que l’Angleterre où l’avortement est possible jusqu’à 24 semaines ou même jusqu’à la naissance en cas de malformation du fœtus. » Cette même personne a cependant rappelé dans la même interview que durant la campagne pour le référendum, tous les psychiatres ont admis qu’il n’y avait pas d’indication absolue en faveur de l’avortement, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de cas dans lequel l’avortement serait le seul traitement qui puisse être proposé. Deux psychiatres renommés (connus aussi pour leurs idées de gauche) ont même admis qu’une grossesse non désirée ne peut pas être considérée comme un facteur déterminant dans les cas de suicide de jeunes mères. De façon générale, la grande presse européenne a interprété le résultat du référendum dans le sens des gauchistes irlandais, à savoir comme une demande claire en faveur de la légalisation de l’avortement. Cette dernière devrait de toute façon passer par une modification de la constitution et donc un nouveau référendum, lequel grouperait alors tous les mouvements pro-life dans un front commun. Ce n’est donc pas pour tout de suite, contrairement aux prétentions de Madame Patricia Casey. L’Irlande est le dernier bastion catholique en Europe qui résiste au lobby proavortement, et les gauchistes ne sont, heureusement, pas au bout de leur peine. (Source : correspondant DICI) Colombie. Assassinat de l’archevêque de Cali Deux jeunes tueurs ont abattu Mgr Isaias Duarte âgé de 63 ans, samedi 16 mars, au sortir de l’église, alors qu’il venait de célébrer le mariage de près d’une centaine de couples. Selon les affi rmations du gouvernement colombien et du procureur général, Luis Camilo Osorio, la majorité des indices désigne les narcotrafiquants. A la fi n février, à la veille des élections législatives, l’archevêque de Cali avait dénoncé le fait que certaines campagnes électorales de la Vallée du Cauca, dont Cali est la capitale, étaient fi nancées par l’argent des barons de la drogue. Mais le prélat comptait également des ennemis dans les rangs de la guérilla. Il avait marché en tête des manifestations de protestation contre les enlèvements de masse des fidèles des paroisses de La Maria et du Kilomètre 18 à Cali, séquestrés par la guérilla de l’ELN en 1999. Après avoir été médiateur pour obtenir la libération des otages, il avait ensuite excommunié publiquement les guérilleros de l’ELN. Avec l’échec des négociations de paix entre le gouvernement et la guérilla des FARC et la récente invasion de la zone qui leur avait été concédée par Bogota, la violence a redoublé. La volonté des Etats-Unis de s’immiscer toujours davantage – au nom de la croisade du président Bush contre le terrorisme – dans la politique intérieure colombienne, contribue également à la montée de la violence. (Source : apic/be) Thaïlande. Un évêque traditionnel ? naire Saint Thomas d’Aquin, de la Fraternité St-Pie X, à Winona. Nous citons l’hebdomadaire : « Mgr Manat déclare avoir passé l’essentiel de sa carrière d’évêque en suivant le courant issu de Vatican II, n’y voyant pas trop de problèmes. En mai 1993, il visita un lieu d’appa- L’hebdomadaire américain, The national catholic report évoque dans son numéro du 8 février le passage d’un évêque résidentiel thaïlandais, Mgr John Bosco Chuabsamai Manat, évêque de Ratchaburi, au sémi- DICI Nº 47 • 6 22 mars 2002 rition mariale à Manille, où la Vierge était apparue, pleurant des larmes de sang. Là, il fit connaissance d’un évêque de la Tradition qui l’encouragea à rencontrer les prêtres de la Fraternité Saint-Pie X présents à Manille. C’est ainsi qu’il commença à lire des ouvrages de la Tradition. » Mgr Manat précise qu’il ne prétend pas amener son diocèse au mouvement lefebvriste d’un coup. « L’évêque du diocèse doit être le centre d’unité parmi les prêtres, religieux et fi dèles. Je dois prendre soin de ne pas causer la désunion. » Dans sa conférence aux séminaristes, il évoque ses activités passées et les bienfaits du contact qu’il eut l’occasion d’entretenir avec Mgr Lazo. Ce contact lui permit de connaître les prêtres de la Fraternité St-Pie X et de redécouvrir la messe tridentine qu’il avait célébrée de 1961 à 1971. France. Bourreaux : on embauche. phrase anodine veut tout simplement dire que les médecins avorteurs ont des états d’âme et se trouvent très mal à l’aise dans leur rôle de bourreau. Solution : il faut les payer plus cher et « revaloriser l’acte médical », si tant est qu’il est possible d’utiliser le terme “médical” à ce propos. En effet, nous ne sommes plus à l’époque claire et joyeuse de la période qui a suivi la loi Veil et où l’avortement faisait recette. N’importe qui dans sa région peut demander qui fait les avortements à l’hôpital le plus proche. Il aura bien du mal à le savoir. En effet, les chefs de service confient les basses œuvres à n’importe quel interne, médecin étranger ne pouvant valider leur diplôme, voire même à des étudiants. De plus en plus les médecins avorteurs trouvent ce travail répugnant. La plupart du temps, ils sont en marge sinon rejetés par la société médicale de leur région. Considérés comme infréquentables, ils peuvent être rongés par les scrupules et par les difficultés techniques de l’acte. La loi Veil avait défi ni des limites correspondant à la résistance du squelette fœtal à une pompe aspirante. Cette fois-ci, il faut dilater, écraser, extraire. Acte terriblement difficile. Tel avorteur me faisait une terrifiante confidence qui en dit long sur ce sujet : « depuis la nouvelle loi, je n’arrive plus à manger de cuisses de grenouilles ». On est pris alors de nausée. Voilà la raison pour laquelle on embauche. Il n’y a plus assez de bourreaux. On ne trouve même plus de vacataires. Et il faut bien faire respecter la loi. « La loi c’est la loi, mais au niveau des tripes, c’est diffi cile » a déclaré un médecin de l’Hôtel-Dieu au quotidien Libération. Au niveau des tripes de l’enfant, c’est encore plus difficile. Dr. J.-P. Dickès La nouvelle loi dite Aubry portant l’avortement de 10 à 12 semaines apparaît pour un certain nombre d’associations gravitant autour du Mouvement français pour le planning familial (MFPF) comme « une avancée considérable ». Qui dit avancée suppose bien sûr un mouvement d’ensemble dont celle-ci n’est qu’un des épisodes. Il y a longtemps que ce type de mouvement n’a plus pour but de rendre service à l’humanité ; l’objectif est purement idéologique. Il s’agit bel et bien de tuer pour tuer, comme l’ont fait tous les idéologues de Robespierre à Pol Pot, de Staline à Goebbels. Une sorte de spirale de l’entraînement au meurtre assez bien caractérisée par le fameux arrêt Perruche qui faisait aux médecins un devoir de tuer in utero l’enfant considéré à tort ou à raison comme mal venu. Et ce, même si les techniques de détection des malformations ne sont fiables que dans 61 % des cas (chiffres donné par le “pape” de l’échographie le Dr Bessis). Or, votée en juillet dernier, l’»avancée considérable» se concrétise bien mal. Exception faite du département du Nord où tous les avortoirs appliquent la loi, la situation est inverse dans la plupart des départements. À titre d’exemple : l’ensemble géographique Loire, Haute-Loire, Cantal, Aveyron, Vaucluse où aucune prise en charge de ces avortements tardifs n’est effectuée (les chiffres des deux départements intermédiaires à savoir Lozère et Ardèche ne sont pas connus). Disons que la loi n’est pas ou très peu appliquée dans le quart sud-est de la France. L’explication donnée par les associations visant à augmenter le nombre des avortements est la suivante : ce sont les résistances morales ou psychologiques « qui substituent la tolérance du médecin à la décision de la femme qui veut interrompre sa grossesse ». Cette DICI Nº 47 7 • 22 mars 2002 DOCUMENTS La transsubstantiation ou l’hérésie « Rien dans la messe réformée ne peut gêner vraiment le chrétien évangélique. » 4 Dès la parution de la nouvelle messe s’engagea le débat autour de la notion de présence dans l’eucharistie. Il serait intéressant de noter les variations diverses de cette notion suivant les époques et les personnes. Si nous voyons le pape Jean-Paul II évoquer la notion de “présence réelle” (Homélie de la Fête-Dieu, 22 juin 2000), par contre dans l’enseignement de l’épiscopat, la notion catholique brille plutôt par son absence. Afi n d’éviter l’ambiguïté, l’Eglise a précisé ou complété la notion de présence réelle par celle de «transsubstantiation». Ce dernier terme et la notion qu’il renferme semblent totalement bannis du langage conciliaire. Et c’est là que le bât blesse, car la transsubstantiation est le cœur du dogme de l’eucharistie. La mettre sous le boisseau, c’est suivre une démarche protestante... La Réforme protestante, si elle a agi avec violence pour s’imposer au niveau du dogme et de son rejet, a mis par contre un certain temps à trouver une application liturgique conséquente. « En 1522, Luther s’est opposé aux innovations de Carlstadt et de Zwilling. Mais les deux grands défauts de ces innovations, c’était qu’elles s’étaient faites trop tumultueusement et qu’elles n’étaient pas venues de lui. Carlstadt écarté, Zwilling assagi, il va reprendre leur programme pour son propre compte, abolir l’ancien culte et en établir un nouveau. (...) Logiquement, la nouvelle religion aurait peut-être dû n’avoir qu’un culte, le culte intérieur de la foi ; pour exciter ce culte intérieur, il aurait pu s’y adjoindre un sacrement, la Parole. Mais le passé catholique de Luther, son bon sens l’empêchèrent d’aller à la logique de ses idées. Le nouveau culte sera une réduction et une transformation du culte catholique, réduction et transformation prudentes, timides, gardant beaucoup du passé. 5 » On ne pourra en dire autant de la nouvelle messe de Paul VI : « transformation prudente, timide, gardant beaucoup du passé... » On pourra même se demander si la messe de Luther ne fut pas, à ses débuts, plus catholique que la nouvelle messe de Paul VI. Car, à ses débuts, Luther garda la croyance en la présence réelle... 6 Mais cela ne suffit pas pour garder le dogme catholique de la messe. Déjà, le concile de Pistoie fut condamné pour n’avoir pas parlé de “transsubstantiation”, tout en admettant la présence réelle 7. Et si nous regardons de près l’“Institutio generalis” 8, nous remarquerons qu’il pèche également par omission, en n’employant que le terme de “présence” sans même parler de «présence réelle», lorsqu’il indique de quelle façon Jésus-Christ se trouve dans l’eucharistie. « Si l’omission du mot «transsubstantiation» était, à la fi n du XVIIIe siècle, une erreur favorisant l’hérésie, cette même erreur mériterait aujourd’hui un blâme encore plus sérieux. (...) “Transsubstantiation” est un terme que le concile de Trente, usant de son infaillibilité, a déclaré très adapté pour indiquer la conversion des substances du pain et du vin dans les substances du Corps et du Sang de Notre Seigneur. 9 » Dans l’“Institutio generalis”, l’omission du mot «transsubstantiation» est complète ; de même, le terme de “présence réelle” est absent. C’est comme si le Magistère de l’Eglise n’avait jamais existé. On pourrait penser que Luther a été plus respectueux – au moins dans les faits – de la liturgie catholique que Bunigni, lequel noie le dogme catholique dans le flou d’un langage nouveau. Ce nouveau langage n’est plus celui de la théologie catholique, n’est plus celui du Magistère de l’Eglise. Les termes de : “repas du Seigneur”, “assemblée”, “peuple de Dieu”, “mémorial du Seigneur”, “présider l’assemblée” sont totalement nouveaux. On parle de “présence”, mais de quelle présence s’agit-il ? Citons quelques exemples : N 28 : « A la fin du chant d’entrée, le prêtre et toute l’assemblée font le signe de la croix. Tout de suite après, le prêtre, par une salutation, manifeste à l’assemblée réunie la présence du Seigneur. » N 35 : « La plus grande vénération doit être accordée à la lecture de l’Evangile. C’est ce que la liturgie, elle-même enseigne, puisqu’elle l’entoure d’un honneur spécial, plus que celui qu’elle accorde aux autres lectures : de la part du ministre (...) ; de la part des fi dèles, reconnaissant et professant au moyen d’acclamations le Christ présent qui leur parle ». N 48 : « La dernière Cène, où le Christ a institué le mémorial de sa mort et de sa résurrection, devient sans cesse présente dans l’Eglise quand le prêtre, représentant du Seigneur Jésus, fait ce que le Christ a lui-même fait et recommandé de faire à ses disciples. » Dans le nº 48, l’on dit également que « les offrandes deviennent le corps et le sang du Christ » ; mais nulle part, on ne nous dit que les substances du pain et du vin cessent d’exister, laissant ainsi la porte ouverte à des théories comme celle de Luther, l’impanation (les substances du pain et du vin demeurent en même temps que celles du corps et du sang du Christ) ou des théories nouvelles : “transfiguration”, “transsignification”, “transfi nalisation”, émises par des théologiens modernistes (Schillebeeckx, par exemple), dont la connaissance leur semble réservée, à défaut d’être révélée. Les faits ont donc suivi le texte, à savoir que l’omission de la “transsubstantiation” et de la “présence DICI Nº 47 • réelle” ont conduit à la perte de la foi en ces dogmes. L’irrespect et la négligence avec lesquels les prêtres manipulent la sainte eucharistie montrent de façon évidente qu’ils ne croient plus en la présence réelle – à quelques exceptions près. Nous ne nous étendrons pas sur les nombreux scandales. On pourrait nous objecter qu’il s’agit d’exceptions. Nous répondrons en affi rmant que la relation est à l’inverse. Et notons à ce sujet, que ceux qui objectent sur ce point, ont perdu eux-mêmes le sens du sacré et de la vénération due au Saint-Sacrement, car, « à force de tout voir, on finit par tout supporter, à force de tout supporter, on finit par tout accepter et tout justifier. » (Saint Augustin) 10 Sans parler de la distribution de la communion par des laïques, ce qui, en plus d’un affront à la présence réelle, manifeste la perte de la foi au sacerdoce du Christ. Là encore, la nouvelle messe se rapproche « de façon impressionnante, dans l’ensemble comme dans détail » de la cène protestante 4 Siegwalt, luthérien, professeur de dogmatique à la faculté protestante de Strasbourg, in Le Monde du 22.11.1969. 5 Dictionnaire de théologie catholique, article Luther. 6 Pour Luther, le sacrement de l’eucharistie ne produisait pas plus la grâce que les autres sacrements ; simplement, il excitait en nous la confiance que nos péchés nous étaient remis. En outre, après la consécration, le pain et le vin demeuraient à côté du corps du Christ. Il n’y avait pas de changement de substance, pas transsubstantiation, mais impanation. D’ailleurs, comme homme aussi bien que comme Dieu, JésusChrist était partout présent: dès lors, quelle difficulté y avait-il à ce qu’il le fût dans l’eucharistie ? Et puis, quand Jésus-Christ est-il présent dans le pain et le vin ? D’ordinaire Luther nous dit que c’est uniquement au moment de la consécration et de la communion. Mais sur ce point comme sur d’autres, il abonde en contradictions ; et l’on comprend assez qu’après lui cette 8 22 mars 2002 croyance en la présence réelle ait quelque peu périclité parmi les siens. 7 En 1786 fut réuni à Pistoia un synode janséniste qui approuva diverses propositions relatives à l’Eucharistie. L’on y parla cependant de la “présence réelle” et l’on admit même la cessation complète des substances du pain et du vin dans les espèces consacrées. Mais ce synode n’employa pas le mot “transsubstantiation”. Cette omission a été condamnée en 1794 par Pie VI comme « pernicieuse, préjudiciable à l’exposition de la vérité catholique sur le dogme de la transsubstantiation, et favorisant les hérétiques ». Pie VI a déclaré de plus qu’on ne peut considérer le mot “transsubstantiation” comme une simple expression technique de l’Ecole thomiste, mais qu’il doit être absolument utilisé dans l’exposition du mystère de la présence réelle. 8 Le document introductif à la nouvelle messe de Paul VI qui donne les explications théologiques, liturgiques et pastorales sur la nouvelle messe. 9 Xavier Arnaldo da Silveira, La Nouvelle Messe de Paul VI: qu’en penser ? éd. DPF, p 20. 10 « S’il m’est permis de faire, comme protestant, cette constatation, je dirais que depuis le concile [Vatican II], certains milieux catholiques, loin de se laisser inspirer par la nécessité d’observer les limites de l’adaptation qui ne sauraient être franchies, ne se contentent pas de changer les formes extérieures, mais empruntent les normes mêmes de la pensée et de l’action chrétiennes, non pas à l’évangile, mais au monde moderne. Plus ou moins inconsciemment, ils suivent ainsi les protestants, non pas en ce qu’ils ont de meilleur... mais dans le mauvais exemple que leur offre un certain protestantisme dit moderne. Le grand coupable, ce n’est pas le monde sécularisé lui-même, mais le faux comportement des chrétiens, à l’égard de ce monde, l’élimination du «scandale» de la foi. On a honte de l’Evangile. » Oscar Cullman, observateur luthérien au Concile. Cité dans Gethsémani du cardinal Siri, p 53. Le dossier « Pie XII et les Juifs » Qui est Costa-Gravas ? Cinéaste politique, champion des droits de l’homme, il a trouvé dans le brûlot anti-papal de Rolf Hochhuth une matière à provocation et à scandale. Déjà dans Music Box (1990), il diffusait une thèse équivalente : la peur obsessionnelle du communisme a conduit à la complaisance envers les nazis. Costa-Gravas n’a pas voulu faire preuve d’honnêteté historique. Il le dit lui-même : « Dans votre fi lm, il n’y a pas de conseiller historique. C’est voulu ? – Oui. J’ai eu des conseillers historiques dans certains fi lms, Z (1969), l’Aveu (1971). Le problème avec les spécialistes, c’est que chacun a sa propre interprétation. On n’en sort pas. Si j’en avais pris un – ou deux – c’était le meilleur moyen d’avoir des problèmes. Avec mes lectures, j’ai construit ma propre interprétation. Et puis, le cinéma c’est, d’abord, quand même, un spectacle. Les gens viennent voir un spectacle. » (Propos recueilli par J-Y Riou, Histoire du Christianisme Magazine, n° 9 : La Shoah et Pie XII: les trois tentations de CostaGavras) Amen : une fiction Dans Amen, il y a un personnage historique, Kurt Gerstein, ensuite un pape recréé pour en faire un pantin ridicule, manipulé par son entourage ; enfi n, le jésuite Fontana qui, le premier, parvient à informer le pape de la « solution fi nale »... Or, ce personnage est tout simplement inventé. Kurt Gerstein, officier SS, rencontre le nonce à Berlin Mgr Orsenigo et le met au courant du traitement réservé aux juifs en Pologne. Cette rencontre est déterminante, car la suite du fi lm en dépend. Or, Gerstein le dit lui-même dans son rapport cité au procès de Nuremberg : il n’a jamais rencontré le nonce. DICI Nº 47 • Si le public croit ce qui est relaté comme historique, il croira ce qui est fictif. Et Costa-Gravas mêle si bien la réalité et la fiction qu’on ne voit plus la différence. « Tout le fi lm est centré sur les deux personnages : Gerstein et Fontana. L’un, SS, résiste au nazisme ; l’autre, prêtre, résiste à l’Eglise. Pour le réalisateur, qui les fait se rejoindre, c’est le même combat et la même démonstration : la résistance était possible. En reléguant le personnage du pape au second plan (toujours fi lmé de loin, dans un Vatican de carnaval), Costa-Gravas laisse voir clairement que son intention n’est pas de s’approcher au plus près de la vérité sur Pie XII, mais, en tronquant, déformant, manipulant l’histoire, d’illustrer une imposture : «Le fiasco moral de l’Eglise» (expression employée par le journal La Vie). » (Analyse de Dominique Gardes, Le Spectacle du Monde nº 477) Qu’est-ce que les nazis pensaient de Pie XII ? Berlin fut la seule capitale à ne pas envoyer de représentant spécial au couronnement de Pie XII, en 1939. Après le radio-message de Noël 1942, une note du Service de sécurité du Reich – qui avait la haute main sur toute l’Europe occupée – affi rma : « Il (le pape) se fait le porte-parole des Juifs criminels de guerre. » Sur quoi s’appuie la propagande contre Pie XII ? De l’extérieur l’on pourrait penser à un semblant de connivence de l’Eglise avec le régime. C’est qu’en face de problèmes, les hommes n’ont pas toujours les mêmes solutions, mêmes s’ils sont tous animés du même esprit. Il y eut des divergences au sein de l’épiscopat allemand. D’un côté, le Cardinal Bertram, président de la conférence épiscopale de Fulda, qui pour sauver des vies humaines, pouvait être porté à une certaine complaisance – purement extérieure – avec le régime. C’est ainsi qu’il envoya une lettre de vœux au Führer pour son anniversaire en avril 1940. De l’autre, l’évêque de Berlin, cardinal von Preysing, partisan d’une distanciation complète avec le régime. Pie XII était très lié au cardinal von Preysing, à tel point qu’il eut avec lui un échange épistolaire abondant, dans lequel il lui demandait souvent avis et informations sur la situation. Cependant Pie XII ne modifia pas son attitude quand l’Allemagne entra en guerre contre la Russie, et ne parla jamais, fût-ce par allusion, de « croisade » contre le bolchévisme ou de « guerre sainte ». Ses efforts pour la paix, après juin 1941, ne se différenciaient en rien de ceux qu’il avait déployés auparavant. « Nous faisons de Notre côté, écrivait-il le 15 octobre 1942, ce qui est en notre pouvoir pour épargner au peuple allemand des représailles pour des choses dont il n’est pas, dans son ensemble, responsable, et dont la plupart peut-être ne savent même rien du tout. » 9 22 mars 2002 Au milieu des peuples en guerre, la position du Saint-Siège devenait chaque jour plus délicate. Pie XII y revient toujours plus longuement dans ses lettres. Il constate, le 20 février 1941, « que les temps sont durs, particulièrement pour le vicaire du Christ, et que la papauté et l’Eglise se trouvent peu à peu placées dans une situation complexe et périlleuse, telle qu’elles en virent peu au cours de leur longue et douloureuse histoire. » Le Vicaire du Christ se trouve confronté à des choix très pénibles, écrit-il le 20 février 1941, et placé entre les exigences contradictoires de sa charge pastorale : « Là où le pape voudrait crier haut et fort, c’est malheureusement l’expectative et le silence qui lui sont souvent imposés ; là où il voudrait agir et aider, c’est la patience et l’attente qui s’imposent. » La presse officielle, qui s’était jadis acharnée contre le cardinal Pacelli, s’attachait aujourd’hui à représenter le pape Pie XII comme un ennemi de l’Allemagne. Non seulement chacune de ses paroles pouvait déchaîner une vague de représailles, mais, présentée artifi cieusement par la propagande du parti, elle risquait encore de lui aliéner le cœur et l’âme des catholiques. (Cf. Père Blet, Pie XII et la Seconde Guerre mondiale d’après les archives du Vatican, Chapitre III.) L’action de Pie XII en faveur des Juifs 90 % des juifs d’Italie ont été cachés et protégés par l’Église, c’est-à-dire par des prêtres, des religieux, des religieuses et des laïcs. Pie XII avait ordonné de cacher tous les juifs possibles dans les couvents et monastères. A cet effet, il fait lever la clôture canonique des maisons religieuses de Rome. A Rome même 40 000 réfugiés juifs sont cachés dans les églises, les couvents, et 7000 dans la cité du Vatican. Les plus menacés, qui étaient cachés dans les séminaires, étaient revêtus de soutanes (!) en cas de perquisition. En 1944, Pie XII fait publier une protestation publique dans L’Osservatore Romano, contre la déportation des juifs. En représailles, le commandant SS de Rome convoque le grand rabbin Zolli et exige une rançon de 50 kg d’or dans les 36 heures sinon 200 juifs seront immédiatement déportés. Les juifs ne purent réunir que 35 kg. Israël Zolli alla trouver Pie XII qui fit fondre les vases sacrés et donna les 15 kilos restants. Caché au Vatican dans les derniers mois de la guerre, le grand rabbin se fit baptiser le 13 février 1945 en même temps que sa femme. En signe de respect et de sincère reconnaissance envers Pie XII, il demanda à prendre comme prénom de baptême «Eugène» (c’était le prénom du Pape). A partir de 1941, le Catholic Refugee Committee est organisé à Rome sur l’ordre de Pie XII : il sera le maître d’œuvre de toutes les fi lières d’évasion des juifs d’Europe vers les Etats-Unis ; 250 000 juifs transitèrent par l’Espagne et le Portugal. En 1945, M. Pinhas Lapid, alors consul d’Israël à Milan, fut reçu par le Pape et « lui transmit la gratitude de l’Agence juive, qui était l’organisme du mou- DICI Nº 47 • 10 vement sioniste mondial, pour ce qu’il avait fait en faveur des Juifs ». Après la guerre, ce même Pinhas Lapid estimait à 850.000 le nombre de juifs sauvés par les catholiques dans toute l’Europe. Il déclarait en 1963 : « Je comprends très mal que l’on s’en prenne aujourd’hui à Pie XII tandis que pendant de nombreuses années, on s’est plu ici (en Israël) à lui rendre hommage. Je peux affirmer que le pape personnellement, le Saint Siège et les nonces ont sauvé de 150 000 à 400 000 juifs ». (Repris dans Three Popes and the Jews, 1967 – Traduction française : Rome et les Juifs, Seuil.) Pinhas Lapid déclarera par ailleurs au journal Le Monde du 13 décembre 1963 qu’il ne comprend pas pourquoi l’on s’acharne contre Pie XII qui « ne disposait ni de divisions blindées, ni de flotte aérienne alors que Staline, Roosevelt et Churchill, qui en commandaient, n’ont jamais voulu s’en servir pour désorganiser le réseau ferroviaire qui menait aux chambres à gaz. (...) Lorsque j’ai été reçu à Venise par Mgr Roncalli qui devait devenir Jean XXIII et que je lui exprimai la reconnaissance de mon pays pour son action en faveur des Juifs alors qu’il était nonce à Istanbul, il m’interrompit à plusieurs reprises pour me rappeler qu’il avait à chaque fois agi sur l’ordre précis de Pie XII ». Le rabbin de Jérusalem, Isaac Herzog, dit en 1944 : « Ce que votre Sainteté et ses éminents délégués, inspirés par ces principes religieux éternels qui constituent le fondement même de la civilisation véritable, font pour nos frères et sœurs malheureux, en cette heure tragique de notre histoire, et qui est une preuve tangible de l’action de la Providence en ce monde, le peuple d’Israël ne l’oubliera jamais». En 1946, 12 rabbins venus d’Israël, d’Europe et des Etats-Unis, vinrent à Rome, rendre un hommage officiel de gratitude au Pape Pie XII pour l’action de l’Eglise en faveur des juifs pendant toute la guerre. Le 26 mai 1955, 94 musiciens juifs, originaires de 14 pays, sous la direction de Paul Kletzki, jouèrent la neuvième symphonie de Beethoven devant Pie XII « en reconnaissance de l’œuvre humanitaire grandiose accomplie par Sa Sainteté pour sauver un grand nombre de Juifs pendant la Seconde guerre mondiale ». Mme Golda Meir, ministre des Affaires étrangères d’Israël, déclara lors de la mort de Pie XII en 1958 : « Nous partageons la douleur de l’humanité pour la mort de Sa Sainteté Pie XII.(...) Pendant la décennie de la terreur nazie, quand notre peuple a subi un martyre terrible, la voix du Pape s’est élevée pour condamner les persécuteurs et pour invoquer la pitié envers leurs victimes. Nous pleurons un grand serviteur de la paix ». (Condoléances de Mme Golda Meir, ministre des Affaires Etrangères d’Israël, à la mort de Pie XII en 1958. Cité in Itinéraires n° 306.) En 1955, à l’occasion des célébrations du 10ème anniversaire de la Libération, l’Union des Commu- 22 mars 2002 nautés Israélites proclamait le 17 avril « Jour de gratitude » pour l’assistance fournie par le pape durant la guerre. Le 16 février 2001, dans un long article paru dans la revue The Weekly Standard, le rabbin David Dalin de New York, a demandé que Pie XII soit officiellement reconnu comme un « Juste entre les nations ». « Dans le Talmud, il est écrit : «Qui sauve une vie, sauve le monde entier», eh bien, plus que tout autre au XXe siècle, Pie XII a respecté ce principe. Aucun autre pape n’a été aussi magnanime avec les juifs. Toute la génération des survivants de l’Holocauste témoigne que Pie XII a été authentiquement et profondément un juste. (...) Contrairement à ce qu’a écrit John Cornwell, selon lequel Pie XII aurait été le «pape de Hitler», je crois que le pape Pacelli a été le plus grand soutien des juifs ». A noter que David Dalin n’est pas n’importe qui. L’un de ses livres, Religion and State in the American Jewish Experience, a été déclaré l’un des meilleurs travaux académiques en 1998. « Pie XII, écrit-il, fut l’une des personnalités les plus critiques envers le nazisme. Sur 44 discours que Pacelli a prononcés en Allemagne entre 1917 et 1929, 40 dénoncent les dangers imminents de l’idéologie nazie. En mars 1935, dans une lettre ouverte à l’évêque de Cologne, il appelle les nazis «faux prophètes à l’orgueil de Lucifer ». La même année, dans un discours à Lourdes, il dénonçait « les idéologies possédées par la superstition de la race et du sang ». Sa première encyclique en tant que pape, Summi pontificatus de 1939, était si clairement anti-raciste que les avions alliés en lâchèrent des milliers de copies sur l’Allemagne pour y nourrir un sentiment anti-raciste ». À ceux qui reprochent à Pie XII de n’avoir pas parlé assez fort contre le nazisme, Dalin rapporte les propos de Marcus Melchior, grand rabbin du Danemark, qui a survécu à la Shoah : « Si le pape avait parlé, Hitler aurait massacré beaucoup plus que six millions de juifs et peut-être 10 millions de catholiques ». Il rapporte aussi ceux du procureur Kempner, représentant les États-Unis au procès de Nuremberg : « Toute action de propagande inspirée par l’Église catholique contre Hitler aurait été un suicide ou aurait porté à l’exécution de beaucoup plus de juifs et de catholiques ». LE DIALOGUE JUDÉO-CHRÉTIEN Rencontres européennes entre juifs et catholiques (Paris, 28-29 janvier 2002) Nous citons ici quelques extraits signifi catifs de cette rencontre de grandes personnalités des deux parties. Un commentaire semble superflu. DICI Nº 47 • 11 Déclaration finale « (...) Par une série d’initiatives de haute valeur symbolique, de sa visite à la grande synagogue de Rome, le 13 avril 1986, à son pèlerinage en Israël et sa prière au Mur du Temple à Jérusalem, Jean-Paul II a donné à ces relations une nouvelle ampleur et une nouvelle tonalité, comme en témoignent également les actes de repentance des Églises catholiques française, allemande et polonaise, la déclaration du Vatican sur la Shoah et l’établissement des liens diplomatiques entre le Saint-Siège et l’État d’Israël. Le siècle qui vient de s’achever a vu la Shoah, le plus grand crime de l’histoire, où disparurent près de la moitié des juifs du monde, se dérouler dans cette Europe à la civilisation de laquelle le judaïsme avait tant apporté. Négation de l’unité de l’homme, la Shoah impose d’angoissantes questions à l’humanité tout entière, ainsi qu’une réflexion sur les conditions historiques qui ont permis l’énormité du crime. (...) Il est du devoir des chefs spirituels des différentes religions, comme vient de le proclamer la récente réunion d’Assise, de dénoncer le racisme, l’antisémitisme et le terrorisme et d’appeler à la paix entre les peuples. (...) Constatant avec inquiétude, la résurgence d’un violent discours anti-juif, transparent sous ses nouveaux masques, nous saluons la lutte que mène l’Église catholique à nos côtés contre le dévoiement haineux du message divin ». Déclaration des représentants catholiques « Nous, représentants catholiques participant aux Rencontres européennes, déclarons que : Conscients de nos responsabilités dans l’histoire juive, nous tenons à réaffi rmer fermement notre rejet de tout antisémitisme, qu’il soit séculier ou religieux. Nous tenons à ce que l’enseignement de l’histoire de la Shoah soit transmis aux jeunes générations chrétiennes, afi n que l’idolâtrie de soi, dispensée par le nazisme jusqu’au rejet de l’autre et à son élimination, soit à tout jamais bannie de notre civilisation. Nous nous engageons également à ce qu’une connaissance 22 mars 2002 juste et respectueuse des juifs et du judaïsme soit enseignée aux générations futures, afi n que les orientations engagées par le Concile Vatican II perdurent non seulement dans les cœurs, mais aussi dans les actes. Nous prions pour que la paix vienne à Jérusalem ! » Allocution du cardinal Walter Kasper « Nous ne voulons ni ne devons oublier la catastrophe humaine du XXe siècle que nous décrivons par le nom hébreu de Shoah. C’est pour nous une question de sincérité et de courage d’avouer notre défaillance humaine et chrétienne, notre silence et notre indifférence vis-à-vis de ce génocide. » Hommage de Mgr Gaston Poulain au Grand Rabbin René-Samuel Sirat « Vous avez été aussi passionnément présent et attentif à la démarche des évêques de France qui s’est traduite par la Déclaration de Repentance de Drancy en 1997. Vous avez parfaitement saisi la portée de cette Déclaration et vous oeuvrez ardemment pour que ce geste continue de porter des fruits pour resserrer, pour affermir la fraternité judéo-chrétienne. » Intervention du Grand Rabbin René-Samuel Sirat, vice-président de la Conférence des Rabbins européens « Rassurez-vous, je n’ai aucunement l’intention de suivre l’exemple du Grand Rabbin de Rome qui s’est converti au christianisme en 1945 sous l’influence de Pie XII. J’ai toujours insisté, sans trêve ni relâche, sur la nécessité absolue de bannir dans les nouvelles relations judéo-chrétiennes toute forme de prosélytisme ou de syncrétisme, sur le retrait de la proposition de célébrer le 9 août, date anniversaire de la mort en déportation de Sœur Bénédicte de la Croix qui, avant sa conversion à l’Église s’appelait Édith Stein, car cette célébration pouvait apparaître comme une sorte de christianisation de la Shoah. » 5ème congrès théologique SI SI NO NO Courrier de Rome en partenariat avec l’Institut Universitaire St-Pie X La Messe en question Palais de la Mutualité 24, rue Saint Victor - 75005 Paris 12 avril : Autour du problème de la réforme liturgique 13 avril : Liturgie traditionnelle et liturgie réformée 14 avril : Le combat pour la liberté de la messe Sous la présidence de S.E. Mgr Bernard Fellay Informations et inscriptions 15, rue Pierre Corneille - 78000 Versailles Tél. : 01 39 51 08 73 [email protected] Frais de participation 3 jours : 25,- € 2 jours : 20,- € 1 jour : 10,- €