REVUE DE PRESSE - La Camara Oscura
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REVUE DE PRESSE - La Camara Oscura
REVUE DE PRESSE COMPAGNIE LA CAMARA OSCURA Directrice Evelyne Rouquié Administrateur Elias Oziel Diffusion/production Juliette Augy-Bonnaud Contacts Alexandre Zeff Cie La Camara Oscura - 68 rue Amelot – 75011 Paris 06 82 08 03 73 / [email protected] Juliette Augy-Bonnaud 06 70 56 63 93 / [email protected] BIG SHOOT Texte de Koffi Kwahulé Mise en scène A lexa ndr e Zeff Avec Jea n-Ba ptiste Anoumo n et Thomas Durand La Loge Par is – Janvier 201 6 « Théatres.com » La compagnie La Camara Oscura nous a présenté récemment au Théâtre La Loge une création singulière, Big Shoot, créée à partir d’un texte de Koffi Kwahulé. On retrouve toute la singularité de ce grand auteur qui marque de son empreinte un texte aux résonances jazzy. Un texte dont la musicalité fait écho à Coltrane et Monk dont les influences sont décisives dans ce spectacle aux multiples facettes. Ce spectacle qui s’apparente aux jeux modernes du cirque nous convie à une réflexion sociétale sur un monde où l’anonymat rime avec vide existentiel. Vivre une notoriété même éphémère constitue alors une nécessité impérieuse dont les plus fragiles en sont les adeptes et les victimes. Koffi Kwahulé surfe sur une ambiguïté en nous présentant un show musical où le sexe et la violence sont donnés en pâture à un public de plus en plus exigeant. C’est précisément dans l’incongruité de cette histoire que le Jazz trouve toute sa place. Une musique où Coltrane et Monk s’expriment à travers une musicalité plus complexe à saisir. Ce show musical synonyme de mise à mort consentie et voulue par un élu se transforme en une farce féroce et tragique destinée à une foule avide d’émotions fortes. Un spectacle qui repousse les limites le plus loin possible afin de capter un auditoire acquis à sa cause. Alexandre Zeff, fidèle au texte et à la pensée de Koffi Kwahulé, retrace avec précision un avenir qui fait froid dans l e dos et dont nous en percevons les prémices dans notre quotidien. Les c omédiens Jean-Baptiste Anoumon et Thomas Durand assurent une magnifique performance en tenant admirablement le propos dans la pensée de l’auteur. Laurent Schteiner (http://www.théatres.com/articles/theatre-big-shoot-de-koffi-kwahule/) « Africultures.com » Un Big show à la Loge Pour ce Big Shoot de l’auteur franco-ivoirien Koffi Kwahulé qu’il vient de créer dans le petit théâtre de la Loge, Alexandre Zeff a choisi de convoquer le show, le big show même, avec un tandem d’acteurs magnifiques et un véritable Jazz Band. Il explore toutes les facettes de cette étrange pièce qui met en scène un reality show mortel. JeanBaptiste Anoumon, dans le rôle de Monsieur, le bourreau, arrive en prédicateur allumé, comme en transe, un de ces prédicateurs à l’américaine et le « flow » d’injures qui ouvre la pièce se transforme en gospel épileptique. Le plateau subit sous nos yeux toutes les métamorphoses : tour de magie, grand messe, rituel d’exorcisme, numéro de cirque, scène de crime d’un serial killer… grâce au jeu des comédiens et à l’inventivité d’un dispositif scénographique, conçu par Benjamin Gabrié et Anaïs Morisset, qui se fait autant plateau de télévision que scène de music hall : une simple boîte transparente, poussiéreuse et lumineuse aux reflets miroitants. Et nous voilà soudain comme transportés à Las Vegas, tandis que violence, beauté et métaphysique sont au rendez-vous de ce grand numéro de mise à mort, performance aussi mystique que déjantée… Mais surtout la langue-jazz de Koffi Kwahulé est sublimée par le Jazz Band qui en extrait toute la sève musicale, tout en accompagnant le jeu et le groove des acteurs musiciens. Jean-Baptiste Anoumon habite l’espace magistralement en prestidigitateur de haut vol et se laisse aussi habiter par le texte dont il saisit avec jouissance la saveur charnelle. Quel plaisir de voir cet immense comédien donner toute la mesure de son registre dans un rôle taillé pour lui, tandis que Thomas Durand son partenaire, lui aussi, « sort toutes ses tripes » de clown triste dans le rôle de Stan et convoque une figure de Deburau contemporain revisitant l’art du mime à la manière d’un Jean-Louis Barrault. C’est un bonheur de voir ces deux incroyables acteurs en véritables athlètes du jeu sur le ring magique du théâtre livrer combat avec le Mister Jazz band et donner la réplique à la guitare de Frank Perrolle, à la basse de Gilles Normand, à la batterie de Louis Jeffroy. La pièce traite en définitive des affres de la création, de cette lutte à mort de l’artiste avec lui-même, avec l’inspiration, la muse et les chemins qu’elle lui indique et qu’il se doit d’explorer, de contester, de subvertir. La force de la mise en scène d’Alexandre Zeff, c’est qu’il parvient à faire retentir la dimension poétique du texte comme sa dimension rythmique et musicale, celle du duo improbable entre deux jazzmen, celle d’un dialogue imaginaire entre l’utopie mystique de Coltrane et la virulence démentielle de Monk. « La pièce de Kwahulé est tout entière musique » explique Alexandre Zeff. « Sons « sales », langues « étrangères », typographies, didascalies, tressage des voix, gestuelle des personnages qui donne lieu à un lyrisme visuel, tout contribue à la fabrique d’un son et d’un rythme, d’une musique : le jazz de Koffi Kwahulé ». La mise en scène n’a pas peur de nous ramener également sur le terrain des exhibitions du monde médiatique que représentent les reality show sans évacuer la réflexion sur le théâtre et le jeu, comme le signale le fauteuil Voltaire de velours rouge qui trône sur le plateau en guise de chaise électrique ou de siège de torture. Monsieur et Stan sont deux gladiateurs des jeux du cirque médiatique, deux acteurs dans une cage transparente et réfléchissante, un aquarium de magicien, une malle mystérieuse de prestidigitateur, un ring, une cabine téléphonique de show surprise à la japonaise. En même temps, on ne perd jamais de vue la dimension philosophique du dialogue, la variation ludique sur la dialectique hégélienne : le maître et l’esclave, l’Auguste et le clown blanc, Footit et Chocolat, Pozzo et Lucky d’En attendant Godot de Beckett. Alexandre Zeff qui voit dans Big Shoot « l’allégorie apocalyptique d’un monde sans valeurs ni repères » joue de toutes les ruptures et de cette instabilité du dialogue qui saute en somme d’un registre à l’autre comme une radio qui capte plusieurs stations et restitue ainsi toute l’ambiguïté du texte. Il ne renonce à aucune piste, tire tous les fils et nous plante avec le sourire devant l’écheveau tragique et inextricable de notre condition humaine. « Je n’y comprends plus rien » dit Stan. « Ah, parce que tu crois que j’y comprends quelque chose… » répond Monsieur. Sylvie Chalaye « Hier au théâtre » Alexandre Zeff déteste les zones de confort. Après s’être frotté avec audace et style à Je suis le vent et Le 20 Novembre, le jeune metteur en scène récidive dans son déchiffrage du théâtre contemporain avec Big Shoot de Koffi Kwahulé. La petite salle de La Loge swingue et tremble d’effroi face au duel comico-cruel du bourreau et de sa victime dans un monde en crise. Dans un esprit ja zzy respectant à merveille l’écriture kwahulienne, Zeff souligne la portée divertissante de la souffrance érigée en jeu bouffon et démoniaque. Dans la pénombre, un homme est assis en tailleur. Prisonnier d’une cage transparente, il compte les heures avant le rebours fatal. Dernier survivant d’une cité fantôme, Stan s’est volontairement offert en pâture pour rassasier l’avidité voyeuriste d’une foule en manque de sensations fortes. Son juge, le dirigeant de la ville, trône à jardin dans un beau fauteuil pourpre. Il s’engage par un contrat tacite avec son ultime victime à proposer un show du tonnerre de Dieu pour contenter les manants. Dans ce perturbant face-à-face, les rôles semblent distribués à l’avance mais la dialectique du maître et de l’esclave renverse progressivement la vapeur… Big Brother jazzy Comme toujours chez Koffi Kwahulé, l’ordure côtoie le sacré ; la musique nourrit l’écriture. Big Shoot ne déroge pas à la règle puisque le dramaturge ivoirien s’inspire clairement des programmes de télé-réalité tapageurs pour enclencher ses réflexions sur la société du spectacle debordienne. Zeff n’hésite d’ailleurs pas à amplifier le mouvement à travers une scénographie comme souvent impressionnante (fait d’autant plus remarquable qu’on se situe dans un espace minuscule). Ici, le duo évolue dans un carré saturé de néons colorés à ses extrémités ; trois jazzmen accompagnent cette joute oratoire avec beaucoup de classe et d’aplomb et les insultes répondent poétiquement au rythme détendu et nerveux du swing. Montée d’adrénaline engendrée par la dope, blessure par balle, référence au cinéma, orgasme : la polysémie de Big Shoot déploie en éventail deux constantes, à savoir la violence et le plaisir. Une imbrication fondue et totale signifiée par le rituel SM auquel se livrent les deux personnages. La relation complexe les unissant, entre interdépendance et rejet, fascine. Zeff a su choisir des comédiens investis, complémentaires et démentiels. On retrouve Thomas Durand, un fidèle, dans le rôle de Stan, le bouc-émissaire volontaire. Assumant sans complexe une partition qui peut sembler ingrate au premier abord, le comédien au physique de grand dadais adolescent commence par plier sous la torture avec un malaise gauche grandissant. Clown malgré lui dans son insignifiance excentrique (il adore tricoter et se débrouille bien en anglais), il change la donne en dévoilant les fissures d’un être fou, aux allures de Joker malsain. À ses côtés, Jean-Baptiste Anoumon exulte en démiurge excessif et taquin, séducteur monstrueux. Enveloppé dans sa longue cape façon Matrix, il mène la danse tel un gourou possédé. Avec Big Shoot, Alexandre Zeff dessine donc avec force le parcours de deux solitudes qui se rencontrent et tentent de s’apprivoiser dans un show spectaculaire voué au néant. Comment créer du beau à partir de la violence ? Comment le pouvoir de la fiction peut suspendre temporairement le couperet de la mort ? Voilà deux questions que pose Kwahulé dans ce court dialogue auxquelles Zeff parvient à répondre grâce au talent de deux comédiens intrinsèquement unis, comme le yin et le yang. L’écrin resserré de La Loge permet de faire exploser avec plus de retentissement la bombe orale de ce shoot final. ♥ ♥ ♥ ♥ Thomas Ngohong (https://hierautheatre.wordpress.com/2016/01/13/le-swing-explosif-dalexandre-zeff/) « La Galerie d u théâtre » Le dramaturge ivoirien Koffi Kwahulé a rédigé sa pièce Big Shoot en 2000, comme on pose une question dérangeante. La question du rapport que chaque civilisation entretient face à la violence, comme nécessité constructrice. Prenons pour point de départ l’histoire de Caïn et Abel : le bâtisseur tua son frère de ses propres mains avant de partir en exil et fonder Hénoch, la première ville. Chaque société prend sa source dans la violence et dans le sang. Ainsi, Big Shoot nous propose comme un écho au mythe intemporel le contexte d’une émission TV. « Monsieur » le présentateur-bourreau reçoit des invités, toujours volontaires, pour les tuer en direct d’une balle dans la nuque. La perspective de ce spectacle de mort excite tant « la Cité » que les hommes viennent de très loin, à pieds et du bout du monde, pour assister à cette performance exceptionnelle. Aujourd’hui Monsieur affronte son dernier invité, « Stan » comme il décide de le nommer, pour prononcer son jugement face aux caméras et à la foule présente. Et si possible réaliser le big shoot, le shoot ultime, sacrifice qui mettra fin aux souffrances d’une humanité en perte. Le plateau est plongé dans une pénombre et un brouillard compacts, à peine rehaussés de quelques inquiétantes lumières. Au centre, une cage aux parois transparentes dans laquelle se tient Stan, accroupi et parfaitement immobile tel le cobaye en attente. En fond de scène, trois musiciens se tiennent prêts à jouer les airs de jazz qui rythmeront et ponctueront la pièce. D’ailleurs, la musique commence. Monsieur, démiurge tout puissant du show entre en scène et ses mots claquent comme des gifles à nos visages. Homme noir vêtu de noir sous son long manteau noir, il exhale déjà le danger et la terreur. Le petit blondinet recroquevillé dans sa cage, revêtu d’une simple chemise blanche, fait bien pâle figure à côté. Et l’émission se met en branle. Monsieur va tour à tour questionner, frapper, amadouer, insulter ou féliciter Stan, dont la mission semble être de nous raconter un souvenir, à nous qui sommes devenus, déjà désignés par Monsieur, les spectateurs avides de l’exhibition à venir. Et Stan commence à décrire une scène, à tâtons, incertain quant à ses souvenirs. Monsieur s’insurge, éructe, à chaque faux pas de mémoire. Mais est-ce un faux pas, qu’est-ce que Stan est censé dire véritablement, y a-t-il vraiment un récit ou Monsieur se doit-il seulement de terroriser pour le show ? Peu importe finalement, l’essentiel étant ce constant jeu d’équilibre et de pouvoir entre le bourreau et sa victime. De cette sorte, le spectacle avance en dents de scie, cassant perpétuellement son rythme, faisant revirer intentions et positions de domination ; au risque d’entrer dans un système qui pourrait devenir lassant. Mais ce qui fonctionne c’est que l’on s’épuise, le spectateur s’épuise, la pièce nous demande énormément d’énergie comme elle nous éprouve, comme notre irréfrénable empathie nous éprouve ; comme les comédiens éprouvés donnent véritablement d’eux-mêmes, physiquement. Ils font preuve d’une précision de jeu, tant dans les mouvements du corps et les moments dansés, que dans les mots, secs ou miel, qu’ils égrènent et font sonner. Ils jouent dans la tension, l’agressivité, la froideur de la violence contenue, la peur. Car Big Shoot est un spectacle de la perversion. L’attitude du bourreau qui amadoue pour mieux battre est profondément perverse, perverse au sens sexuel même, comme il nous évoque les sodomies cruelles effectuées sur les anciens candidats. Mais au fil de la pièce, celui qui passait pour victime se révèle différent de ce que nous croyions, quelque chose dans le regard qui le rend malsain et trouble, nous disant que peut-être il y a de bonnes raisons de l’abattre. Et en effet le candidat suicidaire prend parfois le pas sur son adversaire, jusqu’à devenir le parfait complice de ce jeu de mort et de dupe. La pièce elle-même est perverse, qui joue avec nous et nous fait languir. Mais finalement, la perversité ultime s’avère être celle du spectateur, plus que celle d’aucun autre : car c’est pour nous que cette pièce est jouée, si elle a lieu c’est qu’il y a de la demande, et la salle est véritablement emplie aux quatre coins de ces spectateurs « venus à pieds du bout du monde », comme le dit Monsieur. Monsieur, qui s’est mis à pointer des calibres contre des nuques suicidaires parce qu’on le lui a demandé, que l’on est venu à lui, sa drôle de volonté de fer se muant alors asservissement. Rares sont les bourreaux aimés ; mais tout aussi rares sont les bourreaux qui aiment leur travail. Et nous, spectateurs de l’émission fictive mais surtout spectateurs de la pièce, nous qui en avions lu le résumé et sommes venus en connaissance de cause, nous sommes les ultimes pervers de cette pièce démoniaque. Ici Big Shoot s’apparente à un phénomène bien antérieur à la télévision : les jeux du cirque de la Rome Antique, et plus particulièrement les combats de gladiateurs. Affrontements brutaux et cruels, encouragés et soutenus par une foule fascinée – mais qui n’aboutissaient pas nécessairement à la mort, contrairement à ce que se figure l’imaginaire collectif – leur succès était de taille. Menés au départ comme des rituels funéraires et religieux, les combats perdirent peu à peu de leur sacré pour finalement devenir un jeu profane, un divertissement sportif et spectaculaire. Big Shoot rassemble ces deux aspects, la venue à l’émission se transformant en un pèlerinage morbide autour du monde tandis qu’il s’agit d’un jeu de mort en direct, divertissement TV à grande échelle. Il est intéressant de noter que ce passage de rituel sacré à divertissement profane opéré par les combats de gladiateurs, ressemble à s’y méprendre à l’histoire du théâtre. En effet, circonscrite à des périodes précises de seulement quelques jours par an, ce que nous nommons naissance du théâtre en Grèce Antique consistait alors en de grandes fêtes cosmiques, telles les Dionysies. La forme de ces représentations fédératrices et populaires évoluant et s’affinant peu à peu, celle-ci commencèrent à prendre de l’ampleur pour devenir l’ancêtre du spectacle de divertissement que nous connaissons aujourd’hui (parfois payant, mais encore souvent gratuit lors de cette époque où le théâtre avait pour autre fonction l’éducation du peuple). Et comme ce fut le cas pour les gladiateurs, la mutation du théâtre en divertissement mena à la professionnalisation des comédiens (qui étaient jusqu’alors de simples bénévoles, amateurs talentueux). André Degaine, dans son volumineux ouvrage Histoire du théâtre dessinée1, situe la professionnalisation des comédiens à l’époque de la Renaissance (à partir de la fin du XVIème siècle environ). Et ce que la professionnalisation amène, c’est la nécessité de jouer – ou de combattre – pour vivre, pour gagner son salaire. Et c’est ce qui rejoint Monsieur, et Stan : ils vivent l’émission comme un job. Monsieur ne lui dira-t-il pas « y a pas à dire, t’es un vrai pro » ? Tous deux ont une mission à remplir, aboutir au dénouement final tant attendu, et contenter un public avide. Ainsi, le drame qui se joue devant nous n’est peut-être qu’une mascarade, qu’un jeu de rôles bien définis (d’ailleurs « Stan » n’est qu’un personnage, parlant de lui-même à la troisième personne : Stan dit, Stan voit, Stan fait). Et il importe peu, finalement, que l’affrontement soit vrai ou non : comme Barthes analysait les combats de catch excitant les foules, ici « ce que le public réclame, c’est l’image de la passion, non la passion elle-même »2. Peu importe que Monsieur veuille réellement s’en prendre à Stan ou qu’ils soient deux complices dans une parodie de sensationnel ; peu importe que Stan meure parce qu’il est nécrophile, pauvre type asocial ou pour rien du tout, tant qu’il meure pour nos péchés à tous. Et l’on parvient à ce que Pacôme Thiellement désigne, dans sa conférence Andy Yoga menée courant 2015 au Centre Pompidou, par « l’idée de la montée aux extrêmes dans la représentation publique »3. Cette idée, on l’a vu, ne date pas d’hier. Mais celle qui l’a poussée à son paroxysme, et de manière irrémédiable, est probablement Christine Chubbuck. Cette présentatrice TV américaine s’est donné la mort en direct à la télévision, le 15 juillet 1974, d’une balle dans la tête. Réponse à toutes les horreurs que les chaînes se complaisent à diffuser en boucle. La réalité rejoint la fiction, la réalité a même dépassé la fiction ce jour-là. 1 2 3 André Degaine, Histoire du théâtre dessinée, Éditions A-G Nizet, 1992 Roland Barthes, « Le monde où l’on catche » in Mythologies, Éditions du Seuil, 1957 Pacôme Thiellement, Andy Yoga, pour Andy Kaufman et contre tous les autre Difficile dès lors de monter encore en puissance. Comment déterminer qu’un shoot sera le shoot ultime ? Cela rejoint encore les snuff movies, ces films présentant meurtres, viols et tortures assénés réellement (en théorie) pour les besoins de l’image. Et ces vidéos virales qui circulent sur le net, où l’on peut visionner les massacres commis par des tueurs en série, ou lors d’attentats. Tout cela se nourrit à la même source : la fascination que peuvent exercer ces images sur un spectateur en demande, l’attraction-répulsion se dégageant du morbide. Tant d’exemples déjà de cette cruauté mise en vitrine par l’humanité, générée par notre besoin d’expulser angoisses, frustrations et colère refoulées. Le big shoot devient une fête comme Carnaval était une fête : fête de la transgression, du défoulement, de l’éprouvement des passions contenues au quotidien. Seulement ici, au lieu d’éprouver pour soi en son corps même, au lieu d’incarner la transgression, l’individu demande à un autre de transgresser pour lui : il le fait si bien. Ainsi Big Shoot rejoint cette tradition de la violence déléguée à un autre : la violence à la demande. Big Shoot questionne notre rapport au spectaculaire, à la représentation en ce qu’elle a de sensationnel : pourquoi allons-nous au spectacle, que cherchons-nous à en tirer, et jusqu’à quel point allons-nous continuer à regarder ce que l’on nous sert comme une ordure délectable ? La question se perd, la réponse n’a jamais eu lieu, inutile de chercher de quelconques explications du côté de la sociologie, du côté fragmenté de nos petites vies actuelles : comme on l’a vu, l’expression de la violence et la marque qu’elle imprime en chacun de nous sont antérieures à toute notion télévisuelle, à toute notion de modernité même ; elle se perd dans le fondement des plus anciennes sociétés. Peut-être les raisons ont-elles évolué avec le temps, peut-être différentes sont les excuses que nous pouvons apposer au sang, mais toujours l’essence reste la même, toujours il y aura un shoot. Big Shoot ne nous fournit pas de réponse, ses maigres propositions (la vanité, l’anonymat peutêtre ?) n’étant que prétextes à mener la ronde. Big Shoot ne répond pas, il tente l’exorcisme. Il tente d’exorciser la question de l’image-ordure. Le shoot fait d’ailleurs référence aussi bien au tir d’un flingue qu’à l’image, au tournage de cinéma. Et c’est ainsi que le final de la pièce évoquera un dispositif cinématographique, dans lequel Monsieur qui précédemment se mettait en scène prend la place du spectateur dans une salle obscure. En fin de compte, qui a regardé qui ? Lisa Dumas (http://www.la-galerie-du-spectacle.fr/big-shoot-de-l-camara-oscura/) « Le Souffleur – Étudiants aux théâtres » Je déteste l’écriture de Koffi Kwahulé. Voilà, le couperet est tombé et je m’en excuse d’avance. Comme le dit un dicton que l’on entend que dans les milieux artistiques : « Avec lui, soit on adore, soit on déteste. Il n’y a pas de juste milieu ». Or, ce spectacle joué par la compagnie Camara Oscura m’a prouvé le contraire. Cette mise en scène a été mon juste milieu, mon exception qui confirme la règle. Sur la petite scène du théâtre de la Loge trône une immense cage en verre. En son centre, un homme assis en tailleur semble se livrer à un exercice de méditation. Actualité oblige, certains y verraient un univers à la Star Wars. Tout du moins futuriste. L’attente se fait, longue et patiente, le temps qu’un à un les spectateurs s’assoient pour qu’enfin le show commence. Car « Big shoot » va être de bout en bout un étrange reality show à l’américaine dans lequel le public aura son rôle à jouer : celui si dérangeant de voyeur avide du sacrifice d’un homme. Et c’est bien d’ailleurs ce qui m’horripile dans l’écriture de Koffi Kwahulé. Cette démonstration de ce qu’il y a de plus violent, sombre et cruel dans le monde, cette apocalypse sans nom qui nous prend en otage sans que nous puissions agir tout en nous balançant quelques touches d’humour. Rire de l’horreur ? J’en suis incapable. Voilà pourquoi cette dramaturgie de l’alternance me met si mal à l’aise. Ici, la compagnie Camara Oscura retourne à l’essence même de l’écriture de Koffi Kwahulé : le jazz. « Je me considère sincèrement comme un jazzman. C’est mon rêve absolu » écrit Kwahulé. Tel un musicien, il écrit ses pièces comme il composerait une chanson : d’une traite, que complètent de petits ajustements. Le rythme pulse comme un beat de batterie, où les ralentis ne sont qu’un martèlement sourd avant la reprise du crescendo. La musique envahit l’espace scénique grâce aux trois musiciens en arrière-scène. Divin en bourreau amoureux de musique américaine, Jean-Baptiste Anoumon donne à son personnage une crédibilité effrayante. D’un air de musique à un autre, il influe rythme, son, paroles : il devient le véritable chef d’orchestre de la séance de torture qui se déroule sous nos yeux. À chaque émission, ce présentateur tortionnaire, auto-proclamé artiste, abat un candidat d’une balle à l’arrière du crâne. Les spectateurs, eux, viennent de loin pour assister à ce sacrifice. Mais aujourd’hui, Stan, cadavre en puissance, est le dernier survivant de la cité. Cette dernière exécution sera donc le « Big Shoot », l’œuvre d’art grandiose d’un présentateur aussi excentrique qu’un artiste, aussi sanguinaire qu’un bourreau. Stan n’est d’ailleurs pas le vrai nom de la victime, mais celui du cochon du présentateur qui renomme ainsi tous ses candidats. Effacement de la singularité, transformation des faits, torture gratuite, frapper et menacer jusqu’à ce que l’esprit cède : la cité est contaminée par la soif de sang et la quête de pouvoir. Car toute la première partie de la pièce se joue de cela : que reproche-t-on à Stan ? Il semble avoir tué une femme pour un collier de perles ? Simple d’esprit, il serait mis sur le banc des accusés sans réelle preuve, la torture venant suppléer l’enquête. Les pistes sont brouillées, le spectateur s’interroge : y a-t-il culpabilité ? Très vite, les incohérences se font jour, grâce auxquelles Stan reprend le dessus sur son bourreau. Victime pré-déterminée de la rage des hommes, pourquoi jouer le jeu ? Dans cette relation presque charnelle entre le bourreau et sa victime, Stan donne du fil à retordre. Si l’on fait abstraction de la fin qui rejoue un peu trop longtemps le sacrifice païen pour symboliser la fin de la violence par le dernier meurtre, cette mise en scène est une véritable réussite en terme d’allégorie apocalyptique. Les deux acteurs, appuyés par la synchronisation musicale parfaite du Mister Jazz Band, nous plongent dans un décor d’horreur. La violence est aussi crue que sensuelle, telle un sein maternel mordu jusqu’au sang. Horrifiant ! Amandine Pilaudeau (http://www.lesouffleur.net/12870/big-shoot/) « LES 5 PIÈC ES » Notre avis : Une réussite Une mise à mort aux allures de reality show , dans un face-à-face troublant de réalisme. Sur un plateau à peine éclairé, deux hommes se font face. On comprend rapidement qu'il s'agit d'un homme et de son bourreau, mais cela ne s'arrête pas là : il s'agit d'un bourreau devenu esthète de la mise à mort, érigeant l'exécution au rang de véritable oeuvre d'art. La foule afflue des quatre coins du monde pour venir assister au "spectacle", auquel les victimes se prêtent avec un plaisir pervers et autodestructeur. La société en est arrivée à un tel point d'ennui que rien ne semble freiner sa recherche d'intensité. L'homme qui est en face de lui n'est pas n'importe lequel, puisque cette fois il s'agit du dernier. Commence alors une torture physique et psychologique extrêmement subtile, au cours de laquelle les rôles vont progressivement s'inverser, nous maintenant jusqu'à la dernière seconde dans un état de tension presque insoutenable. La scénographie nous plonge immédiatement dans l'univers des comédiens, tous deux excellents dans leurs rôles respectifs. Fumée, lumière rouge, personnages enfermés dans une cage de verre, dont le bourreau s'échappe parfois pour déambuler au milieu du public : l'immersion est totale, et le jeu incroyablement bien maîtrisé. Rien n'est gratuit, ni l'humour, éminemment cynique, ni la nudité, ce qui est loin d'être toujours le cas. On ressort de ce spectacle troublé, mais définitivement conquis. Alicia Dorey (http://www.les5pieces.com/critiques/big-shoot-koffi-kwhahule-la-loge-alexandre-zeff) « Hottellotheatre » « Je n’écris pas sur les Blancs, ou les Algériens ou les Chinois, j’écris sur le frottement de tous ces mondes qui se côtoient. Je me considère comme un citoyen français mais comme un dramaturge ivoirien. » Koffi Kwahulé est un comédien, metteur en scène, dramaturge et romancier ivoirien dont l’écriture est influencée par le jazz – une musicalité verbale faite de ruptures, de superpositions, de silences, d’improvisations – et une vision politico-sociale de critique subversive et ironique, la matière même d’une belle satire sur nos temps présents. Le verbe brut et heurté – insultes et injures – provoque l’interlocuteur comme le spectateur, le malmène et le met à mal, des apostrophes à la Jean Genet. Cette langue dont l’agressivité fuse, s’insinue dans une musique free jazz, ses saccades, ses emportements et ses tensions. Big Shoot de Koffi Kwahulé est l’allégorie apocalyptique d’un monde sans valeurs, voué à la violence et à la crudité animale à travers l’attachement féroce de deux hommes qui s’affrontent, l’un le maître et l’autre l’esclave, l’un le dominateur et l’autre le dominé. La pièce présente un Reality Show à l’américaine – micros HF de rigueur – où l’enjeu est de faire de sa propre mort un spectacle et du tableau de cette exécution une œuvre d’art : « Je suis un artiste », répète étrangement Monsieur, le présentateur et le bourreau de ce jeu morbide face à son interlocuteur Stan, une bête de foire exposée dans une cabine transparente en plexi. L’animateur tortionnaire abat à chaque nouvelle émission un candidat d’une balle dans la tête, sous le regard complaisant de voyeurs nombreux, premier degré et relai d’une mise en abyme de théâtre dans le théâtre pour le public second de spectateurs interdits. Le rituel de mise à mort mettra fin peut-être aux tortures et violences en question. « Big Shoot » signifie le piège, le guet-apens, la proie tragique d’un prédateur fou, la mise à mort avec arme à feu, une prise de ligne de coke, une relation sexuelle fugace, une séance de photos de mode ou un tournage de film. Temps speed et stress, urgence et souffle coupé. Cette confrontation duelle et cassante évoque en même temps le mythe d’Abel et de Caïn, le couple originel qui entraîne la malédiction humaine dont l’un tue l’autre, un frère qu’il ne veut pas en vie, ni rival ni concurrent. La civilisation s’inscrit antiquement à l’orée d’un fratricide, une violence innée, instinctive et résurgente. Monsieur fait mine d’accueillir Stan, lui invente un crime odieux, lui fait subir un interrogatoire, l’insulte et l’outrage, non seulement verbalement mais encore physiquement, simulant l’imminence et l’effroi redouté d’un viol. Réduit, « Big Shot » suggère encore la suffisance de celui qui sur-joue pour un spectacle mortifère car « la vie n’est qu’un brouillon de la mort. » À côté du trio Mister Jazz Band pour l’ambiance – Franck Perrolle à la guitare, Gilles Normand à la basse et Louis Geffroy à la batterie -, Jean-Baptiste Anoumon qui joue aussi du saxo incarne « paradoxalement » le bourreau extraverti, grand comédien de couleur bien balancé tandis que Thomas Durand interprète la victime blanche repliée, l’esclave humilié et empêché, avant de se ressaisir et révéler ce en quoi il croit. La mise en scène coupée au cordeau, étincelante et sensationnelle, ne cesse d’interroger cette profonde violence incontournable tapie chez les êtres. Véronique Hotte (https://hottellotheatre.wordpress.com/2016/01/13/big-shoot-de-koffi-kwahule-mise-en-scenede-alexandre-zeff/) JE SUIS LE VENT Texte de Jo n Fosse Mise en scène A lexa ndr e Zeff Avec Camille de Sa blet et Thoma s Durand Théâtre de Vanves – Octo bre 201 4 « Hier au théâtre » Auréolé du prix « jeunes metteurs en scène du Théâtre 13 » en 2007, Alexandre Zeff poursuit son exploration du théâtre contemporain en adaptant Je suis le vent de Jon Fosse. Ce voyage d’une heure à peine, entre ciel et mer, apaisant et tumultueux, reprend les leitmotivs fossiens du deuil, de l’absence et de l’incommunicabilité. Dans une imposante scénographie savamment élaborée, Camille de Sablet et Thomas Durand se déchirent et s’interrogent avec perplexité et douleur sur le sens de la vie. Un travail d’une pertinence, d’une précision et d’une intelligence de lecture tout à fait remarquable. Foncez au Théâtre de Vanves pour découvrir ce bijou. Un homme se hisse sur un gigantesque bateau. Ruisselant et nu, il apparaît comme une version masculine de Vénus anadyomène. Ce marin d’eau douce déambule et semble tourmenté. En voix off, une jeune femme le questionne et le pousse dans ses retranchements. Le pauvre se sent lourd comme une pierre et gris. La beauté de la mer nordique le calme, son silence et ses mystères l’intriguent. Rejoint par sa compagne, il accoste le long d’une crique déserte pour repartir de plus belle affronter la haute mer. Jusqu’où dériveront-ils ? Alexandre Zeff propose ici une relecture judicieuse de la pièce de Fosse en centrant l’intrigue non pas sur un duo d’amis matelots mais sur un tandem amoureux en proie aux tensions et à l’incertitude. La barque devient alors la métaphore spatiale du tangage sentimental du couple. Camille de Sablet incarne la conscience plus terre-à-terre du jeune homme. Elle tente désespérément de le raisonner, en vain. Son élégie finale, martelée d’« Où es-tu ? » remue les entrailles. Face à elle, Thomas Durand (qu’on a déjà admiré il y a deux ans dans Victor ou les enfants au pouvoir à la Ville) erre avec stupeur. Situé dans une hors-zone, mort-vivant, il se montre à la fois entreprenant et dépressif avec une fine volte-face. Alexandre Zeff introduit une dimension romantique dans Je suis le vent notamment par une scène de dîner aux chandelles inattendue où le bateau se transforme en piste de danse. Non seulement la direction d’acteurs se révèle impeccable mais la scénographie enchante la vue. Avant même que la pièce ne commence, le public traverse une petite passerelle surmontée d’une lampe à pétrole dans un brouillard tenace. Des guirlandes éclairent doucement le plateau, disposé en bi-frontal. La grande barque conçue par Xavier Lemoine occupe toute la longueur de la scène. La proue se métamorphose en néon doré et bleuté, illuminant plus ou moins massivement les acteurs par des rais éblouissants. Des voiles noires de deuil se soulèvent et enveloppent Thomas Durand, dont le personnage se suicide ou trébuche accidentellement, on ne saura jamais vraiment. Fumées et pluie complètent les effets spéciaux pour un tableau noir et clairsemé. Telle la mer, matrice de vie et linceul caressant, Je suis le vent distille une lourde légèreté, un sens aérien de la pesanteur et de la mélancolie. Avec grâce et urgence, Alexandre Zeff offre un point de vue novateur et plus sentimental de la pièce fossienne. Les deux acteurs rivalisent de complicité et d’alchimie dans un décor monumental et féerique. Une sacrée réussite pour ces jeunes ! Coup de cœur. ♥ ♥ ♥ ♥ ♥ (https://hierautheatre.wordpress.com/2014/10/13/la-barque-brumeuse-dalexandre-zeff-revisitefosse/) « Theatres.com » La Compagnie La Camara Obscura nous a gratifiés, au Théâtre de Vanves, d’un spectacle de toute beauté en adaptant l’œuvre de Jon Fosse, Je suis le vent. Ce spectacle est en tout point magnifique par la complétude qu’il dégage à tous niveaux tant par sa mise en scène, son jeu des comédiens ou encore par sa scénographie ahurissante. Alexandre Zeff, que nous avions remarqué dans son dernier spectacle Le 20 novembre, revient ici en force dans cette adaptation de Jon Fosse. Pour l’occasion Alexandre Zeff a transformé la salle en un bateau dans lequel les spectateurs prennent place à la lueur de lanternes qui trouent le brouillard d’une lumière diffuse. Une salle, où les planches de bois du bateau plaquées au mur rappelant la coque, place les spectateurs au cœur même de la pièce. Placée en bi-frontale, la scène représente le pont de ce navire où l’eau a, semble-t-il, pris naissance. Le bruit du vent dans le bastingage alimente le fond sonore. Mais le talent d’Alexandre Zeff est également palpable dans une mise en scène parfaitement maîtrisée et réussie. Tout concourt à conjuguer la musique des mots de Jon Fosse qui se mêle harmonieusement avec le clapotis de la mer ou la tempête qui fait rage. Les comédiens sont criants d’authenticité. Camille de Sablet incarne cette voix pleine de questionnements et de raison. Elle est bouleversante et sensuelle. Un personnage fort et fragile à la fois pour lequel le public tremble au plus fort de la tempête. Thomas Durand incarne un personnage désorienté, qui après avoir traversé une tempête personnelle, tente de retrouver le calme sur ce bateau en tentant de prendre à témoin sa partenaire pour ce qui sera son ultime révélation de son mal être. Les parallèles entre sa vie passée et la mer apportent à ce témoignage une force telle que la mort en devient la clé. Cette fable interprétée avec une grande sobriété où les silences ou non-dits deviennent assourdissants témoignent également de la réussite de ce spectacle. Un spectacle qui aura, sans nul doute, une suite tant la qualité est au rendez-vous ! Theatres.com - Laurent Schteiner (http://www.xn--thatres-cya.com/articles/evenement-je-suis-le-vent-de-jon-fosse-2/) « Théâtre du blo g » Les didascalies de Je suis le vent indiquent que la scène se joue dans un bateau imaginaire à peine suggéré, à la façon d’actions imaginaires, elles aussi, à suggérer. Alexandre Zeff s’amuse de ces détails et en rajoute même avec une scénographie technicisée : barque, accessoires marins et bruit de bourrasques de vagues. Des cordes retiennent les spectateurs quand ils montent à bord, et les chaînes d’amarrage résonnent en frottant les flancs du bateau. Assis dans les travées de bois de l’embarcation, nous éprouvons la sensation douce-amère d’un tournis bienfaisant. L’Un et l’Autre dialoguent : un homme (Thomas Durand) et une femme (Camille de Sablet). L’Un, poétique et lunaire, profondément mélancolique et rêveur, est attiré par un au-delà inaccessible, aidé par le schnaps qui lui donne du courage. L’Autre, terre-à-terre et plus quotidienne, est une figure glamour à la Marylin, petite robe noire de soirée, coiffure balayée chic et maquillage souligné. Et des loupiottes, verres à pied en cristal, et air langoureux de Frank Sinatra, pour un dîner festif. Il y a des îles et récifs évoqués, des criques entrevues, des voiles de brume et de silence s’élevant dans la nuit du ciel; on entend aussi l’eau qui clapote. L’Un avoue à l’Autre sa peur de sauter par-dessus bord, (pas exactement une pensée mais quelque chose de proche), face au profond vertige de cette étendue marine qui l’aimante et le fascine, attiré qu’il est par le vide ineffable de l’abîme. L’Autre tente de faire parler le taiseux, et fait en sorte qu’il s’exprime dans la quiétude, mais il se rétracte : « Ce sont juste des mots/Des choses qu’on dit/Je n’ai rien voulu dire/Je ne faisais que parler. » L’Un s’assimile à une pierre, à quelque chose de lourd, en avouant pourtant que tout se balance finalement dans l’éther du vent de la mer. L’Un, un être douloureux, se sent envahi à la fois par la peur et la toute-puissance de sa rêverie. Le déchaînement des éléments témoigne autant de la sauvagerie furieuse de la nature, que d’une forme de calme et de sérénité, dûe au mouvement régulier des vagues. Les eaux tranquilles évoquent, elles, une attente, une menace sourde, une suspension de la vie jusqu’à l’événement fatal. Le spectacle égrène avec finesse ce sentiment d’infinie solitude, d’attente et de vide à combler. L’Autre tente d’aider L’Un, en lui soufflant que la vie continue et qu’on doit se défendre. Était-il, enfant, dans ce sentiment d’abandon ? L’Un rétorque : « Non. Alors, tout était en mouvement. » Avec ses soulèvements d’air et d’écume, un mouvement inlassable d’existence mouvante et joyeuse, la mer est symbole de vie, de mort et renaissance. L’enjeu de l’affrontement avec elle, n’est ni la vie ni la mort mais la liberté, avec une vie réappropriée dans la conscience de la mort : « La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme », disait déjà Baudelaire. La scénographie de Xavier Lemoine et Estefania Castro est audacieuse : coque de bateau, grincement de chaînes, bruit lancinant des vagues. À travers des châssis transparents et de miroirs réfléchissants, et grâce aux lumières de Sébastien Roman, on se croirait entre vie et mort, ciel et mer, et entre les vivants et les morts ; seul, un rayon lumineux vertical signifie la séparation entre les deux mondes. Et, malgré le décalage de jeu entre l’aérien Thomas Durand et celui Camille de Sablet, plus âpre, le spectacle possède une écriture scénique de toute beauté. Véronique Hotte - http://theatredublog.unblog.fr/2014/10/17/je-suis-le-vent/ LE 20 NOVEMBRE Texte de Lars Norén Mise en scène A lexa ndr e Zeff Avec Camille de Sa blet Théâtre de La log e/Co nfluences /Théâtre-studio d'A lfortville « Theâtre.com » - avril 2015 – Théâtre-studio d’Alfortville UNE CLAQUE MAGISTRALE AU THÉÂTRE-STUDIO D’ALFORTVILLE ! Camille de Sablet a réalisé une véritable performance, au Théâtre-studio d’Alfortville, en interprétant de façon étonnante le personnage complexe de Sebastian Bosse qui perpétrait le 20 novembre 2006 dans son ancien lycée en Allemagne un massacre d’anciens camarades et de professeurs. La mise en scène d’Alexandre Zeff est magistrale. Elle nous conduit dans les abîmes de la folie meurtrière de ce tueur assis sur le ciment d’un populisme dévoyé. Ce spectacle est un pur électrochoc qui explore les faiblesses de nos démocraties face aux dérives sociétales créant parfois une engeance monstrueuse. Ce fait divers rappelle de façon troublante le massacre commis par Anders Breivik en 2012 en Norvège. La mise en scène d’Alexandre Zeff très stylisée crée un impact énorme sur les esprits. À la mesure du dysfonctionnement d’un système créant ses propres scories. Une ampoule de faible intensité suspendue par un fil se balance éclairant le personnage et le public alors que résonne la voix du tueur. De ses humiliations et de ses vexations, tous les sentiments de frustrations nous sont assénés comme des coups de poing. Une aire remplie d’eau dont le fond rouge marque l’empreinte meurtrière du tueur. Une eau que le personnage s’asperge dans des bouffées délirantes qui le saisissent. Il décrit la société comme un espace oppressant ne permettant pas l’expression de la liberté. La vie étant si éphémère. Il inscrit d’ailleurs ce postulat à la craie sur un tableau « rien n’est éternel, tout passe sauf les anges » à la lueur de feux de Bengale qui s’éteignent nous laissant dans le noir. Si tout est inutile et sans issue, à quoi bon exister. Son rapprochement avec l’extrême-droite est pour lui logique et attractif. Le bouc émissaire est là sous ses yeux. Le lycée, où la pensée unique est développée, forge tout le système. C’est là qu’il faut frapper mais ne pas reproduire les erreurs de Colombine. D’où l’énumération de « trucs à faire » dans une logique froide et calculée du massacre. Sa rhétorique glaçante l’emporte dans un tourbillon de folie qui le dévore. La scène extatique de ce tueur baigné dans une douche de lumière nous hypnotise par l’effroi de ses vociférations. Une prolixité, qui déforme le visage même de ce personnage inquiétant, au son d’une musique couvrant peu à peu ses propos. On ne peut sortir indemne d’un tel spectacle tant les questions se pressent et demeurent sans réponse. Cette œuvre forte de Lars Noren est servie par une comédienne exceptionnelle avec qui nous devrons désormais compter ! Theâtre.com - Laurent Schteiner (http://www.théatres.com/articles/le-20-novembre-de-lars-loren-une-claque-magistrale-autheatre-studio-dalfortville/) « Hierauthé âtre » - avril 2015 – Th éâtre-studio d’Alfortville Avec Le 20 Novembre, Alexandre Zeff livre un solo coup de poing sur la marginalité. Le monologue vindicatif de Lars Norén se retrouve sublimé dans une mise en scène ultra esthétique, convoquant la beauté de la terreur. Camille de Sablet s’impose avec une puissance de déflagration dévastatrice au Théâtre-Studio d’Alfortville. Une pépite styl isée et déchirante à ne pas rater. Tapie dans la pénombre, une silhouette menue nous invective et réclame notre attention. Une lumière pendulaire éclaire par instant un visage hagard. Murmure doucereux et fétide, Pythie de l’an 2000, Sébastian Brosse annonce qu’il commettra un massacre dans son lycée d’ici une heure. Le temps d’exposer son harangue anti-capitaliste, anti-religieuse et d’expliquer ses motivations. D’emblée, Alexandre Zeff distille une atmosphère troublante, mi-effrayante, mi-hypnotique. On plonge insidieusement dans la psyché de cet ado complexé planifiant scrupuleusement sa vendetta. La minutieuse préparation de son coup d’éclat se montre captivante et sans aucun temps mort. Dans un ring d’eau rougie, Camille de Sablet endosse sa tenue d’enfant-soldat avec un abattage monstrueusement prodigieux. Son timbre rauque d’exterminateur des masses, sa démence lucide, glacent le sang. D’un bout à l’autre de ces quarante-cinq minutes, elle prend aux tripes et tient en haleine sans jamais se départir d’une sincérité viscérale. Une actrice d’un grand talent à suivre de très près. D’aucuns hurleront à la surenchère d’effets et déploreront un manque d’épure mais l’intelligence de la mise en scène de Zeff repose justement sur sa totale cohérence : chaque élément a sa place, chaque regard est posément étudié, tout l’espace s’avère envahi par la présence de ce bouc-émissaire révolté. Un crayonnage frénétique et anguleux à la craie sur un tableau, danse infernale et logorrhéique, lumière rouge sang… L’écrin scénique donne de la majesté à la violence de la diatribe sans en occulter sa virulence et surtout sans vouloir cautionner les actes de ce lycéen. L’esthétique de cette version accompagne bien plus qu’elle ne dénature le texte de Norén. Rien n’est gratuit ici, pas d’emballage superficiel. Quelle ironie du sort pour Sébastian Brosse ! Presque dix ans après son attentat suicide n’ayant entraîné aucune mort à part la sienne, plus personne ne connaît son nom. Lui qui voulait enfin se distinguer, retombera vite dans l’anonymat. Entre temps, la tuerie d’Utoya, Charlie et le massacre de l’Université de Garissa sont passés par là. Sensible au sort de ce sacrifié volontaire, le dramaturge suédois s’est donc engagé dans une voie devenue peu novatrice mais toujours aussi remuante. Alexandre Zeff est un metteur en scène qui prend incontestablement du galon : son souci de l’esthétique, sa direction d’acteurs engagée et sans fioritures en font un artiste précieux. Son 20 Novembre marquera indéniablement les esprits. ♥ ♥ ♥ ♥ ♥ Hierauthéâtre (https://hierautheatre.wordpress.com/2015/04/12/camille-de-sablet-terroriste-de-geniedans-le-20-novembre/) « Artkult » - avril 2015 – Théâtre- studio d’Alfortville Le 20 novembre 2006, après plusieurs années de préparation, Sebastian Bosse se rend dans son lycée et tire sur des personnes au hasard. Le jeune homme sera le seul à mourir. Avant de passer à l’acte, ce dernier aura pris soin de diffuser des vidéos ainsi que son journal intime sur Internet. De la production mentale de Bosse, Lars Norèn a créé un monologue sobrement intitulé « 20 Novembre », mis en scène au Théâtre-studio d’Alfortville par Alexandre Zeff. Le spectateur est plongé dans un dispositif angoissant : lumière basse et bande son sourde à laquelle se mêle la voix amplifiée de l’actrice. Elle distille un discours sombre en mots comme en images. Sur scène, une étendue d’eau dans un bassin rouge. À plusieurs reprises, Sebastian Bosse joue avec cette flaque de sang pendant qu’il prépare le massacre à venir. Brusquement, la salle s’éclaire. Bosse quitte la scène pour rejoindre le public dans un jeu désincarné et totalement naturel (formidable Camille de Sablet !), libérant de la camisole lancinante le public maintenu obsédé. En cet instant, Sebastian nous interroge alors sur nos propres contradictions, tente de nous convertir à son fatalisme sordide, à son regard sur un monde jugé ignoble. Nous sommes pris à parti, impliqués dans son projet ; mais comment pourrions-nous agir ? Le 20 Novembre évoque la haine qui conduit à mettre son intelligence au service d’un projet meurtrier et amoral puisqu’il conduit au désir de tuer des innocents, devenus symboles de ceux que hait le héros. Pourquoi les déteste-t-il ? Pour les brimades et les violences incessantes qu’il a vécues en milieu scolaire depuis son enfance. Traumatisme contre traumatisme : tuer pour laver l’affront, une décision prise au comble du désespoir. Plus profondément dans son discours paranoïaque, le personnage s’insurge contre la « normalité » – ce que la société attend que nous soyons – et dans laquelle il n’a jamais réussi à se fondre. Le texte est court et puissant, dit en rafale comme les balles d’une mitraillette. Sebastian Bosse est un rebelle désillusionné, victime d’intenses harcèlements scolaires. Il est « le pauvre mec débile » dans la cour ou dans la classe, victime de toute la méchanceté de ses camarades. Cependant, à aucun moment nous ne pouvons ressentir de l’empathie ou de la compréhension vis-à-vis du personnage ; Norèn se contente d’exposer toute la folie qui conduit du désir de vengeance au passage à l’acte. La salle sera de nouveau allumée avant le départ de l’assassin : « avant que je parte, quelqu’un veut dire quelque chose ? ». Personne ne répond, la porte claque. Aurions-nous pu éviter cela ? Avec l’alternance entre distance et proximité, le spectateur est sans cesse bousculé par la mise en scène. Ainsi forcé de prendre conscience de cet éloge à la différence qui invite à vivre le ressenti de celui qui évolue à nos côtés, être l’autre. Le 20 Novembre , par son mélange entre esthétique et pédagogie est un spectacle salutaire, qu’il serait sage d’utiliser comme un outil d’éducation auprès du plus grand nombre... Artkult – Hadrien Volle (http://www.arkult.fr/2015/04/20-novembre-compte-a-rebours-macabre/) «Fousdethéâtre» - avril 2015 – Théâtre-studio d’Alfortville Dans la série remise en question de nos schémas sociétaux et terrorisme… Après la réussite “Rouge“, d’Emmanuel Darley, applaudie il y a deux mois au Théâtre-studio d’Alfortville, voici au même endroit Le 20 Novembre, monologue imaginé par le dramaturge suédois à partir d’un fait divers survenu en Allemagne en 2006. Un jeune homme commettait alors un carnage dans son lycée avant de se donner la mort, laissant derrière-lui un journal et des vidéos “on line“ expliquant des gestes scrupuleusement pensés, préparés, arguant un acte révolutionnaire, anarchiste, dénonçant avec véhémence le monde capitaliste qu’il ne supportait plus, son égoïsme, et l’aberration des systèmes d’éducation occidentaux fondant ceux dont ils ont la charge dans une norme, délaissant les malheureux qui s’en éloignent. D’un discours, d’un raisonnement que l’on aurait pu entendre s’il avait été moins indigent, primaire, simpliste, maladroitement argumenté, asséné par un gamin perturbé, déséquilibré, ne représentant guère que son mal-être singulier, Lars Norén peina selon nous à produire une matière à réflexion universelle, édifiante, bousculante, interpellante et riche d’enseignement sur l’état du Globe et de ses occupants. Mais enfin le texte n’est théâtralement pas sans qualités (le style s’avère admirable, le “poème“ remarquablement cadencé), et la mise en scène aussi séduisa nte qu’oppressante d’Alexandre Zeff sut capter notre attention, tout comme la puissante interprétation de Camille de Sablet dans le rôle du triste héros. Car c’est une demoiselle qui prend les traits de Sébastian, 18 ans, que l’on devine d’abord à peine dans une obscurité quasi totale, simplement éclairée d’une ampoule allant et venant dans les airs, dont l’intensité montera doucement. En passe de se vêtir et d’agir, les pieds dans un immense bassin rempli d’un liquide rougeâtre (annonciateur du bain de sang à venir) au-dessus duquel est suspendue sa tenue de commando, équipée d’un micro HF, face au public, cherchant et affrontant les regards, l’actrice va dérouler, scander sa douleur, son cri, sa logorrhée, sa colère, son insulte, ses adieux au monde. Superbement investie, Camille de Sablet impressionne. Irréprochable de sincérité, sa prestation tétaniserait littéralement si le fond suivait, tant elle se révèle chargée, nourrie. De haine, de mépris, de désespoir… Sur un script que l’on aurait pu donner à entendre de manière extrêmement brute, épurée, Alexandre Zeff chercha à faire sens à travers un travail, une scénographie, une mise en espace, une esthétique, une bande son savamment élaborés mais pertinents, jamais gratuits, sans effet facile, toujours au service du propos. Fousdethéâtre – Thomas Baudeau (http://www.fousdetheatre.com/tag/le-20-novembre-lars-noren-alexandre-zeff-camille-desablet/) « Le souffleur » - avril 2015 – Théâtre-studio d’Alfortville Le 20 novembre, ou le jour que Sebastian Bosse choisit, en 2006, pour pénétrer armé dans son ancien lycée, blesser 37 personnes, et se donner la mort. Il avait 18 ans. C’est à partir de son journal intime, qu’il avait publié au préalable sur Internet, que Lars Norén, l’auteur contemporain le plus célébré au pays de Strindberg, a écrit ce texte, dont la force poétique ne rend que plus impétueuse encore l’urgence. À la fois cri arraché par une existence intégralement faite de souffrances et d’humiliations, et refus désespéré de tout apitoiement, ou même sympathie, la parole du seul être qui occupe la scène déverse sur le spectateur des torrents d’un cynisme à la lucidité affolante. Sa vérité intempestive est de celles que l’on voudrait pouvoir reléguer pour l’éternité dans les tréfonds de sa conscience, avec le lâche espoir de ne jamais, au grand jamais, avoir à se retrouver en face de pareilles pensées. Car que nous dit-il, au juste, celui qu’hantent depuis tant d’années les rêves les plus meurtriers ? Qu’il refuse de se plier aux normes d’une société dont les valeurs n’ont plus le moindre sens, que plutôt que de se compromettre, mieux vaut encore choisir la voie de l’anéantissement, que personne n’est en droit de le juger, parce que tous, absolument tous, sont complices du procès qui mène inexorablement ses pas vers le précipice. Rien d’incroyablement neuf, en somme : le genre de propos que l’on peut s’attendre à ce que n’importe quel adolescent blessé dans son orgueil vous crache à la figure. Et pourtant, rien de plus effroyablement fascinant. C’est là que le dispositif scénique d’Alexandre Zeff s’avère redoutablement efficace. Avec une certaine gourmandise, il faut bien l’avouer, dans l’impressionnante palette d’effets visuels et sonores qu’il emploie, celui-ci joue des ressorts de l’hypnose et de l’apparente familiarité pour mieux prendre le public à contre-pied, lui qui s’efforce tant bien que mal de soutenir les attaques frontales que porte le texte. Un immense bassin couleur de sang emplit l’espace, que surmonte une tenue pendue à un trapèze, faux-bourdon lugubre planant sur toute la représentation : ce théâtre est un lieu de mort, et cela, ni la beauté de certaines images, ni l’aspect attendrissant (malgré tout) de certains passages ne pourront nous le faire oublier. Que dire de plus, sinon que rarement nous aurons vu comédienne aussi habitée par son personnage que l’est ici Camille de Sablet ? Alors que son jeu alterne entre agression permanente du public, franchise déconcertante, et repli autodestructeur sur soi, on manque presque de s’apercevoir que celui qui s’exprime devant nous est censé être un homme. Si ce choix a la caution de l’auteur, puisque Norén créa également cette pièce avec une femme dans l’unique rôle, on s’interroge cependant sur ses enjeux. Sans doute s’agissait-il d’éviter de présenter au public un tueur fou et sans cervelle, pour souligner tout autant la clairvoyance que la vulnérabilité de cet être, dont le rejet de l’humanité sera aussi devenu, pour une petite heure du moins, le nôtre. Voilà en tout cas un spectacle dont on ne ressort pas indemne. Le souffleur – Justin Winzenrieth (http://www.lesouffleur.net/11120/le-20-novembre/) « La Terr asse » – mars 2015 Une fusillade dans un lycée allemand, comme on a l’habitude d’en voir aux Etats-Unis. Sauf que celle-ci n’a pas fait de mort, hors l’auteur des faits. Lars Noren s’est emparé du journal laissé par Sebastian Bosse en 2006 sur internet pour créer une œuvre coup de poing, 20 Novembre, que met en scène Alexandre Zeff. Alexandre Zeff : « Lars Noren s’est inspiré du journal publié par Sebastian Bosse sur Facebook avant qu’il ne se lance dans sa fusillade. Il en a repris quelques phrases mais il a surtout construit un texte portant l’image d’un jeune homme ayant accumulé les souffrances : humiliations infligées par d’autres élèves, jusqu’à la torture, violence des notes et des propos des professeurs. Le personnage n’a pas les armes pour répondre à la dureté presque ordinaire du réel et son extrême sensibilité le transforme en meurtrier. Le travail dans ce spectacle consiste donc à dépasser l’acte commis pour en arriver à une parole poétique qui fasse réfléchir. » Violence démesurée « J’ai choisi pour cela une interprète féminine, Camille de Sablet, à l’instar de Lars Noren qui avait confié ce texte à Anne Tiesmer. Le texte est violent et je voulais trouver un contrepoint, ainsi qu’une manière de dépasser le fait-divers pour créer vraiment un personnage. Car souvent, ce personnage meurtrier tape juste dans son analyse sociale. Même si sa violence est démesurée, il porte la clairvoyance parfois simplificatrice de la jeunesse. Il nous renvoie aussi à nos grandes douleurs et à cette violence intérieure que chacun porte en soi. Ce texte de Noren est très différent des autres. Troué de silences, à la fois au plus proche du réel et s’en éloignant radicalement via une écriture versifiée, 20 Novembre est un poème aussi violent que doux et musical. Il ouvre sur la voix d’un jeune qui décroche, qui passe de l’autre côté, qu’il est très important d’écouter. » La Terrasse - Propos recueillis par Eric Demey (http://www.journal-laterrasse.fr/20-novembre/) « Froggy Delight » - septembre 2013 – La Loge André Breton dans le "Deuxième manifeste du surréalisme" écrit, en 1930 : " l'acte surréaliste le plus simple consiste, revolvers aux poings, à descendre dans la rue et à tirer au hasard, tant qu'on peut, dans la foule ". Par ces termes il engage le surréalisme à devenir un mouvement politique voire terroriste. Quel est le sens de cette formule pour ceux qui sont revenus vivants de la guerre de 14-18 ? Le surréalisme, André Breton, la guerre : tout cela est bien loin et semble totalement étranger à ces jeunes, qui pris dans un délire de mort, font irruption dans un lycée, une salle de cinéma, une rue qui accueille une course à pied, un rassemblement socialiste et qui abattent toutes les personnes qui se trouvent sur le passage. Pour la pièce Le 20 novembre, l'auteur suédois Lars Norén s'inspire des carnets intimes du jeune Sébastian Bosse qui pénètre dans son lycée, en Allemagne, en 2006, et tire sur les élèves et les professeurs avant de se suicider. Il s'est immiscé dans ses pensées et sa colère. Il est commode de décider que ce jeune garçon est fou, détraqué, différent, anormal. Il nous est pourtant plus proche qu'on ne veut bien l'admettre : il est l'un d'entre nous, il fait partie de notre société, avec un socle de valeurs, de références communes. Lars Norén partage avec le public la volonté de savoir ce qui a écarté celui-ci du groupe, ce qui le singularise au point de relayer cette colère d'"innocent", d'"homme-à-naître", et accuse : que propose-t-on aujourd'hui à la jeunesse en Occident ? Quel enfermement, quelle liberté, quel droit à la différence, quel rôle laisse-t-on aux jeunes qui ne soit celui de subir, d'obéir, de consommer ? Sa rage, sa colère, sa vigueur, son courage : il n'a trouvé personne pour les partager, les canaliser les déplacer ailleurs... il n'a imaginé que cette seule issue pour les exprimer. En choisissant cette pièce de Lars Norén, le metteur en scène Alexandre Zeff se propose de restituer autant la violence et le choc du fait divers : les fusillades dans les lieux publics par des jeunes gens isolés que leur détresse et leur désespoir profond de vivre dans une époque qui leur paraît vide de sens. Nue et sombre, la scène est à l'image de leur âme ; un grand rectangle d'eau figure le sang versé et le miroir d'un Narcisse qui se perd dans son propre reflet délirant. Le metteur en scène choisit une jeune femme, Camille de Sablet pour incarner Sébastian Bosse comme s'il suggérait qu'il faut se méfier de l'eau qui dort, que cette violence parcourt l'échine de nos sociétés et peut surgir sous tous les masques. Camille de Sablet semble littéralement habitée par son personnage. Fougueuse, hargneuse, candide, elle installe un dialogue avec le public. Investie de tout son corps, elle réussit à nous ébranler, à bousculer nos consciences léthargiques. Le 20 novembre se hisse au rang de la tragédie grecque, cérémonie cathartique de la violence transfigurée qui nous rappelle les tensions et les rapports de force dans nos pays dits "en paix". Froggy Delight – Sandrine Gaillard (http://www.froggydelight.com/article-13826-Le_20_novembre.html) « Les trois coups » - octobre 2008 – Théâtre des Abesses Le 20 novembre 2006, dans une petite ville allemande, un jeune garçon de 18 ans pénétrait armé dans son ancien lycée pour y faire feu sur ses anciens camarades et professeurs. Après avoir blessé 37 personnes, Sebastian Bosse retournait son arme contre lui. Le 20 Novembre, c’est le titre du monologue que, quelques semaines plus tard, Lars Norén a écrit à partir du journal intime diffusé sur Internet par l’adolescent. Le 20 Novembre, c’est le constat terrible de nos échecs, de nos coupables lâchetés, d’un monde que nous sommes tous responsables d’avoir laissé devenir froid et dur comme le canon d’un revolver. Auteur suédois, Lars Norén est un des dramaturges les plus radicaux de la seconde moitié du XXe siècle. Longtemps considéré comme le digne successeur de Strindberg, Tchekhov ou Ibsen, il ne cesse de creuser au cœur des angoisses existentielles et familiales pour en découvrir les fonctionnements. Il explore le monde des plus démunis et des plus faibles sans les humilier. Avec une écriture simple et brutale, sans concession, il foudroie radicalement nos consciences et nous ramène à notre vulgaire condition humaine. Le metteur en scène, Alexandre Zeff (prix 2007 « Jeune Metteur en scène » du Théâtre 13), nous offre ici une mise en scène parfaite de ce texte si dérangeant : la poésie se mêle au récit insupportable d’un suicide programmé. Il ne nous épargne guère, et suit les pas de Lars Norén en n’octroyant aucune échappatoire au spectateur, qui doit affronter la réalité. La scénographie épurée, à l’image de ce texte dépouillé, nous glace le sang. Comme unique décor, une bâche étendue sur toute la surface du plateau est recouverte d’eau. Cela agit comme un miroir : celui qui réveillera nos consciences devant le reflet de ce gamin échoué dans la vie et prêt à se noyer… Et puis un mur, noir comme l’avenir qui se présente à lui, graffité à la craie par Joséphine Serre avec une virtuosité fascinante, et sur lequel sera projeté en vidéo une sorte de « résumé de siècle ». Passant du désespoir à la révolte, de la honte à la haine, Joséphine Serre habite avec une vérité troublante le personnage de ce jeune homme. Formée auprès de Mnouchkine et Lecoq, elle a travaillé au cinéma avec Pinoteau et Zeffirelli, et est également auteur et metteur en scène de théâtre. On comprend la profondeur, l’agilité et la richesse de son interprétation à la vue de son parcours. Joséphine Serre ne joue pas le travestissement, mais respire et transpire comme cet adolescent survolté et torturé. Elle met à nu le processus de réflexion dans lequel l’adolescent s’enferme, et nous emmène avec lui dans une spirale dont on connaît l’issue. Appel, réquisitoire… Elle nous rapporte les questions terribles de cet adolescent, questions adressées aux sociétés, aux familles, aux autres jeunes. « T’es heureux ? — J’ai qu’à te regarder et j’ai déjà la réponse. » À peine une heure de spectacle, et les âmes sont à vif… Dernier appel lancé furtivement : « Vous avez quelque chose à dire avant que j’y aille ? », et l’enfant broyé disparaît, sac de sport à l’épaule, nous plongeant dans les affres de sa solitude et de l’horreur. Un spectacle à ne pas rater… Lui ne vous ratera pas. Les trois coups – Hélène Merlin (http://www.lestroiscoups.com/article-24201700.html) CÉLÉBRATION Texte d’ Harold Pinter Mise en scène A lexa ndr e Zeff Avec Nicolas Buchoux, Philippe Canales, F lorent Cheippe, Maroussia Dubreuil, Xa vier Legra nd, So phie Neveu, Stanislas Sa upha nor, Hélène Tho mas, Adeline Zarudia nsky Théâtre 1 3 / Studio théâtre As nières « Théâtre du Blog » La pièce de Pinter est l’une de ses dernières mais, même plus courte, elle a les mêmes qualités que Le monte-plats, Le Gardien ou Le Retour, pour ne citer que les plus connues. Nous sommes dans un restaurant londonien du West End pour être précis, pas vraiment l’excellent restaurant mais ce genre de maisons à la cuisine correcte, au décor assez branchouille pour séduire les bobos ; il y a de grandes assiettes en verre rouge et sans doute de mini-portions du type fausse nouvelle cuisine qui a envahi jusqu’aux plus petits restaurants de la vallée du Lot, et d’assez bonnes bouteilles. Lumière très très tamisée et décor très chico obligatoire. Il y a ce soir-là assis à une table ronde avec nappe blanche deux couples : Lambert et Julie, Matt et Prue ; curieusement, les deux hommes sont frères et les deux femmes sont soeurs, comme cela se pratiquait souvent dans la campagne française, il y a un demi-siècle. Ils sont « conseillers en stratégie », et on se doute qu’ils ne doivent pas avoir trop de scrupules à magouiller des affaires pas très nettes dans des pays que l’on qualifie en voie de développement, en Afrique ou en Asie ; quant aux deux soeurs, elles travaillent ensemble dans une organisation humanitaire, sans doute occupées à ramasser des fonds. Mais on n’en saura guère plus… Ils sont là pour célébrer l’anniversaire de Lambert. Et il y a une autre table où dînent aussi Russel et Suki, lui est cadre bancaire et elle, institutrice, après avoir été autrefois secrétaire dans une boîte où cela lui ne lui déplaisait pas trop de disparaître derrière les classeurs avec l’un ou l’autre de ses patrons. Lambert et elle, qui n’ont pas l’air franchement étonnés, se retrouvent par hasard : ils ont été autrefois amants, et tout ce beau monde décidera de finir la soirée ensemble. Le directeur du restaurant et la chef de rang sont du genre attentif et obséquieux, aux petits soins pour une clientèle fidèle qui représente leur capital commercial. Quant au serveur, il se permet, comme il dit, des « interventions », aussi incongrues que délirantes, où il évoque la vie de son grandpère qui, à l’entendre, aurait connu la plupart des grands écrivains américains. Mais, comme toujours chez Pinter, c’est du refoulé dont il s’agit, et chaque personnage ment à l’autre, et cela d’autant plus qu’il lui est très proche. Il y a ce que l’on dit avec la plus parfaite candeur, et tout ce que les répliques révèlent : « Mes dialogues, écrivait Pinter, ce n’est pas du Pinter, ce sont les gens. Vous n’avez qu’à écouter les gens, à vous écouter vous-même ». Façon élégante de nous dire qu’entre ses personnages et nous-mêmes, la frontière est fragile. Et le célèbre écrivain britannique, décédé le 24 décembre dernier, ne nous épargne rien : mensonges, cynisme, abus de pouvoir financier, fantasmes en tout genre : Lambert ne sait plus où il en est, en proie à un profond désarroi, Prue se livre à une crise impitoyable de jalousie ; et Julie, elle, se vautre dans ses délires et ses obsessions. Petites vengeances, phrases fielleuses, allusions cruelles sont au menu de l’anniversaire ; quant à la fête, malgré quelques apparences de politesse bourgeoise, elle ne signifie plus rien. C’est tout. Mais c’est beaucoup et, en une heure, la messe est dite : Pinter, qui connaît bien son monde, se livre à une démonstration féroce de ce que peut être, malgré les apparences, la vie de ces trois couples, sans que cela tourne jamais au procédé, comme parfois dans ses autres pièces, sans doute grâce à un solide scénario et à un dialogue superbement ciselé. Alexandre Zeff a très bien su mettre en valeur cet humour sournois et cruel qui est, en quelque sorte, la marque de fabrique de Pinter. Et tout l’intérêt de sa mise en scène est d’être arrivé à rendre visible, comme à travers une immense loupe, les petits gestes, les hésitations du langage, les attitudes comme les regards, bref tout un climat qui dénote la tension mentale de ces six jeunes gens qui, au départ, se sont réunis pour une fête joyeuse, et qui tourne au règlement de comptes organisé comme un ballet cruel, façon Quartett d’Heiner Muller… Alexandre Zeff a choisi de mettre cette courte pièce en scène, un peu comme des séquences filmées, avec des personnages qui ont tous la trentaine et il réussit un parcours sans faute qui a d’ailleurs été récompensé par le Prix du Théâtre 13. C’est un travail cousu main, brillant, mais intelligent et sensible. Grâce à une mise en place rigoureuse (et il en faut quand on veut monter correctement un Pinter) et à une direction d’acteurs impeccable, il y a une réelle unité de jeu, ce qui n’est pas si fréquent. Et les acteurs sont tous crédibles - en particulier, Daphné de Quatrebarbes (Suki), qui atteint des sommets de délire ; Sophie Neveu (Julie) et Philippe Cavales (le serveur) qui sont d’une drôlerie et d’une folie remarquable. La scénographie et les costumes sont très justes et bien vus. Et Jean-Louis Martin Barbaz a eu raison de les accueillir au Studio-Théâtre d’Asnières. Mais il y a un mais… Ce beau spectacle ne s’est joué en effet que quelques soirées. Et, sans doute, à cause d’une distribution assez lourde, aucune reprise n’est prévue sur Paris. Espérons quand même qu’un théâtre voudra bien les accueillir ; en tout cas, notez-le bien : si cette équipe de théâtre passe près de chez vous, n’hésitez pas à aller les voir. La soirée est peut-être un peu courte (il y faudrait un autre texte de Pinter). En tout cas, on en prendrait bien encore une petite louche ! Quand on voit souvent des spectacles à la fois lourds et aussi tristounets que prétentieux, cette Célébration est tout à fait réjouissante, même et surtout peut-être dans sa noirceur et son pessimisme absolus. Les dialogues de Pinter en effet ne donnent pas une bien haute idée des bestioles humaines qui peuplent nos villes contemporaines… Théâtre du Blog - Phil ippe du V ignal (http://theatredublog.unblog.fr/2009/05/12/celebration/) « Les trois coups » Jean-Louis Martin-Barbaz et Hervé Van der Meulen, codirecteurs du Studio-Théâtre d’Asnières, donnent carte blanche pendant ce mois de mai à deux de leurs anciens élèves : Alexandre Zeff et Igor Mendjiskky. Deux jeunes metteurs en scène qui furent, comme on dit, remarqués par la presse et la profession. Chacun avec un spectacle différent, mais également fort. La preuve, chaque fois par dix comédiens, de l’excellence de la formation, que dis-je, de l’émulation accomplie par cette troupe-école qu’est le Studio-Théâtre d’Asnières. On commence avec Célébration de Harold Pinter revisité par Alexandre Zeff et sa compagnie La Camara oscura. Ce spectacle reçut en 2007 le prix du Théâtre 13 et le prix Charles-Oulmont (Fondation de France). La salle d’un restaurant de luxe. À la cour, une table où se morfondent deux couples chics : Julie et Lambert, Prue et Matt. Julie et Lambert fêtent leur anniversaire de rencontre. C’est Lambert qui régale. Au jardin, Suki et Russel, deux faux riches fêtent, eux, leur illusoire intégration à ce monde frelaté qui ne les voit pas. J’oubliais : Prue et Julie sont sœurs comme Lambert et Matt sont frères, chacun enviant ou méprisant l’autre. Le propos est tout simple : montrer que la société (britannique ou non) est faite de deux mondes qui s’ignorent, s’envient ou se méprisent. En gros : les frustrants et les frustrés. Il s’agit d’une œuvre récente et brève (une heure environ), entre la nouvelle et la « tranche de vie ». Ce serait n’importe qui on s’ennuierait, mais c’est Pinter. Un Beckett qui rêverait d’être Fellini. Alexandre Zeff fait d’ailleurs très logiquement démarrer son spectacle par une fantastique pantomime de Philippe Canales en serveur surréaliste. À cet instant, tous les convives portent des têtes d’animaux, mais si brièvement qu’on a l’impression de l’avoir rêvé. Ajoutez à cela cette trouvaille des tables lumineuses, qui donne à tout ce qui suit la touche d’onirisme que seuls savent donner les sorciers. Vous aurez un spectacle envoûtant, drôle et cruel. Sarah Lefèvre pour la scénographie, Tom Menigault pour la lumière et Alexandre Zeff pour la mise en scène s’entendent et s’y entendent. Nous voici, comme par enchantement, au pays du non-dit paisiblement formulé, du coup de pied au cul visible bien qu’imaginaire. Tout Pinter. Remarquable prestation du déjà nommé Philippe Canales en serveur, de Xavier Legrand en Lambert et de Stanislas Sauphanor dans son frère Matt, côté bobos. En face, côté prolos : Adeline Zarudiansky et Florent Cheippe brûlent les planches respectivement en Suki (rien que le nom !), secrétaire « à tout faire », et en Russel, psychopathe rentré, son époux. Les interventions incongrues dudit serveur, subies avec effarement par les clients, ses auditeurs, achèvent de donner à l’ensemble cette violence sourde qui est la marque du dramaturge. On est entre Collection et l’Anniversaire. Bientôt le vernis craquera, révélant la médiocrité, le ratage et le vide d’à peu près tous les personnages. C’est peut-être ici que cette version convainc moins, notamment du fait de l’âge tendre des interprètes qui les force à surjouer leur désenchantement. Péché véniel par rapport au reste qui m’a fait regretter de n’avoir pas vu le Monte-plats du même Pinter, qui complétait ce Célébration au Théâtre 13 dans le programme conçu par cette compagnie talentueuse. Olivier Pansieri (http://www.lestroiscoups.com/article-32079186.html)