Dossier d`accompagnement

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Dossier d`accompagnement
Du 12 au 23 décembre 2012
« Neige Noire »
Variations sur la vie de Billie Holiday
Cie Maroulotte
Texte et mise en scène Christine Pouquet
Théâtre | 9+
Dossier d’accompagnement
Présentation
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La vie de Billie Holiday n'a rien d'un conte de fée. Pour cette diva de génie, l'existence
fut surtout une suite d'épreuves pour lutter contre le racisme, le sexisme, et la misère.
Pourtant le merveilleux est bien présent dans la volonté de l'artiste d'épanouir son
talent, de poursuivre sa quête de musique et d'amour comme elle l'entend. D'où le désir
de la metteuse en scène Christine Pouquet de raconter aux enfants cette destinée
exceptionnelle, en prenant le chemin du conte fantastique, de l'humour et du swing.
Comment l'imaginaire permet-il aux êtres malmenés par l'existence de se construire et
de grandir? Après avoir monté « Debout » de Nathalie Papin, qui racontait l'histoire
d'un enfant battu par sa mère, Christine Pouquet poursuit son questionnement dans «
Neige Noire ». Et cette fois, la magie de la musique s'ajoute aux pouvoirs du rêve. La
chanteuse Dominique Magloire interprète les chansons de Billie Holiday. A ses
côtés, Philippe Gouin, dans le rôle du guitariste confident, introduit une note plus
distanciée et comique. La forme pétillante de l'opéra jazz permet ainsi de lever les
tabous en évitant les plates leçons de morale.
La distribution
Christine Pouquet | conception, texte et mise en scène
Philippe Gouin | jeu
Dominique Magloire | jeu et chant
Cécilia Delestre | scénographie et costumes
Christophe Sechet | création sonore
Nicolas Gros | lumières et régie |
Note d’intention
J’ai imaginé Billie Holiday à 13 ans, autodidacte de jazz, écoutant les disques de Louis
Amstrong et de Bessie Smith sur le vieux gramophone d’un bouge mal famé où se
prostituait sa mère.
J’ai écouté la voix de Billie Holiday dont les fêlures racontent la douleur de sa vie
cabossée, j’ai eu envie de suivre les pas de cette femme hors du commun qui malgré
ses blessures terribles est devenue l’une des plus célèbres chanteuses de jazz.
Dans son autobiographie dictée à William Dufty ou écrite par lui …elle ment sur son
histoire, dans le prénom de Bil -lie il y a lie et lie ne veut-il pas dire mentir en
anglais ? Elle cherche à enjoliver sa vie uniquement parce qu’elle aspire à une vie
meilleure avec des valeurs certaines. Ses mensonges ne font que dévoiler son vrai désir,
un désir profond d’absolu, de perfection, d’avoir une famille idéale dont elle a tant
manquée. Sa mère la néglige, son père l’abandonne dès la naissance. Ce père musicien
absent, sans le vouloir lui transmet ce désir de la musique…Ce spectacle raconte cette
quête du père et au-delà du père, l’amour retour aux origines ancestrales de la
musique.
Comme moi enfant, d’un coup de baguette magique je supprimais en imagination ma
mère, mon père parce que je ne les trouvais pas conforme à ce que je voulais qu’ils
soient, des parents aimants, des parents normaux. Et puis bien sûr
Un désir d’absolu, de perfection
Longtemps on a voulu enfermer Billie Holiday dans l’image d’une chanteuse de
« bluettes » de petites chansons d’amour, mais si on tend l’âme, ces« bluettes
deviennent de vrais chansons d’amour qui déchire le cœur.
Et puis arrive la chanson qui deviendra sa chanson emblématique contre le racisme.
Strange fruit est une ballade écrite par un Juif New-Yorkais qui a demandé à Billie
Holiday de la chanter. Strange fruit est la première protest song.
Il y a une légende autour de cette chanson qui voudrait que Billie Holiday ne
comprenait pas les paroles de la chanson. Elle sait très bien de quoi elle parlait. Son
père s’est vu refusé les portes d’un hôpital parce qu’il était noir. Elle-même a du subir
les humiliations liées au racisme et au ségrégationisme ; dans sa carrière, les chanteurs
Noirs ne pouvaient pas chanter ce qu’ils voulaient, une partie du répertoire était
réservée aux blancs et pendant les tournées, elle a du un soir se barbouiller le visage
de noir car on trouvait qu’elle avait la peau trop claire. Combien de fois a t-elle été
interdite de fréquenter les lieux publics comme les toilettes, ce qui lui a valu une
inflammation de la vessie etc…Il y a une rencontre entre un texte très chargé et elle,
qui le chante avec une apparente absence. Elle chantait comme un instrument de
musique. C’est en se calquant sur la trompette d’Armstrong qu’elle a appris le chant.
Strange fruit va entrer dans l’Histoire. Cette chanson participe à la montée des
consciences des Noirs sur le racisme. A cela s’ajoutent les soldats rentrant de la
seconde guerre mondiale et l’affaire Rosa Parks1.
Dans le premier film parlant, « le chanteur de jazz » (1927), le rôle principal est tenu
par un blanc déguisé en noir. Il y a, à peine 55 ans, un Noir risquait sa vie à chaque coin
de rue dans les états du sud des U.S.A. Petit à petit, les Noirs ont pris conscience de
leur communauté. Il y a eu l’expansion et la popularité du jazz avec Louis Armstrong.
L’art s’allie au politique jusqu’au free jazz, qui est un des moments les plus étonnants
de l’histoire de la musique.
1 Rosa Parks est devenue célèbre parce que le 1er décembre 1955, à
Montgomery(Alabama), elle refusa de céder sa place à un passager blanc dans un bus.
Arrêtée par la police, elle se vit infliger une amende de 10 dollars (plus 4 dollars de
frais de justice) le 5 décembre; elle fit appel de ce jugement. Un jeune pasteur noir
inconnu de 26 ans, Martin Luther King, avec le concours de Ralph Abernathy, lança alors
une campagne de protestation et de boycott contre la compagnie de bus qui dura 381
jours. Le 13 novembre 1956, la Cour suprême cassa les lois ségrégationnistes dans les
bus, les déclarant anticonstitutionnels.
Billie Holiday
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Eleanora Fagan est née à Baltimore le 7 avril 1915. Elle meurt à New-York le 17 juillet
1959. Une vie qui se brûle à tous les feux, amour, alcool et drogue, une vie qui se
transcende dans la musique, dans le chant, dans le jazz.
Le père ne reconnaît pas l’enfant mais vient de temps en temps lui rendre visite et la
surnomme : Bill. Sa mère, n'a pas le temps de s'occuper d'Eleanora et la confie à sa
famille : la fillette va d'un foyer à l'autre tandis que sa mère enchaîne les petits
boulots à Baltimore, le week-end elle va à New-York et monnaye ses rencontres
masculines. La petite Eleanora n'a pas la vie facile : elle endure les violences de sa
tante Ida, et subit un premier traumatisme ; son arrière grand –mère est hydrolique, et
par conséquent ne peut s’allonger et contrainte de toujours restée assise. Un jour elle
demande à la gamine Billie de l’allonger pour lui raconter une histoire. Billie s’endort
dans ses bras et celle-ci décède dans son sommeil. Eleanora se réveille étranglée par les
bras de la morte et panique. Elle restera plongée dans un mutisme coupable pendant
des semaines.
Billie grandit dans Baltimore, ville où la musique était partout. La petite fille est libre,
personne ne soucie d’elle ou lui prête attention.
Sadie reprend Eleanora à sa charge après quelques années. Elle a onze ans lorsque,
pendant l'une des nombreuses nuits que sa mère passe dehors, elle est violée par un
voisin. Billie effectue plusieurs séjours à la Maison du Bon Pasteur, institution pour les
jeunes délinquantes de couleur. Sa mère ouvre un restaurant et fait des pieds et des
mains pour la récupérer. Billie quitte l’école et travaille avec sa mère. L’affaire périclite.
Sadie part pour New-York et laisse Billie à une grand-mère d’adoption et Billie adopte le
monde de la nuit. Elle rend de menus services dans un bordel, là elle a accès au salon
privé et à son gramophone. Billie découvre Armstrong et succombe au chant de sa
trompette. Elle s’amuse à imiter la voix enrouée du trompettiste, acquiert un répertoire
et commence à aller chanter de club en club et dans les after hours. Une autre source
d’inspiration de Billie sera Bessie Smith, la première grande chanteuse de jazz.
Billie, treize ans, direction New-York, Harlem, et loge avec sa mère dans un bordel. Après
un séjour en maison de redressement, Billie décide qu’elle sera chanteuse ; Elle convainc
un jeune saxophoniste, Kenneth Hollon.Ils finissent par décrocher quelques engagements
dans des clubs de Brooklyn et dans le Queens. Elle se choisit un nom de scène Billie
Holiday. Son père lui fait rencontrer quelques musiciens, s’en suivent des engagements
dans les clubs de Harlem.
En 1933, une rencontre déterminante. John Hammond, issu de la grande bourgeoisie
new-yorkaise, Il travaille pour la firme Columbia ; il est à l’affût de nouveaux talents. Il
est immédiatement convaincu de celui de Billie. Un soir, Hammond débarque avec Benny
Goodman
En 1934, elle est engagée avec Bobby Henderson à l’Apollo. Peu de temps après, elle
rencontre Lester Young. Il la nomme Lady Day, elle l’appelle Prez (pour président) et
entre eux s’établit une grande complicité musicale. Elle et lui sillonnent les clubs
après leurs engage- ments respectifs, du soir au matin.
Billie chante également avec Duke Ellington qui la choisit pour son court-métrage
Symphony in Black.
À la même époque, elle entame une liaison avec le jeune saxophoniste Ben Webster.
John Hammond programme le 2 juillet 1935 un enregistre- ment pour la firme Brunswick
puis avec celui d'Artie Shaw. Une chanteuse noire dans un orchestre blanc ! La
tournée avec ce dernier est pourtant écourtée, à cause du racisme des États du sud, où
elle ne peut pas chanter, ni même réserver une chambre d'hôtel ou entrer dans un
restaurant avec les musiciens de l'orchestre.
Ben Webster, ainsi que Benny Goodman, le pianiste Teddy Wilson, le trompettiste John
Truehart, le contrebassiste John Kirby et le batteur Cosy Cole. Enregistre avec Bilie
What a Little Moonlight Can Do et Miss Brown to You en ressortent, gravés à la
perfection, et figurent dans les meilleures ventes de l'année. Tout va bien pour Billie,
qui enchaîne les aventures sentimentales. Elle installe sa mère à la tête d'un petit
restaurant où, souvent, on se retrouve après la nuit pour le petit déjeuner.
Elle devient dès lors l'une des vedettes du jazz new-yorkais, à travers de nombreux
engagements qu'elle partage régulièrement avec Teddy Wilson. Le style de Billie,
intimiste, s'adapte mal aux plus grands shows, réservés à Bessie Smith et à ses
imitatrices. Peu importe : ses disques avec Lester Young se vendent bien et Billie
chante bientôt avec le grand orchestre de Count Basie.Rentrée à New York, Billie continue de chanter dans les clubs grâce aux engagements
que lui trouve John Hammond, en particulier au Café Society, le premier club où Noirs
et Blancs étaient traités sur le même pied. C'est à cette époque qu'on la voit boire
de plus en plus, et fumer de la marijuana entre les sets. C'est à cette époque aussi
qu'elle enchaîne des liaisons féminines et qu'on la surnomme Mister Holiday.
En mars 1939, un jeune professeur de lycée, Lewis Allan, écrit un poème et le met luimême en musique pour elle. Strange Fruit. Cette métaphore du lynchage des noirs dans
la brise du sud devient la chanson-phare du Café Society et de Billie. La chanson
déchaîne la controverse, et l'enregistrement qui en est bientôt tiré rencontre un
immense succès.
La chanteuse afro-américaine Billie Holiday l’interpréta pour la première fois en 1939, au
Café Society à New York. Ce morceau écrit et composé par Abel Meeropol compte parmi
les réquisitoires artistiques les plus vibrants contre les lynchages couramment
pratiqués dans le sud des États- Unis ; elle est en outre considérée comme l’une des
premières manifestations du mouvement pour les droits civiques dans ce pays. Le
terme « Strange Fruit » est d’ailleurs devenu synonyme de lynchage. Le « Strange Fruit
» évoqué dans le morceau est le corps d’un noir pendu à un arbre. La puissance
émotionnelle du texte tient à son évocation de la vie rurale traditionnelle dans le sud
des États-Unis, qu’il confronte à la dure réalité du lynchage. Ainsi, on peut lire dans la
deuxième strophe : « Scène pastorale du vaillant Sud, Les yeux exorbités et la bouche
tordue, Parfum du magnolia doux et frais, Puis une soudaine odeur de chair brûlée ».
Les années suivantes voient Billie Holiday multiplier les enregistrements, les
engagements, les succès, avec des musiciens de la stature de Roy Eldridge, Art Tatum,
Benny Carter, Dizzy Gillespie... Mais elle entame également une liaison avec Jimmy
Monroe pour qui elle quitte le domicile de sa mère, avant qu'ils ne se marient
précipitamment. Son nouveau compagnon est un escroc, doublé d'un drogué. Il l'habitue
à l'opium, puis à la cocaïne, avant de se retrouver en prison.
Billie divorce de Monroe et enchaîne de nouveau les aventures, jusqu'à sa rencontre
avec Joe Guy, un trompettiste be-bop qui la fournit en héroïne. À l'époque même où elle
est la première artiste noire à chanter au "Met", où elle signe un contrat en or chez
Decca, elle se retrouve sous la coupe de Joe Guy, dépendante à l'héroïne... Billie en parle
sans concession : « Je suis rapidement devenue une des esclaves les mieux payées de
la région, je gagnais mille dollars par semaine, mais je n'avais pas plus de liberté que si
j'avais cueilli le coton en Virginie. »
Dans les clubs, il se murmure qu'elle ne respecte pas ses engagements, qu'elle est
souvent en retard, qu'elle se trompe dans les paroles. En 1945, Joe Guy monte une
grande tournée pour Billie : "Billie Holiday and Her Orchestra". La tournée est déjà bien
entamée lorsque Billie apprend la mort de sa mère Sadie, Duchess, comme l'avait
surnommée Lester. Billie est effondrée, elle sombre dans la dépression, elle se réfugie un
peu plus dans l'alcool, la drogue, et écourte sa tournée.
Au lendemain de la guerre, Billie Holiday est au plus haut, elle entame sa collaboration
avec le pianiste Bobby Tucker, ses disques se vendent bien (elle a signé en 1944 chez
Decca, elle triomphe au Town Hall de New York en février 1946, et son répertoire
s'élargit à quelques chansons indissociables de son personnage : Lover Man, Good morning Heartache (écrite pour elle par Irene Wilson), et ses propres compositions : Fine
and Mellow, Billie's Blues, Do- n't Explain et God Bless the Child. Elle tourne aussi dans
le film New Orleans d'Arthur Lubin, un long-métrage assez médiocre, mais qui réunit de
grands jazzmen, dont Louis Armstrong et Woody Herman. « Billie rêvait de faire du
cinéma. Hollywood, son glamour et ses stars la fascinaient.»
À la même époque elle renoue avec Joe Guy et adopte le LSD. Son imprésario Joe Glaser
lui impose une cure de désintoxication dans une clinique privée, début 1947. En vain :
quelques semaines plus tard elle est arrêtée en possession de stupéfiants et
condamnée à un an de prison. Billie fait scandale, et se trouve de plus dans une
situation financière difficile : ses royalties ont disparu dans la drogue et les poches des
hommes qui l'entourent... Elle sort de prison le 16 mars 1948, pour bonne conduite, mais
ruinée. Le 27, elle chante à Carnegie Hall, plus belle que jamais, la voix épanouie, ses
éternels gardénias dans les cheveux. Elle chante jusqu'à l'épuisement : vingt et une
chansons, plus six pour les rappels. Un triomphe.
Depuis sa sortie de prison, Billie s'est vue retirer sa carte de travail pour avoir enfreint
les critères de « bonne moralité ». Elle ne peut plus chanter dans les clubs de New York
(ou tout endroit vendant de l'alcool). Seule alternative, les grandes salles de concert :
difficile d'en remplir les travées plus d'un ou deux soirs de suite. Par ailleurs elle est
impliquée dans une bataille d'agents, entre Joe Glaser et Ed Fishman, qui s'occupe
désormais d'elle.
Malgré tout, Billie se produit avec Lionel Hampton à la radio, et avec Count Basie au
Strand Theatre. Elle sort désormais avec John Levy, gangster de seconde zone que l'on
surnomme par dérision « Al Capone ». Billie est toujours plongée dans l'héroïne, et le
retrait de sa carte la force à chanter hors de New York, des engagements moins
intéressants et moins bien rétribués. En outre, John Levy amasse désormais tout ce
qu'elle gagne et la terrorise. Elle se fait prendre en possession de stupéfiants à San
Francisco. Les ennuis persistent : elle subit toujours les violences de John Levy, son
accompagnateur et ami Bobby Tucker l'abandonne, la police la suit de près et elle
manque plusieurs fois de se faire prendre en possession d'héroïne... La presse ne
manque pas une occasion de titrer sur elle, comme Down Beat en septembre 1950 :
« Billie, de nouveau dans les ennuis ».
Lors d'un enregistrement en 1949 pour Decca, avec notamment Horace Henderson,
Lester Young et Louis Armstrong, Billie a bien du mal à tenir le rythme, elle se fait
remarquer par ses retards, ses excès, et une diction de plus en plus empâtée par
l'alcool. Decca ne renouvelle donc pas son contrat en 1950, Billie est plongée dans les
dettes jusqu'au cou : John Levy, qui encaisse ses cachets, n'a payé aucune facture.
Lorsqu'elle le quitte, elle perd beaucoup d'argent, mais retrouve une certaine liberté.
Billie reste toutefois contrainte à faire de longues tournées puisqu'elle ne peut toujours
pas chanter à New York. Fin 1950, elle renoue avec le succès à Chicago, en partageant
l'affiche du Hi-Note avec le jeune Miles Davis.
En 1951, Billie Holiday trouve une petite maison de production, Aladdin, pour laquelle elle
enregistre quelques disques, mal reçus par les critiques. Elle rencontre également à
Detroit un de ses anciens amants, Louis McKay, qu'elle avait connu à Harlem quand elle
avait 16 ans. Marié et père de deux enfants, Louis McKay devient néanmoins son
nouveau protecteur et contribue à relancer sa carrière. Elle s'installe sur la côte ouest,
et signe un contrat pour le label Verve de Norman Granz. Elle retrouve alors des
partenaires dignes d'elle : Charlie Shavers à la trompette, Barney Kessel à la guitare,
Oscar Peterson au piano, Ray Brown à la contre- basse, Alvin Stoller à la batterie et Flip
Philips au saxophone. Résultat : le disque Billie Holiday sings obtient un franc succès et
est suivi de plusieurs autres sessions. Billie se voit néanmoins de nouveau refuser son
permis de travail et alterne les tournées fatigantes et les grands concerts (à l'Apollo, à
Carnegie Hall).
1954 voit Billie réaliser un vieux rêve : sa première tournée en Europe. Accompagnée de
Louis McKay et de son pianiste Carl Drinkard, elle se rend en Suède, au Danemark, en
Belgique, en Allemagne, aux Pays-Bas, à Paris, en Suisse. Elle repasse par Paris en
touriste, avant de rejoindre l'Angleterre où ses concerts sont couronnés de succès. Une
tournée fructueuse et l'un des meilleurs souvenirs de Billie. De retour au pays, malgré la
drogue, malgré l'alcool, elle se surpasse. Elle se produit à Carnegie Hall, au festival de
Newport, à San Francisco, à Los Angeles, et continue d'enregistrer pour Verve. Down
Beat lui décerne un prix spécialement créé pour elle. Elle embauche aussi une nouvelle
accompagnatrice, la jeune Memry Midgett. Leur relation est plus qu'amicale, et Memry
aide Billie dans ses tentatives pour décrocher de la drogue. En vain. Son influence ne
plaît d'ailleurs pas à McKay qui la fait déguerpir.
Le 2 avril 1955, Billie Holiday retrouve Carnegie Hall où elle participe au grand concert
en hommage à Charlie Parker, mort le 12 mars. Aux côtés de Sarah Vaughan, Dinah
Washington, Lester Young, Billy Eckstine, Sammy Davis Jr., Stan Getz, Thelonious Monk...
Billie clôt le concert, aux alentours de quatre heures du matin. En août 1955, elle
enregistre un nouvel album pour Verve : Music for Torching, un chef d'œuvre qu'elle
réalise en compagnie de Jimmy Rowles au piano, Sweets Edison à la trompette, Barney
Kessel à la guitare, Benny Carter à l'alto, John Simmons à la basse et Larry Bunker à la
batterie. Puis, elle retrouve les clubs de la côte ouest.
En 1956, Billie est arrêtée avec Louis McKay en possession de drogue : un nouveau
procès est prévu. Elle effectue une nouvelle cure de désin- toxication, à l'époque où
sort son autobiographie Lady Sings the Blues, pour l'essentiel une compilation de toutes
ses anciennes interviews ré- unies par le journaliste William Dufty, admirateur de la
diva. La santé de Billie se dégrade de plus en plus. Sa nouvelle pianiste, Corky Hale,
témoignera plus tard du calvaire de Billie : son épuisement, les ravages de la drogue et
de l'alcool, les longues manches pour cacher les traces de piqûres qui lui couvrent
même les mains, la fatigue, la perte de poids, l'ivresse avant les concerts. La
perspective de son procès avec McKay la terrorise. Enfin, ce dernier se consacre moins
à elle...
Elle apparaît au festival de Newport, ainsi qu'à la télévision, dans l'émission The Sound
of Jazz, sur CBS, en compagnie, entre autres, de Lester Young, Coleman Hawkins, Ben
Webster, Gerry Mulligan et Roy Eldridge, mais aussi du jeune Mal Waldron, son nouvel
accompagnateur.
Louis McKay et Billie se marient le 28 mars 1957 au Mexique, pour ne pas avoir à
témoigner l'un contre l'autre lors de leur procès. Mais leur histoire est bel et bien
terminée. Une fois le jugement prononcé (une mise à l'épreuve de douze mois), McKay
quitte définitivement Billie et celle-ci engage une procédure de divorce. Elle enregistre
Lady in Satin en février 1958, avec des chansons entièrement nouvelles et un orchestre
dirigé par Ray Ellis, auteur des arrangements. Un album poignant, de même que son tout
dernier, simplement intitulé Billie Holiday, enregistré début 1959. Elle fait également une
apparition au festival de jazz de Monterey en octobre 1958, et effectue une nouvelle
tournée européenne au mois de novembre. Elle est sifflée en Italie, où sa prestation est
abrégée. À Paris, elle assure à grand-peine un concert à l'Olympia, exténuée. Sa tournée
prend l'eau. Elle accepte de jouer au Mars Club avec Mal Waldron et Michel Gaudry à la
contre- basse : le public est tout acquis à Billie qui y retrouve le succès. On se
bouscule dans le Mars Club, on y retrouve les célébrités de l'époque : Juliette
Gréco, Serge Gainsbourg, ou encore Françoise Sagan qui écrira « C'était Billie
Holiday et ce n'était pas elle, elle avait maigri, elle avait vieilli, sur ses bras se
rapprochaient les traces de piqûres. [...] Elle chantait les yeux baissés, elle sautait un
couplet. Elle se tenait au piano comme à un bastingage par une mer démontée. Les gens
qui étaient là [...] l'applaudirent fréquemment, ce qui lui fit jeter vers eux un regard à la
fois ironique et apitoyé, un regard féroce en fait à son propre égard. »
Depuis plusieurs années déjà, Billie est malade. Elle a des œdèmes aux jambes, mais
aussi et surtout une cirrhose avancée. Pourtant elle ne mo- dère pas ses excès. Elle
boit du matin au soir. Épuisée par sa deuxième tournée européenne, elle repart quelques
mois plus tard à Londres pour participer à une émission de télévision, "Chelsea at Nine".
Le retour est difficile. Billie apprend le 15 mars 1959, le décès de son ami, Lester
Young. Billie est effondrée. Le 7 avril suivant, elle fête ses 44 ans. Elle assure des
engagements dans le Massachusetts, puis le 25 mai, elle chante au Phoenix Theatre de
New York, pour un concert de bien- faisance. Dans les coulisses, ses amis ne la
reconnaissent même pas. Certains, dont Joe Glaser, veulent la faire hospitaliser : elle
refuse. Le 30 mai, elle s'effondre chez elle et est admise au Metropolitan Hospital de
Harlem. Outre sa cirrhose, on diagnostique une insuffisance rénale. Elle est traitée sous
méthadone et se remet peu à peu. On lui interdit l'alcool et la cigarette, mais Billie
trouve toujours un moyen de fumer en cachette. Voire pire : le 11 juin, on découvre un
peu de poudre blanche cachée dans une boîte de mouchoirs. Billie Holiday est arrêtée et
sa chambre mise sous surveillance policière pendant plusieurs jours. On prévoit de la
juger après sa convalescence. Celle-ci semble se passer au mieux, mais le 10 juillet, son
état s'aggrave. On décèle une infection rénale et une congestion pulmonaire. Louis
McKay et William Dufty sont à son chevet. Elle reçoit les derniers sacrements le 15
juillet. Le 17 juillet, à trois heures dix du matin, Billie Holiday meurt à l'hôpital.
Quatre mois après celui qui fut son véritable seul ami Prez…
La cérémonie funèbre se déroule le 21 juillet 1959 en l'église St. Paul. Trois mille
personnes sont présentes et se bousculent jusque dans Columbus Avenue. Elle est
enterrée au cimetière St. Raymond, dans le Bronx, dans la même tombe que sa mère.
Louis McKay fait déplacer son cercueil dans une tombe séparée en 1960. À sa mort,
Billie laisse à son ex- mari et seul héritier, mille trois cent quarante cinq dollars. Et ses
droits : à la fin de 1959, en seulement six mois, les royalties sur ses ventes de disques
s'élèvent à cent mille dollars. De quoi avoir une bonne idée de ce que Billie a pu
dépenser aussi bien que de tout ce dont elle a pu être spoliée.
Il n'y a pas de voix mieux identifiable, et qui ne résiste mieux à toutes les étiquettes,
que celle de Billie Holiday. À 20 ans déjà, Billie s'est éman- cipée de ses modèles,
notamment Bessie Smith et Louis Armstrong. Son timbre, son style sont uniques et
reconnus par tous les amateurs de jazz outre-Atlantique. Son articulation un peu
traînante est compensée par un sens du rythme unique, jouant avec les imperceptibles
retards, les phrasés décontractés qui créent le swing si particulier de ses prestations.
Billie à 20 ans, c'est aussi un timbre un peu enroué mais une diction parfaitement claire
et admirée, ainsi qu'un vibrato discret, dont elle use pour donner à tel mot le poids
nécessaire. Billie Holiday ne chante pas, elle joue dans tous les sens du terme, elle est à
la fois enfant et actrice. Déjà dans les années 1930, cette sonorité si particulière et
intimiste s'impose, quitte à se priver d'un plus grand succès populaire : tout le long de
sa carrière, Billie manque de la puissance d'une Bessie Smith et de l'agilité d'une Ella
Fitzgerald. Heureusement, Billie rencontre un contexte favorable grâce à deux éléments
la généralisation du micro et la mode des chansons lentes, refrains d'amour et blues. Le
fait d'avoir pu chanter très jeune avec les meilleurs jazzmen de l'époque n'a pu que
stimuler ce talent, et l'entente entre Billie et Lester Young frôle le mimétisme sans
jamais tomber dans l'imitation. Les excès de Billie ne sont pas sans conséquence sur sa
voix. Dès les années 1940, elle peine souvent à se lancer au début des concerts et des
séances d'enregistrement, elle a besoin d'un verre de gin ou de cognac « pour s'éclaircir
la voix »... Elle a également beaucoup de mal à renouveler son répertoire et ne retient
qu'à grand-peine les paroles de nouvelles chansons. Au fil des ans, sa diction si réputée
devient pâteuse, son timbre légèrement enroué devient rauque, râpeux. La fatigue
physique s'ajoute à tout cela. À quarante ans, Billie souffre quand elle chante, et cela
s'entend. On entend aussi qu'elle n'a plus confiance en elle, en cette voix vacillante, qui
la trahit si souvent.
Mais ce que l'on entend aussi c'est qu'elle y met tout son cœur. Le charme opère
toujours, jusque dans Lady in Satin, album raté pour certains, mais qui occupe une place
particulière dans la discothèque des vrais amoureux de Billie. L'arrangeur et chef
d'orchestre, Ray Ellis, sorti épuisé d'un enregistrement où la diva lui fit vivre un
calvaire, refuse à l'époque d'assurer le mixage. Mais quelques temps plus tard, en
entendant l'album, en constatant l'infinie tristesse qui caractérise des chansons comme
I'm a Fool to Want You ou You've Changed, Ray Ellis comprend la portée artistique d'un
tel témoignage, et accepte d'enregistrer avec Billie son album- testament, Billie Holiday.
Le musicien a évoqué plus d'une fois le souvenir de l'enregistrement de Lady in Satin
« Je dirais que le moment le plus intense en émotion fut de la voir écouter le playback
de I'm a Fool to Want You. Elle avait les larmes aux yeux. Quand l'album fut terminé, j'ai
écouté toutes les prises dans la salle de contrôle. Je dois admettre que j'étais
mécontent de son travail, mais c'est parce que j'écoutais la musique, pas l'émotion. Ce
n'est qu'en entendant le mixage final, quelques semaines plus tard, que j'ai compris que
sa performance était vraiment formidable. »
Le jazz
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Jazz, histoire et caractéristiques
Le jazz est né à la Nouvelle-Orléans (Louisiane, USA) au début du 20ème siècle. Dans ses
racines : le blues, le ragtime, les musiques traditionnelles de l’Afrique de l’ouest, le
negro- spirituals, gospel, les work songs (chants de travail des esclaves dans les
plantations de co- ton )...
On donne plusieurs origines au mot JAZZ. « jazz » viendrait de « jass » qui en vieil
anglais serait assimilable à « chass », signifiant « chasse », « poursuite ». Notons que,
dans le premier style de jazz, nommé "New Orleans", les musiciens poursuivaient chacun
une voie mélodique jouée en parallèle avec les autres.
« Jass » serait une altération de « jasm », traduisible par "vitalité", "énergie". La
dynamique toute particulière du jazz est évidemment l'une de ses principales
caractéristiques « jass » serait dérivé de "chasse", un pas de danse condamné par les
puritains. Ceci peut symboliser l'indiscutable aspect contestataire du jazz d'une part, et
son rapport à la sensualité d'autre part; « jass » serait issu de « jasbo », signifiant
« minstrel » (ménestrel); il faut savoir qu'on appelait "minstrels" des chanteurs blancs
qui, au XIXème siècle, se barbouillaient le visage de cirage et imitaient le répertoire des
chanteurs noirs « jass » serait lié au mot français "jaser" (bavarder). Comme dit ciavant à propos du New Orleans, les musiciens jouaient simultanément des mélodies
différentes. Un discours multiple, autrement dit. Voilà qui peut ressembler à un
bavardage de café du commerce ou de place publique. L'improvisation s'inscrit sans
difficulté dans ce contexte « jass » désignerait en argot d'Afrique occidentale l'acte
sexuel; le mot se serait étendu à la musique de jazz dans la mesure où celle-ci se jouait
beaucoup dans les multiples maisons closes de La Nouvelle-Orléans. Pratique pour
pratique...
La fin de la guerre civile, et les surplus d'instruments de musique militaire qu'elle
entraîna, ne fit qu'amplifier le mouvement. Les premiers jazz bands utilisaient
fréquemment la structure et le rythme des marches, qui étaient le type de musique de
concert le plus courant à l'époque.
Malgré ses racines populaires, on trouve parmi les créateurs du jazz des musiciens de
formation classique, tels que Lorenzo Tio ou Scott Joplin (pianiste de ragtime dans un
hôtel qui composait en même temps un opéra – ce qui montre bien toutes les
influences dont a pu hériter le jazz à cette époque).
Un événement important dans le développement du jazz fut le durcissement des lois de
Jim Crow sur la ségrégation raciale en Louisiane, dans les années 1890. Les musiciens
professionnels de couleur ne furent plus autorisés à se produire en compagnie de
musiciens blancs ; en revanche, ils trouvèrent facilement du travail parmi les fanfares
et les orchestres noirs, qu'ils firent profiter de leur expérience de conservatoire.
À l'aube de la première Guerre mondiale, on assista à une libéralisation des coutumes.
Des salles de danse, des clubs et des salons de thé ouvrirent leurs portes dans les
villes, et des danses noires telles que le cakewalk et le shimmy furent peu à peu
adoptées par le public blanc, principalement les jeunes (les flappers). Ces danses
apparurent tout d'abord lors de spectacles de vaudeville, puis lors de démonstrations
de danse dans les clubs.
La plupart du temps, la musique de ces danses n'avait rien à voir avec le jazz, mais
c'était une musique nouvelle, et l'engouement pour cette nouvelle musique expliquait
l'engouement pour une certaine forme de jazz. Des compositeurs célèbres tels qu'Irving
Berlin s'essayèrent alors au jazz, mais ils n'utilisaient que rarement cet attribut qui est
la seconde nature du jazz : le rythme. Néanmoins, rien ne popularisa plus le jazz que le
titre d'Irving Berlin Alexander's Ragtime Band (1911). Son succès fut tel qu'on l'entendit
jusqu'à Vienne. Bien que ce ne fût pas un ragtime, les paroles décrivaient un orchestre
de jazz qui mettait du rythme dans des chansons populaires, comme l'indique le vers «
If you want to hear the Swanee River played in ragtime... » (Si vous voulez entendre
Swanee River joué en ragtime...).
King Oliver a été le chef d'un premier orchestre important, le « Creole Jazz Band » dont
fera partie Louis Armstrong. Jelly Roll Morton a su transformer la musique de ragtime
en jazz et il a enregistré avec ses « Red Hot Peppers » (qui comprenaient les meilleurs
musiciens de Chicago) des chefs d'œuvres. Lors de quelques enregistrements
spécifiquement destinés au public noir (les race records) Louis Armstrong amena une
première évolution décisive du jazz : il jouait avec un orchestre typique de La NouvelleOrléans, ces orchestres où tous les musiciens improvisent simultanément. Mais Louis
était un improvisateur hors pair, capable de créer des variations infinies à partir d'un
même thème. Ses musiciens l'imitèrent, non plus tous en même temps, mais chacun leur
tour. C'est ainsi que le jazz devint une forme de musique en solo.
L'apparition des salles de danse influença le milieu du jazz de deux façons : les
musiciens se firent plus nombreux, puisqu'ils commençaient à pouvoir vivre de leur
musique, et le jazz – comme toutes les musiques populaires des années vingt – adopta
le rythme 4/4 de la musique de danse.
L'époque du swing
Au milieu des années 1920 jusqu’à l’avènement du bebop dans les années 1940, on a vu
l'essor d'un courant musical appelé l'« ère des big bands », « époque du swing », «
swing », ou la période de middle jazz (jazz du « milieu »). Il est surtout caractérisé par
le développement des grands orchestres et big bands et du swing.
Lors des années 1920, la prohibition de la vente de boissons alcoolisées aux États-Unis
a fermé les bars et les cabarets légaux. Mais ils furent rapidement remplacés par des
bars clandestins où les clients venaient boire et écouter de la musique. Les airs que l'on
y entendait demeuraient un mélange de styles – des morceaux de danse à la mode, des
chansons récentes, des airs extraits de spectacles. Ce qu'un trompettiste surnomma un
jour « Businessman's bounce music ».
Cette période marqua la naissance de l'orchestre de Duke Ellington, au Cotton Club,
ainsi que de l'orchestre de Count Basie, formé à partir de plusieurs groupes de Kansas
City. La danse évolua avec la musique, ainsi naquit au début des années 30 dans la
communauté noire- américaine le Lindy Hop (ou Jitterbug) qui devint un phénomène
national dès 1935, avec la popularisation des big bands blancs avec en particulier Benny
Goodman.
Les premiers développements du jazz subirent l'influence de la ségrégation raciale, qui
était alors très forte aux États-Unis. Les innovations, apportées principalement par les
musiciens noirs des clubs, étaient enregistrées par des musiciens blancs, qui avaient
tendance à donner au jazz des rythmes et des harmoniques orthodoxes. La lente
dissolution de la ségrégation raciale s'amorça au milieu des années trente, quand Benny
Goodman engagea le pianiste Teddy Wilson, le vibraphoniste Lionel Hampton et le
guitariste Charlie Christian pour qu'ils se joignent à de petits groupes et à son big
band. Au milieu des années trente, la popularité du swing et des big bands était à son
sommet, transformant en stars des musiciens tels que Glenn Miller ou Duke Ellington.
La principale influence du jazz est le blues, une musique rurale qui évolua avec la
migration des populations noires vers les grandes agglomérations, à la fin du XIXe
siècle. Parmi les premiers musiciens de jazz, nombreux étaient ceux qui vivaient de leur
prestation dans de petites fanfares; les instruments de ces groupes devinrent les
instruments de base du jazz : cuivres, instruments à anches et batterie. Les inventeurs
du jazz sont des Africains déportés en Amérique, autrement dit des Afro- américains.
Dès le XVIIème siècle, 200.000 Africains sont déportés sur le continent américain pour y
être soumis à l'esclavage. Trois siècles plus tard, ils seront des millions. A partir de ce
moment, la pratique musicale des Africains, si étouffée soit-elle par les Blancs, va
néanmoins s'exercer et connaître l'influence de la musique qu'écoutent ou jouent les
maîtres. L'intégration de certaines caractéristiques de ces musiques au niveau le
plus profond de l'expression musicale africaine entraînera, après quelque trois
siècles de macération, la création d'une expression nouvelle, marqué sur le plan
rythmique par le phénomène du swing.
Sur le plan mélodique, on constate notamment la création d'une gamme nouvelle dont
les notes de tension, dites en anglais « blue notes », seront à l'origine du blues,
qui fait partie intégrante du jazz.
Il est important de garder en mémoire, lorsqu'on aborde le processus d'élaboration du
jazz, le fait que la musique traditionnelle africaine contenait en elle les germes
prédominants que sont :
- des rythmes irréguliers ou "déhanchés" (ce terme nous paraît le mieux convenir à
vulgariser ce que les musiciens reconnaîtront comme des "syncopes" et "contretemps"),
qui transformeront puissamment la rythmique occidentale;
- des gammes souvent pentatoniques (le musicien s'exprime au moyen de cinq notes
différentes) qui, confrontées aux gammes de sept notes occidentales, entraîneront des
transformations, peut-être même directement au niveau des deux notes
supplémentaires, les fameuses "blue notes" du blues. (Cette dernière hypothèse est
parfois contestée).
Toute l'âme noire est là: deux notes dites "blue notes", baissées par rapport à la gamme
« majeure » (gamme de référence en Occident) au moyen d'un « bémol », peuvent
également ne pas l'être (grâce à un "bécarre"), au gré de l'humeur, de la mélancolie ou
de la joie du chanteur... Cette versatilité (au sens anglais et positif du terme) constitue
à elle seule une grande caractéristique du jazz.
L'adhésion de plus en plus grande des Afro-américains à la religion protestante les
conduit à chanter, à l'église, les chants sacrés des Blancs. Cependant, notamment au
niveau de la langue anglo-saxonne dont ils ne maîtrisent pas bien les accents toniques,
les Afro-américains vont bouleverser la manière traditionnelle d'interpréter ces chants.
De toute manière, ni leurs structures rythmiques ancestrales, ni leurs structures
mélodiques ne correspondent à la manière occidentale de concevoir la musique. Le
mélange qui s'ensuit est fondamental dans le processus de création du jazz.
A la fin du XIXème siècle, ce sont près de 300 ans de macération qui auront permis
l'établissement d'un véritable swing constitutif du jazz, qui s'incarnera dans la
musique d'église chantée, principalement sous la forme de « spirituals » et de
« gospels ».
L'origine du spiritual paraît remonter à la fin du XVIIIème siècle, reflétant plutôt
l'expression de la souffrance que de la joie ou de l'espoir, lesquels furent du ressort du
gospel à partir du début du XXème. Il est intéressant de constater que l'aspect
”dialogal” évoqué par une des acceptions du mot "jazz" est très présent dans le
spiritual et le gospel (les fidèles font "la réplique" au prêtre, une phrase après l'autre);
d'autre part, ce même rapport ”dialogal” existe dans un grand nombre de musiques
ancestrales africaines... Grâce au gospel, les Noirs peuvent exprimer à l'église leurs
sentiments profonds et... ancestraux. Le Révérend Kelsey parlait de "la joie extatique
avec laquelle les Afro-américains interprétaient les psaumes et les cantiques. Ils
associaient la danse et la liturgie".
A partir du moment où les Afro-américains sont libérés de l'esclavage (1865), ils auront
accès à des instruments de Blancs. Ils passent alors peu à peu des tambours, planches
à laver, balafons primitifs, importés d'Afrique et éventuellement perfectionnés sur le
continent américain (en ce qui concerne le banjo), à des instruments de fanfare
(trompette, clarinette, trombone), ainsi qu'au piano. Jouant de ces instruments, ils
s'inspirent du répertoire européen (musiques pour fanfares, musique classique pour
piano) mais, selon le principe décrit ci-avant, ils détournent la musique de son style
original pour l'imprégner peu à peu des acquis du swing et du blues. Cet
aboutissement se produit au début du XXème siècle. Dans cette évolution, il ne faut pas
négliger l'apport des Créoles (les Noirs des colonies françaises, non soumis à
l'esclavage), qui étaient aussi bien commerçants qu'hommes d'affaires ou... musiciens.
Ainsi de Sidney Bechet, qui fut l'un des premiers jazzmen reconnus, et s'illustra dans le
premier style de jazz, nommé "New Orleans". Ainsi aussi de Ferdinand Joseph La Menthe,
dit "Jelly Roll Morton", qui se disait l'inventeur du jazz...
NB: Il a été beaucoup question de swing, en tant qu'élément constitutif du jazz.
Souvenons- nous que ce terme sert également à définir un style de jazz correspondant
à une époque. Le swing en tant que caractéristique rythmique existe dans tout le jazz,
quels que soient le style et l'époque (tout au moins jusqu'aux années '60 où certains
musiciens rompent expressément avec lui).
A propos de disques, signalons d'emblée que toute l'histoire du jazz en dépend.
L'industrialisation du disque permettra aux musiciens de s'écouter les uns les autres en
dépit des distances géographiques ou des conditions sociales (accès aux lieux de
concerts trop coûteux, cours de musique inexistants ou trop onéreux également).
Le centre de l'explosion jazz de la fin du XIXème siècle fut La Nouvelle-Orléans en
Louisiane, dans le sud-est des Etats-Unis. Congo square, notamment, était le théâtre de
grandes fêtes où les Afro-américains jouaient de la musique et dansaient, bientôt
rejoints par des Antillais dont les rythmes exotiques se fondirent à la macération néoorléanaise.
On y entendait notamment des cake-walks, des jubas antillaises et des bamboulas. Tout
était prétexte à fête: mariages, anniversaires, funérailles, repas, soirées masquées...
Ce que confirment les propos d'un esclave africain emmené en Virginie en 1752:
« Nous sommes ce que l'on pourrait appeler un peuple de danseurs, musiciens et poètes.
De sorte que chaque événement important (...) est célébré par des danses
accompagnées de musiques et de chants ».
D'autres centres que La Nouvelle-Orléans doivent être pris en considération, tels
Memphis ou Kansas City.
Pour mémoire, la guerre de Sécession permit aux Afro-américains d'obtenir la liberté
(malheureusement entachée du fonds irréductible de racisme que l'on sait) et, dès 1868,
d'acquérir la nationalité américaine. L'abolition de l'esclavage alla bien entendu en
faveur de l'épanouisse- ment du jazz.
De cette période, nous n'avons aucun témoignage enregistré. Il faut imaginer une
musique africaine ancestrale mélangée à des structures rythmiques et mélodiques
proches des musiques populaires européennes pratiquées pas les colons blancs.
Formation des musiques afro-américaines
L'improvisation, les gammes, les accords
Une des grandes différences entre la musique classique et le jazz est l'improvisation. La
musique classique repose sur l'écriture sans laquelle elle n'existerait pas. Quelques
exceptions confirment cette règle: les cadences de concertos, autrefois improvisées,
l'harmonisation de basses continues dans la musique baroque, les improvisations à
l'orgue... Mais c'est peu de chose par rapport au jazz où l'improvisation est la
caractéristique compositionnelle, les « thèmes » (mélodies) - convenus ou écrits représentant uniquement la carte d'identité du morceau. Le jazz se réfère en effet à
des thèmes qui, joués sur des trames harmoniques, donnent libre cours à l'invention.
Voici deux autres formulations de ce principe fondamental : une mélodie est jouée sur
un certain nombre d'accords (groupes de notes) qui en sont l'accompagnement. Après,
sur les mêmes accords, on invente d'autres lignes mélodiques, on improvise; plus
concret encore: on peut chanter une chanson en s'accompagnant d'une guitare pour
ensuite (donc après avoir fait entendre la mélodie principale de cette chanson) se
plaire à inventer sur les mêmes accords que l'accompagnement les mélodies que l'on
veut (autrement dit : dont on a l'inspiration au moment même).En jazz, on nomme la
succession des accords « grille d'accords », la mélodie principale étant appelée
« thème » et les lignes mélodiques inventées ayant pour nom « improvisation ».
Free jazz
Le free jazz (ou New Thing) est un style de musique qui se développe dans les années
1950 et 60, emmené par les pionniers Charles Mingus, Ornette Coleman, Eric Dolphy et
Albert Ayler. John Coltrane est un des musiciens qui, dans ses dernières œuvres, réalise
quelques- uns des meilleurs morceaux de free jazz. Comme toutes les autres formes de
jazz, le free jazz est toujours pratiqué.
Le free jazz utilise les bases du jazz mais avec une composition moins structurée que
les styles précédents. L'improvisation, par exemple, y tient une grande place, le free
jazz étant d'ailleurs un des principaux « inspirateur » du genre improvisation libre.
Cependant, le free jazz est beaucoup plus facile à caractériser par la comparaison, par
ses différences d'avec les autres formes de jazz, sortes de tiroirs pratiques dans
lesquels on range des genres très différents, tels que le ragtime des débuts, le swing, le
be-bop, le jazz fusion, ou encore des styles plus récents tels que l'ethno-jazz, que par
une définition nette.
Ces autres formes de jazz ont des tempos puissants, sur des rythmes métriques,
habituellement en 4/4, ou parfois en 3/4. Le free jazz maintient normalement un rythme
de base, mais sans mètre régulier, avec accélérations et baisses subites, comme la houle
marine. Il arrive souvent que les musiciens d'un même orchestre jouent sur des tempos
différents. Un rythme général se dégage cependant de cette musique, le tempo n'a pas
disparu.
Ce genre de musique a influencé des artistes tels que Miles Davis, Tim Buckley ou
encore Frank Zappa à un moment de leur parcours musical.
Le free jazz s'inscrit aussi dans une logique militante et politique. En effet les
musiciens de jazz firent les frais des politiques discriminatoires états-uniennes de par
leur aïeux esclaves d'Afrique mais aussi de par les lois racistes sévissant au moins
jusque dans les années soixante aux États-Unis. Le free jazz voulut donc être aussi une
libération culturelle profonde en rompant radicalement avec les schémas de la musique
occidentale (musique tonale et rythme en binaire ou en ternaire) et pour certains
musiciens (Albert Ayler, Archie Shepp) un retour aux sources de la musique noire, à
travers le blues par exemple.
En même temps on vit beaucoup de noirs états-uniens se convertir à l'islam et changer
de nom (voir Cassius Clay par exemple). Tout cela s'inscrit dans le mouvement des
droits civiques dont Martin Luther King ou Malcolm X furent les symboles et les
martyrs.
Sources : wikipedia et jazz en ligne (médiathèque)
La ségrégation aux Etats-Unis
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Le contexte historique
Afro-américain
Un afro-américain (ou africainaméricain) est un Américain dont les origines sont perçues
comme étant d'Afrique noire. Il peut également être appelé « Noir américain ».
Popularisé par Malcolm X dans les années 1960, le terme est devenu d'un usage commun
aux États-Unis à la fin des années 1980. Le but de l'expression était de définir les
Américains de couleur de peau noire par leurs origines, comme le sont les citoyens
d'origine italienne ou irlandaise, et non plus uniquement par leur couleur.
La plupart des afro-américains sont descendants de personnes amenées d’Afrique aux
Amériques en tant qu’esclaves entre le XVIe siècle et le XIXe siècle. Aux Etats-Unis, on
écrit African American et surtout pas « African-American »), selon le principe du no
hyphen : le trait d'union serait en effet considéré comme particulièrement péjoratif.
La ségrégation aux États -Unis
Aux États-Unis d'Amérique, le terme d’African American désigne un citoyen ou un
habitant des États-Unis de type ethnique noirafricain. C’est notamment le cas sur les
formulaires officiels destinés à préparer des statistiques ou à accompagner des
politiques de discrimination positive. Ceux dont les ancêtres ont été transportés en
qualité d’esclaves d’Afrique aux Caraïbes ou en Amérique latine, mais qui sont venus aux
États-Unis en personnes libres, sont classés aux États-Unis dans la catégorie afroaméricains ou dans une autre catégorie qui peut être latino-américain, haitianoaméricain ou caraibéen américain. Notons qu’un Américain aux origines maghrébines sauf s'il est noir - ou un Blanc originaire d’Afrique du Sud, donc de l’Afrique, ne seront
pas désignés African American.
Époque coloniale
Les premiers esclaves africains débarquent au début du XVIIe siècle dans les colonies
anglaises d'Amérique du Nord. Dès cette époque, on peut observer des métissages avec
les Blancs. Pendant la guerre d'indépendance américaine, des soldats africains, qu'ils
soient esclaves ou libres, ont participé au conflit dans les deux camps, loyaliste et
insurgent. On estime que 5 000 africains ont combattu aux côtés des Américains et
plusieurs d'entre eux furent affranchis.
La Révolution américaine plaça au coeur des débats politiques la place et le statut des
africains dans la société. Le Congrès continental discuta intensément de l'esclavage.
Thomas Jefferson, dans la Déclaration d'indépendance américaine, préféra ignorer le
sujet, afin de ne pas mécontenter les régions du Sud qui vivaient de l'économie de
plantation. Si la Constitution américaine fondait les bases démocratiques de la nouvelle
République, elle excluait les africains du droit de vote, de même que les femmes, les
Amérindiens et les pauvres.
L'abolition de l'esclavage
Dès 1770, les sociétés Quakers de Nouvelle- Angleterre s'interdisent toutes pratiques
esclavagistes.
Seuls quelques États du Nord s'engagent rapidement dans la voie de l'abolition de
l'esclavage : le Vermont l'interdit dès 1773. En 1807, la traite des noirs est
officiellement abolie aux États-Unis.
Dans les années 1820, la Female Anti-slavery Society dénonce l'esclavage. En 1865 est
promulgué le 13e amendement interdisant l'esclavage, après la guerre de Sécession.
La ségrégation
Après 1865, un grand nombre d'anciens esclaves se retrouvent sans travail et de
nombreux planteurs font faillite. Commence alors un exode massif des africains vers les
villes industrielles du Nord du pays. La Guerre de Sécession laissa des rancoeurs dans
les États du Sud : après la fin de l'occupation militaire est mise en place la ségrégation
par peur du métissage et par la psychose du viol des femmes blanches par les hommes
africains4. Les lois Jim Crow instaurent le développement séparé mais égal, c'est-à-dire
la ségrégation dans les lieux publics. Les africains sont également victimes de violences,
de lynchages et de la haine du Ku Klux Klan.
La ségrégation raciale institutionalisée a pris fin en tant que pratique officielle à
travers les efforts de militants pour les droits civiques comme Rosa Parks et Martin
Luther King, qui ont lutté de la période allant de la fin de la deuxième Guerre Mondiale,
à l'adoption du Voting Rights Act et du Civil Rights Act soutenue par le président
Lyndon Johnson. La majorité de leurs efforts était des actes de désobéissance civile
avec pour but de violer les règles et lois de ségration raciale en refusant par exemple
de céder un siège, dans le compartiment réservé aux noirs dans un bus, à une personne
blanche (Rosa Parks), ou en organisant des sit-ins dans des restaurants exclusivement
réservés aux blancs.
Les droits civils et la marche vers l'égalité
Les premières mesures contre la ségrégation sont prises dans les états du Nord après
la Seconde Guerre mondiale, compte-tenu de l'effort de guerre soutenu par les africains
dans l'armée américaine.
En 1949, l'armée entre dans une phase de déségrégation totale.
Grâce aux efforts de l'avocat afroaméricain Thurgood Marshall et du NAACP, la
ségrégation scolaire est déclarée inconstitutionnelle par la Cour suprême des États-Unis
en 1954 (arrêt Brown v. Board of Education).
Les autres lois Jim Crow ont été abolies par le Civil Rights Act de 1964 et le Voting
Rights Act. Les années 1960 sont marquées par la figure de Martin Luther King (19291968) qui organisa et dirigea des marches pour le droit de vote, l'emploi des minorités,
et d'autres droits civiques élémentaires pour les afroaméricains. Il est surtout connu
pour son discours « I have a dream » (J'ai un rêve), prononcé le 28 août 1963 devant le
Lincoln Memorial à Washington durant la marche pour l'emploi et la liberté.
Il rencontre John F. Kennedy qui lui apporte un grand soutien pour la lutte contre la
discrimination raciale. La déségrégation prend une tournure violente avec de nombreux
assassinats, des émeutes dans certaines villes et dans les ghettos : entre 1965 et 1968,
les violences font 250 morts et 8000 blessés dans tout le pays. En 1968, un rapport de
la commission Kerner s'intéresse aux causes de ces violences et représente le point de
départ de la politique de discrimination positive.
La discrimination positive (affirmative action)
Le premier à utiliser l'expression Affirmative action est le président américain John
Fitzgerald Kennedy ; elle fut ensuite reprise par son successeur à la Maison Blanche
Lyndon Johnson. Leur idée était que, malgré les lois en faveur de l'égalité, les Noirs
resteraient en retard par rapport au reste de la population américaine. Le but était de
faire en sorte que les Noirs soient davantage représentés dans les emplois qualifiés, les
universités, les médias, etc. Dès les années 1960, des emplois préférentiels sont mis en
place. Mais il ne s'agit en aucun cas d'une politique de quotas : en 2003, la Cour
Suprême a condamné le principe des quotas comme étant contraire à l'égalité devant la
loi et à la libre concurrence. Les résultats sont jugés convaincants aux États-Unis : en
1960, 13 % des Afro- Américains appartenaient aux classes moyennes, ils sont 66 % en
2008.
Démographie
Selon le recensement de 2005, environ 39,9 millions d'afro-américains vivent au ÉtatsUnis soit 13,8% de la population totale. 54,8% résident dans les États du Sud, 17.6%
dans le Nord-est, 18,7% dans le Midwest et seulement 8,9% dans les États de l'Ouest.
88% vivent dans des aires urbaines. Avec plus de 2 millions de résidents noirs, New
York City a la plus importante population noire urbaine des États-Unis. Parmi les villes
de plus de 100 000 habitants, Gary dans l'Indiana a le plus fort pourcentage d'habitants
noirs (85%), suivi de peu par Detroit dans le Michigan (83%). Atlanta en Géorgie (65%),
Philadelphie en Pennsylvanie (43%) et Washington, D.C. (60%) sont aussi des centres
importants de population
Strange fruit, histoire de la première « protest song »
« Strange Fruit »
Southern trees bear a strange fruit
Blood on the leaves and blood at the root,
Black body swinging in the Southern breeze,
Strange fruit hanging from the poplar trees.
Pastoral scene of the gallant South,
The bulging eyes and the twisted mouth,
Scent of magnolia sweet and fresh
And the sudden smell of burning flesh !
Here is a fruit for the crows to pluck,
For the rain to gather, for the wind to suck,
For the sun to rot, for a tree to drop,
Here is a strange and bitter crop.
Fruit étrange
Des arbres du Sud portent un fruit étrange,
Du sang sur les feuilles et du sang aux racines,
Un corps noir oscillant à la brise du sud,
Fruit étrange pendu dans les peupliers.
Scène pastorale du valeureux Sud, Yeux exorbités, bouche tordue,
Parfum de magnolia doux et frais,
Et une odeur soudaine de chair brûlée !
Ce fruit sera cueilli par les corbeaux
Ramassé par la pluie,
aspiré par le vent,
Pourri par le soleil, lâché par un arbre,
C’est là une étrange et amère récolte.
Enregistrements
Columbia Records, avec qui Billie Holiday était sous contrat à l’époque, refusa de
produire l’enregistrement de « Strange Fruit ». Comme la maison de production ne fit
aucune déclaration officielle à l’époque, on ne peut que supputer les motifs de son
refus. D’une part, le public blanc du Sud des États-Unis trouvait la chanson trop
subversive et sa publication aurait eu des répercussions négatives sur les affaires ;
d’autre part, elle représentait un véritable hiatus dans le répertoire standard de Billie
Holiday, qui comportait essentiellement des chansons traditionnellement jouées dans les
boîtes de nuit. Finalement, la chanteuse obtint l’accord de Commodore Records, une
petite maison de disques juive de New York, pour enregistrer Strange Fruit .
Paradoxalement, bien que ce morceau fasse partie intégrante de l’histoire de la musique
américaine et qu’il reste très apprécié du public, il n’est que rarement interprété. Pour
nombre d’auditeurs, la chanson, et notamment son interprétation par Billie Holiday, est
jugée déstabilisante, voire douloureuse à entendre. Pour un chanteur, interpréter ce
morceau est une véritable gageure car la version de Billie Holiday fait date, d’où une
pression énorme.
D’autres interprètes célèbres de « Strange Fruit »
Josh White, Car- men McRae, Eartha Kitt, Cassandra Wilson, Nina Simone, Tori Amos, Pete
Seeger, Diana Ross, Dee Dee Bridgewater, Marcus Miller (à la clarinette basse), Robert
Wyatt, Jeff Buckley et Sting. Tricky en a réalisé un remix et Lester Bowie une version
instrumentale avec son groupe Brass Fantasy.
En 2002, Joel Katz a tourné un documentaire sur la chanson.
Répercussions
Pour le mouvement des droits civiques, « Strange Fruit », de par sa dimension
symbolique, eut un effet comparable au refus de Rosa Parks de céder sa place à un
Blanc dans un bus, le 1er décembre 1955. Outre
« We Shall Overcome » et peut-être aussi « The Murder of Emmett Till » de Bob Dylan,
aucune autre chanson n’est aussi intimement liée au combat politique des Noirs pour
l’égalité. Élevée au rang de Marseillaise Noire ou qualifiée avec mépris de chanson de
propagande à ses débuts, la chanson a progressivement pris une dimension apolitique,
en tant que réquisitoire pour la dignité et la justice.
Le livre « Blues Legacies and Black Feminism »d’Angela Davis a joué un rôle important
dans la manière dont Billie Holiday était perçue. Jusque-là, considérée comme une «
simple chanteuse de variété », à l’image de son répertoire, les recherches d’Angela Davis
ont révélé une femme pleine d’assurance, tout à fait consciente du contenu et de l’effet
de « Strange Fruit ». D’ailleurs, Billie Holiday la chantait de façon ciblée et en variait
souvent l’interprétation. Pour Angela Davis, « Strange Fruit » a relancé de façon
décisive la tradition de la résistance et de la pro- testation dans la musique et la
culture noire américaine, mais aussi dans celles des autres communautés. Alors
qu’en 1939, le Time Magazine qualifiait le morceau « Strange Fruit » de musique de
propagande, le même magazine hissait, soixante ans plus tard, le titre au rang de
chanson du 20e siècle. « Strange Fruit » a longtemps été « carmen non grata » à la
radio aux États-Unis, la BBC a tout d’abord refusé de la diffuser et elle était
officiellement interdite sur les ondes sud-africaines du temps de l’Apartheid.
Pistes pédagogiques
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Ce spectacle musical peut être l’occasion d’aborder ces thématiques avec vos élèves
selon différents axes.
L’histoire du jazz
Avec écoute de morceaux emblématiques en soulignant la particularité de ce courant
musical : une musique portant en son sein l’entrechoquement de deux mondes : le nord
et le sud.
Le jazz, une « musique noire » née d’une situation intolérable, une réaction à la
domination culturelle blanche.
Le jazz comme vecteur de la conscience noire aux USA.
L’histoire de la lutte pour la reconnaissance des droits civiques des noires aux USA à
travers les portes paroles de ce mouvement : Figures emblématiques et leurs mots.
Lecture des paroles de la chanson
« Strange Fruit » traduite et analyse du contenu. Lectures d’extraits de discours
célèbres pour la lutte des droits civiques en voyageant dans le temps jusqu’à
aujourd’hui.
Mise en perspective des différentes voix de résistance aux ségrégations.
Et aujourd’hui, qu’en est-il ? Débat et discussion avec les étudiants sur comment ils
perçoivent l’état des injustices sociales et culturelles.
Pistes d’activités
- Ecouter des morceaux de blues, de gospel, de free jazz…
http://www.jazz-styles.com/
- Découvrir la vie d'un grand musicien de jazz tel que Louis Armstrong
OLLIVIER Stéphane, « Louis Armstrong », Gallimard
Jeunesse, 2009
En Français
Lire un roman en lien avec le jazz
CLAVERIE Jean, « Little Lou », Gallimard, 2002
Résumé : Lou est un petit garçon noir qui vit dans une ville américaine durant les
années 1920, une enfance pauvre et heureuse, dans une famille passionnée par la
musique. Très tôt, il découvre le jazz et rêve d'être un grand pianiste. Une chance va
s'offrir à lui suite à un règlement de compte au cours duquel un pianiste est blessé.
Sauvé par Lou, celui-ci le fera travailler durement pour qu'il le remplace au grand
concert.
Thèmes :
- L'Amérique des années 1920 : l'émigration des noirs du Vieux Sud rural vers les villes
industrialisées du Nord, la musique noire américaine (blues, jazz, gospel), la pauvreté et
la ségrégation raciale, la prohibition et le gangstérisme
En Histoire
CM2
On peut aborder de manière simplifiée : l'esclavage, la guerre de Sécession, la formation
des Etats-Unis d'Amérique, les lois de ségrégation, la prohibition...
Bibliographie et discographie
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Bibliographie
Jazz
BLOCH Muriel et FARKAS Marie-Pierre, « Le swing des Marquises », Naïve, 2008
CLAVERIE Jean, « Little Lou », Gallimard, 2002
GERBER Alain, « Le roi du jazz », Bayard, 1994
OLLIVIER Stéphane, “Louis Armstrong”, Gallimard, 2009
SILLORAY Olivier, « Le grand piano noir », Bayard Jeunesse, 2008
Repères discographiques
- Lady Day & Pres, intégrale Billie Holiday - Lester Young, 1937-1941, Frémeaux et
associés
- Billie Holiday, New York - Los Angeles, 1935-1944, Frémeaux et associés, 2
vol.Commodore Master Takes, 1939-1944, Commodore
- Lady Day: The Complete Billie Holiday on Columbia (1933-1944), Columbia Billie's Blues,
Blue Note, 1954
- Billie Holiday at Storyville, Black Lion, 1954
- The Complete Billie Holiday on Verve, 1945-1959, Verve
- Lady Sings the Blues, Verve, 1954
- Music for Torching, Verve, 1955
- All or Nothing at All, Verve, 1955
- Songs for Distingué Lovers, Verve, 1957
- Body and Soul, Verve, 1957
- Solitude, Verve
- Lady in Satin, Columbia, 1958
- Last Recording, Verve, 1959
- I'am Fool To Want You by Billie Holiday
Bibliographie autour de Billie Holiday
- Billie Holiday et Dufty, William, Lady Sings the Blues, traduit de l'anglais par Danièle
Robert, Marseille, Parenthèses, col. "Epistrophy",1984.
- Danièle Robert, Les Chants de l'aube de Lady Day, Cognac, Le temps qu'il fait, 1993.
- Véronique Chalmet, Billie Holiday, Paris, Payot, 2005.
- Angela Davis, Blues Legacies and Black Feminism
- Sylvia Fol, Billie Holiday, Paris, Gallimard, coll. Folio biographies, 2005.
- Michel Fontanes, Billie Holiday et Paris, Éditions Rive Droite.
- Alain Gerber, Lady Day, Fayard, Paris, 2005
- David Margolick, Strange Fruit, traduit de l'anglais par Michèle Valencia, 10/18, Paris,
2001
- Marc-Édouard Nabe, L'âme de Billie Holiday, Paris, Denoël, 1986.