La Philosophie Grecque avant Socrate
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La Philosophie Grecque avant Socrate
La philosophie grecque avant Socrate / par Albert Leclère,... Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France Leclère, Albert (1867-1920). La philosophie grecque avant Socrate / par Albert Leclère,.... 1908. 1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de la BnF.Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 : *La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source. *La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produits élaborés ou de fourniture de service. 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DEBUT D'UNE SEME DE DOCUMENTS EN COULEUR ET )SOPHES ) PENSEURS Albert LECLÈRE /Â;cA- <t-<-A ~<?/<s~ <<< à /<< La PHIJL~SOPHIE r~. A~ant va BLOUD S.etR. & C~ 480-481. GRECQUE Socrate ~<* BLOUD et C'% Édit., rue 4, Paris Madame, Nouoelle (VP) Collection LA PENSEE CHRETIENNE Textes Volumes t/t-~6 et prix Etudes <ftoe/ 2 à 4 francs. Professeur à l'Université Saint DupouRCQ, Irônée, par Albert de Bordeaux, Docteur ès-Iettres. 1 \'ol. 2' édition 3 fr. 50 4 fr. tranco. Justin et les Apologistes du second Saint siècle, par Jc.mn Docteur en théologie. Professe): à l'école de RrviÈRE, avec une introduction théologie d'Albi, par Pierre B.i'u-'roL, 1 de l'Institut de 1 v. Recteur 3 fr. 50 Toulouse, Catholique 4 îr. ./ra/tco. de la ConrnissioQ par F. PpAT, secrétaire O~rigène, biblique 1vol.: 3 fr.50;tco. 4 fr. Saint Vincent de Lérins, de Bttu~RTiÈRE. par Ferdinand à l'Unil'Académie et P. de LAHRiOLLE. professeur Française, 3 fr. ;<Mco.3 fr. 50 versité de Fribourg 1 voi. (Suisse), F. CAVALLKRA, 1 v'i!. 3 fr. 50 Saint Athanase, par 4 :r. /co. 1 vol. 3 fr. ;rfmco 3 fr. 50 Saint Jérôme, par J. TuRMEL. 3 fr. 50 :n/tce' 4 fr. Tertullien, par le mème. 1 vol. 3' édit. au SnohsSaint Jean Damascène, par V. RRMpN!, professeur 1 vol., 2* émt. 3 ir. ;tco 3 fr. 50 j tieat des Lazaristes. '!u Lvcce de Saint Bernard, par E. VACANDARD, aumôrner 3 fr.a~co. Rouen. 3 fr. 50 1 vol., 2* édit., Saint de Sales, SïRowsK!, par 1,'ortunat professeur François de Bordeaux. 1 vol. 3 fr. 50 à l'Université 4 l'r. ,/r<wo.' Le Théâtre édinant en Espagne Tirso de (Cervantès, de l'Institut. Marcel Molina, DiEULAFOY, Caldéron), par 1 vol. 4 fr. 3 fr. 50 .aneo. de l'Académie Française, et Michel Bonald, par Paul BouRGET, 3 fr. 50; 4 fr. S.U.OMON. 1 vol. 3* édit. ./ra/M'o. 3 fr. 50 GoYAU, ?* édit., 1 vol. Moehler, par Georges 4 fr. J'ra/tco. du D~y/~c Henri Le ~co~~o~pc/~p/t~ cA/'t~n~, par NewTnan, et augmentée, avec de BREMO~D, 5* édit., refondue préface d'Albi. 1 vol. 3 fr. Sa Grandeur Mgr MiGXOT, Archevêque 3 fr. 50 ./re~c& c~g ~a Fo~ par 4* édit., Z.a P~c/~o~o~~ le même, Nfewman, 4 fr. 1 vol. 3 fr. Su ;<tco. 3* édit., 1 vol. Z.'T V~ cAr~ffe/e, Newman, par le même. ont été couron3 fr. 50;ra/o.' 4 fr. Ces trois ouvrages tx~ ;r l'Afadeinic franraise (!9<16). G. à l'Institut Maine de Biran, ~hcuKt.ET. par professeur 2' <-(Ht.. 1 o). 3 fr. :?o/<co~ 3 fr. 50 <)e Toulouse. <'at)t'))i'juu t vui. 3 fr. 50;r<t/K;o~ 4 fr. BREMO~o Gerbet, p:.t- Henri 1 vol. 3 fr. 50 4 fr. /a/tco: Ketteler, p:'r Georges <~n-.uj, DEMANDER LE CATALOGUE LA PHILOSOEBIEGRECQUEAVANTSOCRATE SÉRIE MÊME Psychologie et générée comparée. de et la nature Le Matérialisme CoNTES-nx (G.). 1 vol. l'Homme (9 7) et l'Animal L'Animal raisonnable EjRWA!s (C. de). 1 vol étude de Physiologie tout court, (20). comparée ~cco/c animal et l'Homme L'Homme social, d'après 1 col. matérialiste ~~3). Haeckel L'Homme (367~. 1 vol. LAM!NXE(J.). d'après sciences. PhMosopMedes et La Philosophie des Sciences ADHÉMAR (Vte d'). 1 vol. le Problème (~9~ religieux 1 voi. ? (399). BAILLE (L.). Qu'est-ce que la Science et CerCertitudes BARRE (A. de la). philosophiques 1 vol. titudes scientifiques (1). de l'Energie et La Conservation MuNNYXCK (M. de). 1 vol. morale la Liberté (112). Histoire de la philosophie. La Philosophie de PasGIRAUD (Victor). religieuse 1 vol. cal et la Pensée (265) contemporaine. et le Progrès Le Spiritualisme SALOMON (Michel). .s~r /~oMoc/~e~< pAt/osopAt~M au E~ scientifique, i fr. 20 ~AY' siècle (~76-~ 7 7), 2_vo!. Prix. QUESTIONS PWZ.O~OfWÇt/BS LA PHILOSOPHtE GRECQUE SOCRATE x~VANT PAR 1 Albert LECLÈRE Docteur Professenr es -< lettres à~ l'Umversué agrégé de Berne; PARIS LIBRAIRIE BLOUD 4, RUE MADAME, & 4 1908 Reproduction et traduction interdites. 0' OUVRAGES Essai critique DU MÊME sur le droit AUTEUR d'affirmer, ALCAN, Paris,1901. De facultate mesium, Le verum BLouD, Paris, Philosophie Paris, CHEVAUER-MARescQ. Mysticisme La Morale secundum assequendi et catholique 1906. rationnelle générale, dans ses Bal- 1901. FAme de relations PAYOT, Lausanne, Dante, avec 1907. la LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE CHAPITRE Les sources de la et les Sagesse PREMIER premiers débuts hellénique. Le Judéo-Christianisme et l'Hellénisme, leur fusion et les réactions des courants réciproques issus de ces deux sources, c'est toute la civilisation. Aussi l'éveil du génie grec, qui dès avant Sokrate les premiers linéaments de esquissa et de toutes les philosophies toutes les sciences en même de qu'il créait en tous genres temps littérature et d'art des chefs-d'œuvre qui sont d'éternels doit-il être l'objet d'une étude modèles, attentive et pieuse l'humanité ne commence vraiment le peuple les qu'avec qui inaugura manières de penser dont la pratique distingue le civilisé du barbare, et les manières de jouir du beau qui conviennent sachant aux esprits l'idée de la vérité penser. Les Grecs inventèrent car les premiers ils laïcisèrent la humaine, recherche du vrai les preils eurent même, miers une idée exacte de ce qu'il faut entendre tandis qu'au regard des autres par vérité peu- 6 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE appapies celle-ci devait à sa dignité de toujours chose de raître comme d'étonnant, quelque de plus ou moins analogue à une mystérieux, elle fut pour eux ce qui doit être révélation, à la lumière de soi, conforme natuintelligible et miroir de l'esprit relle de l'esprit, expression est également leur découmême. L'art véritable mêlé de puérilité, maladroit ou ailleurs verte il est en Grèce le rival heureux de la bizarre, habile à faire plus beau et plus intéresnature, de s'y relier, sant qu'elle sans cesser pourtant en toutes ses créations un apte à maintenir équilibre parfait entre le réel et l'idéal. doit donc être, jusque dans ses L'Hellénisme le premier origines, sujet d'étude pour qui veut l'évolution des sociétés humaines comprendre On ne saurait exagérer l'imporsupérieures. tance d'une méditation de ses preapprofondie à suivre miers commencements. A les analyser, les efforts de l'esprit grec vers sa pleine maturité, on aperçoit à quelles de race et de qualités l'hellène dut le privilège de devenir le terroir de l'homme vraiment premier exemplaire on ne peut, en particulier, homme comprendre Platon et Aristote, et savoir comment Sokrate, ils furent possibles, si l'on ignore les Antésocradont l'époque c'est grâce à ces derniers, tiques fut l'âge de la philosophie, héroïque qu'ils édifier des monuments dont plusieurs purent Et combien demeurent encore intactes. parties de germes les grands précieux Socratiques laissèrent-ils dormir! Des esprits moins oriles ont recueillis et fait prospérer ginaux plus ou moins jusqu'à l'aube du moyen âge. Aujour- LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE 7 mieux connue, des précurseurs, d'hui, l'histoire les montre qu'ils n'apparaisplus vénérables dont nous sommes les saient aux Grecs mêmes, au moins autant fils spirituels par ce qui nous rattache aux Antésocratiques que par ce que successeurs. nous devons à leurs plus glorieux C'est bien à la race hellénique qu'il faut faire honneur de la culture'merveilleuse le principal Elle résulta sans doute de où elle atteignit. des aborigènes croisements nombreux peutdes asiatiques être touraniens, aryens etsémites, descendus de l'Europe des aryens centrale, dont la synthèse, d'ailleurs voilà les éléments favorisée circonstances de temps par diverses le peuple grec. Ainsi parfois et de lieu, constitua le hasard des mélanges opérés par le potier à la création d'un vase dont la matière aboutit est d'une beauté si unique que rien dans ses ne paraît de l'expliquer. éléments susceptible sur l'énumération On peut passer légèrement de ce peuple et même sur la disdes origines des Ioniens et des tinction, jadis jugée capitale, à ont été, d'une manière Doriens. Les premiers les initiateurs et les maîtres peu près constante, et non seulement les plus anciens des autres, mais les Doriens et les représentants pionniers de celles des autres races associées qui comme la race avaient déjà fait leurs preuves ou cette autre plus ancienne mycénienne que des et de celles fouilles récentes ont révélée, qui le souvenir de loinavaient seulement conservé attendu taines traditions ou qui avaient qu'une leur vînt du dehorssurent impulsion apporter à ces Ioniens une collaboration qui précieuse 8 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE à un esprit d'une originalité et d'une joignaient, des connaissances et des vivacité extrêmes, les plus aux sources aryennes puisés goûts sémitiques pures et les plus riches, à des sources aussi, spécialement pour ce qui concerne prola science. Par les Ioniens bonheur, prement le détail des doctrines de avaient assez oublié des leurs pères pour que leur pensée, dégagée se pût déployer en toute bandelettes séculaires, ils s'en souvenaient liberté juste assez pour et transposées transplantées que ces doctrines, dans le mode philosophique, pussent épanouir rationnelles tout le meilleur des en frondaisons richesses accumulées dans les troncs augustes de la forêt mystique la plus grande qui couvrait partie de l'Orient. et la Chaldée fournirent à la Grèce L'Egypte bien que des notions scientifiques importantes, c'est d'Asie, frustes la plupart d'une pour ou manière générale, qu'elle reçut, directement de ses théogonies et de ses non, les éléments La religion cosmogonies hellénique primitives. officielle contenait bien des parties qui furent réinventées en Hellade après avoir probablement été imaginées il est certain ailleurs pourtant de l'étranger fut largement tributaire qu'elle tous les Indo-Européens un groupe composent mais que l'on ne peut regarder comme fictif de même que les Grecs élaborèrent, au point de les rendre leurs méconnaissables, emprunts divers aux ancêtres communs des Indo-Euroou aux Hindous, ou ou aux Iraniens, péens, ils créèencore à plusieurs sémitiques, peuples rent une science très difféet une philosophie LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE 9 idées do leurs officielles. rentes religieuses Leurrjligionof6cielle,dépourvueouàpeuprès de mysticité, chef-d'œuvre harmonieusement tout esthétique, amoconfus d'une imagination était si loin de pouraliste et anthropolâtrique, le savant et le philosophe, voir inspirer qu'elle à s'assimiler était même impropre notablement, et phiavec le temps, des notions scientifiques et l'art seuls pour la littérature losophiques chose. l'Orient ne elle put quelque Cependant, à la Grèce les éléments donna pas seulement qui le fond de sa religion et la formèrent populaire de ses progrès il a base première intellectuels le droit de revendiquer une part de ce qu'il y eut de plus élevé dans la piété grecque, qui n'avait rien à voir avec le culte public, lequel nous En effet, si les spéculations trop l'autre. masque de l'Asie lointaine n'aphilosophico-religieuses directement sur les Hellènes, la rent guère de l'Ordiffusion chez eux de certains Mystères, fut la pénétration de l'Hellade surtout, phisme et aussi par l'Egypte, qui se rattache par l'Orient, ne s'en distingue. à l'Orient qu'elle plus encore les élaboLes penseurs grecs sont les héritiers, et originaux des doctrines rateurs définitifs leur piété fut une réaction, orientales guidée contre d'origine étrangère, par des Mystères comme leur de la religion officielle, l'impiété les Mysscience et leur philosophie, auxquelles offrir aussi des thèmes à méditères pouvaient de contre l'irrationalité ter, furent des réactions officielle. Ce n'est pas au cette même religion dans sa partie reste que celle-ci ne renfermât, des idées et dans sa partie politique, domestique 10 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE morales ou même des symboles cosmologiques d'un sérieux mais là même elle n'était profond à beaucoup aider l'esprit point de nature grec dans la poursuite de ses hautes destinées spirituelles était le culte plus rituel que religieux la moralité familiale ou civique, notablement la religion utilitaire, s'y subordonnait plus qu'elle ne se relevait par elle, et la cosmologie n'arrivait des mythes dont le pas à se dégager sens importait moins aux Grecs que l'intérêt et poétique. il est à C'est pourquoi dramatique peu près exact de dire qu'en Grèce, tout compte la religion entendons fait, la religion, véritable, se perfectionna davantage grâce à la philosophie officielle, et que celle-ci ne fit grâce à la religion n'aida le vrai esprit religieux que cette dernière à se former. Les Mystères d'une part, et de l'autre un sentiment familial moral individuel, ou civique tout spontané, ont été les agents premiers de l'éducation des Grecs; et religieuse la philosophie et pratique, quand théorique dont la genèse, chez eux, est dans une large mesure des causes indépendante qui la firent bénéficia des progrès de la ailleurs, poindre elle ne fit en partie que reprendre religiosité, son propre bien, car c'est elle qui avait connrmé l'œuvre de ces agents dont elle était, primitifs mais non pas entiècertes, tributaire elle-même, rement. A la religion elle ne devait officielle, de poétiques illustrations, guère emprunter/que des métaphores, en somme et c'est de la philodes Mystères et des sentiments moraux sophie, de l'hellène, officielle spontanés que sa religion tira le peu de vraie moralité et de vraie religion LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE Il à elle, sans d'ailleurs qui se vinrent juxtaposer à la pénétrer bien avant. jamais parvenir Il est manifeste dirons-nous que les éléments, dérivent grecque, positivistes ? de la spéculation où elle fut de ne pour une part de l'obligation des idées religieuses pas s'inspirer beaucoup la religion courantes. Rien ne portait officielle a être très tracassière elle laissa faire ou à peu eût plus gêné que laïque, qu'elle près l'esprit et moins romanesque, servi, si, moins poétique elle eût pu se faire passer pour une doctrine et morale. Son infémétaphysique proprement de vue, autant que la riorité à ces deux points des Grecs, qui exigeaient vive intelligence plus donner la religion, explique que ne pouvait chez eux comment la pensée libre put prendre c'est à la diffusion des un tel essor. Parallèlement, surdoctrines des Mystères qu'il faut rapporter tout la préparation de l'âme grecque progressive communes au christianisme. Les croyances si peu que l'on pouvait se dispenser engageaient une de les abjurer, lors même qu'on professait cette philosophie fut-elle athée philosophie ou une religion plus pure que celle de la foule ce n'était en réalité rien affirmer du tout que de aux cortèges s'associer aux fêtes, aux sacrifices, traditionnels. toute nier que, durant On ne saurait pourtant au séil n'y eut des esprits prenant l'antiquité, un haut degré de rieux le polythéisme courant le constater nous pouvons aujoursuperstition, avec un dévelopd'hui même, peut s'accorder et avec intellectuel déjà considérable pement la simple posune piété somme toute véritable 12 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE sibilité de mêler, à cette superstition, quelques idées morales dont plusieurs, au reste, semblent de réalités et la exiger l'existence mystérieuses, de superposer, au panthéon vénéré, possibilité un vague dieu suprême qui rende moins étrange l'ensemble des êtres divins, devienlesquels nent comme ses fils ou ses mandataires, fort bien un fait dont la froide raison expliquent s'étonne jusqu'à s'en scandaliser. Un moment vint où la philosophie hellénique se perdit un mysticisme aussi dommadans geable à la religion peutqu~à la philosophie être la prépondérance finale de cet élément eutelle pour cause la divergence initiale première de la pensée et de la pensée religieuse philosoEn effet, dans la mesure où celle-ci phique. des Mystères et c'est s'inspirait par eux surtout teintée de qu'elle s'était originairement à de nombreux elle devait sembler religion revenir esprits par un détour à la superstition de là une philosophie de tendance assez matéune autre rialiste, et, par réaction, trop mysà tique. L'élément qui eût dû servir simplement achever en l'invitant à introduire, la philosophie avec discrétion, le souci du divin dans sa diafinit par l'absorber, lectique, par la dénaturer. A côté des philosophes qui ne croyaient pouvoir mieux les mains à ces faire que de donner dont le ve siècle avant ennemis de toute religion notre ère compte déjà des représentants, il n'y eut plus de place, les penseurs dont la parmi de la doctrine même n'était pas la négation mystiques philosophie, que pour des théoriciens à l'excès, dont la raison se leurrait des concep- LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE 13 tions les plus fantastiques. On les préféra aux autres parce que leurs chimères du trompaient moins cette soif d'idéal dont l'âme humaine ne mais combien ils durent se peut guérir faire de sceptiques qui ne l'auraient pas été si philoet religion avaient mieux connu leurs sophie limites Pour il eût cela, hélas, respectives fallu aux Grecs un esprit critique qui ne devait réellement dans l'humanité, apparaître, que bien plus tard. Sans aucun les premiers doute, penseurs faire plutôt ce que nous appelons grecs crurent de la science ils firent, non pas exclupourtant mais surtout, ce que nous appellerions sivement, de la philosophie des sciences et de aujourd'hui la métaphysique. Nous les jugeons en général très aprioristes, et ils le sont trop, comme ils sont aussi trop philosophes où il conviendrait de l'être moins; mais l'esprit humain n'était pas inductive mûr, alors, pour la recherche pure. ils s'efforcèrent le plus souvent Toutefois, .de les généralités dont ils faisaient dégager usage, de l'observation même du monde réel ces penêtre des physiciens et des seurs, qui veulent sont plutôt mathématiciens, philosophes parce combien le monde qu'ils ne savent pas encore est complexe, difficile à observer, lent à livrer à de quoi bâtir déductivement sans risquer l'e-prit de s'égarer. La sagesse dont ils se disent les amis embrasse d'abord indistinctement tous les de science et genres qui sont à leur portée, cette expérience de la vie ~que l'on jusqu'à en voyageant, jusqu'aux notions acquiert générales sur les hommes et sur les choses qui aident 14 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVAI~T SOCRATE à se conduire avec prudence et dignité. Hérodote c'est chez appelle aussi les sages des sophistes lui que se trouve pour la première fois le terme de philosophe, et, s'il faut l'en croire, Pythagore aurait créé ce vocable,dont le sens se restreignit devenir durant toute sans l'antiquité jamais la à celui qu'on adopte aujourd'hui identique devait se distinguer de la philosophie théologie avant que les sciences se séparassent de cellesci. La morale occupa peu les Antésocratiques, soit qu'elle leur semblât comme une annexe des la soit qu'ils croyances officielles, religieuses confondissent avec la législation ou avec sa mise en pratique, si difficile à ramener à une forme Les moralistes de ces temps le sont scientifique. en psychologues et en utilitaires, et ils sont plus volontiers La moralité poètes que philosophes. de très loin la morale chez les Grecs de précéda très bonne heure ils pratiquèrent le culte des mais vertus familiales et de l'héroïsme civique, c'est seulement avec Sokrate que la morale entra estvéritablement dans la philosophie encore Il se peut utilitaire. elle,chez lui, rigoureusement la vertu par le moyen de symqu'en consacrant boles dont la valeur était surtout et esthétique~ de règles cultuelles dont la majesté était surtout à la religion ait contribué officielle politique, les philosophes tôt à la de s'intéresser empêcher dont l'alliance avec elle était une pauvre morale, recommandation. Faut-il regretter beaucoup que la morale ait dû être, dans une large meélaborée sure, par des philosophes purement tels ? Comme des leur histoire, la littérature LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVA:~T SOCRATE 15 de l'existence, chez ce peuple, Grecs témoigne de leur en dépit des lacunes de solides vertus de leurs mœurs. idéal et de certaines étrangetés à raisonner sans songer Quand ils moralisent ils tiennent souvent un sur le fond de l'éthique, et la grandeur dont la justesse nous langage Il n'est pas étonnant que leurs prefrappent. aient été miers essais pour fonder cette science car les arguments maladroits, qui s'offrent d'abord à l'esprit l'excellence pour prouver raid'une vie droite sont ceux de l'utilitarisme tâtonneon ne peut sans de longs sonnable à démêler les motifs les ments devenir expert de la moralité. plus profonds On fait maintenant peu de cas de la légende dont les diverses comdes sept sages, listes noms. Mais nomprennent jusqu'à vingt-deux les breux Homère et Hésiode, furent, après ce nom. qui méritent poètes et les législateurs est antérieure à ou extérieure Leur philosophie celle des philosophes, mais elle fut d'autant il était bon que la penplus féconde peut-être d'abord et longtemps à organiser sée s'exerçât et sur la destinée de l'homme la cité, à réfléchir à scruter notre nature sans préoccupations sysde finesse fit son éducation, l'esprit tématiques et chez les Grecs, principalement dans l'action il y gagna intimede s'unir par la littérature au ment au goût de l'analyse psychologique, exact du réel et du possible, au souci sentiment d'un idéal large et libre. vint de là, mais que Un certain pessimisme une aspiration très forte vers la corrigeaient à constante à sourire justice et une disposition 16 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE de sorte toute espérance ne que la réflexion leur déconseilla pas l'effort. Plus tard, ils n'eurent qu'à se souvenir des nobles actions des à relire les paroles à leurs ancêtres, inspirées et à leurs poètes législateurs par le souci du bien général, et de la de la nature par l'amour mettre au jour une philosophie beauté, pour morale dont les traits essentiels ne devaient pas s'effacer. Les premiers de la culreprésentants ture hellénique avaient sans idées interrogé la conscience et le cœur de préconçues l'esprit, l'homme sur ce qu'ils exigent spontanément. Le bon sens admirable de la race et non, comme un goût étrange ailleurs, pour des utopies fanavait guidé les législateurs. Et c'est à taisistes, l'univers même tel qu'il apparaît à un esprit non savants, prévenu, que les premiers que les premiers philosophes avaient demandé de les instruire C'est pourquoi, si vite, le caractère spécial de toute la spéculation semble grecque à n'être point grecque, en un sens, consister, mais simplement dans l'acceptation humaine, la plus ample et la plus élevée de ce mot. Nulle dans l'homme ne ailleurs, part l'antiquité, vibrait comme en Grèce au moindre événement du monde ambiant ou de sa propre vie intéle réel et n'était aussi rieure, apte à percevoir tel qu'il en concepts est, à le décomposer à faire de ces concepts un usage abstraits, rationnel. Pour comble de bonheur, les circonsne tances firent, non seulement que la religion vint point fausser la spéculation dès sa naismais encore sance, que l'idée de philosopher les sur toute chose et de systématiser toutes ¡ LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE 17 connaissances fut lente à s'imposer aux acquises La légèreté aux Grecs esprits. que l'on reproche à préserver contribua leur pensée d'un pédantisme ne précoce même, qui l'eût fait dévier; faut-il pas les louer un peu de cette frivolité qui les faisait si amis de toutes les nouveautés, de celles aux routines, aux qui les arrachèrent vains préjugés, comme de celles, hélas, qui leur furent nuisibles ? Le sujet de cet opuscule étant la philosophie des Antésocratiques, nous ne toucherons à leur activité nécesscientifique que dans la mesure saire éclairer leur mentalité et leurs pour celles-ci forment conceptions philosophiques d'ailleurs un ensemble très cohérent par luiet fort intelligible, en particulier, sans même, l'aide de ces considérations sociologiquesjugées de Le Play et indispensables par les partisans par les Marxistes. Certes, la genèse de tous'les de l'intelligence humaine est humble, produits et tout est confus aux origines mais à proportion de ses progrès, imitant le humain, l'esprit Nous et distingue de d'Anaxagore, analyse mieux en mieux les disciplines qu'il invente deviennent tout en toujours plus indépendantes étant toujours de de profiter plus susceptibles et de l'aide des autres. Si l'on y rel'exemple de près, le mot attribué à Périkiès garde par « Nous philosophons avec mesure Thucy dide et nous aimons le beau sans mollesse », était déjà vrai de Grecs bien plus anciens le mode suivant lequel ils pensèrent au temps de leurs travaux les plus magnifiques était celui suivant lequel s'essayaient déjà à penser ceux de leurs PHILOSOPHIE GRECQUE 2 18 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE ancêtres encore que l'on n'appelait que des sages. On ne peut à la fois exposer séparément l'évolution de chaque école et suivre l'ordre de l'apparition des œuvres écloses dans l'ensemble des écoles au cours d'une époque nous d'une manière l'ordre suivrons, générale, d'apdes grands mouvements parition philosophiques en indiquant les synchronismes c'est là le meilleur plan mais le meilleur, nous le savons, a ses inconvénients. Le moins bon serait de morceler les diverses doctrines en autant de chapitres qu'il existe de problèmes pour les philosoCar il se faut garder par-dessus phes modernes. tout de caractériser les tendances de philosophes si anciens il comme on le peut faire quand venant s'agit de systèmes après des siècles d'ade la matière nalyse par exemple, l'opposition et de l'esprit, celle de l'a priori et de l'a postecelle du Théisme et du Panthéisme, ne riori, être en ces temps lointains ce qu'elles pouvaient sont chez nous. Il serait puéril, enfin, de s'évertuer à montrer, dans la succession des théories antérieures à Sokrate, et l'effet l'expression d'une sorte de nécessité à l'intelliimmanente les premiers efforts de l'esprit humain gence normalement eussent pour arriver à philosopher on n'est pas bon histopu être très différents rien si l'on ne sait reconnaître la part de hasard et d'irrationnel immaqui se mêle à la logique nente dans tous les faits humains aussi bien que dans tous les autres. CHAPITRE Thalès, Anaximandre, Diogène II Anaximène, d'Apollonie. à Milet, en Asie Mineure, avec Thalés, grecque, que naquit la philosophie du Vf siècle avant J.-C. à l'aube qui florissait un homme C'était un sage qui fut aussi policurieux doublé d'un habile tique, un voyageur un savant la enfin, qui inventa commerçant, sans s'en douter. Il est peu probable philosophie des vérités en importantes qu'il ait découvert et en astronomie, en géométrie arithmétique, car il paraît avoir tenu tout son savoir de l'Evoisins gypte, qu'il visita, et des Babyloniens, des Ioniens. Ses tendances sont scientifiques il apprit aux Egyptiens à meplutôt pratiques des monuments à l'heure surer la hauteur où de l'homme l'ombre il égale sa propre taille; du Nil, appliqua les crues tenta d'expliquer à notions la navigation certaines astronomiques mais en se fondant et sut prédire une éclipse, faites par les Chaldéens sur des remarques dont le savoir, au reste, était tout empirique. Il conçoit la terre comme un disque reposant d'une sur l'eau et provenant transformation de l'eau est l'éternel l'élément humide; principe I. Thalès. C'est 20 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE dont tout vient et où tout retourne. La voûte dont le soleil parcéleste forme une demi-sphère court, la nuit, le bord caché à nos yeux par son et le diamètre de cette demi-sphère éloignement; même du monde. est la largeur C'est là sa des où le cosmogonies parente physique, rôle est à Okeanos ou partagé entre premier aussi des cosmogoet Thétys, bkéanos parente et chaldéennes. Il croyait nies égyptiennes voir la preuve de sa théorie dans ce fait que l'humide de tous les vivants et les constitue la semence éléments Mais, qui servent à leur accroissement. ambiant soit qu'un reste de fétichisme l'inclinât à animer soit que objets matériels, jusqu'aux l'observation même l'ait conduit à soupçonner en toute chose quelque force analogue à celle, si étonnante l'ambre pour un ancien, que manifeste à quelque frotté, soit qu'il ait pressenti degré la le mouvement nécessité d'expliquer par une il voit partout des âmes et activité supérieure, même des dieux. On ne sait rien de plus sur la philosophie de ce peu, et encore assez Thalès, qui demeure La gloire d'Anaximandre vague, est-il contesté. mais il y a là une injustice, lui fit tort; car Anaximandre eût-il été possible sans Thaïes~ Quel abîme entre celui-ci et ce qui le précède Les dieux dont il peuple le monde ne sont plus exactement ceux de la superstition populaire il repense toute laïque la cosmod'une manière il la simplifie tellecourante gonie mythique ment qu'il s'élève, le premier, à l'idée de l'unité du monde, à peine entrevue par les plus grands mythologues à l'idée de l'unité de composition LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE 21 du monde, extérieure et le que la perception à celle, ensens commun ne sauraient révéler d'une explication des choses fin, de la possibilité de tiré, en toute liberté d'esprit, par un principe Avec lui, interprétée par la raison. l'expérience se dégage du savoir sacerdotal le savoir humain et de la poésie qui l'ébaucha, qui n'empruntait à la religion encore que pour éloigner davantage de la méditation du réel. Si l'esprit positive Thalès et bien d'autres après lui ne sentaient pas de diviser le travail intellectuel, la nécessité du l'essence formelle moins du vrai savoir était désormais Thalès avait mis ses sucdéterminée; en mesure éventuels de marcher sur cesseurs une voie qu'il avait fallu tout son génie pour découvrir. L'eau devait lui paraître simplement à rendre très propre des divers compte corps l'univers elle a, pour un obserque renterme vateur non muni de notre science, si peu de quaet néanmoins lités définies, son rôle est si mulRien de plus naturel tiple et si considérable de l'eau transforque de voir en toutes choses mée. Pour simpliste que soit l'idée de la transelle réalisait un grand progrès sur la mutation, à la production des diverses choses croyance dont la généalogie et les avenpar des divinités tous les attributs, et dont les tures expliquaient sur les qualités des êtres natuattributs, calqués les pouvoirs ou créateurs rels, expliquaient D'autre part, quelque panzoïsteque régulateurs. de Thalès, elle distingue assez soit la physique et le principe la matière qui l'anime pour que le efficientes sur souci des causes y prédomine et le spirituel, celui des causes finales discré- 22 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE tement introduit dans le monde qu'il décrit, y à la physique .affirme ses droits sans interdire naissante de voler de ses propres ailes. Le rôle du spirituel, du reste, est ici presque honoraire, car le premier philosophe grec ne se préoccupa du devenir dont la des choses, point surtout considération vers un dynanisme porte aisément c'est la substance des êtres qui spiritualiste l'intéressa de préférence à la loi de leurs changements. II. Anaximandre. milésien Anaximandre, et sans doute disciple de Thalès, en 610 naquit et mourut en 547 il florissait vers 566. La politour à tour. tique et la science l'occupèrent rien de ses premiers ni Nous n'avons travaux, de son Traité de la Nature, la première œuvre écrite en prose. Mais il grecque philosophique nous est mieux connu que Thalès. fut son activité mais il Grande scientifique, brilla davantage en physique mathémaqu'en tique. S'il n'inventa pas le gnomon, qu'il avait établi à Sparte, il dressa carte une première et une carte céleste qui est un premier terrestre, la terre essai d'astronomie exacte. Il regarda comme un cylindre dont la largeur, triple de la hauteur, assure à notre monde la fixité dans la sphère en et où il demeure qui le contient à ce qu'il en occupe le milieu. équilibre grâce sur les constelDes observations précieuses lations polaires, qui ne se couchent point, l'avaient amené à ajouter, à la demi-sphère qui une autre demi-sphère formait le ciel de Thalès, LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE 23 la nuit que le soleil, pensait-il, parcourt pendant avant de reparaître le matin à l'Orient. A prendre dans son ensemble l'histoire de la c'est presque un progrès toujours philosophie, déterminer un progrès scientifique qui paraît mais au début, rien d'analogue philosophique sous toutes réserves, avant la science possible, doit d'abord dite, la philosophie proprement fournir à la recherche du vrai des inspositive dont celle-ci ne saurait se passer pirations ces insquels qu'en soient le vague et l'arbitraire, semblent lui être indispensables. C'est pirations l'on ne peut exposer comme il convient pourquoi les principales de nombreux idées scientifiques si l'on ne fait connaître philosophes primitifs au préalable leur philosophie. Il faut, en partiainsi pour Anaximandre, culier, procéder qui doit plus au système ébauché par Thalès qu'aux de son temps notions scientifiques répandues en dehors -ou élaborées de toute par lui-même préoccupation philosophique. ne peuNi l'eau ni un autre corps déterminé vent avoir été, suivant lui, la matière primordiale des choses; seule une matière sans qualités se prête à tout devenir. Il évite ainsi, jusqu'à un certain la chimère de la transmutation point, et il imagine, le divers, de le pour expliquer à sa cause au mouvement comme rapporter suffisante.N'est-ce àl'Atomisme ? pas là préluder avec son Il en est certes plus près qu'Anaxagore idée d'une infinie car la variété originelle; de la matière comme d'un conception primitive sans essentielles autres homogène propriétés est une parque des propriétés mathématiques, 24 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVAXT SOCRATE de la doctrine atotie au moins aussi importante par comque l'idée de la diversification mistique commune en somme aux position et dissolution, trois philosophies. Divine est cette matière indédivin ce mouvement éternel comme terminée, celui-ci semble circulaire elle, et de nature avec une nécess'identifier, pour Anaximandre, indiscernable de la matière sité dynamique et la religion du grand même~ Le spiritualisme ne se précisent mais ils milésien pas davantage l'ont prétendu ne sont pas nuls comme certains d'une sorte car, s'il en était ainsi, eût-il pénétré de justice immanente, punissant par la dissolution les êtres individuels qui ont osé se former, où il découvre comme cette force organisatrice invincible créaun instinct toujours d'ajouter Il n'a aucune raison de croire tions à créations l'univers dans le temps au vide, ni de borner est une ou dans son être-principe l'espace; à la matière indéfiniétendue infinie, identique Y a-t-il à chaque ment plastique qui le remplit. une infinité de mondes, ou leur succesinstant infinie ? Il ne nous sion seule est-elle proprement le dit pas. de toutes choses Il est naturel que l'explication ait été présentée par par une matière unique Anaximandre avec une adjonction qui semble, mais bien à tort, faire tache dans son système. Un penseur aussi attaché que lui à l'observation en ces temps, être moniste du réel ne pouvait, tout en restant fidèle en sans réserve aussi, au monisme, ouvre-t-il la liste des penprincipe seurs qui admirent des éléments Le multiples. au sein de l'indétermouvement opéra, croit-il, LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE 25 celle du froid miné, une première distinction, notre et du chaud les montre si expérience est naturel solidaires de les déclarer qu'il Leur rôle est partout il visible contemporains. est donc tout indiqué de dériver, par leur interle reste des corps de l'indéterminé médiaire, et tout d'abord la terre, qui résulte vraiinitial, de la solidification semblablement del'humide, et l'air que la chaleur, sur les eaux, transagissant forme en vapeur si peu différentes du fluide que l'on respire. Et ne voit-on pas la terre et l'air et nourrir tout le reste ? On doit sans produire doute des conentendre, par cette séparation dont il parle, le résultat traires final de la dissoen de l'homogène ciation, par le mouvement, ce même mouvement petites parties agrégerait ces parties en corps inégalement dont denses, les propriétés différeraient grâce à la différence même de leurs densités. Cette vue, qui n'est avec chez lui, devait se préciser qu'indiquée Anaximêne. C'est par la densité et le mouvement que tout dans le monde le d'Anaximandre s'explique de ces principes détermine la place de premier l'air, celle du feu, celle de la terre jadis toute le prouvent couverte d'eau comme les coquillages qu'on rencontre jusque sur les montagnes; les deux principes réunis rendent compte des et le second phénomènes atmosphériques d'air feutré cause ces tourbillons, ces anneaux à travers il se produit des trous qui lesquels laissent voir du feu arraché aux parties les plus hautes du ciel les astres ne sont pas autre chose que ce feu. Les trous se bouchent-ils? 26 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE On ne voit C'est ainsi que se plus les astres. les éclipses. produisent Comme les êtres inanimés, les vivants ne sont la vase marine différencié que de l'homogène naissance. Les vivants leur a donné supéont pour ancêtres les inférieurs, et rieurs lui-même est d'origine il a l'homme animale dont il habita un dû naître de quelque poisson car sans cela aurait-il certain temps l'estomac, pu, lui, le plus mal armé pour la vie de tous les ne point périr aussitôt animaux, apparu ? Cette à l'évolution à la universelle témoigne croyance et sagaces, et d'un fois d'observations précises en dépit des instinct très sûr, philosophique erreurs enfantines inévitablement que commet de cette époque reculée. Avec Anaxiun homme mandre et perfectionne corrige qui continue, la philosophie devient vraiThalès, grecque ment le commencement de la perennis philosoon voit se dessiner chez lui, d'une façon phia; mais par instant les difféassez nette, fugitive, rents principes toute la spéqui commanderont ce que sa doctrine contient de culation antique et ce qu'il y joint de préoccupations pessimiste le relie encore pour métaphysico-éthiques'Ie fond aux poètes ou gnomiques, mythologues dont mais le rattache aussi, quant à la manière il juge l'homme et la vie, à des philosophes à peine de son postérieurs qui se souviendront nom. III..47M!ze. Milet donna aussi le jour à Anaximéne. vers 548 Ce philosophe florissait et mourut vers 525. Il entendit Anaximandre, LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE 27 il se montre mais souinférieur, auquel parfois vent il le corrige Il perfectionna et lui ajoute. sa philosophie sur deux points très importants. En premier sans doute lieu, trouvant trop irréel l'indéterminé et répugnant d'Anaximandre, à voir dans l'eau de Thalès matière le type d'une sans il fit de l'air le principe premicre qualités, des choses. On penserait à tort qu'il voulait, de déterminason principe, un minimum pour aussi son air indéterminé; tion, car il appelle mais du moins l'air lui semble-t-il posséder, avec la réalité au principe d'Anaxiqui manque mandre tel que ce dernier le présente, ce degré et d'indétermination lui veut conserver qu'il ne saurait reconnaître à l'eau de Thalès. qu'on à jouer le L'air lui paraît d'autant apte plus les rôle c'est de tous lui attribue, qu'il que le plus mobile est plus digne corps quel autre d'être animé celui dont comme regardé que l'un des noms d'âme ? Il faut que est synonyme la matière du mourende compte par elle-même cela serait-elle vement qui est en elle, car sans divine ? Or elle doit l'être, et si l'air est la matière imméson mouvement s'explique primordiale, diatement. Quoi de plus simple que l'air, dont la notion n'est pourtant Quoi point évanouissante? de plus actif ? Il contient tout, il est en tout, il est tout, il gouverne éternel et toujours tout et il est l'étone dont se forment égal à lui-même, ce en quoi se résorbent les mondes indéfiniment il est le divin les grands même, corps qui se des dans seulement son sein étant produisent dieux périssables. Il est peu probable qu'Anaxicomme Anaximandre d'ailleurs mène, (?) n'ait 28 LA. PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE le temps été infinitiste ce qui concerne qu'en et non en ce qui concerne bien qu'en l'espace, de l'affirmation ou de la somme, l'importance de l'infini ne leur soit point négation spatial Mais comme celui-ci, Anaximène, apparue. se plaît à tendance panthéistique, hylozoïste à assimiler l'univers à la loi qui le régit, à une nécessité intelligible qui est aussi justice se mêle de plus de dynamisme, son mécanisme du spiritualisme. d'un dynanisme plus proche netteEn second lieu, Anaximène exprima chez ment une théorie s'ébauche qui seulement il attribua à la condensation son prédécesseur effets directs du mouvement et à la raréfaction, de tous les naturel de la matière, la formation et le chaud, l'humide corps, sans plus privilégier de n'avoir sans plus prêter au soupçon pas à l'idée en renoncé de transmutation. L'air devient vent, puis nuée, puis eau, s'épaisissant il devient puis terre, puis pierre; en se raréfiant, de feu. Toutes les qualités sensibles résultent ces deux effets du mouvement mais il en est dont la perception est relative quelques-unes aux conditions à dans lesquelles elles s'offrent à nos sens. Cette relativité est tout objective ses yeux, mais le premier germe de la doctrine est là. subjectiviste Malheureusement il renonça, pour rétrograder jusqu'à Thalès, à la sphère d'Anaximandre de la nuit, derrière pour lui, le soleil circule, très loin du très hautes montagnes ou peut-être en dehors de notre univers, terrestre, disque dans l'air où baignent d'autres mondes. Son des astres par des vapeurs humides explication LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE 29 de la terre et qui vont, s'échauffant en parties haut dans le ciel d'où leur se dilatant, briller faite pour celle du soleil, ne chaleur, exception nous parvient pas à cause de leur distance, vaut tout autant par l'esprit inventif dénote, qu'elle et aussi peu prise en elle-même, que l'explication proposée en reMais, par Anaximandre. il sut distinguer les étoiles fixes des vanche, il les attachait à la voûte céleste comme autres et il faisait à un bonnet, libres dans errer, la lune, le soleil et les cinq planètes l'espace, de la demi-sphère à l'intérieur connues qui la terre. S'il aplatit la recouvre inutilement terre et les astres afin de mieux rendre compte, telles des feuilles de leur équilibre croyait-il, s'il doubla l'être lumineux par l'air portées de nous des astres d'un être terreux susceptible il essaya, d'un très grand les cacher parfois, de phénomènes des nombre atmosphériques, et qui théories souvent plus qu'ingénieuses une sagacité géniale pour l'époque. prouvent Toute école a ses IV. Diogène ~jL~o~o/z~ comme les autres. les plus primitives attardés, ou de Métade Samos (ou de Rhégium Hippon mais maladroitement, de rejoinponte) essaya, de Périkiès ne dre Thalès au temps et, pour Idœos rien dire du sicilien d'Himera, Diogène un crétois contemporain d'Anaxad'Apollonie, d'Anaximène. C'était gore, reprit les doctrines car les premiers un peu hardi, philosophes est avaient été dépassés. Cependant, Diogène c loin d'être négligeable. 30 LA L'air PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE est pour lui le premier il en principe à peu près comme mais Anaximène, parle de détail difficultés souvoyant mieux quelles il s'applique à montrer lève cette opinion, comment l'air peut suffire à expliquer le monde. On a conscience, un certain alors, jusqu'à point, de l'importance et de la spécincité du psychique; on sent qu'il faut en rendre aussi bien compte des corps. D'autre que de la formation part, le a apparu à beaucoup comme rôle de l'esprit devant être bien plus considérable dans l'organisation du monde ne l'avait qu'on pensé d'abord. C'est pourquoi Anaximène, qui d'ailleurs ne veut point renoncer au monisme, attrila bue à sa matière première, expressément, connaissance et la raison il la rend digne d'être célébrée dans les termes mêmes qu'il conviendrait pour le Nous d'Anaxagore. d'employer Et il cherche, dans les propriétés d'un air gramoins humide et plus la duellement léger, de l'activité sencause des propriétés vitales, et de l'activité il institue sorielle rationnelle une anatomie et une physiologie afin de montrer les veines, le cœur et le cerveau comment de à amener les plus merveilleuses concourent del'air. D'Anaximène, toutes les transformations il retient aussi fermement la théorie de condenet de la raréfaction sation celle-ci lui semble toujours postérieure. les C'est ainsi'que peu à peu, même chez le plus vite l'obserqui abandonnent penseurs aux divinavation du réel pour se fier davantage la méditation des hypotions de l'esprit, jusqu'à réussit à thèses métaphysiques les plus naïves LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE 31 à de la spéculation grecque, intéressantes et des idées produire d'esMais l'école dont nous venons a pour honneur l'histoire principal quisser il le un peu en dehors d'avoir suscité, d'elle, le grand Hérakiite. faut reconnaître, accroître lui faire fécondes. le trésor CHAPITRE III Héraklite. des idées de Thalès Héraklite subit l'influence et d'Anaximandre, mais il dut vraisemblablement aux Pythagoriciens son idée du rythme universel. D'autre part, ce sont les ambitieuses des uns et des autres qui lui inspispéculations rèrent son dédain si marqué pour la polymathie il les met au même Il veut rang qu'Hésiode. en grande partie, un penseur être, et il y réussit aussi ne doit-on pas se préoccuper indépendant il importe de la date de son acmé; beaucoup même assez peu de savoir qu'il fut en relation avec les Eléates dont le paradoxe, inverse du sa propre à exagérer doctrine. sien, l'invitait sa profonde il convient Mais malgré originalité, de ne pas le séparer des premiers car Ioniens, si l'objet propre de ses méditations est le devenir d'une maplutôt que l'être, il traite du premier nière analogue à celle dont ces philosophes le choix du second; d'une matière parlaient lui paraît comme à eux le point capital première de l'univers. d'une théorie En réalité, c'est à doit le plus; l'importance, l'Egypte qu'HérakIite chez lui, de l'élément le rôle igné et lumineux, intellectuel et artiste au principe qu'il reconnaît des choses, le sort qu'il attribue aux âmes avant s PHILOSOPHIE GRECQUE 3 34 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE ses constantes antithèses et et après la mort, des jusqu'à la forme qu'il leur donne rappellent des rites, des hymnes, des aphoconceptions, rismes égyptiens. et hautain floL'obscur philosophe d'Ephèse vers 502 il écrivit, rissait le premier pendant quart du ve siècle, une œuvre dont il nous reste scientifique peu de chose et qui est bien moins ou d'un Anaxique celle d'un Anaximandre mais d'une richesse très mène, philosophique De noble race et d'un caractère très supérieure. il très élevé et non moins droit, ombrageux, la démocratie, les préjugés abhorra de la foule rien à l'œuvre du Verbe, l'enqui ne comprend et la présomption vie du populaire des habiles; il lutta pour la défense du gouvernement ariset finit par fuir ses contemporains. tocratique de mourir, il confia son manuscrit Avant au temple d'Artémis. Son intellectuel est remartempérament il voit partout Au dehors, la contradic-. quable. tion et la guerre au dedans, des entrapartout ves à la recherche du vrai moral et pourtant il ne devient il pose comme cerpas sceptique taine la double loi de l'écoulement et perpétuel de l'universelle Autant il se. défie de opposition. artificiel des démonstrations subtiles, l'appareil autant il croit à sa raison la loi qui proclame il lui semble que, de cette du monde suprême une intuition loi, sa raison possède supérieure à tout raisonnement. Il affirme de même l'harle gouvernement monie des contraires, de l'ula valeur absolue de toutes nivers par la raison, les opinions celle-ci théoriques pratiques que ou LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE 35 souvent en s'attristant de les enengendre et qu'elle oppose aux inepties de la gendrer dont cependant elle ne se juge pensée commune absente. S'il est un ancien dont pas totalement la mentalité de celle de peut être rapprochée c'est bien Hérakiite. Pascal, Le feu, suivant lui, est l'élément le plus propre à rendre du changement éternel des compte car son essence est la mobilité, la mobichoses, lité d'une chose qui paraît active par elle-même. Si tout est feu, tout doit sans cesse changer. le feu devient-il Comment et eau, et l'eau terre souffle sec ou igné, ou air ? Comment la terre redevient-elle de l'eau, de l'eau qui refait de la terre et du souffle sec ? Comment l'eau régénèret-elle le feu, que déjà reconstitue le souffle sec à moins qui s'élève des basses régions, que ce d'abord en eau ? Quel est souffle ne se dissolve le mécanisme de la transformation descendante et de la transformation ascendante? Condensation et raréfaction, ou transsubstantiation ? Hérakiite ne s'explique sur ces divers pas de l'eau est-elle ce qui La disparition points. et y a-t-il, dans l'état l'embrasement, explique tout ce produit qui détruit par l'embrasement, la production qui est sec, de quoi comprendre ? Comment de l'humide se fait-il subséquente de détail où le les transformations que, malgré hasard total paraît jouer un rôle, l'embrasement revienne toujours après dix mille huit cents ans ? si le rythme Tout se passe comme dynamique s'allume et s'éteint le feu était suivant lequel intellectuel plus nettement réglé par un principe et volontaire, que la raison plus personnel 36 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE il en faut convenir abstraite qu'il nous au feu et une avec comme immanente présente les détours et les comment donc, malgré lui des transformations hasards partielles, le rythme le Tout s'éteint et se rallume suivant lequel inutile est-il si régulier indéfiniment ? Il serait les textes hérakiitéens de presser pour trouver à toutes ces difncultés. une réponse satisfaisante de n'est point un physicien C'est qu'Héraklite de la pure sort du domaine dès qu'il race; ses intuitions sont dépourvues métaphysique, Il revient à la conception d'une de toute valeur. des vapeurs terre plate exhalant qu'alimentent et l'eau si elles sont le feu si elles sont brillantes, les astres ne sont pour lui que des obscures circulant on ne sait pourquoi bassins renversés des vapeurs nées de la terre entredans le ciel celui du soleil ou tiennent le feu de ces bassins; voilà de la lune se retournent-ils entièrement, un retournement une éclipse totale; partiel et les phases de la l'éclipse partielle, explique lumineuse du soleil, la supériorité lune large vient de ce qu'il se d'un pied probablement, trouve dans une atmosphère plus pure que celle et les planètes toutes de la lune par exemple eHes nous sont au delà du soleil les étoiles moins que lui à cause de leur distanéchauffent des est produit ce l'orage par l'embrasement des vapeurs les vicissitudes engendrent nuages l'un des vapeurs le jour et la nuit, victoires, des vapeurs obscures l'alterl'autre brillantes, d'une façon ananative des saisons s'explique est la la mer est salée parce logue qu'elle de la terre, etc. Bref, la science sueur recule, assez LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE 37 avec Hérakiite, vers des idées pareilles à celles des premiers penseurs grecs ou même à celles des mythologues égyptiens. Mais en revanche, que l'Héraklite métaphysicien est profond Avant Anaxagore, mais en il discerne dans l'univers la part de moniste, mieux Ioniens. Il le l'esprit que les premiers déclare mêlé à toute chose, cause de première tout événement c'est pour rendre le monde plus assimile l'un à pleinement intelligible qu'il l'autre le feu et le Logos. Par cette identification, il se prive de pouvoir construire une théorie même de l'univers, et il mécaniste, modérée, de rendre la conscience risque inexplicables humaine et la personnalité divine. Mais d'autre la nécessité, n'oubliera part il accentue qu'on plus guère en aucun temps, de remonter jusqu'à l'âme, jusqu'au divin, pour rendre intelligible. des choses et n'est-il l'intelligibilité pas natul'être et l'activité, d'identifier rel, à qui identifie aussi l'être avec la loi ? Le Logos d'HérakIite, au reste, manœuvre les éléments avec une sorte de respect de leurs transpour les lois naturelles formations. Ce Logos gêne-t-il beaucoup plus le finalistes physicien que ne font des conceptions et plus subtiles ? Non, sans doute. plus récentes On ne voit pas bien comment ce Logos est à la fois lui-même et le feu, le feu et le reste, comment il est tout et pourtant le fond des davantage choses que leurs divers états, le meilleur de ce qui est plutôt que le pire ? Mais ces difficultés sont inhérentes à toutes les doctrines auxquelles ou moinsle nom de panthéistiques, convientplus et quand même le feu ne serait point divin, il ne 38 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE serait pas moins mystérieux qu'il soit à la fois éternel et nonobstant sans cesse en voie d'extincmonothéiste tion ou de régénération. Quelque à délimiter assez bien que l'on soit, arrive-t-on la sphère du pur divin pour être sûr de ne pas faire tort à Dieu soit dans la mesure où l'on disoù de lui l'univers, soit dans la mesure tingue dans l'univers ? l'on veut le retrouver encore à Hérakiite théologien. Soyons donc indulgents Et ne lui reprochons pas non plus trop vivement d'avoir poussé aussi loin qu'il le fit la docunitrine de l'opposition et de la contradiction affirmer mieux vaut le plus souvent verselles à la fois, avec les réserves sans nécessaires doute, la thèse et l'antithèse, que de rejeter absolument l'une ou l'autre on ne risque, ainsi, que tandis qu'en supprimant des vérités, d'exagérer chances tout à fait l'une des deux, il y de grandes pour que l'on erre tout à fait sur un point. Assez et artificiels d'affirsont certains puérils couples mations et de négations qu'il se plaît à commenter avec une sombre mais ce serait éloquence, l'intention fausser sa pensée que de lui attribuer de nier toutes ses affirmations, celles du oui par celles du non et celles du non par celles du oui ce n'est pas l'être qu'il rejette, mais sa fixité qu'il mais il y a de la avec excès souvent, conteste, vérité dans son paradoxe aux yeux de la science la plus moderne il veut dire seulement que tout et qu'il y a en toutes choses des tenchange la divers des mouvements dances, jusqu'à de comme contradiction. Mais de cela il s'irrite ce qui ne devrait pas être s'il s'agit de choses il croit, morales choses, et, s'il s'agit d'autres LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE 39 et de l'opposition sagement, que de la lutte résultent des harmonies et non seulemultiples, ment des ruines et des haines il dirait volontiers qu'une ce intelligence parfaite comprend Rien d'un Eléate nihiliste qui nous scandalise. chez lui, ni d'un Hégélien il a, ce qui anticipé vaut mieux, le courage de s'avouer que l'esprit est au-dessous de la tâche qu'il assume lorsqu'il ambitionne de tout comprendre. De plus grands verront moins que lui la complexité et la relativité des choses, auront la ou, s'ils les voient, faiblesse d'en tirer des arguments en faveur du lui, il apprend plutôt par là la résiscepticisme à la loi qu'impose aux choses une Raignation elle est morale pour son dont il ne doute jamais et le nom de nécessité ne lui lui, cette Raison, de même le feu, convient pas sans réserves qui la face concrète du Logos, n'est point est comme un agent aux yeux d'Héraldite exclusivement mécanique. Les dieux de ses contemporains ne lui sauraient convenir, mais son Dieu circule par tout de chacun la pensée des hommes l'univers à la nature dans divine, qui se décèle participe les jugements dans les communs, qui s'exprime lois admises tous les par les cités, qui proclame la modération, conseillant la sagesse, préceptes du vrai et le souci le courage, l'amour de la Toute croyance vraie est un dignité personnelle. à cette raison l'indiSérence au vrai hommage est sacrilège, ainsi que l'impertinence d'avoir à soi celui qui lutte contre une sagesse ses l'autre souille son âme qui se purifie, passions de feu redevient inférieure et eau, matière 40 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE La métaphysique et la morale des méprisable. sont préformées dans l'Héraclitéisme, Stoïciens et celui de Placomme le théisme d'Anaxagore Héraklite comme ton même, alluma, Pythaet métagore, le flambeau mystique théologie et morale s'unissent physique, métaphysique encore chez lui que chez ce derplus fortement nier. Le mauvais est plus physicien d'Ephèse prés de nos philosophies que ses prédécesseurs et ses contemporains. Et le premier, il ébaucha la psychologie. Identifier l'âme avec l'air igné, tout en lui donnant d'ailleurs l'eau pour origine, croire que la entretient sommeil l'âme, expliquerle respiration et la mort par une par une moindre pénétration nulle de l'air igné dans notre corps pénétration est sans doute puéril de même, rendre compte de la sagesse de l'air inhalé et par la sécheresse .du vice par l'humidité de cet air. Mais faire du chez lui, sur l'idée Logos, dont l'idée prédomine, de sa matière, la substance même de l'âme, est une vue de génie. Héraklite décrit assez maladroitement les causes internes de nos perceptions mais il voit nettement erronées, que la constitution de nos sens influe sur nos sensations; il dénonce leur faiblesse et se rend des compte notre faculté de empêchements que rencontre sentir dans la complexité des choses il ose, au nom de la raison, en doute l'évidence révoquer sensible dont toute la force 'est dans notre illusoire à la permanence des choses. croyance Le dogmatisme n'a pas d'ancêtre plus authensoient nés dans le tique, bien que des Sophistes sillon qu'il creusa. LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE 41 de l'âme, a Il paraît avoir cru à la persistance et celle même de l'individualité après la mort, il croyait admis des sanctions ultra-terrestres aussi à la préexistence des âmes mais, en tout des Egyptiens ceci, il se rapproche davantage Grecs; point de métempsychose, que d'autres mais, pour les bons, une fois la mort traversée, le rôle de génies protecteurs pour les méchants, en une dégradation rapide de leur âme pauvre souffle de vivre, nous étions déjà, igné. Avant a commencé. Et mais la préexistence elle-même tout le l'existence future est passagère comme car les dieux que nous sommes sont des reste, dieux mortels, soumis à la même loi que tous les autres êtres de l'univers. au pied S'il n'est que juste de ne pas prendre de la lettre les formuIesd'HérakIite qui tendraient à nier toute distinction, toute vérité et tout être, il faut reconnaître aussi qu'il est quelque peu des exagérations de son disciple responsable de dire inexact Kratyle, pour qui il était même que l'on s'était baigné une fois dans un neuve, et abusait de certaines qui, pareil aux Sophistes, de langage que pour démontrer particularités toute pensée cohérente est impossible. Kratyle et le trait d'union entre Héraklite est pourtant la avant les Stoïciens, Platon qui recueillit, du grand Ephésien. meilleure part de l'héritage CHAPITRE Pythagore IV et les Pythagoriciens. de la spéculation est pythagoricienne à l'apparition un peu antérieure de l'Héraclitéisme. Il semble au premier abord que chez les savants et mystiques chercheurs qu'HérakIite il n'y ait de philosophique dédaignait, que le de certaines théories scienvague ou l'arbitraire de alliage tifiques et l'inévitable métaphysique de plus, le Pythagorisme la pensée religieuse une école de moralité fut éminemment pratique individuelle et sociale, voire de sainteté. Pourmême de l'influence immétant, sans parler diate ou lointaine qu'il exerça sur tant de courants philosophiques, il est bien aussi une phiet ne l'est pas seulement aux losophie, grâce dont idées il dota la science. générales Il se relie si intimement aux à Mystères, ne peut surtout, qu'on toujours l'Orphisme exactement ce qu'il en reçut et ce distinguer Plus tard, les Pythagoriciens qu'il leur donna. se devaient leur prît, sans les plaindre qu'on de nombreuses idées d'être nommer, dignes plus que celles d'une école, pour ne leur laisser en propre que le déchet de leurs longues spéculations. L'aube 44 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE de Samos florissait vers 522 il était Pythagore né vers 580 et il mourut en 500. Il dut fuir sa une le tyran Polykrate après patrie où régnait il s'initia à période de voyages au cours desquels en Grande la sagesse il alla fonder égyptienne, une communauté Grèce, à Krotone, qui eut vite des hommes et imitatrices. Ses disciples, les vertus à son exemple femmes, pratiquaient dont la doctrine du maître qui n'écrivait la puisdéduisait D'abord point l'obligation. sance autant de ces communautés, politiques et mais aristocratiques zélées, que religieuses, s'exerça jalouses, pour le plus grand bien moral et matériel du pays, mais peu à peu elles lui deet vinrent à charge on les extermina partout, de son dans l'incendie Pythagore périt lui-même monastère de Métaponte. surMais ses disciples conservèrent bien accueillis en Grèce, vivants, au monde leur le meilleur de ses doctrines un fidélité enthousiaste au maître leur inspira tel oubli de leur propre gloire, que nous risà Pythaen les écoutant, de trop attribuer quons, gore. On ne peut douter cependant qu'il n'ait découla servi par le hasard, vert, quelque peu des sons des hauteurs relatives correspondance avec des rapports ni qu'il ait numériques établi des listes de choses étonnantes par la double similitude quantitatives des particularités ou des et des propriétés qu'on y remarque ni que aspects plus concrets qu'elles présentent; le symbolisme du monde l'ait sans physique cesse ni même qu'il ait regardé préoccupé les propriétés des choses comme mathématiques LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE 45 et religieuse. On ayant une portée métaphysique sait avec certitude l'astronomie qu'il ébaucha dont s'enorgueillit son école, qu'il fit des découvertes et arithmétiques géométriques importantes. la musique Il imagina des sphères et les distances dont le mouvement lui célestes, à des proporsemblaient répondre à des nombres, il professa tions remarquables; la métempsychose et le retour éternel du monde à toutes les une fois. qu'il a traversées étapes de l'existence Sa physique est un peu moins immatérialiste car rien ne pouvait qu'on ne le pensa longtemps, encore favoriser une conception aussi analogue aux idées platoniciennes que celle de l'être idensa morale, enfin, ne dut pas tique au nombre être tout à fait celle qu'on lui attribua. Tout bien il est plus prudent le Pythaconsidéré, d'exposer en général la doctrine de gorisme que d'exposer continuaseul, Pythagore puis celle de ses teurs. devait arriver, dans où le Le jour l'école, et jusqu'au moral seraient totalement physique identinés avec le nombre. Une unité supérieure, devait être ouvrière d'harmonie, regardée le mélange de la limite et de comme opérant de la limite toute pareille à l'impair, l'illimité, et de l'illimité à toute division, qui s'oppose De pareil au pair, qui se prête à la division. l'unité au sens restreint, et de la qui est impaire, est la dyade, dont le type premier pluralité on devait tirer le droit et le est paire, laquelle et le féminin, le lumineux le masculin gauche, le bien et le mal, le carré et le recet l'obscur, tangle, puis tous les corps et toutes les âmes, 46 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE et vertus. Mais d'abord on avec leurs propriétés d'une part un symbolisme ne fit que construire, des choses, et d'autre mathématique part une timidement les deux mathématique physique de la doctrine se rejoignirent ensuite parties de la façon qui a été dite. N'éet se sublimèrent de fondre tait-il naturel la notion de Dieu et celle de la monade le suprême ? d'assimiler Kosmos borné par le ciel au limité, l'air infini à l'illimité ? puis d'expliquer, dans qui l'entoure ce monde, tous les solides avec leurs formes et leurs propriétés et jusqu'aux âmes toujours plus ou moins matérielles pour les anciens d'air et de matières cosmiques par un mélange identifiées entré l'un, à l'infini extra-cosmique dans le Kosmos, au pair, au divers, au divisiau fini, à l'impair, à l'indivisible en ble l'autre, soi ? L'intervention du continu illimité dans le sein de la sphère rendait assez qu'il enferme bien compte de la diversité et de la multiplicité à une sorte d'atomisqui s'y remarque grâce le rôle qu'une autre école tique où l'air jouait devait attribuer au vide, la combinaison des deux la formation de principes expliquait toutes choses. Dans cette doctrine et mystique, le dynamiste mécanisme et le mathématisme universels étaient en germe dès le début, et le paradoxe où l'on s'arrêta Le nombre, ,était inévitable. qui rend intelligible les choses, les événements et leurs rapports, devaient donner l'illusion d'être de ce qu'il faisait si bien coml'essence même il est conforme car non seulement au prendre naturel de l'homme de confondre dogmatisme LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE 47 de son intelligibilité, et l'être et les conditions à un âge superstitieux naturel sans d'exagérer du nombre, si surtout il mesure l'importance semble confirmer arrive que l'expérience cette souveraine des quavue, mais l'indépendance aux sensibles lités mathématiques par rapport la possibirelatives, qui leur sont au contraire lité d'exprimer en langage tout arithmétique à demi phyle géométrique, dont le caractère, est par là même propre sensible, sique puisque de la pure à se refléter sur les notions abstraites autant de raisons mathématique qui aident à voir comment les Pythagoriciens purentsérieument dire que le point c'est 1, la ligne 2, la surface 3, le volume 4, et même la santé 7, l'an4. Il était tout indiqué, née 8, la justice pour et de conceeux, de faire de l'âme une harmonie « qui respire en mesure », comme voir le monde, un solide animé par une âme qui est aussi une telle harmonie. Le nombre 10 étant parfait des quatre premiers, si parfaits comme composé une Antidéjà, il leur parut juste de supposer la décade terre pour parfaire planétaire, qui ne pouvait manquer d'exister. Une fois le nomil n'y a plus de physique bre divinisé, admissible qui ne soit mathématique un enthousiasme l'attitude esthético-mystique remplace critique et moins les théories sont conque l'on imagine crètes, plus elles ont de chances d'agréer. On aurait tort malgré tout de trop reprocher aux Pythagoriciens d'avoir cru à des rêves ils ont tenté d'élaborer une science qui dépasse la de l'homme mais, de cette science, compétence l'idée n'est point absurde en soi et il n'est pas 48 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE de philosophe idéaliste qui ne doive reconnaître en eux des précurseurs. N'est-il pas vrai aussi la plus abstraite de la mathématique la partie sur la que doit avoir le pas sur la géométrie, entière ? Et ils n'ont pas cultivé que physique la mathématique pure. De très bonne heure, ils de la terre, qu'ils firent. admirent la sphéricité tourner autour d'un feu central auquel, disaientla même la ils, elle présentait face, toujours face opposée à celle que nous habitons. Cette révolution rendait du jour et de la nuit. compte suivant aussi, eux, le soleil dont ils Sphériques connurent le mouvement la lune, qu'ils annuel firent tourner comme le soleil et la terre autour de l'Hestia du monde, du centre universel, mais enfin et les étoiles dites en un mois les planètes ils paraissent avoir attribué un fixes, auxquelles mouvement lent. Ils enseignaient l'inclinaison du soleil et ils purent, du plan du mouvement en combinant les observations faites par d'autres avec leurs propres découvertes, expliquer les saisons. Tel était, du temps de Sokrate, le de la science de Philolaos. plus important devait faire tourner la (ou Hikétas~ Ekphante terre autour de son axe faire tourHéraklide, et Vénus autour du soleil ner Mercure puis, et en 286, Aristarque Mars leur fut adjoint de Samos proclama vraie la théorie qui fait la gloire de Copernic. Un examen du ciel, plus complet et la diffusion de récits de lointains voyages qui ni l'Antiterre, n'avaient révélé ni le feu central, la plupart avaient des peu à peu fait délaisser erreurs celles dont nous d'abord, professées avons comme parlé et d'autres, l'absorption, LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE 49 de la lumière et poreux, par un soleil vitreux issue de la voûte céleste. faisaient C'est ainsi que ces mystiques avanet non seulement ils eurent, cer le savoir positif; de l'observation à la pratique astronogrâce de l'universelle détermination mique, l'intuition et même du caractère du monde physique de cette détermimathématique rigoureusement mais ils eurent dans d'autres aussi, nation très marquée à suivre de une tendance sciences, de qui avait révélé le principe près l'expérience, à leur maître témoin les travaux l'acoustique de Krotone, d'Alkméon de Pythacontemporain gore et moins hardi que lui, qui logea la sendans le cerveau, sibilité des nerfs distingua de conditions décrivit nombre sensitifs, physiode la perception la sensible, esquissa logiques de l'intelligence la explication par première de facultés et préplus humbles, complication senta la santé comme un équilibre défini entre les éléments Que les Pythagoriciens corporels. n'ont-ils ébaudéveloppé Fatomistiquc" qu'ils évité de rendre et qu'ils auraient chèrent matédevait faire Démokritc comme rialiste Peutau monde FEpicurisme être eussent-ils 1 épargné de la théorie du retour Il ne faut point sourire est finalement tout déterminisme éternel obligé s'il veut être logique. de l'admettre le Pourtant, le caractère ils arrivèrent, Dieu auquel hautede leur morale et leur croyance ment libertiste à l'union définitive de l'âme avec Dieu s'accorde leur physique dent mal avec le déterminisme et avec la théorie du retour éternel, qui, il est le nombre des réincarnations limite en vrai, PHILOSOPHIE GRECQUE 4 50 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE des vies successives de l'univers, mais chacune à jamais ne. permet pas aux âmes de se fondre C'est dans l'Inde, sans avec la monade suprême. de la croyance doute, que fut l'origine orphique et à l'uà la métempsychose et pythagoricienne avec le premier nion des âmes l'Eprincipe ce qui s'y mêla de plus moral. gypte dut fournir panthéisme gâte le noble panenthéisme Quelque dans l'Orphisme ou le Pythagoqui se déploie, en mythes, en rites profonds risme, en pensées, mais les renaissances conditionet poétiques nées par les degrés divers du mérite ou du déméla vie, et les expiations rite acquis pendant intercalées par les Orphiques, puis par les entre la mort et le passage des Pythagoriciens la rédempâmes en d'autres corps en attendant très tion totale, demeurent des conceptions dont le caractère en partie hautes ne puéril diminue en rien la sublimité morale. Deux points sont spécialement remarquables en leur éthique un souci très net et très vif de la perfection individuelle, qui leur est commun et un souci non moindre du avec l'Orphisme, salut moral d'autrui, les autres étant envisagés comme individus tout autant que comme membres d'une collectivité dont le bien est souhaitable. L'examen de conscience est à la base de leur régime moral, comme la tempérance, poussée jusqu'au est le premier article végétarisme, et comme la commude leur régime physique, nauté des biens jointe à l'obéissance au maître les deux règles forment fondamentales de leur social. On a imaginé bien des fables sur régime secret de Pythagore tout porte l'enseignement LA à croire gradué PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE 51 était seulement que son enseignement de façon à correspondre aux divers intellectuel et spirituel des degrés d'avancement Si ceux-ci furent jaloux de leurs condisciples. ils laissèrent se répandre naissances, cependant les plus importantes. L'obscurité de certains de leurs dogmes et la singularité de certaines de leurs habitudes ne pouvaient de donner manquer à l'Ordre pythagoricien d'un enseml'apparence ble d'hommes à des doctrines initiés secrètes. des idées de Quoi qu'il en soit, ils ont élaboré toute sorte avec une originalité incontestable, une puissance merveilleuse et un sens de la réalité à suprasensible qui les recommanda l'attention de Platon, de Plotin, et aussi des Stoïciens. La spéculation chrétienne leur doit celui-ci a introduit plus encore qu'à Hérakiite dans le monde l'idée du Verbe mais créateur, les Pythagoriciens ont directement à la préludé morale et à la mystique et ils ont chrétiennes, des théories la devenues esquissé qui sont science même ils sont même les inventeurs de démonstrations où idées, de plusieurs plusieurs l'on n'a rien eu à modifier. CHAPITRE Xénophane, Parménide, V Zénon, Mélissos. I. Xénophane.Ce n'est pas sans d'expresses réserves de que l'on peut placer Xénophane, en tête de la liste des Eléates. C'était Kolophon, un pauvre rhapsode, de tempérament à la fois à Elée une nouépique et satirique, qui chercha velle patrie, la sienne subit le joug des quand il voyagea sans cesse, des Perses composant vers dont peu nous sont parvenus. Il était né en vers 478. Il fut connu d'Héra570, et il mourut klite et connut les Pythagoriciens, mais leur doctrine, nele pas plus que celle d'Anaximandre, satisfaire. Peu dogmatique pouvait par nature, même, mais, bien qu'inapte presque sceptique à la réflexion très curieux des phéscientifique, nomènes au reste, d'un solide naturels, doué, bon sens et d'une grande rectitude morale qui s'unissait à un sentiment religieux pur de suil fut tout ensemble l'adversaire des perstition, de son temps, du polythéisme vulphilosophes et de toutes les erreurs conventionnelles gaire dont s'autorisent la faiblesse et la sotl'orgueil, 54 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE tise des hommes. Mais il édifia peu, ou peu et ce n'est qu'une rencontre s'il se solidement, des idées trouva un Parménide pour développer dont il s'était avisé et qu'il avait semées, le plus et sans trop y tenir. en ironiste souvent, On a fait bien à la légère un savant de Xénos'il aperçut dans les fossiles la preuve phane et lentes transformations d'anciennes géolol'idée d'un giques et s'il eut l'un des premiers sa croyance à l'origine scientifique, progrès de tous les êtres, sa concepou aqueuse terreuse des choses au métion du retour périodique son affirmation lange des deux éléments, que la infinies et que terre est plate avec des racines. les astres ne sont qu'un résultat, nouveau chaque de vapeurs issues de notre fois qu'ils brillent, etc., autant d'opinions qui ne lui font séjour, pas grand honneur. des Sophistes, Mais cet ancêtre d'après lequel l'homme ne saurait la vérité pas qu'il possède au cas où il la tiendrait, mieux sur la s'exprime divinité et paraît singulièreque bien d'autres ment sûr d'en bien parler. Condamnant l'anridicule des hommes de toute thropomorphisme à eux race, qui se font des dieux semblables ainsi feraient les bœufs et les lions, s'ils étaient il maintient religieux cependant que Te Dieu véritable voit, entend et pense par tout ce qu'il ce Dieu ne est; les dieux inférieurs que gouverne sont pas ceux de la foule. Sa conscience et saraison proclament que l'on doit penser ainsi du divin. Il cède néanmoins à la tendance de générale son époque, en faisant de Dieu l'unité du monde; mais ce naturaliste est loin du matérialisme. LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE 55 est tout, mais, des êtres particuliers, il n'a point le masque. Le reste de sa métaphysique est assez ambigu; la science, il devient aussitôt quand il approche moins clair et moins intéressant. Aussi fut-il étant donné telles de ses opinions, facile, d'y voir comme des divinations de la doctrine de ou de Zénon, qu'elles pouvaient Parménide favoriser. Avec l'éternité du monde, il proclamait son infinité Parménide est finitiste, mais qu'ima dit porte ? Comme lui et avant lui, Xénophane ie monde au moins dans son enimmobile, et homogène soit semble, aussi, quoiqu'il moins ferme sur ce dernier point. Xénophane, sans doute à la surface de la terre, songeant de tous qu'il croyait infinie, la déclarait égale les côtés c'en est assez pour qu'on prétende qu'il faisait le mondesphériqueavantParménide. Il se croyait obligé de nier le mouvement diurne pour cette raison déjà qu'il ne jugeait pas-le de plus, n'admettant monde sphérique pas la finité du Tout, il pensait devoir en nier le mouvement comme la sphéricité. Mais on néglige sur n'avait-il insisté le caractère cela; pas et sur l'égale faiblesse trompeur des apparences les habiles savent des thèses opposées que rendre également vraisemblables ? Donc, affirles antinomies de Zénon sont en germe me-t-on, de mauchez lui. Qu'il est donc facile d'écrire vaise histoire qui paraît vraie 1 Quoi qu'il en soit, il y avait dans ses théories à cette sorte au moins un peu de quoi conduire de de nihilisme un des aspects qui caractérise et au monisme l'Eléatisme, hyperbolique qui L'Un 56 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE Mais sa doctrine un autre aspect. en caractérise et moins moins nous apparaîtrait significative n'eussent riche si Parménide, Zénon et Mélissos point existé fondateur de Le véritable IL Parménide. l'école dite éléate naquit vers l'an 512 à Elée, où Il appartenait et repassait Xénophane. passait et fit œuvre de législaà une famille puissante de regretter d'être peu teur. On a des raisons mais en resur ses idées morales renseigné il nous est parvenu assez de son poème vanche, son ou plutôt sur la Nature pour bien connaître du monde. Il se faut garder ses deux svstèmes clairement conscient de toute la de le croire de certaines de ses conceptions; valeur mais il est l'un des Antésocratiques dont les intuile plus sur l'avenir. Il inventa, tions anticipent il aperen effet, l'idée de la dualité du savoir radicale de la recherche çut l'hétérogénéité qui et de celle qui porte porte sur le phénoménal même sur l'être. Il professa que, de ces deux est comme la première une affirrecherches, de l'être, mation du non-être à l'exclusion la seconde et l'exclusion l'affirmation inverses. Ce et ce-que que nous nommons métaphysique nous nommons il le regarda science, également comme devant être construit sans aucun appel à la discipline rivale. Enfin il distingua, corrélativement aux deux savoirs, deux sortes de et qu'apporte l'une qui est certitude convictions, avec elle la vérité, évidente aux yeux du bon du bon ontologiste l'autre dont métaphysicien, LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE 57 n'est que probable, ou même, l'exactitude paren la satisfaction de lons mieux, qui se résout de l'harmonie dans la théopouvoir introduire si loin rie des pures Il poussait apparences. que d'une part, l'opposition par lui découverte, et idéaliste il dogmatique jusqu'au paradoxe, devant aucune audace métaphysique, nereculait et que d'autre ce part il allait jusqu'à mépriser science. Vraies ou fausses, que nous appelons toutes ses idées maîtresses étaient grandement et nulle d'elles ne devait être sans originales, histoire. il retient Des Pythagoriciens, et incorpore à sa doctrine véritable idées très imporplusieurs comme celles d'une toute tantes, physique de l'unité de l'être, de l'identité du conjecturale, du monde parfait et du limité, de la sphéricité et dans la partie de son poème où il daigne une cosmologie à IJusage des esprits esquisser hausser qui ne se peuvent jusqu'à la vraie docà un système qui rappelle trine, il mêle encore, fort celui d'Anaximandre, des souvenirs pythagoriciens.Alkméonsansdoutey fut pour quelque à qui il éleva une chose, ainsi qu'Ameinias, Ce qu'il doit à Xénophane, nous chapelle. l'avons à Quant dit, n'est pas considérable. il fournit à Parménide, dont il est le Héraklite, l'occasion d'une critique contemporain, grâce à la théorie de ce dernier une laquelle acquit clarté merveilleuse. Le philosophe d'Ephèse ramenait l'être au devenir, à ce qui est et n'est de voir point, tout à la fois. L'Eléate s'indigne l'être et le non-être le non-être réunis, intégré dans l'être, assimilé à l'être à la foule, pareil 58 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE est dupe de l'apparence comme lui, l'Ephésien elle se contredit, mais le philosophe fait pis s'étant avisé qu'il y a du non-être dans qu'elle le donné, devait-il hésiter à nier le monde apparent ? Sans doute, tout le sensible est changement et diversité du non-être, l'irréalité mais, et tout ce dans quoi il entre n'est est absolue, aucunement Surtout, qu'on ne fasse pas du de la mobifeu, qui est le type par excellence lité, le fond du réel. Ce fond, rien de sensible ne lui ressemble. Parménide est impitoyablement et logicien L'être est, dit-il, et le non-être n'est dogmatique. il n'est d'être que pensable et exprimable, pas et le non-être n'est ni l'un ni l'autre. L'être ne car naître de l'être ne peut avoir une naissance, serait pas naître, et le non-être ne pourrait devenir être mourir en demeurant réel ne serait pas et mourir tout à fait serait mourir, engendrer -comme un être qui ne serait pas; changer n'est ce serait encore moupas davantage possible,car rir et naître. Il n'y a pas de mouvement si l'espace car dans quelle étendue se mouvrait l'éexiste, ni s'il n'existe .tendue, pas, car où donc le mouvement aurait-il lieu ? Telle est sa logique, puissante, mais étroite, involontairement sophistique autant qu'elle est subtile. Pourtant, qiTil pouvait naturel de transporter, aux qualités des paraître la permanence relative choses, que depuis Thalès on attribuait à l'élément et la perpremier, manence absolue l'on attribuait à la que du tout de ne vouloir en fin de quantité parler, absolue Et poser que de permanence compte, l'immutabilité du réel, n'était-ce pas s'obliger à LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE 59 sont nier les choses phénoménales, puis qu'elles comme changeantes de données ? Les prestiges ont fait de Parménide leur prela dialectique mière dupe en Hellade. Depuis Thalès, l'unité du fond des choses était admise de ceux mêmes qui des principes énuméraient Parmémultiples; seulement avec plus de rigueur nide raisonna et ne faut-il d'avoir pas, en un sens, le louer tout à fait à l'expédient voulu renoncer de la l'univers? pour expliquer De plus, métamorphose on confonsans parler de la facilité avec laquelle du dait alors le sens absolu et le sens attributif verbe être, il y avait chez tous les métaphysioù l'ancien animisme reliciens de ce temps, une tendance avait laissé des traces, gieux à ne donner invincible sans réserve le presque àl'imnom d'être qu'à l'un, au parfait, à l'éternel, le continu, cet être devenait l'indivisible, muable dans l'esl'homogène, quand on le considérait de ne pace. Il était bien difficile, à cette époque, aux sens la réalité de l'espace tout pas concéder au moins. Zénon leur fit cette concession. La finité paraissait, de la perfecaussi, inséparable tion. Parménide, plus attentif que ses prédécesaux conséquences seurs et ses contemporains ne ou aux dessous de leurs thèses favorites, de reléguer l'être loin du phépouvait manquer de nier celui-ci en face de celui-là. noménal, et Etre plusieurs, devenir se mouvoir, autre, autant d'imperfections, même avoir des qualités, d'infractions aux condidans autant, l'être, tions de l'être. Il faut, dit Parménide, que rien ne il en particulier, à l'être c'est pourquoi, manque le fait plein et immobile niant qu'un vrai néant 60 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE et repoussant l'entoure, jusqu'à l'idée d'un vide d'ailleurs sa relatif, il le fait limité, ce qu'exige Il est qui le veut aussi sphérique. perfection, et le vulgaire qu'un reste de- préjugé probable ont contribué à lui faire souvenir de Pythagore A qui nie le vide, le mouadmettre la sphéricité. doivent sembler vement et la diversité illusoires, à qui nie le vide et l'infini n'est guère concevable lui-même. La doctrine est d'une belle absolu cohérence. a douté du temps Parménide doutapeut-être dit que le tout est t-il de l'espace, puisqu'il Mais ce doute ne fut que comme une sphère. réel car il professe un matérialisme, passager, d'un cartésien avant la bien qu'assez abstrait,celui lettre dépouillant le réel de tout ce qui lui paraît mais ce matérialisme est évident, bien sensible de spiritualisme le monde est qu'il soit pénétré pensée et il est Dieu. Ceci n'est pas nouveau, mieux vaut le mais il était beau de le redire Quoi qu'il en soit, le que l'athéisme. panthéisme de la doctrine est d'une extrême résultat paude l'être a tellement vreté l'ivresse sublimé le de Parménide, se peut réel, dans l'esprit qu'on si le phénomène de penser demander son univers ne doit pas être regardé, de son point de Et alors?. Mais il vue, comme un pur néant. du moins, ne s'est pas, explicitement posé cette Il est sorti d'embarras un en dessinant question. du monde, second portrait nulqu'il ne rattache au premier il aurait lement même par-là celui-ci et qu'il ne se soucie même déprécié au autant pas de faire ressembler premier de son pu. Dans la seconde partie qu'il l'aurait LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE 61 il est très peu original il paraît lui sufpoème, avec ses émules dans un hre, ici, de rivaliser où il avait honte de ne pas dire son domaine un domaine mot, bien qu'il se soit taillé ailleurs Peut-on le défendre en lui supposant propre. dans la possibilité de rendre une foi secrète toute rationnelle la science du donné ? Rien n'y l'abîme ses deux mondes autorise qui sépare Kant est encore plus profond que celui que Le creusa entre le noumène et le phénomène. de ce dernier tantôt l'appaphénomène paraît inférence de ce qui est, tantôt une sorte d'être le en soi mais du moins rieur, effet de l'être noumène n'est-il jamais présenté par lui comme comme une la réalité exclusive et le phénomène illusion. et léger, l'autre Deux principes, l'un lumineux obscur et dense, et qui rappellent tous deux les toutes constituent d'Anaximandre, principes de l'Opichoses pour le Parménide des Paroles ils s'opposent et produisent, seuls ou par nion leurs mélanges, tout ce qui est, ainsi que le font les principes issus de l'unité et de la dyade chez Mais les Pythagoriciens n'avaient Pythagore. Et reconpas tardé à parler comme fit Parménide. naît-on bien l'adversaire dans le phid'Héraklite ? Autour losophe qui associe ainsi des contraires de la terre, qui est dense, il place des sphères dont la plus extérieure concentriques rappelle, est soutenue par son immobilité.celle duToutqui dans la première cette du poème. Entre partie et nous, il existe des régions sphère plus ou moins lumineuses dans la plus brillante siègent les dieux ordonnateurs du monde, spécialement 62 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE la Nécessité entièrement et l'Amour. Ceci même n'est pas de son invention, et l'on voit mal de cette même sphère, l'illuprocède pourquoi, sion. Il montra une certaine sagacité cependant dans sa théorie des zones terrestres, scientifique et quand il identifiait l'étoile du soir à celle du mais son originalité sur ces deux points matin n'est Le même revenait pas établie. penseur à des idées tout enfantines, comme la parfois à la production des astres croyance par des tout entiers, et il vapeurs qui les constitueraient ne voyait qu'un synchronisme dans l'apparition du jour et le lever du soleil; lui l'atmosphère semblait la source de la lumière. Ces quelques détails suffisent pour montrer que s'il sut profiter de certaines il n'est pourtant découvertes, sa gloire est ailleurs, dans point un vrai savant sa métaphysique dont la fécondité directe et indirecte est incontestable, et dont les erreurs sont d'une nature telle qu'on n'est point philode les méditer. sophe si l'on s'estime dispensé III. Zénon. Le plus subtil des Eléates, et disciple de Parménide, se Zenon, concitoyen donna pour tâche de réfuter les par l'absurde adversaires de l'école. Il naquit entre 492 et 485 et paraît avoir conçu de bonne heure un grand enthousiasme la doctrine pour qu'il défendit contre la colère inintelligente du bon sens vulet contre les Pythagorévoltait, gaire, qu'elle riciens dont la manière de concevoir à l'unité, savoir comme l'élément réel d'un monde vraiment pluralité, lui semblait avec incompatible LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVAXT SOCRATE 63 d'un mouvement Il déintelligible. surtout mouvement réel est qu'un dans un tel monde, mais ne trouvant impossible une conception qui ne point, du mouvement, il concluait, pas cette même suppose pluralité, et contre le mouvement, au nom de la logique, de et négation affirmation qui est tout ensemble la pluralité, et contre la pluralité qui, entre autres celui de se inconvénients, présente d'un mouvement par l'existence prouver qu'elle rend impossible. Il est malaisé Zénon les cond'interpréter cepts dont il se servait ne nous sont familiers leurs enrichissements de qu'avec postérieurs, sorte que nous ne pouvons faire, en le lisant, tout le vide qu'il faudrait dans notre propre esprit. Et puis nous ignorons trop le milieu où il spéculait. Il laissa de côté un certain nombre de points de la doctrine de Parménide, mais il insista plus que lui sur quelques notamautres, ment sur l'irréalité de l'espace ici, il est même l'unité du plus net que son maître. Opposer Tout et non point, comme tels et tels le la continuité à du Tout supposent, spatiale la croyance universelle au divers, en prouver, afin est illusoire, particulier, que le mouvement de ruiner ainsi la raison la plus forte de croire au monde tout que niait Parménide, presque Zénon est là. Nous allons ses principaux indiquer arguments. Dix mille grains de millet produisent du bruit en tombant à la fois tombant un à un, ils n'en auraient pointfait: méritent quelle confiance donc nos sens ? Quelle est celle qui logique l'existence montrait 64 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE dans le monde sensible, dans le monde régnerait avec droiture, en Celui qui raisonne du multiple? à l'irréalité du phénoconclut mathématicien, n'est point, car il serait ménal. L'espace et celui-ci dans un autre, dans un autre espace, et ce qui est absurde à l'infini Cela est absurde, les n'est pas. Il faut croire à la raison malgré toute grandeur est illusens. Toute étendue, diviser le fini en une car on ne saurait soire, bien que le fini requière innnité une d'éléments, le fini infini telle division leur somme rendrait et l'on ne s'ils sont encore chose quelque en d'autre pourrait, part, obtenir une grandeur Mais les quatre le néant à lui-même. ajoutant l'erreur du mondearguments qui réfutent des illogismes liés à la par l'exposé pluralité au mouvement sont d'une importance croyance Voici qui semble à Zénon encore. plus grande la dernière trace de pluralité, détruire jusqu'à la pluralité de ces êtres si pâles et si jusqu'à d'un les divers minces que seraient points d'un comme l'ensemble réel, espace espace » dont parlent les Pythades « unités-positions dix fois plus 1" Achille, goriciens. supposé ne l'atteindra jamais rapide que la tortue, fois qu'il arrive au point d'où elle car chaque est partie il est parti lui-même d'un quand elle l'a devancé d'une cerpoint plus éloigné, devient taine distance chaque fois cette distance dix fois plus petite, mais jamais elle ne sera si même vous nulle. Niez donc le mouvement, la tortue, car ce que voyez Achille rejoindre vous ne voyez pas vous verriez serait absurde ce que vous croyez voir; ce que montrent les sens LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE 65 n'est pas, car cela, c'est l'impossible. 8" Qu'on ne dise pas qu'en une infinité d'instants une infinité ae points Car la peut être parcourue division à l'infini du temps et de l'espace, exigée rend impossible même son par le mouvement, un mobile commencement. Qu'on suppose devant Il une longueur parcourir quelconque. devra d'abord en parcourir la moitié, et, avant, moitié de la moitié, et ainsi à l'infini. –3° Peut-on même du repos ? le mouvement distinguer car en chaque moment de son vol, une Non, flèche occuperait un espace égal à elle-même, ce qui l'identifie avec une flèche en repos. 4° Enfin, l'on ne peut mesurer les vitesses sans tomber dans des contradictions, car si deux mobiles d'une longueur égale à celle d'un troisième objet se meuvent à lui en parallèlement des sens opposés avec une vitesse le pareille, de l'un quelconque des temps du mouvement deux mobiles sera à la fois celui qu'il mettra à mobile et celui devant l'autre passer qu'il mettra à passer devant l'objet en repos dans le moins cas, il sera moitié premier grand que dans le second. II est donc faux que le mouvement existe divisible qu'il suppose l'espace ne le saurait et l'argument recevoir porte aussi car on ne peut contre l'existence de l'espace, concevoir celui-ci que comme divisible. Il n'est donc pas, lui non plus, et toute la diversité des n'existe dont it est le support apparences pas davantage. Ceux qui ont pensé que Zénon ne niait pas le en le situant dans mais l'admettait mouvement, un espace continu, de celui des Pythadifférent PHtLOSOPmE GRECQUE 5 66 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE et n'ayant rien d'arithmétique, ont goriciens cette méprise sans doute commis parce qu'ils ne pouvaient imaginer que Zenon eût nié l'espace à nier le temps. Mais, Si Zénon est sans songer il n'est pas étonplus idéaliste que Parménide, nant qu'il le soit moins et moins complètement ne peut l'être de nos jours. Son unité qu'on immobile est plus nettement une et immobile N'est-il pas clair, étant que celle de son maître. donné la manière dont il réfute le mouvement, bien tout mouvement qu'il entend que c'est et qu'il le réfute de telle sorte qu'il est réfuter, en même de nier tout à fait obligé temps la possibil'espace ? D'un autre côté, concevoir lité d'un mouvement dans un espace rigoureusement cela dépassait les forces de continu, Zénon. avait bien proParménide, dira-t-on, clamé la continuité Sans doute, mais il n'était les difficultés pas capable d'apercevoir logicoZénon, mathématiques qui pouvaient frapper était lui-même de les vaincre lequel incapable assez pour reprendre l'idée d'un continu réel. en pareille des arguments Certes, matière, comme les siens sont trop simples pour être mais s'ils sont plus ou moins convaincants faciles à renverser un pour le mathématicien~si kantien se croit en droit de les mépriser du haut de sa doctrine relativiste du temps et de l'espace, il reste vrai cependant souleque les difficultés vées par Zenon ne sont pas vaines loin de là ce n'est pas sans artifices que le mathématicien manie l'infini, et le relativisme kantien est loin de constituer une doctrine satisfaisante. L'Atomisme sera un effort pour expliquer le mouve- LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE 67 sans renoncer à l'espace, et ment et la diversité tel quel celui des Pythatoutefois sans prendre entièrement, que l'on ne peut rejeter goriciens, sans nier tout à fait l'étendue si l'on est logique, une ombre de disconil faut laisser du moins à l'espace si l'on veut que le monde tinuité ne devienne pas inintelligible. phénoménal a su Zénon, qui n'était aucunement physicien, faire profiter la philosophie, qui presquetoujours ce qui la renouvelle, de puise dans la science et il appela ses connaissances mathématiques sur des questions où métaphysique l'attention sont également et mathématique intéressées. il vit l'importance et les difficultés Le premier de la division de l'étendue, et s'étonna avec profit a pu de l'infiniment petit. Son argumentation mais faut-il pour cela lui les Sophistes, inspirer aussi à accroître tenir rigueur la ? Il contribua des penseurs tendance grecs à confier à la dialectique la solution de questions qu'elle n'est que d'une façon artificielle et trop habile à résoudre Mais mieux valait encore inciter la spécieuse. des sens et à croire raison à se moquer en soi, et l'empirisme. le scepticisme que de favoriser à défendre un sysEnfin, le mal qui consiste à celles tème dont les conclusions ressemblent n'est jamais grave en de l'illusionnisme hindou Occident. Le vaillant ~/<~MO~. samien qui vainétait un quit en 440 la flotte des Athéniens, de Parménide un peu plus jeune que disciple de la Zénon. Nous de son Traité possédons, IV. 68 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE des fragments mais dont Nature, importants, est souvent difficile. le l'interprétation Malgré discrédit jeté sur lui par Aristote, qui condamnait son infinitisme et le tenait, à tort, pour il doit être regardé comme un matérialiste, c'est un idéaliste éminent authentique, penseur bien qu'obscur il ne se rapproche pas, comme on l'a trop redit, des premiers mais il Ioniens, maintient, Hérakiite, parmi la race qui produisit le point de vue de Parménide il continue et avec originalité, l'œuvre de celui-ci complète, et celle de Zénon. Selon Mélissos, qui ignore ou fait comme s'il la plupart des doctrines rivales ignorait qui se autour de lui, l'être esté'ernel produisent parce chose, que le néant n'a pas pu devenir quelque parce que naître serait avoir fini une fois, et que finir serait se continuer en autre chose ou se transformer en non-être. De l'éternité, il conclut mais cette infinité n'est point spaàFinnnité, tiale ni surtout corporelle pour Mélissos, qui ni même l'étendue, n'accepte point la matérialité, alors admettre la divisiparce qu'il lui faudrait oilité de l'être, Il ne pouvait qu'il repousse. l'être comme tout ensemble infini en regarder et immatériel, étendue car l'espace on auquel de son temps était en général celui ~es pensait c'est-à-dire un ensemble disconPythagoriciens, tinu une réalité d'unités-positions possédant et s'il eût fait l'étendue à la fois réelle physique il se serait et continue, vu forcé de l'identifier au vide, donc au non-être il l'eût par consédans cette hypothèse sans niée, aussi, quent hésiter. Mais pourtant, son infinité est grandeur. LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE 69 Comment est-ce possible ? En somme, on ne peut ainsi: la le comprendre qu'en l'interprétant de l'être est tout abstraite c'est une grandeur une grandeur infinie, grandeur, que Mélissos en un sens, vaguement, il le faut conentendait idéaliste. céder, mais rigoureusement Pourquoi absolument à ce qu'on s'oppose pas, puisqu'il croie au témoignage des sens, à leurs suggestions ? Certes, il ne vit pas tout à fait clair dans sa propre pensée, le mot car, on l'a remarqué, de l'être infini signifia pour lui l'indépendance ni fin. Pour qui n'a ni commencement parler dire qu'à ce sens se joignit juste, il faudrait en son esprit, celui que nous promptement, de avons mais jamais rinnnitisme indiqué; ni surtout ne fut spatialiste, matériaMélissos liste. Un moderne conclut aussitôt, de l'éternité du réel, à la nécessité de le regarder comme un tout, et il ne l'a pas plus tôt jugé tel qu'il le du déclare infini et un, à la grande satisfaction savant qui n'est en sécurité que s'il se croit en droit d'affirmer l'illimitation du domaine qu'il absolue du fond des choses. explore et l'unité Mélissos, qui n'avait pas de préoccupations et dont l'esprit vraiment critique scientifiques était assez borné, passa à côté de ces considéà l'infinitérations et conclut d'abord de l'éternité puis, on ne sait trop comment, indépendance, à celle de grandeur, de cette infinité peut-être afin que l'indépendance soit assurée par l'impossibilité d'une réalité rivale de celle de l'univers si l'univers tout le possible, occupe qu'est-ce menacer son indépendance qui pourrait ? Une fois le monde tenu pour infini, il est manifeste 70 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE mais le mot « un. » qu'on doit le dire unique, dont profite Mélisprête aussi à une équivoque devient à ses yeux l'homogénéité ~'unité sos l'univers est dans la durée et quant à l'essence et impassible immuable alors déclaré immobile, Ce dernier autant caractère, qu'indivisibe. qui du tout, est impliqué tient à l'unité même par la car tout changement les premiers, suppose dans ce qui change, et la douleur est pluralité de désagrégation. l'effet d'un commencement nie la divisibilité Mélissos Mais surtout parce le vide, c'est-à-dire la réaqu'elle impliquerait ne saurait lité du non-être, être, et de lequel l'unité de l'invisible, limiplus qu'elle briserait ferait imparfait Tout terait l'infini, le parfait. serait encore naissance et mort, changement et il y a longtemps aurait que le monde péri si à changer, ne fût-ce jamais il avait commencé donc toute philosopeu. Arrière qu'infiniment le réel par le mélange et par le phie expliquant mouvement. la ressemblance de l'être qu'il On a signalé substitue au sensible, avec le Dieu du spiritualisme d'une part, et, d'autre part, avec l'élément objectif constant supposé par la science moderne et subjectives. sous les apparences changeantes faites. Mais C'est à juste titre, toutes réserves rien n'oblige à supposer l'identité du fond métaet de Dieu, ni qu'il ne de l'univers physique se passe rien dans ce fond métaphysique, que la conscience, nous fait toucher en d'ailleurs, l'une de ses parties, celle qui est nous. Et rien n'est plus vraisemblable du que le parallélisme réel et de nos impressions, de ses lois et de LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE 71 et cette science Ces impressions notre science. un Symbosont, en dépit de leur subjectivité, railes mêmes lisme vrai. C'est peut-être pour tant, autrefois, Mélissos, sons, qu'on dédaigna le réhabiliter. et qu'on peut aujourd'hui CHAPITRE VI Empédokle. né vers 490, et Anaxagore sont Empédokle, si L'on ne sait avec certitude contemporains. l'activité du premier, le plus philosophique et des deux, celle du second, devança jeune l'on est fondé à croire que les spéculations ne furent sur d'Anaxagore pas sans innuence il est sage cependant d'imiter ArisEmpédokle, d'abord de ce dernier, car il tote, qui traitait vraiment comme le trait d'union entre, apparaît et d'une part les Ioniens, Héraklite y compris et, d'autre Diogène d'Apollonie, part, AnaxaDe plus, l'influence des gore et les Atomistes. Pythagoriciens, qui fut très vite à peu prés est spécialement chez universelle, remarquable lui, et l'est davantage que chez les Antésocradont il nous reste à parler. Enfin ses tiques aux Eléates sont souvent emprunts plus immédiats que ceux de ces derniers, les Sophistes exceptés. Ce n'est pas que ce citoyen de la dorienne son syninventeur; Agrigente soit un pauvre 74 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE est très avisé et, à tout prendre, aussi original que telle ou telle des doctrines qui y Mais Empédokle entrèrent. avait, si l'on peut parler ainsi, moins de raison que d'intelligence sont ses intuitions d'un mais il philosophe, de force et de profondeur, de suite aussi manque et le penseur dans ses rénexions; se double d'un thaumaturge, d'un magid'un mystique, Sans doute il fut bon ingécien, d'un illuminé. ses aptitudes nieur et habile médecin; politiques à ses concitoyens assez purent même inspirer voulussent le choisir de confiance pour qu'ils mais il se comme chef, honneur qu'il refusa; sur lequel l'histoire faut défier d'un homme raconte mille légendes, si surtout elle ajoute les voyait éclore sans déplaisir. Quand qu'il nettement même il serait inexact qu'il prétendit se faire passer pour un dieu et qu'il se jeta finail faut se souvenir lement dans l'Etna, du proL'on ne prête qu'aux verbe riches. qui dit C'était une âme tourmentée, prenant peut-être autant la vie au tragique l'accent qu'HérakIite de son éloquente poésie est parfois toutmoderne. le négligent ceux qui volontiers de Nous prions si l'histoire de la philosophie se demander serait aussi au grecque primitive intelligible~ n'aurait cas ou le poème d'EmpédokIe pas laissé de trace. de la célèbre docAu premier abord, l'auteur trine des quatre éléments n'avoir peut paraître l'eau à Thalès, l'air à Anaxifait que prendre la terre n'étant mène, le t'eu à Héraklite, que le concrétisé. dense des Pythagoriciens Longtemps à ces quatre. l'Amour et la Haine, qu'il adjoignit crétisme LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE 75 ou comme deux noms regardés corps, furent aux deux aspects de la qu'il donnait poétiques torce tenue par Anaximandre pour immanente deux principes à la matière, ou comme spiride l'actituels, comme les deux manifestations vité divine dans l'univers. la presque totalité de Il est facile de rattacher à celles de ses devanciers mais ses opinions il l'est d'autant moins de déterpar là même miner au juste ce qu'il y eut de personnel dans de rendre ses emprunts il est même malaisé à plus d'un sa pensée avec fidélité. Médiocre comme d'inventions celle, par égard est l'intérêt d'un amour et d'une haine aussi matéexemple, et d'un riels que le feu ou l'air, d'un cinquième éléments aussi divins, mais non plus, sixième mais il ne faudrait premiers; que les quatre la valeur de l'intuition si neuve pas méconnaître de la science contemqui rapproche Empédokie le premier, il professa, la pluralité poraine des corps simples. Plus de monisme simpliste ni de dualisme avec lui se fait jour un abstrait bien plus raisonnable celui pluralisme que un pluralisme sans danger d'Anaxagore~ pour à l'unité du monde, à la permal'utile croyance totale du réel cette docnence de la quantité trine n'est pas moins précieuse, scientifiquement, que celle des Atomistes cependant plus tort d'y chercher des éléOn aurait profonde. antiments perses ou d'y voir un manichéisme cipé. Le monde d'EmpédokIe est éternel, fini, sans indéSniment de vide, et il repasse mélange par les mêmes phases de développement et d'invo- 76 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE lution. Il est composé de feu, de d'air, d'eau, d'amour et de haine. On peut terre, et aussi bien se servir des termes d'amitié et également de discorde. Les quatre premiers éléments, plutôt passifs, dans les deux derniers, baignent ils sont tous égaux en volume, inéplutôt actifs comme le montre l'impuissance galementsubtils des sens à percevoir mais aussi matél'amour, en leur essence riels et aussi divins, immuables et indestructibles. Toute la diversité des qualités dans les choses est due à des qui se remarque en proportion variée des six éléments, mélanges de structure aux différences de leurs agrégats et aux effets des lois générales de l'équilibre. L'amour et dissemblables, rapproche jusqu'aux la discorde mais sépare ce qui a été rapproché avec ces deux êtres-forcescollabore une loi, celle de l'attraction du semblable par le semblable, avec l'amour. Le qu'il ne faut pas confondre de l'action résultat de l'amour et de composé cette loi est finalement la production dans l'univers d'une homogénéité de sorte qu'à maxima, d'un certain moment leur action cesse, partir d'être heureuse dans le Kosmos, car semble-t-il, croissante amène l'homogénéité progressivedes êtres spécialisés, qui sont mentia disparition des combinaisons. D'un autre l'action côté, de la discorde et de cette loi ne peut composée une hétérogénéité car ce que absolue, produire la discorde à le rascette loi travaille sépare, sembler en masses différentes entre homogènes elles. Au reste, l'hétérogénéité absolue aurait le même effet que l'homogénéité absolue ou même bien que la plus grande homogénéité possible LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE 77 tout à fait d'une plus, elles se ressembleraient leurs exigences, la part, en effet, pour concilier et la loi devraient discorde amener un mélange d'éléments infiniment uniforme afin émiettés, soient toutes séparées et que les que les parties soient à la fois aussi éloignés dissemblables et aussi d'autre rapprochés que possible; part, et la loi agissant ensemble l'amour ne feraient étant donné chose, pas autre que le mélange dont il vient d'être uniforme le parlé est aussi En tous concevoir. plus intime que l'on puisse commence cas, il est clair que la discorde par à la formation du Kosmos. travailler Le système, chose on le voit, a quelque et l'oppod'indécis, n'est pas complète. sition avec l'Héraclitéisme à cause de l'amour, C'est surtout qui collabore à la création des formes, avec son contraire que le monde se hâte vers sa fin ce n'est pas surtout dont l'effet est d'abord à cause de la discorde, heureux et tantôt plutôt heureux, puis tantôt de la vie de l'univers; malheureux au cours de la discorde finirait mais l'action par être si l'amour, fatale au Kosmos dont le rôle est la période heureux dans où nous sommes de ramener l'univers à encore, ne se chargeait son commencement. au mouvement tourbillonnaire Quant qui, des lois de l'équilibre, sous l'action régularise le désordre apporté par la haine au sein du Tout en repos, il faut se garder de lui chercher, dans une cause intelligible. Empédokle, pleinement un grand elle Cette vue offre pourtant intérêt aussi réalise un progrès On comscientifique. du tourbillon prend assez bien que l'accélération 78 résulte LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATR de l'absorption, par lui, des mouvements mais il est moins aisé de chaotiques originels, le tourbillon favorise l'action voir pourquoi à son centre, de l'amour, et qui se place à sa celle de la haine, disperse qui se porte circonférence. Il est vrai que la haine a comà agir, suivant mencé comme du Empédokle, et qu'il y a, dans l'idée de l'amour, dehors; celle de repos, au centre d'un qui fait songer et que l'amour, s'il est situé là, doit tourbillon son contraire tout en profitant du repousser mouvement déterminé par lui pour lui ravir au de quoi former lui-même des agrégats. passage Mais, malgré tout, on ne peut voir ici tout à fait du philosophe, mal parclair; l'argumentation dont rien de tie, se tord en spirales étranges satisfaisant ne peut sortir. La victoire finale est à l'amour, mais le champ de son actitoujours vité est préparé par la prépondérance préalable la de la haine, qui n'est complète qu'un instant, étant aussitôt diminuée dissociation maxima du semblable par le par la loi de l'attraction semblable et par la dispersion même des éléments du principe de haine, qui se dissocie tout il dissocie. Entre temps, les deux princomme dans la mesure de leurs forces cipes contribuent, et pour autant le se rencontrent entre qu'ils du tourbillon, centre et la circonférence à former la les êtres passagers que nous connaissons et la prospérité de ces êtres sont multiplication alfavorisées ou retardées par la prédominance ternante de l'amour et de la haine, dont les effets sont loin d'ailleurs d'être nécessairement les premiers toujours et les seconds heureux toujours LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE 79 les plus aptes à durer bénéncient malheureux; un temps de leurs avantages constitutionnels des effets de la nécessité ce sont les hasards qui de leur production, décident de leur durée et de leur disparition. En ceci encore Empédokle mais il en est des troua été un précurseur vailles de l'intelligence comme des êtres dans le monde il arrive d'EmpédokIe que d'heureux hasardsplutôtquedebonnesraisonslesamènent. Le penseur n'était pas mathémad'Agrigente vivement à la physique ticien, mais il s'intéressa générale, qui ne faisait qu'un alors avec la phiet à la physiologie. Il émit parfois des sophie, il expérimenta théories mais avec bizarres sur la pression de l'air il affirma sagacité que la propagation de la lumière n'est pas instantanée, ettentanombre d'explications mécaniques des phénomènes, dont l'intention tout au moins est irréprochable. Mais il place aux confins de l'univers une voûte d'air épaissi, et il remplit l'un des hémisphères de feu, l'autre d'air mêlé d'un peu de feu. Notre atmosphère est propre immobile autour d'elle tournent les pour lui deux hémisphères qui font l'un le jour et l'autre la nuit. L'eau, sortie de la terre, a donné naissance à notre atmosphère. A une distance de la lune double de celle de la lune à la terre, se trouve le soleil, le jour, reflet, durant simple du disque sur lequel nous habitons; le reflet n'est pas plus grand que l'objet renété il tourne avec l'atmosphère mobile. incline Empédokle aussi notre terre au milieu de la sphère où se meut le tourbillon et il aplatit notre demeure mais il ne nous donne pas l'explication de ces 80 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE Etoiles fixées au ciel et planètes errant opinions. la lune est plus bas sont feux sans consistance et reçoit du soleil sa lumière. îbrmée de vapeurs En médecine, Empédokle, qui sut faire des est pour le fond tribuobservations précises, mais sa biologie est plus pertaire d'Alkméon, suivant lui, dans la génération, dans sonnelle des plantes et des animaux la croissance qui dans la production elles, après apparurent et dans la percepmême des désirs amoureux diversement une même loi. L'œil tion, règne chose par ce qu'il contient connaît de chaque à elle il connaît la lumière et l'obssemblable il curité par le feu et par l'eau qu'il contient faut de même qu'il existe dans tous nos autres chose à toutes les sens quelque d'analogue dont ils nous avertissent la réalités extérieures c'est encore le semblable qui attire perception, son semblable et s'unit à lui, exactementcomme, de la épars qui naissaient jadis, les membres s'unirent leurs terre tantôt affinités, d'après à tantôt de manière d'une manière précaire, des êtres viables. La cause de toutes les réussir intellectuelles et morales serait une qualités des éléments heureuse proportion qui constituent nos organes la pensée n'est que le sang l'âme est la résultante des propriétés du coeur de la matière en nous mais nous psychiques une autre âme, sans analogie, cellepossédons c'est un démon ci, avec celle de Haeckel qui, il subit le lui, est sujet à la métempsychose tire du sort. Empédokie que nous méritons. de la métempsychose les mêmes préprincipe Ses pratiques que les Pythagoriciens. ceptes LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE 81 sont de la même famille que les dieux démons secondaires mais il qui peuplent l'atmosphère, croit à un vrai Dieu unique, plus grand que les divins éléments eux-mêmes c'est primordiaux le Tout, c'est la « grande sphère ». On voit mal il existe, comment d'après lui, une sorte de loi de justice car sa métempsychose physique dans un monde où la spiritualité de est cela entrevue. Dieu est encore si confusément Mais vivait-il son système, ou plutôt un système de Son livre des Purificacroyances orphiques? la seconde et permet tions favorise hypothèse un précurseur de Platon. de voir en lui aussi à son imagiD'ailleurs, grâce autant peut-être il est presque aussi sounation qu'à sa raison, les subjectivent précurseur qu'il est disciple les plus vistes d'une part et les spiritualistes de notre époque réalistes de l'autre, les chimistes du moyen âge, les évocomme les alchimistes dans la marche lutionnistes et ceux qui s'arrêtent vers l'unité, bref des esprits de temps régressive bien différentes tout et de tendances peuvent autant se réclamer de ce philosophe qui maniait de façon si naïve les axiomes simplistes pourtant était alors attachée. la dialectique auxquels Cela prouve à la fois pour et contre Empédokle. De tous les Antésocratiques, c'est à lui que l'on le moins bien à faire une réputation réussit précise. PHILOSOPHIE GRBCQUB 6 CHAPITRE VII Anaxagore. de C/~jo/~c/zc, né en 500, vint ~<y~o/~e au temps de Périkiés, briller à Athènes d'Eurien 428, Quand il mourut, pide et de Protagoras. Sokrate avait quarante ans, l'âge où Anaxagore était venu de cette Ionie où les Athéniens le une piété qui renvoyèrent pour avoir enseigné leur semblait touimpie. Il finit à Lampsaque, du vrai, qu'il paraît jours occupé à la recherche comme le principal devoir. Bien avoir regardée dont Archelaos fut le qu'il laissa des disciples, on peut dire que son école n'eut plus célèbre, et celle d'EmpéSa philosophie point d'avenir. dokle ont été les derniers effortsvraiment remardans la direcde la spéculation grecque quables car tion inaugurée par Thalès et Anaximandre est un penseur secondaire. Diogène d'Apollonie de leurs rivaux, la Avec eux, avec la plupart se trouve comme dans une impasse; philosophie elle et la science devront s'engapour avancer, ou même ger dans des voies assez différentes, rebrousser chemin quelque peu, sous peine de 84 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE redites ou dans dans verser d'insignifiantes subtilités. d'inutiles à la fois plus rigouAnaxagore, Cependant reux, métaphysicien qu'Empéplus profond dokle et moindre savant, a plus contribué que ce le trésor de la perennis philoà enrichir dernier intéressant à suivre que lui et il est sophia, plus chacun à sa madans la lutte qu ils engagent, anciennes ou récentes. nière, contre des opinions aux institutions attaché Aussi aristocratiques à la démocratie.un Empédokle que l'était indiffétrès noble et très désintéressé, caractère sociaux et matériels rent à tous les avantages il pouvait prétendre par sa naissance auxquels de sa tamille, il pratiqua la philoet la situation on exerce une fonction sa carsophie comme n'est pas sans ressemblance rière de philosophe Mais son ardeur est plus avec celle de Sokrate. et jamais il ne se départ de sa réserve. contenue, le premier il illustra en prose de Il écrivit un livre de sujet non mathématique. figures en particulier, II s'inspira fort d'Anaximandre; intime de tous les éléments, le mélange qui est de sa doctrine, fondamentale l'affirmation rap)) du grand et Milésien, pelle l' « indéterminé aient été {'on s'explique que leurs philosophies confondues leurs profondes aisément malgré Pour Anaximène, non seulement le différences. une grande conserve de sa Clazoménien partie de celui-ci, mais l'esprit bien que très science, de celui-là, le rappelle de l'air-âme différent par Mais combien est bien des traits. Anaxagore introduit puisqu'il plus près du spiritualisme, dans le mélange, du dehors, l'Esprit qui le vient LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE 85 et qu'il le distingue si soigneusedébrouiller, ment du reste des choses. A Pythagore, il ne doit presque rien. Comme les Eléates, il nie le vide comme eux il se avant tout de ne pas violer le principe préoccupe ni ne s'annihile; d'aprèslequeiriennenaîtderien et il est presqueaussi déduire, intrépide qu'euxà de ce principe, des conséquences étonnantes comme les Mais, attaché pour le sens commun. anciens à l'objectivité Ioniens des réalités sensibles et diverses, il s'efforce de concilier l'un et le multiplie d'un sans aux critiques prêter il veut être, en dépit de la difficulté, tout Zenon ensemble aussi réaliste et aussi logique que de sa philosoLes intentions possible. capitales si celles de l'Atomisme, phie sont en somme différent atoil aurait été peut-être pourtant miste s'il avait pu se décider à nier la réalité des sensibles. D'un autre côté, son Dieu apparences est très voisin de celui de Sokrate. Suivant une infiéternellement lui, il existe nité d'éléments doit leur variété immuables être pareille à celle des corps que nos sens, nous permetmais non mensongers, grossiers tent de distinguer. le corps tirerait-il, Comment du pain, de quoi entretenir le sang, la chair, les os, s'il n'y avait de tout cela dans le pain ? La donc aussi de le blé, contient terre, qui produit et dans l'or il y tout cela il y a de tout partout a seulement dans chose, plus d'or que d'autre la chair plus de chair, etc. Autrement, il existerait de véritables c'est-à-dire transformations, de vraies et de vraies morts, ce qui naissances est impossible dans l'ordre de la qualité comme 86 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE est Toute naissance dans celui de la quantité. de semblables et de dissemune agrégation Cette toute mort est désagrégation. blables, en oppositout d'abord doctrine peut sembler et la philosophie avec la science tion absolue ne sontet l'uniformité car l'unité modernes; elles pas au commencement ? Que l'on ne convers damne Leibnitz, pas trop vite Anaxagore une infinie à l'origine posait qui l'on revient, des sociologues et jusqu'à variété de monades, si la diversité se demandent, aujourd'hui, actuelle des êtres ne suppose pas une diversité ne poser au début qu'une initiale. D'ailleurs, et c'est le moins diversité en puissance, qu'on serait-ce même suffisant, faire, serait-ce puisse Avec une homogénéité absolue, intelligible? de l'hétérol'apparition pourrait-on expliquer d'un l'existence gène ? Mais une fois admise comment minimum initiale, d'hétérogénéité l'on ? En particulier, s'en tenir à ce minimum ne peut dire sans restrictions que l'Anaxagode notre chimie. Celle-ci risme soit le contraire a conscience sur des hypothèses de se fonder mais non en partie, seulement provisoires rien de encore essentiellement symboliques mais laissons tel chez Anaxagore, évidemment fait de la chimie, comme de côté la philosophie sa science. Ne peutle chimiste en construisant on interpréter la nouveauté des propriétés des de la nier la persistance combinaisons sans des éléments nature et des propriétés composants ? II suffit au chimiste, se rendre pour ce qui s'opère sous ses yeux, d'attriintelligible du combiné buertoutle nouveau objectivement, LA à la PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE 87 de conditions à réalisation qui permettent une fois associé à d'autres, atome, chaque ce qu'il ne pouvait en fait exécuter seul, d'opérer à notre faculté de sentir et, subjectivement, qui sous des formes d'une richesse traduit, pittomonotone resque infinie, les effets de l'activité du réel ambiant. Ceux qui de nos jours protoute chimique, un chifessent une physiologie misme et la croyance à un fond tout universel du chimique, doivent voir en Anaxamécanique un lointain Et qui doute de gore précurseur. un peu partout, de traces infiniment l'existence, ou qui sont divisibles petites de corps infiniment comme s'ils l'étaient? de son système, Quelle que soit la valeur de ceux qui est, parmi les primitifs, Anaxagore firent le plus pour mettre en lumière l'unité des lois du réel, pour concilier l'unité et la multipliet la raison. Mais ses idées sont cité, l'expérience et ses historiens très inégalement claires, y sont chose. On est peu d'accord sur ses pour quelque « /M/~6eo/ et il ne faut pas s'en étonner, « parties car ce mot, qui signifie simplement semblables », fut inventé par Aristote et employé Ce n'est pas d'une manière peu uniforme. que ce mot soit décidément on si 1 on mauvais peut, lui donner un ou même procède avec prudence, sens sans trahir nécessairement la penplusieurs En effet, disons-nous sée d'Anaxagore. du tout qu'il est Ao~ceo/re parce qu'il est composé d'autant de sortes d'éléments, et des mêmes, que chacune de ses parties ? Disons-nous des parties sont Ao/~OM/~ye~ parce qu'il y a dans qu'elles de sortes autant et les chacune d'éléments, 88 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE mêmes, que dans les autres Appliparties? ce terme à des masses comme celles quons-nous former suivant lui, l'air et durent d'abord, que 1 éther, en entendant il y que dans ces masses avait prédominance de l'air, ou de l'éther, sur les à ceux-ci, ou même en autres éléments mélangés entendant qu'il y avait, dans l'air, ce qui se trouvait aussi aans'I'éther et réciproquement ? Disons-nous la chair qui est en nous Ao/MOM~r~ dans le milieu et la chair qui est éparse d'où nous tirons notre nourriture? Nous pouvons dire tout cela mais puisqu'Anaxagore ne parla pas ne pourrions-nous oTAo~ûson~es, pas l'imiter et dire les mêmes choses en laissant ce terme ? Il y a plus de difficultés à résoudre une autre soulevée récemment. On s'est demandé question, si Aristote n'avait en pas faussé Anaxagore de parties de sang, de chair, etc. Il faut parlant avouer ennemi du vide, qu'un qu'un penseur sur l'infiniment maqui s'exprimait petit d'une nière qui est déjà la nôtre, continuiste, qu'un le Clazoménien, adne pouvait enfin, comme mettre l'existence de véritables Il est particules. donc assez naturel, de supposer semble-t-il, que le mélange dont il parle est un mélange, non de mais de qualités. Ce serait là sa petits corps, en face des Atomistes, et sa grande originalité du Platonisme et de part dans la préparation î'Aristotélisme. Mais on oublie bien des choses cette thèse d'abord quand on soutient qu'Arisde méprises tote, qui ne commet guère graves des doctrines de ses lorsqu'il expose l'essentiel en juge tout autrement; ensuite prédécesseurs, chez qui les éléments le qu'Anaxagore, portent LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE 89 de semences, et qui sans aucun doute nom toute existence concevait sur le type matériel, le vocane devait pas hésiter, reprenait lorsqu'il de ses maîtres bulaire ioniens réalilesquels le chaud, à consaient le sec, l'humide, etc., les principes comme sidérer des choses rigouil ne pouvait à. reusement matériels songer à ces termes un sens abstrait, ni se sentir donner à l'exfliarrêté par la difficulté de les appliquer tout à cation des corps, des corps qu'il conçoit fait comme le vulgaire. Et puis, il rend compte de tout par un déplacement des semences qu'il si l'interprétaserait difficile de se représenter tion traditionnelle était de tout point fautive. Le à l'avance une faudrait-il louer d'avoir favorisé comme celle d'Aristote, qui ne devait physique est si s'en douter, une physique point qu'il dont vit la malaisé au mécanisme d'ajuster à n'être plus l'anscience ? Perdrait-il beaucoup classe d'alchicêtre involontaire d'une certaine mistes î Le rapprocher de Kant en lui attribuant une physique des choses où toute la diversité en résiderait dans la différence d'intensité, fondades qualités chaque point de l'univers, mentales c'est un parti bien partout présentes, téméraire et qui va mal, d'ailleurs, avec celui d'Aristote. Mais il à le rapprocher qui consiste une philosophie récente, y a plus magnifique en dépit de ses paradoxes, nous a appris que, sans ni comme le monde composé regarder ni comme une combinaison de qualid'atomes à la tés abstraites, se représenter l'on peut des l'unité et la variété fois, harmonieusement, a conçu choses. Celui qui, comme Anaxagore, 90 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE n'a pas l'infiniment moderne, petit à la manière rien de l'idée de petits corps besoin de garder insécables qu'il y a de tout dans pour affirmer inutile de réduire tout, et il lui est également à ses yeux, les choses à des qualités abstraites se peuvent les corps sont de telle nature qu'ils leur mélange peut entre-pénétrer parfaitement absolue être d'une intimité qu'ils sont parce mais ils le sont indéfiindéfiniment divisibles infiniment niment non point parce qu'ils seraient ils le sont parce que, s'il n'y a aucune divisés infinie sur laraison de soutenir une division des Eléates, il y a quelle aurait prise la critique chose lieu de songer à tout autre qu'à une de division en n'importe quelle partie spatiale il y a place pour une si petite soit-elle, l'espace, de principes divers. infinité non, si Pourquoi l'insécable n'est point ? Ces principes peuvent être des matières, fort bien être étendus, puisque, la matière ne requiert d'une manière générale, d'insécables. Le mélange pas d'être composée dans l'infiniment ne serait pas plus impossible fini ou dans l'infinipetit que dans le sensible dans une hypothèse ment grand. C'est seulement intime serait imatomistique, que le mélange à partir d'un certain degré de petitesse, possible où il y a parallémais non dans une hypothèse de la granlisme parfait entre tous les degrés a ses deur. la doctrine Certes, d'Anaxagore en a d'autres, mais l'Atomisme non difficultés, et si la première moins irritantes à vrai dire des conduit à mettre en doute l'impénétrabilité récente corps, n'est-il point une physique qui fait de même, avec discrétion mais avec force, LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE 91 dont la commodité en face de l'Atomisme est si relative et qui sacrifie tout à la clarté de l'exposition scientifique. Ce n'est pas un principe de la raison avec la qui nous porte à identifier, maxima la facilité vérité, que peut offrir une il n'y a là qu'un théorie à l'activité intellectuelle vœu de l'entendement. un que pour Ajoutons de la subjectivité de l'espace et la partisan tout à fait la métascience, qui ne peut éliminer va jusqu'à cette afnrmation physique, métaphyles objections les plus troublantes sique que l'on dresserait contre l'Anaxagorisme interprété ici tomberaient comme nous faisons d'ellesmêmes. On a remarqué qu'Anaxagore, qui regardait le monde comme infini et avait conscience de la soulevées gravité des difficultés par les Eléates, l'existence du mouétait obligé, pour admettre de superposer à son vement et pour l'expliquer, un certain au dualisme, pluralisme d'opposer réel divers et passif un principe un et actif, ceci mouvant d'un infini, dit-on, cela; le mouvement même sans le Cela dépend est inconcevable. tout au moins des parties sevide,un mouvement De plus, rien ne forçait Anaxarait intelligible. de ses maîtres gore à dépasser l'Hylozoïsme Si donc il présente le « ~YbK~», l'Esprit, préférés. toute puissance, comme possédant toutescience, de la nécessité, comme autocomme différent nome, comme réglant tout, en face d'une matière c'est qu'il inventa le spirituainerte par nature, lisme pour les motifs qui font encore qu'il y a Ce n'est point là une exagérades spiritualistes. si le JVbï~ est encore une tion peu importe 92 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE la plus subtile et la plus substance matérielle, les anciens pourtant; pure, mais bien matérielîe d'une ne savaient pas encore être spiritualistes il leur suffisait manière plus conséquente d'en imaginer une partie la matière, d'épurer et mouvant l'autre comme fait une penanimant sée, une volonté consciente. de voir Anaxagore Il est curieux superposer le dynamisme spiritualiste plutôt que concilier de sa Est-ce suprême et le mécanisme. sagesse cet esprit, ? Avec qui part, ou négligence demeura très isolé et n'eut guère, pour le comde descendants immédiats et directs, menter, on ne sait jamais trop. Quoi qu'il en soit, son de révolution du mouvement Dieu, principe qui toute dissociation et toute agrégation, explique et toute transformation de tout arrangement avoir seuletout arrangement, parfois paraît l'activité du tout aussi ment déclanché parfois à le régir, continuer mais de loin il semble hasards c'est comme si d'heureux produisaient les conséquences fatales de la tout moyennant d'une loi unique loi du mouvement, pour les de la matière et pour ceux petits mouvements des grands corps. Malgré nous, il nous fait un tant il oublie, dès qu'il peu penser à Démokrite, arrive au détail des phénomènes, ce qui n'est et choc. On songe aussi à ce point mouvement de demander moderne qui se contentait penseur tout en à Dieu une chiquenaude pour mettre branle. On songe même à tel autre pour qui le monde réalisait de façon toute mécanique un voulu et dont le succès était plan initialement même dont la première assuré par la manière LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE 93 avait été donnée. On ne peut pourtant impulsion le Nous d'Anaxagore ne douter point que le guide constant de toute semble, quelquefois, la machine. Ne rendons point notre philosophe de plus clair et plus cohérent qu'il ne se soucie l'être. En somme, son Dieu est plus près du nôtre que celui d'EmpédokIe. Venant du dehors, un dehors tout relatif mouvoir la masse, non se mêlant à elle sans s'y fondre, lui prêtant, mais en maint de quoi point, pas partout, aux éléments âme inférieurs joindre quelque obscure comme celle de la plante ou de l'aniâmes encore de ce genre, peutmal, d'autres être, et nos âmes à nous, ce Dieu est dans une il n'est pas celui transcendant large mesure du panthéisme, mais ni même du panenthéisme, il est avec toutes choses d'une manière ou d'une et il est le grand du vague autre, organisateur chaos primitif. Des vues ingénieuses très d'une profondeur dont les unes se relient au fond de son inégale, et les autres à des système presque philosophies dAnaximène surtout, périmées déjà, à celle avec un certain nombre d'idées forment, plutôt son bagage scientifique. Il sut profiter bizarres, de connaissances et d'hypothèses courantes des phases de pour donner la théorie véritable la lune et des éclipses il reconnut que la lunedu soleil et professa reçoit sa lumière que la la force du mouvement de révolution empêche chute des corps célestes, et lumiincandescents neux ou obscurs il croyait la lune plus proche de la terre que le soleil, et celui-ci plus proche de nous que les étoiles la lune est pour lui très 94 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVA~T SOCRATE à la terre, semblable et habitée notre monde lui semblait n'être que l'un des mondes qui il disait ont apparu existent que les plantes avant les animaux, et que la génération asexuée il expliqua exactement les l'autre précéda crues du Nil. Mais pourquoi faisait-il encore la terre plate, sous prétexte l'air peut la qu'ainsi et concave sous prétexte soutenir, que le lever à mesure du soleil retarde que l'on va de l'orient à l'occident ? La compression de l'air rend mal compte du retour du soleil et de la lune vers les de vaet le dessein (chez le Nous?) tropiques rier les climats et les saisons mal l'inexplique clinaison de la terre. L'idée de l'élargissement constant de la sphère du mouvement et de l'orde l'univers sont de vaganisation progressive loin leur, ainsi que l'idée d'une force qui projette du centre des masses incandescentes. Mais poursont-elles plates ? Pourquoi quoi ces masses du mouvement fut-elle au septen1 origine trion ? On comprend mieux que le plus grave se soit d'abord concentré au milieu de la sphère. C'est accorder peu au soleil que de le dire un le Péloponèse, et il est peu plus grand que la voie tout à fait étrange lactée d'expliquer de la terre, tranchesur laquelle par l'ombre rait la lumière des étoiles dans la région du ciel des vivants à La naissance .où elle se projette. la suite d'une pluie de germes tombés de l'air ou des vapeurs et prospérant atmosphériques ici-bas grâce à la chaleur, est une théorie pour une moitié arbitraire, et banale l'autre pour moitié. La physiologie en contient d'Anaxagore d'autres du même genre, et qui vont mal avec LA. des vues PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE 95 comme celle-ci, toute la par exemple de l'homme vient de ce qu'il a des supériorité mains. Si cette affirmation cadre mal avec le du Clazoménien, elle s'harmonise spiritualisme du moins avec l'aspect mécaniste de son système. Pour sa psychologie, qui est trop objecelle contient idées intérestiviste, quelques les qualités sont perçues santes, dont celle-ci en nous par leurs contraires. voir là un Faut-il du rôle que la différenciation pressentiment joue dans la conscience ? Tout compte fait, Anaxagore montre à merveille à quel point la spéculation grecque primitive avait besoin de renouvellement. L'Ionisme ne pouvait à lui seul produire finalement mieux et, nous le verd'Anaxagore que la philosophie De son côté l'Eléatisme rons, celle de Démocrite. et le pur s'était fermé toute voie vers le progrès, ne prospérait Pythagorisme que grâce à sa souévolud'heureuses plesse, qui lui permettait tions. Que l'on ne s'étonne point outre mesure de la faillite momentanée de la spéculation antéaux autodidactes socratique pareils que nous encore observer pouvons parmi nous, ces vieux qui avaient trop peu de science, philosophes, étaient fatalement condamnés à ne plus développer, au bout d'un temps assez court, que de tiré eurent Une fois qu'ils pauvres paradoxes. immédiates des les conséquences les plus idées géniales lui en leurs qui avaient quelques leur rôle était fini. On ne peut aller intelligences, indéfiniment de l'avant quand on veut connaître le monde en le devinant et ils étaient à peu près réduits à le deviner. CHAPITRE Les Atomistes VIII Démokrite. Leukippe, On peut oublier Anaxagore, qu'Empédokle. Mélissos, Philolaos, Diogène d'Apollonie, et Démokrite furent Protagoras plus ou moins de Sokrate, car les plus âgés contemporains d'entre eux ne lui prirent aucune idée, et, de son à considérer côté, il ne crut pas devoir s'attarder le détail de leurs doctrines, faite, plus exception ou moins, pour celles de Protagoras et de quelles grands que nous ques Sophistes penseurs avons étudiés jusqu'ici, il ne les aperçoit guère Au contraire, il y a ces derniers. qu'à travers des réactions entre la plupart dés multiples dont il a été parlé vivantes, écoles, toujours allons plus loin, il existe une sorte de continuité entre les plus inconciliables des philosophies affirmations ou leurs qui s'y sont élaborées soit des affirmaou suscitent s'enchaînent, tions opposées, de vue qu'inssoit des points à des objections dont pire le souci d'échapper on a compris la force. à Sokrate en pleine apparut ériode critique POtLOSOPnTE 7 GRECQUE 1 :'r .I 98 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE celle des de la critique plutôt sceptique, existe alors une critique constructive Sophistes,il un certain celle et jusqu'à point syncrétique, de la première des derniers dogmatiques éposurtout que l'on sut que. C'est chez les Atomistes des idées qui s'étaient mettre à proiit le meilleur de cette école est grande, fait jour. L'originalité mais elle est dans des inventions qui permirent les plus précieux des enseignede conserver des Eléates et d'HérakIite. ments des Ioniens, né à Milet probablement, et dont la Leukippe, doit être très antérieure à 460, date de naissance son disciple, avait entendu celle de Démokrite, est sa création, ou à peu Zénon. L'Atomisme dans celle de son Son œuvre disparut près. dont on la distingue on a continuateur, mal; de l'existence à tort, semble-t-il, de douté, Il est de ceux dont la gloire n'égale Leukippe. et de ceux-là est aussi, toute pas la valeur Démokrite dont lui-même, gardée, proportion tout porte à penser que les travaux, très consimais auxquels les grandes dérables, philosonécessairement portèrent socratiques phies devaient avoir tous un extrême intérêt. ombre, La réputation grâce qu'il conserva, à l'Epicude lui en l'affaiblissant, risme qui s'inspira est, fort au-dessous même aujourd'hui, de ce qu'elle devrait être. il est d'autres AutésocraCertes, aussi tiques qui auraient mérité plus de disciples immédiats qu'ils n'en firent, et il y a dans l'Atomisme des lacunes à bien mais, déplorables des égards, Démokrite est l'un des ancêtres les des penseurs modernes. plus authentiques Il était originaire d'Abdère et il y mourut, côté LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE 99 centenaire. C'est là qu'il enseigna et peut-être ou écrivit, pas en Orient quand il ne voyageait sans cesse occupé à augmenter en Egypte, son et à éclaircirles savoir, qui fut encyclopédique, sur toutes notions choses. Nul qu'il acquérait de ces savants ancien ne fut si proche de la Renaissance que la science rendait philosophes en général aussi l'ont-ils vénéré, plus justes des philosophes envers lui que la plupart prodes autres Il paraissait fessionnels époques. à ses contemporains, assez étrange qu'il éloide ses principes, gnait de lui par la rigidité par de ses affirmations, le ton tranchant et que blessaient les dédains qu'il ne ménageait point à la foule. réserves Parménide avait faites, Si, toutes de la science et de la métainventé la distinction la retrouva Démocrite tandis mais, physique, ce que nous appelons rejetait que le premier le second science, rejeta ce que nous appelons Il est merveilleux de le voir, à métaphysique. n'hésiter cette époque reculée, point à expliquer toutes choses au moyen de mouvements causés, à l'infini, antérieurs. Pour par des mouvements cet illogisme se décider à commettre apparent, dans une doctrine qui en serait un, et manifeste, il fallait qu'il eût vraiment, des métaphysique, conditions du savoir une idée assez positif, à la nôtre, l'idée que ce savoir se doit pareille interdire toute allusion aux prerigoureusement miers commencements. sont aussi loin d'Anaet Démokrite Leukippe côtés qu'ils se rapprochent xagore par certains de lui par d'autres, si l'interprétation que nous 100 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVAXT SOCRATE de la doctrine de ce dernier est avons proposée des éléments est exacte. Pour eux, le nombre et immuables en quantité infini; ils sont éternels, mais rigoureusement en qualité, impénétrables et tous de même nature, séparés par des intervalles vides le grâce auxquels s'expliquent les différences de densité, de consismouvement, de toutes et l'origine les impressions tance, diverses que font sur nous les choses. Comment, la croissance des vivants sans le vide, expliquer et la possibilité de la pénétrapar la nutrition d'un volume tion, dans un vase plein de cendres, d'eau égal à leur masse ? Rien dans ces éléments du vide d'une manière ne les différencie qui n'étaient les proimagination; parle à notre à leurs proqui se joignent priétés mécaniques ils ressembleraient mathématiques, priétés tout à fait au non-être et les qui les encadre de son côté, joue un Mais ce non-être, sépare. dans la formation rôle tellement des important son néant, choses, par là, malgré qu'il acquiert comme une sorte de réalité. Présentés comme ils le sont chez les Atomistes, l'être et le nonse rapprocher, chacun de l'autre, être paraissent de la moitié de la distance presque qui les En dépit de sa croyance au vide, Démosépare. il évoque krite évoque la pensée de Descartes; aussi celle d'Anaximandre, tant son être est peu et celle d'Anaximêne et d'autres déterminé, la réalité encore qui furent si près de morceler Il n'est pas le premier en atomes. qui ait essayé d'éliminer de la théorie du monde toute idée de mais nul, sinon son maître Leutransmutation la kippe, n'avait encore si bien réussi à expliquer LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVA~TT SOCRATE 101 sans préjudice diversité, à l'expliquer pour cette tous unité leurs prédécesseurs que presque entendaient maintenir le but de même quand de recouen somme, avait été d'éviter ceux-ci, Anaxarir à cette diversité innnie~dont primitive de gore ne craignait pas de faire le principe sa doctrine. Suivant tout se produit Démokrite, tout se détruit par désagrégapar agrégation, différences de forme, de tion d'atomes; leurs de position, les différences d'ordre, grandeur, en construisent fortuites des édifices qu'ils les différences non moins fortuites s'agrégeant, à celles-ci, comme la réduction qui se joignent en masses à l'état ou l'existence pulvérulent les différences, ennn, des organes considérables, des états de ces organes, sur lesquels agissent de concevoir voilà de quoi permettre que des circonstances d'ordre géométrique purement donner lieu à des sensaet numérique puissent différentes. D'autre tions qualitativement part, à l'atome, le réel ne garde-t-il ramené pas et tous les autres attributs l'identité l'unité, que essentiels à l'être ? Au lieu Parménide jugeait de de nier le mouvement pour sauver la réalité à la nécesl'être et tout d'abord pour échapper l'être la pluralité à laquelle sité d'admettre il faut, suivant Démokrite, poser la répugnerait, cette et même le vide, afin d'expliquer pluralité être diversité et ce mouvement qui ne peuvent de déterencore besoin niés. Dés lors, qu'est-il comme miner la matière Hérakiite, première minima comme Empéd'admettre une diversité oridans une variété de tout confondre dokie, ginelle infinie avec AnaxagorePAvecl'Atomisme, 102 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE est achevé, est rectifié, l'Ionisme l'Eléatisme sont dépassés, et l'AnaxaHérakiite, Empédokie devient en partie inutile. Le principe gorisme de tous ces progrès, c'est l'emprunt tait aux de leur vide dont on a fait un vrai Pythagoriciens de leur point mathémavide, et la conversion tique en un être nettement physique. l'idée d'un insécable ne nous Sans doute, satisfait celle d'une petitesse pas complètement absolue et pourtant non infiniment petite nous nous pensons volontiers inquiète qu'il y a plus dans le fond des choses que n'en de richesse et nous avons peu de goût Démokrite suppose pour le vide, etc. Mais nous prenons cependant notre parti des défauts de l'Atomisme, qui nous rend des services incomparables aujourd'hui encore. Nous passons sur ses difficultés sans à notre croyance à la symboliremords, grâce cité de la vérité scientifique. La science, penla réalité de l'espace, sons-nous, suppose qui moins n'est guère du non-être synonyme que vide, et guère moins étonnant l'antique que lui si on le remplit car il n'est pas l'éther d'éther, la science exige la réalité du temps, du même et peut-être une posimouvement, requiert-elie tivité de la notion d'infini que ne postule point la de la mathématique, pratique mais que postule la de cette pratique en tout cas, elle philosophie insécables comme les derexige des particules nier éléments du D~ Lebon, que cet éminent savant dématérialise au reste beaucoup plus Mais peu nous importe qu'il n'est nécessaire. nie en tout ou en partie l'obque la philosophie de ces notions, car la divisibilité absojectivité LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE 103 lue de l'espace, est aussi indiffépar exemple, rente à celui qui croit l'espace subjectif, qu'à celui qui, comme Démokrite, tient l'atome pour une réalité physique absolue et non plus, ainsi les Pythagoriciens, que faisaient pour une réalité d'essence nous nous consomathématique l'exislons de ne poser qu'en métaphysiciens diverses et complètetence de réalités infiniment ment individualisées,en songeant que l'Atomisme n'est que d'un emploi et scientifique nous maintenons ferme que, pour la science, les éléments derniers doivent avoir même qualité, d'une liste de corps rénumération simples relai dans la marche de l'esprit n'étant qu'un vers la cosmologie définitive. La phénoménale science n'est, semble-t-il, applique la logique de phénomènes assez quée à une systématisation et propre à nous de les commode permettre une systématisation, dont la prévoir, cependant à celle de la métaphyvérité doit être parallèle si nous voyions que nous construirions sique en eux-mêmes les événements que notre menest talité traduit en phénomènes. Cette vérité elle n'est que cela, mais elle n'est que cela; elle est cela. On le voit, en le cela, mais l'essentiel de Démokrite nous transposant, du encore. Il eut à demi conscience convient positivisme qui était en lui. Traité comme pur il est nôtre. Et, en parlant ainsi, l'on ne savant, ne nie point que la physique mathématique en un sens vers l'idéalisme mais il conduise n'autoserait étonnant qu'un savoir symbolique autant avec presque risât qu'une philosophie de facilité la science favorise un usage0 matérialiste de ses résultats. 104 L~ PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE et qualitative des éléConstance quantitative tels sont les principes merits, causalité rigide, la physique avec cet atomistique, qui dominent doivent moins évident, autre, que les atomes non seulement être d'une forme très diverse, de leur pour que la variété infinie des résultats mais aussi rencontre parce que, s'explique, il n'y a pas de raison nous dit déjà Leukippe, tous. Il y a quelque pour qu'ils se ressemblent du matériachose qui fait prévoir l'étroitesse lisme vulgaire tous, dans que nous connaissons avec lequel le parti louable, cependant pris, de toutes choses l'école rend compte par ces le vide et le mouvement. les atomes, principes, ne se Ce mouvement, sans lequel le Kosmos formerait dont le pas, crée à l'infini des mondes nôtre n'est pas le centre et dont les apogées, au gré de la infiniment se suivent diverses, et désunit au hasard, nécessité qui rassemble et dans le vide, les éléments pleins, compacts Comment impénétrables. s'explique-t-il ? Par le choc. Et le choc ? Par un mouvement antérieur. Et il en fut ainsi toujours. Si cette éternelle alternance nous trouble, en nous Démo~rite, le mouvement comme inhérent à la présentant matière même, que pasqui serait active autant étonner un sive, nous offre un moven de nous cette vue est d'ailleurs aussi mopeu moins derne que l'interdiction de s'interroger sur les La porte n'est commencements. pas premiers absolument fermée au dynamisme, dans la doctrine de Démokrite ionien ne s'anl'Hylozoïsme nule pas en lui jusqu'à la dernière trace. Mais un retour à quelque chose d'analogue ne s'est-il pas LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE 105 de nos jours au sein même du mécaproduit nul ne songe à abjurer tout à fait ? nisme,que Grâce au mouvement il se joint, aux qualités des choses; une qualité premières qui, pour résulte de l'une de celles-ci la Démokrite, contient la raison de la pesanteur. Les grandeur l'on devait tard qualités que appeler plus « secondes » sont déjà subjectives à ses yeux. Quel génie ne fallait-il point, pour songer à déduire la pesanteur, au lieu de précéder Epicure en faisant comme il eût été si naturel, d'elle, une qualité fondamentale de la matière Quelle satisfaction ce serait, pour la science moderne, si elle pouvait ainsi qu'elle le souhaite, déduire, la qualité faute de mieux, enferque Newton, mait encore dans la masse sous le nom d'attracd'une vertu tion, à la manière scolastique Ajoutons pourtant que sinon chez Démokrite, du moins chez ses disciples, la pesanteur fut conformément à l'opinion vulconçue plus gaire. Tout se passera comme si l'amécaniquement mitié d'Empédokle ou plutôt son attraction agissaient dans le monde de même que dans les tourbillons de vent que nous pouvons voir, ou il vouîu du vanneur, par suite du mouvement dans le grand tourbillon mondial s'opérera, de résultant des mouvements qui se heurtent des éléments flanc, une ségrégation qui se resLes atomes se grouperont semblent. d'après de taille et de figure d'où leurs ressemblances toutes les choses de composition plus ou moins Démokrite homogène que nous rencontrons. la différence des temps et donc, malgré évoque 106 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE des doctrines, la pensée de Spencer; leurs évolutionnismes sont parents. Il est incontestable bizarres que les formes des atomes de Démokrite, avec les ornements d'uqui déterminent par avance leurs chances nion avec d'autres, et leurs crochets qui symbolisent de trop loin ce que nous nommons affinidans le parti pris général, si peu tés, détonnent de l'Atomisme. Il est certes ingénieux puéril, 'd'expliquer que le fer soit plus dur que le plomb en alléguant plus lourd, pourtant que le vide, moindre dans est moins celui-ci, également dans celui-là; l'acide réparti d'expliquer par le doux par la rondes angles petits et subtils, le blanc par le deur d'atomes pas trop petits, et les deux autres lisse, le noir par le raboteux, le rouge couleurs et le vert, fondamentales, mais il est par d'autres qualités géométriques clair que ces vues sont sans valeur. Observons ses parties notre obscures, cependant qu'en dans ses hypothèses auxiliaicherche, physique res qui souvent méritent de se démoder prompde quoi achever de construire des théotement, ries dont le fond est sûr et que l'on veut à cause de cela formuler sans plus attendre. Et puis, ce n'est pas peu de chose que d'avoir enainsi que fit Démokrite, la théorie des trevu, et successives. synthèses graduées Dans un tel monde, un Dieu est inutile, mais des dieux sont possibles, des dieux mortels de vivre, en des régions qui permettent auxquels les mêmes lois nécessaires s'y prêtent, qui favorisent l'existence des êtres vivants dans tous les astres où il y a l'eau et les autres choses LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVAXT SOCRATE 107 à la vie. Démokrite nécessaires même pense à interroger que la divination, qui consiste des êtres plus durables et plus savants que nous, n'est pas absurde, mais c'en est fait avec lui de cet animisme que nous avons vu survivre encore dans des philosophies comme celles Quant aux dieux de la foule, il d'Empédokle. accuse avec la peur, précisément l'animisme, de les avoir créés. Les organismes sont sortis de la boue après le temps où la terre est entrée dans la période de son tourbillon; de repos au centre ils sont autres dans les autres probablement mondes, qu'il est insensé de croire déserts. En chacun de ces organismes, il y a une âme dans elle est tout à la fois ce qui meut le l'homme, cette âme est de l'air aux corps et ce qui pense atomes ronds et lisses, très mobiles, qui entrent en nous par la respiration, se vont loger dans les intervalles des particules qui composent notre et sortent de nous nous corps, quand chassons au dehors; notre souffle le pendant nous en possédons et quand sommeil, moins il n'en reste plus, c'est la mort. Ils se concentrent surtout dans le cerveau, qui pense grâce à leur mélange avec sa matière, dans le cœur qui dans le foie siège du désir. C'est l'état s'émeut, du mélange des éléments constitutifs de nos de ce que l'âme réussit ou organes qui décide mais étrange échoue à y faire; doctrine profonde, en son inachèvement et qui, telle qu'elle est, assez vitale et explique peu de notre activité La totalité des éléments mentaux pensante. n'est qu'une elle n'est aucunement disomme, 108 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE unité. vine, et il n'y a pas en nous de véritable démocritéenne de la perception a La théorie été esquissée en partie; ainsi que celle de la vie, elle est à demi géniale, à demi bizarre, grosse de préjugés et de vérités positives grossiers précieuses. Des objets, il se détacherait comme des de faible qui pénétreempreintes épaisseur, raient en nous par les yeux, d'où la perception visuelle sur qui est un choc de ces empreintes l'élément âme qui est en nous, ou l'emprisonnement même de ces empreintes par notre substance percevante tout ce qui se voit existe donc; la meilleure preuve qu'il y a des dieux, dans un tel système, c'est que l'on en rêve. Toutes les autres sortes de perceptions seraient aussi, par l'intermédiaire de leurs organes comme propres, un toucher, un toucher différent suivant les atomes qui arrivent vers eux et selon ceux qui les atomes d'âmes ces organes composent qui se pressent en certaines du corps font parties celles-ci sensibles. la perception C'est pourquoi ne révèle rien de proprement elle n'apobjectif connaissance obscure dont prend qu'elle-même, la vanité est manifestée des par les différences sensations suivant les êtres, les âges, l'état de la sur lar foi Ce qu'on dit des choses santé, etc. des sens n'est que l'opinion ce d'une majorité n'est que convention. Rien de spiritualiste, chez dans l'attribution de la connaissance Démokrite, à la raison la raison, c'est' le cerveau légitime avec le plus sûr des jugeant bien par analogie données des sens, grâce à l'absence d'un excès ce d'humidité et à une température convenable n'est rien de plus. LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE 109 Il est très regrettable si que nous possédions sur l'ouvrage où Démopeu de renseignements krite conseillait le philosophe dans la recherche du vrai; il y exposait sa méthode, que deux et rairésument suivre l'expérience, préceptes la seule idée sonner avec elle; par analogie d'écrire sur ce sujet est plus remarquable que tels des résultats de la méthode démocritéenne. d'ailleurs le subjectivisme La grande prudence, de Démodéré, l'empirisme plutôt matérialiste mokrite l'ont fait accuser à tort de scepticisme. et Hérakiite, mais bien Ainsi que Pythagore il est préoccupé de l'homme, spéplus qu'eux, cialement de l'homme moral. Il est hédoniste, c'était fatal mais il l'est en sage, en intellectuel et optimiste. Le bien, pour lui, fin, distingué c'est le bonheur, mais celui qui peut agréer au amant du vrai, prudent, sans préphilosophe à chercher en soi une habile jugés grossiers, à qui connaît la satisfaction accessible toujours habile à modérer nature et se connaît lui-même, et tous ses désirs, à choisir les biens certains vertueux durables, par intérêt sans doute, mais sachant l'intérêt coïndans quelle large mesure veut cide avec ce qu'on nomme vertu. Héraklite non par toujours qu'on agisse par réflexion, A certains moments, peur ou par entraînement. littéraire il dépasse la morale plutôt beaucoup et assez banale la sienne, qui est d'ordinaire la tente il appelle le corps quand par exemple une de l'âme, ou qu'il reconnaît à l'intention il valeur plus grande Mais quand qu'à l'action. déconseille le mariage à cause des tracas qu'il ou qu'il prélude à un cosmopolitisme amène, 110 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE plus commode il montre que généreux, bien de son éthique, à quoi cela est que le niveau n'est pas très élevé. conforme, II eut des mais parmi eux il faut disciples, des Sophistes. Le meilleur compter de ses doctrines ne fructifia Il en passa que médiocrement. chose chez Platon, cependant quelque Aristote etles Stoïciens,mais bien moins que d'HérakIite. Et il fit la fortune du pauvre Epicurisme. Malgré toute la valeur des dernières philosophies que nous venons il était temps d'examiner, que se les Sophistes, l'esprit grec renouvelât; quelmal que qu'on puisse penser d'eux, venaient à leur heure. CHAPITRE Les Sophistes IX Protagoras, Prodikos, Si tous les Sophistes ques et des jongleurs Gorgias, Hippias. été des sceptiavaient des utilitaires d'idées, il serait avides de gain et d'applaudissements, d'eux brièveplus aisé qu'il ne l'est de parler et très ment, car très pauvre serait leur pensée, l'histoire de la Sophistique.Mais monotone il n'en il résulte de la revision, est pas ainsi, comme de leur procès. assez récente, Le jour viendra à parler d'eux en bloc, bientôt où l'on hésitera à employer leurs doctrines un pour désigner comme s'ils avaient formé vocable une unique, école. Il n'y a pas de Sophistes comme il y a des ce mot ne devrait désigner, à peu près, Eléates des C'étaient par eux exercée. que la profession d'un savoir en général fort vaste bien professeurs aux jeusuperficiel, qui enseignaient qu'assez et rhétorique, nes gens philosophie archéologie et stratégie et économique, avec une politique ils étaient aussi conférenciers, égale virtuosité des cités et des chefs des cités, parconseillers 112 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE et même estimés jusque dans fois fort honnêtes, diseurs où les beaux n'obtenaient cette Sparte crédit. Nulle part, à la grand pas d'ordinaire vérité, on ne jugeait très honorable qu'ils tissent payer leurs leçons, mais on sentait qu'ils étaient et pour compléter fort l'éducation, nécessaires, sommaire, alors, et pour que l'état dispensait dont les seuls proaccroître la culture générale, étaient ces hommes moteurs à l'horipossibles zon souvent et plus étendu que les philosophes à de plus grands auditoires. Leur qui parlaient ses excès liberté à plaisait jusqu'en d'esprit de beau des générations affinées, passionnées à l'égard frondeuses des traditions, langage, de points de vue neufs et d'inventions curieuses en tout genre, mais spécialement ingénieuses et ce de toute théorie ayant pour objet l'homme En somme, ils appaquand qui le concerne. vers le milieu du v" siècle, les Sophistes rurent, trouvèrent une société faite pour eux et où leur place était marquée. en général, surtout au début, des Ils sortaient c'est pourquoi la Sophisécoles de philosophie qui ne dura guère plus d'un tique honorable, fut celle du commencement. Mais demi-siècle, il y eut des Sophistes jusqu'à la fin des temps des hommes de conditions fort antiques; diverses et de presque toutes tendances se ratà travers tachèrent à eux. Si nous les considérons les œuvres de Platon et d'Aristote, ils apparaisle sent tels que se les représente aujourd'hui des sceptiques comme et des dispuvulgaire, vains jusque teurs fallacieux, dans leur ajustement et malhonnêtes par principes, prouvant LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE 113 avec une égale ardeur, une même chaleur communicative, le pour et le contre. C'est à peu près cela qu'ils devinrent en effet, mais non pas d'une si générale manière ne que le nom de Sophiste encore Sokrate comme pût, longtemps après avant lui, être appliqué a des sages, à des phià des hommes habiles losophes authentiques, en des domaines divers et aussi dignes d'estime que pour leur savoir. Ils ont, pour leur moralité hélas poussé à l'abus de la subtilité dialectique en ont favorisé le légitime autant usage, qu'ils et démoralisé autant qu'ils les leurs concitoyens ont portés à réfléchir sur les choses morales ils ont contribué à la diffusion du scepticisme, du scepticisme en particulier autant religieux à la création de la logique, de que préludé la critique de la connaissance et de l'exégèse de bon aloi ils ont travaillé à l'énecvement ont été de la langue autant qu'ils grecque bons et utiles philologues grammairiens les esprits à se ils ont peut-être plus encouragé contenter de traiter avec brio de toutes choses le n'ont dans l'âme grecque qu'ils développé culture mais, universelle; pareils goût d'une aux penseurs de notre xviir" siècle et de l'Aufallemande, ils ont été ceux sans lesquels /~rM/~ bien des progrés ne se seraient pas produits. Le meilleur de leurs idées leur vint primitivement de leurs amis ou de leurs maîtres philoou encore de ces penseurs, si nombreux sophes, au v~ siècle, que l'histoire n'a point sacrés phide n'ont élaboré losophes parce pas qu'ils sur mais dont la sagacité s'exerça systèmes, tant de points de morale, de politique, d'histoire, PHILOSOPHIE GRECQUE 8 114 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE de médecine ou d'autres sciences soit théoriIls se sont eux-mêmes quès, soit pratiques. souvent à des recherches adonnés scientifiques. S'ils se gâtèrent au point que l'on sait, il est en partie leurs clients, juste d'en accuser qui leur demandaient de les débarrasser de scrude les munir de recettes pules gênants, pour réussir en toute occasion à la tribune et ailleurs. On voulait fussent des professeurs de qu'ils et ils se prêtèrent à documenter les arrisuccès, vistes. N'étaient-ils pas, dès le temps des siciliens Korax et Tisias, des maîtres d'éloquence ? fut leur déchéance, dont le cours se Rapide dissimula assez sous une longtemps vogue croissante, avant que leur nom devint une injure. entre Gorgias et Quel écart entre Protagoras, eux-mêmes et surtout Prodikos d'une Hippias part, et de l'autre Polos, Thrasymaque, Euthyetc. ? dème, Kallikiés, Dionysodoros, On a dit justement fut le que la Sophistique de la subjectivité, de l'individualisme triomphe intellectuel et moral mais les premiers moments de la dissolution furent féconds pour la rénovation Cette rénovation, qui s'imposait. c'est vraiment et les Sokrate qui l'accomplit, avec.. de Sophistes, qu'il méprisait pêle-mêle vrais philosophes, encore notaappartiennent blement au passé. l'un des Sophistes Sokrate, leur ennemi, c'est l'avenir et tous les quoique les germes dogmatiques antérieurs, malgré féconds qu'ils ont semés mais qui vont dormir un temps plus ou moins long, sont bien le passé. Sans doute, les Sophistes aidé ont puissamment à modifier mais de la philosophie, l'orientation LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE 115 dans leurs plus incontesque de survivances nouveautés Les ruines tables firent, qu'ils sont plus considéraruines parfois heureuses, très puériles bles que leurs inventions, parfois Il importe de ne pas oublier que et regrettables. d'entre eux furent les plus célèbres contempode la première rains des derniers philosophes et qu'ils fleurirent époque et ceux de Sokrate, d'Athènes le Pryau temps où la civilisation comme dit Hippias tanée de Sagesse, atteignit son apogée. I. Protagoras. La mémoire de l'abdéritain Protagoras, qui naquit en 481 et périt dans un en fuyant, l'an 441, la ville qui le naufrage ne connaîtra condamnait pour cause d'impiété, en dépit de toutes les réhabilitations, jamais, une gloire pareille à celle qui entouraità Athènes et magnifique ami des Périkiès et des l'éloquent Du législateur de Thurii, de l'invenEuripide. si bien accueilli teur du coussin par les portede l'auteur de tant d'ouvrages faix d'Athènes, la correction sur la grammaire, du langage, la des métiers, des états, l'organisation technique des hommes et la justice pénale, sur la conduite la vertu, l'être, la vérité, etc., il ne nous reste rien. Mais si l'on ne peut par là même presque toutes le défendre contre les légendes qui le il est assez manifeste, déprécient, cependant, ce qui n'autorise au qu'il fut calomnié point, reste, à forger un Protagorisme irréprochable, et cohérent, comme l'ont tenté plusieurs profond historiens récents. 116 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE individuel Platon, l'homme était, pour de toutes la mesure cette choses; Protagoras, fort bien en un sens non qui s'entend opinion, semble ainsi, pouvoir s'interpréter sceptique, étant donné du l'agnosticisme métaphysique rien d'autre nous ne percevons sophiste que réalité l'effet composé d'une insaisissable et de telle qu'elle est anëctée, au monotre nature l'état de la ment où nous percevons, par l'âge, les circonstances et toutes infiniment santé nous trouvons. Voilà où nous variables qui là de scepticisme, est clair, et il n'y a point toute perception est vraie pour qui puisque la fameuse de Protagoras. admet proposition Il ne faut pas, sous prétexte que le sensualisme Démokrite insiste de son contemporain plutôt de l'homme sur la nature comme envisagé ou bien sous prétexte qu'il n'y a rien de espèce, de Platon dans tel livre pareil à l'interprétation d'inspiration anonyme qui semble protagoriavec le commentaire traditioncienne, rompre de la phrase en nel, récemment perfectionné, sans difficultés elle s'explique dans le question et un démocritéen sens ici indiqué, pouvait l'apen partie tout aussi bien qu'un disciple prouver dont Protagoras était lui-même de cet Héraklite l'élève. Seul un Eléate s'en pouvait scandaliser, bien qu'en somme pour lui comme pour notre il n'y eût que le réel de perceptible sophiste vraiment. Certes, si la réalité en soiestelle-même n'ont plus d'attache nos perceptions changeante, avec quoi que ce soit de fixe mais ce alors, courant n'est pas vers le sensualisme que tence serait drait l'opinion de Protagoras, plutôt Suivant LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE 117 vers le Scepticisme; car, du phénoménisme pur, il ne saurait exister à cette époque la moindre trace. Mais Protagoras pas les n'approfondit de son relativisme conséquences prenons-le donc comme il nous le donne il suffit à la gloire si on de son auteur. On exagérerait son mérite « vérité lui attribuait l'idée nette d'une certaine » dont il est parlé chez les Positivistes humaine ou chez les Kantiens et il est curieux modernes, avec les de voir ceux qui le veulent confondre sensualistes le tirer en même temps ordinaires, vers Kant plus que ne font les historiens que nous approuvons. On doit avouer pourtant que en fait oublier bien souvent Protagoras parait a de spécial, de strictece que son sensualisme tement mais quoi n'est-il individualiste; pas tout pareil à un rationaliste, aussi, très souvent, à un dogmatique vouloir ? Pourquoi qu'il ait été tout d'une pièce ? Ce n'est pas qu'il ait, lui, de prouver le pour et le contre fait profession sur un même sujet il ne s'est pas amusé à faire miroiter des sophismes mais il eut assez de la complexité des pour apercevoir sagacité et la force qui se posent à l'homme, problèmes être dressés des arguments qui peuvent pour et une même le lui reprocheronscontre thèse; nous ? Rien ne prouve qu'il soit allé plus loin rien ne prouve, en particulier, qu'il ait pratiqué la rhétorique autrement que comme un art de il mérite fortifier le parti le plus faible quand d'être le plus fort. Il eut, semble-t-il, à un haut degré, le goût de à la mesure s'il déclare qu'on ne peut arriver bien traiter des dieux, c est prudence de sa part 118 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE et non s'il est agnostique en point athéisme; c'est qu'il ne rencontre rien d'abmétaphysique, solu parmi tout ce qu'il perçoit; il ne pense rien sur les choses qu'il ne voit pas. pour la même raison qu'il ne nie rien de ce qu'il voit ou même de ce que voient les autres sans qu'il le voie luimême. C'est là sa façon d'être sage. Il est téméraire de le représenter, une réflexion de Gœthe comme une sorte de pragmatiste affiraidant, mant ce qu'il est utile d'affirmer et cela seul. et N'enseigna-t-il pas la sagesse domestique la modération et la justice ? Et déclarer civique, n'est pas un bien, est-ce d'un que tout plaisir ? Faire dépendre le bien de l'opur sensualiste pinion est parler, il est vrai, de façon équivoque mais il n'y a point d'équivoque à préconiser, il fit, le bien qui dure. Là et ailleurs, comme est aussi du Protagoras éloigné que possible radical. On oublie trop, à son sujet, subjectivisme existe un dogmatisme très conciliable qu'il avec un subjectivisme très avancé déjà, et qu'un philosophe peut être encore beaucoup plus négateur en métaphysique que ne le fut notre philoen d'autres sophe, sans être pour cela sceptique domaines. Et l'on peut tenir, comme lui, le lande conventions, sans gage pour un ensemble être sceptique en morale ou nihiliste ou même en science. On peut, surtout, être incohérent de race quand on n'est pas plus un philosophe Au reste, est que ce Sophiste. quel philosophe sans contradictions ? II. Gorgias. est l'encombrante Combien moins sympathique du sicilien Gorpersonnalité LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE 119 en 427 sa patrie, gias, que Léontini, envoya demander du secours à Athènes contre Syracuse dont il jouit longImmense fut sa gloire, être centenaire il temps, car il devait quand mourut à Larissa, vers 375, retiré en Thessalie, des affaires faite. Ce contempofortune après rain de Protagoras, d'une d'athlète, vigueur savant et artificiel, prosateur qui se mêla de fut essentiellement un tout, même d'optique, amoral. Toute la Grèce professeur d'éloquence courut à ses discours, à ses oraià ses éloges, sons funèbres, les jeunes gens et il éblouissait de sagesse, en des leçons qui lui demandaient à un vague Empédoclisme des paraajoutant doxes imités plus encore qu'inspirés des Eléates. On doit louer ses efforts pour promouvoir des Hellènes, l'union et l'on ne peut contester sur un certain qu'il émit des idées ingénieuses nombre de sujets; mais sur quoi se fonder pour réhabiliter l'homme qui fit de la justice et de la comme dit Platon, des empirismes rhétorique, au métier du flatteur et à celui du comparables et pour qui la fin de l'éloquence était cuisinier, le succès de l'orateur? Comment uniquement voir un défenseur de la science prudemment attentive à suivre l'expérience et à ne la point au nom duquel est dans le Sophiste dépasser, attachée des plus l'invention de trois arguments car dire que faibles? Rien n'existe, disait-il, le non-être réel par là n'est pas, c'est le poser même qu'on en dit quelque voilà donc chose le non-être assimilé à l'être, et l'être qui s'abîme, en même temps, De plus, si dans le non-être de l'être ni du l'être était, il ne pourrait naître 120 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVA~T SOCRATE il ne pourrait non plus être éternel, car néant il faudrait et l'infini ne saurait qu'il fût infini, chose. Il ajoutait être ni en soi ni en autre car inconnaissable, que si l'être était, il serait si l'être était connu, il le serait par une pensée dont l'objet serait tout entier réel, de sorte que tout ce que l'on pense d'impossible, d'absurde, une course de chars sur la comme par exemple Il allait plus loin encore. Si mer, serait réel. la science n'en l'être était connaissable, disait-il, être communiquée, car qu'y a-t-il de pourrait commun entre les mots, qui ne sont que des Et comsons, et les choses qu'ils désignent? ment une même chose serait-elle pensée par différents ? il y a deux individus Pourtant, et de sottise que de perversité plus de vanité en chez encore mieux, Gorgias, qui valait somme, que ses théories. Trop de complaisance et trop de goût pour pour un art où il excellait la gloriole, voilà ses défauts de fond. On ne peut bien la plupart défendre aussi de ses imitateurs. III. Prodikos de Keos et Hippias d'Elis sont de jeunes contemporains de Protagoras et de Le premier mérita l'estime de Sokrate Gorgias. il conseillait l'effort et Hérakiés était son héros. Il était utilitariste, sans doute, et pessimiste, mais ce fut un éloquent de vertu il prédicateur enseignait que la mort n'est point à craindre tant que l'on vit, et qu'elle n'est rien pour ceux mais tant s'en faut qu'il n'ait qu'elle a frappés fait autre chose que d'imaginer des raisonne- LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE 121 sur Il laissa des travaux ments aussi artificiels. des mythes, sur le langage, qu'il l'origine et naturel à l'homme par l'animisme expliquait les inventeurs. à diviniser par sa tendance eu mauvaise n'eussent Jamais les Sophistes de s'ils avaient beaucoup compté réputation Prodikos. On n'en peut dire tout à fait autant de la diversité des que le spectacle d'Hippias, hude la nature et l'observation législations à ne voir dans les maine en général con'iuisirent les hommes lois que des moyens d'opprimer elles lui semblent une violence faite à la nature. à ceril reconnaît une valeur absolue Cependant tains préceptes croire aussi qu'il se peut-on sur n'était sceptique défiait plus des codes qu'il le fond de la morale. de ses travaux L ensemble les alors connues, embrassait toutes les sciences et il les plus anciennes, plus jeunes comme excellait en tout genre de littérature. Bref, il fut du type l'un des plus brillants parmi les sages nouveau. dans la Tout ce qu'il y avait de dissolvant vite ses fruits. doctrine des Sophistes porta les défauts Platon ne paraît pas avoir exagéré ni le cynisme de Polos, l'assistant de Gorgias, de Kalliklès de l'antiquité. qui est le Nietzche les Euthydème, les DionysoLes Thrasimaque, à la et tant d'autres mettent doros, les Kritias mode le scepticisme, plus que cela, la négation de ou ironique de toute vérité morale, audacieuse Tout ce qu'ils ramastoute croyance religieuse. ou sent de science, tout ce qu'ils ont d'esprit ils l'emploient à faire la critique d'éloquence, de ce qui était vénéré, de la nature, l'apologie ~22 LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE et du succès. L'érudition, d'un très grand nombre assure l'ingéniosité leur crédit, et on leur pardonne de n'avoir aucun amusent et même instruipréjugé parce qu'ils des médecins, des sent. A côté d'eux travaillent des polygraphes. collahistoriens, Les Sophistes borentavec les uns etles autrespour esquisser les linéaments de savoirs tout nouveaux premiers et dont la liste est encore, à peu prés, celle des les philosophes sciences cultivons; que nous sont de moins en moins seuls à régir la cité des ils y gardent esprits; la première place, mais ils ont de plus en plus de rivaux. On composerait, malgré tout, un recueil assez avec les pensées de valeur ajoutées considérable à celles des philosophes par les Sophistes prodits. C'est Alkidamas prement qui proclamait ne naît esclave. Antiphon parla que nul homme dans des termes dignes de Platon de l'éducation et d'Aristote. avait affirmé l'égalité des Hippias Si l'on rassemblait hommes. sous le nom de tout ce qu'il y a d'idées philosophie générales chez les Sophistes, les philosophes, les écrivains et les législateurs littéraires de la période qui nnità on ne trouverait Sokrate, peut-être pas une conception moderne qui n'ait été au moins et si, en même temps, l'on se alors; pressentie décidait à considérer Fœuvre de ce des savants soutemps comme beaucoup plus scientifique, on aùrait enfin, vent, qu'elle n'est philosophique, intelde la période antésocratique de l'évolution des Grecs, une idée à peu près exacte. lectuelle Nous possédons assez dedocuments aujourd'hui les erreurs les plus grospour savoir rectifier de l'amoralisme LA sières PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE 123 de l'histoire traditionnelle de la philosoet cependant les plus inaccepphie ancienne tables des vieilles à continuent interprétations déshonorer nombre de manuels destinés à la nous satisfaits serions si, dans les jeunesse; limites notre que nous imposaient sujet et le format de ce petit livre, nous avions pu contribuer à affaiblir dans le grand public quelquesuns des préjugés nous que déjà n'ont plus, les historiens conserl'espérons, qui les semblent ver. Il ne faut pas écrire, à l'usage des autres, tout autrement qu'on ne pense pour son propre de vulgarisables compte. N'y a-t-il que les points de vue inexacts ? NOTE BIBLIOGRAPHIQUE ici de donner des renseignements point s'agit mais ceux qui suivent suffiront à qui voudra complets, un sujet en amateur sérieux susceptible approfondir encore bien des générations de savants. En d'occuper lieu, il faut lire les Fragmenta philosophorum premier et édités par Mullach, vol. I, Didot, Paris, croscorMnt, et Preller, r~ZM~OT'MjoMoso~M? ~o?ea~ par Ritter Il est tout de Gotha. aussi indispensable Perthes, Berlin. On consulter les Dozographi ~r<a?e!, par Diels, à négliger de seconde mal des ouvrages serait fondé le Grundriss der Geschichte der Philosomain comme vol. I, Mittler, la Berlin phie par Ueberweg-Heinze, trad. des Grecs, Zeller, Boutroux, ~z~MO/)Aïe par Les Penseurs de la vol. I, Hachette, Grèce, Paris et trad. Lausanne, Reymond, Payot, par Gomperz, de ces trois est Paris. Le premier ouvrages Alcan, et ses renseigneconcision par sa lumineuse précieux sûreté le second est d'une ments bibliographiques mais l'oet d'une absolue presque unique objectivité et son indépendance de la spéculation grecque riginalité et égyptiennes des doctrines orientales exagéy sont du troisième ce défaut est absent rées ouvrage, qui, très et très de plus, un tableau complet présente vivant de l'activité des Grecs intellectuelle générale de l'aumais il faut se défier un peu de l'imagination utile de lire l'Essai sur la Métateur. Il est toujours Il ne 126 LA PHILOSOPHIE GRECQUE SOCRATE AVANT Paris. On e~4.ï~o~ par Ravaisson, Joubert, physique à condition d'être sur ses beaucoup aussi, profitera du vol. VIII de r.H7~ory de la lecture gardes, of son apologie de la Sophistique est Greeee, par Grote Il est indispensable de méditer outrée. parfois longuement Pour l'Histoire de la Science hellène, par Tanle rôle des est Paris nery, Alcan, Pythagoriciens admirablement mis en relief dans ce livre qui détruit un grand nombre d'erreurs mais il arrive à courantes d'une l'auteur d'être hardiesse excessive. On devra consulter Les Philosophes de la Grèce, géomètres par et La Morale aoa~ PhiloAlcan, Paris, Milhaud, Enfin il faut parParis. par L. Ménard, Didot, sopAes; comme l'~4.rcA:o courir des collections GescAïe~e lür der Philosophie, Berlin dirigée par L. Stein, Reimer, la Revue par Ribot, philosophique, dirigée Alcan, et l'Année Paris par Pillon, philosophique, dirigée Il ne sera .pas inutile, Pat'is. de lire le Alcan, enfin, relatif à la Grèce dans le Manuel de l'Histoire chapitre de la Saussaye, des J?e~M7M~ trad. du par Chantepie Hubert et Lévi, Paris. hollandais Bien Colin, par cette liste est tout à fait sommaire, mais elle entendu, le minimum des lectures indique qu'il est indispensable de faire connaître le plus sûr de ce qu'on pour peut savoir sur les Antésocratiques, et pour comprendre les de leur difficultés d'une histoire Nous parfaite pensée. de renvoyer au chap. nous aussi n de permettrons sur le Droit notre Essai erï~Me 6~<x/~r~e~ Alcan, iv et v de la 1~ partie de notre Paris, .et aux chapitres dans ses relations Morale rationnelle aoec Philosophie générale, Payot, Lausanne~ i V j TABLE DES MATIÈRES Pages. CHAPITRE PRECHER. CHAPITRE II CHAPITRE III CHAPITRE IV CHAPITRE V VI CHAPITRE CHAPITRE VII CHAPITRE VIII CHAPITRE N NOTE Les sources et débuts de la Sagesse premiers 5 hellénique. –Tha)ès,Anaxitnandre,Anaxunene, Diogène d'Apollonie. 19 Hét-aidite. 33 et Pythagore les Pythagoriciens. l~armènide, Xénophane, Mélissos 43 Zénon, 5:3 Empédokie. 73 Anaxagore. 83 Les IX les Les Atomistes i~rite. Sophistes Prodikos, Démo- Leukippe, 97 :Protagoras,Gorgias, 111 Hipp~Ao~ ~ivM~ 125 BISLIOGRAPHIQUE. ~{.L'¡: 13M-OT. Imp. des Orph.-App. F. BLÉ-nT, 40, rue La Fontaine, Paris. OMOKAL EN COULEUR NF Z 4?-t2K TABLE DES MATIERES CHAPITRE PREMIER. - Les sources et les premiers débuts de la Sagesse hellénique CHAPITRE II - Thalès, Anaximandre, Anaximène, Diogène d'Apollonie CHAPITRE III - Héraklite CHAPITRE IV - Pythagore et les Pythagoriciens CHAPITRE V - Xénophane, Parménide, Zénon, Mélissos CHAPITRE VI - Empédokle CHAPITRE VII - Anaxagore CHAPITRE VIII - Les Atomistes: Leukippe, Démokrite CHAPITRE IX - Les Sophistes: Protagoras, Gorgias, Prodikos, Hippias NOTE BIBLIOGRAPHIQUE