La Philosophie Grecque avant Socrate

Transcription

La Philosophie Grecque avant Socrate
La philosophie grecque
avant Socrate / par
Albert Leclère,...
Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France
Leclère, Albert (1867-1920). La philosophie grecque avant Socrate / par Albert Leclère,.... 1908.
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DEBUT
D'UNE
SEME
DE DOCUMENTS
EN COULEUR
ET
)SOPHES
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PENSEURS
Albert
LECLÈRE
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S.etR.
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480-481.
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Socrate
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BLOUD
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Édit.,
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LA
PHILOSOEBIEGRECQUEAVANTSOCRATE
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au
E~
scientifique,
i fr. 20
~AY' siècle (~76-~ 7 7), 2_vo!. Prix.
QUESTIONS
PWZ.O~OfWÇt/BS
LA PHILOSOPHtE
GRECQUE
SOCRATE
x~VANT
PAR
1
Albert
LECLÈRE
Docteur
Professenr
es
-<
lettres
à~ l'Umversué
agrégé
de
Berne;
PARIS
LIBRAIRIE
BLOUD
4,
RUE
MADAME,
&
4
1908
Reproduction
et traduction
interdites.
0'
OUVRAGES
Essai
critique
DU MÊME
sur
le
droit
AUTEUR
d'affirmer,
ALCAN,
Paris,1901.
De facultate
mesium,
Le
verum
BLouD, Paris,
Philosophie
Paris,
CHEVAUER-MARescQ.
Mysticisme
La Morale
secundum
assequendi
et
catholique
1906.
rationnelle
générale,
dans
ses
Bal-
1901.
FAme
de
relations
PAYOT, Lausanne,
Dante,
avec
1907.
la
LA PHILOSOPHIE GRECQUE AVANT SOCRATE
CHAPITRE
Les
sources
de
la
et les
Sagesse
PREMIER
premiers
débuts
hellénique.
Le Judéo-Christianisme
et l'Hellénisme,
leur
fusion et les réactions
des courants
réciproques
issus de ces deux sources,
c'est toute la civilisation. Aussi l'éveil du génie grec, qui dès avant
Sokrate
les premiers
linéaments
de
esquissa
et de toutes les philosophies
toutes les sciences
en même
de
qu'il créait en tous genres
temps
littérature
et d'art
des chefs-d'œuvre
qui sont
d'éternels
doit-il être l'objet d'une étude
modèles,
attentive
et pieuse
l'humanité
ne commence
vraiment
le peuple
les
qu'avec
qui inaugura
manières
de penser dont la pratique
distingue
le civilisé du barbare,
et les manières
de jouir
du beau qui conviennent
sachant
aux esprits
l'idée de la vérité
penser. Les Grecs inventèrent
car les premiers
ils laïcisèrent
la
humaine,
recherche
du vrai
les preils eurent
même,
miers une idée exacte de ce qu'il faut entendre
tandis qu'au regard des autres
par vérité
peu-
6
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
appapies celle-ci devait à sa dignité de toujours
chose
de
raître
comme
d'étonnant,
quelque
de plus ou moins analogue
à une
mystérieux,
elle fut pour eux ce qui doit être
révélation,
à la lumière
de soi, conforme
natuintelligible
et miroir de l'esprit
relle de l'esprit,
expression
est également
leur découmême.
L'art véritable
mêlé de puérilité,
maladroit
ou
ailleurs
verte
il est en Grèce le rival heureux
de la
bizarre,
habile à faire plus beau et plus intéresnature,
de s'y relier,
sant qu'elle
sans cesser
pourtant
en toutes
ses créations
un
apte à maintenir
équilibre
parfait entre le réel et l'idéal.
doit donc être, jusque dans ses
L'Hellénisme
le premier
origines,
sujet d'étude
pour qui veut
l'évolution
des sociétés
humaines
comprendre
On ne saurait
exagérer
l'imporsupérieures.
tance d'une méditation
de ses preapprofondie
à suivre
miers commencements.
A les analyser,
les efforts de l'esprit grec vers sa pleine maturité,
on aperçoit
à quelles
de race et de
qualités
l'hellène
dut le privilège
de devenir
le
terroir
de l'homme
vraiment
premier
exemplaire
on ne peut, en particulier,
homme
comprendre
Platon et Aristote,
et savoir
comment
Sokrate,
ils furent possibles,
si l'on ignore les Antésocradont l'époque
c'est grâce à ces derniers,
tiques
fut l'âge
de la philosophie,
héroïque
qu'ils
édifier des monuments
dont plusieurs
purent
Et combien
demeurent
encore intactes.
parties
de germes
les grands
précieux
Socratiques
laissèrent-ils
dormir!
Des esprits
moins
oriles ont recueillis
et fait prospérer
ginaux
plus
ou moins jusqu'à l'aube du moyen âge. Aujour-
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
7
mieux connue,
des précurseurs,
d'hui, l'histoire
les montre
qu'ils
n'apparaisplus vénérables
dont nous sommes
les
saient aux Grecs mêmes,
au moins autant
fils spirituels
par ce qui nous
rattache
aux Antésocratiques
que par ce que
successeurs.
nous devons à leurs plus glorieux
C'est bien à la race hellénique
qu'il faut faire
honneur
de la culture'merveilleuse
le principal
Elle résulta
sans
doute
de
où elle atteignit.
des aborigènes
croisements
nombreux
peutdes asiatiques
être touraniens,
aryens etsémites,
descendus
de l'Europe
des aryens
centrale,
dont la synthèse,
d'ailleurs
voilà les éléments
favorisée
circonstances
de temps
par diverses
le peuple grec. Ainsi parfois
et de lieu, constitua
le hasard
des mélanges
opérés
par le potier
à la création
d'un vase dont la matière
aboutit
est d'une
beauté si unique
que rien dans ses
ne paraît
de l'expliquer.
éléments
susceptible
sur l'énumération
On peut passer
légèrement
de ce peuple
et même sur la disdes origines
des Ioniens
et des
tinction,
jadis jugée capitale,
à
ont été, d'une manière
Doriens.
Les premiers
les initiateurs
et les maîtres
peu près constante,
et non seulement
les plus anciens
des autres,
mais les Doriens et les représentants
pionniers
de celles
des autres
races
associées
qui
comme
la race
avaient déjà fait leurs
preuves
ou cette autre plus ancienne
mycénienne
que des
et de celles
fouilles
récentes
ont révélée,
qui
le souvenir
de loinavaient seulement
conservé
attendu
taines traditions
ou qui avaient
qu'une
leur vînt du dehorssurent
impulsion
apporter
à ces Ioniens
une collaboration
qui
précieuse
8
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
à un esprit d'une originalité
et d'une
joignaient,
des connaissances
et des
vivacité
extrêmes,
les plus
aux sources
aryennes
puisés
goûts
sémitiques
pures et les plus riches, à des sources
aussi, spécialement
pour ce qui concerne
prola science.
Par
les Ioniens
bonheur,
prement
le détail des doctrines
de
avaient assez oublié
des
leurs pères pour que leur pensée,
dégagée
se pût déployer
en toute
bandelettes
séculaires,
ils s'en souvenaient
liberté
juste assez
pour
et transposées
transplantées
que ces doctrines,
dans le mode philosophique,
pussent
épanouir
rationnelles
tout le meilleur
des
en frondaisons
richesses
accumulées
dans les troncs augustes
de la forêt mystique
la plus grande
qui couvrait
partie de l'Orient.
et la Chaldée
fournirent
à la Grèce
L'Egypte
bien que
des notions scientifiques
importantes,
c'est d'Asie,
frustes
la plupart
d'une
pour
ou
manière
générale,
qu'elle reçut, directement
de ses théogonies
et de ses
non, les éléments
La religion
cosmogonies
hellénique
primitives.
officielle
contenait
bien des parties
qui furent
réinventées
en Hellade après avoir
probablement
été imaginées
il est certain
ailleurs
pourtant
de l'étranger
fut largement
tributaire
qu'elle
tous les Indo-Européens
un groupe
composent
mais
que l'on ne peut regarder
comme fictif
de même que les Grecs élaborèrent,
au point de
les rendre
leurs
méconnaissables,
emprunts
divers
aux ancêtres
communs
des Indo-Euroou aux Hindous,
ou
ou aux Iraniens,
péens,
ils créèencore à plusieurs
sémitiques,
peuples
rent une science
très difféet une philosophie
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
9
idées
do leurs
officielles.
rentes
religieuses
Leurrjligionof6cielle,dépourvueouàpeuprès
de mysticité,
chef-d'œuvre
harmonieusement
tout esthétique,
amoconfus d'une imagination
était si loin de pouraliste et anthropolâtrique,
le savant et le philosophe,
voir inspirer
qu'elle
à s'assimiler
était même impropre
notablement,
et phiavec le temps,
des notions
scientifiques
et l'art seuls
pour la littérature
losophiques
chose.
l'Orient
ne
elle put quelque
Cependant,
à la Grèce les éléments
donna pas seulement
qui
le fond de sa religion
et la
formèrent
populaire
de ses progrès
il a
base première
intellectuels
le droit de revendiquer
une part de ce qu'il y eut
de plus élevé dans la piété grecque,
qui n'avait
rien à voir avec le culte public,
lequel nous
En effet, si les spéculations
trop l'autre.
masque
de l'Asie lointaine
n'aphilosophico-religieuses
directement
sur les Hellènes,
la
rent
guère
de l'Ordiffusion
chez eux de certains
Mystères,
fut la pénétration
de l'Hellade
surtout,
phisme
et aussi par l'Egypte,
qui se rattache
par l'Orient,
ne s'en distingue.
à l'Orient qu'elle
plus encore
les élaboLes penseurs
grecs sont les héritiers,
et originaux
des
doctrines
rateurs
définitifs
leur piété fut une réaction,
orientales
guidée
contre
d'origine
étrangère,
par des Mystères
comme
leur
de la religion
officielle,
l'impiété
les Mysscience et leur philosophie,
auxquelles
offrir aussi des thèmes
à méditères pouvaient
de
contre l'irrationalité
ter, furent des réactions
officielle.
Ce n'est pas au
cette même religion
dans sa partie
reste que celle-ci ne renfermât,
des idées
et dans sa partie politique,
domestique
10
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
morales
ou même des symboles
cosmologiques
d'un sérieux
mais là même elle n'était
profond
à beaucoup
aider l'esprit
point de nature
grec
dans la poursuite
de ses hautes
destinées
spirituelles
était le culte
plus rituel que religieux
la moralité
familiale
ou civique,
notablement
la religion
utilitaire,
s'y subordonnait
plus
qu'elle ne se relevait par elle, et la cosmologie
n'arrivait
des mythes
dont le
pas à se dégager
sens importait
moins
aux Grecs
que l'intérêt
et poétique.
il est à
C'est pourquoi
dramatique
peu près exact de dire qu'en Grèce, tout compte
la religion
entendons
fait, la religion,
véritable,
se perfectionna
davantage
grâce à la philosophie
officielle, et
que celle-ci ne fit grâce à la religion
n'aida le vrai esprit religieux
que cette dernière
à se former.
Les Mystères
d'une
part, et de
l'autre
un sentiment
familial
moral
individuel,
ou civique tout spontané,
ont été les agents premiers
de l'éducation
des Grecs;
et
religieuse
la philosophie
et pratique,
quand
théorique
dont la genèse,
chez eux, est dans une large
mesure
des causes
indépendante
qui la firent
bénéficia
des progrès
de la
ailleurs,
poindre
elle ne fit en partie que reprendre
religiosité,
son propre
bien, car c'est elle qui avait connrmé
l'œuvre
de ces agents
dont elle était,
primitifs
mais non pas entiècertes, tributaire
elle-même,
rement.
A la religion
elle ne devait
officielle,
de poétiques
illustrations,
guère emprunter/que
des métaphores,
en somme
et c'est de la philodes Mystères
et des sentiments
moraux
sophie,
de l'hellène,
officielle
spontanés
que sa religion
tira le peu de vraie moralité
et de vraie religion
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
Il
à elle, sans d'ailleurs
qui se vinrent juxtaposer
à la pénétrer
bien avant.
jamais parvenir
Il est manifeste
dirons-nous
que les éléments,
dérivent
grecque,
positivistes
? de la spéculation
où elle fut de ne
pour une part de l'obligation
des idées
religieuses
pas s'inspirer
beaucoup
la religion
courantes.
Rien ne portait
officielle
a être très tracassière
elle laissa faire ou à peu
eût plus gêné que
laïque,
qu'elle
près l'esprit
et moins romanesque,
servi, si, moins poétique
elle eût pu se faire passer
pour une doctrine
et morale.
Son infémétaphysique
proprement
de vue, autant que la
riorité à ces deux points
des Grecs, qui exigeaient
vive intelligence
plus
donner
la religion,
explique
que ne pouvait
chez eux
comment
la pensée libre put prendre
c'est à la diffusion
des
un tel essor. Parallèlement,
surdoctrines
des Mystères
qu'il faut rapporter
tout la préparation
de l'âme grecque
progressive
communes
au christianisme.
Les
croyances
si peu que l'on pouvait se dispenser
engageaient
une
de les abjurer,
lors même qu'on
professait
cette philosophie
fut-elle athée
philosophie
ou une religion
plus pure que celle de la foule
ce n'était en réalité rien affirmer
du tout que de
aux cortèges
s'associer
aux fêtes, aux sacrifices,
traditionnels.
toute
nier que, durant
On ne saurait
pourtant
au séil n'y eut des esprits prenant
l'antiquité,
un haut degré de
rieux le polythéisme
courant
le constater
nous pouvons
aujoursuperstition,
avec un dévelopd'hui même,
peut s'accorder
et avec
intellectuel
déjà considérable
pement
la simple posune piété somme toute véritable
12
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
sibilité de mêler, à cette superstition,
quelques
idées morales
dont plusieurs,
au reste, semblent
de réalités
et la
exiger l'existence
mystérieuses,
de superposer,
au panthéon
vénéré,
possibilité
un vague dieu suprême
qui rende moins étrange
l'ensemble
des êtres divins,
devienlesquels
nent comme
ses fils ou ses mandataires,
fort bien un fait dont la froide raison
expliquent
s'étonne
jusqu'à s'en scandaliser.
Un moment
vint où la philosophie
hellénique
se perdit
un mysticisme
aussi
dommadans
geable à la religion
peutqu~à la philosophie
être la prépondérance
finale de cet élément
eutelle pour cause
la divergence
initiale
première
de la pensée
et de la pensée
religieuse
philosoEn effet, dans la mesure
où celle-ci
phique.
des Mystères
et c'est
s'inspirait
par eux
surtout
teintée
de
qu'elle s'était originairement
à de nombreux
elle devait sembler
religion
revenir
esprits
par un détour à la superstition
de là une philosophie
de tendance
assez matéune autre
rialiste,
et, par réaction,
trop mysà
tique. L'élément
qui eût dû servir simplement
achever
en l'invitant
à introduire,
la philosophie
avec discrétion,
le souci du divin dans sa diafinit par l'absorber,
lectique,
par la dénaturer.
A côté des philosophes
qui ne croyaient
pouvoir
mieux
les mains
à ces
faire
que de donner
dont le ve siècle avant
ennemis
de toute religion
notre ère compte déjà des représentants,
il n'y
eut plus de place,
les penseurs
dont la
parmi
de la
doctrine
même
n'était
pas la négation
mystiques
philosophie,
que pour des théoriciens
à l'excès,
dont la raison se leurrait
des concep-
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
13
tions les plus fantastiques.
On les préféra
aux
autres parce que leurs chimères
du
trompaient
moins cette soif d'idéal dont l'âme humaine
ne
mais combien
ils durent
se peut guérir
faire
de sceptiques
qui ne l'auraient
pas été si philoet religion
avaient
mieux
connu
leurs
sophie
limites
Pour
il eût
cela,
hélas,
respectives
fallu aux Grecs un esprit critique
qui ne devait
réellement
dans l'humanité,
apparaître,
que bien
plus tard.
Sans
aucun
les premiers
doute,
penseurs
faire plutôt ce que nous appelons
grecs crurent
de la science
ils firent, non pas exclupourtant
mais surtout,
ce que nous appellerions
sivement,
de la philosophie
des sciences
et de
aujourd'hui
la métaphysique.
Nous les jugeons en général
très aprioristes,
et ils le sont trop, comme
ils
sont aussi trop philosophes
où il conviendrait
de
l'être moins;
mais l'esprit
humain
n'était
pas
inductive
mûr, alors, pour la recherche
pure.
ils s'efforcèrent
le plus souvent
Toutefois,
.de
les généralités
dont ils faisaient
dégager
usage,
de l'observation
même du monde réel
ces penêtre des physiciens
et des
seurs,
qui veulent
sont plutôt
mathématiciens,
philosophes
parce
combien
le monde
qu'ils ne savent pas encore
est complexe,
difficile à observer,
lent à livrer à
de quoi bâtir déductivement
sans risquer
l'e-prit
de s'égarer.
La sagesse
dont ils se disent
les
amis embrasse
d'abord
indistinctement
tous les
de science
et
genres
qui sont à leur portée,
cette expérience
de la vie ~que l'on
jusqu'à
en voyageant, jusqu'aux
notions
acquiert
générales sur les hommes
et sur les choses qui aident
14
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVAI~T
SOCRATE
à se conduire
avec prudence
et dignité. Hérodote
c'est chez
appelle aussi les sages des sophistes
lui que se trouve pour la première
fois le terme
de philosophe,
et, s'il faut l'en croire, Pythagore
aurait créé ce vocable,dont
le sens se restreignit
devenir
durant
toute
sans
l'antiquité
jamais
la
à celui qu'on adopte
aujourd'hui
identique
devait se distinguer
de la philosophie
théologie
avant que les sciences
se séparassent
de cellesci.
La morale
occupa
peu les Antésocratiques,
soit qu'elle leur semblât
comme une annexe des
la
soit qu'ils
croyances
officielles,
religieuses
confondissent
avec la législation
ou avec sa mise
en pratique,
si difficile à ramener
à une forme
Les moralistes
de ces temps le sont
scientifique.
en psychologues
et en utilitaires,
et ils sont plus
volontiers
La moralité
poètes que philosophes.
de très loin la morale chez les Grecs
de
précéda
très bonne
heure
ils pratiquèrent
le culte des
mais
vertus familiales
et de l'héroïsme
civique,
c'est seulement
avec Sokrate que la morale entra
estvéritablement
dans la philosophie
encore
Il se peut
utilitaire.
elle,chez
lui,
rigoureusement
la vertu par le moyen de symqu'en consacrant
boles dont la valeur était surtout
et
esthétique~
de règles cultuelles
dont la majesté
était surtout
à
la religion
ait contribué
officielle
politique,
les philosophes
tôt à la
de s'intéresser
empêcher
dont l'alliance
avec elle était une pauvre
morale,
recommandation.
Faut-il
regretter
beaucoup
que la morale ait dû être, dans une large meélaborée
sure,
par des philosophes
purement
tels ? Comme
des
leur histoire,
la littérature
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVA:~T
SOCRATE
15
de l'existence,
chez ce peuple,
Grecs témoigne
de leur
en dépit des lacunes
de solides vertus
de leurs mœurs.
idéal et de certaines
étrangetés
à raisonner
sans songer
Quand ils moralisent
ils tiennent
souvent
un
sur le fond de l'éthique,
et la grandeur
dont la justesse
nous
langage
Il n'est pas étonnant
que leurs prefrappent.
aient été
miers essais pour fonder cette science
car les arguments
maladroits,
qui s'offrent
d'abord
à l'esprit
l'excellence
pour
prouver
raid'une vie droite sont ceux de l'utilitarisme
tâtonneon ne peut sans de longs
sonnable
à démêler
les motifs les
ments devenir expert
de la moralité.
plus profonds
On fait maintenant
peu de cas de la légende
dont les diverses
comdes sept sages,
listes
noms.
Mais nomprennent
jusqu'à vingt-deux
les
breux
Homère
et Hésiode,
furent,
après
ce nom.
qui méritent
poètes et les législateurs
est antérieure
à
ou extérieure
Leur philosophie
celle des philosophes,
mais
elle fut d'autant
il était bon que la penplus féconde peut-être
d'abord
et longtemps
à organiser
sée s'exerçât
et
sur la destinée
de l'homme
la cité, à réfléchir
à scruter
notre nature
sans préoccupations
sysde finesse fit son éducation,
l'esprit
tématiques
et
chez les Grecs, principalement
dans l'action
il y gagna
intimede s'unir
par la littérature
au
ment au goût de l'analyse
psychologique,
exact du réel et du possible,
au souci
sentiment
d'un idéal large et libre.
vint de là, mais que
Un certain
pessimisme
une aspiration
très forte vers la
corrigeaient
à
constante
à sourire
justice et une disposition
16
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
de sorte
toute espérance
ne
que la réflexion
leur déconseilla
pas l'effort. Plus tard, ils n'eurent qu'à se souvenir
des nobles
actions
des
à relire
les paroles
à leurs
ancêtres,
inspirées
et à leurs poètes
législateurs
par le souci du
bien général,
et de la
de la nature
par l'amour
mettre
au jour
une philosophie
beauté,
pour
morale
dont les traits essentiels
ne devaient
pas
s'effacer.
Les premiers
de la culreprésentants
ture hellénique
avaient
sans idées
interrogé
la conscience
et le cœur de
préconçues
l'esprit,
l'homme
sur ce qu'ils exigent spontanément.
Le
bon sens admirable
de la race et non, comme
un goût étrange
ailleurs,
pour des utopies fanavait guidé les législateurs.
Et c'est à
taisistes,
l'univers
même tel qu'il apparaît
à un esprit non
savants,
prévenu,
que les premiers
que les premiers philosophes
avaient
demandé
de les instruire
C'est pourquoi,
si vite, le caractère
spécial de toute la spéculation
semble
grecque
à n'être point grecque,
en un sens,
consister,
mais simplement
dans l'acceptation
humaine,
la plus ample et la plus élevée de ce mot. Nulle
dans
l'homme
ne
ailleurs,
part
l'antiquité,
vibrait comme en Grèce au moindre
événement
du monde
ambiant
ou de sa propre
vie intéle réel
et n'était
aussi
rieure,
apte à percevoir
tel qu'il
en concepts
est, à le décomposer
à faire de ces concepts
un usage
abstraits,
rationnel.
Pour comble de bonheur,
les circonsne
tances firent, non seulement
que la religion
vint point fausser
la spéculation
dès sa naismais encore
sance,
que l'idée de philosopher
les
sur
toute chose et de systématiser
toutes
¡
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
17
connaissances
fut lente à s'imposer
aux
acquises
La légèreté
aux Grecs
esprits.
que l'on reproche
à préserver
contribua
leur pensée d'un pédantisme
ne
précoce
même,
qui l'eût fait dévier;
faut-il pas les louer un peu de cette frivolité qui
les faisait si amis de toutes les nouveautés,
de
celles
aux routines,
aux
qui les arrachèrent
vains préjugés,
comme
de celles,
hélas,
qui
leur furent nuisibles
?
Le sujet de cet opuscule
étant la philosophie
des Antésocratiques,
nous ne toucherons
à leur
activité
nécesscientifique
que dans la mesure
saire
éclairer
leur
mentalité
et leurs
pour
celles-ci
forment
conceptions
philosophiques
d'ailleurs
un ensemble
très cohérent
par luiet fort intelligible,
en particulier,
sans
même,
l'aide de ces considérations
sociologiquesjugées
de Le Play et
indispensables
par les partisans
par les Marxistes.
Certes, la genèse de tous'les
de l'intelligence
humaine
est humble,
produits
et tout est confus aux origines
mais à proportion de ses progrès,
imitant
le
humain,
l'esprit
Nous
et distingue
de
d'Anaxagore,
analyse
mieux
en mieux
les disciplines
qu'il invente
deviennent
tout en
toujours
plus indépendantes
étant toujours
de
de profiter
plus susceptibles
et de l'aide des autres.
Si l'on y rel'exemple
de près, le mot attribué
à Périkiès
garde
par
« Nous philosophons
avec mesure
Thucy dide
et nous aimons le beau sans mollesse
», était déjà
vrai de Grecs
bien plus anciens
le mode suivant lequel ils pensèrent
au temps de leurs travaux les plus magnifiques
était celui suivant
lequel s'essayaient
déjà à penser ceux de leurs
PHILOSOPHIE
GRECQUE
2
18
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
ancêtres
encore
que l'on n'appelait
que des
sages.
On ne peut à la fois exposer
séparément
l'évolution
de chaque
école et suivre
l'ordre
de l'apparition
des œuvres
écloses
dans
l'ensemble
des écoles au cours d'une époque
nous
d'une manière
l'ordre
suivrons,
générale,
d'apdes grands mouvements
parition
philosophiques
en indiquant
les synchronismes
c'est là le meilleur plan
mais le meilleur,
nous le savons,
a
ses inconvénients.
Le moins bon serait de morceler les diverses
doctrines
en autant
de chapitres qu'il existe de problèmes
pour les philosoCar il se faut garder par-dessus
phes modernes.
tout de caractériser
les tendances
de philosophes
si anciens
il
comme
on le peut
faire quand
venant
s'agit de systèmes
après des siècles d'ade la matière
nalyse
par exemple,
l'opposition
et de l'esprit,
celle de l'a priori et de l'a postecelle du Théisme
et du Panthéisme,
ne
riori,
être en ces temps lointains
ce qu'elles
pouvaient
sont chez nous. Il serait puéril, enfin, de s'évertuer à montrer,
dans la succession
des théories
antérieures
à Sokrate,
et l'effet
l'expression
d'une sorte de nécessité
à l'intelliimmanente
les premiers
efforts de l'esprit
humain
gence
normalement
eussent
pour arriver à philosopher
on n'est pas bon histopu être très différents
rien si l'on ne sait reconnaître
la part de hasard
et d'irrationnel
immaqui se mêle à la logique
nente
dans tous les faits humains
aussi
bien
que dans tous les autres.
CHAPITRE
Thalès,
Anaximandre,
Diogène
II
Anaximène,
d'Apollonie.
à Milet, en Asie Mineure,
avec Thalés,
grecque,
que naquit la philosophie
du Vf siècle avant J.-C.
à l'aube
qui florissait
un homme
C'était un sage qui fut aussi
policurieux
doublé
d'un habile
tique, un voyageur
un savant
la
enfin, qui inventa
commerçant,
sans s'en douter. Il est peu probable
philosophie
des vérités
en
importantes
qu'il ait découvert
et en astronomie,
en géométrie
arithmétique,
car il paraît avoir tenu tout son savoir
de l'Evoisins
gypte, qu'il visita, et des Babyloniens,
des Ioniens.
Ses tendances
sont
scientifiques
il apprit aux Egyptiens
à meplutôt pratiques
des monuments
à l'heure
surer la hauteur
où
de l'homme
l'ombre
il
égale sa propre
taille;
du Nil, appliqua
les crues
tenta d'expliquer
à
notions
la navigation
certaines
astronomiques
mais en se fondant
et sut prédire
une éclipse,
faites par les Chaldéens
sur des remarques
dont
le savoir, au reste, était tout empirique.
Il conçoit la terre comme un disque
reposant
d'une
sur l'eau et provenant
transformation
de
l'eau est l'éternel
l'élément
humide;
principe
I.
Thalès.
C'est
20
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
dont tout vient et où tout retourne.
La voûte
dont le soleil parcéleste forme une demi-sphère
court, la nuit, le bord caché à nos yeux par son
et le diamètre
de cette demi-sphère
éloignement;
même
du monde.
est la largeur
C'est là sa
des
où
le
cosmogonies
parente
physique,
rôle est à Okeanos
ou partagé
entre
premier
aussi des cosmogoet Thétys,
bkéanos
parente
et chaldéennes.
Il croyait
nies égyptiennes
voir
la preuve de sa théorie dans ce fait que l'humide
de tous les vivants et les
constitue
la semence
éléments
Mais,
qui servent à leur accroissement.
ambiant
soit qu'un reste de fétichisme
l'inclinât
à animer
soit que
objets matériels,
jusqu'aux
l'observation
même l'ait conduit à soupçonner
en
toute chose quelque
force analogue
à celle,
si
étonnante
l'ambre
pour un ancien, que manifeste
à quelque
frotté, soit qu'il ait pressenti
degré la
le mouvement
nécessité
d'expliquer
par une
il voit partout
des âmes et
activité supérieure,
même des dieux.
On ne sait rien de plus sur la philosophie
de
ce peu,
et encore
assez
Thalès,
qui demeure
La gloire d'Anaximandre
vague, est-il contesté.
mais il y a là une injustice,
lui fit tort;
car
Anaximandre
eût-il été possible
sans Thaïes~
Quel abîme entre celui-ci et ce qui le précède
Les dieux dont il peuple le monde ne sont plus
exactement
ceux de la superstition
populaire
il repense
toute laïque la cosmod'une manière
il la simplifie
tellecourante
gonie mythique
ment qu'il s'élève,
le premier,
à l'idée de l'unité
du monde,
à peine entrevue
par les plus grands
mythologues
à l'idée de l'unité de composition
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
21
du monde,
extérieure
et le
que la perception
à celle, ensens commun
ne sauraient
révéler
d'une explication
des choses
fin, de la possibilité
de
tiré, en toute liberté d'esprit,
par un principe
Avec lui,
interprétée
par la raison.
l'expérience
se dégage du savoir sacerdotal
le savoir humain
et de la poésie
qui l'ébaucha,
qui n'empruntait
à la religion
encore
que pour éloigner
davantage
de la méditation
du réel. Si
l'esprit
positive
Thalès et bien d'autres
après lui ne sentaient
pas
de diviser le travail intellectuel,
la nécessité
du
l'essence
formelle
moins
du vrai savoir
était
désormais
Thalès avait mis ses sucdéterminée;
en mesure
éventuels
de marcher
sur
cesseurs
une voie qu'il avait fallu tout son génie pour
découvrir.
L'eau devait lui paraître
simplement
à rendre
très propre
des divers
compte
corps
l'univers
elle a, pour un obserque renterme
vateur non muni de notre science,
si peu de quaet néanmoins
lités définies,
son rôle est si mulRien de plus naturel
tiple et si considérable
de l'eau transforque de voir en toutes choses
mée. Pour simpliste
que soit l'idée de la transelle réalisait
un grand progrès
sur la
mutation,
à la production
des diverses
choses
croyance
dont la généalogie
et les avenpar des divinités
tous les attributs,
et dont les
tures expliquaient
sur les qualités
des êtres natuattributs,
calqués
les pouvoirs
ou
créateurs
rels, expliquaient
D'autre part, quelque
panzoïsteque
régulateurs.
de Thalès,
elle distingue
assez
soit la physique
et le principe
la matière
qui l'anime
pour que le
efficientes
sur
souci des causes
y prédomine
et le spirituel,
celui des causes finales
discré-
22
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
tement introduit
dans le monde
qu'il décrit,
y
à la physique
.affirme ses droits sans interdire
naissante
de voler de ses propres
ailes.
Le rôle
du spirituel,
du reste, est ici presque
honoraire,
car le premier
philosophe
grec ne se préoccupa
du devenir
dont la
des choses,
point surtout
considération
vers un dynanisme
porte aisément
c'est la substance
des êtres qui
spiritualiste
l'intéressa
de préférence
à la loi de leurs changements.
II. Anaximandre.
milésien
Anaximandre,
et sans doute disciple
de Thalès,
en 610
naquit
et mourut
en 547 il florissait
vers 566. La politour
à tour.
tique et la science
l'occupèrent
rien de ses premiers
ni
Nous n'avons
travaux,
de son Traité de la Nature,
la première
œuvre
écrite en prose.
Mais il
grecque
philosophique
nous est mieux
connu que Thalès.
fut son activité
mais il
Grande
scientifique,
brilla davantage
en physique
mathémaqu'en
tique. S'il n'inventa
pas le gnomon,
qu'il avait
établi à Sparte,
il dressa
carte
une première
et une carte céleste qui est un premier
terrestre,
la terre
essai d'astronomie
exacte.
Il regarda
comme
un cylindre
dont la largeur,
triple de
la hauteur,
assure
à notre monde la fixité dans
la sphère
en
et où il demeure
qui le contient
à ce qu'il en occupe
le milieu.
équilibre
grâce
sur les constelDes observations
précieuses
lations
polaires,
qui ne se couchent
point,
l'avaient
amené
à ajouter,
à la demi-sphère
qui
une autre demi-sphère
formait le ciel de Thalès,
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
23
la nuit
que le soleil, pensait-il,
parcourt
pendant
avant de reparaître
le matin à l'Orient.
A prendre
dans son ensemble
l'histoire
de la
c'est presque
un progrès
toujours
philosophie,
déterminer
un progrès
scientifique
qui paraît
mais au début, rien d'analogue
philosophique
sous toutes réserves,
avant la science
possible,
doit d'abord
dite, la philosophie
proprement
fournir
à la recherche
du vrai des inspositive
dont celle-ci
ne saurait
se passer
pirations
ces insquels qu'en soient le vague et l'arbitraire,
semblent
lui être indispensables.
C'est
pirations
l'on ne peut exposer
comme il convient
pourquoi
les principales
de nombreux
idées scientifiques
si l'on ne fait connaître
philosophes
primitifs
au préalable
leur philosophie.
Il faut, en partiainsi pour Anaximandre,
culier,
procéder
qui
doit plus au système
ébauché
par Thalès qu'aux
de son temps
notions
scientifiques
répandues
en dehors
-ou élaborées
de toute
par lui-même
préoccupation
philosophique.
ne peuNi l'eau ni un autre corps déterminé
vent avoir été, suivant
lui, la matière
primordiale des choses;
seule une matière
sans qualités
se prête à tout devenir.
Il évite ainsi, jusqu'à un
certain
la chimère
de la transmutation
point,
et il imagine,
le divers,
de le
pour expliquer
à sa cause
au mouvement
comme
rapporter
suffisante.N'est-ce
àl'Atomisme
?
pas là préluder
avec son
Il en est certes plus près qu'Anaxagore
idée d'une
infinie
car la
variété
originelle;
de la matière
comme
d'un
conception
primitive
sans
essentielles
autres
homogène
propriétés
est une parque des propriétés
mathématiques,
24
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVAXT
SOCRATE
de la doctrine atotie au moins aussi importante
par comque l'idée de la diversification
mistique
commune
en somme aux
position et dissolution,
trois philosophies.
Divine est cette matière indédivin ce mouvement
éternel
comme
terminée,
celui-ci
semble
circulaire
elle, et de nature
avec une nécess'identifier,
pour Anaximandre,
indiscernable
de la matière
sité dynamique
et la religion
du grand
même~ Le spiritualisme
ne se précisent
mais ils
milésien
pas davantage
l'ont prétendu
ne sont pas nuls comme certains
d'une sorte
car, s'il en était ainsi, eût-il pénétré
de justice immanente,
punissant
par la dissolution les êtres individuels
qui ont osé se former,
où il découvre
comme
cette force organisatrice
invincible
créaun instinct
toujours
d'ajouter
Il n'a aucune
raison de croire
tions à créations
l'univers
dans le temps
au vide, ni de borner
est une
ou dans
son être-principe
l'espace;
à la matière
indéfiniétendue
infinie, identique
Y a-t-il à chaque
ment plastique
qui le remplit.
une infinité de mondes,
ou leur succesinstant
infinie ? Il ne nous
sion seule est-elle proprement
le dit pas.
de toutes choses
Il est naturel que l'explication
ait été présentée
par
par une matière
unique
Anaximandre
avec une adjonction
qui semble,
mais bien à tort, faire tache dans son système.
Un penseur
aussi attaché
que lui à l'observation
en ces temps, être moniste
du réel ne pouvait,
tout en restant
fidèle en
sans réserve
aussi,
au monisme,
ouvre-t-il
la liste des penprincipe
seurs qui admirent
des éléments
Le
multiples.
au sein de l'indétermouvement
opéra, croit-il,
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
25
celle du froid
miné, une première
distinction,
notre
et du chaud
les montre
si
expérience
est naturel
solidaires
de les déclarer
qu'il
Leur rôle est partout
il
visible
contemporains.
est donc tout indiqué
de dériver,
par leur interle reste
des corps
de l'indéterminé
médiaire,
et tout d'abord
la terre, qui résulte
vraiinitial,
de la solidification
semblablement
del'humide, et
l'air que la chaleur,
sur les eaux, transagissant
forme en vapeur
si peu différentes
du fluide que
l'on respire.
Et ne voit-on
pas la terre et l'air
et nourrir
tout le reste ? On doit sans
produire
doute
des conentendre,
par cette séparation
dont il parle, le résultat
traires
final de la dissoen
de l'homogène
ciation,
par le mouvement,
ce même mouvement
petites parties
agrégerait
ces parties
en corps inégalement
dont
denses,
les propriétés
différeraient
grâce à la différence
même
de leurs
densités.
Cette vue, qui n'est
avec
chez lui, devait se préciser
qu'indiquée
Anaximêne.
C'est par la densité et le mouvement
que tout
dans le monde
le
d'Anaximandre
s'explique
de ces principes
détermine
la place de
premier
l'air, celle du feu, celle de la terre jadis toute
le prouvent
couverte
d'eau comme
les coquillages qu'on rencontre
jusque sur les montagnes;
les deux principes
réunis
rendent
compte des
et le second
phénomènes
atmosphériques
d'air feutré
cause
ces tourbillons,
ces anneaux
à travers
il se produit
des trous qui
lesquels
laissent
voir du feu arraché
aux parties les plus
hautes
du ciel
les astres
ne sont pas autre
chose que ce feu. Les trous se bouchent-ils?
26
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
On ne voit
C'est ainsi que se
plus les astres.
les éclipses.
produisent
Comme les êtres inanimés, les vivants ne sont
la vase marine
différencié
que de l'homogène
naissance.
Les vivants
leur
a donné
supéont pour
ancêtres
les inférieurs,
et
rieurs
lui-même
est d'origine
il a
l'homme
animale
dont il habita
un
dû naître de quelque
poisson
car sans cela aurait-il
certain temps l'estomac,
pu, lui, le plus mal armé pour la vie de tous les
ne point périr aussitôt
animaux,
apparu ? Cette
à l'évolution
à la
universelle
témoigne
croyance
et sagaces,
et d'un
fois d'observations
précises
en dépit des
instinct
très sûr,
philosophique
erreurs
enfantines
inévitablement
que commet
de cette époque reculée. Avec Anaxiun homme
mandre
et perfectionne
corrige
qui continue,
la philosophie
devient
vraiThalès,
grecque
ment le commencement
de la perennis
philosoon voit se dessiner
chez lui, d'une façon
phia;
mais par instant
les difféassez nette,
fugitive,
rents principes
toute la spéqui commanderont
ce que sa doctrine
contient
de
culation
antique
et ce qu'il y joint de préoccupations
pessimiste
le
relie encore
pour
métaphysico-éthiques'Ie
fond aux poètes
ou gnomiques,
mythologues
dont
mais le rattache
aussi,
quant à la manière
il juge l'homme
et la vie, à des philosophes
à peine de son
postérieurs
qui se souviendront
nom.
III..47M!ze.
Milet donna aussi le jour
à Anaximéne.
vers 548
Ce philosophe
florissait
et mourut
vers 525. Il entendit
Anaximandre,
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
27
il se montre
mais souinférieur,
auquel
parfois
vent il le corrige
Il perfectionna
et lui ajoute.
sa philosophie
sur deux points
très importants.
En premier
sans doute
lieu, trouvant
trop irréel l'indéterminé
et répugnant
d'Anaximandre,
à voir dans l'eau de Thalès
matière
le type d'une
sans
il fit de l'air le principe
premicre
qualités,
des
choses.
On penserait
à tort qu'il
voulait,
de déterminason principe,
un minimum
pour
aussi
son air indéterminé;
tion, car il appelle
mais
du moins
l'air
lui semble-t-il
posséder,
avec la réalité
au principe
d'Anaxiqui manque
mandre
tel que ce dernier
le présente,
ce degré
et
d'indétermination
lui veut
conserver
qu'il
ne saurait
reconnaître
à l'eau
de Thalès.
qu'on
à jouer
le
L'air
lui paraît
d'autant
apte
plus
les
rôle
c'est
de tous
lui attribue,
qu'il
que
le plus mobile
est plus
digne
corps
quel autre
d'être
animé
celui
dont
comme
regardé
que
l'un des noms
d'âme ? Il faut que
est synonyme
la matière
du mourende
compte
par elle-même
cela
serait-elle
vement
qui est en elle, car sans
divine
? Or elle doit l'être,
et si l'air est la matière
imméson mouvement
s'explique
primordiale,
diatement.
Quoi de plus simple
que l'air, dont la
notion
n'est pourtant
Quoi
point évanouissante?
de plus actif ? Il contient
tout, il est en tout, il
est tout, il gouverne
éternel
et toujours
tout
et
il est l'étone
dont se forment
égal à lui-même,
ce en quoi se résorbent
les mondes
indéfiniment
il est le divin
les grands
même,
corps
qui se
des
dans
seulement
son sein étant
produisent
dieux périssables.
Il est peu probable
qu'Anaxicomme
Anaximandre
d'ailleurs
mène,
(?) n'ait
28
LA.
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
le temps
été infinitiste
ce qui concerne
qu'en
et non en ce qui concerne
bien qu'en
l'espace,
de l'affirmation
ou de la
somme,
l'importance
de l'infini
ne leur soit point
négation
spatial
Mais
comme
celui-ci,
Anaximène,
apparue.
se plaît
à tendance
panthéistique,
hylozoïste
à assimiler
l'univers
à la loi qui le régit, à
une nécessité
intelligible
qui est aussi justice
se mêle de plus de dynamisme,
son mécanisme
du spiritualisme.
d'un dynanisme
plus proche
netteEn second
lieu, Anaximène
exprima
chez
ment une théorie
s'ébauche
qui seulement
il attribua
à la condensation
son prédécesseur
effets directs du mouvement
et à la raréfaction,
de tous les
naturel
de la matière,
la formation
et le chaud,
l'humide
corps, sans plus privilégier
de n'avoir
sans plus prêter
au soupçon
pas
à l'idée
en
renoncé
de transmutation.
L'air
devient vent, puis nuée, puis eau,
s'épaisissant
il devient
puis terre, puis pierre; en se raréfiant,
de
feu. Toutes
les qualités
sensibles
résultent
ces deux effets du mouvement
mais il en est
dont la perception
est relative
quelques-unes
aux conditions
à
dans lesquelles
elles s'offrent
à
nos sens.
Cette relativité
est tout objective
ses yeux, mais le premier
germe de la doctrine
est là.
subjectiviste
Malheureusement
il renonça,
pour rétrograder jusqu'à Thalès, à la sphère d'Anaximandre
de
la nuit, derrière
pour lui, le soleil circule,
très loin du
très hautes montagnes
ou peut-être
en dehors
de notre univers,
terrestre,
disque
dans
l'air où baignent
d'autres
mondes.
Son
des astres par des vapeurs
humides
explication
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
29
de la terre et qui vont, s'échauffant
en
parties
haut dans le ciel d'où leur
se dilatant,
briller
faite pour celle du soleil, ne
chaleur,
exception
nous parvient pas à cause de leur distance,
vaut
tout autant par l'esprit
inventif
dénote,
qu'elle
et aussi peu prise en elle-même,
que l'explication proposée
en reMais,
par Anaximandre.
il sut distinguer
les étoiles
fixes des
vanche,
il les attachait
à la voûte céleste comme
autres
et il faisait
à un bonnet,
libres
dans
errer,
la lune, le soleil et les cinq planètes
l'espace,
de la demi-sphère
à l'intérieur
connues
qui
la terre.
S'il aplatit
la
recouvre
inutilement
terre et les astres afin de mieux rendre compte,
telles des feuilles
de leur équilibre
croyait-il,
s'il doubla
l'être lumineux
par l'air
portées
de nous
des astres d'un être terreux
susceptible
il essaya,
d'un très grand
les cacher
parfois,
de phénomènes
des
nombre
atmosphériques,
et qui
théories
souvent
plus qu'ingénieuses
une sagacité
géniale
pour l'époque.
prouvent
Toute école a ses
IV. Diogène ~jL~o~o/z~
comme les autres.
les plus primitives
attardés,
ou de Métade Samos (ou de Rhégium
Hippon
mais maladroitement,
de rejoinponte) essaya,
de Périkiès
ne
dre Thalès au temps
et, pour
Idœos
rien dire du sicilien
d'Himera,
Diogène
un crétois contemporain
d'Anaxad'Apollonie,
d'Anaximène.
C'était
gore, reprit les doctrines
car les premiers
un peu hardi,
philosophes
est
avaient
été dépassés.
Cependant,
Diogène
c
loin d'être négligeable.
30
LA
L'air
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
est pour lui le premier
il en
principe
à peu près
comme
mais
Anaximène,
parle
de détail
difficultés
souvoyant mieux quelles
il s'applique
à montrer
lève cette opinion,
comment l'air peut suffire à expliquer
le monde. On
a conscience,
un certain
alors,
jusqu'à
point,
de l'importance
et de la spécincité
du psychique;
on sent qu'il faut en rendre
aussi
bien
compte
des corps. D'autre
que de la formation
part, le
a apparu
à beaucoup
comme
rôle de l'esprit
devant être bien plus considérable
dans l'organisation
du monde
ne l'avait
qu'on
pensé
d'abord.
C'est pourquoi
Anaximène,
qui d'ailleurs ne veut point renoncer
au monisme,
attrila
bue à sa matière
première,
expressément,
connaissance
et la raison
il la rend digne d'être
célébrée
dans les termes
mêmes
qu'il conviendrait
pour le Nous
d'Anaxagore.
d'employer
Et il cherche,
dans les propriétés
d'un air gramoins
humide
et plus
la
duellement
léger,
de l'activité
sencause des propriétés
vitales,
et de l'activité
il institue
sorielle
rationnelle
une anatomie
et une physiologie
afin de montrer
les veines,
le cœur
et le cerveau
comment
de
à amener
les plus merveilleuses
concourent
del'air. D'Anaximène,
toutes les transformations
il retient aussi fermement
la théorie de condenet de la raréfaction
sation
celle-ci lui semble
toujours
postérieure.
les
C'est ainsi'que
peu à peu, même chez
le plus vite l'obserqui abandonnent
penseurs
aux divinavation du réel pour se fier davantage
la méditation
des hypotions de l'esprit, jusqu'à
réussit
à
thèses métaphysiques
les plus naïves
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
31
à
de la spéculation
grecque,
intéressantes
et
des idées
produire
d'esMais l'école
dont nous venons
a pour
honneur
l'histoire
principal
quisser
il le
un peu en dehors
d'avoir suscité,
d'elle,
le grand Hérakiite.
faut reconnaître,
accroître
lui faire
fécondes.
le trésor
CHAPITRE
III
Héraklite.
des idées de Thalès
Héraklite
subit l'influence
et d'Anaximandre,
mais il dut vraisemblablement aux Pythagoriciens
son idée du rythme
universel.
D'autre
part, ce sont les ambitieuses
des uns et des autres qui lui inspispéculations
rèrent son dédain si marqué
pour la polymathie
il les met au même
Il veut
rang qu'Hésiode.
en grande partie, un penseur
être, et il y réussit
aussi ne doit-on pas se préoccuper
indépendant
il importe
de la date de son acmé;
beaucoup
même assez peu de savoir qu'il fut en relation
avec les Eléates
dont le paradoxe,
inverse
du
sa propre
à exagérer
doctrine.
sien, l'invitait
sa profonde
il convient
Mais malgré
originalité,
de ne pas le séparer
des premiers
car
Ioniens,
si l'objet propre de ses méditations
est le devenir
d'une maplutôt que l'être, il traite du premier
nière analogue
à celle dont ces philosophes
le choix
du second;
d'une
matière
parlaient
lui paraît comme à eux le point capital
première
de l'univers.
d'une théorie
En réalité,
c'est à
doit le plus; l'importance,
l'Egypte
qu'HérakIite
chez lui, de l'élément
le rôle
igné et lumineux,
intellectuel
et artiste
au principe
qu'il reconnaît
des choses,
le sort qu'il attribue
aux âmes avant
s
PHILOSOPHIE
GRECQUE
3
34
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
ses constantes
antithèses
et
et après la mort,
des
jusqu'à la forme qu'il leur donne rappellent
des rites,
des hymnes,
des aphoconceptions,
rismes
égyptiens.
et hautain
floL'obscur
philosophe
d'Ephèse
vers 502 il écrivit,
rissait
le premier
pendant
quart du ve siècle, une œuvre dont il nous reste
scientifique
peu de chose et qui est bien moins
ou d'un
Anaxique celle d'un Anaximandre
mais d'une richesse
très
mène,
philosophique
De noble race et d'un caractère
très
supérieure.
il
très élevé et non moins
droit,
ombrageux,
la démocratie,
les préjugés
abhorra
de la foule
rien à l'œuvre
du Verbe,
l'enqui ne comprend
et la présomption
vie du populaire
des habiles;
il lutta pour la défense
du gouvernement
ariset finit par fuir ses contemporains.
tocratique
de mourir,
il confia son manuscrit
Avant
au
temple d'Artémis.
Son
intellectuel
est
remartempérament
il voit partout
Au dehors,
la contradic-.
quable.
tion et la guerre
au dedans,
des entrapartout
ves à la recherche
du vrai moral
et pourtant
il
ne devient
il pose comme
cerpas sceptique
taine la double loi de l'écoulement
et
perpétuel
de l'universelle
Autant il se. défie de
opposition.
artificiel
des démonstrations
subtiles,
l'appareil
autant il croit à sa raison
la loi
qui proclame
il lui semble que, de cette
du monde
suprême
une intuition
loi, sa raison possède
supérieure
à tout raisonnement.
Il affirme de même
l'harle gouvernement
monie des contraires,
de l'ula valeur absolue de toutes
nivers par la raison,
les opinions
celle-ci
théoriques
pratiques
que
ou
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
35
souvent
en s'attristant
de les enengendre
et qu'elle oppose aux inepties
de la
gendrer
dont cependant
elle ne se juge
pensée commune
absente.
S'il est un ancien
dont
pas totalement
la mentalité
de celle de
peut être rapprochée
c'est bien Hérakiite.
Pascal,
Le feu, suivant lui, est l'élément
le plus propre
à rendre
du changement
éternel
des
compte
car son essence
est la mobilité,
la mobichoses,
lité d'une chose qui paraît active par elle-même.
Si tout est feu, tout doit sans
cesse
changer.
le feu devient-il
Comment
et
eau, et l'eau terre
souffle sec ou igné, ou air ? Comment
la terre
redevient-elle
de l'eau, de l'eau qui refait de la
terre et du souffle sec ? Comment
l'eau régénèret-elle le feu, que déjà reconstitue
le souffle
sec
à moins
qui s'élève des basses régions,
que ce
d'abord
en eau ? Quel est
souffle ne se dissolve
le mécanisme
de la transformation
descendante
et de la transformation
ascendante?
Condensation
et raréfaction,
ou transsubstantiation
?
Hérakiite
ne s'explique
sur
ces
divers
pas
de l'eau est-elle
ce qui
La disparition
points.
et y a-t-il, dans l'état
l'embrasement,
explique
tout ce
produit
qui détruit
par l'embrasement,
la production
qui est sec, de quoi comprendre
? Comment
de l'humide
se fait-il
subséquente
de détail où le
les transformations
que, malgré
hasard
total
paraît jouer un rôle, l'embrasement
revienne
toujours
après dix mille huit cents ans ?
si le rythme
Tout se passe comme
dynamique
s'allume
et s'éteint
le feu était
suivant
lequel
intellectuel
plus nettement
réglé par un principe
et volontaire,
que la raison
plus personnel
36
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
il en faut convenir
abstraite
qu'il nous
au feu et une avec
comme immanente
présente
les détours
et les
comment
donc, malgré
lui
des transformations
hasards
partielles,
le rythme
le Tout s'éteint
et se rallume
suivant
lequel
inutile
est-il si régulier
indéfiniment
? Il serait
les textes
hérakiitéens
de presser
pour trouver
à toutes ces difncultés.
une réponse satisfaisante
de
n'est point un physicien
C'est qu'Héraklite
de la pure
sort du domaine
dès qu'il
race;
ses intuitions
sont dépourvues
métaphysique,
Il revient à la conception
d'une
de toute valeur.
des vapeurs
terre plate exhalant
qu'alimentent
et l'eau si elles sont
le feu si elles sont brillantes,
les astres ne sont pour lui que des
obscures
circulant
on ne sait pourquoi
bassins
renversés
des vapeurs
nées de la terre entredans le ciel
celui du soleil ou
tiennent
le feu de ces bassins;
voilà
de la lune se retournent-ils
entièrement,
un retournement
une éclipse
totale;
partiel
et les phases
de la
l'éclipse
partielle,
explique
lumineuse
du soleil,
la supériorité
lune
large
vient de ce qu'il se
d'un pied probablement,
trouve dans une atmosphère
plus pure que celle
et
les planètes
toutes
de la lune par exemple
eHes nous
sont au delà du soleil
les étoiles
moins que lui à cause de leur distanéchauffent
des
est produit
ce l'orage
par l'embrasement
des vapeurs
les vicissitudes
engendrent
nuages
l'un des vapeurs
le jour et la nuit,
victoires,
des vapeurs
obscures
l'alterl'autre
brillantes,
d'une façon ananative
des saisons
s'explique
est la
la mer est salée parce
logue
qu'elle
de la terre,
etc. Bref, la science
sueur
recule,
assez
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
37
avec Hérakiite,
vers des idées pareilles
à celles
des premiers
penseurs
grecs ou même à celles
des mythologues
égyptiens.
Mais en revanche,
que l'Héraklite
métaphysicien est profond
Avant Anaxagore,
mais en
il discerne
dans l'univers
la part de
moniste,
mieux
Ioniens.
Il le
l'esprit
que les premiers
déclare mêlé à toute chose,
cause
de
première
tout événement
c'est pour rendre le monde plus
assimile
l'un à
pleinement
intelligible
qu'il
l'autre le feu et le Logos. Par cette identification,
il se prive de pouvoir
construire
une théorie
même
de l'univers,
et il
mécaniste,
modérée,
de rendre
la conscience
risque
inexplicables
humaine
et la personnalité
divine. Mais d'autre
la nécessité,
n'oubliera
part il accentue
qu'on
plus guère en aucun temps, de remonter
jusqu'à
l'âme, jusqu'au
divin, pour rendre
intelligible.
des choses
et n'est-il
l'intelligibilité
pas natul'être et l'activité,
d'identifier
rel, à qui identifie
aussi
l'être avec la loi ? Le Logos
d'HérakIite,
au reste, manœuvre
les éléments
avec une sorte
de respect
de leurs transpour les lois naturelles
formations.
Ce Logos gêne-t-il beaucoup
plus le
finalistes
physicien
que ne font des conceptions
et plus subtiles
? Non, sans doute.
plus récentes
On ne voit pas bien comment
ce Logos
est à la
fois lui-même
et le feu, le feu et le reste, comment
il est tout et pourtant
le fond des
davantage
choses que leurs divers états, le meilleur
de ce
qui est plutôt que le pire ? Mais ces difficultés
sont inhérentes
à toutes les doctrines
auxquelles
ou moinsle
nom de panthéistiques,
convientplus
et quand même le feu ne serait point divin, il ne
38
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
serait pas moins mystérieux
qu'il soit à la fois
éternel et nonobstant
sans cesse en voie d'extincmonothéiste
tion ou de régénération.
Quelque
à délimiter
assez bien
que l'on soit, arrive-t-on
la sphère
du pur divin pour être sûr de ne pas
faire tort à Dieu soit dans la mesure où l'on disoù
de lui l'univers,
soit dans la mesure
tingue
dans l'univers
?
l'on veut le retrouver
encore
à Hérakiite
théologien.
Soyons donc indulgents
Et ne lui reprochons
pas non plus trop vivement d'avoir
poussé aussi loin qu'il le fit la docunitrine de l'opposition
et de la contradiction
affirmer
mieux vaut le plus souvent
verselles
à la fois, avec les réserves
sans
nécessaires
doute, la thèse et l'antithèse,
que de rejeter absolument
l'une ou l'autre
on ne risque, ainsi, que
tandis qu'en supprimant
des vérités,
d'exagérer
chances
tout à fait l'une des deux, il y de grandes
pour que l'on erre tout à fait sur un point. Assez
et artificiels
d'affirsont certains
puérils
couples
mations
et de négations
qu'il se plaît à commenter avec une sombre
mais ce serait
éloquence,
l'intention
fausser
sa pensée que de lui attribuer
de nier toutes ses affirmations,
celles du oui par
celles du non et celles du non par celles du oui
ce n'est pas l'être qu'il rejette, mais sa fixité qu'il
mais il y a de la
avec excès souvent,
conteste,
vérité dans son paradoxe
aux yeux de la science
la plus moderne
il veut dire seulement
que tout
et qu'il y a en toutes
choses
des tenchange
la
divers
des mouvements
dances,
jusqu'à
de
comme
contradiction.
Mais de cela il s'irrite
ce qui ne devrait pas être s'il s'agit
de choses
il croit,
morales
choses,
et, s'il s'agit d'autres
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
39
et de l'opposition
sagement,
que de la lutte
résultent
des harmonies
et non seulemultiples,
ment des ruines et des haines
il dirait
volontiers qu'une
ce
intelligence
parfaite
comprend
Rien d'un Eléate
nihiliste
qui nous scandalise.
chez lui, ni d'un Hégélien
il a, ce qui
anticipé
vaut mieux,
le courage
de s'avouer
que l'esprit
est au-dessous
de la tâche qu'il assume lorsqu'il
ambitionne
de tout comprendre.
De plus grands
verront
moins que lui la complexité
et la relativité des choses,
auront
la
ou, s'ils les voient,
faiblesse
d'en tirer des arguments
en faveur
du
lui, il apprend
plutôt par là la résiscepticisme
à la loi qu'impose
aux choses
une Raignation
elle est morale pour
son dont il ne doute jamais
et le nom de nécessité
ne lui
lui, cette Raison,
de même le feu,
convient
pas sans réserves
qui
la face concrète
du Logos, n'est point
est comme
un agent
aux yeux d'Héraldite
exclusivement
mécanique.
Les dieux de ses contemporains
ne lui sauraient convenir,
mais son Dieu circule par tout
de chacun
la pensée
des hommes
l'univers
à la nature
dans
divine, qui se décèle
participe
les jugements
dans les
communs,
qui s'exprime
lois admises
tous les
par les cités, qui proclame
la modération,
conseillant
la sagesse,
préceptes
du vrai et le souci
le courage,
l'amour
de la
Toute croyance
vraie est un
dignité personnelle.
à cette raison
l'indiSérence
au vrai
hommage
est sacrilège,
ainsi que l'impertinence
d'avoir
à soi
celui qui lutte contre
une sagesse
ses
l'autre souille son âme qui
se purifie,
passions
de feu redevient
inférieure
et
eau, matière
40
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
La métaphysique
et la morale
des
méprisable.
sont préformées
dans l'Héraclitéisme,
Stoïciens
et celui de Placomme le théisme
d'Anaxagore
Héraklite
comme
ton
même,
alluma,
Pythaet métagore, le flambeau
mystique
théologie
et morale
s'unissent
physique,
métaphysique
encore chez lui que chez ce derplus fortement
nier. Le mauvais
est plus
physicien
d'Ephèse
prés de nos philosophies
que ses prédécesseurs
et ses contemporains.
Et le premier,
il ébaucha
la psychologie.
Identifier
l'âme avec l'air igné, tout en lui donnant d'ailleurs
l'eau pour origine,
croire
que la
entretient
sommeil
l'âme, expliquerle
respiration
et la mort par une
par une moindre
pénétration
nulle de l'air igné dans notre corps
pénétration
est sans doute puéril
de même, rendre compte
de la sagesse
de l'air inhalé et
par la sécheresse
.du vice par l'humidité
de cet air. Mais faire du
chez lui, sur l'idée
Logos, dont l'idée prédomine,
de sa matière,
la substance
même de l'âme, est
une vue de génie. Héraklite
décrit assez maladroitement
les causes internes
de nos perceptions
mais il voit nettement
erronées,
que la constitution de nos sens influe sur nos sensations;
il
dénonce
leur faiblesse
et se rend
des
compte
notre faculté
de
empêchements
que rencontre
sentir dans la complexité
des choses
il ose, au
nom de la raison,
en doute
l'évidence
révoquer
sensible
dont toute
la force 'est dans
notre
illusoire
à la permanence
des choses.
croyance
Le dogmatisme
n'a pas d'ancêtre
plus authensoient nés dans le
tique, bien que des Sophistes
sillon qu'il creusa.
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
41
de l'âme, a
Il paraît avoir cru à la persistance
et
celle même de l'individualité
après la mort,
il croyait
admis des sanctions
ultra-terrestres
aussi à la préexistence
des âmes
mais, en tout
des Egyptiens
ceci, il se rapproche
davantage
Grecs;
point de métempsychose,
que d'autres
mais, pour les bons, une fois la mort traversée,
le rôle de génies protecteurs
pour les méchants,
en
une dégradation
rapide de leur âme pauvre
souffle
de vivre, nous étions
déjà,
igné. Avant
a commencé.
Et
mais la préexistence
elle-même
tout le
l'existence
future
est passagère
comme
car les dieux que nous sommes
sont des
reste,
dieux mortels,
soumis
à la même
loi que tous
les autres
êtres de l'univers.
au pied
S'il n'est que juste de ne pas prendre
de la lettre les formuIesd'HérakIite
qui tendraient
à nier toute distinction,
toute vérité et tout être,
il faut reconnaître
aussi qu'il est quelque
peu
des exagérations
de son disciple
responsable
de dire
inexact
Kratyle,
pour qui il était même
que l'on s'était baigné une fois dans un neuve, et
abusait
de certaines
qui, pareil aux Sophistes,
de langage
que
pour démontrer
particularités
toute pensée cohérente
est impossible.
Kratyle
et
le trait d'union
entre Héraklite
est pourtant
la
avant
les Stoïciens,
Platon
qui recueillit,
du grand Ephésien.
meilleure
part de l'héritage
CHAPITRE
Pythagore
IV
et les Pythagoriciens.
de la spéculation
est
pythagoricienne
à l'apparition
un peu antérieure
de l'Héraclitéisme.
Il semble au premier
abord que chez les
savants
et mystiques
chercheurs
qu'HérakIite
il n'y ait de philosophique
dédaignait,
que le
de certaines
théories
scienvague ou l'arbitraire
de
alliage
tifiques et l'inévitable
métaphysique
de plus, le Pythagorisme
la pensée religieuse
une école de moralité
fut éminemment
pratique
individuelle
et sociale,
voire de sainteté.
Pourmême
de l'influence
immétant, sans parler
diate ou lointaine
qu'il exerça sur tant de courants philosophiques,
il est bien aussi une phiet ne l'est pas seulement
aux
losophie,
grâce
dont
idées
il dota
la
science.
générales
Il se relie
si intimement
aux
à
Mystères,
ne peut
surtout,
qu'on
toujours
l'Orphisme
exactement
ce qu'il en reçut
et ce
distinguer
Plus tard, les Pythagoriciens
qu'il leur donna.
se devaient
leur prît, sans
les
plaindre
qu'on
de nombreuses
idées
d'être
nommer,
dignes
plus que celles d'une école, pour ne leur laisser
en propre que le déchet de leurs longues
spéculations.
L'aube
44
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
de Samos florissait
vers 522 il était
Pythagore
né vers 580 et il mourut
en 500. Il dut fuir sa
une
le tyran Polykrate
après
patrie où régnait
il s'initia à
période de voyages au cours desquels
en Grande
la sagesse
il alla fonder
égyptienne,
une communauté
Grèce, à Krotone,
qui eut vite
des
hommes
et
imitatrices.
Ses
disciples,
les vertus
à son exemple
femmes,
pratiquaient
dont la doctrine
du maître
qui n'écrivait
la puisdéduisait
D'abord
point
l'obligation.
sance
autant
de ces communautés,
politiques
et
mais aristocratiques
zélées,
que religieuses,
s'exerça
jalouses,
pour le plus grand bien moral
et matériel
du pays, mais peu à peu elles lui deet
vinrent à charge
on les extermina
partout,
de son
dans l'incendie
Pythagore
périt lui-même
monastère
de Métaponte.
surMais ses disciples
conservèrent
bien accueillis
en Grèce,
vivants,
au monde
leur
le meilleur
de ses doctrines
un
fidélité enthousiaste
au maître
leur inspira
tel oubli de leur propre
gloire,
que nous risà Pythaen les écoutant,
de trop attribuer
quons,
gore.
On ne peut douter cependant
qu'il n'ait découla
servi par
le hasard,
vert,
quelque
peu
des sons
des hauteurs
relatives
correspondance
avec des rapports
ni qu'il ait
numériques
établi
des listes
de choses
étonnantes
par la
double similitude
quantitatives
des particularités
ou des
et des propriétés
qu'on
y remarque
ni que
aspects plus concrets
qu'elles présentent;
le symbolisme
du monde
l'ait sans
physique
cesse
ni même
qu'il ait regardé
préoccupé
les propriétés
des choses comme
mathématiques
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
45
et religieuse.
On
ayant une portée métaphysique
sait avec certitude
l'astronomie
qu'il ébaucha
dont s'enorgueillit
son école, qu'il fit des découvertes
et arithmétiques
géométriques
importantes.
la musique
Il imagina
des sphères
et les distances
dont le mouvement
lui
célestes,
à des proporsemblaient
répondre à des nombres,
il professa
tions remarquables;
la métempsychose et le retour éternel du monde à toutes les
une fois.
qu'il a traversées
étapes de l'existence
Sa physique
est un peu moins
immatérialiste
car rien ne pouvait
qu'on ne le pensa longtemps,
encore favoriser
une conception
aussi analogue
aux idées platoniciennes
que celle de l'être idensa morale,
enfin, ne dut pas
tique au nombre
être tout à fait celle qu'on lui attribua.
Tout bien
il est plus prudent
le Pythaconsidéré,
d'exposer
en général
la doctrine
de
gorisme
que d'exposer
continuaseul,
Pythagore
puis celle de ses
teurs.
devait arriver,
dans
où le
Le jour
l'école,
et jusqu'au
moral
seraient
totalement
physique
identinés
avec le nombre.
Une unité supérieure,
devait
être
ouvrière
d'harmonie,
regardée
le mélange
de la limite et de
comme
opérant
de la limite toute pareille
à l'impair,
l'illimité,
et de l'illimité
à toute division,
qui s'oppose
De
pareil au pair, qui se prête à la division.
l'unité au sens restreint,
et de la
qui est impaire,
est la dyade,
dont le type premier
pluralité
on devait tirer le droit et le
est paire,
laquelle
et le féminin,
le lumineux
le masculin
gauche,
le bien et le mal, le carré et le recet l'obscur,
tangle,
puis tous les corps et toutes les âmes,
46
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
et vertus. Mais d'abord on
avec leurs propriétés
d'une part un symbolisme
ne fit que construire,
des choses,
et d'autre
mathématique
part une
timidement
les deux
mathématique
physique
de la doctrine
se rejoignirent
ensuite
parties
de la façon qui a été dite. N'éet se sublimèrent
de fondre
tait-il naturel
la notion
de Dieu et
celle de la monade
le
suprême
? d'assimiler
Kosmos
borné par le ciel au limité, l'air infini
à l'illimité
? puis d'expliquer,
dans
qui l'entoure
ce monde,
tous les solides
avec leurs formes et
leurs propriétés
et jusqu'aux
âmes
toujours
plus ou moins matérielles
pour les anciens
d'air et de matières
cosmiques
par un mélange
identifiées
entré
l'un, à l'infini extra-cosmique
dans le Kosmos,
au pair, au divers,
au divisiau fini, à l'impair,
à l'indivisible
en
ble l'autre,
soi ? L'intervention
du continu
illimité
dans le
sein de la sphère
rendait
assez
qu'il enferme
bien compte
de la diversité
et de la multiplicité
à une sorte d'atomisqui s'y remarque
grâce
le rôle qu'une
autre école
tique où l'air jouait
devait attribuer
au vide,
la combinaison
des
deux
la formation
de
principes
expliquait
toutes choses.
Dans cette doctrine
et mystique,
le
dynamiste
mécanisme
et le mathématisme
universels
étaient en germe dès le début, et le paradoxe
où
l'on s'arrêta
Le nombre,
,était inévitable.
qui
rend intelligible
les choses,
les événements
et
leurs rapports,
devaient
donner
l'illusion
d'être
de ce qu'il faisait si bien coml'essence
même
il est conforme
car non seulement
au
prendre
naturel
de l'homme
de confondre
dogmatisme
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
47
de son intelligibilité,
et
l'être et les conditions
à un âge superstitieux
naturel
sans
d'exagérer
du nombre,
si surtout
il
mesure
l'importance
semble confirmer
arrive que l'expérience
cette
souveraine
des quavue, mais
l'indépendance
aux sensibles
lités mathématiques
par rapport
la possibirelatives,
qui leur sont au contraire
lité d'exprimer
en langage
tout
arithmétique
à demi phyle géométrique,
dont le caractère,
est par là même propre
sensible,
sique puisque
de la pure
à se refléter sur les notions abstraites
autant
de raisons
mathématique
qui aident
à voir comment
les Pythagoriciens
purentsérieument dire que le point c'est 1, la ligne 2, la
surface
3, le volume
4, et même la santé 7, l'an4. Il était tout indiqué,
née 8, la justice
pour
et de conceeux, de faire de l'âme une harmonie
« qui respire en mesure », comme
voir le monde,
un solide animé
par une âme qui est aussi une
telle
harmonie.
Le nombre
10 étant parfait
des quatre premiers,
si parfaits
comme composé
une Antidéjà, il leur parut juste de supposer
la décade
terre pour parfaire
planétaire,
qui
ne pouvait manquer
d'exister.
Une fois le nomil n'y a plus de physique
bre divinisé,
admissible qui ne soit mathématique
un enthousiasme
l'attitude
esthético-mystique
remplace
critique
et moins les théories
sont conque l'on imagine
crètes, plus elles ont de chances
d'agréer.
On aurait
tort malgré tout de trop reprocher
aux Pythagoriciens
d'avoir cru à des rêves
ils
ont tenté d'élaborer
une science qui dépasse
la
de l'homme
mais, de cette science,
compétence
l'idée n'est point absurde
en soi
et il n'est pas
48
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
de philosophe
idéaliste
qui ne doive reconnaître
en eux des précurseurs.
N'est-il pas vrai aussi
la plus abstraite
de la mathématique la partie
sur la
que doit avoir le pas sur la géométrie,
entière ? Et ils n'ont pas cultivé que
physique
la mathématique
pure. De très bonne heure, ils
de la terre, qu'ils firent.
admirent
la sphéricité
tourner
autour d'un feu central auquel,
disaientla même
la
ils, elle présentait
face,
toujours
face opposée
à celle que nous habitons.
Cette
révolution
rendait
du jour et de la nuit.
compte
suivant
aussi,
eux, le soleil dont ils
Sphériques
connurent
le mouvement
la lune, qu'ils
annuel
firent tourner
comme le soleil et la terre autour
de l'Hestia
du monde,
du centre universel,
mais
enfin et les étoiles dites
en un mois
les planètes
ils paraissent
avoir attribué
un
fixes, auxquelles
mouvement
lent. Ils enseignaient
l'inclinaison
du soleil et ils purent,
du plan du mouvement
en combinant
les observations
faites par d'autres avec leurs propres
découvertes,
expliquer
les saisons.
Tel était, du temps de Sokrate,
le
de la science
de Philolaos.
plus important
devait
faire tourner
la
(ou Hikétas~
Ekphante
terre autour
de son axe
faire tourHéraklide,
et Vénus
autour
du soleil
ner Mercure
puis,
et en 286, Aristarque
Mars leur fut adjoint
de
Samos proclama
vraie la théorie qui fait la gloire
de Copernic.
Un examen
du ciel,
plus complet
et la diffusion
de récits de lointains
voyages
qui
ni l'Antiterre,
n'avaient
révélé ni le feu central,
la plupart
avaient
des
peu à peu fait délaisser
erreurs
celles
dont nous
d'abord,
professées
avons
comme
parlé et d'autres,
l'absorption,
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
49
de la lumière
et poreux,
par un soleil vitreux
issue de la voûte céleste.
faisaient
C'est ainsi que ces mystiques
avanet non seulement
ils eurent,
cer le savoir positif;
de l'observation
à la pratique
astronogrâce
de l'universelle
détermination
mique, l'intuition
et même
du caractère
du monde
physique
de cette détermimathématique
rigoureusement
mais ils eurent
dans d'autres
aussi,
nation
très marquée
à suivre de
une tendance
sciences,
de
qui avait révélé le principe
près l'expérience,
à leur maître
témoin
les travaux
l'acoustique
de Krotone,
d'Alkméon
de Pythacontemporain
gore et moins hardi que lui, qui logea la sendans
le cerveau,
sibilité
des nerfs
distingua
de conditions
décrivit nombre
sensitifs,
physiode la perception
la
sensible,
esquissa
logiques
de l'intelligence
la
explication
par
première
de facultés
et préplus humbles,
complication
senta la santé comme un équilibre
défini entre
les éléments
Que les Pythagoriciens
corporels.
n'ont-ils
ébaudéveloppé
Fatomistiquc"
qu'ils
évité de rendre
et qu'ils auraient
chèrent
matédevait faire Démokritc
comme
rialiste
Peutau monde FEpicurisme
être eussent-ils
1
épargné
de la théorie du retour
Il ne faut point sourire
est finalement
tout déterminisme
éternel
obligé
s'il veut être logique.
de l'admettre
le
Pourtant,
le caractère
ils arrivèrent,
Dieu auquel
hautede leur morale
et leur croyance
ment libertiste
à l'union
définitive
de l'âme avec Dieu s'accorde leur physique
dent mal avec le déterminisme
et avec la théorie du retour
éternel,
qui, il est
le nombre
des réincarnations
limite
en
vrai,
PHILOSOPHIE
GRECQUE
4
50
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
des vies successives
de l'univers,
mais
chacune
à jamais
ne. permet pas aux âmes de se fondre
C'est dans l'Inde, sans
avec la monade
suprême.
de la croyance
doute, que fut l'origine
orphique
et à l'uà la métempsychose
et pythagoricienne
avec le premier
nion des âmes
l'Eprincipe
ce qui s'y mêla de plus moral.
gypte dut fournir
panthéisme
gâte le noble panenthéisme
Quelque
dans l'Orphisme
ou le Pythagoqui se déploie,
en mythes,
en rites profonds
risme, en pensées,
mais les renaissances
conditionet poétiques
nées par les degrés divers du mérite ou du déméla vie, et les expiations
rite acquis
pendant
intercalées
par les Orphiques,
puis
par les
entre la mort et le passage
des
Pythagoriciens
la rédempâmes en d'autres
corps en attendant
très
tion totale,
demeurent
des conceptions
dont le caractère
en partie
hautes
ne
puéril
diminue
en rien la sublimité
morale.
Deux points sont spécialement
remarquables
en leur éthique
un souci très net et très vif de
la perfection
individuelle,
qui leur est commun
et un souci non moindre
du
avec l'Orphisme,
salut moral d'autrui,
les autres étant envisagés
comme individus
tout autant que comme membres d'une collectivité
dont le bien est souhaitable. L'examen
de conscience
est à la base de
leur régime moral, comme la tempérance,
poussée jusqu'au
est le premier
article
végétarisme,
et comme la commude leur régime
physique,
nauté des biens jointe à l'obéissance
au maître
les deux règles
forment
fondamentales
de leur
social. On a imaginé
bien des fables sur
régime
secret de Pythagore
tout porte
l'enseignement
LA
à croire
gradué
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
51
était seulement
que son enseignement
de façon
à correspondre
aux
divers
intellectuel
et spirituel
des
degrés d'avancement
Si ceux-ci furent jaloux de leurs condisciples.
ils laissèrent
se répandre
naissances,
cependant
les plus importantes.
L'obscurité
de certains
de
leurs dogmes
et la singularité
de certaines
de
leurs habitudes
ne pouvaient
de donner
manquer
à l'Ordre pythagoricien
d'un enseml'apparence
ble d'hommes
à des doctrines
initiés
secrètes.
des idées de
Quoi qu'il en soit, ils ont élaboré
toute sorte avec une originalité
incontestable,
une puissance
merveilleuse
et un sens de la
réalité
à
suprasensible
qui les recommanda
l'attention
de Platon,
de Plotin,
et aussi
des
Stoïciens.
La spéculation
chrétienne
leur doit
celui-ci a introduit
plus encore qu'à Hérakiite
dans le monde l'idée du Verbe
mais
créateur,
les Pythagoriciens
ont directement
à la
préludé
morale
et à la mystique
et ils ont
chrétiennes,
des théories
la
devenues
esquissé
qui sont
science même
ils sont même les inventeurs
de
démonstrations
où
idées, de plusieurs
plusieurs
l'on n'a rien eu à modifier.
CHAPITRE
Xénophane,
Parménide,
V
Zénon,
Mélissos.
I. Xénophane.Ce n'est pas sans d'expresses
réserves
de
que l'on peut placer
Xénophane,
en tête de la liste des Eléates. C'était
Kolophon,
un pauvre rhapsode,
de tempérament
à la fois
à Elée une nouépique et satirique,
qui chercha
velle patrie,
la sienne subit le joug des
quand
il voyagea
sans cesse,
des
Perses
composant
vers dont peu nous sont parvenus.
Il était né en
vers 478. Il fut connu
d'Héra570, et il mourut
klite et connut
les Pythagoriciens,
mais leur
doctrine,
nele
pas plus que celle d'Anaximandre,
satisfaire.
Peu dogmatique
pouvait
par nature,
même, mais, bien qu'inapte
presque
sceptique
à la réflexion
très curieux
des phéscientifique,
nomènes
au reste,
d'un solide
naturels,
doué,
bon sens et d'une grande
rectitude
morale
qui
s'unissait
à un sentiment
religieux
pur de suil fut tout ensemble
l'adversaire
des
perstition,
de son temps,
du polythéisme
vulphilosophes
et de toutes les erreurs
conventionnelles
gaire
dont s'autorisent
la faiblesse
et la sotl'orgueil,
54
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
tise des hommes.
Mais il édifia peu,
ou peu
et ce n'est qu'une
rencontre
s'il se
solidement,
des idées
trouva un Parménide
pour développer
dont il s'était avisé et qu'il avait semées,
le plus
et sans trop y tenir.
en ironiste
souvent,
On a fait bien à la légère un savant de Xénos'il aperçut
dans les fossiles
la preuve
phane
et lentes
transformations
d'anciennes
géolol'idée d'un
giques et s'il eut l'un des premiers
sa croyance
à l'origine
scientifique,
progrès
de tous les êtres, sa concepou aqueuse
terreuse
des choses
au métion du retour
périodique
son affirmation
lange des deux éléments,
que la
infinies
et que
terre est plate avec des racines.
les astres ne sont qu'un résultat,
nouveau
chaque
de vapeurs
issues
de notre
fois qu'ils brillent,
etc., autant
d'opinions
qui ne lui font
séjour,
pas grand honneur.
des Sophistes,
Mais cet ancêtre
d'après
lequel
l'homme
ne saurait
la vérité
pas qu'il possède
au cas où il la tiendrait,
mieux sur la
s'exprime
divinité
et paraît
singulièreque bien d'autres
ment sûr d'en bien parler.
Condamnant
l'anridicule
des hommes
de toute
thropomorphisme
à eux
race, qui se font des dieux semblables
ainsi feraient
les bœufs et les lions, s'ils étaient
il maintient
religieux
cependant
que Te Dieu
véritable
voit, entend et pense par tout ce qu'il
ce Dieu ne
est; les dieux inférieurs
que gouverne
sont pas ceux de la foule. Sa conscience
et saraison proclament
que l'on doit penser ainsi du divin. Il cède néanmoins
à la tendance
de
générale
son époque, en faisant de Dieu l'unité du monde;
mais ce naturaliste
est loin du matérialisme.
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
55
est tout, mais, des êtres particuliers,
il n'a
point le masque.
Le reste de sa métaphysique
est assez ambigu;
la science,
il devient aussitôt
quand il approche
moins
clair et moins
intéressant.
Aussi
fut-il
étant donné
telles de ses opinions,
facile,
d'y
voir comme des divinations
de la doctrine
de
ou de Zénon, qu'elles pouvaient
Parménide
favoriser. Avec l'éternité
du monde,
il proclamait
son infinité
Parménide
est finitiste, mais qu'ima dit
porte ? Comme lui et avant lui, Xénophane
ie monde
au moins
dans son enimmobile,
et homogène
soit
semble,
aussi,
quoiqu'il
moins ferme sur ce dernier
point.
Xénophane,
sans doute à la surface
de la terre,
songeant
de tous
qu'il croyait infinie, la déclarait
égale
les côtés
c'en est assez
pour qu'on
prétende
qu'il faisait le mondesphériqueavantParménide.
Il se croyait obligé de nier le mouvement
diurne
pour cette raison
déjà qu'il ne jugeait
pas-le
de plus, n'admettant
monde sphérique
pas la
finité du Tout, il pensait
devoir en nier le mouvement
comme
la sphéricité.
Mais on néglige
sur
n'avait-il
insisté
le caractère
cela;
pas
et sur l'égale faiblesse
trompeur
des apparences
les habiles
savent
des thèses
opposées
que
rendre également
vraisemblables
? Donc, affirles antinomies
de Zénon sont en germe
me-t-on,
de mauchez lui. Qu'il est donc facile d'écrire
vaise histoire
qui paraît vraie 1
Quoi qu'il en soit, il y avait dans ses théories
à cette sorte
au moins un peu de quoi conduire
de
de nihilisme
un des aspects
qui caractérise
et au monisme
l'Eléatisme,
hyperbolique
qui
L'Un
56
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
Mais sa doctrine
un autre aspect.
en caractérise
et moins
moins
nous apparaîtrait
significative
n'eussent
riche si Parménide,
Zénon et Mélissos
point existé
fondateur
de
Le véritable
IL Parménide.
l'école dite éléate naquit vers l'an 512 à Elée, où
Il appartenait
et repassait
Xénophane.
passait
et fit œuvre
de législaà une famille puissante
de regretter
d'être peu
teur. On a des raisons
mais en resur ses idées
morales
renseigné
il nous est parvenu
assez de son poème
vanche,
son ou plutôt
sur la Nature
pour bien connaître
du monde.
Il se faut garder
ses deux svstèmes
clairement
conscient
de toute la
de le croire
de certaines
de ses conceptions;
valeur
mais
il est l'un
des Antésocratiques
dont les intuile plus sur l'avenir.
Il inventa,
tions anticipent
il aperen effet, l'idée de la dualité du savoir
radicale
de la recherche
çut l'hétérogénéité
qui
et de celle qui porte
porte sur le phénoménal
même
sur l'être.
Il professa
que, de ces deux
est comme
la première
une affirrecherches,
de l'être,
mation
du non-être
à l'exclusion
la
seconde
et l'exclusion
l'affirmation
inverses.
Ce
et ce-que
que nous nommons
métaphysique
nous nommons
il le regarda
science,
également
comme devant être construit
sans aucun
appel
à la discipline
rivale.
Enfin il distingua,
corrélativement
aux deux savoirs,
deux
sortes
de
et qu'apporte
l'une qui est certitude
convictions,
avec elle la vérité,
évidente
aux yeux du bon
du bon ontologiste
l'autre dont
métaphysicien,
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
57
n'est que probable,
ou même,
l'exactitude
paren la satisfaction
de
lons mieux,
qui se résout
de l'harmonie
dans la théopouvoir introduire
si loin
rie des pures
Il poussait
apparences.
que d'une part,
l'opposition
par lui découverte,
et idéaliste
il
dogmatique
jusqu'au
paradoxe,
devant aucune audace métaphysique,
nereculait
et que d'autre
ce
part il allait jusqu'à
mépriser
science.
Vraies
ou fausses,
que nous appelons
toutes ses idées maîtresses
étaient
grandement
et nulle d'elles ne devait
être sans
originales,
histoire.
il retient
Des Pythagoriciens,
et incorpore
à
sa doctrine
véritable
idées très imporplusieurs
comme
celles
d'une
toute
tantes,
physique
de l'unité de l'être, de l'identité
du
conjecturale,
du monde
parfait et du limité, de la sphéricité
et dans la partie
de son poème
où il daigne
une cosmologie
à IJusage des esprits
esquisser
hausser
qui ne se peuvent
jusqu'à la vraie docà un système qui rappelle
trine, il mêle encore,
fort celui d'Anaximandre,
des souvenirs
pythagoriciens.Alkméonsansdoutey
fut pour quelque
à qui il éleva
une
chose, ainsi qu'Ameinias,
Ce qu'il
doit à Xénophane,
nous
chapelle.
l'avons
à
Quant
dit, n'est
pas considérable.
il fournit à Parménide,
dont il est le
Héraklite,
l'occasion
d'une critique
contemporain,
grâce à
la théorie
de ce dernier
une
laquelle
acquit
clarté merveilleuse.
Le philosophe
d'Ephèse
ramenait
l'être au devenir,
à ce qui est et n'est
de voir
point, tout à la fois. L'Eléate
s'indigne
l'être et le non-être
le non-être
réunis,
intégré
dans l'être, assimilé
à l'être
à la foule,
pareil
58
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
est dupe de l'apparence
comme lui,
l'Ephésien
elle se contredit,
mais le philosophe
fait pis
s'étant avisé qu'il y a du non-être
dans
qu'elle
le donné, devait-il
hésiter
à nier le monde apparent ? Sans doute,
tout le sensible
est changement et diversité
du non-être,
l'irréalité
mais,
et tout ce dans quoi il entre n'est
est absolue,
aucunement
Surtout,
qu'on ne fasse pas du
de la mobifeu, qui est le type par excellence
lité, le fond du réel. Ce fond, rien de sensible ne
lui ressemble.
Parménide
est impitoyablement
et
logicien
L'être est, dit-il, et le non-être
n'est
dogmatique.
il n'est d'être que pensable
et exprimable,
pas
et le non-être
n'est ni l'un ni l'autre.
L'être
ne
car naître de l'être ne
peut avoir une naissance,
serait pas naître, et le non-être
ne pourrait
devenir être
mourir
en demeurant
réel ne serait pas
et mourir
tout à fait serait
mourir,
engendrer
-comme un être qui ne serait pas; changer
n'est
ce serait encore moupas davantage
possible,car
rir et naître. Il n'y a pas de mouvement
si l'espace
car dans quelle étendue
se mouvrait
l'éexiste,
ni s'il n'existe
.tendue,
pas, car où donc le mouvement aurait-il
lieu ? Telle est sa logique,
puissante, mais étroite, involontairement
sophistique
autant
qu'elle est subtile. Pourtant,
qiTil pouvait
naturel
de transporter,
aux qualités
des
paraître
la permanence
relative
choses,
que depuis Thalès on attribuait
à l'élément
et la perpremier,
manence
absolue
l'on
attribuait
à la
que
du tout
de ne vouloir
en fin de
quantité
parler,
absolue
Et poser
que de permanence
compte,
l'immutabilité
du réel, n'était-ce
pas s'obliger
à
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
59
sont
nier les choses phénoménales,
puis qu'elles
comme changeantes
de
données
? Les prestiges
ont fait de Parménide
leur prela dialectique
mière dupe en Hellade.
Depuis Thalès, l'unité du
fond des choses était admise de ceux mêmes qui
des principes
énuméraient
Parmémultiples;
seulement
avec plus de rigueur
nide raisonna
et ne faut-il
d'avoir
pas, en un sens, le louer
tout à fait à l'expédient
voulu renoncer
de la
l'univers?
pour expliquer
De plus,
métamorphose
on confonsans parler de la facilité avec laquelle
du
dait alors le sens absolu et le sens attributif
verbe être, il y avait chez tous les métaphysioù l'ancien
animisme
reliciens de ce temps,
une
tendance
avait laissé
des traces,
gieux
à ne donner
invincible
sans réserve
le
presque
àl'imnom d'être qu'à l'un, au parfait, à l'éternel,
le continu,
cet être devenait l'indivisible,
muable
dans l'esl'homogène,
quand on le considérait
de ne
pace. Il était bien difficile, à cette époque,
aux sens la réalité de l'espace
tout
pas concéder
au moins.
Zénon
leur fit cette concession.
La
finité paraissait,
de la perfecaussi, inséparable
tion. Parménide,
plus attentif que ses prédécesaux conséquences
seurs et ses contemporains
ne
ou aux dessous
de leurs thèses
favorites,
de reléguer
l'être loin du phépouvait manquer
de nier celui-ci
en face de celui-là.
noménal,
et
Etre plusieurs,
devenir
se mouvoir,
autre,
autant d'imperfections,
même avoir des qualités,
d'infractions
aux
condidans
autant,
l'être,
tions de l'être. Il faut, dit Parménide,
que rien ne
il
en particulier,
à l'être
c'est pourquoi,
manque
le fait plein et immobile
niant qu'un vrai néant
60
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
et repoussant
l'entoure,
jusqu'à l'idée d'un vide
d'ailleurs
sa
relatif, il le fait limité, ce qu'exige
Il est
qui le veut aussi sphérique.
perfection,
et le
vulgaire
qu'un reste de- préjugé
probable
ont contribué
à lui faire
souvenir
de Pythagore
A qui nie le vide, le mouadmettre
la sphéricité.
doivent sembler
vement et la diversité
illusoires,
à qui nie le vide
et l'infini n'est guère concevable
lui-même.
La doctrine
est d'une
belle
absolu
cohérence.
a douté du temps
Parménide
doutapeut-être
dit que le tout est
t-il de l'espace,
puisqu'il
Mais ce doute ne fut que
comme une sphère.
réel
car il professe
un matérialisme,
passager,
d'un cartésien
avant la
bien qu'assez abstrait,celui
lettre dépouillant
le réel de tout ce qui lui paraît
mais ce matérialisme
est évident, bien
sensible
de spiritualisme
le monde est
qu'il soit pénétré
pensée et il est Dieu. Ceci n'est pas nouveau,
mieux
vaut le
mais il était beau de le redire
Quoi qu'il en soit, le
que l'athéisme.
panthéisme
de la doctrine
est d'une
extrême
résultat
paude l'être a tellement
vreté
l'ivresse
sublimé
le
de Parménide,
se peut
réel, dans l'esprit
qu'on
si le phénomène
de penser
demander
son univers ne doit pas être regardé,
de son point de
Et alors?.
Mais il
vue, comme un pur néant.
du moins,
ne s'est pas, explicitement
posé cette
Il est sorti d'embarras
un
en dessinant
question.
du monde,
second portrait
nulqu'il ne rattache
au premier
il aurait
lement
même
par-là
celui-ci
et qu'il ne se soucie
même
déprécié
au
autant
pas de faire ressembler
premier
de son
pu. Dans la seconde
partie
qu'il l'aurait
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
61
il est très peu original
il paraît lui sufpoème,
avec ses émules
dans un
hre, ici, de rivaliser
où il avait honte de ne pas dire son
domaine
un domaine
mot, bien qu'il se soit taillé ailleurs
Peut-on
le défendre
en lui supposant
propre.
dans la possibilité
de rendre
une foi secrète
toute rationnelle
la science du donné ? Rien n'y
l'abîme
ses deux mondes
autorise
qui sépare
Kant
est encore
plus profond
que celui
que
Le
creusa entre le noumène
et le phénomène.
de ce dernier
tantôt
l'appaphénomène
paraît
inférence de ce qui est, tantôt une sorte d'être
le
en soi
mais du moins
rieur, effet de l'être
noumène
n'est-il jamais présenté
par lui comme
comme une
la réalité exclusive
et le phénomène
illusion.
et léger, l'autre
Deux principes,
l'un lumineux
obscur et dense, et qui rappellent
tous deux les
toutes
constituent
d'Anaximandre,
principes
de l'Opichoses pour le Parménide
des Paroles
ils s'opposent
et produisent,
seuls ou par
nion
leurs mélanges,
tout ce qui est, ainsi que le font
les principes
issus de l'unité et de la dyade chez
Mais les Pythagoriciens
n'avaient
Pythagore.
Et reconpas tardé à parler comme fit Parménide.
naît-on bien l'adversaire
dans le phid'Héraklite
? Autour
losophe qui associe ainsi des contraires
de la terre, qui est dense,
il place des sphères
dont la plus extérieure
concentriques
rappelle,
est soutenue
par son immobilité.celle
duToutqui
dans la première
cette
du poème.
Entre
partie
et nous,
il existe
des régions
sphère
plus ou
moins lumineuses
dans la plus brillante
siègent
les dieux ordonnateurs
du monde, spécialement
62
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
la Nécessité
entièrement
et l'Amour.
Ceci même
n'est pas
de son invention,
et l'on voit mal
de cette même sphère,
l'illuprocède
pourquoi,
sion. Il montra
une certaine
sagacité
cependant
dans sa théorie des zones terrestres,
scientifique
et quand il identifiait
l'étoile du soir à celle du
mais son originalité
sur ces deux points
matin
n'est
Le même
revenait
pas établie.
penseur
à des idées tout enfantines,
comme
la
parfois
à la production
des astres
croyance
par des
tout entiers,
et il
vapeurs
qui les constitueraient
ne voyait qu'un synchronisme
dans l'apparition
du jour et le lever du soleil;
lui
l'atmosphère
semblait
la source de la lumière.
Ces quelques
détails suffisent
pour montrer
que s'il sut profiter de certaines
il n'est pourtant
découvertes,
sa gloire est ailleurs,
dans
point un vrai savant
sa métaphysique
dont la fécondité
directe
et
indirecte
est incontestable,
et dont les erreurs
sont d'une nature telle qu'on
n'est point philode les méditer.
sophe si l'on s'estime
dispensé
III. Zénon.
Le plus subtil des Eléates,
et disciple
de Parménide,
se
Zenon, concitoyen
donna pour tâche de réfuter
les
par l'absurde
adversaires
de l'école. Il naquit entre 492 et 485
et paraît avoir conçu de bonne heure
un grand
enthousiasme
la doctrine
pour
qu'il défendit
contre
la colère inintelligente
du bon sens vulet contre
les Pythagorévoltait,
gaire, qu'elle
riciens
dont la manière
de concevoir
à
l'unité,
savoir comme l'élément
réel d'un monde
vraiment pluralité,
lui semblait
avec
incompatible
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVAXT
SOCRATE
63
d'un mouvement
Il déintelligible.
surtout
mouvement
réel est
qu'un
dans un tel monde,
mais ne trouvant
impossible
une conception
qui ne
point, du mouvement,
il concluait,
pas cette même
suppose
pluralité,
et contre
le mouvement,
au nom de la logique,
de
et négation
affirmation
qui est tout ensemble
la pluralité,
et contre
la pluralité
qui, entre
autres
celui
de se
inconvénients,
présente
d'un mouvement
par l'existence
prouver
qu'elle
rend impossible.
Il est malaisé
Zénon
les cond'interpréter
cepts dont il se servait ne nous sont familiers
leurs
enrichissements
de
qu'avec
postérieurs,
sorte que nous ne pouvons
faire, en le lisant,
tout le vide qu'il faudrait
dans
notre
propre
esprit. Et puis nous ignorons
trop le milieu où
il spéculait.
Il laissa de côté un certain nombre
de points
de la doctrine
de Parménide,
mais il
insista plus que lui sur quelques
notamautres,
ment sur l'irréalité
de l'espace
ici, il est même
l'unité
du
plus net que son maître.
Opposer
Tout
et non point,
comme
tels et tels le
la continuité
à
du Tout
supposent,
spatiale
la croyance
universelle
au divers,
en
prouver,
afin
est illusoire,
particulier,
que le mouvement
de ruiner ainsi la raison la plus forte de croire
au monde
tout
que niait Parménide,
presque
Zénon est là.
Nous
allons
ses principaux
indiquer
arguments.
Dix mille grains de millet produisent
du
bruit en tombant
à la fois
tombant
un à un, ils
n'en auraient pointfait:
méritent
quelle confiance
donc nos sens ? Quelle
est celle qui
logique
l'existence
montrait
64
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
dans le monde sensible,
dans le monde
régnerait
avec droiture,
en
Celui qui raisonne
du multiple?
à l'irréalité
du phénoconclut
mathématicien,
n'est point,
car il serait
ménal.
L'espace
et celui-ci dans un autre,
dans un autre espace,
et ce qui est absurde
à l'infini
Cela est absurde,
les
n'est pas. Il faut croire à la raison
malgré
toute grandeur
est illusens.
Toute étendue,
diviser le fini en une
car on ne saurait
soire,
bien que le fini requière
innnité
une
d'éléments,
le fini infini
telle division
leur somme rendrait
et l'on ne
s'ils
sont
encore
chose
quelque
en
d'autre
pourrait,
part, obtenir une grandeur
Mais les quatre
le néant à lui-même.
ajoutant
l'erreur
du mondearguments
qui réfutent
des illogismes
liés à la
par l'exposé
pluralité
au mouvement
sont d'une importance
croyance
Voici qui semble à Zénon
encore.
plus grande
la dernière
trace de pluralité,
détruire
jusqu'à
la pluralité
de ces êtres si pâles et si
jusqu'à
d'un
les divers
minces
que seraient
points
d'un
comme
l'ensemble
réel,
espace
espace
» dont parlent
les Pythades « unités-positions
dix fois plus
1" Achille,
goriciens.
supposé
ne l'atteindra
jamais
rapide
que la tortue,
fois qu'il arrive au point d'où elle
car chaque
est partie
il est parti lui-même
d'un
quand
elle l'a devancé
d'une cerpoint plus éloigné,
devient
taine distance
chaque fois cette distance
dix fois plus petite,
mais jamais
elle ne sera
si même vous
nulle.
Niez donc le mouvement,
la tortue,
car ce que
voyez Achille
rejoindre
vous ne voyez pas
vous verriez serait absurde
ce que vous croyez voir; ce que montrent les sens
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
65
n'est pas, car cela, c'est l'impossible.
8" Qu'on
ne dise pas qu'en une infinité
d'instants
une
infinité
ae points
Car la
peut être parcourue
division à l'infini du temps et de l'espace,
exigée
rend impossible
même
son
par le mouvement,
un mobile
commencement.
Qu'on
suppose
devant
Il
une longueur
parcourir
quelconque.
devra d'abord
en parcourir
la moitié,
et, avant,
moitié de la moitié, et ainsi à l'infini. –3° Peut-on
même
du repos ?
le mouvement
distinguer
car en chaque
moment
de son vol, une
Non,
flèche occuperait
un espace
égal à elle-même,
ce qui l'identifie
avec une flèche en repos.
4° Enfin, l'on ne peut mesurer
les vitesses
sans
tomber
dans des contradictions,
car si deux
mobiles
d'une longueur
égale à celle d'un troisième objet se meuvent
à lui en
parallèlement
des sens opposés
avec une vitesse
le
pareille,
de l'un quelconque
des
temps du mouvement
deux mobiles
sera à la fois celui qu'il mettra à
mobile
et celui
devant
l'autre
passer
qu'il
mettra à passer devant l'objet en repos
dans le
moins
cas, il sera moitié
premier
grand
que
dans le second.
II est donc faux que le mouvement existe
divisible
qu'il suppose
l'espace
ne le saurait
et l'argument
recevoir
porte aussi
car on ne peut
contre l'existence
de l'espace,
concevoir
celui-ci que comme divisible.
Il n'est
donc pas, lui non plus, et toute la diversité
des
n'existe
dont it est le support
apparences
pas
davantage.
Ceux qui ont pensé que Zénon ne niait pas le
en le situant
dans
mais l'admettait
mouvement,
un espace continu,
de celui des Pythadifférent
PHtLOSOPmE
GRECQUE
5
66
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
et n'ayant
rien d'arithmétique,
ont
goriciens
cette méprise
sans doute commis
parce qu'ils
ne pouvaient
imaginer
que Zenon eût nié l'espace
à nier le temps. Mais, Si Zénon est
sans songer
il n'est pas étonplus idéaliste
que Parménide,
nant qu'il le soit moins et moins
complètement
ne peut l'être de nos jours.
Son unité
qu'on
immobile
est plus nettement
une et immobile
N'est-il pas clair, étant
que celle de son maître.
donné
la manière
dont il réfute le mouvement,
bien tout mouvement
qu'il entend
que c'est
et qu'il le réfute de telle sorte qu'il est
réfuter,
en même
de nier
tout à fait
obligé
temps
la possibil'espace
? D'un autre côté, concevoir
lité d'un mouvement
dans un espace rigoureusement
cela dépassait
les forces
de
continu,
Zénon.
avait bien proParménide,
dira-t-on,
clamé la continuité
Sans doute, mais il n'était
les difficultés
pas capable
d'apercevoir
logicoZénon,
mathématiques
qui pouvaient
frapper
était lui-même
de les vaincre
lequel
incapable
assez pour reprendre
l'idée d'un continu réel.
en pareille
des arguments
Certes,
matière,
comme
les siens sont trop simples
pour être
mais s'ils sont plus ou moins
convaincants
faciles à renverser
un
pour le mathématicien~si
kantien
se croit en droit de les mépriser
du haut
de sa doctrine
relativiste
du temps et de l'espace,
il reste vrai cependant
souleque les difficultés
vées par Zenon ne sont pas vaines
loin de là
ce n'est pas sans artifices
que le mathématicien
manie l'infini,
et le relativisme
kantien
est loin
de constituer
une doctrine
satisfaisante.
L'Atomisme
sera un effort pour expliquer
le mouve-
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
67
sans renoncer
à l'espace,
et
ment et la diversité
tel quel celui des Pythatoutefois
sans prendre
entièrement,
que l'on ne peut rejeter
goriciens,
sans nier tout à fait l'étendue
si l'on est logique,
une ombre
de disconil faut laisser du moins
à l'espace
si l'on veut que le monde
tinuité
ne devienne
pas inintelligible.
phénoménal
a su
Zénon, qui n'était aucunement
physicien,
faire profiter la philosophie,
qui presquetoujours
ce qui la renouvelle,
de
puise dans la science
et il appela
ses connaissances
mathématiques
sur des questions
où métaphysique
l'attention
sont également
et mathématique
intéressées.
il vit l'importance
et les difficultés
Le premier
de la division de l'étendue,
et s'étonna
avec profit
a pu
de l'infiniment
petit. Son argumentation
mais faut-il pour cela lui
les Sophistes,
inspirer
aussi à accroître
tenir rigueur
la
? Il contribua
des penseurs
tendance
grecs à confier à la dialectique la solution de questions
qu'elle n'est que
d'une façon artificielle
et
trop habile à résoudre
Mais mieux
valait encore
inciter la
spécieuse.
des sens et à croire
raison à se moquer
en soi,
et l'empirisme.
le scepticisme
que de favoriser
à défendre
un sysEnfin, le mal qui consiste
à celles
tème dont les conclusions
ressemblent
n'est jamais grave en
de l'illusionnisme
hindou
Occident.
Le vaillant
~/<~MO~.
samien
qui vainétait un
quit en 440 la flotte des Athéniens,
de Parménide
un peu plus jeune que
disciple
de la
Zénon.
Nous
de son Traité
possédons,
IV.
68
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
des fragments
mais dont
Nature,
importants,
est souvent
difficile.
le
l'interprétation
Malgré
discrédit
jeté sur lui par Aristote,
qui condamnait son infinitisme
et le tenait,
à tort,
pour
il doit être regardé
comme
un
matérialiste,
c'est un idéaliste
éminent
authentique,
penseur
bien qu'obscur
il ne se rapproche
pas, comme
on l'a trop redit, des premiers
mais il
Ioniens,
maintient,
Hérakiite,
parmi la race qui produisit
le point de vue de Parménide
il continue
et
avec originalité,
l'œuvre
de celui-ci
complète,
et celle de Zénon.
Selon Mélissos,
qui ignore ou fait comme s'il
la plupart
des doctrines
rivales
ignorait
qui se
autour de lui, l'être esté'ernel
produisent
parce
chose,
que le néant n'a pas pu devenir
quelque
parce que naître serait avoir fini une fois, et que
finir serait
se continuer
en autre chose ou se
transformer
en non-être.
De l'éternité,
il conclut
mais cette infinité
n'est point spaàFinnnité,
tiale ni surtout
corporelle
pour Mélissos,
qui
ni même l'étendue,
n'accepte
point la matérialité,
alors admettre
la divisiparce qu'il lui faudrait
oilité de l'être,
Il ne pouvait
qu'il
repousse.
l'être comme
tout ensemble
infini en
regarder
et immatériel,
étendue
car l'espace
on
auquel
de son temps était en général
celui ~es
pensait
c'est-à-dire
un ensemble
disconPythagoriciens,
tinu
une réalité
d'unités-positions
possédant
et s'il eût fait l'étendue
à la fois réelle
physique
il se serait
et continue,
vu forcé de l'identifier
au vide, donc au non-être
il l'eût par consédans cette hypothèse
sans
niée,
aussi,
quent
hésiter.
Mais pourtant,
son infinité est grandeur.
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
69
Comment
est-ce possible ? En somme,
on ne peut
ainsi:
la
le comprendre
qu'en
l'interprétant
de l'être est tout abstraite
c'est une
grandeur
une grandeur
infinie,
grandeur,
que Mélissos
en un sens, vaguement,
il le faut conentendait
idéaliste.
céder, mais rigoureusement
Pourquoi
absolument
à ce qu'on
s'oppose
pas, puisqu'il
croie au témoignage
des sens, à leurs suggestions ? Certes, il ne vit pas tout à fait clair dans
sa propre pensée,
le mot
car, on l'a remarqué,
de l'être
infini signifia pour lui l'indépendance
ni fin. Pour
qui n'a ni commencement
parler
dire qu'à ce sens se joignit
juste, il faudrait
en son esprit,
celui
que nous
promptement,
de
avons
mais jamais
rinnnitisme
indiqué;
ni surtout
ne fut spatialiste,
matériaMélissos
liste. Un moderne
conclut aussitôt,
de l'éternité
du réel, à la nécessité
de le regarder
comme un
tout, et il ne l'a pas plus tôt jugé tel qu'il le
du
déclare infini et un, à la grande
satisfaction
savant qui n'est en sécurité
que s'il se croit en
droit d'affirmer
l'illimitation
du domaine
qu'il
absolue
du fond des choses.
explore et l'unité
Mélissos,
qui n'avait
pas de préoccupations
et dont l'esprit
vraiment
critique
scientifiques
était assez borné, passa à côté de ces considéà l'infinitérations et conclut d'abord de l'éternité
puis, on ne sait trop comment,
indépendance,
à celle de grandeur,
de cette infinité
peut-être
afin que l'indépendance
soit assurée
par l'impossibilité d'une réalité rivale de celle de l'univers
si l'univers
tout le possible,
occupe
qu'est-ce
menacer
son indépendance
qui pourrait
? Une
fois le monde tenu pour infini, il est manifeste
70
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
mais le mot « un. »
qu'on doit le dire unique,
dont profite Mélisprête aussi à une équivoque
devient
à ses yeux l'homogénéité
~'unité
sos
l'univers
est
dans la durée et quant à l'essence
et impassible
immuable
alors déclaré immobile,
Ce dernier
autant
caractère,
qu'indivisibe.
qui
du tout, est impliqué
tient à l'unité même
par
la
car tout changement
les premiers,
suppose
dans ce qui change,
et la douleur
est
pluralité
de désagrégation.
l'effet d'un
commencement
nie la divisibilité
Mélissos
Mais surtout
parce
le vide, c'est-à-dire
la réaqu'elle impliquerait
ne saurait
lité du non-être,
être, et de
lequel
l'unité de l'invisible,
limiplus qu'elle briserait
ferait imparfait
Tout
terait
l'infini,
le parfait.
serait
encore
naissance
et mort,
changement
et il y a longtemps
aurait
que le monde
péri si
à changer,
ne fût-ce
jamais il avait commencé
donc toute philosopeu. Arrière
qu'infiniment
le réel par le mélange
et par le
phie expliquant
mouvement.
la ressemblance
de l'être qu'il
On a signalé
substitue
au sensible,
avec le Dieu du spiritualisme d'une part, et, d'autre
part, avec l'élément
objectif constant
supposé
par la science moderne
et subjectives.
sous les apparences
changeantes
faites. Mais
C'est à juste titre, toutes
réserves
rien n'oblige
à supposer
l'identité
du fond métaet de Dieu, ni qu'il ne
de l'univers
physique
se passe rien dans ce fond métaphysique,
que
la conscience,
nous fait toucher
en
d'ailleurs,
l'une de ses parties,
celle qui est nous.
Et rien
n'est plus vraisemblable
du
que le parallélisme
réel et de nos impressions,
de ses lois et de
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
71
et cette science
Ces impressions
notre science.
un Symbosont, en dépit de leur subjectivité,
railes mêmes
lisme vrai. C'est peut-être pour
tant, autrefois,
Mélissos,
sons, qu'on dédaigna
le réhabiliter.
et qu'on peut aujourd'hui
CHAPITRE
VI
Empédokle.
né vers 490, et Anaxagore
sont
Empédokle,
si
L'on ne sait avec certitude
contemporains.
l'activité
du premier,
le plus
philosophique
et
des deux,
celle du second,
devança
jeune
l'on est fondé
à croire
que les spéculations
ne furent
sur
d'Anaxagore
pas sans innuence
il est sage cependant
d'imiter
ArisEmpédokle,
d'abord
de ce dernier,
car il
tote, qui traitait
vraiment
comme le trait d'union
entre,
apparaît
et
d'une part les Ioniens,
Héraklite
y compris
et, d'autre
Diogène
d'Apollonie,
part, AnaxaDe plus, l'influence
des
gore et les Atomistes.
Pythagoriciens,
qui fut très vite à peu prés
est spécialement
chez
universelle,
remarquable
lui, et l'est davantage
que chez les Antésocradont il nous reste à parler.
Enfin ses
tiques
aux Eléates sont souvent
emprunts
plus immédiats que ceux de ces derniers,
les Sophistes
exceptés.
Ce n'est pas que ce citoyen
de la dorienne
son syninventeur;
Agrigente
soit un pauvre
74
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
est très avisé et, à tout prendre,
aussi
original
que telle ou telle des doctrines
qui y
Mais Empédokle
entrèrent.
avait, si l'on peut
parler ainsi, moins de raison que d'intelligence
sont
ses intuitions
d'un
mais
il
philosophe,
de force et de profondeur,
de suite aussi
manque
et le penseur
dans ses rénexions;
se double
d'un thaumaturge,
d'un magid'un mystique,
Sans doute il fut bon ingécien, d'un illuminé.
ses aptitudes
nieur et habile médecin;
politiques
à ses concitoyens
assez
purent même inspirer
voulussent
le choisir
de confiance
pour qu'ils
mais il se
comme chef, honneur
qu'il refusa;
sur lequel
l'histoire
faut défier d'un homme
raconte
mille légendes,
si surtout
elle ajoute
les voyait
éclore
sans déplaisir.
Quand
qu'il
nettement
même il serait inexact
qu'il prétendit
se faire passer pour un dieu et qu'il se jeta finail faut se souvenir
lement dans l'Etna,
du proL'on ne prête qu'aux
verbe
riches.
qui dit
C'était une âme tourmentée,
prenant
peut-être
autant
la vie au tragique
l'accent
qu'HérakIite
de son éloquente
poésie est parfois toutmoderne.
le négligent
ceux qui volontiers
de
Nous prions
si l'histoire
de la philosophie
se demander
serait
aussi
au
grecque
primitive
intelligible~
n'aurait
cas ou le poème d'EmpédokIe
pas laissé
de trace.
de la célèbre docAu premier
abord, l'auteur
trine des quatre éléments
n'avoir
peut paraître
l'eau à Thalès,
l'air à Anaxifait que prendre
la terre n'étant
mène, le t'eu à Héraklite,
que le
concrétisé.
dense des Pythagoriciens
Longtemps
à ces quatre.
l'Amour
et la Haine, qu'il adjoignit
crétisme
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
75
ou comme
deux noms
regardés
corps, furent
aux deux aspects
de la
qu'il donnait
poétiques
torce tenue par Anaximandre
pour immanente
deux principes
à la matière,
ou comme
spiride l'actituels, comme les deux manifestations
vité divine dans l'univers.
la presque totalité de
Il est facile de rattacher
à celles
de ses devanciers
mais
ses opinions
il l'est d'autant
moins
de déterpar là même
miner au juste ce qu'il y eut de personnel
dans
de rendre
ses emprunts
il est même
malaisé
à plus d'un
sa pensée
avec fidélité.
Médiocre
comme
d'inventions
celle, par
égard est l'intérêt
d'un amour et d'une haine aussi matéexemple,
et d'un
riels que le feu ou l'air, d'un cinquième
éléments
aussi divins,
mais non plus,
sixième
mais il ne faudrait
premiers;
que les quatre
la valeur de l'intuition
si neuve
pas méconnaître
de la science
contemqui rapproche
Empédokie
le premier,
il professa,
la pluralité
poraine
des corps simples.
Plus de monisme
simpliste
ni de dualisme
avec lui se fait jour un
abstrait
bien plus
raisonnable
celui
pluralisme
que
un pluralisme
sans danger
d'Anaxagore~
pour
à l'unité du monde, à la permal'utile croyance
totale du réel
cette docnence de la quantité
trine n'est pas moins
précieuse,
scientifiquement, que celle des Atomistes
cependant
plus
tort d'y chercher
des éléOn aurait
profonde.
antiments perses ou d'y voir un manichéisme
cipé.
Le monde d'EmpédokIe
est éternel,
fini, sans
indéSniment
de vide, et il repasse
mélange
par
les mêmes phases
de développement
et d'invo-
76
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
lution. Il est composé
de feu, de
d'air,
d'eau,
d'amour
et de haine.
On peut
terre, et aussi
bien se servir des termes d'amitié
et
également
de discorde.
Les quatre premiers
éléments,
plutôt passifs,
dans les deux derniers,
baignent
ils sont tous égaux en volume,
inéplutôt actifs
comme le montre l'impuissance
galementsubtils
des sens à percevoir
mais aussi matél'amour,
en leur essence
riels et aussi divins, immuables
et indestructibles.
Toute la diversité
des qualités
dans les choses
est due à des
qui se remarque
en proportion
variée des six éléments,
mélanges
de structure
aux différences
de leurs agrégats
et aux effets des lois générales
de l'équilibre.
L'amour
et
dissemblables,
rapproche
jusqu'aux
la discorde
mais
sépare ce qui a été rapproché
avec ces deux êtres-forcescollabore
une loi, celle
de l'attraction
du semblable
par le semblable,
avec l'amour.
Le
qu'il ne faut pas confondre
de l'action
résultat
de l'amour
et de
composé
cette loi est finalement
la production
dans l'univers d'une homogénéité
de sorte qu'à
maxima,
d'un certain
moment
leur action
cesse,
partir
d'être heureuse
dans le Kosmos,
car
semble-t-il,
croissante
amène
l'homogénéité
progressivedes êtres spécialisés,
qui sont
mentia disparition
des combinaisons.
D'un
autre
l'action
côté,
de la discorde
et de cette loi ne peut
composée
une hétérogénéité
car ce que
absolue,
produire
la discorde
à le rascette loi travaille
sépare,
sembler
en masses
différentes
entre
homogènes
elles. Au reste, l'hétérogénéité
absolue
aurait le
même effet que l'homogénéité
absolue
ou même
bien
que la plus grande
homogénéité
possible
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
77
tout à fait d'une
plus, elles se ressembleraient
leurs exigences,
la
part, en effet, pour concilier
et la loi devraient
discorde
amener
un mélange
d'éléments
infiniment
uniforme
afin
émiettés,
soient toutes séparées
et que les
que les parties
soient à la fois aussi éloignés
dissemblables
et
aussi
d'autre
rapprochés
que possible;
part,
et la loi agissant
ensemble
l'amour
ne feraient
étant donné
chose,
pas autre
que le mélange
dont il vient d'être
uniforme
le
parlé est aussi
En tous
concevoir.
plus intime que l'on puisse
commence
cas, il est clair que la discorde
par
à la formation
du Kosmos.
travailler
Le système,
chose
on le voit, a quelque
et l'oppod'indécis,
n'est pas complète.
sition avec l'Héraclitéisme
à cause de l'amour,
C'est surtout
qui collabore
à la création
des formes,
avec son contraire
que
le monde se hâte vers sa fin ce n'est pas surtout
dont l'effet est d'abord
à cause de la discorde,
heureux
et tantôt
plutôt heureux,
puis tantôt
de la vie de l'univers;
malheureux
au cours
de la discorde
finirait
mais l'action
par être
si l'amour,
fatale au Kosmos
dont le rôle est
la période
heureux
dans
où nous
sommes
de ramener
l'univers
à
encore, ne se chargeait
son commencement.
au mouvement
tourbillonnaire
Quant
qui,
des lois de l'équilibre,
sous l'action
régularise
le désordre
apporté
par la haine au sein du Tout
en repos, il faut se garder
de lui chercher,
dans
une cause
intelligible.
Empédokle,
pleinement
un grand
elle
Cette vue offre pourtant
intérêt
aussi réalise un progrès
On comscientifique.
du tourbillon
prend assez bien que l'accélération
78
résulte
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATR
de l'absorption,
par lui, des mouvements
mais il est moins
aisé de
chaotiques
originels,
le tourbillon
favorise
l'action
voir pourquoi
à son centre,
de l'amour,
et
qui se place
à sa
celle de la haine,
disperse
qui se porte
circonférence.
Il est vrai que la haine
a comà agir, suivant
mencé
comme
du
Empédokle,
et qu'il y a, dans l'idée
de l'amour,
dehors;
celle de repos,
au centre
d'un
qui fait songer
et que l'amour,
s'il est situé là, doit
tourbillon
son contraire
tout en profitant
du
repousser
mouvement
déterminé
par lui pour lui ravir au
de quoi former lui-même
des agrégats.
passage
Mais, malgré tout, on ne peut voir ici tout à fait
du philosophe,
mal parclair;
l'argumentation
dont rien de
tie, se tord en spirales
étranges
satisfaisant
ne peut sortir.
La victoire
finale est
à l'amour,
mais le champ de son actitoujours
vité est préparé
par la prépondérance
préalable
la
de la haine, qui n'est complète
qu'un instant,
étant aussitôt
diminuée
dissociation
maxima
du semblable
par le
par la loi de l'attraction
semblable
et par la dispersion
même
des éléments du principe
de haine, qui se dissocie tout
il dissocie.
Entre temps, les deux princomme
dans la mesure de leurs forces
cipes contribuent,
et pour autant
le
se rencontrent
entre
qu'ils
du tourbillon,
centre et la circonférence
à former
la
les êtres passagers
que nous connaissons
et la prospérité
de ces êtres sont
multiplication
alfavorisées
ou retardées
par la prédominance
ternante
de l'amour
et de la haine, dont les effets
sont loin d'ailleurs
d'être nécessairement
les premiers toujours
et les seconds
heureux
toujours
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
79
les plus aptes à durer
bénéncient
malheureux;
un temps de leurs avantages
constitutionnels
des effets de la nécessité
ce sont les hasards
qui
de leur production,
décident
de leur durée
et
de leur disparition.
En ceci encore
Empédokle
mais il en est des troua été un précurseur
vailles de l'intelligence
comme des êtres dans le
monde
il arrive
d'EmpédokIe
que d'heureux
hasardsplutôtquedebonnesraisonslesamènent.
Le penseur
n'était pas mathémad'Agrigente
vivement
à la physique
ticien, mais il s'intéressa
générale,
qui ne faisait qu'un alors avec la phiet à la physiologie.
Il émit parfois
des
sophie,
il expérimenta
théories
mais
avec
bizarres
sur la pression
de l'air
il affirma
sagacité
que
la propagation
de la lumière
n'est pas instantanée, ettentanombre
d'explications
mécaniques
des phénomènes,
dont l'intention
tout au moins
est irréprochable.
Mais il place aux confins
de
l'univers
une voûte d'air épaissi,
et il remplit
l'un des hémisphères
de feu, l'autre
d'air mêlé
d'un peu de feu. Notre atmosphère
est
propre
immobile
autour
d'elle tournent
les
pour lui
deux hémisphères
qui font l'un le jour et l'autre
la nuit. L'eau, sortie de la terre, a donné
naissance à notre atmosphère.
A une distance
de la
lune double de celle de la lune à la terre,
se
trouve
le soleil,
le jour,
reflet, durant
simple
du disque
sur lequel
nous habitons;
le reflet
n'est pas plus grand que l'objet renété
il tourne
avec l'atmosphère
mobile.
incline
Empédokle
aussi notre terre au milieu de la sphère
où se
meut le tourbillon
et il aplatit
notre
demeure
mais il ne nous donne pas l'explication
de ces
80
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
Etoiles fixées au ciel et planètes errant
opinions.
la lune est
plus bas sont feux sans consistance
et reçoit du soleil sa lumière.
îbrmée de vapeurs
En médecine,
Empédokle,
qui sut faire des
est pour le fond tribuobservations
précises,
mais sa biologie
est plus pertaire d'Alkméon,
suivant lui, dans la génération,
dans
sonnelle
des plantes
et des animaux
la croissance
qui
dans
la production
elles,
après
apparurent
et dans la percepmême des désirs amoureux
diversement
une même
loi. L'œil
tion, règne
chose par ce qu'il
contient
connaît
de
chaque
à elle
il connaît
la lumière
et l'obssemblable
il
curité par le feu et par l'eau qu'il contient
faut de même qu'il existe dans tous nos autres
chose
à toutes
les
sens quelque
d'analogue
dont ils nous avertissent
la
réalités extérieures
c'est encore le semblable
qui attire
perception,
son semblable
et s'unit à lui, exactementcomme,
de la
épars
qui naissaient
jadis, les membres
s'unirent
leurs
terre
tantôt
affinités,
d'après
à
tantôt
de manière
d'une manière
précaire,
des êtres viables.
La cause de toutes les
réussir
intellectuelles
et morales
serait
une
qualités
des éléments
heureuse
proportion
qui constituent nos organes
la pensée n'est que le sang
l'âme est la résultante
des propriétés
du coeur
de la matière
en nous
mais nous
psychiques
une autre âme, sans analogie,
cellepossédons
c'est un démon
ci, avec celle de Haeckel
qui,
il subit le
lui, est sujet à la métempsychose
tire du
sort.
Empédokie
que nous méritons.
de la métempsychose
les mêmes préprincipe
Ses
pratiques
que les Pythagoriciens.
ceptes
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
81
sont de la même famille que les dieux
démons
secondaires
mais
il
qui peuplent
l'atmosphère,
croit à un vrai Dieu unique,
plus grand que les
divins éléments
eux-mêmes
c'est
primordiaux
le Tout, c'est la « grande
sphère ». On voit mal
il existe,
comment
d'après lui, une sorte de loi
de justice
car sa métempsychose
physique
dans un monde où la spiritualité
de
est cela
entrevue.
Dieu est encore si confusément
Mais
vivait-il son système,
ou plutôt
un système
de
Son livre des Purificacroyances
orphiques?
la seconde
et permet
tions favorise
hypothèse
un précurseur
de Platon.
de voir en lui aussi
à son imagiD'ailleurs,
grâce autant peut-être
il est presque
aussi
sounation qu'à sa raison,
les subjectivent précurseur
qu'il est disciple
les plus
vistes d'une
part et les spiritualistes
de notre époque
réalistes
de l'autre, les chimistes
du moyen âge, les évocomme les alchimistes
dans la marche
lutionnistes
et ceux qui s'arrêtent
vers l'unité, bref des esprits de temps
régressive
bien différentes
tout
et de tendances
peuvent
autant se réclamer
de ce philosophe
qui maniait
de façon si naïve les axiomes
simplistes
pourtant
était alors
attachée.
la dialectique
auxquels
Cela prouve à la fois pour et contre Empédokle.
De tous les Antésocratiques,
c'est à lui que l'on
le moins
bien à faire une réputation
réussit
précise.
PHILOSOPHIE
GRBCQUB
6
CHAPITRE
VII
Anaxagore.
de C/~jo/~c/zc,
né en 500, vint
~<y~o/~e
au temps de Périkiés,
briller à Athènes
d'Eurien 428,
Quand il mourut,
pide et de Protagoras.
Sokrate avait quarante
ans, l'âge où Anaxagore
était venu de cette Ionie où les Athéniens
le
une piété qui
renvoyèrent
pour avoir enseigné
leur semblait
touimpie. Il finit à Lampsaque,
du vrai, qu'il paraît
jours occupé à la recherche
comme
le principal
devoir. Bien
avoir regardée
dont Archelaos
fut le
qu'il laissa des disciples,
on peut dire que son école n'eut
plus célèbre,
et celle d'EmpéSa philosophie
point d'avenir.
dokle ont été les derniers
effortsvraiment
remardans la direcde la spéculation
grecque
quables
car
tion inaugurée
par Thalès et Anaximandre
est un penseur
secondaire.
Diogène
d'Apollonie
de leurs rivaux,
la
Avec eux, avec la plupart
se trouve comme dans une impasse;
philosophie
elle et la science devront
s'engapour avancer,
ou même
ger dans des voies assez différentes,
rebrousser
chemin
quelque
peu, sous peine de
84
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
redites
ou dans
dans
verser
d'insignifiantes
subtilités.
d'inutiles
à la fois plus rigouAnaxagore,
Cependant
reux,
métaphysicien
qu'Empéplus
profond
dokle et moindre
savant, a plus contribué
que ce
le trésor de la perennis philoà enrichir
dernier
intéressant
à suivre que lui
et il est
sophia,
plus
chacun
à sa madans la lutte qu ils engagent,
anciennes
ou récentes.
nière, contre des opinions
aux institutions
attaché
Aussi
aristocratiques
à la démocratie.un
Empédokle
que l'était
indiffétrès noble et très désintéressé,
caractère
sociaux
et matériels
rent à tous les avantages
il pouvait
prétendre
par sa naissance
auxquels
de sa tamille, il pratiqua
la philoet la situation
on exerce une fonction
sa carsophie comme
n'est pas sans ressemblance
rière de philosophe
Mais son ardeur
est plus
avec celle de Sokrate.
et jamais il ne se départ de sa réserve.
contenue,
le premier
il illustra
en prose
de
Il écrivit
un livre de sujet non mathématique.
figures
en particulier,
II s'inspira
fort d'Anaximandre;
intime de tous les éléments,
le mélange
qui est
de sa doctrine,
fondamentale
l'affirmation
rap)) du grand
et
Milésien,
pelle l' « indéterminé
aient été
{'on s'explique
que leurs philosophies
confondues
leurs profondes
aisément
malgré
Pour Anaximène,
non seulement
le
différences.
une grande
conserve
de sa
Clazoménien
partie
de celui-ci,
mais l'esprit
bien que très
science,
de celui-là,
le rappelle
de l'air-âme
différent
par
Mais combien
est
bien des traits.
Anaxagore
introduit
puisqu'il
plus près du spiritualisme,
dans le mélange,
du dehors,
l'Esprit
qui le vient
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
85
et qu'il le distingue
si soigneusedébrouiller,
ment du reste des choses.
A Pythagore,
il ne doit presque
rien. Comme
les Eléates,
il nie le vide
comme
eux il se
avant tout de ne pas violer le principe
préoccupe
ni ne s'annihile;
d'aprèslequeiriennenaîtderien
et il est presqueaussi
déduire,
intrépide
qu'euxà
de ce principe,
des conséquences
étonnantes
comme les
Mais, attaché
pour le sens commun.
anciens
à l'objectivité
Ioniens
des réalités sensibles et diverses,
il s'efforce
de concilier
l'un et
le multiplie
d'un
sans
aux
critiques
prêter
il veut être, en dépit de la difficulté,
tout
Zenon
ensemble
aussi
réaliste
et aussi
logique
que
de sa philosoLes intentions
possible.
capitales
si
celles de l'Atomisme,
phie sont en somme
différent
atoil aurait
été peut-être
pourtant
miste s'il avait pu se décider à nier la réalité des
sensibles.
D'un autre côté, son Dieu
apparences
est très voisin de celui de Sokrate.
Suivant
une infiéternellement
lui, il existe
nité d'éléments
doit
leur variété
immuables
être pareille
à celle des corps
que nos sens,
nous permetmais non mensongers,
grossiers
tent de distinguer.
le corps tirerait-il,
Comment
du pain, de quoi entretenir
le sang, la chair, les
os, s'il n'y avait de tout cela dans le pain ? La
donc aussi de
le blé, contient
terre, qui produit
et dans l'or il y
tout cela
il y a de tout partout
a seulement
dans
chose,
plus d'or que d'autre
la chair plus de chair, etc. Autrement,
il existerait de véritables
c'est-à-dire
transformations,
de vraies
et de vraies morts, ce qui
naissances
est impossible
dans l'ordre de la qualité comme
86
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
est
Toute
naissance
dans celui de la quantité.
de semblables
et de dissemune agrégation
Cette
toute
mort
est désagrégation.
blables,
en oppositout d'abord
doctrine
peut sembler
et la philosophie
avec la science
tion absolue
ne sontet l'uniformité
car l'unité
modernes;
elles pas au commencement
? Que l'on ne convers
damne
Leibnitz,
pas trop vite Anaxagore
une infinie
à l'origine
posait
qui l'on revient,
des sociologues
et jusqu'à
variété de monades,
si la diversité
se demandent,
aujourd'hui,
actuelle
des êtres ne suppose
pas une diversité
ne poser
au début qu'une
initiale.
D'ailleurs,
et c'est le moins
diversité
en puissance,
qu'on
serait-ce
même
suffisant,
faire, serait-ce
puisse
Avec une homogénéité
absolue,
intelligible?
de l'hétérol'apparition
pourrait-on
expliquer
d'un
l'existence
gène ? Mais une fois admise
comment
minimum
initiale,
d'hétérogénéité
l'on
? En particulier,
s'en tenir à ce minimum
ne peut dire sans restrictions
que l'Anaxagode notre chimie.
Celle-ci
risme soit le contraire
a conscience
sur des hypothèses
de se fonder
mais
non
en partie,
seulement
provisoires
rien de
encore
essentiellement
symboliques
mais laissons
tel chez Anaxagore,
évidemment
fait
de la chimie,
comme
de côté la philosophie
sa science.
Ne peutle chimiste
en construisant
on interpréter
la nouveauté
des propriétés
des
de la
nier la persistance
combinaisons
sans
des éléments
nature
et des propriétés
composants ? II suffit
au chimiste,
se rendre
pour
ce qui s'opère
sous ses yeux, d'attriintelligible
du combiné
buertoutle
nouveau
objectivement,
LA
à la
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
87
de conditions
à
réalisation
qui permettent
une fois associé
à d'autres,
atome,
chaque
ce qu'il ne pouvait en fait exécuter
seul,
d'opérer
à notre faculté de sentir
et, subjectivement,
qui
sous
des formes
d'une richesse
traduit,
pittomonotone
resque infinie, les effets de l'activité
du réel ambiant.
Ceux qui de nos jours protoute chimique,
un chifessent une physiologie
misme
et la croyance
à un fond tout
universel
du chimique,
doivent voir en Anaxamécanique
un lointain
Et qui doute de
gore
précurseur.
un peu partout,
de traces infiniment
l'existence,
ou qui sont
divisibles
petites de corps infiniment
comme s'ils l'étaient?
de son système,
Quelle que soit la valeur
de ceux qui
est, parmi les primitifs,
Anaxagore
firent le plus pour mettre en lumière
l'unité des
lois du réel, pour concilier
l'unité et la multipliet la raison. Mais ses idées sont
cité, l'expérience
et ses historiens
très inégalement
claires,
y sont
chose. On est peu d'accord
sur ses
pour quelque
« /M/~6eo/
et il ne faut pas s'en étonner,
« parties
car ce mot, qui signifie
simplement
semblables
», fut inventé par Aristote et employé
Ce n'est pas
d'une manière
peu uniforme.
que
ce mot soit décidément
on
si
1 on
mauvais
peut,
lui donner
un ou même
procède avec prudence,
sens sans trahir nécessairement
la penplusieurs
En effet, disons-nous
sée d'Anaxagore.
du tout
qu'il est Ao~ceo/re
parce
qu'il est composé
d'autant
de sortes d'éléments,
et des mêmes,
que
chacune
de ses parties ? Disons-nous
des parties
sont Ao/~OM/~ye~
parce
qu'il
y a dans
qu'elles
de sortes
autant
et les
chacune
d'éléments,
88
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
mêmes,
que dans les autres
Appliparties?
ce terme à des masses comme celles
quons-nous
former
suivant lui, l'air et
durent
d'abord,
que
1 éther,
en entendant
il y
que dans ces masses
avait prédominance
de l'air, ou de l'éther, sur les
à ceux-ci, ou même en
autres éléments
mélangés
entendant
qu'il y avait, dans l'air, ce qui se trouvait aussi aans'I'éther
et réciproquement
? Disons-nous
la chair qui est en nous
Ao/MOM~r~
dans
le milieu
et la chair qui est éparse
d'où
nous tirons notre nourriture?
Nous pouvons dire
tout cela
mais puisqu'Anaxagore
ne parla pas
ne pourrions-nous
oTAo~ûson~es,
pas l'imiter
et dire les mêmes
choses en laissant
ce terme ?
Il y a plus de difficultés
à résoudre
une autre
soulevée récemment.
On s'est demandé
question,
si Aristote
n'avait
en
pas faussé
Anaxagore
de parties de sang, de chair, etc. Il faut
parlant
avouer
ennemi
du vide, qu'un
qu'un
penseur
sur l'infiniment
maqui s'exprimait
petit d'une
nière qui est déjà la nôtre,
continuiste,
qu'un
le Clazoménien,
adne pouvait
enfin, comme
mettre l'existence
de véritables
Il est
particules.
donc assez naturel,
de supposer
semble-t-il,
que
le mélange
dont il parle est un mélange,
non de
mais de qualités.
Ce serait
là sa
petits corps,
en face des Atomistes,
et sa
grande
originalité
du Platonisme
et de
part dans la préparation
î'Aristotélisme.
Mais on oublie bien des choses
cette thèse
d'abord
quand on soutient
qu'Arisde méprises
tote, qui ne commet guère
graves
des doctrines
de ses
lorsqu'il
expose l'essentiel
en juge tout autrement;
ensuite
prédécesseurs,
chez qui les éléments
le
qu'Anaxagore,
portent
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
89
de semences,
et qui sans aucun
doute
nom
toute existence
concevait
sur le type matériel,
le vocane devait pas hésiter,
reprenait
lorsqu'il
de ses maîtres
bulaire
ioniens
réalilesquels
le chaud,
à consaient le sec, l'humide,
etc.,
les principes
comme
sidérer
des choses
rigouil ne pouvait
à.
reusement
matériels
songer
à ces termes un sens abstrait,
ni se sentir
donner
à l'exfliarrêté par la difficulté
de les appliquer
tout à
cation des corps, des corps qu'il conçoit
fait comme le vulgaire.
Et puis, il rend compte
de tout par un déplacement
des semences
qu'il
si l'interprétaserait difficile de se représenter
tion traditionnelle
était de tout point fautive.
Le
à l'avance
une
faudrait-il
louer d'avoir
favorisé
comme celle d'Aristote,
qui ne devait
physique
est si
s'en douter,
une physique
point
qu'il
dont vit la
malaisé
au mécanisme
d'ajuster
à n'être plus l'anscience ? Perdrait-il
beaucoup
classe d'alchicêtre involontaire
d'une certaine
mistes î Le rapprocher
de Kant en lui attribuant
une physique
des choses
où toute la diversité
en
résiderait
dans
la différence
d'intensité,
fondades qualités
chaque
point de l'univers,
mentales
c'est un parti bien
partout
présentes,
téméraire
et qui va mal, d'ailleurs,
avec celui
d'Aristote.
Mais il
à le rapprocher
qui consiste
une philosophie
récente,
y a plus
magnifique
en dépit de ses paradoxes,
nous a appris que,
sans
ni comme
le monde
composé
regarder
ni comme une combinaison
de qualid'atomes
à la
tés abstraites,
se représenter
l'on peut
des
l'unité et la variété
fois, harmonieusement,
a conçu
choses.
Celui qui, comme Anaxagore,
90
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
n'a pas
l'infiniment
moderne,
petit à la manière
rien de l'idée de petits corps
besoin de garder
insécables
qu'il y a de tout dans
pour affirmer
inutile de réduire
tout, et il lui est également
à ses yeux,
les choses à des qualités
abstraites
se peuvent
les corps sont de telle nature
qu'ils
leur mélange
peut
entre-pénétrer
parfaitement
absolue
être d'une
intimité
qu'ils sont
parce
mais ils le sont indéfiindéfiniment
divisibles
infiniment
niment non point parce qu'ils seraient
ils le sont parce que, s'il n'y a aucune
divisés
infinie sur laraison
de soutenir
une division
des Eléates,
il y a
quelle aurait prise la critique
chose
lieu de songer
à tout autre
qu'à une
de
division
en n'importe
quelle partie
spatiale
il y a place pour une
si petite soit-elle,
l'espace,
de principes
divers.
infinité
non, si
Pourquoi
l'insécable
n'est point ? Ces principes
peuvent
être des matières,
fort bien être étendus,
puisque,
la matière
ne requiert
d'une manière
générale,
d'insécables.
Le mélange
pas d'être composée
dans l'infiniment
ne serait pas plus impossible
fini ou dans l'infinipetit que dans le sensible
dans une hypothèse
ment grand. C'est seulement
intime
serait
imatomistique,
que le mélange
à partir
d'un certain degré de petitesse,
possible
où il y a parallémais non dans une hypothèse
de la granlisme parfait entre tous les degrés
a ses
deur.
la doctrine
Certes,
d'Anaxagore
en a d'autres,
mais l'Atomisme
non
difficultés,
et si la première
moins irritantes
à vrai dire
des
conduit
à mettre en doute l'impénétrabilité
récente
corps, n'est-il
point une physique
qui
fait de même, avec discrétion
mais avec force,
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
91
dont la commodité
en face de l'Atomisme
est si
relative et qui sacrifie tout à la clarté de l'exposition scientifique.
Ce n'est pas un principe
de
la raison
avec la
qui nous porte à identifier,
maxima
la facilité
vérité,
que peut offrir une
il n'y a là qu'un
théorie à l'activité
intellectuelle
vœu de l'entendement.
un
que pour
Ajoutons
de la subjectivité
de l'espace
et la
partisan
tout à fait la métascience,
qui ne peut éliminer
va jusqu'à cette afnrmation
physique,
métaphyles objections
les plus troublantes
sique
que
l'on dresserait
contre l'Anaxagorisme
interprété
ici tomberaient
comme
nous
faisons
d'ellesmêmes.
On a remarqué
qu'Anaxagore,
qui regardait
le monde comme infini et avait conscience
de la
soulevées
gravité des difficultés
par les Eléates,
l'existence
du mouétait obligé, pour admettre
de superposer
à son
vement et pour l'expliquer,
un certain
au
dualisme,
pluralisme
d'opposer
réel divers et passif un principe un et actif, ceci
mouvant
d'un infini, dit-on,
cela; le mouvement
même sans le
Cela dépend
est inconcevable.
tout au moins des parties sevide,un mouvement
De plus, rien ne forçait Anaxarait intelligible.
de ses maîtres
gore à dépasser
l'Hylozoïsme
Si donc il présente
le « ~YbK~»,
l'Esprit,
préférés.
toute puissance,
comme possédant
toutescience,
de la nécessité,
comme
autocomme différent
nome, comme réglant tout, en face d'une matière
c'est qu'il inventa
le spirituainerte par nature,
lisme pour les motifs qui font encore
qu'il y a
Ce n'est point là une exagérades spiritualistes.
si le JVbï~ est encore
une
tion
peu importe
92
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
la plus subtile
et la plus
substance
matérielle,
les anciens
pourtant;
pure, mais bien matérielîe
d'une
ne savaient
pas encore être spiritualistes
il leur suffisait
manière
plus conséquente
d'en imaginer
une partie
la matière,
d'épurer
et mouvant
l'autre
comme fait une penanimant
sée, une volonté consciente.
de voir Anaxagore
Il est curieux
superposer
le dynamisme
spiritualiste
plutôt que concilier
de sa
Est-ce suprême
et le mécanisme.
sagesse
cet esprit,
? Avec
qui
part, ou négligence
demeura
très isolé et n'eut guère, pour le comde descendants
immédiats
et directs,
menter,
on ne sait jamais trop. Quoi qu'il en soit, son
de révolution
du mouvement
Dieu, principe
qui
toute dissociation
et toute agrégation,
explique
et toute
transformation
de
tout arrangement
avoir seuletout arrangement,
parfois
paraît
l'activité
du tout
aussi
ment déclanché
parfois
à le régir,
continuer
mais de loin
il semble
hasards
c'est comme si d'heureux
produisaient
les conséquences
fatales
de la
tout moyennant
d'une
loi unique
loi du mouvement,
pour les
de la matière
et pour ceux
petits mouvements
des grands
corps. Malgré nous, il nous fait un
tant il oublie, dès qu'il
peu penser à Démokrite,
arrive au détail des phénomènes,
ce qui n'est
et choc. On songe aussi à ce
point mouvement
de demander
moderne
qui se contentait
penseur
tout en
à Dieu une chiquenaude
pour mettre
branle. On songe même à tel autre pour qui le
monde
réalisait
de façon toute mécanique
un
voulu
et dont le succès
était
plan initialement
même dont la première
assuré
par la manière
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
93
avait été donnée. On ne peut pourtant
impulsion
le Nous d'Anaxagore
ne
douter
point
que
le guide constant
de toute
semble,
quelquefois,
la machine.
Ne rendons
point notre philosophe
de
plus clair et plus cohérent
qu'il ne se soucie
l'être.
En somme,
son Dieu est plus près du
nôtre que celui d'EmpédokIe.
Venant du dehors,
un dehors tout relatif
mouvoir
la masse,
non
se mêlant à elle sans s'y fondre, lui prêtant,
mais
en maint
de quoi
point,
pas partout,
aux éléments
âme
inférieurs
joindre
quelque
obscure
comme celle de la plante
ou de l'aniâmes encore
de ce genre, peutmal, d'autres
être, et nos âmes à nous, ce Dieu est dans une
il n'est pas celui
transcendant
large mesure
du panthéisme,
mais
ni même du panenthéisme,
il est avec toutes choses d'une manière
ou d'une
et il est le grand
du vague
autre,
organisateur
chaos primitif.
Des vues ingénieuses
très
d'une
profondeur
dont les unes se relient au fond de son
inégale,
et les autres à des
système
presque
philosophies
dAnaximène
surtout,
périmées
déjà, à celle
avec un certain
nombre
d'idées
forment,
plutôt
son bagage scientifique.
Il sut profiter
bizarres,
de connaissances
et d'hypothèses
courantes
des phases
de
pour donner la théorie véritable
la lune et des éclipses
il reconnut
que la lunedu soleil et professa
reçoit sa lumière
que la
la
force du mouvement
de révolution
empêche
chute des corps célestes,
et lumiincandescents
neux ou obscurs
il croyait la lune plus proche
de la terre que le soleil, et celui-ci
plus proche
de nous que les étoiles
la lune est pour lui très
94
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVA~T
SOCRATE
à la terre,
semblable
et habitée
notre monde
lui semblait
n'être
que l'un des mondes
qui
il disait
ont apparu
existent
que les plantes
avant les animaux,
et que la génération
asexuée
il expliqua
exactement
les
l'autre
précéda
crues du Nil. Mais pourquoi
faisait-il
encore la
terre plate, sous prétexte
l'air peut la
qu'ainsi
et concave
sous prétexte
soutenir,
que le lever
à mesure
du soleil retarde
que l'on va de l'orient
à l'occident
? La compression
de l'air rend mal
compte du retour du soleil et de la lune vers les
de vaet le dessein
(chez le Nous?)
tropiques
rier les climats
et les saisons
mal l'inexplique
clinaison
de la terre. L'idée
de l'élargissement
constant
de la sphère du mouvement
et de l'orde l'univers
sont de vaganisation
progressive
loin
leur, ainsi que l'idée d'une force qui projette
du centre des masses
incandescentes.
Mais poursont-elles
plates ? Pourquoi
quoi ces masses
du mouvement
fut-elle
au septen1 origine
trion ? On comprend
mieux que le plus grave
se soit d'abord
concentré
au milieu de la sphère.
C'est accorder
peu au soleil que de le dire un
le Péloponèse,
et il est
peu plus grand
que
la voie
tout à fait étrange
lactée
d'expliquer
de la terre,
tranchesur laquelle
par l'ombre
rait la lumière
des étoiles dans la région du ciel
des vivants à
La naissance
.où elle se projette.
la suite d'une pluie
de germes
tombés
de l'air
ou des vapeurs
et prospérant
atmosphériques
ici-bas grâce
à la chaleur,
est une théorie
pour
une moitié arbitraire,
et banale
l'autre
pour
moitié. La physiologie
en contient
d'Anaxagore
d'autres
du même genre, et qui vont mal avec
LA.
des vues
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
95
comme celle-ci,
toute la
par exemple
de l'homme
vient de ce qu'il a des
supériorité
mains. Si cette affirmation
cadre
mal avec le
du Clazoménien,
elle s'harmonise
spiritualisme
du moins
avec l'aspect
mécaniste
de son système. Pour sa psychologie,
qui est trop objecelle contient
idées
intérestiviste,
quelques
les qualités
sont perçues
santes, dont celle-ci
en nous par leurs contraires.
voir là un
Faut-il
du rôle que la différenciation
pressentiment
joue
dans la conscience
?
Tout compte fait, Anaxagore
montre
à merveille à quel point la spéculation
grecque
primitive avait besoin
de renouvellement.
L'Ionisme
ne pouvait à lui seul produire
finalement
mieux
et, nous le verd'Anaxagore
que la philosophie
De son côté l'Eléatisme
rons, celle de Démocrite.
et le
pur s'était fermé toute voie vers le progrès,
ne prospérait
Pythagorisme
que grâce à sa souévolud'heureuses
plesse,
qui lui permettait
tions. Que l'on ne s'étonne
point outre mesure
de la faillite momentanée
de la spéculation
antéaux autodidactes
socratique
pareils
que nous
encore observer
pouvons
parmi nous, ces vieux
qui avaient
trop peu de science,
philosophes,
étaient fatalement
condamnés
à ne plus développer, au bout d'un temps assez court, que de
tiré
eurent
Une fois qu'ils
pauvres
paradoxes.
immédiates
des
les conséquences
les plus
idées géniales
lui en leurs
qui avaient
quelques
leur rôle était fini. On ne peut aller
intelligences,
indéfiniment
de l'avant quand on veut connaître
le monde en le devinant
et ils étaient à peu près
réduits à le deviner.
CHAPITRE
Les
Atomistes
VIII
Démokrite.
Leukippe,
On peut oublier
Anaxagore,
qu'Empédokle.
Mélissos,
Philolaos,
Diogène
d'Apollonie,
et Démokrite
furent
Protagoras
plus ou moins
de Sokrate,
car les plus âgés
contemporains
d'entre
eux ne lui prirent aucune idée, et, de son
à considérer
côté, il ne crut pas devoir s'attarder
le détail de leurs doctrines,
faite, plus
exception
ou moins, pour celles de Protagoras
et de quelles grands
que nous
ques Sophistes
penseurs
avons étudiés jusqu'ici,
il ne les aperçoit
guère
Au contraire,
il y a
ces derniers.
qu'à travers
des réactions
entre la plupart
dés
multiples
dont il a été parlé
vivantes,
écoles,
toujours
allons plus loin, il existe une sorte de continuité
entre
les plus inconciliables
des philosophies
affirmations
ou
leurs
qui s'y sont élaborées
soit des affirmaou suscitent
s'enchaînent,
tions opposées,
de vue qu'inssoit des points
à des objections
dont
pire le souci d'échapper
on a compris
la force.
à
Sokrate
en pleine
apparut
ériode critique
POtLOSOPnTE
7
GRECQUE
1
:'r
.I
98
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
celle des
de la critique
plutôt sceptique,
existe alors une critique
constructive
Sophistes,il
un certain
celle
et jusqu'à
point syncrétique,
de la première
des derniers
dogmatiques
éposurtout que l'on sut
que. C'est chez les Atomistes
des idées qui s'étaient
mettre à proiit le meilleur
de cette école est grande,
fait jour. L'originalité
mais elle est dans des inventions
qui permirent
les plus précieux
des enseignede conserver
des Eléates
et d'HérakIite.
ments des Ioniens,
né à Milet probablement,
et dont la
Leukippe,
doit être très antérieure
à 460, date de
naissance
son disciple,
avait entendu
celle de Démokrite,
est sa création,
ou à peu
Zénon.
L'Atomisme
dans
celle de son
Son œuvre
disparut
près.
dont on la distingue
on a
continuateur,
mal;
de l'existence
à tort, semble-t-il,
de
douté,
Il est de ceux dont la gloire
n'égale
Leukippe.
et de ceux-là
est aussi,
toute
pas la valeur
Démokrite
dont
lui-même,
gardée,
proportion
tout porte à penser que les travaux,
très consimais auxquels
les grandes
dérables,
philosonécessairement
portèrent
socratiques
phies
devaient
avoir tous un extrême
intérêt.
ombre,
La réputation
grâce
qu'il conserva,
à l'Epicude lui en l'affaiblissant,
risme qui s'inspira
est,
fort au-dessous
même aujourd'hui,
de ce qu'elle
devrait
être.
il est d'autres
AutésocraCertes,
aussi
tiques qui auraient
mérité plus de disciples
immédiats
qu'ils n'en firent, et il y a dans l'Atomisme des lacunes
à bien
mais,
déplorables
des égards,
Démokrite
est l'un des ancêtres
les
des penseurs
modernes.
plus authentiques
Il était originaire
d'Abdère
et il y mourut,
côté
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
99
centenaire.
C'est là qu'il enseigna
et
peut-être
ou
écrivit,
pas en Orient
quand il ne voyageait
sans cesse occupé
à augmenter
en Egypte,
son
et à éclaircirles
savoir, qui fut encyclopédique,
sur toutes
notions
choses.
Nul
qu'il acquérait
de ces savants
ancien
ne fut si proche
de la
Renaissance
que la science rendait philosophes
en général
aussi
l'ont-ils
vénéré,
plus justes
des philosophes
envers lui que la plupart
prodes autres
Il paraissait
fessionnels
époques.
à ses contemporains,
assez
étrange
qu'il éloide ses principes,
gnait de lui par la rigidité
par
de ses affirmations,
le ton tranchant
et que
blessaient
les dédains
qu'il ne ménageait
point
à la foule.
réserves
Parménide
avait
faites,
Si, toutes
de la science et de la métainventé la distinction
la retrouva
Démocrite
tandis
mais,
physique,
ce que nous appelons
rejetait
que le premier
le second
science,
rejeta ce que nous appelons
Il est merveilleux
de le voir, à
métaphysique.
n'hésiter
cette époque reculée,
point à expliquer
toutes choses au moyen de mouvements
causés,
à l'infini,
antérieurs.
Pour
par des mouvements
cet illogisme
se décider
à commettre
apparent,
dans une doctrine
qui en serait un, et manifeste,
il fallait qu'il eût vraiment,
des
métaphysique,
conditions
du savoir
une idée assez
positif,
à la nôtre, l'idée que ce savoir se doit
pareille
interdire
toute allusion
aux prerigoureusement
miers commencements.
sont aussi loin d'Anaet Démokrite
Leukippe
côtés qu'ils se rapprochent
xagore
par certains
de lui par d'autres,
si l'interprétation
que nous
100
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVAXT
SOCRATE
de la doctrine
de ce dernier
est
avons proposée
des éléments
est
exacte. Pour eux, le nombre
et
immuables
en quantité
infini; ils sont éternels,
mais rigoureusement
en qualité,
impénétrables
et tous de même nature,
séparés
par des intervalles
vides
le
grâce
auxquels
s'expliquent
les différences
de densité, de consismouvement,
de toutes
et l'origine
les impressions
tance,
diverses
que font sur nous les choses. Comment,
la croissance
des vivants
sans le vide, expliquer
et la possibilité
de la pénétrapar la nutrition
d'un volume
tion, dans un vase plein de cendres,
d'eau égal à leur masse ? Rien dans ces éléments
du vide d'une manière
ne les différencie
qui
n'étaient
les proimagination;
parle à notre
à leurs proqui se joignent
priétés mécaniques
ils
ressembleraient
mathématiques,
priétés
tout à fait au non-être
et les
qui les encadre
de son côté, joue un
Mais ce non-être,
sépare.
dans la formation
rôle tellement
des
important
son néant,
choses,
par là, malgré
qu'il acquiert
comme une sorte de réalité.
Présentés
comme
ils le sont chez les Atomistes,
l'être et le nonse rapprocher,
chacun de l'autre,
être paraissent
de la moitié
de la distance
presque
qui les
En dépit de sa croyance
au vide, Démosépare.
il évoque
krite évoque la pensée de Descartes;
aussi celle d'Anaximandre,
tant son être est peu
et celle d'Anaximêne
et d'autres
déterminé,
la réalité
encore qui furent si près de morceler
Il n'est pas le premier
en atomes.
qui ait essayé
d'éliminer
de la théorie du monde toute idée de
mais nul, sinon son maître Leutransmutation
la
kippe, n'avait encore si bien réussi à expliquer
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVA~TT
SOCRATE
101
sans préjudice
diversité,
à l'expliquer
pour cette
tous
unité
leurs
prédécesseurs
que presque
entendaient
maintenir
le but de
même
quand
de recouen somme,
avait été d'éviter
ceux-ci,
Anaxarir à cette diversité
innnie~dont
primitive
de
gore ne craignait
pas de faire le principe
sa doctrine.
Suivant
tout se produit
Démokrite,
tout se détruit par désagrégapar agrégation,
différences
de forme,
de
tion d'atomes;
leurs
de position,
les différences
d'ordre,
grandeur,
en
construisent
fortuites
des
édifices
qu'ils
les différences
non moins fortuites
s'agrégeant,
à celles-ci,
comme la réduction
qui se joignent
en masses
à l'état
ou l'existence
pulvérulent
les différences,
ennn, des organes
considérables,
des états de ces organes,
sur lesquels
agissent
de concevoir
voilà de quoi permettre
que des
circonstances
d'ordre
géométrique
purement
donner
lieu à des sensaet numérique
puissent
différentes.
D'autre
tions qualitativement
part,
à l'atome,
le réel ne garde-t-il
ramené
pas
et tous les autres attributs
l'identité
l'unité,
que
essentiels
à l'être ? Au lieu
Parménide
jugeait
de
de nier le mouvement
pour sauver la réalité
à la nécesl'être et tout d'abord
pour échapper
l'être
la pluralité
à laquelle
sité d'admettre
il faut, suivant Démokrite,
poser la
répugnerait,
cette
et même le vide, afin d'expliquer
pluralité
être
diversité
et ce mouvement
qui ne peuvent
de déterencore besoin
niés. Dés lors, qu'est-il
comme
miner
la matière
Hérakiite,
première
minima
comme Empéd'admettre
une diversité
oridans une variété
de tout confondre
dokie,
ginelle infinie avec AnaxagorePAvecl'Atomisme,
102
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
est achevé,
est rectifié,
l'Ionisme
l'Eléatisme
sont dépassés,
et l'AnaxaHérakiite,
Empédokie
devient
en partie
inutile.
Le principe
gorisme
de tous ces progrès,
c'est l'emprunt
tait aux
de leur vide dont on a fait un vrai
Pythagoriciens
de leur point mathémavide, et la conversion
tique en un être nettement
physique.
l'idée
d'un
insécable
ne nous
Sans
doute,
satisfait
celle d'une petitesse
pas complètement
absolue
et pourtant
non infiniment
petite nous
nous pensons
volontiers
inquiète
qu'il y a plus
dans le fond des choses que n'en
de richesse
et nous avons peu de goût
Démokrite
suppose
pour le vide, etc. Mais nous prenons
cependant
notre parti des défauts de l'Atomisme,
qui nous
rend des services
incomparables
aujourd'hui
encore.
Nous passons
sur ses difficultés
sans
à notre croyance
à la symboliremords,
grâce
cité de la vérité scientifique.
La science,
penla réalité
de l'espace,
sons-nous,
suppose
qui
moins
n'est guère
du non-être
synonyme
que
vide, et guère moins étonnant
l'antique
que lui
si on le remplit
car il n'est pas l'éther
d'éther,
la science exige la réalité du temps, du
même
et peut-être
une posimouvement,
requiert-elie
tivité de la notion d'infini que ne postule point la
de la mathématique,
pratique
mais que postule la
de cette pratique
en tout cas, elle
philosophie
insécables
comme les derexige des particules
nier éléments
du D~ Lebon,
que cet éminent
savant
dématérialise
au reste
beaucoup
plus
Mais peu nous importe
qu'il n'est nécessaire.
nie en tout ou en partie l'obque la philosophie
de ces notions,
car la divisibilité
absojectivité
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
103
lue de l'espace,
est aussi indiffépar exemple,
rente à celui qui croit l'espace
subjectif,
qu'à
celui qui, comme Démokrite,
tient l'atome
pour
une réalité physique
absolue
et non plus, ainsi
les Pythagoriciens,
que faisaient
pour une réalité d'essence
nous nous consomathématique
l'exislons de ne poser
qu'en
métaphysiciens
diverses et complètetence de réalités infiniment
ment
individualisées,en
songeant
que l'Atomisme
n'est que d'un emploi
et
scientifique
nous maintenons
ferme que, pour la science,
les
éléments
derniers
doivent avoir même qualité,
d'une
liste
de corps
rénumération
simples
relai dans la marche
de l'esprit
n'étant
qu'un
vers la cosmologie
définitive.
La
phénoménale
science
n'est, semble-t-il,
applique la logique
de phénomènes
assez
quée à une systématisation
et propre
à nous
de les
commode
permettre
une systématisation,
dont la
prévoir,
cependant
à celle de la métaphyvérité doit être parallèle
si nous voyions
que nous construirions
sique
en eux-mêmes
les événements
que notre menest
talité traduit
en phénomènes.
Cette vérité
elle n'est que
cela, mais elle n'est
que cela;
elle est cela.
On le voit, en le
cela, mais
l'essentiel
de Démokrite
nous
transposant,
du
encore.
Il eut à demi conscience
convient
positivisme
qui était en lui. Traité comme pur
il est nôtre. Et, en parlant ainsi, l'on ne
savant,
ne
nie point que la physique
mathématique
en un sens vers l'idéalisme
mais il
conduise
n'autoserait étonnant
qu'un savoir symbolique
autant
avec presque
risât qu'une
philosophie
de facilité la science favorise
un usage0 matérialiste de ses résultats.
104
L~
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
et qualitative
des éléConstance
quantitative
tels sont les principes
merits, causalité
rigide,
la physique
avec cet
atomistique,
qui dominent
doivent
moins
évident,
autre,
que les atomes
non seulement
être d'une
forme
très diverse,
de leur
pour que la variété infinie des résultats
mais aussi
rencontre
parce
que,
s'explique,
il n'y a pas de raison
nous dit déjà Leukippe,
tous. Il y a quelque
pour qu'ils se ressemblent
du matériachose qui fait prévoir
l'étroitesse
lisme vulgaire
tous, dans
que nous connaissons
avec lequel
le parti
louable,
cependant
pris,
de toutes
choses
l'école rend compte
par ces
le vide et le mouvement.
les atomes,
principes,
ne se
Ce mouvement,
sans lequel le Kosmos
formerait
dont le
pas, crée à l'infini des mondes
nôtre
n'est pas le centre
et dont les apogées,
au gré de la
infiniment
se suivent
diverses,
et désunit
au hasard,
nécessité
qui rassemble
et
dans le vide, les éléments
pleins,
compacts
Comment
impénétrables.
s'explique-t-il
? Par le
choc. Et le choc ? Par un mouvement
antérieur.
Et il en fut ainsi toujours.
Si cette éternelle
alternance
nous trouble,
en nous
Démo~rite,
le mouvement
comme
inhérent
à la
présentant
matière même,
que pasqui serait active autant
étonner
un
sive, nous offre un moven de nous
cette vue est d'ailleurs
aussi mopeu moins
derne que l'interdiction
de s'interroger
sur les
La porte n'est
commencements.
pas
premiers
absolument
fermée au dynamisme,
dans la doctrine de Démokrite
ionien ne s'anl'Hylozoïsme
nule pas en lui jusqu'à la dernière
trace. Mais un
retour à quelque
chose d'analogue
ne s'est-il pas
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
105
de nos jours au sein
même
du mécaproduit
nul ne songe à abjurer
tout à fait ?
nisme,que
Grâce au mouvement
il se joint, aux qualités
des choses;
une qualité
premières
qui, pour
résulte
de l'une
de celles-ci
la
Démokrite,
contient
la raison de la pesanteur.
Les
grandeur
l'on
devait
tard
qualités
que
appeler
plus
« secondes » sont déjà subjectives
à ses yeux.
Quel génie ne fallait-il
point,
pour songer à déduire la pesanteur,
au lieu de précéder
Epicure
en faisant
comme
il eût été si naturel,
d'elle,
une qualité fondamentale
de la matière
Quelle
satisfaction
ce serait, pour la science
moderne,
si elle pouvait
ainsi qu'elle le souhaite,
déduire,
la qualité
faute de mieux,
enferque Newton,
mait encore dans la masse sous le nom d'attracd'une
vertu
tion, à la manière
scolastique
Ajoutons
pourtant
que sinon chez Démokrite,
du moins
chez ses disciples,
la pesanteur
fut
conformément
à l'opinion
vulconçue
plus
gaire.
Tout se passera
comme si l'amécaniquement
mitié d'Empédokle
ou plutôt son attraction
agissaient
dans
le monde
de même que dans les
tourbillons
de vent que nous pouvons
voir, ou
il
vouîu du vanneur,
par suite du mouvement
dans le grand
tourbillon
mondial
s'opérera,
de
résultant
des mouvements
qui se heurtent
des éléments
flanc, une ségrégation
qui se resLes atomes
se grouperont
semblent.
d'après
de taille et de figure
d'où
leurs ressemblances
toutes les choses de composition
plus ou moins
Démokrite
homogène
que nous rencontrons.
la différence
des temps et
donc, malgré
évoque
106
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
des doctrines,
la pensée de Spencer;
leurs évolutionnismes
sont parents.
Il est incontestable
bizarres
que les formes
des atomes
de Démokrite,
avec les ornements
d'uqui déterminent
par avance leurs chances
nion avec d'autres,
et leurs crochets
qui symbolisent de trop loin ce que nous nommons
affinidans le parti pris général,
si peu
tés, détonnent
de l'Atomisme.
Il est certes ingénieux
puéril,
'd'expliquer
que le fer soit plus dur que le plomb
en alléguant
plus lourd,
pourtant
que le vide,
moindre
dans
est moins
celui-ci,
également
dans celui-là;
l'acide
réparti
d'expliquer
par
le doux par la rondes angles
petits et subtils,
le blanc par le
deur d'atomes
pas trop petits,
et les deux autres
lisse, le noir par le raboteux,
le rouge
couleurs
et le vert,
fondamentales,
mais il est
par d'autres
qualités
géométriques
clair que ces vues sont sans valeur. Observons
ses parties
notre
obscures,
cependant
qu'en
dans ses hypothèses
auxiliaicherche,
physique
res qui souvent méritent
de se démoder
prompde quoi achever
de construire
des théotement,
ries dont le fond est sûr et que l'on veut à
cause de cela formuler
sans plus attendre.
Et
puis, ce n'est pas peu de chose que d'avoir enainsi que fit Démokrite,
la théorie des
trevu,
et successives.
synthèses
graduées
Dans un tel monde,
un Dieu est inutile, mais
des dieux
sont possibles,
des dieux
mortels
de vivre, en des régions qui
permettent
auxquels
les mêmes
lois
nécessaires
s'y prêtent,
qui
favorisent
l'existence
des
êtres vivants
dans
tous les astres où il y a l'eau et les autres choses
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVAXT
SOCRATE
107
à la vie. Démokrite
nécessaires
même
pense
à interroger
que la divination,
qui consiste
des êtres plus durables
et plus savants
que nous,
n'est pas absurde,
mais c'en est fait avec lui
de cet animisme
que nous avons vu survivre
encore
dans
des philosophies
comme
celles
Quant aux dieux de la foule, il
d'Empédokle.
accuse
avec la peur,
précisément
l'animisme,
de les avoir créés.
Les organismes
sont sortis de la boue après
le temps où la terre est entrée
dans la période
de son tourbillon;
de repos
au centre
ils sont
autres
dans les autres
probablement
mondes,
qu'il est insensé
de croire
déserts.
En chacun
de ces organismes,
il y a une âme
dans
elle est tout à la fois ce qui meut le
l'homme,
cette âme est de l'air aux
corps et ce qui pense
atomes
ronds et lisses, très mobiles,
qui entrent
en nous par la respiration,
se vont loger dans
les intervalles
des particules
qui composent
notre
et sortent
de nous
nous
corps,
quand
chassons
au dehors;
notre souffle
le
pendant
nous en possédons
et quand
sommeil,
moins
il n'en reste plus, c'est la mort.
Ils se concentrent surtout
dans le cerveau,
qui pense grâce à
leur mélange
avec sa matière,
dans le cœur qui
dans le foie siège du désir. C'est l'état
s'émeut,
du mélange
des éléments
constitutifs
de nos
de ce que l'âme réussit ou
organes
qui décide
mais étrange
échoue à y faire; doctrine
profonde,
en son inachèvement
et qui, telle qu'elle
est,
assez
vitale et
explique
peu de notre activité
La
totalité
des éléments
mentaux
pensante.
n'est qu'une
elle n'est aucunement
disomme,
108
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
unité.
vine, et il n'y a pas en nous de véritable
démocritéenne
de la perception
a
La théorie
été esquissée
en partie;
ainsi que celle de la vie,
elle est à demi géniale,
à demi bizarre,
grosse
de préjugés
et de vérités positives
grossiers
précieuses.
Des objets, il se détacherait
comme des
de faible
qui pénétreempreintes
épaisseur,
raient en nous par les yeux, d'où la perception
visuelle
sur
qui est un choc de ces empreintes
l'élément
âme qui est en nous, ou l'emprisonnement même de ces empreintes
par notre substance percevante
tout ce qui se voit existe donc;
la meilleure
preuve qu'il y a des dieux, dans un
tel système,
c'est que l'on en rêve. Toutes
les
autres sortes de perceptions
seraient
aussi,
par
l'intermédiaire
de leurs organes
comme
propres,
un toucher,
un toucher
différent
suivant
les
atomes qui arrivent
vers eux et selon ceux qui
les atomes
d'âmes
ces organes
composent
qui
se pressent
en certaines
du corps font
parties
celles-ci sensibles.
la perception
C'est pourquoi
ne révèle rien de proprement
elle n'apobjectif
connaissance
obscure dont
prend qu'elle-même,
la vanité est manifestée
des
par les différences
sensations
suivant
les êtres, les âges, l'état de la
sur lar foi
Ce qu'on dit des choses
santé, etc.
des sens n'est que l'opinion
ce
d'une majorité
n'est que convention.
Rien de spiritualiste,
chez
dans l'attribution
de la connaissance
Démokrite,
à la raison
la raison, c'est' le cerveau
légitime
avec le plus sûr des
jugeant bien par analogie
données
des sens, grâce à l'absence
d'un excès
ce
d'humidité
et à une température
convenable
n'est rien de plus.
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
109
Il est très regrettable
si
que nous possédions
sur l'ouvrage
où Démopeu de renseignements
krite conseillait
le philosophe
dans la recherche
du vrai;
il y exposait
sa méthode,
que deux
et rairésument
suivre l'expérience,
préceptes
la seule
idée
sonner
avec elle;
par analogie
d'écrire
sur ce sujet est plus remarquable
que
tels des résultats
de la méthode
démocritéenne.
d'ailleurs
le subjectivisme
La grande prudence,
de Démodéré,
l'empirisme
plutôt matérialiste
mokrite
l'ont fait accuser
à tort de scepticisme.
et Hérakiite,
mais bien
Ainsi que Pythagore
il est préoccupé
de l'homme,
spéplus qu'eux,
cialement
de l'homme
moral.
Il est hédoniste,
c'était fatal
mais il l'est en sage, en intellectuel
et optimiste.
Le bien, pour lui,
fin, distingué
c'est le bonheur,
mais celui qui peut agréer au
amant
du vrai, prudent,
sans préphilosophe
à chercher
en soi une
habile
jugés grossiers,
à qui connaît la
satisfaction
accessible
toujours
habile à modérer
nature et se connaît lui-même,
et
tous ses désirs,
à choisir
les biens certains
vertueux
durables,
par intérêt sans doute, mais
sachant
l'intérêt
coïndans quelle large mesure
veut
cide avec ce qu'on nomme vertu. Héraklite
non par
toujours
qu'on agisse
par réflexion,
A certains
moments,
peur ou par entraînement.
littéraire
il dépasse
la morale
plutôt
beaucoup
et assez banale
la sienne,
qui est d'ordinaire
la tente
il appelle
le corps
quand par exemple
une
de l'âme,
ou qu'il reconnaît
à l'intention
il
valeur plus grande
Mais quand
qu'à l'action.
déconseille
le mariage
à cause des tracas
qu'il
ou qu'il prélude
à un cosmopolitisme
amène,
110
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
plus commode
il montre
que généreux,
bien
de son éthique,
à quoi cela est
que le niveau
n'est pas très élevé.
conforme,
II eut des
mais parmi
eux il faut
disciples,
des Sophistes.
Le meilleur
compter
de ses doctrines ne fructifia
Il en passa
que médiocrement.
chose chez Platon,
cependant
quelque
Aristote
etles Stoïciens,mais
bien moins que d'HérakIite.
Et il fit la fortune du
pauvre Epicurisme.
Malgré
toute la valeur
des dernières
philosophies
que
nous
venons
il était temps
d'examiner,
que
se
les Sophistes,
l'esprit grec
renouvelât;
quelmal
que
qu'on puisse penser d'eux, venaient
à
leur heure.
CHAPITRE
Les
Sophistes
IX
Protagoras,
Prodikos,
Si tous les Sophistes
ques et des jongleurs
Gorgias,
Hippias.
été des sceptiavaient
des utilitaires
d'idées,
il serait
avides de gain et d'applaudissements,
d'eux brièveplus aisé qu'il ne l'est de parler
et très
ment, car très pauvre serait leur pensée,
l'histoire
de la Sophistique.Mais
monotone
il n'en
il résulte
de la revision,
est pas ainsi, comme
de leur procès.
assez récente,
Le jour viendra
à parler d'eux en bloc,
bientôt
où l'on hésitera
à employer
leurs doctrines
un
pour désigner
comme s'ils avaient formé
vocable
une
unique,
école. Il n'y a pas de Sophistes
comme il y a des
ce mot ne devrait désigner,
à peu près,
Eléates
des
C'étaient
par eux exercée.
que la profession
d'un savoir en général fort vaste bien
professeurs
aux jeusuperficiel,
qui enseignaient
qu'assez
et rhétorique,
nes gens philosophie
archéologie
et stratégie
et économique,
avec une
politique
ils étaient aussi conférenciers,
égale virtuosité
des cités et des chefs des cités, parconseillers
112
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
et même estimés jusque dans
fois fort honnêtes,
diseurs
où les beaux
n'obtenaient
cette Sparte
crédit.
Nulle part, à la
grand
pas d'ordinaire
vérité, on ne jugeait très honorable
qu'ils tissent
payer leurs leçons, mais on sentait qu'ils étaient
et pour compléter
fort
l'éducation,
nécessaires,
sommaire,
alors, et pour
que l'état dispensait
dont les seuls proaccroître
la culture
générale,
étaient ces hommes
moteurs
à l'horipossibles
zon souvent
et
plus étendu que les philosophes
à de plus grands
auditoires.
Leur
qui parlaient
ses excès
liberté
à
plaisait
jusqu'en
d'esprit
de beau
des générations
affinées,
passionnées
à l'égard
frondeuses
des traditions,
langage,
de points de vue neufs et d'inventions
curieuses
en tout genre,
mais spécialement
ingénieuses
et ce
de toute théorie ayant pour objet l'homme
En somme,
ils appaquand
qui le concerne.
vers le milieu du v" siècle, les Sophistes
rurent,
trouvèrent
une société faite pour eux et où leur
place était marquée.
en général,
surtout
au début, des
Ils sortaient
c'est pourquoi
la Sophisécoles de philosophie
qui ne dura guère plus d'un
tique honorable,
fut celle du commencement.
Mais
demi-siècle,
il y eut des Sophistes
jusqu'à la fin des temps
des
hommes
de conditions
fort
antiques;
diverses
et de presque
toutes tendances
se ratà travers
tachèrent
à eux. Si nous les considérons
les œuvres de Platon et d'Aristote,
ils apparaisle
sent tels que se les représente
aujourd'hui
des sceptiques
comme
et des dispuvulgaire,
vains jusque
teurs fallacieux,
dans leur ajustement et malhonnêtes
par principes,
prouvant
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
113
avec une égale ardeur,
une même chaleur communicative,
le pour et le contre. C'est à peu près
cela qu'ils devinrent
en effet, mais non pas d'une
si générale
manière
ne
que le nom de Sophiste
encore
Sokrate
comme
pût, longtemps
après
avant lui, être appliqué
a des sages, à des phià des hommes
habiles
losophes
authentiques,
en des domaines
divers et aussi dignes d'estime
que pour leur savoir. Ils ont,
pour leur moralité
hélas
poussé à l'abus de la subtilité
dialectique
en ont favorisé
le légitime
autant
usage,
qu'ils
et démoralisé
autant qu'ils les
leurs concitoyens
ont portés
à réfléchir
sur les choses morales
ils ont contribué
à la diffusion
du scepticisme,
du scepticisme
en particulier
autant
religieux
à la création
de la logique,
de
que préludé
la critique
de la connaissance
et de l'exégèse
de bon aloi
ils ont travaillé
à l'énecvement
ont été
de la langue
autant
qu'ils
grecque
bons
et utiles
philologues
grammairiens
les esprits à se
ils ont peut-être
plus encouragé
contenter
de traiter avec brio de toutes
choses
le
n'ont
dans l'âme
grecque
qu'ils
développé
culture
mais,
universelle;
pareils
goût d'une
aux penseurs
de notre xviir" siècle et de l'Aufallemande,
ils ont été ceux sans lesquels
/~rM/~
bien des progrés
ne se seraient
pas produits.
Le meilleur
de leurs idées leur vint primitivement de leurs amis ou de leurs maîtres
philoou encore de ces penseurs,
si nombreux
sophes,
au v~ siècle, que l'histoire
n'a point sacrés
phide
n'ont
élaboré
losophes
parce
pas
qu'ils
sur
mais dont la sagacité
s'exerça
systèmes,
tant de points de morale,
de politique,
d'histoire,
PHILOSOPHIE
GRECQUE
8
114
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
de médecine
ou d'autres
sciences
soit théoriIls se sont eux-mêmes
quès, soit pratiques.
souvent
à des recherches
adonnés
scientifiques.
S'ils se gâtèrent
au point que l'on sait, il est
en partie
leurs clients,
juste d'en accuser
qui
leur demandaient
de les débarrasser
de scrude les munir
de recettes
pules gênants,
pour
réussir
en toute occasion
à la tribune et ailleurs.
On voulait
fussent
des professeurs
de
qu'ils
et ils se prêtèrent à documenter
les arrisuccès,
vistes.
N'étaient-ils
pas, dès le temps des siciliens Korax et Tisias, des maîtres
d'éloquence
?
fut leur déchéance,
dont le cours
se
Rapide
dissimula
assez
sous
une
longtemps
vogue
croissante,
avant que leur nom devint une injure.
entre Gorgias
et
Quel écart entre Protagoras,
eux-mêmes
et surtout
Prodikos
d'une
Hippias
part, et de l'autre Polos, Thrasymaque,
Euthyetc. ?
dème, Kallikiés,
Dionysodoros,
On a dit justement
fut le
que la Sophistique
de la subjectivité,
de l'individualisme
triomphe
intellectuel
et moral
mais
les premiers
moments de la dissolution
furent
féconds
pour la
rénovation
Cette
rénovation,
qui s'imposait.
c'est vraiment
et les
Sokrate
qui l'accomplit,
avec.. de
Sophistes,
qu'il
méprisait
pêle-mêle
vrais philosophes,
encore
notaappartiennent
blement au passé.
l'un des Sophistes
Sokrate,
leur ennemi,
c'est l'avenir
et tous les
quoique
les germes
dogmatiques
antérieurs,
malgré
féconds
qu'ils ont semés mais qui vont dormir
un temps plus ou moins long, sont bien le passé.
Sans doute, les Sophistes
aidé
ont puissamment
à modifier
mais
de la philosophie,
l'orientation
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
115
dans leurs
plus incontesque de survivances
nouveautés
Les
ruines
tables
firent,
qu'ils
sont plus considéraruines
parfois heureuses,
très puériles
bles que leurs inventions,
parfois
Il importe
de ne pas oublier que
et regrettables.
d'entre
eux furent
les plus célèbres
contempode la première
rains des derniers
philosophes
et qu'ils fleurirent
époque et ceux de Sokrate,
d'Athènes
le Pryau temps où la civilisation
comme dit Hippias
tanée de Sagesse,
atteignit
son apogée.
I. Protagoras.
La mémoire
de l'abdéritain
Protagoras,
qui naquit en 481 et périt dans un
en fuyant,
l'an 441, la ville qui le
naufrage
ne connaîtra
condamnait
pour cause d'impiété,
en dépit de toutes
les réhabilitations,
jamais,
une gloire pareille à celle qui entouraità
Athènes
et magnifique
ami des Périkiès
et des
l'éloquent
Du législateur
de Thurii,
de l'invenEuripide.
si bien accueilli
teur du coussin
par les portede l'auteur
de tant d'ouvrages
faix d'Athènes,
la correction
sur la grammaire,
du langage,
la
des métiers,
des états,
l'organisation
technique
des hommes
et la justice pénale, sur
la conduite
la vertu, l'être, la vérité,
etc., il ne nous reste
rien. Mais si l'on ne peut par là même
presque
toutes
le défendre
contre
les légendes
qui le
il est assez
manifeste,
déprécient,
cependant,
ce qui n'autorise
au
qu'il fut calomnié
point,
reste, à forger un Protagorisme
irréprochable,
et cohérent,
comme l'ont tenté plusieurs
profond
historiens
récents.
116
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
individuel
Platon, l'homme
était, pour
de toutes
la mesure
cette
choses;
Protagoras,
fort bien en un sens non
qui s'entend
opinion,
semble
ainsi,
pouvoir
s'interpréter
sceptique,
étant donné
du
l'agnosticisme
métaphysique
rien d'autre
nous ne percevons
sophiste
que
réalité
l'effet composé
d'une insaisissable
et de
telle qu'elle
est anëctée,
au monotre nature
l'état de la
ment où nous percevons,
par l'âge,
les circonstances
et toutes
infiniment
santé
nous trouvons.
Voilà
où nous
variables
qui
là de scepticisme,
est clair,
et il n'y a point
toute perception
est vraie
pour
qui
puisque
la fameuse
de Protagoras.
admet
proposition
Il ne faut pas, sous prétexte
que le sensualisme
Démokrite
insiste
de son contemporain
plutôt
de l'homme
sur
la nature
comme
envisagé
ou bien sous prétexte
qu'il n'y a rien de
espèce,
de Platon dans tel livre
pareil à l'interprétation
d'inspiration
anonyme
qui semble
protagoriavec le commentaire
traditioncienne, rompre
de la phrase
en
nel, récemment
perfectionné,
sans difficultés
elle s'explique
dans le
question
et un démocritéen
sens ici indiqué,
pouvait l'apen partie tout aussi bien qu'un disciple
prouver
dont Protagoras
était lui-même
de cet Héraklite
l'élève. Seul un Eléate s'en pouvait scandaliser,
bien qu'en somme pour lui comme
pour notre
il n'y eût que le réel de perceptible
sophiste
vraiment.
Certes, si la réalité en soiestelle-même
n'ont plus d'attache
nos perceptions
changeante,
avec quoi que ce soit de fixe
mais
ce
alors,
courant
n'est pas vers le sensualisme
que tence serait
drait l'opinion
de Protagoras,
plutôt
Suivant
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
117
vers le Scepticisme;
car, du phénoménisme
pur,
il ne saurait
exister
à cette époque la moindre
trace.
Mais Protagoras
pas les
n'approfondit
de son relativisme
conséquences
prenons-le
donc comme il nous le donne
il suffit à la gloire
si on
de son auteur.
On exagérerait
son mérite
« vérité
lui attribuait
l'idée nette d'une certaine
» dont il est parlé chez les Positivistes
humaine
ou chez les Kantiens
et il est curieux
modernes,
avec les
de voir ceux qui le veulent
confondre
sensualistes
le tirer en même temps
ordinaires,
vers Kant plus que ne font les historiens
que
nous approuvons.
On doit avouer pourtant
que
en fait oublier
bien souvent
Protagoras
parait
a de spécial,
de strictece que son sensualisme
tement
mais quoi
n'est-il
individualiste;
pas
tout pareil à un rationaliste,
aussi, très souvent,
à un dogmatique
vouloir
? Pourquoi
qu'il ait
été tout d'une pièce ? Ce n'est pas qu'il ait, lui,
de prouver
le pour et le contre
fait profession
sur un même sujet
il ne s'est pas amusé à faire
miroiter
des sophismes
mais il eut assez de
la complexité
des
pour apercevoir
sagacité
et la force
qui se posent à l'homme,
problèmes
être dressés
des arguments
qui peuvent
pour et
une même
le lui reprocheronscontre
thèse;
nous ? Rien ne prouve qu'il soit allé plus loin
rien ne prouve,
en particulier,
qu'il ait pratiqué
la rhétorique
autrement
que comme un art de
il mérite
fortifier
le parti le plus faible quand
d'être le plus fort.
Il eut, semble-t-il,
à un haut degré, le goût de
à
la mesure
s'il déclare
qu'on ne peut arriver
bien traiter des dieux, c est prudence
de sa part
118
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
et non
s'il est agnostique
en
point athéisme;
c'est qu'il ne rencontre
rien d'abmétaphysique,
solu parmi tout ce qu'il perçoit;
il ne pense rien
sur les choses qu'il ne voit pas. pour la même
raison qu'il ne nie rien de ce qu'il voit ou même
de ce que voient les autres sans qu'il le voie luimême. C'est là sa façon d'être sage. Il est téméraire de le représenter,
une réflexion
de Gœthe
comme
une sorte de pragmatiste
affiraidant,
mant ce qu'il est utile d'affirmer
et cela seul.
et
N'enseigna-t-il
pas la sagesse
domestique
la modération
et la justice ? Et déclarer
civique,
n'est pas un bien, est-ce d'un
que tout plaisir
? Faire dépendre
le bien de l'opur sensualiste
pinion est parler, il est vrai, de façon équivoque
mais il n'y a point d'équivoque
à préconiser,
il fit, le bien qui dure. Là et ailleurs,
comme
est aussi
du
Protagoras
éloigné
que possible
radical.
On oublie trop, à son sujet,
subjectivisme
existe
un dogmatisme
très conciliable
qu'il
avec un subjectivisme
très avancé déjà, et qu'un
philosophe
peut être encore beaucoup plus négateur en métaphysique
que ne le fut notre philoen d'autres
sophe, sans être pour cela sceptique
domaines.
Et l'on peut tenir, comme
lui, le lande conventions,
sans
gage pour un ensemble
être sceptique
en morale
ou nihiliste
ou même
en science.
On peut, surtout,
être incohérent
de race
quand on n'est pas plus un philosophe
Au reste,
est
que ce Sophiste.
quel philosophe
sans contradictions
?
II. Gorgias.
est l'encombrante
Combien
moins
sympathique
du sicilien
Gorpersonnalité
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
119
en 427
sa patrie,
gias,
que Léontini,
envoya
demander
du secours
à Athènes
contre
Syracuse
dont il jouit longImmense
fut sa gloire,
être centenaire
il
temps, car il devait
quand
mourut
à Larissa,
vers 375, retiré
en Thessalie,
des affaires
faite. Ce contempofortune
après
rain de Protagoras,
d'une
d'athlète,
vigueur
savant
et artificiel,
prosateur
qui se mêla de
fut essentiellement
un
tout, même
d'optique,
amoral.
Toute
la Grèce
professeur
d'éloquence
courut
à ses discours,
à ses oraià ses éloges,
sons funèbres,
les jeunes gens
et il éblouissait
de sagesse,
en
des leçons
qui lui demandaient
à un vague Empédoclisme
des paraajoutant
doxes imités plus encore qu'inspirés
des Eléates.
On doit
louer
ses efforts
pour promouvoir
des Hellènes,
l'union
et l'on ne peut contester
sur un certain
qu'il émit des idées ingénieuses
nombre
de sujets;
mais sur quoi se fonder pour
réhabiliter
l'homme
qui fit de la justice et de la
comme
dit Platon,
des empirismes
rhétorique,
au métier du flatteur et à celui du
comparables
et pour qui la fin de l'éloquence
était
cuisinier,
le succès
de l'orateur?
Comment
uniquement
voir un défenseur
de la science
prudemment
attentive
à suivre l'expérience
et à ne la point
au nom duquel
est
dans le Sophiste
dépasser,
attachée
des plus
l'invention
de trois arguments
car dire que
faibles?
Rien n'existe,
disait-il,
le non-être
réel par là
n'est pas, c'est le poser
même qu'on en dit quelque
voilà donc
chose
le non-être assimilé
à l'être, et l'être qui s'abîme,
en même temps,
De plus, si
dans le non-être
de l'être ni du
l'être était, il ne pourrait
naître
120
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVA~T
SOCRATE
il ne pourrait
non plus être éternel,
car
néant
il faudrait
et l'infini
ne saurait
qu'il fût infini,
chose.
Il ajoutait
être ni en soi ni en autre
car
inconnaissable,
que si l'être était, il serait
si l'être était connu, il le serait
par une pensée
dont l'objet serait tout entier réel, de sorte que
tout ce que l'on pense d'impossible,
d'absurde,
une course
de chars sur la
comme par exemple
Il allait plus loin encore.
Si
mer, serait réel.
la science n'en
l'être était connaissable,
disait-il,
être communiquée,
car qu'y a-t-il de
pourrait
commun
entre les mots,
qui ne sont que des
Et comsons, et les choses
qu'ils
désignent?
ment une même
chose serait-elle
pensée
par
différents
?
il y a
deux individus
Pourtant,
et de sottise
que de perversité
plus de vanité
en
chez
encore
mieux,
Gorgias,
qui valait
somme,
que ses théories.
Trop de complaisance
et trop de goût pour
pour un art où il excellait
la gloriole,
voilà ses défauts
de fond. On ne peut
bien la plupart
défendre
aussi
de ses imitateurs.
III. Prodikos
de Keos
et Hippias
d'Elis
sont
de jeunes contemporains
de Protagoras
et de
Le premier
mérita l'estime
de Sokrate
Gorgias.
il conseillait
l'effort et Hérakiés
était son héros.
Il était utilitariste,
sans doute,
et pessimiste,
mais ce fut un éloquent
de vertu
il
prédicateur
enseignait
que la mort n'est point à craindre
tant que l'on vit, et qu'elle n'est rien pour ceux
mais tant s'en faut qu'il n'ait
qu'elle a frappés
fait autre chose que d'imaginer
des raisonne-
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
121
sur
Il laissa des travaux
ments aussi artificiels.
des mythes,
sur
le langage,
qu'il
l'origine
et
naturel à l'homme
par l'animisme
expliquait
les inventeurs.
à diviniser
par sa tendance
eu mauvaise
n'eussent
Jamais
les Sophistes
de
s'ils avaient
beaucoup
compté
réputation
Prodikos.
On n'en peut dire tout à fait autant
de la diversité
des
que le spectacle
d'Hippias,
hude la nature
et l'observation
législations
à ne voir dans les
maine en général con'iuisirent
les hommes
lois que des moyens
d'opprimer
elles lui semblent
une violence faite à la nature.
à ceril reconnaît
une valeur absolue
Cependant
tains préceptes
croire
aussi
qu'il se
peut-on
sur
n'était sceptique
défiait plus des codes
qu'il
le fond de la morale.
de ses travaux
L ensemble
les
alors connues,
embrassait
toutes les sciences
et il
les plus anciennes,
plus jeunes comme
excellait
en tout genre de littérature.
Bref, il fut
du type
l'un des plus brillants
parmi les sages
nouveau.
dans la
Tout ce qu'il y avait de dissolvant
vite ses fruits.
doctrine
des Sophistes
porta
les défauts
Platon ne paraît pas avoir exagéré
ni le cynisme
de Polos,
l'assistant
de Gorgias,
de Kalliklès
de l'antiquité.
qui est le Nietzche
les Euthydème,
les DionysoLes Thrasimaque,
à la
et tant d'autres
mettent
doros, les Kritias
mode le scepticisme,
plus que cela, la négation
de
ou ironique
de toute vérité morale,
audacieuse
Tout ce qu'ils ramastoute croyance
religieuse.
ou
sent de science,
tout ce qu'ils ont d'esprit
ils l'emploient
à faire la critique
d'éloquence,
de ce qui était vénéré,
de la nature,
l'apologie
~22
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
et du succès.
L'érudition,
d'un
très grand
nombre
assure
l'ingéniosité
leur crédit, et on leur pardonne
de n'avoir aucun
amusent et même instruipréjugé
parce qu'ils
des médecins,
des
sent. A côté d'eux travaillent
des polygraphes.
collahistoriens,
Les Sophistes
borentavec
les uns etles autrespour
esquisser
les
linéaments
de savoirs tout nouveaux
premiers
et dont la liste est encore,
à peu prés, celle des
les philosophes
sciences
cultivons;
que nous
sont de moins en moins seuls à régir la cité des
ils y gardent
esprits;
la première place, mais ils
ont de plus en plus de rivaux.
On composerait,
malgré tout, un recueil assez
avec les pensées de valeur ajoutées
considérable
à celles des philosophes
par les Sophistes
prodits. C'est Alkidamas
prement
qui proclamait
ne naît esclave.
Antiphon
parla
que nul homme
dans des termes dignes de Platon
de l'éducation
et d'Aristote.
avait affirmé l'égalité
des
Hippias
Si l'on rassemblait
hommes.
sous le nom de
tout ce qu'il y a d'idées
philosophie
générales
chez les Sophistes,
les philosophes,
les écrivains
et les législateurs
littéraires
de la période
qui
nnità
on ne trouverait
Sokrate,
peut-être
pas
une conception
moderne
qui n'ait été au moins
et si, en même temps,
l'on se
alors;
pressentie
décidait
à considérer
Fœuvre
de ce
des savants
soutemps comme beaucoup
plus scientifique,
on aùrait enfin,
vent, qu'elle n'est philosophique,
intelde la période antésocratique
de l'évolution
des Grecs, une idée à peu près exacte.
lectuelle
Nous possédons
assez dedocuments
aujourd'hui
les erreurs
les plus grospour savoir rectifier
de
l'amoralisme
LA
sières
PHILOSOPHIE
GRECQUE
AVANT
SOCRATE
123
de l'histoire
traditionnelle
de la philosoet cependant
les plus inaccepphie ancienne
tables des vieilles
à
continuent
interprétations
déshonorer
nombre
de manuels
destinés
à la
nous
satisfaits
serions
si, dans les
jeunesse;
limites
notre
que nous imposaient
sujet et le
format de ce petit livre, nous avions pu contribuer à affaiblir
dans le grand public
quelquesuns des préjugés
nous
que déjà n'ont
plus,
les historiens
conserl'espérons,
qui les semblent
ver. Il ne faut pas écrire, à l'usage
des autres,
tout autrement
qu'on ne pense pour son propre
de vulgarisables
compte.
N'y a-t-il
que les
points de vue inexacts ?
NOTE
BIBLIOGRAPHIQUE
ici de donner
des renseignements
point
s'agit
mais ceux qui suivent
suffiront
à qui voudra
complets,
un sujet
en amateur
sérieux
susceptible
approfondir
encore
bien des générations
de savants.
En
d'occuper
lieu, il faut lire les Fragmenta
philosophorum
premier
et
édités par Mullach,
vol. I, Didot,
Paris,
croscorMnt,
et Preller,
r~ZM~OT'MjoMoso~M?
~o?ea~
par Ritter
Il est tout
de
Gotha.
aussi
indispensable
Perthes,
Berlin.
On
consulter
les Dozographi
~r<a?e!, par Diels,
à négliger
de seconde
mal
des ouvrages
serait
fondé
le Grundriss
der Geschichte
der Philosomain comme
vol. I, Mittler,
la
Berlin
phie
par Ueberweg-Heinze,
trad.
des Grecs,
Zeller,
Boutroux,
~z~MO/)Aïe
par
Les Penseurs
de la
vol. I, Hachette,
Grèce,
Paris
et
trad.
Lausanne,
Reymond,
Payot,
par
Gomperz,
de ces trois
est
Paris.
Le premier
ouvrages
Alcan,
et ses renseigneconcision
par sa lumineuse
précieux
sûreté
le second
est d'une
ments
bibliographiques
mais
l'oet d'une
absolue
presque
unique
objectivité
et son indépendance
de la spéculation
grecque
riginalité
et égyptiennes
des doctrines
orientales
exagéy sont
du troisième
ce défaut
est absent
rées
ouvrage,
qui,
très
et très
de plus,
un tableau
complet
présente
vivant
de l'activité
des Grecs
intellectuelle
générale
de l'aumais il faut se défier un peu de l'imagination
utile de lire l'Essai
sur la Métateur. Il est toujours
Il ne
126
LA
PHILOSOPHIE
GRECQUE
SOCRATE
AVANT
Paris.
On
e~4.ï~o~
par Ravaisson,
Joubert,
physique
à condition
d'être
sur ses
beaucoup
aussi,
profitera
du vol. VIII
de r.H7~ory
de la lecture
gardes,
of
son apologie
de la Sophistique
est
Greeee,
par Grote
Il est indispensable
de méditer
outrée.
parfois
longuement Pour
l'Histoire
de la Science
hellène,
par Tanle rôle des
est
Paris
nery,
Alcan,
Pythagoriciens
admirablement
mis en relief dans
ce livre
qui détruit
un grand
nombre
d'erreurs
mais il arrive
à
courantes
d'une
l'auteur
d'être
hardiesse
excessive.
On devra
consulter
Les Philosophes
de la Grèce,
géomètres
par
et La Morale
aoa~
PhiloAlcan,
Paris,
Milhaud,
Enfin il faut parParis.
par L. Ménard,
Didot,
sopAes;
comme
l'~4.rcA:o
courir
des collections
GescAïe~e
lür
der Philosophie,
Berlin
dirigée
par L. Stein,
Reimer,
la Revue
par
Ribot,
philosophique,
dirigée
Alcan,
et l'Année
Paris
par Pillon,
philosophique,
dirigée
Il ne sera .pas inutile,
Pat'is.
de lire le
Alcan,
enfin,
relatif
à la Grèce dans le Manuel
de l'Histoire
chapitre
de la Saussaye,
des J?e~M7M~
trad.
du
par Chantepie
Hubert
et Lévi,
Paris.
hollandais
Bien
Colin,
par
cette liste est tout à fait sommaire,
mais
elle
entendu,
le minimum
des lectures
indique
qu'il est indispensable
de faire
connaître
le plus
sûr de ce qu'on
pour
peut
savoir
sur les Antésocratiques,
et pour comprendre
les
de leur
difficultés
d'une
histoire
Nous
parfaite
pensée.
de renvoyer
au chap.
nous
aussi
n de
permettrons
sur le Droit
notre Essai
erï~Me
6~<x/~r~e~
Alcan,
iv et v de la 1~ partie
de notre
Paris, .et aux chapitres
dans ses relations
Morale
rationnelle
aoec
Philosophie
générale,
Payot,
Lausanne~
i
V
j
TABLE
DES
MATIÈRES
Pages.
CHAPITRE
PRECHER.
CHAPITRE
II
CHAPITRE
III
CHAPITRE
IV
CHAPITRE
V
VI
CHAPITRE
CHAPITRE
VII
CHAPITRE
VIII
CHAPITRE
N
NOTE
Les sources
et
débuts
de la Sagesse
premiers
5
hellénique.
–Tha)ès,Anaxitnandre,Anaxunene,
Diogène
d'Apollonie.
19
Hét-aidite.
33
et
Pythagore
les
Pythagoriciens.
l~armènide,
Xénophane,
Mélissos
43
Zénon,
5:3
Empédokie.
73
Anaxagore.
83
Les
IX
les
Les
Atomistes
i~rite.
Sophistes
Prodikos,
Démo-
Leukippe,
97
:Protagoras,Gorgias,
111
Hipp~Ao~
~ivM~
125
BISLIOGRAPHIQUE.
~{.L'¡:
13M-OT.
Imp.
des
Orph.-App.
F. BLÉ-nT,
40, rue
La Fontaine,
Paris.
OMOKAL
EN COULEUR
NF Z 4?-t2K
TABLE DES MATIERES
CHAPITRE PREMIER. - Les sources et les premiers débuts de la Sagesse hellénique
CHAPITRE II - Thalès, Anaximandre, Anaximène, Diogène d'Apollonie
CHAPITRE III - Héraklite
CHAPITRE IV - Pythagore et les Pythagoriciens
CHAPITRE V - Xénophane, Parménide, Zénon, Mélissos
CHAPITRE VI - Empédokle
CHAPITRE VII - Anaxagore
CHAPITRE VIII - Les Atomistes: Leukippe, Démokrite
CHAPITRE IX - Les Sophistes: Protagoras, Gorgias, Prodikos, Hippias
NOTE BIBLIOGRAPHIQUE