réduire la casse et améliorer la fraîcheur

Transcription

réduire la casse et améliorer la fraîcheur
RÉDUIRE LA CASSE ET
AMÉLIORER LA FRAÎCHEUR
LA MÉTHODE DES PIONNIERS
RÉDUIRE LA CASSE ET
AMÉLIORER LA FRAÎCHEUR
En moyenne, un chargement de produits frais sur sept livré à un magasin finira dans
une benne à ordures parce que les produits arriveront à péremption avant d’être
vendus. Cette « casse » représente un coût considérable, largement sous-estimé.
Mais elle est aussi le symptôme d’un challenge plus profond pour la distribution
alimentaire : parce que les produits présentés en magasin sont moins frais qu’ils ne
pourraient l’être, les clients s’en détournent et le magasin perd à la fois du chiffre
d’affaires et du résultat.
La qualité des produits frais est un élément déterminant de la satisfaction d’un client chez un
distributeur. Un client heureux de ses achats de fruits, légumes, poissons, viande et autres
produits frais dans un magasin revient plus souvent et remplit davantage son panier ou
son chariot. Mais les marges de manoeuvre apparaissent limitées dans ces rayons dont la
rentabilité est souvent faible. Faut-il choisir entre rentabilité et attractivité commerciale, et
renoncer à l’une pour l’autre ? Notre expérience prouve que non : il est possible de gagner
sur les deux dimensions.
Des actions pour augmenter la fraîcheur et réduire la « casse » peuvent permettre à une
enseigne de développer ses ventes et améliorer son trafic et sa part de marché, tout en
réduisant ses coûts et augmentant ses marges. Les leaders du secteur maîtrisent de mieux
en mieux ces savoir-faire... et creusent l’écart avec leurs concurrents.
Partout, la fréquentation d’un hypermarché ou supermarché de bonne facture produit la
même sensation : un effet de surabondance perceptible dès l’entrée du magasin et plus
nettement encore au rayon fruits et légumes, où les produits de saison empilés dans des
box promotionnels disputent la vedette aux pommes en multiples variétés et aux laitues
et autres salades proposées dans le rayon. Les clients de la grande distribution apprécient
les larges assortiments de poissons, plats préparés, fleurs et autres produits frais dont la
qualité est synonyme de fraîcheur et que les chefs de rayon mettent en scène avec un grand
professionnalisme : primeurs ou marées présentées comme si producteurs et pêcheurs les
avaient eux-mêmes déposées le matin … Et si les produits tiennent leurs promesses dans
l’assiette, les clients adorent. Ils jugent d’ailleurs le magasin, voire l’enseigne toute entière,
sur la fraîcheur de ses produits.
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L’effet de masse a un unique objectif : séduire l’oeil – et parfois les narines – des clients
du magasin. Pourtant, ces beaux atours cachent une réalité nettement moins reluisante,
susceptible d’affecter non seulement les bénéfices à court terme de l’enseigne mais
aussi son succès à long terme : l’âge réel des produits est souvent bien supérieur à ce que
laisse supposer leur mise en scène flatteuse. De quoi irriter chaque jour davantage les
consommateurs qui placent la fraîcheur en tête de leurs préoccupations … et constatent
la dégradation bien trop rapide de leurs achats. De plus, peu d’entre eux connaissent
l’envers du décor du magasin : des bennes à ordures pleines de fruits, de pâtisseries, de
produits de la mer et de fleurs ayant atteint ou approchant leur date limite ou rejetés par
les consommateurs.
Jusqu’à un chargement sur sept de denrées périssables livré en magasin finit par être
jeté. Cette casse représente déjà un coût énorme, avant même de tenir compte des frais
d’acheminement de cette marchandise, de ses coûts de manipulation et de mise en rayon,
puis du tri et des dépenses liées à son élimination.
La fraîcheur et la casse
sont les leviers de
croissance les moins
exploités du commerce
alimentaire
Mais cet impact est encore limité au regard de la perte des clients préoccupés par la
fraîcheur. Des études menées par Oliver Wyman montrent que quatre clients sur cinq
remarquent des produits altérés dans les rayons de produits frais, et trois sur cinq ont
récemment eu la mauvaise surprise de déballer chez eux des denrées qui n’étaient pas
fraîches (poisson peu attractif, fruits qui ne survivent pas au trajet jusqu’à la maison, fleurs
fanées le soir même, légumes pourris dans le bac du réfrigérateur dès le lendemain...). Parmi
ces clients déçus ou désagréablement surpris, deux sur trois ont modifié leur façon de faire
leurs courses : beaucoup ont arrêté d’acheter leurs produits frais dans ce magasin, et une
partie ont carrément choisi d’aller ailleurs pour l’ensemble de leurs achats, le plus souvent
sans se plaindre.
Fraîcheur insuffisante et casse élevée sont les deux versants d’un même problème. Leurs
causes sont communes, il fait donc sens de s’y attaquer de manière conjointe. Pourtant, peu
d’initiatives sont structurées de cette façon. Pour se rassurer, les managers améliorent le
stockage à température dirigée ou mènent d’autres actions influant à la marge sur le niveau
de fraîcheur. Mais pour beaucoup d’entre eux, la casse est une conséquence inévitable de
l’abondance qu’il faut offrir aux clients. Et dans les faits, les enseignes tolèrent la casse tout
en « bricolant » sur la fraîcheur. Elles ne gèrent activement ni l’une ni l’autre, sans même
parler d’une gestion conjointe des deux phénomènes. C’est à la fois le problème de tout
le monde et de personne, aucun responsable identifié ne devant rendre des comptes sur
l’ensemble. Et s’il existe des ratios mesurant le taux de casse, il n’en existe le plus souvent
aucun pour mesurer précisément le niveau de fraîcheur.
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A coup sûr, la fraîcheur et la casse représentent à elles deux le levier de croissance le
moins exploité du commerce alimentaire. Pour un distributeur réalisant 5 milliards
d’euros de chiffre d’affaires, ce levier peut générer chaque année 30 millions d’euros de
réduction de coût et de bénéfice purement additionnel, et davantage encore de chiffre
d’affaires supplémentaire.
Peu de dirigeants réalisent que bien des produits parmi les plus sensibles pourraient, avec
des investissements limités, voir leur niveau de fraîcheur amélioré de trois jours et leur taux
de casse réduit. Avec une approche adaptée, ce qui favorise la fraîcheur diminue la casse.
Ceci intégré, les priorités peuvent commencer à changer.
Les enquêtes et travaux d’Oliver Wyman montrent que quelques enseignes parviennent à
être reconnues pour la fraîcheur de leurs produits alimentaires. Quelques autres arrivent
à maintenir leur taux de casse à un niveau relativement bas. La poignée d’entreprises qui
s’attaque conjointement à ces deux problèmes commence à gagner en croissance et en part
de marché. En travaillant ainsi, elles prennent une avance décisive sur leurs concurrentes et
ont peu de chance d’être rejointes à court terme.
Dans la suite de ce document, nous détaillons les données du problème et proposons ensuite
une solution « combinée » qui s’appuie sur les avancées les plus récentes en matière de
fraîcheur. Nous montrons comment les enseignes leaders planifient et mettent en oeuvre ces
améliorations de la fraîcheur et réductions de la casse, et ceci sans investissement majeur.
LA FRAÎCHEUR COMME FACTEUR
DE CHANGEMENT
La satisfaction des clients d’un magasin alimentaire provient de la combinaison de nombreux
éléments : la diversité et la qualité des produits vendus, l’expérience d’achat vécue dans ce
magasin, le niveau de service reçu. La pondération relative de ces différents éléments varie
d’un rayon à l’autre. Pour les produits alimentaires traditionnels, la fraîcheur est le premier
facteur de satisfaction des consommateurs et son poids se renforce à mesure que ces
derniers privilégient une alimentation de plus en plus saine.
Nos enquêtes (voir l’illustration n°1) montrent que la fraîcheur est le premier facteur de
satisfaction des clients au rayon fruits et légumes. Elles montrent aussi qu’améliorer cette
fraîcheur fait croître les ventes et la part de marché du magasin. Elle augmente le trafic du
magasin, les volumes de vente de produits frais, mais aussi les ventes dans les autres rayons.
Comparés à ceux qui ne le sont pas, les clients satisfaits du niveau de fraîcheur dépensent
en moyenne 33% de plus au rayon fruits et légumes de leur magasin principal. De plus, ils
accordent à ce magasin une part de leur budget alimentaire global supérieure de 8%. En
effet, les clients qui réitèrent leurs visites pour retrouver ces nectarines charnues ou cette
spécialité du rayon traiteur qui leur ont donné satisfaction remplissent leur chariot avec
d’autres produits frais et des articles additionnels issus d’autres rayons.
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Illustration 1 : Le poids de la fraîcheur
PERSONNES INTERROGÉES CITANT CETTE CARACTÉRISTIQUE COMME L’UN DES TROIS CRITÈRES
DE SATISFACTION LES PLUS IMPORTANTS POUR LE RAYON FRUITS ET LÉGUMES
POURCENTAGE DE RÉPONSES
90
60
Troisième en
importance
30
Second en
importance
Premier en
importance
0
Qualité/
Fraîcheur1
Prix
Choix
Promotions Propreté
Mobilier
Confort Personnel
d’achat
1 Les répondants ont été interrogés sur la qualité mais ont indiqué très majoritairement qu’ils considéraient qualité et fraîcheur comme
des valeurs interchangeables
Source Enquête en ligne menée par Oliver Wyman et Ipsos Interactive
Les responsables de l’univers alimentaire aiment à se considérer comme des maîtres de la
fraîcheur. Les enquêtes indiquent que la quasi-totalité des distributeurs mettent l’accent
sur des denrées périssables comme la viande, les fruits et légumes, les plats préparés, la
charcuterie-traiteur ou la boulangerie-pâtisserie et près de 85% d’entre eux se concentrent
sur les produits bio et naturels.
Pourtant, la question persiste à être insuffisamment prise en compte et traitée. Et les
distributeurs ne parviennent toujours pas à répondre aux attentes de leurs clients. En fait,
ils aggravent encore leur cas en laissant leurs équipes marketing revendiquer de manière
agressive une fraîcheur inégalée et claironner les efforts accomplis pour garder un temps
d’avance sur la demande de leurs clients. Malgré ces belles promesses, les consommateurs
manifestent toujours leur déception. A quelques exceptions près, ils se montrent
relativement tièdes sur la qualité de ce qu’on leur propose au rayon fruits et légumes.
Notre enquête révèle la gravité du problème. Plus de 80% des consommateurs ont déjà
remarqué des fruits et légumes endommagés ou périmés proposés à la vente dans leur
magasin et 58% d’entre eux ont déjà trouvé les produits achetés insatisfaisants lorsqu’ils
ont entrepris de les consommer chez eux. Ceci a incité les deux-tiers des consommateurs
concernés à modifier leur comportement d’achat, beaucoup d’entre eux décidant d’acheter
moins de fruits et légumes dans ce magasin et quelques-uns préférant transférer la totalité
de leurs achats alimentaires ailleurs. Pour autant, la plupart des responsables de magasins
n’ont pas connaissance de ces changements de comportement : seulement 17% des
acheteurs confrontés à des problèmes de fraîcheur s’en plaignent à leur magasin.
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LE LIEN AVEC LA CASSE
La casse ou démarque sur les produits périssables constitue un symptôme très visible. La
majorité de cette casse est causée par l’arrivée en fin de vie des produits présentés dans les
rayons. Un taux de casse élevé traduit le fait que de nombreux produits présents en rayon
sont proches du moment où ils vont devoir être jetés.
La démarque est clairement identifiée dans les états de gestion des distributeurs. De
grandes enseignes alimentaires ont fait, ces dernières années, des déclarations publiques
sur des problèmes de cette nature ayant affecté leur résultat. La difficulté est que le terme
« démarque », tel que la plupart des distributeurs l’utilisent, est synonyme de démarque
inconnue, avec des remèdes axés sur la réduction des vols perpétrés par les clients,
les employés, les fournisseurs ou les sous-traitants. Or si la démarque inconnue est
incontestablement un gisement d’opportunités pour la distribution dans son ensemble, le
gisement de gain le plus important est ailleurs pour les magasins proposant des produits
alimentaires frais.
Des études sectorielles montrent que la démarque liée à la casse sur les produits périssables
est jusqu’à dix fois supérieure à la démarque sur les produits non périssables, cette dernière
étant majoritairement due au vol, aux articles endommagés et aux erreurs comptables. Alors
que les produits périssables représentent environ 30% des ventes totales d’un magasin, ils
peuvent représenter jusqu’à 80% de sa démarque totale.
Fraîcheur et casse sont liées. Premièrement, la casse sur les produits périssables n’a pas
baissé de façon significative ces dernières années, même si l’on a pu penser que la mise
en place d’indicateurs précis, de processus sophistiqués, d’une discipline rigoureuse et
de systèmes d’information de plus en plus avancés la rendraient plus facile à maîtriser.
Deuxièmement, les dirigeants de la distribution n’ont pas encore totalement réalisé que la
casse correspondait à des consommateurs insatisfaits qui rejettent les produits proposés à
la vente.
Plus les produits sont frais, moins ils seront laissés sur les étals pour devoir être retirés et
éliminés peu après. Tout ce qui améliore la fraîcheur entraîne donc une baisse automatique
de la casse; a contrario, une politique de réduction de la casse exécutée correctement est un
levier d’amélioration de la fraîcheur.
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S’ATTAQUER AU PROBLÈME
L’équation fraîcheur/casse est un problème qui dépasse largement les attributions du
chef de rayon. Bien sûr, les responsables des points de vente sont directement concernés,
puisque c’est au niveau des magasins que se matérialise la casse. Mais les causes sont
multiples et les responsabilités sont globales. Les achats, notamment, ont un impact fort via
la définition du cahier des charges.
Au coeur du problème, on trouve la gestion de stock. Mais cela n’en fait pas pour autant
l’affaire du responsable « supply chain ». De nombreuses personnes, en magasin et tout
au long de la chaîne d’approvisionnement, influent sur les décisions de commande, de
présentation et de stockage des denrées périssables. Ceux qui prennent les décisions
d’approvisionnement, par exemple, ont un impact majeur lié aux quantités commandées
auprès des fournisseurs et au planning de livraison négocié avec eux. D’autres services
exercent leur influence via les planogrammes, les normes d’agencement et les programmes
promotionnels. Ce sont les grands processus de la distribution qui sont concernés par
l’amélioration des rayons frais.
Pour mettre en oeuvre le changement, les dirigeants doivent adopter une approche qui
combine ces différentes perspectives, quitte à adapter leur stratégie d’entreprise et leur
modèle opérationnel pour aboutir à de nouvelles procédures et de nouvelles structures
organisationnelles. La bonne approche n’est pas un simple palliatif de court terme. Pour
autant, elle ne requiert pas non plus des années pour produire ses résultats
Un diagnostic transverse
rapide pour faire émerger
les points à problèmes
Une façon efficace d’initier le processus est de se livrer à un court exercice qui ne nécessite
ni mise de fonds importante, ni ponction sur les ressources : un diagnostic pour commencer
à dénouer les complexités, réunir des données et arriver à un début d’explication sur ce qui
contrarie la fraîcheur et accroît la casse.
En quelques semaines, les managers qui en ont la charge peuvent découvrir où se produit
réellement la casse et quelles en sont les causes, puis concevoir un planning et une série
d’initiatives avec une cible de gains. Ce diagnostic mettra rapidement en lumière des
problèmes qui sont communs à l’ensemble des distributeurs. Il montrera également la
nécessité d’une approche personnalisée pour la mise en oeuvre, parce que les procédures
et les structures organisationnelles sont très différentes d’une enseigne à une autre. Voici les
différentes étapes pour réussir.
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1. BÂTIR UNE BASE DE DONNÉES FAC TUELLE « MASSIVE »
Les émotions et les opinions sont souvent les moyens de défense de positions établies. Elles
contribuent à maintenir un statu quo qui se manifeste par le manque de mesure rationnelle
du niveau de fraîcheur et la rareté des données de gestion détaillées sur la casse.
Pour dépasser les expressions d’émotions et de reproches qui peuvent survenir dans le
cadre d’un changement et d’une évolution, il est crucial de consacrer quelques semaines
à la construction d’une solide base de données factuelle. Dans nombre d’enseignes et de
points de vente, le niveau de base de l’information – le niveau de stock par référence produit,
magasin et journée – n’est pas disponible bien que ce soit une donnée fondamentale.
Mais les enseignes détiennent souvent bien plus d’informations qu’elles ne le croient. En
rassemblant et « digérant » les données issues de différentes sources – les plateformes
logistiques, les systèmes d’encaissement en magasin, l’approvisionnement, etc. – il est
possible de dresser rapidement un état des lieux quantifié complet qu’aucun dirigeant n’a
sans doute jamais eu en main.
Il est également vital de s’appuyer sur les bonnes informations. Un diagnostic récent mené
par Oliver Wyman avec une chaîne de supermarchés illustre ce point. L’enseigne, riche
de plus de 500 points de vente, suivait la démarque magasin par magasin en comparant
le taux de casse de chacun à la moyenne de sa région. Les objectifs qui en découlaient ne
semblaient crédibles ni aux responsables de magasin, ni à leurs équipes. Dans certains
points de vente, les chiffres semblaient inatteignables alors que, dans d’autres, l’objectif
paraissait trop facile à atteindre. Résultat : ils furent largement ignorés.
Une rapide évaluation révéla que l’entreprise n’utilisait pas le bon référentiel pour comparer
les performances des magasins entre elles. En examinant les magasins de plus près,
Oliver Wyman confirma l’existence de fortes variations de fraîcheur et de démarque entre
magasins, y compris au sein d’une même région. Certains points de vente travaillaient en
effet dans un environnement et sur un marché où maîtriser la casse était particulièrement
difficile. Une analyse rigoureuse révéla que la variation du taux de casse provenait, pour plus
de la moitié, de facteurs structurels échappant au contrôle des magasins. En regroupant les
points de vente non plus par région, mais par similarité de situation, l’enseigne a pu définir
des groupes de magasins au sein desquels les comparaisons sont désormais pertinentes. A
présent, les responsables de magasin ont des objectifs de réduction justes et atteignables,
ce qui les motive à travailler activement avec leurs équipes pour réduire leur taux de casse.
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ETUDE DE CAS
POURQUOI L’ÉQUATION « FRAÎCHEUR/
CASSE » PARAÎT INSOLUBLE
Les problèmes liés à la fraîcheur et à la démarque deviennent de plus en plus aigus. Et ce, pour de
multiples raisons. En voici quatre parmi les plus déterminantes :
Divergence de vues : bien des distributeurs considèrent qu’il s’agit uniquement d’un problème
de « supply chain ». Ils persistent à penser et agir en termes d’investissements en dépensant
continuellement sur les plateformes produits frais et la mise en place de logiciels dédiés à la
chaîne de température contrôlée et du froid, sans considérer l’impact du merchandising et des
opérations en magasin. Les objectifs peuvent également différer entre dirigeants : le directeur
général peut avoir fait de la fraîcheur un impératif stratégique, son directeur financier peut
s’inquiéter du coût de la démarque, mais sur un horizon plus tactique.
Données insuffisantes ou incomplètes : ce qui n’est pas mesuré est plus difficile à améliorer.
C’est particulièrement vrai dans l’alimentaire, où il existe peu ou pas de données sur la fraîcheur
excepté celles, générales, sur la durée de transport ou le temps de séjour d’un produit frais en
entrepôt. En outre, les mesures de la démarque sont, dans le meilleur des cas, globales. Elles
englobent souvent les vols perpétrés par des clients (démarque externe) ou des employés
(démarque interne). A ce jour, il existe peu de données sectorielles auxquelles les dirigeants
peuvent se référer pour évaluer les performances de leur entreprise.
Légèreté : l’idée selon laquelle il restera toujours de la démarque est communément admise
chez les managers opérationnels, ce qui peut les inciter à juger leurs performances « pas si
mauvaises » et freiner les tentatives d’amélioration. Chez certains, une idée plus pernicieuse
peut exister : réduire la démarque serait dangereux. Obnubilés par le principe de l’accroissement
des ventes via l’exposition d’une marchandise abondante – la doctrine de l’effet de masse – ces
responsables s’inquiètent de voir leur chiffre d’affaires pénalisé par un effort excessif de
réduction de la casse. Leur hantise est de voir des rayons vides. Pourtant, dans les faits, c’est
souvent le contraire qui se produit : l’effet de masse plombe le chiffre d’affaires lorsque les
produits présentés sont endommagés ou manquent de fraîcheur, et sont donc invendables.
Complexité : de nombreux phénomènes contribuent à la démarque et de nombreux leviers
peuvent être actionnés pour la corriger. C’est tout autant un problème de merchandising, de
logistique, d’approvisionnement et de gestion quotidienne en magasin. De la même manière, il
n’existe pas de compréhension intégrée des causes d’un niveau de fraîcheur défaillant et d’une
démarque élevée. Chez tout distributeur, de multiples fonctions influent sur la fraîcheur et la
démarque, et personne n’a le monopole sur ces questions.
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2. SE PRÉPARER À CHOQUER
Ce que révèle une base de données factuelle peut choquer les dirigeants et managers qui
en prennent connaissance. Chez un distributeur, le patron fut stupéfait d’apprendre qu’une
telle quantité de produits alimentaires frais se retrouvait dans les bennes à ordures. Il est
fréquent, pour des dirigeants dont les campagnes marketing sont axées sur la fraîcheur,
d’être alarmés par la mise en exergue de vérités dérangeantes, par exemple : le fait que
des produits extrêmement fragiles comme les champignons patientent jusqu’à trois jours
en rayon à cause de présentoirs surdimensionnés, ou qu’une variété de tomates à faible
rotation a un taux de démarque... supérieur à ses ventes ! A tout le moins, les dirigeants (ré)
apprennent que, en ce qui concerne les denrées périssables, une bonne moyenne ne suffit
pas. C’est l’apparence et la qualité réelle des 20% de produits les moins satisfaisants dans le
rayon qui importe. Les pommes à longue durée de vie peuvent améliorer une moyenne ; les
pêches ou les fraises sont, elles, une autre histoire.
3. CRÉER RAPIDEMENT UN CONSENSUS
Une fois les données sur la table, le numéro un de l’enseigne peut travailler sur les priorités
avec son équipe dirigeante. Les conclusions du diagnostic incitent généralement chacun
des participants à reconnaître qu’un problème existe et qu’améliorer la situation dépend en
partie de lui. Des discussions franches et décisions sur le rôle de chacun, les ressources et les
plannings de mise en oeuvre sont alors possibles.
4. CONSTRUIRE LE CALENDRIER ET ORGANISER
LE CHANGEMENT
Chaque distributeur doit bâtir son propre plan d’action, différent de celui de son voisin.
Dans quelle mesure le service approvisionnement d’une enseigne utilise-t-il les données
d’encaissement pour effectuer la meilleure prévision de vente possible et en déduire son
niveau de commande ? Cet autre distributeur doit-il, au nom de la fraîcheur, limiter le choix
et la quantité de marchandise mise en vente, au risque de subir des ruptures et de ternir sa
réputation d’offrir un large choix et une forte disponibilité ? Les réponses sont propres à
chaque enseigne. A ce stade, il importe d’envisager autant de voies potentielles de progrès
que possible pour se focaliser ensuite rapidement sur un nombre limité d’initiatives de
changement. Des analyses plus poussées, éventuellement accompagnées d’une rapide
phase d’enquête sur le terrain, peuvent alors aider à déterminer les initiatives indispensables
et les ressources nécessaires à leur mise en oeuvre.
Dans l’exemple cité plus haut, l’enseigne de supermarchés concernée a lancé six initiatives
pour réduire la démarque. Elles ont permis d’engranger 10 millions d’euros de “victoires
rapides” dès la première année et sont en train de produire, au bout d’un cycle de trois ans,
plus de 100 millions d’euros de gains annuels, avec une augmentation de la fraîcheur et du
niveau de satisfaction des clients.
10
Aucune initiative, toutefois, ne se suffit à elle-même. C’est la combinaison d’actions
modifiant des pratiques et procédures de base de l’entreprise qui produit les gains.
L’amélioration est forte et progressive comme le montre l’illustration n°2.
Illustration 2 : Les progrès décisifs d’une enseigne de supermarchés sur la démarque
POURCENTAGE DU CHIFFRE D’AFFAIRES NET
2.5
80
0.0
60
-2.5
40
1
2
3
4
5
6 7 8 9 10 11 12 13 1
ANNÉE 1
2
3
4 5 6 7
ANNÉE 2
8
Rotation des
stocks de
produits
frais, par an
Amélioration
du taux de
casse par
rapport à
l’année
précédente
9
5. NOMMER UN « DIRECTEUR DE LA FRAÎCHEUR »
Une fois le plan d’action en place et les objectifs de fraîcheur et démarque incorporés à la
stratégie de l’entreprise, il est temps de nommer une personne expérimentée et respectée
pour diriger le projet, l’incarner et le mener à bien avec détermination. A ce stade, la
fraîcheur et la démarque changent de statut : elles cessent de n’être « le problème de
personne », deviennent celui d’un leader identifié et une composante à part entière de la
culture d’entreprise.
Le rôle de « directeur fraîcheur » (une fonction plutôt qu’un titre) est une fonction semipermanente et transversale avec un penchant marqué pour l’opérationnel. Rapportant
directement – mais en pointillés – au numéro un de l’enseigne, ce décideur d’un genre
nouveau doit avoir la séniorité et l’autorité suffisantes pour pouvoir mettre en oeuvre le
changement. Il ou elle est personnellement responsable d’un objectif de plusieurs dizaines
de millions d’euros de réduction de la démarque et d’accroissement des ventes, avec une
fraîcheur accrue.
Il aura besoin d’une équipe avec des personnes confirmées ayant des compétences en
merchandising, achats et gestion des magasins, focalisées sur leur objectif et résolues à
réduire la démarque et améliorer la fraîcheur.
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6. CHOISIR LES BONS INDICATEURS ET OUTILS
Même les mieux intentionnés des distributeurs ont pu renoncer à s’attaquer à la fraîcheur ou
à la démarque faute d’outils appropriés. Ce n’est qu’une fois les objectifs fixés, les indicateurs
trouvés et les ressources allouées que les choses sérieuses peuvent commencer.
Pour que le changement survienne à large échelle et perdure, de bons indicateurs sont
indispensables. Un exercice de diagnostic approfondi est un bon point de départ : en peu
de temps, il produit davantage de données brutes sur la démarque que les managers de
l’enseigne n’en ont jamais eues. Il permet également la création d’indicateurs de fraîcheur
reposant sur le nombre de jours de marchandise en magasin, indicateurs qui deviendront
rapidement presque aussi stratégiques que le chiffre d’affaires ou la marge. Le diagnostic
montre également pourquoi il importe tant de « démoyenner » les données, c’est-à-dire
de prêter attention non seulement aux chiffres moyens ou médians, mais aussi aux 20%
de produits les moins satisfaisants, des articles altérés ou en fin de vie que les clients
remarquent en priorité.
Tout aussi important, les indicateurs servent également pour le calcul de la partie variable
de la rémunération d’un certain nombre de personnes clés. Chaque directeur de magasin,
par exemple, se voit attribuer un objectif de démarque et n’est pas simplement évalué sur
ses ventes et sa marge : s’il atteint son objectif, sa prime annuelle en est directement et
positivement impactée.
Une équipe de managers
confirmés utilisant des
données « démoyennées »
pour créer de nouveaux
incitants de la performance
Pour mettre au point les indicateurs qui serviront au mieux les nouveaux objectifs, l’équipe
fraîcheur et démarque va intégrer des contributions en provenance de l’ensemble de
l’entreprise. Par exemple, les services financiers pourront aider à définir la structure de
reporting et à établir la chaîne des responsabilités ; la direction des systèmes d’information
aidera en fournissant des outils logiciels permettant de collecter et analyser les données
liées à la fraîcheur et à la démarque, automatiser certains processus et bâtir les tableaux de
bords destinés au management ; les ressources humaines aideront à mettre en place les
incitants financiers adaptés et les ateliers et programmes de formation.
Quelques mois après le démarrage du programme, ses effets commenceront à se faire
ressentir : l’aiguille se met à bouger côté finances, la fraîcheur et la démarque entrent dans
les conversations entre chefs de service, la satisfaction tirée des premiers résultats est
palpable. Les clients qui franchissent la porte des magasins commencent à remarquer la
fraîcheur accrue de l’offre et les enquêtes se font l’écho de leurs observations. Assez vite, le
nouveau responsable fraîcheur sera en mesure de présenter à son président une liste des
victoires rapides obtenues et de montrer l’évolution qui s’annonce.
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ETUDE DE CAS
LA NOUVELLE VIE D’UN CHEF DE RAYON
FRUITS ET LÉGUMES
Une façon d’illustrer la nouvelle approche est de la voir à travers les yeux d’un chef de rayon. Le
nom retenu ici est factice mais les modifications décrites dans le travail de ce chef de rayon ne le
sont pas.
Ces six derniers mois, des ajustements de grande ampleur se sont produits dans le quotidien
de Denis. Chef de rayon fruits et légumes dans un magasin, il doit participer ce mardi aprèsmidi à un nouvel atelier sur la fraîcheur. Vendredi à 10h30, il a reçu la synthèse, désormais
hebdomadaire, des indicateurs de fraîcheur de son département. Il a rafraîchi ses connaissances
pour bien utiliser les données nouvellement disponibles pour l’aider dans son activité.
Riche d’une expérience de 22 ans, Denis a toujours été fier de son rayon fruits et légumes. Les
pyramides de fruits multicolores insérées dans des présentoirs en bois patiné et des paniers
rustiques vantant ses produits frais de la ferme aux clients lui apportaient des compliments de
ses directeurs régionaux. Son souci majeur était de proposer, en permanence, de la marchandise
en abondance. Et il s’est toujours démené pour que chacun au sein de son équipe envisage son
travail de la même façon.
Mais les chiffres que le directeur du magasin a passés en revue avec Denis ont fait l’effet d’un
choc. Il connaissait la quantité de marchandise périmée jetée quotidiennement et était bien
placé pour constater que les clients devenaient plus difficiles. Mais il était loin de se douter que
la casse pesait aussi lourdement sur le résultat global du magasin, ou que la fraîcheur avait des
conséquences aussi importantes sur sa part de marché.
Il ne fut donc pas surpris lorsque, avec ses collègues d’autres magasins, il assista à son premier
atelier sur la fraîcheur. Son homologue d’un autre magasin avait beau se montrer très critique à
l’égard des « lubies et pressions de la direction », il semblait clair à Denis que cette initiative-là
n’avait rien d’une toquade. Après tout, c’est la première fois qu’on lui montrait, chiffres à l’appui,
l’impact de la casse sur la fraîcheur... et vice versa.
Denis prit les nouveaux objectifs de fraîcheur comme une sorte de défi personnel. Il absorba les
éléments de la formation sur les nouveaux usages du planogramme et les bonnes pratiques de
mise en rayon, partagea l’essentiel de ce qu’il avait appris avec son équipe, puis le mit en pratique
et vit le taux de casse commencer à baisser en quelques semaines. Il constata également qu’il
n’était pas le seul à travailler sur la question : la meilleure qualité des marchandises provenant de
l’entrepôt reflétait clairement les efforts concertés des équipes d’achat.
Le rapport de gestion de ce vendredi ne produisit aucune réaction d’effroi chez le chef de
rayon. En fait, c’est la quatrième fois cette semaine que Denis et son directeur partagent au
sujet du programme d’amélioration de la fraîcheur et de réduction de la casse. Et depuis qu’il
ajuste ses commandes et son réassort quotidiens avec des données issues du nouveau système
automatisé de prévision, il dispose de chiffres sérieux sur lesquels il s’appuie pour défendre ses
choix. A trois mois de la fin de l’année, Denis sait qu’il est bien parti pour être reconnu, y compris
financièrement, pour sa performance et ses efforts.
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DE NOUVELLES PRIORITÉS
DÈS LA SEMAINE PROCHAINE
Aujourd’hui, la réalité de la distribution alimentaire est : les produits frais peuvent être
nettement plus frais... et qu’un taux de démarque jugé « plutôt bon » ne l’est pas assez.
Les enseignes, leurs dirigeants et leurs équipes ont un moyen redoutablement efficace de
se différencier et d’accroître leur profitabilité : améliorer de façon significative la fraîcheur
de leurs rayons frais et réduire la démarque en conséquence. En adoptant une approche
cohérente sur ces deux fronts, les enseignes peuvent non seulement réduire fortement la
proportion de produits frais jetés quotidiennement, mais elles peuvent aussi améliorer de
beaucoup la réputation de fraîcheur de leurs magasins et inciter les clients à en reprendre le
chemin semaine après semaine.
Face à leurs mandants adhérents ou actionnaires, certains dirigeants ont des réponses
toutes prêtes à tout type de question. Les quelques enseignes qui s’attaquent au double défi
d’une fraîcheur améliorée et d’une démarque maîtrisée en retirent rapidement les bénéfices,
réduction des coûts, accroissement du trafic client, des paniers et de la fidélité, croissance
du chiffre d’affaires, des résultats et de la capacité à investir dans les magasins et à innover.
Mais nombre de distributeurs restent indifférents ou impuissants face à ces questions.
La gestion des denrées périssables et produits frais doit devenir une priorité stratégique
pour chaque dirigeant du secteur. Elle importe tout autant pour le succès à long terme de
l’entreprise que la refonte de son identité visuelle ou le développement du réseau.
Actionnaires ou adhérents n’en sont peut-être pas encore à réclamer des statistiques sur la
fraîcheur mais, à mesure que les initiatives des meilleurs suscitent l’attention, ces questions
viendront inévitablement sur le devant de la scène.
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A PROPOS D’OLIVER WYMAN
Oliver Wyman est un des tout premiers cabinets mondiaux de conseil de direction générale avec plus de 3 000
collaborateurs dans plus de 50 villes réparties dans 25 pays sur les principaux continents, dont 300 à Paris. Il fait partie
de Oliver Wyman Group, ensemble qui regroupe la totalité des activités de conseil du groupe Marsh & McLennan
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