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FORMES ET NORMES Avantages et inconvénients des diverses formes juridiques de l’entreprise FORMES ET NORMES Avantages et inconvénients des diverses formes juridiques de l’entreprise par Wolfgang Salzmann, Avocat et notaire, Soleure Edition entièrement remaniée en 2010 Edition et copyright (© 2010): BDO SA 5 SOMMAIRE INTRODUCTION.........................................................5 BREF APERÇU DES DIVERSES FORMES JURIDIQUES................................................6 Entreprise individuelle...................................................7 Société simple................................................................7 Société en nom collectif...............................................8 Société en commandite ...............................................8 Société anonyme...........................................................8 Société à responsabilité limitée .................................9 Société coopérative.....................................................10 Association ...................................................................10 Fondation......................................................................10 LES PRINCIPALES FORMES JURIDIQUES ET LEURS PARTICULARITÉS....................................12 Fondation et organisation ..........................................13 Entreprise individuelle..............................................13 Sociétés de personnes – Contrat de société.........13 Société anonyme......................................................15 Société à responsabilité limitée .............................18 Inscription au registre du commerce ........................19 Entreprise individuelle..............................................19 Sociétés de personnes .............................................19 Société anonyme.....................................................20 Société à responsabilité limitée.............................20 Portée de l’inscription au registre du commerce..20 Choix et protection du nom de l’entreprise (raison sociale).............................................................20 Libéralisme du droit des raisons sociales..............20 Choix de la raison sociale........................................21 Protection de la raison sociale................................21 Octroi du pouvoir de représentation (signature)....22 Obligation de tenir une comptabilité et prescriptions relatives au bilan ..................................22 Entreprise individuelle, société en nom collectif et société en commandite......................................22 Société anonyme et société à responsabilité limitée........................................................................23 Poursuite par voie de faillite.......................................23 Gestion des risques et système de contrôle interne (SCI).................................................................24 Gestion des risques..................................................24 Système de contrôle interne (SCI) ........................25 Organe de révision......................................................25 Contrôle ordinaire....................................................25 Contrôle restreint.....................................................26 Renonciation au contrôle .......................................26 Optings-up et -out ..................................................26 Sécurité et responsabilité...........................................26 Responsabilité dans l’entreprise individuelle et les sociétés de personnes ...................................27 Responsabilité dans la société anonyme et la société à responsabilité limitée ....................27 Responsabilité dans la société à responsabilité limitée en cas d’obligation de versements supplémentaires ......................................................30 Responsabilité en cas de remise de l’entreprise individuelle ...............................................................30 Aspects fiscaux ............................................................30 Impôts ordinaires: sur le revenu, sur le bénéfice, sur la fortune et sur le capital ................................30 Impôts sur les bénéfices de liquidation.................31 Droits de mutation..................................................33 GARANTIE DE CONTINUATION DE L’ENTREPRISE EN CAS DE SUCCESSION...........34 Eléments essentiels des régimes matrimoniaux et du droit successoral................................................35 Pacte successoral ........................................................35 Testament ....................................................................36 Succession dans une société de personnes..............37 Succession dans une société anonyme ou société à responsabilité limitée ..............................................38 Fondation d’entreprise................................................39 LA LOI SUR LA FUSION ..........................................40 Procédure simplifiée pour les PME moyennant l’approbation de tous les associés.............................41 Au sujet de la fusion....................................................41 Au sujet de la scission.................................................42 Au sujet de la transformation ...................................42 Au sujet du transfert de patrimoine.........................43 Répercussions fiscales.................................................43 NOTES.........................................................................44 7 INTRODUCTION En Suisse, chacun peut accéder à l’indépendance économique, ouvrir un commerce, une entreprise. Une série de formes juridiques adaptées aux besoins économiques les plus divers s’offrent à son choix. La loi ne lui impose aucune d’entre elles. Le maraîcher peut exploiter son magasin sous la forme d’une société anonyme, tout comme un industriel qui occupe un millier d’ouvriers peut faire de son usine une entreprise individuelle. Afin de tirer chacun de l’embarras du choix et de lui éviter un faux pas, il convient de donner d’abord un bref aperçu de tous les types d’entreprises possibles. Dans la partie principale seront ensuite définies clairement les principales formes juridiques, ainsi que leurs caractéristiques principales. Après avoir lu cette brochure, chacun doit pouvoir juger, sans être juriste, si c’est la société anonyme ou l’entreprise individuelle qui convient à son entreprise, à quelles surprises il doit s’attendre au sein d’un consortium, ce qui va se passer dans la société en nom collectif qu’il a fondée si son associé meurt subitement, lorsque ses héritiers feront valoir leurs droits, quels sont les risques personnels liés à la forme juridique choisie, enfin, quelles seront les prétentions du fisc et comment il faut régler la succession. D’importantes nouveautés ont été introduites par le nouveau droit de la société à responsabilité limitée ainsi que par les modifications du droit de la société anonyme et de la révision, en vigueur depuis le 01.01.2008. Un chapitre spécial est consacré à la loi sur la fusion, entrée en vigueur le 01.07.2004 déjà et qui présente des nouveautés importantes lors de la restructuration d’entreprises. L’abondance et la complexité de la matière obligent à simplifier. La brochure ne saurait donc remplacer les conseils d’un spécialiste expérimenté. Elle se borne à donner quelques connaissances fondamentales sur les diverses formes d’entreprises avec lesquelles tout commerçant se trouve aujourd’hui plus ou moins en contact. 8 Plusieurs alternatives. BREF APERÇU DES DIVERSES FORMES JURIDIQUES Les diverses formes juridiques que peut revêtir une entreprise sont les suivantes (nombre des entreprises inscrites au registre du commerce à fin 2009 selon l’Office fédéral du registre du commerce): I Entreprise individuelle (155’565) I Société simple (ne peut être inscrite au registre du commerce) I Société en nom collectif (13’391) I Société en commandite (2’369) I Société anonyme (186’985) I Société à responsabilité limitée (118’134) I Société coopérative (10’691) I Association (6’600) I Fondation (18’117) Quelques-unes de ces formes juridiques ne se prêtent qu’à des fins spécifiques, tandis que d’autres conviennent particulièrement à tel ou tel genre d’intérêts. L’exposé qui suit donne un bref aperçu de toutes les formes d’entreprises possibles, en indiquant leurs caractéristiques principales. 9 Entreprise individuelle L’entreprise individuelle est celle qu’exploite un seul titulaire. Exemples: Boulangerie Benoît, Boutique Elégante, Christine Aubert. Lorsque son chiffre d’affaires atteint CHF 100 000.-, l’entreprise individuelle doit généralement être inscrite au registre du commerce. Grâce à cette inscription, le nom (la raison de commerce) de l’entreprise jouit d’une certaine protection, et le titulaire n’est pas soumis à la poursuite par voie de saisie, mais à la poursuite par voie de faillite, régime qui est notoirement favorable à son crédit. Quiconque est inscrit au registre du commerce doit tenir une comptabilité. L’entreprise individuelle et son titulaire ne faisant qu’un, la fortune privée répond également des dettes commerciales. Fortune et revenu privés et commerciaux sont également imposés en bloc. Société simple La société simple est celle que forment deux ou plusieurs personnes qui s’unissent en vue d’un but commun, tant qu’elles n’ont pas choisi une autre forme juridique (p. ex. société en nom collectif, association). Dans le secteur de la construction, la société simple est souvent appelée consortium. La société simple est l’union commerciale la plus souple. Elle n’est liée à aucune forme. Bien des partenaires forment une société simple sans du tout s’en rendre compte. Toutefois, comme les membres d’une société simple encourent une responsabilité personnelle et solidaire, une telle insouciance peut leur ménager des surprises désagréables. Il y a société simple lorsque, par exemple, deux ou plusieurs personnes s’unissent, sans s’inscrire au registre du commerce, dans l’un des buts suivants: • achat de terrain pour construire ou pour la revente; • exploitation commune d’un cabinet ou d’une étude (médecins, avocats); • organisation d’actions communes (communauté en vue d’encourager la vente par exemple); • tenue d’un bureau d’ingénieur; • fondation d’une société anonyme (jusqu’à la constitution); • formation d’une communauté d’entreprise (p. ex. pour la construction du tunnel routier du Gothard). Afin d’éviter des complications ultérieures, il est recommandé de consigner dans un contrat écrit les principales dispositions régissant les rapports des associés, en particulier celles qui dérogent aux dispositions de la loi. Elles peuvent porter par exemple sur la répartition des bénéfices et des pertes, le droit de vote, la gestion, les compétences, la dissolution de la société, les cotisations. La société simple n’ayant souvent qu’un caractère provisoire et, partant, une durée limitée, ses membres négligent trop souvent d’élaborer un contrat écrit. Vis-à-vis des tiers, la société simple ne constitue pas une entité juridique. Elle n’est pas non plus une personne morale, soit une union de personnes revêtue de la personnalité juridique, et ne peut être inscrite au registre du commerce. Les actes juridiques dirigés contre une société simple (poursuite, procès, etc.) le sont par conséquent toujours contre les associés personnellement, qui sont aussi imposés directement, la société simple ne l’étant pas en tant que telle. Si le rapport de société ne doit pas apparaître à l’extérieur, une société tacite peut être formée. Les associés conviennent alors que seul l’un d’eux intervient dans les rapports avec les tiers (que ce soit le titulaire unique ou le seul répondant de l’entreprise individuelle), et que la participation des autres ne vaut que sur le plan interne. Dans ce cas, un seul associé répond vis-à-vis des tiers, tandis que l’associé tacite ne répond que dans le cadre de la société, c’est-à-dire envers son partenaire, conformément aux conventions passées entre eux. Il n’est pas toujours aisé de tracer les limites entre la société simple et d’autres types de contrats, par 10 exemple le contrat de prêt avec participation aux bénéfices (prêt partiaire). A côté d’autres indices, une éventuelle participation aux pertes, l’apport de fonds propres ou un droit de discussion peuvent révéler un rapport de société. Société en nom collectif La société en nom collectif est formée de deux ou plusieurs personnes physiques qui, sans limiter leur responsabilité, s’unissent, sous une raison sociale qui doit être inscrite au registre du commerce, en vue d’exploiter une industrie ou une entreprise commerciale. Il est souvent difficile de distinguer la société simple de la société en nom collectif. Si le rapport entre partenaires est conçu pour une certaine durée et si les associés exploitent une industrie sous une forme commerciale, l’inscription au registre du commerce en tant que société en nom collectif est généralement exigée. L’inscription lève tous les doutes quant à la forme de l’entreprise, puisqu’une société simple ne peut être inscrite au registre du commerce. Certes, la société en nom collectif, comme la société simple, n’est pas une personne morale, mais elle est, à certains égards, traitée comme telle. Ce fait apparemment singulier signifie qu’une société en nom collectif peut être sujet autonome de droits et d’obligations, et qu’elle possède les compétences et les fonctions inscrites au registre du commerce. Par contre, la société en nom collectif n’est pas imposée pour elle-même. Comme dans la société simple, chaque associé est imposé directement. Les associés répondent également, à titre personnel et solidaire, des engagements de la société, mais c’est d’abord la fortune de celle-ci qui doit être réalisée. Dans la société en nom collectif également, il est recommandé de définir les rapports sociaux dans un contrat écrit. Un tel contrat est d’autant plus nécessaire que la société est conçue pour une certaine durée et constitue fréquemment la base d’existence de l’un au moins des associés. C’est d’ailleurs pourquoi le contrat d’une société en nom collectif contient aussi des dispositions propres au contrat de travail. Société en commandite La société en commandite est la forme d’entreprise où un associé au moins répond de façon illimitée, les autres répondant jusqu’à concurrence d’un montant déterminé. L’unique différence entre la société en commandite et la société en nom collectif réside dans le fait que la responsabilité des commanditaires est limitée à une certaine somme (commandite) à inscrire au registre du commerce. Alors que l’associé indéfiniment responsable répond de toutes les dettes de la société, la responsabilité des commanditaires est clairement limitée. Ils peuvent perdre tout au plus le montant qu’ils ont apporté à titre de commandite, et doivent verser ce montant dans tous les cas, s’ils ne l’ont pas encore fait ou s’il leur a été remboursé. Lorsque le commanditaire n’a droit à aucune part au bénéfice et ne reçoit que l’intérêt de sa commandite, sa position au sein de la société équivaut pratiquement à celle d’un bailleur de fonds ordinaire. Dans la faillite de la société, il est même plus mal placé que ce dernier, dont la créance est colloquée tout au moins en 3e classe. En effet, le commanditaire, en sa qualité d’associé, n’entre en considération que lorsque tous les créanciers de la société ont été remboursés intégralement. Société anonyme La société anonyme (SA) réunit plusieurs personnes qui ont constitué un capital-actions déterminé à l’avance, et dont la participation dépend du nombre de leurs actions. Seul l’actif social répond des engagements de la société. La société anonyme peut ne comprendre qu’un seul actionnaire. Contrairement aux membres des sociétés de personnes mentionnées, ceux de la société anonyme (actionnaires) ne répondent pas personnellement des engagements sociaux. Au pire, ils perdent le montant des actions qu’ils ont souscrites. Un simple contrat écrit ne suffit pas pour constituer une société anonyme. Un acte authentique établi 11 par notaire, des statuts et l’inscription au registre du commerce sont nécessaires à cet effet. Le capital doit être de CHF 100 000.– au minimum, dont CHF 50 000.– doivent être versés, tandis que le solde doit l’être en cas de besoin. Au lieu d’espèces, des apports en nature peuvent également contribuer à former le capital social. On ne parle plus alors de fondation par apports en espèces, mais de fondation par apports en nature. Les organes suivants sont nécessaires à une SA: • l’assemblée générale (AG) des actionnaires, qui est le pouvoir suprême de la société; • le conseil d’administration (CA), chargé de la gestion ou, si des directeurs et des administrateurs assument celle-ci, de leur surveillance; • l’organe de révision (OR), qui vérifie chaque année les livres de la SA et fait rapport à l’assemblée générale (voir les exceptions sous le titre «organe de révision»). L’imposition distincte est aussi un aspect de la séparation conséquente qui existe entre actionnaire et société anonyme. La SA est imposée à titre indépendant, en tant que personne morale, même si un seul actionnaire détient toutes les actions. Dans la pratique, on distingue la société anonyme privée (comptant un nombre restreint d’actionnaires) de la grande société anonyme. Il sera toujours question dans cette brochure de la société anonyme privée, allant de la SA aux mains d’une seule personne à celle qui compte une vingtaine d’actionnaires et qui limite le transfert des actions en prévoyant généralement un droit de préemption (statutaire ou contractuel) des actionnaires. La grande SA, société de capitaux proprement dite, dont les actions sont généralement cotées en bourse ou peuvent tout au moins être librement transférées en tant que titres de rendement, n’est pas traitée dans ce contexte. Elle pose encore d’autres problèmes. Société à responsabilité limitée La société à responsabilité limitée (Sàrl) est en réalité une mini société anonyme. Le capital- actions est ici dénommé le capital social et les actions deviennent les parts sociales. La révision de la loi a complètement remanié le concept de la Sàrl et, à bien des égards, a rapproché plus encore cette dernière de la SA. Les associés ne répondent pas personnellement des dettes de la Sàrl mais seulement dans les limites du capital social versé par eux, qui doit globalement s’élever à au moins CHF 20’000.–. La Sàrl, comme la SA, doit avoir un organe de révision (voir les exceptions sous le titre « organe de révision »). L’organe suprême est l’assemblée des associés qui correspond à l’AG dans la SA. Il est vrai que la Sàrl ne connaît pas l’institution du conseil d’administration, cependant le ou les associés gérants remplissent largement ces fonctions. Comme la SA, depuis la révision du droit de la société anonyme de 1992, doit avoir un capital-actions de CHF 100 000.– minimum (dont CHF 50 000.– entièrement libérés), la Sàrl, précédemment négligée, a regagné de l’intérêt pour les petites entreprises et connaît un renouveau qu’attestent les nombreuses constitutions nouvelles. Il en va de même grâce aux améliorations introduites en 2008 par la révision de la loi, notamment l’abandon de l’exigence contraignante de la forme notariée pour les transferts de parts sociales Les différences avec la SA sont principalement représentées par des dispositions relatives à la personne des associés, telles que : • inscription obligatoire des associés au registre du commerce et obligation de publication dans la Feuille officielle suisse du commerce (FOSC) • dispositions plus strictes en matière de transfert de parts sociales • possibilité d’introduction d’une obligation de versements supplémentaires des associés • interdictions de concurrence • possibilité d’introduction d’un droit de veto d’un associé On peut prévoir que la Sàrl concurrencera aussi toujours plus les sociétés en nom collectif, du fait qu’elle exclut le risque de responsabilité personnelle 12 mais permet cependant, comme on l’a vu, de tenir compte de considérations personnelles. Société coopérative La société coopérative est celle qui unit sept personnes au moins dans le but de favoriser ou de garantir, par une action commune, des intérêts économiques déterminés de ses membres. Exemples: coopérative laitière; coopérative d’achat en gros. La société coopérative est une personne morale autonome qui naît de l’approbation de ses statuts par l’assemblée générale et de son inscription au registre du commerce. Un acte notarié n’est toutefois pas exigé, comme c’est le cas s’agissant de la constitution d’une SA ou d’une Sàrl. En général, une déclaration écrite suffit pour adhérer à la société. La sortie est réglée par les dispositions statutaires, qui prévoient ordinairement un délai de dénonciation et peuvent astreindre le membre sortant à verser une indemnité équitable. Seule la fortune sociale répond en principe des engagements de la société. Les statuts peuvent toutefois prévoir expressément que les associés sont tenus de faire des versements supplémentaires, cette obligation pouvant être illimitée ou restreinte à des sommes déterminées. Comme dans la SA, les organes de la société coopérative sont l’assemblée générale (éventuellement l’assemblée des délégués), l’administration et l’organe de révision (voir les exceptions sous le titre «organe de révision»). Le nombre minimum de sept membres exigé pour la fondation, de même que le «principe de la porte ouverte», qui interdit à la fois de restreindre le nombre des associés et de fixer un capital social déterminé d’avance, montrent que la société coopérative est une organisation d’entraide étendue. Ce n’est donc guère la forme qui convient à une petite entreprise commerciale. Association L’association est l’union de plusieurs personnes dans un but idéal et, en principe, non économique. Elle naît de l’établissement de statuts écrits qui contiennent des dispositions sur son but, ses moyens financiers et son organisation (direction, év. organe de révision). Elle peut aussi exercer une activité économique lorsque celle-ci est conciliable avec son but idéal. Tel est par exemple le cas lorsqu’une association de femmes exploite un restaurant. Elle doit alors se faire inscrire au registre du commerce. L’association est une personne morale autonome. Ses membres ne répondent donc pas de ses dettes, sauf clause contraire des statuts. Du fait qu’elle est nécessairement vouée à un but idéal, l’association ne se prête pas à l’exploitation d’une entreprise. D’après la pratique existante, des groupes d’intérêts qui visent un but économique sans toutefois exploiter d’industrie, peuvent toutefois se constituer en association. Fondation La fondation consiste dans l’affectation de biens à un but déterminé. Ces biens deviennent autonomes en tant que fondation. Cette dernière, par l’entremise de son organe responsable, le conseil de fondation, a l’exercice des droits civils comme toute autre personne morale. Une fondation peut être instituée par acte authentique ou par testament. A l’exception de la fondation de famille, elle doit être inscrite au registre du commerce. La volonté du fondateur, exprimée dans l’acte de fondation, détermine l’activité commerciale que peut exercer une fondation. Suivant le but de la fondation, c’est à une collectivité publique qu’incombe la responsabilité de surveiller le respect de ce but (Confédération, Canton, commune). A l’exception de 13 la fondation de famille, les fondations sont donc soumises à la surveillance d’une collectivité publique. Dans la vie économique, les institutions de prévoyance organisées sous la forme de fondations ont acquis une grande importance. Il est compréhensible que la fondation ne soit pas la forme juridique qui convient le mieux à une entreprise. D’autre part, le sort d’une entreprise peut être lié à une fondation et déterminé d’avance pour une longue durée en fonction du but visé. 14 Détails et spécificités. LES PRINCIPALES FORMES JURIDIQUES ET LEURS PARTICULARITÉS L’entreprise individuelle, la société en nom collectif et en commandite, la société anonyme et la société responsabilité limitée sont apparues comme les formes juridiques qui conviennent le mieux à une entreprise. Les explications de la seconde partie se concentrent par conséquent sur ces quatre formes juridiques, mais elles font aussi leur part à la société en commandite, étroitement apparentée à la société en nom collectif et à la société simple. Les particularités des formes juridiques mentionnées et leurs répercussions sur la vie commerciale seront présentées sous divers aspects: I Fondation et organisation I Inscription au registre du commerce et ses effets I Gestion des risques et système de contrôle interne I Obligation d’instituer un organe de révision I Sécurité et responsabilité I Charge fiscale I Garantie de continuation 15 Fondation et organisation Entreprise individuelle L’entreprise individuelle peut se constituer sans acte de fondation spécial. Elle existe dès qu’une personne exploite seule un commerce ou une industrie. En l’absence de partenaires, point n’est besoin de contrat. Il est difficile d’établir des règles générales concernant l’exploitation d’une entreprise individuelle. L’organisation dépend par trop de la personnalité du titulaire et de la structure de l’entreprise. Sociétés de personnes – Contrat de société Pour les sociétés de personnes, que sont la société simple, la société en nom collectif et la société en commandite, un acte de fondation spécial n’est pas nécessaire. Les partenaires peuvent s’entendre verbalement au sujet de leurs rapports au sein de la société. L’expérience montre toutefois qu’il convient de recommander instamment de faire rédiger, par un spécialiste, un contrat écrit, adapté aux circonstances. Un tel contrat établit des rapports internes clairs, qui peuvent être prouvés en tout temps, ce qui permet d’étouffer dans l’œuf des litiges. Les points essentiels d’un contrat de société sont exposés ci-après: • Raison sociale On se référera, concernant la raison sociale, aux explications données sous le titre «Choix et protection du nom de l’entreprise». • Siège, but, durée Le siège de la société en nom collectif et de la société en commandite est l’endroit où l’entreprise est exploitée. L’adresse est le domicile. La société simple n’a pas de siège proprement dit, c’est-à-dire que dans ses rapports avec les tiers, c’est le domicile des associés qui est déterminant. Le but peut consister en toute activité qui n’est pas illicite ou contraire aux mœurs. La durée est généralement indéterminée. • Apports des associés Les apports peuvent se faire en espèces ou en nature. Souvent, un associé fait apport de son entreprise individuelle, par exemple lorsqu’il s’associe avec un employé de longue date. Le solde net des actifs et des passifs (fonds étrangers) de l’entreprise est alors porté au crédit de celui qui fait l’apport. Lorsqu’un associé apporte son entreprise ou lorsqu’un nouveau partenaire entre dans une société existante, certains problèmes de délimitation se posent en ce qui concerne les réserves latentes, surtout lorsqu’il s’agit de travaux en cours, du stock de marchandises et du capital investi. Le problème des réserves latentes sera abordé à propos des aspects fiscaux. • Prélèvements privés Afin de ne pas mettre en péril les disponibilités d’une société, les prélèvements privés qui excèdent le droit au salaire doivent être soumis à l’assentiment de tous les associés. • Responsabilité Lorsqu’une entreprise existante est constituée en apport, il s’agit de déterminer qui garantit les travaux qu’elle a déjà effectués. Il faut prévoir si d’éventuelles prétentions en responsabilité doivent être satisfaites entièrement par la société, ou si l’associé responsable doit y faire face personnellement. De par la loi, les associés répondent vis-à-vis des tiers personnellement, solidairement et de manière illimitée. La portée de cette disposition rigoureuse est exposée sous le titre «Sécurité et responsabilité». • Gestion En règle générale, chacun des associés doit s’occuper de la gestion. Dans la société simple, forme la plus souple de société de personnes, la gestion est souvent confiée à un seul ou aux deux associés. Il faut alors décider si les associés gérants ont le droit de signer individuellement ou collectivement. Il importe de déterminer par écrit comment seront prises les décisions. Lorsque la société compte plus de deux associés, il est souvent prévu que l’unanimité n’est requise que pour les affaires importantes (par exemple achat, vente ou engagement d’immeubles, commandes ou mandats à partir d’un 16 certain montant, etc.). Pour les affaires de moindre importance, il suffit qu’une décision soit prise à la majorité. • Répartition du travail et clause interdisant la concurrence La fonction exacte de chaque associé au sein de la société doit être définie. Dans tous les cas, lorsque les associés exercent leur activité principale dans la société, il est recommandé de stipuler une interdiction de concurrence. Une telle interdiction existe dans la loi, mais le fait de la mentionner spécialement dans le contrat lui donne davantage de poids. • Salaires Afin d’éviter qu’il faille modifier sans cesse le contrat, seul le système des salaires des associés y sera mentionné (p. ex. salaires égaux, ou +10% pour le chef senior, etc.). Lorsque les associés n’exercent pas leur activité principale dans la société, il est recommandé de convenir d’un salaire horaire. • Frais Feront-ils l’objet d’un taux forfaitaire ou d’un décompte sur pièces? Cette question doit être réglée. Si l’entreprise n’a pas ses propres voitures, une indemnité kilométrique doit être prévue. • Absences Le salaire et la participation aux bénéfices durant les absences prolongées (maladie ou accident, service militaire) doivent être fixés. • Prestations sociales Il est recommandé de mettre tous les associés sur le même pied. Ainsi, la société peut régler commodément les primes d’assurances-maladie, -accidents, -invalidité, -décès et retraite. • Vacances S’il existe de grandes différences d’âge, une réglementation échelonnée des vacances peut être prévue (p. ex. 3 semaines, 4 semaines à partir de 40 ans, 5 semaines à partir de 50 ans). Lorsque les associés ne consacrent pas leur activité principale à la société, par exemple au sein d’un consortium, les dispositions relatives aux absences, aux prestations sociales et aux vacances tombent. • Participation aux bénéfices Si le bénéfice n’est pas réparti également entre les associés, une clé de répartition doit être fixée. A côté de la participation aux bénéfices proportionnée à l’apport, une participation échelonnée est aussi possible. On la recommandera par exemple lorsqu’un jeune associé vient d’être admis dans la société, alors que vraisemblablement les bénéfices seront encore dus pour un certain temps aux prestations (goodwill) de l’associé plus ancien. Exemple: 1ère année 2e année 3e année dès la 4e année Jean Dubois 65 % 60 % 55 % 50 % Pierre Marie 35 % 40 % 45 % 50 % • Participation aux pertes En général, les pertes sont réparties comme les bénéfices, mais d’autres dispositions sont aussi possibles. Cependant, il n’est pas admissible de prévoir qu’un associé ne participe qu’aux pertes mais non aux bénéfices. En revanche, la disposition selon laquelle un associé ne participe pas aux pertes est admise. • Dissolution de la société Délai de dénonciation et dissolution: les délais de dénonciation vont généralement de 3 à 12 mois selon le genre de société. A moins que la liquidation de la société n’ait été décidée à l’unanimité, on devrait donner aux associés restants la possibilité de continuer l’exploitation. En prévision d’un décès également, la continuation (avec ou sans héritiers) devrait être convenue par contrat. A défaut de telles dispositions contractuelles, la société sera dissoute selon les prescriptions légales. Un héritier peut invoquer celles-ci pour obtenir la liquidation. Calcul des parts: si un associé se retire, sa part comptable au capital, ainsi que sa part aux réserves 17 latentes, doit lui être versée, ou l’être à ses héritiers. En l’absence de disposition contraire du contrat, la part aux réserves latentes s’établit d’après la répartition du bénéfice. Lorsqu’un associé est admis dans la société ou lorsqu’un apport comporte des réserves latentes, il est recommandé de calculer celles-ci et d’en fixer le montant dans le contrat. On évitera ainsi des problèmes lors de la sortie d’un associé. Il est recommandé de régler le calcul des réserves latentes, de l’inventaire d’exploitation, des immeubles, des travaux en cours, des stocks de marchandises, etc. Il faudrait aussi prévoir qu’un expert neutre tranchera les divergences qui pourraient surgir. Il faut aussi décider si un goodwill doit être porté en compte ou non. Il est toutefois malaisé de calculer une telle valeur immatérielle; d’ailleurs, en fin de compte, le ou les associés restants ont également contribué à ce goodwill. • Versement Il importe de statuer dans le contrat que le versement dû à un associé sortant ou à ses héritiers s’effectuera par acomptes. Un versement immédiat et intégral pourrait causer à l’entreprise des difficultés de liquidation, voire sa déconfiture. La formule d’une clause de versement par acomptes est présentée sous le titre «Garantie de continuation de l’entreprise en cas de succession». Société anonyme La SA se distingue de toutes les autres formes d’entreprise par une caractéristique essentielle. Les propriétaires (actionnaires) restent anonymes. Leur nom ne doit ni être inscrit au registre du commerce ni publié dans la Feuille officielle et dès lors, un changement d’actionnaires demeure confidentiel envers les tiers. • Fondation La fondation d’une SA est sensiblement plus compliquée que celle d’une société de personnes. Elle exige le concours d’un officier public qui, dans la plupart des cantons, est un notaire. La loi prescrit que le capital actions ne peut être inférieur à CHF 100 000.–, dont CHF 50 000.– au moins doivent être versés. Les sociétés dont le capital s’élève à CHF 50 000.– seulement et qui ont été créées avant le 1er janvier 1985 ne sont pas tenues d’augmenter leur capital. Contrairement à l’ancien droit où il fallait au moins 3 personnes pour la création d’une SA, une seule personne peut maintenant constituer une SA. Il s’agit dans ce cas de ce que l’on désigne par société à actionnaire unique. Cette situation se rencontre souvent lorsque le titulaire d’une entreprise individuelle transforme son entreprise en SA. Lors de la fondation, tous les actionnaires doivent être présents ou représentés par un mandataire. • Frais de fondation Les frais de notaire pour la fondation d’une SA dépendent d’une part, du travail accompli (constitution par apport en espèces ou en nature, préparation des statuts ou d’autres contrats et importance des conseils juridiques), et d’autre part du montant du capital-actions et des tarifs applicables dans le canton concerné. Ces frais pourront s’élever à quelque CHF 2 500.– pour la simple fondation d’une SA, constituée d’un capital-actions en espèces de CHF 100 000.–. Le droit de timbre d’émission de 1% n’est plus perçu que sur un capital-actions dépassant CHF 1 million. Les réserves latentes éventuelles sont ajoutées au capital, lorsque celles-ci font par exemple partie des apports lors de la fondation ou de la transformation d’une entreprise individuelle ou d’une société de personnes en SA. Pour une SA au capital-actions de CHF 100 000.–, les émoluments du registre du commerce s’élèvent à CHF 1 500.– environ, et pour un capital plus important, ils ne sont guère plus élevés. Quant à l’achat d’un manteau d’actions, qui consiste à reprendre toutes les actions d’une SA qui n’existe plus que sur le papier pour la relancer en modifiant sa raison sociale et son but, on doit relever ce qui suit: lorsqu’on prend en considération les dépenses occasionnées par l’achat des actions, la modification des statuts par un notaire (raison sociale, siège, but, etc.) et les émoluments du registre du commerce, l’achat d’un manteau d’actions 18 ne revient guère meilleur marché que la fondation d’une nouvelle société. Cette dernière écarte en outre le risque de devoir répondre de dettes antérieures cachées et de rencontrer des problèmes avec l’impôt anticipé. • Acte constitutif Dans l’acte constitutif, le notaire constate que tous les fondateurs (actionnaires) sont présents personnellement ou représentés par un mandataire, que le capital-actions existe soit en numéraire, sur un compte, selon attestation bancaire (office de consignation), soit sous forme d’apports en nature. Dans ce dernier cas, le notaire, comme le réviseur agréé, doit s’assurer que la valeur indiquée correspond à la réalité. Il peut d’ailleurs se fier largement aux indications des fondateurs, qui répondent de leur exactitude. Après l’approbation des statuts, l’acte constitutif doit également indiquer comment est composé le conseil d’administration nommé (président, etc.), comment est réglé le droit de signature sociale et, cas échéant, le nom de l’organe de révision. • Statuts Les statuts sont la «constitution» d’une SA. C’est pourquoi toute modification, si minime soit-elle, nécessite une décision de l’assemblée générale et un acte authentique dressé par un notaire présent à l’assemblée. Une modification des statuts doit également être annoncée au registre du commerce et, dans certains cas, publiée (p. ex. modification de la raison sociale ou du but, transfert du siège, augmentation du capital). Le contenu essentiel des statuts couvre les points suivants: • Raison sociale, durée, siège En ce qui concerne la raison sociale, on se reportera aux explications données sous le titre «Choix et protection du nom de l’entreprise». La durée est généralement indéterminée. Le siège de la SA peut être choisi librement. Il ne doit pas nécessairement coïncider avec l’endroit où l’entreprise est exploitée, comme c’est le cas pour la société en nom collectif. • Capital-actions, actions Le capital-actions doit toujours être mentionné et il faut indiquer s’il est entièrement versé. Quant aux actions, on distingue les actions nominatives, dont les titulaires sont inscrits au registre des actions de la SA, et les actions au porteur (quiconque les détient à bon droit étant actionnaire). Généralement, les SA privées émettent des actions nominatives, afin que l’on sache qui est actionnaire et que le transfert des actions puisse donc être limité. • Eventuellement: apports en nature, reprise de biens Si le capital est constitué par des apports en nature, les statuts doivent indiquer l’objet de ces apports, leur estimation et leur valeur, le nom de l’apporteur et le nombre des actions qui lui reviennent. Ces indications, à l’exception de l’identité de l’apporteur, doivent en outre être publiées dans le but de protéger les créanciers, qui peuvent ainsi se rendre compte eux-mêmes de la valeur du capital-actions. Si la société doit reprendre des biens d’un actionnaire ou d’un tiers proche d’un actionnaire, les statuts doivent désigner ces biens, indiquer le nom de l’actionnaire ou du tiers et la contre-prestation due par la société. Il en va de même si lors de la fondation une telle reprise est envisagée dans un proche avenir, par exemple dans quelques mois. Ces indications également sont publiées. La reprise de biens de peu de valeur, tels que les meubles de bureau, etc., ne nécessite ni mention dans les statuts, ni publication. • Eventuellement: limitation du transfert des actions Dans la SA privée, la possibilité de transférer les actions nominatives est généralement limitée (actions nominatives liées), afin d’éviter que des personnes indésirables (des concurrents par exemple) puissent s’infiltrer dans la société. La formule consacrée et péremptoire: «Le conseil d’administration peut refuser l’inscription sans indication de motifs» n’est pas admise sauf si la société offre au vendeur d’acquérir les actions à leur valeur réelle pour son propre compte, pour le compte d’autres actionnaires ou de tiers. Même les droits de préemption statutaires usuels peuvent être restreints. Le transfert peut être refusé en présence de justes motifs au sens des 19 statuts. La loi définit les justes motifs par «les dispositions concernant la composition du cercle des actionnaires, qui justifient un refus eu égard au but social ou à l’indépendance économique de l’entreprise». En présence d’un petit nombre d’actionnaires, il est vivement recommandé de convenir, hors statuts, de règles détaillées relatives aux droits de préemption et aux restrictions au transfert des actions, par une convention passée entre actionnaires. Le prix devrait correspondre à la valeur vénale ou à la valeur intrinsèque (valeur réelle) de l’action, établie par un expert neutre. Le droit de préemption permet de tenir compte de tous les intérêts en présence. L’actionnaire minoritaire qui se sentirait livré à l’arbitraire des actionnaires majoritaires a, de la sorte, la possibilité de réaliser son paquet d’actions. Il court toutefois le risque de ne pas trouver acquéreur et de devoir conserver ses titres. Pour éviter ce risque, le droit de préemption peut être lié à une obligation d’achat pour les actionnaires majoritaires: le cas échéant, il y a lieu de prévoir également le mode de règlement (p. ex. par acomptes). • Organisation de la société Divers organes de la SA sont prescrits par la loi. • Assemblée générale Pouvoir suprême de la société, elle est placée sous la direction du président du conseil d’administration et prend les décisions les plus importantes. Il faut recommander de prévoir celles-ci dans les statuts, notamment la modification des statuts, l’élection des membres du conseil d’administration et de l’organe de révision, la décharge aux organes et l’adoption du rapport de gestion qui comprend le rapport annuel et les comptes annuels (compte de profits et pertes, bilan et annexe). En vertu de la loi, l’assemblée générale a lieu une fois au moins chaque année dans les six mois qui suivent la clôture de l’exercice. Il est recommandé d’insérer dans les statuts une disposition selon laquelle les actions ne peuvent être représentées que par des actionnaires et non par des tiers. Cela permet de tenir des personnes indésirables à l’écart de l’AG. D’autres dispositions statutaires ont trait au droit de vote et au mode de décision (majorité absolue ou relative). En règle générale, chaque actionnaire dispose d’une voix par action. Les actions à droit de vote privilégié résultent de l’émission de titres de valeur nominale différente (p. ex. 100 actions de CHF 100.– et 90 actions de CHF 1 000.- de valeur nominale). Ainsi, le détenteur d’une minorité du capital-actions peut disposer de la majorité des voix. • Conseil d’administration Dans la SA privée, le conseil d’administration est non seulement responsable de la haute direction et d’autres tâches prescrites par la loi et non transmissibles, mais aussi généralement chargé de la gestion. Il doit en rendre compte à l’assemblée générale. Lorsque conseil d’administration et assemblée générale ne font qu’un, la décharge est naturellement une pure formalité dénuée d’effet juridique. Les statuts peuvent limiter le nombre des membres du conseil d’administration. Ils peuvent aussi prévoir que celui-ci se compose de plusieurs membres. Ils doivent également contenir des prescriptions relatives à l’organisation: convocation, constitution du conseil d’administration, mode de décision. Le conseil d’administration doit tenir un procès-verbal non seulement des décisions prises mais encore des délibérations qui ont amené ces décisions. Les membres du conseil d’administration n’ont pas besoin d’être actionnaires et ne doivent plus posséder la nationalité suisse ou la nationalité d’un Etat membre de l’UE ou de l’AELE. La seule exigence qui demeure est, que pour des raisons de nationalité de la société, une personne au moins ayant le droit de la représenter (membre du conseil d’administration ou directeur) ait son domicile en Suisse. • Organe de révision L’organe de révision doit contrôler si le compte de profits et pertes et le bilan sont conformes aux livres, si ces derniers sont tenus avec exactitude et si l’état de la fortune sociale et des résultats de l’entreprise répond aux prescriptions légales et statutaires. Il préavise également sur les propositions relatives à l’emploi du bénéfice. 20 L'organe de révision doit être enregistré en tant que réviseur agréé et être indépendant du conseil d’administration et d’un éventuel actionnaire disposant de la majorité des voix. Pour les plus grandes SA (total du bilan dépassant 10 millions de francs, chiffre d’affaires supérieur à 20 millions de francs et effectif de plus de 50 emplois à plein temps en moyenne annuelle), l’organe de révision doit posséder des qualifications professionnelles particulières. En outre, le nom de l’organe de révision doit être inscrit au registre du commerce et publié dans la FOSC. Selon l’importance de la SA, un contrôle ordinaire ou (en général) un contrôle restreint doit être effectué. Pour de petites SA, il est même possible, dans certaines circonstances, de renoncer au contrôle (voir titre “organe de révision”). Société à responsabilité limitée Etant donné que la Sàrl est étroitement apparentée à la SA, seules les principales différences sont évoquées ci-après. • Fondation La fondation exige également un acte authentique. Chaque associé doit libérer une part sociale en espèces ou en nature, comme dans la SA. Le montant des parts des divers associés peut être différent, cependant le montant minimum est de CHF 100.– et le total doit représenter au moins CHF 20 000.–. Le capital social doit toujours être entièrement libéré (par versement ou apports). Une libération de CHF 10 000.– seulement, qui était encore possible auparavant, n’est pas admissible. Il n’y a pas de limite maximum. Un associé peut détenir une ou plusieurs parts sociales. Une seule personne peut constituer une Sàrl, comme c'est le cas s'agissant d'une SA. • Statuts Les statuts peuvent être très succincts mais doivent contenir au moins des dispositions sur: • la raison sociale et le siège de la société • le but (nature ou objet de l’entreprise) • le capital social et les parts sociales (la mention du nom des propriétaires des parts n’est pas nécessaire) • la forme à observer pour les publications (Feuille officielle suisse du commerce, communications par courrier) Les dispositions suivantes ne sont valables que pour autant qu’elles figurent dans les statuts: • obligation de versements supplémentaires • dérogations aux règles légales concernant le droit de vote et la prise de décisions • interdiction de cession de parts sociales • droits de préemption • droit de sortir de la société et conditions y relatives • limitation de la gestion et de la représentation • droit de veto d’un associé Comme la Sàrl, à la différence de la SA, est organisée en considération de la personne des associés et en règle générale, comprend aussi moins d’associés, on recommandera d’utiliser de manière exhaustive les possibilités statutaires et de moduler les statuts en fonction des besoins concrets. Souvent, la conclusion d’un contrat de société additionnel se révélera inutile. • Organisation Les organes de la société sont l’assemblée des associés (correspondant à l’assemblée générale dans la SA), les gérants (correspondant au conseil d’administration dans la SA) et, cas échéant, l’organe de révision. On peut à cet égard se référer à la SA. Le droit de vote à l’assemblée des associés est proportionnel aux parts sociales, mais les statuts peuvent prévoir un autre droit de vote, p. ex. une voix par associé. Le gérant ou – en cas de pluralité de gérants – leur président est également président de l’assemblée des associés et dispose le cas échéant de la voix décisive. Il n’est pas nécessaire que le gérant soit un associé ou possède la nationalité suisse. La seule exigence est qu’au moins un gérant avec signature individuelle ou un directeur soit domicilié en Suisse. 21 • Cession de parts sociales Si les statuts n’en disposent pas autrement, la cession de parts sociales est possible avec l’approbation de l’assemblée des associés. Les statuts peuvent faciliter la cession ou la soumettre à des conditions additionnelles ou encore interdire le transfert sans indication de motifs. Cette interdiction radicale n’est plus autorisée dans la SA comme mentionné ci-dessus. La cession de part sociale par voie de succession, ou en vertu du régime matrimonial, ne peut toutefois être refusée par la Sàrl que si elle offre de reprendre cette part à sa valeur réelle. Contrairement à l’ancien droit où chaque cession de part sociale devait faire l’objet d’un acte notarié, les parts sociales peuvent maintenant être transférées par un simple contrat en la forme écrite. Inscription au registre du commerce Tout Canton tient un registre du commerce centralisé qui renseigne sur les entreprises inscrites, sur la composition des sociétés de personnes, sur le statut des sociétés anonymes, les pouvoirs de signature des organes, etc. Les indications les plus importantes sont en outre publiées dans la FOSC et sont aussi accessibles en ligne par Internet. Contrairement à l’ancien droit, dans la SA et la Sàrl, un membre du conseil d’administration ou un gérant ayant signature individuelle peut signer seul les réquisitions au RC. Lorsque, malgré l’obligation que lui en fait la loi et en dépit d’une sommation, une société omet de se faire inscrire au registre du commerce, le préposé procède à l’inscription d’office ou, dans certains cas (des organes font défaut ou ne sont pas composés conformément à la loi), informe le juge. Ce dernier prend les mesures nécessaires, qui peuvent aller de la sommation avec fixation de délai ou la nomination d’un commissaire jusqu’à la dissolution et liquidation de la société. Les registres du commerce ont l’obligation d’effectuer des contrôles relatifs à une éventuelle obligation d’inscription et ont le pouvoir d’exiger des informations des entreprises ou industries concernées. Entreprise individuelle L’entreprise qui atteint un chiffre d’affaires de CHF 100 000.– doit être inscrite au registre du commerce. Tout entreprise peut aussi, volontairement, s’y faire inscrire en tout temps. Les entreprises artisanales (boulangeries, menuiseries, etc.) jouissent d’un statut spécial en ce sens que, même lorsque leur chiffre d’affaires atteint CHF 100 000.–, elles ne sont tenues de se faire inscrire que si le genre et l’étendue de l’exploitation exigent la tenue d’une comptabilité régulière. Le Tribunal fédéral admet que cette condition n’est remplie que par les grandes entreprises artisanales, où l’activité du titulaire ne porte plus essentiellement sur le travail professionnel, mais sur la direction technique et commerciale. Les professions libérales (avocats, médecins, ingénieurs, architectes, etc.) ne doivent pas en principe être inscrites au registre du commerce. Toutefois, lorsque l’exploitation atteint une taille qui nécessite une direction proprement dite, elle doit également être inscrite (par exemple un bureau d’ingénieurs occupant 30 employés, ou un cabinet médical organisé en clinique). L’inscription se fait sur la base d’une déclaration du titulaire de l’entreprise, dans laquelle celui-ci indique la raison sociale (nom), le genre d’affaires (but), le siège (lieu d’établissement) et le domicile (adresse). Lorsque la déclaration n’est pas faite personnellement à l’office du registre du commerce, la signature doit être légalisée par un officier public. Sociétés de personnes Les sociétés en nom collectif et les sociétés en commandite doivent être inscrites au registre du commerce. La société simple ne peut l’être. Quant aux entreprises artisanales et aux professions libérales, elles sont soumises aux mêmes règles que l’entreprise individuelle. Ainsi, lorsqu’elles sont tenues de s’inscrire, les plus importantes d’entre elles 22 passent du statut de société simple à celui de société en nom collectif. Pour assurer au commanditaire l’avantage de la responsabilité limitée, la société en commandite doit dans tous les cas se faire inscrire au registre du commerce. L’inscription se fait, comme pour les entreprises individuelles, par une déclaration écrite à l’office du registre du commerce. Société anonyme La SA n’existe que dès qu’elle est inscrite au registre du commerce. La réquisition d’inscription, accompagnée de l’acte constitutif et des statuts légalisés, doit être remise au préposé, qui examine si la SA nouvellement constituée répond aux prescriptions légales. Les noms et domiciles des membres du conseil d’administration et des personnes autorisées à signer ainsi que de l’organe de révision doivent être inscrits et publiés, mais non ceux des actionnaires. Cet anonymat des actionnaires est reflété dans la dénomination française de “société anonyme” (SA). Société à responsabilité limitée La Sàrl n’acquiert également la personnalité juridique que par son inscription au registre du commerce. Les informations suivantes doivent être inscrites et publiées dans la FOSC: identité de tous les associés, avec mention de leurs parts sociales, des gérants ainsi que mode de représentation (signature individuelle ou collective à deux). Tous les associés doivent être inscrits au registre du commerce. Dès lors, en cas de cession de parts sociales, l’identité des nouveaux associés doit être annoncée au registre du commerce et fait ensuite l’objet de publication dans la FOSC. Portée de l’inscription au registre du commerce L’inscription au registre du commerce a des effets juridiques importants, qui sont généralement avantageux. Selon qu’ils souhaitent ou non ces effets, les titulaires d’entreprises qui ne sont pas soumises à l’obligation d’inscription devront décider s’ils sou- haitent s’inscrire à titre volontaire. Ces effets (protection de la raison sociale, droit de signature, prescriptions relatives au bilan, poursuite par voie de faillite) seront exposés en détail dans les développements qui suivent. Choix et protection du nom de l’entreprise (raison sociale) Contrairement à l’entreprise individuelle en tant que forme juridique d’une exploitation, le terme de «raison sociale» sans adjonction désigne toujours, au sens juridique et dans les rapports professionnels, le nom protégé et inscrit au registre du commerce d’une entreprise ou d’une société. Libéralisme du droit des raisons sociales Sous réserve de l’interdiction des indications trompeuses, le nom d’une entreprise peut contenir des éléments publicitaires, par exemple:” Jean Modèle, votre partenaire pour l’aménagement de cuisines” ou “Pub Number One Sàrl”. Les désignations géographiques sont aussi admises, par exemple: “Hôtel Simplon SA” ou “Swiss Titan Design Sàrl” L’utilisation de “Swiss” ou “Suisse” dans la raison sociale est en règle générale admissible lorsque l’activité s’exerce effectivement en Suisse. En revanche, pour “International”, on exigera la preuve documentaire que l’entreprise est véritablement active de manière internationale (établissements à l’étranger, réseau international d’agences, etc.) ou que cela ressorte au moins du but de celle-ci. La typographie d’une raison sociale offre désormais une large place à la créativité. Ainsi, les noms d’entreprises peuvent être écrits en caractères exclusivement majuscules ou minuscules. Même une combinaison de chiffres, de lettres ou de signes de ponctuation est autorisée, par ex.: “ WOOP! SA” ou “Qui gagne? Sàrl” ou “Qui sonne? Hugo Modèle”; même des désignations imaginaires seraient tolérées: “NRG46UV SA”.Les éléments exclusivement figuratifs et les symboles demeurent en revanche, comme par le passé, interdits, par exemple:”%”, “@”, “*”etc. Toutefois les signes courants, tels que «&» et «+», utilisés dans le sens de «et», restent autorisés. 23 Choix de la raison sociale Pour le titulaire d’une entreprise individuelle, l’élément principal de sa raison sociale doit être son nom de famille (avec ou sans prénom). Il peut la compléter par des adjonctions factuelles ou de fantaisie. Exemple: • Entreprise de construction Roca, Robert Cavin. La raison sociale d’une société en nom collectif ou d’une société en commandite doit, si tous les associés n’y figurent pas, contenir au moins le nom de famille de l’un d’eux, avec une adjonction indiquant le rapport de société. Exemples: • Monnier & Co. • Humair frères, appareils ménagers • Jean Bonjour + fils • Bureau d’ingénieurs Amiel, Digier, Sanson Ainsi la raison sociale n’indique jamais s’il s’agit d’une société en nom collectif ou d’une société en commandite. Celle d’une société en commandite ne doit pas contenir le nom du commanditaire qui, si tel était le cas, répondrait de toutes les dettes sociales. Contrairement à celle de ces sociétés et de l’entreprise individuelle, la raison sociale de la SA peut être également un nom de fantaisie, qui doit, au contraire de l’ancien droit, être obligatoirement suivi de «SA» (p.ex. Rusaca SA, Apra SA etc.). Une simple désignation de l’activité de l’entreprise, telle que «Entreprise de construction SA», n’est pas admise sans adjonction de nom ou d’élément distinctif (ainsi, p. ex. “EC Entreprise de construction SA”). Comme pour la SA, la raison sociale d’une Sàrl doit toujours ajouter à sa raison sociale formée d’un nom ou d’une désignation de fantaisie l’indication de sa forme sociale “Sàrl” Protection de la raison sociale L’inscription au registre du commerce protège la raison sociale, c’est-à-dire le nom de l’entreprise. L’entreprise individuelle et les sociétés de personnes jouissent d’une protection à l’endroit où elles sont établies, puisque aucun autre titulaire d’entreprise ne peut y utiliser la raison inscrite, même s’il porte les mêmes nom et prénom. Dans un tel cas, l’homonyme doit ajouter un élément qui distingue clairement sa raison sociale de celle qui est déjà inscrite. Exemples: • Boulangerie H. Müller, Moudon • Boulangerie-pâtisserie Müller Pour la SA et la Sàrl, la protection de la raison sociale s’étend à toute la Suisse. L’office du registre du commerce refuse d’inscrire une raison sociale qui existe déjà ou qui prête à confusion avec une raison déjà inscrite. C’est pourquoi il est recommandé, avant de fonder une SA, de s’assurer auprès de l’Office fédéral du registre du commerce, à Berne, que la raison sociale prévue peut être inscrite. Souvent, l’adjonction d’un élément permet d’écarter la similitude: Exemples: • Marmier Transports SA • RT Marmier Transports SA Même si le préposé au registre du commerce admet la dénomination, cela ne signifie pas encore que la société puisse continuer à porter cette raison sociale sans être inquiétée, si une société portant une raison sociale approchante s’y oppose. Du point de vue légal, les raisons sociales doivent se différencier clairement. Le Tribunal fédéral, malgré quelques critiques, applique cette disposition avec rigueur. Dans un arrêt critiqué, le TF a tranché que, par exemple, la raison sociale «Biopharma Nagel AG» était trop proche de «Biopharm AG» et ne pouvait donc être acceptée comme raison sociale. Comme le RC contient environ 185’000 SA et 110’000 Sàrl enregistrées, il devient de plus en plus difficile de trouver des noms de fantaisie ou d’en inventer sans risque de contestation avec d’autres raisons sociales. La raison sociale d’une société anonyme formée d’un nom de personne – par exemple Pierre Saudan SA – subsiste même lorsque, depuis longtemps, il n’y a plus personne de ce nom dans la direction ou parmi les actionnaires. 24 Dans la société en nom collectif et la société en commandite, en principe, le nom d’un associé sortant ne doit pas demeurer dans la raison sociale. Lors de la reprise d’une entreprise individuelle, d’une société en nom collectif ou en commandite, la raison sociale peut être maintenue avec le consentement de l’ancien titulaire ou de ses héritiers, à condition qu’une adjonction mentionne le rapport de succession, et que le nom du nouveau titulaire y figure. Octroi du pouvoir de représentation (signature) L’inscription au registre du commerce permet de donner à des associés et à des employés le droit de représentation et de signature à l’égard de tous les tiers. Ainsi, les associés d’une société en nom collectif peuvent décider s’ils entendent signer individuellement, ou collectivement à deux. La société peut également conférer la procuration (pp) à des employés, en la restreignant éventuellement à la signature collective à deux. Le fondé de pouvoir est réputé, de par la loi, habilité à faire au nom du chef de la maison tous les actes que comporte le but de l’entreprise et à souscrire des engagements de change. Par contre, il n’est pas autorisé – sauf pouvoirs exprès – à aliéner ou à hypothéquer des biens-fonds. Le mandat commercial est une sorte de procuration de second rang, qui n’autorise pas à souscrire des engagements de change. Il ne peut être inscrit au registre du commerce. Peuvent être inscrites également les fonctions qui, dans la SA principalement, jouent un rôle important, par exemple celles de gérant, sous-directeur, directeur, directeur général. Afin d’éviter, en cas de promotion, les complications inhérentes à la demande d’inscription et à la publication, la signature peut être inscrite au registre du commerce sans indication de la fonction. Obligation de tenir une comptabilité et dispositions relatives au bilan En principe, quiconque est inscrit au registre du commerce est astreint à tenir une comptabilité. Font exception les entreprises individuelles et les sociétés de personnes qui peuvent s’y faire inscrire volontairement. D’autre part, l’obligation de tenir une comptabilité lie également les entreprises qui, pour quelque motif, se soustraient à l’obligation de s’inscrire. Les prescriptions relatives au bilan de la SA s’écartent quelque peu, en posant quelques critères plus rigoureux, de celles qui concernent l’entreprise individuelle et les sociétés de personnes du fait que, dans les sociétés de capitaux, la responsabilité personnelle est en principe exclue. Entreprise individuelle, société en nom collectif et société en commandite Quiconque est astreint à se faire inscrire au registre du commerce doit tenir régulièrement les livres nécessaires selon le genre et l’importance de son entreprise. Ces livres doivent indiquer clairement la fortune de l’entreprise, les dettes et les créances, ainsi que les résultats d’exploitation des divers exercices. Le titulaire de l’entreprise doit, lors de l’ouverture de l’exploitation, établir également, selon les principes commerciaux généralement reconnus, un inventaire et un bilan d’entrée et, à la fin de chaque exercice, un inventaire, un compte de résultat et un bilan final. Les éléments de l’actif doivent être portés au bilan au maximum à la valeur qu’ils ont effectivement pour l’entreprise. Les livres commerciaux, les pièces et la correspondance doivent être conservés pendant 10 ans. En cas de litige, le juge peut en exiger la production. Celui qui contrevient aux prescriptions relatives à la comptabilité et au bilan est passible d’amende ou d’emprisonnement. Ces obligations incitent plus d’un chef d’entreprise à ne pas faire inscrire sa raison sociale au registre du commerce. Toutefois, les prescriptions légales relatives à la comptabilité commerciale garantissent un certain ordre et une certaine transparence de l’entreprise. C’est d’ailleurs pourquoi les banques et les partenaires commerciaux exigent souvent d’une entreprise qu’elle se fasse inscrire au registre du commerce avant de traiter avec elle. 25 Société anonyme et société à responsabilité limitée A l’exception de quelques prescriptions spéciales, les principes que nous venons d’exposer concernant la comptabilité s’appliquent également à la SA et à la Sàrl. Les installations permanentes de l’exploitation (bâtiments, machines, mobilier, etc.) peuvent être portées au bilan à leur coût d’acquisition au maximum. La SA est tenue en outre de verser chaque année 5% du bénéfice net au fonds de réserve jusqu’à ce que celui-ci atteigne 20% du capitalactions. Poursuite par voie de faillite Le titulaire d’une entreprise individuelle et l’associé d’une société en nom collectif inscrite au registre du commerce sont soumis à la poursuite par voie de faillite. Contrairement à la poursuite par voie de saisie, où sont vendus des biens déterminés, la faillite conduit à la liquidation totale, même si elle n’a été requise que pour une seule créance de peu d’importance. Si elle effraie à première vue, cette conséquence de la poursuite par voie de faillite peut, pour un débiteur insolvable, s’avérer très favorable. En effet, lorsqu’un commerçant est surendetté au point de ne pouvoir satisfaire entièrement tous ses créanciers, il vaut mieux pour lui que sa fortune soit réalisée par voie de faillite plutôt que dans la vente après saisie. Dans l’un comme dans l’autre cas, il ne lui restera de toute façon que les objets insaisissables, c’est-à-dire ceux qui sont nécessaires à son entretien. En revanche, en cas de poursuite par voie de saisie, les créanciers obtiennent pour leurs pertes un acte de défaut de biens après saisie, alors qu’en cas de faillite, ils ne reçoivent qu’un acte de défaut de biens après faillite. Pour le débiteur, la différence est importante: lorsqu’ils sont nantis d’un acte de défaut de biens après saisie, les créanciers qui n’ont pas été satisfaits peuvent s’attaquer de nouveau au débiteur dès que son revenu dépasse le minimum vital. Avec l’acte de défaut de biens après faillite par contre, le débiteur ne peut être recherché pour les créances relatives à cet acte que lorsqu’il est revenu à meilleure fortune. On admet toutefois en pratique que les créanciers ont également prise sur la part du revenu qui aurait permis au débiteur de reconstituer un capital. Ainsi, le maintien d’un revenu qui permet au failli de conserver un niveau de vie correspondant à sa condition est admis, même si le Tribunal fédéral interprète de manière très restrictive cette disposition légale depuis peu. Il importe aussi de retenir que le revenu obtenu par le débiteur après l’ouverture de sa faillite lui appartient intégralement. En cas de surendettement, la faillite est plus avantageuse que la poursuite par voie de saisie. De plus, sur le plan social comme sur celui de la politique d’affaires, s’est imposée la conception que, souvent, la faillite est due à des circonstances objectives échappant à l’influence du débiteur, et ne met pas en cause l’intégrité de ce dernier. Aussi, le nombre de ceux qui recherchent des avantages en demandant d’être mis en faillite croît-il sans cesse. Ils peuvent le faire puisque même les entreprises individuelles qui ne sont pas inscrites au registre du commerce, comme d’ailleurs tout particulier, peuvent demander d’être mis en faillite. Il leur suffit pour cela de remettre au juge une déclaration d’insolvabilité. La faillite, au lieu de la poursuite par voie de saisie, ne sera toutefois prononcée que s’il n’existe aucune perspective d’assainissement et si le débiteur fait simultanément au juge une avance de frais importante, qui peut varier d’un Canton à l’autre, mais qui se tient généralement entre CHF 2 000. – et CHF 4 000.–. On peut se demander de bonne foi si la législation sur la faillite (même après la révision de la LP de 1997) n’avantage pas trop le débiteur par rapport aux créanciers et n’incite pas à des abus. Gestion des risques et système de contrôle interne La SA et la Sàrl ont l’obligation d’inclure chaque année dans l’annexe aux comptes annuels des indications sur la réalisation d’une évaluation du risque (gestion des risques). De plus, les grandes entreprises qui sont soumises à l’obligation d’un contrôle ordinaire doivent introduire et documenter un système de contrôle interne (SCI) qui prévoit des mécanismes de contrôle interne en relation avec la comptabilité. 26 Gestion des risques Dans la gestion des risques, le conseil d’administration (SA) ou les gérants (Sàrl) doivent effectuer une réflexion prospective systématique sur les risques auxquels est exposée la société et en rendre compte dans l’annexe aux comptes annuels. Selon la nature et l’importance de l’exploitation, les risques les plus importants se présentent différemment. De manière générale, les aspects suivants doivent être examinés: Finances Dans l’évaluation du résultat financier, les chiffresclés suivants doivent être déterminés et évalués: • EBIT (bénéfice avant charge d’intérêts et impôts) • Résultat d’exploitation (bénéfice opérationnel) • Rendement des fonds propres • Solvabilité (liquidité) • Degré d’autofinancement Marché et clientèle Dans l’évaluation du marché et de la clientèle, on doit prendre en compte: • Part de marché • Croissance du chiffre d’affaires • Changements du taux de contribution par groupes de clients/segments de marché • Commandes (nouvelles, sorties, offres) • Concentration des risques (sur certains clients ou marchés) • Problèmes d’approvisionnement et capacité de livraison • Qualité/taux de défauts • Satisfaction de la clientèle/réclamations Recherche et développement Sous ce point doivent être examinées l’innovation et la capacité d’adaptation: • Part de nouveaux produits par rapport au chiffre d’affaires global • Dépenses de recherche et développement • Heures de formation par collaborateur • Etat de la technique • Pourcentage de nouveaux projets effectivement réalisés Procédures internes On doit déterminer si les procédures internes sont optimales: • Chiffres-clés de productivité • Degré d’usure des machines • Coûts de production (comparaison avec les prix de marché) • Respect des délais • Durée d’exécution des commandes • Informatique (efficacité/sécurité) Autres risques Parmi les autres risques on peut noter au premier plan: • Ecologie (impact environnemental, charges de contamination) • Responsabilité (produits, garanties, assurances) • Equipement (mobilier, immeubles, entrepôts, véhicules) • Personnel (postes-clés, état de santé, know-how) Le conseil d’administration (SA) ou les gérants (Sàrl) doivent analyser et évaluer l’ensemble des risques potentiels. Par exemple déterminer si un risque reconnu est faible, supportable, fort, voire représente une menace pour l’existence de l’entreprise. De même, les risques sont à pondérer en fonction de leur probabilité (haute/faible). En fonction de ses analyses et évaluations, l’organe dirigeant et exécutif supérieur doit tirer ses conclusions ou prendre des mesures. Ainsi, selon le cas, des risques faibles ou supportables doivent rester sous surveillance et contrôle réguliers, alors que pour les risques élevés, des mesures doivent être prises pour empêcher la concrétisation du risque ou en réduire la possibilité. Par exemple, la dépendance envers un grand client (concentration de risque) doit être réduite par un renforcement d’actions commerciales visant à l’acquisition de nouveaux clients. Une impasse de trésorerie menaçant l’existence de l’entreprise doit être surmontée en prenant toutes les mesures pour assurer à long terme la liquidité nécessaire (apports de capitaux additionnels par les associés, augmentation des limites de crédits bancaires, etc.). La gestion des risques implique naturellement que, non seulement les risques soient identifiés, mais aussi que les mesures décidées soit exécutées et que leur résultat ou leur succès restent sous surveillance. 27 L’exigence de gestion des risques oblige l’entrepreneur, le conseil d’administration et la direction à traiter les risques de manière systématique, c’est-àdire à évaluer concrètement les chances et les risques de leur entreprise pour l’avenir. Il faut donc recommander de ne pas considérer l’institutionnalisation de la gestion des risques comme une corvée de fin d’exercice social, mais comme un objet récurrent de l’ordre du jour des réunions périodiques du conseil d’administration et de la direction. Système de contrôle interne (SCI) Par SCI, on entend l’ensemble des mesures de contrôle interne qui servent à atteindre les buts de l’entreprise dans les domaines des procédures, des informations, de la protection des biens et de la “compliance” (respect des lois, règlements et contrats). Seules les grandes entreprises et organisations qui sont soumises à un contrôle ordinaire doivent instituer un SCI. Cela concerne ainsi non seulement des SA et Sàrl, mais aussi des fondations, des sociétés coopératives et des associations, lorsque les conditions correspondantes sont remplies (voir le titre “organe de révision”). Le SCI est limité aux procédures qui ont une influence importante sur la comptabilité. Pour mettre en place un SCI, il faut principalement définir et décrire les flux de tâches qui ont un impact sur les résultats financiers. Il s’agit des procédures comme les achats, la fourniture de services, les investissements, les flux financiers et les financements, avec le “reporting” y relatif. Les procédures sont analysées sous l’angle des risques éventuels et les contrôles introduits sont décrits de manière reconnaissable. On distingue à cet égard les contrôles automatiques, programmés et manuels effectués par la direction. Les auxiliaires organisationnels du SCI comprennent notamment l’organigramme d’organisation, les diagrammes de cheminement et de fonctionnement, les descriptions des fonctions, la réglementation des compétences, les règlements et instructions, le plan comptable, les directives comptables, la définition des clients, les manuels, les installations techniques (coffres-forts, entrepôts sécurisés, contrôles d’accès, systèmes de caisse), etc. Ainsi le SCI est pour les grandes entreprises un élément essentiel de la gestion des risques. Organe de révision L'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation au 01.01.2008 a apporté des modifications significatives dans le domaine du contrôle des comptes annuels. Avant, seules les SA et coopératives étaient soumises à l’obligation d’un contrôle, alors que les Sàrl n’avaient pas besoin d’organe de révision. Maintenant, les Sàrl ainsi que les fondations sont en principe aussi soumises à l’obligation de contrôle. On distingue entre le contrôle ordinaire pour les grandes sociétés et entreprises et le contrôle restreint pour les petites et moyennes entreprises (PME). Sous certaines conditions, de petites entreprises peuvent même renoncer au contrôle. Seuls peuvent exercer le mandat d'organe de révision un expert-réviseur agréé (contrôle ordinaire), respectivement un réviseur agréé (contrôle restreint). Les organes de révision sont dûment enregistrés auprès de l'Autorité fédérale de surveillance en matière de révision (ASR). Contrôle ordinaire Dans le contrôle ordinaire, l’organe de révision établit un rapport détaillé contenant des constatations sur l’établissement des comptes, le système de contrôle interne (SCI) ainsi que l’exécution et le résultat du contrôle. Les opérations de révision et le rapport détaillé qui en résulte vont nettement au-delà du standard du contrôle normal prévalant jusqu’ici. Toutefois – à part les sociétés publiques et les groupes de sociétés – seules doivent soumettre leurs comptes annuels et leurs comptes consolidés au contrôle ordinaire les sociétés et entreprises qui dépassent deux des valeurs suivantes au cours de deux exercices consécutifs: • Total du bilan: CHF 10 millions • Chiffre d’affaires: CHF 20 millions • Effectif: 50 emplois à plein temps en moyenne annuelle 28 Contrôle restreint Pour la plupart des PME, c’est le contrôle restreint qui est applicable. Il est vrai que le réviseur effectue moins d’opérations de contrôle dans le cadre d’un contrôle restreint et dès lors le produit de ses travaux est moins déterminant que dans le cas d’un contrôle ordinaire. Cependant, les comptes ayant fait l’objet du contrôle restreint donnent à l’entreprise, à ses banques et partenaires d’affaires une assurance raisonnable quant à leur véracité. On a vu que dans l’annexe aux comptes annuels, la SA et la Sàrl doivent inclure une évaluation des risques (gestion des risques). L’organe de révision doit se borner à constater qu’il existe une analyse documentée (qui est évidemment aussi obligatoire dans le contrôle ordinaire), mais n’a pas à porter de jugement qualitatif sur elle. La renonciation au contrôle (désignée “opting-out”) peut présenter divers inconvénients. La sécurité de comptes annuels contrôlés est importante pour l’entrepreneur, parce que la conduite de l’entreprise devrait se baser sur des chiffres fiables. Des comptes révisés peuvent présenter d’autres avantages envers les autorités fiscales, les assurances sociales et avant tout envers les banques dispensatrices de crédit. C’est pourquoi l’intervention d’un réviseur et la renonciation à la faculté d’opting-out devraient se révéler payantes à terme. Renonciation au contrôle De petites entreprises peuvent totalement renoncer à un contrôle à deux conditions: Sécurité et responsabilité Bien des entreprises individuelles et des sociétés de personnes sont converties en SA ou Sàrl (dénommées sociétés de capitaux) par souci de sécurité parce que, comme on le sait, les actionnaires ou associés de la Sàrl ne répondent pas, en principe, sur leur fortune personnelle. Tous les détenteurs de parts du capital (actionnaires, associés, etc.) doivent y consentir et l’entreprise ne doit pas employer plus de 10 personnes (emplois à plein temps en moyenne annuelle), apprentis compris. Optings-up et -out La plupart des entreprises dans le secteur des PME pourront se limiter à un contrôle restreint. Elles ont cependant la possibilité de se soumettre volontairement à un contrôle ordinaire (ce que l’on désigne par “opting-up”). De plus, dans un esprit de protection des minorités, des détenteurs représentant ensemble au moins 10 % du capital-actions ou du capital social peuvent exiger un contrôle ordinaire. Des comptes annuels ayant fait l’objet d’un contrôle ordinaire présentent différents avantages. Les comptes annuels soumis au contrôle ordinaire sont plus fiables et crédibles du fait qu’ils doivent être établis d’une manière qualitativement supérieure à ceux soumis au contrôle restreint. Cela peut donner confiance au conseil d’administration, aux actionnaires et associés, bailleurs de crédit et autres destinataires des comptes, mais aussi présenter des avantages économiques, par exemple en matière de notation bancaire. Il est également possible, en cas de renonciation à un contrôle formel, de procéder à une sorte d'«opting-up», en confiant un mandat concret et limité à un réviseur. La SA et la Sàrl sont-elles véritablement l’œuf de Colomb quant à la sécurité, et à l’inverse, les titulaires d’entreprises individuelles, ainsi que les membres de sociétés de personnes, sont-ils assis en permanence sur un baril de poudre? Ces questions, qui doivent d’ailleurs être posées de manière nuancée, méritent d’être examinées de plus près car elles sont souvent au premier plan des préoccupations lors du choix d’une forme juridique. En outre, comme bien des commerçants font partie du conseil d’administration de leur propre SA ou sont gérants de leur propre Sàrl ou encore siègent accessoirement dans d’autres conseils d’administration, il faut se pencher sur les problèmes que pose la responsabilité de l’administrateur ou du gérant. Il convient de traiter d’abord la responsabilité du titulaire d’une entreprise individuelle ou des membres d’une société de personnes, qui encourent une responsabilité personnelle, solidaire et illimitée, telle une épée de Damoclès suspendue au-dessus de leurs têtes. Les problèmes de sécurité dans la Sàrl et la SA, 29 dans lesquelles il n’y a en principe pas de responsabilité personnelle, mais en revanche, d’autres risques, doivent faire l’objet d’un examen séparé. Enfin, il faudra dire un mot de la Sàrl lorsqu’une obligation d’effectuer des versements supplémentaires figure dans les statuts. Responsabilité dans l’entreprise individuelle et les sociétés de personnes L’exploitation d’une entreprise individuelle ou d’une société de personnes engage toujours la responsabilité personnelle du titulaire ou de l’associé. A côté de la fortune commerciale, la fortune personnelle du titulaire ou de l’associé répond envers les créanciers. Elle en répond directement dans les entreprises individuelles et les sociétés simples, indirectement dans la société en nom collectif et dans la société en commandite. En d’autres termes, la responsabilité d’un associé en nom collectif ou en commandite ne peut être invoquée que lorsque la société est en faillite. En obligeant les créanciers à s’en prendre d’abord à l’avoir social, cette réglementation a l’avantage d’empêcher que les associés en nom collectif ne puissent être recherchés pour n’importe quelle broutille. A vrai dire, la faillite de la société entraîne ordinairement celle des associés, puisque ceux-ci, conscients de leur responsabilité personnelle, ne laisseraient certainement pas leur société tomber en faillite si eux-mêmes étaient solvables. La responsabilité des membres d’une société simple ou d’une société en nom collectif est plus lourde du fait qu’elle est non seulement personnelle, mais encore solidaire et illimitée. Ainsi, chaque associé répond aussi des actes de ses partenaires. Une répartition conventionnelle des pertes n’aurait d’effet qu’entre associés. La responsabilité personnelle, solidaire et illimitée signifie ce qui suit: • Personnelle Le titulaire d’une entreprise individuelle et les membres d’une société de personnes répondent non seulement sur l’avoir social, mais aussi sur leur fortune personnelle. • Solidaire Tout associé répond de la totalité des dettes sociales, sans égard au degré de sa coopération ou de sa faute concomitante éventuelle. • Illimitée La responsabilité ne peut être limitée à un montant déterminé. Exception: le commanditaire ne répond que jusqu’à concurrence du montant de sa commandite. Dans la pratique, toutefois, cette responsabilité n’a pas d’effets aussi graves que la rigueur des dispositions légales pourrait le faire croire. Certains risques (p.ex. erreurs de calcul dans un projet, dommages dus aux forces naturelles, etc.), sont généralement couverts par une assurance responsabilité civile professionnelle ou par d’autres assurances. Nul ne devrait s’engager dans une société de personnes sans connaître son ou ses partenaires, afin de pouvoir calculer le risque qu’il prend. Quant à la responsabilité personnelle d’un commerçant marié, il importe de constater que la fortune de l’épouse ne peut être revendiquée par les créanciers du mari. Les acquêts de la femme (p.ex. le produit de son travail) et ses biens propres (p. ex. héritage) restent préservés, même lorsque le mari fait faillite. Les membres d’une société en nom collectif répondent des actes illicites que l’un d’eux commet dans l’exercice de son activité commerciale. Tel n’est pas le cas dans la société simple, dont les membres ne peuvent être recherchés pour les actes délictueux commis par l’un d’eux s’ils sont étrangers à l’affaire. Responsabilité dans la société anonyme et la société à responsabilité limitée Bien des chefs d’entreprise et des personnes exerçant une profession libérale fondent une SA ou une Sàrl afin de se soustraire aux rigueurs de la responsabilité personnelle, illimitée et solidaire pour les dettes sociales. 30 Pour diverses raisons cependant, la SA et la Sàrl ne constituent pas, en ce qui concerne la sécurité personnelle, la solution miracle que laisse parfois miroiter un examen superficiel. • Relation entre fortune privée et fortune commerciale de l’entreprise Tant qu’elle n’est pas liée à la fortune commerciale de l’entreprise, la fortune privée peut demeurer à l’abri des créanciers. L’expérience montre toutefois que, dans la SA ou la Sàrl privée surtout, il est rare de pouvoir séparer l’un et l’autre. L’entreprise a généralement besoin de fonds de tiers. Les bailleurs de fonds privés et les banques demandent, de manière bien compréhensible, des garanties. Souvent en effet, le capital social ou la valeur nette de la Sàrl ou SA, ne constituent pas une garantie suffisante. Les crédits doivent être assortis d’autres garanties. Les banques proposent à cet effet diverses possibilités, telles que cessions de créances, garanties sur des immeubles privés ou cautionnement personnel. Tant qu’il ne s’agit que de la cession de créances ou de la mise en gage d’autres éléments de l’actif, la fortune personnelle n’est pas touchée. S’il faut d’autres garanties, la séparation recherchée entre fortune commerciale et fortune privée est nécessairement sacrifiée. Lorsque la fondation d’une société de capitaux a pour but principal de mettre la fortune privée à l’abri des créanciers, on observera ce qui suit: • La Sàrl ou SA devrait être dotée de fonds propres (p.ex. capital-actions, prêts personnels) tels qu’elle puisse se passer de fonds de tiers, ou tout au moins obtenir de tels fonds sans garanties personnelles. • Même en temps de crise, le principe de la séparation entre avoir social et fortune privée devrait être observé autant que possible. D’éventuels engagements personnels (cautionnement, mise à contribution de la fortune privée) ne devraient être pris que dans des limites étroites et déterminées. L’expérience montre que ce second postulat, précisément, n’est qu’une illusion. Qui va donc abandonner une affaire qu’il a héritée ou mise sur pied, à laquelle il a consacré toutes ses forces durant des années? La réalité est différente: dans les débuts tout au moins, manque de disponibilités et crises sont considérés comme des difficultés passagères, surmontables, auxquelles on fera face par un engagement personnel. Plus tard, d’autres engagements viennent s’ajouter au premier, jusqu’à ce que le cercle se resserre et que toute la fortune privée, ou peu s’en faut, ait à répondre envers les créanciers sociaux. Dans les professions libérales, la tendance à préférer la SA ou la Sàrl ne se justifie pas nécessairement, même sous l’angle de la sécurité, puisque le risque principal peut être couvert par une assurance responsabilité civile professionnelle. En outre, dans ces professions, l’élément personnel est au premier plan, et la société de capitaux n’est pas particulièrement propre à en tenir compte. A l’inverse, il est recommandé de fonder une SA ou Sàrl pour des affaires comportant un risque accru (activité commerciale à l’étranger par exemple), l’exploitation commerciale ordinaire pouvant rester le fait de l’entreprise individuelle ou de la société de personnes. • Action en responsabilité Les créanciers ont la possibilité de battre en brèche le principe de la séparation entre avoir social et fortune privée en intentant une action en responsabilité contre les membres du conseil d’administration et les personnes chargées de la gestion dans une SA ou Sàrl tombée en faillite. La loi a toutefois mis des limites à cette action: les membres du conseil d’administration, les gérants et les autres personnes actives dans la gestion ne peuvent être tenus responsables que lorsqu’ils ont commis une faute, ou tout au moins agi par négligence. Il est donc d’une importance décisive de savoir ce qui, dans l’activité commerciale, peut être considéré comme une prise de risque usuelle, non imputable à faute, et ce qui doit être taxé de négligence coupable. Le Tribunal fédéral est devenu plus rigoureux sur ce point. Il a condamné à des dommages-intérêts un membre du conseil d’administration d’une SA qui avait placé une grande partie du capital en actions hautement spéculatives. Il n’a pas vu dans le fait que le défendeur avait aussi acquis de telles actions pour son propre compte une atténuation de la faute. Dans un autre cas, il a prononcé une condamnation 31 semblable contre un membre de conseil d’administration qui avait omis de faire les amortissements nécessaires, de sorte que l’estimation maximale autorisée par la loi avait été largement dépassée. Une négligence légère suffit en soi déjà à fonder une action en responsabilité: surveillance déficiente, comptabilité négligée, etc. d’administration peut établir par un extrait du procès-verbal qu’il a voté contre une décision du conseil après avoir attiré en vain l’attention sur les risques qui ont abouti au dommage, il semble que, faute de négligence même légère, il doive être dégagé de toute responsabilité. Une telle preuve ne servirait en rien aux membres d’une société de personnes. Lorsque plusieurs personnes sont susceptibles d’être recherchées en responsabilité, chacune est tenue solidairement mais uniquement dans la mesure où le dommage peut lui être imputé en raison de sa faute professionnelle et des circonstances. Toutefois, l’application effective de la notion de solidarité limitée est encore controversée. En général, le plaignant actionnera ensemble plusieurs responsables pour le dommage total et réclamera que le juge détermine dans la même procédure le montant incombant à chacun. Dans l’hypothèse où le juge, pour un dommage fixé par exemple à CHF 100 000.–, libère du dommage A pour 1/4 et B pour 1/2, A est responsable ainsi pour CHF 75 000.– et B pour CHF 50 000.–. Si le lésé obtient de A l’intégralité des CHF 75 000.–, il devrait encore pouvoir exiger de B les CHF 25 000.– restants. Cependant, la question des recours internes n’est pas claire et ce sont les règles des procédures cantonales qui devraient déterminer si le juge peut dans un procès en responsabilité fixer également les montants admis pour les recours internes. Pour le membre du conseil d’administration ou le gérant responsable, il est certes rassurant de savoir que le fardeau de la preuve incombe aux créanciers. C’est donc à eux d’établir sa faute. Cette circonstance devrait retenir le créancier de se lancer dans un procès en responsabilité coûteux contre un administrateur dont la faute n’est pas manifeste. En outre, le rapport de causalité entre la faute et le dommage doit être établi, c’est-à-dire que le demandeur doit prouver que la faute est bien la cause du dommage. Ils n’ont pas besoin d’être identiques au degré de responsabilité. Cependant cela pose problème si, dans le procès en responsabilité, tous les organes ne sont pas mis en cause. La responsabilité solidaire limitée n’existe pas seulement entre les membres du conseil d’administration ou les gérants, mais inclut également les autres organes de la société, en particulier l’organe de révision (car ce dernier dispose d’une assurance de responsabilité civile professionnelle!). En opposition avec la société de personnes, un membre du conseil d’administration ou le gérant d’une société de capitaux n’est responsable qu’en cas de faute de sa part. Un exemple éclairera cette différence de régime: lorsqu’un membre du conseil On doit se demander si le concept de négligence qui fonde l’action en responsabilité n’a pas été interprété par le Tribunal fédéral d’une manière trop large, et si une pratique plus restrictive ne serait pas souhaitable. En effet, la jurisprudence tend à ignorer de plus en plus les limites que le législateur a tracées délibérément entre la responsabilité personnelle des titulaires d’entreprises individuelles et des membres de société de personnes d’une part, et l’exclusion de cette responsabilité pour les organes de la société de capitaux, de l’autre, ce qui conduit à supprimer pratiquement la différence essentielle tracée entre ces deux genres de responsabilités. Dans toute déconfiture commerciale, comme chacun sait, on trouve toujours matière à critique, ce qui ne devrait toutefois pas suffire, dans la SA ou la Sàrl, pour déclencher aussitôt la responsabilité personnelle, à la condition bien entendu qu’il n’y ait pas de négligence grave. Ces explications montrent que si un mandat de membre d’un conseil d’administration peut être un fauteuil bien rembourré, il ne doit jamais être un oreiller de paresse. Il faut enfin préciser que l’action en responsabilité ne peut être intentée que contre les membres du conseil d’administration, les gérants et les organes dirigeants, le cas échéant contre l’organe de révision (toutes ces personnes répondant 32 solidairement en cas de faute), mais qu’elle ne peut l’être contre l’actionnaire ou associé qui n’exerce aucune des fonctions susmentionnées. L’actionnaire ou associé non gérant ne court donc aucun risque personnel, quoi qu’il advienne de la SA ou de la Sàrl. En résumé, on doit retenir que les avantages incontestables offerts par la SA ou la Sàrl quant à la responsabilité ne jouent que si le chef d’entreprise est conscient que, dans cette forme de société, la sécurité a ses limites. Responsabilité dans la société à responsabilité limitée en cas d’obligation de versements supplémentaires Le vocable «société à responsabilité limitée» est trompeur. La société répond, comme une SA, de manière illimitée pour ses dettes et les associés, comme les actionnaires, ne répondent pas des dettes sociales. Il y a une seule exception dans la Sàrl. Dans les statuts, les associés peuvent convenir d’une obligation d’effectuer des versements supplémentaires, dont le montant ne peut toutefois dépasser le double de la valeur nominale des parts sociales. Les versements supplémentaires sont exigés par les gérants si le capital social et les réserves légales ne sont plus couverts, si la société ne peut continuer à gérer ses affaires de manière diligente sans ces moyens additionnels ou pour un motif prévu par les statuts. Comme le montant des versements supplémentaires est limité et déterminé, l’introduction d’une telle clause dans les statuts peut non seulement améliorer la notation de crédit de l’entreprise mais aussi constituer un mécanisme souhaitable permettant l’obtention de fonds propres à des conditions favorables en période de difficultés. Responsabilité en cas de remise d'une entreprise La responsabilité joue également un rôle important lors de la reprise de l’actif et du passif d’une entreprise. Il s’agit de savoir qui l’encourt, sur quoi elle porte et combien de temps elle dure. Lors de la reprise de l’actif et du passif d’une entreprise individuelle, le nouveau titulaire répond en principe sur sa fortune et sur l’avoir qu’il a repris, dès que la reprise est accomplie. L’ancien titulaire de l’entreprise répond encore pendant 3 ans. L’associé qui vient d’entrer dans une société en nom collectif répond solidairement avec les autres associés. Il répond également, sur sa fortune, des engagements que la société a pris avant son entrée. C’est le contraire dans la société simple, où la responsabilité n’est pas rétroactive. L’associé sortant d’une société en nom collectif répond pendant 5 ans des dettes de la société, à moins que la créance en question ne soit soumise à une prescription plus courte. Comme, dans la Sàrl et la SA, seul l’avoir social est en cause, l’entrée et la sortie d’associés ou actionnaires n’ont aucun effet sur leur responsabilité. Aspects fiscaux Lorsqu’il s’agit de choisir la forme d’une entreprise, le régime fiscal mérite une attention particulière. Il convient de distinguer trois secteurs: • impôts ordinaires; • impôts sur les bénéfices de liquidation; • droits de mutation Impôts ordinaires: sur le revenu, sur le bénéfice, sur la fortune et sur le capital • Entreprise individuelle Etant de condition indépendante, le titulaire d’une entreprise individuelle paie l’impôt sur le revenu généré par l’exploitation de son entreprise. Sur le résultat de l’exploitation, intérêt du capital propre déduit, il doit acquitter en outre environ 10% à titre de contributions sociales (AVS). L’avoir commercial des titulaires d’entreprises individuelles est grevé de l’impôt sur la fortune. Les immeubles et les titres sont imposés à la valeur fiscale et non à la valeur comptable. • Sociétés de personnes Les associés sont soumis à l’impôt sur toutes leurs sources de revenus (salaire, part au bénéfice commercial, intérêts du capital propre). Ils doivent en 33 outre acquitter sur leurs revenus des contributions sociales représentant environ 10%, intérêt du capital propre déduit. L’impôt sur la fortune grève également leurs parts à l’avoir social. • Société anonyme et société à responsabilité limitée C’est dans la SA et dans la Sàrl que l’on rencontre la fameuse double imposition économique: premièrement, la SA et la Sàrl payent l’impôt sur le bénéfice net; deuxièmement, ce bénéfice net, lorsqu’il est distribué (dividende, etc.), est imposé une seconde fois chez l’actionnaire ou chez l’associé. Il y a lieu de noter que des mesures ont été prises au niveau législatif pour alléger cette double imposition économique. La plupart des cantons ont déjà promulgué des dispositions à cet effet. D’autres prévoient d’introduire un allègement de la double imposition économique à brève échéance. Sur le plan fédéral, des allègements ont été introduits (réforme II de la fiscalité des entreprises). Les mesures introduites ou envisagées prévoient une imposition réduite des dividendes. Cette imposition peut, il est vrai, être aussi atténuée comme suit: • l’actionnaire dirigeant se fait verser le plus gros salaire possible ainsi que des indemnités de frais forfaitaires raisonnables, ce qui réduit d’autant le bénéfice net; • le bénéfice est laissé dans l’entreprise. Les autorités fiscales n’admettent évidemment ni rémunérations fantaisistes, ni notes de frais astronomiques. Les limites varient selon l’importance de l’entreprise, le nombre des actionnaires dirigeants respectivement des associés, le bénéfice net déclaré, les situations personnelles. Le fait de laisser le bénéfice net dans l’entreprise appelle la remarque suivante: selon les circonstances, cela peut n’avoir guère de sens, de thésauriser durant des années des bénéfices dans une SA qui n’a pas besoin d’investir, puisque, comme le montrent les explications concernant l’impôt sur les bénéfices de liquidation, ces bénéfices seront en principe imposés un jour. Principalement pour une société qui enregistre régulièrement des bénéfices élevés, la double imposition économique se fera toujours sentir, même après que l’on aura épuisé les possibilités légales de l’atténuer. D’un autre côté, on constate dans certains cantons une taxation atténuée en faveur des SA et des Sàrl par rapport aux sociétés de personnes et aux entreprises individuelles. Dans l’éventualité où la distribution de bénéfice n’est pas l’élément principal, le choix en faveur de la SA ou de la Sàrl peut présenter des avantages fiscaux non négligeables. Chaque cas doit ainsi être soigneusement examiné en fonction des circonstances et des perspectives de développement. L’aspect fiscal n’est donc qu’un aspect (important certes) dans le choix de la forme juridique. Il convient en outre de retenir que les sociétés de personnes acquittent sur le salaire et le bénéfice des contributions sociales élevées (AVS, etc.), tandis que celles-ci ne sont pas perçues sur le bénéfice de la SA et de la Sàrl, ni sur le dividende distribué. Ainsi, l’avantage fiscal des sociétés de personnes par rapport aux sociétés de capitaux se trouve fortement relativisé. L’impôt sur le capital est perçu sur le capital et sur les réserves ouvertes: leur taux est généralement proche de 0,01%o - 5,5%o. L’actionnaire/associé est également soumis à une double imposition de la fortune. Nonobstant l’impôt sur le capital de la SA et de la Sàrl, l’action ou la part sociale est encore imposée comme fortune de l’actionnaire/associé. La valeur fiscale se fonde alors sur la valeur réelle de l’action ou de la part sociale. Impôts sur les bénéfices de liquidation Celui qui n’aurait pas voué d’emblée toute l’attention voulue aux aspects fiscaux touchant à la liquidation ou à la transformation de son entreprise pourrait avoir de fâcheuses surprises lorsqu’il sera plus tard gratifié d’une note salée au titre de l’impôt sur les bénéfices de liquidation. 34 Valeur comptable Valeur vénale Réserves latentes Immeuble Stock de marchandises 300 000.– 300 000.– 600 000.– 400 000.– 300 000.– 100 000.– Provisions 200 000.– 50 000.–* 150 000.– 550 000.– * Provisions nécessaires • Réserves latentes Le problème qui se pose à propos de l’impôt sur le bénéfice de liquidation tient aux réserves latentes, constituées au passif comme à l’actif lorsque valeur comptable et valeur vénale ne coïncident pas. On peut donner un exemple (voir tableau): Dans cet exemple, l’entreprise a constitué pour CHF 550 000.– de réserves latentes, créées principalement par des amortissements ou par des abattements sur les valeurs inscrites à l’actif ou par majoration de passifs et a donc économisé, durant des années, des impôts sur le revenu et la fortune. Cette économie d’impôt n’est toutefois que provisoire. En effet, l’imposition aura lieu lorsque les réserves latentes seront réalisées ou dissoutes (p. ex. par une réévaluation). C’est alors que l’on risque de devoir s’acquitter de l'impôt sur le bénéfice de liquidation. En effet, le bénéfice de liquidation est imposé comme un revenu, mais séparément des autres revenus, de telle sorte que ce revenu unique ne tombe pas entièrement dans la progression fiscale. • Vente et liquidation Quiconque vend ou liquide une entreprise individuelle ou une société en nom collectif se voit imposer les réserves latentes au titre de bénéfice de liquidation. Dès le 01.01.2011, la Confédération et les Cantons privilégieront l'imposition des bénéfices de liquidation en les imposant, entre autre, séparément des autres revenus. Lors de la vente d’une SA ou d’une Sàrl, c’est-à-dire de tout le paquet d’actions ou des parts sociales, il n’y a pas d’imposition du bénéfice tiré de cette vente. Il y a toutefois à cette règle les exceptions suivantes: • Il y a imposition lorsque les actions ou les parts sociales font partie de l’avoir commercial d’une entreprise astreinte à tenir une comptabilité ou lorsque les actions ont été vendues dans les cinq ans qui ont suivi une transformation en franchise d’impôt. • Lors d’une liquidation partielle indirecte, l’imposition peut également avoir lieu. Ce sera le cas si le détenteur d’une participation d’au moins 20 % provenant de sa fortune privée transfert (vend) cette participation dans la fortune commerciale d’un acquéreur, pour autant que de la substance existante et non nécessaire à l’exploitation soit distribuée par la société dans les 5 ans suivant la vente. En cas de liquidation d'une SA ou d'une Sàrl, le bénéfice de liquidation dépassant l'apport en capital est imposé dans la règle dès le 01.01.2011. S'il s'agit d'actions ou de parts sociales d'une entreprise astreinte à tenir une comptabilité, la différence entre le prix d'aliénation et le prix d'acquisition, respectivement la valeur comptable, est imposée. • Transformation La transformation d’une entreprise individuelle ou d’une société en nom collectif en une société de capitaux constitue en principe une liquidation. Toutefois, aucun impôt sur les bénéfices de liquidation ne sera perçu aux conditions suivantes: • le transfert des actifs et passifs se fait aux valeurs comptables. Les valeurs comptables avant et après la transformation doivent être identiques. S’il y a eu réévaluation, la différence est imposée comme dissolution de réserves latentes; • les rapports de participation ne sont pas modifiés; 35 • une interdiction de revente des actions ou parts sociales de 5 ans est observée. 1er exemple: trois membres d’une société en nom collectif participant au capital à raison de 40%, 30% et 30% respectivement, fondent une SA dont les actions sont réparties entre eux dans la même proportion. 2e exemple: le titulaire d’une entreprise individuelle fonde une SA dont le capital-actions est sa propriété exclusive. Il cède une action à chacun des cofondateurs de la société. Si l’actionnaire majoritaire aliène des actions dans les 5 ans, l’impôt sur le bénéfice de liquidation est perçu après coup. Droits de mutation Lorsqu’un immeuble change de propriétaire, le droit de mutation doit être acquitté. Il varie d’un Canton à l’autre et se situe entre 0,5% et 3% de la valeur vénale de l’immeuble. Dans les cas mentionnés de transformation en franchise d’impôt, les cantons ne perçoivent plus de droit de mutation. Lorsqu’une SA ou une Sàrl possède un immeuble et que tout le capital-actions change de mains, aucun droit de mutation n’est perçu. Cela tient au fait que la SA est une société de capitaux et non une société de personnes, et que le changement de mains de la totalité des actions ou des parts sociales ne nécessite aucune mutation au registre foncier. Il convient toutefois d’apporter à ce principe une restriction importante: lorsqu’il s’agit d’une pure société anonyme immobilière (dont l’immeuble constitue l’actif principal sans qu’elle n'exerce aucune activité commerciale ou industrielle), le droit de mutation est également perçu lorsque la totalité ou la majorité des actions changent de mains. Cette mesure s’impose car y renoncer serait ouvrir la porte toute grande à l’abus de droit, puisqu’il suffirait de constituer une SA pour vendre un immeuble de haute valeur vénale en échappant à l’imposition. La même règle vaut pour une Sàrl immobilière. 36 Hériter sans être prétérité. GARANTIE DE CONTINUATION DE L’ENTREPRISE EN CAS DE SUCCESSION On ne peut ici qu’esquisser les problèmes que pose la continuation de l’entreprise. Aussi ne trouvera-t-on pas dans ces lignes de recettes toutes prêtes, mais seulement des suggestions. D’autre part, l’exposé se limite au cas principal du transfert par voie de succession. Toute solution juridique relative à la continuation de l’entreprise dépend de facteurs innombrables, tels que situation personnelle et familiale, régime matrimonial, fortune privée, importance et structure de l’entreprise, aspects fiscaux, etc. Il est recommandé dans tous les cas de consulter un spécialiste, afin de ne pas aller, par des dispositions erronées, à l’encontre du but visé et semer la discorde entre les héritiers. Il est indispensable, pour saisir ce problème, de connaître l’essentiel des régimes matrimoniaux et du droit successoral. C’est pourquoi ils seront exposés ci-après. 37 Eléments essentiels des régimes matrimoniaux et du droit successoral Tout commerçant marié soucieux d’assurer la continuité de son entreprise doit être conscient qu’il ne peut disposer à son gré de sa fortune en prévision de son décès, que ce soit par testament ou par pacte successoral, mais qu’il le peut seulement dans les limites assez étroites fixées par la loi. La quotité disponible se calcule sur l’actif successoral, qui n’est pas identique à la fortune nette des époux. En effet, à la dissolution du mariage, c’est-à-dire à la mort de son mari, la femme a droit à sa part qui, sous le régime ordinaire de la participation aux acquêts, se compose de la moitié du bénéfice et de ses biens propres. Ce qui reste après soustraction des biens de la femme, autrement dit après liquidation du régime matrimonial, constitue les biens du mari. C’est cette part qui forme la succession proprement dite. Le mari ne peut pas disposer librement de sa succession, car ses héritiers les plus proches ont droit à la réserve héréditaire, quote-part de la succession qui leur revient même contre la volonté du testateur. Plus un héritier est proche parent du testateur, plus sa réserve est élevée et, partant, plus la quotité disponible est réduite. En résumé: le testateur désireux de savoir ce qu’il pourra laisser, au maximum, à celui qui reprendra son affaire, devra d’abord déduire de la fortune nette des époux la part de sa femme et, ensuite, les réserves de ses héritiers. L’exemple simple qui suit éclaire le principe de la liquidation des biens matrimoniaux et des biens successoraux. La réserve héréditaire des fils A et B s’élève aux 3/4 de leur part légale (soit CHF 15 000.– chacun). Celle de son épouse est égale à 1/2 de sa part légale de CHF 40 000.–, soit CHF 20 000.–. Le testateur peut ainsi disposer librement de CHF 30 000.–. S’il entend favoriser au maximum son fils A, qui continue d’exploiter l’entreprise, il peut lui laisser CHF 45 000.–. Celui-ci ne pourrait recevoir davantage que si son frère B et sa mère renonçaient volontairement à leur réserve héréditaire. La quotité disponible d’un testateur ayant femme et enfant(s) équivaut toujours au 3/8 de la succession. Le droit successoral fixe ainsi des limites relativement étroites aux avantages pouvant être accordés à celui qui va poursuivre l’exploitation. Lorsque le commerce ou l’entreprise constitue le gros de la succession, le fils désigné pour reprendre l’affaire se voit donc contraint de payer à sa mère et à ses frères et sœurs la réserve héréditaire à laquelle ils ont droit. Le père peut toutefois prendre des mesures de son vivant (contrat de mariage ou autre) combinées avec des dispositions pour cause de mort (pacte successoral, testament), en vue d’atténuer quelque peu ces restrictions, mais non les contourner, car il commettrait alors un abus de droit qui pourrait de ce fait être annulé en justice. On ne peut donc résoudre un problème de succession qu’en tenant compte des limites légales imposées par le droit successoral (voir également la brochure «Partage et succession – Principes et pratiques des régimes matrimoniaux et du droit successoral» du même auteur). Si le testateur possède une fortune privée suffisante pour satisfaire les héritiers réservataires sans toucher à l’avoir commercial, ni les régimes matrimoniaux, ni le droit successoral ne posent de problèmes. Le pacte successoral La solution idéale pour régler la succession de l’entreprise avec le concours et l’assentiment de tous Fortune nette des époux CHF 150 000.– ./. biens de la femme (apports, biens propres et part du bénéfice) CHF 70 000.– = biens du mari, ou succession du mari Mari † Femme CHF 80 000.– 1 /2 = 40 000.– = part successorale légale 1 /4 = 20 000.– = réserve héréditaire Fils A Fils B (= 1/2 de la part 1 /4 = 20 000.– 1/4 = 20 000.– successorale légale) A/B 20 000.– chacun = part successorale légale 15 000.– chacun = réserve héréditaire (= 3/4 de la part successorale légale) 38 les héritiers réservataires consiste à passer, devant notaire, un pacte successoral. C’est jouer cartes sur table, et ni le chef de l’entreprise ni celui qui est appelé à prendre sa place à la tête de celle-ci n’ont à craindre que la solution adoptée à ce sujet suscite du mécontentement et soit attaquée, puisque tous les intéressés l’ont approuvée. Un pacte successoral destiné à régler la reprise d’une entreprise porte essentiellement sur les points suivants: • Règles de partage • Attribution de l’entreprise individuelle, de la part au capital d’une société en nom collectif ou d’une société en commandite, ou de la totalité des actions ou des parts sociales de la société à l’héritier désigné pour reprendre l’entreprise. • Tous les autres biens qui ne sont pas nécessaires à l’exploitation sont répartis entre les autres héritiers. • Renonciation à la réserve Les autres héritiers acceptent expressément que les règles de partage convenues portent atteinte à leur droit à la réserve. Une telle renonciation ne s’obtient généralement qu’en les désintéressant d’une autre façon. • Désintéressement des cohéritiers Les solutions suivantes permettent d’éviter que les cohéritiers ne soient désavantagés de façon durable: • Part au bénéfice Si l’héritier vient à aliéner l’entreprise qu’il a ainsi reçue (ou les actions ou part sociales), il est tenu, jusqu’à l’expiration d’une certaine période (p. ex. 10 ans), de verser à ses cohéritiers une part déterminée du bénéfice réalisé. Il importe de fixer dans le pacte une formule aussi claire que possible pour établir le bénéfice (p. ex. différence entre le prix de vente d’une part, et la valeur de reprise à laquelle on ajoute le montant des dépenses ayant augmenté cette valeur et un supplément de 1% l’an sur la durée de possession). Quand certains éléments seulement de l’entreprise sont aliénés, le calcul est plus problématique. • Paiement par acomptes Le paiement de la totalité de la part successorale des cohéritiers en acomptes portant intérêts (p.ex. acomptes annuels réguliers sur 10 ans) est certes une solution claire, mais rigide. Elle a pour désavantage de ne pas tenir compte des liquidités de l’entreprise et, suivant le cas, de causer des problèmes financiers au successeur. • Participation des cohéritiers sous diverses formes • Attribution de la minorité des actions ou parts sociales aux autres héritiers (problème examiné plus loin). • Répartition sous forme de commandites. Si l’entreprise est une entreprise individuelle ou une société en nom collectif, sa transformation ultérieure en société en commandite peut être convenue. Le chef d’entreprise est alors associé indéfiniment responsable, et les autres héritiers deviennent commanditaires pour le montant de la part successorale qui ne leur a pas été versée, avec droit à une part de bénéfice et à un intérêt sur la commandite. • Participation en tant que prêteur: les cohéritiers accordent un prêt pour la différence par rapport à la part successorale. Le prêt est stipulé à long terme non résiliable ou partiellement résiliable et porte intérêt. • Institution d’un exécuteur testamentaire Les dispositions relatives au désintéressement des cohéritiers laissent généralement place à une marge d’appréciation. Le nouvel exploitant, qui est en position de force, risque d’abuser de la situation. C’est pourquoi il est recommandé de désigner un exécuteur testamentaire chargé de veiller à ce que le pacte successoral soit observé aussi équitablement que possible après le décès du chef d’entreprise, et à ce que d’éventuelles contestations soient liquidées à l’amiable. La conclusion d’un pacte successoral présuppose naturellement que les héritiers s’accordent à favoriser l’un d’entre eux en lui laissant l’entreprise, renonçant pour ce faire à des intérêts personnels à court terme. Par ailleurs, un tel pacte ne peut être conclu qu’entre personnes majeures. 39 Le testament Lorsqu’un pacte successoral n’entre pas en ligne de compte, le chef d’entreprise peut, par testament, c’est-à-dire dans les limites étroites de la réserve et de la quotité disponible, favoriser, au moyen de règles de partage appropriées, l’héritier qu’il choisit pour le remplacer à la tête de l’entreprise. Il peut l’avantager indirectement par le biais de son épouse, mère du nouvel exploitant, puisque la loi permet de laisser à l’épouse, à la charge des enfants nés pendant le mariage, l’usufruit de toute la succession. L’usufruit permet de retarder le partage. L’héritier choisi doit, avec l’aide de sa mère, pouvoir s’assurer dans l’entreprise une position qui lui permette, en temps voulu, de reprendre celle-ci et de désintéresser ses cohéritiers. Succession dans une société de personnes Les dispositions réglant la situation au décès de l’un des associés constituent un élément essentiel d’un bon contrat de société. acomptes égaux au plus, à la fin de chaque année. La part de capital à verser porte intérêt pro rata temporis au taux que la banque X accorde à l’époque sur les obligations de caisse de même durée.» Si la clause relative au versement par acomptes ne règle pas toute la succession, elle empêche tout au moins que l’entreprise ne succombe à une ponction excessive. Elle garantit sa survie et met les associés à l’abri des exigences déraisonnables des héritiers de leur collègue décédé, tout en tenant compte équitablement des intérêts de ces héritiers. Un associé peut aussi, d’entente avec ses partenaires, faire entrer son successeur dans l’entreprise et lui remettre, à titre d’apport initial, une part de son propre apport en capital, en lui avançant par exemple sa part successorale. Au décès du père, la clause relative au versement par acomptes assure la position de l’héritier en qualité de co-associé. La disposition essentielle règle le paiement par acomptes de la part à l’actif social. Une telle clause peut avoir, par exemple, la teneur suivante: Lorsque l’héritier, étant en période de formation, ne peut encore être désigné pour reprendre l’affaire, il est recommandé d’insérer dans le contrat de société une déclaration d’intention au terme de laquelle les co-associés se déclarent disposés à recevoir dans la société, comme associé à droits égaux, l’héritier qui aurait les capacités requises. Une obligation de leur part ne serait pas souhaitable car, dans une société de personnes, on ne saurait imposer aux associés un partenaire indésirable ou incapable. Simultanément à cette déclaration doit être établi un testament qui attribue à l’héritier choisi la part du testateur au capital social, jusqu’à concurrence de la part successorale ou, tout au plus, dans les limites de la quotité disponible. «Le remboursement de la part de l’actif social qui revient à l’associé sortant ou aux héritiers de l’associé décédé doit se faire par acomptes, de façon à éviter que la survie de l’entreprise ne soit mise en péril. Une part du capital qui ne dépasse pas CHF 30 000.– doit être versée au plus tard dans l’année qui suit la sortie. Des parts plus importantes, jusqu’à concurrence de CHF 300 000.–, seront versées par acomptes de CHF 30 000.– à la fin de chaque année. Si la totalité des parts en capital dépasse CHF 300 000.–, le versement se fera en 10 La clause réglant le versement par acomptes, qui est sans doute la convention principale entre associés, ne peut, en principe, être attaquée par les héritiers, même si elle retarde le versement immédiat de leur réserve. Il sied cependant de mettre en garde contre des clauses abusives, prévoyant par exemple le versement d’acomptes minimes durant une période prolongée. En effet, de telles clauses, servant moins à maintenir la société qu’à retenir les réserves, pourraient être attaquées par les héritiers de l’associé décédé, car elles constitueraient un abus de droit. Il convient d’abord de décider que la société ne sera pas dissoute, mais maintenue par le ou les co-associés, les héritiers de l’associé décédé n’ayant droit qu’à leur part comptable au capital ainsi qu’à une part des réserves latentes. Il importe également d’établir le critère selon lequel l’actif social sera estimé (cf. «Fondation et organisation – Société de personnes»). 40 Succession dans une société anonyme ou dans une société à responsabilité limitée On imagine généralement que si le problème de la continuation est compliqué dans une société de personnes, il n’existe pas dans une société de capitaux. Nous avons vu comment, dans la société de personnes, la continuation pouvait être garantie par la clause du versement des acomptes. Il nous reste à signaler quelques difficultés pouvant surgir dans la société de capitaux. Il n’est pas rare qu’une entreprise soit convertie en SA ou en Sàrl dans l’idée très répandue que cette mesure résout tous les problèmes que posent la continuation de l’entreprise et le respect de la réserve, les actions ou parts sociales étant réparties entre tous les héritiers de telle sorte qu’un successeur obtienne la majorité du capital et par là une position dominante dans la société, ses cohéritiers minorisés recevant cependant aussi des actions. Théoriquement, le calcul joue à coup sûr comme le montre l’exemple suivant relatif à une SA (applicable par analogie à une Sàrl et à la répartition de son capital). Par hypothèse, les 100 actions à CHF 1 000.– de l’entreprise à remettre pourraient être réparties comme suit entre les trois frères et sœurs: • fils A qui reprend l’affaire 52 actions • fils B 24 actions • fille C 24 actions 100 actions les destinées de la société. S’il lui plaît qu’il en soit ainsi, l’actionnaire minoritaire est réduit au rôle de figurant. Diverses thèses sont avancées quant à la valeur de la minorité des actions dans le calcul des réserves. A l’extrême, certains estiment que la minorité des actions, puisqu’elle ne peut être négociée, ne doit pas être prise en considération pour calculer la réserve. Généralement, l’actionnaire minoritaire ne peut que conserver ses titres puisqu’il ne trouve pas acquéreur. Or, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l’héritier n’est tenu de laisser imputer sur sa réserve que des valeurs qu’il pourra réaliser aisément. D’autres, plus modérés, admettent qu’une minorité d’actions puisse être partiellement imputée sur la réserve, à condition que les statuts améliorent la possibilité de négocier les actions (pas d’actions nominatives liées), ainsi que la position du ou des actionnaires minoritaires (par exemple en garantissant un siège au conseil d’administration ou le droit de nommer l’organe de révision, etc.). Une autre variante prévoit un «supplément de majorité», c’est-à-dire que l’actionnaire majoritaire doit admettre que la valeur de ses actions soit augmentée en vue de son imputation. Elle n’indique pas, toutefois, comment ce supplément doit se calculer. L’écart ainsi réduit par rapport à la réserve de B et C peut être compensé soit par l’attribution d’autres éléments de la succession, soit par des versements de A. Toutefois, la répartition des actions a elle aussi ses inconvénients. Bref, le partage mathématique des actions est loin d’écarter le risque d’une atteinte à la réserve. Au contraire, la diversité des opinions et l’absence d’une jurisprudence claire du Tribunal fédéral laissent la porte grande ouverte à des contestations fâcheuses. • Majorité et minorité d’actions Il faut retenir en particulier qu’en cas de succession, les valeurs attribuables aux actions qui constituent la majorité ou la minorité ne sont pas proportionnelles au nombre des titres. Cela tombe sous le sens puisque, selon le droit en vigueur, l’actionnaire majoritaire tient, pratiquement sans opposition, les leviers de commande. Il domine l’assemblée générale et nomme le conseil d’administration. C’est lui qui décide si un dividende sera distribué et qui dirige • Estimation des actions Mise à part la question de savoir à quelle valeur les actions doivent être imputées selon qu’elles constituent une majorité ou une minorité, le problème de l’estimation des actions ou parts sociales se pose chaque fois qu’il s’agit de les répartir de façon inégale. Ni la valeur fiscale ni – et bien moins encore – la valeur nominale ne correspondent à la valeur intrinsèque (réelle) d’une action ou part sociale. Pour établir cette valeur, il ne reste rien d’autre à faire que 41 d’estimer l’entreprise dans son ensemble – comme dans le cas d’une société de personnes – afin d’établir le montant des réserves latentes (en particulier sur les immeubles, les travaux en cours, les stocks de marchandises, etc.) et de tenir compte d’autres facteurs décisifs pour l’estimation (risque, liquidité, prévisions, etc.). En cas de succession, même la forme de la SA ou Sàrl ne saurait dispenser d’une estimation sérieuse de l’entreprise. • Continuité de la société anonyme et de la société à responsabilité limitée De par sa nature, la société de capitaux est vouée à la continuité, davantage qu’une entreprise individuelle ou une société de personnes. En effet, le titulaire d’une entreprise individuelle peut faire radier sa raison sociale en faisant la demande au registre du commerce. Les sociétés de personnes, elles aussi, peuvent être liquidées sans grandes formalités. Pour la société de capitaux, les modalités de la liquidation sont beaucoup plus compliquées, puisqu’elles comportent en particulier un triple appel officiel aux créanciers et que la décision de liquidation doit faire l’objet d’un acte authentique. D’autre part, il est plus facile d’aliéner la société de capitaux dans son ensemble. Toute l’entreprise change alors de mains par simple transfert des actions ou parts sociales. Cette mobilité peut à son tour, suivant les intérêts en présence, être soit un avantage bienvenu, soit un inconvénient de la société de capitaux, puisqu’elle permet de modifier le rapport de participation sans complications et sans visibilité externe. Cela n’est que partiellement applicable à la Sàrl puisque, comme on l’a vu, le nouvel associé doit être inscrit au registre du commerce et faire l’objet d’une publication. Fondation d’entreprise Une entreprise peut aussi, à long terme, être maintenue au moyen d’une fondation d’entreprise, qui peut être instituée soit par acte de fondation, du vivant du fondateur, soit par testament. Par fondation d’entreprise on entend une fondation qui exploite elle-même une industrie ou qui influe indirectement sur les destinées d’une entreprise, par exemple en ayant une participation majoritaire. On sait qu’une fondation d’entreprise aménagée en fondation de famille échappe à la surveillance encombrante de l’autorité. Il est toutefois contesté qu’une fondation de famille qui possède une participation majoritaire à une entreprise constituée en SA avec la destination suivante: «Maintien de l’entreprise afin de fournir des emplois aux membres de la famille et de soutenir ceux d’entre eux qui en ont besoin» puisse être considérée comme fondation de famille. Contrairement à un ancien arrêt du Tribunal fédéral, la doctrine dominante admet aujourd’hui à bon droit qu’une telle fondation constitue une authentique fondation de famille. Il convient toutefois, en pareil cas, d’appliquer encore d’autres critères pour qualifier une telle institution de fondation de famille, voire de simple fondation. Ce sont la participation au bénéfice, les actions à droit de vote privilégié, l’interdiction de fidéicommis, etc., qui ne peuvent être abordées ici. Ce bref commentaire est censé montrer que la fondation d’entreprise, surtout sous la forme d’une fondation de famille, constitue un instrument intéressant, mais d’un maniement très lourd, pour assurer le maintien d’une entreprise. Cette solution ne devrait être envisagée que lorsque aucun associé capable de reprendre l’affaire ne s’impose de manière évidente. Comme la fortune de la fondation devient une entité autonome et que le pouvoir d’en disposer échappe en principe aux héritiers, même s’ils en sont bénéficiaires, il faut, en instituant une fondation par testament, respecter également les limites imposées quant à la réserve héréditaire. 42 La croissance ensemble. LA LOI SUR LA FUSION La loi sur la fusion, avec ses 111 articles, est en vigueur depuis le 01.07.2004. Elle régit les restructurations d’entreprises et devrait surpasser en importance les révisions du droit des sociétés anonymes de 1991 et 2008. Contrairement à ce qu’on pourrait en déduire en lisant le titre abrégé de la loi, l’acte législatif ne traite pas seulement des fusions, mais introduit également trois nouvelles institutions juridiques: la scission, la transformation et le transfert de patrimoine. Des opérations entre sociétés de forme juridique différente sont désormais également possibles: c’est ainsi qu’une société en nom collectif peut fusionner avec une Sàrl, une coopérative être transformée en association, par ailleurs, des parts de patrimoine d’une SA peuvent être transférées dans une Sàrl. La loi tient compte d’une manière appropriée aussi bien des intérêts des parties engagées que de ceux des créanciers et des travailleurs concernés par la restructuration. Les restructurations, pour peu que l’on prenne les dispositions nécessaires, peuvent être effectuées en règle générale de manière neutre sur le plan fiscal. 43 Procédure simplifiée pour les PME moyennant l’approbation de tous les associés Les différentes étapes de la procédure sont relativement compliquées et échelonnées dans le temps. La loi prévoit toutefois que les petites et moyennes entreprises (PME) peuvent renoncer à certaines étapes de la procédure (rapports supplémentaires, vérification par un réviseur, procédure de consultation avec échéances, etc.) moyennant le consentement de l’ensemble des associés. Les PME sont définies de la manière suivante: Il s’agit de sociétés non cotées en bourse, remplissant les critères suivants: • total du bilan inférieur à CHF 20 millions • chiffre d’affaires inférieur à CHF 40 millions • nombre d’employés à plein temps inférieur à 200 en moyenne annuelle Un de ces trois critères peut être dépassé. Etant donné que près de 99% des sociétés suisses inscrites au registre du commerce tombent dans la catégorie des PME, nous ne traiterons ci-après que les procédures (simplifiées) applicables aux PME, en supposant qu’il y a consentement entre les parties et entre les associés, ce qui est majoritairement le cas dans la pratique. Les nombreuses possibilités de restructuration de toutes les formes juridiques (société en nom collectif, société en commandite, SA, Sàrl, coopérative, association, fondation, institution de prévoyance professionnelle) ne peuvent pas toutes être présentées. En conséquence, les explications se limitent à la société en nom collectif, à la SA et à la Sàrl. Les entreprises individuelles et les sujets de droit privé ne disposent que de l’institution juridique du transfert de patrimoine. Ils ne peuvent ni fusionner ni être scindés. Au sujet de la fusion La fusion peut être définie comme étant la réunion juridique de deux sociétés ou plus sans liquidation, par transfert de patrimoine et, en général, contre attribution de parts sociales ou de droits de sociétariat de la société reprenante aux associés de la société transférante. La société qui transfère son patrimoine est dissoute et l’ensemble de ses actifs et passifs est transféré par voie de succession à titre universel à la société reprenante (par conséquent, aucune mesure de transfert séparée pour les différentes opérations juridiques ou valeurs patrimoniales n’est nécessaire). Les sociétés participant à la fusion peuvent convenir dans le cadre du contrat de fusion que les associés de la société transférante ont le choix entre des droits sociaux et un dédommagement. Il est même possible de convenir de manière contraignante de n’octroyer à un associé qu’un dédommagement pour autant que 90% au moins des associés de la société transférante ayant droit de vote y consentent. Avec cette «clause de quérulent», neuf actionnaires pourraient ainsi, par fusion, exclure de la société un dixième associé indésirable en lui attribuant un dédommagement. La décision de fusion doit être soumise à l’assemblée générale et doit être établie en la forme authentique. L’établissement d’un rapport de fusion et la vérification du contrat de fusion, du rapport de fusion et du bilan de fusion par un expert-réviseur agréé ne sont nécessaires que si cela est demandé expressément par un associé, donc en l’absence de consentement unanime. Lors d’une fusion mère fille ou entre sociétés sœurs, il est possible de renoncer à une augmentation du capital et à l’émission de nouvelles parts. Il n’est pas nécessaire qu’une décision de fusion des deux assemblées générales fasse l’objet d’un acte authentique. L’organe de décision suprême (conseil d’administration, gérant) peut donc décider et opérer une fusion de son propre chef, et aussi sans vérification par un expert-réviseur agréé Contrairement à la pratique qui était jusqu’à présent en vigueur, la loi ne prévoit s’agissant de la protection des créanciers qu’une protection postérieure à la fusion, c’est-à-dire que les créanciers ont seulement après la publication dans la FOSC (avis aux créanciers) la possibilité d’exiger la garantie de leurs créances pendant un délai de trois mois. La société reprise peut être radiée indépendamment des intérêts des créanciers, déjà au moment de la réquisition de l’inscription de la fusion au registre du com- 44 merce. Il est même possible de renoncer à publier un appel aux créanciers lorsqu’un expert-réviseur agréé confirme que l’ensemble des créances pourront être couvertes au moyen de la fortune disponible des sociétés qui fusionnent. Les travailleurs peuvent exiger que la société reprenante garantisse les créances résultant du contrat de travail ou alors refuser le transfert des rapports de travail à la société reprenante. Au sujet de la scission Dans le cadre d’une scission, une société transfère une ou plusieurs parts de son patrimoine à une autre société. Ses associés reçoivent des droits de participation de la société reprenante. Il s’agit là de ce qu’on appelle une scission verticale par opposition à une scission horizontale, désignée aussi par démembrement avec transfert de parts dans une filiale, opération qui n’est pas réglementée dans le cadre de la loi sur la fusion. Dans le cadre d’une division, l’ensemble du patrimoine est divisé et les parts transférées à d’autres sociétés, la société transférante étant dissoute. S’agissant de la séparation, seule une partie du patrimoine est transférée à une autre société, la société transférante continuant à exister. Les parts du patrimoine peuvent être transférées à une ou plusieurs sociétés existantes ou nouvellement fondées. La scission est en quelque sorte l’inverse d’une fusion. Des scissions avec des sociétés de formes juridiques différentes sont également possibles, p.ex.: une SA procède à une séparation d’une part de son patrimoine et la transfère dans une Sàrl nouvellement fondée. Les associés de la société transférante peuvent recevoir un nombre de parts sociales au prorata de leur participation antérieure (= scission symétrique). Une scission asymétrique est toutefois également possible: un groupe d’actionnaires de la société transférante abandonne sa participation dans la société en question et reçoit en contrepartie des parts sociales dans la Sàrl reprenante. Le point central de la procédure de scission consiste en l’élaboration du contrat ou du projet de scission qui contient tous les détails de la scission (données relatives à la fondation de la nouvelle société, rapport et modalités d’échange, etc.) et en particulier un inventaire détaillé désignant clairement les objets du patrimoine, actifs et passifs qui sont transférés. La décision de scission est prise par l’assemblée générale de la société transférante et doit faire l’objet d’un acte authentique. Si les réserves librement disponibles sont suffisantes, aucune réduction du capital ne doit être effectuée. Contrairement à ce qui est le cas lors d’une fusion, on prévoit une protection préalable des créanciers par le fait que les créanciers doivent être informés par triple publication dans la FOSC du fait qu’ils peuvent exiger des sûretés s’ils produisent leurs créances. Les employés concernés doivent également être informés préalablement. Comme dans le cas d’une fusion, ils ont le droit d’exiger des sûretés pour leurs créances ou de refuser le transfert des rapports découlant du contrat de travail. En lieu et place d’une part de patrimoine il est également possible de transférer uniquement certains actifs. Dans ce cas, la procédure ne peut en principe pas être effectuée de manière neutre sur le plan fiscal. Au sujet de la transformation La transformation est définie comme étant la modification de la forme juridique d’une société, l’ensemble des rapports patrimoniaux et sociaux de la société ne s’en trouvant pas modifiés. Malgré le changement de forme juridique, la société conserve son identité et sa personnalité y compris tous ses droits et obligations. Par conséquent, aucune prescription spéciale en matière de protection des créanciers ou des travailleurs ne doit être observée. Lors de la transformation d’une Sàrl en SA, l’organe supérieur de direction établit un projet de transformation (de manière analogue au contrat ou au projet de scission en cas de scission). Par la suite, la décision de transformation qui fera l’objet d’un acte authentique devra être prise dans le cadre d’une 45 assemblée générale et le rapport d’échange (nombre d’actions par part sociale) ainsi que les données de référence de la nouvelle société (statuts, etc.) devront être définis. Lors de la transformation d’une Sàrl en SA il y a lieu de relever que le capitalactions doit s’élever au minimum à CHF 100 000.– . Ainsi, une Sàrl disposant d’un capital social de CHF 20 000.– devra le cas échéant augmenter préalablement ce capital à CHF 100 000.–. Contrairement à ce qui est le cas pour la fusion, la transformation d’une société présentant un déficit au bilan ou un surendettement n’est pas possible. Au sujet du transfert de patrimoine Dans le cadre d’un transfert de patrimoine tout ou partie du patrimoine d’un sujet de droit est transféré dans le cadre d’un contrat écrit muni d’un inventaire détaillé à un autre sujet de droit (également à une entreprise individuelle ou un sujet de droit privé), sans que les règles de forme propres au transfert individuel de ces éléments patrimoniaux doivent être respectées. Seule exception: si des immeubles sont transférés, le transfert doit faire l’objet d’un acte authentique, cela étant, un seul acte authentique établi par un notaire au siège du sujet de droit transférant suffit, ceci même si les immeubles se trouvent dans différents cantons. Le contrat de transfert de patrimoine ne doit pas être approuvé par l’assemblée générale. Toutefois, si la part du patrimoine transférée représente plus de 5% du total du bilan, une information devra figurer à ce sujet dans l’annexe aux comptes annuels. Contrairement à ce qui est le cas pour la fusion, la scission et la transformation dans le cadre desquelles tant des aspects patrimoniaux que des questions liées au sociétariat sont réglés, le transfert de patrimoine ne comporte aucun aspect lié au sociétariat (dédommagement en actions, parts sociales), mais la contre-prestation consiste en argent ou en valeurs matérielles. Les créanciers de la société transférante sont protégés par le fait que les sujets de droit reprenants et transférants répondent solidairement pendant encore 3 ans des engagements qui existaient avant le transfert du patrimoine. Le transfert de patrimoine doit être annoncé au registre du commerce et il fera l’objet d’une publication. Les rapports de travail sont automatiquement transférés. Là aussi, le travailleur peut s’opposer au transfert et les sociétés concernées et les sujets de droit répondent solidairement pendant encore 3 ans. Par ailleurs, les travailleurs doivent être informés préalablement du transfert. En l’absence d’une information/consultation, les travailleurs peuvent faire bloquer l’inscription du transfert de patrimoine au registre du commerce jusqu’à ce que le tribunal statue. L’institution du transfert de patrimoine «concurrence» en partie la fusion et la scission. La pratique montre que cette institution juridique est bien utilisée. Les cas d’application suivants sont à mettre en évidence: • transfert d’une part de patrimoine, le dédommagement n’ayant pas lieu – contrairement à ce qui est le cas lors d’une scission – par remise de parts sociales, mais en argent; • transfert d’un patrimoine avec actifs et passifs (remplacement de l’art. 181 CO supprimé); • alternative à des fusions simples (p.ex. sociétés unipersonnelles); • «transformation» d’une entreprise individuelle en SA/Sàrl (fondation par apports) • fondation d’une filiale (démembrement de patrimoine) Répercussions fiscales Les répercussions fiscales de la loi sur la fusion sont moins graves que ne le font supposer les montagnes de dispositions légales supplémentaires et les commentaires. En règle générale il est possible de procéder à une restructuration sur la base de la loi sur la fusion de manière neutre sur le plan fiscal (pas d’imposition des réserves latentes), si les conditions suivantes sont respectées (voir également le chapitre «aspects fiscaux»): • reprise aux valeurs comptables fiscalement reconnues; • pas de modification substantielle des rapports de participation; 46 • respect de l’interdiction d’aliéner pendant cinq ans; • poursuite de l’assujettissement fiscal en Suisse. une filiale (scission horizontale), le délai de blocage de 5 ans est toujours valable. L’interdiction d’aliéner pendant une période de cinq ans est supprimée lors de scissions de parts du patrimoine dans des sociétés sœurs (scission verticale). Il y a toutefois lieu de tenir compte du fait que lors d’une «scission» de parts avec transfert dans Cela étant, bien des pièges fiscaux subsistent lors de restructurations selon la loi sur la fusion, de sorte qu’en plus d’un accompagnement juridique, un service-conseil fiscal avisé est indispensable. BDO SA www.bdo.ch Aarau Lausanne Tél. 021 310 23 23 Affoltern a. A. Tél. 043 322 77 55 Tél. 062 834 91 91 Liestal Tél. 061 927 87 00 Altdorf Tél. 041 874 70 70 Lucerne Tél. 041 368 12 12 Baden-Dättwil Tél. 056 483 02 45 Lugano Tél. 091 913 32 00 Bâle Tél. 061 317 37 77 Olten Tél. 062 387 95 25 Berne Tél. 031 327 17 17 Porrentruy Tél. 032 465 93 00 Bienne Tél. 032 346 22 22 Sarnen Tél. 041 666 27 77 Burgdorf Tél. 034 421 88 11 Sion Tél. 027 324 70 70 Delémont Tél. 032 421 40 77 Soleure Tél. 032 624 62 46 Fribourg Tél. 026 435 33 33 Stans Tél. 041 618 05 50 Genève Tél. 022 322 24 24 Saint-Gall Tél. 071 228 62 00 Glaris Tél. 055 645 29 30 Sursee Tél. 041 925 55 55 Granges Tél. 032 654 96 96 Wetzikon Tél. 044 931 35 85 Herisau Tél. 071 353 35 33 Wil Tél. 071 913 86 10 Kreuzlingen Tél. 071 677 97 97 Zoug Tél. 041 757 50 00 Lachen Tél. 055 451 52 30 Zurich Tél. 044 444 35 55 Laufen Tél. 061 766 90 60 Audit · Fiduciaire · Conseil