Les scénarios - Natsehestahe

Transcription

Les scénarios - Natsehestahe
LE
DERNIER
MATIN
DU
MONDE
LIVRE SECOND
LES QUATRE CHANTS
Le Dernier Matin du Monde - Livre 2
Les Quatre Chants
troisième édition : septembre 2008
Date : 08/10/96 23:24
Auteurs :
Pierre Lejoyeux,
Antoine Chéret,
Étienne de La Sayette
Plans :
Christophe Demartis
Dessins :
Jidus
LIVRE SECOND
LES QUATRE CHANTS
Introduction
L
e Second Âge fut un temps de grande magie. Les hommes, devenus fous de puissance, rivalisèrent avec les Dragons euxmêmes. Ils troublèrent les Grands Rêveurs au point que ceuxci, n’aimant plus ce qu’ils rêvaient, décidèrent de se réveiller pour
tout effacer et recommencer.
L
es Dragons éliminèrent tout ce qui les gênait. En secret, chacun cependant garda des « souvenirs », bons ou mauvais. Au
temps présent, celui des voyageurs, on trouve çà et là ces «
souvenirs », vestiges du Second Âge, petits ou grands. Ils vont d’un
simple livre ou morceau de statue à une grande cité ceinte de
murailles, sans oublier les tombeaux enfouis au cœur des montagnes
et les tronçons de routes qui ne vont plus nulle part.
L
’histoire du Dernier Matin du Monde est celle d’un de ces
« souvenirs » de Dragon. Imaginez un royaume paisible, où
les hommes vivaient en paix entre eux et avec les Dragons,
où les haut-rêvants utilisaient leur art avec parcimonie, sans
jamais s’inquiéter de ce qu’en penseraient les Grands Rêveurs. Un
tel royaume exista et fut choyé par les Dragons. Aussi, quand il fallut tout détruire, les Dragons eux-mêmes furent déchirés à la vue
de ce pays idéal qui allait disparaître à jamais. Sa destruction ne
put être évitée, mais les Dragons accordèrent à son roi la possibilité de le rebâtir, non de ses mains mais par ses actes.
C
omment ? Simplement en rassemblant dans le pays tous les
souvenirs éparpillés entre tous les Dragons. Tel Rêveur
avait gardé le souvenir d’un événement, tel autre celui
d’une personne, tel autre d’un château en ruine, tel autre d’un
détail, tel autre encore d’un simple nom. Il fut dit que quand tous
se souviendraient en même temps de ce pays, alors la mémoire
reviendrait à tous et le royaume renaîtrait, un morceau de
Second Âge en plein milieu du Troisième.
L
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MATIN DU
MONDE
a tâche du roi lui fut signifiée en rêve et au fil des temps
devint une légende que les Dragons prenaient fort garde de
conserver intacte de génération en génération. Cette légende
prit la forme d’un long poème divisé en quatre chants (voir plus bas «
La légende »).
L
a tâche des voyageurs qui vont vivre cette aventure va être
ni plus ni moins de faire revivre ce royaume. Le roi sera invisible durant toute l’histoire et pour cause, car c’est un bébé
dans le ventre de sa mère... Il n’interviendra dans l’histoire qu’à la
toute dernière minute, au dénouement final. C’est en poussant son
premier cri qu’il signera la fin de l’aventure et sa réussite.
L
P
es vrais héros, ceux qui vont tout accomplir, ne sont autre que
les voyageurs et leurs joueurs.
ratiquement parlant, l’aventure se divise en quatre parties,
correspondant à la fois à un chant de la légende et à une saison. Le parallélisme entre chant et saison est voulu pour des
questions de symbolisme. Dès qu’une partie de l’aventure est réussie
en entier, on passe à la partie suivante et donc on change de chant et
de saison.
L
L
V
E
e chant 1 correspond à la saison du printemps. Il explique
ce que les voyageurs vont devoir accomplir. Le symbole est
celui du renouveau et de l’espoir. La venue des personnages
est un événement marquant. Il signe le début d’une nouvelle ère.
e chant 2 est consacré à plusieurs proches du roi qu’il faut
retrouver. Cette partie va être le temps des retrouvailles et
de l’amitié. Nul danger important ne menace. La chaleur et la
richesse de l’été accompagnent cette partie.
iennent ensuite le chant 3 et l’automne. Le temps devient gris,
les feuilles tombent. C’est pour le pays et les voyageurs le
début des épreuves. Les strophes annoncent des événements
tous porteurs de catastrophe.
nfin, la neige tombe et vient l’hiver, symbole du froid et de la
mort. Comme il est dit dans la légende, le pays doit mourir pour
renaître. C’est l’ultime épreuve. La plus difficile sans doute. La
mort rôde partout. S’ils la surmontent elle aussi, les voyageurs se
réveillent dans le royaume reconstruit avec tous ses personnages
ayant repris leur place.
L
e dernier matin du monde se présente en deux Livres. Le premier rassemble tous les éléments sur le pays. Le second, celuici, regroupe l’aventure proprement dite. Le texte de l’aventure fait souvent référence au Livre 1 pour les descriptions ou les plans
par exemple. Il est important que le gardien des rêves ait bien en tête
cette division.
L
e Livre 1 contient bien plus d’informations que nécessaire pour
le déroulement de l’aventure. Chaque villageois est décrit,
toutes les régions du monde sont détaillées. Ceci permet au
gardien des rêves de broder sur le canevas proposé, d’ajouter des
événements secondaires dans le village ou de jouer des scénarios
d’exploration. En cela, cette campagne est à la fois une grande aventure et un monde complet prêt à jouer.
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MATIN DU
MONDE
Ce qui s’est passé
avant l’arrivée des
voyageurs
UN PEU D’HISTOIRE
LE TROISIÈME ÂGE
l était une fois, à la fin du Second Âge, un charmant petit royaume gouverné par un roi aussi bon
que sage. Il était tout petit, ce royaume ! Juste un
château, un village et les terres alentour. Il s’étendait de
collines au sud aux rivages d’une grande mer au nord et
d’une forêt immense à l’ouest à des marais à l’est.
D’autres royaumes, des empires même, se trouvaient
au-delà et chacun d’eux entretenait de bonnes relations avec notre charmant petit royaume.
Alors que tout autour de lui on rivalisait de puissance
dans l’usage du haut-rêve, le petit royaume respectait
le sommeil des Dragons. À l’image de son roi, c’était
une oasis de sagesse et de sérénité dans un âge de folie.
Les Dragons choyaient royaume et monarque comme
des enfants aimés, voyant en eux les ultimes éclats de
beauté d’un rêve qui tournait peu à peu au cauchemar.
Les Dragons donnèrent au roi une fille, un être merveilleux à mi-chemin entre les deux mondes, celui des
hommes et celui des Dragons. Par son entremise, les
Dragons parlaient au roi et le roi parlait aux Dragons.
C’est ainsi que le monarque fut prévenu de la fin prochaine de tout ce qui était rêvé... et de la volonté des
Dragons de sauver le royaume.
Ainsi, quand vint le temps des cataclysmes, les Grands
Rêveurs protégèrent de leur mieux le pays. Ils coupèrent toutes les routes et rendirent hostiles les régions
qui l’entouraient, mais sans pour autant éviter totalement que le royaume ne soit atteint. Puis ils apprirent
au roi, par la bouche de sa fille, comment sauver son
pays. Ceci fait, la Princesse se retira dans un lieu
connu d’elle seule tandis que le roi parla à ses sujets,
leur apprenant la terrible nouvelle. Tous se préparèrent
alors à affronter la Fin.
Et, au dernier matin du monde, quand tout allait
disparaître, quand les Dragons allaient tous se réveiller,
ils retinrent le sommeil du roi pour lui permettre un
bref, sublime instant de rêver avec eux, de rêver sans
eux. Le soleil se leva et il ne resta plus du Second Âge
que ce petit royaume et quelques survivants arrachés à
la mort, dont la princesse.
Depuis, il dérive dans les limbes, isolé, protégé du
reste des rêves, attendant de retrouver son éclat d’antan. Le Roi, quant à lui, rejoignit les rangs des hommes avec une quête : restaurer la splendeur passée de
son royaume. Comment ? Simplement en permettant
aux Dragons de se rappeler ce qu’ils rêvèrent jadis.
Pour cela, il faut que le roi retourne dans son pays,
qu’il y rassemble cinq de ses proches, dont sa fille, et
que tous revivent cinq des épreuves de la fin du
Second Âge. Alors, les Dragons se souviendront et
rêveront de nouveau le petit royaume tel qu’il était...
i le royaume fût sauvé de la destruction
totale, il n’en fut pas moins profondément
affecté. Tout fut ravagé et il resta à peine
une poignée de survivants. Ceux-ci croyaient être les
seuls rescapés, les derniers êtres humains... ceci bien
sûr n’était pas vrai car les Dragons, en se rendormant, avaient repris tous leurs rêves passés. De plus,
dans le rêve même de ce petit royaume, il y avait
d’autres survivants : toute une tribu primitive,
cachée au plus profond de la forêt.
Ignorants de tout ceci, les villageois commencèrent à
s’organiser et à reconstruire le village. Ils abandonnèrent le château et se désintéressèrent d’une grande partie du pays qui retourna peu à peu à l’état sauvage.
Les survivants vécurent ainsi repliés sur eux-mêmes
pendant de nombreuses générations, perdant en chemin le souvenir du grand cataclysme et la majeure partie du savoir du Second Âge, notamment l’usage de l’écriture. Au fil des générations également, les habitants
du pays qui avaient péri lors du Grand Réveil revinrent
au village, non par des déchirures, mais le plus naturellement du monde... en y naissant.
Ainsi, peu à peu, le village retrouva tous ses villageois. Tout à fait normalement, les parents nommèrent leurs enfants, remplaçant, sans le savoir, le nom
que ces derniers portaient au Second Âge. Ainsi les
sujets du roi, ses proches y compris, revinrent au
pays, mais sous un autre nom... et sans aucun souvenir du royaume du Second Âge.
Pendant ce temps, le roi allait de rêve en rêve, de vie
en vie, à la recherche de son cher pays et de ses proches. Sans succès.
C’est alors que, comme dans tous les rêves du
Troisième Âge, vint le temps des Voyages. Leur sommeil de nouveau calme et serein, les Dragons insufflèrent aux hommes un irrésistible besoin de découverte
et de nouveauté, ceci afin que peu à peu se reconstruise ce qui avait fait la beauté et la fierté du Second Âge.
Les villageois commencèrent donc à explorer timidement leur monde. Certains d’entre eux mouraient, tués par une bête féroce ; d’autres rentraient
épuisés et terrifiés, jurant qu’ils ne recommenceraient jamais. D’autres enfin, très peu nombreux,
revenaient avec une phrase en tête, une phrase qui
avait été gravée dans leur mémoire lors d’un rêve.
Ces phrases étaient autant de fragments d’une légende (voir plus loin « La Légende ») semés là par les
Dragons. Cette légende concernait le pays et la promesse de son renouveau. Malheureusement, les
villageois n’en comprirent pas le sens, sans doute
parce qu’il manquait encore trop de morceaux.
Cependant, ils en saisirent intuitivement toute l’im-
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MATIN DU
MONDE
S
portance. Ils conservèrent religieusement tous les
fragments trouvés et prirent garde de les « classer »
suivant la saison durant laquelle ils avaient été rêvés.
Ainsi naquirent quatre « chants », un par saison.
LES TEMPS NOUVEAUX
L
e Voyage fut intégré dans les coutumes du
village, les fragments de légende devinrent
des biens de famille et la base de l’organisation politique. Un premier roi fut élu et de nombreux autres lui succédèrent, sans que rien de notable ne se passe. Cependant, en coulisses, la résurrection de l’ancien royaume se préparait.
Les proches du roi étaient revenus au pays, sous
forme de bébé, sans aucun souvenir de ce qu’ils
avaient été jadis, sans même connaître leur « vrai »
nom. Au plus profond d’eux-mêmes, chaque villageois sentait confusément que quelque chose approchait, quelque chose qu’ils appelaient « les Temps
nouveaux », sans pouvoir l’exprimer clairement.
Il y a 16 ans de cela, une voyageuse d’une vingtaine
d’années, blessée, presque mourante, arriva au village
avec son bébé tout juste né dans les bras. L’événement
bouleversa tout le village. C’était en effet la première
fois, depuis le début de Troisième Âge, qu’une person-
ne entrait dans ce monde autrement qu’en naissant.
Elle mourut, peu après son arrivée, en laissant derrière
elle son enfant, une fille nommée Nitouche Pérégrine
(voir livre 1 - « Nitouche, Sonice, Malaria, Ornufle,
Gékah, Frimousse et les autres... »). Elle eut néanmoins
le temps d’apprendre aux villageois qu’il y avait d’autres rêves et une multitude d’autres villages, ce qui acheva d’ébranler toutes leurs convictions. Ils n’étaient
donc pas seuls, d’autres qu’eux avaient donc survécu...
Afin d’accueillir d’éventuels autres voyageurs, il fut
décidé de construire au plus vite une nouvelle maison,
la « maison des voyageurs ». Le bâtiment fut terminé
en un temps record, mais aucun autre voyageur ne vint
l’habiter. Finalement, les années passant, la maison des
voyageurs fut laissée à l’abandon.
Très récemment, un autre événement, de moindre
importance, vint troubler le village. Les jeunes enfants
apprirent tout seuls à nager alors que personne ne s’y
était risqué depuis des générations. Ceci convint les
villageois que les « Temps nouveaux » étaient proches.
Au moment où va commencer la campagne, la
légende est en grande partie découverte et Nitouche,
confiée au haut-rêvant du village, est devenue une
belle jeune fille, libre et indépendante. Il ne manque
que la présence des personnages des joueurs pour
que les Temps nouveaux débutent vraiment...
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MATIN DU
MONDE
La légende
L
a légende est un long poème composé de
quatre chants, chacun formé de plusieurs
strophes. Le poème est séparé en plusieurs
pièces comme un puzzle, chaque fragment du puzzle est formé de deux vers ne rimant pas ensemble.
Par exemple :
De ces temps, il ne reste que de belles histoires,
Dont personne à certaines n’ajouta le mot fin.
et
Pleines de cris, de peur, d’amoures et de gloire,
Telle est celle du pays survivant au matin.
Les personnages vont devoir reconstituer le poème
de la légende avec les fragments trouvés par les villageois ou par eux-mêmes.
Dans chaque chant, il n’y a que deux fragments qui possèdent les mêmes rimes. Pour reconstituer une strophe,
il suffit donc d’intercaler les deux fragments qui vont
ensemble. Pour l’exemple précédent, cela donne :
Les Fragments
manquants
Chant 1 : Fragments
des voyageurs (5)
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Bien avant le troisième, il y eut un autre Âge,
Grand rival des Dragons aux dires des plus sages.
Si bien que des Rêveurs il usa le pardon,
À tel point qu’un matin, il n’eut plus de second.
Les strophes reconstruites, le plus délicat est de trouver
dans quel ordre elles interviennent dans le chant. Ceci
n’est réellement important que dans le premier chant
où les strophes racontent une histoire et suivent un
ordre logique. Si les voyageurs ne s’en sortent pas tout
seul, le gardien des rêves peut leur permettre un jet
d’EMPATHIE à –3 pour placer des strophes du chant 1
les unes par rapport aux autres… Dans les 3 autres
chants, l’ordre est pratiquement indifférent, chaque
strophe se suffisant à elle-même.
La légende est écrite ci-dessous dans l’ordre des
strophes et des chants. Les fragments manquants sont
indiqués pour chaque chant dans l’encadré ci-dessous.
Elle est la seule qui n’a pas connu le réveil,
Solinée, par l’attrait, n’eut pas la moindre peine,
De beauté un seul grain était dit-on son arme,
Il sait en outre quand reprend son aventure.
Point besoin de dormir pour un jour s’éveiller.
Pleines de cris, de peur, d’amoures et de gloire,
Telle est celle du pays survivant au matin.
Une forêt, des collines, une rivière et un pont,
Ajoutons à cela un fier château perché,
Un village charmant, qui jamais n’eut de nom.
Et voilà ! De l’histoire le décor est planté.
Qu’il pouvait des Dragons échapper à la loi.
Partout où il irait, irait son beau pays.
Quand des Dragons troublés les songes prirent fin,
Sachant que son pays ne connaîtrait ce sort.
Chant 3 : Fragments trouvés
en automne (4)
Chant 1 : Fragment trouvé au
Printemps (1)
Chant 4 : Fragments trouvés
en hiver (4)
Toujours accompagné de son cher beau pays.
Pour un jour à l’histoire ajouter le mot fin.
Chant 2 : Fragments trouvés
en été (4)
Anguerrant de Trève, très fier prince de Mandale,
Aussi fier qu’obstiné, tête dure comme le bois,
Loin par-delà les flots, la princesse sans nom,
Ce fut un grand jour qu’en geste de contentement,
Puis de riches marchands vinrent d’un lointain pays,
Que son père lui refuse au chagrin de la belle.
Fuir est donc leur destin, se séparer, leur mort.
Découvrent avec horreur une meute de chiens.
Car les chasseurs soudain n’étaient plus que des proies.
Dans la lutte qu’un corps livre à la maladie.
Dommage que le temps soit pour certains compté.
Les murs en sont solides et les fossés sous l’eau.
Car le traître assassin fut un ami, avant.
Le cœur mort et glacé, la folie pour compagne,
Des voyageurs il est le plus grand ennemi,
Il n’est rien devant eux qui puisse résister.
Or pour tout arrêter, il suffirait... d’un cri.
Et le roi apparaît, le pays est sauvé,
Et le pays renaît, le rêve reprend confiance.
CHANT 1
Bien avant le troisième, il y eut un autre Âge,
Grand rival des Dragons aux dires des plus sages.
Si bien que des Rêveurs il usa le pardon,
À tel point qu’un matin, il n’eut plus de second.
De ces temps, il ne reste que de belles histoires,
Pleines de cris, de peur, d’amoures et de gloire,
Dont personne à certaines n’ajouta le mot fin.
Telle est celle du pays survivant au matin.
Une forêt, des collines, une rivière et un pont,
Un village charmant, qui jamais n’eut de nom.
Ajoutons à cela un fier château perché,
Et voilà ! De l’histoire le décor est planté.
En ce pays vécut un si sage et bon roi,
Qu’il pouvait des Dragons échapper à la loi.
Dans le sommeil, la mort et dans toutes les vies,
Partout où il irait, irait son beau pays.
Aussi quand advint l’heure du dernier des matins,
Quand des Dragons troublés les songes prirent fin,
Le roi, calme et confiant, put accueillir la mort,
Sachant que son pays ne connaîtrait ce sort.
Les Rêveurs, non contents, lui donnèrent l’espoir,
D’en retrouver d’antan la splendeur et la gloire.
Car ni homme ni passé ne s’éteignent vraiment,
Et ce qui fut jadis peut renaître à l’instant.
Seul, depuis, il voyage, passant de vie en vie,
Toujours accompagné de son cher beau pays.
En quête de tous ceux qui jadis furent les siens,
Pour un jour à l’histoire ajouter le mot fin.
CHANT 2
Dispersés un beau jour, quatre n’ont plus de nom,
Tombés il y a longtemps dans un oubli profond.
De cette tâche, le roi seul ne peut s’acquitter,
Il est écrit que des voyageurs vont l’aider.
Une mère des plus belles, un capitaine têtu,
Une fille sans pareille au doux nom inconnu.
Plus une douce femme dont le roi est l’époux,
Et cela, compte fait, donne bien quatre en tout.
Anguerrant de Trève, très fier prince de Mandale,
Toujours à l’aventure, téméraire, sans rival.
Aussi fier qu’obstiné, tête dure comme le bois,
Jamais ne renonça, pas un jour, pas une fois.
LE DERNIER
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MATIN DU
MONDE
Loin par-delà les flots, la princesse sans nom,
Dort, calme, sereine, d’un sommeil profond.
Elle est la seule qui n’a pas connu le réveil,
Car aux yeux des Dragons, c’est une pure merveille.
Solinée, par l’attrait, n’eut pas la moindre peine,
À devenir, du roi, et l’amante et la reine.
De beauté un seul grain était dit-on son arme,
Une arme dont l’écrin en faisait tout le charme.
Libre et joyeuse, telle est la belle Nitouche,
Celle avec qui les hommes dans la paille s’accouchent.
Il est certes des mères de plus haute vertu,
Mais, voyageuse et belle, c’est elle qui du roi fut.
Le roi lui seul, enfin, connaît sa vraie nature,
Il sait en outre quand reprend son aventure.
Il est plus d’une façon de cesser de rêver,
Point besoin de dormir pour un jour s’éveiller.
CHANT 3
Les acteurs de la pièce sont à présent trouvés,
Par leur puissant destin jusqu’au bout enchaînés.
Reste à conter l’histoire quand le rideau se lève,
Ainsi du passé se rejoueront tous les rêves.
Ce fut un grand jour quand, geste de contentement,
Tous reçurent une pleine poignée d’or et d’argent.
Puis de riches marchands vinrent d’un lointain pays,
Et tout fut dépensé en trois jours de folie.
Fou amoureux il est, damoiseau d’une donzelle,
Que son père lui refuse au chagrin de la belle.
En épouser un autre ne peut être son sort.
Fuir est donc leur destin, se séparer, leur mort.
Oubliées de chacun, des silhouettes en forêt
Connaissent des Dragons les mystères, les secrets.
Que dire d’elles que toujours les arbres abritèrent,
Sinon qu’ils sont, de cette légende, le mystère.
Tous ceux qui, courageux, travaillent le matin,
Découvrent avec horreur une meute de chiens.
Et de ce triste jour on oubliera la joie,
Car les chasseurs soudain n’étaient plus que des proies.
LE DERNIER
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MATIN DU
MONDE
L’épée à elle seule ne peut vaincre l’ennemi
Dans la lutte qu’un corps livre à la maladie.
Le souverain remède reste dissimulé...
Dommage que le temps soit pour certains compté.
Ceux qui, de tous ces drames, vivront pour voir la fin,
Seront ceux qui feront face au cours du destin.
Après les retrouvailles, après les souvenirs,
Reste à présent pour eux à défendre l’avenir.
CHANT 4
Les Dragons eux-mêmes savent que tout un jour prend fin,
Et préfèrent l’amener sans craindre le destin.
Le pays, comme un homme, doit mourir pour renaître,
Sont éprouvés alors et la terre et les êtres.
Des confins du pays vient le noir instrument,
Les Dragons l’ont voulu amené par le vent.
Bien au-delà des mers, une nuée se lève,
Et se répand à l’aube, noirâtre, sur la grève.
Les soudards réalisent des Dragons le dessein,
Tuant, pillant, brûlant, donnant à tout sa fin.
Sur leur passage point de salut, de pitié.
Le village, les champs... tout finit ravagé.
Où qu’on aille, le seul refuge est le château,
Les murs en sont solides et les fossés sous l’eau.
Mais garde ! Le danger vient souvent du dedans.
Car le traître assassin fut un ami, avant.
Le cœur mort et glacé, la folie pour compagne,
Est celui qui massacre, esclave de sa hargne.
Des voyageurs il est le plus grand ennemi,
Il leur faudra l’occire pour sauver le pays,
Les Dragons au château imposent la volonté.
Il n’est rien devant eux qui puisse résister.
Rien ne semble endiguer des soudards la furie,
Or pour tout arrêter, il suffirait... d’un cri.
Et le roi apparaît, le pays est sauvé,
De sa simple présence, il chasse les nuées.
Et le pays renaît, le rêve reprend confiance.
Une histoire prend fin là où l’autre commence.
LE DERNIER
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MATIN DU
MONDE
Organisation
de la Campagne
LE CADRE DE JEU
L
e cadre de cette campagne est un rêve de
climat tempéré, très semblable à nos campagnes. Les saisons y sont bien marquées
(il fait chaud en été, il neige en hiver, etc.). Il est
constitué d’une contrée accueillante de collines
encerclée par des régions sauvages.
Au-delà de ces régions sauvages, s’étendent de toute
part les Limbes (Orinos p.15). Ce monde est donc
clos. Aucun blurêve, aucune déchirure n’y mène ni
n’en part. Quand les personnages des joueurs y
seront entrés, ils ne pourront plus en sortir avant la
fin de la campagne, à moins bien sûr de créer une
déchirure par magie impossible ou de mourir...
LES PRINCIPAUX
ACTEURS DE LA CAMPAGNE
T
oute la campagne repose sur un nombre
réduit de personnages, qu’ils soient des personnages joueurs (les voyageurs) ou des personnages non joueurs (la Princesse, Nitouche et le roi).
Un des fragments de la légende dit notamment que des
voyageurs (donc des gens extérieurs au monde) aideront le roi dans sa tâche. Tel est bien sûr le rôle du
groupe de personnages incarnés par les joueurs, mais
aussi celui d’une jeune villageoise appelée Nitouche
Pérégrine qui n’est pas née dans ce monde (voir plus
haut « Les temps nouveaux »).
Côté personnages appartenant au monde, seule la
Princesse va avoir un rôle majeur tout au long de la
campagne. Quant au roi, il est mentionné là pour
mémoire car sa venue entraîne la fin de la campagne.
12
Les personnages des joueurs
C’est évidemment sur leurs épaules que repose toute
la campagne. À eux les explorations et les combats,
mais aussi les honneurs.
Sur la durée de la campagne (11 scénarios), il est très
probable qu’un personnage de joueur perde la vie. Le
gardien des rêves en fait alors apparaître un autre,
quelque part près du village, de la même manière que
les premiers. Ce voyageur se réveille en ayant l’impression d’avoir rêvé tout ce que le précédent personnage a
vécu, ce qui assure une continuité dans l’histoire... surtout si tout le groupe est massacré.
MATIN DU
MONDE
Nitouche Pérégrine
Cette jeune fille très volage a un rôle beaucoup plus
LE DERNIER
obscur, mais aussi important que celui des personnages
des joueurs. Elle doit mettre le roi au monde. L’enfant
est conçu lors du chant 1, la grossesse se déroule lors
des chants suivants. Le chant 4 — et donc la campagne
— s’achève au premier cri du royal bébé.
Nitouche doit être jouée comme un personnage de
second plan et sa grossesse ne doit être rien de plus
qu’une péripétie, une histoire de villageois sans
grande importante. Le but est de ne pas « vendre la
mèche » trop tôt. Laissez les joueurs chercher le roi
partout, alors qu’il est sous leur nez...
Nitouche a une bonne étoile qui veille sur elle, il ne
peut rien lui arriver, à part bien sûr être tuée par les
personnages eux-mêmes. Si, d’une manière ou d’une
autre, elle vient à mourir, la campagne s’arrête et les
voyageurs se réveillent ailleurs avec l’impression d’avoir rêvé tout cela...
La princesse
La Princesse est la seule personne ayant connue le
royaume du Second Âge et qui n’est pas morte
depuis. Elle garde donc des souvenirs très clairs de
cette période. En cela, elle joue un rôle de « joker ».
Dès le moment de sa découverte par les personnages
des joueurs (chant 2 - scénario 3), le gardien des rêves
peut utiliser la Princesse, de temps à autre, pour
aider les joueurs à résoudre une situation ou pour
leur faire comprendre quelque chose par son entremise, exactement comme les Dragons ont procédé
au Second Âge pour parler au Roi.
Il ne faut cependant pas abuser de cette possibilité.
C’est avant tout aux joueurs, via leurs personnages,
de « faire tout le travail ». Ils sont là pour ça...
Le Roi
Un mot seulement, pour rappeler ce qui a été dit plus
haut dans le paragraphe qui concerne Nitouche. Le roi
est à naître. Quand il entrera dans ce monde, ce n’est
pas dans une armure étincelante et monté sur un fougueux destrier, mais tout nu et couvert de sang. La
légende reste volontairement vague sur la façon dont il
doit venir, ceci pour ménager le suspense et réserver
une surprise aux voyageurs.
Le roi lui seul, enfin, connaît sa vraie nature,
Il sait en outre quand reprend son aventure.
Il est plus d’une façon de cesser de rêver,
Point besoin de dormir pour un jour s’éveiller.
La campagne prend fin quand le roi naît (voir
« synopsis général »).
QUATRE CHANTS
ET QUATRE SAISONS
L
a campagne est divisée en quatre parties
que l’on appelle « chants », qui correspondent aux quatre chants de la légende. Chaque « chant » se déroule intégralement
dans une saison précise, celle du chant de la légende
concerné.
Chant 1
Printemps
Chant 2
Eté
Chant 3
Automne
Chant 4
Hiver
La campagne est en tout constituée de 11 scénarios
indépendants les uns des autres (1 pour le chant 1,
4 pour les chants 2 et 3 et 2 pour le chant 4). Dans
les chants 2 et 3, chaque scénario est la conséquence directe d’une strophe de la légende. Dans le quatrième, la connaissance des strophes permet d’anticiper les évènements.
Chaque scénario a un objectif précis que les personnages doivent atteindre pour passer au suivant.
Quand tous les objectifs d’un chant sont atteints, la
saison tire à sa fin. Les villageois organisent alors une
grande fête (voir Livre 1 - Le village) comme à chaque
changement de saison. Le lendemain, le temps a
changé du tout au tout. Entre le chant 1 et 2 on passe
par exemple d’un temps de plein printemps à un
temps de plein été.
Le gardien des rêves n’a pas à essayer de coller avec
le calendrier de Rêve de Dragon. Il doit même le
laisser complètement de côté. Peu importe en effet
combien de jours les personnages vont mettre à
réaliser les objectifs de chaque chant, la saison ne
change que lorsqu’ils sont atteints.
STRUCTURE D’UN CHANT
C
haque chant de la campagne est divisé en
deux parties :
- Le rêve
- L’aventure
Le rêve
Chaque chant débute par un rêve. Comme ceux que
font les villageois quand ils partent en voyage, ce
rêve permet de trouver les fragments manquants du
chant de la légende. Cette quête se fait sans même
que les personnages sortent de leur lit... puisqu’elle
a lieu à chaque fois dans leurs rêves !
Dans cette partie, les personnages se retrouvent
donc tous dans un rêve, c’est-à-dire dans une autre
réalité que celle du village. Par exemple, ils peuvent
être des naufragés recueillis par un bateau de pirate
ou gladiateurs dans une arène ou encore gardes du
corps d’une princesse voyageant en plein désert.
Bien que tout ceci se passe en rêve, cette partie est
jouée comme n’importe quelle autre à une différence près. Comme il s’agit d’un rêve, les personnages
se réveillent dans leur lit quoi qu’il se passe...
Cette subtilité entraîne quelques règles spécifiques
qui sont détaillées plus bas.
Comment expliquer ces rêves ? : Ces rêves n’ont
pas d’explication logique. Ils sont déclenchés par les
Dragons pour permettre aux hommes de reconstituer la légende. Qu’il s’agisse d’un villageois ou d’un
voyageur, le principe est le même, à la différence que
le voyageur « joue » le rêve.
But et répétition des rêves : Comme on vient de le
voir plus haut, le rêve sert à récupérer les fragments
manquants d’un chant de la légende, ce qui déclenche, au réveil des PJ, une ou plusieurs aventures
dans ou autour du village. Tant que la strophe correspondant à une aventure n’est pas reconstituée, l’aventure ne peut pas se produire et la campagne n’avance pas.
Fin d’un rêve : Un rêve peut s’achever de plusieurs
façons :
- En groupe par la réussite ou l’échec du rêve,
- Individuellement par la mort du rêveur.
En cas de réussite, tous les fragments manquants du
chant sont récupérés. En cas d’échec, c’est-à-dire
quand les voyageurs ont perdu toute chance de réussite, il s’arrête net et les rêveurs se réveillent avec en
tête un seul des fragments manquants. Dans ce cas,
tant que tous les fragments manquants ne sont pas
trouvés, le rêve se répète à l’identique la nuit suivante : même situation initiale, mêmes personnages, même déroulement... ou presque. Connaissant
la teneur du rêve, les voyageurs peuvent agir différemment, ne pas commettre les mêmes erreurs et
finalement trouver la solution.
Si un personnage meurt en rêve, il se réveille immédiatement. Ses compagnons continuent de dormir et de
rêver (ils continuent l’aventure). Saisi par ce rêve qui a
fini en cauchemar, Le personnage réveillé est frappé
d’une queue de Dragon tirée au sort (« Insomnie »
exceptée). Il peut donc se rendormir s’il le désire mais
ne réintègre pas le rêve. N’ayez surtout pas peur de
« tuer » les personnages en rêve, ils ne risquent rien à
part de légers désagréments passagers...
Un personnage ne peut se réveiller volontairement
d’un rêve. En revanche, un personnage « mort » en
rêve peut décider de réveiller les autres. Le rêve des
dormeurs s’arrête alors brusquement comme dans le
cas d’un échec.
Autres détails importants : Des éléments du village
peuvent se retrouver dans le rêve, des visages ou des
objets le plus souvent. Cela ne veut rien dire, il s’agit uniquement les deux réalités (le monde et le
rêve) qui se mêlent.
Tous les personnages commencent le rêve sans aucune blessure, quel que soit leur état de santé réel.
Toute blessure prise en rêve disparaît quand le rêve
s’achève.
Les rêves ne donnent pas lieu à des points de stress,
sauf en cas de mort onirique d’un personnage
(5 points).
L’aventure
Le ou les fragments de légende récupérés, les voyageurs
se réveillent au matin. La ou les aventures peuvent dès
lors commencer, au gré du gardien des rêves. La teneur
LE DERNIER
13
MATIN DU
MONDE
et les indices pour réussir la ou les aventures se trouvent
dans les strophes reconstituées de la légende.
Dans le chant 2, ces aventures consistent à identifier
les personnages de la légende. Dans le chant 3, une
catastrophe se déclenche peu après le réveil des voyageurs. L’aventure consiste alors à éviter cette catastrophe ou tout du moins à en limiter les dégâts.
Dans le chant 4 enfin, les fragments trouvés donnent une sorte de prescience sur les événements de
l’aventure.
Chaque scénario est précédé d’une section réservée au
gardien des rêves intitulée « Quelques mots pour le
gardien des rêves ». On y trouve dans l’ordre :
Le scénario en quelques mots : Cette section
donne des informations générales sur le scénario
dont un bref résumé et les conséquences probables
de l’aventure.
Destins : Pour aider le gardien des rêves, cette section contient la liste des personnages non joueurs du
village qui seront des acteurs de premier plan dans
le scénario. C’est sur eux que doit se concentrer en priorité le jeu de rôle du gardien des
rêves. Les autres villageois peuvent fort
bien être laissés dans l’ombre, à moins
bien sûr que les personnages des joueurs
n’en décident autrement.
LE DERNIER
14
MATIN DU
MONDE
Ce qui s’est passé au Second Âge : Chaque scénario des chants 2 et 3 puise son origine dans l’histoire de l’ancien royaume du Second Âge. Cette section
explique à chaque fois la raison du scénario.
Les personnages apprennent systématiquement la
totalité de cette section par l’entremise d’un des proches du roi à la fin de chaque scénario.
Le stress
Le gardien des rêves ne trouvera aucune référence
aux allocations de points de stress dans la campagne.
Le nombre de points et les circonstances d’attribution sont laissés à son entière discrétion. Seule
exception à cette règle : les rêves des chants 2 et 3
(voir plus bas). Ils ne donnent pas lieu à des points
de stress, sauf pour un personnage qui meurt durant
l’un d’eux (5 points).
Synopsis général
La campagne est divisée en quatre chants qui correspondent chacun à un chant de la légende et à une saison différente. Le chant de la légende donne la teneur des aventures. La saison, par son temps, donne un
symbole ou une ambiance particulière. Parallèlement, des événements courent sur tout ou partie de la
campagne, notamment en ce qui concerne le roi.
CHANT 1 - LE PRINTEMPS : LE TEMPS DU RENOUVEAU
Le premier chant est un scénario de découverte du monde dans lequel va se dérouler la campagne et de la
nature de l’histoire elle-même.
Les personnages se réveillent dans le château et doivent en sortir pour atteindre le village. Accueillis en
grande pompe, ils vont être plongés dans le cœur de l’histoire. Quand ils auront complété et remis en
place les fragments du premier chant, ils sauront de quoi il retourne.
CHANT 2 - L’ÉTÉ : LE TEMPS DES RETROUVAILLES
Le but du Second chant est d’identifier ou de trouver les cinq personnes que recherche le roi. Elles se
trouvent toutes soit au village, soit dans le monde. Chaque personnage possède une strophe le concernant, sa teneur indique comment l’identifier.
Pour identifier une de ces personnes, il ne suffit pas de se douter de qui il s’agit et de lui dire son nom, ce
serait trop simple. Pour qu’un villageois prenne conscience de sa véritable identité, il faut qu’il VIVE un
événement précis, c’est-à-dire :
- Le Grochu doit gagner le concours de la Mandale pour devenir Anguerrant,
- Les voyageurs doivent voir le grain de beauté de Saline pour qu’elle devienne Solinée,
- Les voyageurs doivent réveiller la princesse.
Ceci fait, cette personne se souvient de son vrai nom et de bribes de son passé, pas assez pour identifier
les autres, mais suffisamment pour se mettre aussitôt à agir comme elle le doit. Quant à Nitouche, c’est
un cas un peu particulier. Elle porte déjà le nom de la légende et a conscience d’avoir été la mère d’un roi
et donc n’a pas besoin d’être révélée comme les autres.
CHANT 3 - L’AUTOMNE : LE TEMPS DES ÉPREUVES
Dans le troisième chant, les événements n’ont pas d’ordre logique, ils se déroulent quand les voyageurs
trouvent le fragment manquant qui les décrit. Les événements perdurent tant qu’un terme n’y a pas été
mis, ainsi les cynoférox continuent à tuer. Quand les victimes désignées sont épuisées, les événements
concernent directement les PJ.
CHANT 4 - L’HIVER : LE TEMPS DE LA MORT
Retrouver les strophes manquantes est ici intéressant pour savoir à l’avance quels événements vont se produire et pouvoir, soit les éviter, soit en minimiser les effets.
Pour que le pays de la légende puisse renaître, il faut que celui-ci meure. Si effectivement, la contrée va être
ravagée, en revanche il n’y a rien d’écrit d’avance pour les villageois, tout dépend des actes des voyageurs.
Une énorme force armée menée par un haut-rêvant puissant débarque sur le bord de mer et avance vers le
village. Il faut se replier dans le château et se préparer à soutenir un siège. Le roi va naître deux semaines
après. En attendant, il faut repousser les attaques des assiégeants.
ÉPILOGUE
Le roi pousse son premier cri de bébé. Aussitôt, tout se dissout. Il ne reste plus que ce cri. Les voyageurs
se réveillent... ailleurs ! Pour savoir où, rendez-vous à la fin de la campagne !
LE DERNIER
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MATIN DU
MONDE
Chant Premier
Le Printemps
Le temps du renouveau
L
e vieil homme s’installa devant chez lui alors que le soleil venait
à peine de se lever. Comme tous les matins, il cueillit quelques
baies à l’arbuste qui grimpait le long de son mur puis il attendit
patiemment que les enfants arrivent. Comme tous les jours, il allait les
faire rêver et trembler : il allait leur raconter une histoire pleine de
jolies princesses, de terribles monstres et de nobles voyageurs.
A
ujourd’hui était un jour particulier. Il allait commencer une toute
nouvelle épopée. En effet, la précédente avait fait son temps, il
l’avait usée jusqu’à la corde, allant de rebondissements en
retournements de situation. Les enfants commençaient à s’ennuyer et
certains venaient plus le voir par politesse que par plaisir. Le vieil homme
en était très conscient et, sagement, avait conclu l’aventure. D’autant
qu’avec leur logique implacable, les enfants commençaient à trouver des
failles dans l’histoire et n’hésitaient pas à l’interrompre pour demander
des explications, ce qu’ils ne faisaient jamais d’habitude.
L
es enfants arrivèrent l’un après l’autre et s’assirent sagement
devant lui. Ils avaient leurs grands yeux des meilleurs jours, ceux
où chaque mot, chaque geste du vieil homme, les faisaient vibrer.
Avec des yeux comme ça pour le regarder, il était prêt à conter ses histoires jusqu’à la fin des temps.
N
ous sommes au Troisième Âge, commença-t-il doctement, ce qui veut
dire en toute bonne logique qu’il y eut, il y a longtemps et même très
très longtemps, un Second Âge (qui lui-même succédait à un premier,
encore plus vieux, mais cela est une autre histoire). Ce Second Âge fut un
temps de cités orgueilleuses, d’immenses empires, de grandes batailles et surtout de magiciens plus puissants que tout ce que l’on peut imaginer. Ces hautrêvants se sentaient si forts qu’ils perdirent toute mesure si bien qu’un jour,
ils détruisirent le monde. Oh ! Cela ne se fit pas en un claquement de doigts,
cela prit du temps… Mais un à un les pays furent balayés par la faim (il fixa
le gros Baffreux qui ne cessait jamais de manger), la maladie ou la guerre,
engloutis dans les flots (ça, c’était pour Sonice, qui ne savait pas nager), submergés par des pluies de boue, de pierres ou de feu, brûlés par le soleil, glacés jusqu’au cœur... ou pire encore. Ainsi disparut un pays en particulier.
O
16
MATIN DU I
MONDE
LE DERNIER
h ! Il n’était pas bien grand. Il comprenait un château comme celuici (il désigna la ruine qui trônait en haut de la colline escarpée), un
petit village comme le nôtre, un pont sur une rivière, comme la
nôtre. En fait, ce pourrait très bien être notre pays...
l s’arrêta un instant pour savourer l’effet de son préambule. Les
enfants écoutaient, suspendus à ses lèvres. Satisfait, il poursuivit :
Tout commença un matin, dans la cour du château...
CHANT 1 — LE RÊVE
LA CÉRÉMONIE MANQUÉE
C
e rêve est une ouverture, un prélude. Il introduit les personnages à l’atmosphère onirique
de la campagne. Contrairement aux autres
chants, ce rêve n’est pas destiné à être joué par les
voyageurs, mais plutôt raconté aux joueurs. Cela dit,
rien n’empêche le gardien des rêves de le faire jouer
en gardant à l’esprit que la marge de manœuvre des
personnages est nulle et que si jet de dés il y a, il est
de pure forme. Si vous improvisez des éléments supplémentaires, gardez à l’esprit que la Reine et le
Capitaine ne peuvent être rencontrés, ni mêmes
aperçus. Il ne faut pas que les personnages puissent
les reconnaître plus tard au village. Quant à Erémis,
il n’est pour l’instant qu’une présence maléfique, à
peine discernable. Mais place au rêve...
« ... Vous êtes tous assis sur les marches d’un escalier, à
l’intérieur d’un château. C’est la nuit, et tout autour de
vous résonnent des rires, des chansons, des cris. Le château brille de mille feux, torches, lampes, braseros,
installés là pour la fête. Vous êtes vaguement ivres. Vous
êtes descendus prendre le frais dans la cour du château.
Vos habits sont riches, des habits de courtisans, de seigneurs. Soudain un rire derrière vous, cristallin. Vous
vous retournez et apercevez la fille du roi, la princesse,
sublime et gracieuse, qui descend vers vous pour vous
saluer. Il semblerait que vous soyez familier de cet
endroit et des gens qui y vivent. Bien que vous ne puissiez vous souvenir du nom de ce château, ou de votre
fonction, vous vous y sentez bien.
Dans la plus haute tour, les fenêtres sont vivement
éclairées et vous percevez, reconnaissables à leurs parures et à leurs couronnes, les silhouettes incertaines du
Roi et de la Reine. Leurs ombres dansent au gré des
flammes tremblantes des torches et de la musique que
vous entendez, lointaine, couverte par les rires.
Soudain, votre discussion avec la princesse s’arrête. Celleci, visiblement angoissée, scrute les ténèbres près des écuries. Il vous semble y distinguer une présence, peut-être
celle d’un homme, grand, maigre, se cachant dans l’obscurité. Mais les ombres se dissipent alors qu’un garde, porteur d’une lampe, fait irruption dans la cour et s’affaire
dans les écuries. Peut-être avez-vous rêvé ? Ou bien est-ce
l’alcool qui vous perturbe les sens ?
Vous vous tournez vers la princesse. Elle semble troublée. Mais d’un sourire radieux, elle dissipe vos inquiétudes : « Ce n’est rien, dit-elle... ». Avant que vous ne
puissiez l’interroger plus avant, une voix, venant de
l’intérieur de la tour, vous appelle. Le bouffon et poète
du roi s’apprête à raconter une histoire, une grande et
belle légende, celle du dernier matin du monde... »
LE DERNIER
17
MATIN DU
MONDE
Quelques mots pour le gardien des rêves
Le rêve que font les voyageurs est, d’un point de vue technique, une quête
d’archétype. Son but n’apparaît pas clairement aux personnages, mais il en a
la même valeur symbolique. Le gardien des rêves doit insister auprès des
joueurs sur la nature « spéciale » de ce rêve et du besoin irrationnel qu’ils
ressentent de le réaliser.
Il n’y a aucun caractère d’urgence dans ce rêve. Les voyageurs sentent qu’ils
ont tout le temps nécessaire.
Les Fragments manquants
Fragments des voyageurs
Pleines de cris, de peur, d’amoures et de gloire,
Telle est celle du pays survivant au matin.
Une forêt, des collines, une rivière et un pont,
Ajoutons à cela un fier château perché,
Un village charmant, qui jamais n’eut de nom.
Et voilà ! De l’histoire le décor est planté.
Qu’il pouvait des Dragons échapper à la loi.
Partout où il irait, irait son beau pays.
Quand des Dragons troublés les songes prirent fin,
Sachant que son pays ne connaîtrait ce sort.
Fragment trouvé au Printemps
Toujours accompagné de son cher beau pays.
Pour un jour à l’histoire ajouter le mot fin.
LE DERNIER
18
MATIN DU
MONDE
Alors que les voyageurs gravissent l’escalier de pierre
qui mène à la salle royale, tout semble se dissiper
autour d’eux. Les murs disparaissent, les sons sont
de plus en plus assourdis. Puis tout disparaît, et les
voyageurs ont l’impression de s’endormir...
Presque aussitôt, ils sont tirés d’un sommeil profond
par un cri de bébé. En ouvrant les yeux, ils découvrent
qu’ils sont chacun seul dans une chambre richement
ornée du château de leur rêve. Les murs de pierre sont
recouverts de tapisseries, les coffres de bois sont finement sculptés, un lourd rideau barre la fenêtre. Euxmêmes dorment au beau milieu d’un grand lit à baldaquin, enfoncés dans un doux matelas de plumes,
enfouis dans des draps parfumés. Telle est sans doute la
cause de leur sommeil si profond...
Les cris de bébé s’éloignent. Les voyageurs s’aperçoivent qu’ils sont nus sous les draps. Au pied du lit
sont étendus de riches habits : poulaines de cuirs,
chemise de soie, chausses et pourpoints de velours à
crevées pour les hommes ; chaussons fourrés, hennin, chemise décolletée et robe de velours rehaussée
de perles et fils d’or pour les femmes.
Alors qu’ils songent à se vêtir, chacun à la sourde
intuition qu’il se fait tard et qu’il est en retard pour
une grande occasion, sans toutefois pouvoir se souvenir de laquelle...
Les voyageurs sortent ensemble de leur chambre et
se dirigent tous dans la même direction, celle que
leur commande leurs pas. Leurs jambes semblent
douées d’une vie propre et les guident malgré eux.
D’escalier en couloir, les foulées se font plus grandes, comme si leurs jambes seules connaissaient le
chemin et l’urgence de la situation. C’est en courant
à perdre haleine que les personnages arrivent dans
une grande cour pleine de gentes dames et messires
aussi bien habillés qu’eux. Tous se pressent pour
entendre un baladin qui, sur un air de luth, chante
une histoire qui n’est autre que la légende du Pays.
De là où ils sont, les voyageurs n’entendent pas grandchose, à peine un vers de-ci de-là. Cela les contrarie
beaucoup car au fond d’eux ils ressentent l’importance
de ce qui est chanté. Tout effort pour se rapprocher est
vain, il y a trop de monde et chacun veut être plus près.
Tendre l’oreille ne sert à rien non plus, des murmures,
des quintes de toux étouffées, des bruissements de robe
couvrent le baladin.
La musique s’arrête, la foule devient plus perméable. Un jeu de coude plus loin, les voyageurs peuvent apercevoir, par-dessus une forêt d’épaules, l’artiste agenouillé et cinq personnages rassemblés sur
une estrade. Il y a là le roi, un homme d’une stature impressionnante, les cheveux noirs, la barbe fournie. Il porte une couronne d’or qui se détache nettement sur sa chevelure. Près de lui se tient la princesse, sa fille, une jeune fille à la beauté irréelle, des
cheveux blonds comme l’or, des yeux d’un vert éclatant. En retrait se tient la mère du roi, une très
vieille femme au corps courbé, au visage ridé, mais
au regard aux yeux noirs si expressif qu’il semble la
définir à lui tout seul (Pour le Gardien : il s’agit de
Nitouche). Quand ils l’observent, les voyageurs perçoivent des murmures inintelligibles tout autour
d’eux, comme des vols d’abeille.
Les deux autres personnages sont un homme et une
femme, mais les voyageurs ne parviennent pas à les
voir clairement.
Alors que les PJ jouent encore des coudes pour se
rapprocher, la foule s’écarte brusquement d’eux et
les trompettes d’une dizaine de hérauts retentissent
juste à côté de leurs oreilles. Les images se
brouillent, les sifflements se mêlent au tintamarre
des instruments. À cela s’ajoutent des applaudissements nourris et un rire sardonique, celui d’Erémis.
Le rire apparaît comme extérieur au rêve. Il distille
une sourde menace qui s’oppose à l’atmosphère
ambiante de sérénité et de fête.
Les bruits semblent se livrer une guerre. Les uns et
les autres varient de volume suivant le vainqueur des
batailles. Les sifflements disparaissent, les trompettes se taisent, le rire s’estompe. Il ne reste que les
applaudissements, faibles et blessés...
CHANT 1 — L’AVENTURE
LE VILLAGE QUI N’A PAS DE NOM
L’ÉCHO DU RÊVE
L
es applaudissements se changent en bruissements et les PJ se réveillent, en tenue de
voyageur et avec armes et bagages, sous un
grand arbre, un noyer, dans la frondaison duquel
souffle un léger vent. Il fait bon et, vu le temps et les
fleurs du noyer, nous sommes au printemps.
À leur grande surprise, les voyageurs découvrent
qu’ils sont dans la cour pavée d’un château à la fois
en ruine et désert. Et pas n’importe quel château...
En effet, ils sentent tous que ce château est celui de
leur rêve. L’endroit leur est familier. Chaque pas,
chaque regard, leur apporte des impressions de
« déjà-vu », mais dans leurs souvenirs, dans leurs
rêves, le château était en bon état...
Le gardien des rêves peut en la circonstance expliquer à des débutants les notions fondamentales du
monde de Rêve de Dragon, c’est-à-dire le rapport
étroit entre la vie et le rêve.
Justement, le rêve que les voyageurs viennent de
faire est des plus marquants. Si marquant qu’une
partie du rêve reste imprimée profondément dans
l’esprit de chacun. Les visages du roi et de la princesse et le regard de la vieille femme sont aussi clairs
dans leur esprit que si les voyageurs venaient de les
croiser. De même, chacun garde en mémoire deux
vers de la chanson du baladin. Ces groupes de deux
vers sont des fragments du premier chant de la
légende. Le gardien des rêves peut les choisir dans la
liste ci-jointe. La seule recommandation est qu’il
distribue au moins les deux formant une strophe
complète (fragments 2 et 3) afin que les joueurs s’aperçoivent dès le début de
la nature du puzzle de la
chanson/légende.
Une certitude s’impose brusquement aux voyageurs.
Cette chanson que tous se pressaient pour écouter est
d’une importance capitale, peut-être même vitale
pour eux. Mais en quoi ? Mystère... S’ils pouvaient la
reconstituer, s’ils pouvaient en avoir toutes les paroles, alors ils comprendraient sans doute... Seulement
voilà, où donc trouver les vers manquants ?
POUPÉE DE CHIFFONS
ET MAGIE D’AUTREFOIS
T
out autour des voyageurs, ce ne sont que
murs couverts de lierre, ferrures rouillées à
cœur, bois pourri, tours édentées et ruines.
Il n’y a pas un bruit, à part celui du vent qui fait
bruisser les feuilles de l’arbre et gémir les tours. Le
fier château du rêve semble à l’abandon. Il n’y a pas
le moindre signe de présence humaine... du moins
à première vue.
En effet, un morceau de pain traîne au pied du
puits. Il date de quelques jours et porte les traces
d’une dentition d’enfant. Plus loin, au rez-dechaussée d’une tour, c’est une petite poupée de
chiffons tout à fait récente qui est découverte,
installée sur un trône de fortune fait de cailloux
empilés. Quelqu’un habite donc ces lieux, un ou
plusieurs enfants à l’évidence, mais où sont-ils ?
Le premier réflexe des voyageurs sera sans doute de
monter à une tour pour se repérer. Presque toutes
peuvent remplir ce rôle (sauf la 4, écroulée, et la 9,
trop basse), la meilleure vue est en haut de la tour 7
(voir Livre 1 – Le Château). Ce n’est que de cet
emplacement que les personnages découvrent que le
château est au milieu d’un lac, que les piles d’un
pont sont visibles au nord et que, non loin de la
berge, s’étend un petit village entouré de champs.
Le pain et la poupée appartiennent à des
enfants du village. Seuls ceux-ci connaissent
l’existence d’un passage secret courant au
fond du lac (voir Livre 1 - Le Lac et le
Château - le Grand Secret des Enfants).
L’exploration proprement dite du château n’est pas
décrite ici en détail. Toutes les informations et les
plans se trouvent dans le Livre 1, au chapitre «
Le Lac et le Château ». Il n’y a que deux issues
à la cour. Au sud, elle mène à l’enceinte secondaire défendant l’accès au donjon. Au nord, elle
donne sur la basse-cour et l’enceinte extérieure.
L’accès au donjon est impossible sans construire un pont. Les douves sont ici très profondes et les murs lisses et ponctués de surplombs. Plonger dans l’eau est encore possible, mais escalader l’autre face
jusqu’à la porte du donjon apparaît impossible à toute personne
ayant au moins 0 en Escalade.
Au nord, la porte de la cour
donne sur un fossé en eau dans
LE DERNIER
19
MATIN DU
MONDE
lequel gisent les restes d’un pont-levis. Là aussi, l’obstacle est trop large et profond pour être franchi sans
travaux mais, heureusement, une des tours d’enceinte (la tour 4) est écroulée et livre un passage sans
aucun problème vers la basse-cour.
À partir de là, les voyageurs peuvent accéder à la
porte du château... ceci pour découvrir qu’il n’y a
aucune façon de quitter les lieux ! En effet, la porte
surplombe le lac de plusieurs dizaines de mètres et
les murs y descendent à pic. Plonger sans risquer de
se tuer est très difficile (Mêlée/Natation -8, encaissement à +10 en cas d’échec) et de toute façon, on
ne peut y réussir que pratiquement nu. Quant au
pont, il n’en subsiste que des piles régulièrement
espacées. Un jet de VUE à 0 permet de réaliser un
fait étrange. Ces piles ne sont pas des ruines, elles
ont été conçues ainsi. Leur sommet est bien lisse,
comme si l’ouvrage était inachevé...
Alors que les personnages discutent devant cette
porte, le meneur de jeu va choisir un mot ou un
bout de phrase dans leur discussion, ce sera le mot
de commande du pont immatériel soutenu par les
piles (voir Livre 1 - Le Lac et le Château - le Pont
Inachevé). Le hasard fait que les voyageurs vont prononcer les paroles qui déclenchent la magie.
Aussitôt, un tablier bleuté apparaît. Il relie la porte du
château à la berge du lac en autant de bonds que de
piles. Un haut-rêvant d’Oniros (minimum 0 dans cette
voie) reconnaît instantanément le sort de « pont
immatériel » (Oniros, p.120) et peut en expliquer les
principes. En revanche, son déclenchement reste pour
tous un mystère, une magie du Second Âge...
LE VILLAGE QUI
N’A PAS DE NOM
L’
LE DERNIER
20
MATIN DU
MONDE
arrivée de voyageurs dans un village est
toujours un événement, mais là, dans ce
cas précis, cela va tenir de l’exceptionnel,
voire de l’extraordinaire. Pensez donc ! Les villageois vivent en circuit fermé depuis de très nombreuses années, ils pensent être les seuls survivants
du Second Âge. Une seule fois, précédemment, un
étranger est entré dans leur monde clos : la mère de
Nitouche, une voyageuse, elle aussi.
Depuis, près d’une vingtaine d’années se sont écoulées sans autre arrivée. Et d’un coup, plusieurs voyageurs débarquent...
Les villageois se rassemblent sur la grande place et se
tiennent à distance respectueuse des nouveaux
venus, on les regarde comme des statues ou des
œuvres d’art, on commente dans des murmures les
épaules de l’un, les yeux de l’autre. Personne n’ose
élever la voix ni même souhaiter la bienvenue. Si les
PJ avancent ou parlent, les villageois reculent en
masse, comme si les voyageurs étaient des créatures
inconnues et potentiellement dangereuses...
Soudain un homme, petit, maigre et vieux, est poussé en avant d’un violent coup d’épaule par Rotonde,
une vieille femme très forte. Reprenant son équilibre, l’homme se retrouve, tout penaud, à mi-chemin
entre villageois et voyageurs. Il y reste, tremblant de
la tête au pieds, n’osant ni rejoindre les siens ni s’approcher davantage. Il regarde en arrière puis se racle
longuement la gorge avant de risquer quelques mots
en direction des PJ :
« Êtes-vous des... voyageurs, comme l’attestent vos
bottes et vos sacs ? »
Le « oui » des personnages semble réconforter et
soulager tout le monde. L’homme ajoute :
« Moi, le Frileux, roi du Pays, annonce l’incroyable
nouvelle. En ce jour sont arrivés des voyageurs d’audelà du Pays... »
Même s’il se dit roi, le Frileux n’est pas le roi vu en
rêve par les personnages. Il n’a même rien à voir avec
lui, pourtant les voyageurs savent au fond d’euxmêmes, ils en ont la certitude, qu’il sont bien dans
le royaume de leur rêve... Un détail devrait les en
convaincre tout à fait. Dans la masse des villageois,
ils croisent un regard l’espace d’un battement de cil.
Ils le reconnaissent aussitôt comme celui de la mère
du roi. C’est elle, pas de doute, à la différence cependant qu’il ne s’agit pas d’une vieille femme, mais
d’une jeune et belle blonde...
En réponse aux paroles du roi, une dizaine de villageois s’éparpillent dans les maisons pour tous revenir chaussés de bottes de cuir et porteurs d’une besace. Ces « bottés » sont ceux des villageois qui
détiennent des fragments de légende (voir Livre 1 Le Village - « Coutumes »).
Comme s’ils reproduisaient un rituel bien rôdé, les
« bottés » se répartissent en quatre groupes (un par
chant de la légende). Le premier, celui du printemps, est le plus important, suivi de près par celui
de l’été. En revanche les deux derniers groupes sont
peu fournis, il y a peu de volontaires pour se risquer
dans l’inconnu sous la pluie ou la neige !
Au signal du roi, les « bottés » déclament les uns
après les autres un ou plusieurs fragment de légende
en commençant par ceux du « groupe du printemps », puis c’est au tour des autres groupes suivant
l’ordre des saisons. Certains « bottés » changent de
groupe pour déclamer d’autres vers (ils ont voyagés
à différentes saisons). Le tout ne veut strictement
rien dire car tous les fragments, au sein d’un même
chant, sont mélangés... (voir l’encadré La Légende
Mélangée). Frileux se tourne alors vers les voyageurs
pour leur demander s’ils n’ont rien « à ajouter ».
Dans le cas d’une réponse positive, Frileux les convient
à rejoindre le groupe du printemps, car nous sommes
au printemps, puis le rituel recommence depuis le
début pour la plus grande joie des villageois.
En entendant tous ces fragments de légende, les personnages ont l’impression de les avoir déjà entendus... en rêve. Et justement dans celui qu’ils viennent de faire. Les fragments sont mélangés, mais ils
s’accolent deux à deux comme des pièces de puzzle.
En reconstituant des strophes complètes, les joueurs
s’aperçoivent que la légende n’est pas complète. Il
manque des morceaux, même après avoir ajouté les
leurs, soit :
- 1 fragment dans le premier chant (printemps)
- 4 dans le second chant (été)
- 4 dans le troisième chant (automne)
- 4 dans le quatrième chant (hiver)
Tout cela, les personnages peuvent le comprendre,
mais pas s’en préoccuper vraiment car ils sont sollicités de toute part. En effet, cette cérémonie a
rompu la glace. À présent, les villageois entourent les
La Légende Mélangée
À devenir, du roi, et l’amante et la reine.
Une arme dont l’écrin en faisait tout le charme.
Printemps
Dispersés un beau jour, quatre n’ont plus de nom,
De cette tâche, le roi seul ne peut s’acquitter,
Grand rival des Dragons aux dires des plus sages.
À tel point qu’un matin, il n’eut plus de second.
Aussi quand advint l’heure du dernier des matins,
Le roi, calme et confiant, put accueillir la mort,
Les Rêveurs, non contents, lui donnèrent l’espoir,
Car ni homme ni passé ne s’éteignent vraiment,
De ces temps, il ne reste que de belles histoires,
Dont personne à certaines n’ajouta le mot fin.
Bien avant le troisième, il y eut un autre Âge,
Si bien que des Rêveurs il usa le pardon,
En ce pays vécut un si sage et bon roi,
Dans le sommeil, la mort et dans toutes les vies,
D’en retrouver d’antan la splendeur et la gloire.
Et ce qui fut jadis peut renaître à l’instant.
Seul, depuis, il voyage, passant de vie en vie,
En quête de tous ceux qui jadis furent les siens,
FRAGMENTS DES VOYAGEURS
(La strophe entière a été d’office reconstituée. S’il y a
moins de 5 voyageurs, réintégrez les fragments restants à
ceux qui seront récités avant ceux des voyageurs.)
Le roi lui seul, enfin, connaît sa vraie nature,
Il est plus d’une façon de cesser de rêver,
Celle avec qui les hommes dans la paille s’accouchent.
Mais, voyageuse et belle, c’est elle qui du roi fut.
Automne
L’épée à elle seule ne peut vaincre l’ennemi
Le souverain remède reste dissimulé...
Fou amoureux il est, damoiseau d’une donzelle,
En épouser un autre ne peut être son sort.
Connaissent des Dragons les mystères, les secrets.
Sinon qu’ils sont, de cette légende, le mystère.
Ceux qui, de tous ces drames, vivront pour voir la fin,
Après les retrouvailles, après les souvenirs,
Tous ceux qui, courageux, travaillent le matin,
Et de ce triste jour on oubliera la joie,
Tous reçurent une pleine poignée d’or et d’argent.
Et tout fut dépensé en trois jours de folie.
Seront ceux qui feront face au cours du destin.
Reste à présent pour eux à défendre l’avenir.
Pleines de cris, de peur, d’amoures et de gloire,
Telle est celle du pays survivant au matin.
Oubliées de chacun, des silhouettes en forêt
Que dire d’elles que toujours les arbres abritèrent,
Une forêt, des collines, une rivière et un pont,
Un village charmant, qui jamais n’eut de nom.
Ajoutons à cela un fier château perché,
Et voilà ! De l’histoire le décor est planté.
Par leur puissant destin jusqu’au bout enchaînés.
Ainsi du passé se rejoueront tous les rêves.
Qu’il pouvait des Dragons échapper à la loi.
Partout où il irait, irait son beau pays.
Quand des Dragons troublés les songes prirent fin,
Sachant que son pays ne connaîtrait ce sort
Fragment trouvé au Printemps
Toujours accompagné de son cher beau pays.
Pour un jour à l’histoire ajouter le mot fin.
Les acteurs de la pièce sont à présent trouvés,
Reste à conter l’histoire quand le rideau se lève,
Hiver
Les Dragons eux-mêmes savent que tout un jour prend fin,
Le pays, comme un homme, doit mourir pour renaître,
Tuant, pillant, brûlant, donnant à tout sa fin.
Le village, les champs... tout finit ravagé.
De sa simple présence, il chasse les nuées.
Une histoire prend fin là où l’autre commence.
Été
Des confins du pays vient le noir instrument,
Bien au-delà des mers, une nuée se lève,
Une fille sans pareille au doux nom inconnu.
Et cela, compte fait, donne bien quatre en tout.
Les soudards réalisent des Dragons le dessein,
Sur leur passage point de salut, de pitié.
Tombés il y a longtemps dans un oubli profond.
Il est écrit que des voyageurs vont l’aider.
Où qu’on aille, le seul refuge est le château,
Mais garde ! Le danger vient souvent du dedans.
Toujours à l’aventure, téméraire, sans rival.
Jamais ne renonça, pas un jour, pas une fois.
Est celui qui massacre, esclave de sa hargne.
Il leur faudra l’occire pour sauver le pays,
Libre et joyeuse, telle est la belle Nitouche,
Il est certes des mères de plus haute vertu,
Les Dragons au château imposent la volonté.
Rien ne semble endiguer des soudards la furie,
Dort, calme, sereine, d’un sommeil profond.
Car aux yeux des Dragons, c’est une pure merveille.
Et préfèrent l’amener sans craindre le destin.
Sont éprouvés alors et la terre et les êtres.
Une mère des plus belles, un capitaine têtu,
Plus une douce femme dont le roi est l’époux,
Les Dragons l’ont voulu amené par le vent.
Et se répand à l’aube, noirâtre, sur la grève.
voyageurs et se présentent tous en même temps.
C’est un tourbillon duquel les PJ ne gardent pas
grand-chose, sauf peut-être que la blonde n’est pas
là. Dans toute cette agitation, Pitchoune, une petite
fille, s’approche de celui qui porte la poupée de chiffon et qui est en partie visible. Elle se dresse sur la
pointe des pieds et tire le bas de la cotte du voyageur. « Rends-moi ma poupée, lâche-t-elle, c’est ma
poupée ! ». Pitchoune n’en démord pas, elle veut sa
poupée et ne dira rien de son secret. Le voyageur
n’est pas un enfant, il ne peut donc pas connaître
leur secret... Si les personnages veulent en savoir
plus, ils devront épier les enfants. Si elle ne récupère pas son jouet, Pitchoune fera les gros yeux et ira
jusqu’à tenter de la voler les jours suivants avec la
complicité de sa copine Frimousse.
LE DERNIER
21
MATIN DU
MONDE
UNE MAISON
POUR LES VOYAGEURS
D’
un seul pas, tous les villageois entraînent les
personnages vers une des maisons du village. En chemin, les PJ croisent une nouvelle
fois le regard de la blonde, celle-ci se tient en retrait,
hors de l’effervescence collective. Entraînés par la foule,
les voyageurs ne peuvent la rejoindre. Des hommes s’aperçoivent de l’intérêt que les nouveaux venus portent à
cette fille. Ils leur murmurent aux oreilles, comme dans
un bourdonnement d’abeilles, qu’elle se nomme
Nitouche et que c’est la fille d’une voyageuse. Sa mère
est morte peu après son arrivée. Nitouche n’était alors
qu’un bébé aux formes déjà charmantes aux dires de
ceux qui la virent alors. Les hommes murmurent aussi
qu’elle « n’est pas comme les autres ». Elle ne cherche
pas à se marier bien qu’elle soit la plus belle du village,
en revanche elle n’est pas avare de ses charmes contrairement à d’autres et ne manque pas d’amants. Ils ajoutent pour finir que « en tant que nouveau venu, vous
avez toutes vos chances pourvu que vous lui plaisiez...
ou plutôt que vous sachiez lui plaire... »
En chemin également, l’attention des personnages est
attirée par des aboiements et des grouinements. Un
petit chiot est poursuivi par deux énormes cochons.
Les porcs sont chassés à coups de pied par des villageois. Quant au chiot, il vient se réfugier, tout tremblant de peur, entre les pieds d’un des voyageurs et il
n’en décolle pas, slalomant entre les jambes de l’homme à chacun de ses pas... (voir plus bas « Le Petit Chien
de Gékah »).
résumé, il décrit tout ce qui est à l’intérieur du monde
connu (voir Livre 1) : la petite forêt, la zone de coupe,
le pierrier, les deux rivières, le dolmen de Gékah, le
sentier, le pont qui ne sert à rien, l’enclos à mouton, les
relais de voyage répartis aux frontières ou encore le lacmiroir. Sur ce qu’il y a au-delà, il est plus évasif. À
l’ouest, il semble y avoir une grande forêt, mais personne n’y a jamais été. Au nord c’est la grande
inconnue. À l’est, les marais s’étendent à perte de vue
et au Sud, ce sont les collines et le pays des morts.
Personne ne s’y rend...
Il ajoute qu’actuellement un villageois est en voyage
quelque part : Baffreux, le « jeune » fils du roi. Une
femme se met alors à pleurnicher. Rotonde (la vieille
femme très forte qui avait poussé le roi en avant) intervient alors :
« Soit, il n’a que 10 ans, souligne-t-elle d’une voix
ferme, mais la valeur n’attend pas le nombre des
années... »
Personne ne lui répond et Rotonde quitte la maison,
hautaine et sûre d’elle. Le Frileux lui emboîte le pas
peu après. Cet événement brise l’excitation du
moment. Les villageois se dispersent les uns après les
autres. Gekah reste. Il demande aux voyageurs s’ils
n’ont rien à ajouter à la carte.
Gékah peut répondre à toutes les questions des personnages sur le monde connu, le village, les coutumes, les
personnes rencontrées. Concernant Nitouche, il reste
vague et soupire, avant d’avouer qu’il est son père adoptif et qu’elle lui donne « bien du souci »...
Quelques mots pour le gardien des rêves
QUESTION DE POLITIQUE
Le petit chien de Gekah est très important pour la campagne, et pas seulement pour ramener Baffreux. Il va s’attacher contre vents et marées aux personnages durant les deux premiers chants. Suivant l’attitude des voyageurs
envers ce chiot, un des événements du troisième chant (automne) peut s’avérer plus ou moins néfaste. Pire, si les voyageurs se conduisent mal avec le
chiot, s’ils le rejettent, ils auront non seulement plus de mal à passer l’automne, mais aussi vont perdre des alliés très précieux pour le quatrième
chant (hiver). Tout cela, bien sûr, il n’y a que le gardien des rêves qui le sache.
ossédant chacun un fragment de légende, les
personnages disposent chacun d’une voix
pour élire le roi. Leur nombre peut faire basculer la majorité. À ce titre, ils vont être courtisés à la
fois par Rotonde, la mère de la femme du roi, et Lahin,
le meunier, leader de l’« opposition ».
Rotonde est la première à leur rendre visite. Elle se présente officiellement et leur propose, comme un grand
privilège, d’assister au lever du roi le lendemain (voir
Livre 1 - Le Village). Lahin arrive à cet instant avec un
plein sac de farine qu’il offre aux voyageurs.
Les deux personnages sont aussi antipathiques l’un
que l’autre. Ils exposent ensemble toutes les coutumes « politiques » du village. Chacun dissèque toutes les paroles de l’autre, rectifiant aussitôt telle
imprécision ou tel oubli intentionnel. De précision,
les interventions de l’un et de l’autre tournent aux
attaques personnelles, puis aux injures.
« Moi, dit Lahin, je n’envoie pas mon petit-fils de 10
ans à une mort certaine dans l’espoir de récupérer une
voix.. »
« Le voyage est une coutume, personne n’a jamais dit qu’il
y avait un âge limite, réplique Rotonde... »
« N’avez-vous pas de cœur... »
« C’est bien à vous de parler de cœur ! À ce que je sache,
ce n’est pas moi qui marie de force ma fille pour obtenir
des voix... »
Un balai à la main, Nitouche arrive alors que
Rotonde et Lahin sont sur le point d’en venir aux
mains. La nouvelle-venue fait baisser la tension. Un
ultime incident risque d’éclater au passage de la
LE DERNIER
22
MATIN DU
MONDE
Devant la maison (voir plan du village, maison 12), le
silence se fait. Le roi se tient sur le seuil et se racle une
nouvelle fois la gorge en tremblant :
« Voici votre maison, voyageurs, nous l’avons construite pour cette occasion. Elle n’a jusqu’à présent jamais
servi... »
Un silence recueilli suit ces mots. Les voyageurs peuvent comprendre (EMPATHIE à 0) qu’il s’agit d’un hommage à la mère de Nitouche. Le roi reprend :
« Elle est à vous. Nous vous l’offrons. Déposez-y vos affaires, nous avons autre chose à vous montrer... »
La chose faite, la procession reprend vers une autre
maison un peu à l’écart où tout le monde s’engouffre. Il s’agit de la maison de la carte (voir plan du
village). L’endroit est vide, à part une grande carte
en peau de bête tendue sur un des murs. Cette carte
est celle du monde connu. Chaque villageois-voyageur, de retour de son voyage en terre inconnue, la
complète de sa main. De fait, cette carte est un
patchwork de styles très différents.
C’est un autre villageois, un nommé Gékah, se présentant comme haut-rêvant, qui commente la carte. En
P
porte. Ni la vieille femme ni le meunier ne veut
céder le passage, et c’est tous les deux ensemble
qu’ils sortent, écrasés chacun de leur côté, poussant
à en devenir rouges. Ils y parviennent enfin et s’éloignent sans se regarder.
LES DEUX BELLES
L
es voyageurs restent seuls avec Nitouche,
balai en main, qui commence à nettoyer le
sol. Sans décoller les yeux de son ouvrage,
elle se présente et ajoute qu’elle vient les aider à
emménager.
Engager la conversation avec elle n’a rien de difficile, d’autant qu’elle est là pour cela. Très vite, elle lève
les yeux et les voyageurs retrouvent intact le regard
si présent de leur rêve.
Nitouche est la seule à porter un nom présent dans
la légende. Les deux vers du fragment où elle est
citée sont sans ambiguïté :
Libre et joyeuse, telle est la belle Nitouche,
Celle que les hommes dans la paille couchent.
Nitouche porte le nom de la légende et, à en croire
les villageois, se comporte également comme dans le
fragment qui la concerne.
Interrogée sur cette coïncidence, la jeune fille répond
que son nom lui a été donné par hasard, parce qu’elle
n’arrêtait pas de toucher à tout. Le fragment a été trouvé par un villageois, des années plus tard.
Ce hasard fortuit fait qu’elle porte le nom de la légende. Mais cela n’a pas suffi pour qu’elle se rappelle avoir
été la mère du roi. En fait, elle n’en a rêvé qu’après
avoir perdu son pucelage, il y a un an à peine. Et plus
elle fait l’amour, plus elle est sûre d’avoir été mère de
roi, en rêve, dans une autre vie comme dit Gekah...
Mais elle ne se souvient de rien d’autre... « Peut-être
que je ne fais pas encore assez l’amour... » ajoute-t-elle,
sur un ton oscillant entre proposition et plaisanterie.
Nitouche est en train de parler quand, l’air de rien,
Sonice passe devant la maison avec ses prétendants à sa
suite. Elle jette un bref regard aux voyageurs, accompagné d’un léger sourire. Elle semble ne pas les remarquer pour ne s’adresser qu’à Nitouche.
« Alors, Nitouche, tu n’as point d’autre chose à faire ? Ma
mère a sans doute besoin d’aide... »
« J’accueille les voyageurs, Sonice... » répond-elle.
« Je ne doute pas qu’ils apprécient ton... hospitalité. »
Les prétendants ricanent. Nitouche semble ne pas relever le sous-entendu et prend congé des voyageurs.
Sonice s’éloigne, elle aussi, hautaine et fière d’elle.
LE PETIT CHIEN DE GEKAH
S
uit toute une série de villageois, à la convenance du gardien des rêves. Chacun vient
se présenter et apporter qui de la nourriture, qui une poterie, etc.
En dernier, alors que la nuit tombe, une femme se
glisse en rasant les murs dans la maison des voyageurs. Il s’agit de Bouillotte, la femme du roi. Elle
transpire comme si elle était en plein soleil. Des larmes coulent sur ses joues. Bouillotte vient supplier
les voyageurs de l’aider. Son fils, le Baffreux, est parti
en voyage voilà quelques jours. C’est sa mère,
Rotonde, qui l’a poussé. Baffreux est certainement
en danger, son cœur de mère le lui crie. Tout ce
qu’elle sait est que Baffreux est toujours vivant,
Gékah, le haut-rêvant, le lui ayant assuré en regardant dans son miroir (sort de Miroir d’Hypnos),
mais il n’a pas su dire où il se trouvait. Très certainement en dehors du monde connu. Bouillotte est
morte d’inquiétude. Elle pressent que son fils ne sait
pas non plus où il se trouve et que, par conséquent,
il lui est impossible de rentrer seul.
En séchant ses larmes, elle demande aux voyageurs
de partir à sa recherche...
Qui dit voyageur dans ce monde dit possibilité d’obtenir un fragment de légende. Retrouver Baffreux équivaut sans doute à récupérer un nouveau fragment, le
seul qui manque pour finir le premier chant. Cette perspective devrait convaincre les voyageurs d’agir, si
l’aspect purement humanitaire les laisse froids...
Seulement voilà ! Comment retrouver un gosse de
10 ans perdu dans un pays aux limites inconnues ?
Vous souvenez-vous du petit chiot ? Celui qui s’était
réfugié dans les jambes d’un voyageur... Eh bien, il est
toujours là, dans la maison des voyageurs qu’il semble
avoir adoptée en même temps que ses propriétaires...
Au moment où les personnages se posent la question
de savoir comment ils vont faire, le chiot aboie et
remue la queue. C’est lui la solution du problème.
Bien que petit, il a un odorat infaillible. Gekah, son
maître, peut l’assurer aux voyageurs. Il suffit de lui
faire renifler un habit ayant appartenu à l’enfant
pour qu’il cherche aussitôt sa trace... et la trouve.
LE PAYS DES MORTS
L
a piste remontée par le flair du chiot mène
vers l’ouest puis s’incurve vers le sud.
L’enfant ne savait visiblement pas où il
allait. Au bout de quelques heures, les voyageurs
trouvent les restes d’un petit campement : un maigre feu fait de brindilles, des miettes de pain, etc.
Une journée de marche plus tard, les voyageurs et le
chiot arrivent en bordure de collines. La piste y mène
tout droit. Le chiot s’arrête et se met à hurler à la mort.
Ces collines sont la frontière du Pays des Morts...
S’il est encouragé par les personnages, le chiot passe
courageusement la limite du Pays des Morts et
continue à suivre la piste.
Le chiot poursuit jusqu’à la rivière puis se met à suivre la berge vers le sud, s’enfonçant toujours plus
loin dans le domaine des morts, jusqu’à atteindre le
lac des zomars (voir Livre 1).
Là, le chiot perd sa trace, tout est trop mouillé pour
avoir conservé une odeur. Les voyageurs doivent
continuer les recherches sans l’aide du chien, du
moins pour relever la piste car l’animal aboie de
toute sa puissance quand des dangers approchent :
zomar ou lycan.
Une journée passe ainsi.
Durant ce temps, Baffreux est tranquillement installé
dans la caverne d’une créature hors du commun,
Grand-Bras, un gigant (voir Livre 1 - Le pays des Morts
- « Grand-Bras : l’habitant des collines dures »).
LE DERNIER
23
MATIN DU
MONDE
Grand-bras est aussi fort et grand qu’inoffensif pour
Baffreux. Il l’a recueilli alors que l’enfant errait, pleurant toutes les larmes de son corps, dans les collines.
Baffreux n’a pas peur de lui et Grand-Bras se comporte avec lui comme un compagnon de jeu, c’est un «
grand », très grand, enfant.
Peu à peu, les personnages découvrent des traces de la
présence de Grand-Bras (voir Livre 1 - Le pays des Morts
- « Petits scénarios dans le Pays des Morts »). Lorsqu’ils
le rencontrent, le Gigant est seul. Quoi qu’il arrive,
Baffreux intervient avant que quelque chose de
« fâcheux » ne se passe, c’est-à-dire la mort d’un voyageur ou du gigant. Baffreux s’interpose avec ces mots
désarmants :
« Touchez pas à Grand-Bras, c’est mon copain ! »
Grand-Bras fraternise avec les voyageurs, même si un
combat a eu lieu à l’instant d’avant. Bien que le cœur
lui serre de quitter son ami, Baffreux désire plus que
tout retrouver sa mère... et ses gâteaux ! L’enfant a rêvé
dans le Pays des Morts, un cauchemar très morbide
comme il convient à l’endroit. Il en a gardé des frissons
de terreur et un fragment de la légende qu’il livre
volontiers aux personnages s’ils le lui demandent.
Toujours accompagné de son cher beau pays.
Pour un jour à l’histoire ajouter le mot fin.
Le gigant accompagne les humains jusqu’à la limite
des collines. Au passage, il peut faire halte au
« Rocher aux Lycans » (voir Livre 1 - Le pays des
Morts ) si l’état d’un personnage ou le sien le demande. Grand-Bras préfère rester dans ses collines. Il
ajoute cependant que si, un jour, les « petits bras »
ont vraiment besoin de lui, il pourrait les suivre si
ceux-ci viennent le chercher.
LA FÊTE DU PRINTEMPS
D
LE DERNIER
24
MATIN DU
MONDE
e retour au village, Baffreux se jette aussitôt
sur les gâteaux de sa mère et s’en goinfre. Le
cauchemar des collines est ainsi bien vite
oublié. Bouillotte étouffe presque les voyageurs tant
elle les serre dans ses bras.
Le retour de Baffreux, et surtout la récupération du
dernier fragment du premier chant, déclenche
comme par une étrange coïncidence les préparatifs
de la fête de fin de saison (voir Livre 1 - Le village
sans nom). Rien n’indique que l’été est proche et
pourtant, tous les villageois en sont persuadés. L’été
est pour bientôt.
Le reste de la journée et tout le lendemain, tous les
villageois s’affairent pour préparer la fête. On dresse
des tables chargées de victuailles, on sacrifie
quelques moutons et cochons.
Le soir enfin, les festivités commencent. Tout d’abord, les jeux. Cela débute par un « siège » (voir
Livre 1 - Le village sans nom). Un grand concours de
Mandale prend la suite. Tous les hommes forts du
village y participent, sauf Le Grochu qui refuse obstinément de se présenter.
Les premiers chocs de crânes ont lieu. Comme à
chaque fois, Ornufle le bûcheron a l’air bien parti
pour gagner. Il faut dire que cela fait six fois consécutives qu’il remporte le concours. Le vin coule à
flot, les esprits s’échauffent. On commence à railler
les vaincus, on fait boire les premiers vainqueurs.
Le Grochu qui assistait au jeu dans un coin est soudainement pris à parti par Ornufle, passablement
éméché. Ornufle empoigne le Grochu pour le forcer
à participer. Le porcher refuse et, du fait d’Ornufle
qui continue à boire, l’affaire s’envenime. Tout le
monde se rassemble autour du Grochu et d’Ornufle.
Certains poussent le Grochu, d’autres comme
Gékah prennent sa défense et demandent à ce qu’on
le laisse tranquille. Les discussions s’éternisent.
Ornufle renonce brusquement, faisant retomber la
tension aussi vite qu’il l’avait fait naître. Le bûcheron reprend le concours pour se retrouver en finale
contre Smisse. Le choc entre les deux colosses est
impressionnant à deux titres ; d’abord par le bruit
« plein » que font leurs crânes quand ils se cognent,
et d’autre part parce que les deux hommes s’assomment raides l’un l’autre...
C’est une première, jamais une telle chose n’était
arrivée... Après discussion, il est décidé qu’il n’y a
pas de vainqueur et que tout le concours sera recommencé dans les jours qui suivent, le temps que les
bosses disparaissent...
Les musiciens se mettent à jouer et l’on commence
à danser en couple alors que les participants à la
Mandale reprennent leurs esprits. Nitouche profite
du bal pour approcher les voyageurs, danser avec
eux... et faire son choix.
Les « têtes dures » sont remises. Le bal fait une pause.
Tous les villageois regardent Uzanne et Nitouche danser tour à tour. Ceci fait, le bal reprend de plus belle
avec son renfort de cavaliers. Des couples s’éclipsent
discrètement. Nitouche n’est pas en reste. Elle choisit
un voyageur et l’entraîne dans une grange, le temps de
plusieurs danses. Puis revient et en prend un autre. Et
ainsi de suite tant qu’il reste des voyageurs qui lui plaisent. Elle garde celui qu’elle préfère pour la fin et passe
le reste de la nuit avec lui...
Le printemps s’achève ainsi. Cette nuit, les personnages vont faire un rêve, un rêve aussi pénétrant et
significatif que celui du château.
LE DERNIER
25
MATIN DU
MONDE
Chant deuxième
L’Eté
Le temps des retrouvailles
L
e Baffreux avait arrêté de manger, Frimousse ne disait
mot et Pitchoune, à plat ventre, appuyée sur ses coudes,
battait des jambes. Nitouche, comme à son habitude, semblait distraite, mais le vieillard savait qu’elle écoutait... puisqu’elle
ne se disputait pas avec Sonice.
L
C
e vieil homme regarda tous ces enfants avec tendresse et
se félicita d’avoir pu captiver son auditoire. « Voilà une bien
bonne histoire ! » pensa-t-il. Il lissa sa longue barbe puis
reprit le cours de son récit.
e fut après l’arrivée des voyageurs que les choses commencèrent à changer au village. Durant des années et des
années, depuis le début du Troisième Âge en fait, rien n’avait vraiment changé… Jusqu’à faire croire aux villageois que
tout avait toujours été ainsi… L’été est une saison magnifique,
pleine de soleil et de bonheur. C’est aussi celle qui succède au
printemps… Les fleurs deviennent des fruits et les fruits mûrissent. Tout comme cette histoire.
L
a venue de voyageurs avait été déjà en soit un événement.
Peu en effet se risquaient sur les routes. Mais ce qui suivit
leur arrivée fut bien plus extraordinaire encore ! Avezvous, mes enfants, déjà rêvé que vous étiez des princesses, des
rois ou de grands capitaines capables de braver les mers les plus
déchaînées ? »
S
onice trembla rien qu’à l’évocation d’une si grande étendue
d’eau, ce qui amusa Pitchoune. Sonice s’en aperçut et les
deux fillettes commencèrent à se disputer. En une phrase,
le vieil homme arrêta les chamailleries : « Ce qui se passa en été
dans ce village fut des plus inattendu ... »
LE DERNIER
26
MATIN DU
MONDE
CHANT 2 — LE RÊVE
L’OISEAU DU CAPITAINE
L
es personnages se réveillent sur un radeau
de fortune fait d’un assemblage précaire de
poutres brisées, de cordages détrempés et de
morceaux de toile. Ils sont pieds nus et n’ont en tout
et pour tout que des chausses et une chemise sur eux
(pour une voyageuse, il s’agit d’une robe en partie
déchirée). Force leur est de constater qu’ils sont naufragés... et en mauvaise posture !
Ils sont en effet en pleine mer, sous un soleil de
plomb, sans eau ni nourriture.
Laissez-les se démener durant une journée (l’aprèsmidi sera torride), essayer de pagayer, de pêcher, de
construire une voile ou que sais-je encore. Le salut arrive le matin suivant sous la forme d’un fier vaisseau
filant toutes voiles dehors et arborant le pavillon noir...
BIENVENUE
SUR L’ÉCUMEUSE...
L
e navire, nommé l’Écumeuse, est en fait un
bateau de redoutables pirates (voir encadré). À peine a-t-on hissé les personnages
sur le pont que les pirates, au nombre d’une quinzaine, s’assemblent autour d’eux, les sabres dégainés
et l’air hostile. Ils fouillent sans ménagement les
naufragés et s’apprêtent à les tuer quand le capitaine
intervient et suspend l’exécution.
Un étrange oiseau est perché sur l’épaule du capitaine,
il ressemble à un gros faisan à quatre pattes et au plumage multicolore... Un jet d’INTELLECT/Légendes à - 1
permet d’identifier un oiseau-oracle (Oniros p 96). Nul
doute qu’une telle créature puisse les mener sur la piste
du fragment, voire le leur donner ! En effet, les
oiseaux-oracles parlent et disent toujours la vérité... de
manière parfois masquée, mais toujours la vérité.
Malheureusement pour les personnages, le volatile a
l’air très attaché à son maître. De plus, son bec est
muselé pour lui éviter de répondre à n’importe quelle
question indiscrète comme « Où se trouve le trésor ? »
Après les avoir observés quelques instants, le capitaine
lâche sèchement : « Je ne veux pas savoir qui vous êtes
ni d’où vous venez, vous êtes sur mon vaisseau et vous
me devez obéissance. Alors soit vous devenez des pirates, soit vous allez dire bonjour aux poissons...»
À moins que des voyageurs aient envie de mourir, tous
vont accepter de devenir pirates. Le choix fait, le capitaine tourne les talons, l’équipage, visiblement très
déçu d’avoir été spolié d’un massacre, retourne à sa
tâche et les ennuis des personnages commencent...
LE DERNIER
27
MATIN DU
MONDE
Les Pirates
Hache de bataille
Épée dragonne
Corps à corps
Dague de mêlée
Dague de lancer
Esquive
Vie
Endurance
12
12
12
12
13
13
12
24
niv
+4
+4
+4
+5
+5
+4
Protection
+dom
init
+3
+3
0
+1
+1
0
0
L’école de piraterie
Pour rester en vie, les voyageurs doivent se comporter comme des pirates,
c’est-à-dire :
- Faire des plaisanteries douteuses
- Rire grassement
- Mâcher du tabac ou fumer la pipe
- Se battre à coups de poing à la moindre provocation
- Boire du rhum sans modération
- Ronfler
- Monter tout en haut du mât au moins une fois (AGILITÉ/Escalade à -5)
- Laver le pont en râlant
- Chanter des chansons de pirates
De plus, il y a 4 règles propres à l’Écumeuse qu’il faut aussi impérativement
respecter sous peine de mort :
- Le capitaine se sert en premier (aussi valable pour les repas et le rhum que
pour le butin)
- Ne pas entrer dans la cabine du capitaine sans son autorisation.
- Ne pas parler à l’oiseau-oracle
- Ne pas porter d’arme (ne s’applique qu’aux voyageurs)
IL Y A PIRATE ET PIRATE...
D
ans le paragraphe précédent, les descriptions
des pirates et du capitaine sont volontairement omises. En effet le gardien des rêves
trouvera ci-dessous un choix de types de pirates et de
capitaines pour personnaliser ce rêve à sa guise et varier
les plaisirs en cas de répétition du rêve.
Tous les types de pirates que nous allons voir (équipages et capitaines) ont en commun leur habillement,
armement et caractéristiques de combat (pour ces dernières, voir l’encadré Les pirates).
Tous sont vêtus de culottes et d’une chemise de tissu
(protection 0). Nombre d’entre eux portent des boucles d’oreilles que les voyageurs peuvent reconnaître
comme étant le travail de Smisse. Ils se battent à l’épée,
la hache et la dague. Chacun d’eux possède 2 dagues et
soit une épée dragonne, soit une hache de bataille. Ils
attaquent de fougueux à fulgurant.
LE DERNIER
28
MATIN DU
MONDE
ÉQUIPAGE 1 : LES PIRATES « CLASSIQUES »
L’équipage est composé de marins hétéroclites
(petit, grand, gros, tout maigre), tous vraiment
laids, avec des tronches pas possibles, les dents
cariées, de gros nez, des verrues, des sourcils broussailleux... et l’air patibulaire.
ÉQUIPAGE 2 : LES AMAZONES
L’équipage, entièrement féminin, est constitué uniquement de femmes jeunes et belles. Elles n’en res-
tent pas moins des pirates et respectent toutes les
règles de « l’école de piraterie » (voir plus bas).
Elles se comportent comme des hommes et n’aiment pas être draguées. Toute tentative de séduction
est prise comme une provocation et entraîne automatiquement un combat à mains nues.
ÉQUIPAGE 3 : LES HOMMES ENTRE EUX
Cette fois, il s’agit d’un équipage masculin au physique
tout à fait « classique », mais avec une particularité spéciale. En effet, ces pirates préfèrent... comment dire...
rester « entre hommes ». Ils sont tous un peu efféminés, sont plus sociables (ils ne jurent pas), voire délicats
(l’un d’eux peut passer son temps à broder des napperons) et n’usent pas de violence physique entre pirates,
ce qui inclut les voyageurs. En revanche, ils sont impitoyables en combat. Pour leur permettre de mieux s’intégrer, les personnages seront, sans aucune arrière-pensée, l’objet de délicates attentions de la part des pirates,
qui garniront par exemple leurs hamacs de charmants
oreillers de soie...
CAPITAINE 1 : LE CAPITAINE « CLASSIQUE »
Le capitaine est un homme court sur pattes, mais
robuste et surtout encore plus moche que son équipage. Il est vêtu d’une veste de capitaine élimée et
d’un vieux tricorne troué. Comme signe distinctif,
il a au choix une jambe de bois, un crochet à la place
d’une main ou/et un bandeau sur l’œil. Le gardien
peut lui donner le visage de Lahin.
CAPITAINE 2 : LE CAPITAINE « HOLLYWOOD »
C’est le type de pirate des films américains. Penser à des
acteurs comme Errol Flynn ou Burt Lancaster. C’est un
bel homme, bien habillé et dents blanches, impitoyable
avec les hommes, mais galant et gentilhomme avec les
femmes. Il peut avoir le visage de Nataèl.
CAPITAINE 3 : LA VIEILLE MATRONE
Le capitaine est une femme mûre, moche et grosse.
Elle mène tout son petit monde à la baguette, n’acceptant aucune erreur. Elle jure et peste comme un
charretier et se bat à la hache, preuve supplémentaire d’un manque évident de finesse. Les traits de
Rotonde lui conviendront fort bien.
CAPITAINE 4 : LA PIN-UP
Encore un capitaine femme. Cette fois il s’agit d’une
fort belle femme, mais aussi dominatrice et impitoyable que tous les autres types de capitaines. Il n’y
a pas de place en elle pour les sentiments. Le gardien
peut lui donner le visage de Sonice.
LE PREMIER JOUR
SUR L’ÉCUMEUSE
D
urant ce premier jour, les personnages vont
être « testés » pour voir s’ils peuvent faire
des pirates acceptables et donc rester en vie.
Pour cela, les voyageurs doivent se comporter comme
de vrais pirates, c’est-à-dire respecter toutes les règles
de la piraterie (voir encadré Les règles de la piraterie).
Ces règles, bien sûr, personne ne va les leur expliquer... d’autant que l’équipage se montre peu causant
et suspicieux envers les nouveaux.
Comme si cela ne suffisait pas, les voyageurs ressentent
la présence d’un homme grand et maigre se cachant
dans les ombres. La même présence que celle qui
inquiétait la princesse du rêve du printemps. Les voyageurs ont beau essayer de l’approcher, de l’apercevoir,
cette présence se dérobe toujours à leurs yeux, comme
si elle faisait partie intégrante de la trame du rêve…
Durant ce premier jour, les pirates vont chercher à piéger chaque personnage au moins une fois en le mettant
dans une situation où il va devoir appliquer une règle
de la piraterie. Au moindre écart, un pirate donne un
avertissement. « Un vrai pirate, dit-il, doit agir
ainsi... ». Si le voyageur ne réagit pas aussitôt, il est
immédiatement exécuté, sans aucune possibilité d’en
réchapper. De même, si les voyageurs déclenchent un
combat contre les pirates, par exemple pour sauver l’un
des leurs, ils sont condamnés (à 3 contre 1, ils n’ont
strictement aucune chance de s’en sortir...). Les pirates
garderont toujours un œil sur les voyageurs, les obligeant par exemple à ronfler...
Dans cet univers sans foi ni loi, une voyageuse a
beaucoup de soucis à se faire. Elle est en effet considérée comme un butin et est la propriété du capitai-
ne. De fait, elle n’a rien à craindre de l’équipage (toucher à la propriété du capitaine revient à une
condamnation à mort), mais a tout à redouter du
capitaine, surtout si elle est jolie.
Si elle a affaire au capitaine « Hollywood », elle a
droit à de belles robes, des bijoux, des repas fins et
une cour dans les règles de l’art, sans violences ni
menaces. En revanche, dans le cas d’un capitaine
« classique », les choses sont moins plaisantes. En
un claquement de doigts, l’infortunée se retrouve
en tenue d’Eve, enchaînée au pied du lit de son «
propriétaire ». Le gardien des rêves doit, dans ce
cas, toujours donner une alternative. Le capitaine
tue celle qui ne veut pas lui céder. Mourir en rêve
n’est en effet pas bien grave, on ne fait que prendre une queue de Dragon ce qui, somme toute, est
un moindre mal...
Évidemment, dans le cas d’un capitaine femme, c’est
un des voyageurs (le plus « apparent » ou le plus fort)
qui se retrouve nu et enchaîné. Chacun son tour...
Dans un cas comme dans l’autre, l’infortuné (e) reste
ainsi jusqu’à la nuit de la mutinerie (voir À la nuit
tombée...).
LE DERNIER
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MATIN DU
MONDE
CE QUE LES VOYAGEURS
DOIVENT FAIRE
I
l est clair qu’il faut que les personnages fassent
parler l’oiseau-oracle. Le problème est que le
capitaine reste constamment avec l’oiseau et
que le volatile est bâillonné.
Pour y arriver, les voyageurs doivent se trouver seuls
avec le capitaine afin de lui arracher l’oiseau de
force. Il n’y a aucun autre moyen de procéder.
L’oiseau est hors d’atteinte d’une personne enchaînée au lit, la cabine est fermée de l’intérieur durant
la nuit, le capitaine ne dort que d’un œil et n’accepte aucun marché ou arrangement d’aucune sorte.
C’est son oiseau, voilà tout.
UNE ODEUR DE MUTINERIE
L’
ambiance à bord est tendue. Un simple jet
d’EMPATHIE à 0 permet de le sentir. Les
pirates ont entre eux des airs de comploteurs. Dans le dos de leur capitaine, leurs regards
deviennent aussi durs qu’une lame de couteau et s’ils
pouvaient tuer, le capitaine serait mort depuis longtemps. Une mutinerie ne va pas tarder à éclater...
C’est en tirant parti de cette situation que le rêve
peut être résolu. En effet, le capitaine sait fort bien
ce qui va se passer et est aux abois. S’il a épargné les
personnages, c’est uniquement parce qu’il a besoin
d’eux comme espions pour épier l’équipage et
comme rameurs pour manœuvrer la chaloupe avec
laquelle il compte fuir avec oiseau et trésor.
Le soir de leur arrivée, le capitaine prend l’un des
voyageurs à part et lui propose un marché : de l’or
contre leur aide.
En cas de refus, il ordonne leur exécution à tous le
lendemain matin. L’équipage ne s’y oppose pas,
étant soulagé de se débarrasser d’intrus.
S’ils choisissent de se ranger du côté du capitaine, leur
rôle est tout d’abord d’espionner les pirates. Des jets
successifs de OUÏE/Discrétion à 0 leur font apprendre,
dans l’ordre indiqué, les choses suivantes :
Jet 1 : Un abordage a eu lieu il y a deux jours,
beaucoup de pirates sont morts, mais cela valait
la peine, le navire contenait un trésor. Le problème est que pour l’instant le capitaine ne l’a
pas partagé et tous craignent qu’il garde tout
pour lui.
Jet 2 : Une mutinerie se prépare, tout l’équipage y participe.
Jet 3 : La mutinerie aura lieu dès qu’une terre
sera en vue.
LE DERNIER
30
MATIN DU
MONDE
Si un des jets est raté, le voyageur concerné est repéré par les pirates qu’il écoute et est tué aussitôt.
Les personnages vont peut-être avoir la tentation de
jouer double jeu et de se ranger du côté de l’équipage. Il n’y a rien de ce côté, l’équipage ne leur fera pas
confiance, quoi qu’ils fassent.
À LA NUIT TOMBÉE...
F
ort de ces renseignements, le capitaine prépare sa fuite. Il calcule une route pour arriver près d’une côte en pleine nuit, puis
donne rendez-vous aux voyageurs à l’heure de
l’Araignée. Enfin, en fin d’après-midi, il accorde
quadruple ration de rhum à ses hommes pour qu’ils
se saoulent, ce que la majeure partie fait consciencieusement en bon pirate qui se respecte.
À l’Araignée, la côte vient juste d’apparaître. Les
voyageurs entrent dans la cabine. Le capitaine barricade la porte derrière eux, puis libère un éventuel
personnage enchaîné au lit et donne à tous les pièces d’or promises.
C’est alors que les choses se gâtent...
Alertés d’une manière ou d’une autre, une demi-douzaine de pirates à moitié saouls se lancent à l’assaut de
la cabine. L’un d’eux, du château arrière, coupe net l’amarre de la chaloupe, supprimant toute possibilité de
fuite au capitaine et aux voyageurs. Les autres cherchent à enfoncer la porte. Il n’y a pas d’espoir de fuite.
C’est alors qu’il faut agir. Avant que les pirates n’entrent dans la cabine, les voyageurs ont 10 rounds pour
assommer ou tuer le capitaine et faire parler l’oiseau, ce
qui ne devrait pas être trop dur à 4 ou 5 contre un.
Démuselé, l’oiseau-oracle répond à la première
question posée. Peut importe sa teneur, la réponse
sera plusieurs fragments manquants de la légende :
Anguerrant de Trève, très fier prince de Mandale,
Aussi fier qu’obstiné, tête dure comme le bois,
Loin par-delà les flots, la princesse sans nom,
Elle est la seule qui n’a pas connu le réveil,
Solinée, par l’attrait, n’eut pas la moindre peine,
De beauté un seul grain était dit-on son arme,
Le rêve prend fin brusquement et les personnages
continuent leur nuit normalement... pour se
réveiller alors que le petit matin se lève sur le village.
CHANT 2 — L’AVENTURE
I - ANGUERRANT DE TRÈVE,
PRINCE DE MANDALE
LES RACINES DU PRÉSENT :
ANGUERRANT DE TRÈVE,
LE TÉMÉRAIRE
A
nguerrant fut le meilleur capitaine de navire
que compta le royaume et les empires alentour. Il était aussi courageux que volontaire
et ses prouesses de marin n’avaient d’égales que son
obstination. Quand il décidait de faire quelque chose,
rien ne pouvait le faire changer d’avis. Il devenait aussi
buté qu’un âne et sa tête était aussi dure que le bois...
Son entêtement devint si légendaire que l’on dit bientôt en plaisantant que « même le bois le plus dur est
moins dur que la tête d’Anguerrant ».
Son entêtement et sa témérité le conduisirent à de
grandes aventures. Il explora la mer sur des centaines
de kilomètres vers le nord. Très loin, si loin qu’il doutait lui-même de pouvoir en revenir, il découvrit une
nouvelle côte, celle du pays de Mandale. De retour au
royaume, il fut fait Prince de cette nouvelle terre.
Dans les années qui suivirent, il mena plusieurs expéditions en Mandale avant de découvrir que le pays était
habité. Anguerrant renonça noblement à cette terre et,
comme lui seul était assez fou pour s’y rendre, personne d’autre ne la revendiqua. Le Roi, touché par sa grandeur d’âme, lui laissa le titre, marque de sa noblesse de
cœur et de son courage d’explorateur.
Il mourut héroïquement lors du siège du château,
quelques heures avant le réveil des Dragons...
CE QUI SE PASSE AU VILLAGE
EN CE DÉBUT D’ÉTÉ
Q
uand les voyageurs se réveillent, la saison a
changé du tout au tout. La différence est
brutale, c’est comme si on passait d’une
douce journée de mai à une chaude et très ensoleillée journée de juillet, du jour au lendemain. Plus
étrange, la terre aussi semble avoir passé d’une saison
à l’autre en une nuit. Les blés qui étaient encore
verts la veille sont à présent jaune d’or et prêts à la
moisson sans que cela n’étonne le moins du monde
les villageois. Le personnage s’étant endormi dans les
bras de Nitouche se réveille seul, à sa place dans la
maison des voyageurs, quel que soit l’endroit où il
s’était couché avec la jeune fille.
Dehors tout le monde est heureux et prépare les moissons. Seule Nitouche a l’air soucieuse, elle a perdu sa
bonne humeur et sa joie de vivre. Les voyageurs la
découvrent, assise, à l’écart des autres, visiblement
souffrante. Elle a le cœur au bord des lèvres et finit par
vomir son petit-déjeuner. Interrogée, elle dit qu’elle
sent confusément que quelque chose ne va pas en elle,
elle se sent fatiguée, patraque, étrange... voila le terme
exact « étrange » !
Un personnage avec la compétence Médecine à 0 ou
plus comprend très vite de quoi il s’agit, le diagnostic
de la « maladie » de Nitouche est des plus simples : elle
est enceinte...
Si personne n’est capable de le lui dire, Nitouche va
voir Malaria qui lui apprend la raison de son état.
Elle va avoir un bébé qui n’est autre que le Roi, mais
cela personne ne le sait encore.
C’est le drame ! La jeune fille se sent désemparée. Elle
se confie à Saline pour lui demander conseil. Sonice
surprend cette conversation et se fait une joie de l’apprendre à tout le village. Pour Nitouche, c’est le drame,
un gouffre s’ouvre autour d’elle. Aucun de ses amants
ne désire endosser le rôle de père et évite de lui parler
ou même de croiser son regard. Elle devient un sujet de
plaisanterie pour certains et de railleries pour d’autres.
Gékah, son père adoptif, qui croule déjà sous les problèmes de famille, s’en lave les mains. Sonice jubile et
se rit d’elle publiquement. Comment a-t-elle pu être
aussi sotte ?
Quelques mots pour le gardien des rêves
Le scénario en quelques mots
Le Grochu ne veut pas participer au concours de Mandale car il a peur de
faire mal aux autres. Il est vrai qu’il est fort et a la tête dure. Le rôle des personnages est de lui prouver que la tête des autres, eux y compris, n’est pas si
fragile que cela...
Conséquence
Le Grochu devient Anguerrant et commence aussitôt à construire un bateau,
sourd aux railleries et aux remarques des villageois.
Strophe concernée
Anguerrant de Trève, très fier prince de Mandale,
Toujours à l’aventure, téméraire, sans rival.
Aussi fier qu’obstiné, tête dure comme le bois,
Jamais ne renonça, pas un jour, pas une fois.
Destins
Le Grochu, Ornufle, Aucassin, Smisse
Les yeux rougis de larmes, Nitouche cherche alors
refuge chez Saline, mais Sonice lui interdit l’entrée
de la maison. En désespoir de cause, elle se rend à la
Maison des Voyageurs. Si les personnages ne veulent
pas d’elle, elle quitte le village pour aller vivre dans
l’un des deux camps autour de la petite forêt (au
choix du gardien des rêves). Elle y reste alors tout
l’été, ne revenant que peu avant la fête de la saison
(scénario 5). Son père, trop content de la retrouver,
l’accueille alors les bras ouverts.
À part cela, le petit chien de Quioure continue de suivre les PJ (voir chant 1) et cochons et chiens se battent
toujours (voir Petit scénario dans le village, Livre 1).
PLUS DUR QUE LES ARBRES...
A
près leur rêve mouvementé, voici les voyageurs en passe de découvrir un des personnages de la légende. Anguerrant, Prince de
Mandale est un des villageois, mais il a pour le moment
tout oublié de cette vie passée. C’est donc aux person-
LE DERNIER
31
MATIN DU
MONDE
nages de raviver ces souvenirs en lui. Quels éléments
ont-ils en main ? Ils savent qu’Anguerrant fut un capitaine, que c’était un homme brave et obstiné et qu’il a
découvert une nouvelle terre, la Mandale.
C’est ce dernier indice qui va les mettre sur la voie.
Anguerrant est ou sera le vainqueur du concours de
Mandale de ce début d’été...
Les personnages soupçonneront probablement un des
« gros bras » du village (Aucassin, Smisse ou Ornufle).
Pourtant, le fier capitaine se cache sous l’apparence
frustre du Grochu, le porcher un peu demeuré.
L’ENTRAÎNEMENT
DU GROCHU
A
u matin, les voyageurs sont réveillés par
des coups sourds contre le mur de leur
maison. C’est Le Grochu qui se frappe
consciencieusement la tête contre les poutres d’angle. Le porcher prend quelques pas d’élan, court vers
le mur et lui assène un majestueux coup de tête, tel
un bélier vivant.
Interrogé sur son comportement, il répond simplement que les arbres sont trop « fragiles » pour cela,
alors il donne des coups de tête sur les maisons,
« ça » au moins c’est du solide...
Et effectivement, si le crâne du Grochu a l’air intact,
ainsi que ses facultés mentales, la poutre porte des
traces visibles de coups.
Les voyageurs vont alors se demander pourquoi Le
Grochu ne participe pas au concours de Mandale
(voir Le village - Livre 1) : il devrait certainement
gagner avec un crâne aussi dur...
Penaud, le Grochu explique qu’il aimerait jouer —
cela fait d’ailleurs des années qu’il s’entraîne. Le problème est qu’il n’ose jamais participer, de peur de
faire « mal » a son adversaire...
Tout le monde n’a pas en effet la tête aussi dure que
lui (son crâne a l’équivalent d’une protection 7)...
COMMENT DÉCIDER
LE GROCHU À CONCOURIR ?
L
LE DERNIER
32
MATIN DU
MONDE
e Grochu est Anguerrant, mais il ne peut en
prendre conscience que s’il devient le Prince
de la Mandale, donc qu’il gagne le concours.
Comme il n’y a pas eu de gagnant lors de la fête, un
second concours est prévu, deux jours après que les
voyageurs aient surpris le secret du Grochu.
La seule façon de décider le Porcher est de lui prouver que la tête des autres n’est pas aussi fragile qu’il
le croit. Pour cela, un seul moyen, se taper la tête
contre les poutres...
Tour à tour, les voyageurs (les hommes seulement)
doivent agir comme Le Grochu... et jouer un jet
d’encaissement à +5 (règle d’assommer Oniros p.72).
Il suffit que la moitié des personnages ne soit pas
assommée net pour le convaincre. Si, en revanche, la
démonstration échoue, le porcher hausse les épaules
et s’en va, l’air de dire « je vous l’avais bien dit ! ».
Les voyageurs peuvent recommencer l’expérience
une fois par jour (le temps de récupérer), Le Grochu
sera toujours d’accord pour y assister.
Convaincu, Le Grochu prend de l’assurance et
demande aux voyageurs (les hommes seulement) de
l’aider à s’entraîner, en clair à « jouer » avec lui. S’ils
refusent, le porcher se renfrogne et renonce au
concours. S’ils acceptent, une séance de « jeu » par
jour est organisée loin du village, à l’abri des regards
indiscrets. (Un choc de crânes par séance entre Le
Grochu et chaque voyageur, ce qui revient à un jet
d’encaissement à +10 pour les voyageurs... et rien
pour Le Grochu qui « sent » à peine le choc.)
Si le porcher ne participe pas au concours, celui-ci se
termine comme le précédent par un match nul et un
nouveau concours est décidé pour la semaine suivante,
et ainsi de suite jusqu’à ce que Le Grochu gagne.
LE CONCOURS DE MANDALE
A
rrive enfin le jour du concours... En début
d’après-midi, tous les villageois se rassemblent sur la place. On a dressé des tables
chargées de victuailles pour l’occasion. Les compétiteurs se font connaître. Il y a Ornufle, le champion
sortant ; Aucassin, le « petit frère » ; Smisse, le forgeron et Le Grochu. Les voyageurs peuvent y participer aussi mais il y a fort à parier que cette fois, ils
ne s’y risquent pas...
Le tirage au sort donne Le Grochu contre Smisse,
puis Aucassin, puis Ornufle.
Le premier assaut est donné. Smisse est assommé net,
puis c’est au tour d’Aucassin de subir le même sort. Le
Grochu, lui, ne fait que se gratter légèrement le crâne,
comme si quelque chose le démangeait...
Vient le tour d’Ornufle. Un, deux, trois assauts ont
lieu avec un bruit sec de deux pierres qui s’entrechoquent sans qu’aucun des deux adversaires n’ait
l’air le moins du monde affecté. Le Grochu se gratte la tête et Ornufle sourit.
Un quatrième choc se produit entre les hommes, apparemment comme les trois premiers. Apparemment seulement car, Ornufle, le sourire toujours aux lèvres, s’écroule soudain comme un arbre qui s’abat.
Le Grochu a gagné et est fêté comme un héros...
LE GROCHU
DEVIENT ANGUERRANT
P
our que le changement se produise alors, il
suffit d’appeler le porcher par son « vrai »
nom, soit Anguerrant. L’intéressé paraît
surpris, troublé. Durant la nuit suivante, des souvenirs lui reviennent en mémoire. Au réveil, sa personnalité a changé (voir Le Grochu/Anguerrant Livre 1). Il est Anguerrant. D’abord surpris du changement, les autres villageois l’acceptent bien vite. De
plus, le personnage révélé se rappelle de tout ce qui
est écrit à son sujet dans Quelques mots pour le gardien des rêves.
Tous ces principes également sont valables pour
Saline/Solinée,
Dès lors, Anguerrant est obnubilé par un projet qui
accapare tout son temps : il veut reconstruire la flotte
royale. Pour cela, il se lance dans la fabrication d’un
bateau avec l’aide de Nataèl, Aucassin et Uzanne...
LE DERNIER
33
MATIN DU
MONDE
CHANT 2 — L’AVENTURE
II - LE SECRET DE LA REINE
LES RACINES DU PRÉSENT : MAGIE ET ASTUCES
vant d’exposer ce moyen en détail, voyons
SOLINÉE, LA DOUCE ÉPOUSE
A
tout Roi il faut une Reine et vice versa.
Solinée fut la femme que le Roi épousa,
non par calcul ou par simple désir mais par
pur amour. Solinée était une simple paysanne, une
lavandière comme tant d’autres battant inlassablement le linge sur le bord de la rivière. Elle n’était ni
vraiment belle, ni vraiment jeune, et apparemment
elle n’avait rien qui puisse attirer le regard d’un roi.
Pourtant, quand ces deux êtres se rencontrèrent, lui
sur son cheval, elle agenouillée à sa tâche, ce fut un
coup de foudre comme jamais on n’en vit depuis.
Tout devint plus beau, plus coloré. Le soleil, dit-on
même, devint plus chaud et plus brillant.
Ils restèrent longtemps à se regarder, sans bouger,
comme si les Dragons ne se lassaient pas de cet
instant. Puis le rêve reprit son cours, le Roi emporta Solinée sur son destrier et en fit sa Reine.
Toutes les femmes du pays se posèrent alors la même
question. Comment Solinée avait-elle fait pour si
facilement séduire le Roi ? La reine aimait à répondre qu’elle avait un secret, cela était plus simple que
de dire la vérité et entretenait une aura de mystère
propre à alimenter les légendes et faire rêver les jeunes filles. De plus, ce n’était pas tout à fait un mensonge. Elle avait bien un secret, mais de ceux qu’ont
les époux entre eux : un adorable grain de beauté
situé juste au creux de ses reins et que le Roi aimait
à couvrir de baisers...
LES DOUCHES DE GÉKAH
L
LE DERNIER
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MATIN DU
MONDE
es voyageurs savent à présent comment identifier la reine. Elle porte au creux des reins un
adorable grain de beauté. C’est un détail précieux... à condition de pouvoir le vérifier ! Et pour
cela, il n’y a qu’un seul moyen : voir chaque femme du
village dans le plus simple appareil...
Rappelons que la reine étant réincarnée, elle peut avoir
à présent n’importe quel âge, ce qui revient à dire qu’elle peut être n’importe laquelle des femmes du village,
de Pitchoune à Rotonde, ce qui fait en tout 16 postulantes, Nitouche comprise (voir encadré).
Le problème est de savoir comment arriver à toutes les déshabiller. Les voyageurs ne peuvent pas
demander aux femmes de défiler nues, devant
eux, même pour une noble raison : les villageois
trouveraient cela malsain et refuseraient net. On
peut aussi imaginer toute une série de mystifications dont le but serait de faire se dénuder ces
dames. Mais n’oublions pas que les gens du village sont pudiques et seront très réticents à se
dévoiler de la sorte.
Il est clair qu’il faut faire les choses discrètement et petit
à petit. Le meilleur moyen d’y arriver est d’épier les
femmes lorsqu’elle se baignent ou prennent leur douche... Bien sûr, si un des voyageurs est une voyageuse, la
chose sera facile et le scénario aisément résolu...
A
les autres possibilités. Le sort de
Transparence élémentale « Bois transparent » (le lin et le jine sont des éléments bois) peut
se révéler très utile (Oniros p.122). La recherche est
relativement facile grâce aux nombreux signes draconiques. Il ne faut cependant pas abuser de ce sort.
Gékah étant le seul haut-rêvant du village, il sera
rendu responsable et sérieusement rossé par les
maris/frères/fils/prétendants (rayer les mentions
inutiles)...
Certaines des femmes peuvent être dénudées dans
d’autres circonstances.
Frimousse et Pitchoune adorent nager et, rapellons
le, il n’existe pas de maillot de bain dans ce monde.
Nitouche n’est pas difficile à dévêtir si elle le permet, certains voyageurs en ont sans doute déjà fait
l’expérience et ont pu voir qu’elle n’était pas la
reine. Bien sûr, cela ne coûte rien de vérifier à nouveau, on ne sait jamais...
Nicolette n’aime que modérément bain et douche,
elle y préfère largement une toilette solitaire à l’abri
de sa maison. Elle accepterait cependant de se baigner dans la rivière pour rendre jaloux son mari, si
on le lui propose habilement... mais alors attention !
Ornufle entrera dans une colère noire...
Malaria, quant à elle, est réfractaire au bain, elle
est impossible à convaincre, peu importe ce n’est
pas elle.
Uzanne peut être séduite si le voyageur se montre
tendre et prévenant.
Soléma céderait à un chantage concernant son
adultère.
Enfin, Argande, toujours patraque, accepterait de se
laisser examiner par un voyageur possédant la compétence Médecine au moins à 0.
Ceci laisse 8 femmes, dont la reine, pour lesquelles
il faut trouver une autre solution.
REGARDER PAR LA LUCARNE
L’
idée est bonne. Sompce, d’ailleurs, en
fait grand usage. Pour l’imiter, il faut d’abord le déloger de son poste d’observation, ce qu’il ne fait que sous la menace. Les femmes
sont au courant des manies du garçon et appliquent
à son endroit des mesures radicales. La première fois
qu’un voyeur est découvert, l’une d’elles lui lance le
contenu d’un seau d’eau (Dérobée/ Esquive à 0). La
seconde fois, c’est un seau qui vole (Dérobée/
Esquive à -1, jet d’encaissement à +2 en utilisant la
règle d’assommer p. 72). La troisième fois, Uzanne
et Nicolette, la femme d’Ornufle, se rhabillent en
vitesse et sortent pour corriger le voyeur. Leur surprise est grande en découvrant qu’il s’agit d’un des
voyageurs... Il n’est d’ailleurs pas impossible que
Nicolette rapporte l’événement à son tendre époux,
avec toutes les conséquences que cela implique.
PAR LE TOIT
L’
idée, non plus, n’est pas mauvaise.
Personne ne viendrait déranger le ou les
voyeurs. Le toit est en chaume, il est donc
facile d’y faire un trou pour jeter un coup d’œil à l’intérieur. Malheureusement, l’humidité a fragilisé la toiture et les voyeurs d’une TAILLE de 10 ou plus passeront
au travers, détruisant du même coup une grande partie
du système de canalisations. VUE/Bricolage à -6 ou
Charpenterie à -3 permet de s’en rendre compte en
examinant l’intérieur du bâtiment.
Il est recommandé de faire ces jets derrière le secret
de son écran et de communiquer des résultats... disons « arrangés ». Si, donc, une personne corpulente
s’aventure sur le toit, elle aura le temps de faire un
trou dans le chaume, d’observer les reins de
Galentine (par exemple) avant de se retrouver au
milieu de ces dames qui, naturellement se couvriront en présence de l’intrus. Si le pauvre voyeur ne
s’est pas rompu le cou (AGILITÉ à –4 , jet d’encaissement à +2 en cas d’échec), il se fera à coup sûr rectifier le portrait par les maris/frères/fils/prétendants
(rayer, ici encore, les mentions inutiles).
FAIRE UN TROU DANS LA
CLOISON QUI SÉPARE LES
HOMMES DES FEMMES
E
ncore une bonne idée, mais qu’Ornufle
n’appréciera pas du tout... Smisse non plus
d’ailleurs, et Anguerrant pas davantage...
Scénario oblige, ces braves garçons ont envie de
prendre leur douche au moment où les joueurs veulent commettre leur petit méfait. Anguerrant,
Ornufle et Smisse, n’arrivent pas au même moment.
Chaque fois que les voyageurs se croient enfin tranquilles, un des trois gaillards se pointe pour prendre
sa douche. Et après, il est trop tard pour cette fois...
METTRE QUELQU’UN
DANS LA CONFIDENCE
S
i un des voyageurs a une petite amie parmi
les villageoises, Nitouche par exemple, il
pourra essayer de la convaincre de l’aider.
Selon votre humeur, le caractère du Personnage Non
Joueur, le tour que vous voulez donner à ce scénario,
la proposition peut être refusée ou prendre du temps
à être acceptée.
LE MEILLEUR MOYEN
L
es douches mises au point par Nataèl et
Gékah sont le centre de ce scénario. Il y a
une séance de douche par semaine, la plupart des villageois l’attendent pour se laver à grande
eau, se contentant le reste de la semaine de simples
toilettes. C’est là que le personnage de Sompce
prend toute son importance.
Alors que les voyageurs sont à proximité des douches le
jour de la séance, ils aperçoivent Sompce, le jeune fils
du meunier, qui, sans faire de bruit, se hisse sur un tonneau. Celui-ci lui permet d’atteindre une des étroites
Quelques mots pour le gardien des rêves
Le scénario en quelques mots
Solinée a un grain de beauté au creux des reins, c’est là son secret. À présent, les
voyageurs doivent trouver laquelle des 16 femmes du village est en fait la reine.
Et comment faire autrement pour y arriver que de les déshabiller toutes...
Conséquence
Devenue Solinée, Saline prend de plus en plus d’ascendant sur le village et
tend à s’imposer comme « Reine naturelle ». La conclusion de l’histoire d’amour entre Ondôle et Estophe (Automne scénario 2) verra, quoi qu’il arrive,
l’abdication du roi actuel en sa faveur.
Strophe concernée
Solinée, par l’attrait, n’eut pas la moindre peine,
À devenir, du roi, et l’amante et la reine.
De beauté un seul grain était dit-on son arme,
Une arme dont l’écrin en faisait tout le charme.
Destins
Saline/Solinée, Sompce.
Les femmes du village (par ordre d’âge)
Rotonde (maison 1 - 65 ans)
Malaria (maison 6 - 60 ans)
Crécelle (maison 9 - 59 ans)
Saline (maison 3 - 51 ans)
Ciclomène (maison 7 - 41 ans)
Bouillotte (maison 1 - 40 ans)
Galentine (maison 10 - 39 ans)
Argande (maison 11 - 38 ans)
Nicolette (maison 2 - 30 ans)
Soléma (maison 4 - 30 ans)
Uzanne (maison 7 - 21 ans)
Ondôle (maison 8 - 18 ans)
Sonice (maison 3 - 16 ans)
Nitouche (maison 11 - 16 ans)
Frimousse (maison 9 - 9 ans)
Pitchoune (maison 4 - 9 ans)
lucarnes qui éclairent le bâtiment. À voir l’émoi du
jeune garçon, les voyageurs devraient comprendre que
là se trouve la solution à leur problème.
On comprend aisément que sur un sujet aussi trivial, on ne puisse proposer un scénario bien sérieux.
Le but du gardien des rêves est d’accumuler les péripéties et les rebondissements, à la manière d’un vaudeville. Aussi, la plupart des tentatives doivent se
solder par des demi-échecs. Les voyageurs n’arrivent
pas à voir le signe tant recherché mais peuvent, après
chaque tentative, éliminer une des postulantes
potentielles. Lorsque vous aurez épuisé les possibilités proposées, que vous ou vos joueurs en aurez
assez, laissez leur la possibilité d’observer Saline.
À chaque situation, c’est-à-dire à chaque tentative
d’observation, correspond un dénuement grotesque.
Inspirez-vous en pour improviser des rebondissements aux actions imaginées par les joueurs.
UN MAÎTRE MOT, LA PATIENCE
P
eut-être les voyageurs mettront-ils plusieurs
séances de douche avant d’identifier enfin
celle qu’ils cherchent. Les douches servent
une fois par semaine, ainsi en a décidé Gékah. De
caractère faible, le haut-rêvant peut néanmoins être
convaincu de faire une seconde séance, mais pas plus.
Toujours est-il que cela risque de prendre du temps...
Ce n’est pas grave. Le gardien des rêves peut fort bien
déclencher le scénario suivant alors que celui-ci n’est pas
terminé. Solinée n’est pas indispensable pour la suite.
LE DERNIER
35
MATIN DU
MONDE
CHANT 2 — L’AVENTURE
III - CELLE QUI ATTEND
LES RACINES DU PRÉSENT :
LA PRINCESSE DONT
LE NOM EST SECRET
A
u faîte de sa prospérité et de son bonheur,
le royaume retentit en tous sens d’une
joyeuse nouvelle. La Reine venait d’avoir
une fille, fruit du grand amour que lui portait le
Roi. En grandissant, cette fille devint de plus en plus
belle et de plus en plus sage, au point d’éclipser tout
ce que le royaume comptait de beauté et avoir
comme élèves les plus doctes des savants. Tout ce
qui lui manquait était un nom, un nom par lequel
l’appeler. Ses parents ne lui en avaient jamais donné
car à l’entendre elle en avait déjà un en venant au
monde, un nom secret qui ne pouvait être prononcé mais seulement rêvé.
Les plus sages des sages sentaient qu’il y avait du
Dragon là-dessous et ils avaient raison. Les Dragons s’étaient penchés sur son berceau bien plus que pour tout
autre être de ce rêve, bien plus même que pour l’immense majorité de tout ce qui vécut au Second Âge.
Cette princesse est un être à mi-chemin entre l’humain et le rêve. Elle est totalement libérée des
contingences de la vie. Elle n’a besoin ni de manger,
ni de boire, ni de dormir. Elle ne connaît pas la fatigue et ne vieillit que si elle le désire. Elle peut néanmoins mourir de mort violente.
Durant toutes les épreuves précédant le dernier
matin, elle fut le lien entre le Roi et les Dragons.
C’est par elle qu’il apprit ce qu’il allait advenir, c’est
par elle qu’il reçut sa quête. Ceci fait, il ne restait
plus qu’à attendre que tout s’accomplisse.
Aussi, dans les derniers jours du Second Âge, la
Princesse rejoignit la demeure où elle allait dormir
en attendant le retour du Roi. Une sorte de tombeau, caché dans une île perdue au beau milieu de la
mer. Elle y repose depuis, toujours vivante malgré le
Réveil et les siècles...
L’AUDACIEUSE II
L
LE DERNIER
36
MATIN DU
MONDE
es voyageurs ont à présent toutes les cartes en
main pour trouver le dernier personnage de
la légende. Les pistes données par la strophe
sont claires : la princesse dort sur une île située en plein
océan. Espérons que les voyageurs auront déjà découvert le Bout du monde (voir Livre 1). Si ce n’est pas le
cas, il est probable qu’ils la chercheront, ce qui constituera alors un préliminaire au scénario proprement dit.
L’intérêt de l’entreprise un peu folle d’Anguerrant, la
construction d’un navire, devrait aussi clairement
leur apparaître. Il faut à l’évidence un bateau pour
atteindre une île...
Au stade où nous en sommes, quel que soit le temps
exact passé entre les aventures, le vaisseau d’Anguerrant
est presque achevé. Un joli herbage bordant la rivière,
le « beau pré », a servi de chantier naval. Le capitaine a réussi à embaucher quelques villageois pour la
construction : Aucassin le bûcheron, Nataèl le fils aîné
du meunier et Uzanne qui a vu là une bonne occasion
de sortir de la routine villageoise.
Le « vaisseau » est une embarcation plate d’une
dizaine de mètres de long. Le corps du bateau est
constitué d’un énorme flotteur en roseau. Le bois
fourni par Aucassin a servi au mat et au gréement.
Nataèl a apporté son ingéniosité. Uzanne a tissé des
voiles en jine et a participé à l’assemblage des
roseaux. Quant à Anguerrant lui-même, il a pour sa
part ajouté un peu de sophistication à l’ensemble :
gouvernail d’étambot et assemblages de poulies. Le
« vaisseau » est, certes, un peu peu tarabiscoté, mais
tout voyageur possédant un score de 0 ou plus en
Navigation le trouve correct. Naviguer sur les fleuves ou longer des côtes avec ce bateau ne doit pas
poser de problèmes. En ce qui concerne la haute
mer, c’est sans doute une autre paire de manches...
Convaincre Anguerrant de les aider est chose aisée,
à moins qu’ils se soient montrés moqueurs voire
hostiles au projet. Dans ce cas, Anguerrant leur refuse toute aide avant qu’ils ne s’excusent et s’amendent. Les voyageurs peuvent par exemple l’aider à
finir l’ouvrage ou/et faire un petit discours au village expliquant le rôle primordial d’Anguerrant. De
toute façon, Anguerrant acceptera finalement car il
s’agit de retrouver la Princesse. L’enjeu dépasse bien
les querelles personnelles.
Le bateau, baptisé du doux nom de « Audacieuse II
», est fini en moins d’une semaine, le temps si nécessaire d’une petite exploration le long du cours de la
rivière des chants.
LA PRÉPARATION
DU VOYAGE
P
our ce grand voyage, le village est prêt à
fournir deux semaines d’eau potable et de
nourriture, c’est-à-dire le maximum que
puisse emporter l’Audacieuse II.
En ce qui concerne l’équipage, aucun villageois hormis Anguerrant ne se propose. Tous ont en effet une
peur superstitieuse des rivières, n’oublions pas que
les morts voguent sur l’autre rivière. Même si ce
n’est pas le même cours d’eau, personne n’a envie
d’aller voir ce qui se trouve au bout... Reste les voyageurs. Leur nombre est suffisant pour manœuvrer
l’Audacieuse II. Anguerrant lui, en bon capitaine,
tient le gouvernail et donne ses ordres.
Si vous voulez étoffer cette partie, vous pouvez décider
qu’Anguerrant insiste pour entraîner ses hommes avant
le départ. Cela peut donner de bons moments de jeu
de rôle entre un capitaine aboyant des ordres pleins de
termes de marine incompréhensibles comme « Tire
sur la drisse, moussaillon ! » « Carguez la voile ! » ou
encore « Resserrez les écoutes ! ».
Reste la question du parcours. Si tout le monde s’accorde pour descendre la rivière des chants jusqu’à
arriver à son embouchure, la suite en revanche paraît
bien aléatoire. Comment en effet, hormis par une
chance incroyable (jet de CHANCE à -8), trouver une
petite île au milieu d’une mer ?
Un jet réussi d’INTELLECT/Navigation à 0 ou de
Légendes à -3 permet de se souvenir d’une astuce de
certains capitaines de navire, qu’ils soient marchands ou explorateurs, pour trouver la direction de
la terre en haute mer. Ces capitaines avaient l’habitude d’utiliser des oiseaux pour naviguer. En l’absence de toute terre à l’horizon, ils lâchaient un des
oiseaux transporté sur le bateau. Si le volatile revenait se poser sur le navire, cela voulait dire qu’aucune terre n’était à proximité. En revanche, si l’oiseau
s’envolait à tire d’ailes, il suffisait de suivre la direction qu’il avait prise pour trouver une terre. (Au cas
où tous les personnages ratent leur jet, c’est
Anguerrant qui a cette idée.)
Le même jet permet également de savoir que l’on ne
peut utiliser n’importe quel animal. Anguerrant se
souvient alors d’avoir jadis eu recours à cette astuce.
Il avait pour cela utilisé spécifiquement un curieux
volatile vivant dans le royaume : le béré-béré (voir
Livre 1 - La Terre noyée) sans se souvenir vraiment
pourquoi (en fait, c’est parce qu’il était drôle). Il se
rappelle à quoi il ressemble (un corbeau déplumé) et
où on le trouve (dans les marais). Le reste est très
flou. Un dernier détail lui revient en mémoire :
c’est un oiseau qui parle...
LE BÉRÉ-B
BÉRÉ
L
es voyageurs ont peut-être déjà rencontré
cet oiseau lors d’une exploration des
marais, sinon, celui qui pourrait mieux
leur en parler est Ornufle, le bûcheron. Traumatisé
par son expérience, il parle avec beaucoup de réticence des marécages. Après quelques verres de bibine, Ornufle finit par parler. Par bribes, entre les couplets sur les libelles et les moustiques, Ornufle livre
aux voyageurs l’essentiel de ce qui est écrit dans le
Livre 1 sur cet oiseau.
Les voyageurs peuvent s’adjoindre la compagnie
d’un béré-béré s’ils savent flatter l’oiseau. « Mais
quel oiseau magnifique ! Mais en plus il parle !
Bonjour Monsieur l’Oiseau », etc. L’oiseau les suit
tout en restant à distance respectable (quelques mètres). Les béré-béré n’aiment pas la concurrence, si
deux ou plus de ces volatiles sont rassemblés par les
voyageurs, les béré-béré somment les humains de
choisir, le gagnant reste, les autres vont bouder.
La suite est plus délicate, il faut éviter que des villageois voient l’oiseau car ce serait aussitôt des éclats
de rire, le béré-béré irait bouder et la « séduction »
du volatile serait à reprendre de zéro.
Une fois l’Audacieuse II en chemin, l’oiseau reste sagement en haut du mat, descendant de temps à autre se
faire flatter. Nul doute que le béré-béré vexé en pleine
mer ira bouder sur l’île la plus proche. Encore faut-il
pour cela que les voyageurs supportent et encouragent
les bavardages de l’oiseau durant tout le voyage ! S’ils
font montre de lassitude ou, pis, d’énervement envers
cet insupportable bla-bla, le béré-béré risque de se
vexer trop tôt, ce qui serait dommage.
LE LONG DE
LA RIVIÈRE DES CHANTS
L
e voyage du village à la mer prend 1 jour et
demi. Descendre la rivière ne pose aucun
problème jusqu’au lieu-dit « les deux saules ». Après, les choses se corsent.
Quelques mots pour le gardien des rêves
Le scénario en quelques mots
Avec le bateau qu’Anguerrant a construit patiemment durant tout l’été, les
voyageurs gagnent la haute mer après quelques aventures et accostent sur
une île peuplée de petits singes, les glipzouks. La princesse s’y trouve, endormie, dans la grande salle d’une sorte de tombeau.
Conséquence
Comme la princesse n’est pas morte, elle peut identifier les personnages de la
légende que les voyageurs auraient « ratés », soit Solinée. Les quatre personnages sont alors réunis et le Roi est présent, caché dans le ventre de Nitouche, mais
présent. La fête de fin de saison se déroule comme indiqué dans le Livre 1 et l’été
laisse la place à l’automne.
Après le temps du renouveau et des retrouvailles, va venir celui des épreuves
puis celui de la mort...
Strophe concernée
Loin par-delà les flots, la princesse sans nom,
Dort, calme, sereine, d’un sommeil profond.
Elle est la seule qui n’a pas connu le réveil,
Car aux yeux des Dragons, c’est une pure merveille.
Destins
Anguerrant, Nataèl, Uzanne.
Ce sont d’abord des bans de sable qu’il faut éviter
sous peine d’échouer le navire. Anguerrant charge
un des voyageurs de se poster en haut du mat (en
compagnie du béré-béré) pour les détecter à temps
(VUE/Vigilance à -2 pour détecter les bans de sable,
3 jets de FORCE à -8 pour remettre le bateau à
flots). Puis c’est une sirène (Orinos p. 97) qui s’attaque à l’expédition. Tranquillement installée sur le
bord de la rivière, elle attire à elle les humains. Du
fait du terrain marécageux, les voyageurs ont un
malus de -2 à tous leurs jets d’esquive.
L’embouchure est enfin en vue. Elle est annoncée à
plusieurs kilomètres par le vacarme de milliers de noisots en période d’accouplement. Le bateau traverse
cette véritable nuée pour accéder à la mer. Chaque personnage fait un jet de CHANCE. En cas d’échec, il est
heurté par un noisot (jet d’encaissement à 0, suivre les
règles d’Assommer, Oniros p.72). Le gardien des rêves
peut aussi décider que des oiseaux endommagent le
bateau, la voile surtout, ce qui réclame des impose
avant de se lancer en haute mer.
LA MER DU
BOUT DU MONDE
C
omme indiqué dans le Livre 1, les marées
sont totalement anarchiques. Alors que
l’Audacieuse s’est éloignée du rivage, une
marée basse s’amorce. Moins d’une demi-heure draconique plus tard, le bateau est échoué sur le sable.
Il y reste 3 heures draconiques, juste le temps à un
couple de crafouisses de le repérer et de l’attaquer,
pensant avoir à faire à un gros poisson.
La marée haute renfloue le navire et Anguerrant fait
hisser la voile. Le capitaine propose de voguer plein
nord, vers le large, avant de lâcher le béré-béré. C’est la
seule solution efficace. Longer les côtes n’avance à rien,
l’Audacieuse y est la proie des marées et des prédateurs
et le bateau finirait par atteindre la Frontière. Avec
LE DERNIER
37
MATIN DU
MONDE
comme conséquence, le retour automatique de l’équipage sans son navire au grand peuplier de l’embouchure (le point de retour du Bout du Monde).
Le voyage jusqu’à l’île se fait sans incidents notables
exceptées les nuisances occasionnées par les bavardages du béré-béré. La mer est calme et la brise favorable. Le temps devient peu à peu tropical et des
dauphins se mettent à suivre le sillage de
l’Audacieuse II.
Au bout d’un jour de voyage (soit 12 heures draconiques), Anguerrant propose de lancer le béré-béré.
C’est aux voyageurs que revient le privilège de vexer
l’oiseau, ils l’ont bien mérité ! L’oiseau s’est attaché
à ses humains qui l’apprécient à sa juste valeur et
sera plus difficile à vexer que prévu. Le béré-béré
s’offre même le luxe de pardonner aux humains leur
écart de langage... Finalement, il se vexe vraiment et
s’envole à tire-d’aile au nord-ouest. Anguerrant
prend aussitôt le nouveau cap. Trois heures plus
tard, les voyageurs arrivent à l’île et accostent sur
une petite plage protégée par une anse naturelle.
LÀ OÙ ELLE REPOSE
L’
LE DERNIER
38
MATIN DU
MONDE
île est de type tropical : récifs de corail, plages de sable blanc, cocotiers, petite forêt
dense. Les choses d’intérêt se trouvent
dans la forêt. Celle-ci est faite d’arbres tropicaux, de
grandes plantes arborescentes aux fleurs magnifiques et
de lianes. À noter aussi l’existence de Tanemiel Doré
(Oniros p 130) fournissant l’équivalent de 30 brins
d’herbe de soin.
La faune de la forêt est composée d’oiseaux multicolores purement décoratifs, de serpents vénéneux à
l’image de la vipère jaune des collines et surtout de
Glipzouks (voir encadré). Kleptomanes dans l’âme,
ces singes risquent de poser des problèmes aux voyageurs. Ces derniers doivent donc avoir toujours un
œil sur leur équipement, faute de quoi ils devront se
lancer dans de grandes traques dans la forêt pour
retrouver leurs biens.
Au milieu de la forêt se trouve le lieu où dort la princesse et qui ressemble fort à un tombeau. C’est un
modeste bâtiment en marbre de forme ronde (3m
de diamètre), surmonté d’une petite coupole. Il
tombe en ruine, des racines s’insinuant dans les
moindres fissures ont fait éclater la pierre par
endroits et c’est à peine si on aperçoit encore le marbre car la végétation (mousse, plantes grimpantes,
etc.) le recouvre presque en totalité. Une ouverture
voûtée permet d’accéder à l’intérieur. Elle donne sur
un escalier étroit qui, après une vingtaine de marches, débouche sur une porte de bois vermoulu.
Bien que fermée par une imposante serrure d’acier,
la porte cède après quelques coups d’épaule. On
découvre alors un petit couloir menant à une salle
rectangulaire seulement éclairée par un rayon de
soleil perçant d’un trou du dôme.
Une zone de Bouclier Elémental de métal (voir Livre
1 - Le château) rendue permanente empêche quiconque d’entrer dans la salle avec le moindre morceau de métal.
Au centre de la pièce, entouré d’une zone de
Bouclier (Oniros p.118) pour le protéger d’éventuels
éboulements dus aux ans, se trouve un sarcophage
de verre bleuté doucement illuminé par le rayon de
soleil. Y repose une jeune femme fraîche comme la
rose. Son visage magnifique est identique à celui du
Lac-Miroir, sa poitrine frémit légèrement, trahissant
une respiration. La Princesse dort paisiblement,
revêtue d’une robe d’apparat de velours pourpre.
Comment la réveiller après un si long sommeil ?
Tout simplement par un simple baiser sur les lèvres.
Aucun autre moyen ne la ramène à l’éveil. Nul
doute qu’un des voyageurs aura la juste intuition et
posera ses lèvres sur le doux visage de cette belle au
bois-dormant illuminée d’une douce lumière... pour
recevoir aussitôt une gifle aussi cinglante que vive !
En effet, à peine éveillée, la Princesse venge son honneur bafoué.
Anguerrant s’agenouille devant sa Princesse, elle le relève d’un sourire. C’est le moment que choisit le bérébéré pour retrouver ses « amis ». Il leur a pardonné de
nouveau. Découvrant la jeune femme, il commence à
lui parler. Agacée, la princesse essaye de le chasser et
l’oiseau lui pince un doigt avec son bec. Une goutte de
sang vermeil perle, la Princesse ferme les yeux et la blessure disparaît comme par magie alors que l’oiseau, vexé
de nouveau, rejoint l’Audacieuse.
LA PRINCESSE
L
a Princesse est une rescapée du Second Âge,
elle n’est pas morte et conserve donc ses souvenirs intacts. Elle connaît Anguerrant,
Nitouche et Solinée. Elle connaît aussi la géographie
du pays et se rappelle des royaumes qui l’entouraient,
ce qui n’a plus aucune importance puisqu’ils ont disparu à jamais. L’écouter décrire tout cela fait gagner
30 points d’expérience en Légendes. Bien évidemment,
elle connaît le château à l’exception des passages secrets
qui étaient le privilège du Roi.
La Princesse est belle, infiniment plus que Sonice, mais
elle a un côté irréel et merveilleux qui crée une distance entre elle et les autres humains (voir encadré).
La Princesse est une sorte de « joker » pour identifier Solinée si celle-ci ne l’a pas déjà été. Pour
Solinée, cela met fin à la carrière de voyeur des voyageurs. Notez que le chant ne peut se terminer que si
les 4 personnages sont révélés.
LE RETOUR
L
e retour sur le continent ne se fait pas aussi
facilement que l’aller. Quelques heures
après le départ de l’île, un orage éclate et les
vents se déchaînent. C’est la tempête. Avant que
quiconque puisse réagir, la voile est déchirée et le
mât brisé. L’équipage en est réduit à laisser dériver le
navire en attendant une accalmie. Après deux heures
de furie, la tempête se calme alors qu’apparaissent
des lambeaux de brouillard. Un fort courant fait
dériver l’Audacieuse vers le nord.
La tempête a emporté les voyageurs dans la Frontière.
Anguerrant donne des ordres pour la construction
d’un gréement de fortune. La nuit finit par tomber et
à l’heure du Château-Dormant tout le monde s’endort.
L’équipage se réveille au matin, allongé sous le grand
peuplier qui pousse à l’embouchure de la rivière
(c’est à dire au point de retour de la mer).
L’Audacieuse a disparu au grand dam d’Anguerrant
(ainsi que toutes les pièces d’équipement que les
voyageurs ne portaient pas directement sur eux). Il
ne reste plus qu’à rentrer à pied au village, ce qui se
fera sans encombre.
La fête de l’été
Avec elle, ses danses et ses jeux se clôt le second
chant de la légende. Les cinq personnages légendaires sont rassemblés, le Royaume est en bonne voie
de renaissance.
Lors de leur première rencontre, la Princesse
fait une révérence devant Solinée qu’elle
appelle « Mère » et accepte un baisemain
d’Anguerrant s’il est présent. Sonice est
verte de rage devant tant de grâce et de
beauté. À l’instar de Frimousse, la jeune fille cherchera désormais à imiter la Princesse.
Interrogée sur le roi, la Princesse dit simplement :
« N’ayez crainte, il est en route et sera là au moment
venu ». Elle a alors un bref et discret regard vers
Nitouche, si discret qu’il faut réussir un jet d’EMPATHIE/Vigilance à -6 pour le voir et sans doute comprendre ce qu’il sous-entend. Puis, pour appuyer ses
dires, elle ajoute quelques mots qui ne veulent pas
dire grand-chose : le dernier fragment manquant du
second chant...
Il sait en outre quand reprend son aventure.
Point besoin de dormir pour un jour s’éveiller.
La Princesse
Née à l’heure du Dragon, 21 ans en apparence, blonde aux yeux verts.
Cheveux longs. Beauté sans pareille qui éclipse même celle de Sonice
TAILLE
11
APPARENCE
15
CONSTITUTION 11
FORCE
08
AGILITÉ
14
DEXTÉRITÉ
12
VUE
09
OUÏE
12
ODO-GOÛT
10
VOLONTÉ
INTELLECT
EMPATHIE
RÊVE
CHANCE
Mêlée
Tir
Lancer
Dérobée
15
13
14
15
11
11
10
09
12
Vie
Endurance
+dom
Protection
11
22
0
0
Elle n’en dira pas plus sur le sujet, renvoyant les
Voyageurs à la strophe qui les concerne.
Dispersés un beau jour, quatre n’ont plus de nom,
Tombés il y a longtemps dans un oubli profond.
De cette tâche, le roi seul ne peut s’acquitter,
Il est écrit que des voyageurs vont l’aider.
LE DERNIER
39
MATIN DU
MONDE
Chant troisième
L’Automne
Le temps des épreuves
S
onice avait été fort déçue de ne pas être la princesse de
l’histoire, mais le fait que la Nitouche du récit se retrouve
enceinte lui avait rendu le sourire. Sonice n’aimait pas
Nitouche parce qu’elle était presque aussi belle qu’elle… Et le fait
de l’imaginer gonflée comme un ballon l’amusait beaucoup…
Nitouche, elle, ne semblait pas touchée par les allusions de Sonice
qui faisaient pourtant rire Frimousse, Pitchoune et Le Baffreux.
Réconfortée par un discret clin d’œil de Gekah, elle attendait
sereinement la suite.
I
l est bon durant une longue histoire de ménager des pauses
pour la voix du conteur… et son imagination. Gekah savait
qu’en donnant le nom d’une des héroïnes à Nitouche, il déclencherait inévitablement la jalousie de Sonice qui pour l’instant n’avait pas été citée. L’attitude de Sonice envers Nitouche lui donnait
l’impression d’une curée, ce qui lui donna une idée…
D’un raclement de gorge, il rappela à l’ordre son auditoire dissipé.
Puis il reprit le cours de son récit :
A
lors que l’été tirait à sa fin, le village n’était déjà plus le
même. Certains de ses habitants avaient retrouvé leurs
souvenirs d’un autre âge. Une mère avait retrouvé son
enfant qui avait traversé les âges en rêvant. L’automne arrivait à
grands pas et avec lui s’amoncelaient de sombres nuages au-dessus du pays. L’automne est la saison des feuilles mortes, le pays
comme un serpent prépare sa mue pour faire peau neuve… »
L
es enfants ne comprenaient pas tout à fait ce que Gekah
voulait dire , mais ils sentaient, au ton employé, qu’il allait
se passer de mauvaises choses, ce que Gekah confirma
d’une phrase : « Cet automne là fut, pour le village, le plus difficile de son existence... »
LE DERNIER
40
MATIN DU
MONDE
CHANT 3 — LE RÊVE
LE MESSAGE DU DUC
E
nise est une riche cité de marchands et de
lettrés bâtie sur un réseau d’îles parcourues
de canaux, au cœur d’une lagune. Cette cité
est aujourd’hui durement assiégée par les soldats
d’un empire voisin.
Les troupes ennemies, très nombreuses, ont pris
position sur tout le pourtour de la lagune et affament la ville. Il faut à tout prix prévenir le Duc de
Kalizes, allié naturel d’Énise. Comme le duc ne parle
qu’en vers, images, symboles, allégories et métaphores, on envoie un conseiller rompu à ce langage et,
pour le protéger, on lui adjoint quelques-uns des
meilleurs guerriers de la ville : les voyageurs...
ESTARANZÀN
DE GURONZAN
I
nformés de leur mission, les voyageurs se trouvent sur les remparts. Ils sont vêtus et équipés
comme dans la réalité, seul leur âge a changé
(ils sont tous plus vieux ou plus jeunes de quelques
années, mais n’ont jamais moins de 17 ans ou plus
de 40). C’est le soir, les feux de camp éclairent la
lagune, révélant les positions adverses. Le départ est
pour bientôt, il ne manque que le conseiller. C’est
alors que dans leur dos une voix flûtée s’exclame :
« Oui alors là zut de zut j’ai fait un accroc à mes
chausses. » Se retournant, les voyageurs découvrent
Estaranzàn De Guronzan, « conseiller spécial auprès
du troisième gouverneur de la république énisienne,
en mission commandée auprès du duc de Kalizes ».
Le conseiller est homme au port efféminé et au langage précieux (le gardien des rêves peut lui donner l’apparence de Jacobi). Il est par ailleurs douillet, frileux,
couard, pleurnichard, bref totalement inadapté au
voyage qui se présente. C’est un « boulet » pour les
personnages et il annonce d’entrée la couleur. Il s’est
vêtu pour l’occasion de chausses vertes, d’un pourpoint
rose et or, et d’un délicieux chapeau jaune !
Pour que le rêve réussisse, Estaranzàn doit arriver
vivant chez le duc. Aux voyageurs de le protéger
contre vents et marées.
Estaranzàn se plaindra sans cesse tout au long du
voyage : de la saleté, du temps, du froid, de la chaleur, des taches de boue sur ses vêtements, etc. Il
demandera également une halte toutes les deux heures pour se reposer et s’éventer avec son petit mouchoir de soie. Puisque les voyageurs ne peuvent
continuer sans lui, ses désirs sont des ordres.
LE DERNIER
41
MATIN DU
MONDE
les soldats ennemis
OUÏE
Mêlée
Dérobée
Épée sorde
Esquive
12
12
10
+3
+3
Bouclier
Vie
Endurance
Protection
+ dom total
+3
13
25
3
+4
OPTION DE RÊVE : LE TRAÎTRE
Si vous le désirez, ou pour varier le rêve s’il doit être
rejoué, Estaranzàn peut devenir un traître de la pire
espèce. Il est alors à la fois très bon comédien,
homme cultivé, habitué des cours et des palais, mais
aussi bon combattant et coureur des bois. Dans ce
cas, il porte une épée et ses « erreurs » et caprices ne
sont en fait que des ruses pour attirer les ennemis et
faire échouer la mission. Sa survie n’est alors pas
nécessaire à la réussite du rêve.
Estaranzàn n’agit qu’en laissant des traces derrière lui,
ce n’est qu’en dernier recours qu’il se bat ou assassine Il
est probable qu’Estaranzàn soit démasqué à un
moment ou à un autre. Il peut par exemple être surpris
laissant une trace (par exemple, il peut accrocher une
étoffe à la branche d’un arbre) lors d’une pause. Afin de
renforcer la progression dramatique du scénario, on
considère qu’une patrouille ennemie surgira à ce
moment. Si cela ne se produit pas avant d’arriver aux
montagnes, le traître tentera d’occire ses compagnons
de route durant la nuit (d’abord en s’attaquant par surprise au veilleur, puis en égorgeant ceux qui dorment).
LA LAGUNE D’ÉNISE
L
LE DERNIER
42
MATIN DU
MONDE
a première étape du voyage consiste à traverser la lagune puis à se faufiler entre les
lignes ennemies.
Le meilleur moment est bien sûr la nuit, cette nuit.
Conseiller et voyageurs prennent place à bord d’une
barque. Dès que les premiers coups de rames sont donnés, Estaranzàn se terre au fond de la barque, son derrière tremblant dépassant du bastingage. À partir de cet
instant, il n’y a plus de retour en arrière possible.
L’alternative est la réussite... ou la mort.
Silence et discrétion sont alors de mise. Les sons se propagent très bien à la surface de l’eau, il faut donc se
taire et ramer très doucement. Observez vos joueurs
pendant que vous leur décrivez leur progression dans la
lagune, dans une obscurité presque totale. S’ils se montrent bruyants ou se lèvent, considérez qu’il en est de
même pour leur personnage. L’alerte est alors donnée
sur la berge ennemie (voir plus bas).
Dans tous les cas, faites jouer au personnage qui
dirige l’embarcation un jet d’EMPATHIE/Survie en
extérieur ou Navigation à -2. En cas d’échec, la
barque se rapproche trop d’un camp ennemi, ce qui
déclenche l’alerte. Une volée de flèches s’abat alors
sur l’embarcation avant que celle-ci ne soit de nouveau avalée par la nuit. Chaque passager joue un jet
de CHANCE. En cas d’échec, il reçoit 1d3 flèches (jet
d’encaissement à +2 par flèche).
L’endroit où accostent finalement les voyageurs se situe
entre deux camps. Cependant l’ennemi n’est jamais
bien loin, surtout si l’alerte a été donnée. Si les voyageurs se déplacent très prudemment, lentement, cour-
bés en deux, laissez-les alors s’éloigner sans problème.
S’ils courent ou se montrent de nouveau peu discrets,
c’est une autre affaire ! Une patrouille de 5 soldats les
repère aussitôt et les engage en combat. Les personnages ont 15 rounds (1 minute et demi) pour se défaire
de leurs adversaires et s’éclipser avant que des renforts
n’arrivent et ne les massacrent.
LES PLAINES DE LASPÉLIE
L
e plus dur est fait, mais il ne faut pas s’endormir sur ses lauriers. Des patrouilles surveillent les abords du camp sur plusieurs kilomètres de profondeur. Il faut donc s’éloigner au plus
vite quitte à dormir plus tard (Estaranzàn a trop peur
pour songer à se plaindre). Chaque joueur fait un jet de
CHANCE, si les échecs sont plus nombreux que les réussites, la route des voyageurs croise celle d’une patrouille
ennemie (5 hommes). Faites jouer OUÏE à -2. Tant
qu’un jet n’est pas réussi, vous pouvez recommencer en
diminuant la difficulté à chaque fois. Faites de même
pour les ennemis, sauf que leurs jets sont au départ à 4. Si les voyageurs repèrent la patrouille en premier, ils
peuvent se cacher et la laisser passer. Sinon un combat
s’engage.
Suivent plusieurs kilomètres de plaine dégagée, et donc
dangereuses, qu’il faut parcourir avant le lever du soleil.
Pendant la nuit, Estaranzàn épuisé et tremblant de fatigue sème des traces. Il tombe à terre, s’étale dans un
massif d’épineux et y laisse un des nombreux rubans de
son pourpoint, perd son écharpe, etc.
Avec des jets de VUE/Vigilance à -3 réussis, les voyageurs peuvent s’en apercevoir et faire disparaître ces
traces de leur passage.
Si les voyageurs savent monter à cheval, donnez leur la
possibilité de récupérer des montures. Au petit matin, ils
peuvent surprendre une patrouille de cavaliers en train
de faire une pause. Certains dorment encore, d’autres se
lavent ou mangent tranquillement, etc. Si le groupe a
déjà été éprouvé par de précédentes rencontre, vous pouvez leur faire découvrir une ferme avec plusieurs chevaux
gardés simplement par deux soldats assoupis.
Le cheval s’avère une torture pour Estaranzàn qui
demande à présent une halte toutes les heures prétextant des problèmes de dos.
LES COLLINES DE CHARCLE
A
près la plaine commence une région de
collines. Avec ses vallons, c’est l’endroit
idéal pour se reposer. D’ailleurs, dès le
lever du jour, Estaranzàn ne cesse de réclamer
quelques heures de sommeil et un bon repas. Il fait
également un caprice pour que les voyageurs allument un feu car le temps est frisquet. Il ne serait pas
très prudent de satisfaire cette demande car ce serait
signaler leur présence à plusieurs kilomètres à la
ronde par une belle petite colonne de fumée.
À cause des traces laissées par Estaranzàn ou des
combats de la nuit dernière, des patrouilles ennemies composées de 4 cavaliers se lancent à la poursuite du groupe. Les voyageurs pourront se rendre
compte qu’ils ont été suivis. Lors d’une halte, ils
peuvent apercevoir une très légère fumée
(VUE/Survie en extérieur à -4), celle du feu de camp
d’une patrouille située à moins de trois kilomètres.
À moins que les personnages ne montent une opération commando contre les ennemis ou ne profitent de la nuit pour prendre le large, leurs poursuivants (qui ont eu la même idée) les attaquent à
l’heure du Château-Dormant.
LES MONTS DE KATATONIE
L
e lendemain, le groupe atteint les contreforts des montagnes. Un jet de VUE/Survie
en extérieur à -4 permet de distinguer assez
loin en contrebas les reflets métalliques des armures
d’un groupe d’hommes à cheval. Il sont trop loin
pour espérer les rejoindre avant le col.
Les voyageurs sont sauvés, ils sont maintenant dans
le duché allié d’Énise. Plus détendu, Estaranzàn
décide de folâtrer un peu. Il compose un bouquet de
fleurs sauvages, emplit ses poumons de leur parfum
subtil et improvise une ode en leur honneur. Ses vers
ne sont pas du goût d’un Grizzal qui faisait sa sieste
non loin. Pétrifié de peur, le conseiller laisse approcher l’animal. Aux voyageurs d’intervenir...
Alors que la bête s’écroule, la scène change comme
dans un fondu enchaîné de cinéma. Les survivants se
retrouvent en face du duc de Kalizes, un grand
homme, brun et barbu, la quarantaine conquérante. Il
accueille les envoyés de la république énisienne par un
énigmatique « Ah, que l’offrande enfin nous soit offerte », puis il regarde les voyageurs, l’œil brillant.
Il n’est pas question de lui faire cadeau de quoi que
ce soit. Le duc attend simplement qu’on lui expose
les raisons de cette visite (Énise est assiégé et demande de l’aide). Ceci fait, le duc lisse sa barbe puis
déclare, l’air bienveillant :
Estaranzàn de Guronzan
Né à l’heure du Roseau, 33 ans, blond aux yeux bruns.
TAILLE
11
APPARENCE
13
CONSTITUTION 12
FORCE
11
AGILITÉ
10
DEXTÉRITÉ
14
VUE
13
OUÏE
10
ODO-GOÛT
12
VOLONTÉ
INTELLECT
EMPATHIE
RÊVE
CHANCE
Mêlée
Tir
Lancer
Dérobée
12
14
13
11
10
10
13
12
10
Vie
Endurance
+dom
Protection
11
23
0
1
Écriture, Musique, Légende +5
Les compétences d’Estaranzàn le traître sont les suivantes :
Esparlongue
niv +3 +dom +3
Dague
niv +1 +dom +1
Corps à corps niv +2 +dom 0
Bouclier
niv +3
Course, Discrétion, Escalade, Saut, Vigilance +1 ; Équitation, Survie en
extérieur +3, Comédie, Légendes +4.
Ce fut un grand jour qu’en geste de contentement,
Puis de riches marchands vinrent d’un lointain pays,
Que son père lui refuse au chagrin de la belle.
Fuir est donc leur destin, se séparer, leur mort.
Découvrent avec horreur une meute de chiens.
Car les chasseurs soudain n’étaient plus que des proies.
Dans la lutte qu’un corps livre à la maladie.
Dommage que le temps soit pour certains compté.
Les voyageurs ont alors la conviction qu’Énise sera
sauvée et le rêve s’achève.
CHANT 3 — L’AVENTURE
I - LES MARCHANDS
LES RACINES DU PRÉSENT :
LES MARCHANDS DE BRILZ
L
ors de la naissance de la princesse, le roi fit
distribuer à toute la population des pièces
d’or et d’argent. Attirés par tant de richesses,
de nombreux marchands vinrent de toute la région. Il
fallut pas moins de trois jours pour que tout l’argent
distribué par le roi soit dépensé… et pour que le royaume resplendisse de beauté à l’image de la princesse.
CE QUI SE PASSE AU VILLAGE
EN CE DÉBUT D’AUTOMNE
N
itouche est vraiment enceinte. Son ventre est
rebondi, elle n’arrête pas de manger et adore
les petites fraises des bois. Elle se rend sou-
vent près du dolmen pour en ramasser. La jeune fille
attend à présent la fin de sa grossesse avec sérénité. Il
sera toujours temps après de penser à l’avenir. La
Princesse passe du temps avec elle, Solinée la protège
et l’entoure de sa tendresse comme si elle était sa fille.
Sonice jubile car cela met Nitouche « hors course »
auprès des hommes. Elle n’est pas belle du tout avec
son gros-ventre tout gonflé. « Elle s’est faite avoir,
bien fait, » clame-t-elle à qui veut l’entendre. Les
prétendants de Sonice lui sont plus dévoués que
jamais, même Nataèl qui néanmoins a hésité un
instant. Gékah, d’abord fâché pour une fois, prend
fait et cause pour Nitouche et la soutient dans ce
qu’il appelle son « épreuve », sans que l’on sache s’il
parle de lui ou d’elle.
À part cela, le petit chien continue de suivre les PJ,
les cochons et les chiens se battent toujours, mais
plus pour très longtemps...
LE DERNIER
43
MATIN DU
MONDE
grand chapeau noir à large bord sous lequel s’étale une
longue chevelure grise. Leurs visages sont ridés, leurs
yeux gris et froids. Ils ne sourient jamais. Leur voix est
dérangeante, peu sympathique, un peu effrayante.
Personne ne les a entendus arriver. Tous les ont
découverts au réveil, attendant sur la place devant
leurs coffres regorgeant de bijoux, de riches vêtements, de soieries, d’armes remarquables et d’autres
trésors. Les villageois sont émerveillés.
Les marchands déclarent être venus de la lointaine
cité de Brilz. Aucun jet de Légendes ne permettra de
connaître cette ville. Les éventuels haut-rêvants
tiqueront peut-être. En effet, il existe dans les Terres
Médianes du Rêve une case qui porte ce nom.
Coïncidence ? Ou créatures invoquées ? Interrogés
à ce sujet, les marchands restent muets. Ils refusent
d’en dire plus sur leur cité d’origine.
La princesse, elle, les reconnaît. De leur côté, les marchands lui font une révérence, ce à quoi même Solinée,
reine en titre, n’a pas droit. L’un des marchands ajoute : « Princesse, vous voilà une femme fort belle... »
L’intéressée répond par un sourire puis explique que ce
sont ces marchands qui sont apparus dans le royaume,
comme par enchantement, le jour de sa venue au
monde. L’or et l’argent coulaient alors à flots des coffres
royaux et tous avaient pu acheter ce dont ils rêvaient.
SONNANTE ET TRÉBUCHANTE
C
les Marchands de Brilz
1,90 m. Minces. Yeux gris. Cheveux gris.
Ils ne peuvent être touchés par les armes ou atteints par la magie.
Ils peuvent lancer l’équivalent d’un poing de Thanathos de
10 points de rêve. Ils n’ont pas besoin de monter dans les TMR et
la réussite est automatique..
L’ARRIVÉE DES MARCHANDS
LE DERNIER
44
MATIN DU
MONDE
A
près le rêve, plusieurs jours se passent sans
aucun événement notable. Puis, un matin,
les voyageurs sont réveillés par une effervescence inhabituelle sur la place. Des exclamations
et de grands cris en proviennent. Beaucoup de villageois sont rassemblés là, entourant à distance respectable un étrange équipage. Près d’un grand chariot
tiré par des chevaux, animaux inconnus dans le
village, se tiennent trois personnages.
Grands et minces, ils sont vêtus d’une longue cape
noire brodée d’or. Leurs têtes sont protégées par un
ertains villageois désirent acquérir quelquesuns des articles proposés. Gékah demande à
voir de plus près un magnifique coupon d’étoffe (il a besoin d’une nouvelle robe). Après l’avoir
examiné, il se tourne vers le marchand et lui en
propose, pour paiement, une barrique de dix litres de son meilleur vin. Le marchand ne
répond pas immédiatement. Il laisse s’instaurer un silence gênant, que tous peuvent ressentir, puis déclare qu’il n’entend pas qu’on le paye
ainsi. Il veut, en échange de ses produits, de la
monnaie d’or et d’argent.
La consternation règne. Le village ne frappe pas
de monnaie. De plus, les villageois ne connaissent
pas le principe de l’argent et il n’y a nulle trace dans
tout le pays d’or ou d’argent en métal. Quel que soit
le type de troc tenté, les marchands refusent. Ils veulent, de manière catégorique, être payés en espèces
sonnantes et trébuchantes.
Les voyageurs, s’ils ont quelque argent, voudront peutêtre en profiter. Mais les marchands sont des plus spéciaux. Ils ne proposent à leurs clients, quels qu’ils
soient, que ce dont ils ont impérativement besoin. En
pratique, ils ne vendent aux voyageurs que ce qui sert à
compléter leur équipement, soit qu’ils en aient perdu
une partie lors des précédentes aventures, soit qu’ils
n’aient jamais songé à s’équiper correctement. Si les
voyageurs décident d’acheter autre chose, les marchands de Brilz rétorquent qu’ils n’ont rien d’autre
pour eux. Si les voyageurs désignent des étoffes, des
pourpoints de brocards ou autres, les marchands déclarent : « Ceci ne vous ira pas. Vous êtes voyageurs, cela
ne vous est d’aucune utilité ». Et rien ne peut leur faire
changer d’avis.
Inutile d’essayer de berner les marchands en leur faisant croire par exemple que l’on a perdu son épée, et
donc qu’il faut absolument vendre cette épée bâtarde.
Les marchands savent exactement ce dont les villageois
et les voyageurs ont besoin.
Les marchands déclarent qu’ils ne partiront pas tant
que tout n’aura pas été acheté, et que d’ici là, ils camperont sur la place du village, près de la fontaine. Cette
décision est énoncée d’une voix forte, mais calme, sur
un ton qui ne permet aucune discussion. Les villageois
se regardent, un peu gênés. Que faire ?
Les marchands s’installent donc au centre du village, ils détellent leurs chevaux, allument un feu et
restent entre eux. Ils refusent tout ce qu’on peut
leur proposer : eau, nourriture, logis, hébergement.
Drôles de personnages...
En les observant, les voyageurs se rendent vite compte
que ces marchands sont bien étranges. Ils peuvent rester
des heures sans rien dire, ne mangent jamais, ne boivent
pas, ne dorment pas. Sont-ils humains ? Mystère !
Ceux, qui pour s’en assurer, voudraient les attaquer,
auraient une surprise désagréable : les coups n’atteignent jamais leur but. Ils sont toujours déviés, comme
parfois lorsque l’on affronte une entité de cauchemar.
Les sorts n’ont aucune efficacité. Il est impossible de les
surprendre d’une quelconque façon. La nuit, ils restent
debout près du feu, immobiles, enveloppés dans leur
longue cape noire. Dès que l’on s’approche d’eux, ils
relèvent la tête et fixent le nouveau venu de leurs yeux
gris, froids comme la lame d’une épée.
UNE PRÉSENCE ENVAHISSANTE
M
ais après tout peu importe, se diront
peut-être les voyageurs ? Qu’ils restent
s’ils ont envie de rester.
Hélas, les choses ne sont pas aussi simple. Les marchands ne cessent d’exposer leurs trésors. Les villageois
ne peuvent s’empêcher de passer devant, d’en rêver et
souffrent bientôt d’un mal inconnu jusqu’ici dans ce
paisible petit village : la convoitise. Les femmes rêvent
de s’offrir les précieuses étoffes, les hommes sont fascinés par les ceinturons de cuir ouvragés et les épées rutilantes. Sonice, surtout, reste des heures devant les coffres, fascinée par ce qu’elle voit, ce qu’elle peut presque
toucher, mais qui reste inaccessible.
Peu à peu, un climat déplaisant s’installe. Des disputes entre époux, entre amis. On se reproche de ne
pas avoir d’argent, on accuse le roi de ne pas avoir
« battu monnaie » sans vraiment savoir ce que cela
veut dire, Uzanne déclare que ce village est décidément un repaire de ploucs, etc.
Ainsi, de la maison de Verneir, viennent les bruits
d’une dispute. Soléma accuse son mari d’être un
incapable, de ne pas l’aimer, puisqu’il n’est pas capable de lui offrir quoi que ce soit. Elle sort en claquant la porte puis elle part, furieuse, rejoindre furtivement Aucassin. Les voyageurs peuvent la suivre,
et ainsi découvrir sa liaison, s’il ne la connaissent pas
déjà. Un des prétendants de Sonice, poussé par elle,
essaye de voler l’argent des voyageurs.
En cas d’échec, ce qui est des plus probables, Sonice
vient voir discrètement les personnages et prend des
mines de conspiratrice. Elle demande aux voyageurs
s’ils ont de ces pièces d’argent ou d’or que réclament
les marchands. Elle leur tient en substance le discours suivant : Elle trouverait normal qu’en tant que
Quelques mots pour le gardien des rêves
Le scénario en quelques mots
Trois marchands apparaissent sur la grande place du village. Leur chariot
semble contenir des marchandises pour chacun des villageois. Hélas, ils
demandent de l’or en échange de leurs produits ! Heureusement, la terre
noyée recèle une épave contenant suffisamment d’or pour permettre à tous
d’acheter ce qui leur revient de droit.
Conséquence
À la conclusion de ce scénario, chaque villageois sera habillé comme il l’était
au second âge, ce qui va déclencher mécaniquement le second scénario de
l’Automne.
Strophe concernée
Ce fut un grand jour quand, geste de contentement,
Tous reçurent une pleine poignée d’or et d’argent.
Puis de riches marchands vinrent d’un lointain pays,
Et tout fut dépensé en trois jours de folie.
Destins
Frimousse, Sonice
vraie fille de Solinée, donc fille de la reine, donc
princesse, les voyageurs lui fassent un cadeau.
Devant un refus, elle essaye d’échanger la monnaie
contre des baisers. En désespoir de cause, poussée
par la convoitise qui la ronge, elle va même jusqu’à
proposer son corps, mais recule au dernier moment
et s’enfuie rouge de honte d’en être arrivée là.
Aucassin, convaincu par Soléma de lui offrir
quelque chose, se montre très menaçant vis-à-vis des
marchands. Ceux-ci restent impassibles tant
qu’Aucassin n’est pas agressif. Brusquement, alors
qu’il allait devenir violent, Aucassin s’écroule frappé
d’un invisible direct au ventre qui le laisse sonné.
Soléma, au mépris des convenances, se précipite vers
lui, révélant à tous la nature de leur relation. Verneir
ouvre enfin les yeux devant cette scène et en devient
triste à en mourir. Pitchoune, d’ordinaire si délurée,
sombre dans un mutisme inquiétant.
Bref, l’ambiance du village se dégrade à vue d’œil. Le
Gardien des Rêves peut imaginer d’autres événements en s’appuyant sur sa connaissance des villageois, de leur caractère et de leurs relations.
UNE VIEILLE CONNAISSANCE
L
a solution, c’est Frimousse qui l’apporte. Les
voyageurs entendent un bruit de lutte dans la
rue (Ouïe à -1). S’ils sortent, ils découvrent
Frimousse, assaillie par les autres enfants (sauf
Pitchoune, qui essaie de protèger sa copine). On veut
lui arracher ce qu’elle tient dans les mains. La cause de
la lutte n’est rien moins qu’une pièce en or. Elle vient
juste de la trouver alors qu’elle vidait un poisson pour
aider son père. C’était un de ces poissons plats qui
viennent des marais. Dans sa naïveté d’enfant, elle voulait la donner aux marchands « pour que sa mère
revienne et que son père ne soit plus triste ». Les autres
l’ont aperçue et chacun l’a voulu pour soi.
Les voyageurs devraient alors comprendre que dans
les marais se trouvent la solution à tous leurs problèmes. Un poisson avec une pièce d’or dans le ventre, ce n’est pas très naturel. Il a bien fallu qu’il l’avale quelque part, cette pièce. Et comme c’est un
LE DERNIER
45
MATIN DU
MONDE
poisson des marais, ce ne peut être que là, dans ce
que les villageois appellent la « Terre noyée ». Peutêtre, sans doute, y a-t-il là-bas de l’argent en quantité. Il suffit de le trouver et de le distribuer aux villageois pour que tous soient contents et que la paix
revienne dans le village... Ainsi la strophe de la
légende serait accomplie.
Il ne reste plus qu’à s’aventurer dans les marais...
Comme indiqué dans le Livre 1 (voir La Terre Noyée),
les marais ne sont pas un endroit accueillant. Même
dans l’espoir d’y trouver de la monnaie, aucun villageois ne veut les y accompagner, surtout pas Ornufle le
bûcheron. Les voyageurs doivent donc s’y rendre seuls.
Dans ces marais, il est possible de se déplacer sur
une de ces barques à fond très plat que construisent
les villageois. Les personnages n’ont aucun mal à en
trouver une. Dès qu’ils s’enfoncent dans les marais,
les voyageurs se rendent compte que de légers courants le parcourent. Assez rapidement, ils s’aperçoivent également que l’on ne trouve les poissons plats
semblables à celui de Frimousse que dans certains
courants. Les voyageurs n’ont plus qu’à remonter la
piste à la gaffe et à la rame. Pendant un jour et une
nuit, ils progressent sans vraiment savoir où ils vont.
INTELLECT/Survie en marais à -1 leur permet d’estimer que leur direction globale est Sud-Est.
Finalement, une forme imposante émerge de la brume.
Il s’agit d’un bateau en piteux état échoué sur un banc
de vase, penché de côté, prêt à se coucher pour mourir.
Toutes ses couleurs sont ternies et se fondent dans celle
de la vase. Il date d’au moins un siécle (VUE/navigation
à 0) et c’est un miracle qu’il soit encore d’une seule
pièce tant il semble rongé et pourri.
Il n’y a personne à bord, pas même un squelette. Ses
voiles sont déchirées, ses cordages pendent lugubrement, en haut du mat, flotte en lambeaux un
pavillon noir. Peu à peu, les voyageurs réalisent que
ce navire ressemble beaucoup à l’Audacieuse II, mais
en plus grand et soudain ils ont une révélation. Ce
navire, mais c’est l’Ecumeuse, le vaisseau pirate de
leur rêve ! ! ! Sans doute le trésor du capitaine estil encore à l’intérieur...
Pour s’approcher du bateau, il faut accoster sur le
banc de vase et faire quelques mètres à pied dans une
boue collante et nauséabonde. L’endroit a l’air des
plus déserts, mais en fait il n’en est rien. Alors que
les personnages sont à mi-chemin, 3 noyeuses sortent de la vase et attaquent aussitôt.
Les noyeuses éliminées, les voyageurs peuvent s’aventurer sur le bateau et l’explorer. La cale est pleine
d’eau et de vase, suite à de nombreuses voies d’eau.
Là, dans la vase, les Voyageurs trouvent de vieilles
cassettes rongées par l’humidité, pleines d’or et d’argent. Le trésor se compose d’au moins 900 sols. Une
somme colossale ! Près de cinq kilos d’or !
LE DERNIER
À CHACUN SA PLACE
46 Q
MATIN DU
MONDE
ue vont faire les voyageurs ? Vont-ils suivre
la légende et distribuer tout le trésor aux
villageois ? Ou vont-ils en garder une partie
(voire le tout) pour eux ? Cela ne leur serait que
d’une utilité limitée (voir plus haut sur ce que peuvent vendre les marchands aux voyageurs). De plus,
tant que tout l’argent n’aura pas été dépensé, comme
indiqué dans la légende, il y a aura toujours quelqu’un de mécontent dans le village et les marchands
ne partiront pas.
L’argent distribué aux villageois, chacun se presse
devant les marchands, qui acceptent volontiers leur
or. À chacun, les marchands ne vendent que les
habits et les attributs correspondant à la place qu’il
tenait dans le royaume du second Âge. Ainsi,
Verneir devient baladin avec en prime un superbe
luth - ce qui ne le console pas de son infortune.
Mahd se voit habillé en bouffon, Smisse se métamorphose en capitaine des gardes avec cuirasse
brillante et épée à la garde sculptée. Stam ne bégaie
plus dans sa belle livrée de héraut accompagnée
d’une longue trompette. Ornufle, Aucassin et Radul
endossent des tenues de soldats avec bouclier, épée
et hallebarde. Galentine avec son beau tablier brodé
se découvre maîtresse des cuisines avec Rotonde
sous ses ordres. Le frileux disparaît presque sous un
épais manteau de fourrure. Soléma revêt une robe de
courtisane. La princesse, Solinée et Nitouche revêtent des robes merveilleuses rehaussées de bijoux.
Ainsi, chaque villageois se transforme.
Sonice, quant à elle, est terriblement déçue quand
les marchands, en échange de son or, ne lui proposent qu’une simple tenue de servante, beaucoup plus
belle que sa robe de villageoise, mais une tenue de
servante quand même. Elle refuse tout d’abord, puis
finit par accepter de mauvaise grâce puisqu’il n’y a
rien d’autre pour elle...
Excités comme des enfants, tous les villageois se
changent sur la place, abandonnant leur fripes pour
leurs nouveaux vêtements neufs et chamarrés. Les
habits proposés par les marchands vont à merveille,
comme s’ils avaient été faits sur mesure, ce qui est
d’ailleurs le cas.
Fait encore plus étrange, à chaque tenue semble correspondre une fonction. Correctement vêtus, les
villageois se mettent aussitôt à agir selon leurs habits
comme s’ils retrouvaient leur vraie place. Smisse
ordonne et les soldats obéissent, tous se courbent
naturellement au passage de la reine, etc.
En quelques heures, tout le village se transforme en
une cour royale, somptueuse. Des personnages de
conte de fées perdus dans un décor bien loin de leur
convenir. À partir de cet instant le village prend des
allures surréalistes car se superposent à la fois le
contraste entre vêture et décor et le mélange entre
occupation de cour et vie quotidienne. Smisse
entraîne les gardes puis va travailler à la forge sans
changer de vêtements. Stam, la trompette de héraut
sur l’épaule, mène des porcs à la glandée,...
Grâce aux voyageurs, le pays retrouve ainsi un peu
de sa splendeur passée.
CHANT 3 — L’AVENTURE
II - À MÊME AMOUR, MÊME MORT
LES RACINES DU PRÉSENT :
LES AMOUREUX
L
a plus grande légende d’amour du royaume
fut celle de deux adolescents dont l’histoire
n’a pas retenu les noms. Le père de la belle
refusait de lui laisser épouser celui qu’elle aimait, la
destinant à un triste mariage d’intérêt. Un soir, les deux
amoureux s’enfuirent en laissant derrière eux une simple note : « À même amour, même vie ou même
mort ». Hors de lui, le père les pourchassa dans tout le
royaume et au-delà, mais jamais ne les rattrapa… Nul
ne sait ce qu’il advint d’eux, mais ce qui est certain est
que, quel que soit leur sort, ils le partagèrent.
LE DON DES MARCHANDS
L
es marchands à peine partis commence une
nouvelle épreuve pour le village. Ondôle et
Estophe ont reçu tous deux des habits de
mariage. Ondôle et Estophe s’aiment et voient dans
ces présents un signe du destin. Ils s’enhardissent au
point de se promener ouvertement ensemble et de
braver la colère de Lahin, le père d’Ondôle.
Ce dernier, en effet, veut à tout prix la marier à
Jacobi, le fils de Gekah, en échange de fragments de
légende, ce qui lui permettrait de devenir le « roi »
du village au prochain conseil. Lahin sent que la
situation lui échappe et entreprend donc aussitôt de
hâter le mariage.
De son côté, Jacobi a reçu des marchands une
paire d’alliances et reste perplexe sur ce que cela
peut signifier.
PRÉPARATIFS DE
MARIAGE… ET DE FUITE
L
ahin se rend chez Gekah pour hâter le
mariage. Il devra avoir lieu dans moins
d’une semaine. Gekah est trop faible pour
refuser aujourd’hui ce qu’il avait accepté précédemment (voir Livre 1 Nitouche, Sonice,…). Dès le lendemain de cette entrevue, Lahin retient de force
Ondôle dans sa maison. Lahin et Estophe en viennent aux mains sur le pas de la porte de Lahin.
Résultat, Ondôle est désespérée, ainsi qu’Estophe,
Gekah et Jacobi. On ne pourrait imaginer plus mauvais mariage…
Les préparatifs de la noce commencent sans joie ni
entrain. Les frères de Lahin ne partagent pas son
goût pour le pouvoir. L’ambiance devient lourde
dans le village. D’autant que la volonté de Lahin est
inébranlable : Ondôle se mariera avec Jacobi. Rien
ne le fera changer d’avis.
Estophe conçoit alors le projet d’enlever Ondôle et
de partir loin, très loin, du village, au-delà du
monde connu, vers la Grande Forêt. Il vient voir les
voyageurs pour leur demander de l’aide : des
conseils pour voyager, de l’équipement, une
dague… Estophe est aussi désespéré que déterminé.
Tout est donc en place pour que l’histoire se répète.
Quelques mots pour le gardien des rêves
Le scénario en quelques mots
Les marchands offrent à Ondôle et Estophe des habits de mariage. Lahin est
hors de lui et cherche à conclure au plus vite le mariage forcé de sa fille.
Ondôle et Estophe s’enfuient ensemble, poursuivis par Lahin qui entraîne
ses frères à sa suite. La fuite des amoureux conduit tous ces personnages audelà du monde connu, jusqu’au bord de la grande forêt.
Conséquence
Dans leur fuite, Ondôle et Estophe vont découvrir, à l’orée de la grande
forêt, les tombes des amoureux de la légende. Les Dragons leur donnent
ainsi une seconde chance.
Strophe concernée
Fou amoureux il est, damoiseau d’une donzelle,
Que son père lui refuse au chagrin de la belle.
En épouser un autre ne peut être son sort.
Fuir est donc leur destin, se séparer, leur mort.
Destins
Ondôle, Estophe, Lahin.
INTERVENIR OU PAS ?
Q
uelle que soit la position des voyageurs dans
cette histoire et leur implication, celle-ci
arrivera à une fin : heureuse ou dramatique. Qu’ils aident Estophe ou pas, qu’ils participent à l’enlèvement de la belle et à la fuite des amoureux ou pas, de toute façon, l’histoire se déroule. À
eux d’y trouver leur place.
L’ENLÈVEMENT DE LA BELLE
D
ans la journée qui suit la demande d’aide
d’Estophe, Jacobi le rencontre en secret et
lui remet les alliances. Il lui propose également de l’aider à s’enfuir avec Ondôle. Son plan est
de revêtir une robe et de prendre la place de la jeune
fille pour que Lahin découvre le plus tard possible la
disparition d’Ondôle. Un petit coup de pouce de
haut-rêve, si les voyageurs connaissent le sort adéquat, ne pourrait qu’aider en ce sens.
Estophe libère Ondôle en pleine nuit et s’enfuit avec
elle. Dans le meilleur des cas, l’enlèvement est
découvert au coucher du soleil suivant. Au pire : le
matin même. Aussitôt, Lahin et ses frères poursuivent Ondôle et Estophe.
Les fugitifs ont comme projet de rejoindre l’un des
camps de voyage au bord de la Petite Forêt, puis de
partir plein Ouest dans l’inconnu vers la Grande
Forêt pour s’y cacher. Ils espèrent que personne ne
se risquera à les poursuivre en terre inconnue. Peut
importe le danger, Ondôle et Estophe sont déterminés. Mieux vaut mourir ensemble que vivre séparés.
LE DERNIER
47
MATIN DU
MONDE
LA TOMBE DES AMOUREUX
E
ntre la Petite et la Grande Forêt rôdent
quelques cornicochons plutôt agressifs (ainsi
qu’un tigre vert si vous voulez corser l’aventure). Si les fugitifs ne sont pas accompagnés des
voyageurs, Estophe sera légèrement blessé par une
de ces bêtes avant d’atteindre la forêt. Près de la lisière, ils découvrent un grand arbre dont le tronc semble sculpté. On distingue nettement les formes d’un
homme et d’une femme dont les visages sont ceux
d’Ondôle et d’Estophe.
Découverte plus macabre, deux squelettes sont à
moitié enfouis dans les racines. Ce sont ceux des
amoureux de la légende dont Ondôle et Estophe
sont les réincarnations.
Au pied de cet arbre, Ondôle et Estophe se passent
mutuellement les alliances au doigt. Au petit matin
suivant, ils sont rejoints par Lahin et ses frères.
Lahin est fou de rage, Estophe est blessé. Si les voyageurs ne sont pas là, Lahin se jette sur Estophe et
prend vite le dessus sur lui, mais ses frères le retiennent quand il veut en finir avec lui. Ondôle et
Estophe en profitent alors pour s’enfuir à nouveau
en entrant dans la forêt. Lahin n’ose pas les poursuivre plus avant. Les amoureux sont alors recueillis par
des invisibles (voir Livre 1 La Grande Forêt).
Si les voyageurs sont là, ils peuvent s’interposer entre
Lahin et les fugitifs. Lahin n’entend pas raison. Il
engage le combat, mais s’arrête au premier sang.
Réalisant enfin ce qu’il est en train de faire, il s’écroule en pleurs et demande pardon à sa fille.
Celle-ci lui pardonne, mais refuse de retourner au
village. Estophe et elle iront alors s’installer dans un
des camps de voyage autour de la petite forêt.
Dans tous les cas, Lahin sort éprouvé de cette aventure et perd une bonne partie du crédit qu’il avait dans le
village. Mais les conséquences de cette histoire vont
plus loin. Toute cette agitation et ces drames pour
quelques vers font réfléchir les villageois sur leurs coutumes. À présent que Solinée, leur reine véritable, est
revenue, à quoi bon continuer à désigner un « Roi ».
Les villageois se tournent donc vers Solinée pour prendre la charge de « Roi » à la place du Frileux... au grand
désespoir de Bouillotte, sa femme.
CHANT 3 — L’AVENTURE
III - LA RÉVOLTE DES ANIMAUX
LES RACINES DU PRÉSENT :
UNE VIEILLE HISTOIRE
C
ertaines légendes disent que ces deux races
furent ainsi créées par les Dragons. D’autres
histoires ont d’autres vérités. Qu’importe,
telle est la façon dont ces races apparurent dans le
Royaume. Lors d’une sombre nuit, tous les porcs et
les chiens du royaume se métamorphosèrent et
semèrent longtemps mort et désolation avant d’être
repoussés hors des limites du pays.
VEILLÉE D’ARMES
A
LE DERNIER
48
MATIN DU
MONDE
u matin, rien ne semble avoir changé. La vie
quotidienne s’écoule, paisible. Il n’y a que
deux faits à souligner. Tout d’abord, cochons
et chiens ont l’air plus excités que d’habitude, le chiot
des personnages y compris. Ils ne s’attaquent pas, mais,
chacun dans son coin, grognent, s’agitent, couinent,
griffent le sol et hurlent. C’est un concert désagréable
que personne n’arrive à faire taire.
Ensuite vient le cas de Sonice. En tant que servante,
elle est tenue, elle le sent, de reprendre le travail que
sa mère ne fait plus du fait de sa charge de reine.
Laver le linge, Sonice trouve cela indigne d’elle et
cherche à le faire faire à ses prétendants. Ceux-ci s’y
plient à tour de rôle, mais de mauvaise grâce. Au
cours de la matinée, les prix en baisers deviennent de
plus en plus élevés, jusqu’à ce qu’ils ne suffisent plus.
Les prétendants se montrant plus entreprenants,
Sonice renonce et, verte de rage, se met à la tâche...
Cochons et chiens continuent toute la journée et toute
la nuit. En tout cas tant qu’il reste quelqu’un pour les
entendre. Malgré le vacarme, tout le monde, même
contre sa volonté, s’endort à l’heure du ChâteauDormant. Et le vacarme cessa faute d’auditoire...
UN BIEN CALME RÉVEIL
A
u matin suivant, un calme surprenant
règne dans le village. Alors qu’ils sont
encore dans leur lit, les voyageurs entendent les premiers volets de bois qui claquent, le cri
du coq, le bruit du vent dans les arbres. Cochons et
chiens semblent s’être calmés...
D’abord soulagés, les voyageurs s’aperçoivent vite en
sortant de chez eux qu’il manque quelque chose. Il
n’y a plus eu un seul chien ou cochon... Après de
rapides recherches, il faut se rendre à l’évidence : les
chiens et les cochons se sont bel et bien volatilisés.
S’ils restent au chaud dans leur lit pour récupérer de
leur nuit agitée, ils en sont tirés par les appels de
Quioure. Le vieux guérisseur erre en effet dans les
rues du village, appelant ses chers chiens. Notons
que si les voyageurs ont accepté la présence du chiot,
celui-ci est absent lui aussi.
Ce qui semble n’être qu’un incident étrange mais
sans gravité devient vite plus inquiétant. Les chiens
de Quioure ont l’habitude de dormir avec le vieil
homme, comme d’ailleurs le chiot avec les voyageurs. Quant aux cochons, ils passent la nuit dans
des enclos fermés. Dans un cas comme dans l’autre,
on peut remarquer que les enclos sont intacts et
n’ont pas été ouverts, de même que la porte de
Quioure. Ce n’est donc pas les animaux qui se sont
enfuis. Non, ils se sont tout simplement « évanouis », ils ont disparu...
Que s’est-il donc passé ? vont se demander les voyageurs. Sans doute vont-ils se perdre en suppositions
abracadabrantes. Quoi qu’il en soit, aucune compétence ne peut les aider pour l’instant, pas plus
Zoologie que Légendes.
La vérité est des plus incroyables. Les animaux disparus
ont été métamorphosés en créatures humanoïdes. Les
cochons sont devenus des Groins et les chiens des
Cynoférox ! (Voir encadré.) Les cynoférox, de même
que les groins, apparaissent vêtus et armés. Il ne s’agit
pas d’une simple transformation physique, mais bien
d’une métamorphose. Les nouvelles créatures n’ont plus
rien à voir avec les animaux dont elles proviennent à part
un air de ressemblance : les groins ont des figures porcines, les cynoférox sont des humanoïdes à tête de chien.
QUE FAIRE ?
P
our l’heure, rien n’indique qu’une telle
chose est arrivée. L’accent est plutôt mis sur
la perte de compagnons ou de ressources
vivrières importantes pour le village.
Quioure se remet très mal de la disparition des chiens
et devient paranoïaque. Il jette de fréquents regards
accusateurs en direction de la maison de Malaria. Il
marmonne sans cesse. Son discours est incohérent, halluciné. Il prononce souvent des insultes comme
« vieille peau », « empoisonneuse », « sorcière », etc. En
fin d’après-midi, Quioure va voir Malaria, la discussion
vire à la bagarre. Quioure accuse publiquement
Malaria d’avoir fait disparaître ses chiens. C’est une
fausse piste qui peut être développée de la façon suivante : Malaria, énervée par les accusations de
Quioure, se met à critiquer les chiens en question et à
insinuer qu’elle n’est peut-être pas étrangère à tout ça,
juste pour faire enrager Quioure.
La bagarre reprend de plus belle. « Querelle d’amoureux » commentent les plus vieux villageois.
Quelques coups sont échangés entre les deux vieux :
rien de grave, mais cela suffit à créer une ambiance
détestable. Quioure peut être raisonné simplement
en faisant remarquer que les cochons aussi ont
disparu, et que Malaria n’a (normalement) rien
contre les cochons...
Quioure s’effondre alors en pleurs. Malaria, touchée
par sa détresse, le serre dans ses bras. Il se blottit
conre elle comme un enfant et bientôt tous les deux
pleurent, Quioure de tristesse et Malaria à cause de
son allergie...
Désormais, les deux vieux ne vont plus se quitter.
Finalement, les voyageurs vont sans doute se préoccuper de retrouver les animaux disparus, ou du
LE DERNIER
49
MATIN DU
MONDE
Quelques mots pour le gardien des rêves
Le scénario en quelques mots
Pendant la nuit, les chiens et les cochons du village se transforment respectivement en cynoférox et en groins. Après avoir élucidé le mystère de leur
disparition, les voyageurs devront réussir à s’allier aux cynoférox afin de
repousser les assauts des groins. Une aventure diplomatique, qui peut se terminer en boucherie si les voyageurs ne sont pas suffisamment habiles.
Conséquence
La guerre peut faire de nombreuses victimes parmi les villageois et affaiblir
leurs forces pour l’hiver. Une alliance avec les cynoférox en revanche permettrait de disposer de redoutables combattants pour ce même hiver.
Strophe concernée
Tous ceux qui, courageux, travaillent le matin,
Découvrent avec horreur une meute de chiens.
Et de ce triste jour on oubliera la joie,
Car les chasseurs soudain n’étaient plus que des proies.
Destins
Sonice
moins de découvrir ce qui s’est passé. S’ils semblent
s’en moquer, vous pouvez faire intervenir des villageois qui les prient de retrouver les porcs. D’autres
essayent de convaincre les voyageurs de ramener au
plus vite les chiens de Quioure, de peur que le vieux
ne meure de chagrin.
TÊTES DE LARD
L
LE DERNIER
50
MATIN DU
MONDE
es groins sont au nombre d’une vingtaine.
Anciens cochons, ils gardent en souvenir
les humains les forçant à manger leurs
déchets, à se vautrer nus dans la boue et surtout les
égorgeant sans pitié pour leurs fêtes. Tout ceci fait
qu’ils ont un vif ressentiment envers la population
du village, un ressentiment qui s’ajoute aux tendances innées des groins. C’est donc naturellement un
combat à mort qui s’engage. Détruire et violer, voilà
ce qui leur permettrait de se venger, un peu. Pour
l’heure, ils préparent leur camp à moins d’une heure
du village (pourquoi allez loin quand on sait qu’il
faudra faire le chemin inverse pour aller violer les
femmes ? Autant rester près d’elles), en bordure de
la rivière des morts, en allant vers le Sud. Préparer
un camp se borne pour eux à allumer un feu, ce qui
les fait immanquablement repèrer. Personne ne
monte la garde. Tous autant qu’ils sont, ils revendiquent le rôle de chef et sont fort occupés à se quereller à ce sujet. Comme ils ne peuvent s’entendre,
ils tentent alors de s’accorder sur ce qu’ils vont faire.
Si les voyageurs s’approchent suffisamment près de
manière discrète, ils peuvent découvrir les groins et observer toute cette agitation. Pour le moment, ils ne sont
d’accord que sur un point. Ils veulent attaquer (c’est-àdire, en langage groin, tuer, violer, brûler, piller, dérober, etc.) le village, mais ne savent pas encore quand, à
quelle heure, ni de quelle façon... Ils semblent décidés à
mettre au point un plan d’attaque, mais leurs discussions semblent sans fin. Tout voyageur ayant déjà rencontré des groins sait qu’ils adorent les « ruses » et que
si cela finit toujours par « on fonce », les groins ne s’en
creusent pas moins la tête pour trouver quelque chose
d’intelligent et de rusé à dire « avant »...
Les voyageurs ont donc au minimum un ou deux
jours devant eux, peut-être même plus, pour préparer la défense du village. Foncer dans le tas n’est pas
une solution. Les groins sont bêtes, mais à une vingtaine, ils sont une force non négligeable.
CAVE CANEM
D
e retour au village, les voyageurs tombent en
pleine hystérie générale. Hommes et femmes
sont inquiets et angoissés. Sonice vient d’être
enlevée voilà une heure. Pitchoune a aperçu de loin
trois silhouettes entourant la jeune fille et l’empêchant
de crier. La petite fille a alors pris ses jambes à son cou
pour prévenir les « grands ». Si les voyageurs n’ont pas
été voir l’origine du feu, ils assistent au retour paniqué
de Pitchoune et au début de l’hystérie. Dans tous les
cas, les villageois leur demandent de la retrouver, dans
tous les cas les kidnappeurs ont suffisamment d’avance
pour ne pas être en vue.
Un examen des lieux de l’enlèvement permet de découvrir (VUE à 0) des traces de bottes et des touffes de poils
de chien. Les traces se dirigent vers l’ouest en direction
de la petite forêt (voir plan général du monde).
Les cynoférox sont une espèce plus civilisée. Leurs
principaux ennemis sont les groins. Rappelez-vous,
ils étaient sans cesse en guerre contre les porcs dans
le village. Ils ont moins de querelles avec les
humains. D’une part, ils considèrent les humains
comme du bétail, donc comme des animaux et ne
les mettent pas sur le même plan que les groins qui
sont assimilés à des créatures humanoïdes, donc
presque des égaux. D’autre part, ils se souviennent
avoir été bien traités dans l’ensemble, ce qui ne
génère en eux aucun désir particulier de vengeance...
Leurs intentions sont de prendre le contrôle du village
et de ramener tous les humains à leur condition naturelle de bétail. Ils procèdent méthodiquement et de
manière très intelligente. Conscient de leur faible nombre (ils ne sont que sept, le nombre de chiens de
Quioure), ils adoptent une stratégie de grignotage.
Leur première incursion au village était seulement
une reconnaissance. L’opportunité s’étant présentée
d’enlever une « femelle », ils l’ont saisie.
La piste des chiens se perd à la lisière de la forêt. Un
bout d’étoffe accroché à une branche, un rameau
brisé plus loin permet de la reprendre (VUE à -1).
Ceci mène les voyageurs au campement des cynoférox, en plein cœur de la petite forêt. Des guetteurs
surveillent les abords.
DE VIEILLES CONNAISSANCES
L
orsque les voyageurs arrivent à proximité du
campement, étudiez les précautions qu’ils
ont prises. S’ils avancent imprudemment (ils
parlent discutent, ou bien les joueurs se chamaillent à
propos de ce qu’il faut faire : estimez alors que leurs
personnages font de même), considérez que les guetteurs les repèrent automatiquement.
S’ils se montrent prudents, faites jouer
Dérobée/Discrétion à -3. En cas d’échec, ils sont
repérés. S’ils se montrent particulièrement prudents,
par exemple en se souvenant qu’ils ont affaire à des
chiens et évitent de se mettre sous le vent, faites
jouer Dérobée/Discrétion à 0.
S’ils sont discrets, les voyageurs peuvent observer le
campement et ses occupants. Ils voient alors, et peutêtre pour la première fois, des Cynoférox (INTELLECT/Légendes à -3 donne toutes les informations de
l’encadré). Malgré leur changement, on reconnaît facilement en eux les chiens de Quioure (tache sur un œil,
forme des oreilles, couleur du pelage). Pour l’heure,
tous les cynoférox sont là, dont bien sûr le chiot des
voyageurs transformé en adolescent.
Sonice est là aussi, nue et attachée, retenue prisonnière
au beau milieu d’un enclos fait de branches épineuses.
Les cynoférox discutent entre eux de leurs projets en
achevant de brûler les vêtements de la jeune fille sur un
maigre feu de camp. Les cynoférox comptent retourner
au village en force pour mettre au pas le « bétail » et le
trier. D’un côté, ceux qui seront abattus pour la viande, de l’autre les meilleurs « mâles reproducteurs » et
les « femelles fécondes » pour l’élevage. Il leur tarde de
goûter la chair humaine... En les entendant, Sonice
pleure toutes les larmes de son corps, ce qui ne les
émeut pas une seconde.
Si les personnages se sont montrés amicaux avec lui, le
chiot/cynoférox tempère les ardeurs de ses compagnons, rappelant qu’ils n’ont jamais eu à souffrir des
humains, à la différence de ce que leur ont fait endurer
les porcs. Les cochons, voilà l’ennemi, le vrai...
Les voyageurs peuvent attaquer le campement, tenter de libérer Sonice à la faveur de la nuit ou bien
tenter de discuter. La meilleure option est aussi la
moins évidente : la discussion. Ces cynoférox ne
sont pas comme tous leurs congénères. Ils ont été
chiens avant d’être ce qu’ils sont et des sentiments
contraires concernant les humains les habitent.
Dans cette partie diplomatique, le Gardien des rêves ne
doit pas oublier que les cynoférox sont méfiants vis à
vis de leurs anciens maîtres et qu’ils ne supportent plus
qu’on leur parle comme à des chiens, du genre : « Le
gentil chienchien à son papa va aller mordre les vilains
groins ». Ils sont devenus de redoutables guerriers,
assez susceptibles. Bref, c’est donc sur les talents de
diplomates des joueurs, plus que sur les compétences
des personnages, que repose le succès de l’aventure.
Au-delà des mots, les cynoférox ne peuvent être
convaincus de s’allier aux humains que si les voyageurs ne font pas d’erreur grossière et surtout que si
et seulement si les voyageurs ont le soutien du
chiot/cynoférox, c’est-à-dire s’ils ont été de bons
maîtres pour lui. Dans le cas contraire, toute discussion est inutile. Si alliance il y a, en gage de bonne
foi, les cynoférox libèrent Sonice.
En cas de rupture des pourparlers, il n’y a qu’une
issue : le combat à mort. Si les personnages sont
repérés avant de pouvoir discuter, le chiot/cynoférox
peut s’interposer entre les combattants avant que le
sang ne coule pour permettre un dialogue... si bien
sûr il garde un bon souvenir des voyageurs.
LA GRANDE BATAILLE
G
roins et cynoférox approchent du village en
même temps chacun de son côté, si bien que
les trois camps se font face : les groins d’un
côté, les cynoférox de l’autre et la masse des villa-
geois et voyageurs au centre. La bataille est inévitable. Seulement, la situation est très différente selon
qu’humains et cynoférox sont alliés ou non.
En cas d’alliance, les cynoférox rejoignent les
humains pour faire front commun contre les groins.
Dans le cas contraire, les cynoférox font cavalier
seul, ils frappent sur l’ennemi commun au début
puis se retournent contre les humains. Dans les deux
cas, le sort de la bataille dépend uniquement des
voyageurs.
Les Cynoférox
TAILLE
15
APPARENCE
13
CONSTITUTION 13
FORCE
14
AGILITÉ
14
DEXTÉRITÉ
12
VUE
13
OUÏE
12
ODO-GOÛT
15
Épée sorde
Arc
Bouclier
Esquive
VOLONTÉ
INTELLECT
EMPATHIE
RÊVE
CHANCE
Mêlée
Tir
Lancer
Dérobée
12
12
14
12
13
12
14
13
10
Vie
Endurance
+dom
Protection
14
28
2
+2
niv +3 init 8 +dom +3
niv +3 init 8 +dom +2
niv +3
niv +3
Vigilance +3
Les cynoférox, de même que les groins, sont vêtus et armés.
Résultat de la bataille
inférieur à 10
entre 11 et 50
entre 51 et 90
supérieur à 91
(1d100)
pas de morts
1d6 morts humains,
1 cynoférox
4 + 1d6 morts humains,
1d3 cynoférox
10 + 1d6 morts humains,
tous les cynoférox
La mêlée s’engage, furieuse. On se bat de toutes
parts à l’épée, à la grouine, à la serpe ou la faux. Les
villageois compensent leur inexpérience par leur
nombre, les cynoférox leur faible nombre par leurs
qualités de combattants.
Dans le cas d’une alliance, les personnages ne doivent mener qu’un seul combat contre un nombre de
groins inférieur de 2 au leur. Sans alliance, ils doivent mener deux combats d’affilée. Le premier identique, le second contre 4 cynoférox dont un blessé
gravement.
En cas de victoire, les pertes dans le camp des voyageurs sont déterminées globalement par un jet de dé
comme indiqué sur le tableau ci-dessus.
Le gardien des rêves prélève les victimes de préférence sur les personnages secondaires du village et
épargne autant que possible le chiot/cynoférox.
Quant aux vaincus, ils sont exterminés. Dans le cas
où des cynoferox alliés aux humains survivent, ils
resteront dans la petite forêt le reste de l’automne,
sans se mêler des affaires des humains.
LE DERNIER
51
MATIN DU
MONDE
CHANT 3 — L’AVENTURE
IV - LA PESTE BUBONIRIQUE
LES RACINES DU PRÉSENT :
LA VENGEANCE DU
HAUT-R
RÊVANT
L
a beauté de la Princesse était telle qu’elle ne
pouvait que faire naître de grands désirs et
parfois de l’amour. Erémis, grand hautrêvant d’un royaume voisin, conçut pour elle un
désir tel qu’il ne pouvait penser à autre chose et toutes ses recherches de magie tournèrent autour. Ainsi,
il réussit à fixer à jamais le reflet du visage de la
Princesse dans un petit lac, le lac-Miroir, pour pouvoir la regarder à loisir. Son désir était tel qu’un jour
il la demanda en mariage, ce que refusa et le Roi et
l’intéressée. Erémis en conçut alors une haine aussi
grande que son désir... Oubliant tout ce en quoi il
croyait, il devint thanatosien et envoûta la jeune fille
de terrible manière pour la faire souffrir comme personne avant elle. La malheureuse ne put s’empêcher
de dormir jour et nuit et de rêver de lui, toujours
d’horribles façons. En rêve, il était son bourreau, son
tourmenteur, son violeur, son assassin, faisant preuve à chaque fois de plus de cruauté et de sadisme. Il
voulait ainsi la torturer jusqu’à ce qu’elle en devienne folle ou se suicide entre deux cauchemars pour
échapper à tant d’horreur.
Erémis aurait pu tranquillement assouvir sa vengeance si la Princesse avait été une femme comme
les autres. Malheureusement pour lui, la nature si
particulière de sa victime eut des effets inattendus et
dévastateurs. Le lac-Miroir devint le repère d’une
horrible entité de cauchemar formée des rêves de la
Princesse. Cette entité se nourrissait de rêves, ou
plutôt de cauchemars, et pouvait les déclencher chez
toutes les créatures « normales » qui rêvaient de la
Princesse. Dans tout le pays, de nombreuses personnes furent ainsi « contaminées » et rêvèrent à leur
tour les mêmes horreurs que la fille du roi. Elles
plongèrent dans un sommeil quasi perpétuel, leurs
corps se couvrirent de pustules et elles commencèrent à mourir à petit feu. Cette nouvelle maladie fut
appelée « Peste Bubonirique ».
Erémis, totalement obsédé par sa victime, fut le premier à subir le contrecoup de son envoûtement et le
premier à en mourir. Après sa mort, l’entité continua
ses ravages, tuant nombre de gens, jusqu’à ce qu’un
preux chevalier la découvre et l’occisse. Alors, les horribles rêves cessèrent pour la Princesse et tous les autres...
LE MAL DE LA PRINCESSE
LE DERNIER
52
MATIN DU
MONDE
C
omme la révolte des animaux, cette épreuve
est un écho de ce qui se passa à la fin du
Second Âge (voir plus haut La Vengeance du
Haut-Rêvant). Le matin où les voyageurs récupèrent
le fragment de légende, une créature thanataire
investit le Lac-Miroir et la Princesse plonge dans un
profond sommeil hanté de cauchemars effroyables.
Dans les jours qui suivent, tous les villageois, les uns
après les autres, tombent malades. Ils ont contracté
la peste bubonirique.
Les personnages, ainsi que Nitouche, sont épargnés
car ils ne sont pas originaires de ce monde.
L’argument est peut-être spécieux, mais il se tient et
a aussi l’avantage de permettre aux voyageurs de
jouer le scénario, la maladie étant trop invalidante
(voir Symptômes et souffrances) pour permettre une
quelconque aventure.
SYMPTOMES
ET SOUFFRANCES
L
a maladie débute brutalement, de nuit, par
un rêve atroce. Le dormeur, fou de terreur,
rêve qu’il est poursuivi par une créature horrible dont le visage quoique déformé est celui de la
Princesse. À la fin du rêve, la créature jaillit d’un lac
noir d’encre et le dévore vivant. Le dormeur se réveille
alors en sursaut, ruisselant de sueur froide, tremblant
de peur et la peau couverte de bubons jaunes et mauves (les couleurs des déchirures du rêve). De plus, à
chaque cauchemar, le malade perd 2 points de vie et est
frappé par une queue de Dragon (uniquement des
idées fixes ou des désirs lancinants) en raison de l’horreur qu’il vient de vivre.
Éveillé, le malade n’a qu’une idée en tête: résoudre sa
queue de Dragon. Il ne pense qu’à cela, y sacrifie tout.
Quand il y parvient enfin, il se rendort aussitôt, juste
là où il est. Il cauchemarde de nouveau, prend une
nouvelle queue, perd 2 points de vie, se réveille, cherche à la résoudre et ainsi de suite jusqu’à la mort.
La Princesse, elle, ne subit que les cauchemars. Elle
ne souffre d’aucun des autres symptômes (queue de
Dragon, bubons, perte de points de vie, etc.)
De nombreuses idées peuvent surgir sur la façon de
combattre cette maladie. Toutes sont vouées à l’échec, à part celle exposé plus bas (voir La bonne solution). En voici néanmoins quelques-unes.
Les voyageurs peuvent envisager d’utiliser la magie
pour contrer les pertes de points de vie. C’est tout à
fait possible, mais cela ne guérit pas la maladie et
très vite ils se retrouveront débordés par l’ampleur
de l’épidémie. La solution n’est donc pas là.
Isoler les malades ne résout rien non plus, c’est par
le rêve que le mal se transmet et le rêve est partout.
On peut aussi attacher les malades afin qu’ils ne
puissent pas résoudre leur queue. Cela ne sert non
plus à rien, les malades se débattraient et hurleraient
durant toute la journée pour, épuisés, s’endormir le
soir venu. Le lendemain, ils auraient alors une queue
de plus à satisfaire.
LE DÉBUT DU CAUCHEMAR
T
out commence par un cri déchirant au
beau milieu de la nuit. La Princesse vient
de faire un terrible cauchemar. Les yeux
hagards, la respiration courte, elle répète sans arrêt la
même phrase : « Non, ce n’est pas possible, pas
encore ! », puis se met à pleurer. Réveillés par le cri
ou alertés par un groupe de villageois inquiets, les
voyageurs viennent au chevet de la jeune fille. Ils la
découvrent, luttant pour ne pas dormir en se
piquant profondément le bras avec une aiguille.
« Sauvez-moi, supplie-t-elle, car sinon nous allons
tous mourir, tous... » Elle est alors certainement
assaillie de questions. Avant de sombrer dans le
sommeil, elle ne pourra que dire : « Elle est revenue... Tuez-la... Tuez-la... » Puis, pressentant les
tourments qui vont s’abattre sur le village, elle
ajoute d’un faible murmure : « Pardon, je suis
désolée... » Dès lors, Solinée et Anguerrant ne
quittent pas le chevet de la Princesse.
Le lendemain (jour 2), les premiers malades sont
recensés. Tout d’abord on n’y prend pas trop
garde, il ne s’agit que d’Argande, hypocondriaque
connue, et de Graël qui ne cesse de pleurer. Puis
on trouve Ouat dormant dans une flaque de
boue, Gerbert ronflant attaché sur une échelle et
Rotonde assoupie au milieu d’une douzaine
d’œufs brisés. Le troisième jour, c’est 15 personnes de plus, presque la moitié des habitants, qui
sont contaminées (voir l’ encadré Journal d’épidémie), ce qui plonge tout le village dans l’angoisse et
la panique.
Consultés, Quioure et Malaria s’avouent tous les
deux impuissants, cette maladie leur est inconnue et
leurs remèdes inopérants.
Tout ce que l’on peut tirer des malades durant leur
phase de réveil est une description de leurs rêves, dont
le premier où apparaît, au bord d’un lac noir, une créature terrifiante qui a les traits, quoique horriblement
déformés, de la Princesse. Quant à la Princesse, elle ne
sort pas de son sommeil tourmenté. Cependant, si on
la veille, on peut l’entendre murmurer à plusieurs
reprises : « Mon visage... de l’eau pure... de l’eau
pure... » (voir La Bonne Solution).
LE BÛCHER DE RADUL
D
ès le jour 2, Radul croit avoir tout compris
et rassemble les villageois. Radul est très
virulent. Il accuse les voyageurs d’être
responsables de ce qui arrive puisqu’ils ont ramené
la Princesse au village. Il propose également une
solution. Comme c’est le visage de la Princesse qui
apparaît dans tous les rêves, alors il faut tuer la
Princesse, voilà tout. Il n’est tout d’abord pas pris au
sérieux, tous connaissent sa méchanceté viscérale.
Cependant, à la faveur de la panique qui s’empare
du village le lendemain, il rallie à son idée plusieurs
autres hommes (Lahin, Smisse, Vernier et Ornufle).
Ensemble, ils décident de proprement brûler vive la
Princesse et se dirigent vers la maison où elle dort.
Si les voyageurs s’interposent (au besoin, Nitouche
les alertera), les villageois renoncent, n’étant pas de
taille à affronter des hommes en armes, d’autant
plus qu’Anguerrant viendra prêter main-forte aux
personnages. Mais un jet d’EMPATHIE à 0 fait comprendre que Radul est trop décidé pour s’en tenir là.
Le villageois n’a en effet pas dit son dernier mot. À la
nuit tombée, il va tenter d’incendier la maison qui
abrite la Princesse. Un jet d’OUÏE/Vigilance à -2 permet
d’entendre des bruits suspects autour de la maison et
d’intervenir à temps pour éviter que le feu prenne. Un
combat avec Radul est alors inévitable. Si le villageois
Quelques mots pour le gardien des rêves
Le scénario en quelques mots
L’envoûtement dont la Princesse avait été victime au Second Âge frappe de
nouveau. Et la peste bubonirique se répand dans le village, menaçant de tuer
les plus faibles. Aux personnages d’agir vite pour éradiquer le mal...
Conséquence
La principale conséquence de ce scénario est la mort éventuelle de plusieurs
villageois.
Strophe concernée
L’épée à elle seule ne peut vaincre l’ennemi
Dans la lutte qu’un corps livre à la maladie.
Le souverain remède reste dissimulé...
Dommage que le temps soit pour certains compté.
Destins
La Princesse, Radul
arrive à mettre le feu, seuls les voyageurs pourront sauver les habitants de la maison, à présent tous profondément endormis à cause de la maladie. En tant que
gardien des rêves, laissez leur le temps d’intervenir,
décrivez leur les flammes qui les entourent, les poutres
qui craquent, les chaumes qui s’embrasent et ne faites
tout écrouler que lorsque que tous auront été tirés de
là sains et saufs. Radul, quant à lui, est retrouvé endormi non loin, en proie à son premier rêve de malade.
LA BONNE SOLUTION
P
lusieurs indices vont permettre aux voyageurs
de comprendre que faire. Les premiers rêves
des malades parlent d’une créature, des traits
de la Princesse et d’un lac. Les quelques paroles de la
Princesse évoquent, elles aussi, une créature (« Elle est
revenue... »), son visage et de l’eau pure. Quant à l’idée
de Radul, elle souligne le rapport entre les rêves des
malades et le visage de la Princesse.
L’association visage et lac devrait faire tilt, elle désigne clairement le Lac-Miroir. De là à penser qu’une
créature s’y cache, il n’y a qu’un pas. Pour ce qui
concerne l’eau pure, tout haut-rêvant ou alchimiste
comprend qu’il s’agit d’eau magiquement ou alchimiquement obtenue. Quant à son utilisation, la
Princesse l’associe à son visage (« Mon visage... de
l’eau pure... de l’eau pure... »). Il ne s’agit pas bien
sûr de verser de l’eau sur elle, mais sur son reflet
dans le Lac-Miroir.
Ceci compris, reste à se rendre sur place. Dans le
meilleur des cas, les voyageurs partent au début du
Jour 4, ce qui leur laisse deux jours (en fait jusqu’à la
fin du Château-Dormant du Jour 5) pour arriver sur
place et agir avant que la maladie ne commence à tuer.
LE DERNIER
LE MONSTRE DU LAC
S
ur le chemin du lac, les personnages remarquent que le ciel est de plus en plus gris, que
le gibier est moins fréquent, l’herbe plus
terne, etc. Le lac a bien changé. Son eau est à présent
noire et houleuse, ses berges sont garnies d’orties, de
ronces et de mauvaises herbes et le reflet du mer-
53
MATIN DU
MONDE
Journal d’épidémie
Tous les villageois tombent malades dans les 3 jours qui suivent le premier
cauchemar de la Princesse. Dans cet encadré est indiqué, pour chaque personne, le jour du début de maladie et celui de la mort éventuelle. Le gardien
des rêves n’a donc pas à se préoccuper d’éventuelles victimes avant le sixième
jour, ce qui laisse largement assez de temps aux voyageurs pour vaincre la
maladie. Tout ce que le gardien a à faire est de compter les jours à partir du
premier cauchemar de la Princesse (jour 1) et de consulter cette liste pour les
victimes si l’aventure ne se termine pas avant le sixième jour.
La maladie vaincue, les points de vie seront récupérés automatiquement suivant la règle (Oniros p. 73). Là non plus, le gardien n’a pas à tenir de comptes. En effet, le scénario suivant se situe en grande partie hors du village, laissant le temps aux survivants de récupérer avant le retour des voyageurs.
Malade du jour 1
La Princesse
Malades du jour 2
morts au jour 6 : Ouat, Graël
morts au jour 8 : Gerbert, Rotonde, Argande
Malades du jour 3
morts au jour 7 : Crécelle, les 2 Rascals, Pitchoune
morts au jour 8 : Etannio, Ciclomène, Uzanne, Soléma, Bouillotte, Solinée
morts au jour 9 : Mahd, Nicolette, Aucassin, Stam, Galentine
Malades du jour 4
morts au jour 8 : Gilleau, Frimousse, Baffreux
morts au jour 9 : Ondôle, Nataèl, Sompce, Jacobi, Malaria, Lahin,
Caliban, Quioure, Le Frileux, Étannio, Sonice
morts au jour 10 :
Smisse, Verneir, Anguerrant, Skalf, Ornufle,
Radul, Gékah
Le monstre du lac
TAILLE
RÊVE
Niveau
Endurance
14
16
+3
30
Crocs
Cheveux-tentacules
Esquive
LE DERNIER
54
MATIN DU
MONDE
15
15
11
niv +2
niv +2
niv +2
+dom +3 fougueux
(spécial) ferme
veilleux visage a laissé la place à une face effrayante où
l’on reconnaît à peine les traits de la Princesse.
C’est là que l’eau pure, si les personnages en disposent, doit être utilisée. Le monstre du lac est une
entité de cauchemar, qui impose donc des jets de
Rêve pour être touchée (Oniros p.100). Pour ce
monstre, verser de l’eau pure dans le lac permet ne
pas avoir à faire les jets de Rêve.
Dès que les voyageurs s’approchent de la rive, l’eau
se modèle pour créer le monstre. Le reflet effrayant
devient la tête de la créature, une gueule chargée de
dizaines de crocs s’ouvre largement, une imposante
chevelure apparemment vivante pousse à vue d’œil
et un long cou propulse le tout vers les personnages.
C’est un combat à mort qui s’engage.
En plus de ses crocs, le monstre a droit à une seconde attaque qui est spéciale. Elle peut utiliser ses très
longs cheveux comme des tentacules pour agripper
les personnages. Cela n’inflige aucun dégât, mais
réduit les possibilités de manœuvre de la victime et
donc ses possibilités d’esquive (malus de -1 à l’esquive, cumulatif ). À chaque round, un voyageur
ainsi empêtré a le choix entre attaquer ou se dégager
automatiquement des cheveux-tentacules (annulation d’un malus de -1 par round).
LA FIN DES TOURMENTS
L
a bête éliminée, l’eau du lac redevient calme
et claire et le visage de la Princesse s’y réfléchit à nouveau. Au village, les gens sont guéris et ils regagnent progressivement des forces.
La Princesse, elle, a l’air soucieuse. Elle raconte aux
personnages l’histoire de cette maladie telle qu’elle s’est
passée au Second Âge (voir La Vengeance du HautRêvant) et ajoute : « Je crains pour l’avenir, je sens la
présence de cet horrible personnage autour de nous...
Erémis, est ici, dans ce rêve, quelque part, et il veut
toujours se venger... »
Nouveaux désirs lancinants et idées fixes
Pour varier les plaisirs, vous pourrez infliger aux malades les idées
fixes et les désirs lancinants suivants.
Désirs lancinants supplémentaires
Casser 3d6 oeufs
Se raser la tête
Masochisme (Perdre trois points d’endurance minimum en un round)
Se saouler
Casser un meuble (tabouret, table, etc.)
Désir d’ingestion forcené (manger de la poussière, de la terre, du savon, de la
sciure, des chardons, de la boue)
Pyromanie (désir de brûler une maison)
Envie d’escalade. Hauteur 2d4. Difficulté 0
Idées fixes supplémentaires
Garder les yeux bandés
Porter sur soi 3d6 kilos de cailloux
Cracher dans toute boisson ou nourriture
Anorexie. Ne rien boire, ne rien manger
Ne s’exprimer que par gros mots
LE DERNIER
55
MATIN DU
MONDE
Chant Quatrième
L’Hiver
Le temps de la mort
C’
L’
était presque le soir, le vieil homme avait tenu son auditoire en haleine toute la journée. À présent, il se devait de
finir avant la nuit pour que tous emmènent les souvenirs
de cette histoire dans leurs rêves de la nuit.
automne avait été semé d’épreuves et de drames, ce qui
avait eu pour conséquences de faire taire tous les quolibets des uns et des autres… Si le Baffreux, Frimousse et
Pitchoune s’étaient amusés de la déception de Sonice avec les
marchands, en revanche personne ne s’était réjoui de la suite.
Tous s’étaient montrés solidaires les uns des autres et abordaient
unis un hiver qu’ils pressentaient redoutable. Les chamailleries
étaient ainsi oubliées. Les deux petites filles s’étaient blotties contre Le Baffreux. Quant à Nitouche et Sonice, elles se tenaient la
main.
G
ekah savait toute la dureté de que ce qu’il s’apprêtait à
raconter et il se félicita de l’unité de son auditoire. Il était
parvenu là où il voulait aller : au-delà de l’histoire, au-delà
des querelles. Tout le récit de l’hiver allait être pour les enfants
devant lui une expérience inoubliable. Pour la première fois, ils
allaient prendre soin les uns des autres et se soutenir. Et si un jour
le malheur frappait réellement le village, ils sauraient s’en souvenir. Gekah en était persuadé.
M
A
ais pour l’heure, il convenait de mener le récit à son
terme. Avant de débuter, le vieil homme crut tout de
même bon de rassurer son auditoire. Ils n’étaient encore que des enfants, après tout.
ussi commença-t-il ainsi : « L’hiver est la saison la plus dure
et l’on pourrait facilement se désespérer. Mais, n’oublions
pas, n’oublions jamais, que l’hiver est aussi une étape obligée sur la route du printemps… »
LE DERNIER
56
MATIN DU
MONDE
CHANT 4 — LE RÊVE
L’ARCHIVISTE FOU
L’ARCHIVISTE FOU ET
LE DÉBUT DU CAUCHEMAR
C
e rêve est le dernier que vont faire les personnages. Il est différent des deux précédents
à plusieurs titres. Premièrement, il ne peut
être fait qu’une seule fois. Ensuite, le personnage
inquiétant et mystérieux qui a hanté de sa présence
les rêves précédents va ici entrer complètement dans
le rêve et attaquer les voyageurs. Enfin, deux rêves
vont s’entremêler ici, celui de l’archiviste d’un côté,
chaud et vivant, et celui du personnage inquiétant
de l’autre, froid et mort.
Le rêve débute en pleine jungle équatoriale à l’atmosphère humide et étouffante de chaleur. En possession de tout leur équipement, les voyageurs
bataillent à coups d’épée pour se frayer un chemin
dans une végétation très dense. Soudain, le fer d’une
arme rebondit sur un mur de pierre. Les personnages viennent de trouver un antique et gigantesque
palais enfoui dans la forêt. En longeant le mur sur
quelques mètres, ils arrivent à une massive porte de
bronze grande ouverte...
Plan express de la bibliothèque
Jeter 1d8, le résultat donne le type de lieu dans lequel les voyageurs arrivent.
Peu importe les invraisemblances, notamment de niveau, il s’agit d’un rêve.
1-2
3
4
5
Salle
Escalier
Passerelle
Couloir
6
7
8
Cour intérieure
Cloître
Pavillon
À chaque lieu, lancez (1d4+1) : c’est le nombre d’issues (portes, passages) du
lieu considéré.
LA TRÈS GRANDE
BIBLIOTHÈQUE
C
e palais est en fait une très vaste bibliothèque, en partie en ruines. C’est une construction démesurée et hétéroclite, un patchwork d’architecture, une succession ininterrompue
de salles, d’escaliers, de passerelles, de couloirs, de
cloîtres, de pavillons, de fontaines et de cours inté-
LE DERNIER
57
MATIN DU
MONDE
rieures. Chaque pièce, chaque salle, chaque couloir
recèle des rayonnages bondés d’ouvrages. La plupart
sont dans un état de conservation correct, mais
écrits dans des langues inconnues.
Perdue au beau milieu d’une jungle, cette bibliothèque fait corps avec son environnement. À cause
de son architecture et des années, la végétation est
entrée en elle de toutes parts, se mêlant à la bibliothèque jusqu’à ce que les deux se marient harmonieusement. Des racines ont fait éclater la pierre des
dalles. Les dômes et verrières se sont écroulés sous la
poussée des arbres. Des cascades de lianes coulent le
long des murs, des massifs de nénuphars habitent les
bassins et fontaines des cours. Certaines salles sont
totalement investies par la végétation. Parfois, une
fleur superbe sort d’un ouvrage en décomposition.
Partout, la végétation et la pierre se mélangent. La
jungle est à la fois en dehors et dans la bibliothèque.
Il n’est donc pas étonnant que l’intérieur regorge
d’animaux : insectes, oiseaux, serpents, singes...
Tout paraît à l’abandon et totalement inhabité, ce
qui n’est pas tout à fait vrai. En effet, Il existe un
maître des lieux, un vieux haut-rêvant qui a échoué
ici, par hasard, voilà bien longtemps et que la solitude a rendu complètement fou (voir plus bas
L’archiviste fou).
LE TEMPS ARRÊTÉ
A
près avoir planté le décor et avant de rentrer dans le vif de l’aventure, voyons une
particularité importante de ce rêve. Dans
cette jungle, le temps est comme arrêté. Le soleil ne
bouge pas, il ne fait jamais nuit et les personnages
n’ont ni faim, ni soif, ni sommeil. C’est exactement
comme s’ils vivaient tout ceci dans une perpétuelle
fin d’après-midi, à quelques minutes du crépuscule.
Comme personne ne peut dormir, hormis par des
moyens magiques, les voyageurs haut-rêvants ne
peuvent pas récupérer les points de rêve qu’ils
dépensent pour lancer des sorts. Il leur faut donc
gérer intelligemment leur capital. En revanche, les
créatures appartenant à ce rêve n’ont pas cette limitation. Ainsi l’archiviste fou (voir plus bas) peut lancer autant de sorts que le gardien juge nécessaire.
LA DÉCOUVERTE DES LIEUX
L
LE DERNIER
58
MATIN DU
MONDE
a découverte du fragment est liée à la rencontre de cet archiviste fou. Mais avant de
le faire intervenir, il est tout d’abord nécessaire que les personnages s’imprègnent de l’ambiance des lieux
Laissez les personnages découvrir et explorer la
bibliothèque. Décrivez des escaliers encombrés de
piles d’ouvrages, d’immenses corridors aux murs
chargés de livres, des salles de lecture garnies de
tables mais remplies de végétation, des coupoles, des
cours intérieures, des balcons, de petits cabinets de
lecture, etc. Notez que tous les livres sont rédigés
dans une langue inconnue (ceci pour éviter que les
voyageurs ne passent leur temps à lire).
Si les joueurs désirent un plan des lieux, des règles
très simples pour en fabriquer un se trouvent dans
l’encadré ci-dessous.
Si vous voulez animer cette découverte, voici
quelques petits événements sans aucune conséquence sur le déroulement du rêve.
- Un couloir est encombré de lianes épaisses, les
voyageurs doivent s’escrimer pendant une demiheure draconique pour se frayer un passage et
reprendre leur exploration.
- Alors que les personnages traversent une cour
intérieure, un petit singe leur envoie une noix de
coco depuis un arbre. Le projectile arrive sur la tête
du plus malchanceux (score de CHANCE le plus
bas). Faire jouer au joueur concerné VUE/Vigilance
à -2. Si le jet est réussi, il peut tenter un jet de
Dérobée/Esquive à -3 pour l’éviter (jet d’encaissement à +1, règle d’assommer p.72).
- Une pluie diluvienne s’abat soudain sur la forêt.
- Les personnages découvrent accidentellement un
passage secret en faisant pivoter un pan d’étagère.
L’ouverture donne sur un petit tunnel sombre, et
débouche au bout d’une quarantaine de mètres sur
un panneau de bois. En poussant ce panneau, les
voyageurs font pivoter un nouveau pan de bibliothèque et arrivent dans une nouvelle salle.
L’ARCHIVISTE FOU
P
arlons à présent du seul habitant des lieux,
« l’archiviste ». Il détient le fragment que
recherchent les personnages. Le problème
est qu’il est fou à lier.
En effet, « l’archiviste » vit seul, totalement seul, depuis
une éternité. Voilà longtemps, pour tromper son
ennui... et ne pas devenir fou, il a peuplé sa vie solitaire de personnages sortis de son imagination, des personnages qu’il « jouait » lui-même, comme le ferait un
acteur. Ainsi naquirent Ganelon, le dessinateur ;
Polysonius, le consciencieux bibliothécaire ; Portulan,
le capitaine ; Blancandrin, généreux prince de
Dragonnie et la pauvre Elyne, perdue en pleine forêt...
L’archiviste étant haut-rêvant, il a pu donner corps à
ses fantasmes en changeant son apparence (Voie
d’Hypnos - Transfiguration). Pour plus de réalisme,
il se confectionna des costumes... et devint finalement complètement fou !
Un jour, il ne sut plus qui il était vraiment... ou plus
exactement, il était tous ses personnages à la fois.
L’archiviste n’est donc pas un personnage qui se
déguise, mais une multiplicité de personnages qui
prennent tour à tour l’ascendant. (Voir l’encadré
Les Rôles de l’Archiviste). Là est le cœur du scénario.
En effet, un seul de ces personnages, la nommée
Elyne, sait où se trouve le fragment recherché par les
voyageurs. Tout le problème des joueurs va être
d’obtenir d’elle ce renseignement...
COMMENT
JOUER L’ARCHIVISTE
V
oyons maintenant ce que cela va donner en
jeu de rôle. L’archiviste sait transformer
son apparence, mais ne sait pas déguiser sa
voix. Donc tous les personnages qu’il incarne vont
avoir la même voix, qu’il s’agisse d’un homme ou
d’une femme, d’un jeune ou d’un vieux ! Ceci va
faire comprendre aux voyageurs qu’ils ont affaire à la
même personne.
Pour réaliser que l’archiviste est un fou et non un
plaisantin, le gardien des rêves doit faire attention
à son interprétation du personnage. Même s’il a
plusieurs personnalités en lui, il n’est qu’un personnage à la fois, à la manière d’un Docteur
Jeckill/Mister Hyde qui aurait, non pas deux mais
cinq personnalités différentes !
Sous n’importe quelle apparence, l’archiviste a conscience de l’existence des autres personnages, mais
exactement comme tout un chacun a conscience de
l’existence des autres êtres humains. Si, alors qu’il
incarne Ganelon, les voyageurs lui posent une question qui s’adresse à Polysonius, il n’y répondra pas,
puisqu’il est Ganelon. En revanche, dès que cela lui
sera possible, il s’isolera pour changer de personnalité et s’arranger pour retrouver les voyageurs, sous les
traits de Polysonius cette fois...
Pour changer de personnalité, l’archiviste cherche à
s’éclipser ou à se débarrasser des voyageurs sous
divers prétextes (« Du travail m’attends ailleurs ! »,
« Je vais chercher quelqu’un qui pourra vous renseigner... », « Allez de ce côté, celui que vous cherchez
ne doit pas être loin ! », etc.). Si les voyageurs ne le
laissent pas seul, l’archiviste reste dans le même rôle.
Seule la solitude peut permettre un passage d’une
personnalité à l’autre, c’est à dire le lancer d’un sort
de Transfiguration sur lui-même et le changement
de costume.
À LA RECHERCHE D’ELYNE
L
es voyageurs font leur première rencontre
avec l’archiviste sous les traits de Ganelon
(voir encadré Les Rôles de l’Archiviste).
L’archiviste est très heureux de leur présence car elle
rompt sa solitude, mais il essaye de cacher sa joie
(EMPATHIE à -2 pour s’en apercevoir). Il inonde
littéralement les voyageurs de questions : Qui êtesvous ? D’ou venez-vous ? et surtout Que venez-vous
chercher ici ?
De son côté, il répond volontiers aux questions. Il
ne sait plus très bien comment il est arrivé. Il sait
que d’autres personnes vivent dans la bibliothèque,
il connaît leur nom, mais n’a que peu de contact
avec elles. Il ne voit absolument pas comment les
voyageurs pourraient trouver le fragment...
Par la suite, les rencontres vont se succéder à une
demi-heure environ d’intervalle. À chaque fois, l’archiviste pose les mêmes questions aux voyageurs et
leur répond avec la même bonne volonté et les
mêmes réponses.
Polysonius est en train de ranger un livre quand il
aperçoit le groupe. Surpris et dubitatif il les observe
d’un oeil circonspect. Nul doute que la conversation
ne s’engage.
Portulan compulse des livres de cartes marines
quand les voyageurs le découvrent. Le capitaine
s’enquiert poliment de ce que cherchent les voyageurs et entrecoupe leurs explications de « Je sais, je
sais » distraits comme si tout cela ne l’intéressait en
réalité pas beaucoup.
Au détour d’un couloir, les voyageurs entendent des
appels désespérés : « Elyne ! Elyne ! » C’est le prin-
Les rôles de l’archiviste
Ganelon, le dessinateur (apparence de Verneir)
En arrivant dans une nouvelle salle de lecture, les voyageurs découvrent un
homme attablé, absorbé dans la lecture d’un ouvrage. C’est un jeune homme
au visage blond, souriant et sympathique, vêtu de simples vêtements en toile
de jute. Il est affairé à recopier les gravures d’un ouvrage. Sa tâche est de
reproduire des gravures anciennes.
Polysonius, le consciencieux bibliothécaire (apparence de Gékah)
Polysonius est un vieillard barbu, vêtu d’une longue robe grise et élimée. Il
porte une paire de binocles et un volumineux ouvrage sous le bras. Il est le
bibliothécaire. Il n’a jamais fait que ça et n’a pas souvenir d’avoir jamais habité ailleurs. Il est submergé par le travail et n’a pas de temps à perdre.
Portulan, le capitaine (apparence d’Anguerrant)
Portulan est ici pour étudier de précieuses cartes marines. Il prépare un
grand voyage qui le mènera vers de nouveaux continents aux richesses
inouïes. Il est venu ici sur son bateau, mais ne se souvient plus ce qu’il a fait
de son équipage, ni même où son navire est amarré.
Blancandrin, généreux prince de Dragonnie
(apparence de Sompce)
Blancandrin est un jeune homme remarquablement beau. Ses habits sont
somptueux, ses manières raffinées et sa politesse exquise. Sa plus grande qualité est encore sa générosité. À celui qui lui apporta le « plus beau de tous les
dessins du monde », il promet une pleine poignée de pièces d’or (ces pièces
sont en fait des rondelles de bois « transfigurées » en pièces d’or).
La pauvre Elyne (apparence d’Ondôle)
Elyne est une jeune fille très belle habillée d’une robe déchirée. Elle ne sait
que sangloter. Elle est perdue dans cette forêt et ne sait pas du tout comment
s’en sortir, d’où son désespoir... Ah ! Si seulement son fiancé était là, il saurait quoi faire, lui...
ce Blancandrin qui déclame des vers boiteux pour
tromper son ennui. Il est venu ici pour acheter le
« plus beau de tous les dessins du monde », mais ne
l’a pas encore trouvé. Il ne partira pas d’ici avant
avoir obtenu ce qu’il désire.
Elyne, quant à elle, sanglote au pied d’un escalier.
Elle ne parle pas beaucoup et soupire longuement.
Elle est perdue, c’est terrible...
Dès que les personnages auront dit à l’archiviste ce
qu’ils cherchent, un beau-parleur (voir Livre 1 La
Grande Forêt) croisera peu après leur chemin.
L’oiseau les accompagne un moment en répétant
plusieurs fois avec la voix de l’archiviste : « Elyne
connaît la réponse... »
Elyne ne sait que sangloter. Si les voyageurs insistent, elle leur propose un marché : Elle accepte de
les aider s’ils lui rapportent ce qui lui a été dérobé, à
savoir le seul souvenir de son fiancé. Elle leur
indique la marche à suivre. Il faut demander à
Portulan de faire pression sur Ganelon pour qu’il
fasse le « plus joli dessin du monde ». Ce dessin doit
être vendu au généreux Prince Blancandrin. L’or
ainsi obtenu doit être donné à Polysonius en échange de ce qu’il a dérobé à Elyne... Elyne, alors, remerciera les voyageurs en leur disant ce qu’ils veulent
savoir.
LE DERNIER
59
MATIN DU
MONDE
Tout cela se déroule bien sûr entièrement dans la
tête de l’archiviste qui veut s’amuser un peu en faisant vivre ses personnages. Tout ceci serait très simple s’il n’y avait un imprévu.
LE SECOND RÊVE
D
ès la première rencontre avec l’archiviste, le
mélange entre deux rêves débute. Ce sont
tout d’abord des impressions diffuses : la
sensation d’une présence inquiétante, l’impression
d‘un danger imminent, mais rien d’autre. Puis, ce
sont des courants d’air, agréables, frais puis froids et
enfin glaciaux. Ce sont aussi des images du visage du
personnage inquiétant de leur rêve qui apparaissent
ici et là : un dessin sur un livre ouvert, le personnage d’un bas-relief, la tête brisée d’une statue.
Puis la neige fait son apparition. C’est toujours la
forêt vierge, il fait toujours chaud et humide, mais
par endroits il existe des plaques de neige, aussi froides que tout ce qui les entoure est chaud. Et elles ne
fondent pas...
La grande bibliothèque devient bientôt une marqueterie de zones chaudes égaillées de chants d’oiseaux et de zones glaciales croulant sous la neige,
sans autre bruit que le sifflement d’un blizzard.
L’archiviste lui, fait comme si rien ne se passait. Il a
l’air de ne pas s’en rendre compte. Il claque des
dents, il bégaie de froid, éternue, bleuit des pieds et
du nez, mais ne fait rien pour se protéger et continue imperturbablement le cours du rêve.
LE DERNIER
60
MATIN DU
MONDE
plus qu’au dehors. Un vent glacial tourbillonne dans
l’édifice comme s’il en était prisonnier.
Tremblante de froid, Elyne désigne le lutrin. Les
voyageurs en sont tout près quand le vent entoure
soudain Elyne. Il l’englobe et soulève de la neige qui
aussitôt s’engouffre dans le corps de l’archiviste. Le
malheureux gonfle, gonfle puis soudain explose littéralement, donnant naissance à un véritable blizzard, une tempête de neige dont les rires du personnage inquiétant forment les soufflements et son
visage les volutes (ses traits sont ceux d’Erémis). Par
ailleurs, le froid glacial qui emplit la tour est ressenti par les PJ comme une présence si angoissante
qu’elle leur glace le sang...
Le lutrin atteint, les voyageurs le dégagent de sa gangue de neige et découvrent un livre ouvert. Plusieurs
lignes d’écriture y sont visibles : les fragments manquants du chant de l’hiver.
À chaque ligne lue (comprenez fragment), le vent
redouble de violence pour disperser les personnages
et les empêcher de lire. Pour savoir si les voyageurs
ont la force de lui résister, le gardien des rêves
emploie les règles suivantes. Pour chaque fragment
lu, les voyageurs jouent chacun un jet de points de
Rêve actuel avec un malus cumulatif de -1 par jet
(donc par fragment lu). En cas d’échec, le vent
emporte le voyageur qui aussitôt se réveille. En cas
de réussite, le fragment est lu. Et ainsi de suite jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de fragments à lire ou qu’il
n’y ait plus personne pour les lire...
ORDRE DES FRAGMENTS RÉCUPÉRÉS
Il n’est rien devant eux qui puisse résister.
Or pour tout arrêter, il suffirait... d’un cri
LE LIVRE DES VÉRITÉS
Le cœur mort et glacé, la folie pour compagne,
Des voyageurs il est le plus grand ennemi,
O
Les murs en sont solides et les fossés sous l’eau.
Car le traître assassin fut un ami, avant.
btenir le renseignement d’Elyne n’est pas
très difficile, d’autant que l’archiviste se
montre très coopératif. Portulan confie aux
voyageurs qu’il connaît un secret sur Ganelon et les
prie de dire au dessinateur qu’il le révélerait s’il ne
faisait pas le « plus beau dessin du monde ».
Ganelon cède au chantage, gribouille plusieurs
feuilles de parchemin avant de tendre, épuisé et heureux, une vague esquisse sans forme aux voyageurs.
Cette esquisse trouve grâce seulement auprès du
Prince qui l’échange contre 7 « pièces d’or ».
Polysonius exige les 7 pièces pour donner aux voyageurs une fleur rouge. Elyne se trouve près d’un bassin, au milieu d’une grande cour intérieure. En
voyant cette fleur, elle arrête de pleurer et les
embrasse sur les joues. Au passage, les voyageurs
remarquent qu’Elyne pique beaucoup.
Sans se faire prier, Elyne conduit les voyageurs dans
le dédale des couloirs vers une immense tour circulaire entourée de congères de neige. Parmi les formes
que le vent dessine sur la neige, les voyageurs reconnaissent ça et là des visages du personnage inquiétants qui les regardent.
La tour est en fait un gigantesque cylindre qui se
dresse vers le ciel. On aperçoit d’ailleurs le ciel à
presque 200 mètres au-dessus d’eux, un ciel gris et
traversé de nuages. Tout l’intérieur de la tour est
recouvert d’une épaisse couche de neige. La forme
d’un lutrin enfouie sous la neige apparaît au centre
de la tour. Il fait froid, très froid même. Beaucoup
t le roi apparaît, le pays est sauvé,
Et le pays renaît, le rêve reprend confiance.
Un étrange réveil
uel que soit l’endroit où ils se sont couchés,
les voyageurs se retrouvent ensemble et
dehors, à quelques dizaines de mètres du
village. Ils sont dans la tenue qu’ils portaient pour
dormir et grelottent de froid. L’hiver en effet est là,
et s’il n’y a pas encore de neige le froid, lui, est bien
mordant...
Q
CHANT 4 — L’AVENTURE
LA NEIGE ET LE SANG
QUELQUES MOTS POUR LE
GARDIEN DES RÊVES
C
e scénario n’est pas la répétition d’un événement passé, mais la suite logique de la légende, comme le souligne la première strophe
du chant de l’hiver :
Les Dragons eux-mêmes savent que tout un jour prend fin,
Et préfèrent l’amener sans craindre le destin.
Le pays, comme un homme, doit mourir pour renaître,
Sont éprouvés alors et la terre et les êtres.
Les voyageurs ont récupéré un nombre important
de fragments et peuvent ainsi reconstituer sans
doute une grande partie de la légende. Ils connaissent une partie des événements de l’hiver et peuvent
donc s’en prémunir. Le reste, ce qui correspond à
des fragments manquants, leur est inconnu et le restera jusqu’à ce que cela arrive.
L’aventure du chant 4 est construite en autant de
chapitres qu’il y a d’événements dans les strophes de
la légende, soit 6.
En attendant les flocons
Erémis, le haut-rêvant fou amoureux de la princesse
et la présence inquiétante des rêves des voyageurs, va
faire irruption dans le pays à la tête d’une armée. Son
but est de tout ravager et de s’approprier la princesse.
La seule façon de survivre pour les PJ est de se réfugier dans le château, d’en préparer la défense et d’y
soutenir un siège en attendant le retour du roi comme
l’indique une autre strophe du chant 4 :
Des confins du pays vient le noir instrument,
Les Dragons l’ont voulu amené par le vent.
Bien au-delà des mers, une nuée se lève,
Et se répand à l’aube, noirâtre, sur la grève.
Attention cependant à la disparition puis à la réapparition d’une femme (à choisir parmi les survivants de
l’automne, hormis Nitouche et la Princesse).
Les bruits de la guerre
L’armée d’Érémis arrive et mène ses premières
attaques.
Les soudards réalisent des Dragons le dessein,
Tuant, pillant, brûlant, donnant à tout sa fin.
Sur leur passage point de salut, de pitié.
Le village, les champs... tout finit ravagé.
L’ennemi intérieur
La femme disparue au début se révèle envoûtée et
agit contre les assiégés.
Où qu’on aille, le seul refuge est le château,
Les murs en sont solides et les fossés sous l’eau.
Mais garde ! Le danger vient souvent du dedans.
Car le traître assassin fut un ami, avant.
Contre-attaque
La mort du haut-rêvant ne sauve pas les voyageurs
(mais affaibli nettement les forces ennemies).
Le cœur mort et glacé, la folie pour compagne,
Est celui qui massacre, esclave de sa hargne.
Des voyageurs il est le plus grand ennemi,
Il leur faudra l’occire pour sauver le pays,
La fin... et le commencement
L’attaque finale et arrivée du roi.
Les Dragons au château imposent la volonté.
Il n’est rien devant eux qui puisse résister.
Rien ne semble endiguer des soudards la furie,
Or pour tout arrêter, il suffirait... d’un cri.
Le roi, enfin !
Le roi naît au dernier moment, alors que tout semble perdu...
Et le roi apparaît, le pays est sauvé,
De sa simple présence, il chasse les nuées.
Et le pays renaît, le rêve reprend confiance.
Une histoire prend fin là où l’autre commence.
EN ATTENDANT
LES PREMIERS FLOCONS
M
ême s’il n’y a pour l’instant aucun danger, les termes de la légende sont clairs.
Il faut évacuer le village et se réfugier
dans le château, seul lieu à offrir un abri suffisant
pour attendre la venue du roi. Il faut en convaincre
les villageois survivants, ce qui n’est pas difficile
grâce à l’autorité naturelle que Solinée et la princesse exercent sur eux. Reste à tout organiser. Il ne s’agit pas pour le gardien des rêves de tenir une comptabilité ennuyeuse des jours d’eau ou de nourriture,
du nombre d’armes, etc... Cette préparation se résume en fait à quelques actions clefs auxquelles les
voyageurs doivent penser comme par exemple :
- faire réparer la herse qui protège le donjon
- faire entrer toute la nourriture et les animaux
dans le château
- poster des gardes aux principales tours
- déménager tout ce qui peut l’être (meubles,
outils)
- faire réparer le moulin pour y moudre du blé.
Ces tâches sont réalisées par les villageois. Ils ont
pour cela jusqu’à la tombée de la neige, une tombée
que peut prédire Gillot avec ses rhumatismes environ deux jours avant.
Les voyageurs ont cependant une tâche précise à effectuer : regrouper les alliés potentiels. S’ils sont toujours
vivants, Grand-Bras le gigant et les cynoférox se joindront à eux si les voyageurs viennent les trouver qui
dans les collines dures, qui dans la petite forêt.
Un seul événement va émailler ces journées somme
toute tranquille : la disparition d’une villageoise,
Soléma si elle est encore vivante. La tâche des voyageurs va être de la retrouver. Des rapides recherches
permettent de la localiser deux jours plus tard à
quelques kilomètres du village, vers le nord.
Elle est étendue, épuisée. Elle ne se souvient pas bien de
ce qui lui est arrivé. Elle s’était éloignée du village pour
cueillir des herbes quand elle s’est soudain écroulée.
Puis, plus rien jusqu’à son réveil dans la plaine. Elle a
marché au hasard pour finalement tomber de fatigue.
LE DERNIER
61
MATIN DU
MONDE
LE DERNIER
62
MATIN DU
MONDE
Un jet de VUE/Vigilance à -2 permet de voir que le bas
de sa robe porte des auréoles blanchâtres, comme celles laissées par de l’eau de mer. Un coup de langue permet de confirmer qu’il s’agit bien de sel. Soléma a donc
dû se rendre sur le rivage... ou plus exactement, on l’y
a emmenée. Soléma a en fait été envoûtée d’esprit et va
faire peser sur les voyageurs une menace non négligeable (voir L’Ennemi Intérieur).
Une expédition dans cette direction permet de
découvrir plusieurs navires amarrés au large et une
masse imposante de soldats (plusieurs centaines)
installée sur le rivage. Ils construisent un camp de
toile et pour l’instant se cantonnent à la berge.
Mieux vaut retourner au village sans attendre...
Néanmoins, à distance du campement, les personnages vont tomber nez à nez avec un petit groupe de
3 soldats de retour de la chasse. Dès que deux des
soldats sont hors de combat, le dernier se rend. De
lui, les voyageurs peuvent apprendre la taille de l’armée, 300 hommes, ainsi que le nom du chef de la
troupe : Erémis. Erémis, le nom du haut-rêvant
jadis amoureux fou de la princesse... Interrogé plus
particulièrement sur Erémis, le prisonnier donne
une description en tous points conforme aux visions
oniriques des voyageurs. Sur ces capacités, le soldat
ajoute « qu’il est un grand guerrier, mais qu’il doit sa
position de chefs à de grands pouvoirs : il peut changer les éléments, commander aux vivants et aux
morts ». En clair, Erémis est haut-rêvant option
Oniros/Thanatos...
LES BRUITS DE LA GUERRE
D
e retour au village, les personnages préviennent les villageois et tout le monde s’active.
La princesse, elle, semble terrifiée, c’est son
cauchemar personnel qui reprend vie.
Selon la strophe, l’armée n’envahira le village que le
jour de la tombée de la neige. Gilleau prédit cet événement pour dans deux jours. En effet, si depuis
plusieurs jours le temps s’est refroidi et les nuages se
sont amoncellés, gris et menaçants, ce n’est qu’à présent que les rhumatismes du vieillard se réveillent...
Comme l’avait prédit Gilleau, la neige est tombée,
lentement dans le silence. Les villageois, résignés, se
sont dirigés vers le château, pendant que les voyageurs, secondés par les hommes forts du village
(Enguerrant entre autres), mettent au point les derniers préparatifs.
Tous devraient donc logiquement se retrancher derrière les murailles du chateau et attendre. S’ils ne le
font pas, une avant-garde ennemie devrait leur servir d’avertissement. Une vingtaine d’hommes à cheval ont été envoyés en avant-garde. Ils explorent
méthodiquement le village et tentent de capturer
quiconque ne se serait pas réfugié dans le château.
Si toute la population s’est mise à l’abri, ils inspectent le village, puis scrutent les murailles du château.
Un détachement de cinq hommes va prévenir le
reste de l’armée.
Les hommes sont pour la plupart grands et barbus.
Ils sont vêtus de fourrure, portent des armures de
cuir et sont bien équipés : épée ou hache, bouclier,
protection. Ce sont de bons cavaliers, plus habitués
au combat en terrain plat qu’aux techniques de
siège. Mais ils ont l’avantage du nombre, et ont à
leur tête un homme déterminé, le seigneur Erémis.
Il est cependant plus probable que les voyageurs se
contentent d’attendre à l’abri des murailles. Ils verront
donc l’imposante troupe de cavaliers s’installer, établir
son campement tout autour du château. Plusieurs dizaines de tentes sont dressées, les maisons du village sont
occupées par Erémis et ses seconds. Au-dessus de la plus
grande maison du village, une poutre servant de mat est
dressée et une bannière est levée, soleil noir sur fond
rouge. L’armée met une journée pour s’installer. Si les
voyageurs observent les préparatifs, ils peuvent voir à
plusieurs reprises un homme de forte stature se déplacer, entouré d’une petite troupe, distribuant les ordres.
Les voyageurs pourront cependant noter que les
assaillants sont intrigués par le pont. À plusieurs reprises, celui qui semble être le chef s’en approche, l’inspecte, tient un conseil avec quelques-uns de ses hommes.
Certains font de grands gestes des bras, comme pour
mimer la construction d’un pont provisoire...
Puis, s’en avoir semble-t-il pris de décision, le groupe s’en va et rejoint le village.
Une journée passe ainsi.
La nuit est troublée par les cris des hommes et des ani-
maux installés le long des berges du lac. Mais rien n’est
tenté durant la nuit. Au petit matin, trois hommes, sur
une barque, s’approchent jusqu’à portée de voix du
château. Ils ont tous les trois des visages sévères. L’un
d’entre eux, qui n’est pas armé, prend la parole :
« Je suis l’émissaire du Seigneur Erémis, et viens en paix.
Notre seigneur cherche un abri pour ses hommes. Votre
château lui parait faire l’affaire... Il demande que vous
lui en ouvriez les portes et lui indiquiez comment passer
(désignant le pont) sur cet étrange pont. Vous n’avez
rien à craindre de nous (dit-il avec un rictus peu engageant). De plus, le Seigneur Erémis veut que vous lui
envoyiez la Princesse, car elle doit devenir sa femme. »
À ces mots, la Princesse pousse un cri et s’évanouit.
Si les villageois demandent quelles garanties ils peuvent avoir, le héraut éclate de rire :
« On ne demande pas de garantie au Seigneur Erémis,
on lui obéit ! »
Le héraut envoyé par Erémis n’est pas un modèle de
diplomatie. Le ton peut monter très vite si les villageois
posent trop de questions ou posent des conditions. Si
les villageois commencent à faire mine de discuter
(mais nous voudrions discuter avec votre chef, etc.) le
héraut s’énerve, insulte les villageois :
« Ah ! C’est ainsi ! Vous osez vous rebeller, misérables
fientes, très bien. Nous prendrons vos enfants et nous
violerons vos femmes ! »
Menés par Solinée, les villageois, bien qu’effrayés, ne
veulent pas quitter le château et ne font pas confian-
LE DERNIER
63
MATIN DU
MONDE
ce à l’émissaire. À moins que les voyageurs ne
déploient des trésors de persuasion, nul ne voudra
sortir. Si jamais l’avis opposé l’emportait, ce serait
catastrophique : les hommes d’Erémis tueraient la
moitié des villageois pour l’exemple et ne garderaient que les femmes pour leur plaisir. Les voyageurs devraient comprendre que rester à l’abri du
château est encore la meilleure des solutions.
D’ailleurs, c’est celle clairement conseillée dans le
chant de la légende.
L’ENNEMI INTÉRIEUR
L
es jours qui suivent sont beaucoup plus
calmes, il n’y a pas d’autre altercation. Les
assaillants semblent marquer le pas, à
moins qu’ils s’installent dans le siège. Toujours estil que les jours passent sans que rien ne bouge. Puis,
alors que la vigilance des assiégés s’endort, sont
commis des actes de sabotage de plus en plus graves, un par jour. Ce sont d’abord des sacs de nourriture qui sont éventrés, des bêtes abattues, puis
c’est le moulin qui prend feu. La panique et la
suspicion règnent dans le château. On pense à des
ennemis infiltrés, on fouille le château de fond en
combles... sans succès.
Et pour cause... Ces actes sont le fait de Soléma,
dûment envoûtée, elle est la marionnette d’Erémis,
il l’utilise pour espionner le château et pour y semer
la panique. Soléma ne garde aucun souvenir des
actes qu’elle commet, comme si elle agissait en état
de somnambulisme, ou sous hypnose.
Après l’incendie du moulin, Soléma va être utilisée
plus offensivement pour tuer les principaux chefs
des villageois. Tout naturellement, de par leurs
actions, ce sont les voyageurs qui vont être pris pour
cible. Soléma ne les approche qu’un par un, de préférence de nuit, et les séduit pour mieux les poignarder ensuite.
Découverte, Soléma essaye de réaliser sa tâche jusqu’à ce qu’elle tombe inconsciente (assommée ou
blessée gravement). Ensuite, il faudra l’exorciser ou
la garder au secret pour éviter qu’elle recommence.
Et ce jusqu’à la mort du haut-rêvant responsable de
son état.
Erémis se révèle un ennemi très puissant qu’il faut à
tout prix neutraliser. Qui sait ce qu’il a encore en
réserve...
CONTRE-A
ATTAQUE
A
LE DERNIER
64
MATIN DU
MONDE
u matin suivant, les enfants se constituent
en délégation. Il y a là les deux Rascals,
Frimousse, Pitchoune et le Baffreux. Ils
s’avancent en groupe vers les voyageurs, gênés,
comme honteux, n’osant pas les regarder dans les
yeux. Le Baffreux est en avant, mais les voyageurs
peuvent remarquer qu’il est littéralement poussé par
les autres. S’ils réussissent un jet d’OUÏE (à -1), ils
pourront entendre Frimousse grincer :
« Allez, gros tas, vas-y, dis leur ! »
Si les voyageurs se montrent bienveillants (il suffit
simplement de ne pas leur intimer l’ordre d’aller
voir ailleurs), les enfants oseront enfin leur révéler
leur plus grand secret :
« Eh bien voilà, dit le Baffreux, on a quelque chose
à vous dire. C’était un secret avant, mais maintenant, c’est plus compliqué, enfin... euh, on s’est dit
que cela pourrait vous être utile de savoir ça... mais
on n’a pas voulu le dire aux parents parce que s’ils
apprennent qu’on a été là dedans ils nous colleraient
peut-être une fessée, et euh, euh... »
Aux voyageurs de comprendre à ce moment que les
enfants ont sans doute quelque chose à dire, mais qu’ils
veulent des garanties. Il suffit de leur promettre qu’ils
n’auront pas de fessée, que les voyageurs vont tout
arranger avec leurs parents et qu’il n’y a donc pas de
risques. Si les voyageurs tiennent un discours équivalent aux enfants, le Baffreux regarde ses compagnons,
puis se tourne d’un air décidé vers les voyageurs :
« Ben voilà ! Y a un passage, un passage secret, qui permet de venir dans le château. On passe sous l’eau, et
hop, on se retrouve dans la tour avec le moulin... Si
vous voulez, je vous montre, comme ça, on pourrait
sortir et s’en aller loin des méchants, hein ! »
Bref, si ce n’est pas encore le cas, l’existence du souterrain est bientôt connue des défenseurs. Grâce à ce
souterrain, des hommes déterminés pourraient la
nuit gagner le camp adverse, s’y introduire et
accomplir une tâche essentielle : priver l’armée
ennemie de son chef. Ce qui est la teneur d’une des
strophes du chant 4 :
Le cœur glacé comme la mort sa seule compagne,
Tel est celui qui sans trêve mène la campagne.
Des voyageurs, il est le plus grand ennemi,
Il leur faudra l’occire pour sauver le pays,
Tuer Erémis permettrait de se débarrasser des zombis qui sont des adversaires beaucoup plus redoutables que les soldats. Cela pourrait aussi affaiblir le
moral des assiégeants.
Le plan est aussi simple qu’héroïque. Le camp ennemi est peu gardé. Les assiégeants sont sûrs d’eux, et
surtout n’imaginent pas que les villageois puissent
tenter une sortie. Quelques hommes s’introduisent
dans le village, pénètrent dans la maison occupée
par le seigneur Erémis et le tuent. Puis, il repartent,
en prenant bien soin d’effacer leurs traces pour que
l’ennemi ne découvre pas l’entrée du souterrain.
C’est bien évidemment aux combattants les plus
aguerris, c’est-à-dire aux voyageurs accompagnés
éventuellement des cynoferox, que revient cette
tâche. Ils peuvent se préparer comme ils l’entendent
et emporter l’équipement qu’ils désirent. Rappelez
leur cependant que la discrétion prime, et que plus
ils seront légers, mieux cela vaudra. Dans la mesure
des réserves du château, ils peuvent se munir de
lampes, d’armes, etc. En n’oubliant pas qu’ils
devront nager pour sortir du lac...
Il n’est pas possible de prévoir le plan des voyageurs,
et donc de fournir au Gardien des Rêves un schéma
détaillé et immuable de ce qui va se passer.
Les seules choses dont les voyageurs soient sûrs, et
encore, c’est que le camp ennemi est peu surveillé, et
que le seigneur s’est installé dans la plus grande maison, celle de la carte. Les gardes sont peu nombreux.
Quelques-uns sont postés sur les bords du lac. Mais
ils sont assez visibles : ils se tiennent toujours près
des feux de camp. Il est donc possible de les distinguer, de nuit, du château, et ce avant de tenter l’opération. Une petite troupe patrouille dans le village durant la nuit, et deux hommes gardent en permanence la demeure du seigneur Erémis.
La discrétion est la clef de la réussite. Cependant,
l’élimination du Seigneur Erémis risque de faire du
bruit. Il est sage de prévoir alors des moyens de
diversion : l’allumage d’un feu par exemple, ou faire
sortir les chevaux du corral, ou tout autre moyen au
gré de l’imagination des joueurs. Le haut-rêve peutêtre d’un grand secours (l’usage de sorts tels que
Silence ou Quiétude peut être intéressant pour éliminer quelqu’un sans bruit).
Pour le retour, Smisse conseille de passer par le souterrain si tout s’est fait dans le silence. Si les voyageurs
sont poursuivis, il leur conseille de passer par le pont.
Un homme se tiendra sur les remparts pour surveiller
l’action, déclenchera le pont, et des cordes seront lancées par-dessus les créneaux. Dès que les voyageurs
seront arrivés à la corde, le pont sera désactivé, et les
éventuels poursuivants tomberont dans l’eau.
Un garde se trouve non loin de la sortie du souterrain. Sa silhouette se dessine clairement à la lueur
du feu. L’homme n’est pas très vigilant. Faites jouer
Discrétion à 0. Vous pouvez donner un malus de 2 ou pire encore si les voyageurs ne sont pas assez
discrets, par exemple s’ils éternuent ou claquent des
dents (CONSTITUTION à 0) parce que tout juste sortis du lac et ruisselants d’eau en plein hiver...
S’il y a au moins un échec, l’attention du garde est
éveillée, mais il ne s’en occupe vraiment que s’il
réussit un jet de volonté. La difficulté de base est de
0, majorée de +2 pour chaque échec après le premier. Ainsi, par exemple, si trois voyageurs sont
“bruyants”, le jet de volonté est à +4.
Si les voyageurs sont repérés, estimez que pendant
le premier round, le garde est tellement surpris qu’il
ne pense pas à crier. Il dispose ensuite d’une tentative par round. Mais il suffit de lui infliger une blessure légère pour qu’il se soucie plus de sa vie que de
donner l’alarme.
Le garde occis, gagner le village ne présente aucune
difficulté. Des zombis errent de-ci de-là, sans but
précis, attendant des ordres de leur maître, Erémis.
Dans le village même, cinq soldats patrouillent sans
conviction. Ils sont aussi apathiques que le garde.
Pour simuler leurs réactions, vous pouvez employer
le même système. Libre à vous cependant de les
adapter en fonction des talents ou de l’incompétence des voyageurs.
À ce niveau, le plus délicat reste à faire : entrer discrètement dans la maison d’Erémis.
Il n’y a pas de lumière dans la pièce. Deux hommes
sont de garde à l’extérieur et un zombi veille à l’intérieur. N’ayant pas de feu pour les réchauffer, les
soldats se sont réfugiés, transis et grelottants, sous le
préau. Il est clair qu’il faut les éliminer pour rentrer
dans la maison. Si les voyageurs sont assez discrets
ou subtils (s’ils ont pensé par exemple à se déguiser
en soldat en récupérant des tenues sur les corps de
ceux qu’ils ont déjà tués), les gardes sont surpris et
se laissent désarmer et assommer. Ils ne sont pas
Erémis, seigneur de la guerre
40 ans, 1m90, 95 kilos, bruns, yeux gris, né à l’heure des Epées
TAILLE
14
APPARENCE
11
CONSTITUTION 13
FORCE
15
AGILITÉ
14
DEXTÉRITÉ
11
VUE
12
OUÏE
09
ODO-GOÛT
09
VOLONTÉ
INTELLECT
EMPATHIE
RÊVE
CHANCE
Mêlée
Tir
Lancer
Dérobée
12
15
11
15
10
14
12
13
10
Vie
Endurance
+dom
Protection
14
27
+1
2
Hache de bataille niv +4 +dom + 3
Dague niv +2 + dom +1
Esquive niv +3
Bouclier niv +4
Course, Saut, Escalade +3. Médecine, Chirurgie, Lire et écrire, Légendes +4.
Equitation +5. Oniros, Hypnos, Narcos, Thanatos +5.
Oniros : Bouclier, Miroir, Froid, Lanterne, Quiétude, Ténèbres, Air en feu,
Métal en eau.
Hypnos : Fauchage, Peur, Miroir d’Hypnos, Invocation d’un guerrier sorde.
Narcos : Enchantement
Thanatos : Possession de corps, d’esprit, tâche, Poing de thanatos, Peur thanataire, Putrescence, Thanatœil, Animer un zombi.
Sorts en réserve : Poing de thanatos (6 points de rêve) en G12 ; Peur
(7 points de rêve) en F12. Demi-rêve actuellement en D13, Cité sordide.
Les seconds de Erémis
Prendre le modèle du combattant de choc (Oniros) avec Équitation à +4.
Les hommes de Erémis
Prendre le modèle du coureur des bois (Oniros).
assez courageux pour se faire tuer pour Erémis.
L’idée de finir en zombi ne les enchante guère. En
revanche, si les personnages veulent les tuer, ils se
défendront et donneront l’alerte.
À l’intérieur, Erémis dort seul, protégé par le zombi.
Dès que les voyageurs entrent, la créature attaque.
Il faut alors diviser les forces pour contenir le zombi
et s’occuper d’Erémis.
Il faut un round à Erémis pour pouvoir se battre. Pour
qu’il ne donne pas l’alerte, il faut le blesser (au moins
une blessure légère) à chaque round. L’alarme donnée,
les renforts sont là en 10 rounds. Ce sont d’abord la
patrouille du village, puis les seconds de Erémis
(5 rounds de plus), puis les soldats.
Eremis mort, tous les zombis sont à présent sans
maître et deviennent sauvages. Ils attaquent aussitôt
toute créature vivante, s’en prenant indifféremment
aux voyageurs ou aux soldats. C’est le chaos dans le
village, soldats et zombis se battent les uns contre
les autres. Ceci facilite la fuite des voyageurs. Seuls
les seconds d’Erémis s’en prennent à eux et il s’engage un combat au milieu de nombreux autres dans
le plus pur style des films épiques. Vainqueurs, les
voyageurs doivent prendre leurs jambes à leur cou
et se rendre au pont, poursuivis par des zombis.
LE DERNIER
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MATIN DU
MONDE
LA FIN ET
LE COMMENCEMENT
C
ette partie représente la fin du chant 4 et par
conséquent la fin de la campagne. C’est une
sorte d’apogée dont l’effet dramatique repose sur le suspens : depuis longtemps déjà, les assiégés
savent qu’ils sont en sursis, qu’ils ne peuvent faire le
poids face à une armée entière. Si Erémis est mort,
les forces adverses sont désorganisées et amoindries,
mais n’en lèvent pour autant pas le siège. De toutes
les façons, il va falloir se battre.
Nombre de villageois montent sur les remparts et
guettent avec anxiété l’arrivée du roi et des renforts.
Mais l’hiver avance et nulle trace du roi. Le lac finit
par geler ce qui permet à l’armée d’attaquer en
masse. Submergés par le nombre, les défenseurs
devront résister jusqu’à l’ultime instant... et c’est au
moment où tout semble perdu que le roi arrive...
En parallèle aux assauts et aux combats se déroule un
événement qui en d’autres circonstances serait heureux : l’accouchement de Nitouche. Entourée des femmes du village, elle s’est retranchée au dernier étage du
donjon lorsqu’elle a senti venir les premières contractions. Le donjon deviendra ainsi l’ultime retranchement des assiégés. Femmes, enfants, vieillards et blessés
y seront conduits pendant les combats.
Le Gardien des rêves ne doit pas s’inquiéter d’avoir
à gérer un combat mettant en scène plus de troiscent personnes. Les paragraphes qui suivent l’aideront dans sa tache. Les combats des voyageurs seront
toujours des combats singuliers : à moins qu’ils ne
soient complètement fous, les voyageurs éviteront
de se retrouver en infériorité numérique. Les escaliers et couloirs du château n’autorisent guère que
des combats à un contre un.
Si les voyageurs n’ont pas les ressources suffisantes
pour évaluer la situation stratégique et donner des
ordres, c’est Smisse qui dirige les opérations.
LE DERNIER
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MATIN DU
MONDE
Un matin blafard se lève sur un nouveau jour du siège.
Le froid s’est intensifié pendant la nuit et la consternation règne parmi les assiégés : le lac est gelé !
Après une journée de désorganisation et de chaos, les
zombis ont été exterminés et les assiégeants se sont
repris. Smisse, qui observe leurs positions, alerte les
villageois : une attaque d’envergure se prépare. Bien
que leurs forces soient très nettement diminuées, les soldats sont plus décidés que jamais à prendre le château.
À l’heure de la couronne, les troupes s’approchent.
On distingue parmi les hommes de grandes échelles
de bois. Les soldats commencent à avancer sur le lac.
Et c’est le premier assaut.
La première vague d’assaillants pénètre sans problème dans la basse-cour et s’attaque à la tour 3. Les
assaillants essaient d’installer des échelles pour pénétrer dans l’enceinte. Smisse ordonne aux villageois
de venir repousser l’assaut. Une partie des hommes
doit cependant rester sur les autres tours pour prévenir une seconde attaque.
Villageois et voyageurs n’auront pas de problèmes
pour repousser les premières échelles et bombarder
les premiers assaillants de projectiles divers (Lancer
à -2). Les assaillants quant à eux ne possèdent pas
d’armes de trait.
Mais pour une échelle repoussée, deux nouvelles viennent s’appuyer au sommet du rempart. Bientôt les premiers assaillants prennent pied sur le rempart.
Compter un assaillant pour chaque voyageur. À chaque
assaillant mis hors de combat, un nouveau prend le
relais... Faites soigneusement le décompte des rounds :
au bout du dixième round de combat, les derniers
assaillants sont abattus par un renfort de villageois. La
première vague semble repoussée.
C’est alors qu’un cri désespéré arrive du rempart
ouest. Le villageois qui faisait le gué vient d’être
abattu : le rempart est investi, le reste de l’armée se
prépare à s’engouffrer dans la brèche. L’affaire semble mal engagée. Si les voyageurs n’en prennent pas
l’initiative, c’est Smisse qui ordonne un repli général
au donjon. Au terme d’une course effrénée, les villageois arrivent au donjon avant les attaquants et
détruisent le pont d’accès. S’ils ne suivent pas le
mouvement, les voyageurs auront bien vite affaire à
quelque cent soldats...
LE ROI... ENFIN !
A
vant d’attaquer le donjon, l’armée prend
tranquillement possession du château. Les
voyageurs voient au travers des meurtrières
grossir les rangs des assaillants.
À l’intérieur du donjon, l’ambiance est hystérique et
survoltée. Les femmes sont préoccupées par l’accouchement de Nitouche et le soin des blessés. Les
hommes discutent stratégie en hurlant pour cacher
leur peur et ne pas avouer que tout est perdu.
Certains pleurent en silence dans leur coin.
Il n’y a rien qui puisse être opposé aux assaillants ou
protéger leur retraite si ce n’est le fossé en eau. Les
hommes les plus vaillants (Ornufle, Aucassin, Smisse et
Anguerrant) sont sérieusement blessés. Au sommet du
donjon, les enfants guettent avec un optimisme
inébranlable l’arrivée du roi et des renforts.
Une heure environ après qu’ils se soient retranchés,
le donjon est attaqué. Les assaillants ont construit
un pont de fortune. À partir de cet instant, le déroulement du combat est simple. La décision est prise
de contrer les assaillants dans l’escalier : celui-ci est
suffisamment étroit pour qu’un seul homme puisse
empêcher toute progression de l’ennemi. La plupart
des hommes étant blessés, c’est aux voyageurs (ou à
l’un d’eux) que revient cette tâche. Le combat ne
peut être qu’à un contre un. Pour chaque ennemi
abattu un nouvel adversaire surgit. Les voyageurs
peuvent se relayer dans cette tâche s’ils prennent le
soin de combattre en haut de l’escalier, près du premier étage, afin que le combattant puisse se retirer et
un nouveau le remplacer.
Cette opération durera 20 rounds. Si les voyageurs
n’arrivent pas à tenir ce laps de temps, les hommes
blessés viendront leur prêter main forte. Au bout de
20 rounds épiques, un cri puissant raisonne dans tout
le donjon : celui d’un nouveau-né. Et c’est pour tous la
révélation : le roi est revenu, le roi est né, vive le roi !
À partir de cet instant, tout semble se dissoudre. Les
voyageurs ont à peine le temps de s’en rendre compte qu’ils sombrent dans l’inconscience, comme s’ils
étaient vaincus par le sommeil...
LE DERNIER
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MONDE
Épilogue
L
I
es voyageurs entendent soudain une grande clameur faite
de rires et de cris de joie, ce qui les tire de leur torpeur.
l fait nuit, il fait bon, un petit vent vient caresser les joues et
les feuilles des arbres. L’air embaume les parfums de fleurs.
C’est le printemps. En regardant autour d’eux, les voyageurs
découvrent qu’ils sont assis sous de gros arbres feuillus aux trous
noueux. L’endroit est éclairé par des zones magiques de lanterne,
preuve que le haut-rêve est bien accueilli ici. Au-delà, dans la
pénombre, on distingue les premières maisons d’un village. Autre
constatation, ils n’ont pas leur bardas ni leurs armes avec eux,
juste une dague. D’éventuelles voyageuses sont vêtues de robes,
même si elles n’en possédaient pas dans leur équipement.
T
out autour des voyageurs se trouvent une foule d’une quarantaine de personnes, tous les habitants du « village qui n’a
pas de nom » sont là, à l’exception notable de Nitouche et de
la Princesse. Ondole et Estophe sont ensemble, Sonice a sa cour
autour d’elle, Frimousse et Pitchoune se blottissent contre un villageois, les chats de Malaria se balladent partout.
T
ous regardent le théâtre de guignol installé devant eux où
vient de s’achever une représentation de marionnettes. Le
roi est revenu et a sauvé le village. C’est la raison des rires
et des cris de joie. Les villageois commentent avec ferveur le
spectacle qu’ils viennent de voir. De derrière le théâtre sort
Gekah accompagné de son petit chien qui est à présent aussi vieux
que lui. Il est aussitôt accueilli par une salve d’applaudissements et
salue son public comme il se doit.
L
A
es villageois ne sont pas pressés de rentrer chez eux, c’est à
l’évidence un événement important pour la communauté…
« Pensez-donc ! Le premier jour du printemps ! » lâche l’un
d’eux. « J’aime toujours autant cette histoire, » ajoute un autre…
LE DERNIER
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u milieu de toute cette effervescence, les voyageurs vont
sans doute se sentir un peu déboussolés. Même s’il fait nuit et
qu’ils ne peuvent en être sûrs, ils ont l’étrange impression
qu’ils ne sont plus dans le village de leur aventure. Les habitants sont
les mêmes assurément, mais ils sont tous vivants et ne semblent pas
garder souvenir des aventures passées. S’ils explorent un peu le village, les voyageurs s’aperçoivent que l’agencement des maisons est le
même que dans le « village qui n’a pas de nom ». La maison des voyageurs est à la même place et l’équipement des voyageurs s’y trouve
dans l’état où il était lors de la naissance du roi.
L
es voyageurs demanderont sans doute quelques explications aux villageois. Gekah leur raconte alors que ce spectacle est une tradition du village depuis de nombreuses
années. Elle existe même depuis si longtemps qu’aucun des habitants actuels du village n’était né à cette époque. C’est une jeune
et jolie voyageuse qui en est à l’origine. Elle arriva un beau matin.
Enceinte, elle avait besoin de repos et le village l’accueillit chaleureusement. Pour remercier ses hôtes, cette voyageuse leur
raconta de nombreuses histoires dont une leur plu tellement
qu’elle la raconta et la raconta encore : l’histoire du « village qui
n’a pas de nom », la source de ce spectacle. « Elle la raconta
durant tout le temps qu’elle resta ici… » ajoute Gekah d’une voix
un peu triste. Il s’arrête un instant, comme si les mots ne voulaient pas sortir. Puis il poursuit : « Cette voyageuse s’appelait
Nitouche et elle est morte en mettant au monde son enfant…
C’était ma mère… »
L
a fête bat son plein jusqu’au petit jour. Au matin, les voyageurs découvrent un décor différent de celui de leur
aventure. Si le village est le même, il n’y a pas de château
à proximité. Pourtant, certains éléments
de l’aventure sont bien présents
dans les environs. On trouve un
« pont qui ne va nulle part » où
trône une déchirure de
départ. Une grande forêt
où personne ne va s’étend
à l’ouest et abrite des
« invisibles ». Les collines
du sud sont le domaine
d’une famille de gigants
placides et accueillants.
En revanche, la rivière
ne mène pas à la mer
mais se jette dans un
grand fleuve. De quoi
enchaîner sur de nouvelles
aventures….
FIN
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MONDE