La technique du collage dans la musique

Transcription

La technique du collage dans la musique
2
Sommaire
Introduction
p. 3
1- Les origines du collage (de 1900 aux années 60)
p. 4
Origines artistiques (arts plastiques, littérature)
Les musiciens précurseurs
La musique concrète
Rencontre des cultures savante et pop
Evolution dans les années 70 (krautrock, minimalisme, new-wave)
2 - Le deejaying : une forme « live » de collage, née avec le hip-hop
(années 70 – 80)
p. 6
p. 10
La naissance du dub
Hip-hop / rap « old school »
Eclipse puis révolution technologique
Turntablism
3 -L’avènement de l’informatique musicale et du sampler
(années 90 – 2000)
p. 12
Rap / hip-hop
Electro / Musiques électroniques (house, techno, trip-hop, drum and bass…)
p. 15
4 – Dissémination dans la musique pop
p. 18
Bastard pop / Mashup / Bootleg
Musiques expérimentales
Et « aujourd’hui en France ? »
p. 20
Perspectives
p. 23
A lire – Biobliographie – et à voir – vidéos
p. 24
A écouter – Discographie
p. 25
Définitions – liens Internet
p. 29
Retrouvez ce document en ligne sur le site de la Médiathèque de Vincennes
avec tous ses liens Internet actifs !
Sur : http://biblio.vincennes.fr (rubrique « A découvrir » puis « Thémathèque »)
3
Introduction
Tout d’abord, qu’est-ce qu’on entend par collage ?
Définition de base : c’est l’assemblage de matériaux au moyen d'une colle.
Dans l’art, le collage désigne une œuvre artistique obtenue par collage.
Par exemple, de bouts de papier, de photos, d’objets de récupération…
Pour tout de suite se faire une idée, quelques exemples :
Raoul Hausmann : Le critique d’art, 1920 (D.R.)
Henri Matisse : Nu bleu, 1952 (D.R.)
En musique, ce sera la même chose : un assemblage de sons plus ou moins hétéroclites
pour créer quelque chose d’autre…
Il existe différentes techniques (montage, mixage, échantillonnage…) qui sont
apparues au fil du temps, parallèlement aux évolutions technologiques, en particulier la
possibilité d’enregistrer et de fixer la musique sur des supports (disques, bandes
magnétique…) puis le développement de l’informatique.
On retrouve ces collages dans des courants musicaux très divers, dès les années
soixante…
4
1- Les origines du collage (de 1900 aux années 60)
Origines artistiques :
On trouve des collages à la fois dans les arts plastiques, la
littérature et la musique. L’explosion créative du collage commence dans
les années 1910, au sein du mouvement cubiste (Picasso, Braque…), puis
du dadaïsme (1916-1922 ; Duchamp, Picabia…) et du surréalisme
(années 20 et 30 ; Ernst, Magritte…), ceci surtout pour les arts plastiques
(collages plus tard également dans les années 60, dans le style Pop art).
Articles sur l’art du collage : http://www.les-marcheurs.net/article.php3?id_article=9
http://www.art-pjm.com/actualite.php
En littérature, William S. Burroughs invente au début des années 60 le "cut up" :
technique consistant à couper différentes parties d'un texte et à les combiner pour reformer un
nouvel écrit, tout comme un collage en peinture ou un montage au cinéma. Le cut up veut
révéler l'inconscient de l'écriture. La découverte par accident d'un sens nouveau, met en
rapport l'impression de déjà vu que l'on retrouve dans des lieux où l'on croit déjà être venu
auparavant. http://www.6bears.com/cutup.html
Retenons l’importance de l’idée d’accident, d’où nait quelque chose d’autre… Mais
aussi l’idée forte de l’impertinence, l’attitude iconoclaste, irrespectueuse, développée dans le
dadaïsme, caractérisé par une grande liberté d’action…
Quelques musiciens précurseurs :
Charles Ives (1874-1954) : Dès les années 1910, il élabore une œuvre faite en partie
de collages, par des superpositions thématiques et mélodiques, empruntant au folklore des
Etats-Unis (gospel, fanfare, jazz, etc.)
Ecoute : Washington’s Birthday (extrait des New England Holidays) 1909.
Inspiré par l’expérience d’avoir avec son père fait venir deux fanfares à la rencontre
l’une de l’autre, puis de se placer au milieu pour apprécier le mélange produit il transpose cela
en une partition écrite, où des petits groupes dans l’orchestre jouent des parties différentes. Il
en ressort l’impression d’un tapis dense de plusieurs mélodies qui se chevauchent et de bouts
de thèmes variés qui finissent dans une fusion explosive de l’ensemble.
C’est en quelque sorte un collage en « grandeur nature ». Ces partitions sont très difficiles à
interpréter, surtout pour les musiciens de l’époque. Cette contrainte matérielle va
complètement disparaître avec la possibilité technique d’enregistrer de mieux en mieux le
son : on peut jouer simultanément deux disques d’orchestres différents ; avant l’apparition de
l’enregistrement sonore, le seul moyen était de faire jouer réellement les deux orchestres.
Luigi Russolo (1885-1947): Peintre et musicien
italien, membre du mouvement futuriste. Il veut
révolutionner la musique et créé de nouveaux instruments à
bruits, inspirés par la multiplication des machines dans la vie
quotidienne. Il rédige un manifeste à ce sujet :
L’Art des bruits : manifeste futuriste : 1913 (Allia, 2006)
Il aura une influence certaine sur les musiciens « concrets »
et dans la musique électronique…
L’édition originale et la réédition.
5
La musique concrète :
Concept créé par Pierre Schaeffer et Pierre Henry dans les
années 50.
Le principe : partir non plus de la partition (qui transcrit l’intention
du compositeur) mais d’abord d’une matière sonore brute,
enregistrée, pour ensuite l’agencer (forte opposition de Boulez et de
l’Ecole de Darmstaadt, qui recherchent au contraire le contrôle total
du son).La technique : le collage de bandes magnétiques (découpage
au rasoir et remontage des bandes au ruban adhésif ; travail très long
et minutieux). Voir une définition dans Modulations, p. 22 (ouvrage
Pierre Henry (D.R.)
cité dans la bibliographie).
Ecoute : Etude pathétique / Pierre Schaeffer; Bidule en ut / P. Schaeffer & P. Henry
John Cage : compositeur américain très important et influent, notamment pour ses
expérimentations très diverses, cherchant à repousser toutes les limites et pour son travail sur
la notion de hasard appliquée à la musique. Dans les années 50, une partie de son travail est
ainsi en phase avec la musique concrète.
Ecoute recommandée : Williams mix (1952)
Schaeffer et Henry auront eux-mêmes de nombreux élèves,
dont François Bayle, Ivo Malec, etc. Il existe un coffret très riche sur
le sujet : les Archives du GRM (5 CD + 1 livret).
Mais le développement se fait aussi dans d’autres pays, sous le terme
plus large de musique électro-acoustique. Un exemple très intéressant
est fourni par une compilation de compositeurs suédois : Electro
Acoustic Music From Sweden.
Ecoute : Mr. Smith in Rhodesia / Ake Hodell (1970)
Utilisation des sons pour créer une histoire, comme dans les
feuilletons radiophoniques, et travail sur les voix / dialogues pour les
détourner et ainsi créer puis diffuser un message différent (ici,
dénonciation du colonialisme en Rhodésie).
Pierre Schaeffer (D.R.)
Rencontre des cultures savante et pop
Au cours des années 60, des musiciens comme les Beatles ou Frank Zappa
s’intéressent de plus en plus aux nouvelles techniques d’enregistrement et aux possibilités
qu’elles ouvrent.
Aux Etats-Unis, Zappa est ainsi un grand admirateur d’Edgar Varèse et l’on ressent
l’influence de la musique contemporaine dès les premiers albums de son groupe, The
Mothers of Invention (1966-1970), à dominante pop, mais aux horizons très ouverts (rock,
jazz, doo-wop, bruitages…), citons Absolutely free au titre bien révélateur, Uncle Meat, et
We’re only in it for the money, réponse et hommage à l’album Sgt Pepper… des Beatles. Dans
ce disque, on retrouve l’esprit et l’influence du collage dans la façon de composer les
morceaux et de les organiser entre eux (apparition du concept album).
En Angleterre, les Beatles collaborent avec
Georges Martin, musicien de formation classique qui leur
ouvre de nombreux horizons en termes d’arrangements et
de technologie : musique classique pour des chansons
comme Yesterday et premiers enregistrement studio en
stéréo, puis sur 4 et 8 pistes… Cette technologie bouleverse
les habitudes des musiciens : possibilités nombreuses
comme enregistrer les musiciens un par un, garder
seulement certaines prises, certaines pistes…
G. Martin et les Beatles au studio Abbey Road (D.R)
6
Sur, l’album Revolver, en 1966, apparaissent les premiers
collages. Solos de guitare joués « à l’envers » (la bande de la piste de
guitare solo a été coupée puis retournée et recollée) : exemple sur I’m
only sleeping. Et l’album se termine par un titre quasi-visionnaire,
Tomorrow never knows, dont la rythmique est entièrement basée sur
une boucle qui lui donne une couleur très étrange, plus de nombreux
collages de sons, dont plusieurs à l’envers. C’est un peu le morceau
fondateur (ou du moins très emblématique) du psychédélisme.
Ecoute : I’m only sleeping ; Tomorrow never knows (sur Revolver, 1966)
Cette chanson annonce la suite de l’œuvre des Beatles, qui
vont se concentrer sur le travail en studio exclusivement. Sgt. Pepper's lonely hearts club
band, en 1967 : bruits d’animaux, de foules, titre final résultant d’un collage de deux
chansons (John et Paul), orchestration… Sur The Beatles (« album blanc », 1968) : Revolution
N° 9, réalisé avec Yoko Ono, est un collage inspiré de l’avant-garde new-yorkaise). Abbey
Road (1969) : se termine par un long assemblage de chansons, construit un peu comme une
pièce symphonique, avec différents mouvements, et des thèmes musicaux récurents…
Autre célèbre exemple : le remix fait par Georges Martin et les membres restants du groupe
de Free as a bird, avec la voix et le piano de John Lennon enregistrés en 1977, et une
orchestration jouée en 1994. En 2007 enfin, le nouveau disque Love est une recréation de
titres des Beatles par réarrangement des pistes…
Beaucoup d’autres groupes seraient à citer, comme les anglais de Pink Floyd, pour la
face studio de l’album Ummagumma (1969)…
Dans cette période marquée par le psychédélisme,
l’expérimentation et le mélange des genres, une collaboration a
lieu entre Pierre Henry, compositeur de musique concrète, et
Michel Colombier, arrangeur de variété touche à tout, dans la
grande tradition française des compositeurs de musique de film,
naviguant entre jazz, classique, chanson et musique pop - voir
notre discographie sur Michel Legrand, ou encore les disques de
la collection Ecoutez le cinéma, dirigée par Stéphane Lerouge,
sur Michel Magne, François de Roubaix, Gainsbourg...
Cette collaboration est Messe pour le temps présent, créée en
1968 pour un ballet de Maurice Béjart. Œuvre de référence car parfait
mélange entre musique pop et ludique faite pour danser, et
arrangements bruitistes, originaux et complexes, issus des collages de
la musique concrète. Trente ans plus tard, toute la scène de la musique
électronique lui rend d’ailleurs hommage à travers une compilation de
remix : Métamorphose : Messe pour le temps présent, avec des artistes
reconnus comme Coldcut ou St Germain.
Ecoute : Prologue + Psyché rock / Pierre Henry et Michel Colombier
Evolution dans les années 70
Krautrock :
Ce mélange de cultures, cette assimilation de la musique savante occidentale par des
groupes de rock, à leur façon, a aussi lieu à travers le mouvement Krautrock, en Allemagne au
débuts des 70’s. Les groupes phares sont Can, Faust et Neu ! Mais aussi Amon Düll II ou
Cluster…
Ecoute d’extraits de The Faust tapes / Faust (1971-1973).
7
Une seule grande plage de 44 minutes, sans titres, de nombreux passages enchainés sans
temps morts, avec des ambiances très diverses, plus ou moins mélodieuses ou bruitistes.
Dans un style proche, écoutes recommandées de Aumgn, par Can (sur Tago Mago,
1971) et de Holger Czukay (Can) : Boat-Woman-Song (1969, sur la compilation OHM).
Une boucle de musique orchestrale (cordes) et de voix de femme asiatique: beauté et
dépaysement créés par la répétition et l’agencement de quelques boucles d’horizons
différents. Sonorités habituelles aujourd’hui dans la publicité ou le cinéma, mais inédites à
cette époque (musique world et / ou proto New-Age en quelque sorte).
Minimalisme :
C’est un courant de la musique contemporaine, se développant surtout dans les années
70 aux Etats-Unis. Steve Reich en est l’un des principaux représentants. Il travaille sur la
répétitivité, d’abord sur des déphasages graduels de boucles de bandes magnétiques, puis avec
des instrumentistes à partir de 1967.
Ecoute recommandée : Different trains (2000) pour 48 cordes et bande pré-enregistrée
On y entend notamment des modulations de voix et de sons de trains…
Compilation hommage en 1999 : Reich remixed (Nonesuch, 1999) Sur le même principe que
celle sur Pierre Henry, avec Coldcut, DJ Spooky, Howie B, etc.
On peut citer aussi, entre autres compositeurs, Terry Riley (musique répétitive) …
New-wave :
Le phénomène punk est assez peu novateur sur le plan de la technique musicale ellemême, alors qu’on y trouve une forte créativité dans les collages graphiques d’un anglais
comme Jamie Reid (pour les Sex Pistols) et les collages vestimentaires de la créatrice de
mode Vivienne Westwood. Elle et Malcolm McLaren (son mari, manager des Sex Pistols), se
réfèrent beaucoup aux dadaïstes (voir le très riche ouvrage de Jon Savage, England’s
Dreaming, sur l’influence de ce mouvement dans la culture populaire anglaise…). Seuls
certains groupes comme The Clash évoluent vers une fusion de styles musicaux mais c’est
déjà une autre période qui s’ouvre (forte influence du dub, puis de la scène new-yorkaise et du
rap, en 1980 avec l’album Sandinista, qui contient sa part de collages…).
Le collage reste tout de même présent dans la « new-wave » (terme commode pour
classer les groupes les plus hors-norme de l’époque) : quelques uns parmi ceux-ci utilisent
toujours cette technique :
The Residents : Meet the Residents (1973) groupe mystérieux (aux membres
anonymes) et new-wave avant l’heure, dans le look comme dans la musique.
« Ce groupe désacralisa les vaches sacrées de la pop music à
l’aide de synthés kitsch et de bandes magnétiques manipulées. Il
proposait des reprises délibérément affreuses de Nancy Sinatra,
James Brown, des parodies sauvages de Georges Gershwin…»
(Modulations, p. 85)
Ecoute recommandée : N-er-gee (Crisis blues) extrait de Meet
the Residents (1973). Il s’agit d’un détournement de Nobody but
me, un standard pop américain des années 60. La pochette de
l’album parodie un album des Beatles. On retrouve sans cesse
chez eux ce coté iconoclaste et irrévérencieux du collage tel
qu’initié dès le dadaïsme (une fois de plus).
Aux Etats-Unis toujours, on peut citer Talking Heads, pour l’excellent et ovniesque
album Remain in light (produit par Brian Eno en 1980) qui utilise des rythmiques inspirées
des musiques du monde (Afrique notamment) mais aussi des sons électroniques, créant un
mélange sonore très original et séduisant.
8
En Angleterre, le groupe Cabaret Voltaire tire son nom d’un lieu de réunion des
premiers dadaïstes (puis titre d’un ouvrage du mouvement Dada, en 1916). Leurs premiers
albums utilisent beaucoup de collages, musicaux mais aussi visuels, comme sur la pochette de
The Voice of America (1980). This Heat, autre groupe, fort influencé par Faust, mélange des
influences punk et krautrock. Ecoute recommandée de l’album Deceit (1982). Il faudrait
parler aussi des anglais de Throbbing Gristle et de la scène industrielle, qui perpétuent l’art
de collage à travers une partie de leurs travaux très expérimentaux…
Mais la new-wave évolue dès le début des années 80 vers l’utilisation des sons
synthétiques. Le développement de l’électronique fini par permettre la diffusion en masse du
synthétiseur. Cet instrument permet d’obtenir sur un seul et même clavier de nombreux sons
d’aspects bien différents. Ce type de bricolage sur bandes magnétiques est donc plutôt éclipsé
par l’apparition des synthés et des boîtes à rythme. Ils constituent en quelque sorte l’autre
versant des musiques électroniques, par l’utilisation de sons synthétiques / électroniques et
non pas réels / concrets…
________________
Quelques albums où le collage est à la fois dans le contenu et dans le contenant :
Coldcut : Let us play (1997)
The Beatles : Sgt Pepper… (1967)
Howie B : Snatch (1999)
Mothers (Zappa) : We’re only in it
for the money (1967) – pastiche de
la pochette de Sgt Pepper
9
2 - Le deejaying : une forme « live » de collage, née avec le hip-hop
(années 70 – 80)
On signale souvent dans la littérature sur les musiques actuelles que le musique de la
communauté noire (américaine, anglaise et jamaïcaine) à un rôle assez précurseur. C’est le cas
avec la culture hip-hop, très inventive et qui va profondément influencer toute la musique
populaire jusqu’à aujourd’hui, avec le r’n’b, par exemple…
La naissance du dub :
Ce style musical nait en Jamaïque au cours des années 70, d’opérations de remixage
des pistes instrumentales de reggae (versions) qu’on utilise pour les faces B des 45-tours. Soit
elles resservent pour une autre version chantée, soit des toasters posent leur voix dessus pour
exhorter la foule à danser lors des sound-systems. U Roy est l’un des plus anciens et des plus
célèbres. Des producteurs / bricoleurs de génie tels Lee Perry et King Tubby, se mettent
alors à utiliser de plus en plus d’effets comme la reverb ou l’écho, et les appliquent à certains
instruments isolés (une partie de la batterie, par exemple…). Ils pratiquent aussi le cutting qui
consiste à supprimer momentanément certains pistes d’instruments afin de sculpter en creux
le son comme on peut le faire dans la pierre. Il en résulte, de versions en versions, une
musique différente et nouvelle, qui va contribuer au développement du rap, en Amérique.
Ecoute : Skylarking / chanté par Horace Andy, puis une version dub, Crabwalking /
toastée par Prince Jazzbo. (On y entend bien les cutting utilisés sur la musique et les voix)
Ecoute : Tubby get smart / King Tubby
(sur la compilation Dub like dirt 1975-1977)
Ecoute recommandée de Horace Andy : In the light + In the light
dub : un très bon album de reggae, réédité en CD avec à la suite
sa version complète en dub.
Même principe avec le groupe punk/reggae londonien Basement
5 : 1965 – 1980 + Basement 5 in dub
King Tubby en studio (D.R.)
Hip-hop :
Dans les années 70, la population des quartiers pauvres de New-York n’a que peu de
moyens pour se distraire. C’est l’invention des « block parties » où des DJs (disc jockeys)
enchainent des disques, souvent en pleine rue ou sur des toits… Tout une culture se met en
place, le hip-hop, une culture de la rue, avec le graffiti, la danse, et la musique, avec le phrasé
rap (dont les ancêtres sont les Last Poets, dès 1970) et le deejaying, ou l’art de passer les
disques, en partie venu de Jamaïque, et qui remplace l’organisation de vrais concerts, car
beaucoup trop chers (importance de Kool Herc, DJ venu de Jamaïque).
Des techniques se développent, comme le scratching ou encore le cutting (ou cut up),
forme de collage permettant de rejouer abondamment certains passages de disques, comme
des breaks de batterie, et de mixer dessus des sons venus d’autres disques.
« Ils travaillaient cette musique en temps réel sur des platines disques, de manière à
supprimer la structure couplet-refrain-couplet-pont des chansons populaires, et ne
conservaient ainsi que des répétitions de cellules percussives complexes… ».
(Modulations p. 121)
En 1979 : sortie du single Rapper’s Delight de Sugarhill Gang, gros succès
commercial qui sort le hip-hop de l’underground et éveille l’intérêt des maisons de disques.
On retrouve là le même procédé que celui utilisé en Jamaïque avec le toast sur les versions
instrumentales…
Ecoute : extrait de Good times / Chic. Puis de Rapper’s Delight, qui sample Good Times.
10
En 1982 : sortie de The Message de Grandmaster Flash, (sur le même label Sugar
Hill), énorme succès aussi mais surtout premier commentaire social du rap, exprimant la
frustration urbaine, l’un des plus grands classiques du hip-hop.
Ecoute d’un extrait de The Message / Grandmaster Flash.
« Pour ne pas perdre la vue d’ensemble de son travail en mixant, Grandmaster Flash
répartit ses disques dans cinq caisses. La première caisse était destinée aux morceaux lents
comme Heartbeat, la deuxième à des morceaux assez lents comme Good
Times, la troisième à des pièces au tempo moyen comme celles de Kurtis
Blow, et la quatrième pour tous les morceaux plus rapides comme le Give
it to me de Rick James. La cinquième boite hébergeait toute sorte d’effets
spéciaux (en particulier le disque de Kraftwerk Trans Europe Express) qui
intervenaient comme break, comme bouche-trous ou comme éléments
perturbateurs. A partir de ces cinq caisses, Flash pouvait composer ses
morceaux. »
Grandmaster Flash (D.R.)
(DJ Cultures / Ulf Poschardt)
Eclipse puis révolution technologique
A partir de 1982, et du titre Planet rock d’Afrika Bambaataa (référence essentielle
dans le hip-hop), le synthé et la boîte à rythme supplantent le scratch et le cut up dans le hiphop C’est le cas aussi dans Rock it, tube planétaire d’Herbie Hancock : on est plutôt dans la
composition et l’interprétation sur des instruments électroniques (ou par scratching). C’est le
règne du tout synthétique, et donc une mise en retrait des collages, durant environ 6 ans.
Par contre, grâce aux boîtes à rythme, la notion de programmation va pouvoir être
assimilée, chose bien utile pour la suite, avec l’apparition de nouvelles machines…
A partir de 1988/89, le hip-hop connaît un renouveau, qui correspond dans le temps à
une invention technologique majeure, celle du sampler, ou échantillonneur. Grâce à
l’informatique, les fabricants d’instruments cherchant à synthétiser au mieux (et donc à
imiter) le son des instruments réels, débouchent sur la possibilité d’enregistrer et de rejouer le
son d’origine lui-même (notamment parce que les capacités de stockage de données sont de
plus en plus grandes…).
Cela offre toutes les possibilités imaginables de détournement
sonore et marque le retour de l’utilisation de courtes séquences musicales
(boucles / loops), exactement comme dans le Deejaying sur les platines
vinyle, mais avec des possibilités beaucoup plus variées et précises. Le
procédé de montage reste le même qu’avec les bandes magnétiques, mais
il suffit de quelques clics pour découper et recoller une séquence, ou Echantillonneur Roland
pour l’inverser, l’amplifier, etc… Tout cela à l’aide de nombreux
logiciels, tels les trackers, ou les studios multipistes numériques (Acid, Courbe graphique d’un
sample sur un logiciel :
Cubase…). On parle de MAO (Musique assistée par ordinateur).
Les possibilités de montage sont donc incroyablement facilitées.
Mais grâce à l’approche spéciale des DJs envers les disques vinyle, on a
également intégré dans la pratique du sampling une nouvelle façon de
concevoir du son :
« Le scratch et le cutting étaient des techniques totalement
nouvelles appliquées au son. […] Avant, tout le monde se contentait de poser le disque
sur la platine et de l’écouter. D’un seul coup, la platine est devenue un instrument de
musique à part entière. Le vinyle est devenu une sorte d’archive sonore pratique […].
Des choses comparables ont été tentées par John Cage ou Pierre Schaeffer. Cependant,
par définition, ces idées étaient d’avant-garde et n’étaient partagées que par très peu de
gens. Ce qu’a réalisé Grandmaster Flash a fait le tour du monde [et les gens comme
11
lui] n’ont pas seulement inventé une nouvelle façon de travailler le son, ils ont aussi
inauguré une toute nouvelle attitude conceptuelle envers le son : n’importe quel
disque peut être détourné et combiné avec un autre disque. »
[citation complète de Kodwo Eshun dans Modulations, p. 133]
Or c’est exactement la même idée qui est mise en œuvre dans le sampling, mais dans
des conditions techniques beaucoup plus faciles.
Ceci dit, les deux techniques ont continué à coexister jusqu’à aujourd’hui. En effet
presque tous les groupes de rap ont préféré garder un DJ qui mixe « en vrai » sur des platines
vinyle, pour l’aspect spectaculaire « sans filets » de la chose, et par éthique, pour rester le plus
proche de l’état d’esprit d’origine du hip-hop. Mais le deejaying se perpétue aussi dans un
aspect plus expérimental, le turntablism :
Turntable solos : exemple de compilation d’artistes, sur le label Amoebic (1999)
Ecoute recommandée : Slow breathin / L ?K?O (Tokyo, 1999)
Christian Marclay (USA) : More Encores (ReR, CM1, 1988) :
Ecoute : Jane Birkin & Serge Gainsbourg / Christian Marclay
A signaler aussi : Birdy Nam Nam : quatre DJs hip-hop /
electro (voir plus bas, avec la scène française).
3 -L’avènement de l’informatique musicale et du sampler
(années 90 – 2000)
Dans le hip-hop :
Public Enemy / le Bomb Squad
Ce changement de son dans le rap est d’abord surtout incarné par groupe Public
Enemy et son équipe de producteurs, le Bomb Squad (incluant les frères Shocklee) qui va
révolutionner la production hip-hop et laisser une forte empreinte. Ils créent un groove bien
particulier, avec plus de souplesse dans le son (samples de batteries de James Brown…) mais
en même temps une certaines dureté (samples de guitares metal) et surtout l’ajout de
nombreux petits sons, bruits, instruments, travaillés très finement. Egalement beaucoup de
dialogues extraits de films, d’actualités ou de discours politiques ; autant de références pour
ce groupe très engagé…
Ecoute : Brothers gonna work it out ; War at 33 1/3 - sur Fear of a black planet (1990)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Public_Enemy_(musique)
Beastie Boys : Paul's Boutique
Enregistré à Los Angeles en 1989. Les Beastie Boys sont qualifiés comme groupe de
rap, mais on sent dans cet album une vraie culture musicale pop rock. Les samples méticuleux
qui l’habillent sont issus de ce registre musical, mais y côtoient aussi des rythmes groove et
funky. Ils osent tout, avec beaucoup d’énergie et d'humour et passent du coq à l'âne (tel le
country & western 5-Piece Chicken Dinner). Le morceau final, B-Boy Bouillabaisse, divisé en
plusieurs parties (à l'image du disque) brasse en vrac des rythmes hip hop, funk, reggae,
electro, drum'n bass ... pendant plus de 12 minutes ! Véritable puzzle musical, ce disque
cosmopolite a vraisemblablement influencé des artistes tels que DJ Shadow ou Beck.
12
« La production est effectuée en collaboration avec les Dust Brothers : l'action et le
dépaysement sont permanents. Adrock, MCA et Mike D s'amusent avec tout ce qu'ils
ont trouvé au grenier et leurs délires ultra-funky ne connaissent pas de limites. Une
performance d'horlogers maniaques au niveau des samples et une incroyable fantaisie
contrôlée font de ce deuxième album des Beastie Boys l'équivalent rap du Sergent
Pepper des Beatles. »
(José Guerreiro, journaliste)
Ecoute conseillée : Sounds of a science (sample de Sgt Pepper ; et contient beaucoup de cuts)
De La Soul : 3 feet high and rising (1989, Tommy Boy)
Un peu le jumeau de Paul’s boutique, cet album plutôt festif réintroduit une certaine
légèreté dans le rap, avec un propos toujours fin et conscient, mais beaucoup d’ironie et de
petits sketches intercalés entre les morceaux, comme chez les
Beastie Boys, mais cette fois, c’est un groupe «noir», totalement
intégré à la communauté hip-hop new-yorkaise. L’album est un
immense collage constitué de 24 plages (nombre inhabituellement
élevé à l’époque) allant de 40 secondes à 4 minutes. Ils mélangent
aux influences soul et funk des samples venus de la pop et du
rock, notamment des 60’s, avec une grande inventivité. Ils
sensibilisent la communauté « noire » à ce type d’influence, de
même que les Beastie Boys contribuent à diffuser le hip-hop dans
la communauté « blanche »…
Ecoutes : Jenifa taught me : rythme, samples de vents redécoupés, breaks qui sont de vraies
interruptions de la chanson, avec redémarrage dans une autre direction…
Transmitting live from Mars ! : titre amusant qui contient des samples de dialogues d’un
cours de français.
Ecoute conseillée : The magic number, on y entend bien l’utilisation d’une boucle de vieux
45-tours au son 60’s avec ses craquements ; bien qu’elle soit en retrait de la batterie et des
voix, cela suffit à créer instantanément une ambiance bien spéciale…
Leur influence sera importante y compris au-delà du public rap habituel.
http://fr.wikipedia.org/wiki/De_La_Soul
IAM : Ombre est lumière (1993)
Exemple très intéressant d’un album de rap français
novateur et riche dans sa construction, en grande partie grâce aux
collages, aux télescopages de très nombreux samples venus
d’horizons alors assez inédits : musique arabe, méditerranéenne,
rock, dialogues de péplums, etc. Il se démarque totalement des
clichés du rap américain et ouvre une voie neuve (que le groupe
lui-même ne va malheureusement pas trop approfondir par la
suite).
Ecoute : J’aurais pu croire ; Le 7 ; Attentat II / IAM
Comparaison avec MC Solaar à la même époque : exemple de belle boucle, reprise
presque telle quelle, donc à priori dans une démarche de facilité, mais néanmoins justifiable
car au service d’un propos :
Western moderne / MC Solaar ( sur Prose combat, 1994),
utilisant un sample de Bonnie & Clyde / Serge Gainsbourg (sur Initials B.B., 1968).
A comparer avec le mixage de Christian Marclay, qu’on peut trouver au choix
beaucoup plus inventif, ou moins « carré », efficace…
13
On retrouve cette même boucle utilisée par des américains en 2006 (soit 12 ans plus
tard), mais mixée à d’autres samples : Seven L & Esoteric : Everywhere (Ecoute) (album A
new dope). Ils peuvent se le permettre car Gainsbourg est encore relativement peu connu aux
USA ; en France, ce serait archi éventé, surtout après le tube d’MC Solaar. Cela montre
comment les samples peuvent voyager dans le temps et l’espace (tout comme les
compositions depuis toujours) avec des réappropriations différentes…
Pour en revenir à l’album d’IAM, on peut y repérer que beaucoup de techniques ont
été « digérées » et sont devenues des outils habituels de composition : dialogues de films,
sources sonores d’horizons variés, bruitages, mixage équilibré entre sons électroniques et
samples, à la couleur plus « naturelle ».
Depuis quelques années, on emploie beaucoup le terme de musique organique (qualité
par exemple attribuée à Amon Tobin, mais aussi bien à la scène down-tempo – musique
beaucoup plus zen), ce qui semble correspondre à une volonté de briser le coté par trop
mécanique des boîtes à rythmes et de la composition électronique ou informatique en général.
D’où l’introduction de plus d’accidents dans le
hip-hop moderne, par exemple dans l’album de MF
Doom (Mm.. food, 2004), ou bien dès l’introduction de
l’album de son comparse Madvillain (Mad villainy,
StoneThrow, 2004) : The Illest Villains est un brouhaha
sonore assez dense sur un rythme peu linéaire. Par
rapport aux rap de 1985, c’est de la science-fiction ! Ce
qui aurait été considéré comme de la musique purement
expérimentale il y a 20 ans est aujourd’hui assez
largement diffusé et accepté par le grand public.
Ecoute : Accordion / Madvillain : titre entièrement
basé sur un sample d’accordéon : chose quasiimpensable dans le rap le plus répandu il y a encore 10
ans (voir Snoop Dog et tout le « revival » funk/r‘n’b).
Autre producteur réputé, Timbaland est dans cette même démarche avec un titre
étonnant comme Get ur freak on de Missy Elliott (sur Miss E… so addictive, 2001) basé sur
des samples de musique indienne.
Sorti en 2006, The Mouse and the mask est une collaboration entre MF Doom et
Danger Mouse L’un vient complètement du hip-hop et a travaillé avec Madvillain, l’autre est
plutôt producteur et travaille avec Damon Albarn (ex-chanteur de Blur) au sein de Gorillaz,
projet pop/electro qui a rencontré un grand succès, puis joue dans les Gnarls Barkley.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Danger_Mouse
14
Electro / Musiques électroniques (house, techno, trip-hop, drum & bass…)
House music :
En Angleterre la house music apparaît vers 1987/88. Elle descend en bonne partie des
musiques new-wave qui étaient le plus conçues pour la danse (dance music) et véhiculées par
des groupes post-punk comme New Order ou Depeche Mode.
C’est d’abord une musique essentiellement électronique, à base de sons synthétisés,
puis elle connaît la même évolution que le hip-hop, avec la possibilité d’échantillonner des
sons, d’abord très peu, puis de plus en plus longtemps et facilement (au fur à mesure que les
capacités de stockage informatique augmentent).
Comparons l’utilisation des samples dans la house, sur l’utilisation des voix. En 1988,
au début de la vague house, les samples sont courts et le son est pauvre, c’est un peu un
gadget qu’on entend ici et là, dans beaucoup de musiques commerciales (jingles,
publicités…) : un cri, un aboiement, un sifflet…
Ecoute : Can you party / Royal House (1988) (sur la compilation Classic House 3)
+ Ecoute recommandée : Pump up the volume, par M/A/R/R/S, le 1er gros tube house…
Plus tard, le travail sur les boucles de voix humaines devient beaucoup plus raffiné, car
les progrès techniques des samplers vont le permettre :
Ecoute : The Audience / Herbert (extrait de Bodily functions, 2001)
Interview de Herbert, en 1998, pas très objective mais passionnée, sur le site d’un
amateur de techno : http://jeannoel.roueste.free.fr/techno/interviews/herbert/herbert.html
Ce musicien est encore assimilé à la scène house en 1998, avec son album Around the
house, (cf. Modulations, p. 116) tandis qu’on le retrouve aujourd’hui (2007) sous l’appellation
d‘électro arty, sur un site dédié au trip-hop : http://www.trip-hop.net/groupe-221-herbert.html
(cette évolution des étiquettes est d’ailleurs assez révélatrice de l’évolution des styles
musicaux electro eux-mêmes).
Énorme évolution technologique, donc, dans l’échantillonnage de sons entre les
années 80 et 90, (parallèle au boom général de l’informatique).
Mais le son « cheap » des premiers samplers possède cependant une couleur originale,
car n’étant pas l’enregistrement fidèle d’un son acoustique. C’était en quelque sorte un
traitement du son, un effet réalisé par obligation. Il existe aujourd’hui une forte tendance
(tentation ?) dans la musique la plus commerciale à utiliser les sons tels quels, boucles
musicales originales resservies intégralement, sans modifications ni même un changement de
contexte… (voir l’exemple plus haut avec le rap d’MC Solaar samplant Gainsbourg).
Abstract hip-hop
http://fr.wikipedia.org/wiki/Abstract_hip-hop
La compilation Headz sortie en 1994 marque l’avènement du label anglais Mo wax et
de ce style musical, à mi-chemin entre hip-hop et scène electro, avec des artistes comme DJ
Shadow, Nightmares On Wax ou Howie B… Une musique instrumentale, revenant a des
ambiances se voulant plus éthérées, subtiles, lyriques… Elle séduit aussi bien les amateurs de
hip-hop novateur que le public du rock indé ou de la musique électronique.
http://www.newforms.net/fr/mo_wax/headz.shtml
label = étiquette :
DJ Shadow : Issu de ce courant, son disque
Endtroducing…(1996) a un impact très large, il est une référence pour
beaucoup de musiciens aujourd’hui. Style assez épuré, ambiances assez
cinématographiques, à fort pouvoir d’évocation.
Ecoute : Building steam with a grain of salt / DJ Shadow
http://fr.wikipedia.org/wiki/DJ_Shadow
http://www.newforms.net/fr/dj_shadow/endtroducing.shtml
15
DJ Krush : Ce japonais sort un premier album remarqué, Krush (1994) puis est signé
sur Mo Wax, pour de nombreux disques : http://fr.wikipedia.org/wiki/DJ_Krush
Trip-hop
« Le trip-hop est une musique hybride issue de nombreuses influences musicales, qui
produit des ambiances sophistiquées et des rythmes plutôt calmes... La base musicale
électronique est généralement agrémentée d'instruments acoustiques, voire même
d'ensembles classiques (violons, cuivres...), et parsemée d'extraits sonores (les
"samples") glanés dans des compositions pré-existantes. »
(Trip-hop.net)
Principaux groupes à l’origine (Angleterre) : Massive Attack, Portishead, Tricky.
Portishead : L’album Dummy (1994) est un petit séisme lors de sa sortie, forme la
plus aboutie d’un style nouveau, dédié plus à l’écoute et au vague à l’âme qu’à la danse, mais
complètement marqué par la culture hip-hop dans sa conception. Avec Massive Attack,
Portishead contribue à jeter un pont entre hip-hop et songwritting pop, en partie grâce à la
chanteuse Beth Gibbons…
Ecoute : Sour times (sample de Schiffrin) ; Strangers On y sent bien la fusion des styles…
Chronique (dithyrambique!) sur le site français Trip-hop.net (entièrement consacré au genre) :
http://www.trip-hop.net/album-299-portishead-dummy-go-beat.html
On trouve dans cette veine des groupes français influencés eux aussi par l’univers des
musiques de film et le jazz, les sons des années 60/70… comme les Troublemakers. Ecoute
recommandée de Street preacher (sur l’album Doubts & Convictions, 2001) : dialogue de
film, rythme et base groove avec percussions afro + nappes de guitares et de claviers,
beaucoup d’écho, son très spatial, breaks de guitare flamenco, puis cuivres free-jazz, etc.
C’est un mélange de samples et d’instruments joués. Esprit assez proche chez le groupe The
Cinematic Orchestra…
Le français DJ Cam se définit plutôt comme hip-hop, mais son album Substances
(1996) répond assez bien à la définition du trip-hop citée ci-dessus. Beaucoup de jazz, de
piano, de contrebasse, de musiques du monde, orientale / indienne. Un collage d’extraits de
jazz, Essence, est disséminé sur tout l’album, en six parties.
Ecoute recommandée de Innervisions (boucle jazz + rythmes assez groove + harpe…)
Jungle / Drum & Bass :
Style qui vient de la techno (raves partie) mais aussi du hip-hop et du reggae /
ragamuffin. Article très complet sur : http://fr.wikipedia.org/wiki/Drum_and_bass )
Selon le livre Modulations (p. 182) l’échantillonneur Akai S1000 est LA machine qui a
permis de créer ce style, ni plus ni moins, de par ses nouvelles spécificités techniques (timestretching…) permettant entre autre de
changer le tempo des boucles sans en
modifier la tonalité et vis versa. Au-delà de
ses figures historiques comme Goldie ou
Ronie Size, ce style héberge quelques
musiciens
particulièrement
doués
et
novateurs :
Squarepusher : on peut le rattacher à la drum & bass bien qu’il déborde assez des
frontières du style (electronica, jazz, reggae, abstract hip-hop…). C’est l’un des fleurons du
label Warp.
Ecoute : Boneville occident / Squarepusher (sur Go plastic, 2001): c’est un bon exemple
des possibilités d’explorations nées du style jungle.
16
« Squarepusher a démontré tout au long de sa discographie pléthorique une capacité à
assimiler des genres aussi pointus que le jazz ou la musique concrète. C'est l’un des
artistes les plus reconnus et influents de la musique électronique. Clamant plus
d'affinités avec le jazz qu'avec la jungle et défendant une approche libre et personnelle
de la musique, il distille une drum'n'bass expérimentale et énergique s'acquittant de
tous les clichés qui pourraient enfermer la musique dans des catégories hermétiques
les unes aux autres. Il décrit cette rencontre d'univers musicaux différents comme sa
principale source d'inspiration. »
(Wikipédia)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Squarepusher
Le label Ninja Tune : (Amon Tobin, Coldcut, DJ Food,
Kid Koala, The Cinematic Orchestra…)
Coldcut : nait de la rencontre d’un professeur d'art et un informaticien, au milieu des
années 80, en Angleterre. Après de nombreuses soirées et émissions radio pirates, ils sortent
un premier album en 1990, What's That Noise. Influencés par la culture asiatique, ils créent
leur propre label : Ninja Tune, qui devient la plus grosse structure indépendante de musique
électronique avec Warp. Leur musique est difficile à classer, quelque part entre big-beat,
techno et hip-hop. C’est un bric-à-brac de bruits électroniques sur un beat décalé, mixé, filtré,
découpé et malaxé en tous sens. Let us play est leur album le plus connu, avec le tube More
Beats And Pieces, qui explose les limites du hip-hop brouillon, véritable usine à scratches
délirants qui reste leur morceau le plus emblématique.
Ecoute : More Beats And Pieces / Coldcut (sur Let us play,1997)
A voir : les clips du groupe, sur le CD bonus, collages sonores et visuels remarquables.
http://www.coldcut.net/coldcut/
Amon Tobin : on peut en partie le rattacher au courant Jungle / Drum & Bass.
Originaire du Brésil il s’installe en Angleterre. Ninja Tune, l’y découvre à la fin des années
90. Une fois signé, il sort sous son vrai nom plusieurs albums mélangeant avec brio jungle,
electronica, hip hop, drum’n’bass, groove, jazz, samba et musique classique, de l’envoûtant
Bricolage (1997) à Supermodified (2000) en passant par Permutation (1998). Il renouvelle
sans cesse sa musique : son album Out From Out Where, sorti en 2002, fait sensation et reste
un disque marquant dans l'histoire des musiques électroniques. En 2005, il compose aussi une
bande originale de jeu vidéo : Splinter Cell : Chaos Theory, qui témoigne de son goût pour la
science-fiction (voir son site internet) :
http://www.amontobin.com ; www.myspace.com/tobinamon
Ecoute : Searchers / Amon Tobin (sur Out From Out Where, 2002).
Interview (extrait) sur Routard.com, le site du Guide du routard, en février 2005 :
«- Écoutez-vous des musiques du monde ?
Oui, ce que j’aime, c’est chercher des points communs entre différents sons
d’instrument. Je trouve par exemple des similarités entre la guitare slide du sud
profond des États-Unis et le sitar indien, entre les percussions d’Afrique et celles des
îles du Pacifique. J’aime mixer ces sons.
- N’êtes-vous pas frustré de ne pas jouer d’un instrument ?
En fait, j’en joue, mais pour moi. Pour créer ma musique, j’ai fait le choix de passer
par l’enregistrement de sons et l’utilisation d’échantillons prélevés sur des disques.
Mon travail consiste à manipuler ces éléments. Ne pas se contenter de produire des
lignes de basse, mais créer quelque chose de nouveau, c’est à cela que doivent servir
les outils dont ma génération dispose…»
http://www.routard.com/mag_invite/id_inv/210/amon_tobin.htm
17
3 labels anglais essentiels dans les années 90
Ninja Tune : Amon Tobin ; Bonobo ; Coldcut ; DJ Food ; DJ Vadim ; Funki Porcini ; Kid Koala ; Roots
Manuva ; The Cinematic Orchestra ; The Herbaliser…
Warp : Anti-Pop Consortium ; Aphex Twin ; Autechre ; Boards of Canada ; Broadcast ; Luke Vibert ;
Squarepusher ; Tortoise ; Two Lone Swordsmen…
Mo Wax : DJ Krush ; DJ Shadow ; Dr. Octagon ; Money Mark ; Unkle…
Incontournables également dans la la scène electro et utilisant beaucoup le sampling :
Moby : son album Play (sorti en 1999, énorme succès international) utilise de
nombreux samples de voix tirées de la tradition américaine, de vieux enregistrements blues,
gospel… Succès immense : c’est la première fois que tous les morceaux d’un album (18!)
seront utilisés pour des spots publicitaires…
Fat Boy Slim : le chantre du style Big Beat : un mélange plutôt festif de techno, de
rock et de hip hop. DJ britannique, Norman Cook joue dans des clubs dès le début des années
80. Après diverses expériences musicales en groupe (bassiste des Housemartins), devenu Fat
Boy Slim, il signe de nombreux remixes pour des artistes en vogue. Avec l'album You've
Come A Long Way, Baby sorti en 1998, il s'impose définitivement sur la scène électro
internationale, comme le chef de file du style big beat, avec ses tubes The Rockafeller Skank ;
ou encore Right Here, Right Now … http://www.myspace.com/fatboyslim
4- Dissémination dans la musique pop
Beck : Sur l’album Odelay, Beck est un musicien américain né en 1970. Adepte du
bidouillage et des mélanges peu probables dans des styles aussi variés que le blues, la country,
le funk, la bossa ou le rap, il innove à chaque nouvel album. En 1994, il connaît avec la
chanson Loser son premier succès mondial. En 1996, il sort Odelay, où l’on retrouve les Dust
Brothers (Beastie Boys) à la production. Toujours groovy (dansant), mais plus influencé par le
rock des 60’s et incluant de nombreux samples, ce disque confirme son talent (plusieurs
tubes : Devils Haircut ; Where it's at? ; ...). Le dos de la pochette est une peinture-collage de
son grand-père (Al Hansen), un peintre qui faisait partie du mouvement artistique Fluxus,
dans les années 60, en prise directe avec le dadaïsme et le surréalisme…
18
Ecoute : Jack Ass / Beck. + le sample original par Them (It’s all over now, baby blue)
+ 3 versions alternatives / remix de Jack Ass.
Le titre emprunte un sample du groupe Them, (rhythm & blues 60’s anglais) mais
l’écoute du maxi en CD avec un remix + 2 versions totalement réarrangées montre que le
sample initial n’est qu’un outil au service de la composition, qui existe bien par elle-même,
avec son texte et sa mélodie de chant posée sur une harmonie, basée sur 2 accords (une
alternance simple de type Mi / La).
http://www.beck.com/ ; http://www.myspace.com/beck
Deux autres exemples intéressants aux Etats-Unis :
Soul Coughing : groupe rock de New York, très influencé par le jazz (Sugar Free
Jazz), le hip-hop mais aussi la musique électronique. Musique très originale qui a pour base
un groove créé par la basse et la batterie, puis dessus : de la guitare et surtout des samples, qui
donnent une ambiance particulière à chaque chanson. On peut y trouver des extraits des
Andrews Sisters, de Howlin' Wolf ou de Toots and the Maytals. Les paroles sont assez
surréalistes, parfois sombres mais avec souvent beaucoup d'humour. Très bon premier album,
Ruby Vroom (1994) salué par la critique :
Ecoute : Bus to beelzebub ; Ecoute conseillée : Screenwriter’s blues (très beau)
Tipsy : Groupe de San Francisco. Uh-Oh est leur 2ème album. Le duo est également
réputé pour ses remixes, par exemple pour Pulp. Tipsy pratique une musique aux collages les
plus inattendus, un xylophone qui côtoie une trompette, accompagnés de sons sortis d'une
borne de jeu vidéo ! Résultat surprenant, une musique électronique exotique et farceuse !
http://tipsy.org/ ; http://myspace.com/tipsytheband
Ecoute conseillée : Hey !
Autres exemples, à travers le monde : Cornelius, artiste japonais, très célèbre là-bas.
Album Count five or six (sur Fantasma, 1996) : http://www.xsilence.net/disque-2119.htm
Ou encore les Australiens The Avalanches (Since I letf you, 2000) utilisant des milliers de
samples (ce qui leur a posé des problèmes juridiques…).
http://www.lesinrocks.com/DetailArtiste.cfm?iditem=92851&idheading1=2
Bastard pop / Mashup / Bootleg :
Le concept s’est forgé ces cinq dernières années. Il s’agit du mélange de deux titres –
ou parfois plus... Mais au-delà du mixage, ils peuvent carrément se superposer, cela grâce aux
nouvelles possibilités techniques, comme le time-stretching (déjà cité), les alignements
automatiques entre deux tempos différents ou encore le fait de pouvoir gommer certaines
fréquences de sons, pour effacer les voix d’une chanson, par exemple… Ce style traduit donc
une nouvelle avancée technologique : on peut maintenant mixer tout avec n’importe quoi, ce
qui était jusqu’alors très complexe (par exemple, le mix deux samples de tempos et de
tonalités différentes).
Article très complet : http://fr.wikipedia.org/wiki/Mashup_%28musique%29
Et pour bien comprendre la différence avec le remix : http://fr.wikipedia.org/wiki/Remix
2 Many DJ’s : As Heard on Radio Soulwax part 2. Cet album
est un mix / collage géant, où s’enchaînent et se superposent des
dizaines de titres.
Ecoute : Stooges (No fun) + Salt ‘n Pepa / 2 Many DJ’s
A rapprocher de ce que fait en France DJ Zebra, sur Radio
Nova (disques encore difficilement trouvables dans la grande
distribution, mais accès facile sur Internet :
http://djzebra.free.fr/
19
Dans le même esprit, il faut signaler le Grey album, de Danger Mouse (musicien
évoqué plus haut) qui est un mélange (ou mashup) de deux disques célèbres : le « White
album » des Beatles et le Black album du rappeur Jay-Z. Sorti en 2004, il est immédiatement
interdit pour des questions de droits, mais a suscité un vif intérêt.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Danger_Mouse
Musique expérimentale :
En marge de la pop, des courants plus expérimentaux continuent à se développer
depuis les années 60 (et le krautrock, le minimalisme, etc.) et à interagir avec les musiques
plus commerciales…
On peut citer la scène du turntablism (vue plus haut) ou encore, par exemple, John
Oswald :
Ecoute : Angle / John Oswald, sur l’album Discosphere (1991)
Ce morceau est très fragmenté, mais il a pourtant réussi à conserver un vrai groove dans ce
qu’on entrevoit être la source initiale (cuivres funk/soul). Résultat étonnant…
En Angleterre, le batteur-chanteur de This Heat, Charles Hayward, continue dans la
voie tracée par son ancien groupe, par exemple sur l’album Tribute to Mark Rothko (1989).
Les techniques sonores ont évolué (échantillonnage) mais la filiation avec un groupe de
krautrock comme Faust reste bien présente dans l’intention.
Les Invisibles : un exemple de bande originale de film française.
Au-delà de l’intrigue romantique un peu convenue, un film qui offre une
réflexion intéressante sur les sons, et donne lieu à une BO originale
recyclant des dialogues et des sons du film, par Noel Akchoté, une figure
de la jeune scène européenne des musiques improvisées.
Et « aujourd’hui en France » ?
Dans l’électro et le rap, mais aussi le rock et la chanson, on retrouve cette utilisation
des collages, qui s’est disséminée un petit peu partout. On a déjà cité à propos du trip-hop des
groupes comme les Toublemakers et The Cinematic Orchestra…
Parmi une scène electro très vaste, on peut citer aussi Sporto Kantes : Act.1 (2000).
Duo avec l’ex-bassiste du groupe rock Les Wampas (comme quoi il existe des passerelles
entre les styles). Très bon disque electro utilisant beaucoup de samples, assez variés, de
reggae, world, rock, sur une base assez groove (comme c’est souvent le cas)…
Et, plus à mi-chemin entre musiques électroniques et hip-hop : Birdy Nam Nam (le
nom est un clin d’œil au film 60’s culte The Party de Blake Edwards). Collectif réunissant
quatre des plus grands DJ français, champions des compétitions de turntablism. Certains ont
déjà joué en groupe, comme Crazy B pour Alliance Ethnik, et DJ Pone avec les Svinkels. Il a
fallu un an de travail pour constituer les morceaux de
l’album, en utilisant uniquement quatre platines, pour
inventer et mélanger rythmes, mélodies et styles musicaux.
Réunissant leur goût pour toutes les musiques, hip-hop,
mais aussi jazz, musique de films, electro, dub et même
rock, ils font preuve d’une inventivité et d’un humour
bienvenus dans ce qui aurait pu tourner à la démonstration
vaine et creuse. Mais c’est surtout en live que cette équipe
donne le meilleur d’elle-même (longue tournée qui s’est
conclue par un concert impressionnant aux Transmusicales
de Rennes). Voir le DVD bonus. www.birdynamnam.com
20
Et à propos de Peter Sellers et des références à The Party, on peut citer Kid Chocolat
(Suisse !) : Hello Children, the Peter Sellers RMX (Poor Rds, 2004) : des artistes sont invités
à remixer l’album entier d’un musicien (avec parfois plusieurs mix d’1 même titre…).
http://www.kidchocolat.ch/
Dans un domaine plus proche de pop, voir de la chanson française :
Etienne Charry, ex-chanteur du groupe Oui Oui au début des 90’s, avec Michel
Gondry, qui deviendra célèbre réalisateur de clips (Bjork, White Stripes…) et cinéaste (La
Science des rêves…) et chez qui on retrouve en images ce même univers à la fois onirique et
de tout-bricolage.
36 erreurs : tout l’album est un immense collage / bricolage de
tableaux très variés, 36 plages plus ou moins courtes, dialogues de
films, chanteurs invités… La pochette elle-même est un collage
bigarré d’emballages de produits commerciaux. On y trouve un
hit-parade
reconstitué,
avec
sept
chansons
courtes,
applaudissements et jingles, des thèmes récurrents : N° 3 : Un
petit pas pour l’homme, N° 30… Un grand bond pour
l’humanité ! L’un des disques rock-pop les plus originaux
produits jamais en France (en 1999, sur Tricatel, le label de
Bertrand Burgalat).
Ecoute : Sergent crado (référence à Sgt Pepper) ; Opéritif ; La bonne étoile ; Camping-gaz
(= 3 titres très courts enchaînés).
Aube radieuse, serpent en flammes (Tricatel, 2001): Lettre anonyme : un pur collage de
paroles sans musique, très drôle et inventif, dans un esprit très surréaliste (cadavres exquis).
Le dernier titre, Grand luminaire est un long collage (12 minutes) sans construction formelle
précise, de musiques et de sons plutôt étranges… Même idée que dans le Paul’s boutique des
Beastie Boys, mais dans un registre différent.
On peut faire un parallèle entre eux et lui : vastes puzzles humoristiques d’influences
diverses, avec clins d’œil aux Beatles (samples de Sgt Pepper et long collage final, qui
rappelle également celui d’Abbey Road).
Autres exemples d’utilisation de collages, de-ci de-là :
Ignatus : Cœur de bœuf dans un corps de nouilles (2004). On y trouve de nombreux
samples, utilisés de façon très ludique, sur disques comme en concert, où ce chanteur les
déclenche par exemple en tapotant les poches de sa veste équipées de capteurs, ou en tapant
sur des têtes de marionnettes…
Holden : Groupe pop qui utilise parfois des samples, déclenchés à l’aide d’un clavier,
l’utilisation est la même qu’avec un orgue ou un synthétiseur ; cela rajoute simplement plus
de possibilités sonores.
Ecoute : La colère / Holden (sur L’Arrière-monde, 1998) boucle dès l’intro, sans doute issue
à l’origine d’un accordéon ou d’un orgue à vent…
Depuis quelques années, l’apparition de la pédale d’effet sampler
permet à un musicien seul d’enregistrer instantanément une boucle de
guitare rythmique, puis de jouer autre chose par dessus, avec le même
instrument. Par exemple, la nouvelle pédale d’effet Boss : Loop Station
RC-2. Conçue (à la base) pour la guitare, elle permet d’échantillonner et
de boucler jusqu’à 16 minutes de son, qu’on peut répartir sur 11 mémoires
différentes. C’est beaucoup ! Cette instantanéité du procédé était
totalement impensable jusqu’aux années 90, et ce qui nécessitait ensuite
de grosses machines tient maintenant dans une petite pédale de 10
centimètre.. Cela ouvre donc encore de nouveaux horizons…
21
Pour les plus connus, Anaïs ou Dominique A l’on popularisé ces derniers temps. Voir
la vidéo de Dominique A En solo aux Bouffes du Nord et écouter l’album d’Anaïs : The
Cheap show (2005).
Dans la scène rap française assez récente et plutôt underground, on retrouve pas mal
d’utilisations assez drôles et originales de samples, plus ou moins fréquentes : chez Saïan
Supa Crew, Mr R, Stupeflip, Le Klub des loosers, Rocé… Le rap le plus commercial et le
plus conservateur (pas forcément les mêmes) restants globalement moins inventifs, souvent
sous forte influence américaine (funk, r’n’b...).
Rodolphe Burger et Olivier Cadiot : Welche (Ici d’ailleurs, 2000)
Une expérience originale menée par un musicien et un écrivain. Il s’agit quasiment un travail
de collectage sur le terrain, dans une vallée alsacienne où quelques centaines de personnes
sont les dernières à parler une langue en voie de disparition, le welche.
Ecoute : C’est dans la vallée ; Tante Elizabeth / Rodolphe Burger et Olivier Cadiot
D’abord une voix + musique jouée dessus. Ensuite (2e titre) une voix + le rythme qui est lui
même tiré de l’enregistrement d’un bruit de travail (jardinage ou tache ménagère ?...) + de la
guitare… Page Internet du label Ici d’Ailleurs présentant ce disque :
http://www.icidailleurs.com/artistes/burger-cadiot.htm
à écouter aussi : Hôtel Robinson (Dernière Bande, 2002) même principe, appliqué sur l’Ile de
Batz, en Bretagne.
Toujours en lien avec le traitement de la parole, apparition du remix politique,
« épiphénomène » pour l’instant, mais bien réel : http://fr.wikipedia.org/wiki/Remix_politique
Polémix & La Voix Off : http://blogart.com/polemixetlavoixoff/
Comme par hasard, ils viennent de la radio (Radio
Béton, à Tours) et leur travail à évolué de l’émission
radio jusqu’au concert en passant par Internet et le
disque (la pochette du CD autoproduit ci-contre est
elle-même un collage photographique).
Le WUMP : http://wu-m-p.org/ : projet dans
un esprit assez proche, à Paris, mélangeant hip-hop et
extraits de discours politiques…
Il faut d’ailleurs rappeler l’importance
croissante d’Internet : de nombreux phénomènes
musicaux ne sont plus entièrement (voir plus du tout)
appréhendables par le seul support du disque (ni du
DVD) et cela pose beaucoup de questions, y compris
aux discothécaires…
22
Perspectives
Aujourd’hui, le collage, par le biais des échantillonneurs / samplers, est devenu un
outil usuel dans la production de musique, aussi bien savante et expérimentale que
commerciale et grand public. Dans le rap et r’n’b actuel, on peut trouver au milieu de choses
très convenues des fulgurances, des couleurs sonores inhabituelles inenvisageables il y a vingt
ans mais qui obtiennent aujourd’hui un fort succès populaire (cf. l’exemple de Get ur freak on
de Missy Elliott, produit par Timbaland).
« Timbaland a fabriqué, au fil des ans, un son qui a profondément transformé l'univers
de la pop et du hip-hop : bruits futuristes, refrains joués à l'envers, sifflets, tablas,
échantillonnage de gouttes d'eau, le tout, couché sur d'agressives lignes de basse. »
(Cyberpresse.ca - mars 2007)
http://www.cyberpresse.ca/article/20070331/CPARTS/703310742/5756/CPARTS
Dans le documentaire Universal techno (de Dominique Deluze) quelqu’un dit qu’au
delà du coté fonctionnel de la danse, la techno a permis de faire assimiler à un large public
tout un univers sonore auquel elle était auparavant imperméable. Il en va de même avec le
hip-hop, et dans la foulée, ces évolutions ont été intégrées assez largement dans la culture
rock, voir même dans la pop musique au sens le plus large (voir à ce sujet la forte capacité
d’influence de la publicité).
Le collage, c’est la possibilité du mélange, et c’est aussi la création d’accidents, par
une façon non lisse de mélanger des éléments, des influences différentes… dans ce sens là, on
peut parler d’une éthique du collage.
Selon Bill Laswell (bassiste et compositeur important, à la croisée de nombreux styles
musicaux) « le travail de montage est tout aussi fondamental [aujourd’hui (techno, hip-hop)
que] dans les morceaux de musique qu’on trouvait dans les bacs des disquaires des années 70.
Nous ne le savions pas à l’époque, nous pensions que c’était ainsi que les gens jouaient de la
musique […] mais tout est en fait question de manipulation ».
(Modulations, p. 119)
La musique enregistrée est donc en bonne partie affaire de collages, aujourd’hui
(logiciels de musique ou mix sur platines) comme hier (montages sur bandes magnétiques).
On aurait pu citer aussi le travail de montage en studio de Miles Davis et de son producteur
Teo Macero (cf. un court entretien passionnant dans Modulations, p.75) et bien d’autres
exemples encore…
DJ Shadow, à la recherche
du « Saint-Graal » !...
pochette de l’album
Endtroducing… (1996)
23
A lire - Bibliographie :
L’Art des bruits : manifeste futuriste : 1913 / Luigi Russolo (Allia, 2003)
Ouvrage court et ludique, dans lequel un peintre et musicien tente de
révolutionner l’approche de la musique. John Cage ou Pierre Henry
lui ont notamment rendu hommage.
783 RUS
DJ Culture / Ulf Poschardt (Kargo, 2002). Edition allemande en 1997
S’attache à définir l’essence du DJ (disc-jockey) dans la musique,
des années 50 à aujourd’hui.
784 POS
Can’t stop, won’t stop : une histoire de la génération hip-hop / Jeff Chang
(Allia, 2004). Ouvrage rédigé par un journaliste américain spécialiste du rap ;
une somme, comme souvent chez Allia…
782 CHA
Home studio pour les nuls / Jeff Strong (First Interactive, 2005)
Manuel pratique pour ceux qui souhaitent passer à l’action !
Nombreuses descriptions de logiciels de M.A.O. et de leurs fonctionnalités
(échantillonnage, mixage, etc.)
780.5 STR
Modulations : une histoire de la musique électronique (Allia, 2004)
Ouvrage collectif. Édition anglaise parue en 2000. Contient beaucoup
d’éléments sur les techniques de collage (cité à de nombreuses reprises).
Index très riches : par musiciens, titres, genres, matériel, etc…
784 MOD
La Musique du XXe siècle / Jean-Noël Weid (Hachette, 1997)
Présente tous les courants et les clivages de la musique classique moderne
et contemporaine.
780 WEI
Pierre Henry / Michel Chion. (Fayard, 2003)
Retrace la carrière de ce compositeur français contemporain.
783 HEN
Yo ! Révolution rap / David Dufresne (Ramsay, 1991)
Le premier (et excellent) livre français sur le rap, épuisé mais mis intégralement à disposition
sur Internet par son auteur : http://www.davduf.net/article.php3?id_article=49
A voir - Vidéos :
Universal techno / film de Dominique Deluze (1996)
V 4 DEL 30
Scratch : le sillon de la culture hip hop / film de Doug Pray
V 290 PRA
Les Invisibles / film de Thierry Jousse (2005)
Dominique A
En solo aux Bouffes du Nord (2004)
V JOU
(Espace Adultes)
V 099.8 A
Public Enemy
Live from House of Blues : U.S. poison tour
V 290 PUB
+ voir les DVD bonus de Coldcut et de Birdy Nam Nam.
24
A écouter - Discographie :
Musique contemporaine
Anthologie
Anthologie
Archives du GRM
307 A
Electro Acoustic Music From Sweden (1988)
307 ELE
Contient Mr. Smith in Rhodesia / Ake Hodell (1970)
Anthologie
OHM : The early gurus of electronic music : 1948-1980
6A
Contient Williams mix / John Cage (1952)
Henry, Pierre
Messe pour le temps présent (1968)
et Colombier, Michel
3 HEN 28
Ives, Charles
Contient Washington’s birthday (1913).
3 IVE 24
(En réserve)
Reich, Steve
Different trains / David Robertson, dir. (2000)
3 REI 21
Schaeffer, Pierre
L’œuvre musicale
3 SCH 10
New England Holidays / Michael Gielen, dir. (1973)
Krautrock, new-wave et musiques expérimentales
Anthologie
Turntable solos” (1999)
6A
Cabaret Voltaire
The Voice of America (1980)
2 CAB 70
Can
Tago-mago (1971)
2 CAN 40
Faust
The Faust tapes (1973)
2 FAU 40
Hayward, Charles
A Tribute to Mark Rothko (1989)
6 HAY
Marclay, Christian
More Encores (1988)
6 MAR
Oswald, John
Discosphere (1991)
6 OSW
Residents
Meet the Residents (1973)
2 RES 70
Talking Heads
Remain in light (1980)
2 TAL 70
This Heat
Deceit (1982)
2 THI 70
Trojan dub box set (1998)
Trojan dub box set, vol. 2 (2000)
291 A
Dub
Anthologie
25
Anthologie
X-ray music : a Blood & Fire dub directory (1999)
291 A
Andy, Horace
In the light ; In the light dub (1977)
291 AND
Basement Five
1965 - 1980 ; Basement 5 in dub (1980)
291 BAS
Perry, Lee
Upsetters : 14 dub blackboard jungle (1973)
291 PER
King Tubby
Dub like dirt : 1975 – 1977
291 KIN
Anthologie
Studio One rockers (2001)
291 A
Contient Skylarking (Horace Andy) et sa version dub (Prince Jazzbo)
Hip-hop / rap
Anthologie
Old School : naissance de la nation rap (1994)
290 A
Contient tous les grands classiques des débuts du rap US
Anthologie
Tommy Boy’s greatest beats : 1981 – 1996
209 A
En 4 volumes distincts. Le vol. 1 contient Planet rock
Beastie Boys
Paul’s boutique (1989)
290 BEA
Danger Doom
The mouse and the mask (2005)
290 DAN
De La Soul
3 feet high and rising (1989)
De La Soul is dead (1991)
290 DEL
Madvillain
Madvillainy (2004)
290 MAD
Missy Elliott
Miss E… so addictive, 2001)
290 ELL
Public Enemy
Fear of a black planet (1990)
Apocalypse 91… the enemy strikes black (1991)
290 PUB
Seven L & Esoteric A new dope (2006)
290 SEV
Everywhere utilise un sample de Gainsbourg : Bonny and Clyde
Rap français
IAM
Ombre est lumière (1993)
099.8 IAM
Klub des Loosers
Vive la vie (2004)
099.8 KLU
Prose combat (1993)
099.8 MCS
MC Solaar
Nouveau Western utilise un sample de Gainsbourg : Bonnie and Clyde
Mr R
Au commencement (1997)
R III utilise un sample de Vivaldi
26
099.8 MRR
(En réserve)
Saïan Supa Crew
KLR (1999)
099.8 SAI
Darkness utilise un sample de Dionne Warwick, très subtilement
Suprême NTM
1993… j’appuie sur la gâchette (1993)
099.8 SUP
Musiques électroniques (house, techno, trip-hop, drum & bass, big beat…)
Anthologie
Headz : a soundtrack of experimental hip-hop jams (1994) 4 A 20
Compilation phare du label anglais Mo wax.
Anthologie
Métamorphose : Messe pour le temps présent
4 A 00
Hommage de la scène electro à Pierre Henry.
Anthologie
Reich remixed (1999)
4 REI 60
Hommage de la scène electro à Steve Reich.
2 Many DJ’s
As Heard on Radio Soulwax part 2 (2002)
4 TWO 50
Amon Tobin
Bricolage (1997)
Supermodified (2000)
Out From Out Where (2002)
Foley Room (2007)
4 TOB 60
Birdy Nam Nam
Birdy Nam Nam (2005)
4 BIR 20
Coldcut
Let us play (1997)
4 COL 60
DJ Cam
Substances (1996)
4 DJC 20
DJ Krush
Krush (1995)
4 DJK 20
DJ Shadow
Endtroducing… (1996)
4 DJS 20
Fat Boy Slim
You've Come A Long Way, Baby (1998)
4 FAT 50
Herbert
Around the house (1998)
Bodily functions (2001)
4 HER 40
Kid Chocolat :
Hello Children, the Peter Sellers RMX (2004)
4 KID 20
M/A/R/R/S
Pump up the volume
Titre présent sur la B.O. du film American Psycho
520 AME
Moby
Play (1999)
4 MOB 50
Portishead
Dummy (1994)
280 POR
Sporto Kantes :
Act.1 (2000)
4 SPO 20
27
Squarepusher
Go plastic (2001)
4 SQU 60
Tipsy
Uh-Ho (2001)
4 TIP 20
Troublemakers
Doubts & Convictions (2001)
4 TRO 20
Anaïs
The Cheap show (2005)
099.7 ANA
Avalanches, The
Since I left you (2001)
4 AVA 50
Beck
Mellow gold (1994)
Odelay (1996)
2 BEC 60
Beatles, The
Revolver (1966)
Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band (1967)
Abbey Road (1969)
Anthology vol. 1 (1995). Contient Free as a bird.
Love (2007)
2 BEA 00
Burger Rodolphe
et Cadiot, Olivier
Welche (2000)
099.8 BUR
Charry, Etienne
36 erreurs (1999)
Aube radieuse, serpent en flammes (2001)
099.8 CHA
Clash, The
Sandinista ! (1980)
2 CLA 60
Cornelius
Fantasma (1998)
2 COR 60
(En réserve)
Gainsbourg, Serge
Initials B.B. (1968)
099.7 GAI
Pop-rock
Sample de Bonnie and Clyde utilise par MC Solaar
Holden
L’arrière-monde (1998)
099.8 HOL
Ignatus
Coeur de boeuf dans un corps de nouille (2004)
099.7 IGN
Pink Floyd
Ummagumma (1969)
2 PIN 00
Soul Coughing
Ruby Vroom (1994)
2 SOU 60
Zappa, Frank
/ The Mothers
We’re only in it for the money (1967)
Uncle meat (1969)
28
2 ZAP 00
Définitions / liens Internet :
boucle / loop : séquence musicale obtenue en bouclant un échantillon sur lui-même
break / breakbeat : utilisation d’extraits instrumentaux de chansons et par extension styles de
musique qui utilisent ce type de rythmiques.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Breakbeat
collage (art) : technique consistant à marier des éléments hétérogènes en les collant ensemble.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Collage_%28art%29
cut up / cutting : découpage de textes (littérature) ou de sons (musique)…
sur les collages littéraires de Burroughs : http://www.6bears.com/cutup.html
DJ / disc jockey : celui qui sélectionne et passe des disques sur ses platines (vinyles ou CD).
http://fr.wikipedia.org/wiki/Disc_jockey
échantillon / sample : extrait de musique ou un son réutilisé en dehors de son contexte afin de recréer
une nouvelle composition. L'extrait peut être une note ou un motif musical.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Sample
échantillonneur / sampler : appareil ou logiciel permettant de créer des échantillons sonores.
groove : sensation ou qualité, voir style musical qu’on peut rapprocher de la notion de swing en jazz.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Groove
hip-hop : mouvement culturel et artistique apparu aux États-Unis dans les années 1970 et dont les
principales disciplines sont le rap, le graffiti, le deejaying, et la danse.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Hip_hop
home studio : petit studio d'enregistrement sonore à caractère amateur ou semi-professionnel. Voir
aussi : studio d’enregistrement.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Home_studio
mashup : (aussi appelé bootleg, ou bastard pop) : un genre musical hybride qui consiste à associer
dans un même morceau deux ou plusieurs titres existants (souvent les parties vocales d'un morceau sur
la musique d'un autre).
http://fr.wikipedia.org/wiki/Mashup_%28musique%29
musique assistée par ordinateur (MAO) : composition musicale avec l’outil informatique.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Musique_assist%C3%A9e_par_ordinateur
pédale d’effet : appareil électronique pour modifier le son émis d’un instrument de musique amplifié.
http://fr.wikipedia.org/wiki/P%C3%A9dale_d'effet
remix : version modifiée d'un morceau, réalisée en studio avec des techniques d'édition audio.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Remix
scratching : faire tourner à la main un disque sous une tête de lecture de platine vinyle,
alternativement en avant et en arrière, de façon à produire un effet spécial.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Scratching
studio d’enregistrement : local équipé pour réaliser des enregistrements sonores ; par extension,
l’appareil permettant d’enregistrer et de mixer le son (voir home studio).
http://fr.wikipedia.org/wiki/Studio_d%27enregistrement
29