HISTOIRE DE L`EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
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HISTOIRE DE L`EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS RELIGION 341-343 RELIGION 341-343 HISTOIRE D E L’E G L I S E D A N S LA PLÉNITUDE DES TEMPS Histoire de l’Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours Rédigé par le département d’enseignement de l’Eglise Publiée par l’Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours Salt Lake City, Utah (U.S.A.) Remerciements Nous remercions tous ceux qui nous ont permis d’utiliser les illustrations figurant dans ce manuel. Celles dont l’origine n’est pas explicitement mentionnée ont été fournies par les Archives de l’Eglise, le Museum of Church History and Art, le programme des cours universitaires du département d’enseignement de l’Eglise et la bibliothèque de la documentation visuelle de l’Eglise. Copyright © 1989, 1993 Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours Tous droits réservés Imprimé en France Date d’approbation de la version anglaise: 1 janvier 1993 Date d’approbation de la traduction: 1 janvier 1993 Traduction de Church History in the Fulness of Times French TA B L E Préface D E S M AT I È R E S ........................................................v Chapitre 1 Prélude au Rétablissement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 Chapitre 2 Patrimoine spirituel de Joseph Smith en Nouvelle-Angleterre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 Chapitre 3 La Première Vision. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29 Chapitre 4 Une période de préparation, 1823-29 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37 Chapitre 5 Parution du Livre de Mormon et rétablissement de la prêtrise. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52 Chapitre 6 Organisation de l’Eglise de Jésus-Christ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67 Chapitre 7 Expansion de la jeune Eglise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80 Chapitre 8 Rassemblement en Ohio . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90 Chapitre 9 Rassemblement au pays de Sion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103 Chapitre 10 Evolution de l’Eglise en Ohio, 1831-34 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114 Chapitre 11 Expulsion du comté de Jackson . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128 Chapitre 12 Le camp de Sion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143 Chapitre 13 Une période merveilleuse à Kirtland, 1834-36 . . . . . . . . . . . . . . . 155 Chapitre 14 Apostasie à Kirtland, 1836-38 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 171 Chapitre 15 L’Eglise dans le nord du Missouri, 1836-38 . . . . . . . . . . . . . . . . . . 183 Chapitre 16 Persécutions et expulsion du Missouri . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 195 Chapitre 17 Refuge en Illinois . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 213 Chapitre 18 Mission des Douze . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 227 Chapitre 19 Vie à Nauvoo la Belle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 242 Chapitre 20 Amplification de la doctrine à Nauvoo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 253 Chapitre 21 Conflits croissants en Illinois . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 265 Chapitre 22 Le martyre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 275 Chapitre 23 Les Douze emportent le royaume . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 288 Chapitre 24 Nauvoo sous la direction apostolique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 299 Chapitre 25 La traversée de l’Iowa . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 311 Chapitre 26 Pionniers dans l’Ouest . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 325 Chapitre 27 Création d’un havre à Deseret . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 339 Chapitre 28 L’Utah dans l’isolement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 354 Chapitre 29 La guerre d’Utah . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 370 Chapitre 30 Période de la guerre de Sécession . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 383 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Chapitre 31 A la recherche de l’autonomie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 395 Chapitre 32 Présidence de Brigham Young: les dix dernières années . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 408 Chapitre 33 Dix ans de persécutions, 1877-87 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 424 Chapitre 34 Une ère de réconciliation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 437 Chapitre 35 L’Eglise à la charnière du siècle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 453 Chapitre 36 L’Eglise à l’aube du vingtième siècle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 467 Chapitre 37 L’Eglise entre résolument dans le nouveau siècle . . . . . . . . . . . . 483 Chapitre 38 Changements et constance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 497 Chapitre 39 L’Eglise entre dans la grande Dépression . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 511 Chapitre 40 Les saints pendant la Seconde Guerre mondiale . . . . . . . . . . . . . 524 Chapitre 41 L’après-guerre. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 537 Chapitre 42 L’Eglise devient mondiale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 552 Chapitre 43 Une ère de coordination et de regroupement . . . . . . . . . . . . . . . 565 Chapitre 44 L’Eglise allonge la foulée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 582 Chapitre 45 Gestion d’une Eglise mondiale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 594 Chapitre 46 Période de difficultés et de croissance. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 604 Chapitre 47 Destinée de l’Eglise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 615 Membres du Collège des douze apôtres. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 619 Index . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 627 P R É FA C E D ANS LES DERNIERS JOURS, «le Dieu des cieux suscitera un royaume qui ne sera jamais détruit». Ce royaume, annoncé par Daniel, était comparé à une pierre détachée «de la montagne sans le secours d’aucune main» qui roulerait et prendrait de la vitesse jusqu’à remplir finalement la terre entière (Daniel 2:44-45; voir aussi D&A 65:2). Mark E. Petersen, du Collège des douze apôtres, témoigne: «Cette pierre, c’est l’Eglise à laquelle nous appartenons, vous et moi. Elle s’est détachée de la montagne sans le secours d’aucune main, et notre destinée, à vous et à moi, est de contribuer à la faire rouler» (dans Conference Report, octobre 1960, p. 82). Depuis Adam, les prophètes annoncent le temps où la dispensation de la plénitude des temps sera inaugurée et où le Seigneur réunira «toutes choses en Christ, celles qui sont dans les cieux et celles qui sont sur la terre», qui sont nécessaires pour sa Seconde Venue et son règne millénaire (Ephésiens 1:10). L’heure fixée prédite par tous les saints prophètes fut le printemps 1820, lorsque Dieu le Père et son Fils, Jésus-Christ, apparurent à Joseph Smith. C’est par cette glorieuse vision que commencèrent à s’accomplir les paroles prophétiques d’Esaïe par lesquelles il a témoigné que le Seigneur “accomplirait des prodiges et des miracles” parmi les enfants des hommes (Esaïe 29:14). Joseph Smith, appelé par Dieu, a jeté les fondements sur lesquels ses successeurs ont bâti. Sous l’inspiration du ciel, le prophète traduisit le Livre de Mormon, reçut la sainte prêtrise et organisa de nouveau l’Eglise de Jésus-Christ parmi les mortels. C’est par son intermédiaire que furent rétablies les clefs de la prêtrise. «Et qu’entendons-nous encore? . . . «La voix de Michel, l’archange; la voix de Gabriel, de Raphaël et de divers anges, de Michel ou Adam jusqu’à nos jours, tous proclamant leur dispensation, leurs droits, leurs clefs, leurs honneurs, leur majesté et leur gloire, et le pouvoir de leur prêtrise, donnant ligne par ligne, précepte par précepte, un peu ici et un peu là, nous apportant de la consolation en nous montrant ce qui doit venir, confirmant notre espérance!» (D&A 128:20-21). Avec le rétablissement de ces clefs, Israël pouvait maintenant être ramené de sa longue dispersion, et toutes les ordonnances salvatrices de l’Evangile pouvaient maintenant être administrées aux vivants et aux morts. Parmi les tout premiers commandements donnés à l’Eglise, il faut citer celui-ci: «Sion doit croître en beauté et en sainteté; ses frontières doivent être élargies, ses pieux doivent être fortifiés; oui, en vérité, je vous le dis: Sion doit se lever et se parer de ses beaux vêtements» (D&A 82:14). v HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Depuis cette époque, l’Eglise a survécu à son expulsion de quatre Etats, aux tracasseries et à la persécution permanente à l’encontre de ses dirigeants, à l’ordre d’extermination lancé par un gouverneur, au martyre de son prophète, au retrait de ses droits civiques par le gouvernement et à la pauvreté des saints. C’est là ce que l’Eglise a subi et ce à quoi elle a survécu au cours du premier siècle de son histoire; c’est dans cette adversité, ces persécutions et cet appauvrissement que l’Eglise a acquis sa force et sa maturité. Lorsque Joseph F. Smith, fils de Hyrum, frère du prophète Joseph, devint président de l’Eglise, il pouvait dire: «Nous avons franchi les étapes de la petite enfance . . . et nous abordons l’état adulte dans notre expérience de l’Evangile» (dans Conference Report, avril 1909, p. 2). Les missionnaires firent une moisson de convertis dans le monde entier. Des semences furent déposées un peu partout et des missions devinrent des pieux. Les frontières de Sion s’élargirent. Lorsque Joseph Fielding Smith, fils de Joseph F. Smith, devint président de l’Eglise, il déclara: «Nous devenons une Eglise et un peuple majeurs. Nous avons atteint la stature et la force qui nous permettent de nous acquitter de la mission dont le Seigneur nous a chargés par l’intermédiaire de Joseph Smith, le prophète, à savoir que nous devons porter la bonne nouvelle du rétablissement à toutes les nations et à tous les peuples» (Conférence interrégionale de Manchester, 1971, p. 5). Deux ans plus tard, son successeur, Harold B. Lee, disait: «Nous assistons, aujourd’hui, à la manifestation de la main du Seigneur au milieu même de ses saints, les membres de l’Eglise. Jamais dans notre dispensation, et peut-être jamais auparavant au cours d’une seule période, les membres de l’Eglise n’ont autant qu’aujourd’hui ressenti le besoin d’agir d’urgence. Ses frontières s’élargissent, ses pieux se fortifient . . . «On ne peut plus considérer l’Eglise comme ‹l’Eglise d’Utah› ou comme une ‹Eglise américaine›: la population de l’Eglise se répartit maintenant sur toute la terre» (dans Conference Report, avril 1973, p. 6; ou Ensign, juillet 1973, pp. 4-5). Une «pierre . . . détach[ée] de la montagne sans le secours d’aucune main» par l’intervention de Dieu (Daniel 2:45), telle est la métaphore utilisée par le Seigneur pour décrire l’expansion de l’Evangile dans le monde entier. Cette pierre roule maintenant et va remplir la terre. Alors le royaume du Seigneur durera éternellement, et il gouvernera le monde et régnera sur la maison d’Israël, sur ceux qui l’ont aimé et ont gardé ses commandements. vi CHAPITRE UN PRÉLUDE Ligne du temps Date Evénement important 34-100 Les apôtres dirigent l’Eglise du Nouveau Testament L AU R É TA B L I S S E M E N T E RÉTABLISSEMENT de l’Evangile de Jésus-Christ et l’établissement de Sion sont les deux grands événements de l’histoire de l’humanité qui précèdent la seconde venue de Jésus-Christ. «L’édification de Sion est une 60-70 Martyres de Pierre et de Paul cause qui a intéressé le peuple de Dieu à toutes les époques, écrit Joseph Smith, le 325 Concile de Nicée 1300-1500 Renaissance prophète. C’est un thème sur lequel les prophètes, les prêtres et les rois se sont 1438 Gutenberg perfectionne les caractères mobiles d’imprimerie 1492 Premier voyage de Colomb en Amérique 1517 Rébellion de Luther contre l’Eglise catholique 1620 Arrivée des Pèlerins à Plymouth 1740-60 Premier grand Réveil 1775-83 Guerre d’indépendance américaine 1789 Création de la Constitution des Etats-Unis 1790-1830 Deuxième grand Réveil étendus avec de grands délices; ils ont espéré dans une joyeuse attente le jour où nous vivons1.» Ce rétablissement moderne est le dernier acte du drame divin créé par Dieu pour ses enfants avant le millénium. Nous sommes dans la «dispensation de la plénitude des temps» (voir Ephésiens 1:10) dans laquelle devait avoir lieu «le rétablissement de toutes choses» comme le Seigneur l’avait promis «anciennement par la bouche de ses saints prophètes» (Actes 3:21). En fait l’Evangile est plus ancien que la terre elle-même. Ses principes sont éternels et ont été révélés aux enfants de Dieu dans les conseils des cieux. Le plan du Père était centré sur Jésus-Christ, qui avait été choisi pour être «l’agneau qui a été immolé dès la fondation du monde» (voir Apocalypse 13:8). Dans ces conseils, notre Père céleste expliqua que la terre serait, pour ses enfants, un lieu de mise à l’épreuve, déclarant: «Nous les mettrons ainsi à l’épreuve, pour voir s’ils feront tout ce que le Seigneur, leur Dieu, leur commandera» (Abraham 3:25). C’est pourquoi, le Père accorda à ses enfants le principe éternel du libre arbitre afin qu’ils pussent choisir le bien plutôt que le mal. Lucifer se rebella contre le Père et contre son plan et fut chassé du ciel. Il devint connu sous le nom de Satan, ou le diable, le père de tous les mensonges, qui, sur terre, allait tromper les hommes et mener «captifs à sa volonté tous ceux qui ne voudraient pas écouter [la voix de Dieu]» (Moïse 4:4). D’autre part, Dieu suscita des prophètes pour enseigner à ses enfants les principes et les ordonnances salvateurs de l’Evangile de Jésus-Christ. Depuis le début il y a une lutte entre les royaumes de Dieu et de Satan. L’Eglise de JésusChrist, organisation terrestre du Seigneur, a été établie à certains moments sur la terre pour rassembler les enfants élus et obéissants de Dieu en une société basée sur les alliances et pour les entraîner à combattre le mal. La vraie Eglise a les principes et les ordonnances nécessaires de l’Evangile de Jésus-Christ qui conduisent à la vie éternelle. On appelle dispensation la période au cours de laquelle le Seigneur révèle la doctrine, les ordonnances et la prêtrise de son Evangile. Par exemple, il y a eu la dispensation d’Adam, d’Enoch, de Noé, d’Abraham, de Moïse et des Néphites. Ces La Seconde Venue, par Harry Anderson dispensations ont donné à ceux qui étaient fidèles et obéissants l’occasion sur terre 1 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS de vaincre le monde méchant et de se préparer à la vie éternelle en se conformant aux principes et aux ordonnances de l’Evangile de Jésus-Christ. Maintes et maintes fois, l’épanouissement de la vraie Eglise a été suivi d’une apostasie, c’est-à-dire d’un abandon de la vérité. C’est ainsi que dans l’histoire du monde, ces épanouissements et ces apostasies ont été cycliques. Chaque fois que le peuple du Seigneur tombait dans l’apostasie, se manifestait le besoin de rétablir l’Evangile. Le rétablissement dont il est question dans ce texte n’est pas autre chose que le dernier de la série des rétablissements qui ont eu lieu au cours des siècles. L’E G L I S E DU N O U V E A U T E S TA M E N T Lorsqu’il vint au monde et exerça son ministère en Israël, le Seigneur JésusChrist rétablit l’Evangile et la prêtrise supérieure. Il organisa une Eglise reposant sur «le fondement des apôtres et des prophètes» (Ephésiens 2:20), lesquels devaient poursuivre l’oeuvre après lui. Le Sauveur passa une grande partie de son ministère à former ses apôtres en privé, leur donnant l’autorité et les clefs nécessaires pour poursuivre l’oeuvre après sa mort. Il choisit Pierre, Jacques et Jean comme apôtres présidents. Lors de son ascension, il confia aux apôtres la mission de porter le message du salut au monde entier. L’Eglise était numériquement réduite quand les apôtres en prirent la direction. Une semaine seulement après l’ascension du Sauveur, le Saint-Esprit se manifesta abondamment le jour de la Pentecôte, tandis que les apôtres enseignaient l’Evangile et témoignaient de la réalité de l’existence du Seigneur ressuscité. En cette occasion, trois mille personnes furent baptisées pour entrer dans l’Eglise. Les apôtres continuèrent à exercer leur ministère avec puissance et avec autorité, ce qui eut pour résultat la conversion de milliers d’autres personnes. Jusqu’alors l’Evangile avait été limité à la maison d’Israël. Mais un jour qu’il priait sur le toit d’une maison à Joppé, Pierre eut une vision qui lui apprit que Dieu ne fait pas acception de personnes, qu’aucun groupe ne doit être considéré comme impur et que l’Evangile doit aller aux Gentils aussi bien qu’aux Juifs (voir Actes 10:9-48). Au moment de son ascension, le Sauveur confia à ses disciples la mission d’être ses «témoins . . . jusqu’aux extrémités de la terre» (Actes 1:8). 2 PRÉLUDE AU RÉTABLISSEMENT Cologne Samarita Mayence Germanie Rh in Dacie Gaule Lyon Vienne e Océan Atlantique Solona Danu M Leon Astorga b er Ad Ostie ria Rome tiq ue Antium Puteoli Pompeï Saragosse Hispanie Mer Noire Debeltum Macédoine Merida Hispalis Sicie Cirta Lambesis Athénes Corinthe Syracuse Carthage Madaurus Sparte Hadrumetum Mer Méditerranée Gortyna Sinope Amastris Amisus Nicomedie Ancyra Césarée Antioche Mazaca Pisidie Malatya Troas Pergam Thyatire Sardes Ephèse Cordoue Colosses Milet Cnossus Créte Mer Caspienne Ionopolis Apcilonia Thessalonique Phillippes Byzance Bèrée Iconium Lystres Derbe Myra Laodicée Salamis Samsat Nisibia Tarsue Edessa Apamea Antioche Paphos Chypre Cyrëne Tripolis Damas Sidon Tyr DuraEuropos Asie Mineure Beit Zabde Parthie Mésopotami Ti rat e Désert d'Arabie Egypte Ni Diffusion du christianisme primitif. A la fin du premier siècle de notre ère, les apôtres avaient porté l’Evangile en Syrie et en Asie Mineure, dans le nord, en Macédoine, en Grèce, en Italie et dans les îles de la Méditerranée, à l’ouest, puis dans le nord-est de l’Afrique et en Egypte. Un siècle plus tard, il y avait des communautés chrétiennes en Gaule, en Germanie et dans la péninsule Ibérique aussi bien que dans le nord-ouest de l’Afrique. e ph Naucratis Limites de l'empire romain gr Alexandrie Memphis Chrétienté au deuxiéme siécle ap. J.–C. Eu Jérusalem Chrétienté au premier siécle ap. J.–C. l Mer Rouge Golfe Persique La conversion de Saul de Tarse, qui eut lieu quelque temps plus tard, fut un événement très important dans la croissance de l’Eglise. Saul, qui avait persécuté les premiers croyants, contempla le Sauveur dans une lumière éclatante pendant qu’il était sur le chemin de Damas. «Je suis Jésus que tu persécutes» (Actes 9:5), proclama le Seigneur ressuscité à ce pharisien abasourdi. Et Saul, l’agent du sanhédrin, devint Paul, le défenseur de la foi, un «instrument . . . choisi» (Actes 9:15) pour proclamer le nom du Christ devant les païens et les rois. Au cours des trente années qui suivirent, cet apôtre intrépide, en compagnie de beaucoup d’autres disciples dévoués, répandit le message de l’Evangile et créa des branches de l’Eglise dans une grande partie de l’empire romain. La croissance se poursuivant, les branches se multipliant, des anciens, des évêques, des diacres, des prêtres, des instructeurs et des évangélistes (patriarches) furent appelés et reçurent des apôtres l’autorité appropriée. LA G R A N D E A P O S TA S I E Tandis que les apôtres et d’autres missionnaires travaillaient courageusement à établir le royaume du Seigneur sur la terre, les germes de l’apostasie se répandaient déjà dans l’Eglise. Pierre écrivit qu’il y avait déjà parmi le peuple de faux docteurs et qu’il en viendrait d’autres «qui introduir[aie]nt des sectes pernicieuses, et qui, reniant le maître qui les a rachetés, attirer[aie]nt sur eux une ruine soudaine» (2 Pierre 2:1). Pierre prédit aussi que «plusieurs les suivr[aie]nt 3 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS dans leurs dissolutions» (v. 2). Paul témoigna, lui aussi, que, parmi les assemblées des croyants, s’élèveraient «des hommes qui enseigner[aie]nt des choses pernicieuses, pour entraîner les disciples après eux» (Actes 20:30). Mais l’apostasie et l’incrédulité internes n’étaient pas les seules difficultés que devaient affronter les premiers missionnaires. Bien que les Romains eussent généralement pour politique d’accorder la liberté culturelle et religieuse à leurs sujets, il y eut par intermittence des périodes où les chrétiens étaient violemment persécutés, de sorte qu’il leur était difficile d’adorer Dieu ouvertement et de proclamer «la bonne nouvelle» de l’Evangile. Naturellement, c’était à ces moments-là que les dirigeants de l’Eglise constituaient une cible privilégiée pour ceux qui voulaient les emprisonner et les mettre à mort. La première persécution romaine notable se produisit pendant le règne de Néron, qui fit des chrétiens les boucs émissaires de l’incendie de Rome en 64 de notre ère. La tradition affirme que Pierre fut crucifié la tête en bas et que plus tard, en 67-68, l’apôtre Paul fut décapité Crucifixion de Pierre sur ordre de l’empereur. Tout d’abord, les Douze transmirent les fonctions apostoliques. Par exemple, Matthias, qui ne faisait pas partie des douze apôtres originels, fut appelé à l’apostolat. Mais sous l’action de l’esprit de prophétie, les dirigeants de l’Eglise finirent par se rendre compte que l’apostasie n’était pas seulement inévitable mais imminente. Lorsque les apôtres furent tués, la révélation permettant de guider l’Eglise du Seigneur cessa en même temps que l’autorité pour la gérer. Les années qui suivirent la mort des apôtres témoignèrent abondamment de la disparition prédite de l’Eglise du Christ. Les principes de l’Evangile furent corrompus, étant mêlés aux philosophies païennes du jour. La privation du SaintEsprit se manifesta par la disparition graduelle des dons spirituels. Des changements furent apportés dans l’organisation et le gouvernement de l’Eglise, et les ordonnances essentielles de l’Evangile furent modifiées. Selon Joseph Fielding Smith, les résultats de l’apostasie furent fatals: «Dans sa colère, Satan chassa [l’Eglise] dans le désert, ou de la terre; la prêtrise fut enlevée aux hommes, et une fois que l’Eglise eut disparu de la terre avec son autorité et ses dons, le serpent, dans sa colère, poursuivit sa guerre contre tous ceux qui avaient la foi et recherchaient le témoignage de Jésus, désirant adorer Dieu selon l’inspiration de leur conscience. Il connut un tel succès que sa domination s’étendit sur tout le monde connu2.» LA LONGUE NUIT DE TÉNÈBRES Le passage de la vérité à l’erreur dans l’Eglise ne se produisit pas du jour au lendemain. L’apostasie, hâtée par la mort des apôtres au cours de la seconde moitié du premier siècle, s’aggrava peu à peu pendant les années qui suivirent. Lorsqu’arriva le quatrième siècle, on ne pouvait reconnaître quasiment aucune trace de l’Eglise de Jésus-Christ, et la «longue nuit de ténèbres» avait déjà fait du chemin. Une fois les apôtres partis, les dirigeants locaux de l’Eglise acquirent peu à peu davantage d’autorité. Les évêques décidèrent des règles et de la doctrine pour leur région, se déclarant être les véritables successeurs des apôtres. 4 PRÉLUDE AU RÉTABLISSEMENT Graduellement, quelques évêques, dans des grandes villes telles que Rome, Alexandrie, Jérusalem et Antioche, acquirent l’autorité suprême dans toute leur région. Une grande diversité des pratiques et de dogmes apparut du fait que les dirigeants de l’Eglise se reposaient davantage sur la logique et la rhétorique que sur la révélation. «Les compromis entre la vérité et l’erreur, l’assimilation de l’Evangile du Christ aux philosophies des hommes produisirent une nouvelle religion. Cette nouvelle religion était un mélange attrayant de christianisme néotestamentaire, de traditions juives, de philosophie grecque, de paganisme grécoromain et de religions à mystères3.» Avec l’extension et la diffusion de l’Eglise chrétienne, le gouvernement romain changea de politique: de tolérant qu’il était en général, il se fit persécuteur. Cela Constantin le Grand, à la bataille du pont Milvius à Rome. Il devint, en 312, le maître incontesté de Rome et de l’empire d’occident. Un an plus tard, le christianisme obtenait le statut de religion tolérée grâce à son édit de Milan. Les victoires remportées en 324 lui assurèrent la domination sur la moitié orientale de l’empire, et l’année suivante, le concile de Nicée fut réuni pour en entreprendre l’unification religieuse. En 330, il installa sa capitale à Constantinople pour s’éloigner de Rome, bastion du paganisme, et pour avoir plus de facilité pour faire du christianisme la religion d’Etat. La conversion spectaculaire de Constantin, qui se produisit lorsqu’il prétendit avoir eu une vision et avoir vu s’inscrire au ciel une croix rayonnante avec les mots «Par ce signe tu vaincras» est représentée par le tableau du Bernin, Constantin, maintenant exposé au Vatican. était dû en partie au fait que le christianisme apparaissait comme un groupe séparé et distinct du judaïsme auquel des avantages particuliers avaient été accordés en vertu de la loi romaine. Les chrétiens étaient considérés comme antisociaux du fait qu’ils refusaient de remplir des fonctions politiques, de faire le service militaire, d’utiliser les tribunaux civils ou de prendre part aux fêtes publiques. On les qualifiait d’athées parce qu’il n’y avait pas de place dans le monothéisme chrétien pour les dieux romains ou pour un empereur déifié. Pour ces raisons, et peut-être pour d’autres, les Romains lancèrent sporadiquement des attaques contre l’Eglise jusqu’au règne de Dioclétien (285-305). Dioclétien résolut de détruire tous ceux qui n’étaient pas païens sous prétexte que c’était antiromain. Les églises furent détruites, les Ecritures brûlées et les chrétiens obligés de faire des sacrifices sous peine d’être livrés à la torture. Un édit de 306 généralisa la persécution à tout l’empire. Il était peut-être inévitable que l’empire soit forcé d’abolir ses lois contre les chrétiens. L’Eglise continua à grandir, or l’affaiblissement de l’état de l’empire exigeait l’unité, non le désaccord. Constantin, sur le pont Milvius, en 312, utilisa la croix comme symbole d’écrasement de Maxence, son adversaire. L’année suivante, à Milan, Constantin publia son célèbre édit de Tolérance qui garantissait à tous le droit d’adorer comme ils le voulaient, révoquant les mesures qui avaient eu pour but de supprimer le christianisme. Constantin ne devint chrétien que sur son lit de mort, mais le fait qu’il avait accepté et soutenu le christianisme faisait de l’Eglise une partenaire des objectifs de l’empire. C’est parce qu’il était impératif de fortifier l’unité de l’empire romain que Constantin s’intéressa aux conflits théologiques de l’Eglise. Pour résoudre une querelle concernant la nature de la Divinité, Constantin convoqua, en 1325, le concile de Nicée, premier des grands conciles oecuméniques, dans une ville située juste au sud de sa capitale. Le credo qui résulta des délibérations du concile et qui fut approuvé par l’empereur est un exemple classique de la façon dont l’apostasie se produit lorsque la révélation est remplacée par l’argumentation et les décrets. Des conflits semblables furent résolus au cours des siècles qui suivirent, et cela introduisit une influence profane croissante dans la doctrine et les pratiques de l’Eglise. 5 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Lorsque se produisirent les invasions barbares du cinquième siècle en Europe occidentale, beaucoup de tribus germaniques avaient déjà été touchées par diverses sortes de missionnaires chrétiens. C’est pourquoi elles adoptèrent rapidement la culture romaine et le catholicisme. Mais le sac de Rome de 410 fut le signal que l’empire n’était pas invulnérable. Les hordes de Goths, de Vandales et de Huns, qui franchirent les frontières impériales plongèrent l’Occident dans le chaos, laissant dans leur sillage l’embryon de plusieurs Etats distincts. Les dirigeants politiques locaux exercèrent, aux dépens de Rome, une influence accrue sur l’Eglise locale. Au cours des siècles qui suivirent, les Eglises des divers pays européens en cours de développement devinrent en fait le fief ou le domaine féodal des seigneurs des châteaux. La culture, l’instruction et les moeurs rétrogradèrent. C’était le début de la période parfois qualifiée par les historiens d’âge des ténèbres. LA RENAISSANCE ET LA RÉFORME Au quatorzième siècle, un renouveau d’intérêt pour la Grèce et la Rome classiques se manifesta avec, pour résultat, l’épanouissement de la littérature des sciences et des arts. Ce fut véritablement une période de «renaissance» où les hommes, pleins d’assurance, commencèrent à explorer de nouvelles manières d’exploiter leur environnement. Les artistes se détournèrent du mysticisme monotone pour utiliser leurs talents à de nouvelles techniques dans la sculpture, les arts et la littérature. C’était une époque de réalisme où l’on appliquait les instruments de la science et des arts pour glorifier le corps humain et ériger d’immenses cathédrales. Les hommes rejetaient les entraves du passé. La poudre à canon révolutionna l’art de la guerre; la boussole ouvrit de nouveaux horizons aux voyages et aux explorations maritimes; le commerce se lança à la conquête des immensités de l’Orient et le continent américain fut découvert. Au quinzième siècle, l’impression par caractères d’imprimerie mobiles fut considérablement perfectionnée, et des horizons nouveaux s’ouvrirent à l’imprimerie. Cela eut bien entendu un effet immédiat sur la naissance des universités et la dissémination de l’information. La Renaissance fut également une époque de changements spirituels. Dans leur recherche du passé classique, les hommes découvrirent les écrits des premiers Pères de l’Eglise et des copies des Ecritures en hébreu et en grec. Les érudits de la Renaissance commencèrent à mettre ces ouvrages à la disposition du public. La découverte de la simplicité de l’Eglise à ses débuts, contraste frappant avec le rituel et la complexité du christianisme médiéval, en amena beaucoup à redécouvrir leur foi d’origine. Ils fondèrent ou rejoignirent de nouveaux ordres religieux, tels les franciscains et les dominicains, aussi bien que des mouvements hérétiques, tels que les Albigeois et les Vaudois. Dans un sens, la Renaissance eut pour effet de planter le décor de la Réforme protestante, qui détruisit définitivement l’unité du christianisme. Le plus célèbre des Réformateurs fut Martin Luther, qui naquit le 10 novembre 1483 à Eisleben, en Saxe. Lorsqu’il eut dix-huit ans, son père, Hans Luther, 6 PRÉLUDE AU RÉTABLISSEMENT l’envoya à Erfurt faire des études de droit. Mais en 1505, il abandonna ses études de droit pour entrer au monastère des Ermites de saint Augustin. En 1508, il fut envoyé à Wittenberg pour poursuivre ses études de théologie et donner des cours sur la philosophie d’Aristote. Il semble avoir été tourmenté, dès sa prime jeunesse, par le gouffre existant entre la doctrine et les enseignements des Ecritures et les Publié avec la permission du Metropolitan Museum of Art, New York City. Donation de Robert Lehman, 1955 (55.220.2) pratiques du catholicisme. Au cours d’un voyage à Rome en 1510, il fut choqué par la corruption du clergé et l’apathie religieuse du peuple. Cela contribua beaucoup à dissiper la vénération qu’il avait entretenue pour la papauté et lui donna des raisons de défier son autorité. L’étude intensive qu’il avait faite de la Bible l’amena à la position doctrinale qui devait caractériser plus tard la Réforme: la justification par la foi seule (voir Romains 3:28) et non par les bonnes oeuvres. Ce qui suscita le plus l’opposition directe de Luther à l’Eglise de Rome fut la vente des indulgences par les agents du pape Léon X. Les indulgences étaient offertes pour rembourser à Albert de Mayence les frais qu’il avait dû encourir pour Martin Luther (1483-1546) était un moine augustinien qui contesta la doctrine et la structure de l’Eglise catholique. Il traduisit le Nouveau Testament en allemand et défia de diverses autres façons les traditions de l’Eglise romaine. Il fut excommunié et prit la tête de la Réforme en Allemagne. acquérir l’archevêché de Mayence et pour achever Saint-Pierre de Rome. L’achat d’indulgences accordait aux acquéreurs la rémission des péchés et du châtiment du purgatoire et la rémission complète de tous les péchés pour les morts. Le 31 octobre 1517, Luther cloua sur la porte de l’Eglise de Wittenberg ses 95 thèses, qui invitaient l’Eglise à un débat sur l’efficacité des indulgences et des pratiques sacramentelles de l’Eglise. Les thèses de Luther avaient été écrites à l’origine pour susciter une discussion entre érudits, mais les masses ne tardèrent pas à voir en lui un champion et un héros public. Il se défendit contre prélats et érudits et fut finalement même entendu, en 1521, par la Diète impériale de Worms. Entre-temps, son mouvement avait dépassé le plan purement religieux et était devenu politique, et l’unité du Saint-Empire romain était menacée. Sommé de mettre fin à son oeuvre, Luther déclara hardiment: «A moins que l’on ne me convainque par des témoignages scripturaires ou par une raison d’évidence (car je ne crois ni au pape ni aux conciles seuls: il est constant qu’ils ont erré trop souvent et se sont contredits eux-mêmes), je suis lié par les textes que j’ai apportés; ma conscience est captive des paroles de Dieu. Révoquer quoi que ce soit, je ne le puis, je ne le veux. Car agir contre sa conscience, ce n’est ni sans danger, ni honnête4.» Etant donné sa résistance, il fut excommunié et mis au ban de l’empire, ce qui faisait de lui un hors-la-loi. Il fut protégé par des princes allemands qui sympathisaient avec ses idées et voulaient une plus grande autonomie politique vis-à-vis de Rome. Cette protection lui permit de traduire la Bible en allemand. Elle fut d’une importance capitale dans toute l’Europe parce que c’était la première traduction en langue vulgaire qui n’était pas basée sur la version latine de Jérôme, la Vulgate. Peu à peu de nouvelles formes de culte et des innovations doctrinales préconisées par Luther furent introduites dans beaucoup d’Etats allemands. Lorsqu’il fut évident que l’Eglise catholique n’allait pas se réformer, les disciples de Luther fondèrent l’Eglise luthérienne. Le luthéranisme devint la religion de 7 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS beaucoup d’Etats du nord et du centre de l’Allemagne mais ne réussit absolument pas à conquérir la Bavière et les Etats de l’Est. Le culte se répandit néanmoins vers le nord, en Scandinavie et de là en Islande. Si l’on ne peut pas dire que Luther apporta la liberté religieuse à l’Europe, la force de son mouvement assura au moins une société pluraliste où d’autres groupes religieux pourraient pratiquer la tolérance. Si Luther fut le plus célèbre des réformateurs, il ne fut pas le premier. Un siècle et demi plus tôt, dans les années 1300, John Wycliffe, en Angleterre, dénonça la corruption et les abus de l’Eglise catholique et condamna le pape comme étant l’antéchrist. Il traduisit les Ecritures et les diffusa parmi les gens du commun. Il fut sévèrement condamné par l’Eglise, mais ses enseignements furent bien accueillis par ses concitoyens. C’est ainsi que lorsque Luther et d’autres réformateurs du continent commencèrent leur oeuvre, beaucoup d’Anglais sympathisèrent avec eux. La Réforme fut différente en Angleterre de ce qu’elle était dans les autres pays. Le roi Henri VIII, qui désapprouvait Luther, prétendit que le pape n’avait pas l’autorité de lui refuser de divorcer de sa femme. Il s’ensuivit une querelle au cours de laquelle le roi rejeta l’autorité du pape, lequel l’excommunia en 1533. Henri fonda alors l’Eglise d’Angleterre. Les deux grands réformateurs de Suisse furent Ulrich Zwingli et Jean Calvin. Zwingli convainquit les citoyens de Zurich que la Bible devait être le seul critère de la vérité religieuse. Sur la base de ce critère, il rejeta la vie monastique, le célibat, la messe et d’autres pratiques catholiques. Jean Calvin fut encore plus influent. A Genève, il tenta de créer une ville sainte sur le modèle biblique. Peu à peu le calvinisme se généralisa dans beaucoup de parties de la Suisse et se répandit de là en France, en Angleterre, en Ecosse, en Hollande et même, dans une moindre mesure, en Allemagne. John Knox, un des premiers convertis au calvinisme, contribua à en raffiner et à en amplifier les enseignements. Les pèlerins et les puritains, deux groupes calvinistes stricts, qui émigrèrent vers le Nouveau Monde, influencèrent considérablement les idées américaines. Par exemple, parmi les croyances fondamentales du calvinisme bien implantées très tôt en Amérique, il y a la souveraineté absolue de Dieu, l’élection par la grâce, l’idée que les membres de l’Eglise sauvés devaient être des instruments entre les mains de Dieu pour racheter les autres et la notion que l’Eglise devait être «une lumière sur la colline» pour influencer les affaires des hommes dans ce monde. Les saints des derniers jours croient que l’oeuvre de tous ces réformateurs a préparé le rétablissement de l’Evangile. Joseph Fielding Smith a écrit: «En vue de ce rétablissement, le Seigneur suscita des hommes nobles comme Luther, Calvin, Knox et d’autres, que nous appelons réformateurs, et leur donna le pouvoir de briser les entraves qui liaient le peuple et lui refusaient le droit sacré d’adorer Dieu selon les inspirations de sa conscience . . . «Les saints des derniers jours honorent comme il convient ces grands réformateurs courageux qui ont fait éclater les entraves qui liaient le monde 8 PRÉLUDE AU RÉTABLISSEMENT religieux. Le Seigneur était leur Protecteur dans cette mission qui était accompagnée de nombreux périls. Mais à l’époque, le temps du rétablissement de la plénitude de l’Evangile n’était pas venu. L’oeuvre des réformateurs était d’une grande importance, mais c’était une oeuvre préparatoire5.» D É C O U V E RT E E T C O L O N I S AT I O N D E L’A M É R I Q U E Une autre préparation importante du rétablissement de l’Evangile fut la découverte et la colonisation de l’Amérique. Elle avait été préservée comme une terre de choix d’où l’Evangile irait aux nations de la terre dans les derniers jours. Moroni, prophète américain d’autrefois, écrit: «Voici, ceci est un pays de choix; et toute nation qui le possédera, sera affranchie de la servitude, de la captivité et de la domination de toutes les autres nations sous le ciel, si elle veut simplement servir le Dieu du pays, qui est Jésus-Christ, lequel a été manifesté par les choses que nous avons écrites» (Ether 2:12). Néphi, un autre prophète de l’Amérique ancienne, eut la vision de l’arrivée de Christophe Colomb, plus de deux mille ans avant la naissance de celui-ci. «Et je regardai, et je vis un homme parmi les Gentils; il était séparé de la postérité de mes frères par les grandes eaux; et je vis l’Esprit de Dieu descendre sur cet homme et agir en lui; et il s’en alla sur les grandes eaux, et se rendit auprès de la postérité de mes frères qui vivait dans la terre promise» (1 Néphi 13:12). Colomb lui-même confirma dans ses écrits qu’il se sentait inspiré dans ses entreprises maritimes et dans ses efforts pour instaurer la religion parmi les Indiens6. Néphi poursuit ainsi sa prophétie: «Et je vis l’Esprit de Dieu agir sur d’autres Gentils; ils sortirent de captivité et s’en allèrent sur les grandes eaux» (1 Néphi 13:13). Beaucoup de personnes qui s’installèrent en terre promise y furent conduites par la main de Dieu (voir 2 Néphi 1:6). Néphi annonça beaucoup d’autres événements en Amérique. Il vit que les Lamanites (les Indiens d’Amérique du Nord et du Sud) seraient dispersés dans tout le pays par les Gentils et que les Gentils s’humilieraient et invoqueraient le Seigneur et que le Seigneur serait avec eux. Il vit que les colons américains feraient la guerre contre les «Gentils dont ils étaient originaires» (lors de la guerre d’Indépendance et la guerre de 1812) et seraient délivrés par la main de Dieu (voir 1 Néphi 13:14-19). Joseph Fielding Smith a dit: «La découverte [de l’Amérique] a été un des facteurs les plus importants dans la réalisation du dessein du Tout-Puissant vis-à-vis du rétablissement de l’Evangile dans sa plénitude pour le salut des hommes dans les derniers jours7.» LA L I B E RT É R E L I G I E U S E E N AMÉRIQUE Beaucoup d’historiens actuels affirment que la plupart des premiers colons sont allés en Amérique pour des raisons économiques; mais beaucoup de colons recherchaient aussi la liberté religieuse. Parmi eux, il y avait les puritains qui créèrent une puissante communauté religieuse en Nouvelle-Angleterre. Ils croyaient qu’ils possédaient la bonne doctrine et par conséquent n’en toléraient 9 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS aucune autre8. Cette intolérance dut être vaincue avant que l’Eglise du Christ ne pût être rétablie. Certains dissidents puritains, dont Roger Williams était le plus important, prétendaient qu’il devait y avoir une distinction claire entre l’Eglise et l’Etat et qu’on ne pouvait imposer aucune religion particulière aux citoyens. Williams enseignait aussi que toutes les Eglises s’étaient écartées de la véritable succession apostolique. Il fut banni du Massachusetts en 1635 et, au bout de quelques années, lui et d’autres qui entretenaient les mêmes idées, réussirent à obtenir une charte pour créer la colonie de Rhode Island, qui tolérait absolument toutes les religions. Anne Hutchinson, une femme courageuse qui se rendit en 1634 au Massachusetts, était en désaccord avec les dirigeants locaux sur deux questions de théologie: le rôle des bonnes oeuvres dans le salut et le point de savoir si une personne pouvait ou non recevoir l’inspiration du Saint-Esprit. Mme Hutchinson fut également bannie du Massachusetts et chercha refuge en 1638 en Rhode Island. En dépit des efforts de Roger Williams, d’Anne Hutchinson et d’autres, il fallut encore un siècle et demi pour que l’on parvienne à la tolérance religieuse en Nouvelle-Angleterre. Entre-temps, divers groupes, poussés par des motifs religieux, s’installèrent dans tout le reste des colonies américaines. Chacun à sa manière contribua à l’environnement religieux de l’Amérique. Les catholiques qui s’installèrent au Maryland promulguèrent le premier édit de tolérance de l’histoire américaine. Les quakers de Pennsylvanie étaient eux aussi en faveur de la tolérance religieuse et de la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Les divers colons représentaient tant de confessions différentes qu’il était impossible à aucune d’elles de prédominer. Ce pluralisme religieux fut la raison principale de la liberté religieuse qui est devenue une caractéristique des Etats-Unis. En dépit du fait qu’il y avait beaucoup d’Eglises en Amérique, la plupart des colons ne se prétendaient pas membres d’une confession déterminée. Le grand Réveil, qui commença vers 1739 et continua pendant près de deux décennies, fut un mouvement important de l’histoire religieuse américaine. Ce premier réveil généralisé du début de l’histoire de l’Amérique fut un effort fervent pour rétablir la justice et le zèle religieux. Le grand Réveil déferla sur la totalité des treize colonies. Des évangélistes et des prédicateurs itinérants organisèrent des réunions dans des cadres informels, notamment les maisons privées, les granges et même les pâtures. Le grand Réveil provoqua un engagement vis-à-vis de la religion qu’on n’avait plus connu en Amérique depuis des années et suscita une plus grande participation des laïcs et des pasteurs dans les affaires de la religion organisée. Il suscita aussi chez les Américains des colonies le désir de s’unir en un ordre démocratique9. En dépit de ce zèle, on ne parvint à la liberté religieuse totale que lorsque la guerre d’Indépendance favorisa le climat de liberté religieuse. En s’unissant contre les Britanniques, les colons constatèrent que leurs divergences religieuses n’avaient pas vraiment d’importance dans leur cause et qu’ils pouvaient se mettre d’accord sur l’essentiel de leurs croyances religieuses10. En outre, Thomas Jefferson 10 PRÉLUDE AU RÉTABLISSEMENT était un adversaire farouche de la pression excessive exercée par les religions organisées sur le gouvernement. La Déclaration d’Indépendance, qu’il écrivit, disait que l’homme était capable de découvrir lui-même les institutions politiques correctes. Avec le nouveau sentiment de liberté qui suivit la guerre d’Indépendance, plusieurs Etats cherchèrent à protéger les droits fondamentaux de l’homme, notamment la liberté religieuse. La Virginie fut le premier Etat à adopter, en 1785, le projet de loi Jefferson pour l’établissement de la liberté religieuse, qui garantissait que personne ne pouvait être obligé à fréquenter ou à soutenir aucune Eglise ou être victime de discrimination à cause de ses préférences religieuses. Publié avec la permission de la New York Historical Society Après avoir vainement essayé pendant quelques années de constituer une confédération d’Etats, les Etats-Unis rédigèrent en 1787 une nouvelle Constitution, qui fut ratifiée en 1789. Ce document, qui fut créé «par des hommes sages que [le Seigneur a] suscités dans ce but même» (D&A 101:80), tenait compte à la fois du besoin démocratique de liberté et du besoin fondamental d’ordre. La liberté de religion était garantie par le premier amendement de la Constitution. Joseph Smith a dit: «La Constitution des Etats-Unis est un étendard glorieux [et] est basée sur la sagesse de Dieu. C’est une bannière céleste; elle est pour tous ceux qui ont la chance de goûter aux bienfaits de la liberté, comme l’ombre protectrice Thomas Jefferson (1743-1826) voulait que l’on se souvienne de lui à cause de trois choses dans sa longue et illustre carrière d’un des premiers hommes d’Etat d’Amérique. Il voulait être connu comme l’auteur de la Déclaration d’Indépendance américaine, comme fondateur de l’université de Virginie et comme auteur du statut de la liberté religieuse en Virginie, qui fut adopté en 1785. et les eaux rafraîchissantes d’un grand rocher dans une terre assoiffée et lasse11». Une des raisons pour lesquelles il en était ainsi, c’était parce que «dans le cadre de la Constitution, le Seigneur pouvait replacer l’Evangile et rétablir son Eglise . . . les deux faisaient partie d’un plus grand tout. Les deux avaient leur place dans son projet pour les derniers jours12». Parallèlement à la guerre d’Indépendance et à la rédaction de la Constitution, il y eut un second Réveil qui produisit une réorientation de la pensée chrétienne. Plusieurs nouvelles sociétés religieuses prirent de l’ampleur et promulguèrent des croyances diverses: unitariens, universalistes, méthodistes, baptistes et disciples du Christ. Beaucoup de croyances furent introduites dans la nouvelle nation, entre autres l’idée que le rétablissement d’un christianisme néotestamentaire était une Scène de la signature de la constitution des Etats-Unis d'Amérique, Howard Chandler Christy. Publié avec la permission de l'architecte du Capitole La Constitution des Etats-Unis fut signée le 17 septembre 1787 par la Convention constitutionnelle, et le nouveau gouvernement fut installé en 1789. 11 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS nécessité. Ceux qui recherchaient ce rétablissement étaient qualifiés de chercheurs. Beaucoup parmi eux étaient mûrs pour le rétablissement divin et en devinrent les premiers convertis13. Presque en même temps que le second grand Réveil naquit un esprit de renouveau. Des prédicateurs itinérants organisèrent des réunions animées en plein air parmi les nouveaux colons dans les régions frontières sans cesse mouvantes des Etats-Unis. Les colons isolés des fermes et des villages se rassemblaient en grandes foules pour assister à des réunions en plein air. Des prédicateurs bruyants mais talentueux donnaient un air de fête à ces assemblées religieuses tout en essayant de gagner des convertis à leur foi14. Le second grand Réveil influença aussi la formation d’associations volontaires pour promouvoir l’oeuvre missionnaire, l’instruction, le redressement moral et l’humanisme. Les renouveaux portaient l’émotion religieuse à son comble et aidaient à la croissance des confessions populaires, en particulier les méthodistes et les baptistes15. Ce réveil religieux dura au moins quarante ans et inclut la période où Joseph Smith eut sa Première Vision. Le rétablissement de l’Evangile et de la véritable Eglise du Seigneur n’aurait pas pu se produire au sein de l’intolérance religieuse qui existait en Europe et dans les premiers temps de l’Amérique. Il n’était possible que dans un cadre de liberté religieuse, de réévaluation de la pensée chrétienne et dans le réveil spirituel qui s’était développé dans l’Amérique du début du dix-neuvième siècle. Il est manifeste que le Seigneur avait voulu que le Rétablissement ait lieu exactement au moment où il a eu lieu. Gordon S. Wood, historien américain bien connu, reconnaît que le Rétablissement a eu lieu au moment propice: «Il est providentiel qu’il se soit produit en 1830. Il est apparu exactement au bon moment de l’histoire américaine; beaucoup plus tôt ou plus tard, l’Eglise n’aurait sans doute pas pris racine. Le Livre de Mormon n’aurait probablement pas été publié au dix-huitième siècle dans ce monde de transmission encore essentiellement orale des croyances populaires précédant la grande révolution démocratique qui sous-tendit le tumulte religieux de la jeune République. Au dixhuitième siècle, le mormonisme aurait pu être étouffé trop facilement et rejeté par la culture dominante, qui était celle d’une aristocratie éclairée, comme n’étant qu’une superstition populaire enthousiaste parmi d’autres. D’autre part, si le mormonisme était apparu plus tard, après le renforcement de l’autorité et la diffusion de la science dans des décennies du milieu du dix-neuvième siècle, il aurait pu avoir du mal à confirmer ses textes et ses révélations16.» Dieu connaît la fin depuis le commencement et est l’auteur du grand dessein de l’histoire humaine. Il a orienté le cours de l’histoire pour que l’Amérique soit un terrain fertile pour permettre que la semence de l’Evangile rétabli soit déposée et soit entretenue par son voyant élu, Joseph Smith. 12 PRÉLUDE AU RÉTABLISSEMENT NOTES 1. History of the Church, 4:609. 2. Joseph Fielding Smith, The Progress of Man, Salt Lake City, Deseret News Press, 1952, p. 166. 3. Milton W. Backman, Jr, American Religions and the Rise of Mormonism, Salt Lake City, Deseret Book Co, 1965, p. 6. 4. Henry Eyster Jacobs, Martin Luther: The Hero of the Reformation, 1483-1546, New York et Londres: G. P. Putnam’s Sons, Knickerbocker Press, 1973, p. 192. Citation française tirée de Lucien Fèbvre, Martin Luther, éditions du Sablon, Bruxelles-Paris, 1945, p. 185. 5. Joseph Fielding Smith, Doctrine du salut, compilé par Bruce R. McConkie, trois volumes, 1:168. 6. Voir Samuel Eliot Morison, Admiral of the Ocean Sea: A Life of Christopher Columbus, Boston, Little, Brown, and Co., 1942, pp. 4445, 279, 328. 7. Smith, Progress of Man, p. 258. 8. Voir Edwin Scott Gaustad, A Religious History of America, New York, Harper and Row 1966, pp. 47-55; Sydney E. Ahlstrom, «The Holy Commonwealths of New England», A Religious History of the American People, New Haven, Conn., Yale University Press, 1972, pp. 135-50. 9. Voir Alan Heimert, «The Great Awakening as Watershed», cité dans John M. Mulder and John F. Wilson, éditeurs, Religion in American History, Interpretive Essays, Englewood Cliffs, N.J., Prentice-Hall, 1978, pp. 127-44. 10. Voir Sidney E. Mead, «American Protestantism during the Revolutionary Epoch», dans Mulder and Wilson, éditeurs, Religion in American History, pp. 162-76. 11. Joseph Smith, Enseignements du prophète Joseph Smith, sélectionnés par Joseph Fielding Smith, p. 115. 12. Mark E. Petersen, The Great Prologue, Salt Lake City, Deseret Book Co., 1975, p. 75. 13. Voir Backman, American Religions and the Rise of Mormonism, pp. 186-248. 14. Voir Martin E. Marty, Pilgrims in Their Own Land: 500 years of Religion in America, Boston, Little, Brown and Co., 1984, p. 168. 15. Voir Ahlstrom, A Religious History of the American People, pp. 415-28. 16. Gordon S. Wood, «Evangelical America and Early Mormonism», New York History, oct. 1980, p. 381. 13 CHAPITRE DEUX P AT R I M O I N E S P I R I T U E L D E J O S E P H S M I T H E N N O U V E L L E -A N G L E T E R R E Ligne du temps Date Evénements importants 1638 Arrivée au Massachusetts de Robert Smith, premier ancêtre paternel de Joseph Smith à quitter l’Angleterre pour l’Amérique 1669 24 janvier 1796 Arrivée au Massachusetts de John Mack, premier ancêtre maternel de Joseph Smith à quitter l’Angleterre pour l’Amérique Mariage de Joseph Smith, père, et de Lucy Mack 23 décembre Naissance de Joseph Smith, 1805 fils, dans le township (arrondissement) de Sharon (comté de Windsor, Vermont) 1812-13 1816 Joseph Smith, 7 ans, souffre de complications dues à la typhoïde et subit une intervention chirurgicale Les Smith quittent Norwich (Vermont), pour Palmyra (New York) N O U S S O M M E S T O U S A F F E C T É S et influencés par notre environnement. Nous sommes éduqués et élevés par une famille et des amis et nous réagissons à notre milieu. Joseph Smith grandit à la ferme familiale et était presque exclusivement sous l’influence de sa famille. Les choses qu’il apprit chez lui furent le legs le plus important de son patrimoine spirituel de la Nouvelle-Angleterre. Ses parents tenaient à ce qu’on travaille dur, que l’on soit patriote et que l’on ait une religion. Joseph apprit, écouta et retira beaucoup de son patrimoine spirituel. Pendant ses années de formation, il commença à accumuler et à manifester des aptitudes qui allaient l’aider à s’acquitter de la mission à laquelle il avait été préordonné. ASCENDANCE PAT E R N E L L E D E JOSEPH SMITH Lorsqu’on examine l’ascendance de Joseph Smith, on constate que sa famille se distinguait par des traits de caractère importants qui lui furent transmis. Il tissa des liens familiaux forts, apprit à travailler dur, à penser de manière autonome, à servir Ancêtres de Joseph Smith Le lieu de naissance de Joseph Smith est le township (arrondissement) de Sharon (Vermont). Le mémorial de granit à Joseph Smith fut érigé et l’emplacement dédié le 23 décembre 1905 par Joseph F. Smith, président de l’Eglise, pour commémorer le centenaire de la naissance du prophète. Le monument a une hauteur de 38 1⁄2 pieds, un pied pour chaque année de sa vie. Le Memorial Cottage (directement à gauche du monument), qui était utilisé comme centre d’accueil pour visiteurs, fut construit et dédié en même temps que le monument. Joseph Smith Né le 23 décembre 1805 Lieu Sharon (comté de Windsor, Vermont) Décès 27 juin 1844 Lieu Carthage (comté de Hancock, Illinois) Joseph Smith, père Né le 12 juillet 1771 Lieu Topsfield (comté d’Essex Massachusetts) Décès 14 septembre 1840 Lieu Nauvoo (comté de Hancock, Illinois) Lucy Mack Née le 8 juillet 1776 Lieu Gilsum (comté de Cheshire, New Hampshire) Décès 14 mai 1856 Lieu Nauvoo (comté de Hancock, Illinois) Asaël Smith Né le 7 mars 1744 Lieu Topsfield (comté d’Essex, Massachusetts) Décès 31 octobre 1830 Lieu Stockholm, comté de St-Lawrence, New York) Mary Duty Née le 11 octobre 1743 Lieu Rowly (comté d’Essex, Massachusetts) Décès 27 mai 1836 Lieu Kirtland (comté de Lake, Ohio) Solomon Mack Né le 15 septembre 1732 Lieu Lyme (comté de New London, Connecticut) Décès 23 août 1820 Lydia Gates Née le 3 septembre 1732 Lieu East Haddam (comté de Middlesex, Connecticut) Décès vers 1817 Lieu Royalton (comté de Windsor, Vermont) 15 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS les autres et à aimer la liberté. Il dit lui-même: «Mes grands-pères ont inspiré à mon âme l’amour de la liberté tandis qu’ils me faisaient sauter sur leurs genoux1.» Bien que n’appartenant pas toujours à une Eglise, ses ancêtres cherchèrent à respecter des principes religieux corrects, et certains d’entre eux s’attendaient à ce qu’un chef spirituel important fût suscité dans leur postérité. Au sein des collines ondoyantes, à une trentaine de kilomètres au nord de Boston (Massachusetts), se trouve le petit township (arrondissement) de Topsfield, où vécurent beaucoup d’ancêtres du prophète. Cinq générations de Smith vécurent à Topsfield. Le premier fut Robert Smith, arrière-arrière-arrière grandpère de Joseph Smith, qui émigra en 1638, dans son adolescence, de Topsfield (Angleterre) à Boston. Il épousa Mary French et, après un bref séjour dans la localité voisine de Rowley, s’installa à Topsfield (Massachusetts). Ils eurent dix enfants. Lorsqu’il mourut en 1693, Robert laissait des biens estimés à 189 livres, ce qui était une somme assez importante pour l’époque. Samuel Smith, fils de Robert et de Mary, naquit en 1666. Les registres du township (arrondissement) et du comté le qualifient de «gentilhomme» et il détenait apparemment une fonction publique. Il épousa Rebecca Curtis, dont il eut neuf enfants. Stèle de la famille Smith dans le cimetière de Pine Grove à Topsfield (Massachusetts). Y sont enterrés Samuel Smith, sa femme Rebecca, Samuel II et sa femme Priscilla Gould. George A. Smith contribua à l’érection de ce monument à ses ancêtres en 1873. Leur premier fils naquit en 1714. Samuel, fils, fut un dirigeant local éminent et l’un des instigateurs de la guerre d’Indépendance américaine. Selon sa notice nécrologique, «il était l’ami sincère des libertés de son pays et le défenseur fervent des enseignements du christianisme2». Samuel, fils, épousa Priscilla Gould, descendante du fondateur de Topsfield. Priscilla mourut après avoir eu cinq enfants, et Samuel épousa sa cousine, également appelée Priscilla. Elle n’eut pas d’enfants mais éleva ceux de la première femme de Samuel, entre autres Asaël, grand-père de Joseph Smith, né en 1744. Asaël était membre du culte principal de la Nouvelle-Angleterre, les congrégationnalistes, mais devint plus tard sceptique vis-à-vis des religions organisées. Dans son esprit, les enseignements des Eglises officielles ne pouvaient Cinq générations de la famille Smith vécurent à Topsfield: Robert Smith, Samuel Smith I, Samuel Smith II, Asaël Smith et Joseph Smith, père. Ce dernier naquit dans cette maison le 12 juillet 1771. Elle fut rasée en 1875. 16 PATRIMOINE SPIRITUEL DE JOSEPH SMITH EN NOUVELLE -ANGLETERRE pas se concilier avec les Ecritures et le bon sens. A l’âge de vingt-trois ans, il épousa Canada Mary Duty, de Rowley (Massachusetts). Au prix de grands sacrifices personnels et Lake Champlain familiaux, il revint de Derryfield (New Hampshire) à Topsfield, où il travailla pendant cinq ans pour liquider les dettes que son père n’avait pu payer avant sa mort. Vermont New York Tunbridge Les Smith restèrent à Topsfield jusqu’en 1791. Asaël, Mary et leurs onze enfants New Hampshire s’installèrent alors brièvement à Ipswich (Massachusetts) et partirent de là à Randolph South Royalton Sharon e c ticut Ri r ve Derryfield (Manchester) Salisbury Rowley Topsfield Boston Con n r iv e H ud s o n R Asaël poursuivit ses activités publiques et, au cours des trente années qu’il y passa, Marlow Gilsum Albany Tunbridge (Vermont) à la recherche de terres vierges bon marché. A Tunbridge, Merrimack River Lebanon Massachusetts Connecticut North Lyme Ipswich remplit quasiment toutes les fonctions auxquelles on pouvait être élu. Sa philosophie était la même que celle des universalistes, qui croyaient que Jésus-Christ était un Dieu d’amour qui sauverait tous ses enfants. Comme tous les universalistes, il se sentait plus à l’aise avec un Dieu qui s’intéressait davantage à sauver qu’à détruire l’humanité. Il croyait que la vie continuait après la mort. Dans une lettre adressée à sa famille, il écrit: «L’âme est immortelle . . . Faites tout pour Dieu d’une manière sérieuse. Quand vous pensez à lui, parlez de lui, le priez ou abordez d’une manière quelconque sa grande majesté, faites-le avec New York City sérieux . . . Pour ce qui est de la religion, étudiez la nature de la religion, et voyez si elle consiste en des formalités extérieures ou en la parure intérieure cachée dans Les ancêtres de Joseph Smith vécurent en Nouvelle Angleterre. le coeur . . . «J’ai la certitude que mon Sauveur, le Christ, est parfait et ne me fera jamais défaut dans aucune circonstance. Je lui confie votre âme, votre coeur, vos biens, votre nom, votre renom, votre vie, votre mort et tout—et moi-même, en attendant le moment où il transformera le corps de mon humiliation, en le rendant semblable au corps de sa gloire3.» Il prédit aussi que «Dieu allait susciter une branche de sa famille qui serait d’un grand avantage pour l’humanité4». De nombreuses années plus tard, lorsque son fils, Joseph Smith, père, lui remit un Livre de Mormon récemment publié, cela l’intéressa vivement. George A. Smith écrit: «Mon grand-père Asaël croyait absolument au Livre de Mormon, qu’il lut presque jusqu’au bout5.» Il mourut pendant l’automne 1830, certain que son petit-fils, Joseph, était le prophète longtemps attendu et qu’il avait inauguré une nouvelle ère religieuse. Mary Duty Smith survécut six ans à Asaël, son mari. En 1836, elle fit un voyage difficile de huit cents kilomètres pour rejoindre ses descendants qui s’étaient entre-temps installés à Kirtland (Ohio). Elias Smith, un petit-fils, était avec elle lorsqu’elle retrouva ses enfants et ses petits-enfants. «La rencontre entre la grandmère et son descendant prophète ainsi que son frère fut extrêmement touchante; Joseph la bénit et dit qu’elle était la femme la plus honorée de la terre6.» Elle accepta sans réserve le témoignage de son petit-fils et avait bien l’intention d’être baptisée. Malheureusement, son âge et sa santé l’en empêchèrent. Elle décéda le 27 mai 1836, dix jours exactement après son arrivée à Kirtland. ASCENDANCE M AT E R N E L L E D E JOSEPH SMITH On sait relativement peu de choses sur la famille Mack dont était issue Lucy Mack, mère de Joseph. John Mack, né à Inverness (Ecosse), d’une lignée 17 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS d’hommes d’Eglise, arriva en 1669 en Nouvelle-Angleterre. Il habita pendant un certain nombre d’années à Salisbury (Massachusetts). En 1696, il alla s’installer avec sa femme à Lyme (Connecticut). Ebenezer, leur huitième enfant, épousa Hannah Huntley, et ils prospérèrent pendant un certain temps sur la propriété des Mack. Leur prospérité fut de courte durée, et Solomon, né en 1732, fut engagé comme apprenti par un fermier du voisinage à l’âge de quatre ans. Il écrit: «Mon maître me traitait comme sa propriété et non comme un de ses semblables7.» Il resta apprenti jusqu’à l’âge de vingt et un ans, mais son maître ne l’instruisit jamais ni ne lui parla de religion. Solomon passa presque le reste de sa vie à rechercher la stabilité qu’il n’avait jamais trouvée dans sa jeunesse. Après avoir terminé son apprentissage, il se fit enrôler dans la guerre contre les Français et les Indiens. Les années qui suivirent, il fut marchand, promoteur immobilier, capitaine de navire, exploitant de scierie et fermier. Malgré les efforts considérables qu’il fit, la chance ne le favorisa pas, et il fut harcelé par des accidents, des vicissitudes et des revers financiers. Cet aventurier audacieux connut cependant de bons moments en 1759. Il épousa Lydia Gates, qu’il avait rencontrée peu de temps auparavant, institutrice chevronnée et l’aînée des enfants de Daniel Gates, diacre respecté et prospère de l’Eglise congrégationaliste. Depuis sa prime jeunesse, Lydia était congrégationaliste pratiquante. Bien qu’issus de milieux très opposés, Solomon et Lydia connurent un mariage stable. Lydia prit en en charge la formation profane et religieuse de ses huit fils et filles. Elle apprit probablement à son mari à lire et à écrire en même temps qu’à ses enfants. Pour Solomon, non seulement Lydia manifestait «le raffinement de l’éducation, mais elle possédait aussi ce joyau inestimable qui, chez une épouse et mère de famille est véritablement une perle de grand prix, c’est-à-dire une personnalité pieuse et religieuse8». Peu après leur mariage, Solomon acheta cinquante hectares de terre déserte dans le nord de l’Etat de New York. Une blessure à la jambe l’empêcha de défricher le terrain comme le contrat le stipulait, et il perdit le bien. En 1761, il s’installa avec Lydia et deux fils à Marlow (New Hampshire). Ils y restèrent dix ans et eurent quatre autres enfants. En 1771, les Mack allèrent s’installer à Gilsum (New Hampshire), où deux autres enfants naquirent. Lucy, la cadette, allait devenir la mère de Joseph Smith, le prophète. Pendant la guerre d’Indépendance, Solomon s’enrôla dans une unité d’artillerie mais ne tarda pas à tomber malade et fut renvoyé chez lui pour se remettre. Il aurait peut-être été plus en sécurité dans son unité, car il fut successivement et en peu de temps écrasé par un arbre, blessé sur une roue à aube et assommé par la chute d’une branche. Le dernier accident fut particulièrement grave, car, par la suite, il devint sujet à des syncopes, des «attaques» comme il les appelait9. Mais Solomon Mack était incapable de résister longtemps à son esprit aventureux. Avec ses fils adolescents, Jason et Stephen, il s’enrôla comme marin sur un corsaire américain. Après quatre ans et des calamités, notamment un ouragan, un naufrage et la maladie, ils revinrent les mains vides. Solomon retrouva Lydia et les enfants sans abri, délestés de leurs biens par un escroc. «La 18 PATRIMOINE SPIRITUEL DE JOSEPH SMITH EN NOUVELLE -ANGLETERRE vie m’était devenue indifférente», écrit-il concernant cette période de sa vie10. Cependant cet abattement ne fut que temporaire parce que, en travaillant dur, il fut en mesure de pourvoir de nouveau aux besoins de sa famille. Quoique croyant et bon, Solomon Mack n’était pas un homme visiblement pratiquant. Il se montrait peu disposé à lire les Ecritures ou à aller à l’église, mais Publié avec la permission de la bibliothèque John Carter Brown, de l'université Brown en 1810, le rhumatisme l’obligea à revoir ses options. «Après cela, je décidai de ne plus poursuivre les chimères mais de consacrer le reste de ma vie au service de Dieu et de ma famille11.» Cet hiver-là il lut la Bible et pria avec ferveur; il finit par trouver la paix de l’âme et de l’esprit. Jusqu’à sa mort, en 1820, il consacra une grande partie de son temps à parler à d’autres de sa conversion et à les exhorter à servir le Seigneur. Il écrivit une autobiographie dans l’espoir que d’autres ne se laisseraient pas séduire par le gain matériel comme il l’avait fait. Il exprima avec enthousiasme sa conviction à ses petits-enfants, parmi lesquels le jeune Joseph Smith, fils. Il mourut juste trois semaines avant son quatre-vingt-huitième anniversaire, plusieurs mois après la vision remarquable du Père et du Fils que son petit-fils avait eue et dont il n’était probablement pas au courant. Pendant les années où Solomon connut ses aventures et ses mésaventures, sa femme, Lydia Gates, apporta à leurs enfants la stabilité et un sens dans la vie. Son Page de titre de l’autobiographie de Solomon Mack influence se marqua chez tous les enfants, et spécialement chez Lucy, la fille cadette. Elle attribue à sa mère «tout l’enseignement religieux ainsi que l’essentiel de l’instruction qu’ [elle a] reçue12». Quoique intelligente, ayant du caractère et élevée dans un environnement pieux, Lucy ne connut aucun éveil spirituel important avant l’âge de dix-neuf ans. Elle se demandait si la vie avait un sens et ne tarda pas à décider qu’elle devait remettre en question son attitude pessimiste. Pour éviter d’être qualifiée de païenne, elle décida de devenir membre d’une Eglise mais fut contrariée par les prétentions rivales avancées par divers hommes d’Eglise. Elle demanda: «Comment puis-je prendre une décision dans un tel cas, alors qu’ils sont tous différents de l’Eglise du Christ telle qu’elle existait dans le temps passé!13» Elle ne trouva pas de réponse satisfaisante à son dilemme spirituel. Apparemment convaincue que les Eglises existantes ne satisfaisaient pas ses besoins, elle mit provisoirement de côté sa recherche d’une Eglise, et son anxiété se dissipa graduellement. Moins de deux ans plus tard, elle rencontrait et épousait Joseph Smith, père. Elle se doutait bien peu que de ce mariage allait sortir un fils prophète qui apporterait la consolation et un sens à tous ceux qui, comme elle, essayaient de trouver l’Eglise de Jésus-Christ. LES PA R E N T S D U P R O P H È T E Lucy Mack rencontra Joseph Smith, père, tandis qu’il rendait visite à son frère Stephen à Tunbridge (Vermont). Joseph avait vingt-cinq ans, mesurait plus d’un mètre quatre-vingts et était solidement bâti, comme son père, Asaël. Après leur Grand magasin de Tunbridge. Il était encore utilisé après 160 ans. Selon la tradition, c’est là que Joseph Smith, père, et Lucy se rencontrèrent. mariage, qui eut lieu le 24 janvier 1796, ils s’installèrent dans une des fermes familiales à Tunbridge. Ils y passèrent six années au cours desquelles leurs trois premiers enfants naquirent. Joseph et Lucy mirent leur ferme de Tunbridge en 19 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS La pointe de Tunbridge (Vermont) fut le premier foyer de Joseph et Lucy Smith. Hyrum Smith y naquit le 9 février 1800. location, peut-être parce que le terrain était pierreux, et allèrent s’installer en 1802 à Randolph, où ils ouvrirent un magasin. A Randolph, Lucy tomba malade. Le médecin diagnostiqua la tuberculose, maladie dont ses soeurs aînées, Lovisa et Lovina, étaient mortes. Apprenant que les docteurs disaient qu’elle allait mourir, Lucy supplia le Seigneur de lui épargner Vermont Randolph la vie pour qu’elle puisse apporter de la consolation à ses enfants et à son mari. Tunbridge ic ect nn Thetford Co Royalton Smith Farm ut Strafford Vermont er Ri v Tunbridge Royalton Bethel Sharon Norwich New Hampshire Norwich Hanover (Dartmouth College) Lebanon Elle écrit: «Je fis l’alliance solennelle avec Dieu que, s’il me laissait vivre, je m’efforcerais de le servir du mieux que je pouvais. Peu de temps après cela, j’entendis une voix me dire:‹Cherche, et tu trouveras, frappe, et l’on t’ouvrira. Que ton coeur se console: Tu crois en Dieu, crois aussi en moi.› « . . . Dès que je le pus, je m’efforçai en toute diligence de trouver quelqu’un qui était capable de m’instruire plus parfaitement du chemin de la voie (de la vie) et du salut . . . « . . . J’allai de lieu en lieu pour obtenir des renseignements et trouver, si c’était La famille de Joseph Smith, père, changea plusieurs fois de résidence en NouvelleAngleterre. (1) Après leur mariage en 1796, Joseph et Lucy habitèrent à Tunbridge (Vermont) où ils exploitèrent une ferme. (2) En 1802, ils allèrent s’installer à Randolph et ouvrirent un magasin. (3) L’année suivante, ils retournèrent à Tunbridge. (4) En 1803 également, ils vendirent la ferme de Tunbridge et allèrent s’installer quelques mois à Royalton. (5) En 1804, ils allèrent s’installer dans le township (arrondissement) de Sharon (comté de Windsor) où Joseph Smith, fils, naquit. (6) Ils retournèrent à Tunbridge où Samuel Harrison naquit. (7) En 1808, ils repartirent pour Royalton, où Ephraïm et William naquirent. (8) En 1811, ils allèrent s’installer à West Lebanon (New Hampshire) où la famille fut atteinte par l’épidémie de typhoïde. (9) En 1813 ils allèrent s’installer à Norwich (Vermont) où ils connurent trois mauvaises récoltes successives. (10) Les mauvaises récoltes les forcèrent à effectuer un dernier déménagement et à s’installer en 1816 dans le voisinage de Palmyra (New York). 20 possible, une personnalité sympathique qui pourrait me comprendre et ainsi me fortifier et m’aider à mettre mes résolutions en pratique . . . « . . . Je me dis dans mon coeur que la religion que je recherchais n’existait pas à ce moment-là sur la terre. Je pris donc la décision d’examiner la Bible et de m’efforcer, en prenant Jésus et ses disciples comme guides, d’obtenir de Dieu ce que l’homme ne pouvait ni donner, ni ôter . . . «Je finis par estimer qu’il était de mon devoir d’être baptisée et, ayant trouvé un pasteur qui était disposé à me baptiser tout en me laissant libre de m’affilier à la confession religieuse que je voulais, je fis le pas et reçus cette ordonnance14.» Tandis que Lucy se préoccupait de religion et de salut, son mari se lançait dans une entreprise économique malheureuse. Apprenant que la racine de ginseng, qui poussait à l’état sauvage dans le Vermont, était tenue en haute estime en Chine à cause de la capacité qu’on lui attribuait de guérir et d’améliorer la vie, Joseph, qui avait connu une série de revers financiers, investit considérablement dans cette plante. Il s’en procura une quantité importante, et un certain Stevens, de Royalton, PATRIMOINE SPIRITUEL DE JOSEPH SMITH EN NOUVELLE -ANGLETERRE Orange County Vermont prendre les dispositions pour l’envoi, Stevens le suivit pour découvrir sur quel Town (Township) of Tunbridge Village of North Tunbridge Town (Township) of Strafford Village of Tunbridge Lieu de naissance de Joseph Smith Village of Sharon Town (Township) of Royalton bateau se trouvait son chargement. Comme il avait, lui aussi, du ginseng, il envoya son fils en Chine pour le représenter ainsi que Joseph pour la vente du produit. Le jeune Stevens vendit le ginseng avec un gros bénéfice mais mentit à ce sujet et ne Village of Strafford W h i te River Village of South Royalton lui en offrit trois mille dollars, mais il refusa. Lorsqu’il se rendit à New York pour Town (Township) of Sharon Windsor County Vermont remit à Joseph Smith, père, qu’un coffre de thé. Quand sa malhonnêteté fut découverte, il s’enfuit au Canada avec l’argent, abandonnant Joseph et Lucy avec une dette de dix-huit cents dollars. Lucy écrit: «Cette ferme, qui valait environ quinze cents dollars, mon mari la vendit pour huit cents dollars pour pouvoir faire un paiement rapide15.» Elle y ajouta les mille dollars qu’elle avait reçus comme cadeau de mariage. Ils étaient hors de dette mais sans un sou. Ils allèrent s’installer à Royalton (Vermont), pendant quelques mois, puis à Joseph Smith naquit dans le township (arrondissement) de Sharon (comté de Windsor, Vermont). Il ne faut pas confondre l’endroit avec le village de Sharon, situé au sud-est de la ferme des Smith. Comme l’indique la carte, la ferme était à la frontière de l’arrondissement. Sharon dans le comté de Windsor. Là, Joseph loua la ferme de Solomon Mack. Il faisait les travaux de ferme en été et enseignait à l’école en hiver. Pendant qu’ils étaient à Sharon, un fils leur naquit, le 23 décembre 1805, et ils l’appelèrent Joseph. Ils accomplissaient une prophétie de Joseph en Egypte qui avait prédit qu’un «voyant de choix» serait suscité parmi ses descendants. Un des moyens par lesquels on pourrait identifier ce voyant était qu’il recevrait le nom de l’antique patriarche Joseph, qui serait aussi le nom de son père (voir 2 Néphi 3:14-15). Joseph Smith, père, et Lucy furent de bons parents qui s’efforcèrent d’enseigner à leurs enfants des préceptes religieux. Lucy incita tout spécialement ses enfants à étudier la Bible. Leur fils William, né en 1811, dit à propos de la préoccupation de sa mère pour les questions de religion: «Ma mère, qui était une femme très pieuse et qui s’intéressait beaucoup au bien-être de ses enfants, tant ici-bas que dans l’audelà, employait tous les moyens que son amour de mère pouvait lui suggérer pour nous amener à rechercher le salut de notre âme16.» Joseph naquit dans le township (arrondissement) de Sharon (comté de Windsor, Vermont). Il ne faut pas confondre l’endroit avec le village de Sharon , situé au sud-est de la ferme des Smith. Comme l’indique la carte, la ferme était à la frontière de l’arrondissement. Enfants de Joseph Smith, père, et de Lucy Mack Smith Nom Date de naissance Lieu de naissance Date de décès 1. Enfant Vers 1797 Tunbridge (Vermont) Vers 1797 2. Alvin 1 1 février 1798 Tunbridge (Vermont) 19 nov. 1823 3. Hyrum 9 février 1800 Tunbridge (Vermont) 27 juin 1844 4. Sophronia 16 mai 1803 Tunbridge (Vermont) 1876 5. Joseph, fils 23 décembre 1805 Sharon (Vermont) 27 juin 1844 6. Samuel Harrison 13 mars 1808 Tunbridge (Vermont) 30 juillet 1844 7. Ephraïm 13 mars 1810 Royalton (Vermont) 24 mars 1810 13 nov. 1893 8. William 13 mars 1811 Royalton (Vermont) 9. Catherine 2 8 juillet 1812 Lebanon (New Hampshire) 1 février 1900 10. Don Carlos 25 mars 1816 Norwich (Vermont) 7 août 1841 11. Lucy 18 juillet 1821 Palmyra (New York) 9 décembre 1882 21 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Joseph, père, était aussi doux qu’il était fort. Heber C. Kimball écrit: «C’était un des hommes les plus agréables que j’aie jamais rencontrés; il était aussi inoffensif qu’un enfant17.» Lucy dit qu’il était «un compagnon affectueux et le père le plus tendre qui ait été accordé en bénédiction à la confiance d’une famille18». Bien que moins enclin à instruire sa famille, Joseph, père, était pratiquant. William écrit: «Les habitudes religieuses de mon père étaient strictement pieuses et morales19.» Comme son père, Asaël, Joseph se méfiait des Eglises traditionnelles mais eut toujours une grande foi en Dieu. A un moment donné, en 1811, son «esprit fut saisi d’une grande préoccupation au sujet de la religion20». Tandis qu’il était dans cet état d’agitation et de souci, il eut le premier d’une série de songes qui se produisirent au cours d’une période de huit années. Dans le premier songe, il se vit traverser un champ aride rempli de bois mort en compagnie d’un esprit qui lui dit que le champ représentait le monde sans religion. Il lui fut dit qu’il trouverait un coffre de nourriture qui lui donnerait la sagesse s’il en mangeait. Il essaya d’en prendre mais des animaux cornus l’en empêchèrent. Il dit à Lucy qu’il s’était éveillé tremblant mais heureux et qu’il était maintenant convaincu que même les croyants pratiquants ne connaissaient rien du royaume de Dieu. Plus tard, en 1811, Joseph, père, eut un deuxième songe significatif, qui avait trait à sa famille. Il ressemblait beaucoup au songe de l’arbre de vie de Léhi. Il se vit suivre un chemin qui menait à un bel arbre fruitier. Comme il commençait à manger de ce fruit délicieux, il se rendit compte qu’il devait amener sa femme et ses enfants à l’arbre pour qu’ils puissent en manger ensemble. Il alla les chercher et ils commencèrent à manger. Il dit: «Nous étions extrêmement heureux, au point qu’il n’était pas facile d’exprimer notre joie21.» Son dernier songe eut lieu en 1819 à New York, peu avant la première vision de son fils. Un messager lui dit: «Je t’ai toujours trouvé strictement honnête dans tout ce que tu faisais . . . Je suis maintenant venu te dire que c’est la dernière fois que je te rendrai visite et qu’il ne te manque qu’une seule chose pour obtenir ton salut22.» Il s’éveilla avant d’avoir appris ce qui lui manquait. Comme les communications célestes lui étaient familières, il lui fut facile d’accepter l’appel prophétique de son fils. Il apprit finalement que ce qui lui manquait, c’étaient les ordonnances et les principes salvateurs de l’Evangile de Jésus-Christ que le Seigneur rétablit par l’intermédiaire de son fils Joseph. PETITE E N FA N C E D E JOSEPH SMITH Dans les premières années de la vie de Joseph Smith, sa famille déménagea souvent, essayant de trouver un terrain fertile ou des moyens convenables de subvenir à ses besoins. Son premier déménagement après sa naissance l’emmena de Sharon à Tunbridge. En 1807, peu après la naissance de Samuel, la famille s’installa à Royalton (Vermont) où deux autres fils naquirent. Peu après la naissance de William en 1811, les Smith s’installèrent dans la petite localité de West Lebanon (New Hampshire) et commencèrent, selon Lucy, “à contempler, avec joie et satisfaction, la prospérité qui avait accompagné leurs récents efforts23”. Son optimisme tourna au désespoir lorsque la typhoïde se déclara dans West Lebanon 22 PATRIMOINE SPIRITUEL DE JOSEPH SMITH EN NOUVELLE -ANGLETERRE et «fit terriblement rage». Elle faisait partie d’une épidémie qui balaya le nord de la vallée du Connecticut, faisant six mille victimes. Un par un les enfants Smith tombèrent malades. Sophronia, affligée pendant trois mois, manqua mourir mais commença à se remettre lorsque Joseph et Lucy supplièrent le Seigneur de l’épargner. Joseph, fils, sept ans, ne fut malade que pendant quinze jours mais connut des complications qui nécessitèrent finalement quatre interventions chirurgicales. La complication la plus grave consista en une enflure et une infection du tibia de la jambe gauche; il avait ce qu’on appellerait aujourd’hui une ostéomyélite. Il souffrit atrocement pendant quinze jours. Pendant toute cette épreuve, Hyrum, son frère aîné, lui montra beaucoup de tendresse. Lucy écrit: «Hyrum resta à son chevet presque jour et nuit pendant très longtemps, tenant la partie malade de sa jambe entre ses mains et la serrant pour que son malheureux frère puisse supporter la douleur24.» Les deux premières tentatives de réduire l’enflure et de drainer l’infection de sa jambe échouèrent. Le principal chirurgien recommanda l’amputation, mais Lucy s’y opposa et insista auprès des médecins: «Vous ne lui enlèverez pas, vous ne devez pas lui enlever la jambe sans avoir essayé encore une fois25.» Providentiellement, «le seul médecin des Etats-Unis qui réussissait l’opération de l’ostéomyélite» à l’époque était le docteur Nathan Smith, brillant médecin au collège médical de Dartmouth à Hanover (New Hampshire)26. Il fut le chirurgien principal ou en tout cas le principal consultant dans le cas de Joseph. Dans sa façon de traiter la maladie, le Dr Smith était des générations en avance sur son époque. Joseph insista pour supporter l’opération sans être lié ni boire du whisky ou du vin pour réduire sa sensibilité. Il demanda à sa mère de quitter la pièce pour ne pas le voir souffrir. Elle consentit, mais quand les médecins détachèrent une partie de l’os avec des forceps et que Joseph hurla, elle se précipita dans la pièce. «Oh, maman, va-t-en, va-t-en», s’écria Joseph. Elle obéit, mais revint une fois de plus, mais ce ne fut que pour être de nouveau chassée27. Après son épreuve, Joseph accompagna son oncle Jesse Smith jusqu’à la ville portuaire de Salem (Massachusetts), dans l’espoir que l’air marin l’aiderait à guérir. Etant donné la gravité de l’opération, la guérison fut lente. Il marcha trois ans avec des béquilles, et par la suite il lui arrivait de boîter légèrement, mais il recouvra la santé et fut robuste toute sa vie. Galerie d'art de l'université Yale. Don de la classe de médecine de 1826 à la faculté de médecine Selon sa mère, l’opération de Joseph fut probablement le seul incident notable de son enfance28. Vers 1813, la famille s’installa à Norwich (Vermont). Joseph y fréquenta probablement, pendant une brève période, l’école primaire. Il reçut aussi un enseignement religieux chez lui et se livra vraisemblablement aux activités et aux jeux d’extérieur de son temps. Il était grand, athlétique et énergique mais était aussi contemplatif et d’humeur égale. Sa mère dit: “Il semblait beaucoup moins enclin à la lecture qu’aucun de nos autres enfants mais s’adonnait beaucoup plus à la méditation et à l’étude approfondie29». A Norwich, les Smith Nathan Smith, un des médecins du jeune Joseph Smith commencèrent à cultiver le terrain d’Esquire Murdock. Ce fut leur dernière tentative d’arracher à la terre du Vermont de quoi subvenir à leurs besoins. Lucy 23 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS écrit: “La première année, nous eûmes une mauvaise récolte; mais en vendant les fruits que le terrain produisait, nous réussîmes à nous procurer du pain pour la famille30.” La récolte de la deuxième année fut également un lamentable échec. Les récoltes de la troisème année gelèrent, comme gelèrent celles de presque tout le monde en 1816, l’année terrible où il n’y eut pas d’été. On lui donna le nom de «dix-huit cents morts de froid». Au milieu du mois d’avril 1815, le mont Tambora, aux Indes orientales hollandaises (Indonésie) avait explosé au cours d’une violente éruption. Elle fut considérée comme la plus grande éruption volcanique de l’histoire. Elle éjecta une quantité de débris volcaniques estimée à cent cinq kilomètres cubes. La poussière se répandit dans la stratosphère obscurcissant davantage le soleil que tous les autres volcans depuis 1600 et provoquant un changement de climat pendant une période prolongée31. La Nouvelle-Angleterre fut gravement touchée. Entre le 6 juin et le 30 août, il y eut quatre gelées mortelles qui détruisirent toutes les cultures sauf les plus résistantes. Ne sachant pas à quoi cela était dû mais découragées par des mauvaises récoltes successives, des centaines de personnes quittèrent la NouvelleAngleterre et, parmi elles, les Smith de Norwich (Vermont). Pendant la décennie 1810-20, il y eut un exode massif du Vermont. Plus de soixante townships (arrondissements) du Vermont connurent des pertes de population32. La plupart de ceux qui partirent prirent la direction de l’ouest, attirés par les articles de journaux annonçant qu’il y avait des terrains disponibles dans les Etats de New York, de Pennsylvanie et d’Ohio, des terrains dont on disait qu’ils étaient «bien boisés, bien arrosés, faciles d’accès et incontestablement fertiles, tous à vendre selon une formule de paiement à long terme au prix de deux ou trois dollars seulement l’acre (40 ares)33». I N S TA L L AT I O N À PA L M Y R A En 1816, Joseph, père, se rendit à Palmyra (comté d’Ontario, New York) en compagnie d’un certain M. Howard. Avant de partir, il rendit visite à ses créanciers et à ses débiteurs afin de régler les comptes en souffrance, mais certains d’entre eux négligèrent d’apporter leur comptabilité lors du règlement. De toute évidence, les dettes qu’il avait vis-à-vis d’eux furent satisfaites soit par un paiement en argent, soit par le transfert de créances que Joseph détenait vis-à-vis de ses débiteurs. Croyant que tous les comptes étaient réglés, il partit pour Palmyra et acheta un terrain. Il envoya ensuite un mot à Lucy lui disant de charger leurs biens sur un chariot et de se préparer à déménager. Il prit des dispositions avec Caleb Howard, cousin du M. Howard qui s’était rendu avec lui à Palmyra, pour qu’il conduise l’attelage et amène sa famille dans l’Etat de New York. Mais avant le départ de Lucy Smith pour rejoindre son mari, d’autres créanciers se manifestèrent et lui présentèrent leurs comptes non acquittés et lui en demandèrent le paiement. Elle dit à ce sujet: «Je décidai qu’il était préférable pour nous de leur payer les sommes qu’ils réclamaient injustement que de risquer un procès. C’est ainsi qu’en faisant de grands efforts, je levai la somme requise, qui s’élevait à cent cinquante dollars, et liquidai la dette.» Lorsque des voisins bien 24 PATRIMOINE SPIRITUEL DE JOSEPH SMITH EN NOUVELLE -ANGLETERRE Les monts Appalache constituaient une barrière importante à l’émigration vers l’ouest au début de l’histoire des Etats-Unis. Des explorateurs finirent par trouver trois itinéraires acceptables entre la côte et l’intérieur: la barrière à péage de la grande route de Genesee à New York, la route nationale du Maryland de Pennsylvanie et d’Ohio et la route du désert en Caroline du nord, au Tennessee et au Kentucky. La famille Smith utilisa la première de ces routes pour se rendre dans la région de Palmyra (New York). L’itinéraire quittait la Nouvelle-Angleterre au Massachusetts, passait par Albany dans l’est de New York et remontait par la vallée de la Mohawk. Lake Ontario M oh Buffalo N e a w k Tu r n p i k A ie e ak Er S L Boston I N H I C A al N ation Road A T Louisville Baltimore L N A U P O Richmond P M A W i l d ern ess Road Salisbury intentionnés proposèrent d’alléger le fardeau en levant des fonds par souscription, Lucy refusa. «L’idée d’être aidée de cette manière me répugnait vraiment34.» Une fois les comptes réglés, Lucy, sa mère Lydia et ses huit enfants, dont le cadet, Don Carlos, était un bébé et l’aîné, Alvin, avait dix-sept ans, se mirent en route pour New York avec Caleb Howard. A South Royalton, Lydia, mère de Lucy, fut blessée lorsque le chariot dans lequel elle se trouvait se renversa. On l’emmena chez son fils, à Tunbridge, et mère et fille se dirent adieu dans les larmes. La vieille Lydia recommanda à sa fille: «Je te supplie de rester fidèle au service de Dieu jusqu’à la fin de tes jours, afin que j’aie le plaisir de te serrer dans mes bras là-haut dans un monde meilleur35.» Elle mourut deux ans plus tard à Royalton à la suite des blessures qu’elle avait subies à ce moment-là. La famille Smith poursuivit son voyage, et il devint clair pour Lucy que «M Howard, [leur] conducteur, était un misérable dénué de principes et de sensibilité36». L’argent que Joseph, père, lui avait donné pour emmener la famille Smith à New York fut dépensé à boire et à jouer dans les auberges par lesquelles ils passaient. Joseph, fils, qui, à l’époque, avait dix ans, raconta plus tard qu’en dépit du fait qu’il n’était pas encore tout à fait remis de son opération à la jambe, Howard l’obligea «dans l’état de faiblesse dans lequel [il était], à faire soixante-cinq kilomètres par jour dans la neige pendant plusieurs jours, ce qui [lui] causa une fatigue et des souffrances des plus atroces37». A Utica, à plusieurs kilomètres de leur destination, Howard déchargea les biens des Smith et était sur le point de partir avec leur attelage lorsque Lucy lui fit face: «Je vous interdis de toucher à l’attelage ou de le faire avancer ne fût-ce que d’un pas.» Bien décidée, elle rechargea le chariot et conduisit l’attelage jusqu’à Palmyra. 25 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Il lui restait deux cents quand elle arriva, mais elle était «heureuse de [se] retrouver en compagnie de [son] mari et de [s’]en remettre ainsi que les enfants aux soins et à l’affection d’un mari et d’un père tendre38». INFLUENCE DE LA N O U V E L L E -A N G L E T E R R E SUR JOSEPH SMITH Les Smith n’étaient qu’une des nombreuses familles de Nouvelle-Angleterre dont les noms sont liés au rétablissement. Brigham Young, successeur de Joseph, Heber C. Kimball, apôtre fidèle, et de nombreux autres dirigeants de l’Eglise avaient leurs racines en Nouvelle-Angleterre. Parmi leurs ancêtres, il y avait des hommes et des femmes qui avaient voyagé sur le Mayflower ou avaient pris part à la guerre d’Indépendance39. Ces gens industrieux et indépendants qui se donnèrent une patrie et une société sur le sol vierge de la Nouvelle-Angleterre étaient des gens remarquables. C’étaient des patriotes; ils avaient le sens des responsabilités, et ils étaient croyants. Joseph Smith n’avait aucune raison d’éprouver une honte quelconque de ses origines relativement modestes. Il était héritier d’un patrimoine spirituel bien ancré. Un grand nombre de principes provenant du puritanisme, qui façonnèrent l’environnement de Joseph, devinrent le complément des principes et des enseignement révélés qu’il allait recevoir plus tard en qualité de prophète. Lorsqu’il apprit par révélation: «Tu ne seras pas paresseux» (D&A 42:42), cela ne faisait que confirmer que le mode de vie de la Nouvelle-Angleterre, qui était fait de frugalité et d’ingéniosité, était le bon mode de vie. Lorsque le Seigneur lui dit de chercher la science dans les meilleurs livres «par l’étude et aussi par la foi» (D&A 88:118), cela ne faisait que confirmer l’accent mis par le puritanisme sur l’instruction. Lorsque Joseph proclama plus tard la notion de la société théocratique idéale, il ne faisait qu’adopter un principe dans lequel la NouvelleAngleterre puritaine pouvait facilement se reconnaître. Mais Joseph Smith n’était pas lié par son patrimoine spirituel de la NouvelleAngleterre. De son vivant, il introduisit des enseignements et des ordonnances évangéliques qui étaient à l’opposé de sa formation puritaine mais l’emportaient, par leur envergure et leur clarté, sur toutes les formulations théologiques antérieures de tout autre dirigeant religieux. Par exemple, sa notion d’un Dieu qui est une personne, plein de sollicitude, était à l’opposé de l’idée calviniste d’un Dieu sévère ne se souciant que de justice. Les révélations déclarant que la Divinité était constituée de trois personnes séparées et distinctes étaient en contradiction directe avec la théologie trinitaire calviniste traditionnelle. Mais plus que toute influence du milieu, ce fut Dieu qui façonna les idées de Joseph Smith. La théologie des saints des derniers jours affirme en effet que Dieu connut et prépara Joseph Smith dans un état d’existence antérieure à assumer le rôle-clef qu’il allait jouer dans le rétablissement de l’Eglise de Dieu sur la terre. C’est de sa préordination que Joseph Smith parlait quand il dit: «Quiconque est appelé à exercer un ministère auprès des habitants du monde a été ordonné à ce but même dans le grand conseil des cieux avant que le monde fût. Je suppose que c’est dans ce grand conseil que j’ai été ordonné à cet office même40.» 26 PATRIMOINE SPIRITUEL DE JOSEPH SMITH EN NOUVELLE -ANGLETERRE Brigham Young a dit à propos de Joseph Smith: «Il a été décrété dans les conseils de l’éternité, longtemps avant que les fondations de la terre soient posées, qu’il serait, dans la dernière dispensation de ce monde, l’homme chargé de faire paraître la parole de Dieu au peuple et de recevoir la plénitude des clefs et de la prêtrise du Fils de Dieu. Le Seigneur avait l’oeil sur lui, sur son père, sur le père de son père et sur leurs ancêtres jusqu’à Abraham, d’Abraham au déluge, du déluge à Enoch et d’Enoch à Adam. Il a observé cette famille et ce sang tandis qu’il circulait de sa source jusqu’à la naissance de cet homme. Il a été préordonné dans l’éternité à présider cette dernière dispensation41.» NOTES 1. Dans History of the Church, 5:498. 2. Salem Gazette, 22 novembre 1785, cité dans Richard Lloyd Anderson, Joseph Smith New England Heritage, Salt Lake City, Deseret Book Company, 1971, pp. 89, 91. 3. Cité dans Anderson, Joseph Smith’s New England Heritage, pp. 124-25, 129; voir aussi pp. 130-40. 4. George A. Smith, «Memoirs of George A. Smith», p. 2, cité dans Anderson, Joseph Smith’s New England Heritage, p. 112; voir aussi History of the Church, 2:443. 5. Smith, «Memoirs», p. 2, cité dans Anderson, Joseph Smith’s New England Heritage, pp. 112-13. 6. Edward W. Tullidge, History of Salt Lake City, Salt Lake City, Star Printing Co., 1886, p. 157. 7. Solomon Mack, A Narrative Life of Solomon Mack, Windsor, Vt [1811], p. 4. 8. Lucy Mack Smith, manuscrit préliminaire de Biographical Sketches of Joseph Smith, cité dans Anderson, Joseph Smith’s New England Heritage, p. 27. 9. Voir Mack, A Narrative Life of Solomon Mack, pp. 11-12, 17. 10. Mack, A Narrative Life of Solomon Mack, p. 17. 11. Dans Lucy Mack Smith, History of Joseph Smith, éd. Preston Nibley, Salt Lake City, Bookcraft, 1958, pp. 7-8. 12. Smith, Biographical Sketches, p. 68, cité dans Anderson, Joseph Smith’s New England Heritage, p. 29. 13. Smith, History of Joseph Smith, p. 31. 14. Smith, History of Joseph Smith, pp. 34-36. 15. Smith, History of Joseph Smith, p. 40. 16. William Smith, William Smith on Mormonism, Lamoni, Iowa, Herald Steam Book and Job Office, 1883, p. 6. 17. Dans Journal of Discourses, 8:351. 18. Smith, History of Joseph Smith, p. 182. 19. William Smith, cité dans Richard Lloyd Anderson, «Joseph Smith’s Home Environment», Ensign, juillet 1971, p. 58. 20. Smith, History of Joseph Smith, p. 46. 21. Dans Smith, History of Joseph Smith, p. 49, voir aussi pp. 48-50. 22. Dans Smith, History of Joseph Smith, p. 68. 23. Smith, History of Joseph Smith, p. 51. 24. Smith, History of Joseph Smith, p. 55. 25. Smith, History of Joseph Smith, p. 56. 26. LeRoy S. Wirthlin, «Nathan Smith (17621828) Surgical Consultant to Joseph Smith», Brigham Young University Studies, printemps 1977, p. 337; voir aussi LeRoy S. Wirthlin, «Joseph Smith’s Boyhood Operation: An 1813 Surgical Success», dans Sidney B. Sperry Symposium, 26 janvier 1980, pp. 328-47. 27. Dans Smith, History of Joseph Smith, p. 57. 28. Voir Smith, History of Joseph Smith, p. 67. 29. Smith, History of Joseph Smith, p. 82. 30. Smith, History of Joseph Smith, p. 59. 31. Henry Stommel et Elizabeth Stommel, Volcano Weather, Newport, R.I., Henry and Elizabeth Stommel, 1983, pp. 3, 11-12. 32. Larry C. Porter, «A Study of the Origins of The Church of Jesus Christ of Latter-day Saints in the States of New York and Pennsylvania, 1816-1831», thèse de doctorat, université Brigham Young, 1971, p. 30. 33. Lewis D. Stilwell, «Migration from Vermont (1776-1860)», cité dans Proceedings of the Vermont Historical Society, Montpelier, Vt, Vermont Historical Society, 1937, p. 135. 34. Smith, History of Joseph Smith, p. 61. 35. Smith, History of Joseph Smith, p. 62. 36. Smith, History of Joseph Smith, p. 62. 37. Manuscript History of the Church, cité dans Dean C. Jessee, éd., The Personal Writings of Joseph Smith, Salt Lake City Deseret Book Co., 1984, p. 666, orthographe normalisée. 38. Smith, History of Joseph Smith, p. 63. 39. Voir Gustive O. Larson, «New England Leadership in the Rise and Progress of the Church», Improvement Era, août 1968, p. 81. 40. History of the Church, 6:364. 41. Dans Journal of Discourses, 7:289-90. 27 CHAPITRE TROIS LA PREMIÈRE VISION Ligne du temps Date Evénement important 1818 Les Smith achètent une ferme dans le township (arrondissement) de Farmington 1819 Les réveils religieux s’intensifient dans le voisinage de Palmyra. Printemps de Joseph Smith, quatorze ans, 1820 voit le Père et le Fils dans un petit bois proche de la ferme de son père L E MONDE FUT DANS LES TÉNÈBRES SPIRITUELLES pendant des siècles pour avoir rejeté les apôtres du Seigneur. A l’exception de quelques lueurs, comme celles qu’aperçurent les Réformateurs, les cieux restèrent fermés. Tout cela changea grâce à l’expérience que connut un jeune garçon, au printemps de 1820, dans un petit bois du nord-ouest de l’Etat de New York. On était à l’aube d’une ère de lumières spirituelles. Spencer W. Kimball explique: «L’aube de ce jour nouveau pointa lorsqu’une autre âme supplia avec une ferveur passionnée pour être guidée par Dieu. Elle trouva un lieu retiré discret, tomba à genoux, exprima humblement ses supplications, et une lumière plus brillante que le soleil à midi illumina le monde: le rideau n’allait plus jamais se refermer. « . . . Les cieux embrassèrent la terre, la lumière dissipa les ténèbres et Dieu parla de nouveau à l’homme1.» C O L O N I S AT I O N Lake Ontario D E L’ O U E S T D E L’E TAT D E N E W YO R K Joseph Smith, père, décida de s’installer à Palmyra, petit village de la région des Finger Lakes de l’Etat de New York. La région était ainsi appelée parce que les lacs Rochester ana l E ri e C Palmyra Canandaigua ressemblaient à des doigts. La région comptait très peu d’habitants au début du Hill Cumorah Manchester Geneva Waterloo Peter Whitmer Farm Fayette dix-neuvième siècle, mais la population de la région des Finger Lakes augmenta rapidement. Dès 1820, il y avait de nombreuses localités le long des rives. Le sol de terre fertile et le terrain fortement boisé contribuèrent Canandaigua Lake considérablement à la croissance du territoire. Le canal de l’Erié, voie d’eau Finger Lakes Cayuga Lake Seneca Lake intérieure d’importance capitale conçue pour transporter les marchandises et les personnes d’un bout à l’autre de l’Etat de New York, d’Albany aux Grands Lacs, contribua considérablement au développement de la région. Terminé En 1816, lorsque les Smith s’installèrent à Palmyra, le village comptait environ six cents habitants. En 1818 ou 1819, ils commencèrent à défricher un terrain de quarante hectares près du township (arrondissement) de Farmington (qui devint plus tard le township ou arrondissement de Manchester). essentiellement à la main en 1825, pour un montant de plus de sept millions de dollars, ce canal de 584 kilomètres ramena le temps du transport des marchandises à travers l’Etat de trois semaines à six jours et réduisit les dépenses de millions de dollars. Le canal passait un pâté de maisons à côté de la rue principale de Palmyra. Joseph Smith, père, qui avait dix enfants (onze en 1821), travailla dur pour gagner sa vie. Après avoir passé deux ans à Palmyra, il avait accumulé suffisamment d’argent pour payer un acompte pour quarante hectares de terrain Ce vitrail représentant la Première Vision fut fabriqué par des artisans professionnels en Belgique et offert en 1907 par Annie D. Watkins à la dix-septième paroisse de Salt Lake City. boisé dans le township (arrondissement) voisin de Farmington. Au cours de la première année, ses fils et lui défrichèrent douze hectares de gros arbres, préparèrent le sol pour la culture et semèrent du blé2. Défricher le terrain, cela ne signifiait pas seulement abattre des arbres à la scie et à la hache, mais aussi 29 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS arracher les souches et les racines par les seuls efforts physiques de l’homme et de l’animal. Le jeune Joseph dit plus tard: «Pour entretenir la famille, il fallut les efforts de tous ceux qui étaient en mesure d’apporter une aide quelconque3.» Finalement le township (arrondissement) de Farmington fut divisé et, en 1822, la ferme Smith fut intégrée au nouveau township de Manchester. A cette époque, les possibilités qui s’offraient à Joseph Smith de faire des études étaient extrêmement limitées. Il l’attribue «à l’indigence» dans laquelle il fut élevé. «Nous fûmes privés des avantages de l’instruction. Qu’il nous suffise de dire Les travaux du canal de l’Erié commencèrent le 4 juillet 1817. qu’on m’apprit simplement la lecture, l’Ecriture et les règles de base de l’arithmétique, ce qui constitua tout mon bagage culturel4.» Le nombre de plus en plus grand d’Américains qui traversèrent les Catskill et Adirondack pour s’installer dans la région des Finger Lakes de l’ouest de New York, avait tendance à perdre le contact avec les Eglises établies dans leurs anciennes résidences. Ces colons «non affiliés» préoccupaient les dirigeants religieux des principales confessions, notamment les baptistes, les méthodistes et les presbytériens, qui mirent sur pied des programmes de prosélytisme pour leurs frères désavantagés de l’Ouest. Les méthodistes et les baptistes étaient particulièrement zélés dans leurs efforts à apporter la religion à ceux qui n’en bénéficiaient pas. Les méthodistes utilisaient des circuit riders. Il s’agissait de pasteurs itinérants qui allaient à cheval d’une localité à une autre dans une région donnée, ou circuit, pour veiller aux besoins religieux de la population. Les baptistes utilisaient la méthode du fermier prédicateur. Selon cette méthode, un homme habitant sur place gagnait sa vie par les travaux de la ferme mais occupait une chaire voisine le jour du sabbat. Ces efforts furent renforcés par l’enthousiasme du deuxième grand Réveil qui balayait à ce moment-là les Etats-Unis. Presque toutes les Eglises du nord-ouest de l’Etat de New York organisèrent des renouveaux. C’étaient des réunions évangéliques dont le but était de réveiller ceux qui étaient religieusement inertes. Les renouveaux revêtaient souvent la forme de réunions en plein air organisées à l’orée d’un bosquet ou dans une petite clairière Publié avec la permission de la bibliothèque du Congrès de la forêt. Les participants faisaient souvent de nombreux kilomètres sur des chemins poussiéreux ou remplis d’ornières pour dresser la tente ou garer leur chariot aux alentours du camp. Les camp meetings [réunions de camp] duraient souvent plusieurs jours, et certaines sessions duraient presque toute la journée et jusque dans la nuit. Les pasteurs prêchaient tour à tour, mais il n’était pas rare que deux ou trois pasteurs exhortent simultanément leurs auditeurs5. Le zèle religieux de l’ouest de New York au début des années 1800 était si fervent et si enthousiaste qu’on donna à la région le nom de Burned-Over District. Dans cette région des Finger Lakes figurativement embrasée par la flamme évangélique, il n’est pas «Circuit Rider» méthodiste, dessin par A.R. Waud 30 étonnant que le jeune Joseph Smith et sa famille aient été entraînés dans cette ferveur. Reproduit avec l’autorisation de la Bibliothëque du Congrës LA PREMIÈRE VISION “Camp meeting” typique vers 1830-35, dessin de A. Rider RECHERCHE PERSONNELLE DE JOSEPH Farmington (plus tard township ou arrondissement de Manchester) était une des quelques colonies de sa région à être affectée par cet enthousiasme religieux. Bien des années plus tard, Lucy Mack Smith s’en souvenait comme: «d’un grand renouveau de religion, qui s’étendit à toutes les confessions chrétiennes de la région environnante où nous résidions. Beaucoup de gens de ce monde, pris d’inquiétude quant au salut de leur âme, s’avancèrent et se présentèrent comme cherchant une religion6.” La plupart des gens voulaient devenir membres d’une Eglise mais étaient indécis quant au point de savoir laquelle ils allaient adopter. Le prophète Joseph raconte que deux ans environ après leur installation à la ferme, il y eut «une agitation peu commune à propos de la religion. Elle commença chez les méthodistes, mais devint bientôt générale dans toutes les sectes de cette région du pays. En effet, toute la contrée paraissait en être affectée, et de grands multitudes s’unirent aux différents partis religieux, ce qui ne causa pas peu de remue-ménage et de divisions parmi le peuple» (Joseph Smith, Histoire, v. 5). Les renouveaux et les camp meetings influencèrent le jeune Joseph. Il écrit dans son histoire personnelle: «Vers l’âge de douze ans, mon esprit commença à se soucier profondément de ces préoccupations majeures qu’étaient celles qui concernaient le bien-être de mon âme immortelle7.» Cela l’amena à scruter les Ecritures et à demander le pardon de ses péchés. En ce qui concene les prétentions avancées par les divers prédicateurs, il dit: «Je ne savais pas qui avait raison et qui avait tort, mais je considérais qu’il était capital pour moi d’être dans le bon dans le 31 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS e domaine . . . impliquant des conséquences éternelles . . . Il ajoute: «[Je suivais] leurs diverses assemblées aussi souvent que j’en avais l’occassion . . . Il était impossible quelqu’un d’aussi jeune et d’aussi peu informé des hommes et des choses que je l’étais, de décider d’une manière sûre qui avait raison et qui avait tort» (Joseph Smith, Histoire, v. 8). Il était également dérouté par l’agressivité et l’hypocrisie qu’il voyait chez les pasteurs et les autres chrétiens. Il dit: «La fréquentation intime de personnes appartenant à diverses confessions m’amena à m’étonner considérablement, car je découvris que leur profession de foi chrétienne ne s’accompagnait pas d’une conduite sainte et pieuse conforme à ce que je trouvais dans ce dépôt sacré [les saintes Ecritures]. Ce fut une source de tristesse pour moi9.» Lorsque les convertis commencèrent à se joindre d’abord à une Eglise puis à une autre, il vit que «les bons sentiments apparents des prêtres et des convertis étaient plus prétendus que réels, car il s’ensuivit une grande confusion et de mauvais sentiments, prêtre luttant contre prêtre et converti contre converti; de telle sorte que tous les bons sentiments qu’ils avaient les uns pour les autres, s’ils avaient jamais existé, se perdirent tout à fait dans une querelle de mots et un combat d’opinions» (Joseph Smith, Histoire, v. 6). Il n’est pas difficile de s’imaginer l’effet que cet état de choses eut sur le jeune esprit inquisiteur de Joseph. Les hommes mêmes qu’il croyait capables de lui montrer le chemin menant à Dieu «comprenaient si différemment les mêmes passages de l’Ecriture que cela faisait perdre toute confiance de régler la question par un appel à la Bible» (v. 12). Il explique: «Au milieu de cette guerre de paroles et de ce tumulte d’opinions, je me disais souvent: Que faut-il faire? Lequel de tous ces partis a raison? Ou ont-ils tous tort? Si l’un d’eux a raison, lequel est-ce et comment le saurai-je?» (v. 10). Joseph Smith venait d’une famille croyante. Sa mère, une de ses soeurs et deux de ses frères étaient devenus membres du culte presbytérien, mais cette confession ne le satisfaisait pas. Toutefois, depuis son enfance, ses parents l’avaient instruit dans la religion chrétienne. Une des Eglises existantes devait être la bonne, se disait-il, mais laquelle? Dans sa recherche de l’Eglise correcte, il n’avait pas l’intention de créer sa propre Eglise, et il ne lui était pas non plus venu à l’esprit que la vérité n’était pas sur la terre. Il ne savait tout simplement pas où trouver la vérité, mais, ayant été formé à croire aux Ecritures, il se tourna vers elles pour obtenir sa réponse. Comme beaucoup d’autres familles de la frontière, les Smith possédaient une Bible. Les semences déposées par «de bons parents» avaient été entretenues par le Saint-Esprit. Combien de jours et de nuits il médita, chercha et pria pour recevoir la lumière, il ne nous le dit pas. Il ne nous dit pas non plus s’il s’ouvrit de ses sentiments et de ses désirs secrets à sa famille. Ses années de préparation et son temps, ses efforts et sa méditation furent récompensés. Il découvrit une solution possible à son problème à l’âge de quatorze ans, tandis qu’il lisait dans la Bible: «Si quelqu’un d’entre vous manque de sagesse, qu’il la demande à Dieu, qui donne à tous simplement et sans reproche, et elle lui sera donnée» (Jacques 1:5). 32 LA PREMIÈRE VISION Ce passage eut un effet profond sur Joseph. «Jamais aucun passage de l’Ecriture ne toucha le coeur d’un homme avec plus de puissance que celui-ci ne toucha alors le mien. Il me sembla qu’il pénétrait avec une grande force dans toutes les fibres de mon coeur. J’y pensais constamment, sachant que si quelqu’un avait besoin que Dieu lui donne la sagesse, c’était bien moi; car je ne savais que faire, et à moins de recevoir plus de sagesse que je n’en avais alors, je ne le saurais jamais» (Joseph Smith, Histoire, v. 12). La Bible ne dit pas à Joseph quelle Eglise était la vraie, mais elle lui dit que la prière pourrait résoudre son problème. Il réfléchit à cette idée. «Enfin, j’en vins à la conclusion que je devais, ou bien rester dans les ténèbres et la confusion, ou bien suivre le conseil de Jacques, c’est-à-dire demander à Dieu . . . «Ainsi donc, mettant à exécution ma détermination de demander à Dieu, je me retirai dans les bois pour tenter l’expérience. C’était le matin d’une belle et claire journée du début du printemps de 1820» (vv. 13-14). C’était la première fois qu’il essayait de prier à haute voix (voir v. 14). Ce qui arriva ensuite mit Joseph Smith définitivement à part de ses contemporains. Dieu, le Père éternel, et son Fils, Jésus-Christ, lui apparurent. On utilise, pour décrire une vision de la Divinité, le mot théophanie. La Bible confirme que les théophanies existent. A Peniel, Jacob se réjouit, disant: «J’ai vu Dieu face à On ne connaît pas l’endroit exact où Joseph Smith eut sa Première Vision. On pense que l’endroit le plus vraisemblable est le bosquet qui se trouve en face de la maison familiale. face, et mon âme a été sauvée» (Genèse 32:30). Dieu parla avec Moïse «face à face, comme un homme parle à son ami» (Exode 33:11; voir aussi Nombres 12:8). Et Esaïe écrit: «Mes yeux ont vu le Roi, l’Eternel des armées» (Esaïe 6:5). Dieu le Père et son Fils, Jésus-Christ, apparurent ensemble à Joseph Smith, qui avait alors quatorze ans. Depuis la résurrection de Jésus-Christ, il n’y avait pas encore eu une telle menace contre le royaume du diable. Il ne faut donc pas s’étonner que Satan ait été présent ce matin-là. Comme Moïse (voir Moïse 1:12-22), Joseph connut l’opposition directe de Satan: «Après m’être retiré à l’endroit où je m’étais proposé, au préalable, de me rendre, ayant regardé autour de moi et me voyant seul, je m’agenouillai et me mis à exprimer le désir de mon coeur à Dieu. A peine avais-je commencé que je fus saisi par une puissance qui me domina entièrement et qui eut une influence si étonnante sur moi que ma langue fut liée, de sorte que je ne pouvais pas parler. Des ténèbres épaisses m’environnèrent, et il me sembla un moment que j’étais condamné à une destruction soudaine» (Joseph Smith, Histoire, v. 15). Les forces des ténèbres étaient terribles, mais la délivrance vint d’une puissance plus grande encore. Joseph mit toutes ses forces à demander à Dieu de le délivrer de l’ennemi qui s’était emparé de lui. Voici comment il décrit l’événement: «Au moment même où j’étais prêt à tomber dans le désespoir et à m’abandonner à la destruction . . . , je vis, exactement au-dessus de ma tête, une colonne de lumière, plus brillante que le soleil, descendre peu à peu jusqu’à tomber sur moi. «A peine eut-elle apparu que je me sentis délivré de l’ennemi qui m’enserrait. Quand la lumière se posa sur moi, je vis deux personnages dont l’éclat et la gloire défient toute description, et qui se tenaient au-dessus de moi dans les airs. L’un 33 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS d’eux me parla, m’appelant par mon nom, et dit, me montrant l’autre: Celui-ci est mon Fils bien-aimé. Ecoute-le! (vv. 16-17). Satan et son pouvoir étaient bannis. A sa place se tenaient le Père et le Fils dans leur gloire immortelle. Dès qu’il put parler, Joseph leur demanda laquelle des sectes était la bonne et à laquelle il devait se joindre. Il rapporte: «Il me fut répondu de ne me joindre à aucune, car elles étaient toutes dans l’erreur; et le personnage qui me parlait dit que tous leurs credos étaient une abomination à ses yeux; que ces docteurs étaient tous corrompus. Le personnage ajouta: «Ils’approchent de moi des lèvres, mais leur coeur est loin de moi; ils enseignent pour doctrines des commandements d’hommes, ayant une forme de piété, mais ils en nient la puissance›. «Il me défendit à nouveau de me joindre à aucune d’elles . . . Quand je revins à moi, j’étais couché sur le dos, regardant au ciel» (vv. 19-20). Il était faible à cause de la présence de la Divinité, et il lui fallut un certain temps avant de retrouver ses forces et de rentrer chez lui. Il fut profondément touché par la vision céleste. Outre qu’il avait reçu la réponse à sa question sur le point de savoir quelle Eglise était la bonne, il lui avait été dit que ses péchés lui étaient pardonnés10 et que «la plénitude de l’Evangile [lui serait] révélée ultérieurement11». Les effets de cette expérience influencèrent le prophète pendant toute sa vie. Des années plus tard, il conservait un souvenir vif de son impact: «Mon âme était remplie d’amour et, pendant de nombreux jours, j’éprouvai une grande joie, et le Seigneur était avec moi12.» RÉACTIONS À LA VISION DE JOSEPH Peu après son retour à la maison, sa mère, remarquant peut-être l’état d’affaiblissement dans lequel il se trouvait, lui demanda ce qui se passait. Il répondit: «Ce n’est rien, tout va bien, je ne me sens pas mal . . . J’ai appris personnellement que le presbytérianisme n’est pas vrai» (Joseph Smith, Histoire, v. 20). Joseph ne dit pas s’il en dit davantage à sa mère à ce moment-là. Il finit par parler de sa théophanie à d’autres membres de la famille. Son frère William affirme: «Nous avions la confiance la plus absolue en ce qu’il disait. C’était un garçon sincère. Papa et maman le croyaient, pourquoi pas les enfants13?» Cet événement capital répondait à la question de Joseph, mais ce ne fut pas le cas pour d’autres. Il dit: «Je m’aperçus bientôt que le fait de raconter mon histoire m’avait beaucoup nui auprès des professeurs de religion et était la cause d’une grande persécution qui allait croissant» (Joseph Smith, Histoire, v. 22). Un des premiers, en dehors de la famille, à entendre le récit de ce qui était arrivé à Joseph, fut «un des prédicateurs méthodistes, qui était très actif dans l’agitation religieuse mentionnée précédemment». Il croyait naïvement que le pasteur serait heureux de cette grande nouvelle venue du ciel. Mais: «Je fus grandement surpris de son attitude; il traita mon récit non seulement avec légèreté, mais aussi avec un profond mépris, disant que tout cela était du diable, que les visions ou les révélations, cela n’existait pas de nos jours, que toutes les choses de ce genre avaient cessé avec les apôtres, et qu’il n’y en aurait jamais plus» (v. 21). 34 LA PREMIÈRE VISION C’était une attitude courante dans le monde religieux. Il était impensable que le Dieu Tout-Puissant condescende à se révéler en 1820 à un garçon de quatorze ans de la façon dont il s’était révélé aux prophètes d’autrefois. L’expérience sacrée de Joseph fut à l’origine de grandes persécutions. Il avait du mal à comprendre la haine de ceux qui prétendaient être chrétiens. Comme il le dit: «[J’étais] un garçon obscur de quatorze à quinze ans à peine, et . . . ma situation dans la vie [était] de nature à faire de moi un garçon sans importance dans le monde, pourtant des hommes haut placés me remarquèrent suffisamment pour exciter l’opinion publique contre moi . . . ce fut souvent une cause de grand chagrin pour moi» (vv. 22-23). William Smith dit plus tard: «Nous n’avions pas le sentiment d’être de mauvaises gens, jusqu’à ce que Joseph raconte sa vision. Nous étions considérés comme respectables jusqu’à ce moment-là, mais immédiatement les gens se mirent à faire circuler des mensonges et des histoires d’une manière étonnante14.» Parce que l’expérience de Joseph Smith était quelque chose de réel, cela lui permit de supporter les persécutions grandissantes. Il se compara à Paul, l’apôtre, qui vit le Seigneur ressuscité et entendit sa voix. Très peu de gens le crurent, et George Lane (1784-1859) était un pasteur méthodiste qui vivait à l’époque de Joseph Smith. La tradition familiale des Smith rattache Lane au renouveau à Palmyra. certains prétendirent même qu’il était malhonnête ou mentalement dérangé. Cela ne changeait rien au fait que ce que Paul savait avoir vécu était réel. Joseph déclare: «Il en était de même pour moi. J’avais réellement vu une lumière, et au milieu de cette lumière, je vis deux Personnages, et ils me parlèrent réellement; et quoique je fusse haï et persécuté pour avoir dit que j’avais eu cette vision, cependant c’était la vérité» (Joseph Smith, Histoire, v. 25). Joseph ressentait la même chose que l’enfant que l’on accuse et que l’on punit à tort. Il dit: «Je fus amené à me dire en mon coeur: Pourquoi me persécutent-ils parce que j’ai dit la vérité? J’ai réellement eu une vision, et qui suis-je pour résister à Dieu? Et pourquoi le monde pense-t-il me faire renier ce que j’ai vraiment vu? Car j’avais eu une vision, je le savais, et je savais que Dieu le savait, et je ne pouvais le nier» (v. 25). Le nier l’aurait mis sous la condamnation, et il n’osait pas prendre le risque d’offenser Dieu. I M P O RTA N C E DE LA PREMIÈRE VISION La Première Vision fut un événement crucial de l’origine du royaume de Dieu sur la terre dans les derniers jours. Quoique sans instruction, Joseph Smith avait appris de profondes vérités qui sont devenues le fondement de la foi des saints des derniers jours. Il avait véritablement vu Dieu le Père et son Fils, Jésus-Christ, et leur avait parlé. Il avait donc appris que la promesse faite dans Jacques est vraie. Dieu répond aux prières sincères de ceux qui demandent et ne nous fait pas de reproche. Pour Joseph, Dieu était devenu une réalité que l’on pouvait aborder, une source vivante de vérité et un Père céleste aimant. La croyance de Joseph Smith en l’existence de Dieu n’était plus une question de foi; elle était basée sur l’expérience personnelle. Il était donc qualifié, comme l’apôtre Pierre, à être un témoin que Dieu avait choisi et à qui il avait commandé de prêcher et de témoigner de JésusChrist (voir Actes 10:39-43). Il pouvait également témoigner que le Père et le Fils étaient des êtres glorieux séparés et distincts et que l’homme est littéralement fait à leur image. 35 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Il savait aussi maintenant que Satan existe, que c’est un être qui possède un pouvoir redoutable et que c’est un ennemi décidé à détruire l’oeuvre de Dieu. Satan échoua dans le Bosquet sacré, mais le conflit ne faisait que commencer. Joseph allait mener beaucoup de combats contre cet adversaire de la justice avant que son oeuvre ne fût terminée. De plus, la réponse faite par le Seigneur à sa question de savoir quelle Eglise était vraie, constituait une accusation globale contre le christianisme du dix-neuvième siècle, car aucune Eglise alors sur la terre n’avait l’approbation divine. Tout comme il avait mis ses disciples en garde contre le «levain» doctrinal des pharisiens et des sadducéens (voir Matthieu 16:6-12), de même le Sauveur enseigna à Joseph Smith que les Eglises existantes enseignaient «des commandements d’hommes» (Joseph Smith, Histoire, v. 19). Il ne devait donc se joindre à aucune d’elles. Joseph F. Smith, neveu du prophète et sixième président de l’Eglise, donne les précisions suivantes sur l’importance de la Première Vision: «Le plus grand événement qui se soit jamais produit dans le monde depuis la résurrection du Fils de Dieu et son ascension au ciel a été l’apparition du Père et du Fils à ce jeune Joseph Smith, pour préparer le chemin pour jeter les bases de son royaume—pas le royaume de l’homme—qui ne cessera plus jamais et ne sera plus jamais renversé. Ayant accepté cette vérité, je trouve qu’il est facile d’accepter toutes les autres vérités qu’il a énoncées et proclamées pendant les quatorze années de sa mission dans le monde15.» NOTES 1. Spencer W. Kimball dans Conference Report, avril 1977, p. 114 ou Ensign, mai 1977, p. 77. 9. «History of Joseph Smith By Himself», p. 2; Jessee, Personal Writings of Joseph Smith, p. 5. 2. Voir Lucy Mack Smith, History of Joseph Smith, éd. Preston Nibley, Salt Lake City, Bookcraft, 1958, pp. 63-64. 10. Voir «History of Joseph Smith By Himself», p. 3; Jessee, Personal Writings of Joseph Smith, p. 6. 3. “History of Joseph Smith By Himself ”, 1832 (écrit à Kirtland [Ohio] entre le 20 juillet et le 27 novembre 1832), département d’histoire de l’Eglise, Salt Lake City, p. 1; voir aussi Dean C. Jessee, éditeur, The Personal Writings of Joseph Smith, Salt Lake City, Deseret Book Co., 1984, p. 4 (contient la reproduction de tous les écrits holographiques connus de Joseph Smith). 11. History of the Church, 4:536. Cette déclaration fait partie d’une réponse écrite par Joseph Smith à John C. Wentworth, rédacteur du Chicago Democrat. M. Wentworth avait écrit au nom d’un de ses amis, M. Bastow (son nom réel était George Barstow), qui écrivait une histoire du New Hampshire et souhaitait y inclure «des informations correctes» concernant l’origine et l’évolution de l’Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours. 4. «History of Joseph Smith By Himself», p. 1; Jessee, Personal Writings of Joseph Smith, p. 4. 5. Voir Milton V. Backman, Jr, Joseph Smith’s First Vision, 2e édition, Salt Lake City, Bookcraft, 1980, pp. 72-74. 6. Smith, History of Joseph Smith, p. 68. 7. «History of Joseph Smith By Himself», pp. 1-2; Jessee, Personal Writings of Joseph Smith, pp. 4-5. 8. Joseph Smith, «History A-1», novembre 1835, département d’histoire de l’Eglise, Salt Lake City, p. 120. 36 12. «History of Joseph Smith By Himself», p. 3; Jessee, Personal Writings of Joseph Smith, p. 6. 13. Dans J.W. Peterson, «Another Testimony, Statement of William Smith, Concerning Joseph the Prophet», Deseret Evening News, 20 janvier 1894, p. 11. 14. Dans Peterson, «Another Testimony», p. 11. 15. Joseph F. Smith, Doctrine de l’Evangile, p. 416. CHAPITRE QUATRE UNE PÉRIODE 1823-29 Ligne du temps Date Evénement important 21-22 sept. 1823 Premières apparitions de Moroni à Joseph Smith 1824-27 Les quatre visites annuelles de Joseph Smith à Cumorah D E P R É PA R AT I O N , L ORSQUE JOSEPH SMITH sortit du Bosquet en ce beau matin de printemps de 1820, il n’allait plus jamais être comme avant. Il savait que le Père et le Fils étaient vivants, et il allait témoigner de cette vérité pendant toute sa vie. Ce ne fut toutefois que trois ans après avoir eu sa grande vision de 19 nov. 1823 Décès d’Alvin Smith Dieu qu’il reçut d’autres instructions concernant l’oeuvre importante à laquelle il Oct. 1825 avait été appelé. Joseph travaille pour Josiah Stowel et rencontre Emma Hale 18 janv. 1827 Mariage de Joseph Smith, fils, et d’Emma Hale 22 sept. 1827 Les plaques sacrées sont confiées à Joseph Février 1828 Martin Harris rend visite à Charles Anthon à New York Au cours de cette période, Joseph traversa l’adolescence, époque au cours de laquelle des enseignants compréhensifs et des concitoyens sympathiques auraient pu le fortifier. Mais Joseph avait reçu peu d’instruction et, comme nous l’avons vu, son témoignage suscitait l’hostilité. Même des amis en qui il avait confiance se détournèrent de lui; néanmoins il avait constamment le soutien aimant de Févr.-juin 1828 Traduction des 116 premières pages du Livre de Mormon; perte du manuscrit sa famille. Sept. 1828 d’erreurs insensées et [manifesta] les faiblesses de la jeunesse» (Joseph Smith, Le don de traduire est rendu à Joseph Il reconnut qu’au cours de cette période, il tomba «fréquemment dans beaucoup Histoire, v. 28). Son «tempérament naturellement jovial» était une des raisons, selon lui, pour lesquelles il lui arrivait de tenir «joyeuse compagnie» et de se rendre «coupable de légèreté», ce qu’il considérait ne pas convenir à la réputation que devait entretenir quelqu’un qui avait été appelé par Dieu (voir v. 28). Néanmoins, il ne se rendit pas «coupable de péchés graves ou capitaux» (v. 28). Selon sa mère, il ne se passa pas grand-chose d’important pendant cette période. Joseph travaillait comme d’habitude avec son père à la ferme familiale, travaillant dans les champs, abattant des arbres ou recueillant du sucre d’érable; il lui arrivait de faire des travaux occasionnels comme creuser les fondations d’un bâtiment ou travailler dans les champs de maïs pour Martin Harris. Cet intervalle de trois ans donna au jeune Joseph le temps de grandir, de mûrir, d’acquérir de l’expérience et de mieux se former. Les recherches archéologiques effectuées pendant l’été de 1982 confirment l’emplacement de la maison de rondins signalée dans un relevé des rues de 1820. Bien qu’au cours des années les fondations, peu profondes, aient été détruites par les charrues, les archéologues ont découvert trois endroits en dessous de la zone de labour, avec un puits et une cave peu profonde dans laquelle on a trouvé de nombreux objets de la période1. C’est pendant que la famille Smith vivait dans la maison de rondins que Joseph Smith reçut sa Première Vision en 1820. En septembre 1823, l’ange Moroni apparut à Joseph dans cette maison. PREMIÈRE A P PA R I T I O N D E MORONI En 1822, Joseph commença à aider son frère aîné Alvin à construire une nouvelle maison de bois pour la famille. En septembre 1823, elle avait un étage mais pas encore de toit. La famille continua à vivre dans sa petite maison de rondins. C’est là, le soir du dimanche 21 septembre 1823, que Joseph, dix-sept ans, alla se coucher. Préoccupé par sa situation face au Seigneur, il pria avec ferveur pour obtenir le pardon de ses péchés. Il avait l’assurance qu’il recevrait de nouveau une manifestation divine. Tout à coup, sa chambre se remplit de lumière et un messager céleste se tint à son chevet, accomplissant en partie la grande 37 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS En 1818-19, la famille Smith avait entrepris des négociations pour acheter environ quarante hectares dans le township de Farmington (plus tard Manchester), et elle commença à construire une petite maison de rondins (d’environ 7 m sur 9) qu’elle termina en 1818-19. Les Smith vécurent dans la maison de rondins jusqu’en 1825. A ce moment-là, ils construisirent une maison plus grande et plus belle où ils vécurent jusqu’en 1829. Les difficultés financières causèrent la perte de la maison, de sorte qu’ils retournèrent vivre dans la maison de rondins. En 1830 Joseph Smith, père, installa le reste de sa famille dans le village de Waterloo (comté de Seneca, New York)2. prophétie de Jean l’apôtre (voir Apocalypse 14:6-7). Joseph décrit cet être ressuscité comme suit: «Il était vêtu d’une tunique ample de la plus exquise blancheur, d’une blancheur qui surpassait celle de toutes les choses terrestres que j’avais vues et je ne crois pas que quoi que ce soit de terrestre puisse être rendu aussi extraordinairement blanc et brillant. Ses mains étaient nues, ses bras aussi, un peu au-dessus des poignets; ses pieds étaient nus et ses jambes aussi, un peu au-dessus des chevilles. Sa tête et son cou étaient nus aussi. Je pus découvrir qu’il n’avait d’autre vêtement que cette tunique, celle-ci étant ouverte, de sorte que je pouvais voir son sein. «Non seulement sa tunique était extrêmement blanche, mais toute sa personne était glorieuse au-delà de toute description, et son visage était véritablement Colline de Cumorah—5 km Ligne frontière nord de la ferme des Smith, limite des townships (arrondissements) de Palmyra et de Manchester et frontière entre les comtés de Wayne et d’Ontario 1. Maison de rondins 2. Petite grange 3. Maison de bois 4. Grange 5. Atelier de tonnelier Clôture de pierre Verger (pêchers) Cultures ➌ Palmyra—3 km au nord ➋ ➊ Verger (pommiers) Potager Potager ➎ Route de Stafford ➍ Pré Pont Crooked creek (ruisseau) Pré Cultures Cultures Clôture en treillage Nord Bosquet Sacré Ferme de 40 ha de Joseph Smith, père 38 Clôture de pierre UNE PÉRIODE DE PRÉPARATION, 1823-29 comme l’éclair. La chambre était extraordinairement claire, mais pas aussi brillante que dans le voisinage immédiat de sa personne. D’abord je fus effrayé de le voir, mais la crainte me quitta bientôt» (Joseh Smith, Histoire, vv. 31-32). Le messager se présenta comme étant Moroni, prophète qui avait vécu sur le continent américain. En sa qualité de détenteur des clefs du «bois d’Ephraïm» (voir D&A 27:5), Moroni venait au moment prévu révéler l’existence d’annales écrites sur des plaques d’or, qui étaient restées cachées dans le sol pendant quatorze siècles. C’était «l’histoire des anciens habitants de ce continent . . . Il dit aussi que la plénitude de l’Evangile éternel y était contenue, telle qu’elle avait été donnée par le Sauveur à ces anciens habitants» (Joseph Smith, Histoire, v. 34). Joseph devait traduire les Heber J. Grant, président de l’Eglise, présida une réunion organisée le 23 septembre 1923 dans le Bosquet sacré pour commémorer le 100e anniversaire de l’apparition de Moroni. De gauche à droite, Joseph Fielding Smith, Rudger Clawson, le président Grant, Augusta W. Grant, James E. Talmage et Brigham H. Roberts, président de la mission des Etats de l’Est. annales et les publier; à cause de cela et d’autres choses qu’il serait appelé à faire, son nom serait connu en bien et en mal parmi tous les peuples (voir v. 33). Moroni mentionna plusieurs passages de la Bible, citant des prophètes tels que Malachie, Esaïe, Joël et Pierre concernant les préparatifs à faire dans les derniers jours pour le règne millénaire du Christ. C’est ainsi que commença la formation évangélique de Joseph Smith par Moroni. Le message de Moroni et la nécessité d’en pénétrer l’esprit du jeune prophète étaient si importants que Moroni revint encore deux fois cette nuit-là et répéta les mêmes instructions, ajoutant chaque fois d’autres informations. Au cours du premier «entretien», Joseph eut la vision de l’emplacement des plaques (voir v. 42). Elles étaient enterrées sur le flanc d’une colline à environ cinq kilomètres de chez lui. Lors de la seconde visite, il lui annonça que «de grands jugements venaient sur la terre» (voir v. 45). A la fin de la troisième visite, il l’avertit que Satan essayerait de le tenter d’obtenir les plaques pour leur valeur temporelle à cause de la pauvreté de sa famille. Il lui dit qu’il ne devait se procurer les plaques que dans un seul but, glorifier Dieu. Il n’y avait qu’un seul motif qui devait l’influencer, c’était l’édification du royaume de Dieu (voir v. 46). Les événements ultérieurs apprirent au prophète pourquoi Moroni lui avait donné de tels avertissements et de telles Church Street directives. Ses entretiens avec Moroni occupèrent la plus grande partie de la nuit, Maison de Martin Harris Tombe d’Alvin Smith Village de Macedon Le prophète y creusa un puits car à la fin de la troisième visite, il entendit le coq chanter. Effectivement un jour nouveau de lumière spirituelle était sur le point de se lever. Esaïe parla de cette Tombe de Calvin Stoddard époque en disant que ce serait un moment où il y aurait «des prodiges et des Village de Palmyra miracles» (Esaïe 29:14). Route 31 Maison de Joseph Smith Ferme de Willard Chase Bosquet sacré Etang de la scierie de Russell Stoddard (lieu des premiers baptêmes) Maison d’Orrin Porter Rockwell Colline de Cumorah Stafford Street Village de Manchester nd aigua Maison de Jerusha Barden dans ces environs an a Rou te de C Canandaigua Région de Palmyra et de la colline de Cumorah Vienna (maintenant Phelps) PREMIÈRE VISITE À CUMORAH Ce matin-là, Joseph se rendit comme d’habitude au travail des champs avec son père et ses frères. Le manque de sommeil et le fait d’avoir été la plus grande partie de la nuit en la présence d’un être glorifié et ressuscité l’avaient affaibli, de sorte qu’il eut du mal à travailler. Remarquant l’état dans lequel se trouvait son fils et le croyant malade, son père lui dit de rentrer à la maison. Sur le chemin du retour, Joseph s’évanouit. Puis il entendit quelqu’un l’appeler par son nom. Quand il revint à lui, il trouva de nouveau, à sa grande surprise, Moroni devant lui3. Celuici lui répéta alors le même message qu’il lui avait déjà donné et lui commanda en outre d’informer son père de la vision et des commandements qu’il avait reçus. 39 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS La colline de Cumorah est un drumlin (moraine de fond), une longue colline aux flancs escarpés et à l’extrémité en pente formée lors de l’avance d’un glacier continental. Les drumlins de cette région sont orientés du nord au sud. Oliver Cowdery, qui se rendit à la colline en 1830, la décrit comme suit: «L’extrémité nord jaillissait tout d’un coup de la plaine, formant un promontoire dépourvu d’arbres, mais couvert d’herbe. En se dirigeant vers le sud, on ne tardait pas à arriver à des arbres épars, la surface ayant été débarrassée soit par l’homme, soit par le vent; et un peu plus à gauche, on était entouré par la forêt ordinaire à la région . . . C’est au deuxième endroit mentionné que les annales furent découvertes, du côté ouest de la colline, non loin du sommet4.» Joseph fit demi-tour et raconta toute l’affaire à son père, lequel l’assura que cela venait de Dieu et lui dit de faire ce qui lui avait été commandé. Joseph raconte: «Je quittai le champ pour me rendre au lieu où le messager m’avait dit que les plaques se trouvaient; et grâce à la netteté de la vision que j’avais eue à son sujet, je reconnus l’endroit dès que j’y arrivai» (Joseph Smith, Histoire, v. 50). Près du sommet de la colline, il trouva une grosse pierre, «épaisse et arrondie au milieu de la face supérieure et plus mince vers les bords» (v. 51). C’était le couvercle d’un coffre de pierre. On s’imagine sans peine l’excitation avec laquelle il ouvrit le coffre. Alors apparurent, après y être restées cachées pendant des siècles, les plaques, l’urim et le thummim et le pectoral, comme Moroni l’avait expliqué. «On avait formé la boîte qui les renfermait en assemblant des pierres dans une sorte de ciment. Au fond de la boîte, deux pierres étaient posées en travers et sur ces pierres se trouvaient les plaques et les autres objets» (Joseph Smith, Histoire, v. 52). Pendant qu’il était dans cette vie, Moroni avait prophétisé qu’on ne pourrait pas utiliser les plaques pour le gain temporel à cause du commandement de Dieu, mais qu’elles auraient un jour une grande valeur pour les générations futures, parce que cela leur permettrait d’accéder à la connaisance de Dieu (Mormon 8: 14 15). Tandis qu’il s’approchait de la colline de Cumorah, Joseph pensait à la pauvreté de sa famille et à la possibilité que les plaques ou la popularité de la traduction produiraient suffisamment de richesse pour «l’élever au-dessus du niveau de vie habituel de ses semblables et sortiraient sa famille de la pauvreté5». Lorsqu’il voulut prendre les plaques, il reçut un choc, ce qui l’empêcha de les sortir du coffre. Il essaya encore deux fois et fut repoussé. Contrarié, il s’écria: «Pourquoi ne puis-je pas prendre ce livre?» Moroni lui apparut et lui dit que c’était parce qu’il n’avait pas gardé les commandements mais avait cédé à la tentation de Satan d’obtenir les plaques pour acquérir la richesse plutôt que d’avoir le regard fixé uniquement sur la gloire de Dieu comme cela lui avait été commandé6. 40 UNE PÉRIODE DE PRÉPARATION, 1823-29 Repentant, Joseph invoqua humblement le Seigneur et fut rempli de l’Esprit. Une vision s’ouvrit à lui, et la «gloire du Seigneur brilla tout autour de lui et reposa sur lui . . . Il vit le Prince des ténèbres . . . le messager céleste [Moroni] dit: ‹Tout ceci t’est montré, le bien et le mal, le saint et l’impur, la gloire de Dieu et le pouvoir des ténèbres, afin que tu reconnaisses dorénavant les deux puissances et ne te laisses jamais influencer ou vaincre par le Malin.› . . . Tu vois maintenant pourquoi tu n’as pas pu prendre ce livre; que le commandement était strict, et que si jamais on doit se procurer ces objets sacrés, il faut qu’on le fasse par la prière et la fidélité à obéir au Seigneur. Ils ne sont pas cachés ici pour accumuler du gain et de la richesse pour la gloire de ce monde: ils sont scellés par la prière de la foi et, à cause de la connaissance qu’elles contiennent, elles n’ont d’autre valeur que cette connaissance pour les enfants des hommes7.» Moroni conclut en avertissant Joseph qu’il ne lui serait permis d’obtenir les plaques «que lorsqu’il aurait appris à garder les commandements de Dieu: non seulement quand il y serait disposé mais aussi capable de le faire . . . “Le soir suivant, lorsque la famille fut réunie, Joseph l’informa de tout ce qu’il avait communiqué à son père dans les champs et raconta aussi la découverte des annales, ainsi que ce qui s’était passé entre l’ange et lui tandis qu’il était à l’endroit où les plaques étaient déposées8.” SUITE D E L A P R É PA R AT I O N D E JOSEPH L’oeuvre monumentale qu’allait être la publication du Livre de Mormon fut prédite par les prophètes d’autrefois (voir Esaïe 29, Ezéchiel 37:15-20, Moïse 7:62). Une oeuvre d’une telle ampleur nécessitait une préparation soigneuse. Dans ce cas, il a fallu quatre ans de formation. Pendant ce temps-là, Joseph rencontra annuellement Moroni à la colline de Cumorah pour recevoir des instructions en vue de la réception des plaques. D’autres prophètes néphites, pour qui la parution du Livre de Mormon était d’un intérêt capital, jouèrent également un rôle important dans la préparation de Joseph. Néphi, Alma, les douze apôtres choisis par le Sauveur en Amérique et Mormon instruisirent tous Joseph9. Pendant cette période, son instruction fut intensive. Lucy, sa mère, décrit ainsi leurs conversations du soir: «Joseph nous faisait de temps en temps les descriptions les plus amusantes que l’on puisse imaginer. Il décrivait les anciens habitants de ce continent, leur habillement, leur façon de voyager et les animaux qu’ils chevauchaient; leurs villes, leurs bâtiments, dans tous les détails; leur façon de faire la guerre et aussi leur culte religieux. Il le faisait avec autant d’aise, semblait-il, que s’il avait passé toute sa vie parmi eux10.» EVÉNEMENTS INTERMÉDIAIRES Entre la première apparition de Moroni et le moment où Joseph reçut les plaques, plusieurs événements importants se produisirent dans sa vie. En Pierre tombale d’Alvin Smith. «En souvenir d’Alvin, fils de Joseph et de Lucy Smith, décédé le 19 novembre 1823, dans la vingtcinquième année de sa vie.» novembre 1823, une tragédie frappa la maison des Smith. Alvin, frère aîné de Joseph, tomba malade; Joseph Smith, père, ne put trouver le médecin de famille. Celui qui finit par venir administra du calomel (du chlorure de mercure), laxatif 41 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Il y a environ deux cent dix kilomètres entre la ferme des Smith à Palmyra et Harmony (Pennsylvanie). qu’on utilisait à l’époque comme remède à beaucoup de maux. Waterloo Peter Whitmer Farm Cayuga Fayette Lake Cayuga County To Palmyra Onondaga County Seneca County Mais le médicament se fixa dans Madison County l’estomac d’Alvin, causant une souffance encore plus grande. Il Cortland County mourut le 19 novembre 1823 Chenango County après quatre jours de maladie. Ithaca Chemung County New York Pennsylvania Tioga County r e v quehanna R Sus i Schuyler County South Bainbridge Tompkins County Colesville Broome County Joseph Smith and Isaac Hale Homes C’était un jeune homme loyal et sérieux, et Joseph l’idolâtrait. Il Village of Harmony Harmony voyait en lui quelqu’un en qui il n’y avait pas de fraude, qui menait une vie droite. Alvin aussi aimait Joseph et s’intéressait beaucoup aux annales sacrées. Sur le point de mourir, il recommanda à Joseph: «Je tiens à ce que tu sois un bon garçon et à ce que tu fasses tout ce qui est en ton pouvoir pour obtenir les annales. Sois fidèle à recevoir tes instructions et à garder tous les commandements qui te sont donnés11.» Joseph apprit par révélation, des années plus tard, qu’Alvin était héritier du royaume céleste (voir D&A 137:1-6). Après la mort d’Alvin, les Smith connurent des difficultés économiques. Joseph et ses frères s’engageaient à la journée pour tous les travaux qu’on voulait leur donner. La chasse au trésor était à l’époque la grande mode aux Etats-Unis. En octobre 1825, Josiah Stowell, de South Bainbridge (New York), fermier, propriétaire d’une scierie et diacre dans l’Eglise presbytérienne, vint trouver Joseph pour lui demander de l’aider dans une entreprise de ce genre. Stowell avait de la famille à Publié avec la permission de l'Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours réorganisée Palmyra et avait probablement entendu parler de Joseh par elle. Il était à la recherche d’une mine d’argent légendaire perdue que l’on pensait que les Espagnols avaient ouverte dans le nord de la Pennsylvanie. Stowell comptait parmi les nombreux hommes honorables et riches de son temps qui étaient convaincus que des trésors étaient ensevelis dans divers endroits de l’Amérique et qui consacraient de l’argent et des efforts à les rechercher. Il avait entendu dire que Joseph était capable de discerner les choses invisibles et il voulait son aide pour son projet. Le prophète était réticent, mais Stowell insista, et comme la famille de Joseph était dans le besoin, son père et lui, ainsi que d’autres voisins, acceptèrent d’y aller. Ce fut une décision qui allait avoir une grande importance dans la vie de Joseph et l’avenir de l’Eglise. Joseph et ses compagnons logeaient chez Isaac Hale dans le township (arrondissement) de Harmony, en Pennsylvanie. Le village de Harmony était à plusieurs kilomètres de là à un endroit où une courbe de la Susquehanna s’enfonce dans le nord-est de la Pennsylvanie, non loin de l’endroit où la mine Emma Hale était la septième de neuf enfants. «Emma était une belle grande jeune femme avec de beaux traits. Elle avait le teint bronzé, les yeux bruns et les cheveux noirs et avait une beauté royale très particulière de corps et d’esprit12.» 42 était censée s’être trouvée. Tandis qu’il logeait chez les Hale, Joseph fut attiré par Emma, la fille aux cheveux noirs d’Isaac. Elle était aussi attirée vers lui, bien qu’étant son aînée d’un an et demi. Mais le père d’Emma était opposé à l’idylle naissante, car il détestait les chasses au trésor et méprisait Joseph à cause de son UNE PÉRIODE DE PRÉPARATION, 1823-29 manque d’instruction. Sa fille, femme cultivée, était institutrice, et il voulait quelque chose de mieux pour elle. Entre-temps, la recherche de la mine d’argent se révéla stérile. Au bout de près d’un mois de travail, Joseph réussit à persuader Josiah Stowell que ses efforts étaient vains, et la recherche de la mine de Harmony fut abandonnée. Depuis cet épisode, les détracteurs de Joseph Smith utilisent ce qu’ils appellent ses activités de chercheur de trésors pour attaquer son honorabilité, remettre en question ses mobiles et jeter le doute sur la validité de l’Eglise qu’il a organisée. La Maison du Squire Tarbell. Joseph et Emma furent mariés le 18 janvier 1827 à South Bainbridge (plus tard Afton), comté de Chenango (New York) par Zachariah Tarbell. La maison a été détruite. meilleure manière de comprendre les circonstances, c’est de les situer dans le contexte du temps et du lieu. En Nouvelle-Angleterre et dans l’ouest de l’Etat de New York, ces activités n’étaient pas considérées avec réprobation comme elles commencèrent à l’être plus tard. Des années plus tard, Joseph reconnut franchement avoir participé à l’entreprise mais fit observer qu’elle était sans importance13. Tandis qu’il travaillait dans les régions frontières de New York et de Pennsylvanie, Joseph eut un autre contact qui devint important pour lui et pour la jeune Eglise à New York. Joseph Knight, père, ami de Josiah Stowell, était un modeste fermier et meunier qui vivait à Colesville (comté de Broome, New York). Joseph Smith travailla aussi un certain temps pour lui et, ce faisant, se lia d’une grande amitié avec lui et avec ses fils, Joseph fils, et Newel. Ils acceptèrent le témoignage du jeune prophète lorsqu’il leur raconta ses expériences sacrées. Tout en travaillant pour Josiah Stowell et Joseph Knight, père, et en rendant visite à sa famille à Manchester, Joseph continua à fréquenter Emma Hale. Etant donné l’opposition farouche du père de celle-ci au mariage, Joseph et Emma partirent ensemble. Ils furent mariés, le 18 janvier 1827, par un juge de paix à South Bainbridge (New York). Immédiatement après, il installa sa jeune épouse dans la maison familiale de Manchester, où il passa l’été suivant aux travaux de la ferme avec son père. Emma fut bien reçue par la famille de Joseph, et des liens étroits se formèrent entre elle et Lucy Mack Smith. LES PLAQUES CONFIÉES À JOSEPH On ne sait pas grand-chose des entretiens de Joseph avec Moroni entre 1824 et 1827, mais un certain temps avant l’automne 1827, Joseph rentra un soir chez lui plus tard que d’habitude. Sa famille était inquiète, mais il lui dit qu’il avait été retardé parce qu’il venait de recevoir une sévère réprimande de Moroni. Il dit: «Alors que je passais devant la colline de Cumorah, l’ange m’aborda et me dit que je ne m’étais pas suffisamment engagé dans l’oeuvre du Seigneur, que le moment était venu de faire paraître le livre et que je devais m’activer et me mettre à l’oeuvre et commencer à faire ce que le Seigneur me commandait de faire14..» Beaucoup de choses avaient dû se passer pendant les quatre années de préparation de Joseph. Il avait traversé l’adolescence quasiment sans être influencé par les préceptes des hommes. Il bénéficiait du soutien émotionnel de sa famille, et il avait assumé les responsabilités du mariage. Des anges l’avaient préparé à traduire des annales d’inspiration divine et lui avaient enseigné la 43 Publié avec la permission de l'Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours réorganisée HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Moroni remet les plaques, par L. A. Ramsey nécessité de la maîtrise de soi et de l’obéissance. Il était certainement vivement désireux de commencer à traduire le Livre de Mormon. A cette époque, Joseph Knight et Josiah Stowell étaient en visite à Manchester chez les Smith. Peut-être était-ce en vue de la réception des plaques par Joseph. Le 22 septembre 1827, longtemps avant le lever du soleil, Joseph et sa femme Coffre de bois dans lequel le prophète cacha les plaques. Les dimensions intérieures sont de 35 x 40 cm. La profondeur est de 16 cm et se réduit au fond à 4 cm. Le bois a une épaisseur de 2 cm. Le couvercle et le fond sont en noyer, les côtés sont en peuplier. Le coffre était utilisé comme pupitre portatif, ce qui explique la pente supérieure. Il appartient à Eldred G. Smith, patriarche de l’Eglise. attelèrent le cheval de Joseph Knight au chariot à suspension de Josiah Stowell et firent les cinq kilomètres jusqu’à la colline de Cumorah. Laissant Emma au bas de la colline, Joseph monta vers son entretien final avec Moroni. Celui-ci lui remit les plaques, l’urim et le thummim et le pectoral. Il lui donna aussi un avertissement et lui fit une promesse concernant ses responsabilités. Joseph avait maintenant la responsabilité de ces objets sacrés, et s’il était insouciant ou négligent et les perdait, il serait retranché. D’un autre côté, il fut assuré que s’il faisait tous ses efforts pour les protéger jusqu’à ce que Moroni revienne les chercher, ils seraient protégés (voir Joseph Smith, Histoire, v. 59). Pour la première fois, en plus de quatorze cents ans, les précieuses annales étaient confiées à un mortel. Joseph cacha soigneusement les plaques dans un 44 UNE PÉRIODE DE PRÉPARATION, 1823-29 tronc creux près de chez lui. Les amis du prophète n’étaient pas les seuls à attendre patiemment qu’il reçoive les plaques. D’autres personnes dans le voisinage avaient appris que Joseph allait rapporter chez lui de précieuses plaques de métal. Certaines d’entre elles avaient peut-être également participé à la recherche de la mine d’argent et estimaient maintenant avoir droit à une part dans n’importe quel trésor. Joseph ne tarda pas apprendre pourquoi Moroni lui avait donné le commandement strict de protéger les plaques. «On eut recours à tous les stratagèmes qui se peuvent inventer» pour les lui enlever (v. 60). Par exemple, Willard Chase, fermier du voisinage, ainsi que d’autres chercheurs de trésors, firent venir une sorcière pour trouver l’endroit où les plaques étaient cachées. Quand les Smith furent mis au courant du complot, ils envoyèrent Emma chercher Joseph, qui travaillait à Macedon, à quelques kilomètres à l’ouest de Palmyra. Il revint immédiatement et récupéra les plaques. Après les avoir enveloppées dans un sarreau, il se mit en route dans les bois, pensant qu’il serait plus en sécurité que A l’exception de Joseph Smith, personne n’a joué un rôle plus diversifié dans la parution du Livre de Mormon que Martin Harris. Il apporta son soutien financier pour que le prophète puisse déménager de Manchester (New York) à Harmony (Pennsylvanie) en décembre 1827, contribuant à accomplir une antique prophétie (voir Esaïe 29:11-12). Il agit également comme secrétaire, devint témoin de la parution du Livre de Mormon, aida financièrement à sa publication et témoigna de la véracité du Livre pendant toute sa vie. s’il allait par la route. Mais juste au moment où il sautait par-dessus un tronc d’arbre, il fut frappé par derrière avec un fusil. Mais il put se débarrasser de son assaillant et fuir. Moins d’un kilomètre plus loin, il fut de nouveau assailli mais réussit à s’enfuir, et avant d’arriver chez lui, il fut accosté une troisième fois. Sa mère dit que quand il atteignit la maison, il était «absolument sans voix à cause de la peur et de la fatigue de la course15». Les efforts pour voler les plaques s’intensifièrent, mais la promesse de Moroni s’accomplit, elle aussi, et elles furent protégées. Joseph les ôtait souvent de leur cachette quelques minutes à peine avant que les chercheurs de trésors n’arrivent. Une fois il les cacha sous le socle de l’âtre de sa maison. Un important groupe d’hommes se rassembla devant la maison mais se dispersa lorsque Joseph et ses frères firent mine de contre-attaquer en faisant une sortie par la porte du devant, criant et hurlant comme si une grande troupe d’hommes les aidait. Joseph cacha ensuite le coffre sous le plancher de l’atelier de tonnelier à la ferme des Smith, mais il fut poussé à cacher les annales elles-mêmes sous le lin dans le grenier. Cette nuitlà ses ennemis arrachèrent le plancher de l’atelier de tonnelier, mais les plaques restèrent en sécurité. ACCOMPLISSEMENT Cette antique prophétie d’Esaïe intrigue depuis des générations ceux qui étudient la Bible. Martin Harris et Joseph Smith la voyaient en relation avec le Livre de Mormon. Cela fut confirmé par une version augmentée de la prophétie d’Esaïe dans 2 Néphi 27. D E L A P R O P H É T I E D ’E S A Ï E Pendant cette période, la vie de Joseph était en danger; il décida donc de ramener Emma à Harmony où il espérait commencer la traduction en paix. Avant leur départ, Martin Harris, citoyen éminent de Palmyra, qui allait jouer plus tard un grand rôle dans le “rétablissement”, se présenta et proposa son aide. C’était un tisserand, homme d’affaires et fermier prospère, qui avait rencontré les Smith lors de leur installation à Palmyra et avait, au cours des années, engagé divers membres de la famille à travailler pour lui. Il fournit de l’argent pour que Joseph et Emma puissent liquider leurs dettes et leur remit aussi cinquante dollars pour leur voyage. Les plaques cachées dans un tonneau de haricots au fond du chariot, ils quittèrent la ville par une journée d’hiver en décembre 1827 pour Harmony. Ils avaient précédemment pris les dispositions pour loger temporairement chez les parents d’Emma. 45 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Après un bref séjour chez les Hale, le couple acheta une maison à Jesse, frère aîné d’Emma. C’était une petite maison d’un étage sur un terrain de cinq hectares au bord de la Susquehanna. Pour la première fois depuis des semaines, Joseph pouvait travailler dans une paix relative. Entre décembre 1827 et février 1828, il copia un grand nombre de caractères des plaques et en traduisit certains en utilisant l’urim et le thummim. Dans les premiers stades du travail, il consacra beaucoup de temps et d’efforts à se familiariser avec la langue des plaques et à apprendre à traduire. Selon les dispositions prises précédemment, Martin Harris rendit visite, à un certain moment de février 1828, à Joseph à Harmony. Entre-temps le Seigneur avait préparé Martin à aider Joseph dans sa mission. Selon son propre témoignage, Martin reçut du Seigneur, en 1818, l’ordre de ne se joindre à aucune Eglise tant que les paroles d’Esaïe n’étaient pas accomplies. Quelque temps plus tard, il lui fut révélé que le Seigneur avait une oeuvre pour lui. En 1827, plusieurs manifestations Samuel Latham Mitchill (1764-1831) naquit à Long Island (New York). Il remplit des fonctions dans le gouvernement de l’Etat et à la Chambre des représentants et au Sénat des Etats-Unis. Il était connu pour son oeuvre d’historien, linguiste, ichtyologue, botaniste, géologue, rédacteur, chimiste, physicien et chirurgien. le convainquirent que Joseph Smith était un prophète et qu’il devait l’aider à faire paraître le Livre de Mormon dans notre génération. Par conséquent, il se rendit à Harmony pour se procurer un exemplaire de quelques-uns des caractères des plaques pour les montrer à plusieurs linguistes de renom de l’époque, ce qui accomplit la prophétie d’Esaie 29:11-12 pour aider à convaincre monde incrédule16. Martin rendit visite à trois hommes au moins ayant une réputation de linguistes de valeur. A Albany (New York), il parla avec Luther Bradish, diplomate, homme d’Etat, grand voyageur et fervent de l’étude des langues. A New York, il rendit visite au Dr Samuel Mitchill, vice-président du Rutgers Medical College. Il rendit également visite à un homme qui connaissait quatre langues, dont l’hébreu et le babylonien. C’était Charles Anthon, professeur au Columbia College de New York, qui était peut-être le plus qualifié des contacts de Martin pour juger des caractères du document. Il comptait parmi les principaux érudits en langues classiques de son pays. Au moment de la visite de Martin Harris, Charles Anthon était assistant d’université pour le grec et le latin. Il connaissait le français, l’allemand, le grec et le latin et, s’il faut en croire les livres de sa bibliothèque, il était au courant des découvertes les plus récentes relatives à l’égyptien, notamment des premiers travaux de Champollion17. Selon Martin Harris, le professeur analysa les caractères et leur traduction et donna volontiers un certificat attestant aux citoyens de Palmyra que les écrits étaient authentiques. Anthon lui dit en outre que les caractères ressemblaient à l’égyptien, au chaldéen, à l’assyrien et à l’arabe et dit qu’à son avis la traduction était correcte. Martin mit le certificat dans sa poche et était sur le point de partir lorsque Anthon le rappela et lui demanda comment Joseph Smith avait trouvé les plaques d’or sur la colline. Martin expliqua qu’un ange de Dieu en avait révélé l’emplacement à Joseph. Là-dessus, Charles Anthon lui demanda le certificat, que Martin lui donna. “Il le prit et le mit en pièces, disant que le ministère des anges, Charles Anthon fut, pendant 47 ans, professeur de philologie classique au Columbia College (maintenant Université Columbia), à New York. 46 cela n’existait plus maintenant et que, si je voulais lui apporter les plaques, il les traduirait. Je l’informai de ce qu’une partie des plaques était scellée et qu’il m’était interdit de les lui apporter. Il répliqua: ‹Je ne puis lire un livre scellé18.›” UNE PÉRIODE DE PRÉPARATION, 1823-29 Le voyage de Martin Harris fut important pour plusieurs raisons. Tout d’abord il montra que les savants s’intéressaient aux caractères et étaient disposés à les examiner sérieusement tant qu’il n’y avait pas d’anges mêlés à leur histoire. Deuxièmement, c’était, aux yeux de Martin et de Joseph, l’accomplissement direct de la prophétie relative au Livre de Mormon. Troisièmement, c’était la démonstration que la traduction des annales allait nécessiter l’aide de Dieu; les facultés intellectuelles seules ne suffisaient pas (voir Esaïe 29:11-12; 2 Néphi 27:1520). Finalement, il fortifia la foi de Martin. Il revint à New York assuré qu’il avait assez de preuves pour convaincre ses voisins de l’oeuvre de Joseph Smith. Il était maintenant prêt à s’engager de tout coeur, lui et ses moyens, dans la parution du Livre de Mormon. LE MANUSCRIT PERDU Martin ne pouvait pas prévoir les difficultés qui l’attendaient à Palmyra. Lucy, sa femme, était furieuse qu’il fût allé dans l’est sans elle. Elle craignait que les Smith n’essaient de le spolier, et elle lui reprochait le temps qu’il passait avec Joseph et loin d’elle. Son hostilité éclata lorsque Martin revint. Elle était le genre de personne qui exigeait des preuves formelles, de sorte que quand Martin se prépara à repartir pour la Pennsylvanie, elle tint absolument à l’accompagner. Il accepta de l’emmener pour quelques jours. A Harmony, elle voulut en priorité voir les plaques. Elle retourna toute la maison, obligeant Joseph à les cacher à l’extérieur. Elle pensait avoir trouvé l’endroit où elles étaient enterrées, mais quand elle se baissa pour regarder, elle trouva un gros serpent noir, ce qui la fit fuir. Furieuse de ne pas avoir trouvé les plaques, elle dit à quiconque voulait écouter que son mari avait été dupé par un «grand imposteur». Au bout de quinze jours, Martin la ramena à la maison. En dépit de ses tentatives pour l’en dissuader, il retourna à Harmony. En son absence, elle poursuivit ses critiques à Palmyra19. En Pennsylvanie, Joseph et Martin travaillèrent ensemble à la traduction jusqu’au 14 juin 1828. A ce moment-là, la traduction remplissait 116 pages de papier ministre, et Martin demanda s’il pouvait emporter ce manuscrit chez lui pour le montrer à sa femme et à ses amis. Il espérait que cela convaincrait Lucy que l’oeuvre était légitime et mettrait fin à son opposition. Joseph interrogea le Seigneur par l’intermédiaire de l’urim et du thummim. La réponse fut négative. Martin, non satisfait, persévéra jusqu’à ce que Joseph interroge de nouveau le Seigneur; la réponse fut de nouveau négative. Martin continua à supplier et à insister. Joseph voulait donner satisfaction à son bienfaiteur. Il était jeune et sans expérience, et il se fiait à l’âge et à la maturité de Martin. En outre, Martin était le seul, à la connaisance de Joseph, qui fût disposé à travailler comme secrétaire et à financer la publication du livre. Ces considérations l’incitèrent à reposer la question. Finalement le Seigneur donna une permission conditionnelle. Martin accepta par écrit de montrer le manuscrit à quatre ou cinq personnes seulement, notamment sa femme, son frère, Preserved Harris, son père, sa mère et Polly Cobb, soeur de Lucy. Martin partit alors pour Palmyra avec l’unique copie du manuscrit. 47 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Peu après le départ de Martin, Emma Smith donna le jour à un fils, Alvin, qui mourut le jour de sa naissance. Emma manqua elle-même mourir et, pendant deux semaines, Joseph fut constamment à son chevet. Lorsqu’elle alla mieux, son attention revint au manuscrit. Martin était maintenant parti depuis trois semaines, et ils n’avaient eu aucune nouvelle de lui. Martin n’avait pas été tout à fait insouciant. Il avait passé du temps avec sa femme, réglé des affaires à Palmyra et fait partie d’un jury. Emma incita Joseph à prendre la diligence pour Palmyra et à voir de quoi il retournait. Après avoir fait le voyage de Harmony jusqu’à la région de Palmyra et avoir fait les trente derniers kilomètres à pied pendant la nuit, Joseph arriva finalement chez ses parents à Manchester. Il fit immédiatement venir Martin. Celui-ci venait d’habitude très vite, de sorte qu’on avait préparé le petit déjeuner pour lui et pour les Smith. Il se passa plusieurs heures avant que Martin apparût finalement sur le chemin, marchant lourdement, tête basse. Il grimpa sur la clôture et y resta assis, le chapeau sur les yeux. Finalement il entra et s’assit à table mais ne put manger. Lucy Mack Smith, mère du prophète, écrit: «Il prit son couteau et sa fourchette, comme s’il allait les utiliser, mais les déposa immédiatement. Hyrum, remarquant cela, dit: ‹Martin, pourquoi ne mangez-vous pas; êtes-vous malade?› Là-dessus, M. Harris se prit la tête dans les mains et s’écria d’une voix qui exprimait une profonde angoisse: ‹Oh, j’ai perdu mon âme! J’ai perdu mon âme!› “Joseph, qui n’avait pas encore exprimé ses craintes, se leva d’un bond, s’exclamant: ‹Martin, avez-vous perdu ce manuscrit? Avez-vous rompu votre serment et attiré la condamnation sur ma tête aussi bien que sur la vôtre?› « ‹Oui, il a disparu, répondit Martin, et je ne sais pas où.›» Le prophète fut écrasé par la culpabilité et la peur. Il s’exclama: «‹Tout est perdu! Tout est perdu! Que vais-je faire? J’ai péché. C’est moi qui ai tenté la colère de Dieu. J’aurais dû me contenter de la première réponse que j’ai reçue du Seigneur; car il m’a dit que c’était dangereux de me dessaisir du texte.› Il pleurait et gémissait et ne cessait d’arpenter le plancher. “Finalement, il dit à Martin de retourner et de chercher de nouveau. «‹Non, dit Martin, c’est inutile; j’ai déchiré les lits et les oreillers [à la recherche du manuscrit], et je sais qu’il n’est pas là.› «‹Alors, dit Joseph, faut-il que je retourne avec pareille nouvelle? Je n’ose pas le faire. Et comment vais-je me présenter devant le Seigneur? Quelle réprimande ne mérité-je pas de la part de l’ange du Très-Haut?› . . . «Le lendemain matin, il repartit chez lui. Nous nous séparâmes le coeur lourd, Joseph Smith explique que les 116 pages de manuscrit perdues venaient du livre de Léhi, qui faisait partie des grandes plaques de Néphi. Les spécialistes pensent qu’après la perte du manuscrit, lorsqu’il lui fut de nouveau permis de traduire, le prophète continua à partir de Mosiah, en utilisant les grandes plaques. Plus tard, il traduisit les petites plaques de Néphi, c’est-à-dire 1 Néphi à Mosiah. L’étude de l’écriture dans les parties existantes du manuscrit original du Livre de Mormon confirme cette opinion. 48 car il apparaissait maintenant que tout ce que nous avions espéré avec tant de joie, et qui avait été la source de tant de satisfactions secrètes, s’était volatilisé en un instant, volatilisé à jamais20.» Une fois rentré à Harmony, sans les 116 pages de manuscrit, Joseph se mit immédiatement à prier le Seigneur de lui pardonner d’avoir agi à l’encontre de sa volonté. Moroni lui apparut et exigea de lui la restitution des plaques et de l’urim et du thummim mais promit qu’il pourrait les récupérer s’il était humble et pénitent. Quelque temps plus tard, il reçut une révélation qui le réprimandait UNE PÉRIODE DE PRÉPARATION, 1823-29 pour sa négligence et pour avoir «mépris[é] les conseils de Dieu» mais le réconforta également en l’assurant qu’il était toujours celui que Dieu avait choisi pour accomplir la traduction s’il se repentait (voir D&A 3:4-10). Joseph se repentit et reçut de nouveau les plaques ainsi que l’urim et le thummim, en même temps que la promesse que le Seigneur enverrait un secrétaire pour l’aider à la traduction. Il y avait un message spécial: «L’ange semblait être content de moi . . . , et il me dit que le Seigneur m’aimait à cause de ma fidélité et mon humilité21.» Ayant retrouvé son don divin, Joseph apprit par révélation que des hommes méchants, cherchant à le prendre au piège, avaient changé les mots du manuscrit. S’il retraduisait le même texte et le publiait, ils diraient qu’il était incapabe de le faire deux fois de la même manière et que par conséquent l’oeuvre n’était certainement pas inspirée (voir D&A 10). Mais Dieu avait prévu cette circonstance. Le document perdu était le livre de Léhi, tiré de l’abrégé des grandes plaques de Néphi par Mormon. Or Mormon avait été inspiré d’annexer les petites plaques de Néphi à ses annales dans «un but sage», qu’il ne comprenait pas à l’époque (voir Paroles de Mormon, vv. 3-7). Ces petites plaques contenaient un récit semblable à celui du livre de Léhi. Joseph reçut pour commandement de ne pas retraduire mais de continuer et d’ajouter, le moment venu, le texte des petites plaques de Néphi. Ces annales étaient le récit de Néphi qui, donnaient d’après le Seigneur: «Plus de détails sur les choses que, dans ma sagesse, je voudrais faire connaître aux hommes» (D&A 10:40). P R É PA R AT I O N DU PROPHÈTE Les cinq années et demie qui s’écoulèrent de septembre 1823 à avril 1829 furent importantes en ce qu’elles préparèrent Joseph Smith à traduire le Livre de Mormon et à diriger l’Eglise dans la dispensation de la plénitude des temps. Il avait maintenant vingt-trois ans. Il était grand et fort; il travaillait à la ferme, dans les champs et effectuait divers travaux. Bien qu’ayant eu une formation scolaire limitée, Joseph avait l’esprit avide et curieux. Il aimait découvrir lui-même les choses et rechercher ses réponses dans les Ecritures (voir Joseph Smith, Histoire, vv. 11-12). Cette soif de connaissance, et surtout de connaissance spirituelle, il ne la perdit jamais. En juin 1843, Joseph dit aux saints: «Je suis une pierre brute. On n’a jamais entendu le bruit du marteau et du ciseau sur moi jusqu’à ce que le Seigneur m’ait pris en main22.» Le courage, l’optimisme et la foi étaient les plus grandes caractéristiques de sa personnalité. Dès sa jeunesse, il avait fait preuve d’un grand courage lorsqu’il avait dû subir une douloureuse intervention chirurgicale à la jambe. Plus tard, il dut faire face à des voisins sans scrupules qui essayaient de lui enlever les plaques. En dépit de sa pauvreté et de son manque d’instruction, il était optimiste vis-à-vis de lui-même et de la vie. Réprimandé par le Seigneur, corrigé par Moroni, il était toujours soumis, repentant et énergique. Il se trouva dans une situation de désespoir lorsque les 116 pages furent perdues, mais cet événement lui apprit l’obéissance et il put dire plus tard: «Je me suis donné pour règle: Quand le Seigneur commande, fais-le23.» Ce furent aussi des leçons précieuses pour la 49 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS maîtrise de ses motivations et de ses objectifs, et il fut donc en mesure de n’avoir en vue que la gloire de Dieu (D&A 4:5) et d’orienter son énergie et ses pensées vers l’édification du royaume. Joseph Smith avait maintenant acquis une grande expérience de divers moyens de révélation. Il avait communié avec Dieu, son Fils et des anges messagers. Il avait eu des visions, senti le souffle de l’Esprit et était devenu plus habile à utiliser l’urim et le thummim. Nous ne devons pas en conclure que la révélation était chose facile pour lui, car une autre leçon qu’il reçut pendant ce temps-là, ce fut l’investissement de foi, de diligence, de persévérance, de dignité et d’obéissance qu’il avait dû faire pour recevoir des communications divines. TERMINOLOGIE U T I L E P O U R C O M P R E N D R E L’ E S T D E S Les noms de lieux liés au début de l’histoire de l’Eglise dans l’est des Etats-Unis sont souvent une source de confusion pour le lecteur moderne. C’est parce que beaucoup de gens ne connaissent pas les subdivisions politiques de la plupart des Etats de l’Est et les différents sens des mots ordinaires qui s’y rapportent. Si nous comprenons la terminologie utilisée dans l’est des Etats-Unis, cette confusion se dissipe et la lecture de l’histoire de l’Eglise devient plus compréhensible. Le mot town ne désigne pas un village, un hameau ou une ville. C’est l’abréviation du mot township, qui désigne une subdivision d’un comté. Un comté peut être subdivisé en de nombreux townships (arrondissements). Par exemple, le comté de Windsor (Vermont) est composé de vingt-quatre townships, dont l’un s’appelle Sharon. Lorsque nous lisons dans l’histoire de l’Eglise que Joseph Smith naquit dans la town de Sharon (comté de Windsor, Vermont), cela ne veut pas dire qu’il s’agit du village ou de la localité de Sharon, mais du township (arrondissement) de Sharon. Les noms de ces towns (townships) étaient et sont souvent utilisés dans des documents juridiques tels que les donations et les testaments. Ces towns ont également leur gouvernement local et leurs fonctionnaires élus, qui sont distincts des édiles des villages et des localités du township. Souvent les villages ou les petits communautés ont le même nom que leur township, ce qui peut ajouter à la confusion. Mais dans certains cas, les localités d’un Etat ont le même nom que le township, mais ne s’y trouvent pas. Ainsi donc si nous partons de l’idée que Joseph et Emma ont vécu dans la localité de Harmony (Pennsylvanie) et que nous la cherchons sur la carte, nous la trouvons dans le comté de Butler, dans l’extrémité occidentale de l’Etat. Mais ce n’était pas là qu’ils habitaient. Ils habitaient dans le town ou township de Harmony, qui se trouve dans le comté de Susquehanna, dans le coin nord-est de la Pennsylvanie. 50 E TAT S -U N I S Une des façons que les gens de l’Est ont utilisées pour éviter de confondre les deux sens du mot town est d’être précis quand il s’agit de localités. Quand une localité est trop petite pour avoir une organisation locale, on la qualifie habituellement de hameau. Quand elle reçoit un statut juridique, on l’appelle village (ou, en Pennsylvanie, un borough). Elle reste village jusqu’à ce qu’elle ait une population de dix mille âmes; elle devient alors une ville. Cela étant, il peut être utile de passer en revue les lieux importants de l’histoire de l’Eglise mentionnés dans ces premiers chapitres. Les cartes de ces chapitres aideront aussi à éclaircir la question. 1. Les ancêtres de Joseph Smith ne vivaient pas dans le village de Topsfield (Massachusetts), mais dans le township de Topsfield. 2. Joseph Smith naquit dans le township de Sharon (comté de Windsor, Vermont). La maison était située à une certaine distance du village de Sharon et se trouvait à cheval sur la frontière du township. On croit que la seule raison pour laquelle il naquit dans le township de Sharon, c’était parce que la chambre à coucher où il naquit se trouvait du côté Sharon de la frontière. 3. La ferme de Joseph Smith et le Bosquet sacré sont dans le township de Manchester (comté d’Ontario, New York) et non dans le village de Palmyra. Mais l’adresse postale est et a toujours été Palmyra (comté de Wayne, New York). 4. Il n’y avait pas de hameau d’Oakland du temps d’Isaac Hale et de Joseph Smith, mais il y avait un village de Harmony dans ce qui était alors le township de Harmony. La localité d’Oakland se développa plus tard. Le township d’Oakland fut alors détaché de l’ancien township de Harmony. Le village de Harmony a disparu depuis lors et il n’est plus identifiable. 5. La ferme de Joseph Knight n’était pas dans un village ou un hameau appelé Colesville (comté de Broome, New York). Il se trouvait en fait dans le township de UNE PÉRIODE DE PRÉPARATION, 1823-29 Colesville, à une certaine distance des hameaux de North et West Colesville, le village le plus proche étant Nineveh. 6. Joseph et Emma furent mariés chez le Squire Tarbell dans le village de South Bainbridge (maintenant Afton) dans le township de Bainbridge (comté de Chenango, New York). 7. L’Eglise ne fut pas organisée dans le hameau de Fayette (comté de Seneca, New York). L’organisation eut lieu dans la cabane de rondins de Peter Whitmer dans le township de Fayette. NOTES 1. Voir Dale L. Berge, «Archaeological Work at the Smith Log House», Ensign, août 1985, pp. 24-26. 13. Voir History of the Church, 3:29. 2. Les renseignements concernant la disposition de la ferme des Smith proviennent de Donald E. Enders, Joseph Smith, Sr, Family in Palmyra/Manchester, New York, dossier de recherche, Museum of Church History and Art, Salt Lake City, Utah, 1989. 15. Smith, History of Joseph Smith, p. 108. 3. Voir Lucy Mack Smith, History of Joseph Smith, édité par Preston Nibley, Salt Lake City, Bookcraft, 1958, p. 79. 4. Dans Latter Day Saints’ Messsenger and Advocate, octobre 1835, pp. 195-96. 5. Oliver Cowdery, dans Messenger and Advocate, juillet 1835, p. 157. 6. Cowdery, dans Messenger and Advocate, octobre 1835, p. 198. 14. Dans Smith, History of Joseph Smith, pp. 100-101. 16. Voir Smith, History of Joseph Smith, p. 114; Histoire de Joseph Smith de 1832, recueil de lettres de Joseph Smith, citée dans Dean C. Jessee, éditeur, The Personal Writings of Joseph Smith, Salt Lake City, Deseret Book Co., 1984, pp. 7-8. 17. Voir Stanley B. Kimball, «I cannot read a sealed book», Improvement Era, février 1957, pp. 80-82, 104, 106; «Charles Anthon and the Egyptian language», Improvement Era, octobre 1960, pp. 708-10, 765; «The Anthon Transcript: People, Primary Sources, and Problems», Brigham Young University Studies, printemps 1970, pp. 325-52. 18. Dans History of the Church, 1:20. 7. Cowdery, dans Messenger and Advocate, octobre 1835, p. 198. 19. Voir Smith, History of Joseph Smith, pp. 119-23. 8. Dans Smith, History of Joseph Smith, p. 81; italiques ajoutés. 20. Smith, History of Joseph Smith, pp. 128-29. 9. Voir History of the Church, 4:537; George Q. Cannon, dans Journal of Discourses, 13:47; John Taylor, dans Journal of Discourses, 17:374; 21:94. 10. Smith, History of Joseph Smith, p. 83. 11. Dans Smith, History of Joseph Smith, p. 87. 21. Dans Smith, History of Joseph Smith, p. 135. 22. Dans History of the Church, 5:423; Enseignements du prophète Joseph Smith, p. 248. 23. History of the Church, 2:170. 12. Buddy Youngreen, Reflections of Emma, Joseph Smith’s Wife, Orem, Utah, Grandin Book Co., 1982, p. 4. 51 CHAPITRE CINQ PA R U T I O N DU LIVRE DE MORMON ET R É TA B L I S S E M E N T D E L A P R Ê T R I S E Ligne du temps Date Evénement important Automne 1828 Joseph reçoit de nouveau les plaques et l’urim et le thummim 7 avril 1829 Joseph reprend la traduction avec l’aide d’Oliver Cowdery 15 mai 1829 Jean-Baptiste rétablit la Prêtrise d’Aaron Mai-juin 1829 Pierre, Jacques et Jean rétablissent la Prêtrise de Melchisédek L E JEUNE PROPHÈTE et l’Eglise qu’il devait rétablir connurent une année importante en 1829. A la fin de 1828, Moroni rendit les plaques et l’urim et le thummim et promit un nouveau secrétaire pour aider à la traduction. Cet automne-là, les parents de Joseph, qui s’étaient fait du souci pour lui, arrivèrent à Harmony et furent heureux de le voir de bonne humeur et d’apprendre que les plaques et l’urim et le thummim étaient en sécurité dans le coffre en maroquin rouge d’Emma. Lorsqu’ils repartirent chez eux, ils étaient “soulagés d’un fardeau qui était presque insupportable, et . . . la joie contrebalançait de loin tous [leurs] précédents chagrins1”. La promesse du 1er juin 1829 Joseph et Oliver s’installent à Fayette pour terminer la traduction Seigneur d’envoyer un secrétaire s’accomplit au printemps 1829, lorsque Oliver Automne-hiver Impression du Livre de 1829-30 Mormon à Palmyra Cowdery arriva à Harmony. Joseph et lui s’occupèrent diligemment à terminer la 26 mars 1830 Mise en vente du Livre de Mormon à Palmyra traduction. En cours de route, ils apprirent d’importants principes de l’Evangile, dont certains furent le catalyseur de nouvelles expériences spirituelles et du rétablissement de la prêtrise. La voie s’ouvrait pour l’organisation de l’Eglise de Jésus-Christ l’année suivante. ARRIVÉE D ’O L I V E R C O W D E RY Au cours de l’hiver 1828-29, Joseph Smith s’occupa de temps à autre à la traduction avec l’aide d’Emma et de son frère, mais la nécessité de gagner sa vie lui laissait peu de temps pour traduire. Isaac Hale, père d’Emma, restait soupçonneux à l’égard des prétentions de Joseph concernant les plaques et manifestait peu de sympathie. C’est pour cela qu’en mars 1829, Joseph dit: «Je ne savais où aller et invoquai le Seigneur pour qu’il me donnât la possibilité d’accomplir l’oeuvre qu’il m’avait commandée2.» Le Seigneur lui dit: «Arréte-toi et ne bouge plus jusqu’à ce que je te le commande et je te fournirai le moyen d’accomplir ce que je t’ai commandé» (D&A 5:34). Le prophète attendit avec confiance l’arrivée d’un nouveau secrétaire et, le 5 avril, Oliver Cowdery arriva. Oliver Cowdery naquit le 3 octobre 1806 à Wells (comté de Rutland, Vermont). Il était le cadet de huit enfants. Dans son enfance, il apprit à lire, à écrire ainsi que les règles fondamentales de l’arithmétique. Plusieurs des frères aînés Cowdery avaient constaté que les possibilités commerciales étaient limitées dans le Vermont et s’étaient installés dans l’ouest de New York. En 1825, Oliver les suivit et trouva un emploi comme employé dans un magasin de village. Il se fit aussi forgeron et fermier. Il était mince, mesurait environ un mètre soixante-cinq, avait les cheveux noirs et ondulés et les yeux bruns et perçants. Oliver Cowdery (1806–50) 52 PARUTION DU LIVRE DE MORMON ET RÉTABLISSEMENT DE LA PRÊTRISE Au début de 1829, Lyman Cowdery, un des frères aînés d’Oliver, fut engagé pour enseigner à l’école du village dans le township de Manchester, proche de l’endroit où habitait la famille de Joseph Smith. Lyman ne fut pas en mesure de remplir son engagement et proposa au conseil d’administration d’engager son frère Oliver. Approuvé par le conseil, dont Hyrum Smith faisait partie, Oliver commença à enseigner et fut invité à prendre pension chez Joseph Smith, père. Lucy Smith raconta: «Presque immédiatement, il commença à entendre parler de toutes parts des plaques et ne tarda pas à importuner M. Smith à ce sujet, mais pendant très longtemps ne réussit pas à obtenir le moindre renseignement3». Les Smith répugnaient à faire part de leurs expériences parce qu’ils avaient été ridiculisés dans le passé par leurs voisins. Lorsque Oliver eut gagné la confiance des Smith, Joseph Smith, père, lui parla des plaques. Oliver pria en privé et médita sur la question, confiant même à Joseph Smith, père, qu’il avait eu le sentiment qu’il aurait la possibilité d’écrire pour Joseph, qu’il n’avait pas encore rencontré. Il dit à la famille que c’était «la volonté du Seigneur» qu’il accompagne Samuel rendre visite à Joseph au printemps, une fois l’école terminée. Il dit: “Si j’ai quelque chose à faire là-dedans, je suis décidé à m’en occuper4.” Par conséquent, au début d’avril, Samuel Smith et Oliver Cowdery partirent pour Harmony (Pennsylvanie). Le temps pluvieux et désagréable aurait découragé la plupart des gens, mais rien n’allait empêcher Oliver de rencontrer Joseph Smith et de parler avec lui. Avant de rencontrer les Smith à Manchester, Oliver Cowdery avait rencontré David Whitmer, de Fayette (New York), et était devenu son ami intime. Sur le chemin de Harmony, Oliver et Samuel passèrent voir David, qui demanda à Oliver de lui écrire ses impressions sur le point de savoir si Joseph avait réellement les antiques annales. Cette amitié avec la famille Whitmer eut plus tard un impact considérable sur la parution du Livre de Mormon et l’établissement de l’Eglise. Lorsque, le dimanche 5 avril, Oliver arriva à Harmony, Joseph Smith le reconnut comme l’aide que le Seigneur avait promise. Ils s’assirent ensemble et parlèrent des expériences de Joseph jusque tard le soir. Le lendemain, ils vaquèrent à certaines affaires et, le mardi 7 avril, ils entreprirent pour de bon la traduction. TRADUCTION ACCÉLÉRÉE Joseph et Oliver s’employèrent «presque sans arrêt» à la traduction pendant tout le mois d’avril. Avec l’aide d’Oliver, Joseph alla plus vite que jamais. Pendant les trois mois qui suivirent, Joseph et Oliver menèrent à bien l’étonnant travail de traduction de quelque cinq cents pages imprimées. Ce fut une période merveilleuse de leur vie. Oliver écrit: «Ce furent là des jours inoubliables! Etre assis, écoutant le son d’une voix dirigée par l’inspiration des cieux . . . Jour après jour, je continuai, sans interruption, à écrire, telle qu’elle tombait de ses lèvres alors qu’il traduisait à l’aide de l’urim et du thummim . . . l’histoire ou les annales appelées ‹Livre de Mormon›5.» Tableau de Earl Jones, représentant Joseph et Oliver occupés à traduire Pendant le mois d’avril, des révélations importantes furent apportées à Oliver Cowdery par l’intermédiaire de Joseph Smith. La première (qui est maintenant 53 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Maison de Joseph et d’Emma Smith à Harmony (Pennsylvanie). La partie centrale est la maison originelle. C’est là que, le 15 juin 1828, Emma donna le jour à leur premier enfant, Alvin, qui mourut le même jour. C’est là que Joseph Smith traduisit une grande partie du Livre de Mormon. Tandis qu’il habitait à Harmony, le prophète reçut plusieurs révélations (voir D&A 3-13, 24-27). Doctrine et Alliances 6), le félicitait pour les justes désirs qu’il avait lorsqu’il invoquait le Seigneur et lui rappelait: «Toutes les fois que tu m’as interrogé tu as reçu des instructions de mon Esprit. S’il n’en avait été ainsi, tu ne serais pas où tu te trouves en ce moment» (v. 14). Mais il semble qu’Oliver désirait un autre témoignage de la véracité de l’oeuvre, c’est pourquoi le Seigneur lui dit: «Reporte-toi à la nuit où tu m’as invoqué dans ton coeur, afin de connaître la vérité de tout ceci. «N’ai-je pas apaisé ton esprit à ce sujet? Quel témoignage plus grand peux-tu avoir que celui de Dieu?» (D&A 6:22-23). Ce n’est qu’après cette révélation Maison d’Isaac Hale qu’Oliver dit à Joseph qu’un soir, tandis qu’il était en pension chez les Smith, il Ru iss ea u avait invoqué Dieu pour savoir si Joseph Smith était un prophète et avait reçu Cinq hectares et demi appartenant à Joseph Smith Source Maison de Joseph Smith l’assurance paisible que oui. Pendant qu’ils continuaient à collaborer, Oliver désira pouvoir traduire. Cette Monument bénédiction lui fut accordée et il traduisit quelques mots, mais il n’avait pas Cimetière McKune respecté le processus nécessaire de la préparation spirituelle et de l’effort mental. Le Seigneur lui expliqua: Sus que han na «Tu dois l’étudier dans ton esprit; alors tu dois me demander si c’est juste, et si c’est juste, je ferai en sorte que ton sein brûle au-dedans de toi; c’est ainsi que tu sentiras que c’est juste. A Harmony, Joseph et Emma logèrent chez les parents de cette dernière jusqu’au moment où Isaac Hale se mit en colère parce que Joseph ne voulait pas lui laisser voir les plaques. Joseph et Emma achetèrent alors au père de celle-ci une maison avec 5 hectares et demi de terres pour deux cents dollars. C’était une bande longue et étroite qui descendait vers le sud jusqu’à la Susquehanna. La Prêtrise d’Aaron fut vraisemblablement rétablie sur les rives du fleuve, quelque part sur le terrain des Smith ou dans les environs. Entre 1947 et 1956, l’Eglise a acheté trois parcelles dans cette région pour obtenir le plus possible de l’emplacement originel. En 1960, un monument a été érigé près de la ferme de Joseph Smith pour commémorer le rétablissement de la Prêtrise d’Aaron. 54 «Mais si ce n’est pas juste, tu ne sentiras rien de la sorte, mais tu auras un engourdissement de pensée qui te fera oublier ce qui est faux; c’est pourquoi, tu ne peux écrire ce qui est sacré que si cela t’est donné de moi» (D&A 9:8-9). Vers cette époque, Joseph Knight, père, un vieil ami, vint de Colesville (New York), voyage de quarante-cinq kilomètres, avec des provisions, notamment des pommes de terre, des maquereaux et plusieurs boisseaux de grain. Il apporta du papier ligné et de l’argent pour en acheter davantage. La visite de Knight fut très importante pour l’avancement de l’oeuvre, parce que Joseph et Oliver, se trouvant dans le dénuement, avaient récemment recherché un emploi. S’ils étaient obligés de travailler, même temporairement, la traduction allait être retardée. Ils furent donc profondément reconnaissants de cette aide opportune qu’ils considérèrent comme un don du ciel. PARUTION DU LIVRE DE MORMON ET RÉTABLISSEMENT DE LA PRÊTRISE R É TA B L I S S E M E N T DE LA PRÊTRISE ET DU BAPTÊME Joseph et Oliver furent enthousiastes lorsque des choses telles que la visite du Sauveur ressuscité aux habitants du continent américain et ses enseignements concernant le baptême furent révélés au cours de la traduction (voir 3 Néphi 11:1836). Arrivés là, leur âme fut poussée à prier avec ferveur pour apprendre coment ils pourraient obtenir la bénédiction du baptême. Le 15 mai 1829, Joseph et Oliver se rendirent dans les bois voisins, le long de la Susquehanna, pour prier. Oliver décrit comme suit les événements qui suivirent: «Tout à coup, comme si elle venait du sein de l’éternité, la voix du Rédempteur nous dit des paroles de paix. Le voile fut soulevé, et l’ange de Dieu descendit, revêtu de gloire, et remit le message tant attendu et les clefs de l’Evangile de repentance. Quelle joie! Quel étonnement! Quel émerveillement! Tandis que le monde était tourmenté et bouleversé . . . nos yeux virent, nos oreilles entendirent6.» L’ange dit être Jean (le Jean-Baptiste du Nouveau Testament) et leur dit qu’il agissait sous la direction des apôtres Pierre, Jacques et Jean. Il posa les mains sur Joseph et Oliver et dit: «A vous mes compagnons de service, au nom du Messie, je confère la Prêtrise d’Aaron qui détient les clefs du ministère d’anges, de l’évangile de repentance et du baptême par immersion pour la rémission des péchés» Isaac et Elizabeth Hale, parents d’Emma, sont ensevelis dans le cimetière McKune. Alvin, premier fils de Joseph et d’Emma, y est également enseveli. La pierre tombale d’Isaac Hale dit: ‹Isaac Hale, décédé le 11 janvier 1839 à l’âge de 75 ans 10 mois et 10 jours.› “Le corps d’Isaac Hale, le Chasseur, comme la couverture d’un vieux livre, dont le contenu a été arraché et dépouillé de son texte et de sa dorure, gît ici comme nourriture des vers, néanmoins l’oeuvre elle-même ne sera pas perdue car, comme il le croyait, elle apparaîtra une fois de plus dans une édition nouvelle et plus belle, corrigée et amendée.” La pierre tombale d’Elizabeth Hale dit: “Elizabeth, femme d’Isaac Hale décédée le 16 février 1842 à l’âge de 75 ans 2 mois et 28 jours.” (Joseph Smith, Histoire, v. 69; voir aussi D&A 13:1). Jean expliqua que la Prêtrise de Melchisédek leur serait conférée plus tard. Pour la première fois depuis des siècles, la prêtrise était de nouveau sur la terre. Jean commanda à Joseph de baptiser Oliver et à Oliver de baptiser ensuite Joseph. Ils devaient alors se conférer mutuellement la Prêtrise d’Aaron. Quant ils sortirent du baptême dans l’eau, ils furent emplis de l’esprit de prophétie. Oliver prédit «beaucoup de choses qui devaient se passer bientôt» et Joseph prophétisa «sur la naissance de cette Eglise, ainsi que beaucoup d’autres choses relatives à l’Eglise et à cette génération des enfants des hommes» (Joseph Smith, Histoire, v. 73). Emplis du Saint-Esprit, ils se réjouirent du Dieu de leur salut, et leur esprit fut éclairé d’une compréhension précédemment inconnue de la signification des Ecritures. Ils furent toutefois obligés de tenir secret tout cela à cause des persécutions de la part des dirigeants religieux locaux. Isaac Hale, beau-père de Joseph, était intervenu pour apporter sa protection, mais son aptitude à maîtriser la situation s’affaiblissait. Pendant ce temps, Joseph reçut quelques visiteurs à Harmony. Le premier fut son frère cadet, Samuel. Joseph et Oliver s’empressèrent de lui parler de leurs récentes expériences, l’informèrent de ce que le Seigneur était sur le point de faire et lui montrèrent ce qui avait été traduit jusqu’alors. Il ne fut pas facile de persuader Samuel, même après que Joseph et Oliver eurent raisonné avec lui en se basant sur la Bible, concernant l’Evangile de Jésus-Christ. Il se retira dans les bois pour essayer de résoudre ses doutes par la prière. Joseph rapporte: «Le résultat fut qu’il obtint personnellement une révélation suffisante pour le convaincre de la véracité de ce que nous lui avions affirmé; et le vingt-cinquième jour de ce même mois où nous avions été baptisés et ordonnés, Oliver Cowdery le 55 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS baptisa, et il retourna chez son père, glorifiant et louant beaucoup Dieu, étant rempli du Saint-Esprit7.» Ce fut ensuite au tour de Hyrum, frère aîné de Joseph, d’arriver. A sa demande, Joseph interrogea le Seigneur par l’intermédiaire de l’urim et du thummim. Le Seigneur dit à Hyrum qu’il contribuerait à faire beaucoup de bonnes choses dans sa génération, mais qu’il devait être patient et étudier les Ecritures, notamment le Livre de Mormon, qui était alors en cours de traduction, et se préparer pour le jour où il serait appelé à prêcher l’Evangile de repentance (voir D&A 11). Peu de temps après, Joseph et Oliver se rendirent à Colesville. Lors de leur voyage de retour, Pierre, Jacques et Jean, les principaux apôtres du Seigneur, leur apparurent sur les rives de la Susquehanna (voir D&A 128:20). Les visiteurs conférèrent à Joseph et à Oliver la Sainte Prêtrise de Melchisédek et les clefs de l’apostolat (voir D&A 27:12). Joseph et Oliver avaient maintenant l’autorité d’agir en agents légitimes du Seigneur dans l’édification du royaume de Dieu sur la terre. ACHÈVEMENT DE LA TRADUCTION Peu après avoir commencé à aider Joseph Smith à l’oeuvre de traduction, Oliver écrivit à David Whitmer dans le township de Fayette. Il témoigna avec enthousiasme que Joseph Smith avait les annales antiques et que l’oeuvre était divine. Il ne tarda pas à envoyer quelques lignes de la traduction et témoigna que les plaques contenaient les annales du peuple qui avait jadis habité le continent. David Whitmer, qui avait alors vingt-quatre ans, montra avec empressement ces lettres à ses parents et à ses frères et soeurs. Les persécutions commencèrent à s’intensifier dans la région de Harmony, de sorte que vers la fin mai Oliver écrivit à David pour lui demander s’il était possible à Joseph et à Oliver de loger chez les Whitmer, à Fayette. Peter Whitmer père, père de David, répondit en invitant Joseph à loger dans sa ferme aussi longtemps que c’était nécessaire pour terminer la traduction. John, frère de David, se proposa pour aider Joseph comme secrétaire. Beaucoup de personnes de la région de Fayette étaient vivement David Whitmer (1805-88) fut un des trois témoins du Livre de Mormon. Il mourut à Richmond (Missouri) à l’âge de quatre-vingtquatre ans. désireuses d’en apprendre davantage sur l’oeuvre8. Pour que les récoltes d’automne soient bonnes, il est essentiel de semer fin mai. Par conséquent, David Whitmer devait labourer et préparer la terre avant de prendre son chariot à deux chevaux pour aller chercher Joseph Smith et Oliver Cowdery. A la fin d’une journée de labour, il s’aperçut qu’il avait accompli en un seul jour ce qui en aurait normalement pris deux. Le père de David fut également impressionné par ce miracle évident. Peter Smith, père, dit: “Il doit y avoir une main qui dirige tout cela, et je crois que tu ferais bien de descendre en Pennsylvanie dès que tu auras semé ton plâtre de Paris9.” (On utilisait le plâtre de Paris pour réduire l’acidité de la terre.) Le lendemain, David se rendit dans les champs pour épandre le plâtre et, à sa surprise, il constata que le travail avait été fait. Sa soeur, qui habitait près du champ, dit que ses enfants l’avaient appelée la veille pour regarder trois étrangers épandre le plâtre avec une adresse remarquable. Elle avait cru que c’étaient des hommes que David avait engagés10. 56 PARUTION DU LIVRE DE MORMON ET RÉTABLISSEMENT DE LA PRÊTRISE Reconnaissant de cette intervention divine, David Whitmer entreprit en hâte les trois jours de voyage jusqu’à Harmony. Joseph Smith et Oliver Cowdery vinrent à sa rencontre tandis qu’il approchait de la localité. Il ne leur avait pas dit exactement quand il arrivait, mais Joseph avait eu la vision des détails du voyage de David jusqu’à Harmony11. Ces trois miracles dont il fut témoin démontraient la voyance du prophète et l’intervention du Seigneur en vue de la réussite de l’inauguration du rétablissement. Ce fut la première rencontre entre Joseph Smith et David Whitmer. Comme dans le cas d’Oliver Cowdery, David et Joseph se lièrent vite d’amitié. Ils furent bientôt en route pour Fayette, située à quelque cent soixante kilomètres de là. A cette occasion, Moroni prit les plaques pour éviter tout risque en cours de transport. Un autre événement extraordinaire se produisit en cours de route tandis qu’ils roulaient en chariot. David Whitmer décrit l’événement comme suit: «Un vieil homme très aimable, à l’aspect sympathique, apparut soudain à côté du chariot et nous adressa ce salut: ‹Bonjour: il fait très chaud›, s’essuyant en même temps le visage ou le front de la main. Nous lui rendîmes son salut, et, sur un signe de Joseph, je l’invitai à monter s’il allait dans notre direction. Mais il dit très aimablement: ‹Non, je vais à Cumorah!› Ce nom était nouveau pour moi, et je ne savais pas ce que Cumorah voulait dire. Nous le regardâmes tous, et nous regardâmes les uns les autres, et comme je me retournais pour interroger Joseph, le vieillard disparut en un instant . . . « . . . C’était le messager qui avait les plaques, qui les avait prises à Joseph juste avant notre départ de Harmony12.» Le groupe arriva à Fayette vers le 1er juin. Emma, qui ne les avait pas accompagnés pour prendre soin de la maison de Harmony, rejoignit bientôt son mari à Fayette. Entre-temps, la traduction avait été immédiatement reprise. La famille Whitmer pourvut très aimablement aux besoins de Joseph, d’Emma et d’Oliver Cowdery. Tandis que la traduction avançait, l’Evangile était enseigné dans le comté de Seneca, et Hyrum Smith, David Whitmer et Peter Whitmer fils, furent baptisés en juin pour la rémission des péchés. Les trois fils de Peter Whitmer, David, John et Peter fils, devinrent des auxiliaires zélés dans l’oeuvre. Comme ils étaient vivement désireux d’être informés de leurs devoirs respectifs, Joseph interrogea le Seigneur, et une révélation fut accordée à chacun d’eux. Chacun fut invité à aider à l’édification du royaume de Dieu en proclamant le repentir (voir D&A 14-16). Toutes ces activités ne furent pas faciles pour Peter et Mary Whitmer, qui étaient les hôtes des Smith et d’Oliver Cowdery. Leur fils, David, dit que ce fardeau supplémentaire augmenta considérablement l’anxiété de sa mère. Elle ne se plaignait pas, mais elle se sentait débordée. David raconta plus tard ce qui arriva un jour tandis qu’elle se rendait à l’étable pour traire les vaches: «Elle rencontra à l’extérieur, près du jardin, le même vieil homme [précédemment vu par David] (à en juger par la description qu’elle donna de lui), qui lui dit: ‹Tu as été très fidèle et diligente dans tes efforts, mais tu es fatiguée à cause de l’accroissement de ton labeur; il est par conséquent convenable que tu reçoives un témoignage, afin que 57 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS ta foi soit fortifiée.› Sur quoi il lui montra les plaques13.» Cet événement fortifia Mary et sa famille dans leurs efforts pour continuer à soutenir Joseph Smith et l’oeuvre importante à laquelle il était engagé. PROCESSUS DE LA TRADUCTION On ne sait pas grand-chose sur la manière proprement dite dont la traduction des annales eut lieu, essentiellement parce que ceux qui en savaient le plus sur la traduction, Joseph Smith et Oliver Cowdery, furent ceux qui en dirent le moins. De plus, Martin Harris, David Whitmer et Emma Smith, qui aidèrent Joseph, ne laissèrent aucune description contemporaine. Les brefs récits, qu’ils rédigèrent beaucoup plus tard dans leur vie, étaient souvent contradictoires. Le prophète était réticent à donner des détails sur la traduction. Lors d’une conférence de l’Eglise, qui eut lieu les 25 et 26 octobre 1831 à Orange (Ohio), Hyrum demanda la rédaction d’un récit de première main concernant la parution du Livre de Mormon. Mais le prophète dit: «Il n’a pas été prévu de dire au monde tous les détails de la parution du Livre de Mormon14.» En 1833, Joseph expliqua dans une lettre ouverte à un rédacteur de journal l’essentiel de la question, mais il donna peu de détails, disant que le Livre de Mormon fut «trouvé par le ministère d’un saint ange et traduit dans notre langue par le don et la puissance de Dieu15». Son explication cadre avec Doctrine et Alliances, qui dit qu’il reçut, «grâce à la miséricorde de Dieu et par le pouvoir de Dieu, le pouvoir de traduire le Livre de Mormon» (D&A 1:29) et que le Seigneur «lui donna d’en haut, par le moyen qui avait été préparé auparavant, le pouvoir de traduire le Livre de Mormon» (D&A 20:8). Extrait du manuscrit du Livre de Mormon, de la main de John Whitmer. Il fut un de ceux qui servirent de secrétaire au prophète pendant la traduction du Livre de Mormon. A l’évidence, la caractéristique la plus importante de la traduction, comme le dit la page de titre du Livre de Mormon, est «l’interprétation de ce livre par le don de Dieu». Moroni, dernier gardien du texte antique, invite tous les lecteurs du Livre de Mormon à reconnaître par la prière l’authenticité du livre; il promet que par la puissance du Saint-Esprit, tout le monde peut savoir qu’il est vrai (voir Moroni 10:4-5). Voici le témoignage rendu par le Seigneur lui-même: «[Joseph Smith] a traduit le livre, à savoir cette partie que je lui ai commandé de traduire, et aussi vrai que votre Seigneur et votre Dieu est vivant, la traduction est exacte» (D&A 17:6). Certains critiques ont avancé l’hypothèse que ce fut Sidney Rigdon qui fut l’auteur principal du Livre de Mormon. Ils disent qu’il s’inspira d’un roman de 58 PARUTION DU LIVRE DE MORMON ET RÉTABLISSEMENT DE LA PRÊTRISE Solomon Spaulding, appelé Manuscript Found ou Manuscript Story, pour les parties historiques de cet ouvrage. Il n’existe, toutefois, aucune preuve que Sidney Rigdon ait connu Joseph Smith avant la publication du Livre de Mormon. Selon son propre témoignage, la première fois que frère Rigdon entendit parler du livre, ce fut en octobre 1830, lorsqu’un exemplaire lui fut remis par Parley P. Pratt (voir pages 80-81 de ce texte). Le manuscrit de Solomon Spaulding fut découvert dans les années 1880 et ne présente aucune ressemblance avec le Livre de Mormon. Cette théorie Spaulding-Rigdon, manifestement inventée de toutes pièces, mais néanmoins largement diffusée, est une tentative de Satan pour discréditer l’oeuvre de Dieu. Lorsqu’il se mit à traduire, en 1827, Joseph Smith commença de toute évidence par le livre de Léhi, d’après l’abrégé fait par Mormon des grandes plaques de Néphi (voir chapeau de D&A 10). Après la perte des 116 pages de manuscrit, Joseph recommença apparemment par le livre de Mosiah, qui se trouve aussi sur les grandes plaques. Il venait de commencer le livre de Mosiah, lorsqu’Oliver Cowdery lui fut envoyé au début d’avril 1829. Cinq semaines plus tard, le 15 mai 1829, ils étaient dans 3 Néphi et le sermon adressé par le Sauveur aux Néphites au sujet du baptême. Ce ne fut que lorsqu’il arriva chez les Whitmer, à Fayette, que Joseph traduisit les petites plaques de Néphi, qui contiennent 1 Néphi jusque et y compris les Paroles de Mormon. Le prophète reçut le commandement de traduire les petites plaques pour remplacer les 116 pages perdues (voir D&A 10:43-45). Dans le manuscrit originel du Livre de Mormon, la collaboration de John Whitmer en qualité de secrétaire ne portait que sur le texte des petites plaques, ce qui confirme cette conclusion16. TÉMOINS DU LIVRE DE MORMON Presque immédiatement après que Joseph Smith eut traduit les écrits de Néphi concernant la nécessité de témoins (voir 2 Néphi 27:12-14; Ether 5), Martin Harris se rendit de Palmyra à Fayette pour demander où en était l’ouvrage. Avec Oliver Cowdery et David Whitmer, Martin demanda à Joseph de prier et de demander au Seigneur s’ils pouvaient être les témoins promis. Joseph s’exécuta et obtint une révélation dans laquelle il leur fut dit que s’ils faisaient preuve de foi, d’un coeur bien résolu, la bénédiction de contempler les plaques sacrées et de voir le pectoral, l’épée de Laban, l’urim et le thummim utilisés par le frère de Jared et le Liahona— la boule directrice miraculeuse donnée à Léhi dans le désert (voir D&A 17), leur serait accordée. Le Seigneur dit: «C’est par votre foi que vous obtiendrez de les voir, à savoir par cette foi qu’avaient les prophètes de jadis» (D&A 17:2). Le Seigneur leur dit aussi qu’après avoir vu ces objets, ils seraient tenus d’en témoigner au monde. Dès que la traduction fut achevée, Joseph Smith fit savoir à ses parents à Manchester qu’ils devaient venir à Fayette chez les Whitmer. Quand ils arrivèrent, amenant Martin Harris, ils passèrent une joyeuse soirée à lire le manuscrit. Le matin suivant, les futurs témoins et les autres qui logeaient chez les Whitmer se rassemblèrent pour leur réunion spirituelle matinale habituelle pour lire les 59 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Ecritures, chanter et prier. Lucy Smith écrit: «Joseph se releva et, s’approchant de Martin Harris d’une manière solennelle qui me parcourt aujourd’hui encore les veines quand je m’en souviens, dit: ‹Martin Harris, tu dois t’humilier aujourd’hui devant Dieu, afin de pouvoir obtenir le pardon de tes péchés. Si tu le fais, il est de la volonté de Dieu que tu contemples les plaques en compagnie d’Oliver Cowdery et de David Whitmer17.›» Après cela, les quatre hommes se retirèrent dans les bois et prièrent pour obtenir l’accomplissement promis de la révélation. Mais après deux tentatives infructueuses, Martin Harris eut le sentiment que c’était sa présence qui était la raison pour laquelle ils ne recevaient pas de réponse. Il se retira à une certaine distance de là et se mit à prier séparément. Les trois autres avaient à peine recommencé à prier que Moroni leur apparut en gloire, tenant les plaques dans ses mains. Joseph écrit: «Il tourna les feuilles une par une, de sorte que nous pûmes les voir et distinguer clairement les caractères qui y étaient gravés . . . Nous entendîmes une voix provenant de la lumière brillante au-dessus de nous, disant: ‹Ces plaques ont été révélées par la grâce de Dieu, et elles ont été traduites par la grâce de Dieu. Leur traduction, que vous avez vue, est correcte, et je vous commande de rendre témoignage de ce que vous voyez et entendez maintenant.› «Je quittai alors David et Oliver, et me mis à la recherche de Martin Harris, que je trouvai à une grande distance de là, occupé à prier avec ferveur. Mais il ne tarda pas à me dire qu’il n’avait pas encore fléchi le Seigneur, et me demanda instamment de me joindre à lui en prière, pour qu’il pût, lui aussi, obtenir les mêmes bénédictions que nous venions de recevoir. Nous nous agenouillâmes pour prier, et finîmes par voir notre désir réalisé, car nous n’avions pas encore terminé, que la même vision s’ouvrit à nos yeux, du moins elle s’ouvrit de nouveau à moi, et je vis et entendis de nouveau les mêmes choses, tandis qu’au même moment, Martin Harris s’écriait, apparemment au comble de la joie: ‹C’est assez, c’est assez, mes yeux ont vu, mes yeux ont vu›!18» Quand Joseph retourna chez les Whitmer, il dit à ses parents à quel point il était soulagé de ce que maintenant d’autres eussent vu l’ange et les plaques et qu’ils devraient témoigner de ces vérités, disant: «Maintenant ils savent personnellement que je ne suis pas en train de tromper les gens, et j’ai le sentiment d’être soulagé d’un fardeau qui était presque trop lourd pour moi, et cela réjouit mon âme de ne plus être entièrement seul au monde19.» Les trois témoins témoignèrent de leur expérience: «Nous avons vu, par la grâce de Dieu le Père et de notre Seigneur Jésus-Christ, les plaques contenant ces annales . . . nous savons aussi que ces annales ont été traduites par le don et le pouvoir de Dieu, car sa voix nous l’a déclaré; c’est pourquoi, nous savons, avec certitude, que cette oeuvre est vraie20.» Ils continuèrent en témoignant que l’ange leur avait montré le texte gravé sur les plaques. Depuis lors, leur témoignagé est annexé à chaque exemplaire du Livre de Mormon. Quelques jours plus tard, huit autres témoins, des fidèles qui avaient été proches du prophète pendant la traduction, furent également choisis pour voir les plaques. Ces huit hommes étaient Joseph Smith, père, les frères de Joseph, Hyrum et 60 PARUTION DU LIVRE DE MORMON ET RÉTABLISSEMENT DE LA PRÊTRISE Samuel, quatre des frères Whitmer: Christian, Jacob, Peter et John, et un beau-frère des Whitmer, Hiram Page. Joseph reçut la permission de leur montrer les plaques près de la maison des Smith à Manchester, au moment où il prenait ses dispositions pour l’impression du livre21. Les huit témoins attestèrent qu’ils avaient manipulé et soulevé les plaques et avaient vu le texte gravé sur les feuilles. Leur témoignage est également annexé à toutes les éditions du Livre de Mormon. Ainsi donc, selon la loi divine des témoins, la véracité du Livre de Mormon est confirmée, et les habitants de la terre sont tenus pour responsables de ce qui s’y trouve. Chacun des onze témoins spéciaux des plaques du Livre de Mormon remplit plus tard des postes ecclésiastiques importants dans l’Eglise rétablie. Cinq d’entre eux, les trois Smith et Christian et Peter Whitmer fils, moururent tandis qu’ils étaient actifs au service de l’Eglise. Mais chacun des trois témoins: Martin Harris, Oliver Cowdery et David Whitmer, se détourna plus tard de l’Eglise. John et Jacob Whitmer, ainsi que Hiram Page, parmi les huit témoins, apostasièrent également. Mais aucun de ces six hommes ne renia jamais son témoignage, alors même qu’ils eurent nombre d’occasions de le faire. Chacun d’eux confirmait formellement la véracité de son témoignage chaque fois qu’on l’interrogea à ce sujet. Oliver Cowdery et Martin Harris finirent par revenir à l’Eglise et en étaient membres à part entière lorsqu’ils décédèrent. Les huit témoins des plaques du Livre de Mormon Nom Date de naissance Lieu de naissance Age Métier Décès Christian Whitmer 18 janvier 1798 Harrisburg (Pennsylvanie) 31 ans Cordonnier 27 novembre 1835 Cté de Clay (Missouri) Fidèle à l’Eglise Jacob Whitmer 27 janvier 1800 Harrisburg (Pennsylvanie) 29 ans Cordonnier 21 avril 1856 Richmond (Missouri) Peter Whitmer, fils 27 septembre 1809 Fayette (New York) 19 ans Tailleur Fermier 22 septembre 1836 Liberty (cté de Clay, Missouri) Fidèle à l’Eglise John Whitmer 27 août 1802 Harrisburg (Pennsylvanie) 26 ans Fermier 11 juillet 1878 Far West (Missouri) Hiram Page 1800 Vermont 29 ans Médecin Fermier 12 août 1852 Excelsior Springs (Missouri) Joseph Smith, père 12 juillet 1771 Topsfield (comté d’Essex, Massachusetts) 57 ans Fermier 14 septembre 1840 Nauvoo (Illinois) Fidèle à l’Eglise Hyrum Smith 9 février 1800 Tunbridge (Vermont) 29 ans Fermier 27 juin 1844 Carthage (Illinois) Fidèle à l’Eglise Samuel H. Smith 13 mars 1808 Tunbridge (Vermont) 21 ans Fermier 30 juillet 1844 Nauvoo (Illinois) Fidèle à l’Eglise 61 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS P U B L I C AT I O N DU LIVRE DE MORMON Quelques jours après son arrivée à Fayette avec Oliver Cowdery (juin 1829), Joseph estima que la traduction était suffisamment avancée pour demander le copyright. Par conséquent, le 11 juin, Joseph Smith demanda et se vit accorder le copyright du Livre de Mormon par le Northern District de New York22. Cette mesure protégeait le livre contre le plagiat. Comme la traduction touchait à sa fin vers la fin juin, l’attention du prophète se porta sur la publication du livre. Des négociations répétées eurent lieu avec Egbert B. Grandin, imprimeur de vingt-trois ans de Palmyra. Quelques feuilles de manuscrit avec la page de titre lui furent proposées pour une estimation de coût. Grandin et ses associés étaient peu disposés à entreprendre l’impression de «la Bible d’or», comme il l’appelait. Joseph et ses compagnons se rendirent donc à Rochester (New York) où ils prirent contact avec un citoyen et imprimeur éminent, Copyright du manuscrit originel du Livre de Mormon. Richard R. Lansing, greffier du tribunal fédéral de district, fit deux copies de la demande de copyright du Livre de Mormon. L’une d’elles est conservée dans les archives de l’Eglise, la seconde à la bibliothèque du Congrès. Egbert Bratt Grandin (1806-45). A l’âge de dix-huit ans, Grandin avait commencé à apprendre le métier d’imprimeur au journal hebdomadaire de Palmyra, le Wayne Sentinel. A l’époque où le manuscrit du Livre de Mormon lui fut présenté en vue de sa publication, il connaissait bien le métier d’imprimeur. Portrait fait en 1843 par Alonzo Parks. 62 PARUTION DU LIVRE DE MORMON ET RÉTABLISSEMENT DE LA PRÊTRISE Extrait du journal de E.B. Grandin, commencé en janvier 1831. Cette inscription, datée du 14 juillet 1831, dit qu’il avait “passé la plus grande partie du jour à déménager les Bibles d’or de l’atelier de reliure de M. [Luther] Howard à ma librairie”. Thurlow Weed, qui les rejeta parce qu’il ne croyait pas au récit de la traduction de Joseph Smith. Ils rendirent ensuite visite à Elihu F. Marshall, également de Rochester, qui se montra disposé à imprimer et à relier les manuscrits, mais son prix était exorbitant. Les frères retournèrent auprès de Grandin et finirent par le persuader d’imprimer le livre si Martin Harris signait une hypothèque garantissant le paiement de l’impression par la vente d’une partie de sa ferme de Palmyra si cela s’avérait nécessaire. Entre-temps le prophète avait reçu une autre soumission d’un imprimeur de Rochester, de sorte que Grandin accepta de publier le livre. Un accord fut pris le 17 août 1829 d’imprimer cinq mille exemplaires pour trois mille dollars23. C’était un nombre d’exemplaires extrêmement important à l’époque, surtout pour un petit imprimeur local. Joseph avait tiré une leçon importante de la perte des 116 pages de manuscrit. Il chargea Oliver Cowdery et Hyrum Smith de superviser l’impression tandis qu’il retournait à Harmony pour être avec Emma et veiller à ses besoins temporels. Il leur laissa aussi pour instructions strictes de rédiger un deuxième manuscrit pour l’imprimeur et de garder l’original, par sécurité, chez les Smith. En conséquence, Oliver fit un exemplaire du manuscrit pour l’imprimeur24. Pour des raisons de sécurité, ce manuscrit fut porté par petites sections à l’imprimerie Grandin au fur L’imprimerie Grandin est le bâtiment devant lequel se trouvent les deux voitures. Le Livre de Mormon fut imprimé au deuxième étage. 63 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS “Presse de Smith” utilisée pour imprimer le Livre de Mormon. Grandin l’acheta probablement environ six mois avant de commencer le travail. L’Eglise acheta la presse en 1906. La composition, l’impression et la reliure constituaient un travail ardu. On prenait manuellement chaque caractère ou espacement dans la casse et on le mettait dans des formes qui contenaient huit pages. Les caractères étaient encrés, et on plaçait de grandes feuilles de papier dans un cadre et on les mettait en position au-dessus du caractère. En tirant sur un levier, on faisait descendre la lourde platine de fer sur le papier et le caractère. On répétait le processus cinq mille fois, et on pendait chaque feuille pour qu’elle sèche. Ensuite, on composait huit autres pages de caractères. On imprimait alors le verso de la page. Les 16 pages qui en résultaient étaient pliées et cousues dans le livre et rognées à la bonne taille lorsqu’il était relié. Ce groupe de 16 pages est appelé signature. Il fallut environ trente-cinq signatures pour terminer le Livre de Mormon25. Les signatures étaient pliées trois fois en deux et empilées. Lorsque l’impression était terminée, les signatures étaient assemblées, cousues, pressées, collées et rognées avant que l’on ajoute la reliure. Pour cette dernière, on couvrait des morceaux de “carton à couverture” de papier blanc et on les fixait au livre. Ensuite, on collait un cuir mince à l’extérieur et on grattait des lettres dorées. et à mesure que l’oeuvre avançait. Pendant plusieurs mois, Hyrum fit des trajets presque quotidiens jusqu’à l’imprimerie pour superviser le travail. On comprend que dans ces conditions, quelques erreurs de transcription et d’impression aient pu se glisser dans le livre. En outre, les manuscrits originaux ne contenaient aucune ponctuation et aucune division en paragraphes. Avec la permission de Hyrum Smith, John H. Gilbert, compositeur de Grandin, ajouta la ponctuation et la division en paragraphes. L’édition de 1837, préparée par Parley P. Pratt, et l’édition de 1840, soigneusement préparée par le prophète lui-même, corrigèrent la plupart des erreurs de la première impression et révisèrent une partie du travail de Gilbert. Au cours de l’impression du Livre de Mormon, Oliver Cowdery «apprit le travail d’imprimeur dans l’atelier de E.B. Grandin, composant beaucoup de caractères du livre de ses propres mains26». L’opposition à la nouvelle Ecriture apparut avant même que l’impression ne fût terminée. Abner Cole utilisait le bâtiment et la presse de Grandin le dimanche et le soir pour publier son Reflector de Palmyra sous le pseudonyme Obediah Dogerry. Il considérait le Livre de Mormon comme de la sottise; et comme il avait En août 1829, Stephen S. Harding se rendit à Palmyra pour rendre visite à des parents et des amis. Pendant qu’il était là, son cousin, Pomeroy Tucker, contremaître de l’entreprise Grandin, lui remit la page de titre et la première feuille non coupée du Livre de Mormon. Plus tard, lorsqu’il fut une figure importante dans la politique de l’Indiana, il reçut souvent des missionnaires mormons en route pour l’ouest ou en venant et leur montra le document. Le 8 août 1847, Harding remit la feuille à Robert Campbell, qui la porta en Utah. Harding fut désigné par Lincoln comme gouverneur territorial d’Utah en 1861. A son arrivée en Utah, Campbell alla le trouver et lui demanda s’il voulait bien confirmer l’importance du document. Il le fit en portant une inscription dans le coin supérieur droit qui dit: «Ceci est la première impression sortie de la forme sur laquelle fut imprimé le Livre de Mormon. Elle me fut remise par l’imprimeur dans le village de Palmyra, New York.» La déclaration est signée S. S. Harding. 64 PARUTION DU LIVRE DE MORMON ET RÉTABLISSEMENT DE LA PRÊTRISE accès au manuscrit de l’imprimeur, il subtilisa quelques pages et commença à les publier. Un dimanche de décembre, Hyrum et Oliver se sentirent mal à l’aise et allèrent en ville jusqu’à l’imprimerie où ils trouvèrent Cole travaillant fiévreusement sur un extrait du Livre de Mormon. Ils lui donnèrent l’ordre d’arrêter parce qu’ils détenaient un copyright légal, mais il les défia et publia des extraits dans le Reflector. Joseph Smith, père, alla immédiatement informer le prophète et le ramener à Palmyra. A son arrivée, Joseph exigea de Cole qu’il mette fin à sa piraterie littéraire. Cole voulut se battre aux poings, mais le prophète garda son calme, et la raison l’emporta. La dernière insertion parut dans le numéro du 22 janvier 183027. L’attitude moqueuse de Cole reflétait le sentiment général qui existait à l’époque à Palmyra. Un certain nombre de personnes tinrent une réunion et prirent la résolution de ne pas acheter le livre lorsqu’il sortirait de presse. Lorsque Grandin devint nerveux, Joseph retourna à Palmyra pour l’assurer que le coût de John Hulburd Gilbert, fils (1802-95), qui composa le Livre de Mormon. Etant donné qu’il y avait très peu de ponctuation dans le manuscrit originel, Gilbert ponctua la plus grande partie du livre en cours d’impression. Une fois qu’il eut gagné la confiance d’Hyrum et d’Oliver, il fut autorisé à emporter plusieurs soirs chez lui le manuscrit de l’imprimeur et le ponctua au crayon. Cette photo fut prise en 1892 lorsque Gilbert avait quatre-vingt-dix ans. l’impression serait payé28. Martin Harris, craignant de perdre sa ferme si le Livre de Mormon ne se vendait pas, s’adressa au prophète et demanda à être guidé. Par révélation, il fut commandé à Martin de ne pas «convoiter» ses propres biens, mais de «les consacrer libéralement» pour couvrir le coût de l’impression du Livre de Mormon (voir D&A 19:26). Soixante hectares de terres de la ferme de Martin Harris furent mis en vente publique en avril 1831 pour payer M. Grandin. Ce sacrifice permit l’impression du Livre de Mormon29. Le Wayne Sentinel annonça que les premiers exemplaires seraient disponibles pour la vente au public le 26 mars 1830. Le Livre de Mormon représente la volonté de Dieu pour les hommes de ces derniers jours. Notre génération a la bénédiction d’avoir l’évaluation du Seigneur lui-même concernant ce grand livre: Il «contient l’histoire d’un peuple déchu et la plénitude de l’Evangile de JésusChrist aux Gentils et aux Juifs également. «Lequel a été donné par inspiration et est confirmé à d’autres par le ministère d’anges et proclamé par eux au monde «Prouvant au monde que les Saintes Ecritures sont vraies et que Dieu inspire les hommes et les appelle à son oeuvre sainte à notre époque et dans notre génération, tout comme dans les générations d’autrefois» (D&A 20:9-11). Dans cette convention, signée le 16 janvier 1830, Joseph Smith, père, convenait que les premiers bénéfices de la vente du Livre de Mormon devaient aller à Martin Harris pour le paiement de l’imprimeur, le soulageant ainsi du fardeau total du paiement. Néanmoins, Martin dut vendre soixante hectares de terres en 1831 pour régler la dette. 65 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS EVÉNEMENTS ASSOCIÉS DU LIVRE DE MORMON À L A P U B L I C AT I O N 11 juin 1829. Obtention du copyright du Livre de Mormon. 1 juillet 1829. Achèvement de la traduction du Livre de Mormon. Juillet 1829. Oliver Cowdery commence le manuscrit de l’imprimeur. 17 août 1829. Joseph Smith et Martin Harris passent un contrat avec Egbert Grandin pour la publication de cinq mille exemplaires du Livre de Mormon. août 1829. Oliver Cowdery remet à l’imprimeur les premières pages du manuscrit. La composition commence et les premières feuilles non coupées sortent de presse. Stephen Harding reçoit la première page de titre. 25 août 1829. Martin Harris hypothèque sa ferme pour trois mille dollars pour payer le coût de l’impression. Octobre 1829. Retour de Joseph Smith à Harmony (Pennsylvanie). 6 novembre 1829. Oliver écrit à Joseph, expliquant que l’impression a été retardée pour cause de maladie et parce que Grandin attend d’autres caractères. Oliver est arrivé à Alma 36 dans le manuscrit de l’imprimeur. 16 janvier 1830. Joseph Smith, père, et Martin Harris concluent un accord selon lequel ils auront un droit égal à la vente du Livre de Mormon jusqu’à ce que Grandin soit payé. Décembre 1829-janvier 1830. Abner Cole publie illégalement des extraits du Livre de Mormon dans son journal, le Reflector. Janvier 1830. Grandin arrête l’impression à cause d’une menace de boycott du Livre de Mormon. Joseph retourne de Harmony à Palmyra pour régler le problème Cole et convaincre Grandin de terminer l’impression. 19 mars 1830. Le Wayne Sentinel annonce que le Livre de Mormon sera disponible pour la vente dans une semaine. 26 mars 1830. Le Wayne Sentinel annonce la mise en vente du Livre de Mormon. NOTES Le 19 mars 1830, le Wayne Sentinel de Palmyra passa une publicité qui disait: «On nous prie d’annoncer que le ‘Livre de Mormon’ sera prêt pour la vente d’ici une semaine.» Le 26 mars 1830, une autre publicité apparut dans le même journal précisant quand le Livre de Mormon était mis en vente. 1. Lucy Mack Smith, History of Joseph Smith, éd. Preston Nibley, Salt Lake City, Bookcraft, 1958, p. 137. 16. Voir Stan Larson, «‹A Most Sacred Possession›: The Original Manuscript of the Book of Mormon», Ensign, sept. 1977, p. 90. 2. Joseph Smith, Histoire de 1832, p. 5, citée dans Dean C. Jessee, éd., The Personal Writings of Joseph Smith, Salt Lake City, Deseret Book Co., 1984, p. 8. 17. Lucy Mack Smith, History of Joseph Smith, pp. 151-52. 3. Smith, History of Joseph Smith, p. 138. 4. Dans Smith, History of Joseph Smith, p. 139. 5. Latter Day Saints’ Messenger and Advocate, oct. 1834, p. 14; voir aussi Joseph Smith, Histoire 1:71n (édition de l’Eglise). 6. Dans Messenger and Advocate, oct. 1834, p. 15; voir aussi Joseph Smith, Histoire 1:71n (édition de l’Eglise). 7. History of the Church, 1:44. 8. Voir History of the Church, 1:48-49; Millennial Star, 9 déc. 1878, p. 772; Millennial Star, 4 juillet 1881, pp. 422-23. 9. Dans Lucy Mack Smith, History of Joseph Smith, p. 148. 10. Voir Lucy Mack Smith, History of Joseph Smith, pp. 148-49. 11. Voir «Report of Elders Orson Pratt and Joseph F. Smith», Millennial Star, 9 déc. 1878, p. 772. 12. «Report of Elders Orson Pratt and Joseph F. Smith», p. 772. 13. «Report of Elders Orson Pratt and Joseph F. Smith», p. 772-73. 14. Donald Q. Cannon et Lyndon W. Cook, éd. Far West Record: Minutes of the Church of Jesus Christ of Latter-day Saints, 1830-1844, Salt Lake City, Deseret Book Co., 1983, p. 23. 15. History of the Church, 1:315. 66 18. History of the Church, 1:54-55. 19. Dans Lucy Mack Smith, History of Joseph Smith, p. 152. 20. History of the Church, 1:56-57. 21. Voir «Témoignage de huit témoins» dans le Livre de Mormon. 22. History of the Church, 1:58. 23. History of the Church, 1:71. 24. Voir «Historic Discoveries at the Grandin Building», Ensign, juillet 1980, pp. 49-50. 25. Voir Lucy Mack Smith, History of Joseph Smith, p. 157. 26. Wayne County Journal, Lyons, New York, 6 mai 1875; renseignements obtenus auprès de Donald E. Enders, Joseph Smith, Sr, Family in Palmyra/Manchester, New York, dossier de recherche, Museum of Church History and Art, Salt Lake City, Utah, 1989. 27. Voir Lucy Mack Smith, History of Joseph Smith, pp. 164-66; Richard L. Bushman, Joseph Smith and the Beginnings of Mormonism, Chicago, University of Illinois Press, 1984, pp. 108-9; Russell R. Rich, «The Dogberry Papers and the Book of Mormon», Brigham Young University Studies, printemps 1970, pp. 315-20. 28. Voir Lucy Mack Smith, History of Joseph Smith, pp. 166-67. 29. Voir Wayne C. Gunnell, «Martin Harris— Witness and Benefactor to the Book of Mormon», mémoire de licence, université Brigham Young, 1955, pp. 37-40. CHAPITRE SIX O R G A N I S AT I O N JÉSUS-CHRIST Ligne du temps Date Evénement important Fayette 6 avril 1830 Organisation de l’Eglise 11 avril 1830 Premier discours public 9 juin 1830 Première conférence 26 septembre Deuxième conférence 1830 D E L’E G L I S E D E L E 6 AVRIL 1830 est une date importante pour les saints des derniers jours. Ce jour-là, l’Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours fut organisée. L’organisation de l’Eglise fut, comme le dit Gordon B. Hinckley, le point culminant d’une décennie de préparation pour Joseph Smith, le prophète: «Ce jour d’organisation fut en fait un jour de remise des prix, l’acccession de Joseph Smith au diplôme après dix années d’études remarquables. Cela avait commencé par l’incomparable vision dans le bosquet au printemps 1820, lorsque Colesville fin avril 1830 Premier miracle le Père et le Fils apparurent au jeune garçon, qui avait alors quatorze ans. Cela 26-28 juin 1830 Baptêmes et persécutions avait continué avec la formation donnée par Moroni, au cours de laquelle 28 juin 1830 Arrestation de Joseph Smith Harmony juin 1830 Début de la traduction de la Bible par Joseph Smith août 1830 Révélation sur la Sainte-Cène Fin août 1830 Joseph Smith quitte Harmony pour la dernière fois avertissements et instructions furent donnés en de multiples occasions. Puis eut lieu la traduction des annales antiques et l’inspiration, la connaissance, la révélation qui constituèrent cette expérience. Il y eut le don d’autorité divine, celui de la prêtrise d’autrefois de nouveau conférée aux hommes par ceux qui en étaient les détenteurs légitimes: Jean-Baptiste dans le cas de la Prêtrise d’Aaron, Pierre, Jacques et Jean dans le cas de celle de Melchisédek. Il y eut des révélations, un Région de Manchester certain nombre d’entre elles, par lesquelles la voix de Dieu se fit de nouveau avril-juin 1830 Mission de Samuel Smith entendre, et l’ouverture des voies de communication entre l’homme et le Créateur. juillet 1830 Tout cela fut le préliminaire de ce 6 avril historique1.» Départ de Joseph Smith, père, et de Don Carlos Smith au service missionnaire 1 septembre Baptême de Parley P. Pratt 1830 UN JOUR À SE RAPPELER Peu après avoir reçu la prêtrise de la part de messagers célestes en 1829, Joseph Smith et Oliver Cowdery connurent par révélation «le jour précis où, selon la volonté et le commandement [de Dieu], [ils devaient se] mettre en devoir d’organiser de nouveau son Eglise sur cette terre2». Peter Whitmer, père, mit sa maison à disposition pour la réunion d’organisation prévue, selon la révélation, le mardi 6 avril. A l’heure dite, près de soixante personnes se réunirent pour assister à l’organisation officielle de l’Eglise de Jésus-Christ. Une vingtaine de ces personnes venaient de Colesville, située à environ cent soixante kilomètres de là, pour prendre part aux travaux de cet événement sacré3. La réunion fut simple. Joseph Smith, qui avait alors vingt-quatre ans, ouvrit la réunion et désigna cinq de ses collaborateurs: Oliver Cowdery, Hyrum Smith, Peter Whitmer fils, Samuel H. Smith et David Whitmer, pour se joindre à lui afin de répondre aux exigences juridiques de l’Etat de New York pour procéder à la création légale d’une société religieuse4. Après qu’on se fut agenouillé pour prier solennellement, Joseph demanda aux personnes présentes si elles étaient disposées à les accepter, lui et Oliver, comme leurs instructeurs et leurs conseillers 67 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Reconstitution de la maison de rondins de Peter Whitmer dans le township de Fayette (New York). Beaucoup d’événements importants se produisirent chez les Whitmer: le témoignage des trois témoins y fut signé, la traduction du Livre de Mormon y fut terminée, l’Eglise y fut organisée, et Doctrine et Alliances contient vingt révélations qui y furent reçues. spirituels. Tout le monde leva la main en signe d’approbation. Bien qu’ayant précédemment reçu la Prêtrise de Melchisédek, Joseph Smith et Oliver Cowdery s’ordonnèrent alors mutuellement à l’office d’ancien. Ils le firent pour montrer qu’ils étaient anciens dans l’Eglise nouvellement organisée. La Sainte-Cène fut ensuite bénie et distribuée. Les prières utilisées avaient été reçues par révélation (voir D&A 20:75-79). Joseph et Oliver confirmèrent alors ceux qui avaient été précédemment baptisés comme membres de l’Eglise de Jésus-Christ et leur conférèrent le don du Saint-Esprit. Dans une révélation donnée en ce jour historique, Joseph fut désigné comme «voyant, traducteur, prophète, apôtre de Jésus-Christ» (D&A 21:1). Le Seigneur dit aux membres de l’Eglise nouveau-née: «Vous recevrez [la parole de Joseph] en toute patience et avec une foi totale, comme si elle sortait de ma propre bouche» (D&A 21:5). L’organisation de l’Eglise de Jésus-Christ fut un événement inoubliable pour les personnes présentes. Joseph rapporte: «Après avoir passé de joyeux moments à témoigner et à sentir personnellement la puissance et les bénédictions du SaintEsprit, par la grâce que Dieu nous avait accordée, nous nous séparâmes avec l’agréable certitude que nous étions maintenant, chacun, membres de Dieu, reconnus par lui, ‹l’Eglise de Jésus-Christ›, organisée conformément aux commandements et aux révélations qu’il nous avait donnés en ces derniers jours, aussi bien que conformément à l’ordre de l’Eglise tel qu’il apparaît dans le Nouveau Testament5.» Joseph profita aussi de l’occasion pour instruire les saints et rendre son témoignage personnel. Plusieurs personnes furent baptisées en ce grand jour, parmi lesquelles Orrin Porter Rockwell, Martin Harris et les parents de Joseph Smith. Ce fut un moment de joie et de bonheur dans la vie du prophète, 68 ORGANISATION DE L’EGLISE DE JÉSUS - CHRIST qui s’exclama: «Loué soit mon Dieu, que j’aie pu voir mon père baptisé dans la vraie Eglise de Jésus-Christ!6» Le dimanche 11 avril, Oliver Cowdery fit le premier discours public de l’Eglise dans la maison des Whitmer à Fayette. Beaucoup de personnes étaient présentes, et le même jour six personnes furent baptisées. Une semaine plus tard, sept autres devenaient membres. Joseph Smith reçut aussi une révélation répondant à la question concernant la nécessité du baptême lorsqu’une personne avait précédemment été baptisée dans une autre Eglise. La réponse fut: «Un homme, fût-il baptisé cent fois, cela ne lui sert à rien, car vous ne pouvez pas entrer par la porte étroite par la loi de Moïse ni par vos oeuvres mortes» (D&A 22:2). Le Seigneur affirma que l’autorité était essentielle pour accomplir un baptême valable. L’Eglise fournissait à ce moment-là, comme elle le fait maintenant, à tous ceux qui croient sincèrement au Christ et en son Evangile, l’organisation permettant de recevoir les ordonnances salvatrices, de bénéficier de la communion fraternelle avec les autres croyants, d’être instruit plus parfaitement des principes de l’Evangile et d’aider au salut des autres. MINISTÈRE DU PROPHÈTE À COLESVILLE Plus tard, au cours du mois d’avril, Joseph Smith rendit visite à Joseph Knight, père, à Colesville. Les Knight étaient disposés à réfléchir avec Joseph Smith sur les question de religion et furent prompts à le défendre contre ses ennemis. Tandis qu’il était dans la région de Colesville, Joseph tint plusieurs réunions auxquelles assistèrent beaucoup d’amis. Il raconte: «Beaucoup commencèrent à prier avec ferveur le Dieu Tout-Puissant pour qu’il leur donne la sagesse nécessaire pour entendre la vérité». Une des personnes qui assistaient régulièrement aux réunions était Newel Knight, grand ami du prophète. Newel Knight avait peur de prier à haute voix mais il finit par accepter l’invitation persuasive du prophète de le faire au cours de la prochaine réunion. Lorsque le moment arriva, Newel refusa, promettant qu’il prierait plus tard en privé. Le lendemain matin, il alla dans les bois où il essaya de prier, mais il n’y parvint pas parce qu’il se sentait coupable d’avoir refusé de prier publiquement. Il commença à se sentir mal à l’aise et à devenir malade. Lorsqu’il rentra chez lui, sa femme fut alarmée par son aspect. Il lui demanda de faire venir Joseph. Lorsque le prophète arriva, Newel «souffrait beaucoup en esprit et son corps était agité d’une manière très étrange; il avait le visage et les membres déformés et tordus de toutes les façons que l’on puisse imaginer; et finalement il fut enlevé du plancher de la chambre et terriblement projeté çà et là». Les voisins et les parents s’attroupèrent pour assister au terrible spectacle. Joseph finit par s’emparer de la main de Newel. Celui-ci dit qu’il savait qu’il était possédé du diable et qu’il savait aussi que Joseph Smith avait le pouvoir de le chasser. Agissant en fonction de la foi de Newel aussi bien que de la sienne, Joseph commanda au démon, au nom de Jésus-Christ, de partir. Newel déclara immédiatement qu’il voyait le diable le quitter et disparaître. Cela fut considéré comme le premier miracle accompli dans l’Eglise. Joseph affirma que «cela fut fait 69 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS non par l’homme, ni par le pouvoir de l’homme, mais par Dieu et en vertu de la New York Lac Ontario déformations de son corps cessèrent. L’Esprit du Seigneur descendit sur Newel de sorte que les visions de l’éternité Palmyra Manchester Fayette South Bainbridge Colesville Harmony Pennsylvanie s Su piété7». Le visage de Newel Knight reprit son expression normale, et les na an eh qu s’ouvrirent à lui. Dans son état d’affaiblissement, il fut mis sur le lit, mais il dit qu’il se sentait «attiré vers le haut et demeura un certain temps perdu dans la contemplation, de sorte [qu’il] ne savait pas ce qui se passait dans la chambre». Dans cet état, son corps fut soulevé jusqu’à ce qu’il sentît les poutres du plafond presser contre son épaule et sa tête. Beaucoup, parmi les personnes qui virent ces événements, furent convaincues de la puissance de Dieu et devinrent plus tard membres de l’Eglise. Joseph Les trois centres de l’Eglise à New York en juin 1830: (1) Township de Manchester (2) Township de Fayette et (3) Région de Colesville retourna peu de temps après à Fayette. Quelques semaines plus tard, Newel Knight arrivait à Fayette et était baptisé par David Whitmer8. PREMIÈRE C O N F É R E N C E D E L’E G L I S E En juin 1830, les saints de New York se trouvaient essentiellement à Manchester, à Fayette et à Colesville. Le nombre des membres de l’Eglise s’élevait à ce momentlà à une trentaine de personnes. Conformément aux instructions révélées (voir D&A 20:75), le prophète les réunit le 9 juin à Fayette pour la première conférence de l’Eglise. Beaucoup de personnes, qui étaient soit croyantes ou vivement désireuses d’apprendre, y assistèrent. Les personnes réunies prirent la SainteCertificat d’ordination de Joseph Smith, père, en qualité de prêtre, signé par Joseph Smith, fils, et Oliver Cowdery 70 ORGANISATION DE L’EGLISE DE JÉSUS - CHRIST Cène et plusieurs convertis récents furent confirmés. Samuel H. Smith fut ordonné ancien, et Joseph Smith, père, et Hyrum furent ordonnés prêtres. Dix frères reçurent des «licences», qui étaient de petits documents attestant qu’ils étaient autorisés à représenter l’Eglise (voir D&A 20:64-65). Oliver Cowdery tint le procès verbal de cette réunion et fut désigné par la conférence pour tenir les registres officiels de l’Eglise. Joseph Smith lut à l’assemblée les «articles et alliances de l’Eglise de JésusChrist» (la plus grande partie des sections 20 et 22 des Doctrine et Alliances), qui contiennent des instructions importantes concernant l’ordre de l’Eglise9. Joseph Smith écrit: «Beaucoup d’exhortations et d’instructions furent données, et le Saint-Esprit fut déversé sur nous d’une manière miraculeuse: beaucoup d’entre nous prophétisèrent, tandis que d’autres se voyaient ouvrir les cieux.» Newel Knight fut rempli d’un amour et d’une paix indicibles. Il eut la vision du Sauveur et apprit qu’il serait un jour admis en la présence du Seigneur. «Les manifestations de ce genre étaient de nature à nous emplir le coeur d’une joie indicible et à nous remplir de respect et d’adoration à l’égard de cet Etre toutpuissant . . . nous trouver engagés exactement dans le même ordre de choses qu’observaient les saints apôtres d’autrefois; être conscients de l’importance et de la solennité de ces activités et être témoins et sentir par nos sens naturels les manifestations glorieuses des facultés de la prêtrise, les dons et les bénédictions du Saint-Esprit et la bonté et la condescendance d’un Dieu miséricordieux pour ceux qui obéissent à l’Evangile éternel de notre Seigneur Jésus-Christ, tout cela se combinait pour créer en nous des sensations de reconnaissance ravie et nous insuffler un zèle et une énergie renouvelée pour la cause de la vérité10.» Peu après cette conférence, douze personnes furent baptisées par David Whitmer dans le lac de Seneca. Parmi elles, Katherine, soeur de Joseph Smith, et ses frères William et Don Carlos. T R I B U L AT I O N S ET JOIE À COLESVILLE Immédiatement après la conférence, Joseph Smith retourna chez lui à Harmony (Pennsylvanie). Vers la fin de juin 1830, le prophète, accompagné de sa femme, d’Oliver Cowdery et de John et David Whitmer, rendit visite à la famille Knight à Colesville (New York). Joseph Knight, père, qui avait lu le Livre de Mormon et avait la certitude qu’il était vrai, et un certain nombre d’autres personnes de la région désirèrent le baptême. Le samedi 26 juin, les frères construisirent un barrage sur un ruisseau afin de créer un étang permettant de faire des baptêmes. Cette nuit-là, des émeutiers, excités par les dirigeants de certaines Eglises de la région qui venaient de perdre des membres, démolirent le barrage. Le dimanche, les frères commencèrent la réunion. Oliver prêcha et d’autres témoignèrent de la véracité du Livre de Mormon et de la doctrine du repentir, du baptême pour la rémission des péchés et de l’imposition des mains pour le don du Saint-Esprit. Certains émeutiers assistèrent à la réunion et harcelèrent ensuite les personnes présentes. 71 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Tôt le lendemain, 28 juin, les frères réparèrent le barrage et organisèrent le service de baptême. Treize personnes furent baptisées, parmi lesquelles Emma Smith. Beaucoup de voisins se moquèrent d’eux, demandant s’ils «avaient lavé des moutons11». Sans rien dire, les saints retournèrent vers la résidence de Joseph Knight et ensuite se rendirent à la maison de Newel Knight, mais leurs ennemis les suivirent, leur criant des insultes et menaçant de faire du mal aux nouveaux convertis. Une réunion devait se tenir ce soir-là pour confirmer ceux qui avaient été baptisés, mais avant qu’elle ne pût commencer, Joseph fut arrêté et emmené à South Bainbridge (comté de Chenango) pour être jugé comme fauteur de troubles. Les émeutiers essayèrent d’intercepter Joseph et l’agent de police, mais celui-ci réussit à protéger le prophète. Joseph Knight, père, prit des dispositions pour que deux voisins, James Davidson et John Reid, des hommes connus pour leur intégrité, défendent le lendemain Joseph Smith au tribunal. Comme des mensonges scandaleux avaient circulé au sujet du prophète, cela attira beaucoup de spectateurs remuants au procès. Néanmoins, le témoignage de Josiah Stowell et de deux de ses filles contribua à assurer l’acquittement de Joseph. Mais le procès était à peine terminé qu’un agent de police du comté de Broome l’arrêtait de nouveau pour le même motif. Joseph raconte: «L’agent de police qui me signifia ce deuxième mandat m’avait à peine arrêté qu’il commença m’injurier et à m’insulter, et il fut à ce point cruel avec moi que bien que j’eusse été gardé toute la journée au tribunal sans rien avoir à manger depuis le matin, il m’emmena précipitamment au comté de Broome, environ vingt-cinq kilomètres plus loin, avant de me permettre de manger quelque nourriture que ce soit. Il m’emmena dans une taverne et y rassembla un certain nombre d’hommes, qui utilisèrent tous les moyens pour m’injurier, me ridiculiser et m’insulter. Ils crachèrent sur moi, me montrèrent du doigt, disant: ‹Prophétise, prophétise!›, et c’est ainsi qu’ils imitèrent ceux qui crucifièrent le Sauveur de l’humanité, ne sachant pas ce qu’ils faisaient.» Le lendemain, lors du procès, beaucoup de témoins déclarèrent avec serment des mensonges contre le prophète, se contredisant souvent. Lorsque Newel Knight alla à la barre, M. Seymour, procureur qui était vivement désireux de défier le mormonisme, interrogea Newel concernant l’incident au cours duquel le diable fut chassé de lui: «- Joe Smith n’avait-il pas quelque chose à voir avec cela? «- Oui, monsieur. «- Ne l’a-t-il pas chassé de vous? «- Non, monsieur; cela s’est fait par la force de Dieu, et Joseph Smith était l’instrument entre les mains de Dieu à cette occasion. Il lui a commandé de sortir de moi au nom de Jésus-Christ. «- Et êtes-vous sûr que c’était le diable? «- Oui, monsieur. «- L’avez-vous vu après qu’il ait été chassé de vous? «- Oui, monsieur! Je l’ai vu. 72 ORGANISATION DE L’EGLISE DE JÉSUS - CHRIST «- A quoi resemblait-il, s’il vous plaît? « . . . Le témoin répondit: «- Je crois que je n’ai pas besoin de répondre à votre dernière question, mais je le ferai à condition qu’il me soit permis de vous poser d’abord une question et que vous me répondiez, à savoir: Est-ce que vous, M. Seymour, vous comprenez les choses de l’Esprit? «- Non, répondit M. Seymour, je n’ai aucune prétention à d’aussi grandes choses. «- Alors, répondit Knight, il serait inutile de vous dire à quoi le diable ressemble, car c’était une vision spirituelle, et elle fut discernée spirituellement; et bien entendu vous ne comprendriez pas si je vous en parlais. « L’homme de loi baissa la tête, tandis que les rires bruyants de l’auditoire proclamaient sa déconfiture . . . « . . . Ces hommes [James Davidson et John Reid], bien que n’étant pas officiellement avocats, furent en cette occasion à même de réduire au silence leurs adversaires et de convaincre le tribunal que j’étais innocent. Ils parlèrent comme des hommes inspirés de Dieu12.» Le prophète fut de nouveau acquitté, mais les émeutiers le harcelèrent jusqu’à ce qu’il trouve refuge chez la soeur de sa femme et plus tard chez lui à Harmony. Quelques jours plus tard, Joseph Smith retourna à Colesville avec Oliver Cowdery pour confirmer ceux qui avaient été baptisés; à peine étaient-il arrivés que des émeutiers commencèrent à s’attrouper. Ils pensèrent que le mieux était de partir sans même prendre le temps de se reposer. Joseph et Oliver Cowdery échappèrent aux émeutiers, qui les poursuivirent pendant toute la nuit. Joseph dit: «C’est ainsi que nous fûmes persécutés à cause de nos croyances religieuses—dans un pays dont la Constitution garantit à tous les hommes le droit indéfectible d’adorer Dieu selon l’inspiration de leur conscience—et cela par des hommes qui professaient une religion et n’étaient pas lents à défendre le droit de liberté religieuse pour eux-mêmes, même s’ils pouvaient méchamment nous le refuser13.» Entre-temps, les saints de Colesville priaient pour que Joseph et Oliver retournent leur rendre visite. Le retour du prophète à Colesville au début d’août s’accompagna d’un miracle. Comme les sentiments hostiles persistaient, Joseph et Hyrum Smith ainsi que John et David Whitmer prièrent de toutes leurs forces avant leur voyage et, comme le déclara Newel Knight: «Leurs prières ne furent pas vaines. A une petite distance de ma maison, ils rencontrèrent un important groupe d’hommes travaillant à la voie publique, parmi lesquels il y avait quelques-uns de nos ennemis les plus acharnés, qui regardèrent attentivement les frères mais ne les reconnurent pas; les frères purent ainsi passer sans être inquiétés14». Les confirmations qui suivirent et la Sainte-Cène prise en commun furent un joyeux intermède entre les difficultés. Pendant toutes ces tribulations, le Seigneur soutint le prophète et révéla des vérités fondamentales de la théologie et de la pratique des saints des derniers jours. Parmi ces vérités, il y eut les «visions de Moïse», constituant le chapitre 1 du livre de Moïse dans la Perle de Grand Prix, qui exposaient la nature et l’étendue de 73 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS l’oeuvre de Dieu (voir Moïse 1:33, 39) et démasquaient Satan, source de l’opposition à la justice. Pendant tout l’été, Joseph étudia la Genèse. Cette étude constitua la base du livre de Moïse et une grande partie de sa “traduction inspirée” de la Bible, que l’on appelle aujourd’hui la traduction de Joseph Smith15. D’autres révélations furent données au cours du mois de juillet, disant à Joseph d’être patient dans ses afflictions et lui commandant de persévérer dans la prière et «[d’] écrire les choses qui [lui] seraient données par le Consolateur et [d’] interpréter toutes les Ecritures pour l’Eglise . . .» Le seigneur ajoute: «Car tu consacreras tout ton service à Sion et tu auras de la force pour cela . . . «Tu n’auras pas de force pour les travaux temporels» (D&A 24:5, 7, 9). L’appel de Joseph était celui de prophète; il ne devait pas se préoccuper directement de pourvoir à ses besoins temporels. Ce ne fut pas un sacrifice aisé pour lui ou pour sa famille. Il lui fut également recommandé de consacrer son «temps à étudier les Ecritures [allusion à sa traduction inspirée de la Bible], à prêcher, à affermir l’Eglise de Colesville et à accomplir [ses] travaux dans le pays, selon ce qui est requis, jusqu’à ce qu’[il aille] dans l’Ouest pour tenir la prochaine conférence» (D&A 26:1). Alors ce qu’il ferait serait révélé». Cette conférence allait avoir lieu en septembre à Fayette. En juillet, Joseph reçut une révélation pour sa femme, Emma (voir D&A 25). Elle fut qualifiée de «dame élue» (v. 3) et fut consolée dans ses afflictions. Elle reçut également le commandement de compiler le premier recueil de cantiques de l’Eglise. Les cantiques qu’elle rassembla, et les autres écrits depuis lors, représentent une expression importante de la foi des saints des derniers jours. Parlant de l’importance de la musique dans notre dispensation, le Seigneur dit: «Mon âme se réjouit du chant du coeur, oui, le chant des justes est une prière pour moi, et il sera exaucé par une bénédiction sur leur tête» (v. 12). En août, quand il retourna à Harmony, le prophète reçut une révélation importante concernant les emblèmes de la Sainte-Cène. Newel Knight et sa femme, Sally, étaient allés à Harmony rendre visite à Joseph et à Emma. Aucune des femmes n’avait été confirmée membre de l’Eglise, de sorte que les deux couples, ainsi que John Whitmer, décidèrent d’administrer cette ordonnance et de prendre la Sainte-Cène. Joseph alla se procurer du vin pour l’événement, mais il n’était pas allé loin lorsqu’il rencontra un messager céleste. L’ange lui dit que peu importait ce que l’on mangeait ou buvait à la Sainte-Cène tant que l’ordonnance était accomplie en n’ayant en vue que la gloire de Dieu. Joseph fut également averti qu’il ne devait pas acheter du vin de ses ennemis (voir D&A 27:2-4). Obéissant à ce commandement, le petit groupe utilisa du vin qu’il avait fait luimême et tint une réunion. Il passa le soir «d’une manière merveilleuse», et l’Esprit se déversa abondamment sur lui16. PREMIERS E F F O RT S M I S S I O N N A I R E S , P R E M I È R E S C O N V E R S I O N S Pendant que ces événements se déroulaient à Colesville et à Harmony en été 1830, l’oeuvre missionnaire était également en cours dans d’autres parties de l’Etat de New York. Des personnes avaient fait connaître l’Evangile à leurs familles, leurs 74 ORGANISATION DE L’EGLISE DE JÉSUS - CHRIST amis et leurs voisins avant même l’organisation de l’Eglise. Plus d’un candidat missionnaire s’était entendu dire par révélation: «Voici, le champ est déjà mûr pour la moisson; c’est pourquoi quiconque désire moissonner, qu’il lance sa faucille de toutes ses forces et moissonne tant que dure le jour afin d’amasser pour son âme le salut éternel dans le royaume de Dieu» (D&A 6:3; voir aussi 4:4; 11:3; 12:3, 14:3). Une fois que l’impression du Livre de Mormon eut été entreprise, l’intérêt du public pour Joseph Smith et le mormonisme s’accrut. Les rumeurs allaient bon train sur le livre d’or en cours d’impression à Palmyra. Un de ceux qui eurent vent de ces rumeurs fut Thomas B. Marsh, de Boston, qui devint plus tard le premier président du Collège des douze apôtres. Sa curiosité le conduisit à l’atelier d’imprimerie de Grandin; il y rencontra Martin Harris, qui lui donna des épreuves des seize premières pages imprimées du Livre de Mormon et l’accompagna Brigham Young et son frère Phineas. John P. Greene et Phineas Young devinrent membres de l’Eglise suite aux efforts missionnaires de Samuel Smith. Samuel fut également indirectement responsable de la conversion de Brigham Young et de Heber C. Kimball, grâce à l’exemplaire du Livre de Mormon remis à Phineas Young. ensuite chez les Smith à Manchester. Oliver Cowdery passa plusieurs moments durant deux jours à lui parler de Joseph et du rétablissement. Thomas retourna au Massachusetts et parla de l’oeuvre nouvelle à sa famille. Quand il apprit que l’Eglise avait été organisée, il installa sa famille à Palmyra. En septembre 1830, il fut baptisé et appelé en mission (voir D&A 31). Samuel H. Smith, frère cadet du prophète, fut ordonné ancien le 9 juin 1830, à la première conférence de l’Eglise, et ne tarda pas à faire des voyages d’été dans les comtés avoisinants, seul ou avec ses parents, pour vendre le Livre de Mormon. Il était souvent découragé parce que ses efforts étaient pour la plupart rejetés. Il laissa toutefois un exemplaire du Livre de Mormon à un certain John P. Greene, un pasteur, qui, quoique n’étant pas intéressé à le lire personnellement, dit qu’il demanderait à ses paroissiens s’ils aimeraient en acheter un exemplaire. Trois semaines plus tard, Samuel retourna voir le pasteur Greene, mais celui-ci n’était pas revenu de sa tournée de prédication. Rhoda, sa femme, dit que le livre ne s’était pas vendu mais qu’elle l’avait lu et qu’il lui plaisait. Samuel lui laissa le livre, et plus tard son mari le lut et fut converti. Phineas Young, frère de Rhoda Young Greene, avait acheté à Samuel un exemplaire du Livre de Mormon en avril 1830, lorsqu’il avait rencontré Samuel à son retour de Lima (New York) où il avait prêché. Il remit le Livre de Mormon à Brigham Young, lequel le donna à sa soeur, Fanny Young Murray, belle-mère de Heber C. Kimball. Après une étude intensive, ces hommes et leurs familles furent baptisés pour entrer dans l’Eglise. Brigham Young passa deux ans à étudier et à comparer les textes avant d’être baptisé en avril 1832. Par conséquent, les premiers efforts missionnaires de Samuel Smith eurent pour résultat d’amener quelquesuns des convertis les plus influents dans la jeune Eglise. C’était un missionnaire dévoué qui oeuvra à New York, en Nouvelle-Angleterre, en Ohio et au Missouri et convertit des dizaines de personnes et organisa plusieurs branches de l’Eglise. Joseph Smith père, lança, lui aussi, sa faucille dans des «champs mûrs», ce premier été-là. Avec Don Carlos, son fils de quatorze ans, il prêcha à la famille de son père dans le comté de St-Lawrence, et son message fut reçu avec joie. John, fils d’Asaël, frère de Joseph, père, accepta aussi l’Evangile, de même que George A. 75 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Smith, fils de John, qui devint plus tard un des douze apôtres. C’est ainsi que trois générations furent unies dans la foi au Rétablissement. Un autre converti de New York, cet été-là, fut Parley P. Pratt, 23 ans. Parley s’était installé dans la région inculte du nord-est de l’Ohio, et s’était joint là-bas à un groupe de «restaurationnistes» (disciples ou campbellites), sous la direction de Sidney Rigdon. Pendant l’été 1830, tandis qu’il voyageait par canal dans l’Etat de New York pour rendre visite à des parents, l’Esprit le poussa à envoyer Thankful, son épouse, poursuivre le voyage pendant que lui s’arrêtait pour prêcher ses idées religieuses près de Palmyra au village de Newark. Un diacre baptiste lui parla du Livre de Mormon et le lui laissa lire. Avec avidité, il lut la page de titre et le témoignage des témoins et commença à lire le texte. Il raconte ce qui suit: Asaël Smith, père 1744-1830 Joseph Smith, père 1771-1840 Patriarche, 1833-40 Joseph Smith, fils 1805-44 Président 1830-44 Hyrum Smith 1800-44 Deuxième conseiller Première Présidence 1837-41 Patriarche 1841-44 Président-adjoint 1841-44 John Smith 1832-1911 Patriarche 1855-1911 Hyrum Gibbs Smith Hyrum Mack Smith 1879-1932 1872-1918 Patriarche 1912-32 Apôtre 1901-18 Eldred Gee Smith 1907Patriarche 1947-79 Nommé à l’éméritat 6 oct. 1979 Joseph Fielding Smith 1899-1964 Patriarche 1942-46 Famille d’Asaël Smith, montrant les dirigeants ultérieurs de l’Eglise John Smith 1781-1854 Patriarche, 1849-54 William Smith 1811-93 Apôtre 1835-45 Patriarche 1845 George Albert Smith 1817-75 Apôtre 1839-75 Premier Conseiller Première Présidence 1868-75 Joseph Fielding Smith 1838-1918 Apôtre 1866-1918 Deuxième conseiller Première Présidence 1880-1901 Président 1901-18 John Henry Smith 1848-1911 Apôtre 1880-1911 Deuxième conseiller Première Présidence 1910-11 Joseph Fielding Smith 1876-1972 Apôtre 1910-70 Conseiller Première Présidence 1965-70 Président 1970-72 David Asael Smith 1879-1952 Conseiller Episcopat président 1907-38 Nicholas Groesbeck Smith 1881-1945 Assistant des Douze 1941-45 George Albert Smith 1870-1951 Apôtre 1903-51 Président 1945-51 «Je lus tout le jour; manger était un fardeau, je n’avais aucun désir de nourriture; le sommeil fut un fardeau quand vint la nuit, car je préférais lire plutôt que dormir. «Tandis que je lisais, l’Esprit du Seigneur était sur moi, et je sus et compris que le livre était vrai, aussi clairement et aussi manifestement qu’un homme comprend et sait qu’il existe. Ma joie était maintenant pleine, pour ainsi dire, et je me réjouis suffisamment pour être plus que payé de tous les chagrins, de tous les sacrifices et 76 ORGANISATION DE L’EGLISE DE JÉSUS - CHRIST de tous les labeurs de ma vie. Je décidai bientôt d’aller voir le jeune homme qui avait été l’instrument de sa découverte et de sa traduction. «En conséquence, je rendis visite au village de Palmyra et m’informai de la résidence de M. Joseph Smith. Je la trouvai à quatre ou cinq kilomètres du village. Tandis que j’approchais de la maison, à la fin de la journée, je rattrapai un homme qui faisait aller des vaches . . . C’était Hyrum Smith. Je l’informai de l’intérêt que j’éprouvais pour le Livre de Mormon et demandai à en savoir davantage à son sujet. Il m’accueillit dans sa maison . . . Nous conversâmes la plus gande partie de la nuit, et au cours de la conversation, je lui dis beaucoup de choses sur mon expérience dans ma recherche de la vérité et des succès que j’avais obtenus jusqu’à présent; ainsi que ce qu’il me semblait qu’il me manquait, à savoir une prêtrise autorisée, ou un apostolat pour exercer le ministère dans les ordonnances de Dieu17.» Parley P. Pratt (1807-57), converti par le Livre de Mormon, devint un des principaux théologiens de l’Eglise et membre du premier Collège des douze apôtres. Il fut assassiné en 1857 en Arkansas. Hyrum continua à instruire Parley, et ils se rendirent bientôt à Fayette pour rencontrer les Whitmer et d’autres membres de la branche grandissante de l’Eglise. Parley fut baptisé et ordonné ancien par Oliver Cowdery en septembre 1830. Investi de l’autorité, Parley se rendit à la maison de son enfance dans le comté de Columbia (New York), où il parla chaque jour à un grand auditoire, mais seul son frère Orson accepta le message. Orson fut baptisé à son dix-neuvième anniversaire et partit dans les deux semaines pour aller trouver Joseph Smith, le prophète, à Fayette. I N S TA L L AT I O N DU PROPHÈTE À F AY E T T E Entre-temps, à Harmony, Joseph Smith, aidé de John Whitmer, commençait à arranger et à copier les révélations que Joseph avait reçues. Pendant qu’il se livrait à ce projet, Joseph reçut une lettre d’Oliver Cowdery, qui l’affligea. Oliver disait qu’il avait découvert l’erreur suivante de langage dans une des révélations: «et montrent vraiment par leurs oeuvres qu’ils ont reçu une portion de l’Esprit du Christ pour la rémission de leurs péchés» (D&A 20:37). Croyant que sa place en tant que deuxième ancien de l’Eglise l’autorisait à agir ainsi, Oliver écrivit à Joseph. Joseph écrit: Orson Pratt (1811-81)—missionnaire, érudit, historien de l’Eglise et apôtre “La . . . citation, dit-il, était erronée, et il ajouta: ‘Je te commande, au nom de Dieu, d’effacer ces mots, afin qu’il n’y ait pas d’intrigue de prêtres parmi nous!’ “Je lui répondis immédiatement par écrit, lui demandant par quelle autorité il prenait sur lui de me commander de changer ou d’effacer, d’ajouter ou d’ôter d’une révélation ou d’un commandement du Dieu Tout-Puissant.” Vers cette époque, un pasteur méthodiste convainquit Isaac Hale d’un grand nombre de mensonges relatifs à son gendre. Il en résulta que la vie devint insupportable pour Joseph et sa famille à Harmony. C’est pourquoi Joseph commença à faire des préparatifs pour aller s’installer en permanence à Fayette où il avait été invité à vivre de nouveau chez Peter Whitmer père. Fin août, Newel Knight emmena son attelage et son chariot à Harmony pour emmener Joseph et sa famille à Fayette. En y arrivant, Joseph découvrit que les Whitmer étaient 77 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS d’accord avec Oliver Cowdey concernant la prétendue erreur dans la révélation. Joseph écrivit: “Ce ne fut pas sans effort et sans persévérance que je pus persuader l’un quelconque d’entre eux de discuter calmement de ce sujet. Néanmoins Christian Whitmer finit par être convaincu que la phrase était raisonnable et conforme aux Ecritures; et finalement, avec son aide, je réussis à amener, non seulement la famille Whitmer mais aussi Oliver Cowdery, à reconnaître qu’ils étaient dans l’erreur et que la phrase contestée concordait avec le reste du commandement18.» A Fayette, Joseph rencontra un autre problème grave concernant la révélation. Hiram Page, un des huit témoins et beau-frère des Whitmer, possédait une pierre grâce à laquelle il recevait ce qu’il appelait des révélations concernant l’édification de Sion et l’ordre de l’Eglise. Joseph affirmait que ces prétentions «étaient en désaccord total avec l’ordre de la maison de Dieu décrit dans le Nouveau Testament aussi bien que dans ses dernières révélations19». Etant donné qu’une conférence était prévue pour le 26 septembre, le prophète décida de ne rien faire de plus que parler du sujet avec les frères jusqu’à ce que la conférence ait lieu. Beaucoup de personnes, particulièrement Oliver Cowdery et les Whitmer, croyaient aux prétentions d’Hiram Page. Le prophète pria le Seigneur et reçut une révélation adressée à Oliver Cowdery dans laquelle il était invité à ne pas commander à Joseph Smith, dirigeant de l’Eglise. Le Seigneur expliqua que seul le président de l’Eglise avait le droit de recevoir des révélations pour l’Eglise (voir D&A 28:2). Il lui fut également dit que l’emplacement de la ville de Sion n’avait pas encore été révélée mais le serait en temps voulu (voir v. 9). En outre, Oliver recevait pour ordre d’aller trouver Hiram et de le convaincre de ce que la pierre et les prétendues révélations venaient de Satan (voir v. 11). Lors de la conférence prévue en septembre, on discuta de la pierre de Hiram Page; les personnes présentes, y compris Hiram, reconnurent la fausseté de la pierre et des «révélations» reçues par elle et y renoncèrent. La conférence vota aussi que Joseph Smith devait «recevoir et écrire les révélations et les commandements pour cette Eglise20». En tout, la conférence dura trois jours. Joseph témoigna: «La puissance de Dieu se manifesta considérablement parmi nous; le Saint-Esprit descendit sur nous et nous remplit d’une joie indicible; et la paix, la foi, l’espérance et la charité abondèrent parmi nous21.» NOTES 1. «150-Year Drama: A Personal View of Our History», Ensign, avril 1980, pp. 11-12. 2. «History of Joseph Smith», Times and Seasons, 1 oct. 1842, pp. 928-29. 78 and Pennsylvania, 1816-1831”, thèse de doctorat, Brigham Young University, 1971, pp. 374-86. 5. History of the Church, 1:79. 3. Voir lettre d’Edward Stevenson à F.D. Richards, 10 janvier 1887, citée dans Journal of Edward Stevenson, 1886, vol. 3, département d’histoire de l’Eglise, Salt Lake City. 6. Dans Lucy Mack Smith, History of Joseph Smith, éd. Preston Nibley, Salt Lake City, Bookcraft, 1958, p. 168, voir aussi History of the Church, 1:79. 4. Voir Larry C. Porter, “A Study of the Origins of The Church of Jesus-Christ of Latter-day Saints in the States of New York 8. History of the Church, 1:83-84. 7. History of the Church, 1:81-83. ORGANISATION DE L’EGLISE DE JÉSUS - CHRIST 9. Voir Donald Q. Cannon and Lyndon W. Cook, éditeurs, Far West Record: Minutes of The Church of Jesus Christ of Latter-day Saints, 1830-1844, Salt Lake City, Deseret Book Co., 1983, pp. 1-3. 10. History of the Church, 1:84-86. 11. Joseph Knight, fils, «Joseph Knight’s Incidents of History from 1827 to 1844», comp. par Thomas Bullock, d’après des feuilles volantes en la possession de Joseph Knight, département d’histoire de l’Eglise, Salt Lake City, p. 2; voir aussi History of the Church, 1:87-88. 12. History of the Church, 1:91-94. 13. History of the Church, 1:97. 14. Journal de Newel Knight, document dactylographié, département d’histoire de l’Eglise, Salt Lake City, p. 11; voir aussi Larry C. Porter, «The Joseph Knight Family», Ensign, octobre 1978, p. 42. 15. Voir Robert J. Matthews, «A Plainer Translation», Joseph Smith’s Translation of the Bible: A History and Commentary, Provo, Brigham Young University Press, 1975, pp. 25-26. 16. Voir History of the Church, 1:108. 17. Parley P. Pratt, éd., Autobiography of Parley P. Pratt, série Classics in Mormon Literature, Salt Lake City, Deseret Book Co., 1985, pp. 20-22. 18. History of the Church, 1:105. 19. History of the Church, 1:110. 20. Dans Cannon et Cook, Far West Record, p. 3; voir aussi Doctrine et Alliances, 21. 21. History of the Church, 1:115. 79 CHAPITRE SEPT E X PA N S I O N Ligne du temps Date Evénement important Sept-oct. 1830 Appel de missionnaires auprès des Lamanites Nov. 1830 Les missionnaires rendent visite à la Western Reserve (Ohio) et baptisent 127 personnes Déc. 1830 Sidney Rigdon et Edward Partridge se rendent à New York pour rencontrer le prophète Déc. 1830 Par révélation, Joseph reçoit une partie de l’antique livre d’Enoch Janv. 1831 Les missionnaires atteignent l’ouest du Missouri et commencent à prêcher aux Indiens dans le territoire non organisé Févr. 1831 Parley P. Pratt revient dans l’Est pour faire rapport de sa mission DE LA JEUNE D E P U I S L E D É B U T D E 1 8 3 0 , les saints des derniers jours reconnaissent l’Indien américain comme un reste de la maison d’Israël auquel de grandes promesses ont été faites. Appelant ce peuple les «Lamanites», un prophète du Livre de Mormon a déclaré: «Un jour viendra où ils seront amenés à croire en sa parole [de Dieu]. Ils connaîtront alors la fausseté des traditions de leurs pères; et beaucoup d’entre eux seront sauvés» (Alma 9:17). Les saints de 1830 croyaient en ces promesses et furent poussés dès les premiers jours de l’Eglise à en assurer l’accomplissement. APPEL À INSTRUIRE LES LAMANITES L’Eglise avait à peine six mois quand Oliver Cowdery fut appelé par révélation à aller auprès des Lamanites prêcher l’Evangile (voir D&A 28:8). Par la suite, Peter Whitmer, fils, Ziba Peterson et Parley P. Pratt furent appelés à l’aider (voir D&A 30:5; 32:1-3). La destination des missionnaires était «les frontières des Lamanites» (D&A 28:9). Cette expression désignait la ligne séparant le Missouri du territoire indien situé à l’ouest. Pendant Le territoire indien au moment de la première mission lamanite. Plusieurs de ces «réserves» furent créées et occupées avant le décret d’expulsion des Indiens lancé en 1830 par le président des Etats-Unis, Andrew Jackson. plus de vingt ans, beaucoup F ro n t i re occidentale de d’Américains avaient mené sE nis s-U tat Omahas campagne pour que les Indiens Iowa soient transférés des Etats de l’Est jusqu’à une frontière Mis so Pawnees indienne permanente dans les uri Otoes R iv e r Otoes Missouri Missouri Iowa Sauks et Fox du Minnesota isso Kickapoos M Shawnees Sauks et Fox du MississippiPotawatomis Indiens de New York Territoire non organisé plaines au-delà. A la suite de cette agitation, moins de quatre ur Kansas iR iver Ottawas Peoeias et Kaskaskias Weas et Piankashas Miamis Terres neutres des Cherokees Osages Quapaws Nation Cherokee Couloir Cherokee Senecas nsas River Arka Nation Creek C R ed River Fro 80 EGLISE Nation Chickasaw nti re occid River ian ad an Nation Choctaw e n tal e d e s E t a t s- Unis Texas mois avant l’appel des missionnaires, Andrew Jackson, président des Etats-Unis, signait l’ «Indian Removal Act», ordonnant le déménagement des Indiens. Les Shawnees et les Delawares d’Ohio, prévoyant ce qui allait arriver, avaient déjà effectué d’eux-mêmes ce Arkansas déplacement dès 1828-29. Les EXPANSION DE LA JEUNE EGLISE deux tribus s’étaient installées près de la Kansas River juste à l’ouest de la frontière du Missouri. Après la deuxième conférence de l’Eglise, les préparatifs du voyage missionnaire commencèrent pour de bon. Emma Smith et plusieurs autres soeurs prirent des dispositions pour fournir aux missionnaires les vêtements nécessaires. En dépit du fait qu’elle n’était pas bien portante, Emma passa de nombreuses heures à coudre des vêtements convenables pour chaque missionnaire. Les soeurs de la région de Publié avec la permission de la bibliothèque de l'université Brigham Young Fayette (New York) fournirent généreusement de la nourriture, et Martin Harris donna des exemplaires du Livre de Mormon à distribuer. Avant de se mettre en route, les missionnaires s’engagèrent par écrit à «prêter attention à toutes les paroles et tous les conseils» d’Oliver Cowdery. Ils s’engagèrent à proclamer la «plénitude de l’Evangile» à leurs frères, les Lamanites1. Le 18 octobre, ils commencèrent leur voyage de deux mille quatre cents kilomètres vers l’Ouest. PREMIERS SUCCÈS DANS LA W E S T E R N R E S E RV E Les missionnaires rendirent visite à une tribu amicale d’Indiens Seneca dans la réserve des Cattaraugus, près de Buffalo (New York), où ils s’arrêtèrent juste assez pour présenter le Livre de Mormon comme les annales de leurs ancêtres oubliés. «Nous avons été reçus avec gentillesse et ils ont manifesté beaucoup d’intérêt en Peu après leur appel, les missionnaires auprès des Lamanites signèrent une alliance de coopération avant de quitter New York. On n’a pas retrouvé l’original, mais les chercheurs pensent que cette transcription, imprimée le 8 décembre 1831 dans l’Ohio Star de Ravenna est une représentation exacte de l’accord. apprenant cette nouvelle», rapporte Parley2. Laissant deux exemplaires du livre, les missionnaires continuèrent leur voyage. Autant que l’on sache, ce furent là les premiers Indiens américains à entendre le message du Rétablissement dans notre dispensation. Lorsqu’ils arrivèrent dans le nord-est de l’Ohio, les missionnaires atteignirent une région couramment appelée la Western Reserve, parce qu’à l’époque coloniale, elle avait été attribuée au Connecticut au titre de «réserve occidentale». Parley P. Pratt connaissait bien ce pays, ayant vécu à Amherst, à quatre-vingts kilomètres à l’ouest de Kirtland, pendant environ quatre ans avant sa conversion à l’Eglise. Il avait étudié avec Sidney Rigdon, pasteur éminent de la région, qui présidait un groupe de chercheurs (personnes en quête d’un retour au christianisme du Nouveau Testament). A un moment donné, Sidney unit ses efforts à ceux d’un autre chercheur, Alexander Campbell, et contribua à fonder l’Eglise des disciples du Christ, également appelée campbellite. Mais Rigdon n’était pas d’accord avec Campbell sur certaines pratiques doctrinales et constitua Missionnaires auprès des Lamanites marchant péniblement dans la neige 81 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS son propre groupe, la Société baptiste réformée. Etant donné ses anciennes Lac Erie Ashtabula Cuyahoga Lorain Trumbull Portage McRon relations étroites avec Rigdon, frère Pratt convainquit ses compagnons de rendre visite à Sidney à Mentor (Ohio), où il témoigna à son ancien maître que le Geauga rétablissement s’était produit, notamment le rétablissement de l’autorité divine. Oliver Cowdery, témoin oculaire du rétablissement de la prêtrise, témoigna Medina personnellement de cet événement. Sidney traita les missionnaires avec cordialité et respect, mais il ne fut pas Ohio converti instantanément. Il leur dit: «Je vais lire votre livre, et je vais voir si je peux na l io lui accorder ma foi.» Les missionnaires demandèrent alors à présenter leur Ri ve r Oh ie Ca Er Oh io message dans l’église de Rigdon. Son consentement fut donné, «la date fut donc publiée, et une grande et respectable assemblée fut réunie». A la fin de la réunion, Rigdon, avec une ouverture d’esprit digne d’éloges, dit à ses auditeurs que le Virginia Certaines chartes coloniales autorisaient les colonies à réclamer des territoires étendus à l’ouest. Comme le dit le texte, la «Western Reserve» de l’Ohio tirait son nom de ce qu’elle faisait partie des prétentions du Connecticut dans l’Ouest. Elle se composait de huit régions du nord-est de l’Ohio. message qu’ils venaient d’entendre «était d’une nature extraordinaire et réclamait à coup sûr leur plus grande attention». Il rappela à l’assemblée le conseil de l’apôtre Paul: «Examinez toutes choses; retenez ce qui est bon» (1 Th 5:21)3. Entre-temps, les missionnaires n’étaient pas oisifs. A moins de huit kilomètres de la maison de Rigdon, à Mentor, se trouvait le village de Kirtland, où vivaient de nombreux membres de la confession de Sidney. Les missionnaires prêchèrent de maison en maison, étant également l’objet d’une attention respectueuse. Certains résidents furent bientôt convaincus de ce que personne parmi eux ne possédait l’autorité divine nécessaire pour administrer les ordonnances de l’Evangile et de ce qu’ils n’avaient pas été eux-mêmes baptisés par quelqu’un détenant l’autorité. Après avoir beaucoup étudié et prié, beaucoup de personnes, dont Sidney Rigdon, demandèrent le baptême aux missionnaires. La nouvelle de leurs enseignements se répandit rapidement. Parley rapporte: «Les gens s’attroupaient jour et nuit autour de nous, à tel point que nous n’avions pas le temps de nous reposer et de nous isoler. Des réunions furent convoquées dans différents quartiers, et des multitudes s’assemblèrent pour réclamer notre présence, tandis que des milliers s’assemblaient quotidiennement autour de nous, les uns pour être instruits, d’autres par curiosité, les uns pour obéir à l’Evangile, d’autres pour contester ou y résister4.» Dans les trois semaines de l’arrivée des missionnaires, 127 personnes étaient baptisées. Les principales d’entre elles étaient Isaac Morley, Levi Hancock, Lyman Wight et John Murdock, résidents bien connus de la région, qui étaient destinés à jouer un rôle important dans les futures affaires de l’Eglise. En repensant plus tard à son propre baptême et à l’effet qu’il eut sur lui, John Murdock écrivit: «L’Esprit du Seigneur accompagnait de manière perceptible l’ordonnance, et je sortis de l’eau en me réjouissant et en chantant les louanges de Dieu et de l’Agneau5.» Philo Dibble, autre converti parmi les premiers convertis d’Ohio, qui habitait à une huitaine de kilomètres à l’est de Kirtland, fut informé de l’existence d’une «Bible d’or». Curieux, il alla trouver les missionnaires et, après avoir entendu Oliver Cowdery parler, crut et se présenta pour le baptême. La description qu’il John Murdock (1792-1871), fut missionnaire, évêque, pionnier de 1847, membre du grand conseil de Salt Lake City et patriarche. 82 fait de la puissance spirituelle qui se manifesta lorsqu’il reçut le Saint-Esprit peut nous donner une idée de la raison pour laquelle tant de saints de l’époque trouvèrent de la joie dans le Rétablissement: EXPANSION DE LA JEUNE EGLISE «Lorsque je sortis de l’eau, je sus que j’étais né d’eau et d’Esprit, car mon esprit était illuminé par le Saint-Esprit. « . . . Ce soir-là, tandis que j’étais au lit, je sentis ce qui sembla être une main sur mon épaule gauche et une sensation semblable à des fibres de feu enveloppa immédiatement mon corps . . . Je fus entouré d’une influence céleste et ne pus dormir tant j’éprouvais de joie6.» Le bref passage des missionnaires dans la Western Reserve, ce mois de novembre-là, porta des fruits immédiats et durables. En trois semaines seulement, ces conversions d’Ohio firent plus que doubler la population de l’Eglise. Ce fut comme le Seigneur l’avait promis aux saints par révélation: «Car voici le champ est déjà mûr pour la moisson et voici, celui qui se sert de sa faucille de toutes ses forces amasse des provisions afin de ne pas périr, mais apporte le salut à son âme» (D&A 4:4; voir aussi 11:3; 12:3). Les missionnaires ordonnèrent Sidney Rigdon et un petit nombre d’autres et leur confièrent la responsabilité du ministère. En compagnie de Frederick G. Williams, qui avait exercé la médecine à Kirtland avant sa Frederick G. Williams (1787-1842) fut médecin, conseiller et ami de la famille de Joseph Smith. Il fut toujours très généreux dans ses dons à l’Eglise. Après sa mort, sa femme, son fils et sa belle-fille émigrèrent en Utah avec les saints. conversion, ils continuèrent leur voyage vers l’Ouest vers les «frontières des Lamanites». VISITE CHEZ LE PROPHÈTE À N E W YO R K Peu après que les missionnaires eurent quitté Kirtland, Sidney Rigdon et un de ses intimes, Edward Partridge, décidèrent de se rendre à New York «pour s’informer davantage» sur les origines de l’Evangile rétabli qui venait de leur être présenté. Lydia Partridge écrit: «Mon mari croyait partiellement, mais il lui fallut faire un voyage dans l’Etat de New York pour voir le prophète» avant de pouvoir être satisfait7. Selon Philo Dibble, Partridge s’y rendit aussi au nom d’autres personnes. Un voisin lui dit: «Nous avons envoyé un homme dans l’Etat de York pour découvrir la véracité de cette oeuvre, et c’est un homme qui ne mentira pas8.» Arrivés à Manchester (New York) en décembre 1830, Sidney et Edward apprirent que Joseph habitait chez les Whitmer dans le township (arrondissement) de Fayette, à trente kilomètres de là. Lorsqu’ils s’informèrent de la famille Smith auprès des voisins, ils constatèrent que sa réputation avait été irréprochable jusqu’au moment où Joseph avait fait savoir qu’il avait découvert le Livre de Mormon. Ils remarquèrent également le bon ordre et l’industrie manifestes que révélait la ferme familiale. Edward et Sidney trouvèrent le prophète chez ses parents à Waterloo, où Edward demanda à Joseph Smith de le baptiser9. Quatre jours plus tard, il était ordonné ancien par Sidney Rigdon, son ami et compagnon de voyage. D’emblée, Joseph Smith fut favorablement impressionné par Sidney et Edward. Il dit à propos de ce dernier qu’il était «un modèle de piété, un des grands hommes du Seigneur10». Peu de temps après le baptême d’Edward, le prophète reçut des révélations exposant les devoirs et les appels des deux hommes. Attendu l’influence qu’il exerçait sur ses disciples, le Seigneur compara Sidney à JeanBaptiste, qui avait préparé la voie pour Jésus-Christ. La nouvelle tâche de Sidney était de servir de secrétaire à Joseph Smith (voir D&A 35:4, 20). Edward fut appelé à prêcher l’Evangile «comme avec la voix d’une trompette» (D&A 36:1). Joseph 83 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Smith et Sidney Rigdon furent exhortés à fortifier l’Eglise partout où elle se trouvait, mais «plus spécialement à Colesville; car voici, ils me prient avec beaucoup de foi» (D&A 37:2). La foi des saints de Colesville fut récompensée par la visite du prophète et de son nouveau compagnon, Sidney Rigdon. C’est là que les talents d’orateur de Sidney se manifestèrent pour la première fois dans l’Eglise tandis qu’il obéissait au commandement qu’il avait reçu par révélation: «Tu prêcheras mon Evangile et feras appel aux saints prophètes pour prouver ses paroles» (D&A 35:23). Il fit un sermon efficace et puissant. Les saints de New York eurent aussi la bénédiction de recevoir, grâce à Joseph Smith, des révélations doctrinales importantes. Entre juin et octobre 1830, il travailla à une révision inspirée de la Genèse. Joseph dit: «À ce moment-là beaucoup de spéculations et de discussions se produisaient fréquemment parmi les saints concernant les livres mentionnés et cités dans différents endroits de l’Ancien et du Nouveau Testament, que l’on ne trouvait maintenant plus nulle part. La réflexion courante était: ‹Ce sont des livres perdus›; mais il semble que l’Eglise apostolique avait certains de ces écrits, puisque Jude mentionne ou cite la prophétie d’Enoch, septième depuis Adam11.» A la joie de l’Eglise, qui comptait maintenant environ soixante-dix personnes à New York, le Seigneur révéla une partie de l’antique livre d’Enoch, dans lequel se trouvait une longue prophétie sur l’avenir. Par l’intermédiaire de ce récit, qui se trouve maintenant dans Moïse 7 dans la Perle de Grand Prix, le Seigneur «encouragea et fortifia la foi de son petit troupeau . . . en donnant des informations plus détaillées sur les Ecritures» que ce que l’on connaissait précédemment12. V OYA G E AU MISSOURI Entre-temps, les cinq missionnaires auprès des Indiens continuèrent à prêcher à tout le monde tandis qu’ils se dirigeaient vers l’Ouest. Parley P. Pratt écrit: «Certains souhaitaient apprendre la plénitude de l’Evangile et obéir . . . d’autres étaient remplis d’envie, de rage et de mensonges13.» A quatre-vingts kilomètres à l’ouest de Kirtland, Parley fut arrêté sur une accusation absurde, jugé, condamné et mis à l’amende. Comme il ne pouvait pas payer, il passa la nuit enfermé dans une auberge. Le lendemain matin, il reçut une brève visite de ses compagnons et les exhorta à poursuivre leur voyage, leur promettant de bientôt les rejoindre. Il rapporte: «Après être resté assis un certain temps près du feu, sous la garde de l’officier, je demandai à sortir. J’allai sur la place publique accompagné par lui. Je dis: ‹M. Peabody, êtes-vous bon à la course?› ‹Non, dit-il, mais mon gros bouledogue, oui, et il a été entraîné pour m’aider ces quelques années dans mes fonctions; je n’ai qu’à donner l’ordre et il vous plaque n’importe qui au sol.› ‹Eh bien, M. Peabody, vous m’avez obligé à faire un mille, j’en ai fait deux avec vous. Vous m’avez donné l’occasion de prêcher, de chanter, et vous m’avez aussi fourni le logement et le petit déjeuner. Je dois maintenant poursuivre mon voyage; si vous êtes bon à la course vous pouvez m’accompagner. Je vous remercie pour toute votre gentillesse. Au revoir, monsieur.› 84 EXPANSION DE LA JEUNE EGLISE «Je me mis alors en route tandis qu’il restait là stupéfait, incapable de mettre un pied devant l’autre . . . Il ne sortit suffisamment de son étonnement pour se mettre à ma poursuite que lorsque j’eus fait quelque chose comme deux cents mètres . . . Les missionnaires parcoururent environ deux mille quatre cents kilomètres au cours de l’automne et de l’hiver 1830-31 pour porter l’Evangile aux Lamanites qui avaient été déplacés dans l’ouest du Missouri. Le voyage se fit à pied, à l’exception d’un trajet en bateau à vapeur entre Cincinnati (Ohio) et Cairo (Illinois). Il se mit alors à me poursuivre en hurlant, criant à son chien de m’attraper. Le chien, un des plus grands que j’aie jamais vus, se précipita vers moi dans toute sa fureur; l’officier, derrière lui, me poursuivait toujours, tapant dans ses mains et criant: ‹stu-boy, stu-boy, attrape-le, attention, empare-toi de lui, dis-je, abats-le›, montrant du doigt la direction dans laquelle je courais. Le chien était en train de M s New York i si s si pp i Buffalo Prêchent aux Indiens Cattaraugus Fairport Illinois Painesville Prêchent aux Indiens Wyandots Arrivée le 13 janvier à Independence Territoire indien SaintLouis Début du voyage fin octobre 1830 6 novembre 1830: première prédication de l’Evangile signalée en Ohio Kirtland Conversion de Sidney Rigdon et de beaucoup Incident du d’autres bouledogue Indiana Une semaine de tempête. Un mètre de neige par endroits Independence Début de l’oeuvre parmi les Indiens en 1831 Sandusky Fayette Pennsylvanie Ohio Cincinnati io R Oh iver 20 décembre 1830 prennent le bateau sur le fleuve Cairo Missouri Kentucky La glace les force à aller par voie de terre à l’embouchure de l’Ohio. me rattraper rapidement, et il était en train de sauter sur moi, lorsqu’à la vitesse de l’éclair, la pensée me frappa d’aider l’officier en envoyant le chien avec toute sa furie dans la forêt un peu plus loin que moi. Je tendis le doigt dans cette direction, battis des mains, et criai en imitant l’officier. Le chien me dépassa en redoublant de vitesse vers la forêt, encouragé par l’officier et moi-même qui courions tous les deux dans la même direction.» Après avoir faussé compagnie au chien et au policier, frère Pratt rejoignit ses compagnons par une autre route. Parley apprit plus tard que Simeon Carter, à qui il avait laissé un Livre de Mormon, ainsi qu’environ soixante autres de cette région, étaient devenus membres de l’Eglise et avaient créé une branche14. Les missionnaires n’avaient pas oublié leur mission d’enseigner l’Evangile aux Amérindiens. A Sandusky (Ohio), ils s’arrêtèrent plusieurs jours parmi les Indiens Wyandots. Parley écrit: «Ils se réjouirent de la nouvelle, nous souhaitèrent la 85 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS protection de Dieu et nous demandèrent de leur écrire pour leur raconter nos succès parmi les tribus plus à l’est15.» L’hiver était là lorsque les intrépides missionnaires quittèrent Sandusky pour Cincinnati, et ils firent tout le chemin à pied. L’hiver 1830-31 est connu dans les annales du midwest comme l’hiver de la neige profonde. La dernière partie de décembre 1830 fut «glaciale, une masse tourbillonnante et aveuglante de neige et un ciel menaçant, de plomb, propres à rendre cette tempête capable de paralyser cette région de la prairie. Elle semble avoir persisté avec la même violence pendant des jours, d’abord un phénomène étonnant, ensuite une terreur, un cauchemar lorsqu’elle devint une menace pour la vie des hommes et des animaux16». A Cincinnati (Ohio), cinq jours avant Noël, les missionnaires montèrent à bord d’un bateau à vapeur en route pour Saint-Louis. Mais des blocs de glace obstruaient l’Ohio, les obligeant à débarquer à Cairo (Illinois) et à continuer à pied. A trente kilomètres de Saint-Louis, un orage hurlant, de pluie et de neige, leur imposa une semaine de retard et laissa en certains endroits une épaisseur de neige de près d’un mètre. Ils continuèrent lentement leur chemin vers l’ouest, pataugeant dans une neige qui leur venait aux genoux pendant des jours entiers, sans une seule maison ni un feu, «le vent glacial du nord-ouest nous soufflant sans cesse dans la figure, et sa morsure nous arrachait presque la peau», écrit Parley. Le froid était si intense que la neige ne fondit pas, même à midi, du côté sud des maisons, pendant près de six semaines. Sur cinq cents kilomètres, ils portèrent leurs vêtements, leurs livres et leur nourriture dans des sacs à dos. Tout ce qu’ils avaient à manger était du pain de maïs gelé et du porc cru. Parley dit: «Le pain était si gelé que nous ne pouvions pas le mordre ni en pénétrer aucune autre partie que la croûte.» Pendant un mois et demi ils voyagèrent de Kirtland à Independence, subissant la fatigue et les souffrances. Le 13 janvier 1831, ils arrivèrent à Independence (Missouri), frontière occidentale la plus lointaine des Etats-Unis17. P R É D I C AT I O N D E L’E VA N G I L E En approchant de leur destination, les missionnaires s’installèrent chez le colonel Robert Patterson sur la frontière ouest du Missouri, tandis qu’ils attendaient que le temps se modère. Vers le 1er février, Peter Whitmer et Ziba Peterson ouvrirent un atelier de tailleur à Independence pour gagner les fonds nécessaires tandis qu’Oliver Cowdery, Parley P. Pratt et Frederick G. Williams entraient sur le territoire indien pour prêcher et présenter le Livre de Mormon18. Ils trouvèrent un auditeur en William Anderson, le chef âgé des Delawares, fils d’un père scandinave et d’une mère indienne. Le chef ne s’était pas montré disposé à écouter d’autres chrétiens, mais il se laissa finalement persuader d’écouter les missionnaires. Oliver Cowdery fut invité à parler devant une quarantaine de chefs tribaux confortablement assis dans la tente du chef. Il gagna vite leur confiance en racontant le long et difficile voyage qu’ils avaient fait depuis l’est pour leur apporter la nouvelle du Livre de Mormon. Il parla de la situation dramatique actuelle des Indiens: jadis, ils étaient nombreux, maintenant ils étaient 86 EXPANSION DE LA JEUNE EGLISE peu; jadis leurs possessions étaient grandes, maintenant elles étaient petites. Habilement, il introduisit le Livre de Mormon dans son récit: “Il y a des milliers de lunes, lorsque les ancêtres des hommes rouges demeuraient dans la paix et possédaient toute cette terre, le Grand Esprit leur parla et révéla sa loi et sa volonté Publié avec la permission de la bibliothèque du Congrès et beaucoup de connaissances à leurs sages et à leurs prophètes.” Il leur dit que cette histoire, qui était la leur, et les prophéties des «choses qui arriveraient à leurs enfants dans les derniers jours» étaient écrites dans un livre. Il leur promit que s’ils recevaient et suivaient ce livre, leur «Grand Père» les rendrait de nouveau prospères et leur rendrait leur ancienne grandeur. Il expliqua que ses compagnons et lui étaient venus apporter des exemplaires du livre qui détenait la clef de leur succès futur. Le chef Anderson exprima sa reconnaissance pour la bonté des Blancs: «‹Cela nous rend heureux ici›, dit-il en mettant sa main sur son coeur. «‹C’est maintenant l’hiver; nous sommes nouvellement installés en ce lieu; la William Clark (1770-1838). Après être revenu de son exploration épique de la Louisiane nouvellement acquise, avec Meriweather Lewis, William Clark fut nommé, par Thomas Jefferson, président des EtatsUnis, agent indien pour les tribus du territoire de la Louisiane. Clark passa quasiment le reste de sa vie comme fonctionnaire du gouvernement auprès des Indiens. Il devint surintendant des affaires indiennes en 1822, et c’était ce poste qu’il remplissait lorsque Oliver Cowdery lui écrivit. neige est profonde, notre bétail et nos chevaux meurent, nos wigwams sont pauvres; nous avons beaucoup à faire au printemps: construire des maisons, clôturer et créer des fermes; mais nous construirons une maison du conseil et nous nous réunirons, et vous nous lirez et nous instruirez davantage concernant le livre de nos pères et la volonté du Grand-Esprit.›» Les missionnaires «continuèrent pendant plusieurs jours à instruire le vieux chef et beaucoup de membres de sa tribu». Le désir de leurs hôtes d’en apprendre davantage sur le Livre de Mormon grandissait chaque jour, et les anciens, trouvant plusieurs personnes qui savaient lire, distribuèrent des exemplaires parmi eux, et les lecteurs aidèrent à répandre la parole19. La région était sous la tutelle des agents indiens du gouvernement; et malheureusement les missionnaires n’avaient pas obtenu le permis requis pour entrer dans les territoires indiens et y enseigner l’Evangile. L’agent indien local les informa immédiatement qu’ils étaient en infraction avec la loi et leur ordonna de cesser de prêcher tant qu’ils n’auraient pas obtenu la permission, du général William Clark, surintendant des affaires indiennes à St-Louis20. Mais Parley P. Pratt dit: «Quand la nouvelle du succès des missionnaires parvint aux colonies frontières du Missouri, cela suscita la jalousie et l’envie des agents indiens et des missionnaires des sectes au point que l’on nous ordonna bientôt de quitter le territoire indien parce que nous perturbions la paix; et on nous menaça même de nous envoyer l’armée en cas de refus d’obéissance21.» Dans une lettre datée du 14 février 1831, Oliver Cowdery écrivit au général Clark, expliquant qu’il représentait une société religieuse dont le siège était dans l’Etat de New York et souhaitait créer «des écoles pour instruire les enfants [indiens] et aussi enseigner la religion chrétienne à [leurs anciens]». Ils avaient l’intention de le faire, dit-il, «sans empiéter sur aucune autre mission actuellement établie ni la gêner22».On ne sait pas si Clark répondit jamais à leur demande ou leur accorda la permission. Les missionnaires s’installèrent à Independence et prêchèrent l’Evangile aux colons de l’endroit que cela intéressait. Entre-temps, Parley P. Pratt était choisi pour retourner dans l’Est et faire rapport de la mission et obtenir d’autres exemplaires du Livre de Mormon. Après son 87 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Publié avec la permission de la Kansas City Historical Society Lettre d‘Oliver Cowdery du 14 février 1831 à William Clark proposant la création d‘écoles pour les enfants indiens départ, l’intérêt des autres missionnaires pour les Indiens s’accrut quand ils apprirent l’existence des Navajos, grande tribu industrieuse vivant à environ cinq cents kilomètres à l’ouest de Santa Fe23. Les circonstances obligèrent les missionnaires à abandonner toute autre tentative de porter l’Evangile aux autres tribus indiennes. 88 EXPANSION DE LA JEUNE EGLISE E VA L UAT I O N D U V OYA G E M I S S I O N N A I R E Si la «mission lamanite» n’eut pas beaucoup de succès dans son prosélytisme auprès des Amérindiens, elle eut néanmoins un impact important sur l’histoire ultérieure de l’Eglise. Non seulement elle introduisit pour la première fois l’Evangile auprès de ce reste de la maison d’Israël, mais elle fit prendre conscience de l’importance de ce peuple aux yeux du Seigneur. En ce qui concerne les conversions et l’impact immédiat, c’est parmi les colons blancs de la Western Reserve que la mission eut le plus de succès. Beaucoup de personnes, qui allaient avoir un impact important sur l’Eglise grandissante, furent attirées dans le filet de l’Evangile en Ohio. En quelques mois, il y avait plus de membres en Ohio qu’à New York, de sorte que lorsque la situation à New York nécessita un déménagement, ce fut l’Ohio que le Seigneur choisit comme lieu de rassemblement et comme siège de l’Eglise. Dans un autre sens, la mission démontra le pouvoir motivant du Livre de Mormon comme moyen de conversion et de mise à l’épreuve de la force qu’apportait la conversion. C’est grâce à ce livre d’Ecritures que le cours de nombreuses vies fut réorienté. La mission lamanite prépara aussi la voie aux révélations futures concernant le pays de Sion, même si on ne s’en rendit pas immédiatement compte. L’emplacement précis du centre de Sion n’était pas encore révélé, bien que le Seigneur eût déjà fait comprendre aux saints que Sion serait «sur les frontières des Lamanites» (D&A 28:9). Cinq membres solides de l’Eglise avaient maintenant de l’expérience dans la région et pouvaient témoigner que c’était une bonne terre. NOTES 1. Lettre datée du 17 oct. 1830, dans l’Ohio Star, 8 déc. 1831, p. 1. 12. History of the Church, 1:131-33. 2. Parley P. Pratt, éd., Autobiography of Parley P. Pratt, série Classics in Mormon Literature, Salt Lake City, Deseret Book Co., 1985, p. 35. 14. Pratt, Autobography of Parley P. Pratt, pp. 36, 38-39. 3. History of the Church, 1:124; «History of Joseph Smith», Times and Seasons, 15 août 1843, p. 289-90. 4. Pratt, Autobiography of Parley P. Pratt, pp. 35-36. 5. John Murdock, «An Abridged Record of the Life of John Murdock Taken from His Journals by Himself», département d’histoire de l’Eglise, Salt Lake City, p. 16. 6. Philo Dibble, «Philo Dibble’s Narrative», Early Scenes in Church History, Salt Lake City, Juvenile Instructor Office, 1882, pp. 75-76. 7. Récit de Lydia Partridge, cité dans les annales généalogiques d’Edward Partridge, 1878, département d’histoire de l’Eglise, Salt Lake City, p. 5. 8. Dibble, «Philo Dibble’s Narrative», p. 77. 9. Voir Lucy Mack Smith, History of Joseph Smith, éd. Preston Nibley, Salt Lake City, Bookcraft, 1958, pp. 191-92. 10. History of the Church, 1:128. 11. History of the Church, 1:132, ponctuation normalisée. 13. Pratt, Autobiography of Parley P. Pratt, p. 36. 15. Pratt, Autobiography of Parley P. Pratt, p. 39. 16. Eleanor Atkinson, «The Winter of the Deep Snow», Transactions of the Illinois State Historical Society for the Year 1909, p. 49. 17. Pratt, Autobiography of Parley P. Pratt, p. 40. 18. Voir Warren A. Jenning, «Zion Is Fled: The Expulsion of The Mormons From Jackson County, Missouri», thèse de doctorat, université de Floride, 1962, pp. 6-7; interview de A.W. Doniphan, dans Kansas City Journal, 24 juin 1881, citée dans Saints’Herald, 1 août 1881. 19. Pratt, Autobiography of Parley P. Pratt, pp. 42-44. 20. Voir Lettre du major Richard Cummins au général William Clark, 13 février 1831, William Clark Letter Book, Topeka, Kansas, Kansas State Historical Society, n.d. rouleau 2, vol. 6, pp. 113-14. 21. Pratt, Autobiography of Parley P. Pratt, p. 44. 22. Lettre d’Oliver Cowdery au général William Clark, 14 février 1831, William Clark Letter Book, p. 103. 23. Voir Oliver Cowdery, dans History of the Church, 1:182. 89 CHAPITRE HUIT RASSEMBLEMENT EN OHIO Date Evénement important 2 janv. 1831 Troisième conférence générale de l’Eglise à Fayette (New York) Q Début février 1831 Arrivée de Joseph Smith en Ohio temporairement la traduction des Ecritures. Le jour du Nouvel An, le prophète et Février 1831 Révélation de la loi de consécration Ligne du temps Mai-juin 1831 Arrivée des immigrants de New York en Ohio. Mai 1831 Révélation sur les faux esprits 3 juin 1831 Quatrième conférence générale de l’Eglise à Kirtland (Ohio) 7 juin 1831 Commandement d’aller au Missouri (voir D&A 52) UAND ARRIVA L’ANNÉE 1831, la plupart des membres de l’Eglise pensaient à se rassembler en Ohio. Au cours de décembre 1830, le Seigneur commanda à son peuple d’aller s’installer en Ohio (voir D&A 37:3). A cause de cela, Joseph et son secrétaire, Sidney Rigdon, arrêtèrent ses compagnons de Fayette terminèrent leurs préparatifs pour la troisième conférence générale de l’Eglise, qui était convoquée pour examiner le déménagement vers l’Ohio. LES SAINTS REÇOIVENT LE COMMANDEMENT DE SE RASSEMBLER Le 2 janvier 1831, les saints des diverses branches de l’Etat de New York se réunirent chez Peter Whitmer, père. Après avoir traité quelques affaires de l’Eglise, Joseph Smith «s’adressa à l’assemblée et l’exhorta à rester ferme, les yeux tournés vers l’avenir, gardant à l’esprit leur objectif, leur salut1». Après son discours, plusieurs membres de l’Eglise posèrent des questions concernant le commandement qui leur avait été donné de s’installer en Ohio. En présence de l’assemblée, Joseph Smith pria le Seigneur et reçut une révélation (voir D&A 38). Le Seigneur promit aux saints des derniers jours: «De plus grandes richesses, même une terre de promission, une terre où coulent le lait et le miel, sur laquelle il n’y aura pas de malédiction lorsque le Seigneur viendra. «Et je vous la donnerai pour pays de votre héritage, si vous la cherchez de tout votre coeur» (D&A 38:18-19). Toutefois l’emplacement exact de Sion ne fut pas révélé. Pour l’heure, les saints devaient se rendre en Ohio, où le Seigneur promit de leur révéler sa «loi», de les doter de pouvoir et de donner d’autres instructions concernant la croissance de l’Eglise (voir D&A 38:32-33). Cette révélation ne fit pas l’unanimité des participants à la conférence. Quelques personnes prétendirent que Joseph Smith l’avait inventée pour tromper les gens et s’enrichir. John Whitmer écrit dans son histoire que cette affirmation fut lancée parce que le coeur des saints «n’était pas droit aux yeux du Seigneur, car ils voulaient servir à la fois Dieu et l’homme2». En outre, certaines personnes répugnaient à quitter leur ferme et leur situation confortable pour une situation aléatoire dans la Western Reserve en Ohio. Il y avait la perspective que beaucoup perdraient de l’argent et que certains risquaient même de ne pas pouvoir vendre leurs biens (voir D&A 38:37). Mais la plupart des saints de New York acceptèrent le commandement et firent leurs préparatifs de départ. 90 RASSEMBLEMENT EN OHIO Après la conférence, Joseph Smith et Sidney Rigdon se rendirent à Colesville pour fortifier les membres de la branche et prêcher pour la dernière fois aux nonmembres du voisinage. Les menaces lancées contre leur vie les empêchèrent de faire beaucoup de prosélytisme. A leur retour à Fayette, le prophète envoya John Whitmer en Ohio avec la copie de plusieurs révélations pour réconforter et fortifier les saints. Frère Whitmer fut également chargé d’être leur officier président jusqu’à l’arrivée du prophète. Lorsqu’il arriva à Kirtland, la population de l’Eglise dans les comtés de Geauga et de Cuyahoga, en Ohio, s’était gonflée à près de trois cents âmes, plus de deux fois le nombre signalé deux mois plus tôt seulement3. Depuis le départ des missionnaires pour se rendre auprès des Lamanites, le prosélytisme dans la région avait continué sans faiblir. Un des missionnaires qui rencontrèrent le plus de succès fut l’ancien prédicateur restaurationniste, John Murdock. Entre novembre 1830 et mars 1831, il baptisa plus de soixante-dix colons habitant dans le comté de Cuyahoga4. D’autres missionnaires eurent autant de succès dans leurs efforts en Ohio. John Whitmer (1802-78) fut le premier officier président des saints de Kirtland jusqu’à l’arrivée de Joseph Smith en février 1831. LE DÉBUT DU RASSEMBLEMENT EN OHIO L’installation en Ohio était avantageuse pour la jeune Eglise. En quittant New York, les saints espéraient laisser derrière eux les persécutions religieuses, en particulier dans la région de Colesville. En outre, il y avait plus de membres de l’Eglise en Ohio que partout ailleurs, et le fait de se rassembler en un seul endroit permettait à tout le monde de recevoir les instructions du prophète, conservant ainsi l’uniformité de la doctrine et de l’organisation. Les voies navigables existant en Ohio ouvraient également la porte du reste du pays à l’oeuvre missionnaire. Mais, ce qui était le plus important, c’était que l’installation en Ohio était un peu plus près des «frontières des Lamanites», où Sion serait établie (D&A 28:9). En Ohio, beaucoup de principes relatifs à la construction de Sion pouvaient être mis en application. Joseph Smith était vivement désireux de rencontrer les saints d’Ohio, et John Whitmer lui écrivit, l’exhortant à venir tout de suite. Joseph demanda au Seigneur quelle était sa volonté et il lui fut dit de partir immédiatement, mais la perspective de partir paraissait sombre pour Emma. Elle avait déménagé sept fois pendant les quatre premières années de son mariage et se remettait à peine d’une maladie qui avait duré un mois, outre le fait qu’elle était enceinte de six mois. Dans de telles conditions, les cinq cents kilomètres de voyage jusqu’en Ohio au milieu de l’hiver étaient pour le moins ardus. Joseph Knight leur fournit aimablement un traîneau pour que le voyage fût moins pénible pour elle. A la fin de janvier 1831, Joseph et Emma Smith, Sidney Rigdon et Edward Partridge se mirent en route pour Kirtland. Vers le 1er février, le traîneau s’arrêta devant le magasin de Newel K. Whitney à Newel K. Whitney (1795-1850) était un homme d’affaires prospère ainsi qu’un personnage éminent dans le domaine public. Il fut soutenu en 1844 comme premier évêque de l’Eglise et en 1847 comme évêque président. Kirtland. Joseph en descendit et entra dans le magasin. «‹Newel K. Whitney! Tu es l’homme›, s’exclama-t-il, tendant cordialement la main, comme à une vieille connaissance. ‹Vous avez l’avantage sur moi, répondit le marchand . . . Je ne pourrai pas vous appeler par votre nom comme vous l’avez fait pour moi.› ‹Je suis 91 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Le magasin de Newel K. Whitney situé aux quatre coins de Kirtland, fut construit entre 1826 et 1827. Beaucoup de choses importantes s’y produisirent, parmi lesquelles: 1. Joseph et Emma Smith y habitèrent à partir de l’automne 1832. 2. Le magasin devint le siège de l’Eglise. 3. Joseph Smith III y naquit le 6 novembre 1832. 4. L’Ecole des prophètes, qui commença le 24 janvier 1833 et prit fin au cours du mois d’avril, y tint ses assises. 5. Beaucoup de révélations y furent données à Joseph Smith, notamment D&A 84, 87-89, 95 et 98. 6. Pendant un certain temps, le magasin fut utilisé comme magasin de l’évêque. 7. Joseph Smith y fit une grande partie de la traduction de la Bible. En 1979, l’Eglise acquit le magasin de Newel K. Whitney et commença peu après à le restaurer. Le bâtiment fut consacré le 25 août 1984 par Gordon B. Hinckley. Joseph, le prophète, dit l’étranger en souriant. Vous avez prié pour que je vienne ici, maintenant que voulez-vous de moi?›» Joseph expliqua au marchand stupéfait qu’à New York il l’avait vu en vision priant pour qu’il vienne à Kirtland5. Les Whitney reçurent Joseph et Emma Smith avec bonté et les invitèrent à vivre temporairement chez eux. Pendant les quelques semaines qui suivirent, les Smith «reçurent toutes les gentillesses et toutes les attentions qu’ils pouvaient espérer, particulièrement de la part de soeur Whitney6». Entre la fin de janvier et la mi-mai 1831, la plupart des saints de New York vendirent leurs biens, chargèrent leurs biens matériels les plus précieux et émigrèrent vers Kirtland et les régions avoisinantes. Joseph Smith et quelques autres partirent tôt et furent suivis par trois compagnies séparées: les saints de Colesville, les membres de Fayette et des régions avoisinantes du comté de Sénéca et ceux de Palmyra-Manchester. Quelques autres vinrent plus tard dans l’année. La branche de Colesville fut le premier groupe à partir. Elle arriva le 1er mai à Buffalo, pour s’apercevoir que les vents violents du lac avaient fait pénétrer la glace dans le port de Buffalo, ce qui les retarda pendant treize mornes journées. Ils arrivèrent finalement le 14 mai à Fairport (Ohio). Plus de deux cents personnes se rendirent en Ohio, les unes par traîneau et diligence, la plupart en empruntant les chalands jusqu’à Buffalo et ensuite le bateau à voile et le schooner sur le lac Erié. Entre-temps, les membres de l’Eglise du voisinage de Fayette se préparaient aussi à émigrer. Ses fils aînés et son mari étant déjà partis, Lucy Smith, qui était une dirigeante-née, organisa un groupe d’une cinquantaine de personnes (vingt adultes et trente enfants) pour remplir un chaland sur le canal de Cayuga et Seneca. Un autre groupe d’environ trente personnes, organisé par Thomas B. Marsh, acheta des tickets pour un autre chaland, et les deux bateaux voyagèrent de concert jusqu’à Buffalo. En chemin, Lucy réunit «les frères et les soeurs et leur rappela: ‹Nous voyageons sur commandement du Seigneur, au même titre que Léhi lorsqu’il quitta 92 RASSEMBLEMENT EN OHIO Jérusalem; et, si nous sommes fidèles, nous avons les mêmes raisons de nous attendre aux bénédictions de Dieu7›». Ils souffrirent de la faim parce que certains avaient apporté des vêtements plutôt que de la nourriture, mais ils chantèrent et prièrent en cours de route et impressionnèrent favorablement le capitaine. Lucy prit la situation en main et empêcha qu’il n’y eût de plus grandes souffrances. Quand ils arrivèrent à Buffalo, ils rencontrèrent les saints de Colesville pris par les glaces. Après plusieurs jours d’inquiétude à Buffalo, un certain nombre d’enfants étaient tombés malades, et beaucoup de membres du groupe étaient affamés et découragés. Ils achetèrent des billets de pont sur un bateau, mirent leurs affaires à bord et obtinrent un abri temporaire pour les femmes et les enfants jusqu’au lendemain au petit matin. Quand ils furent de retour à bord, Lucy persuada le groupe, qui murmurait toujours, de demander au Seigneur de briser les bouchons de glace de six mètres qui bloquaient le port. Elle explique: «On entendit un bruit, comme un coup de tonnerre. Le capitaine cria: ‹Tout le monde à son poste.› La glace se divisa, laissant un passage à peine suffisant pour le bateau, Lucy Mack Smith (1776-1856) et si étroit qu’au passage les godets de la roue hydraulique furent arrachés avec un grand bruit . . . Nous avions à peine traversé l’ouverture que la glace se referma.» Le groupe de Colesville suivit quelques jours plus tard8. Au moment où ces saints de New York arrivaient en Ohio, un troisième groupe d’environ cinquante personnes quittait Palmyra (New York) sous la direction de Martin Harris. Avec son arrivée en Ohio, la première phase du mouvement des saints des derniers jours vers l’ouest prit fin. Contrairement à beaucoup d’Américains, qui émigraient en même temps vers l’ouest à la recherche de terres gratuites ou peu coûteuses, d’aventure ou pour fuir les créanciers, ces humbles personnes partaient en réponse à un commandement de Dieu. PREMIERS PROBLÈMES EN OHIO Pendant les trois mois qu’il passa à Kirtland avant le début de l’arrivée des saints de New York, Joseph Smith dut affronter de nombreuses difficultés découlant du fait que l’Eglise y grandissait rapidement. Le premier problème fut la manifestation «d’étranges idées et de faux esprits» parmi les membres de la branche9. Comme ils n’étaient pas guidés par les autorités de l’Eglise dans le nord de l’Ohio, certains nouveaux membres entretenaient des idées enthousiastes et délirantes concernant les effets du Saint-Esprit sur les convertis. John Corrill, un des premiers convertis de l’Ohio, fut perturbé par le comportement bizarre de certains des jeunes qui prétendaient avoir des visions: «Ils se conduisaient d’une manière étrange, tantôt imitant les Indiens dans leur comportement, tantôt s’élançant dans les champs, montant sur des souches d’arbres et y prêchant comme s’il étaient entourés par une assemblée, en étant, pendant tout ce tempslà, si complètement absorbés dans des visions qu’ils étaient apparemment inconscients de tout ce qui se passait autour d’eux10.» Les attaques de Satan sur l’Eglise étaient dues à la crédulité de ces nouveaux saints qui arrivaient avec certaines de leurs anciennes habitudes et furent quelques mois sans la direction de la prêtrise. 93 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Il n’y eut cependant qu’un petit nombre de membres qui se conduisirent de cette manière. «Ceux qui avaient plus de maturité contemplaient cela avec étonnement et suspectaient que cela venait d’une source mauvaise11.» Attristé par ce qu’il voyait, Joseph avait le sentiment que ces excès étaient «de nature à jeter la honte sur l’Eglise de Dieu, à amener l’Esprit de Dieu à se retirer et à déraciner et à détruire les merveilleux principes qui avaient été élaborés pour le salut de la famille humaine12». «Avec prudence et sagesse» et en étant guidé par plusieurs révélations, il réussit à régler ces problèmes13. Il n’empêche qu’à la fin de février 1831, certaines personnes continuaient à prétendre qu’elles avaient reçu des révélations. Ce n’était pas un problème nouveau; Hiram Page avait fait la même chose à Fayette l’automne précédent (voir D&A 28). Un de ces soi-disant «révélateurs» était une femme qui se disait prophétesse et du nom de Hubble, qui prétendait qu’on devait lui permettre de devenir instructrice dans l’Eglise. Selon John Whitmer, elle «semblait être très pieuse et en trompa quelques-uns qui n’étaient pas capables de la démasquer dans son hypocrisie». Mais beaucoup ne s’en laissèrent pas conter et «ses sottises et ses abominations furent manifestées14». Le prophète interrogea le Seigneur concernant les stratagèmes de cette femme. Dans une révélation adressée aux anciens de l’Eglise, le Seigneur déclara: «Aucun autre n’est désigné parmi vous pour recevoir des commandements et des révélations jusqu’à ce que je le reprenne [Joseph Smith], s’il me reste fidèle» (D&A 43:3). Les prétendues révélations données par d’autres pour guider l’Eglise n’étaient pas de Dieu (voir D&A 43:4-6). Peu après, une autre révélation appelait les anciens à s’en aller deux par deux dans toutes les directions pour prêcher l’Evangile (voir D&A 44:1-3; 42:6-7). Bientôt, beaucoup d’anciens s’en allèrent dans les villages et les villes de l’Ohio. Par exemple, John Corrill raconte que Solomon Hancock et lui allèrent «à New London, à cent soixante kilomètres environ de Kirtland, où [ils] édifi[èrent] une église [branche] de trente-six membres en trois semaines environ, en dépit de l’opposition violente d’autres prédicateurs15». Ce printemps-là, l’Eglise d’Ohio s’accrut de plusieurs centaines de convertis. L’Eglise grandissante ne passa pas inaperçue dans le nord de l’Ohio. Joseph Smith écrit au printemps de 1831: «Beaucoup de fausses informations, des mensonges et des histoires absurdes furent publiés dans les journaux et diffusés en tous sens pour empêcher les gens d’examiner l’oeuvre ou d’embrasser la foi16.» Par exemple, un tremblement de terre dévastateur, qu’une jeune mormone avait prédit six semaines auparavant, se déclencha près de Pékin, en Chine. Cet événement convainquit Simonds Ryder, prédicateur campbellite bien connu, qui se posait depuis un certain temps des questions sur le mormonisme, de devenir membre de l’Eglise. Cette conversion provoqua beaucoup de remous dans le voisinage, et le tremblement de terre fut proclamé dans les journaux comme étant le mormonisme en Chine. «Mais à la joie des saints qui devaient lutter contre tout ce que les préjugés et la méchanceté pouvaient inventer», le prophète reçut une révélation qui mentionnait les nombreux signes qui précéderaient la seconde venue du Seigneur17. Les saints y recevaient le commandement de se tenir en des 94 RASSEMBLEMENT EN OHIO lieux saints et de prendre le Saint-Esprit pour guide, et il leur était promis qu’ils en seraient récompensés par l’établissement de la nouvelle Jérusalem (D&A 45:32,57-66). En outre, au printemps 1831, un prédicateur méthodiste, du nom d’Ezra Booth, amena à Kirtland un groupe dans lequel se trouvait un fermier aisé du nom de John Johnson et sa femme, Elsa, de Hiram (Ohio). Elle avait le bras partiellement paralysé de rhumatismes, et elle ne pouvait le lever plus haut que la tête. En parlant avec le prophète, un des visiteurs demanda s’il y avait quelqu’un sur la terre qui avait le pouvoir de la guérir. Lorsque la conversation passa à un autre sujet, Joseph s’approcha de Mme Johnson, lui prit la main et, avec une calme assurance, lui dit : «Femme, au nom du Seigneur Jésus-Christ, je te commande d’être guérie.» Tandis que Joseph quittait la pièce, laissant tout le monde stupéfait et sans voix, elle leva le bras. Le lendemain, elle pendit sa première lessive sans souffrances après plus de six ans. Ezra Booth et certains membres de la famille Johnson devinrent membres de l’Eglise suite à la guérison. Le miracle eut également un grand retentissement dans tout le nord de l’Ohio18. Ce même printemps, Parley P. Pratt revint à Kirtland avec son rapport sur la mission auprès des Lamanites et fut ravi de voir la croissance fantastique de l’Eglise. Il était particulièrement heureux de ce que Joseph se fût installé en Ohio. Parley fut bientôt appelé à partir en mission auprès d’un groupe religieux appelé les shakers, dans le nord de l’Ohio. Les shakers (Société unie des croyants en la seconde venue du Christ) apparurent en Angleterre et se rendirent en Amérique en 1774 à cause des persécutions. Ils devaient leur nom à leur mode de culte, qui comprenait des chants, des danses et des battements de mains au son de la musique, mais leur habillement et leur façon d’être étaient très similaires à ceux des quakers, de sorte qu’on les appelait parfois les shaking quakers. Les shaking quakers furent dirigés par Ann Lee de 1754 à 1784. Elle avait affirmé être le Messie venu sur la terre sous la forme d’une femme. Elle enseignait que les hommes et les femmes étaient égaux et qu’il ne devait pas y avoir de mariage entre les croyants. Leman Copley, ancien shaker, s’était converti au mormonisme mais continuait à croire que les shakers étaient dans le vrai dans beaucoup de leurs doctrines, de sorte qu’il demanda à Joseph des instructions à ce sujet19. La révélation que Joseph Smith reçut répudiait la doctrine shaker concernant le célibat, l’abstention de viande et l’apparition de Dieu sous la forme d’une femme. Sidney Rigdon, Parley P. Pratt et Leman Copley furent également appelés à apporter l’Evangile aux shakers (voir D&A 49). Ils rendirent tous les trois visite à une colonie de shakers près de Cleveland (Ohio) qui, selon Parley, «refusèrent absolument d’écouter l’Evangile ou d’y obéir20». Frère Pratt rendit ensuite visite à un certain nombre de branches de saints des derniers jours de la Western Reserve, où il trouva le même fanatisme spirituel parmi les membres que Joseph Smith avait rencontré quand il était arrivé en février à Kirtland. D’autres anciens furent également découragés par ce qu’ils voyaient. John Whitmer raconte: «Certains s’imaginaient qu’ils avaient l’épée de Laban et la maniaient avec l’habileté d’un soldat de cavalerie, d’autres faisaient 95 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS semblant d’être des Indiens en train de scalper, d’autres encore glissaient ou filaient sur le plancher avec la rapidité d’un serpent qu’ils disaient naviguer sur le bateau vers les Lamanites, prêchant l’Evangile, et beaucoup d’autres comportements vains et insensés, qu’il serait absurde et inutile de mentionner. C’est ainsi que le diable aveuglait les yeux de certains disciples bons et honnêtes21.» Parley Pratt confirma qu’un «esprit faux et menteur semblait se glisser dans l’Eglise22». Ne sachant comment traiter ces phénomènes spirituels, les frères s’unirent en prière avec le prophète dans sa chambre de traduction à Kirtland. Joseph dicta une révélation (voir D&A 50). Frère Pratt raconte l’expérience sublime que cela fut pour lui d’observer une révélation en train d’être donnée: «Chaque phrase était prononcée lentement et très distinctement, et suivie d’un silence suffisamment long pour qu’elle puisse être notée en toutes lettres par quelqu’un écrivant normalement23.» Le Seigneur commença par constater: «Il ya beaucoup d’esprits qui sont de faux esprits qui s’en sont allés parcourir la terre pour séduire le monde» (D&A 50:2-3) et que Satan cherche à tromper les hommes afin de pouvoir les mener à leur perte. Le Seigneur donna donc aux frères une clef qui leur permettrait de démasquer et d’affronter les mauvais esprits: «C’est pourquoi, il arrivera que si vous voyez se manifester un esprit que vous ne pouvez comprendre, et que vous ne recevez pas cet esprit, vous interrogerez le Père au nom de Jésus, et s’il ne vous donne pas cet esprit, alors vous saurez qu’il n’est pas de Dieu. «Et du pouvoir vous sera donné sur cet esprit; et vous proclamerez à haute voix que cet esprit n’est pas de Dieu» (D&A 50:31-32). LA L O I D E C O N S É C R AT I O N Une fois installé à Kirtland, le prophète fut vivement désireux de connaître la volonté du Seigneur concernant le salut économique des saints, dont beaucoup étaient appauvris, particulièrement ceux qui étaient partis de chez eux à New York. Son intérêt pour le programme économique du Seigneur fut éveillé lorsqu’il arriva en Ohio et découvrit un groupe d’une cinquantaine de personnes qui avaient créé une entreprise coopérative basée sur leur interprétation de passages du livre des Actes, expliquant que les premiers saints avaient tout en commun (voir Actes 2:44-45; 4:32). Ce groupe, appelé «la Famille», anciens disciples de Sidney Rigdon, étaient des membres de l’Eglise habitant dans la ferme d’Isaac Morley près du village de Kirtland. Lorsqu’il arriva à la mi-janvier, John Whitmer nota que ce qu’ils faisaient créait de nombreux problèmes. Par exemple, Heman Bassett prit une montre de poche appartenant à Levi Hancock et la vendit. Quand on lui demanda pourquoi il avait fait cela, Heman répondit: «Oh, j’ai pensé que cela appartenait à la famille.» Levi répondit qu’il n’aimait pas ce genre de comportement «familial» et qu’il ne le supporterait plus24. Mais Joseph se rendit compte qu’il était nécessaire de mettre sur pied un système plus parfait pour répondre aux besoins économiques croissants de 96 RASSEMBLEMENT EN OHIO En 1831, l’Eglise acheta la ferme de Peter French, qui devint finalement le centre de l’Eglise à Kirtland, comme le montrent la carte générale et le gros plan. Brigham Young tor Ferme d’Isaac Morley in R ive agr licothe ba r ss es rr Te tal nd à en Kirtla Willo ori ba s s es de ug h by Branche Terre s e d e la Ro u te Ch er Riv in Magasin de Whitney Chag r Tannerie Ferme Peter Fabrique de potasse French Imprimerie Temple Printing Office Ch ard on Ro ad Ferme de Chil lico Magasin de Whitney Pa ine sv ille oad R the Tannerie d’Orson Hyde Auberge de John Johnson Terre s ba sses u ea iss Ru Ki rtl an d Maison de Newel K. Whitney Fabrique de potasse Magasin de Joseph Smith Joseph Smith, père Eglise méthodiste Parley P. Pratt Joseph Smith Cimetière Whitney Street John Johnson Imprimerie Temple hilli eC te d Banque Sidney Rigdon Rou Cowdery Street Frederick G. Williams an irtl eK d es de Route de Willoughby Route de de Me Ch nto il r en M dà cot he ith) (Sm Joseph Street Hyrum Smith l’Eglise. Il fallait des revenus pour financer diverses entreprises de l’Eglise, comme publier les révélations et des brochures missionnaires. Le prophète n’avait pas d’abri pour sa famille; Sidney Rigdon avait perdu sa maison pastorale et le soutien économique qu’il avait précédemment reçu de son assemblée. Il fallait de l’argent, des biens de consommation et des biens immobiliers pour aider les pauvres et les immigrants qui sacrifiaient beaucoup pour se rassembler en Ohio, de sorte que Joseph interrogea le Seigneur. 97 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Révélations importantes sur la loi de consécration et l’ordre uni Date Lieu de réception Passage Contenu 4 févr. 1831 Kirtland (Ohio) D&A 41:9 Nomination d’Edward Partridge comme premier évêque. 9 févr. 1831 Kirtland (Ohio) D&A 42:30-34 Explication de la loi de consécration. Févr. 1831 Kirtland (Ohio) D&A 44:6 Les saints doivent veiller aux pauvres selon la loi. 7 mars 1831 Kirtland (Ohio) D&A 45:64-75 Appel à rassembler Sion: perspective de la nouvelle Jérusalem. Mars 1831 Kirtland (Ohio) D&A 48 Les saints installés en Ohio doivent épargner pour un héritage en Sion. Mai 1831 Thompson (Ohio) D&A 51:3 et suiv. L’évêque Partridge doit désigner des portions (intendances) selon la taille de la famille, la situation, les besoins et ce qui est nécessaire. Un magasin doit être créé. Juin 1831 Kirtland (Ohio) D&A 56:16-20 Commandement aux riches et aux pauvres de se repentir. 20 juill. 1831 Cté de Jackson (Missouri) D&A 57 Le Missouri désigné et consacré comme pays d’héritage et lieu central de Sion. 1 août 1831 Cté de Jackson (Missouri) D&A 58:1-9, 50-57 Sion viendra après beaucoup de tribulations. Les premiers immigrants auront l’honneur de poser les fondations de Sion. Achat de terres à Independence. Août 1831 Kirtland (Ohio) D&A 63:27-31 Commandement aux saints d’acheter des terres à prix d’argent. Interdiction de se procurer des terres par le sang. 12 nov. 1831 Kirtland (Ohio) D&A 70:1-8 Les anciens désignés comme intendants des révélations. Consécration des surplus à l’Eglise. 4 déc. 1831 Kirtland (Ohio) D&A 72 Nomination de Newel K. Whitney comme deuxième évêque de l’Eglise à Kirtland. Autres devoirs de l’évêque révélés. Mars 1832 Hiram (Ohio) D&A 78 Commandement aux saints de créer des magasins en Sion et de continuer à s’organiser pour que l’Eglise soit indépendante. 26 avr. 1832 Cté de Jackson (Missouri) D&A 82:11-12 Etablissement de l’ordre uni pour gérer les affaires en Sion et à Kirtland. 30 avr. 1832 Independence (Missouri) D&A 83 Dispositions pour les veuves et les orphelins par les consécrations de l’Eglise au magasin. 27 nov. 1832 Kirtland (Ohio) D&A 85 Pour recevoir un héritage en Sion, on doit être disposé à vivre la loi de consécration. 25 juin 1833 Kirtland (Ohio) History of the Church 1:364-65 Lettre du prophète à l’évêque Partridge sur l’ampleur de l’intendance d’un membre de l’Eglise. 2 août 1833 Kirtland (Ohio) D&A 97:10-21 Commandement de construire une maison en Sion (comté de Jackson). Sion, ce sont ceux qui ont le coeur pur. 6 août 1833 Kirtland (Ohio) D&A 98 Commandement aux saints de suivre la Constitution. Ils reçoivent la loi de la guerre et la loi du pardon. 12 oct. 1833 Perrysburg (Ohio) D&A 100:13-17 Sion, châtiée, sera rachetée. 10 déc. 1833 Kirtland (Ohio) History of the Church 1:453-56 Lettre du prophète recommandant aux saints de conserver leurs terres et de demander à Dieu de les ramener dans le pays de leurs héritages. 16 déc. 1833 Kirtland (Ohio) D&A 101 Raisons de l’expulsion des saints du comté de Jackson. Sion ne sera pas enlevée de sa place. Les saints doivent s’appuyer sur le processus constitutionnel. 24 févr. 1834 Kirtland (Ohio) D&A 103 Les saints rachèteront Sion après des tribulations. Sion rachetée par le pouvoir. 23 avr. 1834 Kirtland (Ohio) D&A 104:47-66 Séparation des ordres unis de Kirtland et de Sion. Dispositions pour un trésor sacré. 22 juin 1834 Fishing River (Missouri) D&A 105 La rédemption de Sion reportée jusqu’à ce que les saints soient préparés, dotés et nombreux. Dissolution de l’ordre uni jusqu’après la rédemption de Sion. 1 sept. 1835 Kirtland (Ohio) History of the Church 2:254 Lettre du prophète aux anciens de l’Eglise relatant sa vision de juin 1831, lui commandant d’aller dans l’ouest du Missouri. (Adapté de William O. Nelson, Ensign, janv. 1979, p. 23). 98 RASSEMBLEMENT EN OHIO Acte de consécration d’octobre 1832 Les révélations données à Joseph Smith concernant la loi de consécration commencèrent par les révélations de février 1831, peu après l’arrivée du prophète Joseph en Ohio. Au cours des quatre années et demie qui suivirent, le Seigneur révéla beaucoup de principes liés à la loi de consécration. Comme on peut le voir sur le tableau en face, la plupart d’entre elles furent données à Kirtland. Le 4 février 1831, le prophète reçut une révélation appelant Edward Partridge à être le premier évêque de l’Eglise, avec pour instructions de consacrer son temps à cet appel (voir D&A 41:9). Cinq jours plus tard, une autre révélation importante fut donnée, constituant la loi de l’Eglise. Elle donnait à frère Partridge d’autres instructions sur ses responsabilités et définissait le nouveau système économique (voir D&A 42). Un des principes fondamentaux de ce nouveau système économique était que la terre et que tout ce qui s’y trouve appartenaient au Seigneur, et que l’homme en était l’intendant (voir Psaumes 24:1; D&A 104:13-14). En vertu de la loi de consécration, les membres de l’Eglise étaient invités à consacrer, ou à faire don de 99 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS tous leurs biens, tant immobiliers que mobiliers, à l’évêque de l’Eglise. Celui-ci devait ensuite accorder un «héritage» ou intendance à chacun à partir des biens reçus. L’importance de l’intendance dépendait de la situation et des besoins de la famille qui devaient être déterminés conjointement par l’évêque et le candidat intendant (voir D&A 42:32-33; 51:3). La famille administrait alors son intendance du mieux qu’elle le pouvait. Si elle était industrieuse et prospère, elle aurait, à la fin de l’année, un gain net qualifié de surplus (profit). Tout surplus dépassant les besoins de la famille devait être remis au magasin pour être utilisé par l’évêque afin «d’être administré aux pauvres et aux nécessiteux» (D&A 42:34). La loi de consécration avait pour but de réaliser une égalité économique relative et d’éliminer la cupidité et la pauvreté. L’Eglise en apprit graduellement davantage sur la loi de consécration à mesure que d’autres révélations étaient données. Par exemple, le prophète demanda au Seigneur comment l’Eglise devait acquérir des terres pour l’installation des saints à leur arrivée. Ceux qui avaient des biens à Kirtland reçurent le commandement de donner généreusement leurs terres. D’autres fonds devaient être consacrés à l’achat d’autres terres (voir D&A 48:2-3). Les saints de New York commencèrent à arriver, fatigués et trempés, au cours du mois de mai, et il fallut les installer. La responsabilité reposait sur l’évêque Partridge, qui demanda des directives au prophète. L’évêque reçut le commandement de commencer à distribuer des intendances aux immigrants (voir D&A 51:3). «Que chacun agisse avec honnêteté, jouisse de l’égalité parmi ce peuple et reçoive une part égale, afin que vous soyez humbles, tout comme je vous l’ai commandé» (v. 9). Joseph Smith envoya les immigrants de Colesville s’installer à Thompson (Ohio), à quelques kilomètres à l’est de Kirtland, sur un terrain appartenant à Leman Copley. Les saints du comté de Seneca furent envoyés vivre à la ferme d’Isaac Morley, où ils construisirent des cabanes de rondins et ensemencèrent. L’évêque Partridge essaya d’inaugurer la loi de consécration à Thompson, mais les conflits en empêchèrent la mise en oeuvre complète. Leman Copley rompit son contrat acceptant de laisser des saints des derniers jours occuper ses terres et leur ordonna de quitter sa propriété. Mis au courant des problèmes, le prophète demanda et obtint une révélation donnant à Newel Knight, président de la branche de Colesville, et aux autres qui vivaient dans la ferme de Copley, le commandement de se repentir «de tous leurs péchés et . . . [de se mettre] en route vers les régions de l’Ouest, vers le pays de Missouri, vers les frontières des Lamanites» (D&A 54:3, 8). Peu de temps après, quatorze familles au moins partirent sous la direction de Newel Knight pour la frontière du Missouri25. Dans la révélation de février, appelant Edward Partridge à être évêque, le Seigneur avait commandé à Joseph et à Sidney de reprendre la traduction des Ecritures. «Et de plus, il convient que mon serviteur Joseph Smith, fils, se fasse construire une maison dans laquelle il vivra et traduira» (D&A 41:7). Cinq jours plus tard, le prophète recevait les instructions suivantes: «Tu demanderas, et mes Ecritures seront données comme je l’ai décidé et elles seront conservées en lieu sûr. 100 RASSEMBLEMENT EN OHIO «Il convient que tu te taises à leur sujet et ne les enseignes que lorsque tu les auras reçues entièrement» (D&A 42:56-57). Les deux hommes continuèrent diligemment leur travail presque quotidiennement pendant tout le printemps dans une petite maison construite pour Joseph et Emma sur l’exploitation d’Isaac Morley. C’est à ce moment-là qu’Emma commença à avoir des contractions. Elle n’était pas encore remise de sa maladie et du pénible voyage effectué depuis New York en plein milieu de l’hiver. Le 30 avril, elle accoucha de jumeaux, mais ils ne vécurent que trois heures. Joseph et elle avaient maintenant perdu les trois enfants Cimetière de l’autre côté de la rue au nord du temple de Kirtland. Louisa et Taddeus, les jumeaux nés de Joseph et d’Emma Smith, sont enterrés dans ce cimetière. Jerusha Smith (femme de Hyrum) et Mary Duty Smith (grand-mère du prophète) y sont également enterrées. qui leur étaient nés. Par coïncidence, des jumeaux naquirent, le premier mai, de Julia Murdock, mais elle mourut après leur naissance. John Murdock partait vers cette époque en mission et donna son consentement avec joie lorsque Joseph demanda si Emma et lui pourraient adopter les enfants. La douleur d’Emma fut soulagée, et elle prit volontiers les bébés, une petite fille appelée Julia et un petit garçon appelé Joseph, pour les élever comme les siens. CONFÉRENCE GÉNÉRALE EN OHIO La quatrième conférence générale de l’Eglise se réunit le vendredi 3 juin 1831 dans une école située juste à l’extérieur de Kirtland. Beaucoup de missionnaires d’Ohio revinrent pour les réunions. Le procès-verbal rapporte que soixante-trois détenteurs de la prêtrise étaient présents26. Selon les termes de Joseph Smith, lors de la conférence, «le Seigneur manifesta sa puissance à la totale satisfaction des saints27». Après avoir traité les premiers sujets, Joseph annonça que le Seigneur voulait que des anciens dignes fussent “ordonnés à la Haute Prêtrise28”. C’étaient les premières ordinations à l’office de grand prêtre dans notre dispensation. Le prophète ordonna cinq frères grands prêtres; l’un d’eux, Lyman Wight, en ordonna plusieurs autres au cours de la même réunion. John Corrill et Isaac Morley furent appelés comme conseillers de l’évêque Edward Partridge et furent mis à part pour cet appel par Lyman Wight29. Pendant la conférence, l’Esprit fut sur le prophète d’une «manière extraordinaire. Et [il] prophétisa que Jean le Révélateur était alors parmi les dix tribus d’Israël . . . pour les préparer à revenir de leur longue dispersion30». L’esprit de prophétie reposa également sur Lyman Wight, qui dit que la venue du Sauveur serait semblable au soleil se levant à l’orient et couvrirait toute la terre. Il prédit que certains des frères subiraient le martyre à cause de leur religion et scelleraient leur témoignage du Christ de leur sang31. Le prophète Joseph, Harvey Whitlock et Lyman Wight virent les cieux ouverts et Jésus-Christ assis à la droite du Père. Lyman témoigna avoir vu le Fils de Dieu intercéder pour les saints32. Tout ce qui se produisit à la conférence n’était pas bon. Comme cela s’était produit les mois précédents, il y eut une manifestation d’esprits mauvais. John Whitmer, historien de l’Eglise, raconte que «le diable décida de faire connaître son pouvoir33». Des hurlements atroces se firent entendre au cours de la réunion, et plusieurs hommes furent projetés violemment çà et là par de mauvais esprits. Harvey Green fut précipité avec des convulsions sur le sol. Le prophète lui imposa 101 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS les mains et chassa un esprit mauvais. Harvey Whitlock et John Murdock furent liés de sorte qu’ils ne pouvaient parler. Joseph Smith dit que tout cela était l’accomplissement des Ecritures qui disaient que «l’homme du péché» serait révélé (voir 2 Thessaloniciens 2:3). Le prophète vit l’intention de Satan et lui commanda au nom du Christ de s’éloigner, ce qu’il fit pour la plus grande joie et le plus grand réconfort des personnes présentes34. Ces premières expériences à Kirtland servirent d’avertissement à tous les saints d’avoir à éviter de toucher aux esprits mauvais et d’éviter tout zèle spirituel excessif. Ainsi prirent fin les premiers mois critiques du rassemblement des saints de New York en Ohio et de l’établissement du siège de l’Eglise à cet endroit. Si les membres vécurent plusieurs rencontres avec de mauvais esprits, ils reçurent aussi des instructions précieuses et virent la puissance de Dieu vaincre le pouvoir du Malin. Joseph Smith et Sidney Rigdon reprirent leur travail sur la traduction inspirée de la Bible. Les principes éternels de la loi de consécration furent révélés, et d’autres fondations furent posées pour la grande oeuvre missionnaire des derniers jours. NOTES 1. Dans F. Mark McKiernan et Roger D. Launius, éditeurs, An Early Latter Day Saint History: The Book of John Whitmer, Independence, Mo., Herald Publishing House, 1980, p. 32. 2. Dans McKiernan et Launius, An Early Latter Day Saint History, p. 35. 3. Voir McKiernan et Launius, An Early Latter Day Saint History, p. 36. 4. Voir «Journal of John Murdock», nov. 1830juill. 1859, département d’histoire de l’Eglise, Salt Lake City. 5. Dans History of the Church, 1:146. 6. History of the Church, 1:146. 7. Lucy Mack Smith, History of Joseph Smith, éd. Preston Nibley, Salt Lake City, Bookcraft 1958, p. 196. 8. Smith, History of Joseph Smith, pp. 200-205. 9. History of the Church, 1:146. 10. John Corrill, Brief History of the Church of Christ of Latter Day Saints, St-Louis, John Corrill, 1839, p. 13; voir aussi Joseph Smith, «Try the Spirits», Times and Seasons, 1 avril 1842, p. 747. 11. Corrill, Brief History of the Church, p. 13. 12. Dans Times and Seasons, 1 avril 1842, p. 747. 13. History of the Church, 1:146. 14. Dans McKiernan et Launius, An Early Latter Day Saint History, p. 142. 15. Corrill, Brief History of the Church, p. 13. 16. History of the Church, 1:158. 17. History of the Church, 1:158. 18. Dans History of the Church, 1:215-16; voir aussi Millennial Star, 31 déc. 1864, p. 834. 19. Voir History of the Church, 1:167. 102 20. Parley P. Pratt, éd., Autobiography of Parley P. Pratt, série Classics in Mormon Literature, Salt Lake City, Deseret Book Co., 1985, p. 47. 21. Dans McKiernan et Launius, An Early Latter Day Saint History, p. 62. 22. Pratt, Autobiography of Parley P. Pratt, p. 48. 23. Pratt, Autobiography of Parley P. Pratt, p. 48. 24. Levi W. Hancock, «Levi Hancock Journal», département d’histoire de l’Eglise, Salt Lake City, p. 81. 25. Voir Larry C. Porter, «A Study of the Origins of the Church of Jesus Christ of Latter-day Saints in the States of New York and Pennsylvania, 1816-1831», thèse de doctorat, Université Brigham Young, 1971, pp. 299-300. 26. Voir Donald Q. Cannon et Lyndon W. Cook, éd., Far West Record: Minutes of The Church of Jesus Christ of Latter-day Saints, 1830-1844, Salt Lake City, Deseret Book Co., 1983, pp. 6-7. 27. History of the Church, 1:175. 28. Dans McKiernan et Launius, An Early Latter Day Saint History, p. 66. 29. Voir Cannon et Cook, Far West Record, p. 7. 30. Dans McKiernan et Launius, An Early Latter Day Saint History, p. 66. 31. Dans McKiernan et Launius, An Early Latter Day Saint History, p. 67. 32. Dans McKiernan et Launius, An Early Latter Day Saint History, p. 67; voir aussi «Levi Hancock Journal», département d’histoire de l’Eglise, Salt Lake City, pp. 91-92. 33. Dans McKiernan et Launius, An Early Latter Day Saint History, p. 71. 34. Dans McKiernan et Launius, An Early Latter Day Saint History, p. 71; voir aussi History of the Church, 1:175. CHAPITRE NEUF RASSEMBLEMENT Ligne du temps Date Evénement important Juillet 1831 Arrivée des saints de Colesville au Missouri 2 août 1831 Consécration du pays comme lieu de rassemblement par Sidney Rigdon 3 août 1831 Consécration de l’emplacement du temple à Independence par Joseph Smith Juin 1832 Premier numéro de l’Evening and Morning Star A U PAY S D E SION S ION! LA VILLE SAINTE! La nouvelle Jérusalem! Enoch édifia une Sion (voir Moïse 7:19-21), Esaïe prédit une Sion future (voir Esaïe 23:20; 52:1, 8), et Jean le Révélateur eut la vision de la descente de Sion du ciel (voir Apocalypse 21:2). La publication du Livre de Mormon contribua à éclaircir ce rêve, parce qu’il disait que l’Amérique serait le lieu de la nouvelle Jérusalem (voir Ether 13:2-3; 3 Néphi 20:22). Le Livre de Mormon suscitait ainsi chez les saints le zèle de connaître le moment et le lieu de l’établissement de Sion. Ce n’était qu’en Sion, croyaient les saints, qu’ils pourraient trouver la protection face à la désolation et aux tribulations qui allaient bientôt s’abattre sur les méchants (voir D&A 29:7-9; 45:65-71). Dans les écrits d’Enoch, révélés en décembre 1830, les saints trouvèrent un exemple concret dans les réalisations du juste Enoch et de sa ville: «Et le Seigneur appela son peuple Sion, parce qu’ils étaient d’un seul coeur et d’un seul esprit, et qu’ils demeuraient dans la justice; et il n’y avait pas de pauvres parmi eux» (Moïse 7:18). V OYA G E S AU MISSOURI Un des principaux objectifs des saints devint la localisation et l’établissement de Sion. Au début de 1831, la curiosité quant à l’emplacement du pays de Sion commença à grandir. Le lendemain de la quatrième conférence générale de l’Eglise (tenue le 3 juin 1831), une révélation commanda à Joseph Smith et à d’autres dirigeants de l’Eglise d’aller au Missouri où le pays de leur héritage serait révélé. En outre, treize couples de missionnaires étaient appelés à voyager deux par deux, chaque équipe prenant un itinéraire différent pour se rendre au Missouri et pour prêcher en chemin (voir D&A 52:3-8, 22-33; 56:5-7). L’excitation régna à Kirtland et dans les environs au cours des deux semaines qui suivirent tandis que les dirigeants et les anciens se préparaient à partir. Après tout, le Seigneur leur avait fait une promesse: «Si vous êtes fidèles, vous vous assemblerez pour vous réjouir dans le pays du Missouri, lequel est le pays de votre héritage, qui est maintenant la terre de vos ennemis. «Mais voici, moi, le Seigneur, je hâterai la ville [la nouvelle Jérusalem], en son temps et je couronnerai les fidèles de joie et d’allégresse» (D&A 52:42-43). C’est pendant cette période que Newel Knight interrogea le prophète concernant le problème qui s’était produit sur les terres consacrées de Thompson (Ohio). Les membres de la branche de Colesville reçurent pour directive de se mettre «en route vers les régions de l’Ouest, vers le pays de Missouri, vers les 103 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Gr ive and R r Adam-ondi-Ahman Mi Gallatin ss Daviess is Livingston si p pi Haun’s Mill Far West Ri ve r Caldwell Clinton Clay Liberty Ray Carroll Excelsior Springs Richmond Boone Mi ss Independence Lafayette ou Kaw Columbia ri R iver Little Blue River Big Blu Riv e er Jackson Carte du Missouri (le township— arrondissement—de Kaw (Kansas City, Missouri), était situé dans le comté de Jackson. Il englobait toute la partie du comté de Jackson située à l’ouest de la Big Blue River). St. Louis frontières des Lamanites» (D&A 54:8). Par conséquent trois groupes différents se préparèrent à se rendre au Missouri et à se rencontrer sur les frontières occidentales de cet Etat: le groupe de Joseph Smith, la branche de Colesville et les missionnaires. Pendant que les préparatifs du voyage allaient de l’avant, William Wines Phelps, un homme qui allait jouer un rôle important pendant que l’Eglise était au Missouri et plus tard, arriva de Canandaigua (New York) avec sa femme, Sally, et leurs enfants. Frère Phelps avait trente-neuf ans et était un homme capable. Rédacteur d’un journal politique, c’était un écrivain et un imprimeur expérimenté. A un moment donné, il avait été candidat à l’office de gouverneur-adjoint de New York. Il fut converti à l’Evangile après avoir acheté un exemplaire du Livre de Mormon. «Ce livre m’a permis de trouver la clef permettant d’accéder aux saints prophètes; et c’est par ce livre que les mystères de Dieu ont commencé à se dévoiler et que j’ai trouvé ma joie. Qui peut dire sa bonté et estimer la valeur d’un livre aussi sacré?» écrivit-il plus tard à propos du rôle du Livre de Mormon dans sa conversion1. Frère Phelps dit qu’il venait à Kirtland pour faire la volonté du Seigneur. Une révélation le concernant dit qu’il était «appelé et élu», mais qu’il devait tout d’abord être baptisé et ordonné, et ensuite il devait accompagner Joseph Smith et Sidney Rigdon au Missouri. Une fois au Missouri, il allait aider Oliver Cowdery à l’impression, au choix et à la rédaction de livres pour enfants qui seraient utilisés William Wines Phelps (1792-1772) naquit à Hanover (New Jersey) et mourut à Salt Lake City (Utah). Homme actif aux dons et aux talents multiples, il fut rédacteur en chef, homme de loi, compositeur de cantiques, missionnaire, éducateur, législateur, aumônier et servant dans la maison des dotations au Square du temple à Salt Lake City. 104 dans les écoles de l’Eglise (voir D&A 55:1-5). Le 19 juin, Joseph Smith, Sidney Rigdon, Edward Partridge, Martin Harris, Joseph Coe, William W. Phelps et Sidney Gilbert et sa femme Elizabeth commencèrent enfin leur voyage de presque quinze cents kilomètres de Kirtland jusqu’à la frontière ouest du Missouri. Ils accomplissaient enfin leur espoir de longue date et étaient en route pour le pays de Sion, même s’ils ne savaient pas à RASSEMBLEMENT AU PAYS DE SION ce moment-là exactement où il se trouvait. Sur la route de Cincinnati, le groupe du prophète prit place sur un bateau à vapeur qui descendait l’Ohio jusqu’à son confluent avec le Mississippi et ensuite continuait jusqu’à St-Louis. En chemin, ils furent rejoints par la branche de Colesville sous la direction de Newel Knight2. Le voyage vers le Missouri ne fut pas aisé. C’était particulièrement vrai pour les saints de Colesville qui avaient quitté Thompson (Ohio) transportant leurs biens et leurs provisions dans vingt-quatre chariots3. A Wellsville (Ohio), ils laissèrent les chariots et voyagèrent par vapeur sur l’Ohio jusqu’au confluent avec le Mississippi. Ensuite, ils suivirent le Mississippi jusqu’à St-Louis. A St-Louis, Newel Knight et son groupe, ainsi que certains des compagnons du prophète, décidèrent de voyager par bateau à vapeur sur le Missouri. Il fallut une attente de plusieurs jours avant de pouvoir prendre place sur un bateau. Le prophète et les autres se mirent en route à pied et arrivèrent à Independence vers la mi-juillet4, dix jours environ avant ceux du bateau. Joseph décrit le voyage comme «long et lassant» et dit qu’ils n’arrivèrent qu’après avoir Zebedee Coltrin (1804-87) fut appelé et ordonné pour être l’un des sept présidents du premier collège des soixante-dix, lorsqu’il fut organisé le 28 février 1835. «souffert beaucoup de privations et de difficultés5». Newel Knight dit que la tâche de conduire les saints de Colesville «exigea toute la sagesse» qu’il possédait6. Presque tous les couples d’anciens étaient prêts à quitter Kirtland dans les deux semaines de leur appel. Chacun choisit un itinéraire différent, parce qu’il leur avait été commandé de ne pas construire sur les fondations posées par un autre et de ne pas voyager sur les traces d’un autre (voir D&A 52:33). Quelques couples missionnaires connurent un plus grand succès que d’autres. Parley P. Pratt, qui était revenu du Missouri quelques mois seulement auparavant, et son frère, Orson, passèrent la plus grande partie de l’été 1831 à prêcher au Missouri, en Ohio, en Indiana et en Illinois. Ils «souffrirent des vicissitudes liées à une région nouvelle et, en de nombreux endroits, non peuplées», mais ils baptisèrent beaucoup de gens et organisèrent des branches dans les Etats qu’ils traversaient. Ils n’arrivèrent dans l’est du Missouri qu’en septembre7. Deux autres qui connurent du succès furent Zebedee Coltrin et Levi Hancock. Après avoir quitté Kirtland, ils se mirent en route vers le sud et l’ouest et le long de la route nationale vers Indianapolis (Indiana). Les baptêmes furent d’abord lents à se produire, mais quand ils arrivèrent à Winchester (Indiana), ils trouvèrent des auditeurs bien disposés. Lévi écrit: «Nous continuâmes à prêcher ici et dans les régions alentour jusqu’à ce que nous eussions créé une grande branche de l’Eglise.» Ils connurent des résultats semblables dans l’arrondissement de Ward et «au bout de peu de temps, [ils avaient] dans les deux endroits une centaine de membres». Leur présence irrita un groupe d’hommes de l’endroit qui les accostèrent et leur ordonnèrent de quitter la région pour le lendemain dix heures. Les missionnaires décidèrent de rester et d’assister à une réunion qu’ils avaient convoquée pour onze heures. Certains des hommes qui se présentèrent pour la réunion comptaient parmi ceux qui avaient menacé les missionnaires. Dans son sermon, Lévi dit que son père s’était battu pendant la guerre d’Indépendance pour la liberté dont jouissaient à ce moment-là leurs auditeurs, et que son parent, John Hancock, fut le premier signataire de la Déclaration d’Indépendance. Lévi 105 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS rapporte: «Après la réunion, nous nous rendîmes jusqu’à l’eau et baptisâmes dixsept personnes de cette foule qui, la veille, allait nous agresser.» Les frères remercièrent Dieu pour sa protection et son aide à cette occasion. Ils arrivèrent quelque temps plus tard au Missouri, Zebedee en octobre et Levi, obligé de s’attarder pour cause de maladie, en novembre8. La traversée du sud de l’Indiana, effectuée par Samuel Smith, vingt-trois ans, et Reynolds Cahoon, quarante et un ans, est typique de l’impact profond mais inconscient que les missionnaires ont souvent. Ils passèrent trois jours dans le comté de Green dans la famille de Cahoon et, lors de leur voyage de retour, deux mois et demi plus tard, ils s’arrêtèrent de nouveau tous les deux dans la région pendant plus de quinze jours. Parmi les nombreuses personnes qui furent converties à ce moment-là, il y avait John Patten, qui avait un frère de vingt-quatre ans, appelé David, qui habitait au Michigan. John écrivit à David au printemps suivant, lui parlant de l’Evangile rétabli et disant qu’il avait reçu le don du SaintEsprit. David raconte: “En voyant cela, mon coeur bondit de joie et je pris la Levi Hancock (1803-82) fut appelé et ordonné comme l’un des sept présidents du premier collège des soixante-dix lorsque celui-ci fut organisé le 28 février 1835. résolution d’aller immédiatement voir moi-même9.” Il fut baptisé par son frère en juin 1832 et, trois ans plus tard, était appelé à être l’un des douze apôtres de notre dispensation. Plusieurs anciens firent le voyage plus rapidement. Lyman Wight et John Corrill, par exemple, firent le voyage à pied en deux mois, du 14 juin au 13 août10. Mais peu de missionnaires arrivèrent à temps pour participer à la conférence tenue par le prophète. A leur arrivée à Independence, certains des anciens qui étaient célibataires s’installèrent comme résidents permanents tandis que ceux qui avaient une famille dans l’Est rentrèrent chez eux. Grâce à cette oeuvre missionnaire, beaucoup de personnes entre Kirtland (Ohio) et Independence (Missouri) firent connaissance des saints des derniers jours et de ce qu’ils croyaient. Les futurs missionnaires allaient récolter là où ces premiers missionnaires avaient semé. Le cas de Polly Knight illustre les sentiments profonds de beaucoup de membres de l’Eglise. Soeur Knight, mère de Newel et membre de la branche de Colesville, risqua sa vie à faire le voyage jusqu’en Sion. Sa santé était vacillante depuis un certain temps, mais son vif désir de voir la terre promise était si grand qu’elle refusa d’être abandonnée en Ohio. Elle ne voulut pas non plus rester chez des amis en chemin pour se reposer et récupérer. Son fils écrit: « Son seul désir, son désir le plus grand, était de poser les pieds sur la terre de Sion et d’avoir son corps enterré dans ce pays.» Craignant qu’elle ne meure à n’importe quel moment au cours du voyage, Newel quitta un jour le bateau et descendit à terre acheter du bois pour un cercueil. Il dit plus tard: «Le Seigneur lui accorda le désir de son coeur, et elle vécut assez longtemps pour se trouver dans ce pays11”. Elle mourut dans les deux semaines de son arrivée au pays de Sion et fut la première sainte des derniers jours à être enterrée au Missouri. Mais le Seigneur prononça des paroles consolatrices: «Ceux qui vivent hériteront de la terre, et ceux qui meurent se reposeront de tous leurs labeurs, et leurs oeuvres les suivront. Ils recevront une couronne dans les demeures de mon Père que j’ai préparées pour eux» (D&A 59:2). 106 RASSEMBLEMENT AU PAYS DE SION L O C A L I S AT I O N D U PAY S D E SION Le prophète et ses frères savaient que la glorieuse nouvelle Jérusalem se trouverait un jour près de l’endroit où ils s’étaient arrêtés, parce que la révélation disait que Sion serait «sur les frontières des Lamanites» (D&A 28:9) et se trouverait au Missouri (voir D&A 52:2, 42). Mais où? La frontière occidentale du Missouri avait environ cinq cents kilomètres de long. «Quand Sion sera-t-elle édifiée dans sa gloire et où se trouvera ton temple?» demanda le prophète12. La réponse du Seigneur, donnée le 20 juillet 1831, était simple et directe: «Ce pays qui est le pays de Missouri . . . est le pays que j’ai désigné et consacré au rassemblement des saints . . . « . . . Voici, l’endroit que l’on appelle maintenant Independence en est le centre; et un lieu pour le temple se trouve à l’ouest sur une parcelle qui se trouve non loin du tribunal» (D&A 57:1,3). Joseph Smith et les saints en cours de rassemblement étaient pleins de joie de voir que l’emplacement exact de la ville promise de Sion leur était finalement révélé. Les saints en cours de rassemblement apprirent que le paysage du comté de Jackson était beau avec ses collines ondoyantes et ses vallées. Le climat était vivifiant, l’air et l’eau étaient purs et sains et la végétation luxuriante et verte. Deux rivières d’eau claire, la Big Blue et la Little Blue, arrosaient les plateaux centraux et se jetaient dans le Missouri au nord. Des noyers noirs et blancs, des ormes, des cerisiers et des chênes bordaient le lit des cours d’eau et le «tapis» attrayant de paturins des champs dans les prairies était l’idéal pour élever du bétail. C’était une région qui était encore essentiellement non colonisée; Independence, siège du comté, n’avait été créée que quatre ans plus tôt. Joseph Smith était enthousiaste pour les perspectives de la région. Il enseigna que le comté de Jackson (Missouri) était l’emplacement du jardin d’Eden13. Joseph Smith consacra, le 3 août 1831, l’emplacement du temple à Independence (Missouri). Le terrain sur lequel se trouvait le prophète pour consacrer l’emplacement du temple appartient aujourd’hui à l’Eglise du Christ (Temple Lot) ou Hedrickites. D’autres parties du terrain originel du temple appartiennent à l’Eglise et à l’Eglise Réorganisée. Le bâtiment situé dans le coin nord-est du terrain du temple est le siège de l’Eglise du Christ (Temple Lot). Dans le coin inférieur gauche de la photo se trouve le tabernacle de l’Eglise Réorganisée de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours, et dans le coin inférieur droit se trouve le Centre pour visiteurs de l’Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours. 107 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Le prix du terrain et le fait qu’il était directement accessible attirait également les saints. En 1831, on pouvait acheter des sections entières de cette région non exploitée pour le prix d’un dollar vingt-cinq l’acre (quarante ares). Le Seigneur commanda aux frères d’acheter tout le terrain qu’ils pouvaient (voir D&A 57:3-5, 58:37, 49-52, 63:27), et Sidney Rigdon fut chargé «de mettre par écrit une description du pays de Sion» (D&A 58:50) qui devait être diffusée parmi les saints de l’Est lors d’une levée de fonds. Sidney Gilbert fut désigné pour être «agent de l’Eglise» pour recevoir l’argent des donateurs et acheter des terres (D&A 57:6). Edward Partridge, qui était déjà évêque, reçut le commandement de répartir le terrain acheté entre les saints pour qu’il fût «leur héritage» (D&A 57:7). Le Seigneur avertit aussi, en ce qui concerne Sion: «Que tout cela se fasse avec ordre . . . que l’oeuvre du rassemblement ne se fasse pas avec hâte, ni dans la fuite» (D&A 58:55-56). C O N S É C R AT I O N DE LA TERRE DE SION E T D E L’ E M P L A C E M E N T D E SON TEMPLE Deux choses importantes réclamaient l’attention du prophète au Missouri avant son retour en Ohio: la consécration de la terre comme lieu de rassemblement pour les saints et la consécration de l’emplacement du temple proprement dit. Les deux événements se déroulèrent sous la présidence de Joseph Smith. Lors d’une réunion spéciale, qui eut lieu le 2 août 1831, douze hommes, dont cinq étaient de la branche de Colesville (en l’honneur des douze tribus d’Israël), posèrent le premier rondin «comme fondation de Sion dans le township (arrondissement) de Kaw, à vingt kilomètres à l’ouest d’Independence14». Sidney Rigdon consacra et dédia la terre au Seigneur. Dans le cadre de la cérémonie, il demanda à ses auditeurs: «Vous engagez-vous à garder, sur cette terre, les lois de Dieu que vous n’avez jamais gardées dans vos propres terres? [Réaction de l’auditoire:] Oui. Vous engagez-vous à veiller à ce que vos autres frères qui vont venir ici gardent les lois de Dieu? [Les personnes présentes dirent de nouveau: ]Oui. Après la prière [de consécration, frère Rigdon] se leva et dit: Je déclare maintenant cette terre consacrée et dédiée au Seigneur pour la possession et l’héritage des saints (au nom de Jésus-Christ, ayant autorité de sa part). Et pour tous les serviteurs fidèles du Seigneur jusqu’aux époques les plus reculées du temps. Amen15.» La consécration de l’emplacement du temple à Independence eut lieu le lendemain. Une fois de plus, la réunion fut simple mais édifiante. Après la lecture du psaume 87, qui est tout à la gloire et à la majesté de Sion, une pierre unique, marquant le coin sud-est, fut mise en place. Joseph Smith consacra ensuite l’emplacement du temple par une prière. Il écrit que «le spectacle était solennel et impressionnant16». Selon le commandement précédemment donné (voir D&A 52:2), les frères se réunirent, le 4 août, pour une conférence dans l’arrondissement de Kaw, et le prophète présida. Sidney Rigdon invita les saints à obéir à toutes les lois du ciel, et d’autres affaires de l’Eglise furent traitées avant que les frères ne se séparent et ne retournent en Ohio17. 108 RASSEMBLEMENT AU PAYS DE SION RETOUR EN OHIO Le voyage de retour (par canoë sur le Missouri) commença le 9 août 1831. Le groupe passa la première nuit à Fort Osage, avant-poste géré par le gouvernement, qui assurait la protection contre les attaques indiennes. Le troisième jour, W.W. Phelps eut une vision du «destructeur dans sa puissance la plus horrible» chevauchant sur les eaux. D’autres personnes présentes entendirent le bruit fait par le Malin18. Cette rencontre laissa une forte impression sur les voyageurs, dont certains craignirent pour leur sécurité. Le lendemain matin, Joseph reçut une révélation informant les anciens qu’il n’était pas nécessaire que tout le groupe retourne chez lui avec hâte, alors que beaucoup de gens des deux côtés du fleuve «périssent dans l’incrédulité» (D&A 61:3). Il fut déclaré que les eaux, et en particulier «ces eaux-ci» (le Missouri) étaient particulièrement dangereuses pour les voyageurs; néanmoins le Seigneur révéla: «S’ils remplissent leur mission, peu m’importera dans quelque temps qu’ils voyagent par eau ou par terre» (D&A 61:5, 22). Les missionnaires devaient voyager deux par deux et «[proclamer] la parole parmi les assemblées des méchants» (D&A 61:33). Le lendemain, les frères eurent la joie de rencontrer plusieurs anciens qui étaient toujours en route pour le pays de Sion. Joseph Smith reçut une révélation en leur faveur les exhortant à continuer jusqu’en Sion et à tenir une réunion de réjouissances (voir D&A 62:1-4). Joseph Smith et les autres arrivèrent à Kirtland à la fin du mois d’août. Il constata que les efforts qu’ils avaient faits pour prêcher l’Evangile en chemin étaient gênés parce que Satan avait aveuglé les yeux de la population19. Il fit rapport aux saints d’Ohio des merveilleux événements que ses frères et lui avaient connu lors de la localisation du pays de Sion. Le Seigneur promit à ce moment-là que les membres d’Ohio qui aidaient les saints de Sion recevraient «un héritage dans ce monde . . . ainsi qu’une récompense dans le monde à venir» (D&A 63:48). AUTRES ÉVÉNEMENTS EN SION L’installation dans un pays situé à la frontière était une nouvelle expérience pour la plupart des saints qui arrivaient de l’Est. Il fallait couper du bois, construire des bacs, des ponts, des moulins et des digues; il fallait construire des maisons, des granges et des clôtures. Se rappelant l’automne 1831, Newel Knight écrit: «Nous n’étions pas habitués à la vie de frontière, de sorte que les choses qui nous entouraient nous paraissaient nouvelles et étranges, et le travail que nous avions à faire était d’une nature différente de celui que nous faisions dans l’Est. Néanmoins, nous persévérâmes, le coeur joyeux, et décidés à faire de notre mieux, et nous nous mîmes au travail en toute diligence pour nous procurer la nourriture et nous préparer pour l’hiver prochain20.» Parley P. Pratt loua l’industrie et l’optimisme d’un groupe de saints du Missouri: «Ils étaient arrivés vers la fin de l’été et avaient coupé du foin pour leur bétail, semé et préparé du terrain pour la culture et s’étaient occupés pendant l’automne et l’hiver à construire des cabanes de rondins, etc. L’hiver fut froid, et pendant un certain temps une dizaine de familles habitèrent dans une unique cabane de 109 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS rondins, qui était ouverte et inachevée, tandis que le sol gelé servait de plancher. Notre nourriture était constituée de boeuf et d’un peu de pain de maïs qui avait été râpé en une farine grossière en frottant les épis sur une râpe de fer blanc. C’était une manière inconfortable de vivre pour quelqu’un de malade; mais c’était pour l’Evangile, et tous étaient très joyeux et heureux . . . « . . . Il y avait un esprit de paix et d’union, d’amour et de bonne volonté qui se manifestait dans cette petite Eglise du désert, dont le souvenir sera toujours cher à mon coeur.» A l’évidence, ce n’était pas ce que Sion était, mais ce qu’elle pouvait devenir qui encourageait les saints et leur donnait du courage21. Peu à peu des fonds commencèrent à arriver de l’Est. Dès janvier 1832, Edward Partridge, l’évêque, avait reçu 2 694,70 dollars et dépensé 2 677,83 dollars22. Il acheta d’autres terres et supervisa l’installation d’un magasin pour recevoir et distribuer les consécrations des saints. Les dirigeants de l’Eglise du Missouri lancèrent aussi une entreprise d’imprimerie, comme cela leur avait été commandé (voir D&A 58:37). W.W. Phelps, qui fut appelé à être l’imprimeur et le rédacteur du journal en Sion (voir D&A 57:11-12), se prépara à publier le premier périodique de l’Eglise, l’Evening and Morning Star. L’Evening and Morning Star était un mensuel qui sortit pour la première fois à Independence (Missouri) en juin 1832. Quatorze numéros furent imprimés par William W. Phelps. La presse d’imprimerie fut détruite le 20 juillet 1833, ce qui mit fin à la publication. Au cours du printemps et de l’été 1832, trois à quatre cents autres saints arrivèrent au Missouri, où ils reçurent de l’évêque leur héritage et commencèrent à mettre en valeur la terre. Un observateur rapporte l’intensité de leurs efforts et de leur industrie: «C’était vraiment un étrange spectacle que de voir quatre ou cinq attelages de boeufs retourner la terre riche. Le clôturage et les autres travaux se succédèrent rapidement. On construisit des maisons en bois et on les prépara 110 RASSEMBLEMENT AU PAYS DE SION pour l’arrivée des familles aussi vite que le temps, l’argent et le travail le permettaient; et nos maisons dans ce nouveau pays présentaient un aspect prospère, presque égal au paradis lui-même, et notre paix et notre bonheur, nous nous en flattions, ne devaient rien à ceux de nos premiers parents du jardin d’Eden, car nous n’épargnions aucun travail ni aucun effort dans la culture des fleurs et d’arbustes de premier choix23.» Mais si les terres étaient abondantes, les artisans et les constructeurs qualifiés étaient rares. La majorité de ceux qui résidaient en Sion étaient fermiers et ouvriers. Ce qu’il fallait, c’étaient des charrons, des forgerons, des maçons et des charpentiers. Une révélation soulignant la nécessité de faire venir dans ce pays «des ouvriers de toute sorte . . . pour travailler pour les saints de Dieu» ne produisit pas une prompte réaction (D&A 58:54). Levi Hancock, charpentier et habitant de Sion, avait plus de travail qu’il n’en pouvait accomplir. Son premier projet fut de construire une maison combinée à une imprimerie pour W.W. Phelps24. Le 29 mai 1832, une conférence fut organisée dans l’imprimerie récemment terminée afin de consacrer les locaux. Des discours furent faits par Oliver Cowdery et W.W. Phelps, ensuite Edward Partridge, évêque, fit la prière de consécration25. En juin 1832, frère Phelps commença à publier l’Evening and Morning Star. Au cours de l’année qui suivit, le Star publia de nombreuses révélations données à Joseph Smith qui furent incluses plus tard dans les Doctrine et Alliances. Etant donné que c’était le seul journal du pays et qu’il imprimait des nouvelles nationales et internationales, il était lu par des non-mormons aussi bien que par des membres de l’Eglise. Mais c’est aux saints que le journal rendit les plus grands services. Chaque numéro consacrait beaucoup d’attention à exhorter les membres à être fidèles à s’acquitter de leurs devoirs religieux et familiaux. Dans le premier numéro, W. W. Phelps recommanda aux saints: «Les disciples doivent, sans tarder, créer des écoles pour leurs enfants, afin que ceux-ci soient instruits d’une manière qui soit agréable au Seigneur et élevés dans la voie de la sainteté. Ceux qui sont chargés de choisir et de mettre au point les livres à l’usage des écoles s’attelleront à la tâche dès que les choses les plus urgentes auront été réglées. Mais les parents et les parents adoptifs dans l’Eglise du Christ ne doivent pas attendre: il est capital que l’on enseigne aux enfants à être bons, afin de leur faire du bien26.» A l’automne 1832, une école, appelée école de Colesville, ouvrit près d’une grande source d’eau dans l’arrondissement de Kaw; Parley P. Pratt en fut le premier instituteur. Plus tard au cours de cette même année, une deuxième école fut ouverte à Independence dans une école de rondins construite dans ce but tout près du terrain du temple27. Le Star mettait particulièrement l’accent sur le respect correct du jour du Seigneur. Une des premières révélations que Joseph reçut en Sion recommandait aux saints: «Tu iras en mon saint jour à la maison de prière et tu y offriras tes sacrements . . . pour que tu présentes tes dévotions au Très-Haut» (D&A 59:9-10). Les autres habitants du comté de Jackson n’avaient pas pour habitude de mettre le dimanche à part des autres jours et de le reconnaître comme jour saint. Pour 111 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS renforcer le message de cette révélation, le Star donnait un conseil aux saints: «Observez le jour du sabbat pour le sanctifier. Le Seigneur n’est pas satisfait du disciple qui fait ce jour-là ce qui devrait être fait un jour de semaine. Un disciple ne doit pas non plus aller à la réunion un sabbat ici, un autre jour là-bas. Que tous ceux qui le peuvent, soient stricts à assister aux réunions de leur propre lieu . . . On ne doit pas non plus permettre aux enfants de se glisser à l’extérieur et de jouer plutôt que se retrouver là où ils peuvent être instruits selon la voie qu’ils doivent suivre pour être sauvés. Nous sommes les enfants de Dieu, ne négligeons pas sa loi. Lorsqu’un saint travaille le jour du sabbat, le monde peut répondre: nous aussi. Quand les saints voyagent pour affaires le jour du sabbat, le monde peut répondre: nous aussi. Quand les saints vont d’une réunion à l’autre pour voir et être vus, le monde peut répondre: nous aussi. Quand les enfants des saints jouent le jour du sabbat, le monde peut répondre: les nôtres aussi. Mes frères, soyez attentifs afin de pouvoir entrer dans le repos sacré du Seigneur28.» Mais c’est au rassemblement que le Star accordait le plus d’attention et beaucoup d’articles furent imprimés sur ce thème. En juillet, frère Phelps rappela aux saints immigrants qu’ils devaient apporter une recommandation de l’évêque d’Ohio ou de trois anciens. Il leur était également conseillé de ne pas se rendre en Sion tant que des évêques ne leur avaient pas dit que les préparatifs étaient faits pour eux. Le fait de ne pas respecter cet avertissement, signalait-il, «produirait la peste» et causerait de la confusion. «En outre, la précipitation et la vente forcée des biens ont causé des sacrifices déraisonnables, et bien que nous soyons dans un jour de sacrifice et de dîme, il n’est pas agréable aux yeux du Seigneur que l’on fasse des sacrifices généreux et déraisonnables29.» Plus tard, il fut conseillé aux saints qui se rendaient en Sion de garder les commandements de Dieu «à tous points de vue» et de donner un si bon exemple que les autres seraient «contraints de dire: ils agissent comme des enfants de Dieu30». En novembre 1832, il y avait 810 saints au Missouri, jusqu’alors Sion pouvait absorber ses immigrants, et les saints étaient satisfaits des résultats. Les éditoriaux du Star reflétaient leur optimisme, car les perspectives d’avenir de Sion semblaient optimistes et prometteuses. NOTES 1. Dans Latter Day Saints’ Messenger and Advocate, septembre 1835, p. 178. Literature, Salt Lake City, Deseret Book Co., 1985, p. 54. 2. Voir History of the Church, 1:188; Emily M. Austin, Mormonism; or, Life among the Mormons, Madison, Wis., M. J. Cantwell, 1882, pp. 63-64. 8. «The Life of Levi Hancock», manuscrit non publié, Université Brigham Young, collections spéciales, Provo, pp. 54-64. 3. Voir Austin, Mormonism, p. 63. 4. Voir History of the Church, 1:188. 5. Dans Messenger and Advocate, septembre 1835, p. 179. 6. Scraps of Biography, Salt Lake City, Juvenile Instructor Office, 1883, p. 70. 7. Parley P. Pratt, éd., Autobiography of Parley P. Pratt, série des Classics in Mormon 112 9. Dans «History of David W. Patten», Millennial Star, 25 juin 1864, p. 407. 10. Dans lettre de Lyman Wight à Wilford Woodruff, 24 août 1857, Lyman Wight Papers, département d’histoire de l’Eglise, Salt Lake City. 11. Scraps of Biography, p. 70. 12. History of the Church, 1:189. RASSEMBLEMENT AU PAYS DE SION 13. Voir George Q. Cannon, dans Journal of Discourses, 11:336-37; Brigham Young, dans Journal of Discourses, 8:195. 14. Dans History of the Church, 1:196. 15. Dans F. Mark McKiernan et Roger D. Launius, éd., An Early Latter Day History: the Book of John Whitmer, Independence, Mo., Herald Publishing House, 1980, p. 79. 16. History of the Church, 1:199. 17. Dans History of the Church, 1:199; Journal History of The Church of Jesus Christ of Latter-day Saints, 4 août 1831, département d’histoire, Salt Lake City. 18. Dans History of the Church, 1:203. 19. Voir History of the Church, 1:206. 20. Scraps of Biography, p. 72. 21. Pratt, Autobiography of Parley P. Pratt, p. 56. 22. Voir Journal History of the Church, 27 janvier 1832. 23. Austin, Mormonism, p. 67. 24. Voir Dennis A. Clegg, «Levi Ward Hancock, Pioneer, Soldier, Political and Religious Leader, of Early Utah», mémoire de licence, Université Brigham Young, 1966, p. 20; texte dactylographié du journal de Levi Hancock, Université Brigham Young, collections spéciales, bibliothèque Harold B. Lee, Université Brigham Young, Provo, p. 67. 25. Voir Journal History of the Church, 29 mai 1832. 26. «Common Schools», The Evening and Morning Star, juin 1832, p. 6. 27. Voir H. S. Salisbury, «History of Education in The Church of Jesus Christ of Latter Day Saints», Journal of History, juillet 1922, Independence, Mo., Harold Publishing House, 1922, p. 259. 28. «To the Saints in the Land of Zion, and Abroad», The Evening and the Morning Star, octobre 1832, p. 5. 29. «The Elders in the Land of Zion to The Church of Christ Scattered abroad», The Evening and the Morning Star, juillet 1832, p. 5. 30. «The Way of Journeying for the Saints of The Church of Christ», The Evening and the Morning Star, décembre 1832, p. 5. 113 CHAPITRE DIX EVOLUTION 1831-34 Ligne du temps O H I O, L ES PREMIÈRES ANNÉES À KIRTLAND furent une des périodes les Date Evénement important Août 1831 Retour de Joseph Smith de sa première visite au Missouri Oct.-Déc. 1831 Attaque d’Ezra Booth contre l’Eglise dans la presse plus importantes dans l’histoire de l’Eglise, même si, à l’époque, peu de membres saisissaient l’importance de ce qu’ils vivaient. Wilford Woodruff raconte qu’en avril 1834, Joseph Smith dit à un groupe de détenteurs de la prêtrise: «Vous n’en savez pas plus concernant la destinée de l’Eglise et du royaume qu’un 1er nov. 1831 Vote par une conférence d’anciens de publier le Livre des Commandements 4 déc. 1831 D E L’E G L I S E E N bébé sur les genoux de sa mère. Vous ne le comprenez pas . . . Ce n’est qu’une petite poignée de détenteurs de la prêtrise que vous voyez ici ce soir, mais l’Eglise Newel K. Whitney appelé comme évêque en Ohio 25 janv. 1832 Joseph Smith soutenu comme président de la Haute Prêtrise 16 févr. 1832 Réception de la vision des trois degrés de gloire (D&A 76) remplira l’Amérique du Nord et du Sud, elle remplira le monde1.» En dépit de cela, la vision limitée qu’ils possédaient enflammait l’âme des saints, et l’Eglise naissante grandissait, se développait et mûrissait. 24 mars 1832 Joseph Smith et Sidney Rigdon enduits de goudron et de plumes Avril 1832 Deuxième voyage du prophète au Missouri 25-27 déc. 1832 «Prophétie sur la guerre» (D&A 87) et «Feuille d’olivier» (D&A 88) Janv. 1833 Ouverture de l’Ecole des prophètes à Kirtland Non seulement Joseph se préoccupait d’établir l’Eglise, mais comme d’autres saints, sa femme, Emma, et lui se donnaient beaucoup de mal pour organiser leur ménage. En fait, ils n’allaient pas avoir de résidence permanente pendant leurs deux premières années en Ohio. En septembre 1831, juste quinze jours après son retour de voyage du Missouri, Joseph installa sa famille à Hiram (Ohio) à une cinquantaine de kilomètres au sud-est de Kirtland. Le prophète et sa famille logèrent pendant six mois chez les John Johnson à Hiram. Pendant ce temps, il avançait rapidement dans la traduction de la Bible avec l’aide capable de 27 févr. 1833 Révélation de la parole de sagesse (D&A 89) Sidney Rigdon. 18 déc. 1833 Ordination de Joseph Smith, père, comme premier patriarche OPPOSITION 17 févr. 1834 Nomination du grand conseil de Kirtland E T A P O S TA S I E Dès le départ le public eut une perception négative de l’Eglise qui fut renforcée par les apostats et entretenue par la diffusion d’histoires et d’articles négatifs dans la presse. Les gens donnaient de nombreuses raisons à leur apostasie. Par exemple, Norman Brown quitta l’Eglise parce que son cheval était mort sur la route de Sion. Joseph Wakefield se retira après avoir vu Joseph Smith jouer avec des enfants en descendant de la pièce où il traduisait. Simonds Ryder nia l’inspiration de Joseph Fairport Painesville Mentor Lake Erie Kirtland Smith lorsqu’il vit qu’il y avait une faute d’orthographe à son nom dans le texte où il était envoyé prêcher. D’autres quittèrent l’Eglise parce qu’ils éprouvaient des difficultés économiques. Ezra Booth, ancien pasteur méthodiste, fut, au cours de cette période, un apostat Cleveland Amherst Hiram Ohio influent. Il devint membre de l’Eglise en mai 1831 quand il vit le prophète guérir Shalersville le bras paralysé d’Elsa Johnson. Avec d’autres missionnaires, Booth fut appelé et Ravenna envoyé au Missouri pendant l’été 1831 (voir D&A 52:3, 23). Contrarié de devoir marcher et prêcher pendant tout le voyage, il commença à critiquer les dirigeants Nord-est de l’Ohio 114 de l’Eglise. Il fut déçu d’arriver au Missouri sans connaître de manifestations de EVOLUTION DE L’EGLISE EN OHIO, 1831-34 l’Esprit, comme les miracles et le don des langues, dont il espérait qu’ils augmenteraient sa ferveur religieuse. Il retourna à Hiram (Ohio) plein de soupçons et d’esprit critique. Le prophète fit la remarque que Booth était devenu déçu «lorsqu’il avait appris concrètement que la foi, l’humilité, la patience et les tribulations précèdent les bénédictions et que . . . il devait devenir tout pour tout le monde, afin d’en avoir peut-être un peu2». Booth arriva à Hiram le 1er septembre et fut excommunié cinq jours plus tard. Peu de temps après, Simonds Ryder et lui abjuraient publiquement leur foi lors d’un camp meeting méthodiste à Maison de John Johnson située à Hiram (Ohio). Joseph Smith y reçut beaucoup de révélations. Une des grandes révélations doctrinales données au cours de notre dispensation, appelée la Vision (D&A 76) fut reçue dans cette maison. Shalersville, à quelques kilomètres au sud-ouest de Hiram. Dans l’espoir de freiner les progrès des saints des derniers jours en Ohio, les opposants du comté de Portage cherchèrent à profiter de l’influence de Booth et l’encouragèrent à publier ses critiques. Booth croyait que sa conversion en avait incité d’autres à accepter l’Evangile, et il voulait inverser ce processus aussi bien qu’en dissuader d’autres de devenir membres de l’Eglise. Il publia, du 13 octobre au 8 décembre 1831, neuf lettres dans l’Ohio Star à Ravenna, énumérant dans le détail ses objections à l’égard de l’Eglise. Ces lettres constituèrent un problème pour l’Eglise. Elles connurent une diffusion considérable et devinrent plus tard une section importante du premier livre antimormon, Mormonism Unvailed, de Eber D. Howe, publié en 1834. Vers la fin de 1831, un certain nombre de missionnaires furent appelés pour contrecarrer l’influence de Booth, et, en décembre, le Seigneur appela Joseph Smith et Sidney Rigdon à se joindre à cet effort. Ils devaient rencontrer leurs ennemis «en public et en privé», et le Seigneur leur promit: «Il n’est pas d’arme forgée contre vous qui prospérera» (D&A 71:7, 9). Les deux hommes travaillèrent environ cinq semaines, et Joseph signala que leurs efforts contribuèrent beaucoup à «apaiser l’excitation qui découlait des lettres scandaleuses que l’on publiait à ce moment-là3». Joseph Smith enduit de goudron et de plumes, par C.C.A. Christensen, pionnier et peintre 115 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Néanmoins l’influence négative de Booth et de Ryder continua. La violence se déchaîna à Hiram la nuit du 24 mars 1832, lorsqu’une troupe de vingt-cinq à trente hommes, sous l’influence du whisky, attaqua les maisons de Joseph Smith et de Sidney Rigdon. Après avoir veillé tard pour prendre soin de son bébé adoptif, qui souffrait de la rougeole, Joseph était finalement tombé endormi sur un lit bas à roulettes. Il se réveilla au moment où on le traînait à l’extérieur au milieu des hurlements d’Emma. Il se débattit mais fut maîtrisé. Les émeutiers se moquèrent de lui, l’étouffèrent, le déshabillèrent et essayèrent de lui faire avaler une fiole d’acide qui lui cassa une dent, à la suite de quoi il allait parler avec un léger sifflement. Un homme le griffa «avec ses ongles comme un chat furieux et marmonna: ‹Tiens, n . . . de D . . . c’est comme cela que le Saint-Esprit te tombe dessus!›» Ils enduisirent son corps de goudron, le couvrirent de plumes et l’abandonnèrent à sa souffrance. Lorsqu’il réussit à rentrer chez lui, Emma s’évanouit à la vue du goudron, qu’elle prit pour du sang. Des amis passèrent la nuit à le débarrasser du goudron, et le lendemain, dimanche, Joseph fit un sermon et baptisa trois personnes4. Pendant la nuit de l’agression, la porte de la maison Johnson était restée ouverte; le bébé, Joseph Murdock Smith, prit froid et mourut cinq jours plus tard. Pendant cette même nuit, frère Rigdon fut traîné hors de chez lui par les talons et il eut la tête gravement lacérée par le sol inégal et gelé. Il délira pendant plusieurs jours5. VISITE AU MISSOURI EN 1832 Peu après l’agression, le Seigneur commanda au prophète de retourner au Missouri (voir D&A 78:9). Certains saints du comté de Jackson étaient jaloux parce que Joseph Smith vivait en Ohio plutôt que sur la frontière. Le Seigneur expliqua que Joseph devait se rendre au Missouri et tenir conseil avec les saints parce que Satan essayait de profiter de la situation pour «détourner leur coeur» (D&A 78:10). Une autre raison du voyage au Missouri était de coordonner le fonctionnement des magasins de l’Eglise à Kirtland et à Independence. En mars 1832, une révélation décréta qu’il devait y avoir des magasins dans les deux régions (voir D&A 78). Les bénéfices du magasin d’Independence devaient aider les saints au cours de leur émigration. Un des points à l’ordre du jour au Missouri était d’unir les deux firmes et de regrouper les activités économiques de l’Eglise. Le séjour au Missouri fut bref mais productif. Le 26 avril, un «conseil général» soutint Joseph comme président de la Haute Prêtrise, comme il y avait été ordonné lors d’une conférence similaire, le 25 janvier 1832, à Amherst (Ohio). Au cours de la session de l’après-midi, Joseph reçut une révélation (D&A 82) lui commandant de combiner les ordres économiques de Kirtland et d’Independence en une Firme unie afin d’être «indépendant de tout obstacle en dessous du royaume céleste, par des liens et des alliances d’amitié mutuels et d’amour mutuel6». Les dirigeants convinrent que la firme réglerait les affaires de l’Eglise et autorisèrent Newel K. Whitney, évêque en Ohio, à négocier un emprunt de quinze mille dollars pour acheter des marchandises pour la compagnie. Joseph dit que quand ils arrivèrent, son groupe et lui, dans l’arrondissement de Kaw, les saints les reçurent avec «un 116 EVOLUTION DE L’EGLISE EN OHIO, 1831-34 accueil que ne connaissent que les frères et les soeurs qui sont unis comme une seule personne dans la même foi . . . Il est bon de se réjouir avec le peuple de Dieu7». Joseph Smith, Newel K. Whitney et Sidney Rigdon prirent le chemin du retour par diligence au début de mai. Près de Greenville (Indiana), les chevaux prirent peur et s’emballèrent. L’évêque Whitney sauta de la diligence, mais son manteau s’emmêla et son pied se prit dans une des roues, ce qui lui brisa la jambe en plusieurs endroits. Joseph et Sidney sautèrent indemnes de la diligence. Le prophète resta un mois à Greenville avec l’évêque Whitney pendant que Sidney Montre que Joseph Smith donna à Newel K. Whitney et coupe-papier qu’il remit à Newel K. et Elizabeth Whitney poursuivait son chemin jusqu’à Kirtland, porteur de la nouvelle. Pendant ce temps, Joseph avait souvent le plaisir de marcher en solitaire dans les bois. Il écrivit à Emma qu’il se rendait tous les jours dans un petit bois à l’extérieur du village pour prier et méditer: «Je me suis rappelé tous les moments passés de ma vie et j’en suis arrivé à m’attrister et à verser des larmes de chagrin pour la sottise que j’ai commise de laisser l’adversaire de mon âme avoir sur moi le pouvoir qu’il a eu dans le passé, mais Dieu est miséricordieux et m’a pardonné mes péchés8.» Un jour, après le dîner, le prophète tomba malade et vomit si violemment que sa mâchoire se disloqua. L’évêque Whitney lui fit l’imposition des mains et il fut immédiatement guéri en dépit du fait que les effets du poison lui firent perdre un peu de ses cheveux. Le prophète décida que le mieux était de poursuivre leur chemin, assurant frère Whitney que cela se passerait sans problème. Il explique: «Je lui dis que s’il était d’accord de reprendre le chemin du retour le lendemain matin, nous irions en chariot jusqu’au fleuve, situé à environ six kilomètres de là, et que là il y aurait un bac qui nous attendrait et qui nous ferait traverser rapidement, et ensuite nous trouverions une voiture de louage qui nous emmènerait directement à l’embarcadère, où nous trouverions un bateau en train de nous attendre, et nous serions occupés à remonter le fleuve avant dix heures9.» Ils voyagèrent exactement comme Joseph l’avait prédit et arrivèrent début juin à Kirtland. Pendant les mois qui suivirent, le prophète consacra presque tout son temps à la traduction inspirée de la Bible, sauf pour un voyage exprès en automne avec l’évêque Whitney à Albany, à New York City et à Boston où ils réglèrent des affaires tout en avertissant les habitants qu’ils devaient se repentir et accepter l’Evangile (voir D&A 84:114-15). Ils furent de retour à Kirtland le 6 novembre 1832, quelques heures après qu’Emma eut donné le jour à leur quatrième et premier enfant à survivre, Joseph Smith III10. Peu de temps après, Brigham Young et Heber C. Kimball arrivèrent du nord de l’Etat de New York à Kirtland; ils étaient récemment devenus membres de l’Eglise et étaient vivement désireux de rencontrer le prophète. Ce soir-là, lors d’une réunion, Brigham parla en langues pendant qu’il priait. Tandis qu’il répondait à des questions concernant ce don, Joseph Smith prophétisa que Brigham Young présiderait un jour l’Eglise11. Au cours du printemps et de l’été 1833, le prophète consacra une grande partie de son temps à traduire la Bible, à enseigner à l’école des prophètes et à entreprendre la construction du temple de Kirtland. 117 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Lake Ontario MISSION DE JOSEPH SMITH AU CANADA A l’automne de 1833, Joseph Smith et Sidney Rigdon se rendirent dans le Haut Canada Mount Pleasant Waterford Buffalo Colborne Lodi Perrysburg Westfield Lake Erie Springfield Canada, cédant aux instances de Freeman Nickerson, converti récent, qui convainquit les frères que ses fils, qui habitaient là-bas, seraient réceptifs à l’Evangile. Le voyage fut historique. Bien que ce ne fût pas la première fois que des missionnaires se fussent rendus au Canada (de brèves incursions avaient été faites New York en 1830, 1832 et 1833), la visite de Joseph y donna une impulsion considérable à Pennsylvania l’oeuvre. Le prophète se prit d’un tel amour pour les Canadiens qu’il leur rendit Ashtabula Kirtland Ohio de nouveau visite en 1837 et veilla, pendant toute sa vie, à ce que l’oeuvre se poursuivît là-bas. A Mount Pleasant, Joseph Smith et Sidney Rigdon baptisèrent douze personnes, Historique de l’Eglise dans le Haut Canada dont les fils de frère Nickerson et leurs familles, qui devinrent le noyau de la branche. Lydia Bailey fut une des personnes de la maison d’Eleazer Freeman Nickerson, de Mount Pleasant, qui répondit de tout son coeur à l’Evangile. Elle avait été élevée au Massachusetts et à New York, et à l’âge de seize ans, avait épousé Calvin Bailey. Comme il buvait, elle était malheureuse avec lui. Après trois ans de mariage, il l’abandonna, elle, sa fille et l’enfant qu’elle attendait. Son fils mourut à sa naissance, et moins d’un an plus tard, sa fille mourut aussi. A l’âge de vingt ans Lydia se rendit au Canada avec les Nickerson pour retrouver sa santé émotionnelle. Elle y rencontra Joseph Smith, et celui-ci lui dit: «Vous serez un jour un sauveur pour la maison de votre père.» Lydia s’installa plus tard à Kirtland, où elle rencontra et épousa Newel Knight, qui était veuf. Des années plus tard, en Utah, Lydia fit, au temple de St-George, les ordonnances pour sept cents membres décédés de sa famille, accomplissant ainsi la prophétie de Joseph12. Le journal tenu par Joseph concernant sa mission nous donne un aperçu de sa personnalité. Comme les autres missionnaires, il se faisait du souci pour sa famille et rencontra tantôt des déceptions, tantôt des succès. Joseph rédigeait souvent de courtes prières dans son journal. Par exemple, il écrivit au moment où il commença son voyage, le 14 octobre 1833: «Seigneur, sois avec nous pendant notre voyage.» Dans ses notes du 22 octobre, il écrit: «Nous espérons qu’il se fera un grand bien au Canada, ce que je te demande, ô Seigneur, de nous accorder pour l’amour de ton nom.» Le 23 octobre, parlant des gens superstitieux auxquels ils prêchaient, il pria: «O Dieu, établis ta parole parmi ce peuple13.» La mission du Haut Canada fut une des quatorze missions entreprises par Joseph Smith pendant l’époque de Kirtland. Il quitta l’Ohio au moins une fois chaque année entre 1831 et 1838, pour servir comme missionnaire à plein temps tout en remplissant ses fonctions de président de l’Eglise. TRADUCTION DE LA BIBLE PA R JOSEPH SMITH La traduction inspirée de la Bible par Joseph Smith fut un des événements-clefs de son oeuvre en tant que prophète et elle eut une influence profonde sur l’Eglise. La connaissance qu’avait Joseph des principes de l’Evangile et de l’oeuvre de Dieu 118 EVOLUTION DE L’EGLISE EN OHIO, 1831-34 Publié avec la permission de l'Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours réorganisée Page de garde de la version de la Bible du roi Jacques de Joseph Smith. Elle contient l’information suivante de la main de Joseph Smlth: «Livre des Juifs, propriété de Joseph Smith, fils, et d’Oliver Cowdery. «Acheté le 8 novembre 1829 au magasin d’Egbert B. Grandin (Palmyra, comté de Wayne, New York) «Prix 3,75 dollars «Sainteté à l’Eternel» auprès de ses anciens prophètes et de son peuple d’autrefois s’accrut immensément grâce à cette entreprise. Il considérait que c’était une «branche» importante de son appel et y travailla diligemment. Lorsque Sidney Rigdon et lui étaient chez eux en Ohio, c’était là leur préoccupation majeure. La fréquence avec laquelle il est fait allusion à la «traduction» dans les révélations et les documents historiques de la période met en évidence l’importance de l’entreprise. Le prophète commença cette oeuvre en 1830 dans l’Etat de New York. Quand il arriva en février 1831 en Ohio, il poursuivit son travail sur l’Ancien Testament avec l’aide de son secrétaire, frère Rigdon. Mais au début de mars, il reçut le commandement de travailler à la traduction du Nouveau Testament (voir D&A 45:60-61). Pendant les deux années qui suivirent, Joseph et Sidney poursuivirent leur travail sur le Nouveau et l’Ancien Testament. Ils déclarèrent avec optimisme leur travail terminé le 2 juillet 183314. 119 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Outre tout ce que la traduction de Joseph Smith (TJS) elle-même a donné en héritage à l’Eglise, de nombreuses révélations, qui se trouvent maintenant dans les Doctrine et Alliances, furent données au prophète tandis qu’il travaillait à la traduction inspirée. L’étude de la Bible l’incita à interroger le Seigneur concernant les questions importantes de doctrine et d’organisation. Les sections 76, 77 et 91 des Doctrine et Alliances ont un lien direct avec l’effort de traduction «et probablement une grande partie des informations contenues dans les sections 74, 84, 86, 88, 93, 102, 104, 107, 113 et 132». Il est probable que beaucoup d’autres y soient indirectement liées15. ORIGINE DES DOCTRINE ET ALLIANCES Les révélations que Joseph Smith reçut contenaient des instructions du Seigneur, venant à point nommé, concernant la doctrine et le gouvernement de l’Eglise. Trois mois après l’organisation de l’Eglise, le prophète et John Whitmer arrangèrent et copièrent les révélations reçues jusqu’à ce moment-là. De temps en temps Joseph en donnait des exemplaires à des amis, à des missionnaires et à d’autres membres de l’Eglise, mais la plupart des gens n’avaient pas accès aux révélations. La création d’une imprimerie en juillet 1831 fournit néanmoins l’occasion de les publier. Ce fut le principal sujet traité lors d’une série de conférences à Hiram (Ohio) au début de novembre 1831. Entre-temps, plus de soixante révélations avaient été enregistrées. Le 1er novembre, il fut convenu de faire imprimer, par William W. Phelps, dix mille exemplaires des révélations sous forme de livre. (Le nombre d’exemplaires à imprimer fut plus tard réduit à trois mille.) Le titre du livre, Livre des Commandements, était tiré d’une révélation donnée lors de la même conférence. Le Seigneur qualifia la révélation de «préface au livre de mes commandements» (D&A 1:6). Livre des Commandements Plus tard ce jour-là, quelques frères firent des réflexions négatives concernant la langue et le style des révélations. C’est pourquoi, le Seigneur, dans une révélation, lança aux critiques le défi de choisir le «moindre» des commandements et d’inviter le plus sage d’entre eux à essayer d’en écrire un meilleur (voir D&A 67:4-9). William E. McLellin, instituteur et converti récent, releva, dans sa présomption, le défi. Le prophète dit: «McLellin, le plus sage, selon son estimation, ayant plus d’érudition que ce bon sens, s’efforça d’écrire un commandement semblable à l’un des moindres de ceux du Seigneur, mais échoua; c’était une terrible responsabilité que d’écrire au nom du Seigneur.» Cette expérience renouvela la foi des frères dans les révélations, et ils acceptèrent de «rendre témoignage de leur véracité au monde entier16». Plus tard, le prophète écrivit que les révélations étaient «la fondation de l’Eglise en ces derniers jours17». D’autres sessions de conférence complétèrent les détails préalables à la publication du livre. Le 3 novembre 1831, un «appendice» (plus tard D&A 133) fut ajouté aux révélations. Une autre session, le 8 novembre, commanda à Joseph Smith de corriger, sous la direction du Saint-Esprit, les erreurs qu’il découvrirait dans les exemplaires écrits des révélations. Le 12 novembre, le Seigneur appela John Whitmer, historien et greffier de l’Eglise, à accompagner Oliver Cowdery, à 120 EVOLUTION DE L’EGLISE EN OHIO, 1831-34 qui il avait été commandé de porter le manuscrit au Missouri pour impression (voir D&A 69). Une autre révélation donnée ce jour-là appelait six frères à être «intendants des révélations et des commandements» (D&A 70:3). Ce groupe prit le nom de «firme littéraire18». Le 20 novembre 1831, Joseph et John se mirent en route pour le Missouri. Ils arrivèrent, le 5 janvier 1832, à Independence, après un long voyage dans le froid. En juin, frère Phelps commença à publier des extraits des révélations dans l’Evening and Morning Star et à entreprendre la composition du Livre des Commandements. EVOLUTION D E L’ O R G A N I S AT I O N D E L’E G L I S E La croissance rapide de la jeune Eglise nécessita une expansion substantielle de son organisation. Conformément au principe voulant que la révélation soit donnée «ligne sur ligne, précepte sur précepte» (D&A 98:12), le Seigneur dirigea l’installation du gouvernement de l’Eglise en fonction des besoins. Immédiatement après l’organisation de l’Eglise, en 1830, des hommes furent appelés à servir dans le ministère et furent ordonnés à un des quatre offices dans la prêtrise: diacre, instructeur, prêtre ou ancien. D’autres offices furent ajoutés, l’année suivante, à la prêtrise. Le premier nouvel office qui fut ajouté fut celui d’évêque. Edward Partridge fut nommé à cet appel en février 1831 (voir D&A 41:9). Mais ses devoirs ne furent pas révélés immédiatement. Les toutes premières révélations relatives à l’office d’évêque lui donnaient la responsabilité de mettre en oeuvre la loi de consécration. Il devait, plus précisément, recevoir les consécrations, affecter les intendances et gérer un magasin pour le soulagement des pauvres. Il devait aussi Edward Partridge (1793-1840). Comparé par le Seigneur à Nathanaël de jadis (voir D&A 41:11). être responsable de l’achat de terres et de la construction de maisons de culte (voir D&A 42:30-35, 51:1-3). Lorsque ces devoirs s’amplifièrent, des agents furent appelés pour aider l’évêque à recevoir les fonds, acheter les terrains et traiter les questions matérielles (voir D&A 51:8; 53:4; 58:49; 84:113). D’autres révélations confiaient aussi des responsabilités judiciaires à l’évêque. Ce furent d’abord des tribunaux d’anciens qui s’occupèrent de la discipline dans l’Eglise, l’évêque étant présent si c’était possible (voir D&A 42:82). Dès août 1831, la responsabilité de l’évêque, juge ordinaire en Israël, était davantage précisée. L’évêque devait «juger son peuple par le témoignage des justes avec l’aide de ses conseillers, selon les lois du royaume qui sont données par les prophètes de Dieu» (D&A 58:18). Malgré tout, les tribunaux d’anciens, et, plus tard, le grand conseil, assumèrent essentiellement la tâche judiciaire à Kirtland. Jusqu’alors l’évêque n’avait pas les devoirs pastoraux qui devinrent plus tard une partie importante de ses responsabilités. Après qu’Edward Partridge fût allé s’installer au Missouri, un deuxième évêque, Newel K. Whitney, fut appelé en décembre 1831. Il devait déterminer la dignité des membres habitant en Ohio et fournir des certificats pour l’évêque de Sion attestant qu’ils étaient membres honorablement connus avant de s’installer au Missouri. 121 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Certificat d’évêque d’Edward Partridge Le rôle du président de l’Eglise et, plus tard, de la Première Présidence furent définis dans les premières années de Kirtland. A la réunion au cours de laquelle l’Eglise fut organisée, Joseph Smith fut appelé par révélation «voyant, traducteur, prophète, apôtre de Jésus-Christ, ancien de l’Eglise» (D&A 21:1), et le Seigneur spécifia qu’il était le seul qui était autorisé à recevoir des révélations pour l’Eglise entière (voir D&A 28:1-6). A la conférence des 3-6 juin 1831, plusieurs frères furent ordonnés pour la première fois à l’office de grand prêtre. Plus tard, le 25 janvier 1832, lors d’une conférence tenue à Amherst (Ohio), Joseph Smith fut ordonné «président de la Haute Prêtrise19». Pendant près de deux ans, Joseph présida l’Eglise sans conseillers. Au début de mars 1832, il fut autorisé pour la première fois à désigner des conseillers. Le 8 mars, Joseph choisit Jesse Gause et Sidney Rigdon parmi les grands prêtres récemment 122 EVOLUTION DE L’EGLISE EN OHIO, 1831-34 ordonnés. Le 15 mars une révélation annonça que cette présidence détenait les «clefs du royaume» (D&A 81:2). Jesse Gause apostasia en 1832, de sorte que la Première Présidence fut réorganisée le 18 mars 1833, et Frederick G. Williams fut appelé comme nouveau conseiller. L’appel du patriarche de l’Eglise élimina une des responsabilités de Joseph Smith. Souvent des personnes voulaient qu’il demande personnellement au Seigneur une révélation pour elles, mais avec la croissance de l’Eglise, cela devint impossible. Le 18 décembre 1833, tandis qu’il donnait des bénédictions à sa famille, le prophète fut inspiré à appeler et à ordonner son père premier patriarche de l’Eglise. A partir de ce moment-là et jusqu’à sa mort en 1840, Joseph Smith, père, voyagea parmi les branches, tenant des réunions spéciales de bénédiction où il donnait à beaucoup de saints fidèles leur bénédiction patriarcale. Outre qu’elles apportaient des révélations aux personnes, les bénédictions patriarcales déclaraient aussi leur lignage dans la maison d’Israël. Le premier pieu de Sion fut organisé le 17 février 1834 à Kirtland. Au départ les Joseph Smith, père (1771-1840) trois membres de la Première Présidence furent désignés pour constituer la présidence de ce pieu. Avec l’organisation du grand conseil de Kirtland, qui eut lieu simultanément, un deuxième niveau du pouvoir judiciaire de l’Elise fut créé. Selon le procès verbal, les buts du grand conseil étaient de régler «les difficultés importantes qui pourraient se produire dans l’Eglise, qui ne pourraient pas être réglées par l’Eglise ou le conseil de l’évêque» (D&A 102:2). Ce devait être un tribunal siégeant en première instance pour les cas difficiles et une cour d’appel. On pouvait également aller en appel des décisions du grand conseil auprès de la Première Présidence. Le deuxième grand conseil fut organisé le 3 juillet 1834 au comté de Clay (Missouri). R É V É L AT I O N S DOCTRINALES Près du tiers des révélations des Doctrine et Alliances fut reçu entre août 1831 et avril 1834. Les révélations ouvraient des horizons nouveaux dans la compréhension de l’Evangile et fournissaient aux saints des directives précieuses pour leur conduite quotidienne. Le 16 février 1832, par exemple, Joseph Smith et Sidney Rigdon reçurent une révélation qui répondait directement à une question qui s’était posée pendant qu’ils travaillaient à la Bible. Une vision du Père et du Fils, de la chute de Satan, des fils de perdition et des royaumes de gloire accrut immensément leur compréhension du plan de salut. Au cours de l’automne 1832, lorsqu’un certain nombre de missionnaires furent revenus de leurs travaux et tandis qu’ils tenaient une conférence, le Seigneur donna une révélation importante sur la prêtrise (D&A 84). Elle commençait par la déclaration que la nouvelle Jérusalem et le temple seraient bâtis au Missouri. Après avoir fait un bref historique de la descendance de la prêtrise par les patriarches et les prophètes d’autrefois, le Seigneur expliqua que la prêtrise supérieure, ou Prêtrise de Melchisédek, avait l’autorité d’administrer les ordonnances de l’Evangile (voir v. 19) et que la moindre prêtrise, ou Prêtrise d’Aaron, administrait les ordonnances de «l’Evangile préparatoire» (voir v. 26). La révélation expliquait 123 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS ensuite que ceux qui recevaient la prêtrise la recevaient par «serment et alliance» (v. 40), et que s’ils la respectaient fidèlement, cela leur vaudrait la vie éternelle. Des informations furent également données concernant la lumière du Christ et les signes qui suivent la prédication de l’Evangile. Des instructions aux missionnaires et à d’autres ministres de l’Evangile complétaient la révélation. Le Seigneur parla aussi de guerre et de paix. Le jour de Noël 1832, il donna une révélation qui contenait la fameuse prophétie concernant la guerre de Sécession. Celle-ci allait être le début de guerres qui allaient «se produire sous peu» et qui finiraient par se déverser «sur toutes les nations» (D&A 87:1-2). Les saints reçurent l’avertissement que lorsque la guerre engouffrerait le globe, ils ne seraient en sécurité que s’ils se tenaient en des lieux saints et ne se laissaient pas émouvoir (voir v. 8). Deux jours plus tard, Joseph Smith recevait une révélation. Il l’appela «la feuille d’olivier que nous avons cueillie sur l’arbre du paradis, le message de paix que le Seigneur nous adresse20». Cette révélation n’expliquait toutefois pas la façon dont les hommes pouvaient résoudre leurs difficultés internes et internationales. Elle détournait plutôt l’attention des saints de leurs préoccupations du moment et la tournait vers des questions aussi éternelles que les préparatifs de la venue du Seigneur et le respect de la loi conduisant à l’exaltation dans le royaume céleste. Cette révélation ordonnait aussi la création d’une «école des prophètes» pour préparer les frères à mieux se servir les uns les autres (voir D&A 88:118-41). L’école commença ses réunions à la fin de janvier 1833 dans une salle d’étage au-dessus du magasin des Whitney. Ces réunions constituèrent le cadre de beaucoup d’expériences spirituelles remarquables et de discussions en profondeur des principes de l’Evangile. L’alimentation était un sujet de préoccupation pendant les premières années de l’Eglise. Par exemple, une colonie de shakers, voisine, suivait un code diététique particulièrement rigoureux, interdisant de manger de la viande. En mars 1831, le Seigneur dit à Joseph que cette doctrine shaker n’était pas voulue de Dieu parce que «les bêtes des champs, les oiseaux de l’air et ce qui vient de la terre, sont destinés à l’usage de l’homme pour sa nourriture et son vêtement» (D&A 49:19). Une révélation donnée en août de la même année au Missouri ajoutait l’avertissement que les hommes devaient utiliser tout «cela avec jugement, et pas à l’excès» (D&A 59:20). Au cours de l’hiver 1833, l’école des prophètes se réunit souvent pour traiter des affaires de l’Eglise; comme c’était la coutume à l’époque, beaucoup de frères mâchaient ou fumaient du tabac. Selon les souvenirs de Brigham Young, Joseph Smith devint préoccupé de devoir donner son enseignement «dans un nuage de fumée de tabac» et Emma se plaignait de devoir nettoyer la pièce après le départ des frères. Cela amena le prophète à interroger le Seigneur concernant l’usage du tabac. En réponse, il reçut la révélation maintenant appelée parole de sagesse (voir D&A 89)21. La révélation interdisait l’usage du tabac, du vin, des boissons fortes et des «boissons brûlantes», ce qui fut interprété comme étant le café et le thé; elle mettait aussi l’accent sur la consommation de grains, de fruits et de légumes sains. 124 EVOLUTION DE L’EGLISE EN OHIO, 1831-34 Les saints reçurent la promesse que s’ils suivaient cette parole de sagesse, ils auraient la santé et la force, trouveraient «de la sagesse et de grands trésors de Cuisine d’Emma Salle de troc connaissance» et que «l’ange destructeur [passerait] à côté d’eux» (D&A 89:19, 21). Rez-de-chaussée En 1833, le Seigneur façonna aussi la pensée politique des saints des derniers jours, surtout en ce qui concerne la nature de la Constitution des Etats-Unis. Il y avait deux principes fondamentaux. La Constitution était un document inspiré, écrit «par des hommes sages . . . suscités dans ce but même» (D&A 101:80). Elle avait aussi une application mondiale. Le Seigneur expliqua que la loi constitutionnelle, qui garantit les droits et les libertés, appartient à toute l’humanité et se justifie devant lui (voir D&A 98:5). Il réaffirma: «[Je l’ai] créée pour défendre les droits et la protection de toute chair, selon des principes justes et saints; afin que tout homme puisse agir en doctrine et en principe . . . selon le libre Magasin arbitre moral que je lui ai donné, afin que, le jour du jugement, chacun soit responsable de ses propres péchés» (D&A 101:77-78). Joseph Smith exprima parfaitement l’attitude des saints vis-à-vis de la Constitution quand il dit: «C’est un étendard glorieux; elle est basée sur la sagesse de Dieu. C’est une bannière Rez-de-chaussée céleste . . . elle est comme un grand arbre sous les branches duquel les hommes de tous les coins de la terre peuvent être protégés des rayons brûlants du soleil22.» K I RT L A N D , Ecole des prophètes C E N T R E D E L’ O E U V R E M I S S I O N N A I R E Siège de l’Eglise, Kirtland fut, au cours de cette période, le centre de l’oeuvre missionnaire. Elle se trouvait près des principales voies de transport et contenait Salle de traduction la plus grosse concentration de membres de l’Eglise. Kirtland fut le point de départ de missions pour le Canada, le Nord-Est, les Etats atlantiques centraux Couloir (New York, New Jersey et Pennsylvanie), le Midwest et le Sud. L’Etat d’Ohio luimême était saturé de missionnaires qui le traversaient en allant vers leur champ de mission ou en en revenant. Souvent ceux qui ne pouvaient faire de mission plus Chambre du valet Chambre du prophète longue ou ceux qui étaient au pays au cours des mois d’hiver rendaient visite aux localités proches. Les missionnaires faisaient habituellement du prosélytisme parmi leurs parents ou dans la localité qu’ils avaient quittée pour émigrer en Ohio. Les missions duraient de quelques jours à un an ou plus, bien que la plupart fussent assez Premier étage Plan du magasin de Newel K. Whitney brèves. Cela se faisait d’une manière rythmique et les missionnaires partaient quelques semaines ou quelques mois prêcher, revenant à Kirtland se reposer et récupérer, puis repartant pour une autre mission23. Souvent, comme ce fut le cas d’Orson Pratt, d’Orson Hyde, d’Erastus Snow, de Brigham Young et d’autres, cette pratique se répéta de nombreuses fois pendant la première décennie de leur vie dans l’Eglise. Avant l’organisation, en 1835, du Collège des Douze et du premier collège des soixante-dix, la direction de l’oeuvre missionnaire reposait sur les collèges locaux de la prêtrise, le grand conseil ou la présidence de l’Eglise. Des efforts furent faits pour améliorer la formation des missionnaires. L’Ecole des prophètes et l’Ecole des anciens jouèrent un rôle clef dans cette formation. A l’Ecole des anciens, Joseph Smith et Sidney Rigdon firent des discours sur la foi, et les missionnaires furent 125 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS encouragés à les apprendre par coeur de manière à pouvoir enseigner les principes de l’Evangile de manière logique et systématique. Une révélation commanda aux frères d’étudier la géographie, la géologie, l’histoire, la prophétie, la culture, la guerre et les langues, tout cela: afin d’être préparés en tout, lorsque le Seigneur les enverrait de nouveau magnifier l’appel auquel il les avait appelés et la mission à laquelle il les avait nommés» (voir D&A 88:80). Bien que le porte-à-porte fût une pratique courante, les missionnaires connaissaient souvent leurs plus grands succès dans les petits groupes, dans les foyers de ceux qui étaient réceptifs. Beaucoup de missionnaires préféraient les réunions publiques. Ils utilisaient tous les espaces disponibles où ils pouvaient prêcher, tels que grange, école, église, maison ou tribunal. Ils parlaient sur les prophéties, le Livre de Mormon, les signes des temps, les dons spirituels, l’Apostasie et le Rétablissement, mais on les exhortait à éviter les mystères de l’Evangile dans leur enseignement. Ordinairement, l’ancien prêchait et ensuite laissait la parole à quiconque désirait réagir à son message. Cette technique mettait le clergé local sur la sellette, parce que s’il gardait le silence, ce serait interprété comme un consentement ou une défaite. C’est pourquoi cela provoquait souvent des discussions ou des débats sur l’Evangile. Le compagnon missionnaire exhortait ensuite l’assemblée à accepter le baptême. Les missionnaires rencontraient souvent le refus, l’hostilité ou l’indifférence. Leur déception était particulièrement douloureuse lorsque l’incrédule était membre de la famille du missionnaire. En 1832, Orson Hyde rendit visite à sa parenté dans l’Etat de New York et au New Hampshire pour lui enseigner l’Evangile. Son frère Asahel ne fut pas touché par le message de l’Evangile, et Orson écrit qu’ils se séparèrent «le coeur plein de chagrin». Trois mois plus tard, il essaya avec sa soeur et son mari, mais eux aussi rejetèrent son message. Il écrit: «Nous prîmes nos affaires et les quittâmes, et des larmes coulèrent abondamment chez tout le monde . . . mais c’était comme si l’on me perçait le coeur; tout ce que je peux dire c’est: ‹Que la volonté du Seigneur soit faite!24›» Le clergé était particulièrement véhément et parfois ingénieux dans son opposition aux missionnaires. En 1835, un diacre baptiste passa par la fenêtre une pétoire et des munitions à un ami qui écoutait un sermon missionnaire par George A. Smith. Frère Smith dit: «L’homme tira sur moi, pendant tout le temps que je prêchais, des pelotes d’étoupe. C’était un très bon tireur, et la plupart des pelotes m’atteignirent à la figure. J’en attrapai plusieurs avec les mains. Beaucoup de gens dans l’auditoire étaient amusés, mais certains faisaient très attention. Je finis mon discours sans faire attention à l’insulte25.» En dépit des harcèlements, ces premiers missionnaires, inspirés par la foi et le témoignage, connurent un succès remarquable. Ils ne se laissaient pas rebuter par des doses constantes d’opposition, de quolibets et de critiques, et l’oeuvre prospéra et se mit à grandir de manière continue et rapide. Le Seigneur n’avait-il pas déclaré que le champ était «déjà mûr pour la moisson»? (D&A 4:4). Les lettres venant de branches éloignées, et qui étaient publiées dans les périodiques de l’Eglise, l’Evening and Morning Star et le Latter-day Saints’ Messenger 126 EVOLUTION DE L’EGLISE EN OHIO, 1831-34 and Advocate, réclamaient souvent à grands cris davantage de missionnaires. Ces publications communiquaient aussi les instructions, les décisions des autorités, les informations sur ce qui se passait dans l’Eglise et des explications d’enseignements de l’Evangile. La plupart des conférences et des réunions, tant à Kirtland que dans les branches éloignées, étaient consacrées à des questions missionnaires. La responsabilité de porter l’Evangile rétabli à la terre entière reçut son premier élan au siège de l’Eglise à Kirtland. Mais au moment même où l’Eglise prospérait en Ohio, des problèmes graves apparaissaient en Sion entre les saints et leurs voisins du comté de Jackson (Missouri). NOTES 1. Dans Conference Report, avr. 1898, p. 57. 2. History of the Church, 1:216. 3. History of the Church, 1:241. 4. Dans History of the Church, 1:261-64. 15. Robert J. Matthews, «A Plainer Translation», Joseph Smith’s Translation of the Bible, A History and Commentary, Provo, Brigham Young University Press, 1975, p. 256; voir aussi pp. 264-65. 5. Voir History of the Church, 1:265. 16. History of the Church, 1:226. 6. History of the Church, 1:269. 17. History of the Church, 1:235. 7. History of the Church, 1:269. 18. Voir History of the Church 2:482-83. 8. Lettre de Joseph Smith à Emma Smith, 6 juin 1832, cité dans Dean C. Jesse, éd., The Personal Writings of Joseph Smith, Salt Lake City, Deseret Book Co., 1984, p. 238. 20. Dans B. H. Roberts, The Missouri Persecutions, Salt Lake City, Bookcraft, 1965, p. 61. 19. Dans History of the Church, 1:267. 9. History of the Church, 1:272. 21. Dans Journal of Discourses,12:158. 10. Voir History of the Church, 1:295. 22. History of the Church, 3:304. 11. Voir Brigham Young, «History of Brigham Young», Millennial Star, 11 juillet 1863, p. 439. 23. Voir Davis Bitton, «Kirtland As a Center of Missionary Activity, 1830-1838», Brigham Young University Studies, été 1971, pp. 499-500. 12. Dans Lydia Knight’s History, Salt Lake City, Juvenile Instructor Office, 1883, pp. 10 13, 23, 101. 13. Cité dans Jesse, Personal Writings of Joseph Smith, pp. 18-19. 14. Voir History of the Church, 1:368. 24. Journal missionnaire d’Orson Hyde, copie dactylographiée, 1832, Brigham Young University, collections spéciales, Provo, pp. 14-15, 31. 25. George A. Smith, «My Journal», Instructor, octobre 1946, pp. 462. 127 CHAPITRE ONZE EXPULSION Ligne du temps DU COMTÉ DE JACKSON L E PROPHÈTE JOSEPH et ceux qui l’accompagnèrent au Missouri pendant l’été 1831 eurent la joie d’apprendre que le comté de Jackson était Date Evénement important Eté 1833 Fonctionnement de l’école des anciens Juill. 1833 «Constitution secrète», distribuée par les citoyens du comté de Jackson 20 juill. 1833 Destruction de l’imprimerie 23 juill. 1833 Six anciens offrent leur vie pour la sécurité des saints 31 oct. 1833 Attaque de la colonie Whitmer par des émeutiers (Missouri). Des conflits insolubles surgirent avec leurs voisins sur plusieurs sujets, 4 nov. 1833 «Jour sanglant» amenant des citoyens à prendre des mesures radicales contre les membres de Nov.-déc. 1833 Expulsion des saints du comté de Jackson l’Eglise. Le conflit commença au cours de l’été et, en novembre, des émeutiers l’emplacement de la Sion des derniers jours. Ils ne se rendaient pas compte que dans les deux ans, les saints seraient chassés de leurs maisons de l’ouest du Missouri. Les membres de l’Eglise n’étaient pas conscients des persécutions qui les attendaient, mais le Seigneur les prévint que la gloire de Sion ne se produirait qu’”après beaucoup de tribulations” (D&A 58:4). L’année 1833 fut une année de tribulations pour les saints du comté de Jackson organisés chassèrent impitoyablement les saints de chez eux et de l’autre côté du fleuve Missouri dans les pires conditions. LE BESOIN DE SE REPENTIR A la fin de 1832, plus de huit cents saints étaient rassemblés dans cinq branches dans le comté de Jackson. De nouvelles personnes arrivaient presque toutes les semaines pour s’y installer. Sept grands prêtres: Oliver Cowdery, William W. Phelps, John Whitmer, Sidney Gilbert, Edward Partridge, Isaac Morley et John Expulsion du comté de Jackson, par C.C.A. Christensen 128 EXPULSION DU COMTÉ DE JACKSON Corrill furent chargés par Joseph Smith de présider les affaires de l’Eglise en croissance rapide en Sion. Ces frères appelèrent d’autres anciens à présider les branches. Mais certains membres essayèrent d’ignorer les dirigeants de l’Eglise au Missouri en ne tenant pas compte de leur autorité de présider; à cause de quoi il fut difficile de mettre certaines des branches en ordre. D’autres «cherchèrent à obtenir des héritages d’une autre manière que selon les lois de la consécration et de l’intendance1». Frère Phelps écrivit une lettre à Joseph Smith à Kirtland concernant ce dilemme et reçut une prompte réponse contenant des instructions révélées. Le Seigneur avertit ceux qui avaient contourné les lois révélées qu’ils n’étaient pas dignes de voir leurs noms «inscrits avec le peuple de Dieu» ou «écrits dans le livre de la loi de Dieu» (D&A 85:3, 5). En tant qu’historien de l’Eglise, John Whitmer fut chargé de tenir note de ceux qui recevaient «légalement» leur héritage de l’évêque Edward Partridge ainsi que de ceux qui apostasièrent plus tard (D&A 85:1-2). D’autres difficultés surgirent en Sion. Des jalousies mesquines, de la convoitise, de la légèreté d’esprit, de l’incrédulité et une négligence générale à garder les commandements de Dieu furent portées à l’attention du prophète. Certaines personnes en Sion accusèrent même Joseph Smith de «rechercher un pouvoir et une autorité monarchiques» et dirent qu’il retardait à dessein son installation en Sion2. Le prophète répondit par écrit dans un esprit de paix et envoya un exemplaire de la «feuille d’olivier» (D&A 88): «Bien que nos frères en Sion se laissent aller, à notre égard, à des sentiments qui ne sont pas conformes aux exigences de la nouvelle alliance, nous avons néanmoins la satisfaction de savoir que le Seigneur nous approuve, nous a acceptés et a établi son nom à Kirtland pour le salut des nations; . . . si on ne veut pas se purifier, il cherchera un autre peuple . . . Repentezvous, repentez-vous, c’est la voix de Dieu s’adressant à Sion3.» En même temps, un conseil à Kirtland chargeait Hyrum Smith et Orson Hyde d’écrire une lettre de réprimande à l’Eglise du Missouri. La lettre contenait un avertissement sévère: «Repentez-vous, repentez-vous, sinon Sion devra souffrir, car le fléau et le jugement s’abattront sur elle». Elle suppliait ensuite les saints de lire les Ecritures, de leur obéir et de s’humilier devant Dieu. «Ils ne sont pas montés en Sion pour s’asseoir dans l’oisiveté, négligeant les choses de Dieu, mais ils doivent être diligents et fidèles à obéir à la nouvelle alliance4.» Après la réception de la révélation de la feuille d’olivier, un conseil de grands prêtres se réunit le 26 février 1833 et demanda l’organisation d’assemblées solennelles dans chacune des branches (voir D&A 88:70). David Pettigrew écrit dans son journal que l’évêque Partridge les désigna «comme un jour de confession et de repentir5». Les frères Oliver Cowdery, William W. Phelps et John Corrill écrivirent aussi aux autorités de Kirtland au nom des saints de Sion, exprimant leur désir de garder à l’avenir les commandements6. Ce nouvel esprit fut agréable au Seigneur qui révéla au prophète que «les anges se réjouissent» des saints du Missouri (D&A 90:34). 129 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS DES P E R S P E C T I V E S D ’ AV E N I R O P T I M I S T E S La migration de nouveaux saints au Missouri au printemps et au début de l’été de 1833 dépassa ceux de la saison précédente. Parley P. Pratt raconte que les nouveaux arrivants achetaient des terres, construisaient des maisons et cultivaient le sol, et «la paix et l’abondance avaient couronné leurs efforts, le désert devenait un champ fertile, et la solitude commençait à bourgeonner et à fleurir comme un narcisse». Les saints se rassemblaient tous les dimanches dans leurs branches pour adorer. L’entente régnait parmi eux pendant ces premiers jours de juin. Parley dit: «Rarement on a vu de peuple plus heureux sur la terre que l’était alors l’Eglise des saints7.» Au cours de l’été, une école pour les anciens fut organisée en Sion sur le modèle de l’école des prophètes de Kirtland. Parley P. Pratt fut appelé à présider et à instruire un groupe d’environ soixante anciens, qui se réunissaient sous des Monument à l’école en Sion à Troost Park à Kansas City (Missouri). Il fut consacré le 14 septembre 1963 par Joseph Fielding Smith. Le monument commémore l’emplacement de l’école en Sion établie par l’Eglise en 1831 dans le township (arrondissement) de Kaw, et la première école construite sur le territoire de Kansas City. Edward Partridge acheta, le 19 décembre 1831, 2,54 hectares à John Hoy Flournoy. Ce terrain comprenait celui qui avait été précédemment consacré comme emplacement du temple. Le 25 juin 1833, le prophète envoya ce plan aux frères du Missouri. Il a 2,6 km2, chaque carré représentant quatre hectares8. 130 EXPULSION DU COMTÉ DE JACKSON bouquets d’arbres ombrageux. Frère Pratt écrit avec attendrissement: «De grandes bénédictions furent déversées ici, et beaucoup de choses grandes et merveilleuses furent manifestées et enseignées. Le Seigneur me donna une grand sagesse et me permit d’instruire et d’édifier les anciens9.» Certains des frères eurent, lors de ces réunions, le don des langues. Entre-temps, W. W. Phelps continuait à préparer la publication du Livre des Commandements, et il publiait également l’Evening and Morning Star, qui paraissait mensuellement. Vers la fin de juin 1833, le prophète envoya aux saints du Missouri un plan pour la construction de la ville de Sion et son temple. La ville était conçue pour quinze mille à vingt mille personnes et devait avoir 2,6 kilomètres carrés avec des pâtés de maison de quatre hectares divisés en lots de vingt ares, une maison par lot. Un complexe de vingt-quatre temples devait être construit, et ceux-ci devaient être utilisés comme maisons de culte. Les écoles devaient se trouver sur deux des lots centraux de la ville. Les terres situées au nord et au sud de la ville devaient être utilisées pour les granges, les étables et les fermes. Le fermier, ainsi que le marchand et le mécanicien, devaient vivre en ville pour bénéficier de tous les avantages sociaux, culturels et éducatifs10. Malheureusement, l’ingérence des émeutiers empêcha la mise en oeuvre de ce plan, dont une bonne partie des idées de base allait néanmoins être utilisée plus tard par les saints des derniers jours dans le nord du Missouri, à Nauvoo (Illinois) et dans des centaines d’autres colonies de l’Ouest. CAUSES DU CONFLIT DANS LE COMTÉ DE JACKSON La situation positive et favorable des saints dans le comté de Jackson prit soudainement fin en juillet 1833. Les habitants originels de la région devinrent de plus en plus soupçonneux en voyant le nombre des membres de l’Eglise du comté de Jackson augmenter rapidement. Beaucoup de personnes craignaient d’être bientôt écrasées par le nombre des nouveaux pèlerins venus de l’Est pour des motifs religieux. Les «vieux colons» appartenaient à un milieu différent de celui des arrivants, et il était naturel qu’il surgisse des différends culturels, politiques, religieux et économiques. Les résidents du comté de Jackson étaient des gens rudes et expéditifs qui venaient des régions montagneuses de plusieurs Etats du Sud et s’étaient installés à l’extrémité occidentale des Etats-Unis pour être libres des contraintes de la société. La plupart d’entre eux n’avaient pas l’instruction ni le raffinement culturel qui était plus courant en Nouvelle-Angleterre et dans l’Est. Beaucoup d’entre eux étaient grossiers, enfreignaient le sabbat, se livraient aux courses de chevaux, aux combats de coq, à l’oisiveté, à l’ivrognerie, au jeu et à la violence. Après sa première visite au comté de Jackson, Joseph Smith commenta: «Comme il [était] courant d’observer la dégradation, le manque d’intelligence, la férocité et la jalousie d’un peuple qui était en retard de près d’un siècle et de compatir pour ceux qui erraient sans profiter de la civilisation, du raffinement ou de la religion11.» Les vieux colons considéraient la population croissante des saints comme une menace politique, en dépit du fait que les membres de l’Eglise ne se portèrent pas 131 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS candidats ni ne votèrent en bloc pendant leur court séjour dans le comté de Jackson. En juillet 1833, la population mormone du comté s’élevait à près de douze cents personnes, et il en arrivait davantage chaque mois. Certains membres se vantaient de ce que des milliers d’autres arrivaient pour vivre dans le comté. «Un simple calcul montrait que quelques centaines de mormons supplémentaires pouvaient arracher le contrôle politique à ceux qui avaient créé la ville et le comté12.» Les citoyens locaux éprouvaient naturellement de l’appréhension à l’égard d’un zèle religieux qui prédisait que tous les «Gentils» (non-mormons) seraient retranchés lorsque le royaume millénaire serait établi dans le comté de Jackson. Les pasteurs protestants voyaient aussi d’un mauvais oeil l’intrusion des mormons dans le comté. Les saints des derniers jours furent qualifiés de fanatiques et de bandits et furent dénoncés comme crédules et ignorants parce qu’ils croyaient aux miracles, aux prophéties, aux guérisons et au don des langues et que ceux-ci se produisaient souvent parmi eux. La jalousie et la crainte de perdre des membres de leur troupeau augmentèrent l’antagonisme des pasteurs. Le révérend Finis Ewing, de l’Eglise presbytérienne de Cumberland, affirma: «Les ‹mormons› sont les ennemis communs de l’humanité et doivent être détruits.» Un pasteur de la Société missionnaire (envoyé christianiser les Indiens américains) alla «de maison en maison, cherchant à détruire l’Eglise en colportant des diffamations pour inciter la population à des actes de violence contre les saints13». Les pistes de Santa Fe et de l’Orégon commençaient toutes les deux à Independence (Missouri). C’est là que l’on équipait pour l’expédition vers l’Ouest les trappeurs, les pionniers et les aventuriers de toutes sortes. En outre, les marchands et commerçants mormons réussirent à prendre en main une partie du commerce lucratif de la piste de Santa Fe précédemment dominé par les Missouriens. Certains des vieux colons craignaient que les membres de l’Eglise ne fussent décidés à s’emparer de leurs terres et de leurs entreprises. En outre, les saints «n’achetaient pas de marchandises auprès des marchands locaux, puisqu’ils n’avaient pas d’argent, mais faisaient des échanges entre eux au magasin de l’Eglise . . . Certains des vieux colons vendaient leurs biens aux mormons et déménageaient. Cela voulait dire de moins en moins de clients dans le magasin et une ruine financière future» pour les vieux colons restants. Pour compliquer les choses, au printemps 1833, le Missouri sortit de son lit, détruisit l’embarcadère d’Independence et éloigna son lit de la localité. Une nouvelle ville, Westport, avec un meilleur embarquement, fut créée plus loin en amont, et le commerce à Independence déclina. Les hommes d’affaires d’Independence en imputèrent la faute aux mormons14. Prévoyant ce que l’avenir allait leur réserver, certains des vieux colons se proposèrent de vendre tous leurs biens aux saints. Les membres de l’Eglise voulaient acheter les fermes et les possessions mais n’avaient pas assez de capitaux pour le faire. Cela exaspéra les Missouriens, et ils ne tardèrent pas à faire circuler des histoires sur la pauvreté des mormons. Les Missouriens de la frontière craignaient et haïssaient les Indiens. Leur antipathie augmenta dans les années 1830 lorsque le gouvernement commença à déplacer les tribus de l’Est sur des terres situées juste à l’ouest d’Independence. Après la guerre de Black Hawk de 1832, les citoyens de l’ouest du Missouri 132 EXPULSION DU COMTÉ DE JACKSON envoyèrent une pétition au Congrès pour qu’il crée une ligne de postes militaires afin de les protéger. Les premiers missionnaires mormons arrivèrent dans cette atmosphère tendue, annonçant la destinée prophétique des Amérindiens. Les vieux colons craignaient que les saints n’utilisent les Indiens pour conquérir la région pour leur nouvelle Jérusalem. Les choses étaient encore rendues plus compliquées par les pasteurs protestants qui étaient jaloux des efforts missionnaires des saints des derniers jours parmi les Indiens. Le conflit entre les saints et les colons atteignit son paroxysme sur la question des esclaves. Le Missouri était entré dans l’Union comme Etat esclavagiste en vertu du célèbre compromis de 1820. Toutefois, la détention d’esclaves était limitée. Les vieux colons tenaient à leur droit de détenir des esclaves et méprisaient l’abolitionnisme. Certains des saints venaient du nord et de l’est avec leurs sentiments abolitionnistes, et tout le sud craignait à l’époque une rébellion des Noirs. En 1831, le soulèvement des esclaves de Nat Turner en Virginie avait eu pour résultat la mort de plus de soixante-dix Blancs et de cent esclaves. Une crainte irrationnelle des rébellions s’empara des Etats esclavagistes. C’est pourquoi les Missouriens furent violemment excités au début de 1832 lorsque circulèrent des rumeurs selon lesquelles les saints essayaient de persuader les esclaves de désobéir à leurs maîtres ou de s’enfuir. Pour étouffer ces rumeurs, l’Evening and Morning Star de juillet 1833 passa un article mettant en garde les missionnaires contre le prosélytisme auprès des esclaves et d’anciens esclaves connus comme «gens de couleur libres». Malheureusement les Missouriens locaux se méprirent sur ce conseil, pensant qu’il voulait dire que frère Phelps invitait les Noirs libres à se joindre aux mormons au comté de Jackson. L’article provoqua une telle fureur que Phelps publia un «supplément» expliquant que l’Eglise n’avait pas l’intention d’inviter les Noirs libres à venir au Missouri, mais cette dénégation ne servit à rien. Au cours de l’été de 1833, les nombreux différends entre les saints et les vieux colons s’accumulèrent pour paver la voie à la violence. Une atmosphère d’émeute se développait depuis avril; au début de juillet des centaines de personnes, y compris des citoyens éminents, signèrent un manifeste connu sous le nom de «constitution secrète», dénonçant les mormons et convoquant une réunion le 20 juillet. Le manifeste accusait les mormons de toucher aux esclaves, d’encourager la rébellion et d’inviter les Noirs et les mulâtres libres à devenir membres de l’Eglise et à émigrer au Missouri. Il déclarait l’intention des signataires d’expulser les mormons «d’une manière pacifique [s’ils le pouvaient], de force [s’ils le devaient]15». LES ÉMEUTIERS MENACENT LES SAINTS Le samedi 20 juillet, quatre à cinq cents citoyens mécontents se réunirent au tribunal d’Independence. Ils choisirent des officiers et un comité pour rédiger un document formulant leurs exigences à l’égard des mormons. Les officiers et les membres du comité comptaient parmi les principaux citoyens du comté de Jackson: «C’étaient essentiellement les mandataires publics du comté: le juge du 133 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Fuite des mormons du comté de Jackson (Missouri), par C.C.A. Christensen comté, les policiers, les greffiers du tribunal et les juges de paix16.» Lilburn W. Boggs, gouverneur-adjoint du Missouri, résident et gros propriétaire terrien du comté, assistait aussi à la réunion et encouragea l’activité antimormone. La «constitution secrète» fut lue à la réunion, et le comité rédigea l’ultimatum qu’aucun saint des derniers jours ne serait autorisé à entrer dans le comté de Jackson ou à s’y installer, et que ceux qui y étaient déjà devaient s’engager à partir dans un délai raisonnable. Le journal de l’Eglise devait également cesser de paraître. Un comité de douze personnes fut chargé de présenter ces exigences aux saints. Les frères, surpris par l’exigence et se rendant compte qu’ils ne devaient pas abandonner Sion, demandèrent trois mois pour réfléchir à la proposition et consulter les dirigeants de l’Eglise en Ohio. Cela leur fut refusé. Ils demandèrent dix jours, et le comité ne leur laissa que quinze minutes et retourna à la réunion au tribunal. La réunion se transforma rapidement en une troupe d’émeutiers qui décida de détruire l’imprimerie et la presse. Ils entourèrent l’imprimerie et la maison de W. W. Phelps, jetèrent le mobilier dans la rue et le jardin, brisèrent la presse et l’emportèrent, dispersèrent les caractères et détruisirent pratiquement tout ce qui avait été imprimé, notamment la plus grande partie des feuilles non reliées du Livre des Commandements. Ils rasèrent ensuite l’imprimerie, bâtiment d’un étage. Ensuite, ils décidèrent de détruire les marchandises du magasin de Gilbert and Whitney. Ce ne fut que lorsque Sidney Gilbert promit d’emballer les marchandises dans les trois jours qu’ils se laissèrent dissuader. Avec des jurons bruyants, les émeutiers partirent ensuite à la recherche des frères dirigeants de l’Eglise. Hommes, femmes et enfants s’enfuirent dans toutes les directions. Les émeutiers sortirent l’évêque Edward Partridge de sa maison et le traînèrent jusqu’à la place publique. Charles Allen, converti de vingt-sept ans, venu de Pennsylvanie, fut également emmené sur la place publique. Les émeutiers 134 EXPULSION DU COMTÉ DE JACKSON exigèrent d’eux qu’ils renient le Livre de Mormon, sinon ils devraient quitter le comté. Les deux hommes refusèrent de faire l’un et l’autre, de sorte que les émeutiers préparèrent du goudron et des plumes. L’évêque Partridge déclara calmement qu’il était disposé à souffrir pour le Christ, comme l’avaient fait les saints des temps passés. Les deux hommes subirent la cruelle humiliation du goudron et des plumes avec tant de résignation et d’humilité que la foule, qui n’avait cessé de crier des jurons grossiers, se dispersa en silence17. Un petit nombre d’exemplaires du Livre des Commandements, qui contenait les révélations reçues par Joseph Smith, le prophète, furent providentiellement préservés. Deux soeurs, Mary Elizabeth et Caroline Rollins, âgées de quatorze et de douze ans, virent les émeutiers lancer les grandes feuilles non reliées sur le sol à l’extérieur de l’imprimerie. Décidées à sauver quelques-uns des exemplaires, les jeunes filles saisirent toutes les feuilles qu’elles pouvaient emporter dans leurs bras et s’enfuirent derrière le bâtiment. Des émeutiers leur crièrent de s’arrêter, mais les En 1828, à l’âge de dix ans, Mary Elizabeth Rollins s’installa avec sa famille à Kirtland. Elle fut baptisée en octobre 1830 après avoir entendu le témoignage d’Oliver Cowdery, de Peter Whitmer et de Ziba Peterson. En août 1835, elle épousa Adam Lightner, et ils eurent dix enfants. Elle décéda à Minersville (Utah) le 17 décembre 1913, à l’âge de quatre-vingt-quinze ans. jeunes filles s’échappèrent par une ouverture dans une clôture de bois et s’enfuirent dans un champ de maïs. Elles entendirent longtemps les hommes les chercher tandis qu’elles restaient silencieusement couchées par terre. Lorsque les émeutiers furent partis, Mary et Caroline allèrent trouver soeur Phelps et sa famille cachées dans une vieille étable. Soeur Phelps prit en charge les feuilles et, plus tard, les quelques exemplaires préservés furent reliés. Chacune des filles reçut un exemplaire du Livre des Commandements, qu’elle chérit tout le reste de sa vie. Un jeune homme de vingt ans, appelé John Taylor (pas le futur président de l’Eglise), risqua sa vie en passant le bras entre les rondins de l’imprimerie pour récupérer quelques feuilles, et il échappa également par miracle aux émeutiers qui essayaient de le lapider18. Les émeutiers apparurent de nouveau le 23 juillet avec des fusils, des pistolets, des fouets et des bâtons. Ils cherchèrent en jurant les dirigeants de l’Eglise. Ils mirent le feu à des meules de foin et à des champs de céréales et détruisirent plusieurs maisons, granges et magasins. Ils se trouvèrent finalement face à six dirigeants de l’Eglise qui, voyant les biens et la vie des saints mis en danger, offrirent leur vie en rançon. L’Eglise révère leurs noms: Edward Partridge, Isaac Morley, John Corrill, John Whitmer, W. W. Phelps et Sidney Gilbert. Rejetant cette offre, les dirigeants des émeutiers menacèrent de fouetter tous les hommes, femmes et enfants s’ils ne consentaient pas à quitter le pays. Sous la contrainte, les frères signèrent un accord de quitter le comté, les dirigeants pour le 1er janvier 1834 et les membres de l’Eglise eux-mêmes pour le 1er avril. John Corrill et Sidney Gilbert furent autorisés à rester comme agents pour vendre les biens des saints. Corrill écrivit que jusqu’alors les membres de l’Eglise «n’avaient même pas levé le petit doigt, même pour se défendre, tellement ils étaient tenaces à respecter le précepte de l’Evangile: ‹Tendez l’autre joue19›». DEMANDE D E R É PA R AT I O N S Après la signature de l’accord, Oliver Cowdery fut envoyé en Ohio conférer avec les autorités de l’Eglise sur le triste sort des saints du Missouri. Un conseil se 135 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS réunit le 21 août à Kirtland et envoya Orson Hyde et John Gould au comté de Jackson comme messagers spéciaux. Ils dirent aux saints de ne pas vendre leurs terres ni leurs biens ni de quitter le comté s’ils n’avaient pas signé expressément l’accord de le faire. Ce message n’arriva dans l’ouest du Missouri que le 28 septembre. Entre-temps, quelques membres de l’Eglise tentèrent de s’installer dans le comté de Van Buren, mais les citoyens de là-bas rédigèrent également un accord de chasser les mormons, de sorte qu’ils retournèrent d’où ils étaient venus. Pendant tout l’été, les émeutiers s’introduisirent quotidiennement dans les maisons des mormons et continuèrent à user de violence vis-à-vis des habitants mormons du comté de Jackson, alors même qu’ils avaient accepté de s’abstenir de harceler les saints. En août, le Western Monitor, journal de Fayette (Missouri) publia une série d’articles condamnant le comportement des émeutiers dans le comté de Jackson et Isaac Morley (1786-1865) fut, pendant neuf ans, premier conseiller de l’évêque Edward Partridge. Pendant les dix dernières années de sa vie, il fut patriarche dans le comté de Sanpete (Utah). suggérant que les saints demandent réparation auprès des autorités de l’Etat pour les dommages qu’ils avaient subis. A la suite de cela, les dirigeants de l’Eglise rédigèrent une pétition détaillant leurs griefs et contestant les fausses accusations des vieux colons du comté de Jackson: «Influencés par les préceptes de notre Sauveur bien-aimé, lorsque nous avons été frappés sur une joue, nous avons aussi présenté l’autre . . . Nous avons supporté les outrages ci-dessus sans murmurer; mais nous ne pouvons plus les supporter patiemment; selon les lois de Dieu et des hommes, nous en avons supporté assez20.» Au début d’octobre, W. W. Phelps et Orson Hyde, représentants de l’Eglise pour l’Ohio, se rendirent à Jefferson City, capitale de l’Etat, et présentèrent la pétition au gouverneur Daniel Dunklin. Ils lui demandèrent de lever des troupes pour les défendre dans leurs droits, de leur donner la permission d’aller en justice demander réparation pour les biens endommagés et perdus et de faire comparaître les émeutiers devant les tribunaux. Après quelques jours de consultations avec l’attorney general, le gouverneur répondit qu’il avait le sentiment qu’il ne serait pas nécessaire de faire usage de la force pour faire appliquer la loi. Il conseilla aux représentants de l’Eglise de demander réparation et protection en vertu des lois en adressant une pétition au juge de circuit et aux juges de paix du comté de Jackson. Il promit que si cet effort ne donnait pas le résultat escompté, il utiliserait d’autres moyens pour faire appliquer la loi21. Son conseil se révéla inefficace. Samuel D. Lucas, juge du comté de Jackson, et deux des juges de paix du comté étaient parmi ceux qui essayaient de chasser les mormons. Néanmoins, suivant les instructions du gouverneur, les dirigeants de l’Eglise prirent quatre avocats éminents dans le comté de Clay. Ces hommes de loi devinrent amis des saints et les défendirent contre leurs oppresseurs pendant tout le reste de la décennie au Missouri. Deux d’entre eux, Alexander Doniphan et David Atchison, devinrent des hommes éminents au niveau de l’Etat et des EtatsUnis entre 1845 et 1865. Outre qu’ils demandèrent réparation à la justice, les dirigeants de l’Eglise mirent fin à la politique de résistance passive et conseillèrent aux membres de s’armer 136 EXPULSION DU COMTÉ DE JACKSON pour défendre leurs familles et leurs foyers. Une délégation envoyée au comté de Clay acheta de la poudre et du plomb et les dirigeants de l’Eglise annoncèrent, le 20 octobre 1833, leur intention de se défendre contre toute attaque physique. LES SAINTS EXPULSÉS DU COMTÉ DE JACKSON Quand les vieux colons virent que les saints avaient l’intention de se défendre, ils renouvelèrent leurs actes de violence et firent circuler des rumeurs concernant le blasphème que constituait la doctrine des mormons et leur prétendue intention de prendre possession du comté de Jackson par la force. Dans la semaine, l’humeur dans le comté avait atteint son paroxysme. La nuit du jeudi 31 octobre, une cinquantaine d’émeutiers à cheval s’attaquèrent à la colonie Whitmer sur la Big Blue River, à l’ouest d’Independence. Ils arrachèrent les toits à treize maisons et fouettèrent presque à mort plusieurs hommes, dont Hiram Page, un des huit témoins du Livre de Mormon. Ces déprédations continuèrent pendant les deux nuits qui suivirent à Independence, dans l’arrondissement de Blue, celui de Kaw et de nouveau dans la colonie Whitmer. Les hommes furent battus, les femmes et les enfants furent terrorisés. Lorsque les dirigeants de l’Eglise se trouvèrent dans l’impossibilité d’obtenir un mandat contre les assaillants, les anciens postèrent des gardes à chacune des colonies pour se défendre. Tous les habitants du comté de Jackson n’étaient pas contre les saints. Certains de ceux qui étaient amicaux à l’égard des membres de l’Eglise n’avaient aucune sympathie pour les émeutiers ni pour leur comportement illégal. Malheureusement, ces sympathisants firent peu de chose pour empêcher les violences infligées aux nouveaux venus. Le lundi 4 novembre devint le «jour sanglant» du conflit. Plusieurs Missouriens s’emparèrent d’un bac mormon sur la Big Blue River, et en peu de temps trente à quarante hommes armés de part et d’autre s’affrontèrent dans les champs de maïs. Les émeutiers furent les premiers à tirer, blessant Philo Dibble à l’estomac, mais il fut miraculeusement guéri par une bénédiction de prêtrise donnée par Newel Knight. Andrew Barber fut mortellement blessé. Les mormons ouvrirent le feu à leur tour et tuèrent deux Missouriens et quelques chevaux. Le même jour, plusieurs dirigeants de l’Eglise avaient été arrêtés à Independence et conduits devant le tribunal. Tandis que le procès était en cours au tribunal, une information mensongère concernant la bataille arriva en ville accusant les mormons d’être entrés dans la maison d’un citoyen et d’avoir tué son fils. Cela rendit la foule furieuse, et elle menaça de tuer les prisonniers. Ceux-ci furent toutefois rapidement conduits à la prison et enfermés par mesure de sécurité. Pendant toute la nuit, les citoyens rassemblèrent des armes et des munitions en vue du massacre général des saints le lendemain. La rumeur circulait aussi que les mormons allaient amener des Indiens pour combattre avec eux. Entre-temps, les prisonniers, apprenant en prison ces préparatifs, informèrent le shérif qu’ils avaient l’intention de quitter le comté et d’exhorter tous les membres de l’Eglise à faire de même. A l’instigation du gouverneur-adjoint Boggs, une unité de la milice de l’Etat, sous le commandement d’un antimormon déclaré, le colonel Thomas Pitcher, fut 137 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS envoyée chasser les mormons du comté. Entre-temps, Lyman Wight, apprenant que des dirigeants de l’Eglise avaient été emprisonnés, rassembla quelque deux cents frères armés et marcha sur la prison. A environ un kilomètre et demi à l’extérieur d’Independence, ils apprirent que la milice allait intervenir. Boggs négocia un accord selon lequel les deux camps rendraient les armes et les saints quitteraient le comté dans les dix jours. Les saints remirent leurs armes, étant entendu que celles-ci leur seraient rendues une fois qu’ils seraient au comté de Clay. Mais la milice conserva ses armes et les saints ne revirent jamais les leurs. Fidèles à leur promesse, dès qu’ils furent libérés, les prisonniers firent des plans pour que les saints se retirent promptement de l’autre côté du fleuve Missouri. Mais un certain nombre de pillards parcoururent la campagne pendant les trois jours qui suivirent, harcelant les colons mormons, dont un groupe d’environ cent trente femmes et enfants qui avaient été laissés seuls pendant que les hommes essayaient de se procurer des chariots. Deux femmes au moins moururent pendant que les saints fuyaient le comté. Les rives du Missouri près du bac étaient bordées de réfugiés des deux côtés. Certains eurent la chance d’échapper avec leurs meubles, mais beaucoup perdirent tout. Parley P. Pratt écrit: «Quand la nuit se referma de nouveau sur nous, les bords du fleuve ressemblaient à un terrain de camping. Dans toutes les directions, on voyait des centaines de personnes, certaines dans des tentes, d’autres à l’air libre, autour de leurs feux, tandis que la pluie tombait à torrents. Des maris demandaient leurs femmes, des femmes leurs maris; des parents demandaient leurs enfants, des enfants leurs parents . . . La scène était indescriptible et aurait, j’en suis sûr, attendri le coeur de n’importe qui sur terre, sauf celui de nos oppresseurs aveugles22.» Les émeutiers du comté de Jackson continuèrent à tourmenter les quelques membres de l’Eglise restants jusqu’à ce que tous eussent été chassés du comté. Lyman Wight écrit: «J’ai vu cent quatre-vingt-dix femmes et enfants chassés sur cinquante kilomètres à travers la prairie, n’ayant parmi eux que trois hommes décrépits, au mois de novembre, le sol couvert d’une légère croûte de verglas; et j’aurais pu facilement les suivre à la trace à cause du sang qui coulait de leurs pieds lacérés sur le chaume de la prairie brûlée!23» Au début du printemps 1834, les Missouriens furent informés de l’approche de mormons venus de l’Ohio et brûlèrent les maisons restantes appartenant aux saints pour essayer de décourager toute velléité de retour des exilés. RÉPERCUSSIONS D E L’ E X P U L S I O N La plupart des saints exilés trouvèrent un logement temporaire dans le comté de Clay, et un petit nombre cherchèrent refuge dans d’autres comtés voisins. Les citoyens de Liberty, siège du comté de Clay, proposèrent charitablement un abri, du travail et des provisions. Les réfugiés s’installèrent dans des cabanes pour esclaves abandonnées, construisirent des huttes grossières, dressèrent la tente et vécurent d’une maigre pitance jusqu’à l’arrivée du printemps. Certains hommes trouvèrent du travail à fendre du bois, construire des maisons et à débroussailler. 138 EXPULSION DU COMTÉ DE JACKSON Plusieurs soeurs travaillèrent dans le ménage de fermiers aisés tandis que d’autres enseignaient à l’école. Au printemps, certains purent louer des terres et ensemencer. Si la plupart des citoyens du comté de Clay étaient amicaux, ils considéraient l’installation des saints parmi eux comme temporaire seulement. Les éléments hostiles du comté de Jackson surnommèrent ces sympathisants «Jack Mormons», terme appliqué au dix-neuvième siècle aux non-mormons amicaux. Entre-temps, Joseph Smith suivait de Kirtland les événements qui se passaient dans l’ouest du Missouri. En apprenant ce qui était arrivé en juillet, il écrivait à l’Eglise de Sion: «Mes frères, si j’étais avec vous, je prendrais une part active à vos souffrances; bien que la nature recule devant cette épreuve, néanmoins mon esprit ne me permettrait pas de vous abandonner, dussé-je en mourir. Ainsi m’aide Dieu24.» En octobre 1833, le Seigneur révéla à Joseph: «Sion sera rachetée bien qu’elle soit châtiée pour un peu de temps . . . Que votre coeur se console, car tout concourra au bien de ceux qui marchent en droiture et pour la sanctification de l’Eglise» (D&A 100:13, 15). Les frères Hyde et Gould, émissaires de Kirtland au Missouri, retournèrent le 25 novembre en Ohio avec «la triste nouvelle que les émeutiers du comté de Jackson persécutaient les frères25». Cela fut un sujet de profonde détresse pour le prophète. Il écrit: «Je n’ai aucune information de l’Esprit qui me dise que Sion ait perdu ses droits à une couronne céleste, en dépit du fait que le Seigneur ait fait en sorte qu’elle soit ainsi affligée . . . Je sais qu’au moment prévu par le Seigneur, Sion sera rachetée; mais combien seront les jours de sa purification, de ses tribulations et de ses afflictions, le Seigneur l’a caché à mes yeux; quand je l’interroge à ce sujet, la voix du Seigneur me dit: Sois calme et sache que je suis Dieu! Tous ceux qui souffrent pour mon nom régneront avec moi, et celui qui donne sa vie pour moi la retrouvera26.» Quelques jours plus tard, le Seigneur expliqua que les saints du Missouri connaissaient des afflictions «à cause de leurs transgressions . . . Il y avait parmi eux des querelles et des disputes, des envies, des luttes et des désirs voluptueux et cupides. Ils ont donc souillé par là leur héritage»( D&A 101:2, 6). Les saints du Missouri se demandaient s’ils devaient créer des colonies permanentes ou temporaires dans le comté de Clay, étant donné qu’ils n’avaient guère d’espoir de retourner dans leurs foyers du comté de Jackson. Lors d’une conférence tenue le 1er janvier 1834, ils décidèrent d’envoyer deux anciens à Kirtland pour tenir conseil avec le prophète et prendre des dispositions pour apporter des secours aux saints du Missouri. Lyman Wight et Parley P. Pratt se portèrent volontaires. Toutefois les moyens nécessaires pour le voyage leur manquaient. Parley écrit: «J’étais à l’époque totalement dépourvu des vêtements nécessaires pour le voyage; et je n’avais ni cheval, ni selle, ni bride, ni argent, ni provisions à emporter ou à laisser à ma femme, qui était la plupart du temps malade et incapable de s’occuper d’elle-même27.» Ces nobles frères furent équipés grâce à l’aide d’autres membres. Ils se mirent en route à cheval aussi rapidement que possible, mais un temps inclément retarda leur arrivée jusqu’au début du printemps. 139 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Tandis qu’ils attendaient les instructions de leur prophète, les dirigeants de l’Eglise du Missouri demandèrent réparation à la législature de l’Etat du Missouri. Une commission d’enquête réunie en décembre à Liberty réclama l’arrestation du colonel Thomas Pitcher de la milice de l’Etat. Mais il devint bientôt clair que l’opinion publique du comté de Jackson était tellement montée contre les saints que des poursuites judiciaires étaient impossibles. Les dirigeants de l’Eglise décidèrent d’abandonner cette entreprise. Le gouverneur Dunklin ordonna que les armes des membres de l’Eglise leur soient rendues, mais son ordre ne fut pas exécuté. Les saints maintenaient constamment la question des torts qu’ils avaient subis devant les autorités de l’Etat. En même temps, ils en appelèrent à Andrew Jackson, président des Etats-Unis, et inclurent dans leur pétition la réponse du gouverneur Dunklin à la pétition qu’ils lui avait adressée. Le gouverneur prétendait que la loi ne l’autorisait pas à entretenir une force militaire dans le comté de Jackson pour protéger les mormons après leur retour chez eux. Les saints demandèrent au président de les ramener chez eux et dans leurs possessions et d’assurer leur protection. Malheureusement cette demande arriva pendant un des grands débats de l’histoire américaine sur la question des droits souverains des Etats. L’estimation générale en Amérique était que le gouvernement fédéral n’avait pas l’autorité d’intervenir dans les affaires internes d’un Etat, comme ce qui se passait dans le comté de Jackson, si le gouverneur ne déclarait pas l’état d’insurrection. En mai 1834, le gouvernement fédéral rejeta la demande des saints, arguant que les infractions mentionnées étaient des violations de la loi de l’Etat et non des lois fédérales. Entre-temps le gouverneur Dunklin hésitait aussi à passer à l’action. Les hommes de loi défendant l’Eglise soutinrent le cas des saints devant la législature de l’Etat, mais celle-ci refusa également son aide. Juillet 1833 à juillet 1834 fut une période de «feu du fondeur» pour les saints des derniers jours dans l’ouest du Missouri. Les membres de l’Eglise, partout aux Etats-Unis, furent profondément déçus de ce que le pays de Sion devait être abandonné. Le seul recours était d’attendre patiemment que le Seigneur apporte la délivrance et donne des directives. NOTES 1. B. H. Roberts, The Missouri Persecutions, Salt Lake City, Bookcraft, 1965, p. 61. 2. History of the Church, 1:318-19. 3.History of the Church, 1:316. 4. History of the Church, 1:320. 5. Dans Donald Q. Cannon et Lyndon W. Cook, éd., Far West Record: Minutes of The Church of Jesus Christ of Latter-day Saints, 1830-1844, Salt Lake City, Deseret Book Co., 1983, p. 61n; voir aussi History of the Church, 1:327. 6. Voir History of the Church, 1:327; Roberts, Missouri Persecutions, p. 68. 140 7. Parley P. Pratt, éd., Autobiography of Parley P. Pratt, série Classics in Mormon Literature, Salt Lake City, Deseret Book Co., 1985, p. 75; voir aussi «The Season», The Evening and the Morning Star, juin 1833, p. 102. 8. On trouvera des renseignements détaillés sur le plan dans History of the Church, 1:35759. 9. Pratt, Autobiography of Parley P. Pratt, pp. 75-76. 10. Voir History of the Church, 1:357-58. 11. History of the Church, 1:189. EXPULSION DU COMTÉ DE JACKSON 12. T. Edgar Lyon, «Independence, Missouri, and the Mormons, 1827-1833», Brigham Young University Studies, automne 1972, p. 17. 19. John Corrill, A Brief History of the Church of Christ of Latter Day Saints, St-Louis, John Corrill, 1839, p. 19. 13. Dans Roberts, Missouri Persecutions, pp. 73-74. 21. Voir History of the Church, 1:423-24. 14. Lyon, «Independence, Missouri, and the Mormons», pp. 17-18. 15. History of the Church, 1:374. 16. Roberts, Missouri Persecutions, p. 87. 17. Voir Roberts, Missouri Persecutions, pp. 84-86. 18. Voir Gerry Avant, «Book’s History: A Tale of Mobs, Heroic Rescues», Church News, 30 déc. 1984, p. 6. 20. History of the Church, 1:414-15. 22. Pratt, Autobiography of Parley P. Pratt, p. 82. 23. Dans History of the Church, 3:439. 24. Dans Dean C. Jesse, éd., The Personal Writings of Joseph Smith, Salt Lake City, Deseret Book Co., 1984, p. 283. 25. History of the Church, 1:446. 26. History of the Church, 1:453-54. 27. Pratt, Autobiography of Parley P. Pratt, pp. 87. 141 CHAPITRE DOUZE Publié avec la permission de la collection des beaux arts de l'université Brigham Young LE Ligne du temps Date Evénement important Févr. 1834 Le grand conseil donne son aval au projet d’organiser une armée pour aider les saints du Missouri Mars-mai 1834 Recrutement des membres pour le camp de Sion Mai 1834 Début de la marche du camp de Sion 8 juin 1834 Le camp de Sion obtient sa force numérique maximale: 207 personnes 9-15 juin 1834 Refus du gouverneur Dunklin de coopérer avec le camp de Sion 19 juin 1834 Une violente tempête protège le camp de Sion de ses ennemis 22 juin 1834 Le Seigneur expose les conditions de la rédemption future de Sion 21-29 juin 1834 Attaque du choléra au camp de Sion 3 juillet 1834 Création de la présidence et du grand conseil de pieu au comté de Clay CAMP DE SION A U COURS DE L’HIVER 1833-34, les saints continuèrent à espérer que le gouverneur Daniel Dunklin les aiderait à récupérer leurs maisons dans le comté de Jackson. Mais le 16 décembre 1833, Joseph Smith reçut une révélation qui envisageait des possibilités de mauvais augure. Le Seigneur exposa divers moyens que les saints devaient utiliser pour régler la querelle au Missouri, mais ils reçurent l’avertissement que si tous les remèdes pacifiques échouaient, ils risquaient de devoir occuper par la force les terres qui leur revenaient de droit (voir D&A 101). Avec l’évolution des événements, le Seigneur dit aux frères de Kirtland de lever une armée et d’aller au Missouri. Ce qu’on appela le camp de Sion devenait une réalité. O R G A N I S AT I O N DU CAMP DE SION Après un voyage difficile, Parley P. Pratt et Lyman Wight arrivèrent le 22 février 1834 à Kirtland, venant du Missouri. Le grand conseil de Kirtland, qui était organisé depuis moins d’une semaine (voir le chapeau de la section 102), se réunit chez Joseph Smith deux jours plus tard pour entendre le rapport de l’équipe et examiner les demandes des frères du Missouri. A la fin de la réunion, Joseph Smith annonça qu’il allait en Sion pour aider à la racheter. Il demanda un vote du grand conseil pour approuver sa décision. Il fut soutenu à l’unanimité. Le prophète demanda ensuite que des volontaires l’accompagnent. Trente à quarante des hommes présents se portèrent volontaires, et Joseph fut choisi pour être le «commandant en chef des armées d’Israël1». Le même jour, Joseph Smith reçut une révélation concernant le recrutement et la taille de son armée. Huit hommes, y compris le prophète, furent appelés à rassembler des membres jeunes et d’âge mûr pour le camp de Sion et pour lever l’argent nécessaire pour aider les membres opprimés au Missouri. Ils devaient recruter une compagnie de cinq cents hommes si c’était possible, mais pas moins de cent, pour marcher sur le Missouri et racheter et rétablir Sion (voir D&A 103:11, 15, 22, 29-40). A partir de la fin février, ces huit missionnaires, voyageant deux par deux, rendirent visite aux branches de l’Eglise dans tout l’Est des Etats-Unis, réunissant des dons et recrutant pour le camp de Sion. Le prophète ne fut pas satisfait du nombre de volontaires qu’ils avaient recrutés. En avril, il suggéra que les frères de l’Est se portent volontaires pour aller au Missouri avec le camp de Sion, sinon ils perdraient l’occasion de «s’améliorer en obtenant un si beau pays . . . et d’affronter Le camp de Sion, par C.C.A. Christensen ces émeutiers . . . 143 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS « . . . Si l’Eglise, qui s’efforce d’être l’Eglise du Christ, ne nous aide pas, alors qu’elle peut le faire sans sacrifice . . . Dieu lui ôtera son talent et le donnera à des gens qui n’ont pas de talents et qui l’empêcheront de jamais obtenir un lieu de refuge ou un héritage sur la terre de Sion2.» Néanmoins, peu de personnes dans l’Est se portèrent volontaires pour le camp. Parmi ceux qui dirent oui, il y avait Wilford Woodruff, nouveau converti de vingtsept ans, du Connecticut. Wilford fut impressionné par l’appel passionné de Parley P. Pratt pour des volontaires, mais il hésitait à partir à cause de ses affaires. Il écrit dans son journal: «Je parlai de notre situation à frère Parley. Il me dit que mon devoir était d’essayer de me préparer et d’aller en Sion. En conséquence, je fis tous mes efforts pour régler mes comptes, arranger mes affaires et me préparer à me joindre à mes frères pour aller au Missouri3.» Le 25 avril, Wilford logeait chez Joseph Smith à Kirtland et contribuait à en préparer d’autres pour le camp. Le 21 avril, Hyrum Smith et Lyman Wight quittèrent Kirtland et se rendirent dans le nord-ouest pour aller à la recherche d’autres recrues. Ils devaient conduire Wilford Woodruff (1807-98) fut un étudiant avide des Ecritures, missionnaire, apôtre, historien de l’Eglise et président de l’Eglise. ceux qui se joindraient à eux pour qu’ils rejoignent le groupe de Joseph à la Salt River dans l’est du Missouri. Ils rendirent visite aux branches de l’Eglise du nord de l’Ohio, du Michigan et de l’Illinois et finirent par recruter plus de vingt volontaires, dont plus de la moitié étaient de Pontiac (Michigan). Hosea Stout, qui joua plus tard un rôle-clef dans l’Eglise, n’était pas encore devenu membre en 1834 lorsque Hyrum et Lyman se rendirent dans sa ville natale au Michigan. Il écrivit plus tard: «L’effet de leur prédication fut puissant sur moi, et lorsque je me dis qu’ils s’en allaient en Sion pour combattre leur héritage perdu sur directive de Dieu, j’eus toutes les peines du monde à m’empêcher de partir4.» Les efforts de recrutement à Kirtland furent moins décevants. Beaucoup de détenteurs de prêtrise valides de cette localité se portèrent volontaires pour marcher vers Sion. Brigham Young, trente-deux ans, s’avança et essaya de convaincre son frère aîné, Joseph, de l’accompagner. Joseph Smith déclara aux deux frères: «Frère Brigham et frère Joseph, je vous promets, au nom du ToutPuissant, que si vous voulez m’accompagner dans le camp jusqu’au Missouri et suivez mes instructions, je vous y conduirai et vous en ramènerai et qu’il ne sera pas fait mal à un seul cheveu de votre tête.» En entendant cela, Joseph Young accepta de participer, et les trois hommes se serrèrent la main pour confirmer Hosea Stout (1810-89) devint membre de l’Eglise en 1838 tandis qu’il habitait à Far West (Missouri). Il fut instituteur, officier dans la Légion de Nauvoo, chef de la police de Nauvoo, soixante-dix, homme de loi, missionnaire et colonisateur. cette promesse5. Beaucoup d’hommes du camp de Sion laissèrent leur famille avec peu ou pas d’argent et aucune source de revenus. Pour empêcher des épreuves excessives, les membres de l’Eglise créèrent des potagers pour que les femmes et les enfants puissent récolter du maïs et d’autres produits pendant l’absence de l’armée. Les volontaires rassemblèrent aussi du ravitaillement et des attelages pour leur voyage, ainsi que des vêtements, de la literie, de la nourriture et des armes pour les saints du Missouri. Quelques anciens, notamment Oliver Cowdery et Sidney Rigdon, restèrent sur place pour superviser la construction en cours du temple et diriger les autres affaires de l’Eglise à Kirtland. 144 LE CAMP DE SION MARCHE VERS SION Le 1 mai, jour décidé pour commencer la marche longue de seize cents kilomètres, vingt personnes seulement étaient prêtes à partir. Joseph Smith les envoya quatre-vingts kilomètres plus au sud à New Portage, où ils devaient attendre que les autres les rejoignent. Le dimanche 4 mai, plus de quatre-vingts volontaires s’assemblèrent à Kirtland. Presque tous étaient des jeunes gens. Certains avaient peur de ce qui les attendait. Heber C. Kimball dit: «Je pris congé de ma femme, de mes enfants et de mes amis, ne sachant pas si je les reverrais dans la chair6.» Ce jour-là, le prophète parla aux saints de Kirtland avant de partir. George A. Smith écrit: «Il insista auprès d’eux sur la nécessité d’être humbles, de faire preuve de foi et de patience et de vivre dans l’obéissance aux commandements du Tout-Puissant . . . Il rendit témoignage de la véracité de l’oeuvre que Dieu avait révélée par son intermédiaire et promit aux frères que s’ils vivaient tous comme ils le devaient devant le Seigneur, gardant ses commandements . . . ils reviendraient tous sains et saufs7.» Le lendemain Joseph Smith assuma son rôle de commandant en chef de l’armée. Les quatre-vingts hommes rejoignirent les vingt frères le mardi 6 mai 1834, en fin de soirée, à New Portage. Le prophète y organisa le camp. Il le divisa en compagnies de dix et de cinquante et chargea chaque groupe d’élire un capitaine qui devait fixer à chaque homme ses responsabilités. Joseph Holbrook, une des recrues, signale que le camp fut organisé «selon l’ordre ancien d’Israël8». Les hommes mirent également leur argent en commun dans un fonds général qui fut géré par Frederick G. Williams, deuxième conseiller dans la Première Présidence, qui fut nommé trésorier. L’âge moyen des recrues était vingt-neuf ans, l’âge de leur dirigeant, Joseph Smith. George A. Smith, cousin du prophète, était, à l’âge de seize ans, le cadet, et Samuel Baker, à soixante-dix neuf ans, était l’aîné. Le 8 mai, l’armée d’Israël reprit sa longue marche vers l’Ouest. Pendant tout son voyage, le camp fut graduellement fortifié par des volontaires, des armes, des provisions et de l’argent supplémentaires. Des officiers continuèrent à recruter de l’aide auprès des saints des derniers jours vivant en Ohio, en Indiana et en Illinois. Lorsque le camp de Sion traversa le fleuve Mississippi pour entrer dans le Missouri, il s’élevait à 185 personnes. Le 8 juin, à la Salt River, au Missouri, où Joseph Smith avait pris ses dispositions pour rencontrer la compagnie de Hyrum Smith, l’armée atteignit sa force numérique maximale: 207 hommes, 11 femmes, 11 enfants et 25 chariots de bagages. A beaucoup d’égards, la routine quotidienne du camp de Sion ressemblait à celle d’autres armées. La plupart des hommes valides marchaient à côté des chariots lourdement chargés le long des pistes boueuses et poussiéreuses. Beaucoup d’entre eux portaient des sacs à dos et tenaient un fusil. Il n’était pas rare qu’ils fassent cinquante-cinq kilomètres par jour, en dépit des pieds pleins d’ampoules, de la chaleur accablante, des pluies violentes, de la forte humidité, de la faim et de la soif. Des gardes armés étaient postés le soir autour du camp. A quatre heures du matin, le clairon réveillait les hommes fatigués à l’aide d’un vieux cor d’harmonie cabossé. Chaque compagnie se réunissait pour la prière, puis se mettait à travailler 145 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Lac Michigan Lac Erié Michigan Kirtland Indiana Cleveland Ohio New Portage Chippaway Illinois iv e r ash R Wooster Ri ve r Wab I ll in oi s Iowa Missouri Springfield hin Springfield Rive a r r a s R iv e r g Jacksonville r Liberty Emb Fis Atlas Richmond Indianapolis Dayton Greenfield Belleville Independence Jefferson City Mi Itinéraire du camp de Sion ssouri River O o hi Ri ve r à ses tâches respectives. Certains membres de la compagnie ramassaient du bois pour le feu, d’autres portaient de l’eau, préparaient le petit déjeuner et démontaient les tentes. Il fallait graisser les roues de chariot, nourrir et bouchonner les chevaux avant de les atteler pour le voyage du jour. Un des problèmes les plus persistants était l’alimentation du camp. Les hommes étaient souvent obligés de manger des rations restreintes de pain brut, de beurre rance, de gruau de farine de maïs, de miel fort, de porc cru, de jambon pourri et de bacon et de fromage infestés de vers. George A. Smith écrit qu’il avait souvent faim: «J’étais si fatigué, affamé et ensommeillé que je rêvais tout en marchant sur la route que je voyais un beau cours d’eau à côté d’un endroit agréablement ombragé et un beau pain et une bouteille de lait posés sur une nappe à côté de la source9.» De temps en temps des hommes filtraient de l’eau de marécage pour enlever les larves de moustiques avant de la boire. Les fermiers locaux fournissaient souvent le lait et le beurre dans des conditions insalubres qui suscitaient dans le camp la crainte de maladies bactériennes, de fièvre ou même la mort. Mais Joseph Smith leur dit que, sauf si on leur disait que le lait était contaminé, ils devaient consommer «tout ce qu’ils pouvaient obtenir, que ce soit d’amis ou d’ennemis, cela leur ferait du bien, et personne n’en deviendrait malade; et en dépit du fait qu’[ils passèrent] dans des régions où beaucoup de personnes et de bétail étaient frappés par la maladie, ses paroles s’accomplirent10». Un certain nombre de fois, Joseph Smith enseigna à ceux du camp à conserver les ressources naturelles et à éviter de tuer. Un après-midi qu’ils se préparaient à dresser la tente, Joseph et d’autres découvrirent trois serpents à sonnettes. Comme les hommes se préparaient à les tuer, le prophète dit: «Laissez-les tranquilles, ne leur faites pas de mal! Comment le serpent perdra-t-il jamais son venin, si les serviteurs de Dieu ont les mêmes dispositions et continuent à lui faire la guerre? 146 LE CAMP DE SION Les hommes doivent devenir inoffensifs avant le monde animal.» On porta prudemment les serpents de l’autre côté d’un ruisseau sur des bâtons, et on leur rendit la liberté. Joseph instruisit le camp qu’ils devaient s’abstenir de tuer des animaux si ce n’était pas nécessaire pour éviter de mourir de faim11. Au contraire de la plupart des armées, le camp de Sion mettait fortement l’accent sur la spiritualité. Outre les prières de corps, les hommes étaient invités à prier matin et soir en privé. Le dimanche, le camp se reposait, tenait des réunions et prenait la Sainte-Cène. Ils avaient souvent l’occasion d’entendre le prophète enseigner la doctrine du royaume. Ceux qui se trouvaient dans le camp avaient la foi que le Seigneur les accompagnait. Le prophète écrit: «Dieu était avec nous, et ses anges nous précédaient, et la foi de notre petite troupe était inébranlable. Nous savons que les anges étaient nos compagnons, car nous les avons vus12.» Le 2 juin 1834, l’armée traversa la rivière Illinois à Phillips Ferry. Le prophète et un petit nombre d’autres longèrent les promontoires et découvrirent un immense tertre avec des ossements humains dispersés et ce qui semblait être les restes de trois autels anciens. Un trou fut creusé et on découvrit un grand squelette humain qui avait une tête de flèche de pierre entre les côtes. Lorsque les frères quittèrent la colline, le prophète interrogea le Seigneur et apprit par une vision que les restes appartenaient à un homme appelé Zelph, ancien chef de guerre lamanite, qui fut tué «pendant les derniers grands combats des Lamanites et des Néphites13». Le Seigneur bénit aussi le camp de sorte qu’il voyagea sain et sauf dans des circonstances parfois menaçantes. En cours de route, les membres du camp essayaient généralement de cacher leur identité et leurs objectifs. De temps en temps, l’armée semblait plus grande ou plus petite qu’elle n’était en réalité à celui qui essayait d’en déterminer la force. Près de Dayton, Ohio, une douzaine d’hommes entrèrent dans le camp et tirèrent la conclusion qu’il y avait six cents soldats. Lorsque le camp traversa l’Illinois River, le passeur estima qu’il y avait cinq cents hommes dans la compagnie. Lorsqu’ils rencontrèrent de l’opposition à Indianapolis, Joseph assura aux frères qu’ils traverseraient la ville sans que personne ne s’en rende compte. Il les divisa en petits groupes qui se dispersèrent, prenant des itinéraires différents, et traversèrent la localité sans se faire remarquer. En dépit des ennemis potentiels, les querelles et les conflits au sein du camp en devinrent le problème le plus irritant. Plusieurs hommes craignaient des dangers possibles, certains se plaignaient du changement de leur mode de vie, et un petit nombre mettait en doute les décisions de leurs dirigeants. Ils marchèrent ensemble pendant quarante-cinq jours, et les inévitables conflits de personnalité furent exacerbés par les conditions difficiles dans lesquelles ils se trouvaient. Les mécontents rendaient souvent Joseph Smith responsable de leur inconfort. Sylvester Smith (pas apparenté au prophète), un capitaine de groupe à la langue acerbe, était souvent à la tête de la dissension. Il se plaignait que la nourriture était mauvaise, que les préparatifs du voyage étaient insuffisants et que le chien de garde de Joseph l’empêchait de dormir la nuit. Le soir du 17 mai, Joseph fut appelé pour régler une querelle entre quelques-uns des frères. Il dit qu’il constata un «esprit rebelle chez Sylvester Smith et, dans une certaine mesure, chez d’autres. [Il] 147 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS »Ecoutez! Ecoutez les trompettes.» C’était le nom d’une marche que chantaient ceux du camp de Sion pendant leur voyage vers le Missouri. De temps en temps Brigham Young et Joseph Young la chantaient pour le profit du camp. leur dit que des malheurs, des difficultés et des obstacles les attendaient, et ajouta: ‹Et vous vous en rendrez compte avant de quitter ce lieu›, les exhortant à s’humilier devant le Seigneur et à s’unir afin de ne pas être frappés par un fléau14.» Le lendemain, la prophétie s’accomplissait: presque tous les chevaux étaient Ecoutez! Ecoutez les trompettes malades ou éclopés. Le prophète promit que s’ils s’humiliaient et surmontaient Ecoutez! Ecoutez les trompettes Ils appellent les volontaires; Sur le mont de Sion fleuri Voyez les officiers. leurs discordes, leurs animaux retrouveraient immédiatement la santé. Dès midi, Leurs chevaux blancs, leurs armes éclatantes, Ils se dressent courageux, Enrôlant des soldats pour leur Roi, Pour marcher vers le pays de Sion. Cela enflamme mon coeur Que d’être soldat; Je veux m’enrôler, ceindre mes armes, Et combattre pour la liberté. Nous ne voulons pas de lâches dans nos rangs Qui marchent sous nos couleurs. Nous demandons des hommes vaillants Qui n’ont pas peur de mourir. Voyez nos armées à la parade, Comme elles paraissent martiales; Tous armés et habillés de l’uniforme, Ils ressemblent à des hommes de guerre. Ils suivent leur grand Général, Le grand Agneau éternel, Ses vêtements tachés de son sang, Le roi Jésus est son nom. Les trompettes résonnent, les armées crient, Elle chassent les armées de l’enfer: Combien est grand le Dieu que nous adorons! Le grand Emmanuel! Pécheurs, joignez-vous à Jésus-Christ, Fils éternel de Dieu; Et marchez avec nous vers le pays de Sion, Au-delà du grand fleuve. Là, sur un mont vert et fleuri, Où poussent des fruits immortels, Avec des anges tout vêtus de blanc, Et connaissez notre Rédempteur. Nous crierons et chanterons à jamais Dans ce monde éternel; Tandis que Satan et son armée Seront précipités en enfer. Levez la tête, hardis soldats, La rédemption est proche; Nous entendrons bientôt sonner la trompette Qui secoue la terre et le ciel. Sur des chars de feu, nous nous élèverons, Et laisserons le monde en feu, Et tous nous entourerons le trône d’amour, Et nous joindrons au choeur céleste16. les chevaux étaient de nouveau en forme, à l’exception de la monture de Sylvester Smith qui ne tarda pas à mourir. Des querelles se reproduisirent lorsque Sylvester Smith menaça de tuer le chien de Joseph. Le 3 juin, Joseph Smith, agacé, se mit sur une roue de chariot et réprimanda les hommes pour leur manque d’humilité, leurs murmures et leurs critiques: «Je dis que le Seigneur m’avait révélé qu’un fléau s’abattrait sur le camp en conséquence de l’esprit de querelle et d’indiscipline qui apparaissait parmi eux, et qu’ils mourraient comme des moutons attaqués par le piétin; mais s’ils se repentaient et s’humiliaient devant le Seigneur, le fléau pourrait dans une grande mesure être détourné; mais que, comme le Seigneur vit, les membres de ce camp souffriraient pour avoir cédé à leur tempérament indiscipliné15.» Cette sombre prophétie allait s’accomplir en quelques semaines. E F F O RT S P O U R PA RV E N I R À L A PA I X Les antimormons du comté de Jackson furent informés en juin de l’avance de l’armée, lorsque le receveur des postes de Chagrin (Ohio) écrivit à son homologue d’Independence: «Les mormons de cette région organisent une armée pour rétablir Sion, c’est-à-dire pour la prendre par la force des armes17.» Croyant qu’une invasion mormone était imminente, des troupes du comté de Jackson commencèrent à s’entraîner, et des sentinelles furent postées à tous les bacs le long du fleuve Missouri. Dans un esprit vindicatif, espérant peut-être décourager le retour des saints, des émeutiers brûlèrent 150 maisons appartenant aux mormons qui habitaient dans le comté. Les membres du camp de Sion soupçonnèrent que des espions du Missouri les suivaient depuis des centaines de kilomètres. Un soir, un Missourien entra dans le camp et jura qu’il savait que leur destination était le comté de Jackson et qu’ils ne traverseraient jamais le Mississippi vivants. En même temps, les dirigeants de l’Eglise dans le comté de Clay continuaient à demander au gouverneur Daniel Dunklin l’assurance qu’il soutiendrait les saints pour les ramener chez eux, récupérer leurs biens et vivre en paix dans le comté de Jackson. Le gouverneur reconnut que les saints avaient été lésés en étant chassés de chez eux, et il chercha à leur faire restituer les armes qui leur avaient été prises lorsqu’ils avaient été expulsés, au mois de novembre précédent, du comté de Jackson. En outre, il reconnut qu’une force armée envoyée par l’Etat serait nécessaire pour ramener les mormons sur leurs terres et les protéger pendant que les tribunaux trancheraient les questions juridiques en cause. Une fois que le camp de Sion fut au Missouri, Joseph Smith envoya Orson Hyde et Parley P. Pratt à Jefferson City, capitale de l’Etat, pour s’assurer que le gouverneur Dunklin était toujours disposé à honorer sa promesse de ramener les 148 LE CAMP DE SION saints au comté de Jackson avec l’aide de la milice de l’Etat. L’entretien les déçut profondément. Dunklin prétendit que s’il envoyait la milice, cela plongerait probablement l’Etat dans une guerre déclarée. Il conseilla aux frères de renoncer à leurs droits, de vendre leurs terres et de s’installer ailleurs pour éviter l’effusion du sang. C’était quelque chose d’inacceptable pour l’Eglise. Le gouverneur leur conseilla alors de faire appel aux tribunaux, mais les frères se rendirent compte qu’il savait que ce n’était pas réalisable. Les autorités judiciaires comptaient parmi les antimormons du comté: c’était donc comme si on les envoyait trouver une bande de voleurs pour aller en procès afin de récupérer des biens volés18. Parley fut également convaincu que le gouverneur était un lâche, qui était moralement tenu de démissionner pour n’avoir pas respecté les obligations de ses fonctions. Les frères Pratt et Hyde rejoignirent le camp de Sion. Leur rapport dissipa tout espoir qu’il serait permis aux saints du Missouri de rentrer paisiblement chez eux. Les frères se rendirent également compte que les antimormons attendaient pour massacrer tous les mormons qui tenteraient de s’installer dans le comté de Jackson. Le prophète en appela à Dieu pour être témoin de la justice de la cause des saints et de la sincérité de leurs voeux. Irrité et contrarié par la décision du gouverneur, le camp de Sion reprit sa marche. Entre-temps, le juge John J. Ryland, du comté de Clay, prit des arrangements pour qu’une réunion eût lieu le 16 juin au tribunal de Liberty. Un comité de citoyens du comté de Jackson et des représentants des saints du comté de Clay devaient se rencontrer pour s’efforcer de résoudre le conflit. Une grande foule houleuse et belliqueuse se rassembla à la réunion. Les non-mormons proposèrent d’acheter dans les trente jours tous les biens appartenant aux saints dans le comté de Jackson à des prix déterminés par trois arbitres désintéressés ou que les mormons fassent de même et achètent tous leurs biens dans la même période de temps. Cette proposition n’était pas réaliste. Les saints n’avaient pas suffisamment de fonds pour acheter ne fût-ce qu’une fraction des terres que possédaient les nonmormons, et ils ne pouvaient pas vendre leurs terres en Sion parce que le Seigneur leur avait commandé de les acheter et de les coloniser. Tout cela, les antimormons le savaient, bien entendu. Les esprits s’échauffèrent et Samuel Owens, représentant du comté de Jackson, jura que les Missouriens se battraient pour chaque pouce de sol plutôt que de laisser les saints revenir. «Un prêtre baptiste . . . dit: ‹Les mormons ont vécu suffisamment longtemps dans le comté de Clay; et ils doivent soit déguerpir, soit être expulsés.› «M. Turnham, qui présidait la réunion, répondit avec sagesse, disant: ‹Soyons républicains, honorons notre pays et ne lui faisons pas honte comme le comté de Jackson. Pour l’amour du ciel, ne privez pas les mormons de leurs droits et ne les chassez pas. Ce sont de meilleurs citoyens que beaucoup parmi les anciens habitants19.›» Le comité mormon prépara une déclaration spécifiant que les saints n’ouvriraient pas les hostilités et promirent de répondre dans la semaine à la proposition du comté de Jackson. Peu de temps après, les saints préparèrent une contre-proposition suggérant de laisser un comité neutre déterminer la valeur des 149 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS biens de ceux qui étaient dans le comté de Jackson, qui refusaient de vivre avec les saints des deniers jours, et que les saints achèteraient ces biens dans l’année. En outre, les saints promettaient de rester en dehors du comté de Jackson jusqu’à ce que le paiement fût complètement effectué. Ces négociations se révélèrent malheureusement vaines. EVÉNEMENTS DE LA FISHING RIVER A la date du 18 juin, le camp de Sion arrivait à un peu plus d’un kilomètre de Richmond, siège du comté de Ray. Tandis que l’armée dressait le camp, le prophète eut la prémonition d’un danger. Il alla dans les bois et pria pour avoir protection, et il eut l’assurance que le Seigneur les protégerait. Il fit réveiller le camp au petit matin, et ils partirent sans prière ni petit déjeuner. Tandis qu’ils traversaient Richmond, une esclave noire dit avec agitation à Luke Johnson: «Il y a une troupe d’hommes qui est en embuscade ici et qui a l’intention de vous tuer ce matin pendant que vous passerez.» Ils ne rencontrèrent aucune résistance, bien qu’ils ne pussent faire que quinze kilomètres, étant ralentis par la rupture de roues de chariot. Au lieu d’arriver à leur destination prévue, qui était Liberty, ils campèrent juste à l’intérieur du territoire du comté de Clay sur une colline située entre deux branches de la Fishing River. Lorsque Joseph apprit que les émeutiers se préparaient à attaquer, il s’agenouilla et pria de nouveau pour avoir la protection divine. Ses craintes furent confirmées lorsque cinq Missouriens armés entrèrent dans le camp, en proférant des jurons et jurant que les mormons «verraient l’enfer avant le matin». Ils prétendirent que près de quatre cents hommes, provenant des comtés de Ray, Lafayette, Clay et Jackson, avaient réuni leurs forces et se préparaient à ce moment-là à traverser le Missouri à Williams Ferry et à anéantir les mormons20. Des coups de feu se firent entendre, et certains des hommes voulurent se battre, mais le prophète promit que le Seigneur les protégerait. Il déclara: «Tenez-vous là, et vous verrez la délivrance que Dieu vous accordera21.» Quelques minutes après le départ des Missouriens, un petit nuage noir apparut dans le ciel clair de l’ouest. Il avança vers l’est, se déroulant comme un rouleau, remplissant le ciel de ténèbres. Au moment où la premier bac d’émeutiers traversait le Missouri vers le sud, une bourrasque soudaine mit le bateau presque dans l’impossibilité de retourner pour aller chercher un autre chargement. La tempête était si forte que le camp de Sion abandonna ses tentes et s’abrita dans une vieille église baptiste du voisinage. Lorsqu’il entra, Joseph Smith s’exclama: «Les gars, il y a une raison à cela. Dieu a sa main dans cette tempête22.» Dormir était impossible, de sorte que le groupe chanta des cantiques et se reposa sur les bancs mal équarris. Un membre du camp écrivit: «Pendant ce temps, l’horizon, d’un bout à l’autre, était totalement illuminé et il y avait des coups de tonnerre terrifiants23.» Dans un autre endroit, les émeutiers assiégés par les éléments cherchaient tous les refuges qu’ils pouvaient trouver. La furieuse tempête brisa des branches d’arbres et détruisit des récoltes. Elle détrempa les munitions des émeutiers et les rendit inutiles, effraya et dispersa leurs chevaux et fit monter le niveau de la 150 LE CAMP DE SION Fishing River, ce qui les empêcha d’attaquer le camp de Sion. Le prophète écrit: «C’était comme si le décret de vengeance avait été lancé par le Dieu des batailles pour protéger ses serviteurs de la destruction de leurs ennemis24.» Deux jours plus tard, le 21 juin, le colonel John Sconce et deux collègues de la milice du comté de Ray se présentèrent au camp de Sion pour s’informer des intentions des mormons. «Je vois qu’il y a un pouvoir tout-puissant qui protège ce peuple», reconnut-il25. Le prophète expliqua que le seul but du camp de Sion était d’aider ses frères à rentrer sur leurs terres et que son intention n’était pas de faire du mal à qui que ce soit. Il dit:«Les bruits qui circulent à notre sujet sont faux et inventés par nos ennemis pour provoquer notre destruction26.» Sconce et ses compagnons furent tellement touchés par le récit des procès injustes et des souffrances des saints qu’ils promirent d’user de leur influence pour changer les sentiments à l’égard des mormons. Le lendemain, 22 juin, Joseph reçut une révélation communiquant le mécontentement du Seigneur à l’égard des membres de l’Eglise pour leur désobéissance et leur égoïsme: Ils «ne donnent pas, comme il convient à des saints, de leurs biens aux pauvres et aux affligés parmi eux; «Et ils ne sont pas unis, selon l’union exigée par la loi du royaume céleste» (D&A 105:3-4). Cette réprimande s’adressait spécifiquement aux membres des branches qui étaient lents à donner d’eux-mêmes et de leurs moyens pour la cause de Sion (voir vv. 7-8). Les saints devaient apprendre leur devoir et acquérir plus d’expérience avant que Sion ne puisse être rachetée (voir vv. 9-10). Ainsi le Seigneur dit: «Il me convient que mes anciens attendent pour un peu de temps la rédemption de Sion» (v. 13). Il promit à ceux qui obéissaient qu’ils recevraient une dotation d’en haut s’ils restaient fidèles (voir vv. 11-12). Si le camp de Sion ne réussit pas dans ses objectifs militaires, il réussit à servir les objectifs du Seigneur. Parlant des hommes du camp, il dit: «J’ai entendu leurs prières et j’accepterai leur offrande; et il me convient qu’ils soient amenés jusqu’ici pour que leur foi soit mise à l’épreuve» (v. 19). Pour un petit nombre de saints le commandement du Seigneur qu’ils ne devaient pas se battre fut l’épreuve finale de leur foi. Déçus et furieux, ils apostasièrent. Suite à leur rébellion, le prophète avertit de nouveau le camp que le Seigneur enverrait un fléau dévastateur sur eux suite à leurs plaintes iniques. La veille du jour où la révélation fut donnée, deux hommes contractèrent le choléra. Trois jours plus tard, plusieurs autres étaient touchés par la terrible maladie, qui était transmise par l’eau contaminée. L’épidémie se répandit, causant de violentes diarrhées, des vomissements et des crampes. Avant qu’elle ne prît fin, soixantehuit personnes, dont Joseph Smith, furent atteintes de la maladie, et quatorze membres du camp moururent, parmi lesquels une femme du nom de Betsy Parrish. Le 2 juillet, Joseph Smith dit au camp que «s’ils s’humiliaient devant le Seigneur et faisaient alliance de garder ses commandements et d’obéir à ses instructions, le fléau serait arrêté dès ce moment-là, et il n’y aurait plus de cas de 151 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS choléra parmi eux. Les frères firent alliance dans ce sens, à main levée, et le fléau fut enrayé27». LICENCIEMENT D U C A M P E T R É O R G A N I S AT I O N D E S S A I N T S Le 25 juin, au plus fort de l’attaque de choléra, Joseph Smith divisa le camp de Sion en plusieurs petits groupes pour démontrer aux Missouriens les intentions pacifiques des saints. Dix jours plus tard, un licenciement écrit officiel fut rédigé pour chaque membre fidèle du camp. Lyman Wight signale que le prophète «dit qu’il était maintenant disposé à retourner chez lui, qu’il était pleinement convaincu qu’il avait fait la volonté de Dieu et que le Seigneur avait accepté notre sacrifice et notre offrande, comme il avait accepté ceux d’Abraham lorsqu’il offrit son fils Isaac; et, dans sa prière de clôture, demanda à notre Père céleste de nous donner en bénédiction la vie éternelle et le salut28». Le camp se dispersa après avoir été licencié par le prophète. Certains restèrent au Missouri conformément à la révélation de la Fishing River (voir D&A 105:20), d’autres retournèrent dans le champ de mission, mais la plupart retournèrent auprès de leurs familles dans l’Est. Ce même jour, le 3 juillet, le prophète organisa une présidence et un grand conseil au Missouri pour aider l’évêque Edward Partridge à gérer les affaires de l’Eglise et dans la région. Joseph Smith invita toutefois les saints du Missouri à ne pas tenir de réunions de l’Eglise afin d’apaiser les craintes des citoyens locaux. La vie fut plus facile pour les saints dans le comté de Clay pendant le reste de 1834 et au cours de 1835. Ce fut une période relativement exempte de persécutions, et les saints connurent une certaine prospérité. La plupart des nonmormons du comté de Clay étaient cordiaux. Mais l’esprit de bonne volonté commença à changer quand les saints continuèrent à émigrer vers le Missouri en vue de leur retour dans le comté de Jackson, et lorsque certains membres de l’Eglise achetèrent du terrain dans le comté de Clay. Malheureusement, un petit nombre de membres n’avaient pas tiré la leçon des persécutions du comté de Jackson et ils énervèrent les anciens colons en leur disant que leurs terres appartiendraient un jour aux saints. Collectivement les membres ne respectèrent pas les instructions du Seigneur: «Ne parlez pas de jugements et ne vous vantez pas de votre foi, ni de vos oeuvres puissantes, mais rassemblez-vous prudemment, aussi nombreux que possible en une seule région, en harmonie avec les sentiments du peuple. «Et voici, je vous ferai trouver faveur et grâce à ses yeux, pour que vous vous reposiez en paix et en sécurité» (D&A 105:24-25). Joseph Smith et quelques autres dirigeants du camp de Sion rentrèrent à Kirtland au début d’août, au grand soulagement des saints de Kirtland, qui étaient inquiets parce qu’ils avaient entendu dire que Joseph Smith avait été tué au Missouri. Plus tard au cours du mois, un tribunal du grand conseil écouta les plaintes de Sylvester Smith et d’autres qui étaient toujours aigris à cause du camp de Sion. Dix hommes qui avaient participé au camp de Sion contestèrent les accusations de Sylvester Smith et témoignèrent que Joseph Smith n’était pas 152 LE CAMP DE SION coupable de conduite inconvenante. Après examen des faits, Sylvester reconnut qu’il était dans l’erreur et s’était mal conduit. Le camp de Sion n’aida pas les saints du Missouri à retrouver leurs terres et fut gâché par des dissensions, l’apostasie et une mauvaise publicité, mais un certain nombre de résultats positifs découlèrent du voyage. En se portant volontaires, les membres prouvèrent leur foi au Seigneur et en son prophète et leur désir fervent de se conformer à la révélation moderne. Ils montrèrent qu’ils se préoccupaient des saints exilés au Missouri en étant disposés à donner leur vie si c’était nécessaire pour les aider. Ce dur voyage servit de test pour déterminer qui était digne de remplir des postes de direction et de confiance et recevoir la dotation dans le temple de Kirtland. Le prophète expliqua plus tard: «Dieu ne voulait pas que vous vous battiez. Il ne pouvait pas organiser son royaume avec douze hommes pour ouvrir la porte de l’Evangile aux nations de la terre, et avec soixante-dix hommes sous leur direction pour suivre leurs traces, s’il ne les tirait d’un groupe d’hommes qui avaient offert leur vie et qui avaient fait un sacrifice aussi grand que celui d’Abraham29.» En février 1935, le Collège des douze apôtres et le premier collège des soixante-dix furent organisés. Neuf des apôtres originels, les sept présidents du collège des soixante-dix et les soixante-trois autres membres de ce collège s’étaient trouvés dans l’armée d’Israël qui avait marché en 1834 vers l’ouest du Missouri. Le camp de Sion redressa, dégrossit et raffina spirituellement beaucoup de serviteurs du Seigneur. Ceux qui obéirent et furent dévoués reçurent une formation pratique et une expérience spirituelle précieuses qui leur vinrent bien à point dans les combats ultérieurs pour l’Eglise. Les vicissitudes et les problèmes rencontrés au cours de ces seize cents kilomètres constituèrent une formation sans prix pour Brigham Young, Heber C. Kimball et d’autres qui allaient emmener les saints exilés du Missouri en Illinois et de Nauvoo à travers les plaines jusqu’aux montagnes Rocheuses. Lorsqu’un sceptique demanda ce qu’il avait retiré de son voyage, Brigham Young répondit promptement: «Je n’échangerais pas la connaissance que j’ai reçue au cours de cette période pour tout le comté de Geauga30.» NOTES 1. Dans History of the Church, 2:39. 2. History of the Church, 2:48. 3. Journaux de Wilford Woodruff, 11 avril 1834, département d’histoire de l’Eglise, Salt Lake City. 4. Reed A. Stout, éd., «Autobiography of Hosea Stout, 1810 to 1835», Utah Historical Quarterly, 1962, pp. 259-60. 5. «History of Brigham Young», Millennial Star, 18 juillet 1863, p. 455; ou Elden Jay Watson, Manuscript History of Brigham Young, 1801-1844, Salt Lake City, Elden Jay Watson, 1968, p. 8. 6. Dans Orson F. Whitney, Life of Heber C. Kimball, 3e édition, Salt Lake City, Bookcraft, 1967, p. 40. 7. George A. Smith, «Memoirs of George A. Smith», 4 mai 1834, département d’histoire de l’Eglise, Salt Lake City, p. 13. 8. Joseph Holbrook, «History of Joseph Holbrook, 1806-1885», département d’histoire de l’Eglise, Salt Lake City, p. 15. 9. Smith, «Memoirs of George A. Smith», p. 15. 10. History of the Church, 2:66-67. 11. History of the Church, 2:71-72. 153 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS 12. History of the Church, 2:73. 13. History of the Church, 2:80. 15. History of the Church, 2:80. 23. Journal de Moses Martin, département d’histoire de l’Eglise, Salt Lake City, n. p.; voir aussi, History of the Church, 2:104-5. 16. Sacred Hymns, 1840, pp. 283-85. 24. History of the Church, 2:105. 17. Lettre de J. M. Henderson au receveur des postes d’Independence, citée dans Pearl Wilcox, The Latter Day Saints on the Missouri Frontier, Independence, Mo., Pearl G. Wilcox, 1972, p. 121. 25. Dans History of the Church, 2:106. 14. History of the Church, 2:68. 18. Voir Parley P. Pratt, éd., Autobiography of Parley P. Pratt, série Classics in Mormon Literature, Salt Lake City, Deseret Book Co, 1985, p. 94. 19. History of the Church, 2:97-98. 20. Dans History of the Church 2:102-3. 21. «History of Joseph Holbrook», p. 17. 154 22. Wilford Woodruff, dans History of the Church, 2:104n. 26. History of the Church, 2:106. 27. History of the Church, 2:120. 28. Lyman Wight, dans The History of the Reorganized Church of Jesus Christ of Latter Day Saints, Independence, Mo., Herald Publishing House, 1896, 1:515-16. 29. Joseph Young, History of the Organization of the Seventies, Salt Lake City, Deseret News, 1878, p. 14; ou History of the Church, 2:182n. 30. Dans Journal of Discourses, 2:10. CHAPITRE TREIZE U N E P É R I O D E M E RV E I L L E U S E K I RT L A N D ,1834-36 Ligne du temps Date Evénement important Août 1834 Retour du camp de Sion Nov. 1834 Ouverture de l’école des anciens à Kirtland 5 déc. 1834 Mise à part d’Oliver Cowdery comme président-adjoint de l’Eglise Févr. 1835 Appel du Collège des Douze et du collège des soixante-dix 28 mars 1835 Réception de la révélation sur la prêtrise (D&A 107) Juill. 1835 Achat de momies et de manuscrits à Michael Chandler 17 août 1835 Une conférence spéciale approuve les Doctrine et Alliances Novembre 1835 Début des travaux de plâtrage du temple Novembre 1835 Publication du recueil de cantiques d’Emma Smith 21 janv. 1836 Manifestations spirituelles au temple de Kirtland; notamment vision du royaume céleste (D&A 137) 27 mars 1836 Consécration du temple de Kirtland; déversement spirituel 3 avril 1836 Apparition de Jésus-Christ, Moïse, Elias et Elie pour accepter le temple et rétablir les clefs de la prêtrise Mai-juin 1836 Baptême de deux futurs présidents de l’Eglise: John Taylor et Lorenzo Snow À E N AOÛT 1834, Joseph Smith et la plupart de ses compagnons du camp de Sion étaient rentrés chez eux. La tentative d’aide aux saints du Missouri terminée, les membres d’Ohio consacrèrent de nouveau leur attention à l’édification du royaume de Dieu dans leur propre région. Les deux années qui suivirent le retour du camp de Sion furent une époque de paix relative pour ces saints d’Ohio. Cette période vit un certain nombre d’événements importants, ayant des conséquences à très long terme, qui affectèrent l’organisation de l’Eglise, la doctrine, les Ecritures et l’activité au temple. NOUVELLE E X T E N S I O N D E L’ O R G A N I S AT I O N D E L’E G L I S E Le 5 décembre 1834, Joseph Smith ordonna Oliver Cowdery comme présidentadjoint de l’Eglise1. Celui-ci était avec le prophète lorsque les Prêtrises d’Aaron et de Melchisédek avaient été rétablies. Lorsque l’Eglise de Jésus-Christ fut organisée en 1830, Oliver, en sa qualité de «deuxième ancien» était second en autorité par rapport à Joseph (voir Joseph Smith, Histoire, versets 68-73; D&A 110)2. Ainsi, chaque fois qu’une autorité ou des clefs de la prêtrise étaient rétablies, Oliver était avec le prophète Joseph. «Il fallait, selon la loi divine des témoins que Joseph Smith eût un compagnon détenant ces clefs3.» Oliver Cowdery n’avait pas seulement aidé Joseph Smith à présider l’Eglise, mais il allait aussi être aux côtés du prophète comme deuxième témoin du Rétablissement. En 1838, Oliver Cowdery perdit son office de président-adjoint pour cause d’apostasie et d’excommunication, mais en 1841, le Seigneur appela Hyrum Smith à remplir cet office (voir D&A 124:94-96). Le président et le président-adjoint ou les premier et deuxième témoins, allaient sceller leur témoignage de leur sang à la prison de Carthage. Un des événements les plus importants du rétablissement de l’Eglise du Sauveur fut la formation du Collège des douze apôtres. Avant même l’organisation de l’Eglise, les membres attendaient cette étape importante. Joseph Smith et Oliver Cowdery avaient reçu l’autorité de l’apostolat (voir D&A 20:2-3) probablement dès 1829. Au cours de cette même année, une révélation commanda à Oliver Cowdery et à David Whitmer de rechercher les Douze qui seraient «appelés à aller dans le monde entier prêcher [l’Evangile du Christ] à toute la création» (D&A 18:28). Plus tard, Martin Harris fut également appelé à aider à ce choix. Cela voulait dire que les trois témoins du Livre de Mormon, sous la direction et avec le consentement de la Première Présidence, allaient choisir les douze apôtres qui devaient être les témoins spéciaux du Sauveur dans notre dispensation. Joseph Smith invita les vétérans du camp de Sion et d’autres à 155 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS assister à une conférence spécifique le samedi 14 février 1835. Le procès-verbal de la réunion nous dit ce qui se produisit: «Il fit alors le récit de certains événements qui se produisirent pendant que nous étions en route pour Sion, nos épreuves, nos souffrances, et dit que Dieu n’avait pas laissé tout cela se produire pour rien, mais qu’il s’en souvenait encore; et la volonté de Dieu était que ceux qui se rendaient en Sion, décidés à donner leur vie, si nécessaire, fussent ordonnés au ministère et s’en allassent tailler la vigne pour la dernière fois, ou en vue de la venue du Seigneur, qui était proche . . . « . . . Même les plus petits et les plus faibles parmi nous seront puissants, et de grandes choses seront accomplies par vous à partir de cette heure; et vous commencerez à sentir les chuchotements de l’Esprit de Dieu, et l’oeuvre de Dieu commencera à aller de l’avant à partir de maintenant; et vous serez dotés de la force d’en haut.» Après le discours du prophète, la réunion fut suspendue pendant une heure. Lorsqu’elle reprit, les trois témoins prièrent et furent bénis par la Première Présidence. Ils se mirent alors ensuite en devoir de choisir les douze apôtres4. Comme ils étaient tous appelés en même temps, l’ancienneté des apôtres dans le collège fut fixée en fonction de leur âge. LES D O U Z E A P Ô T R E S O R I G I N A U X D E N O T R E D I S P E N S AT I O N Une semaine après leur choix, les Douze reçurent d’Oliver Cowdery une mission apostolique similaire à celle que le Sauveur avait donnée aux apôtres du Nouveau Testament (voir Matthieu 10; 28:19-20; Actes 1:8). Il les avertit qu’ils devraient affronter des difficultés sans précédent. «Vous devrez combattre tous les préjugés de tous les peuples. «Il y eut ensuite la révélation [D&A 18] . . . « . . . Je vous avertis donc que vous devez cultiver une grande humilité, car je connais l’orgueil du coeur humain. Prenez garde que les flatteurs du monde vous Ancienneté dans le premier Collège des Douze enorgueillissent; prenez garde que vos désirs ne se portent sur des objets profanes. Que votre ministère vienne au premier plan . . . Nom Age au moment de l’appel Thomas B. Marsh* 35 David W. Patten 35 « . . . Vous devez porter ce message à ceux qui se considèrent sages; et ceux-là Brigham Young 33 risquent de vous persécuter, ils risquent de chercher à vous ôter la vie. L’Adversaire Heber C. Kimball 33 Orson Hyde 30 a toujours cherché à ôter la vie aux serviteurs de Dieu; vous devez par conséquent William E. McLellin 29 être prêts en tout temps à sacrifier votre vie si Dieu l’exigeait pour l’avancement et Parley P. Pratt 27 l’édification de sa cause . . . Luke S. Johnson 27 William B. Smith 23 Orson Pratt 23 John F. Boynton 23 vos frères, selon la teneur et l’intention de la mission que vous avez reçue?› Lyman E. Johnson 23 Chacun répondit par l’affirmative5.» * Thomas était dans sa trente-cinquième année, mais il n’eut trente-cinq ans que le 1er novembre 1835. A ce moment-là, David Patten ne connaissait pas son âge; mais des documents ultérieurs montrent qu’il était en réalité plus âgé que Thomas, étant né le 14 novembre 1799. 156 « . . . Il est nécessaire que vous receviez personnellement le témoignage du ciel de manière à pouvoir témoigner de la vérité . . . «Il leur prit ensuite la main à chacun et dit: ‹Prenez-vous part de tout votre coeur à ce ministère, pour proclamer l’Evangile en toute diligence, avec ceux-ci qui sont Quinze jours plus tard, lors d’une conférence, le prophète organisa un autre collège clef de la prêtrise, les soixante-dix, parmi ceux qui s’étaient trouvés dans le camp de Sion (voir D&A 107:93). Parce qu’il fallait adapter leur structure à leur rôle spécifique de collège «voyageur» ayant la responsabilité de prêcher l’Evangile UNE PÉRIODE MERVEILLEUSE À KIRTLAND,1834-36 dans le monde entier, ils furent mis sous la présidence de sept présidents. Ceci était conforme à une vision de l’organisation de l’Eglise donnée au prophète6. Joseph Young, Hazen Aldrich, Levi Hancock, Leonard Rich, Zebedee Coltrin, Lyman Sherman et Sylvester Smith furent les premiers présidents de ce collège. Un mois plus tard, le Seigneur révéla d’autres informations supplémentaires concernant la prêtrise et le gouvernement de l’Eglise. Les Douze, qui se préparaient à partir en mission, avaient le sentiment qu’ils n’avaient pas pleinement accepté la lourde responsabilité de leur appel. Dans l’esprit de repentir, ils supplièrent le prophète de demander au Seigneur de nouvelles directives. En réponse, le Seigneur instruisit les Douze et les soixante-dix de leurs responsabilités respectives. Les Douze devaient être «témoins spéciaux du nom du Christ» et agir sous la direction de la Première Présidence pour «édifier l’Eglise et en régler toutes les affaires dans toutes les nations» (D&A 107:23, 33). Les soixantedix devaient agir sous la direction des Douze pour accomplir le même objectif. Avec la Première Présidence, ces collèges constituaient les conseils présidents de l’Eglise. La révélation décrivait aussi les devoirs de ceux qui président les divers collèges de la prêtrise et terminait par l’exhortation: «C’est pourquoi, que dès à présent, chacun s’informe diligemment de son devoir et apprenne à agir dans l’office auquel il est nommé. «Le paresseux ne sera pas considéré comme digne de conserver sa charge» (D&A 107:99-100). Conformément aux instructions données dans la révélation, les premiers collèges de la Prêtrise d’Aaron furent créés en 1835 à Kirtland. Ils étaient constitués d’hommes mûrs. Il n’y avait pas d’âge précisé pour avancer les candidats dignes d’un office à l’autre7. A la lumière des instructions de Doctrine et Alliances 107, les grands conseils de pieu «permanents» jouèrent un rôle de plus en plus important au milieu des années 1830, particulièrement en leur qualité de tribunaux de l’Eglise. Des questions ne tardèrent pas à surgir concernant le statut et la juridiction des grands conseils et des Douze, qui étaient qualifiés de «grand conseil président voyageur» (D&A 107:33). Le prophète répondit que l’autorité des grands conseils permanents se limitait aux pieux, tandis que les Douze avaient juridiction sur l’Eglise au dehors8. Cela ajouta la question supplémentaire relative à la juridiction des Douze dans les questions locales. Le prophète leur assura que du fait qu’ils venaient directement après la Première Présidence en autorité, ils n’étaient soumis à aucun autre groupe constitué. En pensant plus tard à ces mois de discussion, Brigham Young devait les considérer comme un moment d’épreuve où les Douze devaient prouver qu’ils étaient disposés «‹à être les serviteurs de tous pour l’amour du Christ . . . › Cela était nécessaire, selon Young, car seuls ‹les vrais serviteurs› peuvent recevoir cette capacité9». E F F O RT P O U R FA I R E C O N N A Î T R E L’E VA N G I L E L’organisation du prosélytisme avait été temporairement interrompue pendant l’été 1834 par le camp de Sion. Mais au cours de l’automne, l’oeuvre missionnaire reprit, les dirigeants de l’Eglise appelant de plus en plus d’hommes à faire une 157 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS mission. Certains d’entre eux ne restèrent que quelques semaines dans les localités voisines. D’autres consacrèrent des périodes plus longues à proclamer l’Evangile dans des endroits lointains. Beaucoup de missionnaires firent plus d’une mission, quittant souvent le foyer à un moment qui, personnellement, ne leur convenait pas. En 1836, William W. Phelps écrivit: «Les anciens ne cessent d’aller et de venir10.» Certificat missionnaire d’Edward Partridge et d’Isaac Morley Les missions officielles furent complétées par les efforts de convertis enthousiastes vivement désireux de faire connaître le trésor qu’ils venaient de découvrir à leur famille et à leurs amis. Caroline Crosby, nouvelle convertie, s’exclame: «Combien de fois, en écoutant la voix du prophète, n’ai-je pas souhaité: Si seulement mes amis, mes parents, mes frères et soeurs pouvaient entendre les choses que j’ai entendues et leur coeur s’en réjouir, comme le mien11.» Beaucoup de dirigeants de l’Eglise remplissaient aussi un service missionnaire. Joseph Smith se rendit au Michigan en 1834 et 1835. Mais l’effort le plus important fut sans doute la mission de cinq mois faite par le Collège des Douze dans l’Est en 1835. De mai à septembre, ils parcoururent des centaines de kilomètres à travers l’Etat de New York, la Nouvelle-Angleterre et le Canada. Outre qu’ils avaient une activité missionnaire et réglaient et fortifiaient les assemblées locales, leur tâche consistait à rassembler des fonds pour la construction du temple, pour l’achat de terres en Sion et pour les travaux d’impression de l’Eglise. Voyageant sans bourse 158 UNE PÉRIODE MERVEILLEUSE À KIRTLAND,1834-36 ni sac, ils connurent des problèmes typiques: persécution, rejet, fatigue et faim; mais à une grande réunion, ils comptèrent 144 véhicules et estimèrent que deux à trois mille personnes étaient présentes. Cette mission est importante dans l’histoire de l’Eglise parce que c’est la seule fois où les douze membres du Collège entreprirent une mission ensemble. A leur retour à Kirtland, Heber C. Kimball rapporta qu’ils avaient senti la puissance de Dieu et avaient pu guérir des malades et chasser des démons12. Au cours de cette même saison, le collège des soixante-dix remplit également des missions, en particulier dans les Etats de l’Est. Au milieu des années 1830, beaucoup de dirigeants de l’Eglise firent aussi des missions personnelles. La mission de Parley P. Pratt au Canada en est un exemple notable. En avril 1836, Heber C. Kimball le bénit et prophétisa qu’il irait à Toronto et que là il trouverait un peuple préparé à la plénitude de l’Evangile. «Et il te recevra . . . et l’Evangile se répandra de là dans les régions environnantes . . . ; et à partir des choses qui découleront de cette mission, la plénitude de l’Evangile se répandra en Angleterre et permettra qu’une grande oeuvre soit accomplie dans ce pays13.» Tandis que Parley était à Hamilton, en route pour Toronto, un inconnu lui remit une lettre d’introduction pour John Taylor, prédicateur méthodiste laïque à Toronto. Taylor faisait partie d’un groupe qui croyait que les Eglises existantes ne correspondaient pas au christianisme du Nouveau Testament. Depuis deux ans, ce groupe se réunissait plusieurs fois par semaine dans le «but de rechercher la vérité, indépendamment de toute religion organisée». A Toronto, frère Pratt fut reçu avec courtoisie par les Taylor, mais ceux-ci, au début, ne furent pas enthousiasmés par son message14. Découragé de ne pouvoir trouver un endroit pour prêcher, Parley décida de quitter Toronto. Avant de partir, il passa chez les Taylor pour aller chercher une partie de ses bagages et dire au revoir. Tandis qu’il était chez eux, Leonora Taylor parla à son amie, Isabella Walton, du problème de Parley et dit qu’elle regrettait John Taylor (1808-87) naquit en Angleterre puis émigra au Canada où il fut converti à l’Evangile. Parmi ses nombreux travaux, il faut citer celui d’éditeur, de missionnaire, d’apôtre et de président de l’Eglise. qu’il s’en aille. «C’est peut-être un homme de Dieu», dit-elle. Mme Walton répondit que l’Esprit l’avait poussée à rendre visite ce matin aux Taylor parce qu’elle était disposée à laisser frère Pratt loger chez elle et prêcher. Il le fit et fut finalement invité à assister à une réunion du groupe de John Taylor, dans lequel John lut le récit de Philippe, dans le Nouveau Testament, prêchant en Samarie. «Alors, dit-il, où est notre Philippe? Où est la parole pour que nous la recevions avec joie et notre baptême quand nous avons cru? Où sont notre Pierre et notre Jean? Nos apôtres? Où est notre Saint-Esprit par l’imposition des mains15? . . . » Lorsqu’il fut invité à parler, Parley déclara qu’il avait la réponse aux questions de John Taylor. Pendant trois semaines, John Taylor assista aux réunions de frère Pratt, prenant des notes détaillées de ses sermons et les comparant soigneusement aux Ecritures. Peu à peu, il devint convaincu que le véritable Evangile de Jésus-Christ était rétabli. Sa femme Leonora et lui furent baptisés le 9 mai 1836. Peu de temps plus tard, John Taylor fut ordonné ancien et devint un missionnaire actif. L’oeuvre se répandit si vite qu’Orson Hyde fut envoyé de Kirtland aider Parley, tandis 159 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS qu’Orson Pratt et Freeman Nickerson, qui étaient déjà au Canada, rejoignaient Parley à Toronto. Quand les missionnaires quittèrent Toronto, John Taylor fut mis à part pour présider les assemblées que ces anciens avaient créées. La famille Fielding, qui devint également importante dans l’histoire de l’Eglise, faisait partie de cette moisson canadienne. Mary Fielding épousa Hyrum Smith et devint mère du sixième et grand-mère du dixième président de l’Eglise: Joseph F. Smith et Joseph Fielding Smith respectivement. Un an après son baptême, Joseph, frère de Marie, se joignit aux premiers missionnaires envoyés en Grande-Bretagne et joua un rôle clef dans le démarrage de l’oeuvre dans ce pays. Les missionnaires d’autres régions connurent aussi de riches expériences spirituelles. Wilford Woodruff, par exemple, fut envoyé en 1834 au Missouri à l’âge de vingt-sept ans. Cet automne-là, il fut ordonné prêtre et envoyé en Arkansas et au Tennessee pour être l’un des tout premiers missionnaires à apporter l’Evangile à ces régions. Plus tard dans la vie, il témoigna souvent que «de toute sa vie, il n’avait jamais connu davantage l’Esprit et la puissance de Dieu que lorsqu’il était Mary Fielding Smith (1801-52) prêtre, faisant oeuvre missionnaire dans les Etats du sud16». Peu à peu des assemblées naquirent dans tout le nord-est, le midwest et le Canada oriental, et finalement l’Evangile se répandit en Virginie occidentale, au Kentucky et au Tennessee. Tout d’abord, les groupes locaux furent appelés Eglises, mais dès 1835, branches était le terme courant. Cette désignation symbolisait la Certificat d’ancien (recto et verso) de Wilford Woodruff, signé par Joseph Smith en 1836 160 UNE PÉRIODE MERVEILLEUSE À KIRTLAND,1834-36 façon dont les membres d’une localité répandaient la bonne nouvelle auprès de leurs amis vivant dans le voisinage, qui formaient une nouvelle assemblée, laquelle était littéralement une branche du groupe d’origine. Habituellement plusieurs branches se rejoignaient pour des conférences périodiques et, en 1835, les Douze les organisèrent en districts, appelés conférences, chacune ayant des frontières précises comme les pieux modernes17. EVÉNEMENTS NOUVEAUX DANS LE DOMAINE DES ECRITURES Dans une tombe située sur la rive occidentale du Nil, en face de l’antique ville égyptienne de Thèbes (appelée maintenant Louxor), Antonio Lebolo, explorateur francophone du Piémont (région du nord-ouest de l’Italie), découvrit plusieurs momies et avec elles des rouleaux de papyrus. Après sa mort en 1830, les momies et les papyrus furent envoyés aux Etats-Unis, où Michael H. Chandler, qui se disait être le neveu de Lebolo, entra en leur possession en 1833. En 1835, Chandler exposa son trésor archéologique dans plusieurs villes de l’Est. Lorsqu’il arriva à Kirtland, à la fin de juin, les saints manifestèrent beaucoup d’intérêt pour les momies et les papyrus. Chandler avait entendu dire que Joseph Smith prétendait pouvoir traduire les documents anciens. Il lui demanda s’il pouvait traduire les papyrus. Orson Pratt écrit: «Le prophète les prit, se rendit dans sa chambre et interrogea le Seigneur à leur sujet. Le Seigneur lui dit que c’étaient des annales sacrées» et révéla la traduction de quelques-uns des caractères. Chandler avait précédemment envoyé quelques caractères des documents à des savants pour déterminer leur signification probable. En recevant la traduction du prophète, il fournit un témoignage signé disant qu’elle correspondait dans les moindres détails à celle des savants18. Considérablement intéressés par leur contenu, les saints achetèrent les momies et les papyrus pour deux mille quatre cents dollars. Joseph se mit immédiatement à travailler sur les papyrus et découvrit qu’ils contenaient les écrits d’Abraham et ceux de Joseph vendu en Egypte. «Nous pouvons vraiment dire que le Seigneur commence à révéler l’abondance de la paix et de la vérité19.» Pendant le reste du temps qu’il passa à Kirtland, il conserva un intérêt actif pour le travail sur ces écrits antiques. Toutefois, le résultat de ses efforts, le livre d’Abraham, ne fut imprimé qu’en 1842, après que d’autres traductions eurent été terminées à Nauvoo. En février 1843, le prophète promit de fournir davantage de la traduction du livre d’Abraham, mais son calendrier surchargé ne lui laissa pas le temps de terminer l’oeuvre avant d’être assassiné. En 1835, un autre ouvrage canonique de l’Eglise fut publié. Les persécutions du Missouri avaient empêché la publication du Livre des Commandements en 1833. Des mesures furent prises en Ohio pour publier une compilation augmentée des révélations. En septembre 1834, la Première Présidence fut chargée de choisir les révélations que l’on allait publier, et le prophète en révisa quelques-unes pour Page de titre de l’édition 1835 des Doctrine et Alliances corriger des erreurs d’impression et ajouter des informations révélées depuis 1833. Le travail du comité fut terminé l’été suivant, et une assemblée solennelle fut 161 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS convoquée le 17 août 1835 pour voter sur le nouvel ouvrage d’Ecritures qui allait être appelé les Doctrine et Alliances. Le titre du livre désignait ses deux grandes divisions. La première partie, appelée «Doctrine» contenait sept discours sur la foi prononcés l’hiver précédent à l’école des anciens. La deuxième section, intitulée «Alliances et commandements», comprenait quarante-cinq révélations outre celles qui se trouvaient dans le Livre des Commandements20. La préface du volume soulignait les différences entre les discours théologiques et les révélations du Seigneur21. La distinction devint la base d’une décision prise en 1921 de publier les révélations sans les Discours sur la foi pour éviter de créer une confusion chez les lecteurs à propos du statut des discours. VIE QUOTIDIENNE À K I RT L A N D Au milieu des années 1830, Kirtland devint de plus en plus une localité de saints des derniers jours. L’effectif des non membres de l’Eglise y resta relativement constant, soit environ douze à treize cents, mais le nombre de saints tripla presque, passant de près de cinq cents à environ quinze cents entre 1834 et 1837. Ainsi, l’Eglise et ses activités exercèrent peu à peu une plus grande influence sur la vie de la localité. Cela provoqua parfois des tensions entre les deux groupes d’habitants idéologiquement différents22. Si la plupart des saints étaient reconnaissants de voir se produire des événements aussi capitaux que l’appel de douze apôtres et la publication des Doctrine et Alliances, leur vie quotidienne était centrée sur la nécessité de gagner leur vie à la ferme ou en ville. En dépit de longues heures de dur travail physique, les saints trouvaient le temps de se distraire, de s’instruire et d’adorer Dieu. Bien que le temps pour les loisirs fût limité, les saints de Kirtland aimaient aller à la chasse, à la pêche, nager et aller à cheval. Les activités préférées par temps d’hiver étaient le patinage sur glace et les promenades en traîneau. Les Livre de comptes du magasin de Newel K. Whitney (novembre 1836 à 1837) fréquentations familiales étaient particulièrement importantes pour les saints. Après une longue journée de travail, parents et enfants passaient souvent la soirée ensemble à chanter, à jouer, à étudier et à discuter de sujets d’intérêt commun. Les congés étaient rares et passaient généralement inaperçus. Les journaux de l’époque mentionnent rarement des activités spéciales de jour de congé, même le jour de Noël. Une petite sainte des derniers jours fut surprise, au cours d’un voyage à New York City, d’apprendre que d’autres enfants recevaient la visite du Père Noël, qui remplissait leurs chaussettes de cadeaux et de bonbons23. Les saints considéraient l’instruction comme indispensable, et le foyer était le centre de l’apprentissage. Les précepteurs privés comme Eliza R. Snow, qui vivait chez Joseph Smith et instruisait ses enfants, étaient courants. De temps en temps, des instituteurs proposaient leurs services pour des leçons privées dans une maison ou un bâtiment de la localité. Après les premiers efforts de l’école des prophètes en 1833, l’école des anciens se réunit pendant les deux hivers suivants, lorsque les hommes n’étaient pas aussi occupés aux travaux de la ferme ou au rôle missionnaire. Ils se réunissaient dans 162 UNE PÉRIODE MERVEILLEUSE À KIRTLAND,1834-36 une salle de neuf mètres sur douze au rez-de-chaussée de l’imprimerie, juste à l’ouest du temple. Son but était de préparer des hommes qui étaient sur le point de partir en mission ou de servir à d’autres appels de l’Eglise. Le programme des cours consistait en grammaire anglaise, écriture, philosophie, gouvernement, littérature, géographie et histoire ancienne ainsi que moderne. Mais c’est sur la théologie que l’accent était mis. Une conséquence importante de l’école des anciens fut une école hébraïque qui exista de janvier à avril 1836 sous la direction d’un jeune professeur d’hébreu, Joshua Seixas. On lui fit un contrat de 320$ pour instruire quarante élèves pendant sept semaines. L’intérêt était plus grand que prévu, de sorte que l’on organisa deux cours supplémentaires. Après le départ de Seixas, l’intérêt pour l’hébreu se maintint. William W. Phelps, par exemple, discutait souvent de ses traductions de la Bible hébraïque avec ses amis24. Joseph Smith était particulièrement enthousiaste pour son étude de l’hébreu. Il déclara: «Mon âme se réjouit de lire la parole du Seigneur dans la langue originelle25.» Un jeune non membre de l’Eglise, Lorenzo Snow, de la ville proche de Mantua (Ohio), suivit les cours de l’école hébraïque. Un jour qu’il était en route pour Oberlin College, Lorenzo rencontra David W. Patten. Leur conversation s’orienta Page de titre de la grammaire hébraïque de Joshua Seixas. Avant d’être employé par le prophète pour enseigner l’hébreu à Kirtland, Joshua Seixas avait enseigné l’hébreu à Oberlin College, où Lorenzo Snow était un de ses étudiants. vers la religion, et la sincérité et le témoignage de frère Patten impressionnèrent profondément Lorenzo. Il fut donc réceptif lorsque sa soeur Eliza, convertie récente, l’invita à suivre les cours de l’école. Pendant qu’il y était, il fit la connaissance de Joseph Smith et d’autres dirigeants de l’Eglise et fut baptisé en juin 1836. Le culte du jour du sabbat était au centre de la vie des premiers saints des derniers jours. Beaucoup de gens rassemblaient suffisamment de bois pour le feu et terminaient leurs autres corvées le samedi pour pouvoir consacrer le dimanche aux questions spirituelles. Ils se réunissaient dans des maisons et plus tard dans des écoles pour le service de culte, mais pendant la saison chaude, ils se rassemblaient en plein air. Les réunions du dimanche étaient simples. La réunion du matin commençait généralement à dix heures par un cantique et une prière suivis d’un ou deux sermons. Le service de l’après-midi était du même genre, mais on y ajoutait habituellement la bénédiction de la Sainte-Cène. A l’occasion, on procédait à des confirmations et des mariages au cours de ces réunions. Le premier jeudi de chaque mois était jour de jeûne. Au cours des réunions qui duraient souvent six heures, les saints chantaient, priaient, rendaient leur témoignage, décrivant les manifestations divines de leur vie et s’exhortaient mutuellement à vivre l’Evangile. Eliza R. Snow garda un souvenir attendri de ces réunions qu’elle considérait comme «sacrées et intéressantes au-delà de tout ce que le langage peut décrire. Très, très nombreux étaient, en ce temps-là, les effusions de l’Esprit de Dieu, manifestant les dons de l’Evangile et de guérison, de prophétie, des langues, d’interprétation des langues, etc.26». Les soirs de semaine étaient également remplis de réunions de collèges de prêtrise, de services de prédication ou de réunions au cours desquelles on donnait des bénédictions patriarcales. 163 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS La musique a toujours joué un rôle important dans le culte des saints. En juillet 1830, une révélation invitait Emma Smith à composer un recueil de cantiques pour l’Eglise. Ce petit volume parut finalement en 1835. Il contenait les paroles de quatre-vingt-dix cantiques, trente-quatre écrits par des membres de l’Eglise, qui rendaient témoignage du Rétablissement. Le reste des cantiques était tiré des livres de cantiques courants de l’époque. Il n’y avait pas de musique dans le livre. Les saints chantaient les cantiques sur des airs populaires de l’époque, et souvent les branches et les choeurs utilisaient des mélodies différentes pour les mêmes chants. Plusieurs cantiques choisis par Emma Smith, avec l’aide de William W. Phelps, existent encore dans notre livre de cantiques. CONSTRUCTION DE LA MAISON DU SEIGNEUR Pendant trois ans environ, les saints de Kirtland consacrèrent leur temps et leur énergie à la construction du premier temple de notre dispensation. L’entreprise commença en décembre 1832, quand le Seigneur leur commanda: «Etablissez une maison qui sera une maison de prière, une maison de jeûne, une maison de foi, une maison de science, une maison de gloire, une maison d’ordre, une maison de Dieu» (D&A 88:119). Cinq mois plus tard, le Seigneur réprimanda l’Eglise pour sa lenteur et l’exhorta à aller de l’avant dans la construction du temple (voir D&A 95). Les saints se consacrèrent alors fidèlement à la tâche. Le prophète demanda un jour à une conférence de grands prêtres comment il fallait construire le temple. Certains étaient en faveur de le construire avec des rondins. D’autres préféraient une construction en planches. «Mes frères, dit-il, allons-nous construire une maison pour notre Dieu avec des rondins? Non, j’ai un Publié avec la permission du ministère de l'intérieur des Etats-Unis d'Amérique Dessins d’architecte du temple de Kirtland 164 UNE PÉRIODE MERVEILLEUSE À KIRTLAND,1834-36 meilleur plan que cela. J’ai un plan de la maison du Seigneur, donné par lui-même; et vous allez bientôt voir à cela la différence entre nos calculs et sa conception des choses27.›» Truman O. Angell, un des superviseurs de la construction, témoigna que la promesse du Seigneur de montrer au prophète la conception du bâtiment s’accomplit littéralement. Il dit que quand la Première Présidence se mit à genoux pour prier, «le bâtiment apparut à portée de regard». Plus tard, tandis qu’il parlait dans le temple terminé, Frederick G. Williams dit que la salle dans laquelle ils se réunissaient correspondait à tous points de vue à la vision qui leur avait été donnée28. L’extérieur du temple ressemblait à une église typique de la NouvelleAngleterre, mais son intérieur était unique. Le Seigneur avait spécifié que le bâtiment devait comporter deux grandes salles, l’une au-dessus de l’autre, chacune mesurant seize mètres cinquante sur dix-neuf mètres cinquante. La salle inférieure allait être la salle de Sainte-Cène, où on allait prier, prêcher et bénir la Sainte-Cène. La salle supérieure allait servir à des desseins éducatifs (voir D&A 95:8, 13-17). La construction du temple commença le 6 juin 1833. En réponse à l’exhortation du Seigneur, un comité reçut pour tâche de fournir les matériaux nécessaires à l’ouvrage. On trouva une carrière de pierre à trois kilomètres au sud du chantier, et l’on alla immédiatement en extraire un chariot de pierres. Hyrum Smith et Reynolds Cahoon se mirent à creuser une tranchée pour la fondation. Mais les saints étaient si pauvres, rappelle un des premiers membres, que «il était impossible de trouver un râcloir et quasiment impossible de trouver une charrue parmi les saints29». Néanmoins, «l’unité, l’entente et la charité abondaient pour [les] fortifier» afin d’accomplir le commandement de construire le temple30. Le 23 juillet 1833, les pierres angulaires furent posées «selon l’ordre de la sainte prêtrise31». Presque tous les hommes valides qui n’étaient pas partis en mission travaillèrent sur le chantier du temple. Joseph Smith remplit le rôle de contremaître à la carrière. Le samedi, les hommes amenaient des attelages et des chariots et transportaient suffisamment de roches taillées au chantier pour occuper les maçons pendant la semaine suivante. Sous la direction d’Emma Smith, les femmes «firent des bas, des pantalons et des vestes» pour les ouvriers du temple. Heber C. Kimball raconte: «Nos épouses étaient constamment occupées à tricoter, à filer et à coudre . . . Elles étaient aussi occupées que n’importe lequel d’entre nous32.» Les travaux du temple ne se firent pas sans difficultés. Des émeutiers menaçaient de détruire le temple, et ceux qui y travaillaient le jour le gardaient la nuit. Pendant des semaines, nuit après nuit, dit Heber C. Kimball, “il ne nous fut pas permis d’enlever nos vêtements, et nous fûmes obligés de dormir avec nos mousquets dans les bras33”. Comme l’Eglise était constamment en détresse financière au cours de cette période, les saints des Etats-Unis et du Canada furent invités à verser des dons, et beaucoup le firent au prix de grands sacrifices personnels. Vienna Jaques fut une des premières à donner, offrant une grande partie de ses biens matériels. John Tanner fit un emprunt d’argent pour payer 165 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Certificat autorisant la demande de fonds pour le temple de Kirtland l’emplacement du temple, puis vendit ses huit cent quatre-vingt-dix hectares de ferme dans l’Etat de New York pour donner trois mille dollars pour acheter des matériaux. Il continua à donner jusqu’à ce qu’il eût fait don de presque tout ce qu’il possédait34. Le camp de Sion interrompit aussi les travaux pendant l’été 1834, étant donné que peu d’ouvriers étaient disponibles et que les fonds étaient détournés pour aider les saints du Missouri dans la détresse. Lorsque les frères revinrent du camp de Sion, les travaux avancèrent plus rapidement. Cet automne-là, Joseph Smith écrivit: «On fit de gros efforts pour accélérer les travaux sur la maison du Seigneur, et en dépit du fait qu’elle commença à un moment où on ne disposait quasiment d’aucun moyen, la voie s’ouvrit en cours de travaux, et les saints se réjouirent35.» Les murs avaient environ un mètre vingt de hauteur à l’automne 1834 mais montèrent vite au cours de l’hiver. Dès novembre 1835, le stucage extérieur commençait; on mélangea de la verrerie au stuc pour rendre les murs scintillants. Sous la direction de Brigham Young, l’intérieur fut terminé au cours de février 1836. Les soeurs firent les rideaux et les tapis. UNE PÉRIODE DE PENTECÔTE Outre leurs gros efforts personnels, les saints dépensèrent de quarante à soixante mille dollars pour le temple. Du fait qu’ils étaient si disposés à faire des sacrifices pour la construction du temple, le Seigneur répandit de grandes bénédictions sur eux. Du 21 janvier au 1 mai 1836, «il y eut probablement plus de saints des derniers jours qui eurent des visions et qui furent témoins d’autres manifestations spirituelles extraordinaires qu’au cours de n’importe quelle autre période de l’histoire de l’Eglise36». Des membres de l’Eglise virent des messagers célestes pendant au moins dix réunions différentes et, à cinq de ces réunions, différentes personnes témoignèrent avoir vu le Sauveur lui-même. Beaucoup eurent des visions, certains prophétisèrent, d’autres parlèrent en langues. Une des réunions les plus importantes tenues dans le temple de Kirtland eut lieu le jeudi 21 janvier 1836. Le prophète écrit: Le soir «lorsque l’on eut allumé les chandelles, je me réunis avec la présidence dans la salle de classe de l’ouest, dans le temple, pour accomplir l’ordonnance de nous oindre la tête d’huile consacrée . . . 166 UNE PÉRIODE MERVEILLEUSE À KIRTLAND,1834-36 «Nous mîmes ensuite les mains sur notre vieux frère Smith et demandâmes les bénédictions du ciel . . . Les cieux s’ouvrirent à nous, et je vis le royaume céleste de Dieu et sa gloire . . . Je vis . . . le trône flamboyant de Dieu . . . Je vis les belles rues de son royaume, qui paraissaient pavées d’or.» Joseph Smith vit aussi beaucoup de prophètes dans le royaume céleste avant que sa vision ne changeât de scène (voir D&A 137:1, 3-5). Il vit ensuite les Douze récemment nommés «debout ensemble en cercle, très fatigués, les vêtements en lambeaux et les pieds enflés . . . et Jésus debout au milieu d’eux, et ils ne le voyaient pas . . . «Beaucoup de mes frères qui reçurent l’ordonnance [de l’ablution et de l’onction] avec moi eurent également de glorieuses visions. Des anges les servirent eux tout comme moi, et la puissance du Très-Haut reposa sur nous. La maison fut remplie de la gloire de Dieu, et nous criâmes Hosanna à Dieu et à l’Agneau . . . « . . . Certains d’entre eux virent le visage du Sauveur . . . car nous communiions tous avec l’armée céleste37.» Joseph Smith vit son frère Alvin dans le royaume céleste et s’étonna parce qu’il était mort avant le rétablissement de l’Evangile. En outre, en même temps que la vision, le Seigneur révéla le principe de la miséricorde: «Tous ceux qui sont morts sans connaître l’Evangile, qui l’auraient reçu s’il leur avait été permis de demeurer, seront héritiers du royaume de Dieu» (D&A 137:7). Le Prophète apprit aussi que tous les enfants qui meurent avant l’âge de responsabilité «sont sauvés dans le royaume céleste de Dieu» (D&A 137:10). Les expériences spirituelles les plus mémorables se produisirent le jour de la consécration du temple, le dimanche 27 mars 1836. Des centaines de saints des derniers jours arrivèrent à Kirtland dans l’attente des grandes bénédictions que le Seigneur avait promis de leur conférer. Tôt le matin de la consécration du temple, des centaines de personnes se rassemblèrent à l’extérieur du bâtiment dans l’espoir d’assister au service de consécration. Les portes furent ouvertes à huit heures du matin, et la Première Présidence aida à placer l’assemblée, qui s’élevait à près de mille personnes, mais beaucoup furent laissées à l’extérieur. Lorsque les dirigeants de l’Eglise furent assis sur les chaires et les estrades surélevés à chaque extrémité de la salle et lorsque tous les sièges disponibles du temple furent remplis, les portes furent fermées. De ce fait, des centaines de personnes restaient encore à l’extérieur, parmi lesquelles un grand nombre qui avaient fait d’énormes sacrifices pour la construction du temple et avaient parcouru de longues distances pour assister à la consécration. Sentant leur déception, le prophète leur dit de tenir une réunion dans l’école située juste à l’ouest. Le service de consécration fut répété pour leur profit le jeudi suivant. Après le cantique d’ouverture par le choeur, Sidney Rigdon parla pendant deux heures et demie, déclarant que le temple était unique parmi tous les bâtiments du monde parce qu’il avait été édifié sur révélation divine. Après une brève suspension de séance, les officiers de l’Eglise furent soutenus. Le point culminant du jour fut la prière de consécration, qui avait précédemment été donnée au prophète par révélation. Il exprima sa gratitude des bénédictions de Dieu et demanda au Seigneur d’accepter le temple qui avait été construit «au milieu de 167 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Le temple de Kirtland grandes tribulations . . . afin que le Fils de l’Homme ait un lieu pour se manifester à son peuple» (D&A 109:5). Il demanda que les bénédictions promises au moment où le Seigneur commanda la construction du temple (voir D&A 88:117-21) se réalisent maintenant et pria pour que les dirigeants et les membres de l’Eglise et les dirigeants des nations soient bénis et que le rassemblement promis des restes dispersés d’Israël s’accomplisse (voir D&A 109:60-67). Cette prière est devenue le modèle des autres prières de consécration de temples. Après la prière, le choeur chanta le cantique «l’Esprit du Dieu saint». Il avait été écrit spécialement par W.W. Phelps pour la consécration. La Sainte-Cène fut ensuite bénie et distribuée à l’assemblée. Joseph Smith et les autres témoignèrent qu’ils avaient vu des messagers célestes lors de la cérémonie. L’assemblée termina celle-ci, longue de sept heures, en se levant et en poussant le cri sacré de Hosanna: «Hosanna, Hosanna, Hosanna à Dieu et à l’Agneau, amen, amen et amen», répété 168 UNE PÉRIODE MERVEILLEUSE À KIRTLAND,1834-36 trois fois. Eliza R. Snow dit que le cri fut poussé «avec une puissance qui semblait presque suffisante pour soulever le toit du bâtiment38». Ce soir-là, plus de quatre cents détenteurs de la prêtrise se réunirent dans le temple. George A. Smith parlait, «quand on entendit un bruit semblable au déferlement d’un vent puissant, qui remplit le temple, et toute l’assemblée se leva simultanément, poussée par une puissance invisible; beaucoup commencèrent à parler en langues et à prophétiser; d’autres eurent des visions glorieuses, et je vis le temple rempli d’anges39». «David Whitmer témoigna qu’il voyait trois anges monter l’allée sud40.» «Les gens du voisinage accoururent (en entendant un bruit extraordinaire et en voyant une lumière brillante semblable à une colonne de feu reposer sur le temple).» D’autres virent des anges au-dessus du temple et entendirent des chants célestes41. La manifestation spirituelle la plus transcendante de toutes se produisit une semaine après la consécration. Après le service du culte de l’après-midi, Joseph Smith et Oliver Cowdery se retirèrent près des chaires de la Prêtrise de Melchisédek à l’extrémité ouest de la salle basse du temple. La cloison en toile, appelée voile, fut baissée pour qu’ils puissent prier en privé. Tandis qu’ils priaient, «le voile fut enlevé de notre esprit, et les yeux de notre entendement furent ouverts» (D&A 110:1). Ils eurent une série de visions remarquables. Le Seigneur Jésus-Christ apparut, accepta le temple et promit de s’y manifester «si [le] peuple [voulait] garder [les] commandements et ne souillait pas cette maison sacrée» (D&A 110:8; voir aussi vv. 2-9). Ensuite Moïse apparut et rétablit «les clefs pour rassembler Israël des quatre coins de la terre et pour ramener les dix tribus du pays du nord» (v. 11). Ensuite, Elie conféra «la dispensation de l’Evangile d’Abraham» (v. 12). Enfin, pour accomplir la prophétie de Malachie (voir Malachie 4:5-6) et la promesse de Moroni (voir D&A 2) de «tourner le coeur des pères vers les enfants, et le coeur des enfants vers les pères» (D&A 110:15), Elie apparut au prophète et à Oliver témoignant que «les clefs de cette dispensation seraient mises entre [leurs] mains» en vue du «jour de l’Eternel, ce jour grand et redoutable» (v. 16). Grâce aux clefs de scellement rendues par Elie, les saints des derniers jours peuvent maintenant accomplir les ordonnances salvatrices de la prêtrise en faveur de leurs ancêtres décédés aussi bien que pour les vivants. Ces ordonnances sacrées pour les morts ne furent présentées aux membres de l’Eglise qu’à l’époque de Nauvoo. Ce grand jour de visions et de révélations se produisit le dimanche de Pâques 3 avril 1836. Quel meilleur jour dans la dispensation de la plénitude des temps pour reconfirmer la réalité de la résurrection? Ce week-end-là était aussi la pâque juive. Depuis des siècles, les familles juives laissent une chaise vide lors de leur fête de la pâque en vue du retour d’Elie. Elie est revenu, non pour une fête de la pâque, mais dans le temple du Seigneur à Kirtland. La période de l’automne 1834 à l’été 1836 fut une période de merveilleux progrès pour l’Eglise, et il semblait que le mouvement était lancé. Mais des jours sombres et tristes attendaient les saints de Kirtland, car des forces venues aussi bien de l’intérieur que de l’extérieur menaçaient la progression de l’Eglise. 169 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS NOTES 1. Voir History of the Church, 2:176. 19. History of the Church, 2:236. 2. Voir History of the Church, 1:39-43. 20. Voir Doctrine and Covenants, éd. 1835, pp. 5, 75. 3. Joseph Fielding Smith, Doctrine du salut, comp. Bruce R. McConkie, 3 vol., 1:200. 4. Dans History of the Church, 2:182; voir aussi pp. 181-89. 5. History of the Church, 2:195-96, 198. 6. Voir History of the Church, 2:181n., 201-2; Joseph Young, History of the Organization of the Seventies, Salt Lake City, Deseret News, 1878, pp. 1-2, 14. 7. Voir Milton V. Backman, fils, The Heavens Resound, Salt Lake City, Deseret Book Co., 1983, pp. 253-55. 8. Voir History of the Church, 2:220. 9. Dans Ronald K. Esplin, «The Emergence of Brigham Young and the Twelve to Mormon Leadership, 1830-1841», thèse de doctorat, Université Brigham Young, 1981, p. 170. Voir aussi Ronald K. Esplin, «Joseph, Brigham and the Twelve: A Succession of Continuity», Brigham Young University Studies, été 1981, pp. 308-9. 10. Journal History of the Church of Jesus Christ of Latter-day Saints, 2 juin 1835, département d’histoire, Salt Lake City, voir aussi Backman, Heavens Resound, p. 112. 11. Journal de Caroline Crosby, département d’histoire de l’Eglise, Salt Lake City; voir aussi Kenneth W. Godfrey, Audrey M. Godfrey et Jill Mulvay Derr, Women’s Voices, Salt Lake City, Deseret Book Co., 1982, pp. 49-50. 12. Voir Ronald K. Esplin, «The Emergence of Brigham Young and the Twelve to Mormon Leadership», pp. 161-65; voir aussi History of the Church, 2:222-26. 13. Parley P. Pratt, éd., Autobiography of Parley P. Pratt, série Classics in Mormon Literature, Salt Lake City, Deseret Book Co., 1985, p. 110. 14. Voir Pratt, Autobiography of Parley P. Pratt, pp. 113-19; B. H. Roberts, The Life of John Taylor, Salt Lake City, Bookcraft, 1963, pp. 31-38. 15. Parley P. Pratt, Autobiography of Parley P. Pratt, p. 119. 16. Dans Matthias F. Cowley, Wilford Woodruff, Salt Lake City, Bookcraft, 1964, p. 62. 17. Voir Samuel George Ellsworth, «A History of Mormon Missions in the United States and Canada, 1830-1860», thèse de doctorat, Université de Californie, 1951, pp. 147-54. 18. Orson Pratt, dans Journal of Discourses, 20:65; voir aussi History of the Church, 2:235. 170 21. Voir History of the Church, 2:250-51. 22. Voir Milton V. Backman, fils, comp., A Profile of Latter-day Saints in Kirtland, Ohio, and Members of Zion’s Camp, 1830-1839: Vital Statistics and Sources, Provo, Université Brigham Young, Religious Studies Center, 1983, p. 83. 23. Voir Mary Ann Stearns, «An Autobiographical Sketch of the Late Mary Ann Stearns Winters, Daughter of Mary Ann Stearns Pratt», département d’histoire de l’Eglise, Salt Lake City, p. 6. 24. Voir History of the Church, 2:355-56; Backman, Heavens Resound, pp. 268-72. 25. History of the Church, 2:396. 26. Nicholas G. Morgan, comp., Eliza R. Snow, an Immortal: Selected Writings of Eliza R. Snow, Salt Lake City, Fondation Nicholas G. Morgan, père, 1957, p. 63. 27. Lucy Mack Smith, History of Joseph Smith, éd. Preston Nibley, Salt Lake City, Bookcraft, 1958, p. 230; voir aussi History of the Church, 1:352. 28. Autobiography of Truman O. Angell, département d’histoire de l’Eglise, Salt Lake City; Kate B. Carter, comp., Our Pioneer Heritage, 19 vol., Salt Lake City, Daughters of Utah Pioneers, 1967-76, 10:198. 29. Benjamin F. Johnson, My Life’s Review, Independence, Mo., Zion’s Printing and Publishing Co., 1947, p. 16. 30. History of the Church, 1:349. 31. History of the Church, 1:400. 32. Heber C. Kimball, dans Journal of Discourses, 10:165. 33. «Elder Kimball’s Journal», Times and Seasons, 15 janv. 1845, p. 771; ou History of the Church, 2:2. 34. Voir Backman, Heavens Resound, pp. 151-53. 35. History of the Church, 2:167. 36. Backman, Heavens Resound, p. 285. 37. History of the Church, 2:379-82. 38. Morgan, Eliza R. Snow, p. 62. 39. History of the Church, 2:428. 40. George A. Smith, dans Journal of Discourses, 11:10. 41. History of the Church, 2:428; Backman, Heavens Resound, p. 300. CHAPITRE QUATORZE A P O S TA S I E Ligne du temps Date Evénement important Juill.-août 1836 Mission à New York et à Salem (Massachusetts) à la recherche de fonds 2 janv. 1837 Création de la Kirtland Safety Society Mai 1837 La panique de 1837 atteint l’Ohio Juill. 1837 Les premiers missionnaires prêchent l’Evangile en Grande-Bretagne Août 1837 Les apostats de la «Old Standard» perturbent une réunion dans le temple de Kirtland 12 janv. 1838 Joseph Smith fuit devant ses ennemis Juill.-oct. 1838 Voyage du camp de Kirtland au Missouri À K I RT L A N D , 1836-38 L E 6 JUILLET 1838, une caravane de chariots longue d’un kilomètre et demi descendait lentement vers le sud, le long de la vieille route de Chillicothe, dans le nord de l’Ohio. Plus de cinq cents saints découragés quittaient leurs maisons, leurs entreprises et un beau temple pour s’embarquer pour un voyage ardu de trois mois afin de rejoindre le prophète et les saints dans le nord du Missouri. Un des saints écrit: «Nous tournâmes la clef et fermâmes la porte de nos maisons, laissant nos biens et tout ce que nous possédions entre les mains d’ennemis et d’étrangers, sans recevoir le moindre sou pour nos possessions1.» C’étaient deux ans seulement après que le temple de Kirtland eut été consacré et que les saints eussent connu une grande effusion spirituelle et se fussent réjouis d’avoir de belles perspectives d’avenir. Qu’est-ce qui avait réduit à néant cet espoir et obligé les saints à quitter Kirtland? FAC E À L A PA U V R E T É Le rassemblement de nouveaux convertis dans la région de Kirtland continua sans désemparer après la consécration du temple en mars 1836. La plupart de ces saints étaient des gens travailleurs et dévoués, mais, comme le fait remarquer Benjamin F. Johnson, la plupart appartenaient «à la classe pauvre2». Malheureusement certains d’entre eux arrivèrent dans l’espoir que les fonds de l’Eglise ou la générosité des membres prendraient soin d’eux. Le nombre croissant de mormons vivant dans la pauvreté alarma les citoyens de vieille souche de Kirtland, qui se coalisèrent dès 1835 et avertirent les pauvres qu’ils devaient quitter la ville. Conscient du problème, Joseph Smith recommanda aux branches de ne pas envoyer de familles démunies à Kirtland. «Les saints ont négligé les préparatifs nécessaires . . . d’une manière générale, les riches sont restés sur place et ont gardé leur argent, tandis que les pauvres sont partis les premiers sans argent. Dans de telles circonstances, à quoi pouvait-on s’attendre si ce n’est à l’affreux tableau qui se présente maintenant à nous3?» Quelque chose qui contribua à l’affreux tableau fut les nombreuses maisons petites et mal conçues que les membres de l’Eglise avaient construites au petit bonheur le long de la Chagrin River et directement au sud du temple. Indépendamment de ces problèmes, l’optimisme commença à régner à Kirtland après la consécration du temple, et les membres ambitieux de l’Eglise tentèrent de mettre un terme à leur appauvrissement. Néanmoins l’afflux rapide de saints à Kirtland accéléra le besoin de terrains, de maisons et de biens. Warren Cowdery fit 171 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS observer dans le Messenger and Advocate: «Le bruit et l’animation d’attelages tirant du bois, des briques, de la pierre, de la chaux, des marchandises se faisait entendre depuis les premières lueurs de l’aube jusqu’au crépuscule . . . L’apparition, comme par magie, de bâtiments, partout autour de nous était la manifestation d’une espérance optimiste, d’une vive attente et de la ferme assurance que l’époque de notre misère noire était passée, que le moment fixé par le Seigneur pour favoriser Sion était arrivé4.» En dépit du fait que la situation matérielle des saints commençait à s’améliorer, l’Eglise était toujours substantiellement endettée. Les capitaux, tels que l’or et l’argent, restaient insuffisants. En outre, il fallait des fonds pour acheter des terrains pour installer les saints à Kirtland et dans le nord du Missouri. Les dirigeants de l’Eglise cherchèrent activement le moyen de diminuer la dette et d’augmenter la quantité d’argent utilisable. En juillet 1836, un certain frère Burgess arriva à Kirtland et dit à Joseph Smith qu’il connaissait un endroit où une grosse somme d’argent était cachée dans la cave d’une certaine maison de Salem (Massachusetts). Il prétendait être la seule personne vivante à être au courant de l’existence du trésor et de l’emplacement de la maison. Salem était un port de mer prospère avec un commerce mondial; il était donc plausible qu’un trésor s’y trouve. La chasse aux trésors ensevelis, en particulier ceux laissés par les pirates espagnols, était toujours très répandue chez les Américains de la région. Persuadé par Burgess, le prophète, Sidney Rigdon, Hyrum Smith et Oliver Cowdery quittèrent Kirtland fin juillet pour New York City. Après être arrivés là-bas, ils passèrent quatre jours à tenir conseil avec leurs créanciers au sujet de leurs dettes. Oliver Cowdery s’informa aussi au sujet de l’impression de billets de banque pour une future banque patronnée par l’Eglise. Après New York, le groupe prit le bateau pour Boston et de là il voyagea par chemin de fer jusqu’à Salem pour rencontrer Burgess et en apprendre davantage sur l’argent caché dans cette ville. Ce n’était pas la première visite de Joseph Smith à Salem. Il s’y était déjà rendu à l’âge de sept ans avec son oncle Jesse pour récupérer d’une grave opération à la jambe. Même avec l’aide de Burgess, les frères cherchèrent en vain la maison contenant le prétendu trésor. Burgess ne tarda pas à s’en aller, après avoir expliqué que Salem avait tellement changé depuis la dernière fois qu’il s’était rendu là-bas, qu’il ne pouvait pas trouver la maison. Mais les frères continuèrent à chercher. Ils finirent par louer une maison correspondant à la description de Burgess, mais ils ne trouvèrent pas d’argent5. Dans une révélation donnée le 6 août 1836 à Salem, le Seigneur dit: «Moi, le Seigneur, je ne suis pas mécontent, en dépit de vos folies, que vous ayez entrepris ce voyage» (D&A 111:1). Le Seigneur dit aussi aux frères: «J’ai beaucoup de trésors [ã Salem] . . . et beaucoup de gens dans cette ville que je rassemblerai en temps opportun, pour le bénéfice de Sion» (v. 2). Cinq ans plus tard, à Philadelphie, Erastus Snow fut membre du Collège des Douze de 1849 à sa mort en 1888. En octobre 1849, il fut chargé de se rendre au Danemark pour y introduire l’Evangile. 172 Hyrum Smith remettait à Erastus Snow et à Benjamin Winchester un exemplaire de la révélation et leur demandait d’aller à Salem l’accomplir. Au départ frère Snow fut réticent parce qu’il était vivement désireux de rentrer chez lui, mais il APOSTASIE À KIRTLAND, 1836-38 pria pour être guidé et reçut l’assurance qu’il devait partir. Benjamin Winchester partit aussi mais ne resta que peu de temps. Si les progrès furent d’abord lents, en 1842, frère Snow organisa une branche à Salem avec 120 membres. Après y avoir passé plus d’un an, ils partirent en février 1843. Ainsi, Erastus Snow accomplit la promesse que «beaucoup de gens» seraient rassemblés dans la ville6. K I RT L A N D S A F E T Y S O C I E T Y Le nombre de banques des Etats-Unis avait presque doublé au cours des années 1830 avec l’accroissement des demandes de crédit et d’argent. Les banques fournissaient des prêts, de l’argent papier, un moyen d’échange et un coffre-fort pour l’argent. A Kirtland, Joseph Smith et d’autres dirigeants de l’Eglise caressaient l’idée de fonder une banque. Avec une aide juridique, des statuts furent rédigés pour constituer à Kirtland une banque, qui serait appelée la Kirtland Safety Society. En novembre 1836, Orson Hyde se rendit à la capitale de l’Ohio avec une demande auprès du gouvernement de l’Etat d’approuver la constitution de la banque. En même temps, Oliver Cowdery se rendait à Philadelphie acheter des plaques pour imprimer des billets de banque. Il y réussit, mais Orson revint de Colombus avec des nouvelles décourageantes. La demande avait été formulée au mauvais moment, et le gouvernement, après avoir examiné la pétition, refusa d’accorder une charte à la banque. Les «Hard-money» Democrats, qui étaient opposés à l’expansion des banques en Ohio, avaient pris le contrôle du gouvernement et refusaient quasiment toute demande de création de nouvelles banques. Billet de banque émis par la Kirtland Safety Society Les frères furent déçus, mais ils décidèrent de créer une société anonyme par actions privée qui serait appelée la Kirtland Safety Society Anti-Banking Company. Comme d’autres banques dépourvues de charte ou non autorisées avaient été organisées en Ohio, ils supposaient que l’on avait le droit légal d’organiser une 173 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS société privée se livrant à des activités bancaires. Beaucoup de gens de la Western Reserve, aussi bien non-membres ou membres de l’Eglise, se décidèrent au départ en faveur de la création de la société avec Joseph Smith comme trésorier et Sidney Rigdon comme secrétaire. La Kirtland Safety Society ouvrit ses portes le 2 janvier 1837. Rapidement se posèrent des problèmes graves, qui sapèrent le succès de la banque. Beaucoup d’autres banques refusèrent d’accepter les billets de la Safety Society comme monnaie légale, et les journaux antimormons déclarèrent que l’argent était sans valeur. En outre, le capital de la société était essentiellement constitué de terres; elle ne possédait pas beaucoup d’espèces (comme de l’or et de l’argent) pour satisfaire toute demande importante de rachat de sa monnaie papier. Les ennemis de l’Eglise obtinrent suffisamment de billets pour lancer une demande de remboursement massif de la banque, forçant la société à suspendre ses paiements en espèces à ses clients quelques semaines après l’émission des premiers billets. L’absence de charte gênait aussi la crédibilité de la société. Il s’ensuivit que Joseph Smith et Sidney Rigdon furent accusés de violation des statuts bancaires de l’Ohio et cités à comparaître devant le tribunal. Au printemps 1837, les problèmes économiques des saints furent aggravés par une panique (appelée plus tard la panique de 1837) qui, débutant à New York, se répandit vers l’ouest dans d’autres parties du pays. Dès le mois de mai, toutes les banques de l’Ohio avaient cessé de payer en espèces. Pendant la panique, l’argent fut rare, et beaucoup de créanciers ne purent proposer du crédit ou durent reporter des échéances. Joseph Smith fit tout ce qu’il pouvait pour persuader les investisseurs d’investir davantage de fonds pour soutenir la banque, mais il en remit finalement le fonctionnement à d’autres. Cela ne résolut toutefois pas le problème de l’incurie de la gestion et des rumeurs que certains d’entre eux détournaient les fonds de la société. Un mouvement croissant de spéculation à Kirtland vint encore alourdir les problèmes économiques de l’Eglise. Croyant disposer d’argent, qu’elles avaient emprunté à la banque, beaucoup de personnes s’endettèrent pour acheter des terres pour les revendre avec un bénéfice substantiel. Warren Cowdery fit l’observation, dans le Messenger and Advocate que pas mal de membres étaient «coupables de spéculation effrénée et de rêves visionnaires de richesse et d’ambition profane, comme si l’or et l’argent étaient leur dieu, et les maisons, les fermes et les marchandises leur seule béatitude ou leur seul passeport pour y parvenir7». A l’automne 1836, Heber C. Kimball revint de mission et fut stupéfait des résultats de ces spéculations. Il écrit: «Quand nous avons quitté Kirtland, un lopin de terre valait environ $150; mais à notre retour, on nous affirma, à notre grand étonnement, que le même lopin valait entre $500 et $1000 en fonction de l’emplacement; et certains hommes qui, à mon départ, arrivaient à peine à se procurer leur nourriture, je les retrouvai soi-disant très riches; en fait, tout dans cet endroit semblait baigner dans une grande prospérité, et tout le monde paraissait décidé à devenir riche8.» 174 APOSTASIE À KIRTLAND, 1836-38 Parce qu’elle dépassait ses capacités, la Kirtland Safety Society fut finalement obligée de fermer ses portes en novembre 1837. Les deux cents personnes qui avaient investi dans la banque perdirent presque tout leur investissement. Joseph Smith perdit, à cause de la faillite de la société, plus que n’importe qui d’autre. Tandis qu’il cherchait à réussir avec la banque et en même temps à acheter des terres à Kirtland et des marchandises pour son magasin, il accumula des dettes s’élevant à environ cent mille dollars. Bien qu’il eût un actif en terres et en marchandises qui avait plus de valeur à certains égards que ses dettes, il fut incapable de transformer immédiatement cet actif en une forme utilisable pour payer ses créanciers. A cause de cela, il dut subir dix-sept procès en 1837 dans le comté de Geauga pour des dettes s’élevant à plus de trente mille dollars. Malheureusement, peu de gens comprenaient correctement les causes de leurs difficultés économiques. Beaucoup de saints parlèrent contre le prophète et l’accusèrent d’être responsable de tous leurs problèmes. L’ A P O S TA S I E S E R É PA N D Beaucoup de membres de l’Eglise apostasièrent au cours de cette période sombre de détresse économique. Eliza R. Snow fait observer qu’à la suite de la consécration du temple de Kirtland en 1836, un certain nombre de membres de l’Eglise avaient le sentiment que «l’aube de la prospérité pointait pour eux . . . et beaucoup qui avaient été humbles et fidèles . . . adoptaient une attitude hautaine et étaient exaltés dans l’orgueil de leur coeur. Tandis que les saints absorbaient l’amour et l’esprit du monde, l’Esprit du Seigneur se retirait de leur coeur, et ils étaient remplis d’orgueil et de haine à l’égard de ceux qui conservaient leur intégrité9». Wilford Woodruff écrivit aussi que les membres furent avertis par leurs dirigeants que s’ils ne s’humiliaient pas et ne se repentaient pas de leur orgueil, un fléau les attendait comme du temps des anciens Néphites10. Le Messenger and Advocate, journal de Kirtland, signala que des frères sans scrupules profitaient des nouveaux venus dans la communauté en leur décrivant des possibilités d’investissement extraordinaires, prenant leur argent et les abandonnant ensuite11. Les médisances contre Joseph Smith étaient courantes à Kirtland au cours du printemps et de l’été 1837, en particulier quand il était parti pour affaires ou en mission. Certains hommes, qui détenaient des postes de confiance dans l’Eglise, rejetèrent sa direction et déclarèrent qu’il n’était plus un vrai prophète. Lorsque Parley P. Pratt revint d’une mission au Canada, l’apostasie avait fait du chemin. Il fut temporairement pris au piège de ses difficultés et laissa un récit franc de ce qui lui arriva. “Il y eut aussi de l’envie, des mensonges, des querelles et des divisions qui causèrent beaucoup d’ennuis et de tristesse. Je fus également calomnié et maltraité par de tels esprits. A un moment donné, je fus moi-même rempli, dans une grande mesure, du même esprit, et il me semblait que les puissances mêmes des ténèbres qui font la guerre aux saints étaient déchaînées contre moi. Mais le Seigneur connaissait ma foi, mon zèle, l’intégrité de mes intentions, et il me donna la victoire. 175 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS “J’allai, en larmes, trouver frère Joseph Smith et, le coeur brisé et l’esprit contrit, je confessai en quoi je m’étais trompé en esprit, avais murmuré, fait ou dit dans le mauvais sens. Il me pardonna franchement, pria pour moi et me bénit. C’est ainsi que par l’expérience j’appris plus complètement à discerner et à opposer les deux esprits et à résister à l’un et à m’attacher à l’autre12.” A plusieurs reprises, des hommes solides tels que Brigham Young et Heber C. Kimball défendirent le prophète à diverses réunions, en dépit du danger que cela leur faisait courir. En février 1837, plusieurs anciens convoquèrent une réunion dans le temple pour tous ceux qui considéraient que Joseph Smith était un prophète déchu. Ils avaient l’intention de désigner David Whitmer comme nouveau dirigeant de l’Eglise. Brigham Young, Heber C. Kimball et d’autres membres fidèles assistèrent à la réunion. Après avoir écouté les arguments contre le prophète, Brigham se leva et témoigna: «Joseph était un prophète, et je le savais, et ils pouvaient le dénoncer et le calomnier autant qu’ils le voulaient, ils ne pourraient détruire l’appel du prophète de Dieu, ils ne pouvaient que détruire leur propre autorité, couper le fil qui les rattachait au prophète et à Dieu et se jeter dans les profondeurs de l’enfer13.» Le 19 février, au temple de Kirtland, le prophète parla plusieurs heures avec l’autorité de Dieu. Les mécontents furent réduits au silence et les saints furent fortifiés dans leur soutien au serviteur choisi par le Seigneur14. MISSION EN G R A N D E -B R E TA G N E Au cours de cette période de crise grave, le Seigneur révéla à Joseph Smith qu’il «fallait faire quelque chose de nouveau pour le salut de son Eglise15». Le dimanche 4 juin 1837, le prophète s’adressa à Heber C. Kimball dans le temple et lui chuchota: «Frère Heber, l’Esprit du Seigneur m’a chuchoté: ‹Que mon serviteur Heber aille en Angleterre proclamer mon Evangile et ouvrir la porte du salut à cette nation.›» Heber fut accablé par son appel en Angleterre parce qu’il n’avait ni instruction, ni raffinement. Il pria presque tous les jours dans une salle d’étage du temple pour être protégé et pouvoir accomplir une mission honorable. Sa famille était au bord de la pauvreté, et pourtant il était décidé à servir. Il dit: «J’avais le sentiment que la cause de la vérité, l’Evangile du Christ, l’emportait sur toute autre considération16.» Heber C. Kimball voulait que Brigham Young, son ami intime et collègue dans le Collège des Douze, soit son compagnon, mais le prophète avait besoin de la collaboration de Brigham dans les affaires qui perturbaient Kirtland. Tandis que Heber était mis à part pour sa mission, Orson Hyde entra dans la salle. Apprenant ce qui se passait, il fut poussé à se repentir, car il s’était trouvé parmi les dirigeants de l’Eglise qui avaient été envahis par l’esprit de spéculation et de critique à l’égard de Joseph Smith. Il confessa ses fautes, demanda pardon et se proposa pour accompagner Heber en mission. Le prophète accepta son repentir et le mit également à part pour aller en Angleterre17. Cinq autres furent également mis à part pour aider les deux apôtres: Willard Richards, qui n’était membre de l’Eglise que depuis six mois, Joseph Fielding, originaire du Bedfordshire (Angleterre), qui 176 APOSTASIE À KIRTLAND, 1836-38 avait émigré au Canada en 1832, et trois autres Canadiens, John Goodson, Isaac Russell et John Snider, qui avaient tous, en Angleterre, des parents et des amis avec qui ils correspondaient. Ces quatre derniers avaient été convertis à l’Evangile en même temps que John Taylor, pendant la mission de Parley P. Pratt au Canada, l’année précédente. James, frère de Joseph Fielding, pasteur indépendant (précédemment méthodiste) à Preston (Angleterre) écrivit à son frère au Canada et l’invita à venir prêcher sa nouvelle religion dans son église. C’est ainsi qu’en arrivant en GrandeBretagne, les missionnaires se rendirent à Preston, à cinquante kilomètres au nord de la ville portuaire de Liverpool, pour prêcher à l’assemblée de James. Certaines personnes de cette assemblée avaient fait preuve d’une si grande foi et avaient C’est dans cette maison, située St-Wilfred Street à Preston (Angleterre) que les missionnaires furent attaqués par des esprits malins qui essayaient d’empêcher l’oeuvre de se répandre dans ce pays. tellement prié qu’elles avaient vu ces missionnaires américains en songe avant leur arrivée en Angleterre. A partir du 23 juillet, les frères prêchèrent devant trois salles combles dans l’église du révérend Fielding, la chapelle de Vauxhall. Mais dès que plusieurs de ses paroissiens demandèrent le baptême, le révérend Fielding refusa dorénavant aux frères l’usage de son église. Il se lamenta plus tard en disant: «Kimball a fait les trous, Goodson a enfoncé les clous, et Hyde les a aplatis18.» Nullement ébranlés, les anciens ne tardèrent pas à se faire entendre dans des maisons privées qui possédaient une licence pour la prédication et au coin des rues. Conscients de la pauvreté et de l’absence d’instruction de la plupart de leurs auditeurs, les missionnaires se mettaient au niveau de leur auditoire, agissaient comme des gens du commun, ne portaient aucun vêtement distinctif et ne se faisaient pas payer pour leur enseignement. Ils tendaient promptement la main de l’amitié et de la fraternité, donnant à tous le sentiment d’être égaux devant Dieu. La sincérité manifeste des missionnaires faisait un contraste frappant avec Publié avec la permission des Daughters of Utah Pioneers, Salt Lake City, Utah l’attitude seigneuriale des ecclésiastiques anglais de l’époque. Bientôt beaucoup de personnes demandèrent le baptême. Le matin du 30 juillet, jour où les premiers baptêmes devaient être administrés, les missionnaires furent attaqués par Satan et ses troupes. Frère Russell vint trouver frère Kimball, lui demandant de le libérer des esprits malins qui le tourmentaient. Au moment où les frères Hyde et Kimball posaient les mains sur lui pour le bénir, frère Kimball fut assommé par une force invisible. Quand il reprit conscience, il vit que ses frères priaient pour lui. «Alors je me levai et m’assis sur le lit; à ce moment-là une vision s’ouvrit à notre esprit, et nous pûmes distinctement voir les esprits malins écumer et grincer des dents contre nous. Nous les contemplâmes environ une heure et demie . . . Je n’oublierai jamais la méchanceté vindicative qui se marquait sur leur visage tandis qu’ils me regardaient dans les yeux; toute tentative de décrire le tableau qui George D. Watt fut le premier converti baptisé en Angleterre. Il fut baptisé le 30 juillet 1837. Ayant appris la sténographie, qu’on appelait à l’époque phonographie, George écrivit les sermons des dirigeants de l’Eglise de 1851 à 1870. se présenta à ce moment-là ou de dépeindre leur méchanceté et leur hostilité serait vaine . . . «Des années plus tard, lorsqu’il lui raconta les événements de cette terrible matinée, Heber demanda au prophète Joseph . . . s’il y avait quelque chose qui n’allait pas chez lui pour qu’il ait eu une telle manifestation. 177 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS «– Non, frère Heber, répondit-il, à ce moment-là vous étiez proche du Seigneur; il n’y avait qu’un voile entre vous et lui, mais vous ne pouviez pas le voir. Quand iver j’en ai entendu parler, cela m’a donné une grande joie, car j’ai su à ce moment-là Ribb le R que l’oeuvre de Dieu avait pris racine dans ce pays. C’est cela qui a poussé le Waddington Preston diable à faire tous ses efforts pour vous tuer. Downham Chatburn Clitheroe « . . . ‹Plus une personne se rapproche du Seigneur, plus grand sera le pouvoir Manchester Liverpool manifesté par l’Adversaire pour empêcher l’accomplissement de ses desseins19.›» En dépit des visions effroyables présentées par Satan et son armée, les baptêmes eurent lieu, comme prévu, dans la Ribble. George D. Watt remporta une course à pied jusqu’à la rivière, ce qui lui valut l’honneur d’être le premier à être baptisé en Bedforshire Angleterre. Ces baptêmes furent à l’origine d’un flot de convertis anglais. Les London missionnaires allèrent ensuite dans les villages de Chatburn et de Downham, à environ trente kilomètres au nord-est de Preston, dans la vallée de la Ribble. A Chatburn, Heber baptisa vingt-cinq personnes le premier soir où il y prêcha. Au cours des cinq jours qui suivirent, avec l’aide de son compagnon, Joseph Fielding, Lieu où l’oeuvre missionnaire a commencé en Angleterre Heber baptisa environ cent dix personnes et organisa des branches à Downham, Chatburn, Waddington et Clithero. Un jour que Heber marchait dans les rues de Chatburn, des enfants le précédèrent «chantant les cantiques de Sion, tandis que leurs parents contemplaient le tableau avec ravissement, prodiguaient leurs bénédictions sur [sa] tête et louaient le Dieu du ciel de [l’] avoir envoyé leur expliquer les principes de la vérité et le plan du salut20». Heber a expliqué: «Je parcourus les rues de cette ville en éprouvant un sentiment que je n’avais encore jamais ressenti de ma vie. Tandis que je parcourais les rues, mes cheveux se dressaient sur ma tête, et je ne savais pas à ce moment-là ce qui m’arrivait. J’enlevai mon chapeau, et j’avais le sentiment que je voulais ôter mes souliers, et je ne savais ce qu’il fallait en penser. «Quand je fus de retour, je parlai de cet événement à frère Joseph, qui dit: ‹ . . . Certains des vieux prophètes ont voyagé et consacré ce pays [l’Angleterre], et leur bénédiction est tombée sur vous21.›» En huit mois, deux mille personnes étaient entrées dans l’Eglise, et vingt-six branches avaient été organisées. Heber C. Kimball se souvint que lorsqu’il avait été mis à part, on lui avait promis «que Dieu [le] rendrait productif dans ce pays à lui amener des âmes; des anges [l’]accompagneraient et [le] soutiendraient, afin que [ses] pieds ne glissent jamais; qu’[il serait] grandement béni et [se] révélerait être une source de salut pour des milliers de personnes, non seulement en Angleterre mais en Amérique22». Sa première mission en Angleterre prépara la voie à un effort encore plus grand entre les années 1839 et 1841 par le Collège des Douze et à une moisson missionnaire constante dans les îles Britanniques pendant la plus grande partie du dix-neuvième siècle. Le succès de la mission britannique contrebalança l’apostasie en Ohio et les persécutions au Missouri. Les milliers de convertis britanniques qui émigrèrent en Amérique renforcèrent énormément l’Eglise à des moments cruciaux. Dans les années 1850 et 1860, la majorité des familles d’Utah avaient à leur tête des parents qui étaient venus de Grande-Bretagne. 178 APOSTASIE À KIRTLAND, 1836-38 UNE «GRANDE A P O S TA S I E » Tandis que la mission britannique grandissait et se fortifiait, l’apostasie continuait à affaiblir l’Eglise à Kirtland. Caroline Barnes Crosby écrivit tristement: «Beaucoup de nos amis les plus intimes étaient parmi les apostats. « . . . Ils comptaient parmi nos voisins et nos amis les plus proches. Nous avions eu de merveilleuses relations, et nous nous rendions entre amis à la maison de Dieu23.» En août 1837, tandis que Joseph Smith et la plupart des membres du Collège des Douze étaient partis en mission, Warren Parrish, ancien greffier du prophète et officier de la Kirtland Safety Society, et John Boynton, membre des Douze, conduisirent un groupe armé de pistolets et de grands couteaux-poignards et tentèrent de s’emparer du temple. Prises de panique et de terreur, plusieurs personnes sautèrent par les fenêtres du temple. La police réussit à maîtriser l’émeute et à éjecter les hommes. Quand le prophète revint, ces hommes furent disqualifiés à cause de ce qu’ils avaient fait. Ceux qui manifestèrent une contrition sincère furent réadmis. Mais en automne, lorsque Joseph Smith et Sidney Rigdon partirent pour le Missouri, les troubles recommencèrent. Warren Parrish, John F. Boynton, Luke Johnson et trente autres parmi les principaux citoyens organisèrent un groupe appelé The Old Standard, ou l’Eglise du Christ. Ils se considéraient comme des réformateurs, insistant sur le fait que Joseph Smith était un prophète déchu qui, avec d’autres autorités de l’Eglise, s’était écarté de la vraie foi. Le groupe chercha à renverser l’Eglise, à prendre le contrôle du temple tout en enseignant la plupart des doctrines de l’Eglise, mais en rejetant le Livre de Mormon et en discréditant Joseph Smith et la prêtrise. Il rencontra l’opposition de Martin Harris, qui, quoique étant lui-même dans un état d’apostasie, témoigna que le Livre de Mormon était vrai et que ceux qui le rejetaient seraient damnés. A la suite de cette apostasie, cinquante membres éminents de l’Eglise furent excommuniés sous la direction de Joseph Smith, mais les problèmes continuèrent à couver. Plusieurs apostats tourmentèrent les membres fidèles à coup de procès et en les menaçant de la perte de leurs biens. Les antimormons ajoutèrent leur quote-part en boycottant et en excluant ceux qui étaient fidèles au prophète et à l’Eglise, et en leur refusant des emplois. Hepzibah Richards, soeur de Willard Richards, a écrit ce qui suit: «Ces trois derniers mois, notre peuple a été balayé par la tempête, et parfois les vagues ont été sur le point de nous engloutir . . . «Un esprit terrible règne dans le sein de ceux qui sont opposés à l’Eglise. Ils sont au-dessus des lois et en dessous de tout ce qui est digne de louanges. Leur but principal semble être d’obtenir tous les biens de l’Eglise pour rien ou pas grandchose et de les chasser [les saints] de ce lieu24.» «Entre novembre 1837 et juin 1838, deux à trois cents saints de Kirtland, probablement, se retirèrent de l’Eglise, ce qui représentait dix à quinze pour cent des membres de là-bas25.» La «grande apostasie» déborda aussi un peu vers le 179 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Missouri. Au cours d’une période de neuf mois, les trois témoins, un membre de la Première Présidence (Frederick G. Williams), quatre membres des douze apôtres et plusieurs membres du premier collège des soixante-dix quittèrent l’Eglise. Parce qu’il continuait à défendre hardiment le prophète, Brigham Young fut menacé et obligé de fuir à cheval au Missouri. En janvier 1838, Luke Johnson, lui-même apostat mais ayant conservé sa sympathie à Joseph Smith, mit le prophète en garde contre un complot d’assassinat. Alors que les émeutiers étaient proches, on mit Joseph à l’intérieur d’une caisse et on le sortit de la ville sur une charrette à boeufs. Quand il fut hors de portée des émeutiers, il monta sur son cheval et prit la direction de l’Ouest avec Sidney Rigdon. Leurs ennemis les poursuivirent sur trois cents kilomètres et étaient parfois si près que, d’une pièce voisine, les frères pouvaient entendre les jurons et les menaces. Emma Smith et leurs enfants rejoignirent Joseph en chemin et, après un voyage extrêmement éprouvant, ils reçurent un accueil cordial des saints du Missouri en mars 1838. Sidney Rigdon arriva quelques jours plus tard, s’étant séparé du prophète à Dublin (Indiana). CAMP DE K I RT L A N D Le même mois où Joseph Smith s’enfuit de Kirtland, la vie des membres du grand conseil fut également menacée, et la plupart des fidèles décidèrent de suivre leur dirigeant au Missouri. Hepzibah Richards a écrit à propos de cette situation dramatique: «Tous nos amis ont l’intention de quitter cet endroit le plus tôt possible . . . On a le sentiment que Kirtland doit être foulé aux pieds par les méchants pendant un certain temps . . . Il est probable que plusieurs centaines de familles partiront dans quelques semaines26.» Mais avant que la plupart des fidèles ne puissent quitter Kirtland, leurs ennemis commencèrent à mettre les maisons des saints à sac et à déclencher des incendies dans les caves. Au début de mars, les soixante-dix commencèrent à planifier la façon d’aider les saints les plus pauvres à partir pour le Missouri. James Foster, un des présidents du collège, eut la vision d’une compagnie ordonnée d’environ cinq cents saints se rendant au Missouri et campant en chemin. Dirigée par la vision et la prophétie, les soixante-dix rédigèrent une constitution, constituèrent un camp de personnes disposées à s’y soumettre et désignèrent des dirigeants pour présider les compagnies. Les capitaines devaient encourager leur compagnie à garder les commandements et à observer la Parole de Sagesse. Le voyage fut retardé durant plusieurs semaines tandis que les saints s’efforçaient de régler leurs dettes, de vendre leurs biens et d’acheter des chariots, des attelages et du matériel. Ils finirent par quitter Kirtland le 6 juillet 1838 avec plus de cinq cents saints, 27 tentes, 59 chariots, 97 chevaux, 22 boeufs, 69 vaches et un taureau. Benjamin Johnson écrit: «Tous les moyens pour couvrir les dépenses furent réunis, et ainsi tout le monde devait être au même point et le demeura tant que les membres du camp restèrent ensemble27.» En dépit de cela, les voyageurs durent s’arrêter de temps en temps pour gagner de l’argent pour les provisions et le matériel. 180 APOSTASIE À KIRTLAND, 1836-38 Sous la direction de Hyrum Smith, les présidents des soixante-dix formulèrent la Constitution du camp de Kirtland. Le document était constitué de neuf articles qui devaient être utilisés pour gouverner le camp au cours de son voyage vers le Missouri en 1838. Le camp de Kirtland fut également harcelé en chemin par les persécutions. Beaucoup de gens étaient soupçonneux à l’égard des voyageurs en piteux état qui traversaient les villes et les villages. «Tandis que nous marchions sur la route le matin, sans faire de mal à personne, certains membres de la compagnie furent accueillis à la façon d’aujourd’hui par des voyous qui leur lancèrent des oeufs28.» Les menaces de violence étaient parfois mêlées de railleries. Au Missouri, les citoyens d’une localité placèrent «de l’artillerie» dans la rue pour empêcher le groupe de la traverser. On ne leur permit de continuer que lorsqu’un des soixantedix calma l’inquiétude des citoyens, et même alors plusieurs dirigeants du camp passèrent la nuit en prison. Beaucoup de facteurs contribuèrent aux souffrances du camp de Kirtland. «Les accidents et la maladie affligeaient constamment les pionniers. Certaines personnes furent écrasées sous des roues de chariot; d’autres succombèrent à la maladie . . . Ils transpiraient le jour et dormaient la nuit sur un sol froid et parfois détrempé. Ils traversaient des cours d’eau à gué, montaient et descendaient les pentes et suivaient des routes et des pistes pleines d’ornières, constamment affaiblis par la fatigue, un régime maigre et changeant et de l’eau polluée à boire. «Au milieu de leurs souffrances et de leurs afflictions, ils demandaient l’aide de leur Père céleste. Au cours du voyage, les anciens faisaient l’imposition des mains 181 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS aux malades et aux blessés; et ceux qui tenaient un journal signalaient que grâce à 29 la prêtrise, beaucoup parmi les affligés furent instantanément guéris .» Lorsqu’en septembre le groupe arriva au Mississippi, ils apprirent que la guerre avait éclaté dans l’ouest du Missouri entre les mormons et leurs ennemis, que tous les mormons allaient bientôt être chassés de l’Etat, et que s’ils poursuivaient leur voyage, ils seraient attaqués et subiraient le même sort. A la suite de ces menaces, plusieurs membres du camp refusèrent d’entrer au Missouri. Mais la plupart continuèrent, rejoignant finalement le prophète, le 2 octobre 1838, à Far West (Missouri). Deux jours plus tard, ils arrivaient à Adam-ondi-Ahman où ils devaient s’installer. Ils allaient bientôt découvrir qu’ils n’avaient pas laissé leurs problèmes en Ohio. Au bout de quelques semaines, ils allaient affronter des persécutions encore plus graves au Missouri. NOTES 1. Stella Cahoon Shurtleff et Brent Farrington Cahoon, comp., Reynolds Cahoon and His Stalwart Sons, n. p., Stella Cahoon Shurtleff, 1960, p. 28. 14. Voir Dean C. Jessee, «The Kirtland Diary of Wilford Woodruff», Brigham Young University Studies, été 1972, p. 385. 2. Benjamin F. Johnson, My Life’s Review, Independence, Mo, Zion’s Printing and Publishing Co., p. 15. 16. Dans Whitney, Life of Heber C. Kimball, p. 104. 3. Latter Day Saints’ Messenger and Advocate, sept. 1836, p. 379. 4. Messenger and Advocate, juin 1837, p. 520. 5. Voir Robert L. Millet et Kent P. Jackson, éd., Studies in Scripture: Volume One, the Doctrine and Covenants, Sandy, Utah, Randall Book Co., 1984, pp. 432-36. 6. Voir Andrew Karl Larson, Erastus Snow: The Life of a Missionary and Pioneer for the Early Mormon Church, Salt Lake City, University of Utah Press, 1971, pp. 67-74. 7. Messenger and Advocate, juin 1837, p. 509. 8. Dans Orson F. Whitney, Life of Heber C. Kimball, 3e éd., Salt Lake City, Bookcraft, 1967, p. 99. 9. Eliza R. Snow, comp., Biography and Family Record of Lorenzo Snow, Salt Lake City, Deseret News Co., 1884, p. 20. 10. Journaux de Wilford Woodruff, 17 janv. 1837, département d’histoire de l’Eglise, Salt Lake City. 11. Messenger and Advocate, mai 1837, pp. 505-10. 12. Parley P. Pratt, éd., Autobiography of Parley P. Pratt, série Classics in Mormon Literature, Salt Lake City, Deseret Book Co., 1985, p. 144. 13. «History of Brigham Young», Deseret News, 10 févr. 1858, p. 386. 182 15. History of the Church, 2:489. 17. Voir History of the Church, 2:489-90. 18. Dans Whitney, Life of Heber C. Kimball, p. 125. 19. Dans Whitney, Life of Heber C. Kimball, pp. 130-31. 20. Whitney, Life of Heber C. Kimball, p. 172. 21. Heber C. Kimball, dans Journal of Discourses, 5:22; voir aussi Whitney, Life of Heber C. Kimball, pp. 170-73. 22. Dans Whitney, Life of Heber C. Kimball, p. 105. 23. Dans Kenneth W. Godfrey, Audrey M. Godfrey et Jill Mulvay Derr, Women’s Voices, Salt Lake City, Deseret Book Co., 1982, p. 56. 24. Dans Godfrey, Godfrey et Derr, Women’s Voices, p. 76. 25. Milton V. Backman, fils, The Heavens Resound, Salt Lake City, Deseret Book Co., 1983, p. 328. 26. Texte dactylographié d’une lettre de Hepzibah Richards à Willard Richards, 22 janv. 1838, département d’histoire de l’Eglise, Salt Lake City. 27. Johnson, My Life’s Review, pp. 32-33. 28. History of the Church, 3:112. 29. Backman, Heavens Resound, pp. 359-60. CHAPITRE QUINZE L’E G L I S E 1836-38 Ligne du temps Date Evénement important Eté 1836 Les saints commencent à coloniser Far West 26 déc. 1836 Création du comté de Caldwell Nov. 1837 Joseph Smith fait une brève visite à Far West DANS LE NORD DU MISSOURI, L E PROPHÈTE ET d’autres dirigeants de l’Eglise quittèrent Kirtland en janvier 1838. La plupart des autres membres suivirent dans l’année. Il n’y eut pas de décision d’abandonner Kirtland, mais à l’évidence, le centre de l’Eglise se déplaçait vers le nord du Missouri. Un petit nombre de membres peut-être se souvinrent de la révélation donnée en 1831: «Moi, le Seigneur, je veux garder une place forte dans le pays de Kirtland, pendant l’espace de cinq 14 mars 1838 Le prophète arrive pour s’installer à Far West ans» (D&A 64:21). Dès le début de 1838, les années de la gloire de Kirtland Mai 1838 Fondation d’Adam-ondiAhman étaient passées. Les membres du nord du Missouri créaient déjà un nouveau Juin 1838 Colonisation du village de DeWitt 19 juin 1838 Sydney Rigdon prononce son «Salt Sermon» 4 juill. 1838 Sidney Rigdon fait son discours de la fête de l’Indépendance 8 juill. 1838 Appel de quatre nouveaux apôtres et révélation de la loi de la dîme quartier général, Far West. D’autres saints dispersés aux Etats-Unis et au Canada se préparaient à s’y rassembler. Les saints des derniers jours étaient vivement désireux de trouver une période de paix après l’année désastreuse d’apostasie de 1837. LES MORMONS INVITÉS À QUITTER LE COMTÉ DE C L AY Après leur expulsion du comté de Jackson à la fin de 1833, les saints du Missouri connurent une paix relative auprès des habitants originels du comté de Clay. Il n’entrait pas dans les intentions des dirigeants de l’Eglise de rendre cette situation permanente; ils ne cessaient de demander aux autorités gouvernementales de les aider à revenir au comté de Jackson et à récupérer leurs biens, mais toutes leurs tentatives se révélèrent vaines. Entre-temps, des saints des derniers jours continuaient à arriver, renforçant la crainte parmi les résidents du comté de Clay que les colonies mormones ne deviennent permanentes. Conscient de ces préoccupations, Edward Partridge et William W. Phelps firent, au printemps de 1836, deux expéditions d’exploration, dans l’espoir de trouver des emplacements possibles pour des colonies mormones dans le nord du Missouri, région couramment appelée le «Far West». La plus grande partie de ces territoires était de la brousse constituée d’herbe haute avec du bois seulement le long de l’eau, des cours d’eau et des fleuves. A ce moment-là, seules les régions forestières étaient considérées comme bonnes pour la colonisation. W. W. Phelps écrit que «il y a quelqu’un dans presque chaque coin boisé à la frontière nord de l’Etat». Mais les frères trouvèrent une région inhabitée dans le nord du comté de Ray, le long du Shoal Creek, quoique craignant qu’il n’y eût pas suffisamment de bois pour entretenir une population importante1. Néanmoins les frères commencèrent, le 3 mai, à acheter des terres dans la région de Shoal Creek. Le 29 juin 1836, une réunion de masse eut lieu au tribunal du comté de Clay à Liberty pour discuter des objections à la présence des mormons dans la région. 183 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Certains craignaient que la «crise» ne se transforme en guerre civile. Les adversaires donnèrent cinq raisons à leurs objections à la présence des saints: (1) Ils étaient pauvres. (2) Leurs caractéristiques religieuses distinctives suscitaient des préjugés. (3) Leurs coutumes et leur dialecte de l’Est étaient étrangers aux Missouriens. (4) Ils étaient opposés à l’esclavage. (5) Ils croyaient que les Indiens étaient le peuple élu de Dieu destiné à hériter le pays de Missouri avec eux. Les citoyens rappelèrent aussi aux mormons leur promesse de quitter le comté et leur proposèrent d’envisager de s’installer dans le Wisconsin, dans le nord nonesclavagiste où il y avait beaucoup de régions convenant à une colonisation. Les autorités du comté de Clay promirent d’empêcher toute violence à l’égard des mormons jusqu’à ce qu’ils puissent quitter la région. Assurés qu’ils commenceraient bientôt à s’installer à Shoal Creek, les dirigeants de l’Eglise n’eurent pas d’objection à la demande d’un accord de paix et convoquèrent une réunion publique le 1er juillet pour rédiger une réponse. Des résolutions furent approuvées exprimant pour les saints la reconnaissance de la gentillesse que les citoyens du comté de Clay leur avaient manifestée et de leur désir de solutions paisibles à la crise. Les dirigeants s’engagèrent à emmener les saints hors du comté et à mettre fin à l’afflux des immigrants. Le lendemain, les dirigeants du comté de Clay acceptèrent la réponse et commencèrent à constituer des comités pour aider les saints à déménager. En Ohio, la Première Présidence ayant appris ces nouveaux événements, envoya des lettres séparées aux dirigeants de l’Eglise et au comité du comté de Clay. Ils exhortèrent les membres de l’Eglise à maintenir la paix mais à ne pas s’installer dans le Wisconsin. Ils informèrent le comité du comté de Clay qu’ils avaient conseillé aux saints d’éviter les effusions de sang et de quitter le comté. Le 7 juillet, les dirigeants de l’Eglise du Missouri écrivirent au gouverneur Daniel Dunklin qu’ils avaient l’intention d’aller s’installer dans les six cent cinquante hectares qu’ils avaient achetés dans le nord du comté de Ray et demandèrent son aide pour disperser les émeutiers potentiels. En 1836, le «problème mormon» n’était pas aussi important dans la politique du Missouri qu’en 1833-34; et comme c’était une année d’élections, le gouverneur était moins enclin à aider les saints. En outre, beaucoup d’électeurs du comté de Ray étaient opposés à l’installation des saints dans leur comté, même dans les prairies inhabitées du nord. Le 18 juillet, le gouverneur Dunklin répondit, tout en compatissant à la situation difficile des saints: «L’opinion publique peut l’emporter sur toutes les autres lois; et quand un homme ou un groupe d’hommes devient insupportable à cette opinion au point que le peuple prend la décision de s’en débarrasser, il est inutile de vouloir s’opposer à elle. « . . . Les conséquences seront les mêmes . . . à moins que vous ne puissiez, par votre conduite et vos arguments, le convaincre [le peuple du Missouri] de votre innocence. Si vous ne le pouvez, tout ce que je peux vous dire, c’est que dans cette république la vox populi est la vox Dei [la voix du peuple est la voix de Dieu]2.» 184 L’EGLISE DANS LE NORD DU MISSOURI, 1836-38 C R É AT I O N D U D E FA R W E S T COMTÉ DE CALDWELL E T F O N D AT I O N La situation des saints était critique. N’ayant pas l’assurance d’être protégés par le gouverneur et devant l’hostilité des comtés de Clay et de Ray, la présidence du pieu et le grand conseil tinrent une réunion d’urgence le 25 juillet. Pour compliquer encore les choses, les frères venaient d’apprendre qu’une centaine de familles de saints immigrants campaient sur la Crooked River dans le bas du comté de Ray. Beaucoup étaient malades, la plupart étaient démunis de fonds pour acheter des provisions ou des terres. Les citoyens du comté de Ray les menaçaient de violence s’ils ne partaient pas. En outre, une autre centaine de familles appauvries était en route, venant du fleuve Mississippi. «Pour empêcher les attaques d’émeutiers, la confusion, la peste et la mort», les dirigeants de l’Eglise conseillèrent aux immigrants de se disperser parmi les habitants des colonies et de trouver un logement temporaire et du travail. Thomas B. Marsh et Elisha H. Groves, convertis du Kentucky, furent envoyés dans les branches de l’Eglise dans d’autres Etats pour récolter de l’argent au profit de «la pauvre Sion en sang», tandis que W. W. Phelps, John Whitmer, Edward Partridge, Isaac Morley et John Corrill étaient chargés de trouver d’autres terres à coloniser3. Les dirigeants de l’Eglise assurèrent aussi les citoyens du comté de Ray que les saints avaient l’intention de ne s’installer que dans les prairies du nord et de demander la création d’un nouveau comté, ce que les citoyens acceptèrent volontiers. Une autre proposition qui fut acceptée, ce fut de créer une zone tampon de dix kilomètres, cinq kilomètres de part et d’autre de la frontière entre les comtés, et d’en faire un «no-man’s land» où ni mormons, ni non mormons ne pouvaient s’installer. Entre-temps, au début d’août, W. W. Phelps et John Whitmer trouvèrent, dans le nord du comté de Ray, un emplacement pour une ville, qu’ils appelèrent Far West. Elle était à vingt kilomètres à l’ouest de Haun’s Mill, petite colonie mormone créée un an plus tôt par Jacob Haun sur le Shoal Creek. Les saints commencèrent à se rassembler à la fin de l’été et pendant l’automne, et bientôt apparurent Far West et de nombreuses colonies plus petites. Alexander W. Doniphan, ami des saints et membre du gouvernement de l’Etat, introduisit, au cours de la session parlementaire de décembre 1836, une proposition de loi de créer deux petits comtés dans les régions peu habitées du nord du comté de Ray. Doniphan donna aux nouveaux comtés les noms de Alexander W. Doniphan (1808-87) naquit au Kentucky. A dix-huit ans, il obtint son diplôme à l’Augusta College du Kenbucky. Plus tard, il fit son droit et réussit les examens requis pour exercer le droit en Ohio et au Missouri. Le 21 décembre 1837, il épousa Elizabeth Jane Thornton, et ils eurent deux fils qui moururent tous les deux dans leur jeunesse. Alexander W. Doniphan mourut à Richmond (Missouri) et fut enterré à Liberty, qui avait été sa patrie pendant de nombreuses années. Daviess et de Caldwell, d’après deux célèbres guerriers indiens du Kentucky dont il était lui-même originaire. Le comté de Caldwell, où se situaient les colonies de Far West et de Shoal Creek, devait être réservé aux mormons, d’où ils seraient autorisés à envoyer des représentants au gouvernement de l’Etat. Cette ségrégation des saints des derniers jours fut considérée comme une excellente solution au «problème mormon». Lilburn W. Boggs, le nouveau gouverneur, signa, le 29 décembre 1836, la loi créant les deux nouveaux comtés. 185 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Des difficultés internes surgirent tandis que les saints affluaient dans le comté de Caldwell où ils avaient construit des maisons de rondins et préparé le terrain pour les semailles du printemps. Au début de 1837, Thomas Marsh et Elisha Groves revinrent de leur mission de levée de fonds au Kentucky et au Tennessee et remirent $1450 à W. W. Phelps et à John Whitmer, conseillers dans la présidence du pieu, étant donné que le président David Whitmer était en Ohio. Les conseillers utilisèrent l’argent pour acheter d’autres terres, mais les achetèrent en leur propre nom et ensuite les vendirent aux saints avec un petit bénéfice qu’ils conservèrent. Plusieurs membres de l’Eglise protestèrent immédiatement, et certains membres du grand conseil se plaignirent de ce que les conseillers prenaient également des décisions concernant Far West sans les consulter. Lors d’une série de réunions qui eurent lieu en avril à Far West, ces frères reconnurent leurs torts, et il y eut réconciliation. Il fut décidé que l’évêque, Edward Partridge, agissant après l’avis de la présidence du pieu, du grand conseil et de deux apôtres qui étaient au Missouri—Thomas B. Marsh et David Patten—distribuerait les terres. Mais un mois plus tard, Phelps et Whitmer offensèrent de nouveau le grand conseil et les apôtres en essayant de nouveau de tirer profit de ventes de terres. Lorsqu’il fut informé de ce conflit, le prophète demanda et obtint les directives du Seigneur, et il lui fut dit: «En vérité, ainsi te dit le Seigneur, mon serviteur Joseph: mes serviteurs John Whitmer et William W. Phelps ont fait des choses qui ne sont pas agréables à mes yeux; par conséquent s’ils ne se repentent pas, ils seront relevés de leur poste4.» Néanmoins ce conflit se poursuivit jusqu’en novembre 1837. Une conférence, qui eut lieu le 17 septembre 1837 à Kirtland, détermina d’envoyer Joseph Smith et Sidney Rigdon au Missouri chercher d’autres emplacements pour des pieux de Sion «pour que les pauvres aient un lieu de refuge5». En réponse à la conférence, l’évêque Newel K. Whitney envoya également une lettre le 18 septembre aux branches de l’Eglise dispersées partout aux Etats-Unis, leur demandant d’envoyer leur dîme en or et en argent pour le soulagement de Kirtland et l’organisation de Sion au Missouri. Le prophète et plusieurs autres frères arrivèrent à Far West au début de novembre et y passèrent environ six jours à tenir des réunions. Il fut constaté qu’il y avait des ressources et de l’espace dans le nord du Missouri pour le rassemblement des saints, et l’on choisit un comité pour trouver des emplacements pour de nouveaux pieux. Joseph décida de différer la construction d’un temple à Far West jusqu’à ce qu’il reçoive d’autres directives du Seigneur, mais la taille de Far West passa de 2,6 kilomètres carrés à 5,2 kilomètres carrés. Les problèmes liés aux activités de la présidence du pieu du Missouri étaient temporairement résolus, et la présidence de pieu fut soutenue dans son appel. Lors d’une conférence d’anciens tenue le 7 novembre 1837 à Far West, Frederick G. Williams fut écarté de la Première Présidence, et Hyrum Smith fut soutenu comme deuxième conseiller à sa place. Au cours de l’hiver, de nouvelles discordes surgirent entre la présidence de pieu et le grand conseil du Missouri. Oliver Cowdery et Frederick G. Williams, qui étaient en désaccord avec le prophète à Kirtland, s’étaient alors installés à Far West 186 L’EGLISE DANS LE NORD DU MISSOURI, 1836-38 Publié avec la permission de J. B. West, propriétaire du parchemin, et de l'Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours réorganisée Plan de Far West sur une peau de mouton et, avec la présidence du pieu, avaient décidé de vendre des terres de l’Eglise du comté de Jackson qu’ils détenaient en leur nom. La vente des terres en Sion était une violation de la directive du Seigneur qui voulait que les saints devaient maintenir leurs prétentions à ces terres du comté de Jackson (D&A 101:99). Au début de février 1838, le grand conseil jugea John Whitmer et W. W. Phelps pour avoir détourné les fonds de l’Eglise et David Whitmer pour avoir sciemment enfreint la Parole de Sagesse. En dépit du fait que certains estimaient que le grand conseil n’était pas autorisé à juger la présidence, la majorité vota de les éliminer, et une résolution en ce sens fut envoyée aux branches et acceptée par les saints. Quand la présidence affirma que le procès était illégal et qu’elle n’était pas présente pour se défendre, le grand conseil acquit la conviction qu’elle «s’efforçait de s’imposer comme présidence à l’Eglise», après avoir été dûment écartée6. C’est pourquoi, le 10 février, le grand conseil, avec l’aide de deux apôtres, excommunia W. W. Phelps et John Whitmer et soutint Thomas B. Marsh et David W. Patten comme présidents suppléants jusqu’à l’arrivée attendue de Joseph Smith. Les autres mesures à l’égard de David Whitmer, d’Oliver Cowdery et de Lyman Johnson, un apôtre qui s’était joint aux dissidents, furent suspendues en attendant l’arrivée du prophète. 187 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Dans une lettre adressée à Joseph Smith, frère Marsh explique: «Nous pensons que si nous n’avions pas pris les mesures sus-mentionnées, rien n’aurait pu empêcher une rébellion contre le grand conseil et l’évêque; le mécontentement à l’égard des présidents était si grand que le peuple commençait à soupçonner toutes les autorités d’avoir tendance à soutenir ces hommes dans leur méchanceté, et il était certain qu’au bout de peu de temps, les membres de l’Eglise s’en seraient allés, chacun de son côté, comme des brebis sans berger7.» LE P R O P H È T E S ’ I N S TA L L E À FA R W E S T Le prophète Joseph était encore en Ohio; la nouvelle des persécutions et des remous dans l’Eglise du Missouri le démoralisa. Le 12 janvier 1838, il reçut une révélation expliquant que seule la Première Présidence pouvait créer un pieu8. Cette révélation signifiait que la création du pieu de Far West n’était pas valide. Il se rendit donc au Missouri non seulement pour échapper à ses ennemis, mais pour mettre l’Eglise de Far West en ordre. Le voyage fut difficile, mais lorsque Joseph et Emma, qui était enceinte de six mois, arrivèrent au Missouri au mois de mars, beaucoup de saints allèrent à leur rencontre pour les accompagner à Far West. A treize kilomètres de la ville, une autre escorte enthousiaste leur réjouit le coeur. Après tant de difficultés dans l’Est, le prophète se sentait encouragé par le soutien des saints du Missouri, et ils étaient tout aussi heureux de le voir s’installer parmi eux. Pendant qu’il était à Far West, Joseph approuva le limogeage de la présidence du pieu. A la fin de mars, il était optimiste en ce qui concerne l’unité de Far West, en dépit de l’arrivée de plusieurs lettres d’apostats de Kirtland, qui répandirent des mensonges parmi un petit nombre de personnes. Joseph écrivit à Kirtland pour dire que «la paix et l’amour règnent partout; en un mot le ciel sourit sur les saints de Caldwell9». Deux jours avant la conférence générale d’avril, ils furent réjouis de voir Sidney Rigdon et son groupe arriver après un voyage long et difficile. A la conférence, le prophète appela les trois membres aînés du Collège des douze apôtres, Thomas B. Marsh, David W. Patten et Brigham Young, comme nouvelle présidence du pieu du Missouri. Mais ce n’était qu’une solution temporaire. Neuf jours plus tard, il recevait une révélation disant à frère Patten d’arranger ses affaires de manière à pouvoir partir avec d’autres membres des Douze au printemps de 1839 pour une nouvelle mission à l’étranger (voir D&A 114). Au cours d’une session ultérieure, David Patten passa en revue l’état du Collège des Douze, dont tous les membres n’étaient pas au Missouri. Il désigna six de ses frères comme «hommes de Dieu . . . Il avait certains doutes à l’égard de William Smith, . . . William E. McLellin, Luke S. Johnson, Lyman E. Johnson et John F. Boynton, qu’il dit être des hommes qu’il ne pouvait pas recommander à la conférence10». Il devint manifeste que quatre des hommes devraient être remplacés. Au cours des sessions qui eurent lieu les sept et huit avril, des mesures supplémentaires furent prises pour mettre de l’ordre dans l’Eglise au Missouri. Après la conférence, la nouvelle présidence du pieu traita le cas des anciens dirigeants qui avaient apostasié. Elle écrivit à John Whitmer, qui avait été historien 188 L’EGLISE DANS LE NORD DU MISSOURI, 1836-38 de l’Eglise et membre de la présidence du pieu du Missouri, demandant de remettre à l’Eglise ses notes et écrits historiques. Il n’obéit pas. Ce n’est que récemment que son histoire a été publiée dans son intégralité. Beaucoup plus sérieuse fut l’affaire Oliver Cowdery. Le grand conseil l’accusa de persécuter les dirigeants de l’Eglise de procès vexatoires, de chercher à nuire à la réputation de Joseph Smith, de ne pas accepter l’autorité ecclésiastique dans les affaires temporelles, de vendre des terres dans le comté de Jackson et d’abandonner son appel de président-adjoint de l’Eglise pour se consacrer à sa carrière d’homme de loi. Oliver refusa de comparaître devant le conseil mais répondit par lettre. Il rejeta le droit de l’Eglise de dicter la façon dont il devait gérer sa vie et demanda que l’on mette fin à son appartenance à l’Eglise. Le grand conseil l’excommunia le 12 avril 1838. Il passa dix ans en dehors de l’Eglise mais se présenta plus tard, en octobre 1848, pour être baptisé à nouveau à Kanesville (Iowa). Le grand conseil excommunia aussi David Whitmer, un autre des trois témoins du Livre de Mormon, sur l’accusation d’usurper trop d’autorité, d’écrire des lettres de dissensions à des apostats et d’enfreindre la Parole de Sagesse. David ne réintégra jamais l’Eglise, tout en maintenant jusqu’à sa mort son témoignage qu’il avait vu l’ange et les plaques d’or. Lyman Johnson, des Douze, fut également excommunié en même temps. En dépit du fait que l’excommunication de membres autrefois aussi fidèles fût pénible, les dirigeants de l’Eglise estimaient que c’était nécessaire pour purifier l’Eglise. Vers la fin d’avril 1838, le prophète reçut une révélation concernant l’édification de Far West. Elle donna tout d’abord le nom correct de l’Eglise qui devait être «Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours» (D&A 115:4). Cela réglait l’incertitude à ce sujet. L’Eglise avait été appelée l’Eglise du Christ, l’Eglise des Saints des Derniers Jours et l’Eglise du Christ des Saints des Derniers Jours. Le Seigneur commanda aussi la construction d’un temple. «Que la ville, Far West, soit un pays saint et consacré à moi; et il sera appelé très saint, car la terre sur laquelle vous vous tenez est sainte» (v. 7). Mais il fut dit à la Première Présidence de ne pas encourir de dettes pour ce temple comme cela avait été le cas à Kirtland. Le Seigneur commanda aussi aux frères de fonder des pieux dans les régions environnantes. Cela devait se faire pour «que le rassemblement au pays de Sion et dans ses pieux soit pour la défense, le refuge contre l’orage et contre la colère lorsqu’elle sera déversée sans mélange sur toute la terre» (v.6). Le prophète passa les trois semaines suivantes à rendre visite aux saints du comté de Caldwell et à leur enseigner les principes de l’Evangile. Ensuite, avec l’aide de Sidney Rigdon, il se lança dans le projet ambitieux d’écrire l’histoire de l’Eglise depuis le commencement. L’histoire écrite par John Whitmer, premier historien de l’Eglise, était incomplète, et de toutes façons n’était dorénavant plus accessible. L’histoire de Joseph Smith et les premiers événements du Rétablissement qui se trouvent maintenant dans la Perle de Grand Prix sont le produit de ce projet lancé en avril 1838. 189 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS E X PA N S I O N DANS LE NORD DU MISSOURI Ayant réglé les affaires de l’Eglise dans le comté de Caldwell, le prophète consacra son temps à la recherche de lieux d’installation pour les saints d’Ohio et d’autres Etats de l’Est, qui allaient venir au Missouri au printemps et pendant l’été 1838. En 1837, un petit nombre de saints des derniers jours s’étaient installés au nord du comté de Caldwell dans le nouveau comté de Daviess. Ils le faisaient conformément à l’accord verbal par lequel ils avaient obtenu la permission des «gentils» de s’installer. Le mormon le plus éminent à s’installer dans le comté de Daviess fut Lyman Wight, qui fonda la colonie de Wight sur un beau flanc de colline dominant la Grand River. A la mi-mai 1838, Joseph Smith et d’autres se mirent en route au nord pour l’expédition d’exploration. Quand ils arrivèrent à Wight’s Ferry, sur la Grand River, le prophète commanda la création d’une ville à cet emplacement. Il reçut La deuxième cabane de Lyman Wight dans la vallée d’Adam-ondi-Ahman. Lyman Wight naquit le 9 mai 1796 à Fairfield (New York). Il combattit dans la guerre de 1812. Il fut baptisé en 1830 par Oliver Cowdery. Il fut conseiller de John Smith, président du pieu d’Adam-ondi-Ahman. Il fut ordonné apôtre en 1841 mais, pour cause de désobéissance, il perdit sa qualité de membre de l’Eglise en 1848. aussi la révélation que c’était l’emplacement d’Adam-ondi-Ahman. En 1835, le Seigneur révéla que trois ans avant sa mort, Adam avait rassemblé sa postérité juste «dans la vallée d’Adam-ondi-Ahman, et pronon[cé sur elle] sa dernière bénédiction» (D&A 107:53; voir aussi 78:15-16). Orson Pratt dit que le nom signifiait «Vallée de Dieu, où Adam demeura, et cela dans la langue originelle parlée par Adam11». Adam-ondi-Ahman sera un jour l’emplacement d’une réunion très importante au cours de laquelle des justes choisis accueilleront le Sauveur. Pour employer les termes de la révélation: “C’est le lieu où Adam viendra visiter son peuple, autrement dit le lieu où l’Ancien des jours s’assiéra, comme le dit Daniel, le prophète” (D&A 116:1). Cette connaissance enthousiasma tellement les frères que l’on fit des plans pour créer un pieu à Adam-ondi-Ahman. 190 L’EGLISE DANS LE NORD DU MISSOURI, 1836-38 Les explorateurs partirent à la recherche d’autres emplacements à coloniser le long de la Grand River, un cours d’eau fortement boisé et navigable. Une fois les explorations terminées, Joseph Smith revint à Far West, se rendant compte qu’Emma allait bientôt avoir un autre enfant. Le 2 juin 1838, elle donna le jour à un fils. Ils lui donnèrent le nom d’Alexander Hale Smith. Peu de temps après, Joseph était de retour à Adam-ondi-Ahman pour faire l’arpentage de la nouvelle ville et construire des maisons. Il désigna la localité comme lieu de rassemblement pour les saints de Kirtland qui étaient toujours en Ohio ou sur le chemin du Missouri. Lorsque son oncle John Smith et sa famille arrivèrent à Far West, le prophète lui recommanda de s’installer à Adam-ondiAhman. Une conférence eut lieu le 28 juin dans la localité, qui prit le surnom affectueux de «Di-Ahman», et John Smith fut soutenu comme président du pieu avec Reynolds Cahoon et Lyman Wight comme conseillers. Un grand conseil fut également organisé. Vinson Knight fut appelé évêque suppléant jusqu’à l’arrivée de Kirtland de l’évêque Newel K. Whitney (voir D&A 117:11). Les saints immigrants affluèrent à Adam-ondi-Ahman pendant tout l’été 1838. Ils se considéraient grandement bénis de vivre dans le pays où Adam avait séjourné. Un article dans le numéro d’août de l’Elders’ Journal décrit leur enthousiasme: «L’intense immigration . . . stimule les saints et nous incite à croire que Dieu est sur le point de réaliser les actes étranges dont il a parlé par ses prophètes d’autrefois. A cause des persécutions, l’Elders’ Journal ne fut publié que deux fois en 1837 à Kirtland (Ohio). Il fut alors déplacé à Far West (Missouri), où il fut également publié deux fois. Le dernier numéro fut celui d’août 1838. «L’énorme récolte de maïs et d’autres denrées cette saison . . . n’a, à notre connaissance, jamais été égalée dans notre génération; et si le Seigneur continue à nous bénir comme il s’est mis en devoir de le faire maintenant, il y aura bientôt des surplus12.» En effet, une moisson abondante cet automne-là contribua à pourvoir aux besoins des membres appauvris du camp de Kirtland quand ils arrivèrent au Missouri pour s’y installer au début d’octobre à Di-Ahman. A l’époque où l’on colonisait Di-Ahman, les saints commencèrent aussi à s’établir à DeWitt, situé dans le comté de Carroll, près de l’endroit où la Grand River se jetait dans le Missouri. Cela fut profitable à l’Eglise parce que les membres créèrent un embarcadère pour les bateaux à vapeur où les émigrants pouvaient se rendre en provenance des autres colonies de saints des derniers jours. John Murdock et George M. Hinkle, membres du grand conseil de Far West, furent autorisés à acheter du terrain à DeWitt et à ouvrir une colonie. DeWitt grandit 191 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS rapidement. A l’automne, une crise du logement se produisit lorsqu’un grand groupe de saints arriva du Canada faisant de la ville mormone de DeWitt une ville essentiellement constituée de tentes. La plus prospère, et de loin, de toutes les localités de saints des derniers jours était Far West. Au cours de l’été 1838, la population du comté de Caldwell approchait les cinq mille, et plus de la moitié d’entre eux vivaient à Far West même. Les saints construisirent plus de cent cinquante maisons, quatre magasins de textiles, trois épiceries familiales, plusieurs forges, deux hôtels, une imprimerie et une grande école, qui servait aussi comme église et comme tribunal13. Les saints étaient occupés à semer et à construire des maisons de rondins, mais ils s’arrêtaient pour adorer et étudier l’Evangile. Sarah Rich, vingt-quatre ans, était jeune épouse lorsque elle et son mari, Charles, s’installèrent dans une maison de rondins «douillette et heureuse» à six kilomètres de Far West, «la religion venant au premier plan pour nous en toutes choses», déclara-t-elle. Chaque dimanche, elle se rendait à cheval en ville pour aller aux réunions, «écoutait souvent Joseph Smith, le prophète, prêcher et instruire le peuple, bénédiction qu’ [elle et son mari appreciaient] beaucoup14». Au cours de l’été 1838, le prophète s’occupa de l’importante question de combler les vacances dans le Collège des douze apôtres. Il réaffirma leurs responsabilités et donna des conseils aux saints sur le financement du royaume du Seigneur. Il y eut une grande tristesse dans l’Eglise pour la perte de quatre des douze apôtres originels. Elizabeth Barlow a fait la réflexion suivante: «Nous étions tous plus attristés de voir les apôtres quitter l’Eglise que de subir nos épreuves et nos persécutions15.» En dépit de la tristesse, Joseph Smith commença à remplacer ces quatre apôtres et à préparer les Douze à leur responsabilité de rallier le monde à l’Evangile. Pendant l’automne 1837, avant sa visite à Far West, il informa John Taylor, solide converti de Toronto, de son appel futur à l’apostolat16. A ce moment-là, frère Taylor ne fut pas présenté au vote de soutien des membres de l’Eglise. Le mois de juillet suivant, le prophète pria: «Montre-nous ta volonté, ô Seigneur, concernant les Douze17.» La révélation qui s’ensuivit eut un impact profond sur l’histoire de l’Eglise. Tout d’abord, le Seigneur commanda «que l’on nomme des hommes pour prendre la place de ceux qui sont tombés» (D&A 118:1). John Taylor, John E. Page, Wilford Woodruff et Willard Richards furent appelés. Missionnaire au Canada pendant deux ans, John E. Page avait fait plus de huit mille kilomètres et baptisé plus de six cents convertis. Lorsque cette révélation fut donnée, il était en route pour le Missouri avec un groupe de saints canadiens. Ils arrivèrent en octobre à DeWitt. Les frères Taylor et Page furent ordonnés apôtres le 19 décembre 1838 à Far West par Brigham Young et Heber C. Kimball. Frère Woodruff était missionnaire dans le Maine quand il reçut son appel par lettre. Il amena un groupe de convertis de Nouvelle-Angleterre au Missouri, mais les saints furent chassés de l’Etat avant leur arrivée, de sorte qu’il les installa en Illinois. Wilford Woodruff fut ordonné apôtre à Far West le 26 avril 1839 quand il y accompagna d’autres membres des Douze pour accomplir le commandement que 192 L’EGLISE DANS LE NORD DU MISSOURI, 1836-38 les Douze devaient commencer leur mission en Angleterre en partant de Far West (voir D&A 118:4-5). Frère Richards, converti anglais, était missionnaire et dirigeant de prêtrise en Grande-Bretagne et ne fut ordonné que lorsque des membres des Douze y arrivèrent en 1840. La révélation concernant les Douze commandait aussi à Thomas B. Marsh de continuer à publier la parole du Seigneur (dans l’Elders’ Journal) à Far West et commanda aux autres de prêcher «en toute humilité de coeur, avec douceur, docilité et longanimité» (v. 3). Le Seigneur commanda en outre aux Douze de se préparer à partir le 26 avril 1839 de Far West «pour traverser les grandes eaux et y promulguer [son] Evangile» (v. 4). Le jour où la révélation fut donnée aux Douze, Joseph Smith lut également aux saints deux révélations concernant les recettes de l’Eglise. L’Eglise étant profondément empêtrée dans les difficultés économiques, le prophète avait demandé des éclaircissements sur la façon dont il fallait appliquer la loi de consécration. Le Seigneur modifia la loi originelle donnée en 1831 quand il répondit: «Je requiers d’eux qu’ils remettent entre les mains de l’évêque de mon Eglise, en Sion, tout le surplus de leurs biens, «Pour la construction de ma maison, pour la pose des fondations de Sion, pour la prêtrise et pour les dettes de la Présidence de mon Eglise. «Ce sera le commencement de la dîme de mon peuple. «Et après cela, ceux qui auront été ainsi dîmés, payeront annuellement un dixième de tous leurs revenus; et ce leur sera une loi permanente à jamais» (D&A 119:1-4). La deuxième révélation confiait à un comité d’Autorités générales la responsabilité de dépenser les dîmes (voir D&A 120). Bien que les saints du nord du Missouri fussent optimistes, il y avait des raisons d’éprouver des appréhensions. Les saints, ayant supporté les persécutions et le mécontentement pendant sept ans, étaient, on le comprend, énervés par les dissidents qui résidaient à Far West. Les dissidents les harcelaient à coups de procès et condamnaient les dirigeants de l’Eglise. En juin, Sidney Rigdon se lança dans un discours véhément communément appelé le Salt Sermon. Il prit pour texte l’Ecriture: «Vous êtes le sel de la terre, mais si le sel perd sa saveur . . . il ne sert plus qu’à être jeté dehors, et foulé aux pieds par les hommes» (Matthieu 5:13). Cela voulait dire que les dissidents devaient être chassés de parmi les saints. Peu de temps après, un document non autorisé apparut, s’adressant à Oliver Cowdery, David et John Whitmer, W. W. Phelps et Lyman E. Johnson, les principaux dissidents. Le document était signé par quatre-vingt-quatre membres de l’Eglise et ordonnait formellement aux apostats de ne pas rester dans le comté sous peine de subir de graves conséquences. Le sermon et la lettre eurent l’effet désiré; les dissidents s’enfuirent au plus vite et ne tardèrent pas à être suivis par leurs familles. Ce comportement extrémiste de la part d’un petit nombre horrifia certains membres de l’Eglise, et des protestations s’élevèrent. Par malheur cela renforça aussi l’hostilité aux mormons croissante dans le nord du Missouri. La création d’une société clandestine appelée les Danites par Sampson Avard contribua aussi au conflit avec les gentils. Il s’agissait d’un groupe lié par le 193 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS serment, et des signes secrets d’identification et d’avertissement. Avard convainquit ses partisans qu’ils agissaient avec l’approbation de la présidence de l’Eglise et qu’ils étaient autorisés à se venger des ennemis de l’Eglise par le vol, le mensonge et, si nécessaire, par le meurtre. Les déprédations des Danites, réelles et imaginaires, intensifièrent l’hostilité et donnèrent aux dirigeants du Missouri motif d’inculpation de Joseph Smith et d’autres dirigeants pour crimes contre l’Etat. Le discours de la fête de l’indépendance, prononcé par Sidney Rigdon en 1838, accrut encore le feu sur le conflit entre mormons et gentils. Au moment où les saints de Far West fêtaient l’anniversaire de la nation et posaient les pierres angulaires du temple, l’éloquence de Sidney Rigdon suscita chez eux une intense émotion. Il annonça d’une voix de tonnerre la déclaration d’indépendance des saints à l’égard de toute nouvelle violence ou activité illégale par des émeutiers. Il mit les émeutiers potentiels en garde contre le fait que l’Eglise ne supporterait plus humblement les persécutions mais se défendrait jusqu’à la mort. «Ce sera entre nous et eux une guerre d’extermination, car nous les suivrons jusqu’à ce que la dernière goutte de leur sang soit répandue, ou alors ils devront nous exterminer18.» On eut la maladresse de publier et de diffuser des exemplaires de ce discours enflammé. Des exemplaires parvinrent entre les mains des dirigeants du Missouri et constituèrent finalement la base des accusations de trahison et de violence contre les saints. C’est ainsi que les conditions furent réunies pour le conflit terrifiant et les pertes terribles en vies et en biens qui s’ensuivirent. Les saints allaient devoir passer encore un peu plus par «le feu du fondeur» avant de pouvoir trouver la paix. NOTES 1. Dans History of the Church, 2:445. 2. Dans History of the Church, 2:462. 3. Donald Q. Cannon et Lyndon W. Cook, éd., Far West Record: Minutes of the Church of Jesus Christ of Latter-day Saints, 1830-1844, Salt Lake City, Deseret Book Co., 1983, p. 105. 4. History of the Church, 2:511. 5. Dans History of the Church, 2:516. 6. Dans History of the Church, 3:7. 7. Elders’ Journal, juillet 1838, p. 45. 8. Voir «The Scriptory Book of Joseph Smith», département d’histoire de l’Eglise, Salt Lake City, pp. 52-53. 9. History of the Church, 3:11. 10. Dans History of the Church, 3:14. 11. Dans Journal of Discourses, 18:343; voir aussi Bruce R. McConkie, Mormon Doctrine, 2e éd., Salt Lake City, Bookcraft, 1966, pp. 19-21. 12. Elders’ Journal, août 1838, p. 52. 194 13. Voir B. H. Roberts, A Comprehensive History of the Church of Jesus Christ of Latterday Saints, Century One, 6 vol., Salt Lake City, The Church of Jesus Christ of Latter-day Saints, 1930, 1:425. 14. Sarah DeArmon Pea Rich, autobiographie holographique, département d’histoire de l’Eglise, Salt Lake City, p. 36; ou Kenneth W. Godfrey, Audrey M. Godfrey et Jill Mulvay Derr, Women’s Voices, Salt Lake City, Deseret Book Co., 1982, p. 98. 15. Elizabeth Haven Barlow, «Mother of Eight», dans Kate B. Carter, comp., Our Pioneer Heritage, 19 vol., Salt Lake City, Daughters of Utah Pioneers, 1967-76, 19:321; ou Leonard J. Arrington et Susan Arrington Madsen, Sunbonnet Sisters, Salt Lake City, Bookcraft, 1984, p. 24. 16. Voir B. H. Roberts, The Life of John Taylor, Salt Lake City, Bookcraft, 1963, p. 47. 17. History of the Church, 3:46. 18. Oration Delivered by Mr. S. Rigdon on the 4th of July 1838, Far West, Journal Office, 1838, département d’histoire de l’Eglise, Salt Lake City, p. 12. CHAPITRE SEIZE PERSÉCUTIONS DU MISSOURI Ligne du temps Date Evénements importants 6 août 1838 Bataille du jour des élections à Gallatin 7 sept. 1838 Jugement de Joseph Smith et de Lyman Wight devant le juge Austin King 1-7 oct. 1838 Bataille de DeWitt ET EXPULSION P ENDANT LES CHAUDS mois d’été 1838, les relations entre les saints des derniers jours et leurs voisins du nord du Missouri continuèrent à se dégrader rapidement. Parley P. Pratt, qui était arrivé en mai à Far West, après être revenu de son service missionnaire dans l’Est, décrit la situation tendue qui existait en juillet 1838: «Des nuées de guerre sombres et menaçantes recommençaient à s’amonceler. Ceux qui s’étaient coalisés contre les lois dans les 18-19 oct. 1838 Guerre de guérilla dans le comté de Daviess 25 oct. 1838 Bataille de la Crooked River croissantes avec jalousie et avec des yeux cupides et avides. Il était courant de se 27 oct. 1838 «Ordre d’extermination» du gouverneur Boggs vanter que dès que nous aurions terminé tous nos travaux de mise en valeur et 30 oct. 1838 Massacre de Haun’s Mill que nous aurions eu une abondante récolte, ils nous chasseraient de l’Etat et 30 oct.-6 nov. Siège de Far West 1838 comtés voisins, voyaient depuis longtemps notre puissance et notre prospérité s’enrichiraient une fois de plus avec le butin1.» Pour ces raisons et d’autres, des violences se déclenchèrent, qui eurent pour résultat final d’expulser l’Eglise tout entière de l’Etat du Missouri. B ATA I L L E DU JOUR DES ÉLECTIONS À G A L L AT I N En 1831, une famille du nom de Peniston était devenue la première famille de colons blancs dans ce qui allait devenir le comté de Daviess. L’année suivante, ils construisirent un moulin sur la Grand River pour moudre de la farine pour les nouveaux arrivants. Ils créèrent le village de Millport. Lorsque le comté fut créé en 1836, il y avait encore moins de cent colons. Les plans de la ville de Galatin furent créés pour en faire le siège du comté et, du fait de sa croissance, Millport, qui était Le nord-ouest du Missouri Comté de Daviess Adam-ondiAhman Millport Gallatin G ra n d R i v er Caldwell Haun’s Mill Far West S h oal Cr ee k Comté de Carroll DeWitt 195 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS à cinq kilomètres à l’est, déclina. Pendant l’été 1838, les saints affluèrent à Diahman à environ six kilomètres au nord de Gallatin. Leur nombre parvint rapidement à dépasser celui des gentils dans le comté de Daviess. L’année 1838 était une année d’élections. Les colons originels voulaient naturellement élire un des leurs à la tête de l’Etat. William Peniston, ennemi juré des saints, était candidat. Il craignait qu’avec l’afflux rapide de mormons, il ne remporte pas les élections, parce que la plupart des membres de l’Eglise soutenaient John A. Williams. Quinze jours environ avant les élections, le juge Joseph Morin de Millport recommanda à deux anciens de l’Eglise d’aller aux urnes prêts à se faire attaquer par des émeutiers décidés à empêcher les mormons de voter. Les élections devaient avoir lieu le lundi 6 août à Gallatin, qui était à ce moment-là une simple rangée désordonnée de «dix maisons, dont trois étaient des saloons2». Espérant que la prédiction du juge se révélerait fausse, un certain nombre de mormons se rendirent sans armes à Gallatin pour voter. A 11 heures du matin, William Peniston s’adressa à la foule des électeurs, espérant les exciter contre les mormons: «Les dirigeants mormons sont une bande de voleurs de chevaux, de menteurs, de faux-monnayeurs, et vous savez qu’ils professent guérir les malades et chasser les démons, et vous savez tous que c’est un mensonge3.» Les jours d’élection dans l’Ouest se passaient rarement dans le bon ordre, mais avec le discours enflammé de Peniston et le fait que certains dans la foule étaient remplis de whisky, la bataille était inévitable. Dick Welding, le caïd des émeutiers, donna un coup de poing à un des saints et l’envoya au tapis. Il s’ensuivit une bagarre. Bien que débordé par le nombre, un des mormons, John L. Butler, s’empara d’un piquet en chêne qui se trouvait sur une pile de bois proche et commença à frapper les Missouriens avec une force qui l’étonna lui-même. Les Missouriens s’armèrent de planches et de tout ce qui leur tombait sous la main; pendant la bagarre qui s’ensuivit, plusieurs personnes de part et d’autre furent sérieusement blessées. Peu de mormons votèrent ce jour-là, mais Peniston perdit quand même l’élection. Le lendemain matin, des comptes rendus inexacts de la bataille parvinrent aux oreilles des dirigeants de l’Eglise à Far West. Apprenant que deux ou trois des frères avaient été tués, la Première Présidence et une vingtaine d’autres partirent immédiatement, le mercredi 8 août, pour le comté de Daviess. Ils s’armèrent pour leur propre protection et en route furent rejoints par des membres de l’Eglise venus de diverses parties de Daviess, dont certains avaient été attaqués par les émeutiers du jour des élections. Ils arrivèrent ce soir-là à Diahman et furent soulagés d’apprendre qu’aucun des saints n’avait été tué. Tandis qu’il était dans le coin, le prophète décida qu’il serait sage de faire un tour de la région à cheval avec quelques-uns des autres frères pour évaluer la situation politique et calmer les craintes qui avaient été suscitées dans le comté. Ils rendirent visite à plusieurs des vieux colons du voisinage, dont Adam Black, juge de paix et juge nouvellement élu du comté de Daviess. Sachant que Black avait participé aux activités antimormones, ils lui demandèrent s’il appliquerait la loi avec justice et s’il était disposé à signer un accord de paix. Selon Joseph Smith, lorsque Black eut 196 PERSÉCUTIONS ET EXPULSION DU MISSOURI signé une attestation certifiant qu’il se désolidariserait des émeutiers, les frères retournèrent à Adam-ondi-Ahman4. Le lendemain, un conseil composé de mormons et de non-mormons éminents “conclut une alliance de paix, de protéger leurs droits mutuels et de se défendre mutuellement; au cas où des hommes agiraient mal, aucun des groupes ne les défendrait ou ne s’efforcerait de les protéger de la justice, mais il livrerait tous les offenseurs pour qu’ils fussent traités selon la loi et la justice5”. La bonne volonté dura moins de vingt-quatre heures. Le 10 août, William Peniston fit sous serment une déclaration à Richmond (comté de Ray) devant le juge du circuit, Austin A. King, déclarant que Joseph Smith et Lyman Wight avaient organisé une armée de cinq cents hommes et avaient menacé de mort «tous les vieux colons et citoyens du comté de Daviess6». Lorsqu’il fut mis au courant, Joseph attendit chez lui à Far West ce qui allait arriver. Lorsque le shérif apprit que Joseph était disposé à se laisser arrêter s’il pouvait être jugé dans le comté de Daviess, il refusa de présenter le mandat et s’en alla à Richmond consulter le juge King. Pendant quinze jours environ, la tension monta dans les comtés de Daviess et de Carroll. Adam Black prétendit faussement que 154 mormons l’avaient menacé de mort s’il ne signait pas l’accord de paix. Le prophète répondit que la déclaration de Black «le montre sous son vrai jour: un meneur d’émeutiers sans principes, détestable et parjure7». Avec les rumeurs et les histoires exagérées que l’on faisait circuler dans tout le Missouri et la fausse information d’un soulèvement mormon qui parvinrent jusqu’au gouverneur Lilburn W. Boggs, la guerre civile paraissait imminente. LES CONDITIONS D’UNE GUERRE RÉUNIES En septembre, le prophète médita sur la dégradation de la situation et définit l’attitude de l’Eglise. Il fit la déclaration suivante: «Il y a actuellement beaucoup d’énervement parmi les Missouriens, qui cherchent à trouver un prétexte contre nous. Ils ne cessent de nous irriter et essaient de nous provoquer à la colère; les gestes de menace se suivent, mais nous ne craignons rien, car le Seigneur Dieu, le Père éternel, est notre Dieu, et Jésus . . . est notre force et notre assurance . . . « . . . Leur père, le diable, les invite d’heure en heure à être à l’oeuvre et eux, comme des enfants bien disposés et obéissants, ne se le font pas dire deux fois; mais au nom de Jésus-Christ . . . nous ne le supporterons plus, si le grand Dieu veut nous armer de courage, de force et de puissance, pour leur résister dans leurs persécutions. Nous ne prendrons pas l’offensive, mais nous nous défendrons toujours8.» Le lendemain, Joseph Smith demanda au général de division David Atchison et au général de brigade Alexander Doniphan, de la milice de l’Etat du Missouri, leur conseil sur la façon de mettre fin aux hostilités dans le comté de Daviess. Tous deux avaient été hommes de loi pour les saints pendant les troubles du comté de Jackson en 1833-34 et continuaient à être amicaux à l’égard de l’Eglise. Le général 197 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Atchison promit qu’il ferait tout ce qui était en son pouvoir en tant qu’officier militaire pour disperser les émeutiers. Ils conseillèrent au prophète et à Lyman Wight, qui était également présent, d’être volontaires pour être jugés dans le comté de Daviess. En conséquence, un procès eut lieu le 7 septembre, juste au nord de la frontière du comté, chez un fermier non mormon. Craignant une action possible des émeutiers, Joseph Smith fit stationner une compagnie d’hommes à la frontière du comté «pour être prêts à la minute s’il devait y avoir un problème lors du procès9». On ne présenta aucune preuve de nature à incriminer les deux dirigeants, mais cédant aux pressions, le juge King ordonna qu’ils fussent jugés devant le tribunal et les libéra sous une caution de cinq cents dollars. Malheureusement, cela ne contribua en rien à apaiser l’esprit d’émeute. Les ennemis de l’Eglise, parmi lesquels beaucoup venus d’autres comtés, se préparèrent à attaquer Adam-ondi-Ahman. Lyman Wight était colonel dans le cinquante-neuvième régiment du Missouri, qui était sous l’autorité de l’Etat, sous la direction du général H. G. Parks. Lyman commanda d’armer plus de cent cinquante hommes, faisant partie de la milice de l’Etat, pour défendre la ville contre les émeutiers. Mormons et émeutiers envoyèrent des patrouilles partout dans la campagne, firent de temps en temps des prisonniers et, d’une manière générale, s’insultèrent. Seul le comportement prudent des généraux Atchison et Doniphan empêcha la violence. Vers la fin de septembre, le général Atchison écrivit au gouverneur: «Les choses ne se passent pas aussi mal dans ce comté [de Daviess] que veut le faire croire la rumeur, et en fait, d’après des déclarations que j’ai en ma possession, je n’ai aucun doute que votre Excellence ait été abusée par les déclarations exagérées de comploteurs ou de gens à moitié fous. Je constate qu’il n’y a aucune raison de s’alarmer à propos des mormons; ils ne sont pas à craindre; ils sont très alarmés10.» A peu près dans le même temps, un comité de «vieux citoyens» du comté de Daviess accepta de vendre ses biens aux saints. Joseph Smith envoya immédiatement des messagers vers l’Est et le Sud pour essayer de lever les fonds nécessaires, mais l’escalade rapide du conflit ne permit pas la réalisation de ce projet d’accord. SIÈGE DE DEWITT Pendant ces conflits, des événements tout aussi inquiétants se produisaient entre les saints et leurs voisins à DeWitt (comté de Carroll). Quelques mormons avaient été précédemment accueillis lorsqu’ils avaient commencé à s’installer à DeWitt en juin 1838, mais dès juillet il apparut aux citoyens du comté de Carroll que les saints des derniers jours n’allaient pas tarder à les dépasser en nombre. Comme dans les comtés de Jackson, de Clay et de Daviess, la peur de perdre le contrôle politique motiva les «vieux colons» à croire les faux bruits rapportés sur les «fanatiques mormons» et de trouver un prétexte pour les chasser. Trois réunions eurent lieu en juillet pour unir les citoyens afin d’expulser les mormons. Lorsqu’on lui présenta l’ultimatum disant qu’ils devaient partir, George M. Hinkle, dirigeant des saints et colonel de la milice de l’Etat du Missouri, leur 198 PERSÉCUTIONS ET EXPULSION DU MISSOURI déclara avec défi que les saints défendraient leur droit de rester à DeWitt. Pendant tout le mois de septembre, ce fut le statu quo. La violence fut évitée en partie parce que beaucoup d’hommes de la milice de Carroll étaient partis se battre au comté de Daviess pendant le mois de septembre. A la fin de septembre, les saints de DeWitt envoyèrent une lettre au gouverneur Lilburn W. Boggs demandant son aide pour se défendre contre «les émeutiers sans loi» du comté de Carroll et d’autres comtés, mais ils ne reçurent aucune réponse. Entre-temps, les forces non mormones de DeWitt continuaient à s’accroître avec l’arrivée presque quotidienne de troupes venues des comtés de Ray, Howard et Clay. Les saints des derniers jours reçurent aussi des renforts et commencèrent à construire des barricades. La première semaine d’octobre fut terrible pour les saints parce que des combats éclatèrent entre les deux camps. John Murdock écrit: «Nous étions continuellement employés, jour et nuit, à garder [les saints] . . . Une nuit . . . je passai toute la nuit à aller d’une sentinelle à l’autre pour les maintenir à leur tâche11.» Le besoin de nourriture et d’abri devint critique. Les forces antimormones considéraient ce siège comme «une guerre d’extermination12». Tandis qu’il était à la recherche d’un nouveau lieu d’installation, le prophète Joseph Smith rencontra un émissaire angoissé en route pour Far West pour informer les frères de la situation à DeWitt. Déçu, le prophète dit: «J’avais espéré que le bon sens de la majorité des gens et le respect de la Constitution auraient étouffé tout esprit de persécution qui aurait pu se manifester dans ce coin13.» Changeant de programme, Joseph se déplaça en secret en suivant des routes peu fréquentées pour éviter les gardes ennemies et se glissa dans DeWitt, où il trouva une poignée de défenseurs face à la foule des émeutiers. Le prophète constata que les saints subissaient une famine systématique et de graves privations. Les dirigeants de l’Eglise décidèrent de faire de nouveau appel à l’aide du gouverneur. Ils obtinrent des attestations de sympathisants non-mormons sur le traitement des saints et leur périlleuse situation. Le 9 octobre, ils reçurent la réponse du gouverneur selon laquelle «‹la querelle était entre les mormons et les émeutiers› et que ‹c’était à eux de la vider›14». Cela réduisait à néant tout espoir que les saints auraient encore pu mettre dans l’aide du chef de l’exécutif. Dans ces circonstances, les tout premiers colons mormons de DeWitt exhortèrent leurs frères à partir pacifiquement. Les saints, y compris Joseph Smith, rassemblèrent soixante-dix chariots et abandonnèrent tristement DeWitt le 11 octobre. Ce soir-là, une femme qui venait d’accoucher mourut d’avoir été exposée aux éléments et du fait qu’elle avait dû voyager avant que ses forces ne le lui permettent. On l’enterra sans cercueil dans un bosquet. Les émeutiers ne cessaient de harceler et de menacer au cours de leur voyage les saints, dont plusieurs moururent de fatigue et de privations15. 199 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS DÉTRESSE CROISSANTE E T D E D AV I E S S DANS LES COMTÉS DE CALDWELL Encouragés par leur succès contre les saints à DeWitt et enhardis par la noningérence du gouverneur, les forces antimormones marchèrent sur le comté de Daviess pour en chasser les mormons. Les dirigeants de l’Eglise furent alarmés d’apprendre que huit cents hommes avançaient sur Adam-ondi-Ahman et qu’on levait des troupes importantes pour marcher sur le comté de Caldwell. Le général Doniphan, qui était à Far West lorsque le message arriva, ordonna au colonel Hinkle de lever une milice parmi les résidents locaux pour protéger les saints. Etant donné que les antimormons étaient techniquement également membres de diverses autres unités de la milice, il s’ensuivit un conflit ironique de la milice contre la milice. Le jour du sabbat, le prophète parla aux saints utilisant comme texte une pensée du Sauveur: «Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses frères.» Il conclut en demandant que des volontaires se joignent à lui le lendemain matin sur la place publique. Une compagnie d’une centaine d’hommes, autorisée par le général Doniphan comme milice d’Etat du comté de Caldwell, partit le lundi pour Diahman16. Entre-temps, l’opposition était à l’oeuvre dans le comté de Daviess, John D. Lee signale que plusieurs colons furent «liés à des arbres et horriblement fouettés à coups de baguettes de noyer, et certains horriblement lacérés par les émeutiers17». Un certain nombre de maisons furent brûlées, et le bétail fut chassé. En outre, beaucoup de familles dispersées furent obligées, les 17 et 18 octobre, de fuir pour chercher protection à Adam-ondi-Ahman au milieu d’une violente tempête de neige. Joseph Smith écrit: «Je ne peux décrire les sentiments que j’éprouvai lorsque je les vis arriver dans le village, presque totalement dépourvus de vêtements et n’ayant rien pu sauver d’autre que leur vie18.» Le général H. G. Parks, officier commandant la milice du Missouri dans le comté de Daviess, qui fut témoin de ces événements, informa le général David Atchison de l’aggravation de la situation. Celui-ci, qui commandait la milice du nord du Missouri, lança un appel au gouverneur Boggs l’avertissant que les Missouriens avaient l’intention de chasser les mormons des comtés de Daviess et de Caldwell et exhorta vivement le gouverneur à venir se rendre compte sur place. C’était le troisième appel vain d’Atchison au gouverneur, mais, comme les autres appels qui suivirent, il fut ignoré. Le gouverneur Boggs ne se montra jamais disposé à écouter la version des saints, même de la part d’une source digne de confiance comme le général Atchison mais choisit plutôt de croire les rapports enflammés des antimormons. Comme les hostilités augmentaient dans le comté de Daviess, le général Parks autorisa Lyman Wight, colonel dans la milice, à organiser une force de mormons et à les utiliser pour disperser tous les émeutiers que l’on pouvait trouver dans le comté de Daviess. Le général Parks dit aux troupes assemblées: «Je vous ai souvent rendu visite, et je constate que vous êtes un peuple industrieux et prospère, 200 PERSÉCUTIONS ET EXPULSION DU MISSOURI disposé à respecter les lois du pays; je regrette profondément que vous ne puissiez vivre en paix et bénéficier des bénédictions de la liberté19.» Pendant deux jours, la guérilla fit rage entre les mormons et les antimormons; les deux camps pillèrent et brûlèrent. Les membres de l’Eglise considéraient que prendre aux gentils était une nécessité qui leur était imposée par le fait que leurs propres biens avaient été volés. Benjamin F. Johnson, jeune officier mormon de la milice, dit: «Nous étions enfermés de toutes parts par nos ennemis et étions sans nourriture. Tout le grain, le bétail, les porcs et les fournitures de toutes sortes étaient restés dans la campagne, si loin de la maison qu’on ne pouvait se les procurer que sous forte garde. La seule possibilité qui nous restait était de partir en groupe à la recherche d’approvisionnement et de ramener tout ce que nous pouvions trouver sans nous occuper de savoir à qui cela appartenait20.» Ce procédé fut monté en épingle par les non-mormons lors des séances de tribunaux qui suivirent la guerre mormone. De leur côté, les antimormons mettaient souvent le feu à leurs propres meules et à leurs biens et en imputaient ensuite la responsabilité aux saints. La rumeur ne tarda pas à se répandre dans le reste du Missouri que les mormons volaient ou détruisaient tous les biens de leurs voisins. A Far West, les saints furent avertis de ce que deux antimormons notoires, Cornelius Gilliam et Daniel Bogart, officiers de la milice, envisageaient des assauts contre les colonies du comté de Caldwell. Des réunions furent organisées au cours desquelles les saints firent alliance de se défendre et de ne pas abandonner la cause. Ceux qui résidaient dans les colonies écartées reçurent l’ordre de se rassembler à Far West, et la ville hâta ses préparatifs de défense. Chose tragique, deux membres du Collège des douze apôtres, Thomas B. Marsh et Orson Hyde, abandonnèrent la cause de l’Eglise le 18 octobre et s’unirent à l’ennemi à Richmond. Marsh signa sous serment une attestation, qui fut confirmée pour l’essentiel par Hyde, disant: «Le prophète inculque l’idée, et tout vrai mormon y croit, que les prophéties de Smith sont supérieures aux lois du pays. J’ai entendu le prophète dire qu’il foulerait un jour ses ennemis sous ses pieds et marcherait sur leurs cadavres; et si on ne le laissait pas tranquille, il serait un deuxième Mahomet pour notre génération21.» Cette déclaration ne fit que justifier, aux yeux des antimormons, leurs propres actes. Parlant de la trahison de Thomas B. Marsh, Joseph Smith dit: «Il s’est enorgueilli de son élévation aux fonctions et de la révélation du ciel à son sujet, au point d’être prêt à se laisser emporter par le premier vent contraire qui se présenterait sur son chemin, et maintenant il est tombé, a menti et s’est parjuré et est prêt à ôter la vie à ses meilleurs amis. Que cela soit un avertissement pour tous, et que tous apprennent que celui qui s’élève, Dieu l’abaissera22.» Thomas B. Marsh fut excommunié le 17 mars 1839, tandis qu’Orson Hyde était relevé de ses devoirs au Conseil des Douze. Le 4 mai 1839, Orson Hyde fut officiellement suspendu de l’exercice des devoirs de ses fonctions jusqu’au moment où il se joignit à la conférence générale de l’Eglise et expliqua ses actes23. Le 27 juin, après s’être repenti et avoir confessé son erreur, il fut rétabli au Conseil des Douze. En 1857, après des années de malheur, frère Marsh revint à l’Eglise. 201 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS B ATA I L L E DE LA CROOKED RIVER La bataille de la Crooked River, qui eut lieu à l’aube du jeudi 25 octobre 1838, marqua un tournant dans la «guerre mormone» au Missouri. La cause principale de cette tragédie fut le comportement provocateur du capitaine Samuel Bogart, du comté de Jackson, ennemi des saints. Depuis des jours, Bogart longeait la limite entre les comtés de Caldwell et de Ray, essayant soi-disant d’empêcher une attaque mormone. Mais au lieu de se contenter de faire les patrouilles auxquelles ils avaient été affectés, les hommes de Bogart entrèrent à deux reprises dans le comté de Caldwell et attaquèrent les maisons des saints, ordonnant aux membres de quitter l’Etat et faisant prisonniers trois mormons. Lorsque la nouvelle arriva à Far West, Elias Higbee, juge du comté de Caldwell et plus haute autorité civile de la région, ordonna au colonel Hinkle, officier le plus élevé en grade à Far West, d’envoyer une compagnie pour disperser «les émeutiers» et ramener les prisonniers, dont on pensait qu’ils seraient assassinés ce soir-là. Des membres de la milice attendaient depuis plusieurs jours l’appel aux armes. Lorsque les tambours battirent à minuit, les convoquant sur la place publique, soixante-quinze hommes furent mobilisés en deux compagnies sous la commandement de David W. Patten et de Charles C. Rich. Aux premières lueurs de l’aube, ils arrivèrent à un gué sur les rives de la Crooked River, à trente kilomètres de Far West. La patrouille de Patten s’avança, ignorant que Bogart était caché le long des rives de la rivière. Tout à coup, un des gardes de Bogart ouvrit le feu. Frère Patten commanda une charge, mais, se détachant sous le ciel de l’aube, ses hommes constituaient des cibles faciles. Dans la rapide et violente escarmouche, plusieurs hommes furent blessés de part et d’autre. Un des blessés était frère Patten du Conseil des Douze. Le jeune Gideon Carter fut mortellement touché à la tête et tomba tellement défiguré que ses frères ne le reconnurent pas. Les frères libérèrent les trois prisonniers, dont l’un était blessé, chassèrent l’ennemi de l’autre côté de la rivière et ensuite prirent soin de leurs blessés. Frère Patten fut transporté chez Steven Winchester près de Far West, où il mourut quelques heures plus tard. Il devint ainsi le premier apôtre martyr de notre dispensation. Sa foi en l’Evangile rétabli était telle qu’il avait un jour exprimé au prophète le désir de mourir martyr. «Le prophète, profondément ému, manifesta un chagrin profond, ‹car, dit-il à David, quand un homme de votre foi demande quelque chose au Seigneur, il l’obtient généralement24›.» Lors de ses funérailles à Far West, deux jours après la bataille, Joseph Smith fit son éloge: «Ci-gît un homme qui a fait exactement ce qu’il avait dit: il a donné sa vie pour ses amis25.» Patrick O’Bannion mourut également plus tard de ses blessures. James Hendricks, un autre blessé grave, fut temporairement paralysé à partir de la taille et dut être transporté sur un brancard. La responsabilité de la famille retomba entièrement sur sa femme, Drusilla, qui subit avec détermination et une foi profonde les autres dangers qui la guettaient au Missouri et le pénible voyage jusqu’en Illinois. Des comptes rendus exagérés de la bataille parvinrent bientôt aux oreilles du gouverneur Boggs à Jefferson City. Une des rumeurs disait que toutes les troupes 202 PERSÉCUTIONS ET EXPULSION DU MISSOURI de Bogart avaient été massacrées ou emprisonnées et que les mormons avaient l’intention de piller et de brûler Richmond. Ces informations donnèrent à Boggs l’excuse dont il avait besoin pour ordonner une guerre totale contre les saints. ORDRE D ’ E X T E R M I N AT I O N E T M A S S A C R E D E HAUN’S MILL Durant la dernière semaine d’octobre, le nord du Missouri fut sens dessus dessous; «on entendait des émeutiers dans toutes les directions26». Ils brûlèrent les maisons et les moissons, chassèrent le bétail, firent des prisonniers et menacèrent les saints de mort. Le général Atchison insista de nouveau auprès du gouverneur Boggs pour qu’il se rende sur place. Au lieu de cela, le 27 octobre, celui-ci ordonna à sa milice de partir en guerre. Ne s’appuyant que sur les fausses informations concernant une insurrection mormone, Boggs affirma que les saints avaient défié les lois et étaient à l’origine des hostilités. Il écrivit: «Les mormons doivent être traités comme des ennemis et doivent, si nécessaire, être exterminés ou chassés de l’Etat, pour le bien public. Leurs outrages dépassent toute description27.» A ce stade, il y avait une si forte opposition dans l’opinion publique contre les saints que même ceux qui connaissaient la vérité ne pouvaient pas prendre ouvertement leur parti. «L’ordre d’extermination» du gouverneur Boggs était le résultat et l’expression de la volonté populaire. Le général Atchison était responsable des troupes de l’Etat mais fut révoqué par le gouverneur avant la reddition de Far West. Le commandement fut confié au général John B. Clark. Celui-ci n’arriva à Far West que quelques jours après la reddition. Le général Samuel D. Lucas, antimormon de longue date, provenant du comté de Jackson, eut temporairement le commandement de la milice qui se rassembla rapidement de toutes parts pour encercler Far West. Le 31 octobre, plus de deux mille hommes entouraient Far West, la plupart décidés à exécuter l’ordre du gouverneur. C’est à Haun’s Mill que la violence recommença. Cette petite colonie, située à dix-neuf kilomètres à l’est de Far West, avait été fondée par Jacob Haun, converti de Green Bay (Wisconsin). Il s’était installé en 1835 à Shoal Creek, dans l’espoir d’éviter les persécutions que ses coreligionnaires connaissaient ailleurs au Missouri. Haun’s Mill se composait d’un moulin, d’une forge, de quelques maisons et d’une population de vingt à trente familles au moulin lui-même et d’une centaine de familles dans le grand voisinage. Le 30 octobre, neuf chariots d’immigrants de Kirtland étaient arrivés à cet endroit. Ils avaient décidé de se reposer quelques jours avant d’aller jusqu’à Far West. Immédiatement après la bataille de la Crooked River, Joseph Smith conseilla à tous les saints vivant dans des endroits écartés de s’installer à Far West ou à Adamondi-Ahman. Ne voulant pas abandonner ses biens, Jacob Haun n’écouta pas les conseils du prophète et dit à la petite communauté de rester là. Cette décision imprudente s’avéra fatale. Le groupe de Haun avait l’intention d’utiliser la forge comme fortin en cas d’attaque ennemie. Des gardes furent postés pour protéger le moulin et la colonie. 203 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Publié avec la permission de la Missouri State Historical Society Ordre d’extermination 204 PERSÉCUTIONS ET EXPULSION DU MISSOURI Le dimanche 28 octobre, le colonel Thomas Jennings, de la milice du comté de Livingston, envoya un de ses hommes à la colonie pour conclure un traité de paix. Les deux partis s’engagèrent à ne pas s’attaquer mutuellement. Mais les nonmormons ne se dispersèrent pas comme promis. Le lundi, un groupe de Missouriens du comté de Livingston décida d’attaquer Haun’s Mill, probablement dans l’intention d’exécuter l’ordre du gouverneur. Le mardi après-midi, 30 octobre, quelque 240 hommes approchèrent de Haun’s Mill. Joseph Young, père, un des sept présidents des soixante-dix, qui était récemment arrivé à Haun’s Mill, décrit la situation à la fin de l’après-midi: «Les rives de Shoal Creek pullulaient de part et d’autre d’enfants, s’ébattant et jouant, tandis que leurs mères étaient occupées aux tâches domestiques et leurs pères gardaient les moulins et les autres biens, tandis que d’autres s’occupaient à rentrer leurs récoltes pour la consommation d’hiver. Le temps était très agréable, le soleil brillait, tout était paisible, et personne ne s’attendait le moins du monde à la terrible tragédie qui était proche de nous et même à nos portes28.» Vers 4 heures de l’après-midi, les émeutiers s’approchèrent de Haun’s Mill. Les femmes et les enfants s’enfuirent dans les bois, tandis que les hommes se mettaient à l’abri dans la forge. David Evans, chef militaire des saints, agita son chapeau et demanda la paix. Le son de cent fusils lui répondit, la plupart visant la forge. Les émeutiers tirèrent impitoyablement sur tout ce qu’ils voyaient, femmes, hommes âgés, enfants. Amanda Smith saisit ses deux petites filles et traversa sur une passerelle, avec Mary Stedwell, le réservoir du moulin. Amanda écrit: “En dépit du fait que nous fussions des femmes, ayant des enfants d’âge tendre, et que nous fussions occupées à fuir pour sauver notre vie, ces démons tirèrent volée sur volée pour nous tuer29.” La racaille entra dans la forge et découvrit Sardius Smith, dix ans, fils d’Amanda Smith, caché sous le soufflet du forgeron. Un des voyous mit le canon de son fusil contre le crâne du garçon et lui fit sauter la partie supérieure de la tête. L’homme Musée d'histoire et d'art de l'Eglise Haun’s Mill, par C.C.A. Christensen 205 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS expliqua plus tard: «Les lentes font des poux, et s’il avait vécu, il serait devenu mormon30.» Alma Smith, sept ans, frère de Sardius, assista au meurtre de son père et de son frère et fut lui-même touché à la hanche. Les émeutiers ne le découvrirent pas et il fut plus tard miraculeusement guéri par la prière et la foi.Thomas McBride fut tailladé à mort avec un couteau à maïs. Un petit nombre d’hommes, de femmes et d’enfants réussirent à traverser la rivière et à se cacher dans les collines, mais dix-sept personnes au moins furent tuées et sans doute treize blessées31. Jacob Haun était parmi les blessés, mais il guérit. Des années plus tard, le prophète dit: «A Haun’s Mill les frères n’ont pas écouté mon avis; s’ils l’avaient fait, ils auraient eu la vie sauve32.» Les survivants se cachèrent pendant toute la soirée et toute la nuit, craignant une nouvelle attaque. Le lendemain, quelques hommes valides enterrèrent les morts dans un trou sec qui avait été creusé pour faire un puits. Joseph Young s’était tellement attaché au jeune Sardius pendant leur voyage depuis Kirtland qu’il fondit en larmes et ne put descendre le corps du garçon dans la fosse commune. Amanda et son fils aîné enterrèrent Sardius le lendemain. Les survivants, atterrés, quittèrent le Missouri au cours de l’hiver et du printemps suivant en même temps que les autres membres de l’Eglise. Les émeutiers continuèrent à persécuter certaines des veuves avant leur départ, mais le Seigneur les aida. Amanda Smith se souvient du réconfort qu’elle reçut du Seigneur tandis qu’elle se glissait dans un champ de maïs pour prier à haute voix. «C’était pour moi à ce moment-là comme le temple du Seigneur. Je priai à haute voix et avec beaucoup de ferveur. «Lorsque je sortis du maïs, une voix me parla. C’était la voix la plus claire que j’eusse jamais entendue. Ce n’était pas une impression silencieuse et forte donnée par l’Esprit, mais une voix, répétant un couplet du cantique des saints: ‹Quand tu passeras par la crainte et les maux Tu ne seras pas vaincue par leurs fardeaux. Car pour te bénir, près de toi je serai Et dans ta détresse, et dans ta détresse, Et dans ta détresse, je te soutiendrai.› «A partir de ce moment-là, je n’eus plus aucune crainte. J’avais le sentiment que 33 plus rien ne pouvait me faire du mal .» SIÈGE DE FA R W E S T Entre-temps, les forces de la milice antimormone continuaient à se rassembler autour de Far West en vue d’une attaque. La milice de Far West barricada la ville avec des chariots et du bois, mais le mercredi 31 octobre, les forces antimormones étaient cinq fois plus nombreuses que celles des saints. Aucune des deux parties n’avait envie de déclencher la bataille, et le jour se passa dans le statu quo, chacune des parties essayant de décider de ce qu’il fallait faire. Le soir, le général Lucas envoya des parlementaires qu’alla rencontrer le colonel Hinkle, officier en chef des saints. Celui-ci accéda secrètement aux exigences de Lucas, à savoir que certains dirigeants devaient se rendre pour être jugés et punis, que les biens mormons 206 PERSÉCUTIONS ET EXPULSION DU MISSOURI Milice du Missouri à Far West devaient être confisqués pour payer les dégâts et que le reste des saints devaient rendre les armes et quitter l’Etat. De retour à Far West, Hinkle convainquit Joseph Smith, Sidney Rigdon, Lyman Wight, Parley P. Pratt et George W. Robinson que Lucas voulait parler avec eux au cours d’une conférence pour la paix. Les frères eurent la mauvaise surprise de voir Hinkle les livrer comme prisonniers à Lucas. Parley P. Pratt décrit cet événement tragique: «Le hautain général [Lucas] s’approcha à cheval et, sans nous parler, ordonna immédiatement à sa garde de nous encercler. Ils le firent très brusquement et nous fûmes emmenés au camp entourés par des milliers d’êtres à l’aspect sauvage, dont beaucoup étaient habillés et peints comme des guerriers indiens. Ils hurlaient tous sans arrêt, comme autant de chiens de chasse lâchés sur leur proie, comme s’ils avaient remporté une des victoires les plus miraculeuses jamais rapportées dans les annales du monde34.» Les hurlements continuèrent pendant toute la nuit, terrorisant les citoyens de Far West, qui craignaient que leur prophète eût déjà été assassiné. La plupart des saints passèrent la nuit à prier. Dans le camp ennemi, les frères furent obligés de se coucher sur le sol sous une pluie froide pour écouter leurs gardes déverser un flot constant de railleries et de grossièretés. «Ils blasphémaient contre Dieu, se moquaient de Jésus-Christ, poussaient les jurons les plus horribles, provoquaient Joseph et les autres, réclamaient des miracles, voulaient des signes, disant: ‹Allons, M. Smith, montrez-nous un ange.› ‹Donnez-nous une de vos révélations.› ‹Montrez-nous un miracle35.›» Lors d’une cour martiale secrète et illégale, tenue pendant la nuit, les prisonniers furent condamnés à être exécutés le lendemain matin sur la place publique de Far West. Lorsque le général Alexander Doniphan reçut l’ordre du général Lucas, il fut indigné de la brutalité et de l’injustice de cette affaire et répondit: «C’est un meurtre calculé. Je n’obéirai pas à vos ordres. Ma brigade se rendra à Liberty demain matin à huit heures, et si vous exécutez ces hommes, je vous en rendrai responsable devant un tribunal terrestre; que Dieu me juge si je ne dis pas la 207 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS vérité36.» Intimidé par la réaction courageuse de Doniphan, Lucas perdit son assurance. Les prières des saints étaient exaucées. La même nuit, on apprit à Far West que l’ennemi avait l’intention d’arrêter les survivants de la bataille de la Crooked River. Aussi, avant l’aube, une vingtaine de frères se glissèrent hors de Far West et se mirent en route vers le nord-est, vers le territoire de l’Iowa. Hyrum Smith et Amasa Lyman n’eurent pas cette chance. Ils furent arrêtés et rejoignirent les autres prisonniers. Le matin du 1er novembre, tandis que George Hinkle faisait sortir les troupes mormones de Far West, la milice du Missouri entrait dans la ville. Tout en fouillant pour trouver des armes, ils mirent la ville à sac, pillèrent des biens précieux, violèrent des femmes et obligèrent les frères dirigeants à la pointe de la baïonnette à signer des promesses de payer les frais de la milice. Beaucoup d’hommes éminents furent arrêtés et emmenés comme prisonniers à Richmond. Le reste des saints reçut l’ordre de quitter l’Etat. On prit des dispositions pour emmener les dirigeants de l’Eglise à Independence afin de les exposer publiquement et les juger. Pensant qu’ils risquaient d’être exécutés, Joseph Smith et ses codétenus demandèrent à voir leurs familles une dernière fois, et ils retournèrent le 2 novembre à Far West. Joseph trouva sa femme et ses enfants en larmes parce qu’ils pensaient qu’on l’avait exécuté. «Quand j’entrai dans ma maison, ils s’accrochèrent à mes vêtements, le visage baigné de larmes, et exprimant à la fois la joie et le chagrin», écrit-il. On lui refusa de passer quelques instants en privé avec eux, mais Emma pleura et ses enfants s’accrochèrent à lui jusqu’à ce qu’ils lui fussent arrachés par les sabres des gardes37. Les autres prisonniers connurent les mêmes souffrances en faisant leurs adieux à leurs proches. Lucy Smith, mère de Joseph et de Hyrum, accourut au chariot où ils étaient maintenus sous surveillance et put à peine toucher leurs mains tendues avant que le chariot ne parte. Après plusieurs heures de chagrin, elle fut consolée par l’Esprit et bénie du don de prophétie: «Que ton coeur se console concernant tes enfants, leurs ennemis ne leur feront pas de mal38.» Une révélation semblable fut donnée à Joseph Smith. Le lendemain matin, au moment où les prisonniers commençaient leur marche, Joseph dit à ses compagnons d’une voix basse mais pleine d’espoir: «Prenez courage, mes frères; la parole du Seigneur m’a été donnée hier soir, me disant que notre vie nous serait conservée et que, quoi que nous souffriions pendant cette captivité, on n’ôterait la vie à aucun d’entre nous39.» Entre-temps, le général John B. Clark, officier commandant désigné par le gouverneur pour la guerre mormone, arriva à Far West. Il ordonna à tout le monde de rester dans la ville, et les saints affamés furent obligés de se nourrir de maïs desséché. Le 6 novembre, il parla aux malheureux citoyens et dit qu’il ne les obligerait pas à quitter l’Etat au milieu de l’hiver. Il dit: «C’est à ma clémence que vous devez cette indulgence. Je ne dis pas que vous partirez maintenant, mais vous ne devez pas penser pouvoir rester ici encore une saison, ni ensemencer . . . Pour ce qui est de vos dirigeants, n’allez surtout pas penser—ne vous imaginez pas un seul instant—ne vous mettez pas dans la tête qu’ils seront délivrés et que vous 208 PERSÉCUTIONS ET EXPULSION DU MISSOURI reverrez leur visage, car leur sort est fixé—leurs dés son jetés—leur condamnation est scellée40.» Un autre contingent de la milice encercla les saints qui avaient cherché refuge à Adam-ondi-Ahman. Après qu’une commission d’enquête se fût réunie pendant trois jours, tous les mormons reçurent l’ordre de quitter le comté de Daviess mais reçurent la permission d’aller à Far West jusqu’au printemps. Tandis qu’ils se préparaient à leur exode, les saints demandèrent de nouveau l’aide du gouvernement du Missouri. Bien que leurs griefs fussent clairement définis et que beaucoup de membres du gouvernement et des journaux du Missouri manifestassent une sympathie considérable, on ne lança jamais d’enquête officielle. Au lieu de cela, le gouvernement réquisitionna deux mille malheureux dollars pour venir en aide aux citoyens du comté de Caldwell. EN PRISON Joseph Smith et quelques autres prisonniers furent emmenés à Independence et exposés au public. Ils furent ensuite transférés à Richmond, où ils furent enchaînés ensemble et gardés pendant plus de quinze jours dans une vieille maison vide. A la mi-novembre, un procès de treize jours commença, sous la présidence du juge de circuit Austin A. King. Les témoignages contre les dirigeants de l’Eglise n’étaient que falsifications. Sampson Avard, le premier témoin, accusa hypocritement le prophète d’être responsable des déprédations des Danites; d’autres témoins furent tout aussi hostiles. Quand les prisonniers proposèrent une liste de témoins pour la défense, ceux-ci furent systématiquement mis en prison ou chassés du comté. Alexander Doniphan, avocat des saints, dit que «si une cohorte d’anges descendait nous proclamer innocents, cela reviendrait au même; car il (King) avait décidé d’emblée de nous jeter en prison41». Musée d'histoire et d'art de l'Eglise Joseph Smith réprimandant les gardes à Richmond, par Danquart Weggeland 209 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Pendant quinze jours horribles, les prisonniers furent maltraités par les gardes. Une nuit de novembre, les frères écoutèrent plusieurs heures «les plaisanteries obscènes, les jurons horribles, les blasphèmes terribles et le langage malpropre» des gardes racontant les atrocités qu’ils avaient infligées aux saints. Parley P. Pratt était resté couché à côté du prophète jusqu’à ce qu’il lui fût presque impossible de continuer à garder le silence. Tout à coup Joseph Smith se mit debout, enchaîné et désarmé, et dit d’une voix de tonnerre: ‹SILENCE, démons du gouffre infernal! Au nom de Jésus-Christ, je vous réprimande et je vous commande de vous taire. Je ne vivrai pas un instant de plus pour entendre pareil langage. Cessez ce genre de conversation ou bien La prison de Liberty à Liberty (Missouri). Les dimensions extérieures du bâtiment sont 6,80 m de long, 6,70 mètres de large et 3,60 mètres de haut à la base du toit. Le bâtiment fut utilisé comme prison jusqu’en 1856, époque à laquelle il fut considéré comme insalubre. vous ou moi mourrons A L’INSTANT.› «Il cessa de parler! Auguste et terrible, il se tenait droit. Enchaîné et sans armes, calme, serein et digne comme un ange, il posait les yeux sur les gardes tremblants, qui baissèrent leurs armes ou les laissèrent tomber par terre, et qui, se blottissant dans un coin ou rampant à ses pieds, lui demandèrent pardon et restèrent silencieux jusqu’à la relève de la garde42.» A la fin du procès, le juge King ordonna le maintien en détention de Joseph et de cinq autres frères en vue d’autres poursuites; il les fit incarcérer à la prison de Liberty dans le comté de Clay. Parley P. Pratt et plusieurs autres devaient rester enfermés à Richmond, et la plupart des autres prisonniers furent relâchés. En réalité, la prison de Liberty, bâtiment carré de 6,70m sur 6,70m, pourvu d’un étage, était un cachot. De petites fenêtres munies de barreaux s’ouvraient au niveau supérieur, et il y avait peu de chauffage. Un trou dans le sol était le seul accès au niveau inférieur, où un homme ne pouvait se tenir debout. Pendant quatre mois d’hiver, le prophète et ses compagnons souffrirent du froid, de la saleté, des émanations de fumée, de la solitude et d’une nourriture répugnante. Le plus grave, c’est qu’ils ne pouvaient accompagner les saints fidèles que l’on chassait de l’Etat. Et pourtant, ce furent des mois particulièrement importants pour Joseph Smith et pour l’Eglise. En l’absence du prophète, Brigham Young, Heber C. Kimball et John Taylor firent preuve de capacités et d’un engagement supérieur en qualité de dirigeants. Dans son désespoir, Joseph Smith reçut des instructions spirituelles précieuses du Seigneur. Grâce à ce qui y fut révélé, on pourrait qualifier la prison de Liberty de prison-temple. L’opinion publique au Missouri se tournait contre le gouverneur Boggs et les émeutiers tandis que Joseph Smith et ses collègues languissaient en prison en attendant que les représentants de l’Etat décident de ce qu’il fallait faire d’eux. Vers la fin de mars 1839, le prophète écrivit une longue lettre à l’Eglise, dont certaines parties constituent actuellement les sections 121, 122 et 123 des Doctrine et Alliances. Après avoir passé en revue les torts infligés aux saints, le prophète avait fait appel au Seigneur: «O Dieu, où es-tu? Et où est le pavillon qui couvre ta cachette? «Combien de temps retiendras-tu ta main? Combien de temps ton oeil, oui, ton oeil pur contemplera-t-il des cieux éternels les maux de ton peuple et de tes serviteurs, et ton oreille sera-t-elle pénétrée de leurs cris? 210 PERSÉCUTIONS ET EXPULSION DU MISSOURI «Oui, ô Seigneur, combien de temps souffriront-ils ces torts et ces oppressions illégales avant que ton coeur ne s’adoucisse envers eux et que tes entrailles ne soient émues de compassion envers eux?» (D&A 121:1-3). Le prophète nota ensuite la réponse du Seigneur à sa supplication: «Mon fils, que la paix soit en ton âme! Ton adversité et ton affliction ne seront que pour un peu de temps; «Et alors, si tu les supportes bien, Dieu t’exaltera en haut; tu triompheras de tous tes ennemis. «Tes amis se tiennent à tes côtés, et ils te salueront de nouveau, le coeur ouvert et les mains tendues» (D&A 121:7-9). En avril, les prisonniers de Liberty furent envoyés au comté de Daviess pour y être jugés. Une chambre de mise en examen introduisit une requête contre eux pour «meurtre, trahison, cambriolage, incendie volontaire, larcin, maraudage et vol43». On put obtenir le renvoi devant une autre cour, mais pendant qu’ils étaient en route pour être jugés dans le comté de Boone, le shérif et d’autres gardes leur permirent de s’enfuir en Illinois parce que certaines autorités étaient parvenues à la conclusion qu’on ne réussirait pas à poursuivre pénalement les prisonniers. Plus tard, au cours de l’été, Parley P. Pratt et Morris Phelps s’échappèrent aussi de la prison de Richmond et parvinrent à Nauvoo. King Follett, un autre prisonnier, fut repris mais finalement libéré en octobre 1839, dernier des saints à être maintenu en prison. Pour la cinquième fois en moins de dix ans, beaucoup de saints des derniers jours quittaient leurs maisons et recommençaient à édifier un lieu de refuge. Bien que les derniers mois eussent été gâchés par un désastre financier, de violentes persécutions, l’apostasie et l’expulsion du Missouri, la plupart des membres de l’Eglise ne perdirent pas de vue leur destinée divine. Comme le dit Joseph dans sa lettre aux saints: «L’homme pourrait tout aussi bien étendre son bras débile pour arrêter le Missouri dans son cours fixé ou le faire remonter à sa source qu’empêcher le Tout-Puissant de déverser la connaissance des cieux sur la tête des saints des derniers jours» (D&A 121:33). NOTES 1. Parley P. Pratt, éd., Autobiography of Parley P. Pratt, série Classics in Mormon Literature, Salt Lake City, Deseret Book Co., 1985, p. 150. 11. «Journal of John Murdock», 1er octobre 1838, département d’histoire de l’Eglise, Salt Lake City, p. 101. 2. Dans Missouri: A Guide to the «Show Me» State, éd. révisée, New York, Hastings House, 1954, p. 510. 12. Leland Homer Gentry, «A History of the Latter-Day Saints in Northern Missouri from 1836-1839», thèse de doctorat, Université Brigham Young, 1965, p. 201. 3. Dans History of the Church, 3:57. 13. History of the Church, 3:152. 4. Voir History of the Church, 3:59-60. 14. History of the Church, 3:157. 5. History of the Church, 3:60. 15. Voir History of the Church, 3:159-60. 6. Dans History of the Church, 3:61. 16. History of the Church, 3:162. 7. History of the Church, 3:65. 17. John D. Lee, Mormonism Unveiled, Philadelphie, Scammell and Co., 1882, p. 68. 8. History of the Church, 3:67-68. 9. History of the Church, 3:73. 10. Dans History of the Church, 3:85. 18. History of the Church, 3:163. 19. Lyman Wight, dans History of the Church, 3:443-44. 211 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS 20. Benjamin F. Johnson, My Life’s Review, Independence, Mo, Zion’s Printing and Publishing Company, 1947, p. 37. 21. Dans History of the Church, 3:167. 22. History of the Church, 3:167. 23. Voir History of the Church, 3:345. 24. Lycurgus A. Wilson, Life of David W. Patten, Salt Lake City, Deseret News, 1900, p. 58. 25. Dans History of the Church, 3:175. 26. History of the Church, 3:175-76. 27. Dans History of the Church, 3:175. 28. Dans History of the Church, 3:184. 29. Andrew Jenson, The Historical Record, juillet 1886, p. 84. 30. Dans Jenson, Historical Records, décembre 1888, p. 673. 31. Voir History of the Church, 3:326. 32. History of the Church, 5:137. 212 33. Dans Jenson, Historical Record, juillet 1886, p. 87. 34. Pratt, Autobiography of Parley P. Pratt, pp. 159-60. 35. Pratt, Autobiography of Parley P. Pratt, p. 160. 36. Dans History of the Church, 3:190-91. 37. History of the Church, 3:193. 38. Dans Lucy Mack Smith, History of Joseph Smith, éd. Preston Nibley, Salt Lake City, Bookcraft, 1958, p. 291. 39. Dans Pratt, Autobiography of Parley P. Pratt, p. 164. 40. Dans History of the Church, 3:203. 41. History of the Church, 3:213. 42. Pratt, Autobiography of Parley P. Pratt, pp. 179-80. 43. Dans History of the Church, 3:315. CHAPITRE DIX- SEPT REFUGE Ligne du temps Date Evénements importants 26 janv. 1839 Brigham Young organise un comité d’évacuation Févr. 1839 Début d’une émigration en masse du Missouri 22 mars 1839 Lettre de Joseph Smith depuis la prison de Liberty, exhortant les saints à ne pas se disperser 22 avr. 1839 30 avr. 1839 22 juill. 1839 Nov. 1839 Arrivée de Joseph Smith à Quincy (Illinois) après des mois d’emprisonnement au Missouri EN ILLINOIS C ERTAINS VIRENT dans la fuite hors du Missouri la preuve que le Seigneur avait abandonné les saints. Le prophète Joseph était en prison à Liberty sans perspective d’en sortir. Les espoirs que les saints pouvaient avoir de récupérer leurs droits politiques et leurs biens au Missouri ou d’établir la ville de Sion se réduisaient à peu de choses. Même certains membres de l’Eglise mettaient en doute la sagesse de rassembler de nouveau les saints en un seul endroit. Où allaient-ils trouver refuge? Les vastes régions indiennes situées à l’ouest n’étaient pas accessibles aux colons. L’Iowa, au nord, n’avait que peu d’habitants Joseph Smith négocie des achats de terrain en Iowa et en Illinois mais n’offrait que peu de bois sur ses vastes plaines ondoyantes. Aller vers le sud, Manifestation d’un «jour de la puissance de Dieu» par beaucoup de guérisons à Nauvoo et à Montrose l’est était celui que les membres de l’Eglise connaissaient le mieux et qui les Rencontre de Joseph Smith et de Martin Van Buren, président des Etats-Unis, à Washington (D.C.) cela signifiait traverser des communautés missouriennes hostiles. Le chemin de rassurait le plus. Beaucoup de saints l’avaient parcouru quelques mois seulement auparavant, lors de leur exil de Kirtland. Certains d’entre eux envisageaient maintenant le retour en Ohio. Mais lorsqu’ils eurent traversé le Mississippi et firent arrêt dans quelques-unes des petites localités de l’Illinois qui longeaient sa 16 déc. 1839 Signature de la Charte de Nauvoo à Springfield (Illinois) rive, les saints connurent le répit nécessaire pour recevoir de nouvelles directives 1 févr. 1841 des dirigeants de l’Eglise. John C. Bennett élu premier maire de Nauvoo Iowa Nauvoo Sh Kansas Adam-ondi-Ahman G ra nd Rive r oa l C r e e k Far West Les dirigeants de l’Eglise retardèrent le plus possible la décision de quitter le Missouri, espérant que le gouvernement révoquerait l’ordre d’extermination du gouverneur Boggs. Ils envoyèrent de nombreuses pétitions aux autorités de l’Etat et au gouvernement leur demandant de laisser les saints rester chez eux, mais leurs supplications furent ignorées. Ch a r t o n R i v e r i r ive ri R Nebraska ou ss Mi Carthage Illinois Quincy M iss iss ip Liberty pi Ri ve r Independence Missouri St. Louis 213 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS R E L O C A L I S AT I O N DES SAINTS Les mois qui suivirent la reddition de Far West mirent fortement à l’épreuve les dirigeants de l’Eglise. La Première Présidence tout entière: Joseph Smith, Sidney Rigdon et Hyrum Smith, était en prison. Les rangs du Collège des Douze étaient clairsemés. David W. Patten avait été tué à la bataille de la Crooked River, Parley P. Pratt était en prison à Richmond, et son frère Orson était avec un groupe de saints à St-Louis. Thomas B. Marsh, William Smith et Orson Hyde étaient à l’écart de l’Eglise et par conséquent n’étaient d’aucune utilité. Pour cette raison, la responsabilité de veiller aux besoins de l’Eglise au cours de l’hiver 1838-39 et pendant tout l’exode du Missouri en Illinois retomba essentiellement sur Brigham Young et Heber C. Kimball. John Taylor fut appelé à l’apostolat en décembre 1838. Wilford Woodruff et George A. Smith furent ajoutés le mois d’avril suivant; ces deux hommes purent apporter une aide précieuse au cours de cette période critique. Entre-temps, les Missouriens devenaient impatients de voir les saints s’attarder. Au début de 1839, les dirigeants de l’Eglise acquirent la conviction que leur peuple ne pouvait plus espérer rester au Missouri. Le 26 janvier, Brigham Young avait créé le comité d’évacuation pour faciliter l’exode. Pendant tout l’hiver et le printemps, ce comité prit des dispositions pour nourrir, vêtir et transporter les pauvres. Sur une résolution officielle, près de quatre cents saints des derniers jours firent alliance de mettre tous leurs biens disponibles à la disposition du comité «afin de fournir le moyen d’évacuer de cet Etat les pauvres et les démunis qui seraient considérés comme dignes, jusqu’à ce que le dernier de ceux qui éprouvaient le désir de quitter l’Etat fût parti1». Même Joseph Smith envoya, on ne sait trop comment, cent dollars de la prison de Liberty pour participer à cet effort. A la mi-février, la situation était telle qu’une émigration massive des saints commença. On avait acheté des chariots et des attelages, quoique pas de la meilleure qualité; des réserves de nourriture étaient installées le long de la route des émigrants, et il y eut une amélioration temporaire du temps. Néanmoins, il ne fut pas facile aux réfugiés de quitter le Missouri. Beaucoup de personnes vendirent des possessions précieuses et des terres à des prix déraisonnablement bas pour obtenir le moyen de fuir l’Etat. Un Missourien acheta seize hectares de bonne terre à un membre de l’Eglise pour «une jument aveugle et une horloge». D’autres terrains se vendirent à cinquante cents seulement l’acre (quarante ares)2. Certaines personnes, qui avaient des attelages de boeufs, firent plusieurs trajets entre le comté de Caldwell et le fleuve Mississippi, situé à trois cents kilomètres à l’est, pour sortir leurs amis et leurs parents de la zone de danger. Amanda Smith, rendue veuve à Haun’s Mill, et ses cinq enfants quittèrent Far West par attelage de boeufs. Une fois que sa famille fut hors de portée des émeutiers du Missouri, elle renvoya son attelage aider d’autres saints dans leur voyage vers l’est. Le choix des saints était limité lorsqu’ils furent chassés du Missouri à partir de l’automne 1838 et jusqu’au printemps 1839. La possibilité la plus attrayante était de retourner dans l’Est. Pour des raisons économiques, politiques et humanitaires, l’Illinois accueillit au début les réfugiés. 214 REFUGE EN ILLINOIS Charles C. Rich s’enfuit du Missouri au cours du mois de novembre pour éviter d’être arrêté à cause de sa participation à la bataille de la Crooked River. Il laissait derrière lui son épouse âgée de vingt-trois ans, Sarah, qui put finalement quitter Far West avec l’aide de son père, John Pea. Elle avait une mauvaise santé, et elle passa tout le voyage jusqu’au Mississippi au lit dans un chariot. Elle était accompagnée de Samantha, femme de Hosea Stout. Une fois qu’elles furent arrivées, elles constatèrent que la glace se disloquait et que la traversée était extrêmement dangereuse. George Grant brava les glaçons pour porter un message à leurs maris. Au moment où il approchait du rivage côté Illinois, il passa à travers ce qui lui avait semblé être de la glace ferme. Toutefois il fut sauvé. Charles C. Rich et Hosea Stout, apprenant que leurs femmes étaient arrivées, traversèrent le fleuve en canot pour aller les retrouver. Le lendemain matin, ils décidèrent que le mieux serait d’amener Sarah, qui était sur le point d’avoir son premier enfant, et deux autres femmes, sur la rive côté Illinois. Par manque de Charles C. Rich (1809-83) devint membre de l’Eglise en 1832. Il prit le commandement à la bataille de la Crooked River quand David W. Patten fut mortellement blessé. Il fut chef militaire et dirigeant de l’Eglise pendant la période de Nauvoo. Brigham Young le chargea de présider la colonie temporaire de Mount Pisgah en Iowa au cours de l’hiver 1846-47. Il fut ordonné apôtre le 12 février 1849. Au printemps 1864, il devint un des premiers colons de la Bear Lake Valley (Idaho et Utah) et fut responsable de la colonisation de cette région. Il était connu pour sa bonté, sa générosité et sa force physique. Au cours de l’hiver, quand les routes étaient bloquées, il portait souvent le courrier à travers les montagnes jusqu’à Salt Lake City. place, ils furent obligés de laisser le père de Sarah attendre le bac. Lors du voyage de retour, d’énormes blocs de glace menaçaient d’écraser la petite embarcation. De temps en temps, les hommes sautaient sur la glace pour éloigner l’esquif du danger. Entre-temps, le père de Sarah, regardant, les yeux remplis de larmes, vit le groupe arriver sans encombre du côté Illinois3. Pour Emma Smith, les mois qui suivirent l’arrestation de Joseph furent particulièrement éprouvants. En février 1839, Jonathan Holman, un voisin, l’aida à mettre ses quatre enfants et ses maigres biens dans un chariot doublé de paille, tiré par deux chevaux. Le soir précédant son départ, elle reçut d’Ann Scott les précieux manuscrits de la «traduction» de la Bible faite par son mari. James Mulholland, secrétaire du prophète, avait donné les papiers pour qu’elle les garde pensant que les émeutiers ne fouilleraient pas une femme. Ann avait fait deux sacs de coton pour contenir les documents. Emma utilisa ces mêmes sacs de coton pour transporter les manuscrits du Missouri vers l’Illinois, en les attachant sous sa longue robe. Lorsqu’il arriva au Mississippi, le groupe constata que le fleuve était gelé. Plutôt que de risquer le poids du chariot, Emma traversa la glace, tenant deux enfants, les deux autres accrochés à sa robe. Ils arrivèrent enfin sans encombre aux abords du village de Quincy (Illinois) où Emma habita jusqu’à la libération de Joseph. ARRIVÉE À QUINCY Jusqu’au milieu du printemps 1839, les dirigeants de l’Eglise qui n’étaient pas en prison n’avaient pas de plans précis quant à l’endroit où les saints devaient s’installer. Ils apprirent que les citoyens de l’Illinois compatissaient à leur triste sort et étaient disposés à accueillir les saints. Beaucoup de gens en Illinois croyaient qu’un apport important de mormons aiderait leur économie en difficulté. Les politiciens de l’Etat encouragèrent aussi l’immigration parce que l’Illinois était partagé d’une manière presque égale entre les whigs et les démocrates. Chaque parti espérait s’attirer le vote important des mormons. 215 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Les résidents bienveillants de Quincy, localité de douze cents habitants, furent généreux et compatissants devant la triste situation des exilés. Beaucoup d’entre eux ouvrirent leurs portes et donnèrent du travail. Ils recueillirent plus d’une fois de l’argent, de la nourriture, des vêtements et d’autres choses indispensables. L’Association Démocrate de Quincy, en particulier, contribua à l’aide aux saints. Elle se réunit trois fois au cours de la semaine du 25 février pour réfléchir aux moyens d’aider les exilés sans abri. Sidney Rigdon fut invité à faire un rapport sur la situation des saints; des collectes furent faites et des résolutions adoptées condamnant le traitement infligé par le Missouri aux mormons. L’association résolut que les habitants de Quincy devaient «observer une conduite et une sensibilité seyantes [avec les saints] et prendre particulièrement soin de ne pas se laisser aller à des conversations ou à des paroles qui seraient de nature à les blesser ou à dénigrer de quelque manière que ce soit ceux qui, en vertu de toutes les lois de l’humanité, avaient droit à leur compassion et à leur commisération4». Les dirigeants de l’association essayèrent aussi d’aider l’Eglise à obtenir réparation auprès du Missouri. Les relations paisibles avec le peuple de Quincy et avec le parti démocrate furent toutefois menacées par la conduite imprudente de Lyman Wight. Dans une série de lettres, publiée dans le journal local, il imputa au parti démocrate national les outrages subis au Missouri. Les démocrates de Quincy furent, on le comprend, irrités par ces accusations et demandèrent aux dirigeants de l’Eglise si cela reflétait le point de vue officiel de celle-ci. Le 17 mai, la Première Présidence écrivit une lettre désavouant les accusations de Wight. Elle demanda aussi à frère Wight, s’il continuait à écrire contre un parti politique, de bien préciser qu’il exprimait ses propres idées et non celles de l’Eglise. Pendant toute la fin de l’hiver et le printemps, des milliers de saints des derniers jours arrivèrent sur la rive occidentale du Mississippi, en face de Quincy. Elizabeth Haven écrit – on est fin février: «une douzaine de familles traversent le fleuve et passent à Quincy tous les jours, et une trentaine sont constamment de l’autre côté en attendant de pouvoir traverser; c’est lent et crasseux; il n’y a qu’un seul bac pour faire la traversée5». Celle-ci était en outre entravée par les dangereux glaçons flottants produits détachés par l’adoucissement du temps. Lorsqu’une nouvelle vague de froid arriva et que le fleuve recommença à geler, des dizaines de saints se hâtèrent de traverser sur la glace. Quincy se remplissant de centaines de réfugiés, les conditions de vie se dégradèrent. Les saints, dont la plupart étaient presque totalement démunis, souffraient de la faim, du froid, de la pluie et de la boue6. En dépit de cela, ils continuèrent à observer leurs pratiques religieuses. A un moment donné, les saints étaient plus nombreux que n’importe quelle autre confession religieuse de la localité. Wandle Mace, un non-mormon, hébergea beaucoup de saints et finit par se convertir. Sa maison fut utilisée comme lieu de réunions, salle de conseil et abri pour les démunis. Il écrit que «pendant un grand nombre de nuits, le plancher, à l’étage et en bas, fut couvert de lits, si serrés les uns contre les autres, qu’il était impossible de mettre le pied quelque part sans marcher sur un lit7». 216 REFUGE EN ILLINOIS L’histoire de Drusilla Hendricks est typique des événements qui se passèrent à Quincy. James, son mari, avait reçu une balle dans le cou à la bataille de la Crooked River et on devait le porter sur un brancard. La famille arriva le 1er avril à Quincy et obtint une chambre «partiellement en sous-sol et partiellement au niveau du sol». Au bout de deux semaines, ils étaient sur le point de mourir de faim, n’ayant qu’une cuillerée de sucre et une soucoupe de farine de maïs à manger. Drusilla en faisait du gruau. Pensant qu’ils allaient finir par mourir de faim, elle lava tout, Publié avec la permission de la famille Barlow nettoya à fond leur petite chambre et attendit que le pire arrive. Cet après-midi-là, Rubin Alred passa et lui dit qu’il avait eu le sentiment qu’ils étaient à court de nourriture, de sorte qu’en se rendant en ville, il avait fait moudre un sac de grain pour qu’ils aient de la farine. Quinze jours plus tard, ils étaient de nouveau sans nourriture. Drusilla écrit: «J’étais très malheureuse, mais la même voix qui m’avait précédemment consolée était là pour me consoler de nouveau et me dit: tiens bon, le Seigneur pourvoit à ses saints.» Cette fois, ce fut Alexander Williams qui arriva à la porte de derrière avec deux boisseaux de farine sur l’épaule. Il lui dit qu’il avait James et Drusilla Dorris Hendricks se marièrent en 1825. Leur foi et leur sacrifice furent typiques de ceux de beaucoup de réfugiés du Missouri. Ils arrivèrent en Utah en 1847 dans la compagnie de Jedediah Grant. James fut évêque de la dix-neuvième paroisse, de 1850 à 1857. été extrêmement occupé mais que l’Esprit lui avait chuchoté: «La famille de frère Hendricks souffre.» Et que par conséquent il avait tout laissé tombé et était passé8. Huit à dix mille saints des derniers jours émigrèrent vers l’ouest de l’Illinois cette saison-là. La localité de Quincy ne pouvait héberger tous les nouveaux arrivés. Au cours du printemps et de l’été 1839, beaucoup de personnes furent obligées de s’installer sur les exploitations agricoles avoisinantes et dans les comtés voisins, là où ils pouvaient trouver un lieu pour se loger. F O N D AT I O N DE NAUVOO Tandis que les saints se dispersaient dans l’est du Missouri et passaient en Illinois, Joseph Smith était emprisonné à Liberty. Peu après la chute de Far West, un groupe de vétérans de la bataille de la Crooked River se perdit en fuyant ses oppresseurs et finit par arriver à la Des Moines River juste au nord du confluent avec le Mississippi. Ils y rencontrèrent Isaac Galland, un des plus grands agents immobiliers de la région. Informé de la situation malheureuse des saints, il proposa d’offrir à l’Eglise de vastes terrains en Iowa et en Illinois. En février, les hommes apportèrent ce renseignement aux dirigeants de l’Eglise à Quincy, qui étaient en train de se réunir pour décider de ce qu’ils allaient faire. Sidney Rigdon, Edward Partridge et un petit nombre d’autres mirent en doute la sagesse de se rassembler de nouveau en un seul lieu; ils avaient le sentiment que cela avait été la source principale de leurs problèmes au Missouri et en Ohio. D’autre part, Brigham Young recommandait aux saints de se rassembler en vue de Isaac Galland (1791-1858) était agent immobilier dans l’est de l’Iowa et l’ouest de l’Illinois. En 1839, il vendit de vastes terrains à l’Eglise. Il fut baptisé plus tard et joua pendant un certain temps le rôle d’agent immobilier de l’Eglise pour essayer de payer les dettes de celle-ci. Ses efforts n’apportèrent pas beaucoup de soulagement financier à l’Eglise. En 1841-42, il la quitta, mais il semble qu’il soit resté amical envers elle. pouvoir mieux s’entraider. Ne sachant pas exactement comment agir, les frères écrivirent au prophète pour lui demander conseil. Le 22 mars, il leur conseilla d’acheter les terrains et de ne pas se disperser. En avril, on laissa Joseph et Hyrum Smith et leurs compagnons de prison s’échapper du Missouri. Ils arrivèrent le 22 avril 1839 à Quincy. Le prophète estima que c’étaient les prières des frères qui l’avaient aidé à fuir. Lorsqu’il arriva au bac de Quincy, Dimick B. Huntington le reconnut: «Il était vêtu d’une vieille paire de 217 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS bottes pleines de trous, de pantalons déchirés, enfoncés à l’intérieur des bottes, d’un manteau bleu au col relevé, d’un chapeau noir à large bord, dont le devant détrempé tombait; il avait une barbe de plusieurs jours et était pâle et hagard9.» Comme le prophète voulait que son arrivée passe inaperçue, ils passèrent par les petites rues de la ville jusqu’à la maison des Cleveland, à six kilomètres de la ville où Emma logeait. Elle reconnut son mari à sa descente de cheval et le rejoignit joyeusement à mi-chemin de la barrière. Comme la saison des semailles de printemps approchait, le prophète, sans perdre de temps, poussa l’Eglise à l’action. Deux jours après son arrivée, une réunion de conseil décida de l’envoyer, lui et plusieurs autres, en amont en Iowa «afin de trouver un emplacement pour l’Eglise10». Le lendemain, le prophète examina les terrains de part et d’autre du Mississippi. Une fois que la décision eut été prise de rassembler et de réinstaller les saints, les dirigeants de l’Eglise passèrent vigoureusement à l’action pour obtenir les terres nécessaires. A la fin de l’été 1839, quatre grandes transactions étaient menées à bien pour fournir à l’Eglise le territoire dont elle avait besoin. Le plus grand terrain comptait plus de huit mille hectares, achetés à Isaac Galland du côté Iowa du fleuve, ainsi qu’un petit morceau en Illinois. Les trois autres achats, faisant un total de plus de deux cent quarante hectares, se trouvaient en face de la rive de l’Iowa, sur une boucle du fleuve en forme de fer à cheval, côté Illinois. Deux petits villages, Commerce et Commerce City, avaient été prévus sur ce terrain mais ne comptaient, à eux deux, qu’une poignée de maisons. Une partie des terres basses près du fleuve était marécageuse, à cause d’un haut niveau hydrostatique et de sources qui coulaient du pied des falaises à l’est, et était par conséquent malsaine. Bien que les plus grands terrains que l’Eglise ait achetés étaient en Iowa, les communautés les plus importantes de saints des derniers jours étaient en Illinois. Illinois Terres achetées en 1839 par les agents immobiliers mormons à Isaac Galland Commerce City Commerce (Nauvoo) Achat James White Achat Hugh White M is si ss ip pi R i ve r Iowa 218 REFUGE EN ILLINOIS Mais Joseph Smith et ses frères étaient certains qu’ils pouvaient faire de l’endroit un habitat convenable pour les saints. Etant donné que les réfugiés et, d’une manière générale, l’Eglise avaient peu d’argent liquide, les terres furent achetées principalement à crédit. Le taux d’intérêt raisonnable et les paiements à long terme étaient attrayants à l’époque, mais étant donné l’indigence des saints, ils constituèrent un lourd fardeau pour les ressources de l’Eglise pendant toute la période de Nauvoo. Pendant les années qui suivirent, Joseph Smith sollicita des fonds auprès des membres de l’Eglise pour aider aux paiements. Des biens furent vendus à Nauvoo, mais les saints pouvaient rarement payer avec de l’argent liquide. Par conséquent, le paiement des propriétés de part et d’autre du fleuve ne fut jamais totalement assuré au cours de Maison de Joseph Smith à Nauvoo. Le prophète et sa famille vécurent là de 1839 à 1843. L’aile nord fut ajoutée par Joseph Smith vers 1840. Vers 1856, Joseph Smith III, fils du prophète, ajouta le grand prolongement à l’ouest. la période où l’Eglise fut dans cette région. Après avoir effectué les achats originels de terres le 30 avril 1839, le prophète et ses compagnons retournèrent à Quincy pour mener à bien les préparatifs pour la migration vers le nord. Une conférence eut lieu les 4 et 5 mai près de Quincy. A ce moment-là, l’ensemble de l’Eglise donna son approbation à l’achat de terres et prit la résolution que la prochaine conférence se tiendrait à Commerce durant la première semaine d’octobre. Le 10 mai, le prophète était revenu à Commerce avec sa famille et s’était installé dans une petite maison de rondins appelée le Homestead, près du fleuve, à l’extrémité sud de la péninsule. Pendant que l’on défrichait, mesurait et lotissait le terrain et que l’on drainait le marécage, la plupart des saints vécurent dans des chariots, des tentes ou des abris creusés dans le sol et les collines. Joseph et Emma en hébergèrent beaucoup dans leur pauvre logement. De l’autre côté du fleuve, à Montrose, plusieurs familles, notamment celles de Brigham Young, John Taylor, Wilford Woodruff et Orson Pratt vivaient dans une caserne abandonnée subsistant de la guerre de Black Hawk. Dans une lettre publique datée du 1er juillet, Joseph Smith invita les saints de partout à émigrer vers le nouvel emplacement. Des milliers de personnes répondirent à son appel. Pendant ce même temps, Joseph Smith s’activait à dicter son histoire personnelle et à instruire les membres du Collège des Douze, qui devaient bientôt partir en mission en Grande-Bretagne. A un moment donné au cours de ces semaines très occupées, le prophète appela le nouveau site d’Illinois Nauvoo, mot hébreu signifiant «beau». Le nom Nauvoo fut utilisé pour la première fois à titre officiel lorsqu’il fut inscrit sur le plan officiel de la ville, le 30 août 1839. L’administration des postes des Etats-Unis adopta le changement de nom en avril 1840, et en mars de cette année, le conseil municipal publia une ordonnance intégrant les sites de Commerce et de Commerce City à Nauvoo. Une fois que le succès de ce lieu de rassemblement parut assuré et que les saints commencèrent à affluer dans la région, d’autres propriétaires terriens virent l’avantage qu’ils avaient à créer des lots qui furent annexés à Nauvoo en tant que «annexes». 219 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS MALADIE ET UN JOUR DE LA PUISSANCE DE DIEU Pendant l’été 1839, la région marécageuse de la péninsule de Nauvoo n’avait pas encore été drainée. Tandis que les saints se rassemblaient, défrichaient, drainaient, construisaient et semaient, ils oubliaient le danger représenté par l’anophèle (moustique). Cet insecte minuscule, qui existait en abondance dans le marécage et le long de la rive du Mississippi, transmettait, par sa piqûre, des parasites dans les globules rouges humains. La maladie que cela provoquait, caractérisée par des accès périodiques de frissons et de fièvre, est aujourd’hui connue sous le nom de malaria, mais au dix-neuvième siècle on appelait cette maladie, ainsi que les autres maladies qui présentaient les mêmes symptômes, les fièvres. Des dizaines de membres de l’Eglise de part et d’autre du fleuve tombèrent malades. Les résidents du camp temporaire entourant la maison du prophète furent frappés par la maladie de même que les saints qu’il hébergeait chez lui. Emma soigna les gens nuit et jour tandis que le fils de Joseph, qui avait six ans, portait de l’eau pour les malades jusqu’au moment où il contracta, lui aussi, la maladie. L’épidémie ne faisait aucune discrimination, touchant tous les âges et toutes les catégories de personnes. Une des premières victimes de la ville fut Zina, mère d’Oliver Huntington. Le prophète Joseph invita Oliver à amener sa famille, dont tous les membres étaient malades, chez lui pour qu’il puisse lui prodiguer les soins nécessaires. Les Whitney étaient dans la même situation. Elizabeth Ann signale qu’ils étaient «tout juste capables de se traîner et de se soigner mutuellement11». C’est dans ces circonstances qu’Elizabeth donna le jour à son neuvième enfant. Lorsque Joseph fut mis au courant de leur situation critique, il insista pour que la famille vienne s’installer chez lui. Elle accepta son offre et vint habiter une maisonnette dans le jardin de Joseph. Le 12 juillet, Joseph Smith, père, était si malade qu’il était sur le point de mourir. Finalement, Joseph Smith tomba malade, lui aussi, mais après être resté au lit plusieurs jours, il se sentit poussé à se lever et à aller aider les autres. Le 22 juillet fut, selon les termes de Wilford Woodruff, «un jour de la puissance de Dieu» à Nauvoo et à Montrose12. Ce matin-là, le prophète se leva et, rempli de l’Esprit du Seigneur, fit l’imposition des mains aux malades de sa maison et dehors dans le jardin. Il y avait d’autres malades en bas près du fleuve, et là aussi il fit l’imposition avec une grande puissance aux fidèles. L’un d’eux, Henry G. Sherwood, était à l’article de la mort. Joseph s’avança jusqu’à la porte de sa tente et lui commanda de se lever et de sortir; il obéit et fut guéri. Heber C. Kimball et d’autres accompagnèrent le prophète de l’autre côté du fleuve à Montrose. Ils visitèrent une par une les maisons des Douze et firent l’imposition des mains à ceux qui avaient besoin d’une bénédiction. Brigham Young, Wilford Woodruff, Orson Pratt et John Taylor se joignirent alors à Joseph dans sa mission charitable. Une des guérisons les plus mémorables à Montrose fut celle d’Elijah Fordham. Quand les frères arrivèrent, il était au lit, incapable de parler. «Frère Joseph s’approcha de frère Fordham, et lui prit la main droite . . . «Il vit qu’il avait les yeux vitreux, qu’il ne pouvait pas parler et qu’il n’était pas conscient de ce qui se passait autour de lui. 220 REFUGE EN ILLINOIS «Après lui avoir pris la main, il contempla le visage du mourant et dit: ‹Frère Fordham, est-ce que vous me reconnaissez?› Tout d’abord il ne répondit pas; mais Publié avec la permission des Daughters of Utah Pioneers, Salt Lake City, Utah nous pouvions tous voir l’effet de l’Esprit de Dieu qui reposait sur lui. «Il dit de nouveau: ‹Elijah, est-ce que vous me reconnaissez?› «Dans un chuchotement à peine audible, frère Fordham répondit: ‹Oui!› «Le prophète dit alors: ‹N’avez-vous pas la foi pour être guéri?› «La réponse, qui était un peu plus claire que précédemment, fut: ‹Je crains qu’il ne soit trop tard. Si vous étiez venu plus tôt, je crois que cela aurait pu se faire.› «Il avait l’aspect d’un homme qui s’éveillait du sommeil. C’était le sommeil de la mort. «Joseph dit alors: ‹Croyez-vous que Jésus est le Christ?› « ‹Oui, frère Joseph’, répondit-il. Alors le prophète de Dieu parla d’une voix forte, comme avec la majesté de la Divinité: ‹Elijah, je vous commande, au nom de Jésus de Nazareth, de vous lever Elijah Fordham (1798-1879) accepta l’Evangile en 1833 au Michigan. En 1835, il fut ordonné soixante-dix par Joseph Smith à Kirtland. Après sa guérison miraculeuse par Joseph Smith à Montrose (Iowa), il s’installa à Nauvoo et travailla sur le chantier du temple jusqu’à ce que les saints fussent obligés de quitter l’Illinois en 1846. Il alla en Utah en 1850 et resta fidèle à l’Evangile le reste de sa vie. et d’être guéri!› «Les paroles du prophète n’étaient pas comme les paroles de l’homme, mais comme la voix de Dieu. Il me semblait que la maison tremblait sur ses bases. «Elijah Fordham sauta de son lit comme un homme ressuscité des morts. Une couleur saine lui vint sur le visage, et la vie se manifesta dans tous ses gestes13.» Ils rendirent ensuite visite à Joseph B. Noble, qui fut également guéri. Dans le souvenir de Wilford Woodruff, cela resta comme «le plus grand jour de la manifestation de la puissance de Dieu par le don de guérison depuis l’organisation de l’Eglise14». Comme les frères étaient sur la rive du fleuve se préparant à refaire la traversée vers Nauvoo, un non membre de l’Eglise, qui avait entendu parler du miracle de ce jour-là, demanda au prophète s’il ne voulait pas venir faire l’imposition des mains à ses petits jumeaux qui étaient en train de mourir à environ trois kilomètres de Montrose. Joseph dit qu’il ne pouvait pas y aller mais donna à Wilford Woodruff un mouchoir en soie rouge et lui dit de leur faire l’imposition des mains, promettant que lorsqu’il leur essuierait le visage avec le mouchoir, ils seraient guéris. Le prophète promit aussi que le mouchoir resterait un lien entre eux tant que Wilford le garderait. Wilford fit ce qui lui avait été dit et témoigna que les enfants furent guéris. Il conserva précieusement son trésor tout le reste de sa vie15. En dépit de cette manifestation extraordinaire de foi et de force, la maladie fit rage parmi les saints de Nauvoo pendant tout l’été et jusqu’à l’automne. Ce n’est qu’aux approches de l’hiver que l’épidémie commença à se calmer. En octobre, Elizabeth Haven dressa un rapport sur la conférence générale organisée à Nauvoo Elizabeth Haven (1811-92), cousine de Brigham Young et de Willard Richards, accepta l’Evangile en 1837. Après l’expulsion du Missouri, elle soigna beaucoup de saints malades à Quincy (Illinois). Ses lettres sont une source précieuse d’informations sur cette période de l’histoire de l’Eglise. Pendant qu’elle était à Quincy, elle rencontra et épousa Israel Barlow. Ils émigrèrent en Utah et s’installèrent à Bountiful. Elle mourut le jour de Noël 1892. à laquelle elle assista. Elle écrivit à sa famille en Nouvelle-Angleterre: «Le prophète dit que l’endroit est malsain, mais qu’il lui a été révélé qu’il sera sanctifié et sera un lieu de rassemblement16.» Les maladies ne se limitaient pas à Nauvoo. Beaucoup de saints des derniers jours de Quincy souffrirent également entre février et septembre 1839. A Commerce, beaucoup de gens furent malades, mais il y eut peu de morts. Par contre, à Quincy, la mort fit «de grands ravages parmi les saints». Elizabeth Haven 221 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS écrit à sa famille: «Oh mes amis, vous ne savez rien des fièvres, à quel point elles abattent et affolent l’esprit et détruisent la santé.» Certaines familles perdirent entre deux et trois de leurs proches. La famille Goddard, qui vivait en face de chez Elizabeth, perdit le père et la mère et une fille de seize ans. Cinq enfants survécurent, mais à un moment donné quatre d’entre eux furent malades. Providentiellement, Elizabeth ne contracta pas la maladie. Elle passa l’été et l’automne à soigner les autres. Le besoin en soins était si grand qu’elle ne réussit pas à aller à une seule réunion de sabbat entre juin et octobre. Elle estimait les épreuves de Far West comme faibles comparées à «ce qu’elles ont été récemment17». DEMANDE MISSOURI D E R É PA R AT I O N S P O U R L E S D É G Â T S C A U S É S PA R L E Pendant qu’ils souffraient dans la prison de Liberty en 1838-39, le prophète et d’autres de ses frères avaient discuté de la manière d’obtenir réparation par l’Etat du Missouri des terres et des biens perdus par les saints au cours des persécutions de 1833 et de 1838-39. En 1833, le Seigneur commanda aux frères de s’adresser aux gouvernements locaux et de l’Etat. Si cela ne réussissait pas, ils devaient demander l’aide du gouvernement fédéral (voir D&A 101:81-91). Cette méthode avait été utilisée pour la première fois en 1834 quand l’Eglise fit appel, sans succès, au président Andrew Jackson. En mars 1839, pendant qu’il était à la prison de Liberty, le prophète reçut une révélation selon laquelle l’Eglise devait de nouveau faire appel au gouvernement des Etats-Unis pour réparation des dommages subis par les saints au Missouri. Les membres de l’Eglise furent chargés de récapituler «la relation de tous les faits, des souffrances et des abus que leur a infligés la population de cet Etat [le Missouri]». Ce serait «le dernier effort que notre Père céleste nous ordonne de faire, avant que nous puissions pleinement et complètement réclamer cette promesse, qui le fera sortir de sa cachette» (D&A 123:1, 6). A cause de sa mauvaise santé, Sidney Rigdon avait été libéré de prison avant les autres membres de la Première Présidence. En Illinois, il rencontra le gouverneur Thomas Carlin et lui fit part de la triste situation des saints. Pour obtenir réparation, il mit également au point un plan sur la base d’un passage de la Constitution des Etats-Unis selon laquelle «le gouvernement général donnera à chaque Etat une forme républicaine de gouvernement». Sidney Rigdon estimait que pareil gouvernement n’existait pas au Missouri, de sorte qu’il avait l’intention de présenter l’historique des persécutions aux gouverneurs des Etats respectifs et de leur parlement, espérant inciter le plus grand nombre possible à faire passer une résolution «inculpant» l’Etat du Missouri. Il proposa d’envoyer des représentants de l’Eglise auprès du gouvernement de chaque Etat pour faire pression en faveur de l’Eglise. L’exécution du plan alla jusqu’à la désignation de son gendre, George W. Robinson, pour réunir les attestations et les informations générales sur le sujet; Sidney obtint du gouverneur Carlin une lettre d’introduction auprès des gouverneurs et du président18. 222 REFUGE EN ILLINOIS Il devint évident qu’il était inutile de demander l’aide des responsables du Missouri. Il devint également bientôt évident que le plan de Rigdon était irréalisable. En mai 1839, une conférence désigna Sidney Rigdon pour présenter les griefs des saints des derniers jours directement à Washington (D.C.). Toutefois, ses retards eurent pour conséquence la désignation supplémentaire de Joseph Smith et d’Elias Higbee à la conférence d’octobre à Commerce pour aller trouver Martin Van Buren, président des Etats-Unis. Orrin Porter Rockwell fut également invité à les accompagner. Ils quittèrent Nauvoo le 29 octobre 1839 et, sur la route de Springfield, un nouveau converti, le Dr Robert D. Foster, se joignit à eux. A Springfield, le prophète écrivit à sa femme: «Cela va être bien long et bien solitaire d’être loin de toi et rien d’autre qu’un sentiment humanitaire n’aurait pu m’inciter à faire un si grand sacrifice. Verrai-je tant de personnes périr sans demander réparation? Non, je vais encore essayer cette fois, et au nom du Seigneur19.» Pour cause de maladie, Sidney Rigdon fut confié à John Snyder à Springfield. Le prophète le laissa aux soins du Dr Foster et d’Orrin Porter Rockwell et continua Martin Van Buren (1782-1862), huitième président des Etats-Unis, fut en poste de 1837 à 1841. Il ne voulut pas soutenir la cause de Joseph Smith et des autres pour la réparation des torts infligés aux saints à la suite des persécutions du Missouri. son chemin avec Elias Higbee jusqu’à la capitale, où il arriva le 28 novembre. Le lendemain, ils prirent rendez-vous avec le président Van Buren, très réticent. Celui-ci ne fut pas impressionné par leurs lettres d’introduction et essaya de les renvoyer, mais par son insistance Joseph obtint une audience avec le président. Quand Van Buren demanda au prophète en quoi sa religion différait des autres confessions chrétiennes du jour, Joseph dit que le mode de baptême et le don du Saint-Esprit par l’imposition des mains étaient les différences essentielles. «Nous estimions que toutes les autres considérations étaient contenues dans le don du Saint-Esprit20.» Le président, sensible à la philosophie politique qui régnait à l’époque concernant les droits des Etats et vivement désireux de ne pas offenser des alliés politiques, se rendit compte que le conflit des mormons avec le Missouri était un problème délicat. Il fit donc la sourde oreille aux demandes des frères. Joseph dit plus tard: «J’ai eu un entretien avec Martin Van Buren, le président, qui m’a traité avec beaucoup d’insolence, et c’est avec beaucoup de réticence qu’il a écouté notre message. Lorsqu’il l’eut entendu, il dit: ‹Messieurs, votre cause est juste, mais je ne peux rien faire pour vous21.›» Le prophète essaya aussi de convaincre l’éminent sénateur John C. Calhoun de ses préoccupations, mais il essuya un refus. Le prophète et frère Higbee rencontrèrent ensuite divers autres sénateurs et députés. La délégation de l’Illinois les traita particulièrement bien, et Richard M. Young, sénateur de l’Illinois, promit de présenter leur pétition devant le Congrès. La longue pétition détaillait les difficultés que les saints connaissaient depuis 1833 au Missouri et concluait: «Nous lançons notre appel en qualité de citoyens américains, de chrétiens et d’hommes, croyant que le sens élevé de la justice qui existe au sein de votre honorable assemblée ne permettra pas que de telles oppressions soient pratiquées impunément contre une partie quelconque des citoyens de cette vaste république, mais que des mesures, dictées par votre conscience, soient prises afin que le grand nombre de personnes qui ont été ainsi maltraitées se voient accorder réparation des dommages qu’elles ont subis22.» 223 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Entre-temps, les frères écrivaient chez eux, demandant aux saints de rassembler et d’envoyer le plus grand nombre possible de certificats et d’attestations confirmant les persécutions et prouvant leurs droits de propriété en terre de Missouri. Le prophète a dit qu’au total, il présenta les réclamations de 491 personnes contre l’Etat du Missouri23. Dans ce même temps, embarrassée, la délégation du Missouri au Congrès commença à élaborer sa propre défense, basée sur les transcriptions d’une audience d’instruction tenue à Richmond (Missouri), où de nombreux antimormons et ex-mormons avaient témoigné. Pendant qu’il était encore dans l’Est, le prophète rendit visite à diverses branches de l’Eglise. A Philadelphie, il parla à une assemblée d’environ trois mille saints. Il passa aussi plusieurs jours avec Parley P. Pratt, qui était à Philadelphie et qui prenait des dispositions pour la publication de plusieurs livres. Parley P. Pratt a écrit: «Au cours de ces entretiens, il m’enseigna beaucoup de principes grands et glorieux concernant Dieu et l’ordre céleste de l’éternité. C’est à ce moment-là que je reçus de lui la première notion de la cellule familiale éternelle . . . «C’est de lui que j’appris que mon épouse bien-aimée pourrait être mienne pour le temps et pour toute l’éternité.» Ces merveilleuses rencontres personnelles avec le prophète influencèrent Parley tout le reste de sa vie. «J’avais aimé précédemment, mais je ne savais pas pourquoi. Mais maintenant j’aimais, avec une pureté, l’intensité d’un sentiment élevé et sublime, qui allaient élever mon âme au-dessus des choses transitoires de ce monde misérable et l’étendre comme l’océan24.» L’opinion générale du pays, et particulièrement parmi les politiciens du sud, voulait que les questions du genre de celles que soulevaient les saints des derniers jours étaient clairement du ressort des Etats. On estimait que la Constitution ne justifiait aucune intervention au niveau national. Ce point de vue était clairement le reflet du débat national concernant la souveraineté des Etats qui allait connaître son point culminant deux décennies plus tard dans la guerre de Sécession. Joseph Smith retourna à Nauvoo, laissant Elias Higbee à Washington pour recueillir les résultats de la pétition au Congrès. Le 4 mars 1840, le comité sénatorial annonça que le Congrès ne ferait rien; il recommandait que l’Eglise demande réparation devant les tribunaux de l’Etat ou les tribunaux fédéraux d’Amérique, procédé que les saints avaient constaté être totalement inutile. A la conférence générale d’avril de l’Eglise, les saints votèrent: «Si tous les espoirs d’obtenir satisfaction des torts qui nous ont été infligés sont totalement perdus, qu’ils soient portés alors en appel de notre affaire auprès du tribunal céleste, croyant que le grand Jéhovah, qui règne sur la destinée des nations et qui voit un passereau tomber réparera certainement les torts qui nous ont été faits et ne tardera pas à nous venger de nos adversaires25.» C H A RT E DE NAUVOO Le nouveau lieu de rassemblement des saints était constitué non seulement de Nauvoo (Illinois) et de Montrose (Iowa) mais aussi de plusieurs sites dans le 224 REFUGE EN ILLINOIS voisinage, des deux côtés du fleuve. Les membres de l’Eglise s’installèrent dans Comté de Henderson des localités existantes telles que Carthage, siège du comté de Hancock, La Harpe Rocky Run La Harpe Stringtown Camp Creek Davis Mound Nauvoo Zarahemla Sonora Montrose Ambrosia Fountain Green Nashville Ramus De Golden’s s Comté Point Carthage de Lee et Fountain Green. Et ils créèrent de petites colonies à eux à Ramus, Lima et Territoire d’Iowa M o in es R ive Comté de Hancock r Mis sis sipp i Riv er Warren Bear Creek Plymouth Green Plains Yelrome (anagramme d’Isaac Morley, fondateur de la colonie, lu à l’envers). De nombreux faubourgs également entouraient Nauvoo elle-même. Mais il était évident que Nauvoo était le lieu central et, au bout de quelques mois, elle acquit une influence politique et économique dans l’ouest de l’Illinois. Après le retour de Joseph Smith de l’Est, de sérieuses discussions commencèrent concernant la forme de gouvernement que Nauvoo devait avoir. L’arrivée à Nauvoo de John C. Bennett, citoyen éminent de Springfield, en juin 1840, fut à Yelrome Lima Comté de McDonough Mormon Springs Comté de Adams l’origine d’une étape décisive dans ce domaine. L’ambitieux et énergique Bennett se fit rapidement accepter dans les cercles militaires, médicaux et politiques de la Plusieurs communautés de saints apparurent dans le comté de Hancock (Illinois) et le comté de Lee (Iowa), pendant la période de Nauvoo. Les estimations démographiques de la région font état de quinze à vingt mille personnes au moment de l’exode d’Illinois en 1846. capitale de l’Etat. Thomas Carlin, le gouverneur, l’avait nommé directeur de l’intendance de la milice de l’Etat. Avant d’aller à Nauvoo, Bennett écrivit au prophète exprimant son indignation devant les injustices que le Missouri avait infligées aux saints des derniers jours et proposant son aide. Peu après son arrivée, il accepta l’Evangile et fut baptisé. Le fait qu’il connaissait de nombreuses autorités gouvernementales faisait de lui la personne logique pour essayer d’obtenir une charte pour Nauvoo. A la conférence générale d’octobre, Joseph Smith, Robert B. Thompson et John C. Bennett furent désignés pour mettre par écrit une proposition et la porter à Springfield. Les efforts de Bennett auprès des deux partis politiques réussirent, et la charte de Nauvoo devint loi le 16 décembre 1840. Elle ressemblait aux chartes accordées à Chicago et à Alton en 1837, à Galena en 1839 et à Springfield et à Quincy en 1840. Elle accordait le droit de créer une milice locale, un tribunal municipal et une université. Les dirigeants de l’Eglise étaient ravis de ces dispositions amples et libérales, qui semblaient assurer que les autorités gouvernementales ne seraient plus en mesure de profiter des saints comme cela avait été le cas au Missouri. Les pouvoirs législatif et exécutif de Nauvoo étaient entre les mains du maire, de quatre échevins et de neuf conseillers. Le maire et les échevins étaient aussi juges au tribunal municipal, une différence par rapport à ce qui se faisait dans les autres villes munies de chartes. Cela signifiait que cinq hommes contrôlaient les branches législative, exécutive et judiciaire du gouvernement local. John C. Bennett fut élu premier maire de Nauvoo le 1er février 1841. D’autres dirigeants de l’Eglise, parmi lesquels Joseph Smith, Sidney Rigdon et Hyrum Smith, furent élus échevins, assurant un gouvernement local qui serait amical envers les saints. Immédiatement le conseil municipal créa une unité de milice, la Légion de Nauvoo, qui grandit graduellement jusqu’à comprendre trois mille enrôlés. En outre, selon les dispositions de la charte de Nauvoo, la Légion de Nauvoo était sous la direction de Joseph Smith et d’autres hommes publics, bien que faisant en réalité partie de la milice de l’Etat. Une fois de plus, les observateurs antimormons jaloux eurent des appréhensions devant la croissance ininterrompue de l’influence et de la puissance des mormons dans leur région. 225 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Pour la première fois depuis dix ans, les saints ressentaient une certaine sécurité. Le Seigneur les avait de nouveau conduits en lieu sûr. Les apôtres pouvaient partir en vue de la mission qui leur avait été confiée en Grande-Bretagne. Leur prophète était sain et sauf et dirigeait l’Eglise. La paix régnait, et les possibilités de répandre l’Evangile de Jésus-Christ semblaient à portée de main. NOTES: 1. Dans History of the Church, 3:251. 2. History of Caldwell and Livingston Counties, Missouri, St-Louis, National Historical Co., 1886, p. 142. 3. Voir Kenneth W. Godfrey, Audrey M. Godfrey et Jill Mulvay Derr, Women’s Voices, Salt Lake City, Deseret Book Company, 1982, p. 103:5. 4. Dans History of the Church, 3:269. 5. Lettre d’Elizabeth Haven à Elizabeth Howe Bullard, 24 février 1839, dans Ora H. Barlow, The Israel Barlow Story and Mormon Mores, Salt Lake City, Ora H. Barlow, 1968, p. 143. 6. Voir les journaux de Wilford Woodruff, 18 mars 1839, département d’histoire de l’Eglise, Salt Lake City. 14. Woodruff, Leaves from my Journal, p. 65. 15. Voir Woodruff, Leaves from my Journal, p. 65. 16. Dans Barlow, Israel Barlow Story, p. 163. 17. Lettre de Haven à Bullard, 30 septembre 1839, dans Barlow, Israel Barlow Story, pp. 158, 160-61. 18. Andrew Jenson, The Historical Record, mars 1889, p. 738. 19. Dans Dean C. Jessee, éd., The Personal Writings of Joseph Smith, Salt Lake City, Deseret Book Co., 1984, p. 448. 20. Dans History of the Church, 4:42. 7. Dans Barlow, Israel Barlow’s Story, p. 156. 21. History of the Church, 4:80 8. Drusilla Doris Hendricks, «Historical Sketch of James Hendricks and Drusilla Doris Hendricks», document dactylographié, département d’histoire de l’Eglise, Salt Lake City, pp. 22-23. 22. Dans History of the Church, 4:38. 9. Dans David E. et Della S. Miller, Nauvoo: The City of Joseph, Salt Lake City, Peregrine Smith, 1974, p. 26. 10. Dans History of the Church, 3:336. 11. «A Leaf from an Autobiography», Women’s Exponent, 15 novembre 1878, p. 91. 12. Journaux de Wilford Woodruff, 22 juillet 1839. 226 13. Wilford Woodruff, Leaves from my Journals, deuxième édition, Salt Lake City, Juvenile Instructor Office, 1882, p. 63. 23. History of the Church, 4:74. L’Eglise lança des appels supplémentaires en 1842-43. Un total de 703 personnes signèrent des attestations individuelles; voir Clark V. Johnson, «The Missouri Redress Petitions: A Reappraisal of Mormon Persecutions in Missouri», Brigham Young University Studies, printemps 1986, pp. 31-44. 24. Parley P. Pratt, éd., Autobiography of Parley P. Pratt, série Classics in Mormon Literature, Salt Lake City, Deseret Book Co., 1985, pp. 259-60. 25. Dans History of the Church, 4:108. CHAPITRE DIX-HUIT MISSION Ligne du temps Date Evénement important 26 avril 1839 Les Douze s’assemblent à Far West pour accomplir une révélation avant de partir pour la mission européenne 27 juin 1839 Les apôtres reçoivent une formation de la Première Présidence en vue de leur mission Avril 1840 Appel d’Orson Hyde et de John E. Page pour consacrer la Palestine au retour des Juifs Mai 1840 Première publication du Millennial Star en Angleterre Mars-août 1840 Wilford Woodruff et d’autres frères baptisent près de dixhuit cents personnes dans une région couvrant trois comtés Juin 1840 Emigration des premiers saints britanniques en Amérique Avril 1841 Les Douze organisent une magnifique conférence à Manchester et retournent en Amérique 24 octobre 1841 Orson Hyde fait la prière de consécration sur le mont des Oliviers Juin 1843 Quatre missionnaires sont appelés par les Douze à travailler dans le Pacifique DES DOUZE T ANDIS QUE LES SAINTS s’installaient à Nauvoo, Joseph Smith préparait une nouvelle progression de l’Eglise outremer. Cette expansion avait commencé par l’appel de Heber C. Kimball et d’Orson Hyde en Angleterre en 1837. Dès 1835, le Seigneur avait dit aux membres du Collège des Douze qu’ils devaient être «témoins spéciaux du nom du Christ dans le monde entier» et qu’ils devaient «construire l’Eglise et en régler toutes les affaires dans toutes les nations». Ils reçurent les clefs «pour ouvrir la porte par déclaration de l’Evangile de Jésus-Christ» au monde entier (D&A 107:23, 33, 35). Il fut en outre promis aux Douze que «en quelque lieu que [vous proclamiez] mon nom, une porte efficace [vous] sera ouverte pour qu’ils reçoivent ma parole» (D&A 112:19). Cette promesse s’accomplit le 23 juillet 1837, le jour même où elle fut révélée, lorsque Heber C. Kimball et ses compagnons furent invités à prêcher à l’église de Vauxhall à Preston (Angleterre), invitation qui eut pour résultat les premiers baptêmes dans les îles Britanniques. L’oeuvre progressant avec beaucoup de succès dans ce pays, un concours encore plus grand des apôtres était attendu. Musée d'histoire et d'art de l'Eglise Herefordshire Beacon, la plus haute colline de la région, était l’emplacement d’un vieux fort britannique qui avait été emporté par les Romains. Wilford Woodruff, Brigham Young et Willard Richards se retirèrent sur ce monument britannique antique et vénéré pour prier et tenir conseil au sujet de la publication du Livre de Mormon et d’un livre de cantiques pour les saints britanniques. Après avoir reçu la confirmation qu’ils pouvaient s’engager, ils utilisèrent trois cents livres qu’ils reçurent de John Benbow et de Thomas Kington pour réaliser le projet. 227 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS APPEL DES DOUZE EN G R A N D E -B R E TA G N E Peu après s’être installé à Far West (Missouri), en mars 1838, Joseph Smith avait commencé à faire des préparatifs pour un effort missionnaire plus étendu des Douze en Grande-Bretagne. David W. Patten, un des apôtres, reçut l’année suivante par révélation le commandement de se préparer à une mission (voir D&A 114:1). Le 8 juillet 1838, une autre révélation appela John Taylor, John E. Page, Wilford Woodruff et Willard Richards, parmi les Douze. Les apôtres furent chargés Le 26 avril 1838, le Seigneur commanda à Joseph Smith de construire un temple à Far West (Missouri). Les pierres angulaires furent posées le 4 juillet 1838, et l’emplacement fut consacré par Brigham Young. Les Douze partirent de là, le 26 avril 1839, pour leur mission en Angleterre, accomplissant ainsi le commandement donné par le Seigneur dans D&A 118:3-6. Le terrain appartient maintenant à l’Eglise et elle l’a aménagé en 1968, y a érigé des monuments et des plaques commémoratives et a conservé les pierres angulaires. de «traverser les grandes eaux et y promulguer mon Evangile dans sa plénitude, et rendre témoignage de mon nom» (D&A 118:4). Le Seigneur leur dit aussi le jour exact où ils devaient quitter Far West pour partir en Angleterre, c’est-à-dire le 26 avril 1839. Lorsque la révélation leur parvint, les frères ne pensaient pas avoir beaucoup de mal à exécuter ce commandement, mais les persécutions ultérieures et l’expulsion des saints du Missouri rendirent extrêmement dangereux le départ de Far West en avril. Beaucoup d’émeutiers harcelèrent les membres de l’Eglise restant au Missouri et se vantèrent ouvertement de ce que la révélation ne s’accomplirait pas. Brigham Young exhorta ses collègues à se rendre à Far West comme le Seigneur l’avait commandé et promit que le Seigneur les protégerait. Le 26 avril, peu après minuit, Brigham Young, Heber C. Kimball, Orson Pratt, John E. Page, John Taylor, Wilford Woodruff et George A. Smith se rassemblèrent au clair de lune, avec une vingtaine d’autres saints, à l’emplacement du temple de Far West. Au péril de leur vie, ils recommencèrent à poser les fondations de la maison du Seigneur en roulant une grosse pierre près du coin sud-est. Brigham Young a écrit: «C’est ainsi que cette révélation fut accomplie, à propos de laquelle nos ennemis avaient dit que si toutes les autres révélations de Joseph Smith étaient accomplies, celle-là ne serait pas réalisée, puisqu’un qu’un jour et une date lui étaient attribués1.» Aux premières heures du matin, Theodore Turley, un des saints qui avaient été à Far West avec les Douze, se rendit chez l’apostat Isaac Russell pour lui faire ses adieux. Russell fut stupéfait de voir que son ami était à Far West avec des membres des Douze et il resta sans voix quand il apprit que la prophétie avait été réalisée. Il n’y eut plus d’autres préparatifs pour la mission en Grande-Bretagne avant que les saints n’eussent trouvé un lieu de rassemblement à Commerce (Nauvoo). Le 27 juin 1839, la Première Présidence et les Douze se réunirent en conférence spécifique. Après qu’il eut humblement confessé ses sottises et ses péchés, Orson Hyde fut réintégré parmi les Douze. Joseph Smith instruisit ses frères des principes fondamentaux de l’Evangile pour mieux les préparer à s’acquitter de leur mission. Une semaine plus tard, à Montrose (Iowa), suivant d’autres instructions, la Première Présidence bénit chaque apôtre et sa femme. A propos de ceux qui furent bénis, Wilford Woodruff a écrit: «Il nous fut promis que si nous étions fidèles, nous rentrerions au sein de notre famille et serions bénis au cours de notre mission et que nous trouverions beaucoup d’âmes pour sceller notre ministère.» Après les bénédictions, Joseph Smith leur dit: «[Vous n’ êtes] pas envoyés pour être instruits, mais pour instruire; que chacun soit sérieux, soit 228 MISSION DES DOUZE vigilant et que toutes vos paroles soient modérées par la grâce, et gardez à l’esprit que ce jour est un jour d’avertissement et pas le moment de faire de longs discours2». Le dimanche 7 juillet, les Douze parlèrent à une réunion d’adieux organisée en leur honneur. Chacun d’eux témoigna puissamment de l’oeuvre à laquelle ils étaient engagés. A l’évidence, ils étaient vivement désireux de faire route pour l’Angleterre; malheureusement, ils ne furent pas en mesure de partir immédiatement. La semaine suivante, une épidémie de malaria s’abattit sur le Musée d'histoire et d'art de l'Eglise voisinage de Nauvoo. Les apôtres en furent atteints, et leur mission fut temporairement remise. Mais après le 22 juillet, jour de la puissance de Dieu, «tous les Douze étaient . . . décidés, ‹malades ou pas›, à accomplir la mission. Le dimanche 4 août, jour de jeûne et de prière, le prophète renouvela ses instructions d’aller sans bourse ni sac selon les révélations de Jésus-Christ3». D É PA RT Cette peinture primitive de Phoebe Carter Woodruff, épouse de Wilford Woodruff, et de son fils Joseph Woodruff est attribuée à Thomas Ward, émigrant de Liverpool (Angleterre). Ce tableau fut probablement peint vers 1845 à Nauvoo. DES MISSIONNAIRES John Taylor et Wilford Woodruff, toujours atteints de la malaria, décidèrent de partir immédiatement. Wilford Woodruff a écrit: «Au petit matin du 8 août, je me levai de mon lit de malade, posai les mains sur la tête de Phoebe, ma femme souffrante, et je la bénis. Je m’arrachai ensuite de l’étreinte de mon épouse et la laissai presque sans nourriture et sans les choses nécessaires à la vie. Elle subit mon départ avec la force d’âme qui convient à une sainte, consciente des responsabilités de son époux . . . «Quoique faible, je me rendis à pied jusqu’au rivage du Mississippi. Là, le président m’emmena en canoë . . . et me fit traverser le fleuve. Lorsque nous abordâmes, je me couchai sur une plaque de cuir pour semelles, à côté du bureau de poste, pour me reposer. Frère Joseph, le prophète de Dieu, arriva et me regarda. ‹Eh bien, frère Woodruff, dit-il, vous voilà en route pour votre mission.› ‹Oui, disje, mais j’ai plus la sensation et l’air d’être un sujet pour salle de dissection qu’un missionnaire.› Joseph répondit: ‹Pourquoi dites-vous cela? Levez-vous et mettezvous en route; tout ira bien pour vous4.›» John Taylor et Wilford Woodruff poursuivirent péniblement leur voyage jusqu’à la côte est. En Indiana, John Taylor tomba gravement malade, et Wilford dut le laisser là, le remettant entre les mains du Seigneur. Après une guérison miraculeuse, frère Taylor poursuivit son voyage. Il tomba de nouveau malade mais finit par retrouver frère Woodruff à New York. Les autres frères connurent un départ aussi difficile. Brigham Young était prêt à partir le 14 septembre, juste peu après que sa femme, Mary Ann, eut donné le jour à une fille. Mais quand il quitta Montrose, il était si malade qu’il ne put faire à pied sans aide les cent cinquante mètres qui le séparaient du fleuve. Trois jours plus tard, Mary Ann, toujours affaiblie par son accouchement, prit ses dispositions pour traverser le fleuve afin de prendre soin de son mari qui logeait chez Heber C. Kimball à Nauvoo. Le 18 septembre, Brigham et Heber décidèrent qu’il était temps de partir en vue de la mission qui leur avait été confiée. Les deux hommes étaient si malades qu’il fallut les aider à monter dans un chariot. Toute la famille Kimball 229 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS était alitée, à l’exception de Heber Parley, quatre ans, qui arrivait tout juste à porter de l’eau aux malades. Une fois dans le chariot, dit Heber: «J’avais l’impression que mes entrailles fondaient à la pensée de laisser ma famille dans un tel état, pour ainsi dire dans les bras de la mort. Il me semblait que je ne pourrais pas le supporter. Je demandai au conducteur de l’attelage d’arrêter et dis à frère Brigham: ‹C’est dur, hein? Levonsnous et acclamons-les.› Nous nous levâmes, et, balançant nos chapeaux trois fois au-dessus de nos têtes, criâmes: ‹Hourra, Hourra pour Israël.› Vilate, en entendant le bruit, se leva de son lit et vint à la porte. Elle avait le sourire aux lèvres.Vilate et Mary Anne Young nous crièrent: ‹Au revoir, que Dieu vous bénisse5.›» George A. Smith rejoignit les frères Young et Kimball en chemin. En cours de route, Brigham allait dans son coffre et trouvait toujours juste assez d’argent pour le passage suivant en diligence. Il pensait que c’était Heber qui remettait de l’argent dans le fond mais s’aperçut plus tard que ce n’était pas lui. Ces frères avaient commencé leur voyage avec treize dollars cinquante de dons, et pourtant ils en dépensèrent plus de quatre-vingt-sept en frais de diligence. Ils n’avaient pas la moindre idée de la façon dont l’argent supplémentaire était entré dans le coffre «si ce n’est par un émissaire invisible du monde céleste pour promouvoir la propagation de l’Evangile6». Ces frères restèrent quelques semaines dans le nord de New York à cause de leur maladie. Brigham Young tomba malade à Moravia (New York) et fut soigné par les familles Caleb, Haight et William Van Orden. Frère Van Orden fit également un pardessus pour George A. Smith, qui n’avait qu’une couverture piquée sur les épaules pour se tenir chaud. Sept apôtres arrivèrent à New York City au cours de l’hiver. Ils y prêchèrent l’Evangile, réglèrent les affaires de l’Eglise et obtinrent des fonds pour leur traversée pour l’Angleterre. Parley P. Pratt écrit: «Au cours des quelques jours où nous fûmes ensemble à New York, nous avons eu beaucoup de belles réunions au cours desquelles les saints furent remplis de joie et où le peuple fut de plus en plus convaincu de la véracité de notre message. Près de quarante personnes furent baptisées et jointes à l’Eglise dans cette ville au cours des quelques jours de résidence de nos frères là-bas7.» Wilford Woodruff, John Taylor et Theodore Turley furent les premiers à partir en Angleterre, le 19 décembre 1839 et y arrivant vingttrois jours plus tard. Les autres partirent en mars et arrivèrent à Liverpool le 6 avril 1840, dixième anniversaire de l’organisation de l’Eglise. La raison pour laquelle les Douze étaient indispensables en Grande-Bretagne devint bientôt claire. Après la première mission de 1837, beaucoup de membres étaient tombés en apostasie et avaient quitté l’Eglise à cause des persécutions et du manque de dirigeants locaux mûrs. Les attaques contre l’Eglise dans les journaux locaux augmentaient en nombre et en intensité, et les pasteurs des diverses confessions suscitaient l’opposition par leurs sermons et leurs conférences. Au sein de l’Eglise, certains avaient contesté l’autorité de la présidence de mission, Joseph Fielding, Willard Richards et William Clayton, et avaient détourné de petits groupes de saints, ce qui ralentissait le succès missionnaire. 230 MISSION DES DOUZE Au cours de la mission des Douze en Angleterre, dans beaucoup de régions de Grande-Bretagne le rétablissement de l’Evangile fut inauguré. Edimbourg (Ecosse). Les premiers missionnaires y arrivèrent en décembre 1839. Orson Pratt arriva le 18 mai 1840; le lendemain matin, à Arthur’s Seat, d’une colline élevée dominant la ville, il consacra l’Ecosse à la prédication de l’Evangile. Bishopton (Ecosse). C’est là que, le 14 janvier 1840, Alexander et Jessie Hay devinrent les premiers convertis baptisés en Ecosse. Castle Frome (Angleterre). Wilford Woodruff y prêcha ainsi qu’à la Hill Farm, entre mars et juillet 1840. Il baptisa beaucoup de membres des Frères Unis, dont John et Jane Benbow. Douglas (île de Man). John Taylor consacra cette île en 1840 et y organisa un célèbre débat avec un pasteur local. Il prêcha à la parenté de sa femme, Leonora Cannon Taylor, tante de George Q. Cannon. Herefordshire Beacon (Angleterre). C’est là que, le 20 mai 1840, sous la présidence de Brigham Young, un conseil décida de publier le Livre de Mormon et un livre de cantiques de l’Eglise en Grande-Bretagne. Liverpool (Angleterre). Les premiers missionnaires de l’Eglise abordèrent là en 1837. Siège de l’Eglise en Grande-Bretagne de 1842 à 1929, Liverpool abritait le bureau de la mission, le bureau de l’émigration et l’imprimerie. Le Millennial Star y fut publié, ainsi que d’autres publications importantes de l’Eglise. En 1900, quatre-vingt-cinq mille saints des derniers jours avaient émigré en Amérique via Liverpool. Londres (Angleterre). L’oeuvre missionnaire y commença le 18 août 1840. Londres fut le lieu de naissance de plusieurs Autorités générales, parmi lesquelles Charles W. Penrose, George Teasdale et George Reynolds. Loughbrickland (Irlande). John Taylor y baptisa le premier converti irlandais, Thomas Tait, le 31 juillet 1840. Milnthorpe (Angleterre). C’était le lieu de naissance de John Taylor. New Chapel (Angleterre). Emplacement du temple de Londres, consacré le 7 septembre 1958 par David O. McKay, président de l’Eglise. Manchester (Angleterre). Cette ville fut, de 1840 à 1842, le siège de l’Eglise en GrandeBretagne. Brigham Young y fit la plus grande partie de sa mission. Le premier pieu de Grande-Bretagne y fut organisé le 27 mars 1960 par Harold B. Lee, et la première conférence interrégionale de l’Eglise y eut lieu en août 1971. Preston (Angleterre). Heber C. Kimball y prononça, le 23 juillet 1837, le premier sermon évangélique. Une branche fut organisée au mois d’août de cette année-là. Preston fut siège de l’Eglise de 1837 à 1840. Willard Richards fut ordonné apôtre lors d’une conférence organisée là en avril 1840. Bishopton Edimburgh Océan Atlantique Scotland Irlande du Nord Ile de Man Loughbrickland Douglas Mer d’Irlande Milnthorpe Preston Liverpool Manchester Irlande Angleterre Pays de Galles Castle Frome Herefordshire Beacon Londres New Chapel Heber C. Kimball avait écrit d’Amérique plusieurs lettres qui avaient encouragé les saints et avaient désigné ceux qui perturbaient les progrès de l’oeuvre en Angleterre. Mais si l’on voulait que l’Eglise reste en Grande-Bretagne, il était urgent qu’arrivent des prédicateurs, des instructeurs solidement affermis par la doctrine de l’Evangile rétabli et des dirigeants mûrs et expérimentés capables de mettre les branches en ordre. Les îles Britanniques étaient mûres pour l’arrivée des membres des Douze en qualité de missionnaires. La plupart des sujets britanniques avaient la même langue, la même culture et le même héritage que les missionnaires d’Amérique. La liberté de religion était une tradition forte en Grande-Bretagne. On n’y trouvait pas vis-à-vis du clergé la forte dépendance caractéristique du continent européen. Les gens aimaient lire la Bible, étaient fiers de la traduction du roi Jacques que les apôtres utilisaient dans leur prédication. L’Angleterre avait aussi un gouvernement central fort qui assurait l’application uniforme des lois en ce qui concerne la pratique de la religion. Cela signifiait que les missionnaires étaient légalement égaux aux autres pasteurs partout où ils allaient dans le pays. En outre, la révolution industrielle avait anéanti la situation sociale des classes inférieures et leur avait donné le sentiment que leurs pasteurs les avaient abandonnés. Beaucoup recherchaient une satisfaction et un soutien spirituels et temporels dans leur vie. Telle était la préparation que le Seigneur avait apportée pour que l’Evangile soit introduit en Grande-Bretagne. 231 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Synthèse des voyages et des efforts de Wilford Woodruff en 18408. Parcouru 7190 km Tenu 230 réunions Introduit la prédication dans Créé constituant LES DOUZE EN G R A N D E -B R E TA G N E Wilford Woodruff et John Taylor, les premiers des Douze arrivés en Angleterre, se hâtèrent pour se rendre au siège de l’Eglise à Preston pour rencontrer la 53 endroits présidence de mission. Ils y décidèrent de se séparer; frère Taylor retourna à 47 églises 1500 saints 28 anciens 110 prêtres 24 instructeurs 10 diacres Liverpool avec Joseph Fielding, et frère Woodruff prit la route du sud avec Theodore Turley jusqu’aux poteries de Staffordshire, ainsi appelées à cause des activités industrielles qui s’y déroulaient. Les frères Taylor et Fielding commencèrent leur tâche le 23 janvier à Liverpool Conférences 14 Baptisé comprenant 336 personnes 57 prédicateurs, 2 clercs de l’Eglise anglicane Assisté au baptême de 86 autres Taylor. George Q. Cannon, qui n’avait alors que douze ans, allait devenir un grand Confirmé 420 missionnaire dans les îles Hawaï, membre des douze apôtres et conseiller de Assisté à la confirmation de 50 autres quatre présidents de l’Eglise, parmi lesquels son oncle John Taylor. L’oeuvre Ordonné 18 anciens 97 prêtres 34 instructeurs 1 diacre et baptisèrent leurs premiers convertis le 4 février. En outre, en février, ils baptisèrent toute la famille de George Cannon, frère de Leonora, femme de John grandit de manière constante à Liverpool, et lorsque le reste des Douze arriva en Angleterre en avril, une branche de l’Eglise fonctionnait dans cette ville portuaire. Dans les poteries du Staffordshire, frère Woodruff réussit à organiser plusieurs Béni 120 enfants Imposé les mains à 120 malades Aidé à lever 1000 £ pour l’impression du Millennial Star, 3000 exemplaires des cantiques de l’Eglise et 5000 exemplaires du Livre de Mormon Turley. En mars, il fut inspiré à continuer vers le sud jusque dans le Herefordshire, Aidé à l’émigration en Amérique de 200 saints l’Evangile rétabli et furent baptisés. Des centaines d’autres dans le voisinage Ecrit 200 lettres Reçu 112 lettres devinrent également membres de l’Eglise. Assailli par des émeutiers 4 fois branches dans les petites localités de la région et en confia la responsabilité à frère accompagné par William Benbow, un de ses convertis. Ils contactèrent John et Jane Benbow, frère et belle-soeur de William, et un groupe de six cents personnes, qui avaient créé leur propre société religieuse appelée les Frères Unis. Finalement le chef du groupe, Thomas Kington, et tous les membres, sauf un, acceptèrent Si l’oeuvre prospéra, le succès ne se produisit pas sans opposition. Un policier local avait été envoyé arrêter Woodruff parce qu’il prêchait sans licence, mais au lieu de cela il fut baptisé après un sermon édifiant. Une autre fois, deux clercs chargés de découvrir ce que Wilford enseignait, furent baptisés tous les deux. Le clergé de la région finit par écrire à l’archevêque de Canterbury, chef de l’Eglise anglicane, demandant qu’il fasse usage de son influence pour chasser les mormons de Grande-Bretagne. Sachant que la loi du pays imposait la tolérance religieuse, l’archevêque recommanda aux pasteurs de résoudre eux-mêmes les problèmes en devenant des pasteurs plus dévoués. Au lieu de cela, le clergé se lança dans des sermons antimormons et ameuta la presse locale pour harceler les saints des derniers jours. L’opposition grandit avec la prospérité de l’Eglise dans la région. Tandis qu’il prêchait dans le village de Hawcross, Wilford Woodruff fut entouré par une foule hostile. Lorsque des villageois demandèrent le baptême, Wilford leur dit que s’ils avaient suffisamment de foi pour être baptisés, il avait suffisamment de foi pour administrer l’ordonnance en dépit des violences physiques dont on les menaçait. Le petit groupe alla jusqu’à un étang et fut rapidement entouré par des émeutiers armés de pierres. Wilford Woodruff a écrit: «Je descendis dans l’eau, l’esprit fixé sur Dieu et je baptisai cinq personnes, tandis qu’ils me lançaient des pierres dont l’une m’atteignit à la tête et manqua de m’assommer9.» 232 MISSION DES DOUZE Une autre fois, le pasteur du village de Dymock prit la tête d’une cinquantaine d’émeutiers pour lancer des pierres sur la maison où les saints tenaient une réunion de prière. Bien que ce genre de choses fût relativement rare en GrandeBretagne, cela rappela à frère Woodruff qu’il y avait une forte opposition à l’Evangile rétabli. Grâce aux efforts de Wilford Woodruff et d’autres frères, environ dix-huit cents personnes furent converties dans les trois comtés de Hereford, Worchester et Gloucester. Lorsqu’il rendit visite à la ville de Ledbury, frère Woodruff fut invité par le pasteur baptiste à prêcher à son assemblée. Par la suite, le pasteur et plusieurs membres de son assemblée demandèrent le baptême. Une autre fois, tandis qu’il baptisait, des pasteurs arrivèrent en chariot, acceptèrent avec reconnaissance le baptême et poursuivirent leur route en se réjouissant. Réfléchissant à cette période extraordinaire de sa vie, Wilford Woodruff a écrit: «L’histoire de cette mission dans le Herefordshire montre l’importance d’écouter le murmure doux et léger de l’Esprit du Seigneur et les révélations du Saint-Esprit. Des gens priaient pour avoir la lumière et la vérité, et le Seigneur m’a envoyé vers eux10.» Le premier numéro du Millennial Star sortit de presse le 27 mai 1840 à Manchester (Angleterre). Il débuta sous forme de mensuel publié par Parley P. Pratt. Au cours des années, il fut transformé en bimensuel, puis en hebdomadaire et puis redevint un mensuel. En 1842, le siège de l’Eglise de GrandeBretagne fut déplacé à Liverpool, et le Star y fut publié jusqu’en 1933, date à partir de laquelle on commença à le publier à Londres. Lorsque sa publication prit fin en 1970, c’était le plus vieux périodique publié sans interruption dans l’Eglise. Pendant une grande partie de son histoire, il fut publié par le président de la mission britannique. En avril 1840, quand les autres apôtres arrivèrent dans les îles Britanniques, Brigham Young, qui avait pris la direction de l’Eglise dans la mission britannique, convoqua les frères à Preston pour une conférence générale de l’Eglise. Près de seize cents membres, représentant trente-trois branches, se rendirent à la conférence. Le premier point à l’ordre du jour fut l’ordination de Willard Richards à l’apostolat, conformément à la révélation de 1838. Brigham Young fut également présenté et soutenu comme président du Collège des Douze. Il y avait maintenant huit membres des Douze dans les îles Britanniques, à savoir Brigham Young, Heber C. Kimball, Parley P. Pratt, Orson Pratt, John Taylor, Wilford Woodruff, George A. Smith et Willard Richards. Deux autres, William Smith et John E. Page, ne firent pas de mission en Grande-Bretagne. Orson Hyde arriva plus tard, s’activa avec ses frères plusieurs mois en Angleterre et ensuite poursuivit sa route vers la Palestine, pour consacrer ce pays au retour des Juifs. Il y avait encore à l’époque un poste vacant au sein des Douze. A la conférence, on approuva aussi la proposition du président Young de publier le Livre de Mormon, un livre de cantiques et un mensuel pour les saints anglais. Sur la suggestion de frère Woodruff, la nouvelle publication devait porter le nom de Latter-day Saints’ Millennial Star. Parley P. Pratt fut choisi comme rédacteur en chef. Les Douze terminèrent la conférence en encourageant les saints à émigrer à Nauvoo. Brigham Young fit preuve de grandes capacités spirituelles et administratives dans la façon dont il dirigea l’Eglise en Grande-Bretagne. Tandis qu’il rendait visite à Wilford Woodruff et aux Frères Unis convertis dans le sud, il exerça sa prêtrise pour effectuer une remarquable guérison. Mary Pitt, qui était invalide depuis onze Ce bâtiment, situé au 42, Islington Street, à Liverpool, fut, de 1855 à 1904, le siège de la mission britannique et le bureau du Millennial Star. ans et était la soeur du musicien William Pitt, demanda une bénédiction. Les Pitt avaient été baptisés la veille. Wilford Woodruff a écrit: «Nous priâmes pour elle et lui fîmes l’imposition des mains. Frère Young était le porte-parole et lui commanda 233 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Parley et Orson Pratt s’activèrent tous deux, pendant plusieurs années, à publier des brochures et un journal pour répandre le message de l’Evangile en Grande-Bretagne. Voici la liste de leurs publications pendant qu’ils étaient en Grande-Bretagne: Parley P. Pratt Allocution d’un ministre de l’Eglise de JésusChrist des Saints des Derniers Jours au peuple d’Angleterre Key to the Science of Theology Lettre à la reine concernant les signes des temps et la destinée politique du monde Mariage et moralité en Utah Réponse à «Complete Failure», de Thomas Taylor, et à «Mormonism Exposed», de Richard Livesey d’être guérie. Elle déposa sa béquille et ne l’utilisa plus jamais, et le lendemain elle fit cinq kilomètres à pied11.» Mary Pitt fut un des nombreux membres de l’Eglise en Angleterre à être guéris par la bénédiction de la prêtrise accordée par Brigham Young. Le président Young étendit également l’oeuvre missionnaire dans les îles Britanniques. Sous sa direction, Heber C. Kimball rendit visite aux branches du nord de l’Angleterre où il avait servi en 1837-38. Il fortifia ceux qui étaient restés fidèles entre-temps et s’efforça d’en convertir beaucoup qui avaient apostasié à cause des persécutions. Willard Richards fut envoyé aider Wilford Woodruff dans le sud de l’Angleterre. John Taylor, qui avait eu un certain succès à Liverpool auprès des émigrants irlandais, prit le bateau avec trois compagnons irlandais Le monde à l’envers; ou, le paradis sur terre pour introduire l’Evangile en Irlande. Ils n’eurent pas beaucoup de succès, mais ils Orson Pratt eurent une action de base importante. A son retour à Liverpool, frère Taylor se L’autorité divine; ou, la question: Joseph Smith a-t-il été envoyé par Dieu? sentit poussé à étendre l’oeuvre à l’île de Man, dans la mer d’Irlande, où vivaient Le royaume de Dieu (parties 1-4). beaucoup de parents de sa femme, Leonora. Il ne tarda pas à baptiser plusieurs Visions remarquables personnes et organisa une branche dans l’île. La nouvelle Jérusalem; ou, l’accomplissement des prophéties modernes Orson Pratt fut chargé d’introduire l’Evangile en Ecosse. Il y bâtit sur l’oeuvre Authenticité divine du Livre de Mormon, numéros 1-6 de Samuel Mulliner et Alexander Wright, deux convertis écossais, qui étaient Réponse à une brochure imprimée à Glasgow avec «l’approbation des ecclésiastiques de différentes confessions», intitulée «observations sur le mormonisme» familles et à leurs amis; ils avaient un groupe de vingt convertis avant son arrivée. Absurdités de l’immatérialisme La cause première; ou, les forces automotrices de l’univers Le Saint-Esprit Le royaume des derniers jours; ou, préparatifs de la Seconde Venue revenus en 1839 du Canada dans leur patrie pour faire connaître l’Evangile à leurs Frère Pratt organisa, le 8 mai 1840, la première branche écossaise à Paisley, à quelques kilomètres de Glasgow. A la fin mai, il consacra l’Ecosse à la prédication de l’Evangile et demanda au Seigneur de pouvoir obtenir deux cents convertis. L’oeuvre accomplie à Edimbourg, la capitale, fut tout d’abord lente: on n’avait baptisé que dix-huit personnes quand arriva le mois d’août. Mais Orson, Nécessité des miracles missionnaire énergique, travailla dur pendant dix mois, tenant souvent jusqu’à La vraie foi sept réunions de rue en un seul jour. Il publia une brochure appelée A interesting Le vrai repentir Le baptême d’eau Account of Several Remarkable Visions [récit intéressant de plusieurs visions Les dons spirituels remarquables], qui contenait le premier récit publié de la première vision de L’apostasie universelle Joseph Smith. Frère Pratt passa presque toute sa mission en Angleterre, et lorsqu’il Solution nouvelle et facile aux équations cubiques et bicarrées partit en mars 1841, sa prière de consécration était exaucée: la population de l’Eglise du district d’Edimbourg s’élevait à 226 personnes. En août 1840, George A. Smith accompagna les frères Kimball et Woodruff à Londres, une des plus grandes villes du monde. On leur refusa l’autorisation de prêcher dans le Temperance Hall; par conséquent, ils optèrent pour le célèbre marché en plein air de Smithfield. Informés de ce qu’ils ne pouvaient pas prêcher là-bas non plus, ils furent conduits par un horloger local jusqu’au Tabernacle Square, juste à l’extérieur des limites de la ville. C’est là que frère Smith prononça un sermon devant un auditoire agité mais intéressé. Lorsqu’un pasteur local informa la foule que George A. Smith était mormon et qu’ils ne devaient pas l’écouter, la sympathie britannique pour les opprimés s’affirma. La foule lui accorda une attention accrue, mais personne ne se montra disposé à être baptisé. Après avoir fait du prosélytisme pendant plusieurs jours sans succès, les apôtres furent finalement récompensés quand Henry Connor, l’horloger qui s’était lié 234 MISSION DES DOUZE d’amitié avec eux, embrassa l’Evangile. Mais l’Eglise grandit lentement à Londres. Dans un rapport à Brigham Young, les frères écrivirent: «Dans nos voyages, que ce soit en Amérique ou en Europe, nous n’avons encore jamais trouvé qu’à Londres de peuple auquel nous ayons dû écarter de l’esprit une plus grande multiplicité d’objections, ou de combinaisons d’obstacles en vue de susciter quelque intérêt pour le sujet et préparer son coeur à la réception de la parole de Dieu12.» Brigham Young se rendit à Londres en décembre 1840 pour apporter son soutien à l’oeuvre missionnaire, et à la date du 14 février 1841, on avait baptisé suffisamment de membres pour organiser une conférence [district] de l’Eglise avec, comme président, Lorenzo Snow, jeune missionnaire d’Amérique qui venait d’arriver. Pendant ses trois années de séjour à Londres, frère Snow amena plusieurs centaines de nouveaux membres à l’Eglise et remit deux exemplaires joliment reliés du Livre de Mormon à la reine Victoria et au prince Albert. Le ministère de Parley P. Pratt en Grande-Bretagne consista essentiellement à écrire et à publier des textes de l’Eglise, ce qui était d’une nécessité capitale pour le succès de l’effort missionnaire en cours. Il écrivit aussi plusieurs brochures et rédigea le Millennial Star mensuel, qui fournit aux saints d’Angleterre les premiers documents publiés sur les révélations de Joseph Smith et son histoire. Il contenait également des nouvelles générales de l’Eglise aux Etats-Unis, rattachant ainsi les saints anglais à leurs homologues américains. Pendant tout le reste du dixneuvième siècle, le Millennial Star fut un périodique important dans l’Eglise. Il abondait en documents historiques et en discours d’autorités de l’Eglise. I M PA C T DE LA MISSION DES DOUZE EN G R A N D E -B R E TA G N E Sous la direction habile et inspirée de Brigham Young et des Douze, l’Eglise connut une croissance phénoménale au cours de l’année 1840. A la conférence générale d’octobre, tenue à Manchester, «des ordinations furent administrées, des cas de discipline furent tranchés, un fonds fut créé pour soutenir les missionnaires qui n’avaient pas suffisamment de moyens [beaucoup d’entre eux étaient d’origine britannique], et des missionnaires furent affectés à leur champ de mission. Il fut signalé que le total des membres avait augmenté de 1115 unités depuis juillet, et qu’il y avait 70 Eglises et 1007 membres à Herefordshire13». L’émigration des saints britanniques en Amérique avait commencé avant la conférence de Manchester. Le 1er juin 1840, Brigham et Heber C. Kimball se réunirent à environ quarante-six saints et organisèrent leur voyage à Nauvoo. John Moon, membre fidèle converti lors de la mission précédente de frère Kimball, fut désigné en chemin pour présider. Quand ces saints arrivèrent à Nauvoo, ils écrivirent des lettres d’encouragement à leurs amis, poussant au rassemblement et contredisant les commentaires négatifs des journaux britanniques concernant un voyage aussi lointain. La plupart des saints anglais n’avaient pas besoin qu’on les pousse à émigrer. Avant même que les apôtres ne mentionnent le rassemblement, ils voulaient aller en Amérique voir le prophète et vivre parmi leurs coreligionnaires. Brigham Young écrivit à son frère Joseph: «Ils ont tellement l’esprit de rassemblement qu’ils 235 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS En 1837, lorsqu’il appela Heber C. Kimball à être le premier missionnaire en GrandeBretagne, Joseph Smith a dit que c’était parce que l’Esprit lui avait chuchoté qu’il fallait faire quelque chose pour sauver l’Eglise. Le tableau ci-dessous illustre de manière frappante le sens de cette déclaration. De 1837 à 1847, plus de douze mille convertis entrèrent dans l’Eglise des îles Britanniques. Plus de quatre mille d’entre eux dans au moins trente-six compagnies se rendirent à Nauvoo. Cela représentait environ un quart à un tiers de la population de Nauvoo avant l’exode. Au cours de cette période critique, ces convertis apportèrent à l’Eglise la spiritualité, l’enthousiasme et des dirigeants. Dès 1850, il y avait plus de trente mille membres en Grande-Bretagne, et leur impact sur l’Eglise augmenta avec leur émigration aux Etats-Unis au cours de la période pionnière. Publié avec la permission du Mariners Museum, Newport News, Virginia Le Britannia, un trois-mâts carré de six cents tonneaux, transporta la première compagnie organisée de saints des derniers jours à émigrer en Amérique. Quarante membres quittèrent Liverpool, le 6 juin 1840, sous la direction de John Moon, dont la famille avait accepté de Heber C. Kimball le message de l’Evangile en 1837. La famille Moon constitua le noyau de cette compagnie, qui arriva au port de New York le 20 juillet 1840, après un voyage de quarante et un jours au cours duquel ils affrontèrent trois tempêtes et de nombreuses maladies. Le voyage de New York à Saint-Louis par bateau à vapeur et train requit neuf mois, dont une étape hivernale près de Pittsburg. A Saint-Louis, ils prirent un bateau à vapeur jusqu’à Montrose (Iowa), où ils arrivèrent le 16 avril 1841. Deux autres compagnies quittèrent l’Angleterre en 1840. La dernière d’entre elles alla via la Nouvelle-Orléans, itinéraire entièrement maritime, plus direct et moins coûteux. partiraient même s’ils savaient qu’ils mourraient dès leur arrivée ou s’ils savaient que les émeutiers se jetteraient sur eux et les chasseraient dès leur arrivée14.» Un millier de saints environ émigrèrent au début de 1841, et une compagnie de navigation fut bientôt créée pour superviser les dispositions au voyage. On acheta des maisons à Liverpool pour loger les membres qui attendaient leur départ, et le Millennial Star commença à publier des instructions détaillées pour aider les saints à se préparer au long voyage. Au cours de la décennie qui suivit, plus de dix mille saints britanniques prirent le bateau pour l’Amérique. A la date de 1870, il y en avait encore eu vingt-huit mille autres, et la majorité des saints adultes d’Utah étaient d’anciens natifs des îles Britanniques. Le prophète écrivit aux Douze au début de 1841 et leur dit de revenir à Nauvoo Emigrants britanniques à Nauvoo au printemps. Comme le moment de leur départ approchait, les apôtres visitèrent M. Hamlin Cannon signale les chiffres suivants d’émigrants de Grande-Bretagne à Nauvoo, qui constituèrent le tiers de la population de Nauvoo15. les régions où ils avaient servi pour fortifier les saints. Ils tinrent une série de réunions à Manchester au début d’avril et terminèrent, le 6 avril, par une 1840 240 conférence générale. Ils exprimèrent une grande joie lors de la conférence à cause 1841 1135 de l’abondante moisson que le Seigneur leur avait accordée en bénédiction. Le 1842 1614 1843 769 nombre des membres était de 5864, une augmentation de près de 2200 depuis la 1844 623 conférence d’octobre et de plus de 4300 depuis leur première conférence un an 1845 302 plus tôt. Cela ne comprenait pas ceux qui avaient déjà émigré. La plupart des 1846 50 Total 4733 apôtres quittèrent l’Angleterre à la fin avril et arrivèrent à Nauvoo en juillet. Parley P. Pratt resta pour présider la mission et éditer le Millennial Star. Cette mission fut une époque importante de formation et de maturation pour le Collège des douze apôtres. Brigham Young put conforter ses talents de dirigeant qu’il serait bientôt amené à exercer à Nauvoo, en particulier après le martyre de Joseph Smith. Grâce aux épreuves et aux sacrifices consentis en Grande-Bretagne, aussi bien que par le fait qu’ils avaient servi dans un but commun, les Douze 236 MISSION DES DOUZE étaient unis d’une manière qui assurerait à l’Eglise une direction forte dans les années à venir. Avec l’adjonction de Lorenzo Snow à Londres, quatre futurs présidents de l’Eglise, les présidents Young, Taylor, Woodruff et Snow, servirent ensemble dans la mission britannique. En outre, les convertis britanniques qui émigrèrent à Nauvoo fournirent aux Douze un soutien essentiel après la mort de Joseph Smith. Le prophète était conscient de l’expérience de dirigeants acquise par les apôtres et du sacrifice que leurs familles et eux-mêmes avaient fait lors de la mission des Douze en Grande-Bretagne. Il écrivit: «Il est probable que personne n’a jamais entrepris une mission aussi importante dans des circonstances aussi particulièrement dramatiques et défavorables . . . Toutefois, en dépit de leurs afflictions et de leurs épreuves, le Seigneur est toujours intervenu en leur faveur et n’a pas permis qu’ils sombrent dans les bras de la mort. D’une façon ou d’une autre, la voie a été ouverte pour leur permettre d’y échapper: des amis ont été suscités au moment où ils en avaient le plus besoin et leur ont fourni ce qui leur était nécessaire; ils ont ainsi pu poursuivre leur voyage et se réjouir du Saint d’Israël. En vérité, ils ont marché en pleurant, portant une semence précieuse mais sont revenus avec allégresse, en portant leurs gerbes16.» L’oeuvre missionnaire dans d’autres pays du monde fut également engagée suite à l’oeuvre accomplie en Grande-Bretagne. L’empire britannique devint le véhicule utilisé par l’Evangile pour atteindre de nombreuses parties du monde lorsque les convertis britanniques émigraient ou voyageaient pour affaires ou à l’armée. MISSION D ’O R S O N HYDE EN PA L E S T I N E Orson Hyde ne s’était pas suffisamment rétabli de la malaria pour accompagner ses frères des Douze en 1839 dans leur mission en Grande-Bretagne. Il essaya de faire oeuvre missionnaire aux Etats-Unis, mais il n’arrivait pas à se débarrasser de la fièvre et des frissons. Il a écrit: «Je fus pris des fièvres, et cela dura des mois et manqua de me tuer ainsi que ma famille. A la conférence d’avril 1840, je n’étais plus qu’un squelette17.» A cette conférence, Orson annonça que depuis un certain temps l’Esprit le poussait à remplir une mission auprès des Juifs que le prophète lui avait prédite neuf ans plus tôt. Il mentionna une vision qu’il avait eue environ un mois plus tôt, Orson Hyde (1805-78) faisait partie d’une famille de onze enfants. Il accepta l’Evangile en 1831 à Kirtland (Ohio). Il fut un missionnaire fidèle au cours de ses premières années dans l’Eglise et fut ordonné apôtre en 1835. Il fut appelé en 1840 à se rendre à Jérusalem. Après un voyage long et difficile, il consacra, le 24 octobre 1841, la terre Sainte du haut du mont des Oliviers. Pendant un certain temps, Orson Hyde édita le Millennial Star en Angleterre et plus tard le Frontier Guardian en Iowa. Après son installation à Salt Lake City, il participa à l’effort de colonisation et fit partie du gouvernement territorial. dans laquelle il avait vu Londres, Amsterdam, Constantinople et Jérusalem. L’Esprit lui avait dit: «Il y a ici beaucoup d’enfants d’Abraham que je rassemblerai dans le pays que j’ai donné à leurs pères; et c’est ici aussi que se trouve ton champ de mission.» Le prophète appela frère Hyde et John E. Page, son collègue au Conseil des Douze, à se rendre auprès des Juifs d’Europe et ensuite en Palestine pour consacrer la Terre Sainte au retour des Juifs18. Pendant leur voyage vers l’Est, les frères Hyde et Page prêchèrent et recueillirent des fonds pour leur mission, notamment de l’argent pour traduire en allemand le Livre de Mormon et d’autres textes de l’Eglise, étant donné qu’ils envisageaient de rencontrer des Juifs européens germanophones. Frère Page s’attarda quelque peu 237 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS La mission d’Orson Hyde en Palestine fut un des plus grands voyages missionnaires des temps modernes. Après avoir quitté Nauvoo le 15 avril 1840, frère Hyde servit, prêcha, écrivit et publia sur trois continents pendant près de trois ans avant son retour, le 7 décembre 1842. Nauvoo (Illinois) 2 Lima (Illinois) 3 Quincy (Illinois) 4 Columbus (Illinois) 5 Jacksonville (Illinois) 6 Springfield (Illinois) 7 Indianapolis (Indiana) 8 Dayton (Ohio) 9 Franklin (Ohio) 10 Cincinnati (Ohio) 11 Wellsburgh (Virginie occ.) 12 Pittsburgh (Pennsylvanie) 13 Philadelphie (Pennsylvanie) 14 New York City (NY 4 déc.1840) 15 Départ de New York en bateau (13 février 1841) 16 Liverpool (sert quatre mois en Angleterre) (3 mars 1841) 17 Preston (Angleterre) 18 Manchester (Angleterre) 19 Londres 20 Départ pour Rotterdam (20 juin 1841) 21 Arnhem (Allemagne) (intégrée plus tard à la Hollande) 22 Mayence 1 41 2 6 3 5 4 Mississippi 1 8 7 9 12 13 14 15 11 10 Amérique du Nord Océan atlantique 40 23 Francfort 24 Regensburg (Allemagne) 25 Aborde la mer Noire par Galati (aujourd’hui en Roumanie) 26 Constantinople en Pennsylvanie, de sorte que frère Hyde, qui se sentait fortement poussé à 27 Mer Egée; le bateau arrive à Smyrne (plus tard Ismir, Turquie) remplir sa mission, poursuivit son voyage seul vers New York. En cela, il lui fut 28 Beyrouth (maintenant Liban) donné raison lorsque le 15 janvier 1841, Joseph Smith écrivit dans le Times and 29 Jaffa (fait maintenant partie de Tel Aviv) (19 oct. 1841) Seasons qu’«ils ne sont pas agréables au Seigneur parce qu’ils retardent leur 30 Prière sur le mont des Oliviers à Jérusalem (24 oct. 1841) 31 Branche orientale du Nil 32 Dumyat (Egypte) mission (John E. Page en particulier), et la Première Présidence les invite à hâter leur voyage19». Frère Page ne répondit pas à ce message, ne laissant à frère Hyde d’autre choix que de partir pour l’Europe sans lui, ce qu’il fit le 13 février. Orson Hyde passa trois mois et demi en Angleterre avec les Douze, et lorsque la 33 Le Caire 34 Branche occidentale du Nil 35 Alexandrie 36 Arrivée au port de Trieste (21 déc. 1841) 37 Traversée des Alpes jusqu’à Munich, puis Regensburg Francfort, distribuant les exemplaires d’une allocution aux Juifs avant de prendre 38 Angleterre vraisemblablement Londres (sept. 1842) le bateau sur le Danube jusqu’à la mer Noire. Le voyage de la Turquie occidentale 39 Prend le bateau à Liverpool (25 sept. 1842) 40 Arrivée à la Nouvelle-Orléans (13 nov. 1842) «Pendant un certain nombre de jours, j’ai mangé les escargots récoltés sur les 41 Arrivée à Nauvoo (7 déc. 1842). rochers, tandis que notre navire était encalminé au milieu de plusieurs petites îles plupart d’entre eux furent retournés en Amérique, il écrivit une courte histoire de l’origine de l’Eglise. Pendant qu’il était en Angleterre, il entra en contact avec les dirigeants juifs de Londres. En juin, il se rendit à Rotterdam, Amsterdam et à jusqu’à Beyrouth fut extrêmement désagréable. Alors qu’il n’avait qu’une semaine de provisions, le bateau fut forcé de rester dix-neuf jours en mer. Frère Hyde écrit: inhabitées, mais la plus grande difficulté était que je ne pouvais pas m’en procurer 238 MISSION DES DOUZE 17 18 39 16 19 38 21 20 22 23 24 37 36 25 26 27 Mer Méditerranée 28 35 34 32 33 29 30 31 Nil Afrique suffisamment20.» Il était si faible et si épuisé qu’il eut beaucoup de mal à aller du bateau au rivage à Jaffa. Il arriva à Jérusalem le 21 octobre 1841. Lorsqu’il contempla pour la première fois la ville sainte, son objectif des dix-neuf derniers mois, il fut ému jusqu’aux larmes. Il écrivit à Parley P. Pratt qu’elle ressemblait «exactement à la vision [qu’ il] en avait eue21». Le dimanche matin 24 octobre, avant l’aube, après plusieurs jours de service missionnaire infructueux, Orson Hyde traversa discrètement les portes ouvertes de Jérusalem, traversa la vallée du Cédron et monta sur le mont des Oliviers. En contemplant le spectacle au-dessous de lui, il se demanda: «Cette ville que je contemple maintenant est-elle vraiment la Jérusalem dont les péchés et les iniquités ont rempli de souffrance le coeur du Sauveur et fait jaillir tant de larmes de ses yeux apitoyés? Ce petit enclos dans la vallée du Cédron, où les branches de ces oliviers solitaires agitent leur vert feuillage avec tant de grâce dans la brise tendre et douce, est-il vraiment le jardin de Gethsémané, où les puissances infernales ont déversé le flot des ténèbres de l’enfer autour de la tête royale de l’immortel Rédempteur22?» Tandis qu’il était dans cet état d’esprit spirituel et méditatif, «dans un silence solennel, avec la plume, l’encre et le papier, exactement comme [il l’avait] vu dans 239 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS sa vision», Orson Hyde écrivit et fit la prière qui consacrait officiellement la Terre Sainte au retour des Juifs et à l’édification future d’un temple à Jérusalem. Il supplia le Seigneur: «Veuille . . . retirer la stérilité de ce pays et faire que des sources d’eau vive jaillissent pour arroser son sol altéré. Que la vigne et l’olivier produisent selon leur force, et que le figuier fleurisse et prospère23.» Après cette expérience solennelle, Orson dressa un autel de pierres en témoignage de cet événement, conformément à l’antique coutume. Sa mission accomplie, frère Hyde visita quelques-uns des lieux bibliques et prit ensuite le bateau pour l’Egypte où il fut obligé de faire étape à Alexandrie. Il y rencontra beaucoup de Juifs et envoya un rapport de sa mission à Parley P. Pratt, qui le publia dans le Millennial Star. Après être arrivé en Europe, il passa plusieurs mois en Allemagne où il publia en allemand un traité de 109 pages sur l’Evangile intitulé Un cri dans le désert. Il retourna aux Etats-Unis avec une compagnie d’émigrants britanniques et arriva le 7 décembre 1842 à Nauvoo. Il avait accompli une des missions les plus longues (plus de trente-deux mille kilomètres), une des plus dangereuses et une des plus importantes de l’histoire de l’Eglise, une mission qui, dans ses vicissitudes, peut se comparer aux voyages de l’apôtre Paul. LES MISSIONNAIRES DANS LE PA C I F I Q U E Dès que les Douze furent revenus de Grande-Bretagne à Nauvoo, le prophète les chargea de diriger l’oeuvre missionnaire de l’Eglise dans le monde entier. Les apôtres devenaient maintenant mûrs pour le rôle qui leur était imparti. Au printemps 1843, quatre hommes furent appelés à porter l’Evangile dans les îles du Pacifique. Deux d’entre eux, Addison Pratt et Benjamin Grouard avaient été marins dans le Pacifique. Noah Rogers et Knowlton Hanks se joignirent à eux. Ces missionnaires, comme les Douze, laissèrent derrière eux leurs épouses et leurs enfants. Ils quittèrent la Nouvelle-Angleterre en octobre 1843 et arrivèrent, le 30 avril 1844, à Tubuai, une île située environ cinq cents kilomètres au sud de Tahiti. Frère Hanks mourut de tuberculose au cours du voyage. Les missionnaires avaient l’intention d’aller jusqu’aux îles Sandwich (Hawaï), mais les insulaires de Tubuai, qui étaient déjà chrétiens et voulaient un pasteur Addison Pratt (1802-72) fut ordonné soixante-dix en 1843 et envoyé avec trois autres hommes dans les îles du Pacifique. Il arriva à Tahiti au printemps 1844 et servit diligemment jusqu’en 1847. Il fit un bref séjour en Utah puis retourna dans le Pacifique où il servit de 1849 à 1852, date à laquelle le gouvernement français bannit les missionnaires. Il se détourna de l’Eglise à son retour et alla en Californie, où il resta jusqu’à sa mort. permanent, supplièrent frère Pratt de rester auprès d’eux. Il envoya donc ses deux compagnons à Tahiti. Pendant sa première année à Tubuai, il convertit et baptisa soixante personnes, le tiers de la population de l’île, entre autres le petit nombre de Blancs qui construisaient des navires et qui se trouvaient dans l’île, sauf un. La supervision des nouveaux membres de l’Eglise devint une responsabilité exigeante, car ils venaient lui demander conseil aussi bien pour les questions temporelles que pour les questions spirituelles. Entre-temps, les progrès à Tahiti et dans d’autres îles étaient beaucoup plus lents. Les représentants de la Société missionnaire de Londres se livraient à des campagnes de mensonges et de harcèlement qui gênèrent l’oeuvre. En entendant de vagues récits de violences contre l’Eglise en Illinois, et craignant pour la sécurité de sa famille, frère Rogers reprit le bateau pour l’Amérique et retourna à Nauvoo en décembre 1845. 240 MISSION DES DOUZE Frère Grouard eut beaucoup de succès sur l’atoll d’Anaa, une petite partie des îles Tuamotu situées à l’est de Tahiti. Il apprit le tahitien et s’adapta rapidement à la culture de l’île. Ses habitants amicaux étaient particulièrement réceptifs à son message; en quatre mois il baptisa trente-cinq personnes. A une conférence de l’Eglise, qui eut lieu le 24 septembre 1846, les frères Pratt et Grouard rassemblèrent les membres de dix branches, qui faisaient un total de huit cent soixante-six personnes. En novembre, frère Pratt partit pour l’Amérique, espérant revenir avec d’autres missionnaires. La mission des Douze aux îles Britanniques, le voyage d’Orson Hyde en Palestine et l’ouverture de l’oeuvre missionnaire dans le Pacifique commençaient à accomplir les révélations données par le Seigneur à Joseph Smith. En 1837, le Seigneur avait promis: «Quiconque tu enverras en mon nom, par la voix de tes frères, les Douze, dûment recommandé et autorisé par toi, aura le pouvoir d’ouvrir la porte de mon royaume à toute nation où tu l’enverras» (D&A 112:21). Par l’intermédiaire des douze apôtres, la parole du Seigneur parvenait maintenant aux nations de la terre. NOTES: 1. Elden Jay Watson, Manuscript History of Brigham Young, 1801-1844, Salt Lake City, Elden Jay Watson, 1968, p. 39. 2. Journaux de Wilford Woodruff, 2 juillet 1839, département d’histoire de l’Eglise, Salt Lake City. 3. Dans Leonard J. Arrington, Brigham Young: American Moses, New York, Alfred A. Knopf, 1985, p. 74. 4. Dans Matthias F. Cowley, éd., Wilford Woodruff, Salt Lake City, Bookcraft, 1964, p. 109. 5. Dans Orson F. Whitney, Life of Heber C. Kimball, troisième édition, Salt Lake City, Bookcraft, 1967, p. 266. 10. Dans Cowley, Wilford Woodruff, p. 118. 11. Dans Journal of Discourses, 15:344. 12. Dans History of the Church, 4:222. 13. Arrington, Brigham Young: American Moses, p. 89. 14. Dans Arrington, Brigham Young: American Moses, p. 94. 15. M. Hamlin Cannon, Migration of English Mormons to America, réimpression, Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours, American Historical Review, avril 1947, pp. 436-55. 16. History of the Church, 4:390-91. 17. Millennial Star, 10 déc. 1864, p. 792. 6. Dans Arrington, Brigham Young: American Moses, p. 77. 18. Dans History of the Church, 4:376; voir aussi 4:106, 109. 7. Parley P. Pratt, éd., Autobiography of Parley P. Pratt, série Classics in Mormon Literature, Salt Lake City, Deseret Book Co., 1985, p. 261. 19. Times and Seasons, 15 janvier 1841, p. 287; voir aussi History of the Church, 4:274. 8. Voir Journaux de Wilford Woodruff, «A synopsis of the travels and labours of W. Woodruff in A.D. 1840», inscription qui suit le 30 décembre 1840. 9. «Elder Woodruff ’s Letter», Times and Seasons, 1er mars 1841, p. 330. 20. A Sketch of the Travels and Ministry of Elder Orson Hyde, Salt Lake City, Deseret News Office, 1869, p. 24. 21. A Sketch of the Travels, p. 20. 22. A Sketch of the Travels, p. 13. 23. Dans History of the Church, 4:456-57; voir aussi A Sketch of the Travels, pp. 20-21. 241 CHAPITRE DIX-NEUF VIE Ligne du temps Date Evénement important 15 janv. 1841 La Première Présidence publie une proclamation exhortant tous les saints «dispersés au dehors» à se rassembler à Nauvoo 19 janv. 1841 Une révélation (maintenant D&A 124) décrit l’oeuvre qui doit être accomplie à Nauvoo 6 avr. 1841 Pose des pierres angulaires du temple de Nauvoo 16 août 1841 Joseph Smith donne aux Douze de nouvelles responsabilités dans la direction générale de l’Eglise 2 oct. 1841 Pose des pierres angulaires de la Nauvoo House 17 mars 1842 Fondation de la Société de Secours À NAUVOO LA BELLE A L’AUBE DE 1841, c’était le bonheur et l’excitation à Nauvoo. Des nouvelles arrivaient d’Angleterre, rendant compte de l’immense succès missionnaire des douze apôtres. Les persécutions, dont les membres de l’Eglise avaient souffert depuis sa fondation en 1830, étaient à ce moment virtuellement inexistantes. En outre, les saints voyaient leur protection assurée par la légalisation de la charte de la ville de Nauvoo par le corps législatif de l’Etat en décembre 1840. APPEL DU SEIGNEUR À BÂTIR UNE VILLE Le 15 janvier 1841, la Première Présidence publia une proclamation aux saints «dispersés dans le monde entier», expliquant et exprimant son appréciation de la charte de Nauvoo. La proclamation exprima aussi sa reconnaissance aux honorables citoyens de l’Illinois, particulièrement à ceux de Quincy, qui, «comme le bon Samaritain, ont versé de l’huile sur les plaies [des saints] et ont généreusement contribué à ce dont ils avaient besoin». La Première Présidence lança aussi le mot d’ordre: «Que les frères qui aiment la prospérité de Sion, qui sont vivement désireux de voir ses pieux fortifiés et ses cordes allongées, préférant sa prospérité au ‹principal sujet de leur joie›, viennent partager notre sort et se livrent joyeusement à une oeuvre aussi glorieuse et aussi sublime, et disent avec Néhémie: ‹Nous, ses serviteurs, nous nous lèverons et nous bâtirons.›» Elle promit que «par une action concertée et un effort uni», les saints verraient leurs intérêts temporels et spirituels s’améliorer car les bénédictions du ciel se déverseraient sur le peuple de Dieu1. Le 19 janvier, le prophète reçut une longue révélation décrivant le développement de Nauvoo comme «pierre angulaire de Sion qui sera polie du raffinement qui est à la similitude d’un palais» (D&A 124:2). Le Seigneur commanda à Joseph Smith et aux saints de faire beaucoup de choses à Nauvoo pour l’avancement de son royaume. Ils devaient publier une proclamation aux rois du monde, au président des Etats-Unis et aux gouverneurs des divers Etats, construire un hôtel, qui serait appelé la Nauvoo House, pour recevoir les étrangers qui viendraient dans la ville pour se renseigner sur les saints, construire un temple où le Seigneur révélerait des ordonnances sacrées à son peuple, ordonner Hyrum Smith patriarche de l’Eglise pour remplacer Joseph Smith, père, qui était décédé, appeler William Law comme deuxième conseiller dans la Première Présidence, organiser le pieu de Nauvoo avec une présidence et un grand conseil et mettre en ordre chacun des collèges de la prêtrise. 242 VIE À NAUVOO LA BELLE Plusieurs tentatives furent faites d’écrire une proclamation conformément au commandement du Seigneur dans D&A 124, mais d’autres exigences et difficultés en empêchèrent la réalisation. Les instructions furent exécutées par le Collège des douze apôtres, et la proclamation fut publiée en avril 1845 par Parley P. Pratt. La proclamation traitait des préparatifs à faire pour la seconde venue du Seigneur. Les Douze témoignaient que: (1) Le royaume de Dieu était venu accompagné de la révélation et de l’autorité de la prêtrise. (2) Le Seigneur a commandé aux gouvernants et aux citoyens des nations de se repentir et d’accepter le baptême. (3) On reçoit beaucoup de bénédictions quand on a le don du Saint-Esprit. (4) Les Indiens américains, reste de tribus d’Israël, allaient bientôt être rassemblés et civilisés et allaient recevoir l’Evangile. (5) La nouvelle Jérusalem serait construite en Amérique. (6) Les Juifs recevraient du Seigneur le commandement de retourner à Jérusalem reconstruire la ville et le temple et créer leur propre gouvernement. (7) Les dirigeants des Gentils devaient user de leurs moyens matériels pour aider à atteindre ces objectifs. (8) Une grande oeuvre était à faire, oeuvre qui comprenait une invitation à tous à apporter leur aide et l’avertissement qu’avec la progression de l’oeuvre personne ne pourrait rester neutre à l’égard du royaume. (9) La polarisation allait aboutir à Harmaguédon. Les Douze terminaient par une invitation aux gouvernants et aux citoyens de l’Amérique de cesser de gêner les saints dans leur oeuvre, promettant que s’ils les aidaient, les grandes bénédictions nationales dont ils avaient bénéficié jusqu’alors continueraient. En octobre 1975, Ezra Taft Benson, alors président du Collège des Douze, a énuméré et réitéré ces invitations, ces prédictions et ces avertissements en conférence générale. De tous ces projets, c’était la construction du temple qui était le plus important. C’était une des raisons principales du rassemblement. Le temple de Kirtland, le premier qui a été construit dans notre dispensation, était inaccessible. Trois autres temples étaient projetés au Missouri: Independence, Far West et Adam-ondiAhman, mais les persécutions et la violence avaient empêché leur construction. Le Seigneur les libérait donc de cette responsabilité: «Lorsque je donne le commandement à n’importe lesquels des fils des hommes de faire une oeuvre en mon nom, et que ces fils des hommes mettent toutes leurs forces et tout ce qu’ils ont à accomplir cette oeuvre et ne cessent d’être diligents, si leurs ennemis les assaillent et les empêchent d’accomplir cette oeuvre, voici, il me convient de ne plus la requérir de la part de ces fils des hommes» (D&A 124:49). A Nauvoo, les saints durent recommencer. La Première Présidence, dans sa proclamation aux saints, dit aussi que de grands efforts seraient requis d’eux et qu’ils seraient, eux, l’Eglise, rejetés par le Seigneur s’ils n’accomplissaient pas la tâche (voir D&A 124:32). La Présidence écrivit: «C’est pourquoi, que ceux qui peuvent faire un sacrifice généreux de leur temps, de leurs talents et de leurs biens, pour la prospérité du royaume et pour l’amour qu’ils ont de la cause de la vérité, disent adieu à leurs maisons et à leurs agréables lieux de résidence, et s’unissent à nous dans la grande oeuvre des derniers jours2.» En février, les premières élections eurent lieu dans la ville. John C. Bennett fut élu maire, et Joseph Smith et d’autres dirigeants de l’Eglise furent élus échevins et conseillers municipaux. Immédiatement le nouveau gouvernement fonda l’université de Nauvoo et la Légion de Nauvoo, avec Joseph Smith comme général de corps d’armée, conformément aux dispositions de la charte de Nauvoo. En mars, Joseph Smith reçut une autre révélation: «Ceux qui se donnent mon nom et essaient d’être mes saints . . . qu’ils se rassemblent dans les endroits que je leur désignerai par mon serviteur Joseph et bâtissent des villes à mon nom, afin qu’ils soient préparés pour ce qui est en réserve pour un temps à venir» (D&A 125:2). La première ville autre que Nauvoo à être construite le fut du côté du fleuve situé en Iowa. Le pieu de l’endroit devait être appelé Zarahemla, du nom de la célèbre ville du Livre de Mormon. Plusieurs petits pieux furent formés en dehors de Nauvoo au cours de la première partie de la période de Nauvoo. CONSTRUCTION DE LA BELLE VILLE Les premières maisons de Nauvoo étaient des huttes, des tentes et quelques bâtiments précédemment abandonnés. Les premiers édifices construits par les saints furent des cabanes de rondins comme on en faisait le long de la frontière. Lorsque le temps et l’argent le permirent, on érigea des maisons de bois et plus tard encore des maisons plus solides en briques. La construction devint rapidement une des principales industries de Nauvoo et employa des centaines d’artisans. Nauvoo disposait de plusieurs briqueteries pour fournir suffisamment de briques pour les maisons et les bâtiments publics. Pour embellir leurs maisons et leur environnement, les saints furent invités à planter et à cultiver des arbres fruitiers et ombrageux, des vignes et des buissons sur leurs grands terrains. 243 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Le temple de Nauvoo fut le premier temple envisagé par la jeune Eglise et le deuxième à être construit (les temples d’Independence, de Far West et d’Adam-ondi-Ahman, au Missouri, ne furent pas construits). Le plan et le but en furent révélés à Joseph Smith, le prophète. William Weeks en fut l’architecte. La construction prit plus de cinq ans (de janvier 1841 à mai 1846) et requit les efforts de beaucoup d’artisans qui, à cause du manque de capitaux, soit faisaient don de leur main-d’oeuvre comme dîme ou étaient payés en nourriture, en vêtements, en mobilier et par d’autres dons des saints. Voici quelques dates importantes de l’histoire du temple de Nauvoo: 19 janv. 1841 Révélation commandant la construction du temple (D&A 124). 6 avr. 1841 Pose des pierres angulaires. 8 nov. 1841 Consécration des salles de sous-sol et des fonts baptismaux. 21 nov. 1841 Accomplissement des premiers baptêmes. 5 oct. 1845 Organisation d’une conférence générale dans la salle d’assemblée du temple. 10 déc. 1845- Les dotations sont données. 7 févr. 1846 8 févr. 1846 Brigham Young consacre le bâtiment sans cérémonie avant de partir pour l’Ouest. 30 avr. 1846 Consécration privée du temple; Joseph Young, premier président des soixante-dix, fait la prière de consécration. 1er mai 1846 Prière de consécration officielle du temple de Nauvoo par Orson Hyde. 9 oct. 1848 Un incendie met le feu à l’intérieur du temple. 27 mai 1850 Une tornade démolit trois des murs extérieurs. 1856 Le dernier mur restant est rasé pour des raisons de sécurité. De tous les projets lancés sous la direction du prophète à Nauvoo, celui qui suscita le plus d’enthousiasme chez les saints des derniers jours fut le temple. Les espoirs des saints étaient centrés sur le temple. Sa construction domina les activités de Nauvoo pendant cinq ans. A la conférence générale d’octobre 1840, Joseph Smith parla de la nécessité de construire un temple. Reynolds Cahoon, Alpheus Cutler et Elias Higbee, trois frères qui avaient travaillé à la construction du temple de Kirtland, furent désignés pour constituer le comité responsable de la construction. Les plans de l’architecte William Weeks furent approuvés par Joseph Smith, qui dorénavant accorda une attention soigneuse aux détails de la construction et de l’architecture. Immédiatement des ouvriers commencèrent à creuser les fondations du temple. On ouvrit une carrière de pierres aux abords de la ville et on l’exploita d’une manière presque continue. On coupa grossièrement de gros blocs de pierres calcaires d’un diamètre d’un mètre vingt à un mètre quatre-vingts, que l’on polissait plus tard sur le chantier du temple. Le 6 avril 1841, Joseph Smith présida à la pose des pierres angulaires du temple. Le temple fut essentiellement construit par des dons en main-d’oeuvre. En février, Nauvoo fut divisée en wards à des fins politiques et aussi pour mieux organiser la main d’oeuvre. Dans l’Amérique du dix-neuvième siècle, ward était le terme utilisé pour désigner une subdivision politique. Chaque ward se voyait confier un jour particulier pour travailler au temple. La plupart des hommes valides de Nauvoo fournissaient de la main-d’oeuvre soit dans la carrière, soit sur le chantier du temple, faisant souvent don d’un jour sur dix comme dîme en 244 VIE À NAUVOO LA BELLE Outre le baptistère dans le sous-sol, le temple de Nauvoo comportait deux grandes salles d’assemblée au premier et au deuxième étages avec des bureaux à l’entresol de part et d’autre de l’arche centrale. Les salles d’assemblée comportaient une série de chaires à chaque extrémité ressemblant à celles du temple de Kirtland. Des bancs réversibles permettaient aux fidèles de se tourner dans un sens ou dans l’autre en fonction du but de la réunion. On en tenait souvent. L’étage mansardé était consacré aux bureaux ainsi qu’aux salles d’habillage et d’ordonnances. Le bâtiment avait 39 mètres de long, 27 mètres de large et 18 mètres du niveau du sol au toit. La tour dépassait les avant-toits de 30 m. Il était essentiellement construit de pierres calcaires grises provenant de plusieurs carrières du voisinage. Parmi ses caractéristiques propres, il y avait les pierres de soleil, de lune et d’étoiles qui décoraient les trente pilastres et la frise. travail. Les femmes faisaient leur part en cousant des vêtements et en préparant les repas des ouvriers. Des dons en argent furent demandés à tous les saints des derniers jours. Chaque membre était censé fournir le dixième de tout ce qu’il possédait au commencement de la construction et le dixième de tout accroissement à partir de ce moment-là jusqu’à son achèvement. Les donateurs et le montant de leurs dons étaient inscrits dans un livre spécial appelé Livre de la loi du Seigneur. Le bois pour l’intérieur et la toiture du bâtiment, ainsi que pour la Nauvoo House, fut amené des forêts du Wisconsin via la Black River, affluent du Mississippi. Un important effectif de frères, dirigé par l’évêque George Miller, se rendit dans les pinèdes et abattit, découpa et fit descendre par flottage des centaines de mètres carrés de bois jusqu’à Nauvoo. Le prophète considérait la construction de l’hôtel de la Nauvoo House comme presque aussi urgente que celle du temple. Il y voyait un moyen de permettre aux saints de recevoir et d’instruire de la vérité «des personnalités riches et influentes3». La pierre angulaire du bâtiment fut posée le 2 octobre 1841, et plusieurs documents précieux, dont le manuscrit originel du Livre de Mormon, y furent déposés. Les frères étaient constamment encouragés en chaire à travailler à l’hôtel; mais les travaux avancèrent lentement parce que les moyens et la maind’oeuvre étaient maigres. En mars 1844, Joseph Smith remit à plus tard les travaux de l’hôtel afin d’avancer ceux du temple. Avec la croissance rapide de la ville, la nécessité d’autres bâtiments publics se fit davantage sentir. Le magasin en briques rouges fut construit comme bureau pour Joseph Smith et la Première Présidence et comme magasin pour aider le prophète à entretenir sa famille. La salle maçonnique, bâtiment de deux étages, également appelée salle culturelle, était utilisée pour les pièces de théâtre, les concerts, les cérémonies maçonniques, les réunions politiques, les expositions d’art, les funérailles, les banquets et les sessions du tribunal. Les réunions religieuses, militaires et de police avaient également lieu dans cet impressionnant édifice. La salle des soixante-dix fut commencée à l’automne 1843 et fut prête pour la consécration un an plus tard. Ce bâtiment à un étage était l’endroit où les soixantedix, qui étaient la force missionnaire de l’Eglise, pouvaient se réunir pour être formés. Le rez-de-chaussée était rempli de beaux bancs fermés et d’une chaire; le premier étage contenait un bureau, un petit musée et une bibliothèque de 675 volumes. GOUVERNEMENT DE LA VILLE DE NAUVOO La croissance de Nauvoo fut immensément facilitée par les dispositions libérales de la charte municipale. Le conseil municipal créa une force de police disciplinée et édicta des ordonnances pour une gestion efficace de la ville. Des lois furent fixées pour garantir le droit d’association et la liberté de culte aux représentants de toutes les confessions religieuses. Le conseil mit à exécution des projets pour drainer les marécages et mettre sur pied un programme de travaux publics afin de créer des emplois et de promouvoir la construction de maisons, d’hôtels, de 245 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS magasins et d’autres bâtiments. Il promulgua aussi une ordonnance interdisant la lac k Ri ver vente d’alcool dans la ville et fixa les lois du contrôle des manifestations publiques afin d’éviter toute démonstration immorale ou obscène. Black River Falls B La création de la Légion de Nauvoo et de la milice municipale eut une grande La Crosse importance. Etant donné les expériences douloureuses qu’ils avaient subies au Wisconsin Lac Michigan Missouri, les saints des derniers jours, on le comprend, se méfiaient des milices d’Etat. Bien qu’elle fît théoriquement partie de la milice de l’Etat de l’Illinois et qu’elle fût techniquement sous la direction du gouverneur, la légion fonctionnait Mi légalement (selon la charte) sous direction locale. Elle fixait ses propres règles et ss iss ip gérait elle-même ses affaires internes et ce qui avait trait à son organisation. La pi Iowa milice était constituée des hommes valides de dix-huit à quarante-cinq ans. Elle était organisée en deux cohortes, ou brigades, une d’infanterie et l’autre de Illinois Nauvoo Pendant la période de Nauvoo, les saints des derniers jours apportèrent le bois pour la Mansion House, l’intérieur du temple et d’autres bâtiments des pinèdes du Wisconsin à Black River Falls et dans le voisinage. L’exploitation y commença en 1841. Les petites colonies mormones de Mormon Coulee et St-Joseph étaient situées juste au sud-est de La Crosse. On acheta une scierie à Melrose, entre Black River Falls et La Crosse, et plus tard une autre vingt-cinq kilomètres plus près des lieux d’abattage. Les troncs étaient coupés sur les rives de la Black River et de ses affluents et étaient transportés par flottage jusqu’aux scieries. Une partie du bois était vendue sur le marché public, mais la plus grosse partie était chargée sur des radeaux et transportée par flottage plus de huit cents kilomètres plus loin sur le Mississippi jusqu’à Nauvoo. 150 hommes environ travaillèrent dans les forêts pendant le printemps et l’été 1842. Le premier radeau portant 112 stères de sapin arriva en mai 1842. En 1843, plus de 1350 stères, constitués de bois dégrossis, de bardeaux et de planches pour granges, furent coupés. Les travaux d’exploitation pendant l’été 1844 furent gênés par les problèmes financiers, les querelles avec les Indiens concernant la possession des terres et la mort de Joseph Smith. Néanmoins, deux radeaux faisant un total de 350 stères furent envoyés cette année-là à Nauvoo. cavalerie. Chaque cohorte était commandée par un général de brigade, et le tout était sous le commandement de Joseph Smith, général de corps d’armée. A son apogée, la Légion de Nauvoo comptait trois mille hommes. Les parades et les démonstrations militaires mises sur pied par la légion attirèrent considérablement l’attention dans tout l’ouest de l’Illinois. Un saint des derniers jours écrit: «Parmi les moments les plus impressionnants de ma vie, je dois citer celui où j’ai vu la ‹Légion de Nauvoo› parader avec le prophète, qui était alors le général Joseph Smith, ainsi que sa femme, Emma Hale Smith, à cheval à la tête des troupes. C’était vraiment un spectacle imposant, un spectacle que je me rappellerai toujours. Lui si blond et elle si brune, dans leur beau costume de cavalerie . . . Il portait également une épée au côté. Son cheval préféré, un grand étalon noir, était appelé Charlie4.» CROISSANCE ÉCONOMIQUE DE NAUVOO Comme dans les autres villes américaines de l’époque, l’agriculture était la principale entreprise économique de Nauvoo et des localités de saints des deniers jours environnantes. La plupart des familles qui avaient quarante ares de biens dans la ville, entretenaient un jardin avec des arbres fruitiers, des vignes et des légumes. Les saints les plus pauvres cultivaient ou jardinaient dans le «grand champ», ferme communautaire située aux abords de la ville. L’association du grand champ décidait des semis à faire et de la superficie à cultiver. D’autres fermiers extérieurs de la ville ou dans les localités éloignées telles que Ramus, Lima ou Yelrome, semaient du blé, du seigle, de l’orge et des pommes de terre et élevaient du bétail, des moutons et des porcs. Avec l’afflux rapide d’émigrants vivement désireux de construire des maisons, de cultiver la terre, de monter un commerce ou de pratiquer leur artisanat, Nauvoo devint rapidement une localité animée et productrice. Cela faisait un contraste frappant avec le reste de l’Illinois, qui souffrait de dépression économique. A Nauvoo, il y avait beaucoup de petits magasins et d’usines: des scieries, plusieurs briqueteries, un four à chaux, une fabrique d’outils, des imprimeries, des moulins à blé, des boulangeries, des ateliers de confection, des forges, des cordonneries, un atelier de menuiserie et des ébénisteries. Ces ateliers 246 La construction de la Nauvoo House, hôtel appartenant à l’Eglise, sur la rive du Mississippi à Nauvoo, fut commandée par le Seigneur dans Doctrine et Alliances 124. Lorsque la pierre angulaire fut posée le 2 octobre 1841, Joseph Smith y déposa le manuscrit originel du Livre de Mormon. Pendant un certain temps, les travaux avancèrent rapidement, mais à cause des tensions provoquées par le sentiment antimormon, les efforts de construction se concentrèrent sur le temple, et la Nauvoo House ne fut jamais terminée. Après le martyre, les corps de Joseph et de Hyrum furent temporairement ensevelis dans le sous-sol de la Nauvoo House. Louis Bidamon, deuxième mari d’Emma Smith, construisit une maison sur une partie des fondations. En 1882, il trouva et ouvrit la pierre angulaire. Une grande partie du manuscrit du Livre de Mormon était gravement détériorée. Au cours des années, il en donna des parties aux visiteurs qui se rendaient à Nauvoo. L’Eglise possède maintenant plus de 140 pages du manuscrit originel. Publié avec la permission de l'Eglise de JésusChrist des Saints des Derniers Jours réorganisée VIE À NAUVOO LA BELLE poussaient partout, n’importe où dans la ville, étant donné qu’il n’y avait pas de lois d’urbanisme. Les artisans de Nauvoo fabriquaient des allumettes, des articles de cuir, de la ficelle et de la corde, des gants, des bonnets, de la poterie, des bijoux et des montres. Comme les artisans des autres localités américaines, les ouvriers de Nauvoo se regroupaient souvent selon leur métier pour fixer les prix et les règles et fixer la déontologie de leur profession. Dix-huit associations de ce genre au moins apparurent à Nauvoo, dont entre autres l’importante Association du logement de Nauvoo, l’Association botanique, l’Association des fabricants de chariots et de charrettes, les tailleurs, les potiers, les maçons et finalement la prospère Association d’agriculture et de manufacture. Etant donné que la terre et les bâtiments étaient les biens principaux de Nauvoo, l’achat, la vente et les échanges étaient devenus un des principaux commerces de la ville. Pendant ses deux premières années à Nauvoo, le prophète, en sa qualité de trésorier et plus tard de fidéicommissaire de l’Eglise, s’occupa beaucoup de transactions immobilières. Etant donné que les membres de l’Eglise n’avaient quasiment pas d’argent, ils se procuraient souvent des terres en échange de titres de propriété de biens qu’ils possédaient au Missouri ou en Ohio. Finalement des investisseurs privés vendirent et échangèrent des terrains avec les nouveaux arrivants, particulièrement sur les falaises à l’est de la ville où le temple était en cours de construction. Etant donné que l’Eglise possédait la plupart des terres basses, les dirigeants encouragèrent les saints à y acheter des lots et à y ouvrir leurs commerces pour que l’Eglise puisse être débarrassée du terrain et payer ses dettes. Certains propriétaires terriens des falaises accusèrent l’Eglise de concurrence déloyale et prétendirent qu’il était plus sain d’habiter sur les hauteurs. Peu à peu les germes de la jalousie concernant ces problèmes et d’autres amenèrent certains membres de l’Eglise à apostasier. 247 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS L’ I N S T R U C T I O N ET LA SOCIÉTÉ À NAUVOO L’intérêt pour l’instruction qui s’était manifesté à Kirtland s’intensifia à Nauvoo. Des écoles privées précédèrent les efforts publics plus importants qui découlèrent de l’application de la charte de Nauvoo. Quatre-vingt-une personnes au moins, quarante-huit hommes et trente-trois femmes, gagnèrent partiellement leur vie en Publié avec la permission de la Utah State Historical Society enseignant à Nauvoo. Plus de dix-huit cents élèves furent inscrits à l’école. L’année scolaire était répartie en trimestres. Eli B. Kelsey dirigea la plus grande école publique, qui comptait plus de cent élèves, et y enseigna. Le prix à payer pour aller à l’école à Nauvoo allait de 1,50 à 3 dollars par trimestre, et certains des écoliers payaient leur inscription avec ce qu’ils produisaient5. Le point culminant du système d’enseignement de Nauvoo était l’université de la ville de Nauvoo. Mais parce que d’autres bâtiments avaient la priorité, on ne construisit jamais de campus. Les classes universitaires se retrouvaient dans des maisons privées et des bâtiments publics. Le personnel enseignant se composait de Parley P. Pratt, professeur d’anglais, de mathématiques et de sciences, Orson Orson Spencer (1802-55) naquit au Massachussetts. Il était extrêmement instruit pour son époque, ayant obtenu son diplôme au Union College à Schenectady (New York) en 1824. Après avoir enseigné brièvement et étudié le droit, il accorda son attention à la religion et, en 1829, obtint un diplôme à un séminaire de théologie de Hamilton (New York). Il fut pasteur pendant douze ans avant d’accepter l’Evangile rétabli en 1841. Pendant l’exode de Nauvoo, sa femme mourut, lui laissant six enfants de moins de treize ans. En 1847, au milieu de ces épreuves, il fut appelé à être président de mission en Angleterre. Il y servit pendant deux ans et publia aussi le Millennial Star. En 1850, il fut nommé chancelier de l’université de Deseret en Utah, qui venait d’être fondée. Il fut membre du corps législatif territorial et fit plus tard plusieurs missions, notamment une en Prusse et une autre auprès des Indiens Cherokee. Pratt, professeur de littérature anglaise et de mathématiques, Orson Spencer, professeur de langues étrangères, Sidney Rigdon, professeur d’histoire de l’Eglise et Gustavus Hill, professeur de musique. Orson Pratt était le professeur qui connaissait le plus de succès. Il proposait des cours d’arithmétique, d’algèbre, de géométrie, de trigonométrie, d’arpentage, de navigation, de géométrie analytique, de calcul infinitésimal, de philosophie, d’astronomie et de chimie. Du fait que les horaires étaient irréguliers et que l’on ne disposait pas d’un personnel enseignant à plein temps ni d’un campus, l’université n’était qu’à ses débuts lorsque les saints furent obligés de quitter l’Illinois. Néanmoins, un précédent important avait été créé, qui allait amener l’Eglise à s’impliquer dans l’enseignement supérieur à une époque future. Beaucoup de saints de Nauvoo obtinrent leur instruction grâce à des conférences et à des débats publics. Beaucoup de conférenciers itinérants parlèrent à Nauvoo sur des sujets aussi divers que la phrénologie (pseudo-science de la détermination de la personnalité d’après la forme du crâne) et la géologie. Le lycée de Nauvoo organisait régulièrement des débats sur les thèmes du jour. Les saints créèrent aussi un musée avec les dons des missionnaires et d’autres voyageurs. Addison Pratt fut le premier à faire des dons. Parmi les objets qu’il offrit, il y avait une dent de baleine, du corail et une mâchoire de marsouin6. La source principale d’informations à Nauvoo était le journal. Les saints avaient publié des journaux au Missouri et en Ohio. Pendant le siège au Missouri, les dirigeants de l’Eglise enterrèrent la presse d’imprimerie utilisée pour l’Elders’ Journal. On la récupéra en 1839 pour la transporter à Nauvoo où elle fut utilisée pour imprimer le Times and Seasons à partir de novembre de cette année-là. En tant que publication officielle de l’Eglise, le Times and Seasons était soigneusement contrôlé et supervisé par le prophète. Pendant sa brève histoire, le Times and Seasons publia des points de doctrine et des déclarations de politique importants, entre autres des parties de l’histoire officielle de Joseph Smith, des parties du livre de Moïse et du livre d’Abraham, qui 248 VIE À NAUVOO LA BELLE furent tous inclus ultérieurement dans la Perle de Grand Prix. Le journal contenait aussi les discours de conférence, les circulaires du Conseil des douze apôtres, les procès-verbaux de réunions importantes dans l’Eglise, la réimpression d’articles d’autres journaux et le discours sur King Follett. Il y eut des dizaines d’articles sur le Livre de Mormon, notamment des articles concernant les preuves archéologiques et des études sur les localisations. Nauvoo avait aussi un hebdomadaire non religieux consacré à l’agriculture, aux affaires, aux sciences, aux arts et aux événements locaux. Lors de sa première parution, en avril 1842, il s’appelait le Wasp [la Guêpe], mais le nom fut plus tard changé en Nauvoo Neighbor. Il était imprimé sur la même presse que le Times and Seasons et était édité par William Smith, frère du prophète. Plus tard, John Taylor se vit confier la responsabilité de la rédaction. Les résidents de Nauvoo, comme les autres Américains, avaient du temps pour les activités récréatives et aimaient s’y livrer. Ils allaient au théâtre (dans la salle culturelle), à des conférences, au bal ou au cours de danse, chantaient dans l’un des trois choeurs, se produisaient dans l’une des trois fanfares, jouaient aux boules, au ballon, tiraient au bâton, faisaient de la lutte et regardaient les feux de Au cours de la période de Nauvoo, les saints furent tenus informés des nouvelles locales ainsi que des nouvelles au niveau de l’Etat et du pays dans les colonnes de trois journaux. Le Times and Seasons s’occupait principalement de questions d’Eglise, tandis que William, frère du prophète, était rédacteur du Wasp, journal plus profane, qui défendait la cause des saints. Plus tard, le Nauvoo Neighbor remplaça le Wasp. prairie. Joseph Smith aimait particulièrement tirer au bâton et lutter et était généralement considéré comme un des meilleurs à ces deux jeux. D’autres passetemps à la fois pratiques et récréatifs, qui avaient beaucoup de succès, étaient les réunions de groupe pour couper du bois et faire des couvertures piquées, la construction coopérative de granges et de maisons, la pêche, la cueillette de baies sauvages, le tressage et le tissage. La mort et la maladie continuèrent à affliger Nauvoo même après que les marécages eurent été drainés et que les fièvres eurent diminué. Près de la moitié des morts signalés à Nauvoo se comptaient parmi les enfants de moins de dix ans. La mort touchait souvent la même famille plus d’une fois, emportant parfois le père et la mère. Les maladies qui attaquaient et souvent tuaient les saints étaient la diarrhée, les ulcères, la rougeole, les oreillons, la coqueluche, la dysenterie, la tuberculose et la diphtérie. Les lettres adressées aux proches parlaient souvent de maladie, de mort et de souffrance. Ecrivant à John Taylor, son mari, pendant qu’il était encore en mission en Angleterre, Leonora Taylor dit: «Depuis ton départ, cet endroit est affligé par la maladie. Presque chaque personne dans chaque famille est malade; George [fils de John Taylor] s’est remis de sa fièvre mais il a une petite inflammation au bord de la pupille qui m’a causé beaucoup d’anxiété7.» En 1842, Bathsheba Smith écrit ce La salle culturelle fut consacrée en 1844. Sorte de bâtiment public, elle était le lieu où avaient lieu les productions musicales et théâtrales et d’autres activités culturelles; c’était aussi le lieu de réunion du conseil municipal et d’autres groupes. Elle était également utilisée par la loge maçonnique de Nauvoo. A l’origine, c’était un bâtiment de deux étages, mais le deuxième fut supprimé quelque temps après 1880. Depuis son acquisition en 1962, l’Eglise a restauré le bâtiment, y compris le deuxième étage. qui suit à George A. Smith, son mari missionnaire, à propos de leur fils: «George Albert a été malade samedi et dimanche derniers. Il a eu beaucoup de fièvre. J’étais très inquiète à son sujet. Je craignais qu’il ne contracte les fièvres. Je l’ai emmené aux fonts baptismaux et l’ai fait baptiser et depuis lors il n’a plus de fièvre. Il va presque bien maintenant8.» Les lettres de Nauvoo ne traitaient pas exclusivement des maladies, de la mort et de la souffrance. Parmi les nombreux autres sujets, on peut citer les manifestations publiques, les travaux de jardinage et les événements courants dans l’Eglise. Le 249 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS sentiment de solitude que confesse Bathsheba Smith loin de son bien-aimé George A. est un bon exemple des manifestations fréquentes d’affection que l’on retrouvait dans presque toutes les lettres: «Je serais heureuse de passer cet après-midi avec toi. Il me semble que je ne pourrais pas souhaiter avoir plus de plaisir que d’être assise au son de ta riche et belle voix et de t’entendre exposer les riches trésors de ton esprit. Même le bruit de tes pas serait de la musique à mes oreilles9.» EXTENSION D E L’ O R G A N I S AT I O N D E L’E G L I S E Avec les milliers de saints qui s’assemblaient à Nauvoo et dans les localités avoisinantes, de nouveaux besoins en organisation apparaissaient. Nauvoo, Iowa (Zarahemla) et Ramus (Illinois), les trois grands pieux de la région, furent pourvus d’une organisation constituée d’une présidence et d’un grand conseil. En outre, les pieux d’Iowa et de Ramus eurent un évêque pour superviser l’entretien des pauvres et veiller à d’autres besoins essentiels d’entraide. A Nauvoo, trois évêques furent chargés au début de s’occuper des nécessiteux dans les trois wards municipaux de la localité. Dès août 1842, l’afflux rapide d’immigrants obligea à restructurer la ville en dix wards, avec trois wards supplémentaires dans la banlieue. Pour subvenir aux besoins des arrivants, des évêques furent désignés pour chaque ward. Il n’y avait pas d’organisation ecclésiastique de ces wards et l’idée d’en faire des paroisses n’existait pas. Les réunions du dimanche et les collèges de la prêtrise fonctionnaient au niveau du pieu ou au niveau supérieur de l’Eglise. Les collèges de la prêtrise furent reconstitués à Nauvoo. Il y avait un collège d’anciens, dont John A. Hicks était président. Le collège des grands prêtres était sous la présidence de Don Carlos Smith. Les trois collèges de soixante-dix, organisés avant Nauvoo, étaient avant tout conçus pour constituer un réservoir de missionnaires. Les soixante-dix furent donc le plus vaste groupe de détenteurs de la Prêtrise de Melchisédek au cours de la période de Nauvoo. Comme tels, ils construisirent leur propre bâtiment, l’impressionnant Seventies Hall, dans Parley Street, et participèrent activement aux entreprises missionnaires et éducatives. Plusieurs autres collèges de soixante-dix furent organisés après la mort du prophète. Quand les apôtres revinrent de leur mission en Grande-Bretagne, Joseph Smith Assiette représentant la réunion au cours de laquelle la Société de Secours fut organisée. Les femmes de l’Eglise commencèrent à Kirtland en s’unissant pour faire les voiles du temple de Kirtland; elles s’attirèrent les louanges de Joseph Smith parce qu’elles étaient les premières dans les bonnes oeuvres. L’après-midi du jeudi 17 mars 1842, à Nauvoo, le prophète, en compagnie de John Taylor et de Willard Richards, organisa officiellement les dix-huit femmes présentes en une société. Il dit: «L’Eglise n’a jamais été parfaitement organisée avant que les femmes ne soient ainsi organisées11.” Emma Smith fut appelée à être la première présidente, avec Sarah M. Cleveland et Elizabeth Ann Whitney comme conseillères et Eliza R. Snow comme secrétaire. leur confia des responsabilités supplémentaires dans la structure de l’organisation de l’Eglise. Lors d’une conférence exceptionnelle, qui se tint le 16 août 1841, le prophète annonça que les Douze devaient rester au pays, où ils pourraient entretenir leur famille, soulager la Première Présidence de certains devoirs financiers et vaquer aux besoins des nombreux immigrants. Joseph dit que, bien qu’ils dussent continuer à diriger l’oeuvre missionnaire, «le moment était venu où les Douze devaient être appelés à prendre leur place aux côtés de la Première Présidence10». Précédemment les Douze avaient fonctionné comme grand conseil voyageur et n’exerçaient aucune juridiction là où il y avait des pieux organisés ayant leur propre grand conseil. Par conséquent, dans l’esprit de beaucoup, le grand conseil était souvent le rival des Douze en autorité. Mais maintenant les Douze devenaient des Autorités générales supervisant les pieux aussi bien que les missions. Au moment où il fut martyrisé, le prophète avait formé les douze apôtres 250 VIE À NAUVOO LA BELLE et leur avait confié les clefs du royaume, de sorte qu’ils étaient pleinement capables de reprendre en main la direction de l’Eglise. Pendant la période de Nauvoo, les femmes de l’Eglise eurent la bénédiction de voir créer une nouvelle organisation de l’Eglise. Elle débuta lorsque plusieurs femmes, dirigées par Sarah M. Kimball, s’organisèrent pour faire des chemises pour les hommes qui travaillaient à la construction du temple. Elles rédigèrent un plan d’organisation caractéristique des groupes de femmes de l’époque, mais lorsque Joseph Smith fut consulté, il proposa d’organiser les femmes selon le même modèle que la prêtrise. Sous sa direction et à une réunion de dix-huit femmes, la Société de Secours des femmes de Nauvoo fut organisée le 17 mars 1842. Emma Smith fut choisie pour en être la présidente, accomplissant ainsi, selon Joseph, une précédente révélation disant d’elle qu’elle était une «dame élue» (D&A 25:3). Le but de l’organisation était «le soulagement des pauvres, des démunis, de la veuve et de l’orphelin et l’exercice de toutes les activités charitables12». Le 28 avril, le prophète donna aux soeurs d’autres conseils et leur fit d’autres Page de titre du livre de procès-verbaux de la première Société de Secours, intitulé Livre de rapports contenant les activités de la Société de Secours des femmes de Nauvoo, et contenant une note «convient pour la société» tirée d’un bout de papier trouvé dans une vieille Bible dans la pièce. La note dit: «O Seigneur! Aide nos veuves et nos enfants orphelins! Ainsi soit-il. Amen. Défends-les avec l’épée et la parole de la vérité. Ainsi soit-il. Amen.» promesses. Il leur recommanda de traiter leurs maris «avec douceur et affection» et de les aborder avec «le sourire plutôt qu’avec une querelle ou un murmure», leur rappelant que quand un esprit est dans le désespoir il a besoin «de consolation, d’affection et de gentillesse». Après avoir promis qu’elles recevraient des instructions appropriées par l’intermédiaire de l’ordre de la prêtrise, il dit: «Je tourne maintenant la clef en votre faveur au nom du Seigneur, et cette société se réjouira, et la connaissance et l’intelligence s’écouleront dorénavant; c’est le commencement de jours meilleurs pour les pauvres et les nécessiteux, qui auront lieu de se réjouir et de déverser des bénédictions sur votre tête13.» Bien qu’à l’époque les saintes des derniers jours devaient introduire une candidature pour devenir membres, la Société de Secours eut beaucoup de succès et grandit rapidement. Le nombre des membres était passé à plus de treize cents femmes au moment de la mort de Joseph Smith. Du fait de la crise créée par le martyre et l’exode et la colonisation de l’Ouest, il y eut peu de réunions de Société de Secours jusqu’à ce que l’organisation fût remise en vigueur en 1867. Du fait que le culte n’était pas célébré au niveau de la paroisse, il était centré sur le ministère public du prophète et les dévotions familiales en privé. Lorsque le temps le permettait, les réunions du dimanche avaient lieu dans un bosquet situé à l’ouest du temple, qui pouvait recevoir plusieurs milliers de personnes. Les autorités de l’Eglise s’asseyaient sur une plate-forme portative, tandis que l’auditoire s’asseyait sur des briques, sur des rondins coupés ou sur l’herbe. Le culte du dimanche consistait habituellement en une réunion spirituelle le matin et en une réunion d’affaires l’après-midi. Les saints aimaient entendre leur prophète parler et assistaient fidèlement à ces services publics, mais il était très fatigant pour lui de parler plusieurs heures au vaste auditoire en plein air. A certains moments, la voix lui manquait temporairement, et il invitait d’autres personnes à prendre sa place. Beaucoup de ses sermons furent écrits et constituent une source importante de doctrine et d’enseignement pour l’Eglise d’aujourd’hui. 251 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Les familles se réunissaient souvent chez elles et mangeaient du pain chaud ou une autre collation tout en écoutant les témoignages, les instructions du chef de famille et les rapports missionnaires. La vie religieuse privée à Nauvoo consistait également en jeûne et en prières, à chanter des cantiques et à imposer les mains aux malades. Même les activités de société comportaient un aspect religieux et contribuèrent fortement à unir les saints et à les stimuler dans leur mode de vie. La vie à Nauvoo était généralement caractéristique de la vie dans les villes américaines du dix-neuvième siècle. Mais il y avait aussi des aspects tout à fait particuliers. La plus grande différence venait de ce que les plus chers espoirs de la plupart de ses citoyens étaient centrés sur le rassemblement conformément aux principes de Sion, sur la construction de leur saint temple, l’étude de la doctrine du salut et la recherche des bénédictions du Tout-Puissant. NOTES: 1. Joseph Smith, Hyrum Smith et Sidney Rigdon, dans History of the Church, 4:267, 271-72. 7. Dans Ronald K. Esplin, «Sickness and Faith, Nauvoo letters», Brigham Young University Studies, été 1975, p. 427. 2. Smith, Smith et Rigdon dans History of the Church, 4:273. 8. Dans Kenneth W. Godfrey, Audrey M. Godfrey et Jill Mulvay Derr, Women’s Voices, Salt Lake City, Deseret Book Co., 1982, pp. 122-23. 3. History of the Church, 5:328; voir aussi 5:137. 4. «A Sketch of the Life of Eunice Billings Snow», Woman’s Exponent, septembre 1910, p. 22. 5. Voir Paul Thomas Smith, «A Historical Study of the Nauvoo, Illinois, Public School System, 1841-1845», mémoire de licence, université Brigham Young, 1969, pp. 82-98. 6. Voir History of the Church, 5:406. 9. Dans Godfrey, Godfrey et Derr, Women’s Voices, p. 125. 10. Brigham Young, dans History of the Church, 4:403. 11. «Story of the Organization of the Relief Society», Relief Society Magazine, mars 1919, p. 129. 12. History of the Church, 4:567. 13. Dans History of the Church, 4:606-7. 252 CHAPITRE VINGT A M P L I F I C AT I O N N A U VO O Ligne du temps Date Evénement important 15 août 1840 Joseph Smith commence à enseigner le baptême pour les morts 8 nov. 1841 Consécration des fonts baptismaux du temple de Nauvoo 4 mai 1842 Joseph Smith confère leur dotation à neuf frères fidèles Printemps 1842 Publication de la lettre à Wentworth et du Livre d’Abraham dans le Times and Seasons DE LA DOCTRINE À N AUVOO GRANDISSAIT et devenait florissante, mais la chose la plus importante qui se produisit au cours de cette période fut le flot continuel de révélations par l’intermédiaire de Joseph Smith concernant la doctrine et les ordonnances de l’Evangile. Pendant les années de Nauvoo, le prophète manifesta une maturité spirituelle accrue qui lui permit d’amener les saints à une perception nouvelle et plus élevée de l’Evangile. Beaucoup de notions qui avaient été introduites faisaient maintenant l’objet d’une attention et d’explications plus complètes. Joseph Smith promit à la conférence générale d’octobre 1841 que «la dispensation de la plénitude des temps mettra en lumière Avril-mai 1842 Joseph Smith se rend à Ramus (Illinois) et y donne des instructions inspirées les choses qui ont été révélées dans toutes les dispensations précédentes; et 7 avr. 1844 années du Rétablissement, le fondement de la doctrine fut posé; au cours de la Joseph Smith prononce le discours sur King Follett également d’autres choses qui n’ont pas encore été révélées1». Dans les premières période de Nauvoo, on bâtit sur les fondations. BAPTÊME P O U R L E S M O RT S Le 10 août 1840, Seymour Brunson, un des premiers colons de Nauvoo, décéda. Il avait été un des tout premiers missionnaires de l’Eglise et avait fait partie du grand conseil à Far West et à Nauvoo. L’histoire de Joseph Smith dit que Brunson «mourut dans le triomphe de la foi et, dans les instants qui précédèrent son décès, il rendit témoignage de l’Evangile qu’il avait embrassé2». Lors d’un grand sermon funèbre prononcé le 15 août, le prophète lut une grande partie de 1 Corinthiens 15, notamment le verset 29, qui parle de la pratique du baptême pour les morts. Il annonça à l’assemblée que le Seigneur permettrait aux saints d’être baptisés en faveur de leurs amis et de leurs parents qui avaient quitté cette vie. Il dit aux saints que «le plan de salut visait à sauver tous ceux qui étaient disposés à obéir aux conditions de la loi de Dieu3». Après le sermon, Jane Neyman demanda à Harvey Olmstead de la baptiser dans le Mississippi pour Cyrus, son fils décédé. Joseph Smith demanda quelles paroles furent utilisées pour accomplir l’ordonnance, ensuite il approuva ce qui avait été fait. Au cours des semaines qui suivirent, plusieurs autres baptêmes pour les morts furent accomplis dans le fleuve ou dans des cours d’eau proches. Le 19 janvier 1841, le Seigneur commanda aux saints de construire un temple avec des fonts baptismaux pour ces ordonnances par procuration. Le Seigneur dit: «[Le baptême pour les morts] appartient à ma maison et ne peut être acceptable devant moi, si ce n’est dans les jours de votre pauvreté, si vous n’êtes pas capables de m’édifier une maison» (D&A 124:30). 253 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Publié avec la permission de la Missouri Historical Society L’Ancien Testament décrit un vaste bassin reposant sur douze boeufs utilisés dans le temple du temps de Salomon (voir 1 Rois 7:23-25). Quand le temple de Nauvoo fut construit, le prophète Joseph Smith commanda que l’on construisît les fonts baptismaux dans le sous-sol sur le dos de douze boeufs représentant les douze tribus d’Israël. Cette révélation suscita beaucoup d’enthousiasme, et les travaux du temple avancèrent rapidement. Le 3 octobre 1841, alors que le sous-sol était presque achevé, Joseph Smith déclara: «Il n’y aura plus de baptêmes pour les morts jusqu’à ce que l’on puisse administrer cette ordonnance dans la Maison du Seigneur4.» Le sous-sol abritait des fonts baptismaux temporaires construits par Elijah Fordham. Ils étaient faits de sapin du Wisconsin et montés sur douze boeufs soigneusement taillés. Le 8 novembre, les fonts baptismaux furent consacrés par Brigham Young. Ils furent utilisés pour la première fois quinze jours plus tard quand Brigham Young, Heber C. Kimball et John Taylor administrèrent quarante baptêmes pour les morts; Willard Richards, Wilford Woodruff et George A. Smith assurèrent les confirmations. En 1842, tandis que ses anciens ennemis du Missouri l’obligeaient à se réfugier dans un exil temporaire, le prophète a écrit deux épîtres générales aux saints sur la doctrine du baptême pour les morts. Toutes deux mettaient l’accent sur l’importance de la présence d’un greffier pour que les baptêmes soient valables. Le greffier devait veiller à ce que chaque ordonnance soit faite correctement et il devait en prendre note avec précision. La première lettre dit: « Que tous les registres soient tenus en ordre, afin qu’ils soient placés dans les archives de mon saint temple pour être gardés en mémoire de génération en génération, dit le Seigneur des armées» (D&A 127:9). Dans la deuxième de ses lettres, la plus longue, le prophète explique que les vivants et les morts dépendent les uns des autres pour leur salut: «Sans nous ils [les morts] ne peuvent être rendus parfaits» (D&A 128:15). Les ordonnances qui permettent de réaliser cette perfection réciproque, expliqua-t-il plus tard, comprennent non seulement le baptême pour les morts mais aussi la dotation de la Sainte Prêtrise et le mariage pour le temps et pour l’éternité. D O TAT I O N Précédemment, alors que les saints d’Ohio se préparaient à construire le temple de Kirtland, le Seigneur avait promis que dans sa maison, il avait «dessein de doter du pouvoir d’en haut ceux [qu’il avait] choisis» (D&A 95:8). Lorsque ce temple fut 254 AMPLIFICATION DE LA DOCTRINE À NAUVOO terminé et consacré au début de 1836, il y eut un grand déversement spirituel sur les saints. Le Sauveur apparut et accepta le temple. Moïse, Elias et Elie, les prophètes d’autrefois, apparurent ensuite à Joseph Smith et à Oliver Cowdery et rétablirent les clefs de la prêtrise pour le rassemblement d’Israël et l’introduction d’autres ordonnances sacrées (voir D&A 110). Des temples furent projetés au Missouri, mais ils ne furent jamais construits parce que les persécutions chassèrent les fidèles de l’Etat. Après la fondation de Nauvoo comme nouveau lieu de rassemblement, le Seigneur révéla qu’un temple était nécessaire parce qu’il n’y avait pas d’endroit sur la terre où il pût venir rétablir «la plénitude de la prêtrise» (D&A 124:28). Il fut également dit aux saints que leurs ablutions et leurs onctions, comme les baptêmes pour les morts, devaient se faire dans un endroit sacré; de là le commandement de construire le temple de Nauvoo. La révélation poursuit: «Que cette maison soit bâtie à mon nom, afin que je puisse y révéler mes ordonnances à mon peuple; «Car je daigne révéler à mon Eglise des choses qui ont été cachées dès avant la fondation du monde, des choses qui appartiennent à la dispensation de la plénitude des temps» (vv. 40-41). Le magasin de briques rouges de Joseph Smith fut sans doute le bâtiment le plus important de l’Eglise pendant toute la période de Nauvoo parce que, outre le fait que c’était un magasin général, il était aussi le centre des activités sociales, économiques, politiques et religieuses. Terminé en décembre 1841, il fut inauguré le 5 janvier 1842. Au premier étage, Joseph Smith avait un bureau, qui devint le siège de l’Eglise. Avant l’achèvement du temple, l’étage supérieur du magasin fut utilisé comme salle d’ordonnances, et les premières dotations y furent administrées. Des réunions de l’Eglise et des réunions communautaires de différents ordres avaient lieu au magasin, entre autres les cours d’une école publique et certaines réunions de jeunes. Le 17 mars 1842, la Société de Secours y fut organisée avec Emma Smith comme première présidente. Le magasin fut abattu en 1890, et pendant de nombreuses années, les visiteurs ne purent en voir que les fondations. En 1978-79, le bâtiment fut reconstruit par l’Eglise réorganisée de JésusChrist des Saints des Derniers Jours. A mesure que les travaux du temple avançaient, Joseph Smith demandait et recevait des instructions supplémentaires du Seigneur concernant la sainte dotation. On ne sait cependant pas avec exactitude quand il reçut toutes les instructions relatives aux ordonnances du temple. Il les présenta le 4 mai 1842 à un petit nombre de saints de confiance dans la salle d’étage de son magasin de briques rouges. A l’époque, c’était virtuellement le seul endroit spacieux de Nauvoo où un groupe pouvait s’assembler en privé. Le bâtiment se trouvait près du Mississippi à un pâté de maisons à l’ouest de la Mansion House et du Homestead. Il fut construit en 1841 et inauguré en janvier 1842. La plus grande partie du premier étage était une salle d’assemblée utilisée pour les conseils de la 255 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Panneau qui était accroché au bureau de Joseph Smith à Nauvoo. C’est de l’étain peint et il mesure 10 cm sur 35. Le texte dit: «Bureau de Joseph Smith. Président de l’Eglise de JÉSUS-Christ des Saints des DERNIERS Jours5.» Développement de la doctrine relative au temple, révélée à Joseph Smith: 21 sept. 1823 Moroni répète la promesse de Malachie concernant la venue d’Elie et dit qu’il va «révéler» la prêtrise (voir D&A 2; Joseph Smith, Histoire, vv. 38-39). prêtrise, l’organisation et les réunions de la Société de Secours des femmes de Nauvoo, les réunions municipales et maçonniques, les classes d’école, les spectacles théâtraux, les débats, les conférences et les réunions d’état-major de la Légion de Nauvoo. Le 3 mai, avec l’aide d’autres personnes, le prophète disposa son bureau et la Déc. 1830 Première allusion aux temples dans la révélation moderne (voir D&A 36:8). 2 janv. 1831 Le Seigneur commande que les membres de l’Eglise s’installent en Ohio, où ils seront «investis du pouvoir d’en haut» (D&A 38:32). mesure où les circonstances le permettaient6». Le lendemain après-midi, le Le Seigneur désigne le comté de Jackson (Missouri) comme emplacement de son temple (voir D&A 57:2-3). Richards, des douze apôtres, Newel K. Whitney, évêque général, George Miller, 20 juill. 1831 16 févr. 1832 Vision des degrés de gloire (voir D&A 76). Déc. 1832 Commandement de construire le temple de Kirtland (voir D&A 88:119). 21 janv. 1836 Joseph voit son frère Alvin, qui était mort sans être baptisé, dans le royaume céleste; il apprend que ceux qui auraient reçu l’Evangile ici-bas hériteront du royaume céleste dans l’au-delà (voir D&A 137). 27 mars 1836 Consécration du temple de Kirtland (voir D&A 109; History of the Church, 2:410-28). 3 avr. 1836 Le Sauveur, Moïse, Elias et Elie apparaissent au temple de Kirtland pour accepter le temple et rétablir les clefs de la prêtrise (voir D&A 110). 15 août 1840 Enseignement de la doctrine du baptême pour les morts aux funérailles de Seymour Brunson, décédé le 10 août 1840 (voir History of the Church, 4:179, 231). 19 janv. 1841 Les saints reçoivent le commandement de construire le temple de Nauvoo, et Joseph apprend que tout ce qui concerne la dotation n’a pas encore été révélé (voir D&A 124:25-55). 15 mars 1842 Publication, dans le Times and Seasons, d’un des fac-similés du livre d’Abraham, accompagné de commentaires relatifs au temple. salle d’assemblée pour que cela représente «l’intérieur d’un temple, dans la prophète administra les premières dotations à un groupe choisi, comprenant Hyrum Smith, patriarche de l’Eglise, Brigham Young, Heber C. Kimball et Willard président du collège des grands prêtres de Nauvoo et évêque général, et James Adams, président de la branche de Springfield7. Joseph Smith note cet important événement: «J’ai passé la journée dans la partie supérieure du magasin . . . à les instruire des principes et de l’ordre de la prêtrise, à procéder aux ablutions, aux onctions, aux dotations et à la communication de clefs relatives à la Prêtrise d’Aaron, et ainsi de suite jusqu’à l’ordre le plus élevé de la Prêtrise de Melchisédek, exposant l’ordre concernant l’Ancien des jours et tous les plans et principes par lesquels on est mis en mesure d’obtenir la plénitude des bénédictions qui ont été préparées pour l’Eglise du Premier-né et pour monter et demeurer en la présence des Elohim dans les mondes éternels8.» Le Seigneur avait déclaré que ces ordonnances étaient nécessaires à l’ouverture de la porte de la vie éternelle et de l’exaltation. Elles étaient donc recherchées par les saints des derniers jours fidèles. Peu à peu, au cours des deux années suivantes, Joseph Smith présenta la dotation à environ quatre-vingt-dix hommes et femmes. Il donna aussi des instructions particulières aux douze apôtres concernant les clefs de ces ordonnances, leur disant de conférer la dotation aux saints fidèles dans le temple quand il serait terminé. En décembre 1845, le temple était suffisamment avancé pour que l’ordonnance puisse être accomplie. Bien des années plus tard, à Salt Lake City, Brigham Young, alors président de l’Eglise, donna des instructions aux saints concernant l’importance de la dotation dans les derniers jours. Il leur rappela que les premiers anciens n’avaient reçu qu’une partie de leurs dotations dans le temple de Kirtland, qualifiant celles-ci d’ordonnances “introductrices ou d’initiation, préparatoires à une dotation”. Il définit ensuite la signification du mot dotation: «Votre dotation consiste à recevoir dans la maison du Seigneur toutes les ordonnances qui vous sont nécessaires, 256 AMPLIFICATION DE LA DOCTRINE À NAUVOO 4 mai 1842 Joseph Smith administre les premières dotations dans la salle d’étage de son magasin de briques rouges (voir History of the Church, 5:1-3). lorsque vous aurez quitté cette vie, pour vous permettre de rentrer en présence du 16-17 mai 1843 Révélation expliquant la nécessité du mariage éternel pour l’exaltation (voir D&A 131). Prêtrise et d’acquérir votre exaltation éternelle en dépit de la terre et de l’enfer9.» 12 juill. 1843 Révélation concernant la nouvelle alliance éternelle du mariage et la plénitude de vie (voir D&A 132). Père, passant devant les anges qui se tiennent en sentinelles, étant capables de leur donner les mots clefs, les signes et les symboles qui appartiennent à la Sainte R É V É L AT I O N S SUR LE MARIAGE La dotation de la sainte prêtrise est étroitement liée au principe du mariage éternel. Depuis le début du Rétablissement, les saints des derniers jours apprennent que «le mariage est un commandement de Dieu à l’homme» (D&A 49:15). L’alliance du mariage a toujours été considérée comme étant d’une grande importance. Les hommes de l’Eglise ont le commandement: «Tu aimeras ta femme de tout ton coeur, et tu t’attacheras à elle et à personne d’autre» (D&A 42:22). Il est commandé aux membres de l’Eglise non seulement de se marier selon la justice, mais d’avoir des enfants et de les élever conformément aux préceptes de l’Evangile de Jésus-Christ. Peu après l’introduction de la dotation, le prophète révéla que le couple marié doit être scellé par la sainte prêtrise pour le temps et pour toute l’éternité. Beaucoup parmi les hommes et les femmes qui avaient été dotés furent également scellés à leurs conjoints par Joseph Smith par l’alliance du mariage. Joseph enseigna que le scellement du mariage, la dotation et les baptêmes pour les morts devaient être administrés dans la maison du Seigneur et que ces ordonnances seraient rendues accessibles à tous les saints fidèles dès que le temple serait terminé. Au printemps 1843, Joseph Smith enseigna l’importance éternelle de l’alliance du mariage. Tandis qu’il rendait visite au village mormon de Ramus, à trente kilomètres au sud-est de Nauvoo, le prophète expliqua à un petit nombre de membres de l’Eglise: «Il y a, dans la gloire céleste, trois cieux ou degrés. «Pour obtenir le plus haut, l’homme doit entrer dans cet ordre de la prêtrise [à savoir la nouvelle alliance éternelle du mariage], «Sinon, il ne peut l’obtenir» (D&A 131:1-3). Plus tard cet été-là, Joseph écrivit une révélation sur le mariage qui contenait des principes qui lui avaient été révélés dès 1831 à Kirtland. Le Seigneur y déclarait: «Si un homme épouse une femme par ma parole qui est ma loi et par la nouvelle alliance éternelle et que leur union est scellée par le Saint-Esprit de promesse, par celui qui est oint, à qui j’ai donné ce pouvoir et les clefs de cette prêtrise . . . ce sera pleinement valide lorsqu’ils seront hors du monde. Et ils passeront devant les anges et les dieux qui sont placés là, vers leur exaltation et leur gloire en toutes choses, comme cela a été scellé sur leur tête, laquelle gloire sera une plénitude et une continuation des postérités pour toujours et à jamais» (D&A 132:19). La loi du mariage céleste, décrite dans cette révélation, comprenait également le principe de la pluralité des épouses. En 1831, tandis qu’il travaillait à la traduction inspirée des Saintes Ecritures, Joseph Smith demanda au Seigneur comment il justifiait la pratique du mariage plural parmi les patriarches de l’Ancien Testament. 257 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Cette question eut pour résultat la révélation sur le mariage céleste, qui comprenait la réponse à sa question concernant les mariages pluraux des patriarches10. Premièrement, le Seigneur expliqua que, pour qu’une alliance, le mariage y compris, soit valide dans l’éternité, elle doit répondre à trois conditions (voir D&A 132:7): (1) Elle doit être faite et «scellée par le Saint-Esprit de promesse». (2) Elle doit être accomplie par l’autorité appropriée de la prêtrise. (3) Elle doit se faire «par révélation et par commandement», par le prophète oint par le Seigneur (voir aussi vv. 18-19). Utilisant Abraham comme exemple, le Seigneur dit: «[Il] reçut tout ce qu’il reçut par révélation et commandement, par ma parole» (v. 29). Par conséquent, demande le Seigneur, «Abraham était-il donc sous la condamnation? En vérité, je te dis que non, car moi, le Seigneur, je l’avais commandé» (v. 35). De plus, Joseph Smith et l’Eglise devaient accepter le principe du mariage plural dans le cadre du rétablissement de toutes choses (voir v. 45). Habitué à la forme traditionnelle du mariage, le prophète fut d’abord, on le comprend, réticent à se lancer dans cette nouvelle pratique. Du fait du manque de documentation historique, nous ne savons pas quelles furent ses premières tentatives de se conformer à ce commandement en Ohio. Son premier mariage plural enregistré à Nauvoo fut celui qu’il contracta avec Louisa Beaman; il fut administré le 5 avril 1841, par l’évêque Joseph B. Noble11. Au cours des trois années qui suivirent, Joseph eut, conformément aux commandements du Seigneur, d’autres épouses plurales. Lorsque des membres du Conseil des douze apôtres revinrent, en 1841, de leur mission aux îles Britanniques, Joseph Smith leur enseigna la doctrine de la pluralité des épouses, et chacun eut des difficultés à comprendre et à accepter cette doctrine. Brigham Young, par exemple, nous informe de son état d’esprit: «Ce n’était pas que je voulusse éviter quelque devoir que ce soit, ni négliger si peu que ce soit de faire ce qui m’était commandé, mais c’était la première fois de ma vie que je désirais la mort, et il me fallut longtemps pour m’en remettre. Et lorsque je voyais des funérailles, j’enviais au cadavre sa situation, et je regrettais de ne pas me trouver dans le cercueil12.» Après les hésitations et la prise de conscience du départ, Brigham Young et d’autres parmi les Douze reçurent personnellement la confirmation du SaintEsprit et acceptèrent la nouvelle doctrine du mariage plural. Ils savaient que Joseph Smith était prophète de Dieu en tout. Tout d’abord la pratique fut gardée secrète et fut très limitée. Des rumeurs commencèrent à circuler, disant que les autorités de l’Eglise avaient d’autres épouses, ce qui déforma considérablement la vérité et contribua à augmenter les persécutions venant des apostats et des gens de l’extérieur. Le problème tenait, bien entendu, à l’aversion naturelle que les Américains éprouvaient pour la «polygamie». Ce nouveau système semblait menacer la tradition fortement enracinée de la monogamie et de la solidarité de la structure familiale. Plus tard, en Utah, les saints pratiquèrent ouvertement «le principe», mais jamais sans persécutions. 258 AMPLIFICATION DE LA DOCTRINE À NAUVOO John Wentworth était rédacteur en chef du Chicago Democrat et destinataire de la célèbre lettre à Wentworth écrite par Joseph Smith. Après être sorti du Dartmouth College en 1836, le jeune Wentworth alla à Chicago, ville de moins de cinq mille habitants à l’époque. Il acheta le Chicago Democrat, premier journal de la ville. Il devint finalement un des principaux citoyens de l’Illinois et fut élu en 1843 à la Chambre des représentants des Etats-Unis à l’âge de vingt-huit ans. Il remplit trois mandats au Congrès. En 1857, il fut élu maire de Chicago. LETTRE À W E N T W O RT H Le prophète était de temps en temps invité à expliquer les enseignements et les pratiques du mormonisme aux gens de l’extérieur. Un exemple caractéristique est la lettre à Wentworth. Au printemps 1842, John Wentworth, rédacteur en chef du Chicago Democrat, demanda à Joseph Smith de lui donner les grandes lignes «de la naissance, des progrès, des persécutions et de la foi des saints des derniers jours13». Wentworth était originaire du New Hampshire et désirait ces renseignements en vue de la compilation de l’histoire de son Etat natal, que rédigeait son ami, George Barstow. Joseph donna suite à cette demande et envoya à Wentworth un document de plusieurs pages contenant le récit d’un grand nombre d’événements du début de l’histoire du Rétablissement, entre autres la Première Vision et la parution du Livre de Mormon. Le document contenait aussi treize déclarations décrivant les croyances des saints des derniers jours, déclarations qui ont pris le nom d’articles de foi. Barstow publia son histoire, mais la lettre à Wentworth ne fut pas incluse, et il n’y eut rien sur les mormons. Wentworth ne publia pas ce document dans le Chicago Democrat, et il ne parut jamais dans aucune histoire du New Hampshire. Mais le Times and Seasons, journal de l’Eglise, le publia en mars 1842, et il est devenu, pour l’Eglise, une des déclarations les plus importantes en matière d’inspiration, d’histoire et de doctrine. Les articles de foi avaient été écrits pour des non-mormons et ne visaient pas à être un résumé complet des principes et des pratiques de l’Evangile. Ils énoncent cependant d’une manière claire les croyances particulières des saints des derniers jours. Chaque article énonce nettement les différences entre le mormonisme et les croyances particulières d’autres confessions. En 1851, les articles de foi furent inclus dans la première édition de la Perle de Grand Prix publiée par la mission britannique. Lorsque la Perle de Grand Prix fut révisée en 1878 et intégrée au canon des Ecritures en 1880, les articles de foi devinrent doctrine officielle de l’Eglise. LIVRE D ’A B R A H A M Début 1842, vers le moment où il écrivit sa lettre à John Wentworth, Joseph Smith était également très occupé à «traduire les annales d’Abraham14». Ces annales avaient été acquises en 1835 lorsque l’Eglise avait acheté plusieurs rouleaux de papyrus égyptiens à Michael Chandler. Joseph et ses secrétaires les soumirent à un examen préliminaire, mais les travaux du temple de Kirtland et plus tard l’apostasie et les persécutions lui ôtèrent toute possibilité de continuer ce travail en Ohio ou au Missouri. Finalement, au printemps 1842, il put se consacrer plusieurs semaines à la tâche avec peu d’interruptions. Lorsqu’il fut informé, lors des conseils de dirigeants, que le prophète traduisait et apprit quelques détails du contenu, Wilford Woodruff décrivit dans son journal ses sentiments à l’égard de l’oeuvre du prophète: «Le Seigneur a vraiment suscité Joseph le Voyant . . . et le revêt maintenant d’une grande puissance, de sagesse et de connaissance . . . Le Seigneur donne en bénédiction à Joseph la faculté de 259 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS En 1967, des parties du papyrus que l’Eglise avait acheté en 1835 furent découvertes et lui furent remises. Parmi les plus importantes et les plus intéressantes, il y avait l’original de ce qui devint le fac-similé no 1 de la Perle de Grand Prix. révéler les mystères du royaume de Dieu, de traduire par l’urim et le thummim les annales anciennes et des hiéroglyphes aussi anciens qu’Abraham ou Adam, ce qui fait brûler notre coeur au-dedans de nous, tandis que nous voyons leurs merveilleuses vérités s’ouvrir à nous15.» Des extraits du livre d’Abraham parurent pour la première fois en été 1842 dans le Times and Seasons et le Millennial Star. Joseph Smith laissa entendre qu’il y en aurait davantage, mais il ne put poursuivre la traduction après 1842. Ce que l’Eglise reçut—cinq chapitres du Livre d’Abraham dans la Perle de Grand Prix— n’est qu’une partie du document original. En 1967, onze fragments des papyrus de Joseph Smith furent découverts par le Dr Aziz S. Atiya, au Metropolitan Museum of Art de New York. Leur étude a confirmé qu’ils sont essentiellement d’anciens textes funéraires égyptiens du type que l’on ensevelissait communément avec les membres de la famille royale et de la noblesse et qui avaient pour but de les guider au cours de leur voyage éternel16. Cela a renouvelé la question relative aux liens entre les annales et le Livre d’Abraham. Joseph Smith n’a pas expliqué la façon dont le Livre d’Abraham a été traduit, comme il n’a pas complètement expliqué la façon dont le Livre de Mormon a été traduit. Néanmoins, comme le Livre de Mormon, le livre d’Abraham prouve de lui-même qu’il est paru par le don et la puissance de Dieu. DISCOURS DE JOSEPH SMITH Les saints de Nauvoo écoutaient souvent Joseph Smith prêcher, et beaucoup parmi eux écrivirent l’émotion qu’ils avaient ressentie au cours de cette expérience. Ils étaient touchés par ses paroles et fortifiés dans leur témoignage. 260 AMPLIFICATION DE LA DOCTRINE À NAUVOO Brigham Young dit: «Ces moments-là étaient plus précieux pour moi que toute la richesse du monde. Quelque grande que fût ma pauvreté, même si je devais emprunter de la farine pour nourrir ma femme et mes enfants, je ne laissais jamais passer l’occasion d’apprendre ce que le prophète avait à communiquer17.» Wandle Mace, nouveau converti, dit qu’en écoutant le prophète en public et en privé, par beau temps et sous la pluie, il acquit la conviction que Joseph Smith avait été instruit par Dieu. Il ne manquait jamais l’occasion d’écouter Joseph prêcher parce que, disait-il, Joseph «nous apportait une nourriture délicieuse, une nourriture spirituelle18». James Palmer, converti britannique, dit que le prophète «avait, tandis qu’il prêchait, l’aspect de quelqu’un qui descendait droit du ciel, ou comme si il avait été envoyé du monde céleste en mission divine19». Il n’y avait pas, à Nauvoo, d’église suffisamment grande pour permettre à tous les saints de se rassembler pour écouter leur prophète, de sorte que par beau temps, ils se réunissaient en plein air sous les arbres. L’endroit par excellence, c’était un bosquet qui constituait une sorte d’amphithéâtre sur le flanc de la colline à l’ouest du temple. C’était un des endroits préférés de Joseph Smith pour parler aux saints. Pendant la période de Nauvoo, il prit l’habitude de faire des discours publics. Dans les premiers temps du Rétablissement, il avait laissé la plus grande partie de la prédication à d’autres qu’il estimait être meilleurs orateurs. Mais maintenant, il prêchait avec beaucoup de puissance et d’autorité à Nauvoo et dans les communautés environnantes. Les quelque deux cents discours qu’il prononça au cours de ces années façonnèrent la compréhension de la doctrine de l’Evangile dans l’esprit des saints des derniers jours et influencèrent immensément l’Eglise. Le dimanche 20 mars 1842, lors des funérailles de l’enfant défunt de Windsor P. Lyon, Joseph choisit de parler dans le bosquet du salut des petits enfants. Il dit qu’il avait «posé la question: comment se fait-il que des bébés, des enfants innocents, nous soient ôtés, particulièrement ceux qui paraissent être les plus intelligents et les plus intéressants». Il dit qu’ils avaient été repris pour se voir épargner la méchanceté qui augmentait dans le monde. Il proclama ensuite un des enseignements les plus réconfortants qui aient été révélés dans les derniers jours: «Tous les enfants sont rachetés par le sang de Jésus-Christ et, dès l’instant où ils quittent ce monde, ils sont emmenés dans le sein d’Abraham. La seule différence entre la mort des vieux et la mort des jeunes, c’est que l’un vit plus longtemps au ciel et dans la lumière et la gloire éternelle que l’autre et est délivré un peu plus tôt de notre monde misérable et méchant20. Au printemps 1843, Joseph rendit fréquemment visite aux populations éloignées des saints pour les inspirer et les guider. Alors qu’il était à Ramus, il logea chez son ami Benjamin F. Johnson. Les enseignements donnés par le prophète le dimanche 2 avril 1843 à Ramus (Illinois) étaient si importants qu’ils furent incorporés dans l’histoire officielle de l’Eglise et plus tard dans les Doctrine et Alliances, dont ils constituent la section 130. Au cours de la réunion du matin, Orson Hyde avait dit que le Père et le Fils demeuraient dans le coeur des saints et que le Sauveur, à sa Seconde Venue, apparaîtrait «sur un cheval blanc comme un guerrier». Pendant le déjeuner, Joseph Smith dit à Orson qu’il allait apporter quelques corrections à son 261 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS sermon au cours de la réunion de l’après-midi. Frère Hyde répondit: «Elles seront reçues avec reconnaissance21.» Le Seigneur expliqua aux saints: «Lorsque le Sauveur apparaîtra, nous le verrons tel qu’il est. Nous verrons que c’est un homme comme nous» (D&A 130:1). A titre de correction supplémentaire, il dit que «l’idée que le Père et le Fils demeurent dans le coeur de l’homme est une vieille notion sectaire, et est fausse» (v. 3). Plus loin dans son sermon, il déclara hardiment: «Le Père a un corps de chair et d’os aussi tangible que celui de l’homme, le Fils aussi; mais le Saint-Esprit n’a pas de corps de chair et d’os, c’est un personnage d’Esprit» (v. 22). Dans ce discours monumental, Joseph Smith enseigna aussi d’autres vérités éternelles qui ont depuis lors inspiré les saints des derniers jours à rechercher diligemment la vérité et à pratiquer les bonnes oeuvres. Il expliqua: «Quel que soit le principe d’intelligence que nous atteignions dans cette vie, il se lèvera avec nous dans la résurrection.» «Et si, par sa diligence et son obéissance, une personne acquiert dans cette vie plus de connaissance et d’intelligence qu’une autre, elle en sera avantagée d’autant dans le monde à venir» (vv. 18-19). Il expliqua aussi: «Il y a une loi, irrévocablement décrétée dans les cieux avant la fondation de ce monde, sur laquelle reposent toutes les bénédictions; «Et lorsque nous obtenons une bénédiction quelconque de Dieu, c’est par l’obéissance à cette loi sur laquelle elle repose» (vv. 20-21). Un mois et demi plus tard, le prophète était de nouveau à Ramus. Au cours d’une réunion du soir, Samuel Prior, prédicateur méthodiste, qui était en ville pour en apprendre davantage sur l’Eglise, fut invité à parler à l’assemblée. Après son discours, Joseph Smith se leva et exprima son désaccord avec ce que le révérend avait dit. Celui-ci écrivit: «Il le fit avec humilité, politesse et d’une manière touchante, comme quelqu’un qui était plus désireux de diffuser la vérité et de dévoiler l’erreur que d’avoir le malin plaisir de triompher de moi dans ce débat. Je fus véritablement édifié par ses paroles et éprouvai moins de préjugés que jamais à l’égard des mormons22.» Les enseignements que Joseph Smith donna en cette occasion répondent à son appel prophétique et sont maintenant Ecriture: «La matière immatérielle, cela n’existe pas. Tout esprit est matière, mais il est plus raffiné ou plus pur et ne peut être discerné que par des yeux plus purs; «Nous ne pouvons le voir, mais lorsque notre corps sera purifié, nous verrons que tout cela est matière» (D&A 131:7-8). Pendant que les travaux de construction du temple avançaient, le prophète Joseph prononça, dans le bâtiment inachevé, quelques-uns de ses plus grands sermons devant des assemblées. Une de ces occasions fut la conférence générale d’avril 1843. A l’époque, la prophétie de William Miller, selon laquelle le Christ reviendrait le 3 avril 1843, prophétie qui avait connu une large diffusion, avait causé une vive émotion dans toute l’Amérique et parmi les saints des derniers jours (Miller était un zélote religieux qui fonda le millérisme). Le 6 avril, lors de la session de conférence, Joseph dit qu’en tant que prophète du Seigneur, il avait prié et appris que «la venue du Fils de l’Homme ne sera jamais—ne pourra jamais 262 AMPLIFICATION DE LA DOCTRINE À NAUVOO être—avant que les jugements dont il est parlé pour ce moment-là ne soient prononcés: jugements qui ont débuté». Le prophète énuméra également des événements qui ne s’étaient pas encore produits, mais qui auraient lieu avant la Seconde Venue: «Juda doit revenir, Jérusalem doit être reconstruite, et le temple, et de l’eau doit sortir d’au-dessous du temple et les eaux de la mer Morte devenir saines. Il faudra du temps pour reconstruire les murs de la ville et le temple23.» Le plus célèbre de tous les sermons du prophète fut prononcé lors d’une conférence générale en avril 1844, ce discours funèbre en l’honneur de son ami King Follett qui était mort lors d’un accident au cours de la construction. Joseph Smith parla pendant plus de deux heures, traitant au moins de trente-quatre sujets de doctrine, notamment l’importance de connaître le vrai Dieu, la façon de devenir comme Dieu est, la pluralité des dieux, la progression éternelle, l’importance du Saint-Esprit, la nature de l’intelligence, le péché impardonnable, et les petits enfants et la résurrection. Un de ses messages les plus grands concernait Dieu et la destinée de l’homme par rapport à lui. Il déclara: «Dieu lui-même a jadis été tel que nous sommes maintenant et est un homme exalté et siège sur son trône dans les cieux là-haut! . . . « . . . Il faut que vous appreniez comment être vous-mêmes des dieux . . . en passant d’un petit degré à l’autre et d’une petite capacité à une plus grande; de grâce en grâce, d’exaltation en exaltation, jusqu’à ce que vous parveniez à la résurrection des morts et soyez capables de demeurer dans les embrasements éternels.» L’homme doit donc devenir comme est Dieu maintenant. Joseph expliqua aussi «les premiers principes de la consolation» pour ceux qui pleurent les justes décédés: «Bien que la tente terrestre soit déposée et se dissolve, ils se relèveront pour demeurer dans des embrasements éternels dans la gloire immortelle pour ne plus s’affliger, souffrir ou mourir; mais ils seront héritiers de Dieu et cohéritiers de Jésus-Christ24.» Quelle fut la réaction des saints vis-à-vis de ce sermon prolongé, mais éloquent et édifiant? La plupart en furent profondément émus. Joseph Fielding écrit dans son journal: «Je n’ai jamais été autant réjoui par son discours qu’en ce moment, cela m’a rappelé Hérode, lorsque le peuple dit lors de sa harangue: Voix d’un dieu, et non d’un homme» (voir Actes 12:20-23)25. Pendant leur séjour à Nauvoo, les saints furent témoins d’une efflorescence de théologie. Ils écoutèrent leur dirigeant-prophète approfondir des thèmes doctrinaux qui n’avaient été qu’effleurés précédemment. En lisant le Times and Seasons, ils goûtèrent à une théologie plus complètement développée que ce qu’ils avaient connu en Ohio ou au Missouri. En construisant le temple et en prenant part à ses ordonnances sacrées, ils reçurent force, connaissance et des bénédictions inconnues au cours des années précédentes. L’évolution en matière de doctrine à Nauvoo créa un héritage durable pour la destinée de l’Eglise. 263 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS NOTES 1. Dans History of the Church, 4:426. 2. History of the Church, 4:179. 3. Journal History of the Church of Jesus Christ of Latter-day Saints, 15 août 1840, département d’histoire, Salt Lake City; Andrew F. Ehat et Lyndon W. Cook, compilateurs, The Words of Joseph Smith, Religious Studies Monograph Series, Provo, Religious Studies Center, 1980, p. 49. 4. Dans History of the Church, 4:426. 5. En la possession du Museum of Church History and Fine Arts. 6. Deseret News, Semi-Weekly, 15 février 1884, p. 2. 7. Voir History of the Church, 5:1-2. 16. Voir Hugh Nibley, The Message of the Joseph Smith Papyri: An Egyptian Endowment, Salt Lake City, Deseret Book Company, 1975, pp. 1-14, 48-55. 17. Dans Journal of Discourses, 12:270. 18. Biographie de Wandle Mace, racontée à Rebecca E. H. Mace, sa deuxième femme (publiée sous la direction de son petit-fils, William M. Mace), collections spéciales de l’université Brigham Young, Provo, pp. 13, 18. 19. James Palmer, Reminiscences, département d’histoire de l’Eglise, Salt Lake City, p. 69. 8. History of the Church, 5:1-2. 20. Dans History of the Church, 4:553-54. 9. Dans Journal of Discourses, 2:31. 21. Dans History of the Church, 5:323. 10. Voir History of the Church, 5:xxix-xxx; Doctrine et Alliances 132, chapeau. 22. Samuel A. Prior, «A Visit to Nauvoo», Times and Seasons, 15 mai 1843, p. 198. 11. Voir Andrew Jenson, The Historical Record, février 1887, p. 233. 12. Dans Journal of Discourses, 3:266. 13. «Church History», Times and Seasons, 1er mars 1842, p. 706. 14. History of the Church, 4:548. 15. Journaux de Wilford Woodruff, 19 février 264 1842, département d’histoire de l’Eglise, Salt Lake City. 23. Dans History of the Church, 5:336-37. 24. Dans History of the Church, 6:305-6. 25. Andrew F. Ehat, éd., « ‹They Might Have Known That He Was Not a Fallen Prophet’, —The Nauvoo Journal of Joseph Fielding», Brigham Young Universities Studies, hiver 1979, p. 148. CHAPITRE VINGT ET UN CONFLITS Ligne du temps CROISSANTS EN ILLINOIS P ENDANT TROIS ANS, Joseph Smith et les saints des derniers jours Date Evénement important Juin 1841 Organisation du parti politique antimormon dans le comté de Hancock Juin 1841 Rejet, par un tribunal de l’Illinois, du premier ordre d’extradition du Missouri contre Joseph Smith Mai 1842 John C. Bennett démasqué «L’envie et la colère de l’homme ont été mon sort ordinaire tous les jours de ma Mai 1842 Tentative de meurtre contre l’ex-gouverneur Boggs du Missouri vie. La raison de tout cela m’en semble mystérieuse, si ce n’est que j’ai été ordonné Août 1842 Joseph Smith entre dans la clandestinité pour échapper à ses ennemis lors de la seconde tentative d’extradition au Missouri Déc. 1842 Juin 1843 connurent une paix relative en Illinois. Puis, comme cela s’était produit en Ohio et au Missouri, des dissidents à l’intérieur et des opposants à l’extérieur s’unirent pour susciter des conflits à l’Eglise. De nouveau Joseph Smith fut harcelé, persécuté et menacé. En 1842, les problèmes commencèrent à s’accumuler, et il écrivit aux saints. Il assura á ses frères et soeurs dans l’Evangile: dès avant la fondation du monde à quelque fin . . . Comme Paul, j’ai envie de me glorifier des tribulations, car jusqu’à ce jour le Dieu de mes pères m’a délivré de toutes» (D&A 127:2). Le prophète avait l’immense confiance qu’en dépit de tous les conflits qui surgissaient, le Seigneur l’aiderait à triompher de tous ses ennemis. Joseph Smith se rend à Springfield (Illinois) où les accusations portées par le Missouri contre lui sont abandonnées A P O S TA S I E Arrestation de Joseph Smith à Dixon (Illinois) dans une troisième tentative d’extradition au Missouri personnage important. Un an et demi à peine plus âgé que le prophète, Bennett Automne 1843 Des membres éminents de l’Eglise, dont William Law, deviennent dissidents Janvier 1844 Joseph Smith devient candidat à la présidence des Etats-Unis Printemps 1844 Le Warsaw Signal lance une diatribe antimormone DE J O H N C. B E N N E T T John C. Bennett arriva à Nauvoo en août 1840 et devint rapidement un avait une expérience diversifiée de médecin, prédicateur méthodiste, fondateur d’un «college», président d’université, chef militaire et, tout récemment, directeur de l’intendance de l’Illinois. A la conférence générale d’avril 1841, il fut présenté à l’Eglise «comme président-adjoint jusqu’à ce que la santé du président [Sidney] Rigdon soit rétablie1». Pendant un certain temps, il fut le compagnon, le confident et le consultant du prophète. Le 15 juin 1841, juste deux mois et demi après que Bennett eut été soutenu comme président-adjoint, Joseph Smith reçut une lettre de Hyrum Smith et de William Law, qui étaient alors à Pittsburgh, confirmant une rumeur selon laquelle Bennett avait, en Ohio, une femme dont il était séparé et un enfant. A son arrivée à Nauvoo, il avait prétendu ne pas être marié. Le prophète lui demanda des comptes à ce sujet et, dans un remords feint, Bennett prit du poison pour simuler une tentative de suicide. Vers ce même moment, Bennett, en pervertissant la doctrine du mariage plural et en abusant du prestige que lui conférait sa place élevée dans l’Eglise, put inciter certaines femmes à se livrer à une conduite immorale. Ce qu’il appelait les «épouses spirituelles» était de l’adultère. Avant de montrer son vrai visage, John C. Bennett monta également un complot subtil pour assassiner le prophète et prendre l’Eglise en main. Le samedi 7 mai 1842, un simulacre de combat entre les deux cohortes ou brigades de la Légion de 265 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Nauvoo fut mis sur pied. Le général de division Bennett demanda au général de corps d’armée Joseph Smith de prendre la tête de la première cohorte pendant l’affrontement. Lorsque le prophète refusa, Bennett l’exhorta à prendre position à l’arrière de la cavalerie sans son état-major. Joseph refusa également. Il prit plutôt position avec son garde du corps, Albert P. Rockwood, à son côté. Joseph écrivit qu’il sentait par «le souffle léger de l’Esprit» qu’un complot était en cours pour l’exposer à se faire tuer sans que personne ne sache qui était le coupable2. Lorsque son immoralité et ses sinistres desseins furent découverts, Bennett fut excommunié de l’Eglise. Il fut également licencié de la Légion, obligé de remettre sa démission de maire et expulsé de la fraternité maçonnique. Ayant perdu sa réputation à Nauvoo, il quitta la ville, aigri, et se mit à donner des conférences contre le prophète et les autres dirigeants de l’Eglise. Sa dénonciation, qui parut sous forme de feuilleton dans le Sangamo Journal à Springfield (Illinois) au cours de l’été 1842, fut recueillie et publiée quelques mois plus tard dans le cadre de The John C. Bennett (1804-67) entra dans l’Eglise en Illinois en 1840. Personnage énergique et haut en couleur, il fit pression pour que la charte de Nauvoo fût adoptée à Springfield. Il fut officier dans la Légion de Nauvoo, fut élu premier maire de Nauvoo et servit de conseiller à Joseph Smith en tant que membre temporaire de la Première Présidence pendant la maladie de Sidney Rigdon. Mais le prophète fut bientôt informé de ce que Bennett séduisait des femmes sous prétexte d’en faire ses «épouses spirituelles», et il fut excommunié au printemps 1842. Aigri, il donna des conférences contre l’Eglise partout aux EtatsUnis, encouragea les tentatives d’extradition de Joseph Smith par le Missouri et écrivit un des premiers livres antimormons. History of the Saints; or, an Exposé of Joe Smith and Mormonism. Bennett prétendit qu’il n’était devenu mormon que pour mettre en évidence la conduite prétendue illicite du prophète. Bennett stimula aussi les sentiments antimormons parmi les francs-maçons d’Illinois. Dès octobre 1841, certains francs-maçons, qui étaient membres de l’Eglise, avaient obtenu la permission de créer une loge maçonnique à Nauvoo. Joseph Smith se rendait compte qu’il y avait des avantages à appartenir à cet ordre fraternel. Il avait probablement le sentiment que les autres francs-maçons de l’Etat et du pays, dont beaucoup détenaient des postes importants, considéreraient l’Eglise avec plus de faveur. Joseph Smith et beaucoup d’autres à Nauvoo entrèrent officiellement dans l’ordre en mars 1842. Ne sachant pas que John C. Bennett avait été expulsé d’un ordre maçonnique en Ohio pour inconduite, les francs-maçons de Nauvoo l’élirent secrétaire de leur loge. Lorsqu’il quitta Nauvoo, Bennett alla trouver les francs-maçons de Hannibal (Missouri), qui ignoraient, eux aussi, qu’il avait été expulsé de la fraternité. Il accusa les dirigeants des loges en prédominance mormone de Nauvoo et des environs de violer les façons de procéder maçonniques, de tenir un faux jeu de registres et de faire d’autres choses incorrectes. Ces accusations furent transmises à la grande loge d’Illinois, qui lança une investigation qui devait durer deux ans. Par conséquent beaucoup de francs-maçons d’Illinois crurent aux fausses accusations de Bennett. C O M P L I C AT I O N S POLITIQUES Au cours de l’ascension et de la chute spectaculaire de John C. Bennett à Nauvoo apparurent des rivalités politiques entre les saints des derniers jours et leurs voisins dans l’ouest de l’Illinois. Ces difficultés trouvèrent leur source dans une Albert P. Rockwood (1805-79) détint plusieurs postes de confiance à la Légion de Nauvoo, fut appelé en 1845 comme Autorité générale en tant que l’un des présidents des soixante-dix et fut membre de la compagnie pionnière originelle de 1847. 266 politique volcanique de frontière où l’opposition entre les partis était intense et où les sentiments s’enflammaient aisément. Le problème fut intensifié par le fait que les démocrates et les whigs étaient presque à égalité en Illinois. En 1838, le gouvernement de l’Etat passa entre les mains des démocrates, mais les whigs CONFLITS CROISSANTS EN ILLINOIS avaient conservé un léger avantage dans l’ouest de l’Illinois, quand les saints commencèrent à arriver en 1839. Les deux partis politiques espéraient que les nouveaux citoyens les aideraient dans leur cause. Mais dans le comté de Hancock, les sentiments ne tardèrent pas à se polariser sur la croissance rapide de Nauvoo et d’autres communautés mormones. Les citoyens de Warsaw, localité située à vingt-sept kilomètres au sud de Nauvoo, devinrent inquiets et jaloux de l’hégémonie économique, politique et religieuse croissante de la ville mormone. C’est à Warsaw et à Carthage, siège du comté de Hancock situé à vingt-sept kilomètres à l’est de Nauvoo, que les sentiments antimormons commencèrent à prendre forme en Illinois. Afin de favoriser la bonne volonté, les dirigeants de l’Eglise invitèrent Thomas Sharp, ancien homme de loi et rédacteur du Warsaw Signal, à la cérémonie de la pose de la pierre angulaire du temple, le 6 avril 1841. En assistant aux manifestations du jour, parmi lesquelles un défilé et un banquet somptueux, et en Thomas Sharp devint un des principaux adversaires de l’Eglise en Illinois et rassembla l’opposition dans les colonnes de son journal, le Warsaw Signal. écoutant Joseph Smith et d’autres dirigeants de l’Eglise parler des perspectives de croissance de Nauvoo et du royaume de Dieu, Thomas Sharp acquit la conviction que le mormonisme était plus qu’une religion. Il y vit un mouvement politique antiaméricain dangereux visant à la domination d’un vaste empire. A son retour à Warsaw, il lança une campagne vigoureuse contre l’Eglise dans les colonnes de son journal, prétendant que l’intention de Joseph Smith était d’unir l’Eglise et l’Etat; il prétendit que les saints possédaient trop de pouvoir et d’autonomie dans leur charte de Nauvoo. En juin 1841, Sharp contribua à former, au comté de Hancock, un parti politique antimormon, qui tint des assemblées à Warsaw et à Carthage et organisa des réunions publiques dans d’autres localités plus petites. C’est ainsi que des membres des deux partis politiques nationaux s’unirent contre l’Eglise. Lors des élections du comté en juillet, un groupe de candidats antimormons fut élu, ce qui contrecarra l’influence politique des saints, alors même qu’ils votaient en bloc. Mais comme les saints des derniers jours continuaient à affluer dans le comté de Hancock, et, parmi eux, beaucoup de membres britanniques qui devinrent rapidement citoyens américains, la puissance politique des saints grandit et ne fit qu’accroître l’hostilité de leurs nouveaux ennemis du comté de Hancock. Entre-temps, les saints avaient trouvé un ami chez un des dirigeants du parti démocrate de l’Illinois, le juge Stephen A. Douglas, de la Cour suprême de l’Etat. Tandis qu’il était secrétaire d’Etat, Douglas avait contribué à assurer le vote de la charte de Nauvoo par le corps législatif de l’Illinois. Lorsqu’au début de juin 1841, il rendit visite aux membres de l’Eglise du comté d’Adams, Joseph fut arrêté pour s’être enfui de l’Etat du Missouri. Mais à Quincy, Joseph obtint un ordre d’habeas corpus, qui lui permit de faire appel au juge Douglas, lequel consentit à examiner l’affaire quelques jours plus tard au tribunal de circuit de Monmouth, à cent vingt kilomètres au nord-est de Nauvoo. Lorsque le procès s’ouvrit le 9 juin, la salle du tribunal était bondée de spectateurs attirés par le lynchage possible de Joseph Smith. Le juge Douglas mit à deux reprises le shérif à l’amende parce qu’il ne maintenait pas le bon ordre 267 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS parmi la foule. Les arguments de la défense concernant les atrocités commises contre les saints au Missouri, émurent jusqu’aux larmes beaucoup de personnes dans la salle d’audience, y compris le juge Douglas lui-même. Le lendemain il rendit un arrêt de non-lieu pour vice de procédure. Publié avec la permission de l'Illinois State Historical Library La décision du juge lui valut la gratitude de l’Eglise mais le fit soupçonner, dans l’ouest de l’Illinois, d’avoir passé un accord politique avec Joseph Smith. Dans tout l’Etat, les journaux whigs l’accusèrent de rechercher ouvertement le vote mormon en déclarant le non-lieu. Par conséquent, les whigs cessèrent de rechercher les bonnes grâces des saints des derniers jours et accentuèrent leurs attaques contre eux aux approches de 1842, année d’élection du gouverneur. Stephen A. Douglas devint la cible de beaucoup d’attaques partisanes parce qu’il continuait à être amical envers l’Eglise. Le fait qu’il nomma plusieurs membres de l’Eglise à des postes dans les tribunaux du comté de Hancock suscita une réaction antimormone violente à Warsaw et à Carthage. Stephen A. Douglas (1813-61) détint beaucoup de fonctions politiques au cours de son illustre carrière. De 1841 à 1843, il fut juge à la Cour suprême de l’Illinois; en 1843, il fut élu, à la Chambre des représentants des Etats-Unis et, en 1847, au Sénat. En 1860, il fut battu dans la campagne présidentielle par Abraham Lincoln. Il mourut à Chicago pendant qu’il faisait campagne pour la préservation de l’Union. Toute la reconnaissance des mormons à l’égard du juge Douglas se manifesta dans une lettre de Joseph Smith dans le Times and Seasons: «Whig ou démocrate, cela nous est tout à fait égal: pour nous, l’un et l’autre se valent; mais nous irons vers nos amis, nos amis qui ont fait leurs preuves . . . Douglas est un maître esprit, et ses amis sont nos amis, nous sommes disposés à dresser nos bannières et à combattre à son côté pour la cause de l’humanité et l’égalité des droits, la cause de la liberté et de la loi3.» Plus tard, en 1842, avec ‹l’aide indéniable du vote mormon, Thomas L. Ford, candidat démocrate au poste de gouverneur, remporta l’élection face à Joseph Duncan, candidat whig et adversaire déclaré des saints. Au cours de la même campagne électorale, William Smith, frère du prophète et l’un des douze apôtres, se présenta sur la liste démocrate pour la Chambre des représentants de l’Etat, face au candidat whig, Thomas Sharp. Pour contrecarrer les commentaires antimormons de Sharp, on créa le Wasp, sous la direction de William Smith. Plus tard, le Nauvoo Neighbor, avec John Taylor comme rédacteur en chef, remplaça le Wasp et continua à proclamer la cause des saints des derniers jours. Avec le soutien du nombre croissant de saints des derniers jours, l’apôtre remporta facilement l’élection et alla à Springfield pour lutter pour le maintien de la charte de Nauvoo. La défaite de Sharp intensifia l’antagonisme de celui-ci, et il étendit ses attaques sur une région couvrant dix comtés, réclamant à cor et à cri l’extermination ou l’expulsion des mormons. NOUVELLES MENACES DU MISSOURI En mai 1842, Lilburn W. Boggs, ancien gouverneur du Missouri, fut blessé dans une tentative d’assassinat. Les autorités du Missouri accusèrent Joseph Smith de cette tentative de meurtre et essayèrent de nouveau de l’extrader au Missouri. John C. Bennett, rempli de haine et de désir de revanche après avoir quitté Nauvoo, prétendit que Joseph Smith avait envoyé Orrin Porter Rockwell au Missouri dans le but exprès de tuer l’ancien gouverneur. Rockwell affronta avec colère Bennett à Carthage et l’accusa de mensonge. Bennett contacta alors Boggs, qui se remettait rapidement au Missouri, et le persuada d’attester sous serment 268 CONFLITS CROISSANTS EN ILLINOIS que Porter Rockwell, agissant sur l’ordre de Joseph Smith, avait essayé de l’assassiner. En juillet, Boggs comparut devant un juge de paix à Independence (Missouri) pour accuser Orrin Porter Rockwell, un des gardes du corps de Joseph Smith, de tentative de meurtre. Le gouverneur Thomas Reynolds du Missouri convainquit ensuite le gouverneur Thomas Carlin d’Illinois d’envoyer des policiers arrêter Porter Rockwell et Joseph Smith. Le prophète, utilisant le pouvoir d’habeas corpus accordé dans la charte de Nauvoo, fut temporairement libéré. Sachant que s’il retournait au Missouri, il serait tué, le prophète s’isola sur une île du Mississippi. Rockwell s’enfuit en Pennsylvanie sous un nom fictif. Les lettres écrites par Emma Smith, la Société de Secours des femmes de Nauvoo et d’éminents citoyens de Nauvoo ne réussirent pas à persuader le gouverneur Carlin que l’ordre d’extradition ne se justifiait pas. Carlin continua à offrir une récompense pour l’arrestation du prophète et de Porter Rockwell. A ce moment, les dirigeants de l’Eglise rédigèrent des documents répondant aux accusations de John C. Bennett et envoyèrent 380 anciens les distribuer aux hommes publics et aux membres de l’Eglise de divers Etats. Entre-temps, Justin Butterfield, le procureur, avança l’opinion que Joseph pouvait obtenir de la Cour suprême de l’Etat un non-lieu. Avec une protection assurée par Thomas Ford, gouverneur nouvellement élu, Joseph Smith se rendit en décembre 1842 à Springfield et fut finalement mis en liberté parce que les accusations allaient au-delà des éléments fournis dans l’attestation originale de Boggs et n’étaient donc pas fondées. Les saints de Nauvoo se réjouirent de ce que leur prophète pût quitter sa cachette et Dixon Iowa être de nouveau avec eux. Malheureusement, Porter Rockwell fut arrêté en mars à St-Louis (Missouri), alors qu’il retournait vers Nauvoo, et passa dix mois dans les prisons du Missouri avant d’être acquitté. En juin 1843, pendant la campagne pour le Congrès, les autorités du Missouri firent une troisième tentative pour ramener Joseph Smith à Independence pour y être jugé. John C. Bennett était dans le comté de Daviess (Missouri) et rendit vie à Monmouth la vieille accusation de trahison qui avait été portée contre le prophète. Le gouverneur Ford d’Illinois accepta un ordre d’extradition. A ce moment-là, Joseph Nauvoo Carthage et sa famille étaient partis pour des vacances bien méritées chez la soeur d’Emma, Illinois Elizabeth Wasson, près de Dixon (Illinois), à trois cents vingt kilomètres au nord de Nauvoo. Stephen Markham et William Clayton furent envoyés de Nauvoo pour mettre le prophète en garde. Tandis qu’ils étaient dans la maison, le shérif Joseph Springfield Reynolds, du comté de Jackson (Missouri), et l’agent Harmon Wilson, du comté de Hancock (Illinois), arrivèrent et arrêtèrent grossièrement le prophète dans la cour. Elizabeth Hale Wasson, soeur d’Emma, habitait à Dixon (Illinois). Tandis qu’il y était en visite, Joseph fut arrêté par des policiers missouriens. Lorsque les frères de Nauvoo apprirent dans quelle situation il était, ils envoyèrent d’importants groupes d’hommes à la recherche de leur dirigeant. Sa libération en vertu des lois d’habeas corpus suscita une grande controverse concernant les pouvoirs du gouvernement municipal de Nauvoo. Cyrus H. Walker, candidat whig au Congrès, et qui était aussi un homme de loi éminent, se trouvait par hasard à Dixon et promit à Joseph de le défendre si celuici votait pour lui lors des futures élections, ce que le prophète accepta de faire. Stephen Markham et William Clayton arrêtèrent alors le shérif Reynolds et l’agent Wilson pour emprisonnement abusif et pour menaces contre la vie de Joseph Smith. En route, ils rencontrèrent un détachement de cavalerie de la Légion de Nauvoo et furent ramenés sans encombre à Nauvoo sous les 269 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS applaudissements des citoyens. Le tribunal municipal de Nauvoo libéra Joseph Smith sur un ordre d’habeas corpus. Reynolds et Wilson furent invités à un dîner somptueux et libérés. Ils se précipitèrent ensuite à Carthage et suscitèrent d’autres sentiments antimormons parmi le peuple. Portant des accusations sous serment, ils obtinrent de nouveaux mandats d’arrêt contre Joseph Smith, et un détachement fut organisé pour reprendre le prophète. Toutefois le gouverneur Ford honora la décision du tribunal de Nauvoo. Pendant le litige, l’opinion publique de l’Etat devint de plus en plus antimormone. Avant les élections au Congrès du mois d’août, les dirigeants de l’Eglise décidèrent que Joseph P. Hoge, candidat démocrate, serait le meilleur homme pour représenter les intérêts des saints. Joseph Smith tint sa promesse de voter pour Cyrus Walker. Mais Hyrum Smith et John Taylor exhortèrent d’autres membres de l’Eglise à voter pour Hoge. Les deux candidats, incertains de l’attitude mormone, consacrèrent quatre jours à faire campagne à Nauvoo. Le vote de Nauvoo contribua à faire basculer l’élection en faveur de Hoge. Les whigs accusèrent alors les mormons d’abuser du pouvoir politique corporatif. Beaucoup de démocrates rejoignirent les rangs des antimormons, parce qu’ils craignaient que le pouvoir qui avait fonctionné à leur profit ne fût un jour utilisé contre eux. C’est ainsi que les tentatives sincères de Joseph Smith de tenir l’Eglise à l’écart d’une politique partisane furent vaines. DISSENSIONS A U S E I N D E L’E G L I S E Tandis que les forces de l’extérieur menaçaient le prophète, les dissensions à Nauvoo les aidaient dans leurs desseins hostiles. Pendant le scandale Bennett de 1842, trois autres membres de l’Eglise—Robert Foster, Francis Higbee et Chauncey Higbee—furent également sévèrement réprimandés par Joseph Smith pour immoralité. Après le scandale, Francis Higbee passa un an à Cincinnati mais revint après la mort de son père, Elias Higbee, un homme qui était resté loyal. En septembre, Francis se sentit de nouveau offensé lorsque le prophète les accusa publiquement, lui et d’autres, de collusion avec les Missouriens lors de la troisième tentative de l’extrader. Il devint l’ennemi juré du prophète. Le nombre de dissidents à Nauvoo augmenta lorsque vinrent s’y ajouter des membres de l’Eglise qui étaient opposés au mariage plural et à d’autres nouvelles doctrines enseignées par Joseph Smith. William Law, deuxième conseiller dans la Première Présidence, son frère, Wilson Law, général de division de la Légion de Nauvoo, ainsi qu’Austin Cowles et Leonard Soby, membres du grand conseil, croyaient tous que Joseph Smith était un prophète déchu. A la fin de décembre 1843, Joseph Smith apprit certains des mauvais desseins des dissidents. Il dit à la police de Nauvoo qu’il était beaucoup plus préoccupé par les traîtres au sein de l’Eglise que par les ennemis du Missouri: «Tous les ennemis qui sont à la surface de la terre peuvent rugir et appliquer toute leur puissance pour obtenir ma mort, mais ils ne peuvent rien faire avant que certains qui sont parmi nous, ont joui de notre société, ont été parmi nous dans nos conseils, ont été 270 CONFLITS CROISSANTS EN ILLINOIS mis dans notre confidence, nous ont pris la main, nous ont appelés frères, nous ont salués d’un baiser, se joignent à nos ennemis, transforment nos vertus en vices, et, par le mensonge et la tromperie, suscitent leur colère et leur indignation contre nous et fassent tomber leur vengeance unie sur notre tête . . . Nous avons un Judas parmi nous4.» Le malaise des apostats grandit du fait que la police suivait de près leurs activités. Des accusations furent échangées entre eux et le conseil municipal de Publié avec la permission des Archives nationales des Etats-Unis Nauvoo. En avril, Robert Foster et William et Wilson Law furent excommuniés pour conduite non chrétienne. Le 28 avril, ces hommes et leurs sympathisants se réunirent, déclarèrent Joseph Smith prophète déchu et inaugurèrent une Eglise réformée dont William Law était le président. Ils désignèrent un comité pour rendre visite aux familles et essayer de les convertir à la nouvelle Eglise. Une presse d’imprimerie fut commandée et des dispositions furent prises pour lancer un journal d’opposition, qui porterait le nom de Nauvoo Expositor. JOSEPH SMITH, C A N D I D AT À L A P R É S I D E N C E D E S E TAT S -U N I S Tandis que l’apostasie couvait à Nauvoo à la fin de 1843, Joseph Smith était Pendant la période de Nauvoo, les saints demandèrent officiellement à trois reprises au gouvernement des Etats-Unis réparation des dommages découlant des persécutions du Missouri. Le premier effort fut fait en 1839-40, lorsque Joseph Smith et d’autres allèrent à Washington (D.C.), et introduisirent une demande auprès de la commission judiciaire du Sénat. Le prophète dit que 491 personnes introduisirent leurs réclamations; plus de deux cents de ces documents ont été trouvés aux archives nationales. Une deuxième pétition fut introduite, en mai 1842, auprès de la commission judiciaire de la Chambre des représentants, et la troisième pétition était une pétition de quinze mètres portant 3 419 signatures, datée du 28 novembre 1843 et présentée le 5 avril 1844 à la commission judiciaire du Sénat. Les trois tentatives ne suscitèrent aucune intervention du gouvernement.. politiquement occupé. Se rendant compte que 1844 était une année d’élections nationales, il écrivit à John C. Calhoun, Lewis Cass, Richard M. Johnson, Henry Clay et Martin Van Buren, hommes les plus fréquemment mentionnés comme candidats à la présidence des Etats-Unis. Il demanda à chacun de ces hommes quelle serait son attitude à l’égard des saints des derniers jours s’il était élu, en particulier pour ce qui était de les aider à obtenir réparation pour les biens perdus au Missouri. Sur les cinq, Cass, Clay et Calhoun répondirent par lettre, mais aucun ne proposa le genre d’intervention fédérale que désiraient le prophète et les membres de l’Eglise. Il paraissait manifeste qu’il n’y avait personne que les saints pouvaient soutenir pour la présidence. C’est pourquoi Joseph Smith se réunit avec les Douze le 29 janvier 1844, pour envisager la marche à suivre pour les futures élections. Les frères soutinrent unanimement une motion visant à proposer leurs propres candidats avec Joseph Smith comme candidat à la présidence. Il leur dit qu’ils devraient envoyer tous les hommes de Nauvoo qui savaient parler en public pour faire campagne et prêcher l’Evangile et qu’il serait parmi eux. «Après la conférence d’avril, nous aurons des conférences générales dans tout le pays, et j’assisterai à toutes celles que je pourrai. Dites au peuple qu’il y a assez longtemps que nous avons des présidents whigs et démocrates: nous voulons un président des EtatsUnis [et pas simplement un président d’un parti politique]. Si jamais j’accède au fauteuil présidentiel, je protègerai le peuple dans ses droits et ses libertés5.» Avec l’aide de William W. Phelps, John M. Bernhisel et Thomas Bullock, Joseph synthétisa ses idées pour un programme électoral en une brochure intitulée Conceptions du général Smith concernant les pouvoirs et la politique du gouvernement des Etats-Unis. Elle fut publiée le 7 février et envoyée par la poste à environ deux cents dirigeants du pays. Les propositions de Joseph visaient à attirer les électeurs des deux grands partis. Il demandait la révocation de l’emprisonnement pour dettes, 271 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS la transformation des prisons en séminaires d’étude, l’abolition de l’esclavage pour 1850 et le remboursement des esclavagistes avec le revenu de la vente des terres publiques, la création d’une banque nationale avec des succursales dans chaque Etat et l’annexion du Texas et de l’Oregon. Le premier choix de Joseph Smith comme candidat à la vice-présidence était l’éminent journaliste new yorkais, ami des saints, James Arlington Bennet. Mais Bennet refusa, et Joseph se décida finalement pour Sidney Rigdon. Le 11 mars 1844, une réunion de conseil eut lieu à Nauvoo pour organiser le royaume politique de Dieu en vue de la seconde venue du Christ. Maintenant que le prophète était candidat à une fonction politique élevée, le moment semblait propice pour inaugurer cette entité qui servirait également de comité pour diriger sa campagne. Le conseil se composait d’environ cinquante membres, comprenant la plupart des dirigeants de l’Eglise. Il prit donc le nom de conseil des cinquante. A la fin d’avril, une liste d’anciens et de leurs responsabilités dans la campagne fut publiée dans le Nauvoo Neighbor. Il fut également décidé, lors d’une convention tenue à Nauvoo au début de mai, d’assurer la désignation de délégués de plusieurs Etats à une convention nationale qui aurait lieu en juillet à Baltimore Quand il fut décidé que Joseph Smith serait candidat à la présidence des EtatsUnis, il publia une brochure exprimant ses idées sur quelques questions importantes. En voici la page de titre. Parmi les points les plus importants de la brochure, il faut citer ceux qui suivent: 1. Passage en revue des sentiments nobles concernant le but du gouvernement des Etats-Unis, exprimés par Benjamin Franklin et dans les discours inauguraux de plusieurs présidents des Etats-Unis. On y trouvait l’argument que le président Van Buren avait commencé à écarter le pays des conceptions de base des Pères Fondateurs et que William Henry Harrison y serait revenu s’il n’était pas mort. 2. Réduire de deux tiers le nombre des membres du Congrès, avec un représentant par million d’habitants. Egalement réduire les salaires et le pouvoir du Congrès. 3. Gracier beaucoup de personnes qui étaient alors en prison, condamner les petites infractions à des activités de service public et transformer les pénitenciers en «séminaires d’enseignement» parce que «la rigueur et l’incarcération ne feront jamais autant pour réformer les penchants des hommes, que la raison et l’amitié6». 4. Abolir l’esclavage pour 1850 en faisant acheter et libérer les esclaves par le gouvernement fédéral. 5. Abolir la cour martiale pour désertion et tabler sur le sens de l’honneur. 6. Pratiquer une plus grande économie dans le gouvernement de la nation et des Etats. 7. Créer une banque nationale avec des succursales dans chaque Etat et territoire et faire circuler un moyen d’échange étalon. (Maryland) pour proposer Joseph Smith comme président des Etats-Unis. L’ O P P O S I T I O N S ’ I N T E N S I F I E En dépit des efforts de l’Eglise dans le domaine des relations publiques, l’opposition s’intensifia dans les premiers mois de 1844. Thomas Sharp attaqua à plusieurs reprises l’Eglise et accusa ses dirigeants de tous les crimes imaginables. Il désigna aussi le samedi 9 mars comme jour de jeûne et de prière du parti antimormon dans le but de faire rapidement tomber le «faux prophète» Joseph Smith. Le parti antimormon de Carthage mit sur pied une grande «chasse aux loups» dans le comté de Hancock pour le même jour. Ces chasses étaient un sport courant dans la région, mais dans ce cas et dans les cas ultérieurs, la chasse aux loups n’était qu’un prétexte pour permettre à des émeutiers de se rassembler pour harceler, piller et brûler les fermes des saints dans les endroits écartés. Par contraste avec le comportement illégal du parti antimormon et du Warsaw Signal, Joseph Smith unit ses efforts, ce printemps-là, à ceux du gouverneur Ford pour établir des relations plus cordiales parmi les citoyens de l’ouest de l’Illinois. Un éditorial du Nauvoo Neighbor invita tous les hommes honnêtes à se joindre au gouverneur «dans ses efforts louables pour entretenir la paix et honorer les lois». L’éditorial recommandait aux saints de traiter avec bonté ceux qui agissaient mal envers eux et leur rappeler le proverbe du sage: «Une réponse douce calme la fureur» (Proverbes 15:1). L’éditorial du Neighbor déclara que leur devise était «La paix avec tous les hommes7». En dépit de ces ouvertures, Thomas Sharp continua ses attaques par l’intermédiaire du Warsaw Signal et laissa entendre qu’il y avait un conflit entre Joseph Smith et des membres de l’Eglise et qu’une rupture était imminente8. Lorsqu’arriva le mois de mai 1844, les saints des derniers jours étaient une fois de plus engagés dans un conflit apparemment inconciliable avec leurs voisins. Il y avait beaucoup de raisons à cela: politiquement les saints étaient isolés de 272 CONFLITS CROISSANTS EN ILLINOIS 8. Révoquer l’article 4, section 4 de la Constitution qui stipulait que le gouverneur d’un Etat devait demander l’intervention fédérale pour écraser les violences domestiques, parce que les gouverneurs eux-mêmes peuvent être des émeutiers. 9. Eviter les «alliances compromettantes» avec des puissances étrangères. 10. Accepter l’Oregon, le Texas et les autres qui pourraient demander à appartenir à l’union des Etats. 11. Avoir pour président un homme qui ne serait pas un homme de parti mais qui serait président des Etats-Unis et qui serait sensible aux souhaits de la majorité du peuple, lequel détient le pouvoir souverain de gouvernement. quasiment tous les autres en Illinois, les autres communautés étaient jalouses de la croissance économique de Nauvoo et de son autonomie politique, beaucoup de personnes en Illinois craignaient la puissance de la Légion de Nauvoo, les francsmaçons étaient perturbés par les rumeurs d’irrégularités de l’ordre maçonnique à Nauvoo, et il y avait, dans la population, une répugnance généralisée à l’égard d’enseignements et de pratiques particuliers aux mormons qui avaient été présentés sous un faux jour par John C. Bennett et d’autres. En dépit de ces facteurs, les saints auraient quand même pu maintenir la paix s’il n’y avait pas eu l’apostasie qui se développait dans l’Eglise. Malheureusement, tout indiquait que cela allait finir par de la violence. Le 29 mai 1844, Thomas Sharp dit à ses lecteurs qu’il ne serait «pas surpris d’apprendre sous peu sa mort [de Joseph Smith] violente9». NOTES: 1. History of the Church, 4:341. 2. History of the Church, 5:4. Nauvoo, Ill., John Taylor, 1844, département d’histoire de l’Eglise, Salt Lake City, p. 6. 5. History of the Church, 6:188. 7. Dans B. H. Roberts, A Comprehensive History of the Church of Jesus Christ of Latterday Saints, Century One, six vol., Salt Lake City, The Church of Jesus-Christ of Latterday Saints, 1930, 2:218. 6. General Smith’s Views of the Powers and Policy of the Government of the United States, 9. Warsaw Signal, 29 mai 1844, p. 2. 3. «State Gubernatorial Convention», Times and Seasons, 1er janvier 1842, p. 651. 4. History of the Church, 6:152. 8. Voir Warsaw Signal, 8 mai 1844, p. 2. 273 CHAPITRE VINGT-DEUX LE Ligne du temps Date Evénement important 24 mars 1844 Joseph Smith révèle aux saints qu’il y a une conspiration contre lui 6 avril 1844 Joseph Smith contrecarre les desseins des conspirateurs lors de la conférence générale 7 juin 1844 Les conspirateurs publient le seul et unique numéro du Nauvoo Expositor 10 juin 1844 Le conseil municipal de Nauvoo ordonne la destruction de l’Expositor 18 juin 1844 Joseph Smith impose la loi martiale à Nauvoo 22 juin 1844 Le gouverneur Ford insiste pour que Joseph et Hyrum Smith aillent à Carthage afin de répondre aux accusations portées contre eux 24 juin 1844 Joseph et Hyrum vont à Carthage 27 juin 1844 Joseph et Hyrum sont assassinés à Carthage par des émeutiers M A RT Y R E A LORS MÊME QU’IL COMMENÇAIT son ministère, le prophète savait qu’il risquait de mourir pour sa religion. Tandis qu’il traduisait le Livre de Mormon, le Seigneur lui promit la vie éternelle s’il était «ferme à garder les commandements . . . même [s’il] devait être mis à mort» (D&A 5:22). Un mois plus tard, le Seigneur parla de nouveau du risque de mort violente: «Et même s’ils vous font ce qu’ils m’ont fait, vous êtes bénis car vous demeurerez avec moi en gloire» (D&A 6:30). Toutefois le prophète reçut aussi des assurances importantes concernant sa mission terrestre. Quelques années plus tard, dans la prison de Liberty, le Seigneur lui promit: «Tes jours sont connus et tes années ne seront pas diminuées; c’est pourquoi, ne crains pas ce que l’homme peut faire, car Dieu sera avec toi pour toujours et à jamais» (D&A 122:9). En 1840, la bénédiction que lui donna son père sur son lit de mort lui promit: «Tu vivras assez longtemps pour finir ton oeuvre.» Là-dessus Joseph s’écria en pleurant: ‹O mon père, est-ce vrai?› ‹Oui, dit son père, tu vivras assez pour mettre sur pied le plan de toute l’oeuvre que Dieu t’a donnée à faire1.›» Joseph Smith, écoutant l’inspiration de l’Esprit, mena vaillamment sa mission, subit le martyre et se qualifia pour une récompense glorieuse; c’est ainsi que ces prophéties furent accomplies. PRÉMONITIONS D E S A M O RT Tout en poursuivant son ministère pendant la période de Nauvoo, le prophète éprouvait de plus en plus, par l’Esprit, le pressentiment que son ministère terrestre approchait de sa fin. Il exprima ses sentiments à ses plus proches collaborateurs, et de temps en temps en parlait aux saints en général. Le 22 janvier 1843, devant une large assemblée dans le temple inachevé de Nauvoo, Joseph parla de l’utilisation qui était faite de la prêtrise pour établir le royaume de Dieu dans les derniers jours. Il expliqua que la dotation du temple préparerait «les disciples pour leur mission dans le monde». Parlant de son propre rôle, il déclara: «Je comprends ma mission et mon travail. Le Dieu Tout-Puissant est mon bouclier, et que peut faire l’homme si Dieu est mon ami? Je ne serai sacrifié que quand mon temps viendra. Alors je serai offert volontairement2.» Une des prophéties les plus directes et les plus émouvantes concernant son martyre fut faite au printemps 1844 devant le Collège des douze apôtres. Voici le souvenir qu’en a Orson Hyde: «Nous avons été en conseil avec frère Joseph presque chaque jour pendant des semaines. Lors d’un de ces conseils, frère Joseph Forces du mal, par Gary Smith a dit: Quelque chose d’étrange va arriver; je ne sais pas ce que c’est, mais le 275 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Seigneur me demande de me hâter et de vous donner votre dotation avant que le temple ne soit terminé. Il nous a fait passer toutes les ordonnances de la Sainte Prêtrise, et quand il a terminé toutes les ordonnances, il s’est beaucoup réjoui et a dit: Maintenant si on me tue, vous avez toutes les clefs et toutes les ordonnances et vous pouvez les conférer à d’autres, et les hordes de Satan ne pourront pas détruire le royaume aussi vite que vous pourrez l’édifier3.» Comme tout le monde, le prophète voulait vivre. Il voulait profiter de la compagnie de sa femme, jouer avec ses enfants, parler aux saints et fréquenter de bonnes personnes. En dépit du fait qu’il savait qu’il allait probablement mourir bientôt, c’était un homme qui aimait la vie. Il se réunissait souvent avec les saints, et quelques-uns de ses plus grands sermons furent prononcés à quelques semaines de son martyre. C O N S P I R AT I O N CONTRE LE PROPHÈTE Si la plupart des saints qui vivaient dans la prospère Nauvoo étaient justes, il y avait, et cela faisait un contraste marquant, l’apostasie qui se répandait parmi eux. William Law, deuxième conseiller de Joseph Smith, et son frère Wilson menaient la conspiration contre le prophète. Pendant les premiers mois de 1844, leurs partisans augmentèrent peu à peu jusqu’à atteindre environ deux cents personnes. Parmi les autres dirigeants, il y avait les frères Robert et Charles Foster, Chauncey et Francis Higbee et deux non-mormons influents: Sylvester Emmons, membre du conseil municipal de Nauvoo, et Joseph H. Jackson, délinquant notoire. Le dimanche 24 mars 1844, Joseph Smith parla au temple de la conspiration dont un informateur venait de le mettre au courant. Il révéla l’identité de certains de ses ennemis et ajouta: «Les mensonges que Higbee a inventés et sur lesquels il se base sont – et c’est lui-même qui le dit – que j’ai fait couper la tête à des hommes au Missouri et que j’ai fait transpercer, à l’aide d’un sabre, le coeur des gens que je voulais tuer et écarter. Je ne vais pas les accuser sous serment pour obtenir un mandat d’arrêt contre eux, car je ne crains aucun d’eux. Ils ne feraient pas peur à une vieille poule en train de couver4.» A la conférence générale d’avril, les conspirateurs essayèrent de provoquer la chute du prophète. Assurés que la majorité des saints s’opposeraient au principe du mariage plural, ils prirent leurs dispositions pour soulever le sujet lors de la session d’affaires de conférence. Ils étaient aussi prêts à prétendre que Joseph Smith était un prophète déchu parce que quasiment aucune révélation n’avait été publiée et diffusée parmi les membres de l’Eglise au cours des mois précédents. Pour contrecarrer les conspirateurs, le prophète témoigna au commencement de la conférence qu’il n’était pas un prophète déchu, qu’il ne s’était jamais senti plus proche de Dieu qu’à ce moment-là, et qu’il montrerait au peuple avant la fin de la conférence que Dieu était avec lui5. Lors de la session du lendemain, il fit un discours de deux heures, qui est maintenant connu sous le nom de discours sur King Follett. En cette occasion, les fidèles furent témoins de la majesté de leur prophète. 276 LE MARTYRE L’ A F FA I R E D E L’ EXPOSITOR Les chefs de la conspiration furent démasqués dans le Times and Seasons et excommuniés de l’Eglise. Voyant leurs plans contrecarrés, les dissidents décidèrent de publier un journal d’opposition. Le premier et unique numéro de leur journal, qui s’appelait Nauvoo Expositor, parut le 7 juin 1844. D’un bout à l’autre du journal, ils accusèrent Joseph Smith d’enseigner des principes corrompus, de pratiquer la débauche, d’être partisan de la doctrine dite des femmes spirituelles, de rechercher le pouvoir politique, de prêcher qu’il y avait de nombreux dieux, de parler de Dieu d’une manière blasphématoire et de promouvoir une inquisition. Le conseil municipal se réunit en de longues sessions le samedi 8 juin et de nouveau le lundi suivant. Il suspendit Sylvester Simmons, un de ses membres, qui ne faisait pas partie de l’Eglise et qui était le rédacteur de l’Expositor et discuta de l’identité des éditeurs et de leurs intentions. Prenant pour autorité juridique le célèbre juriste anglais William Blackstone et après avoir examiné divers codes Le Nauvoo Expositor, publié le 7 juin 1844, tenta de rallier les antimormons contre l’Eglise à Nauvoo. L’interdiction du journal, la destruction de la presse et la démolition accidentelle du bâtiment furent à l’origine de poursuites judiciaires contre Joseph Smith, maire de Nauvoo, ce qui l’amena à se rendre à Carthage. municipaux, le conseil décida que le journal était une atteinte à la moralité publique et qu’il calomniait des citoyens. Ils se dirent en outre que s’ils ne faisaient rien pour mettre fin à cette feuille à scandale, les antimormons seraient poussés à l’émeute. En sa qualité de maire, Joseph Smith ordonna à John Greene, chef de la police municipale, de détruire la presse, de disperser les caractères et de brûler les journaux restants. L’ordre fut exécuté dans les heures qui suivirent. Le conseil municipal avait agi légalement pour mettre fin à une atteinte à la moralité publique, bien que l’opinion juridique de l’époque n’admît que la destruction des numéros publiés du journal incriminé. La démolition de la presse était une violation du droit de propriété6. Après la destruction de la presse, les éditeurs se précipitèrent à Carthage et obtinrent un mandat d’arrêt contre le conseil municipal de Nauvoo sur accusation d’émeute. Mais les 13 et 14 juin, Joseph Smith et les autres membres du conseil furent libérés suite à une audition en habeas corpus devant le tribunal municipal de Nauvoo. Cela ne fit qu’augmenter la colère du public. En outre, en dépit du fait que l’Illinois eût connu vingt destructions semblables de presses d’imprimerie au cours des deux décennies précédentes sans qu’il n’y eût de réactions, les ennemis de l’Eglise décrétèrent que l’incident de l’Expositor était une violation de la liberté de la presse. Ces mesures poussèrent des groupes de citoyens du comté de Hancock à réclamer l’expulsion des saints de l’Illinois. Thomas Sharp exprima avec véhémence les sentiments de beaucoup d’ennemis de l’Eglise quand il écrivit dans son éditorial du Warsaw Signal: «La guerre et l’extermination sont inévitables! Citoyens, LEVEZ-VOUS TOUS!!! – Pouvez-vous rester là à supporter ces DEMONS DE L’ENFER! DÉPOUILLER des hommes de leurs biens et de leurs DROITS, sans les venger? Nous n’avons pas le temps de faire des commentaires; chacun les fera luimême. QUE CELA SE FASSE AVEC LA POUDRE ET LES BALLES!!!7» 277 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS La situation était si dangereuse que Joseph Smith écrivit au gouverneur Ford pour l’informer de la situation et y annexa beaucoup d’attestations pour expliquer les menaces portées contre les saints. Hyrum Smith écrivit à Brigham Young que les Douze et tous les autres anciens envoyés en mission politique devaient immédiatement revenir à Nauvoo. Il déclara: «Vous savez que nous n’avons pas peur, mais nous pensons que le mieux est d’être bien préparés et prêts pour l’assaut8.» Joseph mobilisa ses gardes et la Légion de Nauvoo et, le 18 juin, déclara la loi martiale dans la ville. Entre-temps les citoyens du comté de Hancock demandaient au gouverneur Ford de mobiliser la milice de l’Etat et de faire comparaître les contrevenants de Nauvoo devant la justice. L’excitation était si intense que Ford publia une lettre ouverte appelant au calme, puis se rendit à Carthage pour neutraliser une situation qui menaçait de dégénérer en guerre civile. Il écrivit également à Joseph Smith en insistant sur le fait que seul le procès des membres du conseil municipal devant un jury non mormon à Carthage satisferait la population. Il promit une protection complète pour les accusés, s’ils se livraient. Le prophète ne croyait pas que le gouverneur pouvait tenir sa promesse. Il répondit: «On nous assure que des mandats ont été décernés contre nous dans divers endroits du pays. Dans quel but? Pour nous traîner d’un endroit à l’autre, d’un tribunal à l’autre, par ruisseaux et prairies, jusqu’à ce qu’un bandit sanguinaire trouve l’occasion de nous abattre. Nous n’osons pas venir9.» En réunion de conseil avec ses frères, Joseph Smith lut une lettre du gouverneur qui paraissait ne manifester aucune pitié à leur égard, et ils réfléchirent à ce qu’il allait falloir faire. Au cours des délibérations, le visage de Joseph s’éclaircit, et il déclara: «La voie est ouverte! Je vois clairement ce qu’il faut faire. Tout ce qu’ils veulent, c’est Hyrum et moi; alors dites à tout le monde de s’occuper de ses affaires et de ne pas former de groupes, mais de se disperser . . . Nous traverserons le fleuve cette nuit, et irons dans l’Ouest10.» Stephen Markham, ami intime de Joseph Smith, assista au conseil, un conseil qui dura toute la nuit, et entendit Joseph Smith dire que «c’était la voix de l’Esprit qui lui disait d’aller dans l’Ouest parmi les indigènes, d’emmener Hyrum et plusieurs autres et de rechercher un endroit pour l’Eglise11». Tard le soir du 22 juin 1844, Joseph et Hyrum firent, dans les larmes, leurs adieux à leurs familles et, en compagnie de Willard Richards et d’Orrin Porter Rockwell, traversèrent le Mississippi dans un esquif. Celui-ci faisait tellement eau et le fleuve avait tellement monté qu’il fallut la plus grande partie de la nuit pour arriver de l’autre côté. Au petit matin, un détachement de cavalerie arriva à Nauvoo pour arrêter Joseph et Hyrum mais ne les trouva pas. Il retourna à Carthage après avoir menacé les citoyens d’une invasion de troupes si Joseph et Hyrum ne se livraient pas. Le même matin, certains frères, qui étaient allés trouver Joseph, avancèrent l’argument que les émeutiers chasseraient les saints de chez eux en dépit de son départ. Joseph répondit: «Si ma vie n’a pas de valeur pour mes amis, elle n’en a pas pour moi12!» Joseph et Hyrum prirent alors leurs dispositions pour revenir à Nauvoo et se laissèrent arrêter le lendemain. 278 LE MARTYRE JOSEPH ET HYRUM VONT À C A RT H A G E La Harpe Iowa Territory A son retour à Nauvoo, Hyrum accomplit la cérémonie de mariage de sa fille Lovina avec Lorin Walker. Ce petit moment de joie précédait le chagrin qui allait City of Nauvoo Nauvoo Township Missouri bientôt s’abattre. Joseph voulut encore une fois parler aux saints, mais le temps Fountain Green Macedonia Duncan manquait. Il rentra auprès de sa famille, sachant parfaitement bien que c’était probablement sa dernière soirée avec elle. Carthage Le lundi 24 juin à 6.30 heures du matin, Joseph, Hyrum, John Taylor et quinze Warsaw Warren autres membres du conseil municipal de Nauvoo se mirent en route à cheval pour Illinois Carthage, accompagnés de Willard Richards et d’un certain nombre d’autres amis. Augusta Il pleuvait depuis des semaines, mais ce matin-là était ensoleillé et beau. S’arrêtant devant l’emplacement du temple, le prophète contempla l’édifice sacré, puis la ville et fit la réflexion: «Voici le plus beau lieu et le meilleur peuple qui soient sous les cieux; ils ne se doutent guère des épreuves qui les attendent13.» Il dit aux saints Nauvoo Road Buchanan Prison Walnut assemblés: «Si je n’y vais pas [à Carthage], le résultat sera la destruction de cette ville et de ses habitants; et je ne peux pas m’imaginer mes frères et soeurs bienaimés et leurs enfants passer de nouveau à Nauvoo par ce qu’ils ont connu au rs Wa Ra aw d ro a and Carthage State Road Main Street Tribunal Hamilton Public Square Hotel Street Wabash il Cherry Missouri; non, il vaut mieux que votre frère, Joseph, meure pour ses frères et soeurs, car je suis disposé à mourir pour eux. Mon oeuvre est terminée14.» Vers dix heures environ, le groupe arriva à une ferme située à environ six kilomètres à l’ouest de Carthage, où il rencontra une compagnie de soixante cavaliers de la milice de l’Illinois. Le capitaine Dunn présenta un ordre du Locust gouverneur Ford exigeant que toutes les armes de l’Etat entre les mains de la Légion de Nauvoo fussent livrées. A la demande de Dunn, Joseph accepta de retourner à Nauvoo pour empêcher toute résistance. Joseph envoya ensuite un mot pour expliquer son retard au gouverneur qui était à Carthage. Avant de Carthage était le siège du comté de Hancock et l’endroit où se trouvait la prison du comté. Un grand nombre d’émeutiers faisaient partie de la milice de l’Etat qui avait été relevée de ses fonctions et s’était rendue à Carthage par la route de Warsaw. retourner à Nauvoo, il prophétisa: «Je vais comme un agneau à l’abattoir, mais je suis calme comme un matin d’été. J’ai la conscience libre de toute offense envers Dieu et envers tous les hommes. Si l’on m’ôte la vie, je mourrai innocent, et mon sang criera vengeance de dessous la terre, et l’on dira de moi: ‹Il fut assassiné de sang froid15!›» A son retour à Nauvoo, Joseph commanda que trois petits canons et quelque deux cents armes à feu fussent livrés à la milice. Cette mesure ranima le souvenir atroce du désarmement des mormons qui avait précédé le massacre au Missouri. Le prophète eut aussi une nouvelle occasion de faire ses adieux à sa famille. Il partit pour Carthage à six heures du soir. Le 24 juin à minuit moins cinq, le capitaine Dunn et sa compagnie de soixante cavaliers de la milice d’Augusta entraient à Carthage avec Joseph et Hyrum Smith et les membres du conseil municipal de Nauvoo, prisonniers volontaires. Joseph et Hyrum étaient las de fuir, de se cacher et d’être menacés d’assassinat. Néanmoins, lorsqu’ils entrèrent à cheval en ville, les frères avaient un aspect imposant—le prophète, trente-huit ans et Hyrum, quarante-quatre—tous les deux hommes de haute taille qui dominaient la plupart des autres. 279 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS La Hamilton House était une auberge où Joseph et Hyrum logèrent lorsqu’ils se rendirent à Carthage et où leurs corps furent portés après le martyre. Carthage était dans un état indescriptible. Des groupes de citoyens et de fermiers furieux de tout l’ouest de l’Illinois avaient réclamé à cor et à cri l’arrestation du prophète mormon. Ils étaient maintenant avides de voir les prisonniers. Parmi les émeutiers, il y avait plus de quatorze cents hommes indisciplinés de la milice, entre autres les Carthage Greys locaux. Toute la journée, des groupes importants avaient parcouru la ville, buvant et se bagarrant. Ils voulaient mettre la main sur les frères Smith. Grâce aux efforts du capitaine Dunn, les prisonniers furent mis en sécurité à l’hôtel Hamilton House. Les Greys continuèrent à réclamer à cor et à cri pour voir Joseph Smith. Finalement le gouverneur Ford passa la tête par la fenêtre et calma la foule en annonçant que l’on ferait passer le lendemain M. Smith devant les troupes. Tôt le lendemain, Joseph et ses frères se livrèrent au policier David Bettisworth sur l’accusation originelle d’émeute. Joseph et Hyrum furent presque immédiatement accusés de trahison contre l’Etat d’Illinois pour avoir déclaré la loi martiale à Nauvoo. A 8.30 heures ce matin-là, le gouverneur convoqua les troupes sur la place publique où il les harangua. Il leur dit que les prisonniers étaient des hommes dangereux et peut-être coupables, mais qu’ils étaient maintenant entre les mains de la loi, et que la loi devait suivre son cours. Ses paroles ne firent qu’augmenter la rage des soldats. Joseph et Hyrum furent alors promenés devant les troupes où ils subirent beaucoup d’insultes vulgaires et de menaces de mort. Cet après-midi-là, à quatre heures, une audience préliminaire eut lieu devant Robert F. Smith, juge de paix, qui était aussi capitaine des Carthage Greys et qui agissait dans le parti antimormon. Chaque membre du conseil municipal de Nauvoo fut libéré avec une caution de cinq cents dollars et reçut ordre de comparaître lors de la session suivante du tribunal du circuit. La plupart des accusés partirent alors pour Nauvoo, mais Joseph et Hyrum restèrent pour un entretien avec le gouverneur Ford. Ce soir-là, un policier se présenta avec un mandat de dépôt signé par le juge Smith pour garder Joseph et Hyrum en prison jusqu’à ce qu’ils pussent être jugés pour trahison, crime capital. Joseph et ses 280 LE MARTYRE La prison fut commencée en 1839 et terminée deux ans plus tard pour le prix de 4 105 $. Elle fut utilisée pendant vingt-cinq ans environ. Plus tard, elle servit de résidence privée et devint une des plus belles maisons de Carthage. Sous la direction de Joseph F. Smith, l’Eglise acheta, en 1903, le bâtiment et le terrain pour 4 000 $. En 1938, l’Eglise restaura le bâtiment. 1. Endroit où tomba Hyrum Smith après avoir été touché à la figure par la balle qui pénétra par la porte. Cette chambre était aussi la chambre à coucher du geôlier. 2. Willard Richards se trouvait derrière la porte et essaya de repousser les attaquants avec une canne. 3. John Taylor se glissa en dessous du lit après avoir été blessé. 4. Le prophète tomba de la fenêtre du premier étage et atterrit auprès du puits, ayant été touché par quatre balles qui le tuèrent. 5. Dans cette chambre se trouvait une cellule pour les prisonniers; on appelait cet endroit le cachot, ou cellule pour les criminels. 6. Cuisine d’été et véranda utilisées par le geôlier et sa famille. 7. La salle de séjour se trouvait au rez-dechaussée. 8. La salle-à-manger se trouvait au rez-dechaussée. 9. La cellule des débiteurs se trouvait du côté nord-ouest du rez-de-chaussée. Cette salle était utilisée pour enfermer les prisonniers accusés d’une infraction moins grave. 5 1 3 2 4 9 6 8 7 avocats protestèrent en disant que le mandat de dépôt était illégal puisque cette accusation n’avait pas été mentionnée à l’audience. Leur plainte fut portée devant le gouverneur, mais il dit qu’il ne pouvait pas interrompre un officier civil dans l’exercice de son devoir. En sa capacité de capitaine des Greys, le juge Smith envoya ses soldats exécuter le mandat de dépôt qu’il avait délivré en tant que juge de paix. Joseph et Hyrum furent poussés jusqu’à la prison de Carthage au milieu d’une grande cohue dans les rues. Huit de leurs amis les accompagnèrent, dont John Taylor et Willard Richards. Dan Jones, avec sa canne, et Stephen Markham, avec sa badine en noyer, qu’il appelait le «batteur de bandits» marchaient de part et d’autre du prophète et de son frère, repoussant la foule ivre. Il se révéla que la prison de pierre était l’endroit le plus sûr de la ville. Plusieurs amis de Joseph et de Hyrum eurent la permission de loger avec eux. Le lendemain, 26 juin, une audience fut tenue sur l’accusation de trahison. Aucun témoin n’était présent pour les accusés; étant donné que la trahison était une accusation qui ne permettait pas la libération sous caution, ils durent rester en prison jusqu’à ce qu’une nouvelle audience pût avoir lieu le 29 juin. Certains frères rencontrèrent le gouverneur Ford et lui dirent que s’ils allaient à Nauvoo, Joseph et Hyrum ne seraient pas en sécurité à Carthage. Ford promit d’emmener Joseph et Hyrum. Joseph passa l’après-midi à dicter à son secrétaire, Willard Richards, tandis que Dan Jones et Stephen Markham travaillaient avec un canif la porte faussée de leur chambre de prison pour pouvoir la fermer à clef en vue d’une attaque possible. 281 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Cette nuit-là, Willard Richards, John Taylor et Dan Jones restèrent en prison avec Joseph et Hyrum. Ils prièrent ensemble et lurent dans le Livre de Mormon. Joseph rendit son témoignage aux gardes. Beaucoup plus tard, Joseph était couché sur le sol à côté de Dan Jones, capitaine de bateau fluvial. «Joseph chuchota à Dan Jones: ‹Avez-vous peur de mourir?› Dan dit: ‹Ce moment est venu, pensez-vous? Engagés comme nous le sommes dans une telle cause, je ne pense pas que la mort recèlerait beaucoup de terreurs.› Joseph répondit: ‹Vous verrez un jour le pays de Galles [pays natal de Jones] et accomplirez avant de mourir la mission qui vous a été désignée16.› Frère Jones accomplit plus tard la prophétie en faisant une excellente mission au pays de Galles. Vers minuit, plusieurs hommes entrèrent dans la prison et commencèrent à monter les marches vers la chambre des prisonniers. Un des frères saisit une arme qui avait été passée en fraude dans leur chambre au cours de la journée. Les émeutiers, qui se tenaient à côté de la porte, les entendirent bouger et hésitèrent. «Le prophète ‹avec une voix de prophète› s’écria: ‹Allons, assassins, nous sommes prêts à vous recevoir, et sommes aussi disposés à mourir maintenant que pendant Dan Jones (1811-1862) naquit au Flintshire (pays de Galles) et émigra plus tard en Amérique, où il devint membre de l’Eglise. Il accomplit une promesse prophétique que le prophète lui fit dans la prison de Carthage, en faisant une mission au pays de Galles de 1845 à 1849. Il écrivit et traduisit des publications de l’Eglise pour les Gallois et contribua à amener deux mille convertis dans l’Eglise. En 1852, il fut de nouveau appelé au pays de Galles et devint président de mission en 1854; pendant ce temps, il accomplit de nouveau une grande oeuvre parmi le peuple de son pays natal. le jour›17.» Les émeutiers battirent en retraite. LA TRAGÉDIE DE C A RT H A G E Le lendemain matin, jeudi 27 juin, «Joseph pria Dan Jones de descendre demander au garde ce qui avait causé les perturbations de la nuit. Frank Worrell, officier de la garde, qui était l’un des Carthage Greys, dit sur un ton très agressif: ‘Nous avons eu trop de mal pour amener le vieux Joe jusqu’ici pour le laisser jamais s’échapper vivant, et si vous ne voulez pas mourir avec lui vous feriez mieux de partir avant le coucher du soleil; . . . et vous verrez que je peux mieux prophétiser que le vieux Joe . . . ‘ «Joseph dit à Jones de se rendre auprès du gouverneur Ford et de l’informer de ce que l’officier de la garde lui avait dit. Tandis qu’il se rendait auprès du gouverneur Ford, Jones vit un groupe d’hommes et entendit l’un d’eux, qui était apparemment un meneur, faire un discours dans lequel il disait: ‹Nos troupes seront relevées ce matin conformément aux ordres, et nous ferons semblant de quitter la ville; mais cet après-midi, quand le gouverneur et les troupes de McDonough seront parties pour Nauvoo, nous reviendront tuer ces hommes, même si nous devons démolir la prison.› Cette proposition fut accueillie par un triple hourra de la foule. “Le capitaine Jones se rendit auprès du gouverneur, lui dit ce qui s’était passé pendant la nuit, ce que l’officier de garde avait dit, et ce qu’il avait entendu pendant qu’il se rendait auprès de lui, et le sollicita instamment de détourner le danger. “Son Excellence répondit: ‹Vous vous alarmez sans nécessité pour la sécurité de vos amis, monsieur. Le peuple n’est pas cruel à ce point.› “Irrité de cette réflexion, Jones insista sur la nécessité de mettre de meilleurs hommes pour les garder que des gens qui affirmaient vouloir être des assassins . . . 282 LE MARTYRE “ . . . Jones fit la réflexion: ‹Si vous ne faites pas cela, je n’ai plus qu’un seul désir . . . “ . . . ‹Que le Tout-Puissant préserve ma vie jusqu’au moment et au lieu appropriés pour que je puisse témoigner que vous avez été averti en temps utile du danger dans lequel ils se trouvaient . . . › “ . . . Des menaces furent portées contre la vie de Jones, et Chauncey L. Higbee lui dit dans la rue: ‹Nous sommes décidés à tuer Joe et Hyrum, et vous feriez mieux de vous en aller pour vous sauver18.›” Ce matin-là, Joseph écrivit à Emma: «Je suis tout à fait résigné à mon sort, sachant que je suis justifié et que j’ai fait du mieux que je pouvais. Transmets mon Le prophète utilisa ce six-coups appelé «poivrier» pour se défendre ainsi que ses compagnons de prison. John S. Fullmer apporta ce pistolet à un coup, mais les prisonniers ne l’utilisèrent pas. amour aux enfants et à tous les amis . . . Que Dieu vous bénisse tous19.» Il envoya aussi une lettre à Orville H. Browning, homme de loi bien connu, lui demandant de venir le défendre. Peu de temps après, ses amis, à l’exception de Willard Richards et de John Taylor, furent obligés de quitter la prison. Contrairement à sa promesse, le gouverneur Ford partit ce matin-là pour Nauvoo sans Joseph ni Hyrum, se faisant plutôt accompagner par les dragons du capitaine Dunn, originaires du comté de McDonough, les seules troupes qui avaient fait preuve de neutralité dans toute cette affaire. En chemin, il envoya à toutes les autres troupes qui se trouvaient à Carthage et à Warsaw l’ordre de retourner dans leurs foyers, à l’exception d’une compagnie de Carthage Greys pour garder la prison. Les Greys étaient les ennemis les plus hostiles de Joseph et on ne pouvait pas compter sur eux pour le protéger. Ils faisaient partie d’une conspiration pour feindre de défendre les prisonniers lorsque des ennemis du prophète prendraient plus tard la prison d’assaut. A Nauvoo, Ford prononça un discours insultant. Il dit: «On a commis un grand crime en détruisant la presse de l’Expositor et en décrétant la loi martiale dans la ville, et il faudra qu’il y ait une expiation sévère; préparez-vous donc l’esprit pour cette grave situation. Une autre cause d’agitation vient du fait que vous avez tellement d’armes. Le public craint que vous les utilisiez contre le gouvernement. Je sais qu’il y a beaucoup de préjugés contre vous à cause de votre étrange religion, mais vous devriez être des saints qui prient et non des saints militaires20.» Entre-temps, le colonel Levi Williams, de la milice de Warsaw, lisait à ses hommes l’ordre de licenciement pris par le gouverneur. Thomas Sharp harangua ensuite les hommes et les invita à marcher sur Carthage. Il y eut des cris pour que des volontaires aillent tuer les Smith. Certains des hommes se déguisèrent en se couvrant le visage de boue mélangée de poudre à canon et se mirent en route pour Carthage. A la prison, les quatre frères mouraient de chaud dans la chaleur étouffante de l’après-midi. Joseph remit à Hyrum un pistolet à un coup et se prépara à se défendre avec le six-coups introduit ce matin-là par Cyrus Wheelock. Profondément déprimés, les frères demandèrent à John Taylor de chanter un cantique populaire intitulé «Je rencontrais sur mon chemin», qui traitait d’un étranger malheureux, lequel se révéla finalement être le Sauveur. Joseph demanda 283 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Martyre de Joseph et de Hyrum, par Gary Smith Mort du prophète, par Gary Smith Montre et canne de John Taylor à John de le chanter de nouveau, ce qu’il fit. Etant donné la situation dans laquelle ils se trouvaient, un des versets est particulièrement touchant: Plus tard je le vis en prison devant mourir le lendemain. Je criai: «Noire trahison!» Pour le défendre, mais en vain. 284 LE MARTYRE Il dit alors pour m’éprouver: «Veux-tu mourir pour me sauver?» Terribles mots! Ma chair frémit, Mais mon esprit répondit «Oui!21». A quatre heures de l’après-midi, la garde de la prison fut changée. Frank Worrell, qui avait menacé Joseph Smith ce matin-là, était alors le responsable. Quelques minutes après cinq heures, un groupe d’une centaine d’émeutiers au visage noirci arriva en ville et se dirigea vers la prison. Les prisonniers entendirent une bagarre au rez-de-chaussée suivie du cri «Rendez-vous» et trois ou quatre coups de feu. Le prophète et les autres se précipitèrent sur la porte pour repousser les assaillants qui avaient monté les escaliers et poussaient leurs fusils à travers la porte à moitié fermée. John Taylor et Willard Richards tentèrent de dévier les mousquets avec leurs cannes. Une balle tirée à travers le panneau de la porte toucha Hyrum du côté gauche du visage, et il tomba en disant: «Je suis mort!» Joseph, se penchant Willard Richards (1804-54) fut ordonné apôtre en 1840 et fut un des secrétaires personnels de Joseph Smith. Il fut également appelé comme historien en 1842 et greffier général de l’Eglise en 1845. A la suite de ce qu’il vécut à Carthage, il écrivit l’émouvant récit “Deux minutes en prison”. En 1847, il devint deuxième conseiller de Brigham Young et remplit ce poste jusqu’à sa mort. sur Hyrum, s’exclama: «O cher frère Hyrum!» John Taylor dit que l’expression de douleur qu’il vit sur le visage de Joseph s’imprima à jamais dans son esprit. Joseph s’approcha alors de la porte, passa le revolver dans l’encadrement et déchargea son six-coups dans le couloir plein de monde. Trois seulement des six coups partirent, blessant trois assaillants. Les coups de feu ne retardèrent les assassins qu’un instant. John Taylor tenta de sauter par la fenêtre mais fut touché. Un coup de feu tiré d’en bas traversa la fenêtre et toucha la montre dans son gousset, l’arrêtant à cinq heures seize et le renvoyant dans la pièce. Il tomba sur le sol et fut de nouveau touché au poignet gauche et sous le genou gauche. Tandis qu’il roulait sur lui-même pour se réfugier sous le lit, il fut de nouveau atteint depuis l’escalier, la balle lui arrachant la chair à la hanche gauche. Son sang éclaboussa le sol et le mur. «Joseph, voyant qu’il n’y avait pas de sécurité dans la pièce», essaya de fuir de la même manière. Les émeutiers tirèrent immédiatement sur lui, et il tomba mortellement blessé par la fenêtre ouverte en s’exclamant: «O Seigneur, mon Dieu!» Les émeutiers qui étaient dans l’escalier se précipitèrent dehors pour s’assurer que Joseph Smith était mort22. Willard Richards était le seul à être indemne, une balle lui ayant simplement effleuré l’oreille. Précédemment Joseph avait prophétisé en la présence de Willard qu’il se trouverait au milieu d’une pluie de balles et qu’il en sortirait indemne. Ce n’est qu’alors que Willard comprit pleinement ce que Joseph avait voulu dire. Il traîna John Taylor, grièvement blessé, dans la pièce suivante, le posa sur de la paille et le couvrit d’un vieux matelas sale. Frère Taylor fut convaincu que ce fut la paille qui lui sauva la vie en contribuant à faire arrêter le saignement. Entre-temps, John Taylor (1808-87), membre du Collège des Douze depuis le 19 décembre 1838, fut grièvement blessé à Carthage. Willard Richards et lui devinrent témoins apostoliques de l’effusion du sang innocent de Joseph et de Hyrum Smith. John Taylor présida l’Eglise à partir du 29 août 1877, date de la mort de Brigham Young, jusqu’à sa propre mort, le 25 juillet 1887. Willard, s’attendant à être tué d’un moment à l’autre, fut surpris lorsque les émeutiers s’enfuirent et le laissèrent seul avec ses camarades morts et blessés. Samuel Smith, frère du prophète, entendit parler des menaces de mort contre ses frères et se hâta de se rendre à Carthage. Il y arriva ce soir-là, physiquement épuisé, ayant été pourchassé par les émeutiers. Suite aux efforts épuisants qu’il dut fournir dans cette poursuite, qui était une question de vie ou de mort pour lui, 285 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Samuel contracta une fièvre qui causa sa mort le 30 juillet. A Carthage, Samuel aida frère Richards à déplacer les corps de ses frères martyrisés jusqu’à la Hamilton House. Après l’enquête du coroner, Willard Richards écrivit aux saints de Nauvoo: «Joseph et Hyrum sont morts23.» Les émeutiers s’enfuirent à Warsaw, leur ville d’origine, puis, craignant les représailles des mormons, traversèrent le fleuve et passèrent au Missouri. Le gouverneur Ford apprit l’assassinat peu après son départ de Nauvoo pour retourner à Carthage. Quand il arriva, il exhorta les quelques citoyens qui restaient à évacuer la ville et fit déménager les registres du comté à Quincy pour les mettre en sécurité. Rien de tout cela n’était nécessaire. Quand les saints apprirent la mort Joseph Smith et sa famille s’installèrent en août 1843 dans la Mansion House. Plus tard, une aile fut ajoutée du côté est du bâtiment principal, lui donnant l’aspect d’un L avec un total de vingt-deux pièces. A partir de janvier 1844, Ebenezer Robinson géra la Mansion House comme un hôtel. Le prophète conserva six pièces pour lui-même et pour sa famille. de leurs dirigeants bien-aimés, ils furent remplis de chagrin plutôt que du désir de vengeance. Le matin du 28 juin 1844, les corps des dirigeants tués furent chargés sur deux chariots, couverts de branches pour les protéger contre le soleil brûlant de l’été et conduits à Nauvoo par Willard Richards, Samuel Smith et Artois Hamilton. Les chariots quittèrent Carthage vers 8 heures du matin et arrivèrent à Nauvoo vers 3 heures de l’après-midi où une grande foule les accueillit. Les corps furent exposés publiquement le lendemain à la Mansion House tandis que des milliers de personnes défilaient silencieusement devant les cercueils. Le choc des décès fut terrible pour les familles des martyrs. Joseph et Hyrum furent enterrés en secret dans le sous-sol de la Nauvoo House pour que ceux qui voulaient obtenir la récompense promise pour la tête de Joseph ne puissent pas trouver les cadavres. Des funérailles publiques eurent lieu et des cercueils remplis de sable furent ensevelis au cimetière de Nauvoo. Pendant des semaines, les saints furent endeuillés par la tragédie de Carthage. GRANDEUR DE JOSEPH SMITH John Taylor, qui survécut miraculeusement à Carthage, écrivit le récit de l’événement et un éloge du prophète que l’on trouve dans Doctrine et Alliances 135. «Joseph Smith, le prophète et voyant du Seigneur, a fait plus, à l’exception unique de Jésus, pour le salut des hommes dans ce monde, que n’importe quel autre homme qui y ait jamais vécu» (v. 3). Il ajouta que les noms de Joseph et de Hyrum Smith « seront classés parmi les martyrs de la religion, et les lecteurs de toutes les nations se souviendront que le Livre de Mormon et ce livre des Doctrine et Alliances de l’Eglise coûtèrent le meilleur sang du dix-neuvième siècle, pour les faire paraître pour le salut d’un monde ruiné» (v. 6). Le martyre, dit-il, accomplit un but spirituel important: Joseph «fut grand dans sa vie et dans sa mort aux yeux de Dieu et de son peuple. Et comme la plupart des oints du Seigneur dans les temps anciens, il a scellé sa mission et ses oeuvres de son propre sang, de même que son frère Hyrum. Ils n’étaient pas divisés dans la vie, et ils ne furent pas séparés dans la mort!» (v. 3). Joseph Smith ne vécut que trente-huit ans et demi, mais ce qu’il accomplit au Masques mortuaires de Joseph et de Hyrum Smith 286 service de l’humanité est incalculable. Outre qu’il traduisit le Livre de Mormon, il reçut des centaines de révélations, dont beaucoup sont publiées dans les Doctrine LE MARTYRE et Alliances et la Perle de Grand Prix. Il dévoila des principes éternels dans un patrimoine de lettres, de sermons, de poésie et d’autres écrits inspirés qui remplit des volumes entiers. Il installa l’Eglise rétablie de Jésus-Christ sur la terre, fonda une ville et supervisa la construction de deux temples. Il introduisit les ordonnances par procuration pour les morts et rétablit les ordonnances du temple grâce auxquelles les familles dignes pouvaient être scellées pour l’éternité par la prêtrise. Il fut candidat à la présidence des Etats-Unis, puis juge, maire de Nauvoo et général de corps d’armée de la Légion de Nauvoo. Josiah Quincy, citoyen éminent de la Nouvelle-Angleterre qui devint plus tard maire de Boston, rendit visite à Joseph Smith deux mois avant le martyre. Bien des années plus tard, il écrivit un livre sur les personnalités qui l’avaient le plus impressionné au cours de sa vie. A propos de Joseph Smith, il écrivit: «Il n’est pas du tout impossible que quelque futur livre à l’usage de générations non encore nées, contienne une question de ce genre-ci: Quel Américain historique du dixneuvième siècle a exercé l’influence la plus puissante sur le destin de ses compatriotes? Et il n’est pas du tout impossible que la réponse à cette question soit Joseph Smith, le prophète mormon24.» NOTES: 1. Lucy Mack Smith, History of Joseph Smith, éd. Preston Nibley, Salt Lake City, Bookcraft, 1958, pp. 309-310. 2. Journaux de Wilford Woodruff , 22 janv. 1843, département d’histoire de l’Eglise, Salt Lake City; voir aussi Richard Lloyd Anderson, «Joseph Smith’s Prophecies of Martyrdom», dans Sidney B. Sperry Symposium, 1980, université Brigham Young, 1980, pp. 1-14. 3. Dans «Trial of Elder Rigdon», Times and Seasons, 15 septembre 1844, p. 651. 4. Journaux de Wilford Woodruff, 24 mars 1844. 5. Voir Journaux de Wilford Woodruff, 6 avril 1844. 13. History of the Church, 6:554. 14. Dan Jones, dans «The Martyrdom of Joseph Smith and His Brother Hyrum», Ronald D. Dennis, trans., dans Brigham Young University Studies, hiver 1984, p. 85. 15. History of the Church, 6:555; voir aussi Doctrine et Alliances 135:4. 16. History of the Church, 6:601. 17. Lettre de Dan Jones à Thomas Bullock, 20 janvier 1855, dans «The Martyrdom of Joseph and Hyrum Smith», citée dans Brigham Young University Studies, hiver 1984, p. 101. 18. History of the Church, 6:602-4. 19. History of the Church, 6:605. 20. Dans History of the Church, 6:623. 6. Voir Dallin H. Oaks, «The Suppression of the Nauvoo Expositor», Utah Law Review, hiver 1965, pp. 890-91. 21. History of the Church, 6:615; ou Cantiques, n°17. 7. Warsaw Signal, 12 juin 1844, p. 2. 22. History of the Church, 6:617-18. 8. History of the Church, 6:487. 23. Dans History of the Church, 6:621-22; voir aussi Dean Jarman, “The Life and Contributions of Samuel Harrison Smith”, mémoire de licence, université Brigham Young, 1961, pp. 103-5. 9. History of the Church, 6:540. 10. History of the Church, 6:545-46. 11. Lettre de Stephen Markham à Wilford Woodruff à Fort Supply, Wyoming, 20 juin 1856, département d’histoire de l’Eglise, Salt Lake City, p. 1. 12. History of the Church, 6:549. 24. Josiah Quincy, Figures of the Past from the Leaves of Old Journals, 5e éd., Boston, Roberts Brothers, 1883, p. 376. 287 CHAPITRE VINGT-TROIS LES DOUZE Ligne du temps Date Evénement important 3 août 1844 Arrivée de Sydney Rigdon de Pittsburgh à Nauvoo avec la prétention d’être «tuteur» de l’Eglise E M P O RT E N T L E R OYA U M E A VEC LA MORT de Joseph Smith, la Première Présidence de l’Eglise était dissoute. Pleurant leur dirigeant décédé, les saints se demandèrent qui allait maintenant diriger l’Eglise. Sidney Rigdon, qui avait quitté Nauvoo plus tôt cette année-là, reparut le 3 août dans la ville et affirma qu’il devait 6 août 1844 Arrivée à Nauvoo de membres des Douze qui étaient dans l’Est être nommé «tuteur» de l’Eglise. En l’absence de la plupart des Douze, qui étaient 8 août 1844 Transfiguration de Brigham Young devant le peuple et soutien des Douze comme collège président de l’Eglise obtint un certain soutien pour ses prétentions. Une réunion fut convoquée pour le toujours sur le chemin du retour de leur mission dans l’Est vers Nauvoo, Sidney 8 août pour en discuter. UN MOIS DE CHAGRIN Lorsque Joseph Smith fut assassiné, un chagrin profond s’abattit sur la ville de Nauvoo. Lorsque les saints d’autres branches de l’Eglise apprirent le martyre, ils s’affligèrent aussi. Seule l’arrivée du Collège des Douze et la direction ferme qu’il apporta à l’Eglise dissipèrent graduellement cette ambiance déprimante. Les Douze, à l’exception de John Taylor et de Willard Richards, étaient en mission dans l’Est au moment du martyre. Bien que Joseph leur eût écrit en juin pour les rappeler pendant la crise de l’Expositor, ils ne reçurent ses instructions qu’après le martyre. Mais dans les trois semaines tout le monde était au courant de la tragique nouvelle et retournait en hâte à Nauvoo. Le plus grand exploit réalisé à Nauvoo entre le martyre et le retour des apôtres fut le maintien de la paix. Alors que les citoyens de l’ouest de l’Illinois craignaient des représailles, les saints obéirent à John Taylor et à Willard Richards, qui leur disaient de rester calmes et de laisser les autorités gouvernementales trouver les meurtriers. Trois jours après la tragédie de Carthage, frère Richards écrivit à Brigham Young: «Les saints ont supporté cette épreuve avec une grande force d’âme et beaucoup de patience. Ils doivent maintenant garder la tête froide. Nous nous sommes engagés à ne pas poursuivre les assassins pour le moment, mais à laisser cela au gouverneur Ford . . . La vengeance est dans les cieux1.» Le conseil municipal recommanda aussi aux résidents: «Soyez des citoyens paisibles et tranquilles, accomplissant les oeuvres de la justice, et dès que les Douze et d’autres autorités pourront s’assembler, ou une majorité d’entre eux, la poursuite du grand rassemblement d’Israël et la consommation finale de la dispensation de la Thomas Ford (1800-50) naquit en Pennsylvanie et grandit en Illinois, où il fit des études de droit. Il fut procureur général d’Illinois, puis juge de circuit et juge à la cour suprême de l’Illinois. Il fut gouverneur de l’Illinois de 1842 à 1846. 288 plénitude des temps seront indiquées2.» John Taylor, gravement blessé à la prison de Carthage, revint le 2 juillet à Nauvoo. Pendant tout le mois, son état s’améliora régulièrement, mais il dut garder le lit. En dépit de son invalidité, il aida frère Richards à diriger l’Eglise LES DOUZE EMPORTENT LE ROYAUME jusqu’au retour du reste des Douze. Frère Richards et frère Taylor écrivirent ensemble aux nombreux saints de Grande-Bretagne et expliquèrent: «L’action des saints a été d’une nature tout à fait pacifique, nous souvenant que Dieu a dit: ‹A moi la vengeance, à moi la rétribution› . . . “Ces serviteurs de Dieu sont allés au ciel par le feu, le feu d’émeutiers impies. Comme les prophètes des temps anciens, ils ont vécu aussi longtemps que le monde les a acceptés; et c’est là une des fournaises dans lesquelles les saints devaient être mis à l’épreuve, de voir leurs dirigeants retranchés du milieu d’eux et de ne pas avoir la permission de venger leur sang3.” William W. Phelps, éditeur de l’Eglise, conseiller municipal et secrétaire du prophète, contribua immensément à maintenir l’ordre dans la ville. Depuis son retour dans l’Eglise en 1842, frère Phelps avait cherché infatigablement à édifier le royaume et avait aidé le prophète dans un certain nombre de projets importants tels que la publication du livre d’Abraham et la campagne présidentielle. Il fut l’orateur principal lors du service funèbre de Joseph et de Hyrum. Il aida ensuite les frères Taylor et Richards au cours de cette période transitoire critique. En tant que poète, il écrivit en mémoire du prophète des vers qui devinrent plus tard un des cantiques préférés de l’Eglise: Gloire à celui qui a vu Dieu le Père Et que Jésus a choisi pour voyant. En cette dispensation dernière, Il est béni du fidèle croyant. Au grand prophète, la belle victoire! Nul être ne pourra troubler son repos. C’est dans les cieux qu’il recueille la gloire, Lui, qui mérite le nom de héros4. Dans le mois, les saints connurent une nouvelle tragédie: la mort de Samuel H. Smith, frère de Joseph et de Hyrum. Samuel avait été un des premiers saints à arriver à Carthage après le martyre. Il s’était enfui devant les ennemis de l’Eglise pour rejoindre ses frères à Carthage, et ce fut pour les retrouver morts. L’épuisement l’affaiblit physiquement. Il contracta une grave fièvre; sa santé défaillit graduellement, et il mourut le 30 juillet 1844. Le Times and Seasons dit à sa louange qu’il fut un des grands hommes de notre dispensation. Sa mère, Lucy Mack Smith, accablée de chagrin, avait vu en quatre ans mourir son mari et quatre de ses fils: Don Carlos, Hyrum, Joseph et Samuel. RETOUR DES DOUZE Le jour du martyre, les membres des Douze étaient déprimés et mélancoliques sans savoir pourquoi. Heber C. Kimball et Lyman Wight étaient en route entre Philadelphie et New York lorsque frère Kimball se sentit envahi par la tristesse, comme s’il venait de perdre un ami. A Boston, Orson Hyde examinait des cartes géographiques dans la salle louée par l’Eglise, quand il se sentit envahi par la sensation d’un grand poids et d’un grand chagrin. Il se détourna des cartes, le 289 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Au moment de la mort de Joseph et de Hyrum Smith, les apôtres se trouvaient en divers endroits du pays. Brigham Young, Orson Hyde et Wilford Woodruff étaient à Boston. Heber C. Kimball et Lyman Wight avaient quitté Philadelphie et étaient en route pour New York. William Smith se joignit à un moment donné à eux, et ils continuèrent jusqu’à Boston pour une conférence qui avait été prévue et qui eut lieu le 29 juin. Sept membres des Douze étaient présents à la conférence: Brigham Young, Heber C. Kimball, Orson Hyde, William Smith, Orson Hyde, Wilford Woodruff et Lyman Wight. Parley P. Pratt était en route pour Nauvoo et se trouvait sur un bateau qui desservait le canal entre Utica et Buffalo (New York). George A. Smith logeait chez des membres de l’Eglise près de Jacksonburg (Michigan). Amasa Lyman était à Cincinnati (Ohio). On ne sait pas où se trouvait Orson Pratt le 27 juin, mais le 29 juin il assista à la conférence de Boston, de sorte qu’il devait être assez près de Boston le jour du martyre. John A. Page était à Pittsburgh où il avait rédigé et publié le Gospel Light de juin 1843 à mai 1844. On ne sait pas où il se trouvait exactement, mais selon toute probabilité il était à Pittsburgh ou dans la région avoisinante. John Taylor et Willard Richards étaient à Carthage. visage baigné de larmes, et se mit à faire les cent pas. Au Michigan, George A. Smith fut poursuivi toute la journée par des pensées déprimantes et de sombres pressentiments. Quand il se mit au lit, il ne put dormir. Il dit qu’ «il lui sembla une fois qu’un démon lui chuchotait à l’oreille: ‹Joseph et Hyrum sont morts; n’en estu pas heureux5?›» Deux jours avant le martyre, Parley P. Pratt se sentit poussé par l’Esprit à quitter l’Etat de New York et à reprendre le chemin du retour et, par coïncidence, rencontra, le jour de la tragédie, son frère William dans un bateau qui desservait le canal. Parley écrivit: «[Tandis que nous parlions], une crainte étrange et solennelle m’envahit, comme si les puissances de l’enfer étaient déchaînées. Je fus à ce point écrasé de tristesse que je ne pouvais parler . . . ‘Observons un silence total et solennel, car c’est un jour sombre, et l’heure du triomphe pour les puissances des ténèbres. Oh comme je ressens l’esprit de meurtre qui semble être répandu dans tout le pays!6» Parley P. Pratt fut le premier apôtre en dehors de Nauvoo à être informé du martyre. Il était sur un bateau à vapeur qui traversait les grands lacs vers Chicago. Lors d’une escale au Wisconsin, les passagers qui montaient à bord apportèrent la nouvelle des meurtres de Carthage. Il y eut une grande excitation à bord et beaucoup de passagers le provoquèrent, demandant ce que les mormons allaient faire maintenant. Il répondit «qu’ils continueraient leur mission et répandraient dans le monde entier l’oeuvre qu’il [Joseph Smith] avait rétablie. Il fit remarquer que presque tous les prophètes et apôtres qui l’avaient précédé avaient été tués, ainsi que le Sauveur du monde, et cependant leur mort ne changea pas la vérité ni n’en empêcha le triomphe final7». Rempli de tristesse, frère Pratt fit près de 170 kilomètres à pied dans les plaines de l’Illinois, presque incapable de manger ou de dormir, se demandant comment il allait aborder la communauté tout entière accablée de douleur et d’un chagrin inexprimable. Il pria pour avoir de l’aide. Il rapporta plus tard: «Tout à coup l’Esprit de Dieu vint sur moi et remplit mon coeur d’une joie et d’un bonheur indescriptibles; et tandis que l’esprit de révélation brûlait dans mon sein avec une chaleur et une allégresse aussi visibles que si c’était du feu, l’Esprit me dit: . . . ‹Va dire à mon peuple de Nauvoo qu’il continuera à s’acquitter de ses devoirs quotidiens et à prendre soin de lui-même, et à ne prendre aucune disposition pour que le gouvernement de l’Eglise soit réorganisé ni ne change quoi que ce soit jusqu’au retour du reste du Collège des Douze. Mais exhorte-le à continuer à édifier la maison de Dieu que je lui ai commandé de bâtir à Nauvoo8.›» Arrivé le 8 juillet à Nauvoo, Parley aida les frères Richards et Taylor à maintenir l’ordre dans la communauté affligée. George A. Smith fut informé du martyre le 13 juillet par un article de journal au Michigan. Il crut d’abord que c’était un racontar, mais lorsque la nouvelle fut confirmée, il se hâta de rentrer avec ses trois compagnons missionnaires. Epuisé par l’anxiété et la perte de sommeil, il contracta de l’urticaire. Son corps tout entier était enflé, et il ne pouvait manger mais poursuivit son voyage et arriva le 27 juillet à Nauvoo. Il ne tarda pas à rencontrer en conseil les trois apôtres qui étaient déjà là9. 290 LES DOUZE EMPORTENT LE ROYAUME A Boston, le bruit de la mort de Joseph Smith se répandit à partir du 9 juillet. Pendant la semaine qui en précéda la confirmation par les lettres de la famille et des rapports plus complets dans les journaux, Brigham Young, Wilford Woodruff et Orson Pratt tentèrent d’évaluer les implications de cette terrible nouvelle. Brigham écrivit dans son journal: «La première chose qui me vint à l’esprit fut la question de savoir si Joseph avait emporté avec lui les clefs du royaume; Orson Pratt était à ma gauche; nous étions tous les deux appuyés sur nos sièges. Tapant mon genou de la main, je dis: les clefs du royaume sont ici même dans l’Eglise10.» Brigham Young, Heber C. Kimball, Orson Pratt, Wilford Woodruff et Lyman Wight se contactèrent mutuellement, se rejoignirent et se hâtèrent de rentrer par chemin de fer, diligence, bateau et buggy. Les événements ultérieurs allaient démontrer que cela avait été sagesse de leur part que de se dépêcher. Ils arrivèrent à Nauvoo le soir du 6 août. Wilford Woodruff décrit ce qu’il éprouva: «Quand nous entrâmes à Nauvoo, il nous sembla qu’il pesait sur la ville une tristesse profonde que nous n’avions encore jamais ressentie. « . . . Nous fûmes reçus avec joie par les saints dans toute la ville. Ils se sentaient comme des brebis sans berger, comme s’ils étaient sans père, comme si ce qui était à leur tête leur avait été enlevé11.» CRISE DE SUCCESSION La plupart des apôtres arrivèrent donc le 6 août, mais ce n’était pas trop tôt. Une crise s’était produite sur le point de savoir qui allait diriger l’Eglise, et Willard Richards s’était presque épuisé à essayer de garder l’unité entre les saints. Le samedi 3 août, Sidney Rigdon était revenu de l’exil qu’il s’était imposé à Pittsburgh (Pennsylvanie) où il s’était installé à l’encontre de la révélation (voir D&A;124:1089). Il était revenu, s’attendant à reprendre l’Eglise en main. Tous les saints de Nauvoo ne se rendaient pas compte que le prophète avait perdu confiance en son premier conseiller bien avant le martyre. Sidney évita de rencontrer les quatre apôtres qui étaient déjà à Nauvoo, préférant parler aux saints assemblés le dimanche 4 août au bosquet. Il affirma avoir reçu une vision: «Il raconta une vision que le Seigneur, disait-il, lui avait donnée concernant la situation de l’Eglise et dit qu’un tuteur devait être désigné pour édifier l’Eglise pour Joseph, puisque c’était lui qui l’avait commencée. «Il dit qu’il était ce même homme que les prophètes d’autrefois avaient chanté, à propos duquel ils avaient écrit et dont ils s’étaient réjoui et qu’il avait été envoyé pour accomplir cette oeuvre même qui avait été le thème de tous les prophètes dans toutes les générations précédentes12.» Parley P. Pratt dit plus tard que Sidney Rigdon était «l’homme même que les prophètes n’avaient jamais chanté, et sur Sidney Rigdon (1793-1876) fut appelé comme conseiller de Joseph Smith dans la Première Présidence. C’était un orateur doué et il fut, en bien des occasions, porte-parole du prophète. Plusieurs des révélations de Doctrine et Alliances traitent de Sidney Rigdon. lequel ils n’avaient jamais écrit un seul mot13». Au cours de la réunion, Sidney demanda à William Marks, président du pieu de Nauvoo, qui soutenait ses prétentions, de convoquer le 6 août une réunion de l’Eglise pour soutenir un nouveau dirigeant. Le président Marks reporta la réunion au jeudi 8 août, ce qui se révéla providentiel puisque le reste des Douze n’arriva que le soir du 6 août. 291 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Sidney rencontra aussi William Marks et Emma Smith chez Joseph Smith afin de désigner un fidéicommis pour l’Eglise. Emma voulait que cela se passe rapidement pour éviter que des biens personnels et de l’Eglise, qui étaient au nom de Joseph Smith, ne se perdent. Parley P. Pratt se présenta au cours de la réunion et protesta immédiatement contre cette mesure. Il expliqua que c’était à l’Eglise tout entière, par l’intermédiaire de ses Autorités générales, qu’il appartenait de désigner un fidéicommis, et que ce n’était pas l’affaire des autorités locales d’un pieu quelconque. Il souligna: «Les dollars et les cents n’avaient aucune importance pour moi quand il s’agissait d’une affaire de principe, et même si l’on perdait des milliers ou même des millions, qu’on les laisse partir. Nous ne pouvions pas permettre et nous ne permettrions pas que les autorités et les principes de l’Eglise soient piétinés pour des intérêts pécuniaires14.» La réunion prit fin sans qu’aucune décision n’eût été prise. Le lundi 5 août, Sidney Rigdon rencontra finalement les apôtres qui étaient à Nauvoo. Il déclara: «‹Messieurs, vous êtes finis; messieurs, vous êtes tous divisés; les antimormons vous ont eus; les frères votent dans tous les sens; . . . tout est dans la confusion, vous ne pouvez rien faire, il vous manque un grand dirigeant, il vous faut un chef, et si vous ne vous unissez pas autour de ce chef, vous allez être emportés aux quatre vents; les antimormons remporteront l’élection, il faut désigner un tuteur.› «George A. Smith dit: ‹Mes frères, frère Rigdon se trompe tout à fait: il n’y a pas de division, les frères sont unis, l’élection sera unanime, et les amis de l’ordre seront élus par une majorité de mille. Il n’y a aucune raison de s’alarmer. Le président Rigdon suscite des craintes pour lesquelles il n’y a aucune justification15.›» Dans de telles circonstances, l’arrivée des Douze le soir du 6 août en provenance de l’Est tombait à pic. Ils se réunirent le lendemain matin chez John Taylor et se réjouirent d’être de nouveau ensemble «et d’être accueillis par les saints, qui considéraient que c’était tout-à-fait providentiel que les Douze arrivent à ce moment particulièrement critique où ils avaient l’esprit agité, le coeur attristé et où les ténèbres semblaient obstruer leur chemin16». Brigham Young prit fermement la direction de la réunion. Après avoir discuté de tout ce qui s’était passé, il annonça qu’une autre réunion aurait lieu à 16 heures, à laquelle assisteraient les apôtres, le grand conseil de Nauvoo et les grands prêtres, pour traiter des prétentions avancées le dimanche précédent devant les saints. A la réunion, Sidney Rigdon fut invité à faire une déclaration concernant sa vision et ses révélations. Il dit: «Le but de ma mission est de rendre visite aux saints et de me proposer à eux comme tuteur. J’ai eu une vision le 27 juin [jour du martyre] à Pittsburgh. Elle se présenta à mon esprit non comme une vision directe mais plutôt comme une suite de la vision mentionnée dans le livre des Doctrine et Alliances [parlant de la vision que Joseph Smith et lui avaient eue et qui est rapportée dans D&A;76]17.» Il poursuivit en disant que personne ne pouvait prendre la place de Joseph à la tête de l’Eglise et qu’en tant que porte-parole désigné pour le prophète, il devait remplir le rôle de tuteur de l’Eglise. Wilford 292 LES DOUZE EMPORTENT LE ROYAUME Woodruff écrivit dans son journal que la déclaration de Sidney fut une «longue histoire. C’était une sorte de vision de deuxième catégorie18». Après le discours de Sidney, Brigham Young prit la parole: «Peu m’importe qui dirige l’Eglise . . . mais il y a une chose que je dois savoir, c’est ce que Dieu en dit. J’ai les clefs et les moyens de connaître la volonté de Dieu à ce sujet . . . «Joseph nous a conféré toutes les clefs et tous les pouvoirs appartenant à l’apostolat qu’il détenait lui-même avant d’être enlevé, et aucun homme, aucun groupe d’hommes ne peut s’interposer entre Joseph et les Douze, que ce soit dans ce monde ou dans le monde à venir. «Combien de fois Joseph n’a-t-il pas dit aux Douze: ‹J’ai posé les fondements et vous devez édifier dessus, car c’est sur vos épaules que repose le royaume19.›» Le président Young convoqua alors une conférence spéciale, le mardi 13 août, au cours de laquelle le peuple serait organisé en assemblée solennelle pour voter sur la question. Mais le lendemain, les apôtres se réunirent en privé et, «suite à une certaine agitation parmi le peuple et vu la volonté manifestée par certains esprits d’essayer de diviser l’Eglise», décidèrent de tenir l’assemblée solennelle cet aprèsmidi-là plutôt que d’attendre jusqu’au mardi suivant20. LE MANTEAU TOMBE SUR B R I G H A M YO U N G Le jeudi 8 août 1844 fut un des jours les plus importants de l’histoire du Rétablissement. Ce jour-là, un miracle se produisit devant l’Eglise assemblée: Dieu éleva Brigham Young devant le peuple, et la crise de succession de l’Eglise fut résolue. Une réunion de prière eut lieu ce matin-là à dix heures dans le bosquet, conformément aux dispositions prises par William Marks. Sidney Rigdon parla pendant une heure et demie de son désir d’être tuteur de l’Eglise mais ne suscita aucune émotion et ne dit rien qui indiquât qu’il était le vrai chef. Brigham Young, qui arriva après le début de la réunion, prit aussi la parole; son discours fut bref. Il dit à l’auditoire qu’il aurait préféré passer un mois à pleurer le prophète décédé que de devoir s’occuper si rapidement à désigner un nouveau berger21. Pendant qu’il parlait, il fut miraculeusement transfiguré devant le peuple. Des personnes de tout âge étaient présentes et mirent plus tard par écrit ce qu’elles avaient éprouvé. Benjamin F. Johnson, qui avait alors vingt-six ans, écrit: «Dès qu’il [Brigham Young] prit la parole, je me levai d’un bond, car c’était à tous égards la voix de Joseph, et sa personne, dans l’aspect, l’attitude, l’habillement et la présentation, était Joseph lui-même, en personne; et je sus instantanément que l’esprit et le manteau de Joseph étaient sur lui22.» Zina Huntington, qui était à l’époque une jeune fille de vingt et un ans, dit: «Le président Young parlait. C’était la voix de Joseph Smith, pas celle de Brigham Young. Sa personne même était transformée . . . Je fermai les yeux. J’aurais pu m’exclamer: Je sais que c’est la voix Benjamin F. Johnson (1818-1905) était un ami de Joseph Smith et il fut pendant un certain temps son secrétaire privé. Il fut un des premiers pionniers à entrer dans la vallée du lac Salé. Il fut plus tard patriarche. de Joseph Smith! Et pourtant je savais qu’il était parti. Mais le même esprit reposait sur le peuple24.» George Q. Cannon, qui avait alors quinze ans, déclara: «C’était la voix de Joseph lui-même; non seulement c’était la voix de Joseph qu’on entendait, mais il 293 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS semblait, aux yeux du peuple, que c’était la personne même de Joseph qui se tenait devant lui . . . Tous entendirent et virent de leurs yeux et de leurs oreilles naturels, et puis les paroles qui furent prononcées entrèrent, accompagnées de la puissance convaincante de Dieu, dans leur coeur, et ils furent remplis de l’Esprit et d’une grande joie25.» Wilford Woodruff témoigne: «Si je ne l’avais pas vu de mes propres yeux, personne n’aurait pu me convaincre que ce n’était pas Joseph Smith qui parlait26.» Compte tenu de ces déclarations, le compte rendu des événements de ce jour, fait par Brigham Young lui-même, est particulièrement significatif: «J’avais le coeur rempli de compassion vis-à-vis d’eux, et par la puissance du Saint-Esprit, l’esprit des prophètes, je pus consoler le coeur des saints27.» La réunion fut alors suspendue jusqu’à quatorze heures. A quatorze heures des milliers de saints se rassemblèrent pour ce qu’ils savaient devoir être une réunion importante. Les collèges de la prêtrise s’assirent dans Zina Diantha Huntington Young (18211901) fut présidente générale de la Société de Secours de 1888 à 1901. Zina, femme plurale de Brigham Young, devint célèbre en Utah pour ses compétences médicales. l’ordre, et Brigham Young parla franchement du projet de tutelle de Sidney Rigdon et du fossé qui s’était produit entre Joseph Smith et lui au cours des deux années précédentes. Il prophétisa hardiment: «Tous ceux qui veulent entraîner un groupe après eux et l’éloigner de l’Eglise, qu’ils le fassent s’ils le peuvent, mais ils ne prospéreront pas28.» Le président Young passa alors à son point principal et déclara: «Si le peuple veut que le président Rigdon nous dirige, qu’il le prenne; mais je vous dis que le Collège des Douze a les clefs du royaume de Dieu dans le monde entier. «Les Douze sont nommés par le doigt de Dieu. Voici Brigham, ses genoux ontils jamais fléchi? Ses lèvres ont-elles jamais tremblé? Voici Heber et le reste des Douze, un groupe indépendant qui a les clefs de la prêtrise, les clefs du royaume de Dieu à remettre au monde entier: c’est la vérité, je l’affirme devant Dieu. Ils se tiennent à côté de Joseph et sont comme la Première Présidence de l’Eglise29.» Il fit observer que Sidney ne pouvait pas être au-dessus des Douze parce qu’ils devraient l’ordonner pour qu’il fût président de l’Eglise. Brigham exhorta tout le monde à considérer frère Rigdon comme un ami et dit que s’il collaborait et tenait conseil avec les Douze, ils pourraient agir à l’unisson. Après les deux heures de discours du président Young, des discours furent prononcés par Amasa Lyman, William W. Phelps et Parley P. Pratt, chacun argumentant avec éloquence en faveur de l’autorité des Douze. Brigham Young se leva alors et posa la question fondamentale: «Voulez-vous que frère Brigham soit votre chef, votre guide, votre porte-parole? Le président Rigdon veut que je soulève d’abord l’autre question, c’est-à-dire: L’Eglise veut-elle, et estce son seul désir, soutenir les Douze comme Première Présidence de ce peuple?» Amasa Lyman (1813-77) fut membre du Collège des Douze de 1842 à 1867. Il fut remplacé le 20 janvier 1843 au Collège à cause de la réintégration d’Orson Pratt. Aux environs du 4 février 1843, il fut nommé conseiller dans la Première Présidence et, à la mort de Joseph Smith, fut renvoyé, le 12 août 1844, dans le Collège des Douze. 294 On passa alors au vote, et toutes les mains se levèrent. Brigham demanda alors: «S’il y en a qui sont d’avis contraire, tout homme, toute femme qui ne veut pas que les Douze président, qu’il lève de même la main.» Aucune main ne se leva30. Avant de mettre fin à la conférence, le président Young demanda l’approbation des membres sur les sujets suivants: dîmer les membres pour terminer le temple, LES DOUZE EMPORTENT LE ROYAUME permettre aux Douze de prêcher dans le monde entier, financer l’Eglise, instruire les évêques sur la gestion des affaires de l’Eglise, nommer un patriarche de l’Eglise pour remplacer Hyrum Smith et soutenir Sidney Rigdon par leur foi et leurs prières. La conférence fut alors levée. Une fois de plus, l’Eglise avait une présidence—le Collège des douze apôtres—avec Brigham Young comme président. COMMENT LES DOUZE F U R E N T P R É PA R É S À L E U R S RESPONSABILITÉS Depuis plusieurs années le Seigneur préparait soigneusement le Collège des Douze à assumer la direction de l’Eglise. Lorsque les Douze furent appelés en 1835, leurs responsabilités étaient limitées aux régions situées à l’extérieur des pieux organisés, mais avec le temps, elles furent étendues de manière à ce qu’ils eussent autorité sur tous les membres de l’Eglise. Thomas B. Marsh, David W. Patten et Brigham Young furent appelés à diriger le pieu de Far West en 1838. Et tandis que Joseph et Hyrum étaient en prison à Liberty au Missouri, Brigham Young, Heber C. Kimball et John Taylor, des Douze, dirigèrent l’exode des saints du Missouri en Illinois. La mission des Douze en Grande-Bretagne les souda en un collège uni sous la direction de Brigham Young. Quand ils retournèrent en Amérique, le prophète Joseph augmenta leurs responsabilités dans les affaires temporelles et ecclésiastiques. Ils participèrent aux levées de fonds pour la Nauvoo House et le temple ainsi que pour leur construction, à aider les pauvres, gérer les terres et diriger l’installation de nouveaux émigrants en Illinois. Ils prirent part aux décisions affectant les affaires et le développement économique de Nauvoo. Les Douze furent parmi les premiers à recevoir les instructions de Joseph Smith sur le mariage plural et les ordonnances du temple. Ce furent des membres des Douze qui reçurent la responsabilité des publications de l’Eglise, ce furent eux qui dirigèrent l’appel, l’affectation et la formation des missionnaires, ce furent eux qui présidèrent les conférences tant dans le champ de la mission qu’à Nauvoo, et ce furent eux qui s’occupèrent des branches au-dehors. Chose capitale, Joseph Smith, sentant qu’il risquait de mourir bientôt, prit grand soin, au cours des sept derniers mois de sa vie, de préparer soigneusement les Douze. Il se réunit presque tous les jours avec le collège pour l’instruire et lui donner des responsabilités supplémentaires. Lors d’une réunion de conseil extraordinaire, fin mars 1844, il dit solennellement aux Douze qu’il pouvait maintenant les quitter, parce que son oeuvre était terminée et que les fondements étaient posés pour que le royaume de Dieu pût être érigé. Wilford Woodruff reparla plus tard de cette époque de 1844: «Je suis le témoin vivant du témoignage qu’il [Joseph Smith] donna aux douze apôtres lorsque nous reçûmes tous notre dotation de ses mains. Je me souviens du dernier discours qu’il prononça devant nous avant sa mort. C’était avant que nous ne partions en mission dans l’Est. Il se tint devant nous pendant trois heures environ. La pièce était remplie d’un feu dévorant, son visage était aussi clair que 295 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS l’ambre, il était revêtu de la puissance de Dieu. Il nous exposa notre devoir. Il nous exposa la plénitude de cette grande oeuvre de Dieu, et dans le discours qu’il nous adressa, il dit: ‹Sur moi ont été scellés toutes les clefs, tous les pouvoirs, tous les principes de vie et de salut que Dieu ait jamais donnés à quiconque a jamais vécu à la surface de la terre. Et ces principes et cette prêtrise et cette autorité appartiennent à cette dernière grande dispensation que le Dieu du ciel s’est mis en devoir d’établir sur la terre. Maintenant, dit-il en s’adressant aux Douze, j’ai scellé sur vous toutes les clefs, tous les pouvoirs et tous les principes que le Seigneur a scellés sur ma tête› . . . «Après nous avoir parlé de cette façon, il dit: ‹Je vous le dis, le fardeau de ce royaume repose maintenant sur vos épaules; il vous appartient de le porter au monde entier, et si vous ne le faites pas, vous serez damnés31.›» A cette même occasion, Joseph conféra les clefs du pouvoir de scellement à Brigham Young, président des Douze. Brigham expliqua plus tard que «cette dernière clef de la prêtrise est la plus sacrée de toutes et appartient exclusivement à la Première Présidence de l’Eglise32». F O R M AT I O N DE GROUPES DISSIDENTS Alors même que les Douze commençaient à exercer fermement leur autorité, Sidney Rigdon et James J. Strang, nouveau converti à l’Eglise, travaillaient en coulisse pour prendre le pouvoir. Rigdon prétendait que son autorité était supérieure à celle des Douze et, comme il n’était pas disposé à se soumettre à leur avis, fut excommunié le 8 septembre 1844. Il retourna à Pittsburgh et organisa au printemps suivant une «Eglise du Christ», avec des apôtres, des prophètes, des prêtres et des rois. Elle attira quelques personnes, celles qui étaient opposées aux Douze et estimaient que Joseph Smith avait été un prophète déchu. Il publia le Latter Day Saints’ Messenger and Advocate pour promulguer ses idées. Dès 1847, cette petite organisation se désintégrait. Mais Rigdon, qui s’était donné le titre de «président du royaume et de l’Eglise», conserva encore pendant trente ans une poignée de disciples. Finalement, en 1876, il mourut dans l’obscurité dans l’Etat de New York. James J. Strang était un dirigeant plus charismatique et doté d’une meilleure imagination. Après avoir été baptisé par Joseph Smith, quatre mois avant le martyre, il retourna chez lui au Wisconsin. En août 1844, il présenta une lettre qu’il prétendait avoir été écrite par Joseph Smith, se nomma lui-même successeur du prophète et désigna Voree (Wisconsin) comme nouveau lieu de rassemblement. Brigham Young et les Douze qualifièrent, à juste titre, la lettre de faux et excommunièrent Strang. Il en convainquit néanmoins certains de le suivre à Voree et finit par rallier à lui trois anciens membres des Douze qui avaient perdu leur place dans l’Eglise: William E. McLellin, John E. Page et William Smith. Pendant un certain temps, il eut aussi le soutien de William Marks et de Martin Harris. Son Eglise eut un certain succès missionnaire dans l’Est. En 1849, il installa sa colonie James J. Strang (1813-56) 296 dans l’île de Beaver, sur le lac Michigan, et se fit couronner «roi du royaume». Le LES DOUZE EMPORTENT LE ROYAUME groupe finit par se heurter à de nombreuses difficultés économiques et, en 1856, Strang fut assassiné par des disciples mécontents, et le mouvement se désagrégea. Certains membres de la propre famille de Joseph Smith ne suivirent pas les Douze. Emma, veuve du prophète, ne put se mettre d’accord avec les Douze sur des questions économiques et théologiques. Elle s’aigrit et incita ses enfants à ne pas suivre les directives des Douze. Lorsque les saints effectuèrent leur exode vers l’Ouest, Emma et sa famille restèrent à Nauvoo. Lorsque William Smith revint tardivement de l’Est à Nauvoo, il fut ordonné patriarche de l’Eglise pour remplacer Hyrum. Au bout de quelques mois, il présenta ses propres prétentions à être dirigeant de l’Eglise. Il fut par conséquent excommunié. Après s’être brièvement associé à Strang, William enseigna que le fils aîné de Joseph Smith devait, par droit de lignage, hériter de la présidence et que lui, William, devait être tuteur et président par intérim jusqu’à ce que Joseph III soit adulte. Il y en eut d’autres qui refusèrent de suivre la direction de Brigham Young et des Douze. Un petit nombre de membres quittèrent l’Eglise à cause du mariage plural; William Smith (1811-93), frère cadet de Joseph Smith, fut membre du Collège des Douze de 1835 à 1845. quelques branches isolées ne se rendirent pas dans l’Ouest et perdirent la notion de ce qu’elles devaient faire. Au cours des années 1850, une «nouvelle organisation» apparut graduellement. En 1860, les dirigeants de la nouvelle organisation (parmi lesquels William Marks) créèrent l’Eglise réorganisée de JésusChrist des Saints des Derniers Jours et réussirent à nommer Joseph Smith III président. Elle installa finalement son siège à Independence (Missouri). LES DOUZE ET LE PROCESSUS DE LA SUCCESSION La succession apostolique en 1844 établit les principes et fixa la façon de procéder pour les réorganisations futures de la présidence de l’Eglise. Après la mort de chaque président, les clefs du royaume, qui ont été conférées à chaque apôtre lors de son ordination, reposent sur l’ensemble du Collège des Douze (voir D&A 107:23-24, 112:15). Spencer W. Kimball, lors d’un discours de conférence générale prononcé en 1970, a expliqué le processus comme suit: «Dès l’instant où la vie quitte un président de l’Eglise, un groupe d’hommes en devient le chef composite – des hommes déjà rendus mûrs par l’expérience et la formation. Les désignations sont faites depuis longtemps, l’autorité a été donnée, les clefs remises . . . le royaume va de l’avant sous la direction de ce conseil déjà autorisé. Pas de lutte pour le pouvoir, pas de campagne électorale, pas de tournée de discours. Quel plan divin! Quelle sagesse de la part de Dieu que de s’organiser d’une manière aussi parfaite au-delà de la faiblesse d’êtres humains fragiles et avides33.» Le Seigneur est maître de la succession dans son Eglise. Le président Benson a expliqué: «Dieu sait tout, il connaît la fin depuis le commencement, et personne ne devient président de l’Eglise de Jésus-Christ par accident, ni n’y reste par hasard, ni est rappelé accidentellement34.» 297 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS NOTES: 1. Dans History of the Church, 7:148. 2. W. W. Phelps, Willard Richards et John Taylor, dans History of the Church, 7:152. 3. Dans History of the Church, 7:173. 4. «Au grand prophète», Cantiques, n˚ 16. 5. History of the Church, 7:133. 6. Parley P. Pratt, Autobiography of Parley P. Pratt, série Classics in Mormon Literature, Salt Lake City, Deseret Book Co., 1985, p. 292. 7. Pratt, Autobiography of Parley P. Pratt, p. 292. 8. Pratt, Autobiography of Parley P. Pratt, pp. 293-94. 9. Voir Merlo J. Pusey, Builders of the Kingdom, Provo, Brigham Young University Press, 1981, p. 52. 10. Elden Jay Watson, Manuscript History of Brigham Young, 1801-1844, Salt Lake City, Elden Jay Watson, 1968, p. 171. 21. Journal de Brigham Young, 1837-45, 8 août 1844, département d’histoire de l’Eglise, Salt Lake City, pp. 47-49. 22. Benjamin F. Johnson, My Life’s Review, Independence, Mo, Zion’s Printing and Publishing Co., 1947, p. 104. 23. Johnson, My Life’s Review, p. 123. 24. Dans Edward W. Tullidge, The Women of Mormondom, New York, Tullidge et Crandall, 1877, pp. 326-27. 25. «Joseph Smith, the Prophet», Juvenile Instructor, 29 oct. 1870, pp. 174-75. 26. Deseret Weekly News, 15 mars 1892, p. 3; voir aussi Truman G. Madsen, “Notes on the Succession of Brigham Young”, dans Seminar on Brigham Young, 12 mai 1962, Brigham Young University Department of Extension Publications Adult Education and Extension Services, Provo, 1963, p. 9. 11. Journaux de Wilford Woodruff, 6-7 août 1844, département d’histoire de l’Eglise, Salt Lake City. 27. Journal de Brigham Young, 1837-45, 8 août 1844, p. 48. 12. History of the Church, 7:224. 29. Dans History of the Church, 7:233. 13. Dans History of the Church, 7:225. 30. Dans History of the Church, 7:240. 14. Pratt, Autobiography of Parley P. Pratt, p. 295. 15. History of the Church, 7:226. 16. History of the Church, 7:229. 28. Dans History of the Church, 7:232. 31. Deseret Weekly News, 15 mars 1892, p. 406. 32. «P.P. Pratt’s Proclamation», Millennial Star, mars 1845, p. 151. 17. History of the Church, 7:229. 33. Dans Conference Report, avril 1970, p. 118. 18. Journaux de Wilford Woodruff, 7 août 1844. 34. Ezra Taft Benson dans Conférence de l’interrégion de Corée, 1975, p. 52. 19. Dans History of the Church, 7:230. 298 20. Journaux de Wilford Woodruff, 8 août 1844. CHAPITRE VINGT- QUATRE NAUVOO SOUS LA DIRECTION APOSTOLIQUE Ligne du temps Date Evénement important Janv. 1845 Révocation de la charte de Nauvoo Printemps/été Croissance et développement 1845 renouvelé de Nauvoo Sept.1845 Renouvellement de l’antagonisme à l’égard des saints dans le comté de Hancock Oct. 1845 Annonce par les dirigeants de l’Eglise de leur intention de partir vers l’Ouest Déc. 1845 Début des dotations dans le temple de Nauvoo Hiver 1845-46 Préparatifs des saints pour l’exode vers l’Ouest 4 févr. 1846 Traversée du Mississippi par le premier groupe Mi-févr. 1846 Départ de Brigham Young et d’autres parmi les Douze de Nauvoo U NE FOIS LA QUESTION de la succession réglée, le Collège des douze apôtres se mit immédiatement à exercer son autorité dans la direction de l’Eglise. Dans le Times and Seasons du 15 août 1844, il assura les saints qu’en tant que corps constitué, il était prêt à présider l’Eglise et à en promouvoir la croissance. Il réaffirma aussi l’importance de se rassembler à Nauvoo et de finir le temple. Il était également désireux de suivre les traces de Joseph Smith et d’envoyer l’Evangile «dans tous les coins de ce vaste pays et dans le monde entier1». En dépit de son optimisme, il allait affronter de nouveaux problèmes et de nouvelles difficultés qui allaient menacer l’existence de Nauvoo et mettre à l’épreuve ses aptitudes en matière de direction religieuse. L’E G L I S E MISE EN ORDRE Les Douze se réunirent en conseil le lendemain du jour où ils avaient été soutenus comme autorités présidentes de l’Eglise. Au cours de cette réunion et lors de plusieurs autres qui se tinrent les semaines qui suivirent, ils commencèrent à mettre en ordre l’organisation et les affaires de l’Eglise. Ils se déchargèrent d’abord de beaucoup de tâches financières en nommant les évêques Newel K. Whitney et George Miller au poste de fidéicommis. Amasa Lyman fut appelé au Collège des Douze, et William Smith, qui était le plus âgé des fils encore en vie de Joseph Smith, père, fut nommé patriarche de l’Eglise. Wilford Woodruff fut envoyé en Angleterre présider l’Eglise en Europe, et Parley P. Pratt fut appelé à New York comme président, éditeur et agent d’immigration dans les Etats et les provinces de l’Est. Lyman Wight alla au Texas, conformément à la tâche précédemment donnée par Joseph Smith, pour trouver des emplacements possibles pour des colonies. John Taylor fut réaffecté comme directeur du Times and Seasons, tandis que Willard Richards restait historien et greffier de l’Eglise. L’organisation de l’Eglise aux Etats-Unis et au Canada fut étendue. Les deux pays furent organisés en districts, chacun sous la présidence d’un grand prêtre. Cela assura l’administration requise pour des centaines de branches dispersées. Brigham Young, Heber C. Kimball et Willard Richards supervisèrent cette organisation et, dès octobre, quatre-vingt-cinq grands prêtres présidents avaient été appelés et chargés d’édifier des pieux aussi grands que Nauvoo2. A Nauvoo et dans les colonies environnantes, les instructeurs de la Prêtrise d’Aaron furent exhortés à rendre régulièrement visite chez eux aux saints, et des diacres furent désignés pour aider les évêques à s’occuper des pauvres (jusque dans les 299 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS années 1850, ces offices de la Prêtrise d’Aaron furent détenus essentiellement par des adultes). Un autre changement important fut l’expansion du collège des soixante-dix dans l’Eglise. Le 18 août, le président Young déclara: «Une présidence de sept hommes sera choisie dans le premier collège pour présider les dix premiers collèges3.» Lors de la conférence générale suivante, au mois d’octobre, le nombre des collèges passa à douze, et 430 soixante-dix furent ordonnés et affectés à leur collège. Brigham Young prit la parole à la conférence et dit que si quelqu’un désirait prêcher l’Evangile, il serait appelé comme soixante-dix. Dès janvier 1846, il y avait plus de trente collèges de soixante-dix qui fonctionnaient. La construction du Seventies Hall, élégant lieu de réunion en briques, constitué d’un étage, fut accélérée et menée à terme, et le bâtiment fut utilisé comme école préparatoire pour les nombreux nouveaux missionnaires. Le Seventies Hall fut un bâtiment important au cours de la période finale de Nauvoo. Conçu avant tout comme lieu de réunion pour divers collèges de soixante-dix, il fut construit par l’effort coopératif et terminé et consacré en décembre 1844. Le Seventies Hall contenait une école de formation pour les missionnaires, une petite bibliothèque et un musée d’objets que les missionnaires avaient ramenés de différentes parties du monde. Il fut également utilisé pour diverses réunions importantes de l’Eglise. Il fut complètement rasé avant 1900, mais les fouilles archéologiques ont permis d’en retrouver les fondations originelles, et il fut reconstruit en 1971-72. Les Douze continuèrent à éliminer de l’Eglise les éléments apostats. Brigham Young raconta un rêve dans lequel il avait vu un arbre fruitier ayant, à son sommet, des branches mortes qui avaient dû être coupées pour que l’arbre puisse prospérer. Il recommanda: «Coupons les branches mortes de l’Eglise pour que le bon fruit puisse pousser et que l’on entende bientôt la voix dire: Allez édifier Sion et le temple du Seigneur4.» LA VILLE DE JOSEPH En 1844, Nauvoo était une des villes les plus florissantes de l’Illinois. Par la persévérance, l’industrie et l’unité, les saints avaient remplacé, en cinq ans seulement, les marécages par une localité prospère. Située avantageusement sur le Mississippi, elle promettait de devenir un grand centre commercial. Mais beaucoup de citoyens des localités environnantes craignaient les saints des 300 NAUVOO SOUS LA DIRECTION APOSTOLIQUE Dans ce daguerréotype de Nauvoo, daté de 1846, les bâtiments de bois et de briques prédominent. Nauvoo grandit et changea rapidement au cours des quelques années que les saints y passèrent. A leur arrivée, ils vécurent dans des tentes, des chariots, des trous creusés dans la colline, des appentis ou de simples bâtiments en rondins. Au cours de leurs efforts pour améliorer leur situation économique, sociale et culturelle, on les remplaça graduellement par des maisons traditionnelles de bois. Dans la période finale de Nauvoo, les maisons de briques devinrent courantes. Entre-temps, beaucoup de bâtiments publics et d’entreprises furent également construits. derniers jours et leur religion et étaient décidés à contrecarrer la croissance et le développement de Nauvoo. Ils étaient particulièrement mécontents de ce qu’ils considéraient être les avantages spéciaux accordés à Nauvoo par sa charte et en réclamèrent la révocation ainsi que le licenciement de la Légion de Nauvoo. Lorsque le corps législatif se réunit en janvier 1845, ces exigences furent acceptées, et la charte de Nauvoo fut révoquée. Cette mesure paraissait partiellement justifiée par le fait que beaucoup de gens croyaient que Nauvoo était un refuge de renégats, de voyous, de faux-monnayeurs et d’autres fugitifs. A cette époque, certaines régions situées à la limite de l’Illinois, étaient infestées de gangsters suffisamment puissants pour se rendre maîtres des tribunaux et éviter le châtiment. Certaines personnes sans foi ni loi prétendaient être membres de l’Eglise et disaient que les crimes commis contre les Gentils recevaient l’approbation de l’Eglise. En réalité, l’Eglise excommuniait systématiquement ceux qui se rendaient coupables de délits graves. Dans le sillage des nombreux articles de journaux publiés dans l’ouest de l’Illinois concernant la présence de mormons sans foi ni loi, les citoyens de Nauvoo tinrent une réunion publique. Ils notèrent: «Dans certains cas, des voleurs et des faux-monnayeurs se sont réfugiés dans notre ville, soit parce qu’ils entretenaient l’idée fausse que nous les protégerions, soit par désir pervers de nous imputer leurs délits et nous attirer ainsi des persécutions; et attendu qu’il peut être prouvé que des individus, afin de gonfler la liste des déprédations mormones, ont signalé que des biens avaient été volés, alors qu’à un autre moment ils avaient reconnu avoir vendu ces mêmes biens et en avoir été payés . . . «Pour ces raisons, résolu à l’unanimité que nous utiliserons tous les moyens légaux en notre pouvoir pour aider le public à empêcher le vol et la contrefaçon et faire comparaître les délinquants devant la justice5.» 301 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Mais la réputation des mormons était déjà ternie et, avec la révocation de la charte de Nauvoo, les saints étaient privés de gouvernement légal ou de la protection de leur milice. Les frères décidèrent de maintenir la légion sur une base extra-légale comme instrument de contrôle interne et comme moyen de défense. Des gardes furent postés pour empêcher les gens d’entrer dans la ville ou d’en sortir sans la permission des autorités. Brigham Young rebaptisa Nauvoo «la Ville de Joseph», nom approuvé par les saints à la conférence générale d’avril. Bien qu’une partie de Nauvoo eût été redésignée comme localité officielle par le corps législatif, le besoin de mesures protectrices supplémentaires se faisait malgré tout sentir. La ville fut relativement protégée de personnages indésirables par un L’exemple de Heber C. Kimball fut probablement typique de la façon dont les saints des derniers jours changèrent et embellirent leurs résidences. En 1839, il construisit un appentis avec les bois d’une étable au dos d’une autre maison, et ce fut là le premier logis de sa famille. Deux mois plus tard, il construisit une maison de rondins plus grande, et après son retour d’Angleterre en 1841, il construisit une autre maison de rondins. En 1843, il ajouta une annexe en briques. Ce ne fut qu’à l’automne 1845 que cette maison de briques d’un étage fut terminée. C’est un style fédéraliste modifié avec de part et d’autre un pittoresque pignon en escalier, qui était caractéristique de l’architecture anglaise de cette période. Les Kimball habitèrent moins de cinq mois dans cette maison avant de partir avec les pionniers d’avant-garde en février 1846 pour affronter encore six années de tentes, de chariots et de cabanes de bois. groupe organisé de jeunes gens et de garçons appelés la whistling and whittling brigade (brigade des siffleurs et des tailleurs de copeaux). Ils suivaient les visiteurs indésirables en sifflant et en taillant des copeaux jusqu’à ce que ces individus, irrités et apeurés, quittent la ville. En dépit des problèmes, Nauvoo continua à grandir. L’industrie de la construction fut particulièrement florissante et dépassait de loin tous les autres métiers de Nauvoo. De nouvelles maisons de bois et de briques, des jardins et des fermes furent créés. Beaucoup parmi les premiers colons de Nauvoo construisirent de nouvelles maisons, étant donné que leur premier abri était souvent une hutte de rondins ou de bois construite à la hâte. Heber C. Kimball et Willard Richards remplacèrent en 1845 leurs maisons de rondins par de belles maisons de briques d’un étage. Au cours de cette période, l’Eglise construisit aussi une maison pour Lucy Mack Smith. Les entreprises de construction publiques, comme le Seventies Hall et le Concert Hall, complétèrent le déploiement des constructions résidentielles. On entreprit également la construction d’une digue de pierres, ou jetée, dans le Mississippi, comme source d’énergie hydraulique pour les ateliers et les machines. Mais l’entreprise la plus importante continuait à être l’achèvement du temple de Nauvoo. En juin 1845, Brigham Young envoya une lettre à Wilford Woodruff, qui était alors président de la mission britannique, concernant la croissance de Nauvoo. Il écrivit: «[La ville] ressemble à un paradis. Tous les lots et toutes les terres qui, jusqu’à présent ont été vides et inoccupés, ont été clôturés au printemps et ensemencés de grains et de légumes, ce qui lui donne plus l’aspect du jardin par excellence que d’une ville . . . Des dizaines d’hectares de prairie ont également été clôturés et sont maintenant en culture, et produisent du maïs, du blé, des pommes de terre et les autres produits nécessaires à la vie. Beaucoup d’étrangers affluent pour voir le temple et la ville. Ils expriment leur étonnement et leur surprise d’en voir la rapide progression6.» Nauvoo prospérait effectivement car, à la fin de 1845, elle comptait environ onze mille habitants. C’était une ville modèle, et de nombreux visiteurs venus de l’Est et de l’Angleterre écrivirent des articles flatteurs sur la métropole mormone. 302 NAUVOO SOUS LA DIRECTION APOSTOLIQUE L’ A N TA G O N I S M E DANS LE COMTÉ DE HANCOCK La croissance spectaculaire de Nauvoo ne fit qu’augmenter l’antagonisme des ennemis de l’Eglise. Il était évident que la mort de Joseph Smith n’avait pas diminué la force ni la vigueur des saints. Les ennemis de l’Eglise pensaient qu’elle ne durerait pas sans son chef charismatique, et quand ils virent que l’Eglise non seulement survivait mais était florissante, leurs efforts pour chasser les saints de l’Etat se renouvelèrent et s’intensifièrent. Dès septembre 1844, le colonel Levi Williams, de Warsaw, qui avait participé aux meurtres de Carthage, organisa une grande campagne militaire pour chasser les saints des derniers jours de l’Illinois. Elle fut annoncée comme «une grande chasse aux loups dans le comté de Hancock». Lorsque le gouverneur Ford en fut informé, il ordonna au général John Hardin de la milice de l’Etat de se rendre au comté de Hancock pour y arrêter cette manoeuvre. Le général Hardin resta dans le comté de Hancock pendant tout l’hiver pour maintenir la paix. En mai 1845, il y eut une tension accrue dans le comté de Hancock lorsque s’ouvrit finalement à Carthage le procès de neuf hommes pour le meurtre de Joseph Smith. Cinq étaient des citoyens éminents: Mark Aldrich, promoteur immobilier, Jacob C. Davis, sénateur de l’Etat, William A. Grover, capitaine de la milice de Warsaw, Thomas C. Sharp, rédacteur en chef de journal et Levi Williams, colonel du cinquante-neuvième régiment de la milice de l’Etat. Le procès dura quinze jours, ce qui était particulièrement long pour l’époque. Les témoins de l’accusation fournirent des preuves contradictoires, tandis que les avocats de la défense argumentèrent de manière persuasive devant un jury non mormon que Joseph Smith fut tué pour répondre à la volonté de la population. Ils affirmèrent que, par conséquent, on ne pouvait pas tenir de personne ou de groupe de personnes déterminé pour responsable. Les accusés furent acquittés. Un procès distinct, prévu le 24 juin pour le meurtre de Hyrum Smith, n’eut pas lieu parce que les accusateurs ne comparurent pas. Manifestement à l’abri de toutes représailles judiciaires, Thomas Sharp se lança dans une nouvelle attaque antimormone dans le Warsaw Signal pendant l’été 1845. Il s’opposa aux saints des derniers jours qui détenaient des postes dans le comté et rouvrit le débat relatif à l’activité politique mormone. Ces interventions constituèrent un écran de fumée pour un flot de vandalisme contre les saints. Au début de septembre, un groupe de trois cents émeutiers, dirigé par Levi Williams, brûla systématiquement les fermes et les maisons isolées des mormons. Ils lancèrent d’abord un raid contre la colonie de Morley et mirent le feu à beaucoup de maisons, de bâtiments, de fermes, de moulins et de meules non protégés. A la mi-septembre, Brigham Young demanda des volontaires pour aller à la rescousse des saints assiégés. Cent trente-quatre attelages furent rassemblés et immédiatement envoyés pour amener saines et sauves à Nauvoo les familles des colonies extérieures dans le sud du comté de Hancock et au nord dans le comté d’Adams. 303 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Jacob Backenstos était un non-mormon amical. Il était greffier du tribunal du circuit du comté de Hancock, et en 1844 il fut élu au corps législatif de l’Etat. En 1845, il était le shérif élu et fut impliqué dans une controverse concernant ceux qui étaient accusés d’assassinat de Joseph et de Hyrum. Backenstos devint officier de l’armée en 1846 et se distingua dans la guerre contre le Mexique. Jacob Backenstos, shérif du comté de Hancock, ami des saints des derniers jours, s’efforça de préserver l’ordre, mais les citoyens de Warsaw refusèrent de faire partie du détachement de police montée qu’il essaya d’organiser. Après avoir chassé les émeutiers avec un détachement constitué d’anciens membres de la Légion de Nauvoo, il vit sa vie menacée par les non-mormons du comté de Hancock, et il s’enfuit. Frank Worrell, qui avait été à la tête de la garde à Carthage le jour du martyre, se mit à la tête des poursuivants de Backenstos. Près des baraques de chemin de fer, au nord de Warsaw, Backenstos rattrapa plusieurs membres de l’Eglise et les mandata immédiatement. Lorsque Worrell sortit son revolver pour tirer sur le shérif, l’adjoint Porter Rockwell le visa avec son fusil et le blessa mortellement. Cela intensifia les hostilités dans le comté de Hancock et, avec une guerre civile imminente, les citoyens de Quincy (Illinois) et du comté de Lee (Iowa) demandèrent aux membres de l’Eglise de quitter l’Illinois. Le 24 septembre 1845, le Collège des douze apôtres promit que l’Eglise partirait au printemps suivant. Le gouverneur Ford dépêcha quatre cents hommes de milice sous la direction du général Hardin et de trois autres citoyens éminents, parmi lesquels Stephen A. Douglas, membre du Congrès, pour jouer le rôle de force de police indépendante au cours de cette période d’agitation civile. Les déprédations prirent fin, et la paix fut temporairement rétablie. Agissant comme comité consultatif local du gouverneur, les quatre dirigeants enquêtèrent sur les circonstances et apprirent que les antimormons avaient commencé le conflit avec leurs raids. Ils se rendirent compte également qu’il n’y aurait de paix dans le comté de Hancock que lorsque les mormons auraient quitté l’Illinois. Douglas était partisan de la destinée manifeste—philosophie recommandant que les Etats-Unis s’étendent sur tout le continent. Il conseilla aux dirigeants de l’Eglise de trouver un lieu à coloniser dans l’Ouest et promit d’user de son influence pour les aider à déménager. Depuis un certain temps, les dirigeants de l’Eglise envisageaient de se retirer dans les Montagnes Rocheuses, de sorte que ces négociations se déroulèrent sans difficultés. Finalement les saints acceptèrent de quitter Nauvoo le printemps suivant, dès que l’herbe dans les prairies serait suffisamment haute pour permettre à leur bétail de se nourrir. Des fidéicommis de l’Eglise resteraient à Nauvoo pour vendre les biens de ceux qui n’auraient pas pu les liquider avant le printemps. L’ A C H È V E M E N T DU TEMPLE Au cours de cette période, Brigham Young et les membres des Douze poussèrent à continuer les travaux sur le chantier du temple. Ils rencontrèrent fréquemment l’architecte et le comité du temple et invitèrent à de maintes reprises les membres à «se rassembler à Nauvoo avec leurs moyens» pour aider à la construction de la maison du Seigneur7. A la conférence générale d’octobre 1844, Brigham Young dit: «Je crois que ce peuple est le meilleur peuple de son époque qui ait jamais vécu sur la terre, y compris l’Eglise d’Enoch. Nous voulons que vous veniez avec vos dîmes et vos offrandes pour construire ce temple8.» En réponse à cela, les soeurs de la 304 NAUVOO SOUS LA DIRECTION APOSTOLIQUE Société de Secours s’engagèrent chacune à donner un penny par semaine pour du verre et des clous, tandis que celles qui avaient des moyens versèrent de grosses sommes sans lesquelles l’entreprise n’aurait jamais progressé. Joseph Toronto remit à Brigham Young deux mille cinq cents dollars en or, disant «qu’il voulait se donner lui-même et tout ce qu’il avait» pour édifier le royaume de Dieu9. De nombreux artisans furent appelés pour travailler sur le chantier. Dès le printemps 1845, la pierre de voûte était en place. Les ouvriers assemblèrent alors le toit et finirent l’intérieur. Des dispositions furent prises pour faire la consécration officielle en avril 1846. Les salles du temple furent consacrées au fur et à mesure de leur achèvement pour que les ordonnances pussent commencer le plus tôt possible. La conférence générale se réunit en octobre 1845 dans l’édifice partiellement terminé. Brigham Young «ouvrit les services du jour par une prière de consécration, présentant le temple, dans l’état d’achèvement où il était, comme monument à la générosité, à la fidélité et à la foi des saints, et conclut: ‹Seigneur, nous nous consacrons, nous et cette maison, à toi.› La journée fut remplie d’une manière très agréable à écouter les instructions et les enseignements et à exprimer la reconnaissance de coeurs honnêtes pour la grande bénédiction que c’était d’adorer Dieu à l’intérieur plutôt qu’à l’extérieur d’un édifice dont la beauté et le travail sont comparables à n’importe quelle maison de culte en Amérique et dont la devise est: ‹SAINTETÉ L’ETERNEL 10 À ›». Le 30 novembre 1845, l’étage mansardé du temple fut consacré pour les ordonnances. Le président Young pria pour que le Seigneur soutienne et délivre ses serviteurs jusqu’à ce qu’ils eussent accompli sa volonté dans le temple. Les salles furent rapidement préparées pour les ordonnances, et Brigham Young et Heber C. Kimball commencèrent, le soir du 10 décembre, à donner les dotations aux saints des derniers jours fidèles. Le 11 décembre, les sessions de dotations continuèrent jusqu’à 3 heures du matin. Lorsque les ennemis de l’Eglise remarquèrent cette activité accrue dans le temple, ils renouvelèrent leur oppression. Une nouvelle menace contre les dirigeants de l’Eglise se présenta rapidement sous forme d’une mise en accusation émise par le tribunal de district des Etats-Unis à Springfield contre Brigham Young et huit autres apôtres pour avoir poussé à et protégé la fabrication de fausse monnaie à Nauvoo. Le 23 décembre, des représentants du gouvernement William Miller (1814-75) fut baptisé en 1834 à Kirtland et s’y installa peu de temps avec sa famille avant de continuer jusqu’au Missouri. En 1839, ils s’installèrent en Illinois avec le reste de l’Eglise. Après l’affaire du «faux Brigham», les Miller quittèrent Nauvoo avec les saints. Pour raison de maladie, William ne put construire de maison de rondins à Winter Quarters, et la famille vécut, pendant l’hiver 1846-47, dans un trou creusé dans la colline. En Utah, il joua un rôle important dans la colonisation de Provo et de Springville. En 1856, il fit une mission en Angleterre et fut appelé plus tard comme président du pieu d’Utah et, en même temps, comme évêque de Provo. s’approchèrent du temple dans l’espoir de trouver et d’arrêter Brigham Young. Sachant qu’ils étaient là, celui-ci s’agenouilla et demanda à être guidé et protégé pour pouvoir «être utile aux saints11». Il remarqua, dans le couloir, William Miller, qui accepta de jouer le rôle de leurre. Frère Miller, qui avait la même taille que Brigham, quitta le temple habillé comme lui et monta dans la voiture du président. Les officiers de police, qui l’attendaient, l’arrêtèrent et l’emmenèrent à la Mansion House, où les amis et les parents de Brigham Young entrèrent dans le jeu. Miller fut alors emmené à Carthage. Ce ne fut que lorsque quelqu’un là-bas l’identifia que ses gardiens apprirent qu’ils avaient un faux Brigham. Entre-temps Brigham Young et ses frères s’étaient cachés en lieu sûr. 305 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Les frères redoublèrent d’efforts pour doter le plus de saints possible avant le début de l’évacuation de Nauvoo. A la fin de 1845, plus de mille membres avaient reçu ces ordonnances. En janvier, Brigham Young écrivit: «Si vif est le désir manifesté par les saints de recevoir les ordonnances [du temple] et si grand est notre désir de les leur donner, que, nuit et jour, je me suis totalement consacré à l’oeuvre du Seigneur dans le temple, ne prenant pas plus de quatre heures de sommeil en moyenne par jour et ne rentrant chez moi qu’une fois par semaine12.» Il y en eut beaucoup d’autres parmi les frères et les soeurs qui donnèrent généreusement de leur temps en lavant chaque soir les vêtements du temple pour que l’oeuvre pût continuer le lendemain matin sans être ralentie13. Le 3 février, les frères envisagèrent de mettre fin aux ordonnances, et Brigham Young quitta le temple pour faire les derniers préparatifs pour partir le lendemain pour l’Ouest. Mais en voyant une grande foule rassemblée pour recevoir ses dotations, rempli de compassion, il retourna pour la servir. Cela retarda son départ de deux semaines encore. Selon les registres du temple, 5 615 saints furent dotés avant d’aller dans l’Ouest, ce qui accomplit un des désirs les plus chers de Joseph Smith. L’E G L I S E DANS D’AUTRES RÉGIONS Après le martyre, beaucoup d’événements importants se produisirent dans d’autres régions de l’Eglise, particulièrement en Grande-Bretagne et dans l’Est des Etats-Unis. Arrivé en Angleterre au début de 1845, Wilford Woodruff traversa la Grande-Bretagne, tenant des conférences, réglant les affaires de la mission et ouvrant de nouvelles régions à l’activité missionnaire. A Manchester, dans un grand centre industriel, il rencontra une salle comble de saints des derniers jours enthousiastes. Il écrivit dans son journal: «L’Esprit du Seigneur était avec nous. L’amour et l’union régnaient dans l’assemblée. Je me réjouis de voir tant de saints unis dans la nouvelle alliance éternelle. J’ai souvent pensé que j’aimerais voir le président Joseph Smith se trouver dans une conférence de saints en Angleterre, mais il s’en est allé. Nous pouvons aller vers lui mais nous ne pouvons pas nous attendre à ce qu’il vienne vers nous14.» A la fin de 1845, frère Woodruff fut relevé de sa brève mais efficace mission. En dépit du fait qu’un certain nombre de personnes émigrèrent en 1845 d’Angleterre à Nauvoo, l’Eglise continua à prospérer et à grandir rapidement en Angleterre, pour atteindre une population de plus de onze mille âmes. A la fin de 1845, les saints fidèles de là-bas avaient fourni pour plus de trois cents livres sterling pour le temple de Nauvoo. En quittant de nouveau ce pays où il avait accompli tant de grandes oeuvres au cours de ses deux missions, frère Woodruff écrivit combien les saints britanniques étaient paisibles et heureux. La mission de Parley P. Pratt dans les Etats de l’Est ne fut pas très différente de Le journal Prophet, dans lequel parut la «proclamation» aux chefs de gouvernement, fut publié par Samuel Brannan, William Smith et Parley P. Pratt à New York. Il dura un peu moins de deux ans, du 18 mai 1844 au 15 décembre 1845. 306 celle de Wilford Woodruff en Grande-Bretagne. Il devait mettre en ordre les affaires de l’Eglise dans l’Est avant que les saints ne commencent leur exode tant attendu vers l’Ouest. Mais il y rencontra des problèmes plus graves que Wilford Woodruff en Angleterre. NAUVOO SOUS LA DIRECTION APOSTOLIQUE En examinant la situation, Parley et ses deux compagnons découvrirent que William Smith, George Adams, Samuel Brannan et d’autres enseignaient «toutes sortes de fausses doctrines et de pratiques immorales, qui en avaient fait trébucher beaucoup et les avaient détournés de la vertu et de la vérité. Tandis que beaucoup d’autres, voyant leur iniquité, s’étaient détournés de l’Eglise et s’étaient unis à divers groupes dissidents15». Conformément aux instructions précédemment reçues de Brigham Young, les frères envoyèrent les coupables à Nauvoo pour être disciplinés par les Douze. Parley prit en main la rédaction du Prophet, journal de l’Eglise à New York. Ses écrits en instruisirent et en inspirèrent beaucoup. Un article important qu’il publia fut une proclamation aux chefs des gouvernements du monde entier, s’acquittant ainsi d’une tâche donnée en 1841 par révélation à l’Eglise (voir D&A124:2-7). Jedediah M. Grant fut un de ceux qui aidèrent efficacement frère Pratt «à mettre en ordre les églises et à rétablir les principes purs de l’Evangile16». Pendant plusieurs années, frère Grant avait beaucoup apporté en tant que missionnaire et, en décembre 1845, il fut appelé à être un des sept présidents du premier collège des soixante-dix. Frère Pratt revint à Nauvoo en août 1845. Il se tint aux côtés de ses frères tandis que l’Eglise affrontait les outrages antimormons du comté de Hancock. Il contribua aussi à la construction du temple et y travailla nuit et jour, pendant les mois de décembre et de janvier, à accorder la dotation aux saints des derniers jours fidèles. P R É PA R AT I F S D U M O U V E M E N T V E R S L’O U E S T Longtemps avant sa mort, le prophète Joseph avait envisagé de transférer l’Eglise dans l’Ouest. En 1842, il avait prophétisé que les saints continueraient à subir beaucoup d’afflictions et «certains d’entre eux aideraient à créer des colonies et à bâtir des villes, et verraient les saints devenir un grand peuple au milieu des Montagnes Rocheuses17». Au printemps 1844, les plans de colonisation dans l’Ouest furent lancés. Une expédition d’exploration fut organisée pour: «Examiner les emplacements de la Californie et de l’Oregon et ( . . . ) trouver un bon endroit où nous pourrons nous installer lorsque le temple sera terminé, et où nous pourrons construire une ville en un jour, et avoir un gouvernement à nous, Lyman Wight (1796-1858) fut baptisé en novembre 1830 et fut un des premiers à être ordonné grand prêtre. Il remplit plusieurs tâches de confiance en Ohio et au Missouri et fut compagnon de cellule de Joseph Smith à la prison de Liberty, au Missouri. Après s’être installé en Illinois, il fut ordonné apôtre le 8 avril 1841. Pendant l’été 1843, il alla couper du bois dans les forêts de la Black River, au Wisconsin, et tandis qu’il y était, conçut l’idée d’aller au Texas pour y créer un lieu de rassemblement. Après la mort de Joseph Smith, il décida de mener à bien son idée d’aller au Texas, qui reçut tout d’abord l’approbation des dirigeants de l’Eglise. Il rejeta plus tard la direction des Douze et fut excommunié le 3 décembre 1848. monter dans les montagnes où le diable ne pourra pas nous déloger et vivre dans un climat sain où nous pourrons vivre aussi vieux que nous en avons envie18». Après la mort du prophète, d’autres préparatifs pour cet exode furent faits. Le déplacement envisagé vers l’Ouest donna à certains une excuse pour éloigner des groupes de l’Eglise. Joseph Smith avait autorisé Lyman Wight et l’évêque George Miller à créer une colonie au Texas; le président Young encouragea cet effort jusqu’à ce qu’il devînt évident que Wight et Miller voulaient que l’Eglise tout entière s’y installe. A la fin du mois d’août 1844, frère Wight fut invité à limiter son groupe à ceux qui travaillaient avec lui dans les pinèdes du Wisconsin. Il les emmena au Texas. Mais plutôt que de chercher un lieu d’installation, il créa une colonie permanente. En novembre 1845, les saints du 307 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Texas furent invités à revenir à Nauvoo, mais le dirigeant, qui était indépendant d’esprit, et ses partisans, refusèrent. En 1848, après plusieurs autres tentatives de réconciliation, frère Wight fut excommunié de l’Eglise. Brigham Young et ses collègues voulaient rester en Illinois jusqu’à ce que le temple fût terminé et que des préparatifs suffisants eussent été faits pour le départ. Au cours de l’hiver 1844-45, ils lurent les journaux des trappeurs, les comptes rendus des expéditions d’exploration du gouvernement et les articles de journaux des voyageurs qui s’étaient rendus dans l’Ouest pour accumuler le plus de renseignements possible concernant la région. Les comités de relocalisation envisagèrent trois grands territoires comme emplacements potentiels dans l’Ouest: le Texas, qui était un pays indépendant, la Haute-Californie, une grande province mexicaine mal définie et vaguement gouvernée (dont le futur Etat d’Utah faisait alors partie) et l’Oregon, qui englobait tout le nord-ouest et était conjointement réclamé et administré par les Etats-Unis et l’Angleterre. Graduellement leur attention se tourna vers l’extrémité orientale du Grand Bassin George Miller (1794-1856) fut baptisé en 1839 par John Taylor en Illinois. En 1841, il fut appelé comme évêque (voir D&A124:20-21). En 1842-44, il accompagna plusieurs chargements de bois à partir des pinèdes du Wisconsin et le long du Mississippi. Après le martyre, il fut désigné comme fidéicommis de l’Eglise. Mais en 1847, il refusa de se laisser gouverner par Brigham Young; par conséquent, il rejoignit Lyman Wight au Texas. En 1850, il devint membre des Strangites à Beaver Island, au Michigan. Après la mort de James J. Strang en 1856, Miller se mit en route pour la Californie mais mourut en Illinois. parce que cette région assurait l’isolement désiré et des milliers d’hectares de terre fertile. Les dirigeants de l’Eglise assurèrent aux saints, dont certains furent surpris de l’annonce, que l’exode était une transplantation bien planifiée, nécessaire pour donner à l’Eglise la place dont elle avait besoin pour grandir. La conférence générale d’octobre fut consacrée en grande partie aux préparatifs d’un retrait ordonné et unifié. Après la conférence, les Douze publièrent une épître générale expliquant: «Une crise d’un intérêt extraordinaire et passionnant s’est produite. L’exode . . . dans une région très éloignée de l’Ouest, où la mesquinerie, l’intolérance et l’oppression insatiable perdent tout pouvoir – constitue une ère nouvelle.» Elle recommandait en outre aux saints de partout de vendre leurs biens et de se préparer pour le rassemblement19. En dépit de l’arrivée de l’hiver, Nauvoo Exode de Nauvoo, par Lynn Faucett. Les premiers saints quittèrent Nauvoo le 4 février 1846. Le premier problème qu’ils rencontrèrent fut de parvenir avec leurs biens de l’autre côté du Mississippi. Le fleuve gela brièvement, ce qui permit à certains de traverser sur la glace, mais la plupart des gens utilisèrent le bac ou de petits esquifs. Les deux méthodes étaient dangereuses. Ils ne s’en rendaient pas compte à ce moment-là, mais la partie la plus difficile du voyage vers l’Ouest allait être constituée par les quelque cinq cents kilomètres de traversée de l’Iowa pendant le printemps pluvieux de 1846. Elle fut suffisamment difficile pour réduire à néant les projets d’arrivée aux Montagnes Rocheuses cette saison-là et pour forcer les saints à s’installer dans des quartiers d’hiver. 308 Publié avec la permission de madame Lynn Fausett bourdonnait d’activité avec les saints qui se préparaient à l’exode. NAUVOO SOUS LA DIRECTION APOSTOLIQUE L’évacuation de l’ouest de l’Illinois avait été prévue à l’origine pour avril 1846, mais deux nouvelles menaces provoquèrent un départ hâtif et prématuré. La première fut l’accusation de contrefaçon portée contre Brigham Young et huit autres apôtres. La deuxième fut l’avertissement donné par le gouverneur Thomas Ford et d’autres que des troupes fédérales de Saint-Louis envisageaient d’intercepter les mormons et de les massacrer. On apprit des années plus tard que ce n’était là qu’une rumeur créée pour inciter les saints à partir plus tôt que prévu. En janvier 1846, les frères décidèrent de préparer plusieurs compagnies à partir d’un instant à l’autre. Un comité fut désigné pour liquider tous les biens et toutes les possessions abandonnées, entre autres le temple et la Nauvoo House. La décision de partir fut prise le 2 février, et le premier groupe, dirigé par Charles Shumway, traversa le Mississippi le 4 février. Bientôt plusieurs centaines de saints étaient assemblés dans des camps temporaires en Iowa. Brigham Young et d’autres restés sur place pour donner les dotations aux saints, ne quittèrent Nauvoo qu’à la mi-février. Malheureusement, il y en eut trop qui partirent mal équipés et qui décidèrent de partir plus tôt qu’il n’aurait fallu. Si les saints avaient quitté Nauvoo à partir d’avril, comme prévu au départ, l’exode aurait certainement été plus ordonné. Le plan originel prévoyait vingt-cinq compagnies de cent familles chacune avec des provisions suffisantes, sous la présidence d’un capitaine de compagnie. Les compagnies devaient partir à des intervalles prévus pour veiller à ce que les choses se fassent dans l’ordre. Mais ces plans furent réduits à néant par les saints qui paniquèrent et ne voulurent pas rester en arrière après le départ des Douze. Beaucoup parmi les capitaines précédemment désignés abandonnèrent leurs tâches pour s’aligner sur les compagnies d’avant-garde et être avec les Douze. Mais en dépit de la confusion, l’optimisme régnait parmi les saints de l’est de l’Iowa. Une des migrations les plus remarquables de l’histoire de la civilisation occidentale avait commencé. NOTES: 1. «An Epistle of the Twelve», Times and Seasons, 15 août 1844, p. 619. 2. Voir History of the Church, 7:305-7. 3. History of the Church, 7:260. 4. History of the Church, 7:260. 5. Dans History of the Church, 7:355-56. 6. Dans History of the Church, 7:431. 7. Dans History of the Church, 7:267. 8. Dans History of the Church, 7:302. 9. Dans History of the Church, 7:433. 10. Dans History of the Church, 7:456-57. 11. Dans Journal of Discourses, 14:218. 12. History of the Church, 7:567. 13. Voir History of the Church, 7:547-48. 14. Journaux de Wilford Woodruff, 16 février 1845, département d’histoire de l’Eglise, Salt Lake City. 15. Parley P. Pratt, éd., Autobiography of Parley P. Pratt, série Classics in Mormon Literature, Salt Lake City, Deseret Book Co., 1985, p. 299. 16. Pratt, Autobiography of Parley P. Pratt, p. 300. 17. History of the Church, 5:85. 18. History of the Church, 6:222. 19. Brigham Young et Willard Richards, dans History of the Church, 7:478; voir aussi pp. 479-480. 309 CHAPITRE VINGT- CINQ LA Ligne du temps Date Evénement important 4 févr. 1846 Les saints commencent à traverser le Mississippi. 1er mars 1846 Le camp d’Israël quitte Sugar Creek 26 mars 1846 Réorganisation du camp d’Israël à la Chariton River T R AV E R S É E D E L’I O WA L ORSQU’ILS TRAVERSÈRENT le Mississippi pour entrer en Iowa, les saints partaient à la recherche d’une patrie où ils pourraient édifier le royaume de Dieu sans être opprimés. L’accès de ce nouveau refuge ne fut pas aisé; il exigea des labeurs, des sacrifices et la mort, et la première partie du voyage—la traversée du territoire de l’Iowa—se révéla être la plus dure. Il fallut au principal «camp d’Israël» 131 jours pour faire les cinq cents kilomètres de la 15 avr. 1846 Création à Locust Creek du cantique «Venez, venez» 24 avr. 1846 Fondation de Garden Grove pionnière pour faire 1690 kilomètres de Winter Quarters à la vallée du grand lac 16 mai 1846 Fondation de Mount Pisgah 14 juin 1846 La première compagnie pionnière atteint le fleuve Missouri 1-20 juillet 1846 Recrutement du Bataillon mormon Salé. L’insuffisance des préparatifs, le manque de guides informés, les retards, un Sept. 1846 Création de Winter Quarters Sept 1846 Bataille de Nauvoo; évacuation des saints pauvres traversée de l’Iowa. Un an plus tard, il ne fallut que 111 jours à la compagnie temps exécrable et un terrain difficile firent du voyage à travers l’Iowa un des plus éprouvants de l’histoire de l’Eglise. Néanmoins, ces gens intrépides ne savaient pas ce que c’était que d’échouer. La traversée de l’Iowa ne fit que renforcer leur résolution et fut pour eux une expérience précieuse pour l’avenir. LE V OYA G E C O M M E N C E D A N S L A T R I S T E S S E Les premiers chariots à quitter Nauvoo embarquèrent sur le bac le 4 février 1846. Une fois le Mississippi traversé, ils ouvrirent une piste longue de quinze kilomètres jusqu’à Sugar Creek, dressèrent le camp et attendirent l’arrivée de Brigham Young. Au cours du mois de février, plus de trois mille personnes traversèrent le fleuve sous la direction de Hosea Stout, capitaine de la police de Nauvoo, et se rassemblèrent à Sugar Creek. Quitter Nauvoo fut un acte de foi pour les saints. Ils partaient sans savoir exactement où ils allaient ni où ils auraient un endroit où ils pourraient s’installer. Tout ce qu’ils savaient, c’est qu’ils étaient sur le point d’être chassés de l’Illinois par leurs ennemis et que leurs dirigeants avaient reçu la révélation qu’ils devaient trouver un refuge quelque part dans les Montagnes Rocheuses. Le monument de Winter Quarters, situé à Omaha (Nebraska), fut dédié le 20 septembre 1936. Il représente la souffrance de parents pionniers ensevelissant un enfant. Il porte l’inscription suivante: «Pour que les efforts, les sacrifices et les souffrances des pionniers fidèles et la cause qu’ils représentaient ne soient jamais oubliés, ce monument a été érigé et dédié avec reconnaissance par l’Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours. «Première Présidence: Heber J. Grant, J. Reuben Clark Jr, David O. McKay. «Sculpteur: Avard Fairbanks, descendant de pionniers enterrés ici.» Un temps de printemps facilita le départ précoce de Nauvoo, mais très bientôt un temps rigoureux s’installa qui fut à la fois une gêne et une bénédiction pour l’exode déjà pénible. Le 14 février, il neigea, le 19 février, un vent de nord-ouest apporta vingt centimètres de neige, une nuit très froide et «beaucoup de souffrances dans le camp, car il y en avait beaucoup qui n’avaient pas de tente ni d’endroit confortable pour se loger: beaucoup de tentes furent renversées, certaines n’étaient pas finies et n’avaient pas de cordages1». Lorsque Brigham Young eut quitté Nauvoo et traversé le fleuve jusqu’en Iowa, la boue devint si profonde que ses attelages durent être doublés pour amener les chariots au sommet de la colline jusqu’au camp de Sugar Creek2. Une semaine plus tard, la 311 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS La fanfare de Nauvoo (également appelée fanfare de William Pitt) fut organisée en 1842 pour accompagner les exercices de la Légion de Nauvoo. La fanfare jouait souvent pour les réunions de société et les assemblées religieuses, lors de manifestations patriotiques et autres, des arrivées et des départs de personnes importantes et pour égayer les voyages en bateau à vapeur. Elle alla jusqu’à lever des fonds et à construire la salle de concert de Nauvoo en 1843. Pendant la première moitié de la traversée de l’Iowa, la fanfare non seulement apporta une distraction aux saints fatigués après une longue journée de marche, mais obtint aussi de l’argent, des provisions et de l’équipement grâce à des concerts joués pour les colons des villes et des villages situés le long de l’itinéraire. Après l’arrivée à Garden Grove, la fanfare se dispersa, certains de ses membres retournant à Nauvoo, d’autres poursuivant leur voyage vers Winter Quarters, d’autres encore restant à Garden Grove. En Utah, la fanfare fut recréée un certain temps et remplit des fonctions semblables à celles qu’elle avait remplies à Nauvoo. température s’effondra et le Mississippi gela, ce qui hâta l’abandon de Nauvoo en permettant à de nombreux saints de traverser sur la glace. Mais à cause du froid extrême, beaucoup de personnes, Brigham Young et Willard Richards y compris, tombèrent malades à Sugar Creek. Plusieurs femmes accouchèrent dans le camp glacial, dressé à la hâte; ce furent elles et leurs nouveau-nés qui souffrirent le plus de l’exposition au froid, au vent et à la neige. Les saints qui partaient souffraient aussi du manque de nourriture. Voulant être avec leurs dirigeants, beaucoup d’entre eux n’avaient pas suivi le conseil de se préparer avant de partir. Brigham Young, Heber C. Kimball et quelques autres avaient entrepris le voyage avec du ravitaillement pour un an, mais la plupart des autres partirent quasiment sans nourriture. A cause de ce manque de préparation, certains, qui avaient emmené des provisions et étaient disposés à partager, vidèrent leurs réserves en quelques semaines. Le président Young avait la responsabilité écrasante d’être le père de tous. Une inscription dans son journal montre son découragement: «Si ce peuple n’est pas davantage uni en esprit et ne cesse de prier pour avoir ce qu’on lui a recommandé d’éviter, cela va me mettre dans ma tombe. Je suis amaigri au point que mon veston, que je n’arrivais quasiment plus à fermer l’été dernier, est maintenant trente centimètres trop grand. C’est au prix de gros efforts que je m’empêche de me coucher pour dormir afin d’attendre la résurrection3.» En dépit de la situation difficile, il y avait une certaine gaieté dans le camp. Presque tous les soirs, la fanfare de William Pitt jouait les grandes marches, quicksteps et galops populaires de l’époque. Autour des feux de camp, les gens dansaient au son du violon et chantaient les chansons à la mode ainsi que d’autres que l’on composait pour l’occasion. L’une de celles-ci était «The Upper California»: La Haute-Californie—C’est le pays magnifique! Elle est entre les montagnes et le grand Pacifique; Les saints peuvent y être abrités, Et goûter aux bienfaits de la liberté. En Haute-Californie—Oh quel pays magnifique!4 Le terme Haute-Californie désignait un territoire vaguement défini administré par le Mexique et comprenant la plus grande partie des Etats actuels d’Utah, du Colorado, du Nevada et de Californie. Brigham Young remarqua que les saints «étaient patients et supportaient toutes leurs privations sans murmurer». Un mois plus tard, il ajoutait: «Je ne pense pas William Pitt, converti britannique et musicien accompli, était chef de la fanfare de Nauvoo, tant parce qu’il s’y connaissait en musique que parce que, lorsqu’il quitta l’Angleterre, il emporta une vaste collection de morceaux de musique arrangés pour instruments à vent en cuivre. Pitt avait la réputation d’être un excellent flûtiste, mais il préférait le violon et d’autres instruments. Il fut un des trois membres de la fanfare à se rendre dans la vallée du lac Salé avec la compagnie pionnière originelle. 312 qu’il y ait jamais eu, depuis le temps d’Enoch, de groupe de gens, mis dans la même désagréable situation que ce peuple, où il y ait eu si peu de rouspétances, et j’ai la certitude que le Seigneur était satisfait de la majorité des membres du camp d’Israël5.» LE C A M P D ’I S R A Ë L E N R O U T E P O U R L’O U E S T Les saints ne commencèrent à quitter le camp de Sugar Creek que le 1er mars 1846. Les huit ou dix derniers jours furent essentiellement consacrés à discuter des LA TRAVERSÉE DE L’IOWA plans de voyage et de l’organisation de la caravane. Dès le départ, le gros des saints prit le nom de «camp d’Israël», dont le président était Brigham Young. Comme pour l’Israël d’autrefois, il y avait des compagnies et des capitaines de cent, de cinquante et de dix. Au cours des deux années qui suivirent, il y eut d’autres comparaisons avec l’Ancien Testament, comme l’illustrent des termes tels que Sion au sommet des montagnes, peuple élu, exode, mont Pisgah, Jordan River, mer Morte, faire fleurir le désert comme le narcisse et un Moïse moderne en la personne de Brigham Young. Une des raisons pour lesquelles les saints tardèrent à partir était qu’ils se demandaient quel était le meilleur itinéraire pour traverser l’Iowa. L’est de l’Iowa était ouvert à la colonisation depuis la guerre indienne de Black Hawk de 1830-32, mais au-delà de cent cinquante kilomètres à l’ouest du Mississippi, la population était rare, les routes peu nombreuses et mauvaises. En outre, il y avait de nombreuses rivières et de nombreux cours d’eau à traverser. Le camp devait aussi décider de l’endroit où il allait traverser le fleuve Missouri. Les saints voulaient éviter les traversées qui les mèneraient dans l’Etat de Missouri où il y avait toujours un sentiment antimormon. Stephen Markham (1800-78) accepta l’Evangile en 1837, en Ohio. Fermier prospère et saint fidèle, il vendit ses biens sur les recommandations de Joseph Smith pour aider soixante personnes à aller de Kirtland à Far West (Missouri). Pendant la période de Nauvoo, il fut garde du corps de Joseph Smith et sacrifia de nouveau une maison neuve (pour aller vivre sous une tente) afin d’aider le prophète à payer des frais de procédure. Il était avec les Frères à Carthage, mais l’accès à la prison lui fut refusé quelques heures avant le martyre. Outre son rôle de pionnier en Iowa, il fut également membre de la première compagnie pionnière vers la vallée du lac Salé et participa plus tard à l’effort de colonisation en Utah. Quand les saints reprirent leur marche, ils envisageaient d’atteindre le Missouri à la mi-avril, d’ensemencer de petites superficies le long du chemin pour ceux qui les suivraient, d’installer une partie du camp quelque part à l’ouest du fleuve Missouri pour en faire une ferme ou une étape pour les futurs voyageurs et d’expédier une compagnie rapide dans les montagnes avec les semis de printemps. Une compagnie pionnière dirigée par Stephen Markham fut envoyée en avant pour repérer les meilleurs itinéraires, trouver des endroits pour les échanges commerciaux, construire des ponts et faire d’autres préparatifs. Mais trois problèmes fondamentaux gênèrent la progression des saints en Iowa. Le premier fut le manque de provisions. Chaque compagnie chargea deux préposés à l’intendance de contacter les colons et de négocier pour obtenir de la nourriture et du fourrage. A cause du manque généralisé de provisions, beaucoup d’hommes trouvèrent du travail dans les villes de l’est de l’Iowa pour payer le ravitaillement nécessaire. La fanfare de William Pitt donna des concerts officiels dans beaucoup de localités de l’Iowa pour lever d’autres fonds. Comme un grand nombre d’hommes travaillaient au lieu d’être dans les chariots, les progrès furent pénibles. Cela explique pourquoi la plus grande partie du camp s’attarda presque trois semaines à Richardson’s Point, à 90 kilomètres seulement de Nauvoo. Brigham Young n’avait traversé que la moitié de l’Iowa lorsque, à cause de sa générosité, les provisions de sa famille s’épuisèrent. Les autres apôtres étaient dans la même situation6. Le 24 mars, Hosea Stout signala que la moitié de ses hommes était à court de provisions. Et le problème empira avant leur arrivée au fleuve Missouri. Un deuxième problème était la désorganisation du camp, qui s’étalait sur des kilomètres à travers l’est de l’Iowa. Plusieurs cavaliers passaient tout leur temps rien qu’à porter des messages entre les dirigeants des compagnies séparées. Exaspéré par le désordre et par l’esprit aventureux, indépendant et compétitif de l’évêque George Miller et d’autres, Brigham Young se rendit compte qu’il fallait 313 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Fl eu ve M i ss iss Itinéraire des charrettes à bras mormones (1856) i pp i Fl Itinéraire des pionniers mormons (1845) eu ve Miss our i Nebraska Davenport Winter Quarters (devint Florence en 1856) Iowa City Des Moines Council Bluffs Mount Pisgah Garden Grove Camp sur la Chariton River Iowa Missouri Deux pistes mormones importantes ont traversé l’Iowa. La piste du nord était l’itinéraire des compagnies de charrettes à bras de 1856. Les pionniers de 1846 parcoururent l’itinéraire sud. La plus grande partie du camp resta près de deux semaines à Richardson’s Point pour améliorer son organisation pendant une période de mauvais temps. Néanmoins, quand il atteignit la Chariton, à environ cent soixante kilomètres à l’ouest de Nauvoo, elle n’avait fait que quatre à cinq kilomètres en moyenne par jour, beaucoup de personnes étaient très dispersées, et certaines étaient retournées à Nauvoo. Il fallait une réorganisation en profondeur. L’itinéraire de 1846 suivait la frontière du Missouri à cause de la proximité de la civilisation. Les dirigeants de l’Eglise avaient l’intention de traverser le nord-ouest du Missouri vers Banks Ferry, importante étape de ravitaillement pour les lieux situés à l’ouest du fleuve Missouri. La réaction hostile des Missouriens les obligea à se diriger de nouveau vers le nord. Plus loin, à l’ouest, à Locust Creek, William Clayton composa le cantique «Venez, venez». Garden Grove, une des deux colonies «permanentes» était quasiment à mi-chemin en Iowa, à 230 kilomètres à l’ouest de Nauvoo et à 190 kilomètres à l’est du fleuve Missouri. Les saints arrivèrent le 24 avril à Garden Grove et, le 18 mai, Parley P. Pratt désigna le mont Pisgah comme deuxième camp permanent. Brigham Young y fêta, le 1er juin 1846, son quarante-cinquième anniversaire. Richardson’s Point Camp de Locust Creek Illinois Nauvoo Sugar Creek établir un contrôle plus ferme sur le camp. Il exigea une obéissance et une collaboration plus strictes et expédia une lettre de réprimande à ceux qui étaient loin en avant du reste du camp, leur disant de revenir pour tenir conseil. Parley P. Pratt, qui était avec Miller, fut sévèrement réprimandé en même temps que les autres. Les événements qui suivirent prouvèrent que c’était l’Esprit qui animait Brigham Young. Parley P. Pratt dit: «Car l’évêque Miller, qui était un membre dirigeant et actif dans notre camp, nous a quittés depuis lors et a suivi sa propre voie, refusant de se laisser guider par les conseils de la Présidence et est allé au Texas. Et je veux faire remarquer ici que, bien que mes propres motivations fussent pures, dans la mesure où je pouvais lire dans mon propre coeur, néanmoins je remercie Dieu de cette réprimande venue en temps opportun; j’en ai profité, et cela m’a amené à être dorénavant plus attentif et plus prudent7.» Le 26 mars, sur les rives de la Chariton River, Brigham Young et Heber C. Kimball regroupèrent le camp en trois compagnies de cent familles chacune. Bien que le voyage se déroulât dorénavant d’une manière plus ordonnée, l’amélioration de l’organisation ne put avoir raison du facteur final, sans doute le plus difficile de tous: le temps pluvieux de printemps. Des neiges fondant soudainement, une pluie presque constante, des ruisseaux gonflés, une boue qui n’en finissait pas et des vents violents retardèrent l’avance. Le commentaire que fit Brigham Young vers la fin de mars, qu’ils n’avaient traversé ce jour-là qu’un seul trou de boue «qui avait environ dix kilomètres de long», illustre l’effet du dégel et des pluies de printemps qui transformèrent les routes et les emplacements de camp en bourbiers8. Les journaux personnels montrent qu’il plut ou neigea pendant onze jours au moins en mars à partir du 10. Le temps continua à se dégrader en avril, et il plut ou neigea la moitié du mois, notamment chaque jour de la dernière semaine. Il y eut tant de chariots qui s’embourbèrent que le voyage se réduisit à moins d’un kilomètre par jour. 314 LA TRAVERSÉE DE L’IOWA Le 6 avril fut une journée particulièrement mauvaise. Hosea Stout dit: Ce fut, de tous les matins, le plus lugubre, le plus sombre et le plus pluvieux après un aussi beau jour qu’hier . . . Ce jour fut le pire de tous pour le voyage. La route fut la pire que j’eusse jamais vue, montant et descendant à travers des bourbiers sur des crêtes spongieuses et des marécages profonds, de violentes averses, et le ruisseau qui gonflait. Les chevaux s’enfonçaient parfois jusqu’au ventre sur les crêtes, et les attelages étaient bloqués en descente. Nous travaillâmes et peinâmes plus de la moitié du jour et dûmes finalement laisser certains de nos chariots et de nos doubles attelages pour pouvoir traverser». Ce soir-là, lorsque la plupart des personnes du camp se furent couchées, le vent se mit à souffler. Hosea n’avait pas fixé sa tente avec de gros cordages. Il raconta plus tard: «Je dus sortir du lit et la maintenir longtemps dans le vent et dans la pluie qui s’abattait sur moi jusqu’à ce que je sois trempé jusqu’aux os, et je ne pouvais pas m’éloigner pour la fixer, parce qu’elle aurait été emportée.» Il resta là jusqu’à ce que quelques-uns des frères viennent à son secours9. Eliza R. Snow écrit: «[Le vent était] une véritable bourrasque accompagnée d’une violente averse de pluie, et plusieurs de nos habitations furent aplaties et les toits de nos chariots manquèrent d’être détruits par la violence des éléments10.» Lorsque les voyageurs fatigués se levèrent le lendemain matin, il y avait un peu de neige, il avait légèrement gelé et le ruisseau était gonflé. Les vêtements et la literie étant souvent détrempés, et les températures souvent glaciales, les maladies fréquentes et de temps en temps des décès gênaient le voyage. A la date du 15 avril, le camp se trouvait sur le Locust Creek, près de la limite actuelle entre l’Iowa et le Missouri. William Clayton, contrarié par la lente avance du camp et le fardeau que représentait l’entretien d’une famille nombreuse, fut heureux d’apprendre que Diantha, sa femme plurale, laissée à Nauvoo pour y être soignée et protégée, avait donné le jour à un garçon en bonne santé. Là-dessus il composa un nouveau cantique de louanges au Seigneur intitulé «Tout est bien» (appelé aujourd’hui «Venez, venez, sans craindre le devoir»). Celui-ci devint un chant distinctif pour beaucoup de pionniers mormons qui traversèrent plus tard les plaines vers le Grand Bassin. William Clayton (1814-79) naquit en Angleterre et fut parmi les premiers à y accepter l’Evangile en 1837. Il émigra à Nauvoo en 1840, et ses talents d’écrivain et de narrateur furent rapidement appréciés. En 1842, il devint greffier et secrétaire privé de Joseph et remplit des fonctions semblables pendant toute sa vie. Il fut greffier du temple de Nauvoo. En Utah, il fut trésorier de la ZCMI, greffier territorial des marquages de propriété et vérificateur territorial de la comptabilité publique. C’est surtout pour le fait que, le 12 juillet 1843, il mit par écrit la révélation sur le mariage plural et pour la composition de «Venez, venez sans craindre le devoir», près de Corydon (Iowa), qu’il est sans doute le mieux connu. Venez, venez, sans craindre le devoir, Travailler au progrès! Si le chemin à vos yeux paraît noir, Le secours est tout près. Mieux vaut lutter de tout son coeur, Pour acquérir le vrai bonheur. Venez, joyeux, ne craignez rien, Tout est bien, tout est bien! .............................. Dieu nous prépare un brillant avenir Dans l’Ouest, au lointain. Notre destin pourra s’y accomplir En dépit du Malin. 315 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS Et nos transports célébreront, Au monde entier nos chants diront Tous les bienfaits du Roi divin. Tout est bien, tout est bien!11 Comme la pluie continuait à se déverser dans le Locust Creek gonflé, les dirigeants de l’Eglise commencèrent à revoir leurs plans. Les retards angoissants, les souffrances des voyageurs, l’affaiblissement de leurs animaux de trait, le prix exorbitant du fourrage, le mauvais état des chariots et de l’équipement, la diminution rapide des provisions et l’absence de perspectives d’amélioration du temps, tout cela contribua à la réévaluation des projets des saints. Le rêve d’atteindre les Montagnes Rocheuses plus tard au cours de cette saison s’éloignait. C R É AT I O N D ’ É TA P E S D E R AV I TA I L L E M E N T E T P O U R S U I T E D U CHEMIN VERS LE MISSOURI A Locust Creek, les Frères, après avoir prié, mirent sur pied un nouveau plan consistant à créer des fermes ou des étapes de ravitaillement sur l’itinéraire vers l’Ouest. Le 24 avril, les pionniers atteignirent un endroit appelé Garden Grove, à près de cent kilomètres au nord-ouest de Locust Creek et à peu près à mi-chemin de la traversée de l’Iowa. En trois semaines, ils avaient labouré 290 hectares de dure herbe de la prairie, construit des cabanes et créé une petite localité. Un grand conseil fut appelé pour gérer les affaires de l’Eglise et les affaires civiles, et deux cents personnes furent chargées de faire prospérer cette première étape de ravitaillement. Garden Grove n’avait pas assez de bois pour approvisionner toutes les compagnies qui allaient bientôt arriver de Nauvoo, de sorte que les frères envoyèrent des éclaireurs explorer la région. Parley P. Pratt trouva des collines herbeuses couronnées de beaux bosquets à quarante kilomètres au nord-ouest de Garden Grove. Il fut au comble de la joie. Faisant allusion à la montagne du haut de laquelle Moïse vit la terre Promise, Parley s’écria: «C’est le mont Pisga12». Quelques jours plus tard, Brigham Young arriva et organisa immédiatement une deuxième étape de ravitaillement à Mount Pisgah. Un nouveau grand conseil fut désigné, et quelques milliers d’hectares furent clôturés, ensemencés et cultivés en coopérative. Ezra T. Benson (arrière-grand-père du treizième président de l’Eglise), un des nouveaux dirigeants, déclara: «C’était le premier endroit, depuis mon 13 départ de Nauvoo, où je me sentais disposé du fond du coeur à demeurer .» Le premier camp permanent établi pour le profit de ceux qui allaient suivre fut Garden Grove. Samuel Bent, Aaron Johnson et David Fullmer furent appelés à présider la colonie de Garden Grove. John R. Young écrit: «Il leur fut dit de diviser gratuitement les terres entre les pauvres, mais de ne pas donner davantage à quelqu’un que ce qu’il pouvait réellement cultiver. Il ne devait pas y avoir de gaspillage ni de spéculation14.» Samuel Bent mourut le 16 août 1846 à Garden Grove. Mount Pisgah ne tarda pas à l’emporter sur Garden Grove en grandeur et en importance. Mais toutes deux furent des étapes de ravitaillement pionnières importantes de 1846 à 1852. Pendant la première partie de juin 1846, une compagnie d’avant-garde, comprenant des membres des Douze, quitta Mount Pisgah et se mit en route pour le fleuve Missouri. Bien qu’étant deux mois en retard par rapport au calendrier originel, les Frères espéraient quand même qu’une compagnie rapide pourrait arriver pour l’automne aux Montagnes Rocheuses. Il ne fallut que quatorze jours pour faire les cent soixante derniers kilomètres jusqu’à la région de Council Bluffs 316 LA TRAVERSÉE DE L’IOWA sur le fleuve Missouri, en partie parce qu’ils connurent le luxe inhabituel de pistes sèches et d’une herbe abondante. Un siège temporaire fut créé à Mosquito Creek sur le territoire des Indiens Pottawattomie. Ils découvrirent que leur première tâche était de préparer des embarcadères et un bateau pour transporter les chariots d’émigrants de l’autre côté du Missouri. Cela se réalisa en quinze jours seulement. Néanmoins, deux problèmes n’étaient toujours pas résolus. Où les saints allaient-ils passer l’hiver le long du Missouri puisqu’ils étaient toujours sur les terres indiennes? Et les apôtres et d’autres avaient-ils encore le temps de continuer vers l’Ouest avant le début des tempêtes d’hiver? La dernière question fut tranchée après consultation avec le capitaine James Allen de l’armée américaine, qui arriva le 1er juillet pour lever un bataillon de soldats mormons. Avec la perte de tant d’hommes affectés au bataillon, la migration vers l’Ouest fut retardée un certain temps. APPEL D U B ATA I L L O N M O R M O N En 1845, les Etats-Unis annexèrent le Texas, irritant ainsi le Mexique, qui réclamait toujours une grande partie du territoire du Texas. Le 24 avril 1846, il y eut une escarmouche entre les troupes mexicaines et les dragons américains, mais le Congrès ne déclara la guerre que le 12 mai 1846. Les expansionnistes américains étaient ravis de la guerre parce qu’elle leur donnait l’occasion d’acquérir un Mount Pisgah, deuxième camp permanent en Iowa, fut fondé le 18 mai 1846 et fut confié à la présidence de William Huntington, Ezra T. Benson et Charles C. Rich. Beaucoup de saints qui quittèrent Nauvoo après Brigham Young y rattrapèrent le camp, et une partie du Bataillon mormon y fut recrutée. Pisgah fut conservé comme camp au moins jusqu’en 1852 et, à son apogée, avait une population de plus de trois mille saints. Noah Rogers, qui était récemment revenu de mission dans les îles des mers du sud, fut le premier à y mourir et à y être enterré. Beaucoup d’autres y moururent et y furent également enterrés. En 1886, l’Eglise acheta le terrain de quarante ares où se trouvait le cimetière et, en 1888, érigea un monument pour en marquer l’emplacement. territoire s’étendant jusqu’à l’océan Pacifique. James K. Polk, président des EtatsUnis, lui-même expansionniste, prévit, dans ses objectifs de la guerre, l’acquisition du Nouveau-Mexique et de la Haute-Californie. L’armée américaine de l’Ouest fut chargée de conquérir ce vaste territoire. La guerre contre le Mexique arriva exactement au moment où les saints des derniers jours demandaient à Washington une aide pour leur émigration vers l’Ouest. Avant de quitter Nauvoo, Brigham Young appela Jesse C. Little à présider l’Eglise dans l’Est et à se rendre dans la capitale du pays avec une demande d’aide. Frère Little était aidé par son ami, Thomas L. Kane, vingt-quatre ans, fils de John Kane, juge fédéral éminent et collègue politique du président Polk. Thomas avait travaillé avec son père comme clerc de notaire et était par conséquent bien connu à Washington. Ensemble, Little et Kane négocièrent avec les autorités pour avoir des contrats avec le gouvernement pour construire des redoutes et des fortins le long de la piste de l’Oregon, mais la guerre contre le Mexique fournit aux saints et au gouvernement une meilleure occasion de s’entraider. Sur les instances de Kane, frère Little laissa entendre, dans une lettre au président Polk, que bien que les saints fussent des Américains loyaux, le refus du gouvernement de les aider pourrait les «obliger à être des étrangers15». Polk ne voulait pas que les saints s’unissent aux intérêts britanniques dans le territoire de l’Oregon, et il ne voulait pas non plus s’attirer l’hostilité des volontaires missouriens de l’armée de l’Ouest, de sorte que, après des conversations avec frère Little, il permit le recrutement de cinq cents volontaires mormons après qu’ils eussent atteint la Californie. De cette façon, il pourrait conserver la loyauté des 317 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS saints sans susciter l’opposition d’aucun antimormon. Mais lorsque William Marcy, ministre de la guerre, écrivit au colonel Stephen W. Kearny, à Fort Leavenworth (Kansas), Polk avait apparemment changé d’avis, parce que Kearny fut autorisé à enrôler immédiatement un bataillon mormon. A la fin de juin, Kearny envoya le capitaine James Allen dans les camps mormons du sud de l’Iowa recruter les volontaires. Le capitaine Allen fut le premier à se rendre à la nouvelle colonie mormone de Mount Pisgah. Il y rencontra une opposition farouche au plan. Wilford Woodruff, en route pour rejoindre les autres apôtres au fleuve Missouri, était méfiant. Il écrit: «J’avais des raisons de croire qu’ils étaient des espions et que le président n’avait rien à voir avec cela. Mais nous agîmes envers eux avec civilité et les envoyâmes à Council Bluffs pour présenter l’affaire au président16.» Des messagers envoyés par frère Woodruff avertirent Brigham Young de la mission du capitaine Allen deux jours avant l’arrivée de celui-ci à Council Bluffs. Avant de l’accueillir, Brigham Young, Heber C. Kimball et Willard Richards se Jesse C. Little (1815-93) était, en 1846, président de la mission des Etats centraux de Nouvelle-Angleterre. Il laissa temporairement sa famille dans l’Est et se rendit au Nebraska, où il se joignit à Brigham Young et à la compagnie pionnière originelle, à cent douze kilomètres à l’ouest de Winter Quarters. Après être rentré dans la vallée du lac Salé, il revint dans l’Est où il continua à remplir ses fonctions de président de mission jusqu’en 1852, lorsque sa famille et lui se rendirent en Utah. En 1856, il fut appelé comme deuxième conseiller d’Edward Hunter dans l’épiscopat président, poste qu’il détint jusqu’en 1874. réunirent en hâte sous la tente d’Orson Pratt, où ils «décidèrent que le mieux était de rencontrer le capitaine Allen le matin et de réunir les hommes réclamés par l’armée17». Le président Young se rendait compte que la demande d’Allen était probablement le résultat des négociations de frère Little. Les frères se rendaient également compte que la demande d’hommes mormons constituait une occasion d’acquérir le capital dont on avait un si grand besoin pour l’exode et justifiait l’établissement de colonies temporaires sur les terres indiennes. Au cours des négociations, le capitaine Allen assura à l’Eglise qu’elle pourrait rester sur les terres indiennes pendant l’hiver. Lorsqu’Allen eut recruté les hommes à Council Bluffs, le président Young s’adressa aux saints et essaya de les débarrasser de leurs préjugés contre le gouvernement fédéral. Il dit: «Supposons que l’on nous admette dans l’Union en tant qu’Etat et que le gouvernement ne fasse pas appel à nous, nous aurions le sentiment d’être négligés. Que les mormons soient les premiers à mettre le pied sur la terre de Californie . . . C’est la première offre que le gouvernement nous ait jamais faite qui nous soit profitable18.» Le 3 juillet, Brigham Young, Heber C. Kimball et Willard Richards se rendirent dans l’Est pour recruter d’autres hommes. Avant leur arrivée à Mount Pisgah, tous les saints des derniers jours s’étaient opposés à l’entreprise, mais après plusieurs discours de recrutement, beaucoup d’hommes valides s’enrôlèrent. Le recrutement continua jusqu’au 20 juillet, veille du départ du bataillon pour Fort Leavenworth. En trois semaines, cinq compagnies de cent hommes furent organisées. Thomas L. Kane et Jesse C. Little étaient arrivés tous les deux au fleuve Missouri et avaient assuré aux saints qu’il n’y avait pas de complot derrière la demande du gouvernement. Les dirigeants de l’Eglise promirent que l’on prendrait soin des familles des volontaires. Brigham Young choisit des officiers pour diriger chacune des compagnies et leur recommanda d’être des pères pour le reste des hommes. Il recommanda aussi aux volontaires d’être des soldats loyaux, de garder les commandements et de suivre les instructions de leurs dirigeants. Il 318 LA TRAVERSÉE DE L’IOWA promit que s’ils se conduisaient convenablement, ils ne devraient pas se battre. Un bal d’adieu eut lieu le samedi 18 juillet en l’honneur du bataillon sur un carré Nebraska Bac mormon nord Parc de Cutler Camp sur la Elkhorn R Tabernacle de Kanesville Council Bluffs (Miller's Hollow Iowa Kanesville) Council Point Camp du Bataillon mormon Village des Indiens Omaha Village des Indiens OtoMissouri P l at t e Village des Indiens Bac Oto-Missouri mormon sud Hyde Park F O N D AT I O N DE W I N T E R Q UA RT E R S Une fois le bataillon parti, on consacra toute l’énergie à la découverte d’une étape de ravitaillement d’hiver convenable. Avant même l’appel du bataillon, Brigham Young avait décidé que la plupart des saints s’installeraient à Grand Island sur la Platte River. C’était l’île la plus longue située sur une rivière d’eau M e issouri Riv e ir marche historique. Winter Quarters Camp de printemps froid Bac mormon central iv déblayé le long du Missouri. Le mardi 21 juillet, à midi, le bataillon entreprenait sa douce en Amérique, avec un terrain riche et une grande abondance de bois. Un des inconvénients était l’existence dans la région d’Indiens Pawnee hostiles. r L’arrivée dans le camp de Thomas L. Kane et de Wilford Woodruff à la mi-juillet modifia le projet de s’installer sur la Grand Island. Kane dit que le bureau fédéral Cette carte montre les principales colonies mormones le long du fleuve Missouri en 1846-47. Grand Island se trouvait à l’ouest, le long de la Platte. En 1846, quelque douze mille membres de l’Eglise étaient dispersés dans tout le territoire; quatre mille environ se trouvaient à Winter Quarters. des affaires indiennes se mêlerait moins des colonies mormones situées sur le Missouri que si elles étaient situées dans des emplacements plus loin à l’ouest. Frère Woodruff arriva avec la triste nouvelle que Reuben Hedlock, autorité présidente temporaire de l’Eglise en Angleterre, détournait l’argent prévu à l’origine pour l’émigration vers des projets visant à assurer son enrichissement personnel. En outre, l’apostat James J. Strang avait dépêché Martin Harris en Angleterre pour travailler avec les communautés de saints des derniers jours. Si on ne faisait pas immédiatement quelque chose, l’Eglise allait subir de lourdes pertes dans les îles Britanniques. Frère Woodruff fit également rapport sur la situation des saints de Nauvoo, qui étaient trop pauvres pour partir pour l’Ouest. A la fin de juillet 1846, les Frères décidèrent de créer un camp principal sur la rive occidentale du Missouri et que d’autres camps seraient dispersés dans tout l’ouest de l’Iowa. En outre, Orson Hyde, Parley P. Pratt et John Taylor furent envoyés en Angleterre résoudre les problèmes que l’Eglise rencontrait là-bas. En août, des explorateurs trouvèrent un emplacement temporaire, appelé Cutler’s Park, à cinq kilomètres à l’ouest du fleuve. Mais après des négociations avec les chefs des tribus Otoe et Omaha, les dirigeants de l’Eglise décidèrent de créer le camp plus près du fleuve. Une bonne région, située près du futur emplacement d’un bac, fut choisie au début de septembre et les relevés de terrain commencèrent. A la fin du mois, les plans d’une ville de 820 lots avaient été réalisés et certains lots étaient retenus. Winter Quarters, comme les frères appelèrent cette localité, était née. A LA RESCOUSSE DES «SAINTS PA U V R E S » D E NAUVOO Plus de deux mille saints avaient quitté Nauvoo à la mi-mars 1846, et des centaines d’autres partirent en avril et en mai. Mais il en restait encore beaucoup dans la ville. Avant de partir, le président Young avait désigné trois hommes, Joseph L. Heywood, John S. Fullmer et Almon W. Babbitt, comme fidéicommis pour vendre les biens de l’Eglise et les biens privés, payer les dettes et les obligations les plus pressantes et prendre les dispositions pour que puissent partir 319 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS sans encombre ceux qui étaient inévitablement laissés en arrière. Il chargea aussi Orson Hyde de superviser l’achèvement et la consécration du temple de Nauvoo. Les ouvriers du temple menèrent à bien leur tâche pour la fin du mois d’avril, et l’édifice sacré fut préparé pour sa consécration. Wilford Woodruff arriva de sa mission en Grande-Bretagne à temps pour la cérémonie. Le 30 avril, Orson Hyde, Wilford Woodruff et une vingtaine d’autres habillés de la robe du temple consacrèrent la maison du Seigneur. Wilford Woodruff écrit: «En dépit des nombreuses fausses prophéties de Sidney Rigdon et d’autres, que le toit ne serait pas mis et que la maison ne serait pas terminée, et des menaces des émeutiers que nous ne la consacrerions pas, néanmoins tout cela a été fait19.» Le lendemain, 1er mai 1846, les dirigeants de l’Eglise à Nauvoo organisèrent une consécration publique. Les frères Hyde et Woodruff partirent ensuite pour l’Iowa pour rejoindre le reste des Douze. Lorsque les adversaires de l’Eglise se rendirent compte que tous les saints n’allaient pas quitter Nauvoo avant l’été, les persécutions recommencèrent. Des hommes et des femmes faisant les moissons furent attaqués et quelques-uns furent violemment battus. Ce genre de harcèlement dura pendant tout l’été et jusqu’à l’automne de 1846. Entre-temps, le Collège des Douze décida de vendre le temple pour lever des fonds afin d’équiper les saints restants de Nauvoo. Toutes les tentatives de vendre l’édifice échouèrent. A la mi-août moins de quinze cents saints restaient à Nauvoo, certains d’entre eux nouveaux convertis venus de l’Est, qui étaient arrivés trop tard pour se joindre aux compagnies précédentes. La plupart d’entre eux avaient épuisé leurs économies rien que pour atteindre Nauvoo, et les dirigeants de l’Eglise étaient maintenant le seul espoir qu’ils avaient de continuer vers l’Ouest. La seconde semaine de septembre, les antimormons décidèrent de chasser les saints de Nauvoo. Environ huit cents hommes équipés de six canons se préparèrent à assiéger la ville. Les saints et quelques nouveaux citoyens, dont le nombre ne s’élevait qu’à 150 combattants, se préparèrent à défendre la ville. La bataille de Nauvoo commença le 10 septembre, avec des tirs sporadiques. Pendant les deux jours qui suivirent, il y eut de petites escarmouches. Le 13 septembre, une colonne antimormone avança pour tenter de mettre les défenseurs en déroute. Une vigoureuse contre-attaque menée par Daniel H. Wells permit de remporter la bataille, mais il y eut des pertes de part et d’autre. La bataille continua le lendemain, qui était le sabbat. Le 16 septembre, le «comité de Quincy», qui avait aidé à maintenir la paix au cours des mois précédents, intercéda encore une fois. Les saints furent forcés de se rendre sans condition, afin d’avoir la vie sauve et d’avoir une possibilité de fuir par le fleuve. On ne permit qu’à cinq hommes et à leurs familles de rester à Nauvoo pour liquider les biens. Ceux qui pouvaient partir rapidement traversèrent le fleuve sans provisions ni vêtements de rechange. Finalement les émeutiers entrèrent dans la ville, pillèrent les maisons et profanèrent le temple. Certains saints, qui n’avaient pu s’échapper suffisamment vite, furent battus ou jetés dans le fleuve par les émeutiers. 320 LA TRAVERSÉE DE L’IOWA Des camps de réfugiés, comptant de cinq à six cents expulsés, hommes, femmes et enfants, entre autres ceux que l’on avait laissés parce qu’ils étaient trop malades pour voyager, étaient dispersés sur trois kilomètres de rivage en amont de Montrose (Iowa). La plupart des gens n’avaient comme abri que des couvertures ou des huttes de broussailles et n’avaient pas grand-chose d’autre à manger que du maïs bouilli ou grillé. Certains moururent. L’évêque Newel K. Whitney acheta de la farine et la distribua parmi les camps de pauvres. Les fidéicommis de l’Eglise se rendirent dans les localités situées sur le fleuve, entre autres Saint-Louis, suppliant que l’on donne de l’argent et des fournitures pour les réfugiés, mais à cause des préjugés religieux, ils ne se procurèrent que cent dollars. Le 9 octobre, à un moment où la nourriture manquait particulièrement, plusieurs grands vols de cailles arrivèrent dans le camp et atterrirent sur le sol et même sur les tables. Les saints affamés en prirent, en cuisirent et en mangèrent beaucoup. Pour les fidèles, c’était un signe de la miséricorde de Dieu envers l’Israël moderne, comme cela avait été le cas pour un incident semblable avec l’Israël d’autrefois (voir Exode 16:13). Avant même de s’être rendu compte de la situation terrible dans laquelle se trouvaient les saints de Nauvoo, les dirigeants de l’Eglise en Iowa avaient envoyé une mission de sauvetage, et lorsque la nouvelle de la bataille de Nauvoo parvint à Winter Quarters, une deuxième mission fut mobilisée. Brigham Young déclara: «Que la flamme de l’alliance que vous avez faite dans la maison du Seigneur brûle dans votre coeur, comme un feu qui ne s’éteint point, jusqu’à ce que vous puissiez, soit par vous-même, soit par délégation . . . vous mettre en route avec votre attelage et partir directement ramener un chargement de pauvres de Nauvoo . . . « . . . C’est le moment d’agir et pas de discuter20.» Les équipes de sauvetage arrivèrent à temps pour sauver les saints de la famine et du froid de l’hiver. Les saints pauvres furent dispersés dans divers camps de l’ouest de l’Iowa. Une poignée fit tout le chemin jusqu’à Winter Quarters. ISRAËL D A N S L E D É S E RT Pendant tout l’automne de 1846, presque douze mille saints des derniers jours de diverses parties du Midwest se préparèrent pour l’hiver de la meilleure manière possible. Le siège de l’Eglise était à Winter Quarters, sur le territoire indien, où près de quatre mille saints résidaient à la fin de l’année. Deux mille cinq cents autres étaient campés sur les terres des Indiens Pottawattomie à l’est du fleuve Missouri. Un groupe estimé à sept cents personnes était à Mount Pisgah, six cents à Garden Grove, au moins mille étaient dispersés en d’autres endroits de l’Iowa, et cinq cents faisaient partie du Bataillon mormon en route pour la Californie. Beaucoup de saints se rassemblèrent pour l’hiver dans les villes du Mississippi; la population mormone de Saint-Louis passa à quinze cents personnes21. Jamais la population de l’Eglise n’avait été à ce point dispersée ni si mal logée. L’expression «Sion dans le désert» décrit parfaitement la situation pénible dans laquelle se trouvait l’Eglise au cours de l’hiver 1846-47. En dépit de cette situation, les Frères présidents essayèrent de fournir un gouvernement religieux et civil adéquat pour les saints. Des grands conseils furent 321 HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS organisés dans les camps principaux pour superviser les affaires ecclésiastiques et municipales. A Winter Quarters, ce conseil fut appelé «grand conseil municipal». Au début d’octobre, Brigham Young divisa Winter Quarters en treize paroisses Publié avec la permission des Daughters of Utah Pioneers, Ogden (Utah) mais en augmenta rapidement le nombre à vingt-deux pour faciliter l’entretien des membres de l’Eglise. En novembre, le grand conseil vota même la création de paroisses plus petites et «que tout travailleur soit dîmé chaque dixième jour pour le profit des pauvres ou en paye l’équivalent à son évêque22». Bien qu’en vertu de ces dispositions les évêques prissent avant tout soin des besoins temporels du peuple, c’était un pas de plus vers l’élaboration de l’organisation de paroisse qui existe aujourd’hui dans l’Eglise. Pour améliorer leur bien-être économique, beaucoup de saints, qui passaient l’hiver là-bas, firent des échanges avec des colonies dans le nord du Missouri et l’Iowa pour avoir des porcs, des graines, des légumes et du matériel pour l’émigration. Certains jeunes gens cherchèrent un emploi pour gagner de l’argent Jane Richards (1823-1913) traversa l’Iowa, fin 1846, sans son mari, Franklin D. Richards, qui était en route pour l’Angleterre. Franklin D. Richards était un grand prêtre qui allait être appelé, trois ans plus tard, au Collège des Douze. Wealthy, fille en bas âge de Jane, était malade et mourut à Cutler Park après des semaines de souffrances incroyables. Soeur Richards écrivit un passage de l’histoire: «Quelques jours auparavant, elle avait demandé un peu de soupe de pommes de terre, première chose pour laquelle elle manifestait un désir depuis des semaines, et comme nous étions alors en train de voyager, nous arrivâmes en vue d’un champ de pommes de terre. Une des soeurs implora pour avoir une seule pomme de terre. Une femme brutale écouta impatiemment son histoire jusqu’au bout et, posant les mains sur ses épaules, la poussa hors de la maison, en disant: ‹Je ne donnerai ni ne vendrai une seule chose à l’un de vous, foutus mormons que vous êtes.› Je me retournai dans mon lit et pleurai en les écoutant essayer de consoler ma petite fille dans sa déception. Quand elle me fut enlevée, je ne continuai à vivre que parce que je ne pouvais pas mourir23.» pour payer ces marchandises. Il était attendu des saints qu’ils mettent en commun leurs ressources pour le bien de tous. La maladie et la mort régnaient dans le camp des saints. L’exode hâtif de Nauvoo effectué un peu plus tôt en hiver, la traversée épuisante de l’Iowa, les orages incessants du printemps, l’insuffisance des provisions, les abris inadéquats et improvisés, l’exode obligé des pauvres de Nauvoo et le milieu malsain que constituait le bord du fleuve firent des ravages. Au cours de l’été, beaucoup de voyageurs souffrirent de maladies liées à l’exposition aux intempéries telles que la malaria, la pneumonie, la tuberculose. Cet automne-là, au Missouri, le manque de légumes frais fut à l’origine d’une épidémie de scorbut, que les saints appelèrent «chancre noir». Les maladies graves ne respectaient ni les personnes, ni les offices, et beaucoup de dirigeants, y compris Brigham Young et Willard Richards, tombèrent gravement malades. Wilford Woodruff écrit: «Je n’ai jamais vu les saints des derniers jours dans une situation où ils semblaient passer par de plus grandes épreuves ou s’épuisaient plus rapidement que maintenant24.» Plus de sept cents personnes moururent dans les camps avant la fin du premier hiver25. Mais tout n’était pas affliction, surtout à Winter Quarters. La vie pouvait y être d’une manière générale agréable, satisfaisante et appréciable. Il y avait des réunions de l’Eglise deux fois par semaine, et les sermons des dirigeants soutenaient le moral de toute la colonie. Beaucoup de réunions de famille étaient également organisées. Lorsque la plus grande partie des travaux pénibles pour l’installation de la localité fut terminée, Brigham Young encouragea les paroisses à organiser des fêtes et des bals. Les femmes se réunissaient souvent en groupes de quartier pour rassembler la nourriture, faire des couvertures piquées, tresser de la paille, se coiffer mutuellement, tricoter, laver les vêtements et lire les lettres. Pendant tout l’hiver de 1846-47, des préparatifs supplémentaires furent faits pour poursuivre l’exode vers l’Ouest. Bien que l’Eglise et ses membres eussent souffert d’une manière presque indicible au cours de l’année précédente, les saints entretenaient encore des espoirs fervents pour l’avenir. On apprit en 1846 beaucoup de choses qui allaient se révéler extrêmement profitables plus tard. 322 LA TRAVERSÉE DE L’IOWA M C r e e k Une fois que l’emplacement de