HISTOIRE DE L`EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS

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HISTOIRE DE L`EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
HISTOIRE
DE L’EGLISE
DANS LA
PLÉNITUDE
DES TEMPS
RELIGION 341-343
RELIGION 341-343
HISTOIRE
D E L’E G L I S E D A N S
LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Histoire de l’Eglise
de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours
Rédigé par
le département d’enseignement de l’Eglise
Publiée par l’Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours
Salt Lake City, Utah (U.S.A.)
Remerciements
Nous remercions tous ceux qui nous ont permis d’utiliser les illustrations figurant
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Copyright © 1989, 1993
Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours
Tous droits réservés
Imprimé en France
Date d’approbation de la version anglaise: 1 janvier 1993
Date d’approbation de la traduction: 1 janvier 1993
Traduction de Church History in the Fulness of Times
French
TA B L E
Préface
D E S M AT I È R E S
........................................................v
Chapitre 1 Prélude au Rétablissement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1
Chapitre 2 Patrimoine spirituel de Joseph Smith en
Nouvelle-Angleterre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
Chapitre 3 La Première Vision. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
Chapitre 4 Une période de préparation, 1823-29 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
Chapitre 5 Parution du Livre de Mormon et rétablissement
de la prêtrise. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
Chapitre 6 Organisation de l’Eglise de Jésus-Christ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67
Chapitre 7 Expansion de la jeune Eglise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80
Chapitre 8 Rassemblement en Ohio . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90
Chapitre 9 Rassemblement au pays de Sion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103
Chapitre 10 Evolution de l’Eglise en Ohio, 1831-34 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114
Chapitre 11 Expulsion du comté de Jackson . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128
Chapitre 12 Le camp de Sion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143
Chapitre 13 Une période merveilleuse à Kirtland, 1834-36 . . . . . . . . . . . . . . . 155
Chapitre 14 Apostasie à Kirtland, 1836-38 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 171
Chapitre 15 L’Eglise dans le nord du Missouri, 1836-38 . . . . . . . . . . . . . . . . . . 183
Chapitre 16 Persécutions et expulsion du Missouri . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 195
Chapitre 17 Refuge en Illinois . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 213
Chapitre 18 Mission des Douze . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 227
Chapitre 19 Vie à Nauvoo la Belle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 242
Chapitre 20 Amplification de la doctrine à Nauvoo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 253
Chapitre 21 Conflits croissants en Illinois . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 265
Chapitre 22 Le martyre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 275
Chapitre 23 Les Douze emportent le royaume . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 288
Chapitre 24 Nauvoo sous la direction apostolique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 299
Chapitre 25 La traversée de l’Iowa . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 311
Chapitre 26 Pionniers dans l’Ouest . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 325
Chapitre 27 Création d’un havre à Deseret . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 339
Chapitre 28 L’Utah dans l’isolement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 354
Chapitre 29 La guerre d’Utah . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 370
Chapitre 30 Période de la guerre de Sécession . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 383
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Chapitre 31 A la recherche de l’autonomie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 395
Chapitre 32 Présidence de Brigham Young:
les dix dernières années . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 408
Chapitre 33 Dix ans de persécutions, 1877-87 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 424
Chapitre 34 Une ère de réconciliation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 437
Chapitre 35 L’Eglise à la charnière du siècle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 453
Chapitre 36 L’Eglise à l’aube du vingtième siècle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 467
Chapitre 37 L’Eglise entre résolument dans le nouveau siècle . . . . . . . . . . . . 483
Chapitre 38 Changements et constance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 497
Chapitre 39 L’Eglise entre dans la grande Dépression . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 511
Chapitre 40 Les saints pendant la Seconde Guerre mondiale . . . . . . . . . . . . . 524
Chapitre 41 L’après-guerre. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 537
Chapitre 42 L’Eglise devient mondiale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 552
Chapitre 43 Une ère de coordination et de regroupement . . . . . . . . . . . . . . . 565
Chapitre 44 L’Eglise allonge la foulée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 582
Chapitre 45 Gestion d’une Eglise mondiale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 594
Chapitre 46 Période de difficultés et de croissance. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 604
Chapitre 47 Destinée de l’Eglise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 615
Membres du Collège des douze apôtres. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 619
Index
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 627
P R É FA C E
D
ANS LES DERNIERS JOURS, «le Dieu des cieux suscitera un
royaume qui ne sera jamais détruit». Ce royaume, annoncé par Daniel,
était comparé à une pierre détachée «de la montagne sans le secours
d’aucune main» qui roulerait et prendrait de la vitesse jusqu’à remplir finalement
la terre entière (Daniel 2:44-45; voir aussi D&A 65:2).
Mark E. Petersen, du Collège des douze apôtres, témoigne: «Cette pierre, c’est
l’Eglise à laquelle nous appartenons, vous et moi. Elle s’est détachée de la
montagne sans le secours d’aucune main, et notre destinée, à vous et à moi, est de
contribuer à la faire rouler» (dans Conference Report, octobre 1960, p. 82).
Depuis Adam, les prophètes annoncent le temps où la dispensation de la
plénitude des temps sera inaugurée et où le Seigneur réunira «toutes choses en
Christ, celles qui sont dans les cieux et celles qui sont sur la terre», qui sont
nécessaires pour sa Seconde Venue et son règne millénaire (Ephésiens 1:10).
L’heure fixée prédite par tous les saints prophètes fut le printemps 1820, lorsque
Dieu le Père et son Fils, Jésus-Christ, apparurent à Joseph Smith. C’est par cette
glorieuse vision que commencèrent à s’accomplir les paroles prophétiques d’Esaïe
par lesquelles il a témoigné que le Seigneur “accomplirait des prodiges et des
miracles” parmi les enfants des hommes (Esaïe 29:14).
Joseph Smith, appelé par Dieu, a jeté les fondements sur lesquels ses successeurs
ont bâti. Sous l’inspiration du ciel, le prophète traduisit le Livre de Mormon, reçut
la sainte prêtrise et organisa de nouveau l’Eglise de Jésus-Christ parmi les mortels.
C’est par son intermédiaire que furent rétablies les clefs de la prêtrise.
«Et qu’entendons-nous encore? . . .
«La voix de Michel, l’archange; la voix de Gabriel, de Raphaël et de divers anges,
de Michel ou Adam jusqu’à nos jours, tous proclamant leur dispensation, leurs
droits, leurs clefs, leurs honneurs, leur majesté et leur gloire, et le pouvoir de leur
prêtrise, donnant ligne par ligne, précepte par précepte, un peu ici et un peu là,
nous apportant de la consolation en nous montrant ce qui doit venir, confirmant
notre espérance!» (D&A 128:20-21).
Avec le rétablissement de ces clefs, Israël pouvait maintenant être ramené de sa
longue dispersion, et toutes les ordonnances salvatrices de l’Evangile pouvaient
maintenant être administrées aux vivants et aux morts.
Parmi les tout premiers commandements donnés à l’Eglise, il faut citer celui-ci:
«Sion doit croître en beauté et en sainteté; ses frontières doivent être élargies, ses
pieux doivent être fortifiés; oui, en vérité, je vous le dis: Sion doit se lever et se
parer de ses beaux vêtements» (D&A 82:14).
v
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Depuis cette époque, l’Eglise a survécu à son expulsion de quatre Etats, aux
tracasseries et à la persécution permanente à l’encontre de ses dirigeants, à l’ordre
d’extermination lancé par un gouverneur, au martyre de son prophète, au retrait
de ses droits civiques par le gouvernement et à la pauvreté des saints. C’est là ce
que l’Eglise a subi et ce à quoi elle a survécu au cours du premier siècle de son
histoire; c’est dans cette adversité, ces persécutions et cet appauvrissement que
l’Eglise a acquis sa force et sa maturité.
Lorsque Joseph F. Smith, fils de Hyrum, frère du prophète Joseph, devint
président de l’Eglise, il pouvait dire: «Nous avons franchi les étapes de la petite
enfance . . . et nous abordons l’état adulte dans notre expérience de l’Evangile»
(dans Conference Report, avril 1909, p. 2).
Les missionnaires firent une moisson de convertis dans le monde entier. Des
semences furent déposées un peu partout et des missions devinrent des pieux. Les
frontières de Sion s’élargirent. Lorsque Joseph Fielding Smith, fils de Joseph F.
Smith, devint président de l’Eglise, il déclara: «Nous devenons une Eglise et un
peuple majeurs. Nous avons atteint la stature et la force qui nous permettent de
nous acquitter de la mission dont le Seigneur nous a chargés par l’intermédiaire de
Joseph Smith, le prophète, à savoir que nous devons porter la bonne nouvelle du
rétablissement à toutes les nations et à tous les peuples» (Conférence
interrégionale de Manchester, 1971, p. 5).
Deux ans plus tard, son successeur, Harold B. Lee, disait:
«Nous assistons, aujourd’hui, à la manifestation de la main du Seigneur au
milieu même de ses saints, les membres de l’Eglise. Jamais dans notre
dispensation, et peut-être jamais auparavant au cours d’une seule période, les
membres de l’Eglise n’ont autant qu’aujourd’hui ressenti le besoin d’agir
d’urgence. Ses frontières s’élargissent, ses pieux se fortifient . . .
«On ne peut plus considérer l’Eglise comme ‹l’Eglise d’Utah› ou comme une
‹Eglise américaine›: la population de l’Eglise se répartit maintenant sur toute la
terre» (dans Conference Report, avril 1973, p. 6; ou Ensign, juillet 1973, pp. 4-5).
Une «pierre . . . détach[ée] de la montagne sans le secours d’aucune main» par
l’intervention de Dieu (Daniel 2:45), telle est la métaphore utilisée par le Seigneur
pour décrire l’expansion de l’Evangile dans le monde entier. Cette pierre roule
maintenant et va remplir la terre. Alors le royaume du Seigneur durera
éternellement, et il gouvernera le monde et régnera sur la maison d’Israël, sur ceux
qui l’ont aimé et ont gardé ses commandements.
vi
CHAPITRE UN
PRÉLUDE
Ligne du temps
Date
Evénement important
34-100
Les apôtres dirigent l’Eglise du
Nouveau Testament
L
AU
R É TA B L I S S E M E N T
E RÉTABLISSEMENT de l’Evangile de Jésus-Christ et l’établissement de
Sion sont les deux grands événements de l’histoire de l’humanité qui
précèdent la seconde venue de Jésus-Christ. «L’édification de Sion est une
60-70
Martyres de Pierre et de Paul
cause qui a intéressé le peuple de Dieu à toutes les époques, écrit Joseph Smith, le
325
Concile de Nicée
1300-1500
Renaissance
prophète. C’est un thème sur lequel les prophètes, les prêtres et les rois se sont
1438
Gutenberg perfectionne les
caractères mobiles
d’imprimerie
1492
Premier voyage de Colomb en
Amérique
1517
Rébellion de Luther contre
l’Eglise catholique
1620
Arrivée des Pèlerins à
Plymouth
1740-60
Premier grand Réveil
1775-83
Guerre d’indépendance
américaine
1789
Création de la Constitution
des Etats-Unis
1790-1830
Deuxième grand Réveil
étendus avec de grands délices; ils ont espéré dans une joyeuse attente le jour où
nous vivons1.» Ce rétablissement moderne est le dernier acte du drame divin créé
par Dieu pour ses enfants avant le millénium. Nous sommes dans la «dispensation
de la plénitude des temps» (voir Ephésiens 1:10) dans laquelle devait avoir lieu «le
rétablissement de toutes choses» comme le Seigneur l’avait promis «anciennement
par la bouche de ses saints prophètes» (Actes 3:21).
En fait l’Evangile est plus ancien que la terre elle-même. Ses principes sont
éternels et ont été révélés aux enfants de Dieu dans les conseils des cieux. Le plan
du Père était centré sur Jésus-Christ, qui avait été choisi pour être «l’agneau qui a
été immolé dès la fondation du monde» (voir Apocalypse 13:8). Dans ces conseils,
notre Père céleste expliqua que la terre serait, pour ses enfants, un lieu de mise à
l’épreuve, déclarant: «Nous les mettrons ainsi à l’épreuve, pour voir s’ils feront
tout ce que le Seigneur, leur Dieu, leur commandera» (Abraham 3:25). C’est
pourquoi, le Père accorda à ses enfants le principe éternel du libre arbitre afin
qu’ils pussent choisir le bien plutôt que le mal. Lucifer se rebella contre le Père et
contre son plan et fut chassé du ciel. Il devint connu sous le nom de Satan, ou le
diable, le père de tous les mensonges, qui, sur terre, allait tromper les hommes et
mener «captifs à sa volonté tous ceux qui ne voudraient pas écouter [la voix de
Dieu]» (Moïse 4:4).
D’autre part, Dieu suscita des prophètes pour enseigner à ses enfants les
principes et les ordonnances salvateurs de l’Evangile de Jésus-Christ. Depuis le
début il y a une lutte entre les royaumes de Dieu et de Satan. L’Eglise de JésusChrist, organisation terrestre du Seigneur, a été établie à certains moments sur la
terre pour rassembler les enfants élus et obéissants de Dieu en une société basée
sur les alliances et pour les entraîner à combattre le mal. La vraie Eglise a les
principes et les ordonnances nécessaires de l’Evangile de Jésus-Christ qui
conduisent à la vie éternelle.
On appelle dispensation la période au cours de laquelle le Seigneur révèle la
doctrine, les ordonnances et la prêtrise de son Evangile. Par exemple, il y a eu la
dispensation d’Adam, d’Enoch, de Noé, d’Abraham, de Moïse et des Néphites. Ces
La Seconde Venue, par Harry Anderson
dispensations ont donné à ceux qui étaient fidèles et obéissants l’occasion sur terre
1
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
de vaincre le monde méchant et de se préparer à la vie éternelle en se conformant
aux principes et aux ordonnances de l’Evangile de Jésus-Christ.
Maintes et maintes fois, l’épanouissement de la vraie Eglise a été suivi d’une
apostasie, c’est-à-dire d’un abandon de la vérité. C’est ainsi que dans l’histoire du
monde, ces épanouissements et ces apostasies ont été cycliques. Chaque fois que
le peuple du Seigneur tombait dans l’apostasie, se manifestait le besoin de rétablir
l’Evangile. Le rétablissement dont il est question dans ce texte n’est pas autre
chose que le dernier de la série des rétablissements qui ont eu lieu au cours
des siècles.
L’E G L I S E
DU
N O U V E A U T E S TA M E N T
Lorsqu’il vint au monde et exerça son ministère en Israël, le Seigneur JésusChrist rétablit l’Evangile et la prêtrise supérieure. Il organisa une Eglise reposant
sur «le fondement des apôtres et des prophètes» (Ephésiens 2:20), lesquels
devaient poursuivre l’oeuvre après lui. Le Sauveur passa une grande partie de son
ministère à former ses apôtres en privé, leur donnant l’autorité et les clefs
nécessaires pour poursuivre l’oeuvre après sa mort. Il choisit Pierre, Jacques et
Jean comme apôtres présidents. Lors de son ascension, il confia aux apôtres la
mission de porter le message du salut au monde entier.
L’Eglise était numériquement réduite quand les apôtres en prirent la direction.
Une semaine seulement après l’ascension du Sauveur, le Saint-Esprit se manifesta
abondamment le jour de la Pentecôte, tandis que les apôtres enseignaient
l’Evangile et témoignaient de la réalité de l’existence du Seigneur ressuscité. En
cette occasion, trois mille personnes furent baptisées pour entrer dans l’Eglise. Les
apôtres continuèrent à exercer leur ministère avec puissance et avec autorité, ce
qui eut pour résultat la conversion de milliers d’autres personnes. Jusqu’alors
l’Evangile avait été limité à la maison d’Israël. Mais un jour qu’il priait sur le toit
d’une maison à Joppé, Pierre eut une vision qui lui apprit que Dieu ne fait pas
acception de personnes, qu’aucun groupe ne doit être considéré comme impur et
que l’Evangile doit aller aux Gentils aussi bien qu’aux Juifs (voir Actes 10:9-48).
Au moment de son ascension, le Sauveur
confia à ses disciples la mission d’être ses
«témoins . . . jusqu’aux extrémités de la terre»
(Actes 1:8).
2
PRÉLUDE AU RÉTABLISSEMENT
Cologne
Samarita
Mayence
Germanie
Rh
in
Dacie
Gaule
Lyon
Vienne
e
Océan
Atlantique
Solona
Danu
M
Leon
Astorga
b
er
Ad
Ostie
ria
Rome
tiq
ue
Antium
Puteoli
Pompeï
Saragosse
Hispanie
Mer Noire
Debeltum
Macédoine
Merida
Hispalis
Sicie
Cirta
Lambesis
Athénes
Corinthe
Syracuse
Carthage
Madaurus
Sparte
Hadrumetum
Mer Méditerranée
Gortyna
Sinope
Amastris
Amisus
Nicomedie
Ancyra
Césarée
Antioche
Mazaca
Pisidie
Malatya
Troas
Pergam
Thyatire
Sardes
Ephèse
Cordoue
Colosses
Milet
Cnossus
Créte
Mer
Caspienne
Ionopolis
Apcilonia
Thessalonique Phillippes Byzance
Bèrée
Iconium
Lystres
Derbe
Myra
Laodicée
Salamis
Samsat
Nisibia
Tarsue Edessa
Apamea
Antioche
Paphos
Chypre
Cyrëne
Tripolis
Damas
Sidon
Tyr
DuraEuropos
Asie
Mineure
Beit Zabde
Parthie
Mésopotami
Ti
rat
e
Désert d'Arabie
Egypte
Ni
Diffusion du christianisme primitif. A la fin
du premier siècle de notre ère, les apôtres
avaient porté l’Evangile en Syrie et en Asie
Mineure, dans le nord, en Macédoine, en
Grèce, en Italie et dans les îles de la
Méditerranée, à l’ouest, puis dans le nord-est
de l’Afrique et en Egypte. Un siècle plus tard,
il y avait des communautés chrétiennes en
Gaule, en Germanie et dans la péninsule
Ibérique aussi bien que dans le nord-ouest
de l’Afrique.
e
ph
Naucratis
Limites de l'empire romain
gr
Alexandrie
Memphis
Chrétienté au deuxiéme siécle ap. J.–C.
Eu
Jérusalem
Chrétienté au premier siécle ap. J.–C.
l
Mer
Rouge
Golfe
Persique
La conversion de Saul de Tarse, qui eut lieu quelque temps plus tard, fut un
événement très important dans la croissance de l’Eglise. Saul, qui avait persécuté
les premiers croyants, contempla le Sauveur dans une lumière éclatante pendant
qu’il était sur le chemin de Damas. «Je suis Jésus que tu persécutes» (Actes 9:5),
proclama le Seigneur ressuscité à ce pharisien abasourdi. Et Saul, l’agent du
sanhédrin, devint Paul, le défenseur de la foi, un «instrument . . . choisi» (Actes
9:15) pour proclamer le nom du Christ devant les païens et les rois. Au cours des
trente années qui suivirent, cet apôtre intrépide, en compagnie de beaucoup
d’autres disciples dévoués, répandit le message de l’Evangile et créa des branches
de l’Eglise dans une grande partie de l’empire romain. La croissance se
poursuivant, les branches se multipliant, des anciens, des évêques, des diacres, des
prêtres, des instructeurs et des évangélistes (patriarches) furent appelés et
reçurent des apôtres l’autorité appropriée.
LA
G R A N D E A P O S TA S I E
Tandis que les apôtres et d’autres missionnaires travaillaient courageusement à
établir le royaume du Seigneur sur la terre, les germes de l’apostasie se
répandaient déjà dans l’Eglise. Pierre écrivit qu’il y avait déjà parmi le peuple de
faux docteurs et qu’il en viendrait d’autres «qui introduir[aie]nt des sectes
pernicieuses, et qui, reniant le maître qui les a rachetés, attirer[aie]nt sur eux une
ruine soudaine» (2 Pierre 2:1). Pierre prédit aussi que «plusieurs les suivr[aie]nt
3
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
dans leurs dissolutions» (v. 2). Paul témoigna, lui aussi, que, parmi les assemblées
des croyants, s’élèveraient «des hommes qui enseigner[aie]nt des choses
pernicieuses, pour entraîner les disciples après eux» (Actes 20:30).
Mais l’apostasie et l’incrédulité internes n’étaient pas les seules difficultés que
devaient affronter les premiers missionnaires. Bien que les Romains eussent
généralement pour politique d’accorder la liberté culturelle et religieuse à leurs
sujets, il y eut par intermittence des périodes où les chrétiens étaient violemment
persécutés, de sorte qu’il leur était difficile d’adorer Dieu ouvertement et de
proclamer «la bonne nouvelle» de l’Evangile. Naturellement, c’était à ces
moments-là que les dirigeants de l’Eglise constituaient une cible privilégiée pour
ceux qui voulaient les emprisonner et les mettre à mort. La première persécution
romaine notable se produisit pendant le règne de Néron, qui fit des chrétiens les
boucs émissaires de l’incendie de Rome en 64 de notre ère. La tradition affirme que
Pierre fut crucifié la tête en bas et que plus tard, en 67-68, l’apôtre Paul fut décapité
Crucifixion de Pierre
sur ordre de l’empereur.
Tout d’abord, les Douze transmirent les fonctions apostoliques. Par exemple,
Matthias, qui ne faisait pas partie des douze apôtres originels, fut appelé à
l’apostolat. Mais sous l’action de l’esprit de prophétie, les dirigeants de l’Eglise
finirent par se rendre compte que l’apostasie n’était pas seulement inévitable mais
imminente. Lorsque les apôtres furent tués, la révélation permettant de guider
l’Eglise du Seigneur cessa en même temps que l’autorité pour la gérer.
Les années qui suivirent la mort des apôtres témoignèrent abondamment de la
disparition prédite de l’Eglise du Christ. Les principes de l’Evangile furent
corrompus, étant mêlés aux philosophies païennes du jour. La privation du SaintEsprit se manifesta par la disparition graduelle des dons spirituels. Des
changements furent apportés dans l’organisation et le gouvernement de l’Eglise,
et les ordonnances essentielles de l’Evangile furent modifiées.
Selon Joseph Fielding Smith, les résultats de l’apostasie furent fatals: «Dans sa
colère, Satan chassa [l’Eglise] dans le désert, ou de la terre; la prêtrise fut enlevée
aux hommes, et une fois que l’Eglise eut disparu de la terre avec son autorité et ses
dons, le serpent, dans sa colère, poursuivit sa guerre contre tous ceux qui avaient
la foi et recherchaient le témoignage de Jésus, désirant adorer Dieu selon
l’inspiration de leur conscience. Il connut un tel succès que sa domination s’étendit
sur tout le monde connu2.»
LA
LONGUE NUIT DE TÉNÈBRES
Le passage de la vérité à l’erreur dans l’Eglise ne se produisit pas du jour au
lendemain. L’apostasie, hâtée par la mort des apôtres au cours de la seconde moitié
du premier siècle, s’aggrava peu à peu pendant les années qui suivirent.
Lorsqu’arriva le quatrième siècle, on ne pouvait reconnaître quasiment aucune
trace de l’Eglise de Jésus-Christ, et la «longue nuit de ténèbres» avait déjà fait du
chemin. Une fois les apôtres partis, les dirigeants locaux de l’Eglise acquirent peu
à peu davantage d’autorité. Les évêques décidèrent des règles et de la doctrine
pour leur région, se déclarant être les véritables successeurs des apôtres.
4
PRÉLUDE AU RÉTABLISSEMENT
Graduellement, quelques évêques, dans des grandes villes telles que Rome,
Alexandrie, Jérusalem et Antioche, acquirent l’autorité suprême dans toute leur
région. Une grande diversité des pratiques et de dogmes apparut du fait que les
dirigeants de l’Eglise se reposaient davantage sur la logique et la rhétorique que
sur la révélation. «Les compromis entre la vérité et l’erreur, l’assimilation de
l’Evangile du Christ aux philosophies des hommes produisirent une nouvelle
religion. Cette nouvelle religion était un mélange attrayant de christianisme néotestamentaire, de traditions juives, de philosophie grecque, de paganisme grécoromain et de religions à mystères3.»
Avec l’extension et la diffusion de l’Eglise chrétienne, le gouvernement romain
changea de politique: de tolérant qu’il était en général, il se fit persécuteur. Cela
Constantin le Grand, à la bataille du pont
Milvius à Rome. Il devint, en 312, le maître
incontesté de Rome et de l’empire
d’occident. Un an plus tard, le christianisme
obtenait le statut de religion tolérée grâce à
son édit de Milan.
Les victoires remportées en 324 lui
assurèrent la domination sur la moitié
orientale de l’empire, et l’année suivante, le
concile de Nicée fut réuni pour en
entreprendre l’unification religieuse. En 330, il
installa sa capitale à Constantinople pour
s’éloigner de Rome, bastion du paganisme,
et pour avoir plus de facilité pour faire du
christianisme la religion d’Etat.
La conversion spectaculaire de Constantin,
qui se produisit lorsqu’il prétendit avoir eu
une vision et avoir vu s’inscrire au ciel une
croix rayonnante avec les mots «Par ce signe
tu vaincras» est représentée par le tableau du
Bernin, Constantin, maintenant exposé au
Vatican.
était dû en partie au fait que le christianisme apparaissait comme un groupe
séparé et distinct du judaïsme auquel des avantages particuliers avaient été
accordés en vertu de la loi romaine. Les chrétiens étaient considérés comme
antisociaux du fait qu’ils refusaient de remplir des fonctions politiques, de faire le
service militaire, d’utiliser les tribunaux civils ou de prendre part aux fêtes
publiques. On les qualifiait d’athées parce qu’il n’y avait pas de place dans le
monothéisme chrétien pour les dieux romains ou pour un empereur déifié. Pour
ces raisons, et peut-être pour d’autres, les Romains lancèrent sporadiquement des
attaques contre l’Eglise jusqu’au règne de Dioclétien (285-305). Dioclétien résolut
de détruire tous ceux qui n’étaient pas païens sous prétexte que c’était antiromain.
Les églises furent détruites, les Ecritures brûlées et les chrétiens obligés de faire des
sacrifices sous peine d’être livrés à la torture. Un édit de 306 généralisa la
persécution à tout l’empire.
Il était peut-être inévitable que l’empire soit forcé d’abolir ses lois contre les
chrétiens. L’Eglise continua à grandir, or l’affaiblissement de l’état de l’empire
exigeait l’unité, non le désaccord. Constantin, sur le pont Milvius, en 312, utilisa la
croix comme symbole d’écrasement de Maxence, son adversaire. L’année suivante,
à Milan, Constantin publia son célèbre édit de Tolérance qui garantissait à tous le
droit d’adorer comme ils le voulaient, révoquant les mesures qui avaient eu pour
but de supprimer le christianisme.
Constantin ne devint chrétien que sur son lit de mort, mais le fait qu’il avait
accepté et soutenu le christianisme faisait de l’Eglise une partenaire des objectifs
de l’empire. C’est parce qu’il était impératif de fortifier l’unité de l’empire romain
que Constantin s’intéressa aux conflits théologiques de l’Eglise. Pour résoudre une
querelle concernant la nature de la Divinité, Constantin convoqua, en 1325, le
concile de Nicée, premier des grands conciles oecuméniques, dans une ville située
juste au sud de sa capitale. Le credo qui résulta des délibérations du concile et
qui fut approuvé par l’empereur est un exemple classique de la façon dont
l’apostasie se produit lorsque la révélation est remplacée par l’argumentation et les
décrets. Des conflits semblables furent résolus au cours des siècles qui suivirent, et
cela introduisit une influence profane croissante dans la doctrine et les pratiques
de l’Eglise.
5
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Lorsque se produisirent les invasions barbares du cinquième siècle en Europe
occidentale, beaucoup de tribus germaniques avaient déjà été touchées par
diverses sortes de missionnaires chrétiens. C’est pourquoi elles adoptèrent
rapidement la culture romaine et le catholicisme. Mais le sac de Rome de 410 fut le
signal que l’empire n’était pas invulnérable. Les hordes de Goths, de Vandales et
de Huns, qui franchirent les frontières impériales plongèrent l’Occident dans le
chaos, laissant dans leur sillage l’embryon de plusieurs Etats distincts. Les
dirigeants politiques locaux exercèrent, aux dépens de Rome, une influence accrue
sur l’Eglise locale. Au cours des siècles qui suivirent, les Eglises des divers pays
européens en cours de développement devinrent en fait le fief ou le domaine
féodal des seigneurs des châteaux. La culture, l’instruction et les moeurs
rétrogradèrent. C’était le début de la période parfois qualifiée par les historiens
d’âge des ténèbres.
LA RENAISSANCE
ET LA
RÉFORME
Au quatorzième siècle, un renouveau d’intérêt pour la Grèce et la Rome
classiques se manifesta avec, pour résultat, l’épanouissement de la littérature des
sciences et des arts. Ce fut véritablement une période de «renaissance» où les
hommes, pleins d’assurance, commencèrent à explorer de nouvelles manières
d’exploiter leur environnement. Les artistes se détournèrent du mysticisme
monotone pour utiliser leurs talents à de nouvelles techniques dans la sculpture,
les arts et la littérature. C’était une époque de réalisme où l’on appliquait les
instruments de la science et des arts pour glorifier le corps humain et ériger
d’immenses cathédrales.
Les hommes rejetaient les entraves du passé. La poudre à canon révolutionna
l’art de la guerre; la boussole ouvrit de nouveaux horizons aux voyages et aux
explorations maritimes; le commerce se lança à la conquête des immensités de
l’Orient et le continent américain fut découvert. Au quinzième siècle, l’impression
par caractères d’imprimerie mobiles fut considérablement perfectionnée, et des
horizons nouveaux s’ouvrirent à l’imprimerie. Cela eut bien entendu un effet
immédiat sur la naissance des universités et la dissémination de l’information.
La Renaissance fut également une époque de changements spirituels. Dans leur
recherche du passé classique, les hommes découvrirent les écrits des premiers
Pères de l’Eglise et des copies des Ecritures en hébreu et en grec. Les érudits de la
Renaissance commencèrent à mettre ces ouvrages à la disposition du public. La
découverte de la simplicité de l’Eglise à ses débuts, contraste frappant avec le rituel
et la complexité du christianisme médiéval, en amena beaucoup à redécouvrir leur
foi d’origine. Ils fondèrent ou rejoignirent de nouveaux ordres religieux, tels les
franciscains et les dominicains, aussi bien que des mouvements hérétiques, tels
que les Albigeois et les Vaudois. Dans un sens, la Renaissance eut pour effet de
planter le décor de la Réforme protestante, qui détruisit définitivement l’unité du
christianisme.
Le plus célèbre des Réformateurs fut Martin Luther, qui naquit le 10 novembre
1483 à Eisleben, en Saxe. Lorsqu’il eut dix-huit ans, son père, Hans Luther,
6
PRÉLUDE AU RÉTABLISSEMENT
l’envoya à Erfurt faire des études de droit. Mais en 1505, il abandonna ses études
de droit pour entrer au monastère des Ermites de saint Augustin. En 1508, il fut
envoyé à Wittenberg pour poursuivre ses études de théologie et donner des cours
sur la philosophie d’Aristote. Il semble avoir été tourmenté, dès sa prime jeunesse,
par le gouffre existant entre la doctrine et les enseignements des Ecritures et les
Publié avec la permission du Metropolitan Museum of Art,
New York City. Donation de Robert Lehman, 1955 (55.220.2)
pratiques du catholicisme. Au cours d’un voyage à Rome en 1510, il fut choqué par
la corruption du clergé et l’apathie religieuse du peuple. Cela contribua beaucoup
à dissiper la vénération qu’il avait entretenue pour la papauté et lui donna des
raisons de défier son autorité. L’étude intensive qu’il avait faite de la Bible l’amena
à la position doctrinale qui devait caractériser plus tard la Réforme: la justification
par la foi seule (voir Romains 3:28) et non par les bonnes oeuvres.
Ce qui suscita le plus l’opposition directe de Luther à l’Eglise de Rome fut la
vente des indulgences par les agents du pape Léon X. Les indulgences étaient
offertes pour rembourser à Albert de Mayence les frais qu’il avait dû encourir pour
Martin Luther (1483-1546) était un moine
augustinien qui contesta la doctrine et la
structure de l’Eglise catholique. Il traduisit le
Nouveau Testament en allemand et défia de
diverses autres façons les traditions de
l’Eglise romaine. Il fut excommunié et prit la
tête de la Réforme en Allemagne.
acquérir l’archevêché de Mayence et pour achever Saint-Pierre de Rome. L’achat
d’indulgences accordait aux acquéreurs la rémission des péchés et du châtiment
du purgatoire et la rémission complète de tous les péchés pour les morts. Le 31
octobre 1517, Luther cloua sur la porte de l’Eglise de Wittenberg ses 95 thèses, qui
invitaient l’Eglise à un débat sur l’efficacité des indulgences et des pratiques
sacramentelles de l’Eglise.
Les thèses de Luther avaient été écrites à l’origine pour susciter une discussion
entre érudits, mais les masses ne tardèrent pas à voir en lui un champion et un
héros public. Il se défendit contre prélats et érudits et fut finalement même
entendu, en 1521, par la Diète impériale de Worms. Entre-temps, son mouvement
avait dépassé le plan purement religieux et était devenu politique, et l’unité du
Saint-Empire romain était menacée.
Sommé de mettre fin à son oeuvre, Luther déclara hardiment: «A moins que l’on
ne me convainque par des témoignages scripturaires ou par une raison d’évidence
(car je ne crois ni au pape ni aux conciles seuls: il est constant qu’ils ont erré trop
souvent et se sont contredits eux-mêmes), je suis lié par les textes que j’ai apportés;
ma conscience est captive des paroles de Dieu. Révoquer quoi que ce soit, je
ne le puis, je ne le veux. Car agir contre sa conscience, ce n’est ni sans danger,
ni honnête4.»
Etant donné sa résistance, il fut excommunié et mis au ban de l’empire, ce qui
faisait de lui un hors-la-loi. Il fut protégé par des princes allemands qui
sympathisaient avec ses idées et voulaient une plus grande autonomie politique
vis-à-vis de Rome. Cette protection lui permit de traduire la Bible en allemand. Elle
fut d’une importance capitale dans toute l’Europe parce que c’était la première
traduction en langue vulgaire qui n’était pas basée sur la version latine de Jérôme,
la Vulgate.
Peu à peu de nouvelles formes de culte et des innovations doctrinales
préconisées par Luther furent introduites dans beaucoup d’Etats allemands.
Lorsqu’il fut évident que l’Eglise catholique n’allait pas se réformer, les disciples de
Luther fondèrent l’Eglise luthérienne. Le luthéranisme devint la religion de
7
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
beaucoup d’Etats du nord et du centre de l’Allemagne mais ne réussit absolument
pas à conquérir la Bavière et les Etats de l’Est. Le culte se répandit néanmoins vers
le nord, en Scandinavie et de là en Islande. Si l’on ne peut pas dire que Luther
apporta la liberté religieuse à l’Europe, la force de son mouvement assura au
moins une société pluraliste où d’autres groupes religieux pourraient pratiquer
la tolérance.
Si Luther fut le plus célèbre des réformateurs, il ne fut pas le premier. Un siècle
et demi plus tôt, dans les années 1300, John Wycliffe, en Angleterre, dénonça la
corruption et les abus de l’Eglise catholique et condamna le pape comme étant
l’antéchrist. Il traduisit les Ecritures et les diffusa parmi les gens du commun. Il
fut sévèrement condamné par l’Eglise, mais ses enseignements furent bien
accueillis par ses concitoyens. C’est ainsi que lorsque Luther et d’autres
réformateurs du continent commencèrent leur oeuvre, beaucoup d’Anglais
sympathisèrent avec eux.
La Réforme fut différente en Angleterre de ce qu’elle était dans les autres pays.
Le roi Henri VIII, qui désapprouvait Luther, prétendit que le pape n’avait pas
l’autorité de lui refuser de divorcer de sa femme. Il s’ensuivit une querelle au cours
de laquelle le roi rejeta l’autorité du pape, lequel l’excommunia en 1533. Henri
fonda alors l’Eglise d’Angleterre.
Les deux grands réformateurs de Suisse furent Ulrich Zwingli et Jean Calvin.
Zwingli convainquit les citoyens de Zurich que la Bible devait être le seul critère
de la vérité religieuse. Sur la base de ce critère, il rejeta la vie monastique, le célibat,
la messe et d’autres pratiques catholiques.
Jean Calvin fut encore plus influent. A Genève, il tenta de créer une ville sainte
sur le modèle biblique. Peu à peu le calvinisme se généralisa dans beaucoup de
parties de la Suisse et se répandit de là en France, en Angleterre, en Ecosse, en
Hollande et même, dans une moindre mesure, en Allemagne. John Knox, un des
premiers convertis au calvinisme, contribua à en raffiner et à en amplifier les
enseignements.
Les pèlerins et les puritains, deux groupes calvinistes stricts, qui émigrèrent vers
le Nouveau Monde, influencèrent considérablement les idées américaines. Par
exemple, parmi les croyances fondamentales du calvinisme bien implantées très
tôt en Amérique, il y a la souveraineté absolue de Dieu, l’élection par la grâce,
l’idée que les membres de l’Eglise sauvés devaient être des instruments entre les
mains de Dieu pour racheter les autres et la notion que l’Eglise devait être «une
lumière sur la colline» pour influencer les affaires des hommes dans ce monde.
Les saints des derniers jours croient que l’oeuvre de tous ces réformateurs a
préparé le rétablissement de l’Evangile. Joseph Fielding Smith a écrit:
«En vue de ce rétablissement, le Seigneur suscita des hommes nobles comme
Luther, Calvin, Knox et d’autres, que nous appelons réformateurs, et leur donna le
pouvoir de briser les entraves qui liaient le peuple et lui refusaient le droit sacré
d’adorer Dieu selon les inspirations de sa conscience . . .
«Les saints des derniers jours honorent comme il convient ces grands
réformateurs courageux qui ont fait éclater les entraves qui liaient le monde
8
PRÉLUDE AU RÉTABLISSEMENT
religieux. Le Seigneur était leur Protecteur dans cette mission qui était
accompagnée de nombreux périls. Mais à l’époque, le temps du rétablissement de
la plénitude de l’Evangile n’était pas venu. L’oeuvre des réformateurs était d’une
grande importance, mais c’était une oeuvre préparatoire5.»
D É C O U V E RT E
E T C O L O N I S AT I O N D E L’A M É R I Q U E
Une autre préparation importante du rétablissement de l’Evangile fut la
découverte et la colonisation de l’Amérique. Elle avait été préservée comme une
terre de choix d’où l’Evangile irait aux nations de la terre dans les derniers jours.
Moroni, prophète américain d’autrefois, écrit: «Voici, ceci est un pays de choix; et
toute nation qui le possédera, sera affranchie de la servitude, de la captivité et de
la domination de toutes les autres nations sous le ciel, si elle veut simplement
servir le Dieu du pays, qui est Jésus-Christ, lequel a été manifesté par les choses
que nous avons écrites» (Ether 2:12).
Néphi, un autre prophète de l’Amérique ancienne, eut la vision de l’arrivée de
Christophe Colomb, plus de deux mille ans avant la naissance de celui-ci. «Et je
regardai, et je vis un homme parmi les Gentils; il était séparé de la postérité de mes
frères par les grandes eaux; et je vis l’Esprit de Dieu descendre sur cet homme et
agir en lui; et il s’en alla sur les grandes eaux, et se rendit auprès de la postérité de
mes frères qui vivait dans la terre promise» (1 Néphi 13:12). Colomb lui-même
confirma dans ses écrits qu’il se sentait inspiré dans ses entreprises maritimes et
dans ses efforts pour instaurer la religion parmi les Indiens6.
Néphi poursuit ainsi sa prophétie: «Et je vis l’Esprit de Dieu agir sur d’autres
Gentils; ils sortirent de captivité et s’en allèrent sur les grandes eaux» (1 Néphi
13:13). Beaucoup de personnes qui s’installèrent en terre promise y furent
conduites par la main de Dieu (voir 2 Néphi 1:6).
Néphi annonça beaucoup d’autres événements en Amérique. Il vit que les
Lamanites (les Indiens d’Amérique du Nord et du Sud) seraient dispersés dans
tout le pays par les Gentils et que les Gentils s’humilieraient et invoqueraient le
Seigneur et que le Seigneur serait avec eux. Il vit que les colons américains feraient
la guerre contre les «Gentils dont ils étaient originaires» (lors de la guerre
d’Indépendance et la guerre de 1812) et seraient délivrés par la main de Dieu (voir
1 Néphi 13:14-19).
Joseph Fielding Smith a dit: «La découverte [de l’Amérique] a été un des facteurs
les plus importants dans la réalisation du dessein du Tout-Puissant vis-à-vis du
rétablissement de l’Evangile dans sa plénitude pour le salut des hommes dans les
derniers jours7.»
LA
L I B E RT É R E L I G I E U S E E N
AMÉRIQUE
Beaucoup d’historiens actuels affirment que la plupart des premiers colons sont
allés en Amérique pour des raisons économiques; mais beaucoup de colons
recherchaient aussi la liberté religieuse. Parmi eux, il y avait les puritains qui
créèrent une puissante communauté religieuse en Nouvelle-Angleterre. Ils
croyaient qu’ils possédaient la bonne doctrine et par conséquent n’en toléraient
9
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
aucune autre8. Cette intolérance dut être vaincue avant que l’Eglise du Christ ne
pût être rétablie.
Certains dissidents puritains, dont Roger Williams était le plus important,
prétendaient qu’il devait y avoir une distinction claire entre l’Eglise et l’Etat et
qu’on ne pouvait imposer aucune religion particulière aux citoyens. Williams
enseignait aussi que toutes les Eglises s’étaient écartées de la véritable succession
apostolique. Il fut banni du Massachusetts en 1635 et, au bout de quelques années,
lui et d’autres qui entretenaient les mêmes idées, réussirent à obtenir une charte
pour créer la colonie de Rhode Island, qui tolérait absolument toutes les religions.
Anne Hutchinson, une femme courageuse qui se rendit en 1634 au
Massachusetts, était en désaccord avec les dirigeants locaux sur deux questions de
théologie: le rôle des bonnes oeuvres dans le salut et le point de savoir si une
personne pouvait ou non recevoir l’inspiration du Saint-Esprit. Mme Hutchinson
fut également bannie du Massachusetts et chercha refuge en 1638 en Rhode
Island. En dépit des efforts de Roger Williams, d’Anne Hutchinson et d’autres, il
fallut encore un siècle et demi pour que l’on parvienne à la tolérance religieuse en
Nouvelle-Angleterre.
Entre-temps, divers groupes, poussés par des motifs religieux, s’installèrent
dans tout le reste des colonies américaines. Chacun à sa manière contribua à
l’environnement religieux de l’Amérique. Les catholiques qui s’installèrent au
Maryland promulguèrent le premier édit de tolérance de l’histoire américaine. Les
quakers de Pennsylvanie étaient eux aussi en faveur de la tolérance religieuse et
de la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Les divers colons représentaient tant de
confessions différentes qu’il était impossible à aucune d’elles de prédominer. Ce
pluralisme religieux fut la raison principale de la liberté religieuse qui est devenue
une caractéristique des Etats-Unis.
En dépit du fait qu’il y avait beaucoup d’Eglises en Amérique, la plupart des
colons ne se prétendaient pas membres d’une confession déterminée. Le grand
Réveil, qui commença vers 1739 et continua pendant près de deux décennies, fut
un mouvement important de l’histoire religieuse américaine. Ce premier réveil
généralisé du début de l’histoire de l’Amérique fut un effort fervent pour rétablir
la justice et le zèle religieux. Le grand Réveil déferla sur la totalité des treize
colonies. Des évangélistes et des prédicateurs itinérants organisèrent des réunions
dans des cadres informels, notamment les maisons privées, les granges et même
les pâtures. Le grand Réveil provoqua un engagement vis-à-vis de la religion
qu’on n’avait plus connu en Amérique depuis des années et suscita une plus
grande participation des laïcs et des pasteurs dans les affaires de la religion
organisée. Il suscita aussi chez les Américains des colonies le désir de s’unir en un
ordre démocratique9.
En dépit de ce zèle, on ne parvint à la liberté religieuse totale que lorsque la
guerre d’Indépendance favorisa le climat de liberté religieuse. En s’unissant contre
les Britanniques, les colons constatèrent que leurs divergences religieuses
n’avaient pas vraiment d’importance dans leur cause et qu’ils pouvaient se mettre
d’accord sur l’essentiel de leurs croyances religieuses10. En outre, Thomas Jefferson
10
PRÉLUDE AU RÉTABLISSEMENT
était un adversaire farouche de la pression excessive exercée par les religions
organisées sur le gouvernement. La Déclaration d’Indépendance, qu’il écrivit,
disait que l’homme était capable de découvrir lui-même les institutions politiques
correctes.
Avec le nouveau sentiment de liberté qui suivit la guerre d’Indépendance,
plusieurs Etats cherchèrent à protéger les droits fondamentaux de l’homme,
notamment la liberté religieuse. La Virginie fut le premier Etat à adopter, en 1785,
le projet de loi Jefferson pour l’établissement de la liberté religieuse, qui
garantissait que personne ne pouvait être obligé à fréquenter ou à soutenir aucune
Eglise ou être victime de discrimination à cause de ses préférences religieuses.
Publié avec la permission de la New York Historical Society
Après avoir vainement essayé pendant quelques années de constituer une
confédération d’Etats, les Etats-Unis rédigèrent en 1787 une nouvelle Constitution,
qui fut ratifiée en 1789. Ce document, qui fut créé «par des hommes sages que [le
Seigneur a] suscités dans ce but même» (D&A 101:80), tenait compte à la fois du
besoin démocratique de liberté et du besoin fondamental d’ordre. La liberté de
religion était garantie par le premier amendement de la Constitution.
Joseph Smith a dit: «La Constitution des Etats-Unis est un étendard glorieux [et]
est basée sur la sagesse de Dieu. C’est une bannière céleste; elle est pour tous ceux
qui ont la chance de goûter aux bienfaits de la liberté, comme l’ombre protectrice
Thomas Jefferson (1743-1826) voulait que
l’on se souvienne de lui à cause de trois
choses dans sa longue et illustre carrière
d’un des premiers hommes d’Etat
d’Amérique. Il voulait être connu comme
l’auteur de la Déclaration d’Indépendance
américaine, comme fondateur de l’université
de Virginie et comme auteur du statut de la
liberté religieuse en Virginie, qui fut adopté
en 1785.
et les eaux rafraîchissantes d’un grand rocher dans une terre assoiffée et lasse11».
Une des raisons pour lesquelles il en était ainsi, c’était parce que «dans le cadre de
la Constitution, le Seigneur pouvait replacer l’Evangile et rétablir son Eglise . . . les
deux faisaient partie d’un plus grand tout. Les deux avaient leur place dans son
projet pour les derniers jours12».
Parallèlement à la guerre d’Indépendance et à la rédaction de la Constitution, il
y eut un second Réveil qui produisit une réorientation de la pensée chrétienne.
Plusieurs nouvelles sociétés religieuses prirent de l’ampleur et promulguèrent des
croyances diverses: unitariens, universalistes, méthodistes, baptistes et disciples
du Christ. Beaucoup de croyances furent introduites dans la nouvelle nation, entre
autres l’idée que le rétablissement d’un christianisme néotestamentaire était une
Scène de la signature de la constitution des Etats-Unis d'Amérique,
Howard Chandler Christy. Publié avec la permission de l'architecte du Capitole
La Constitution des Etats-Unis fut signée le
17 septembre 1787 par la Convention
constitutionnelle, et le nouveau
gouvernement fut installé en 1789.
11
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
nécessité. Ceux qui recherchaient ce rétablissement étaient qualifiés de chercheurs.
Beaucoup parmi eux étaient mûrs pour le rétablissement divin et en devinrent les
premiers convertis13.
Presque en même temps que le second grand Réveil naquit un esprit de
renouveau. Des prédicateurs itinérants organisèrent des réunions animées en
plein air parmi les nouveaux colons dans les régions frontières sans cesse
mouvantes des Etats-Unis. Les colons isolés des fermes et des villages se
rassemblaient en grandes foules pour assister à des réunions en plein air. Des
prédicateurs bruyants mais talentueux donnaient un air de fête à ces assemblées
religieuses tout en essayant de gagner des convertis à leur foi14.
Le second grand Réveil influença aussi la formation d’associations volontaires
pour promouvoir l’oeuvre missionnaire, l’instruction, le redressement moral et
l’humanisme. Les renouveaux portaient l’émotion religieuse à son comble et
aidaient à la croissance des confessions populaires, en particulier les méthodistes
et les baptistes15. Ce réveil religieux dura au moins quarante ans et inclut la période
où Joseph Smith eut sa Première Vision.
Le rétablissement de l’Evangile et de la véritable Eglise du Seigneur n’aurait pas
pu se produire au sein de l’intolérance religieuse qui existait en Europe et dans les
premiers temps de l’Amérique. Il n’était possible que dans un cadre de liberté
religieuse, de réévaluation de la pensée chrétienne et dans le réveil spirituel qui
s’était développé dans l’Amérique du début du dix-neuvième siècle. Il est
manifeste que le Seigneur avait voulu que le Rétablissement ait lieu exactement au
moment où il a eu lieu.
Gordon S. Wood, historien américain bien connu, reconnaît que le
Rétablissement a eu lieu au moment propice:
«Il est providentiel qu’il se soit produit en 1830. Il est apparu exactement au bon
moment de l’histoire américaine; beaucoup plus tôt ou plus tard, l’Eglise n’aurait
sans doute pas pris racine. Le Livre de Mormon n’aurait probablement pas été
publié au dix-huitième siècle dans ce monde de transmission encore
essentiellement orale des croyances populaires précédant la grande révolution
démocratique qui sous-tendit le tumulte religieux de la jeune République. Au dixhuitième siècle, le mormonisme aurait pu être étouffé trop facilement et rejeté par
la culture dominante, qui était celle d’une aristocratie éclairée, comme n’étant
qu’une superstition populaire enthousiaste parmi d’autres. D’autre part, si le
mormonisme était apparu plus tard, après le renforcement de l’autorité et la
diffusion de la science dans des décennies du milieu du dix-neuvième siècle, il
aurait pu avoir du mal à confirmer ses textes et ses révélations16.»
Dieu connaît la fin depuis le commencement et est l’auteur du grand dessein de
l’histoire humaine. Il a orienté le cours de l’histoire pour que l’Amérique soit un
terrain fertile pour permettre que la semence de l’Evangile rétabli soit déposée et
soit entretenue par son voyant élu, Joseph Smith.
12
PRÉLUDE AU RÉTABLISSEMENT
NOTES
1. History of the Church, 4:609.
2. Joseph Fielding Smith, The Progress of
Man, Salt Lake City, Deseret News Press,
1952, p. 166.
3. Milton W. Backman, Jr, American Religions
and the Rise of Mormonism, Salt Lake City,
Deseret Book Co, 1965, p. 6.
4. Henry Eyster Jacobs, Martin Luther: The
Hero of the Reformation, 1483-1546, New York
et Londres: G. P. Putnam’s Sons,
Knickerbocker Press, 1973, p. 192. Citation
française tirée de Lucien Fèbvre, Martin
Luther, éditions du Sablon, Bruxelles-Paris,
1945, p. 185.
5. Joseph Fielding Smith, Doctrine du salut,
compilé par Bruce R. McConkie, trois
volumes, 1:168.
6. Voir Samuel Eliot Morison, Admiral of the
Ocean Sea: A Life of Christopher Columbus,
Boston, Little, Brown, and Co., 1942, pp. 4445, 279, 328.
7. Smith, Progress of Man, p. 258.
8. Voir Edwin Scott Gaustad, A Religious
History of America, New York, Harper and
Row 1966, pp. 47-55; Sydney E. Ahlstrom,
«The Holy Commonwealths of New
England», A Religious History of the American
People, New Haven, Conn., Yale University
Press, 1972, pp. 135-50.
9. Voir Alan Heimert, «The Great Awakening
as Watershed», cité dans John M. Mulder
and John F. Wilson, éditeurs, Religion in
American History, Interpretive Essays,
Englewood Cliffs, N.J., Prentice-Hall, 1978,
pp. 127-44.
10. Voir Sidney E. Mead, «American
Protestantism during the Revolutionary
Epoch», dans Mulder and Wilson, éditeurs,
Religion in American History, pp. 162-76.
11. Joseph Smith, Enseignements du prophète
Joseph Smith, sélectionnés par Joseph
Fielding Smith, p. 115.
12. Mark E. Petersen, The Great Prologue, Salt
Lake City, Deseret Book Co., 1975, p. 75.
13. Voir Backman, American Religions and the
Rise of Mormonism, pp. 186-248.
14. Voir Martin E. Marty, Pilgrims in Their
Own Land: 500 years of Religion in America,
Boston, Little, Brown and Co., 1984, p. 168.
15. Voir Ahlstrom, A Religious History of the
American People, pp. 415-28.
16. Gordon S. Wood, «Evangelical America
and Early Mormonism», New York History,
oct. 1980, p. 381.
13
CHAPITRE DEUX
P AT R I M O I N E S P I R I T U E L D E J O S E P H
S M I T H E N N O U V E L L E -A N G L E T E R R E
Ligne du temps
Date
Evénements importants
1638
Arrivée au Massachusetts de
Robert Smith, premier ancêtre
paternel de Joseph Smith à
quitter l’Angleterre pour
l’Amérique
1669
24 janvier
1796
Arrivée au Massachusetts de
John Mack, premier ancêtre
maternel de Joseph Smith à
quitter l’Angleterre pour
l’Amérique
Mariage de Joseph Smith,
père, et de Lucy Mack
23 décembre Naissance de Joseph Smith,
1805
fils, dans le township
(arrondissement) de Sharon
(comté de Windsor, Vermont)
1812-13
1816
Joseph Smith, 7 ans, souffre
de complications dues à la
typhoïde et subit une
intervention chirurgicale
Les Smith quittent Norwich
(Vermont), pour Palmyra (New
York)
N
O U S S O M M E S T O U S A F F E C T É S et influencés par notre
environnement. Nous sommes éduqués et élevés par une famille et des
amis et nous réagissons à notre milieu. Joseph Smith grandit à la ferme
familiale et était presque exclusivement sous l’influence de sa famille. Les choses
qu’il apprit chez lui furent le legs le plus important de son patrimoine spirituel de
la Nouvelle-Angleterre. Ses parents tenaient à ce qu’on travaille dur, que l’on soit
patriote et que l’on ait une religion. Joseph apprit, écouta et retira beaucoup de son
patrimoine spirituel. Pendant ses années de formation, il commença à accumuler
et à manifester des aptitudes qui allaient l’aider à s’acquitter de la mission à
laquelle il avait été préordonné.
ASCENDANCE
PAT E R N E L L E D E
JOSEPH SMITH
Lorsqu’on examine l’ascendance de Joseph Smith, on constate que sa famille se
distinguait par des traits de caractère importants qui lui furent transmis. Il tissa des
liens familiaux forts, apprit à travailler dur, à penser de manière autonome, à servir
Ancêtres de Joseph Smith
Le lieu de naissance de Joseph Smith est
le township (arrondissement) de Sharon
(Vermont). Le mémorial de granit à Joseph
Smith fut érigé et l’emplacement dédié le
23 décembre 1905 par Joseph F. Smith,
président de l’Eglise, pour commémorer le
centenaire de la naissance du prophète.
Le monument a une hauteur de 38 1⁄2
pieds, un pied pour chaque année de sa vie.
Le Memorial Cottage (directement à gauche
du monument), qui était utilisé comme centre
d’accueil pour visiteurs, fut construit et dédié
en même temps que le monument.
Joseph Smith
Né le 23 décembre 1805
Lieu Sharon (comté de
Windsor, Vermont)
Décès 27 juin 1844
Lieu Carthage (comté de
Hancock, Illinois)
Joseph Smith, père
Né le 12 juillet 1771
Lieu Topsfield (comté
d’Essex
Massachusetts)
Décès 14 septembre 1840
Lieu Nauvoo (comté de
Hancock, Illinois)
Lucy Mack
Née le 8 juillet 1776
Lieu Gilsum (comté de
Cheshire, New
Hampshire)
Décès 14 mai 1856
Lieu Nauvoo (comté de
Hancock, Illinois)
Asaël Smith
Né le 7 mars 1744
Lieu Topsfield (comté
d’Essex,
Massachusetts)
Décès 31 octobre 1830
Lieu Stockholm, comté de
St-Lawrence, New York)
Mary Duty
Née le 11 octobre 1743
Lieu Rowly (comté d’Essex,
Massachusetts)
Décès 27 mai 1836
Lieu Kirtland (comté de
Lake, Ohio)
Solomon Mack
Né le 15 septembre 1732
Lieu Lyme (comté de New
London, Connecticut)
Décès 23 août 1820
Lydia Gates
Née le 3 septembre 1732
Lieu East Haddam (comté
de Middlesex,
Connecticut)
Décès vers 1817
Lieu Royalton (comté de
Windsor, Vermont)
15
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
les autres et à aimer la liberté. Il dit lui-même: «Mes grands-pères ont inspiré à
mon âme l’amour de la liberté tandis qu’ils me faisaient sauter sur leurs genoux1.»
Bien que n’appartenant pas toujours à une Eglise, ses ancêtres cherchèrent à
respecter des principes religieux corrects, et certains d’entre eux s’attendaient à ce
qu’un chef spirituel important fût suscité dans leur postérité.
Au sein des collines ondoyantes, à une trentaine de kilomètres au nord de
Boston (Massachusetts), se trouve le petit township (arrondissement) de Topsfield,
où vécurent beaucoup d’ancêtres du prophète. Cinq générations de Smith
vécurent à Topsfield. Le premier fut Robert Smith, arrière-arrière-arrière grandpère de Joseph Smith, qui émigra en 1638, dans son adolescence, de Topsfield
(Angleterre) à Boston. Il épousa Mary French et, après un bref séjour dans la
localité voisine de Rowley, s’installa à Topsfield (Massachusetts). Ils eurent dix
enfants. Lorsqu’il mourut en 1693, Robert laissait des biens estimés à 189 livres, ce
qui était une somme assez importante pour l’époque. Samuel Smith, fils de Robert
et de Mary, naquit en 1666. Les registres du township (arrondissement) et du comté
le qualifient de «gentilhomme» et il détenait apparemment une fonction publique.
Il épousa Rebecca Curtis, dont il eut neuf enfants.
Stèle de la famille Smith dans le cimetière
de Pine Grove à Topsfield (Massachusetts). Y
sont enterrés Samuel Smith, sa femme
Rebecca, Samuel II et sa femme Priscilla
Gould. George A. Smith contribua à l’érection
de ce monument à ses ancêtres en 1873.
Leur premier fils naquit en 1714. Samuel, fils, fut un dirigeant local éminent et
l’un des instigateurs de la guerre d’Indépendance américaine. Selon sa notice
nécrologique, «il était l’ami sincère des libertés de son pays et le défenseur fervent
des enseignements du christianisme2». Samuel, fils, épousa Priscilla Gould,
descendante du fondateur de Topsfield. Priscilla mourut après avoir eu cinq
enfants, et Samuel épousa sa cousine, également appelée Priscilla. Elle n’eut pas
d’enfants mais éleva ceux de la première femme de Samuel, entre autres Asaël,
grand-père de Joseph Smith, né en 1744.
Asaël était membre du culte principal de la Nouvelle-Angleterre, les
congrégationnalistes, mais devint plus tard sceptique vis-à-vis des religions
organisées. Dans son esprit, les enseignements des Eglises officielles ne pouvaient
Cinq générations de la famille Smith
vécurent à Topsfield: Robert Smith, Samuel
Smith I, Samuel Smith II, Asaël Smith et
Joseph Smith, père. Ce dernier naquit dans
cette maison le 12 juillet 1771. Elle fut rasée
en 1875.
16
PATRIMOINE SPIRITUEL DE JOSEPH SMITH EN NOUVELLE -ANGLETERRE
pas se concilier avec les Ecritures et le bon sens. A l’âge de vingt-trois ans, il épousa
Canada
Mary Duty, de Rowley (Massachusetts). Au prix de grands sacrifices personnels et
Lake
Champlain
familiaux, il revint de Derryfield (New Hampshire) à Topsfield, où il travailla pendant
cinq ans pour liquider les dettes que son père n’avait pu payer avant sa mort.
Vermont
New York
Tunbridge
Les Smith restèrent à Topsfield jusqu’en 1791. Asaël, Mary et leurs onze enfants
New
Hampshire
s’installèrent alors brièvement à Ipswich (Massachusetts) et partirent de là à
Randolph South Royalton
Sharon
e c ticut Ri r
ve
Derryfield
(Manchester)
Salisbury
Rowley
Topsfield
Boston
Con n
r
iv e
H ud s o n R
Asaël poursuivit ses activités publiques et, au cours des trente années qu’il y passa,
Marlow
Gilsum
Albany
Tunbridge (Vermont) à la recherche de terres vierges bon marché. A Tunbridge,
Merrimack
River
Lebanon
Massachusetts
Connecticut
North
Lyme
Ipswich
remplit quasiment toutes les fonctions auxquelles on pouvait être élu.
Sa philosophie était la même que celle des universalistes, qui croyaient que
Jésus-Christ était un Dieu d’amour qui sauverait tous ses enfants. Comme tous les
universalistes, il se sentait plus à l’aise avec un Dieu qui s’intéressait davantage à
sauver qu’à détruire l’humanité. Il croyait que la vie continuait après la mort.
Dans une lettre adressée à sa famille, il écrit: «L’âme est immortelle . . . Faites tout
pour Dieu d’une manière sérieuse. Quand vous pensez à lui, parlez de lui, le
priez ou abordez d’une manière quelconque sa grande majesté, faites-le avec
New York City
sérieux . . . Pour ce qui est de la religion, étudiez la nature de la religion, et voyez
si elle consiste en des formalités extérieures ou en la parure intérieure cachée dans
Les ancêtres de Joseph Smith vécurent en
Nouvelle Angleterre.
le coeur . . .
«J’ai la certitude que mon Sauveur, le Christ, est parfait et ne me fera jamais
défaut dans aucune circonstance. Je lui confie votre âme, votre coeur, vos biens,
votre nom, votre renom, votre vie, votre mort et tout—et moi-même, en attendant
le moment où il transformera le corps de mon humiliation, en le rendant
semblable au corps de sa gloire3.»
Il prédit aussi que «Dieu allait susciter une branche de sa famille qui serait d’un
grand avantage pour l’humanité4». De nombreuses années plus tard, lorsque son
fils, Joseph Smith, père, lui remit un Livre de Mormon récemment publié, cela
l’intéressa vivement. George A. Smith écrit: «Mon grand-père Asaël croyait
absolument au Livre de Mormon, qu’il lut presque jusqu’au bout5.» Il mourut
pendant l’automne 1830, certain que son petit-fils, Joseph, était le prophète
longtemps attendu et qu’il avait inauguré une nouvelle ère religieuse.
Mary Duty Smith survécut six ans à Asaël, son mari. En 1836, elle fit un voyage
difficile de huit cents kilomètres pour rejoindre ses descendants qui s’étaient
entre-temps installés à Kirtland (Ohio). Elias Smith, un petit-fils, était avec elle
lorsqu’elle retrouva ses enfants et ses petits-enfants. «La rencontre entre la grandmère et son descendant prophète ainsi que son frère fut extrêmement touchante;
Joseph la bénit et dit qu’elle était la femme la plus honorée de la terre6.» Elle
accepta sans réserve le témoignage de son petit-fils et avait bien l’intention d’être
baptisée. Malheureusement, son âge et sa santé l’en empêchèrent. Elle décéda le
27 mai 1836, dix jours exactement après son arrivée à Kirtland.
ASCENDANCE
M AT E R N E L L E D E
JOSEPH SMITH
On sait relativement peu de choses sur la famille Mack dont était issue Lucy
Mack, mère de Joseph. John Mack, né à Inverness (Ecosse), d’une lignée
17
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
d’hommes d’Eglise, arriva en 1669 en Nouvelle-Angleterre. Il habita pendant un
certain nombre d’années à Salisbury (Massachusetts). En 1696, il alla s’installer
avec sa femme à Lyme (Connecticut). Ebenezer, leur huitième enfant, épousa
Hannah Huntley, et ils prospérèrent pendant un certain temps sur la propriété des
Mack. Leur prospérité fut de courte durée, et Solomon, né en 1732, fut engagé
comme apprenti par un fermier du voisinage à l’âge de quatre ans. Il écrit: «Mon
maître me traitait comme sa propriété et non comme un de ses semblables7.» Il
resta apprenti jusqu’à l’âge de vingt et un ans, mais son maître ne l’instruisit
jamais ni ne lui parla de religion.
Solomon passa presque le reste de sa vie à rechercher la stabilité qu’il n’avait
jamais trouvée dans sa jeunesse. Après avoir terminé son apprentissage, il se fit
enrôler dans la guerre contre les Français et les Indiens. Les années qui suivirent,
il fut marchand, promoteur immobilier, capitaine de navire, exploitant de scierie et
fermier. Malgré les efforts considérables qu’il fit, la chance ne le favorisa pas, et il
fut harcelé par des accidents, des vicissitudes et des revers financiers.
Cet aventurier audacieux connut cependant de bons moments en 1759. Il
épousa Lydia Gates, qu’il avait rencontrée peu de temps auparavant, institutrice
chevronnée et l’aînée des enfants de Daniel Gates, diacre respecté et prospère de
l’Eglise congrégationaliste. Depuis sa prime jeunesse, Lydia était congrégationaliste pratiquante. Bien qu’issus de milieux très opposés, Solomon et Lydia
connurent un mariage stable. Lydia prit en en charge la formation profane et
religieuse de ses huit fils et filles. Elle apprit probablement à son mari à lire et à
écrire en même temps qu’à ses enfants. Pour Solomon, non seulement Lydia
manifestait «le raffinement de l’éducation, mais elle possédait aussi ce joyau
inestimable qui, chez une épouse et mère de famille est véritablement une perle de
grand prix, c’est-à-dire une personnalité pieuse et religieuse8».
Peu après leur mariage, Solomon acheta cinquante hectares de terre déserte
dans le nord de l’Etat de New York. Une blessure à la jambe l’empêcha de
défricher le terrain comme le contrat le stipulait, et il perdit le bien. En 1761, il
s’installa avec Lydia et deux fils à Marlow (New Hampshire). Ils y restèrent dix ans
et eurent quatre autres enfants. En 1771, les Mack allèrent s’installer à Gilsum
(New Hampshire), où deux autres enfants naquirent. Lucy, la cadette, allait
devenir la mère de Joseph Smith, le prophète.
Pendant la guerre d’Indépendance, Solomon s’enrôla dans une unité d’artillerie
mais ne tarda pas à tomber malade et fut renvoyé chez lui pour se remettre. Il
aurait peut-être été plus en sécurité dans son unité, car il fut successivement et en
peu de temps écrasé par un arbre, blessé sur une roue à aube et assommé par la
chute d’une branche. Le dernier accident fut particulièrement grave, car, par la
suite, il devint sujet à des syncopes, des «attaques» comme il les appelait9.
Mais Solomon Mack était incapable de résister longtemps à son esprit
aventureux. Avec ses fils adolescents, Jason et Stephen, il s’enrôla comme marin
sur un corsaire américain. Après quatre ans et des calamités, notamment un
ouragan, un naufrage et la maladie, ils revinrent les mains vides. Solomon
retrouva Lydia et les enfants sans abri, délestés de leurs biens par un escroc. «La
18
PATRIMOINE SPIRITUEL DE JOSEPH SMITH EN NOUVELLE -ANGLETERRE
vie m’était devenue indifférente», écrit-il concernant cette période de sa vie10.
Cependant cet abattement ne fut que temporaire parce que, en travaillant dur, il
fut en mesure de pourvoir de nouveau aux besoins de sa famille.
Quoique croyant et bon, Solomon Mack n’était pas un homme visiblement
pratiquant. Il se montrait peu disposé à lire les Ecritures ou à aller à l’église, mais
Publié avec la permission de la bibliothèque John Carter Brown, de l'université Brown
en 1810, le rhumatisme l’obligea à revoir ses options. «Après cela, je décidai de ne
plus poursuivre les chimères mais de consacrer le reste de ma vie au service de
Dieu et de ma famille11.» Cet hiver-là il lut la Bible et pria avec ferveur; il finit par
trouver la paix de l’âme et de l’esprit. Jusqu’à sa mort, en 1820, il consacra une
grande partie de son temps à parler à d’autres de sa conversion et à les exhorter à
servir le Seigneur. Il écrivit une autobiographie dans l’espoir que d’autres ne se
laisseraient pas séduire par le gain matériel comme il l’avait fait. Il exprima avec
enthousiasme sa conviction à ses petits-enfants, parmi lesquels le jeune Joseph
Smith, fils. Il mourut juste trois semaines avant son quatre-vingt-huitième
anniversaire, plusieurs mois après la vision remarquable du Père et du Fils que son
petit-fils avait eue et dont il n’était probablement pas au courant.
Pendant les années où Solomon connut ses aventures et ses mésaventures, sa
femme, Lydia Gates, apporta à leurs enfants la stabilité et un sens dans la vie. Son
Page de titre de l’autobiographie de
Solomon Mack
influence se marqua chez tous les enfants, et spécialement chez Lucy, la fille
cadette. Elle attribue à sa mère «tout l’enseignement religieux ainsi que l’essentiel
de l’instruction qu’ [elle a] reçue12».
Quoique intelligente, ayant du caractère et élevée dans un environnement
pieux, Lucy ne connut aucun éveil spirituel important avant l’âge de dix-neuf ans.
Elle se demandait si la vie avait un sens et ne tarda pas à décider qu’elle devait
remettre en question son attitude pessimiste. Pour éviter d’être qualifiée de
païenne, elle décida de devenir membre d’une Eglise mais fut contrariée par les
prétentions rivales avancées par divers hommes d’Eglise. Elle demanda:
«Comment puis-je prendre une décision dans un tel cas, alors qu’ils sont tous
différents de l’Eglise du Christ telle qu’elle existait dans le temps passé!13»
Elle ne trouva pas de réponse satisfaisante à son dilemme spirituel.
Apparemment convaincue que les Eglises existantes ne satisfaisaient pas ses
besoins, elle mit provisoirement de côté sa recherche d’une Eglise, et son anxiété
se dissipa graduellement. Moins de deux ans plus tard, elle rencontrait et épousait
Joseph Smith, père. Elle se doutait bien peu que de ce mariage allait sortir un fils
prophète qui apporterait la consolation et un sens à tous ceux qui, comme elle,
essayaient de trouver l’Eglise de Jésus-Christ.
LES
PA R E N T S D U P R O P H È T E
Lucy Mack rencontra Joseph Smith, père, tandis qu’il rendait visite à son frère
Stephen à Tunbridge (Vermont). Joseph avait vingt-cinq ans, mesurait plus d’un
mètre quatre-vingts et était solidement bâti, comme son père, Asaël. Après leur
Grand magasin de Tunbridge. Il était
encore utilisé après 160 ans. Selon la
tradition, c’est là que Joseph Smith, père, et
Lucy se rencontrèrent.
mariage, qui eut lieu le 24 janvier 1796, ils s’installèrent dans une des fermes
familiales à Tunbridge. Ils y passèrent six années au cours desquelles leurs trois
premiers enfants naquirent. Joseph et Lucy mirent leur ferme de Tunbridge en
19
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
La pointe de Tunbridge (Vermont) fut le
premier foyer de Joseph et Lucy Smith. Hyrum
Smith y naquit le 9 février 1800.
location, peut-être parce que le terrain était pierreux, et allèrent s’installer en 1802
à Randolph, où ils ouvrirent un magasin.
A Randolph, Lucy tomba malade. Le médecin diagnostiqua la tuberculose,
maladie dont ses soeurs aînées, Lovisa et Lovina, étaient mortes. Apprenant que
les docteurs disaient qu’elle allait mourir, Lucy supplia le Seigneur de lui épargner
Vermont
Randolph
la vie pour qu’elle puisse apporter de la consolation à ses enfants et à son mari.
Tunbridge
ic
ect
nn
Thetford
Co
Royalton Smith Farm
ut
Strafford
Vermont
er
Ri
v
Tunbridge
Royalton
Bethel
Sharon
Norwich
New Hampshire
Norwich
Hanover
(Dartmouth College)
Lebanon
Elle écrit: «Je fis l’alliance solennelle avec Dieu que, s’il me laissait vivre, je
m’efforcerais de le servir du mieux que je pouvais. Peu de temps après cela,
j’entendis une voix me dire:‹Cherche, et tu trouveras, frappe, et l’on t’ouvrira. Que
ton coeur se console: Tu crois en Dieu, crois aussi en moi.›
« . . . Dès que je le pus, je m’efforçai en toute diligence de trouver quelqu’un qui
était capable de m’instruire plus parfaitement du chemin de la voie (de la vie) et
du salut . . .
« . . . J’allai de lieu en lieu pour obtenir des renseignements et trouver, si c’était
La famille de Joseph Smith, père, changea
plusieurs fois de résidence en NouvelleAngleterre. (1) Après leur mariage en 1796,
Joseph et Lucy habitèrent à Tunbridge
(Vermont) où ils exploitèrent une ferme. (2) En
1802, ils allèrent s’installer à Randolph et
ouvrirent un magasin. (3) L’année suivante, ils
retournèrent à Tunbridge. (4) En 1803
également, ils vendirent la ferme de Tunbridge
et allèrent s’installer quelques mois à Royalton.
(5) En 1804, ils allèrent s’installer dans le
township (arrondissement) de Sharon (comté
de Windsor) où Joseph Smith, fils, naquit. (6)
Ils retournèrent à Tunbridge où Samuel
Harrison naquit. (7) En 1808, ils repartirent pour
Royalton, où Ephraïm et William naquirent. (8)
En 1811, ils allèrent s’installer à West Lebanon
(New Hampshire) où la famille fut atteinte par
l’épidémie de typhoïde. (9) En 1813 ils allèrent
s’installer à Norwich (Vermont) où ils connurent
trois mauvaises récoltes successives. (10) Les
mauvaises récoltes les forcèrent à effectuer un
dernier déménagement et à s’installer en 1816
dans le voisinage de Palmyra (New York).
20
possible, une personnalité sympathique qui pourrait me comprendre et ainsi me
fortifier et m’aider à mettre mes résolutions en pratique . . .
« . . . Je me dis dans mon coeur que la religion que je recherchais n’existait pas à
ce moment-là sur la terre. Je pris donc la décision d’examiner la Bible et de
m’efforcer, en prenant Jésus et ses disciples comme guides, d’obtenir de Dieu ce
que l’homme ne pouvait ni donner, ni ôter . . .
«Je finis par estimer qu’il était de mon devoir d’être baptisée et, ayant trouvé un
pasteur qui était disposé à me baptiser tout en me laissant libre de m’affilier à la
confession religieuse que je voulais, je fis le pas et reçus cette ordonnance14.»
Tandis que Lucy se préoccupait de religion et de salut, son mari se lançait dans
une entreprise économique malheureuse. Apprenant que la racine de ginseng, qui
poussait à l’état sauvage dans le Vermont, était tenue en haute estime en Chine à
cause de la capacité qu’on lui attribuait de guérir et d’améliorer la vie, Joseph, qui
avait connu une série de revers financiers, investit considérablement dans cette
plante. Il s’en procura une quantité importante, et un certain Stevens, de Royalton,
PATRIMOINE SPIRITUEL DE JOSEPH SMITH EN NOUVELLE -ANGLETERRE
Orange County Vermont
prendre les dispositions pour l’envoi, Stevens le suivit pour découvrir sur quel
Town (Township)
of Tunbridge
Village of
North Tunbridge
Town (Township)
of Strafford
Village of
Tunbridge
Lieu de naissance de
Joseph Smith
Village of
Sharon
Town (Township)
of Royalton
bateau se trouvait son chargement. Comme il avait, lui aussi, du ginseng, il envoya
son fils en Chine pour le représenter ainsi que Joseph pour la vente du produit. Le
jeune Stevens vendit le ginseng avec un gros bénéfice mais mentit à ce sujet et ne
Village of Strafford
W h i te River
Village of
South Royalton
lui en offrit trois mille dollars, mais il refusa. Lorsqu’il se rendit à New York pour
Town (Township)
of Sharon
Windsor County Vermont
remit à Joseph Smith, père, qu’un coffre de thé. Quand sa malhonnêteté fut
découverte, il s’enfuit au Canada avec l’argent, abandonnant Joseph et Lucy avec
une dette de dix-huit cents dollars. Lucy écrit: «Cette ferme, qui valait environ
quinze cents dollars, mon mari la vendit pour huit cents dollars pour pouvoir faire
un paiement rapide15.» Elle y ajouta les mille dollars qu’elle avait reçus comme
cadeau de mariage. Ils étaient hors de dette mais sans un sou.
Ils allèrent s’installer à Royalton (Vermont), pendant quelques mois, puis à
Joseph Smith naquit dans le township
(arrondissement) de Sharon (comté de
Windsor, Vermont). Il ne faut pas confondre
l’endroit avec le village de Sharon, situé au
sud-est de la ferme des Smith. Comme
l’indique la carte, la ferme était à la frontière
de l’arrondissement.
Sharon dans le comté de Windsor. Là, Joseph loua la ferme de Solomon Mack. Il
faisait les travaux de ferme en été et enseignait à l’école en hiver. Pendant qu’ils
étaient à Sharon, un fils leur naquit, le 23 décembre 1805, et ils l’appelèrent Joseph.
Ils accomplissaient une prophétie de Joseph en Egypte qui avait prédit qu’un
«voyant de choix» serait suscité parmi ses descendants. Un des moyens par
lesquels on pourrait identifier ce voyant était qu’il recevrait le nom de l’antique
patriarche Joseph, qui serait aussi le nom de son père (voir 2 Néphi 3:14-15).
Joseph Smith, père, et Lucy furent de bons parents qui s’efforcèrent d’enseigner
à leurs enfants des préceptes religieux. Lucy incita tout spécialement ses enfants à
étudier la Bible. Leur fils William, né en 1811, dit à propos de la préoccupation de
sa mère pour les questions de religion: «Ma mère, qui était une femme très pieuse
et qui s’intéressait beaucoup au bien-être de ses enfants, tant ici-bas que dans l’audelà, employait tous les moyens que son amour de mère pouvait lui suggérer pour
nous amener à rechercher le salut de notre âme16.»
Joseph naquit dans le township (arrondissement) de Sharon (comté de Windsor,
Vermont). Il ne faut pas confondre l’endroit avec le village de Sharon , situé au
sud-est de la ferme des Smith. Comme l’indique la carte, la ferme était à la
frontière de l’arrondissement.
Enfants de Joseph Smith, père, et de Lucy Mack Smith
Nom
Date de naissance
Lieu de naissance
Date de décès
1. Enfant
Vers 1797
Tunbridge (Vermont)
Vers 1797
2. Alvin 1
1 février 1798
Tunbridge (Vermont)
19 nov. 1823
3. Hyrum
9 février 1800
Tunbridge (Vermont)
27 juin 1844
4. Sophronia
16 mai 1803
Tunbridge (Vermont)
1876
5. Joseph, fils
23 décembre 1805
Sharon (Vermont)
27 juin 1844
6. Samuel Harrison
13 mars 1808
Tunbridge (Vermont)
30 juillet 1844
7. Ephraïm
13 mars 1810
Royalton (Vermont)
24 mars 1810
13 nov. 1893
8. William
13 mars 1811
Royalton (Vermont)
9. Catherine 2
8 juillet 1812
Lebanon (New Hampshire) 1 février 1900
10. Don Carlos
25 mars 1816
Norwich (Vermont)
7 août 1841
11. Lucy
18 juillet 1821
Palmyra (New York)
9 décembre 1882
21
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Joseph, père, était aussi doux qu’il était fort. Heber C. Kimball écrit: «C’était un
des hommes les plus agréables que j’aie jamais rencontrés; il était aussi inoffensif
qu’un enfant17.» Lucy dit qu’il était «un compagnon affectueux et le père le plus
tendre qui ait été accordé en bénédiction à la confiance d’une famille18».
Bien que moins enclin à instruire sa famille, Joseph, père, était pratiquant.
William écrit: «Les habitudes religieuses de mon père étaient strictement pieuses
et morales19.» Comme son père, Asaël, Joseph se méfiait des Eglises traditionnelles
mais eut toujours une grande foi en Dieu. A un moment donné, en 1811, son
«esprit fut saisi d’une grande préoccupation au sujet de la religion20». Tandis qu’il
était dans cet état d’agitation et de souci, il eut le premier d’une série de songes qui
se produisirent au cours d’une période de huit années. Dans le premier songe, il
se vit traverser un champ aride rempli de bois mort en compagnie d’un esprit qui
lui dit que le champ représentait le monde sans religion. Il lui fut dit qu’il
trouverait un coffre de nourriture qui lui donnerait la sagesse s’il en mangeait. Il
essaya d’en prendre mais des animaux cornus l’en empêchèrent. Il dit à Lucy qu’il
s’était éveillé tremblant mais heureux et qu’il était maintenant convaincu que
même les croyants pratiquants ne connaissaient rien du royaume de Dieu.
Plus tard, en 1811, Joseph, père, eut un deuxième songe significatif, qui avait
trait à sa famille. Il ressemblait beaucoup au songe de l’arbre de vie de Léhi. Il se
vit suivre un chemin qui menait à un bel arbre fruitier. Comme il commençait à
manger de ce fruit délicieux, il se rendit compte qu’il devait amener sa femme et
ses enfants à l’arbre pour qu’ils puissent en manger ensemble. Il alla les chercher
et ils commencèrent à manger. Il dit: «Nous étions extrêmement heureux, au point
qu’il n’était pas facile d’exprimer notre joie21.»
Son dernier songe eut lieu en 1819 à New York, peu avant la première vision de
son fils. Un messager lui dit: «Je t’ai toujours trouvé strictement honnête dans tout
ce que tu faisais . . . Je suis maintenant venu te dire que c’est la dernière fois que je
te rendrai visite et qu’il ne te manque qu’une seule chose pour obtenir ton salut22.»
Il s’éveilla avant d’avoir appris ce qui lui manquait. Comme les communications
célestes lui étaient familières, il lui fut facile d’accepter l’appel prophétique de son
fils. Il apprit finalement que ce qui lui manquait, c’étaient les ordonnances et les
principes salvateurs de l’Evangile de Jésus-Christ que le Seigneur rétablit par
l’intermédiaire de son fils Joseph.
PETITE
E N FA N C E D E
JOSEPH SMITH
Dans les premières années de la vie de Joseph Smith, sa famille déménagea
souvent, essayant de trouver un terrain fertile ou des moyens convenables de
subvenir à ses besoins. Son premier déménagement après sa naissance l’emmena
de Sharon à Tunbridge. En 1807, peu après la naissance de Samuel, la famille
s’installa à Royalton (Vermont) où deux autres fils naquirent. Peu après la
naissance de William en 1811, les Smith s’installèrent dans la petite localité de West
Lebanon (New Hampshire) et commencèrent, selon Lucy, “à contempler, avec joie
et satisfaction, la prospérité qui avait accompagné leurs récents efforts23”. Son
optimisme tourna au désespoir lorsque la typhoïde se déclara dans West Lebanon
22
PATRIMOINE SPIRITUEL DE JOSEPH SMITH EN NOUVELLE -ANGLETERRE
et «fit terriblement rage». Elle faisait partie d’une épidémie qui balaya le nord de
la vallée du Connecticut, faisant six mille victimes. Un par un les enfants Smith
tombèrent malades. Sophronia, affligée pendant trois mois, manqua mourir mais
commença à se remettre lorsque Joseph et Lucy supplièrent le Seigneur de
l’épargner.
Joseph, fils, sept ans, ne fut malade que pendant quinze jours mais connut des
complications qui nécessitèrent finalement quatre interventions chirurgicales. La
complication la plus grave consista en une enflure et une infection du tibia de la
jambe gauche; il avait ce qu’on appellerait aujourd’hui une ostéomyélite. Il souffrit
atrocement pendant quinze jours. Pendant toute cette épreuve, Hyrum, son frère
aîné, lui montra beaucoup de tendresse. Lucy écrit: «Hyrum resta à son chevet
presque jour et nuit pendant très longtemps, tenant la partie malade de sa jambe
entre ses mains et la serrant pour que son malheureux frère puisse supporter la
douleur24.»
Les deux premières tentatives de réduire l’enflure et de drainer l’infection de sa
jambe échouèrent. Le principal chirurgien recommanda l’amputation, mais Lucy
s’y opposa et insista auprès des médecins: «Vous ne lui enlèverez pas, vous ne
devez pas lui enlever la jambe sans avoir essayé encore une fois25.»
Providentiellement, «le seul médecin des Etats-Unis qui réussissait l’opération de
l’ostéomyélite» à l’époque était le docteur Nathan Smith, brillant médecin au
collège médical de Dartmouth à Hanover (New Hampshire)26. Il fut le chirurgien
principal ou en tout cas le principal consultant dans le cas de Joseph. Dans sa façon
de traiter la maladie, le Dr Smith était des générations en avance sur son époque.
Joseph insista pour supporter l’opération sans être lié ni boire du whisky ou du
vin pour réduire sa sensibilité. Il demanda à sa mère de quitter la pièce pour ne pas
le voir souffrir. Elle consentit, mais quand les médecins détachèrent une partie de
l’os avec des forceps et que Joseph hurla, elle se précipita dans la pièce. «Oh,
maman, va-t-en, va-t-en», s’écria Joseph. Elle obéit, mais revint une fois de plus,
mais ce ne fut que pour être de nouveau chassée27. Après son épreuve, Joseph
accompagna son oncle Jesse Smith jusqu’à la ville portuaire de Salem
(Massachusetts), dans l’espoir que l’air marin l’aiderait à guérir. Etant donné la
gravité de l’opération, la guérison fut lente. Il marcha trois ans avec des béquilles,
et par la suite il lui arrivait de boîter légèrement, mais il recouvra la santé et fut
robuste toute sa vie.
Galerie d'art de l'université Yale. Don de la classe
de médecine de 1826 à la faculté de médecine
Selon sa mère, l’opération de Joseph fut probablement le seul incident notable
de son enfance28. Vers 1813, la famille s’installa à Norwich (Vermont). Joseph y
fréquenta probablement, pendant une brève période, l’école primaire. Il reçut
aussi un enseignement religieux chez lui et se livra vraisemblablement aux
activités et aux jeux d’extérieur de son temps. Il était grand, athlétique et
énergique mais était aussi contemplatif et d’humeur égale. Sa mère dit: “Il semblait
beaucoup moins enclin à la lecture qu’aucun de nos autres enfants mais s’adonnait
beaucoup plus à la méditation et à l’étude approfondie29». A Norwich, les Smith
Nathan Smith, un des médecins du jeune
Joseph Smith
commencèrent à cultiver le terrain d’Esquire Murdock. Ce fut leur dernière
tentative d’arracher à la terre du Vermont de quoi subvenir à leurs besoins. Lucy
23
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
écrit: “La première année, nous eûmes une mauvaise récolte; mais en vendant les
fruits que le terrain produisait, nous réussîmes à nous procurer du pain pour la
famille30.” La récolte de la deuxième année fut également un lamentable échec.
Les récoltes de la troisème année gelèrent, comme gelèrent celles de presque
tout le monde en 1816, l’année terrible où il n’y eut pas d’été. On lui donna le nom
de «dix-huit cents morts de froid». Au milieu du mois d’avril 1815, le mont
Tambora, aux Indes orientales hollandaises (Indonésie) avait explosé au cours
d’une violente éruption. Elle fut considérée comme la plus grande éruption
volcanique de l’histoire. Elle éjecta une quantité de débris volcaniques estimée à
cent cinq kilomètres cubes. La poussière se répandit dans la stratosphère
obscurcissant davantage le soleil que tous les autres volcans depuis 1600 et
provoquant un changement de climat pendant une période prolongée31.
La Nouvelle-Angleterre fut gravement touchée. Entre le 6 juin et le 30 août, il y
eut quatre gelées mortelles qui détruisirent toutes les cultures sauf les plus
résistantes. Ne sachant pas à quoi cela était dû mais découragées par des
mauvaises récoltes successives, des centaines de personnes quittèrent la NouvelleAngleterre et, parmi elles, les Smith de Norwich (Vermont). Pendant la décennie
1810-20, il y eut un exode massif du Vermont. Plus de soixante townships
(arrondissements) du Vermont connurent des pertes de population32. La plupart
de ceux qui partirent prirent la direction de l’ouest, attirés par les articles de
journaux annonçant qu’il y avait des terrains disponibles dans les Etats de New
York, de Pennsylvanie et d’Ohio, des terrains dont on disait qu’ils étaient «bien
boisés, bien arrosés, faciles d’accès et incontestablement fertiles, tous à vendre
selon une formule de paiement à long terme au prix de deux ou trois dollars
seulement l’acre (40 ares)33».
I N S TA L L AT I O N
À
PA L M Y R A
En 1816, Joseph, père, se rendit à Palmyra (comté d’Ontario, New York) en
compagnie d’un certain M. Howard. Avant de partir, il rendit visite à ses créanciers
et à ses débiteurs afin de régler les comptes en souffrance, mais certains d’entre
eux négligèrent d’apporter leur comptabilité lors du règlement. De toute évidence,
les dettes qu’il avait vis-à-vis d’eux furent satisfaites soit par un paiement en
argent, soit par le transfert de créances que Joseph détenait vis-à-vis de ses
débiteurs. Croyant que tous les comptes étaient réglés, il partit pour Palmyra et
acheta un terrain. Il envoya ensuite un mot à Lucy lui disant de charger leurs biens
sur un chariot et de se préparer à déménager. Il prit des dispositions avec Caleb
Howard, cousin du M. Howard qui s’était rendu avec lui à Palmyra, pour qu’il
conduise l’attelage et amène sa famille dans l’Etat de New York. Mais avant le
départ de Lucy Smith pour rejoindre son mari, d’autres créanciers se
manifestèrent et lui présentèrent leurs comptes non acquittés et lui en
demandèrent le paiement. Elle dit à ce sujet: «Je décidai qu’il était préférable pour
nous de leur payer les sommes qu’ils réclamaient injustement que de risquer un
procès. C’est ainsi qu’en faisant de grands efforts, je levai la somme requise, qui
s’élevait à cent cinquante dollars, et liquidai la dette.» Lorsque des voisins bien
24
PATRIMOINE SPIRITUEL DE JOSEPH SMITH EN NOUVELLE -ANGLETERRE
Les monts Appalache constituaient une
barrière importante à l’émigration vers l’ouest
au début de l’histoire des Etats-Unis. Des
explorateurs finirent par trouver trois itinéraires
acceptables entre la côte et l’intérieur: la
barrière à péage de la grande route de
Genesee à New York, la route nationale du
Maryland de Pennsylvanie et d’Ohio et la
route du désert en Caroline du nord, au
Tennessee et au Kentucky.
La famille Smith utilisa la première de ces
routes pour se rendre dans la région de
Palmyra (New York). L’itinéraire quittait la
Nouvelle-Angleterre au Massachusetts,
passait par Albany dans l’est de New York et
remontait par la vallée de la Mohawk.
Lake Ontario
M oh
Buffalo
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Richmond
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Salisbury
intentionnés proposèrent d’alléger le fardeau en levant des fonds par souscription,
Lucy refusa. «L’idée d’être aidée de cette manière me répugnait vraiment34.»
Une fois les comptes réglés, Lucy, sa mère Lydia et ses huit enfants, dont le
cadet, Don Carlos, était un bébé et l’aîné, Alvin, avait dix-sept ans, se mirent en
route pour New York avec Caleb Howard. A South Royalton, Lydia, mère de Lucy,
fut blessée lorsque le chariot dans lequel elle se trouvait se renversa. On l’emmena
chez son fils, à Tunbridge, et mère et fille se dirent adieu dans les larmes. La vieille
Lydia recommanda à sa fille: «Je te supplie de rester fidèle au service de Dieu
jusqu’à la fin de tes jours, afin que j’aie le plaisir de te serrer dans mes bras là-haut
dans un monde meilleur35.» Elle mourut deux ans plus tard à Royalton à la suite
des blessures qu’elle avait subies à ce moment-là.
La famille Smith poursuivit son voyage, et il devint clair pour Lucy que «M
Howard, [leur] conducteur, était un misérable dénué de principes et de
sensibilité36». L’argent que Joseph, père, lui avait donné pour emmener la famille
Smith à New York fut dépensé à boire et à jouer dans les auberges par lesquelles
ils passaient. Joseph, fils, qui, à l’époque, avait dix ans, raconta plus tard qu’en
dépit du fait qu’il n’était pas encore tout à fait remis de son opération à la jambe,
Howard l’obligea «dans l’état de faiblesse dans lequel [il était], à faire soixante-cinq
kilomètres par jour dans la neige pendant plusieurs jours, ce qui [lui] causa une
fatigue et des souffrances des plus atroces37».
A Utica, à plusieurs kilomètres de leur destination, Howard déchargea les biens
des Smith et était sur le point de partir avec leur attelage lorsque Lucy lui fit face:
«Je vous interdis de toucher à l’attelage ou de le faire avancer ne fût-ce que d’un
pas.» Bien décidée, elle rechargea le chariot et conduisit l’attelage jusqu’à Palmyra.
25
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Il lui restait deux cents quand elle arriva, mais elle était «heureuse de [se] retrouver
en compagnie de [son] mari et de [s’]en remettre ainsi que les enfants aux soins et
à l’affection d’un mari et d’un père tendre38».
INFLUENCE
DE LA
N O U V E L L E -A N G L E T E R R E
SUR
JOSEPH SMITH
Les Smith n’étaient qu’une des nombreuses familles de Nouvelle-Angleterre
dont les noms sont liés au rétablissement. Brigham Young, successeur de Joseph,
Heber C. Kimball, apôtre fidèle, et de nombreux autres dirigeants de l’Eglise
avaient leurs racines en Nouvelle-Angleterre. Parmi leurs ancêtres, il y avait des
hommes et des femmes qui avaient voyagé sur le Mayflower ou avaient pris part à
la guerre d’Indépendance39. Ces gens industrieux et indépendants qui se
donnèrent une patrie et une société sur le sol vierge de la Nouvelle-Angleterre
étaient des gens remarquables. C’étaient des patriotes; ils avaient le sens des
responsabilités, et ils étaient croyants. Joseph Smith n’avait aucune raison
d’éprouver une honte quelconque de ses origines relativement modestes. Il était
héritier d’un patrimoine spirituel bien ancré.
Un grand nombre de principes provenant du puritanisme, qui façonnèrent
l’environnement de Joseph, devinrent le complément des principes et des
enseignement révélés qu’il allait recevoir plus tard en qualité de prophète.
Lorsqu’il apprit par révélation: «Tu ne seras pas paresseux» (D&A 42:42), cela ne
faisait que confirmer que le mode de vie de la Nouvelle-Angleterre, qui était fait
de frugalité et d’ingéniosité, était le bon mode de vie. Lorsque le Seigneur lui dit
de chercher la science dans les meilleurs livres «par l’étude et aussi par la foi»
(D&A 88:118), cela ne faisait que confirmer l’accent mis par le puritanisme sur
l’instruction. Lorsque Joseph proclama plus tard la notion de la société
théocratique idéale, il ne faisait qu’adopter un principe dans lequel la NouvelleAngleterre puritaine pouvait facilement se reconnaître.
Mais Joseph Smith n’était pas lié par son patrimoine spirituel de la NouvelleAngleterre. De son vivant, il introduisit des enseignements et des ordonnances
évangéliques qui étaient à l’opposé de sa formation puritaine mais l’emportaient,
par leur envergure et leur clarté, sur toutes les formulations théologiques
antérieures de tout autre dirigeant religieux. Par exemple, sa notion d’un Dieu qui
est une personne, plein de sollicitude, était à l’opposé de l’idée calviniste d’un
Dieu sévère ne se souciant que de justice. Les révélations déclarant que la Divinité
était constituée de trois personnes séparées et distinctes étaient en contradiction
directe avec la théologie trinitaire calviniste traditionnelle.
Mais plus que toute influence du milieu, ce fut Dieu qui façonna les idées de
Joseph Smith. La théologie des saints des derniers jours affirme en effet que Dieu
connut et prépara Joseph Smith dans un état d’existence antérieure à assumer le
rôle-clef qu’il allait jouer dans le rétablissement de l’Eglise de Dieu sur la terre.
C’est de sa préordination que Joseph Smith parlait quand il dit: «Quiconque est
appelé à exercer un ministère auprès des habitants du monde a été ordonné à ce
but même dans le grand conseil des cieux avant que le monde fût. Je suppose que
c’est dans ce grand conseil que j’ai été ordonné à cet office même40.»
26
PATRIMOINE SPIRITUEL DE JOSEPH SMITH EN NOUVELLE -ANGLETERRE
Brigham Young a dit à propos de Joseph Smith: «Il a été décrété dans les conseils
de l’éternité, longtemps avant que les fondations de la terre soient posées, qu’il
serait, dans la dernière dispensation de ce monde, l’homme chargé de faire
paraître la parole de Dieu au peuple et de recevoir la plénitude des clefs et de la
prêtrise du Fils de Dieu. Le Seigneur avait l’oeil sur lui, sur son père, sur le père de
son père et sur leurs ancêtres jusqu’à Abraham, d’Abraham au déluge, du déluge
à Enoch et d’Enoch à Adam. Il a observé cette famille et ce sang tandis qu’il
circulait de sa source jusqu’à la naissance de cet homme. Il a été préordonné dans
l’éternité à présider cette dernière dispensation41.»
NOTES
1. Dans History of the Church, 5:498.
2. Salem Gazette, 22 novembre 1785, cité dans
Richard Lloyd Anderson, Joseph Smith New
England Heritage, Salt Lake City, Deseret Book
Company, 1971, pp. 89, 91.
3. Cité dans Anderson, Joseph Smith’s New
England Heritage, pp. 124-25, 129; voir aussi
pp. 130-40.
4. George A. Smith, «Memoirs of George A.
Smith», p. 2, cité dans Anderson, Joseph
Smith’s New England Heritage, p. 112; voir
aussi History of the Church, 2:443.
5. Smith, «Memoirs», p. 2, cité dans Anderson,
Joseph Smith’s New England Heritage,
pp. 112-13.
6. Edward W. Tullidge, History of Salt Lake
City, Salt Lake City, Star Printing Co., 1886,
p. 157.
7. Solomon Mack, A Narrative Life of Solomon
Mack, Windsor, Vt [1811], p. 4.
8. Lucy Mack Smith, manuscrit préliminaire
de Biographical Sketches of Joseph Smith, cité
dans Anderson, Joseph Smith’s New England
Heritage, p. 27.
9. Voir Mack, A Narrative Life of Solomon Mack,
pp. 11-12, 17.
10. Mack, A Narrative Life of Solomon Mack,
p. 17.
11. Dans Lucy Mack Smith, History of Joseph
Smith, éd. Preston Nibley, Salt Lake City,
Bookcraft, 1958, pp. 7-8.
12. Smith, Biographical Sketches, p. 68, cité dans
Anderson, Joseph Smith’s New England
Heritage, p. 29.
13. Smith, History of Joseph Smith, p. 31.
14. Smith, History of Joseph Smith, pp. 34-36.
15. Smith, History of Joseph Smith, p. 40.
16. William Smith, William Smith on
Mormonism, Lamoni, Iowa, Herald Steam
Book and Job Office, 1883, p. 6.
17. Dans Journal of Discourses, 8:351.
18. Smith, History of Joseph Smith, p. 182.
19. William Smith, cité dans Richard Lloyd
Anderson, «Joseph Smith’s Home
Environment», Ensign, juillet 1971, p. 58.
20. Smith, History of Joseph Smith, p. 46.
21. Dans Smith, History of Joseph Smith, p. 49,
voir aussi pp. 48-50.
22. Dans Smith, History of Joseph Smith, p. 68.
23. Smith, History of Joseph Smith, p. 51.
24. Smith, History of Joseph Smith, p. 55.
25. Smith, History of Joseph Smith, p. 56.
26. LeRoy S. Wirthlin, «Nathan Smith (17621828) Surgical Consultant to Joseph Smith»,
Brigham Young University Studies, printemps
1977, p. 337; voir aussi LeRoy S. Wirthlin,
«Joseph Smith’s Boyhood Operation: An 1813
Surgical Success», dans Sidney B. Sperry
Symposium, 26 janvier 1980, pp. 328-47.
27. Dans Smith, History of Joseph Smith, p. 57.
28. Voir Smith, History of Joseph Smith, p. 67.
29. Smith, History of Joseph Smith, p. 82.
30. Smith, History of Joseph Smith, p. 59.
31. Henry Stommel et Elizabeth Stommel,
Volcano Weather, Newport, R.I., Henry and
Elizabeth Stommel, 1983, pp. 3, 11-12.
32. Larry C. Porter, «A Study of the Origins of
The Church of Jesus Christ of Latter-day
Saints in the States of New York and
Pennsylvania, 1816-1831», thèse de doctorat,
université Brigham Young, 1971, p. 30.
33. Lewis D. Stilwell, «Migration from
Vermont (1776-1860)», cité dans Proceedings of
the Vermont Historical Society, Montpelier, Vt,
Vermont Historical Society, 1937, p. 135.
34. Smith, History of Joseph Smith, p. 61.
35. Smith, History of Joseph Smith, p. 62.
36. Smith, History of Joseph Smith, p. 62.
37. Manuscript History of the Church, cité
dans Dean C. Jessee, éd., The Personal Writings
of Joseph Smith, Salt Lake City Deseret Book
Co., 1984, p. 666, orthographe normalisée.
38. Smith, History of Joseph Smith, p. 63.
39. Voir Gustive O. Larson, «New England
Leadership in the Rise and Progress of the
Church», Improvement Era, août 1968, p. 81.
40. History of the Church, 6:364.
41. Dans Journal of Discourses, 7:289-90.
27
CHAPITRE TROIS
LA PREMIÈRE VISION
Ligne du temps
Date
Evénement important
1818
Les Smith achètent une ferme
dans le township
(arrondissement) de
Farmington
1819
Les réveils religieux
s’intensifient dans le voisinage
de Palmyra.
Printemps de Joseph Smith, quatorze ans,
1820
voit le Père et le Fils dans un
petit bois proche de la ferme
de son père
L
E MONDE FUT DANS LES TÉNÈBRES SPIRITUELLES pendant
des siècles pour avoir rejeté les apôtres du Seigneur. A l’exception de
quelques lueurs, comme celles qu’aperçurent les Réformateurs, les cieux
restèrent fermés. Tout cela changea grâce à l’expérience que connut un jeune
garçon, au printemps de 1820, dans un petit bois du nord-ouest de l’Etat de New
York. On était à l’aube d’une ère de lumières spirituelles.
Spencer W. Kimball explique: «L’aube de ce jour nouveau pointa lorsqu’une
autre âme supplia avec une ferveur passionnée pour être guidée par Dieu. Elle
trouva un lieu retiré discret, tomba à genoux, exprima humblement ses
supplications, et une lumière plus brillante que le soleil à midi illumina le monde:
le rideau n’allait plus jamais se refermer.
« . . . Les cieux embrassèrent la terre, la lumière dissipa les ténèbres et Dieu parla
de nouveau à l’homme1.»
C O L O N I S AT I O N
Lake Ontario
D E L’ O U E S T D E L’E TAT D E
N E W YO R K
Joseph Smith, père, décida de s’installer à Palmyra, petit village de la région des
Finger Lakes de l’Etat de New York. La région était ainsi appelée parce que les lacs
Rochester
ana l
E ri
e C
Palmyra
Canandaigua
ressemblaient à des doigts. La région comptait très peu d’habitants au début du
Hill Cumorah
Manchester
Geneva
Waterloo
Peter Whitmer Farm
Fayette
dix-neuvième siècle, mais la population de la région des Finger Lakes augmenta
rapidement. Dès 1820, il y avait de nombreuses localités le long des rives.
Le sol de terre fertile et le terrain fortement boisé contribuèrent
Canandaigua
Lake
considérablement à la croissance du territoire. Le canal de l’Erié, voie d’eau
Finger Lakes
Cayuga Lake
Seneca Lake
intérieure d’importance capitale conçue pour transporter les marchandises et les
personnes d’un bout à l’autre de l’Etat de New York, d’Albany aux Grands Lacs,
contribua considérablement au développement de la région. Terminé
En 1816, lorsque les Smith s’installèrent à
Palmyra, le village comptait environ six cents
habitants. En 1818 ou 1819, ils
commencèrent à défricher un terrain de
quarante hectares près du township
(arrondissement) de Farmington (qui devint
plus tard le township ou arrondissement de
Manchester).
essentiellement à la main en 1825, pour un montant de plus de sept millions de
dollars, ce canal de 584 kilomètres ramena le temps du transport des marchandises
à travers l’Etat de trois semaines à six jours et réduisit les dépenses de millions de
dollars. Le canal passait un pâté de maisons à côté de la rue principale de Palmyra.
Joseph Smith, père, qui avait dix enfants (onze en 1821), travailla dur pour
gagner sa vie. Après avoir passé deux ans à Palmyra, il avait accumulé
suffisamment d’argent pour payer un acompte pour quarante hectares de terrain
Ce vitrail représentant la Première Vision
fut fabriqué par des artisans professionnels
en Belgique et offert en 1907 par Annie D.
Watkins à la dix-septième paroisse de Salt
Lake City.
boisé dans le township (arrondissement) voisin de Farmington. Au cours de la
première année, ses fils et lui défrichèrent douze hectares de gros arbres,
préparèrent le sol pour la culture et semèrent du blé2. Défricher le terrain, cela ne
signifiait pas seulement abattre des arbres à la scie et à la hache, mais aussi
29
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
arracher les souches et les racines par les seuls efforts physiques de l’homme et de
l’animal. Le jeune Joseph dit plus tard: «Pour entretenir la famille, il fallut les
efforts de tous ceux qui étaient en mesure d’apporter une aide quelconque3.»
Finalement le township (arrondissement) de Farmington fut divisé et, en 1822, la
ferme Smith fut intégrée au nouveau township de Manchester.
A cette époque, les possibilités qui s’offraient à Joseph Smith de faire des études
étaient extrêmement limitées. Il l’attribue «à l’indigence» dans laquelle il fut élevé.
«Nous fûmes privés des avantages de l’instruction. Qu’il nous suffise de dire
Les travaux du canal de l’Erié
commencèrent le 4 juillet 1817.
qu’on m’apprit simplement la lecture, l’Ecriture et les règles de base de
l’arithmétique, ce qui constitua tout mon bagage culturel4.»
Le nombre de plus en plus grand d’Américains qui traversèrent les Catskill et
Adirondack pour s’installer dans la région des Finger Lakes de l’ouest de New
York, avait tendance à perdre le contact avec les Eglises établies dans leurs
anciennes résidences. Ces colons «non affiliés» préoccupaient les dirigeants
religieux des principales confessions, notamment les baptistes, les méthodistes et
les presbytériens, qui mirent sur pied des programmes de prosélytisme pour leurs
frères désavantagés de l’Ouest.
Les méthodistes et les baptistes étaient particulièrement zélés dans leurs efforts
à apporter la religion à ceux qui n’en bénéficiaient pas. Les méthodistes utilisaient
des circuit riders. Il s’agissait de pasteurs itinérants qui allaient à cheval d’une
localité à une autre dans une région donnée, ou circuit, pour veiller aux besoins
religieux de la population. Les baptistes utilisaient la méthode du fermier
prédicateur. Selon cette méthode, un homme habitant sur place gagnait sa vie par
les travaux de la ferme mais occupait une chaire voisine le jour du sabbat. Ces
efforts furent renforcés par l’enthousiasme du deuxième grand Réveil qui balayait
à ce moment-là les Etats-Unis.
Presque toutes les Eglises du nord-ouest de l’Etat de New York organisèrent des
renouveaux. C’étaient des réunions évangéliques dont le but était de réveiller ceux
qui étaient religieusement inertes. Les renouveaux revêtaient souvent la forme de
réunions en plein air organisées à l’orée d’un bosquet ou dans une petite clairière
Publié avec la permission de la bibliothèque du Congrès
de la forêt. Les participants faisaient souvent de nombreux kilomètres sur des
chemins poussiéreux ou remplis d’ornières pour dresser la tente ou garer leur
chariot aux alentours du camp. Les camp meetings [réunions de camp] duraient
souvent plusieurs jours, et certaines sessions duraient presque toute la journée et
jusque dans la nuit. Les pasteurs prêchaient tour à tour, mais il n’était pas rare que
deux ou trois pasteurs exhortent simultanément leurs auditeurs5. Le zèle religieux
de l’ouest de New York au début des années 1800 était si fervent et si enthousiaste
qu’on donna à la région le nom de Burned-Over District. Dans cette région des
Finger Lakes figurativement embrasée par la flamme évangélique, il n’est pas
«Circuit Rider» méthodiste, dessin par
A.R. Waud
30
étonnant que le jeune Joseph Smith et sa famille aient été entraînés dans
cette ferveur.
Reproduit avec l’autorisation de la Bibliothëque du Congrës
LA PREMIÈRE VISION
“Camp meeting” typique vers 1830-35,
dessin de A. Rider
RECHERCHE
PERSONNELLE DE
JOSEPH
Farmington (plus tard township ou arrondissement de Manchester) était une des
quelques colonies de sa région à être affectée par cet enthousiasme religieux. Bien
des années plus tard, Lucy Mack Smith s’en souvenait comme: «d’un grand
renouveau de religion, qui s’étendit à toutes les confessions chrétiennes de la
région environnante où nous résidions. Beaucoup de gens de ce monde, pris
d’inquiétude quant au salut de leur âme, s’avancèrent et se présentèrent comme
cherchant une religion6.” La plupart des gens voulaient devenir membres d’une
Eglise mais étaient indécis quant au point de savoir laquelle ils allaient adopter. Le
prophète Joseph raconte que deux ans environ après leur installation à la ferme, il
y eut «une agitation peu commune à propos de la religion. Elle commença chez les
méthodistes, mais devint bientôt générale dans toutes les sectes de cette région du
pays. En effet, toute la contrée paraissait en être affectée, et de grands multitudes
s’unirent aux différents partis religieux, ce qui ne causa pas peu de remue-ménage
et de divisions parmi le peuple» (Joseph Smith, Histoire, v. 5).
Les renouveaux et les camp meetings influencèrent le jeune Joseph. Il écrit dans
son histoire personnelle: «Vers l’âge de douze ans, mon esprit commença à se
soucier profondément de ces préoccupations majeures qu’étaient celles qui
concernaient le bien-être de mon âme immortelle7.» Cela l’amena à scruter les
Ecritures et à demander le pardon de ses péchés. En ce qui concene les prétentions
avancées par les divers prédicateurs, il dit: «Je ne savais pas qui avait raison et qui
avait tort, mais je considérais qu’il était capital pour moi d’être dans le bon dans le
31
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
e domaine . . . impliquant des conséquences éternelles . . . Il ajoute: «[Je suivais]
leurs diverses assemblées aussi souvent que j’en avais l’occassion . . . Il était
impossible quelqu’un d’aussi jeune et d’aussi peu informé des hommes et des
choses que je l’étais, de décider d’une manière sûre qui avait raison et qui avait
tort» (Joseph Smith, Histoire, v. 8).
Il était également dérouté par l’agressivité et l’hypocrisie qu’il voyait chez les
pasteurs et les autres chrétiens. Il dit: «La fréquentation intime de personnes
appartenant à diverses confessions m’amena à m’étonner considérablement, car je
découvris que leur profession de foi chrétienne ne s’accompagnait pas d’une
conduite sainte et pieuse conforme à ce que je trouvais dans ce dépôt sacré [les
saintes Ecritures]. Ce fut une source de tristesse pour moi9.» Lorsque les convertis
commencèrent à se joindre d’abord à une Eglise puis à une autre, il vit que «les
bons sentiments apparents des prêtres et des convertis étaient plus prétendus que
réels, car il s’ensuivit une grande confusion et de mauvais sentiments, prêtre
luttant contre prêtre et converti contre converti; de telle sorte que tous les bons
sentiments qu’ils avaient les uns pour les autres, s’ils avaient jamais existé, se
perdirent tout à fait dans une querelle de mots et un combat d’opinions» (Joseph
Smith, Histoire, v. 6).
Il n’est pas difficile de s’imaginer l’effet que cet état de choses eut sur le jeune
esprit inquisiteur de Joseph. Les hommes mêmes qu’il croyait capables de lui
montrer le chemin menant à Dieu «comprenaient si différemment les mêmes
passages de l’Ecriture que cela faisait perdre toute confiance de régler la question
par un appel à la Bible» (v. 12). Il explique: «Au milieu de cette guerre de paroles
et de ce tumulte d’opinions, je me disais souvent: Que faut-il faire? Lequel de tous
ces partis a raison? Ou ont-ils tous tort? Si l’un d’eux a raison, lequel est-ce et
comment le saurai-je?» (v. 10).
Joseph Smith venait d’une famille croyante. Sa mère, une de ses soeurs et deux
de ses frères étaient devenus membres du culte presbytérien, mais cette confession
ne le satisfaisait pas. Toutefois, depuis son enfance, ses parents l’avaient instruit
dans la religion chrétienne. Une des Eglises existantes devait être la bonne, se
disait-il, mais laquelle? Dans sa recherche de l’Eglise correcte, il n’avait pas
l’intention de créer sa propre Eglise, et il ne lui était pas non plus venu à l’esprit
que la vérité n’était pas sur la terre. Il ne savait tout simplement pas où trouver la
vérité, mais, ayant été formé à croire aux Ecritures, il se tourna vers elles pour
obtenir sa réponse.
Comme beaucoup d’autres familles de la frontière, les Smith possédaient une
Bible. Les semences déposées par «de bons parents» avaient été entretenues par le
Saint-Esprit. Combien de jours et de nuits il médita, chercha et pria pour recevoir
la lumière, il ne nous le dit pas. Il ne nous dit pas non plus s’il s’ouvrit de ses
sentiments et de ses désirs secrets à sa famille. Ses années de préparation et son
temps, ses efforts et sa méditation furent récompensés. Il découvrit une solution
possible à son problème à l’âge de quatorze ans, tandis qu’il lisait dans la Bible: «Si
quelqu’un d’entre vous manque de sagesse, qu’il la demande à Dieu, qui donne à
tous simplement et sans reproche, et elle lui sera donnée» (Jacques 1:5).
32
LA PREMIÈRE VISION
Ce passage eut un effet profond sur Joseph. «Jamais aucun passage de l’Ecriture
ne toucha le coeur d’un homme avec plus de puissance que celui-ci ne toucha
alors le mien. Il me sembla qu’il pénétrait avec une grande force dans toutes les
fibres de mon coeur. J’y pensais constamment, sachant que si quelqu’un avait
besoin que Dieu lui donne la sagesse, c’était bien moi; car je ne savais que faire, et
à moins de recevoir plus de sagesse que je n’en avais alors, je ne le saurais jamais»
(Joseph Smith, Histoire, v. 12).
La Bible ne dit pas à Joseph quelle Eglise était la vraie, mais elle lui dit que la
prière pourrait résoudre son problème. Il réfléchit à cette idée.
«Enfin, j’en vins à la conclusion que je devais, ou bien rester dans les ténèbres et
la confusion, ou bien suivre le conseil de Jacques, c’est-à-dire demander à Dieu . . .
«Ainsi donc, mettant à exécution ma détermination de demander à Dieu, je me
retirai dans les bois pour tenter l’expérience. C’était le matin d’une belle et claire
journée du début du printemps de 1820» (vv. 13-14). C’était la première fois qu’il
essayait de prier à haute voix (voir v. 14).
Ce qui arriva ensuite mit Joseph Smith définitivement à part de ses
contemporains. Dieu, le Père éternel, et son Fils, Jésus-Christ, lui apparurent. On
utilise, pour décrire une vision de la Divinité, le mot théophanie. La Bible confirme
que les théophanies existent. A Peniel, Jacob se réjouit, disant: «J’ai vu Dieu face à
On ne connaît pas l’endroit exact où Joseph
Smith eut sa Première Vision. On pense que
l’endroit le plus vraisemblable est le bosquet
qui se trouve en face de la maison familiale.
face, et mon âme a été sauvée» (Genèse 32:30). Dieu parla avec Moïse «face à face,
comme un homme parle à son ami» (Exode 33:11; voir aussi Nombres 12:8). Et
Esaïe écrit: «Mes yeux ont vu le Roi, l’Eternel des armées» (Esaïe 6:5).
Dieu le Père et son Fils, Jésus-Christ, apparurent ensemble à Joseph Smith, qui
avait alors quatorze ans. Depuis la résurrection de Jésus-Christ, il n’y avait pas
encore eu une telle menace contre le royaume du diable. Il ne faut donc pas
s’étonner que Satan ait été présent ce matin-là.
Comme Moïse (voir Moïse 1:12-22), Joseph connut l’opposition directe de Satan:
«Après m’être retiré à l’endroit où je m’étais proposé, au préalable, de me rendre,
ayant regardé autour de moi et me voyant seul, je m’agenouillai et me mis à
exprimer le désir de mon coeur à Dieu. A peine avais-je commencé que je fus saisi
par une puissance qui me domina entièrement et qui eut une influence si
étonnante sur moi que ma langue fut liée, de sorte que je ne pouvais pas parler.
Des ténèbres épaisses m’environnèrent, et il me sembla un moment que j’étais
condamné à une destruction soudaine» (Joseph Smith, Histoire, v. 15).
Les forces des ténèbres étaient terribles, mais la délivrance vint d’une puissance
plus grande encore. Joseph mit toutes ses forces à demander à Dieu de le délivrer
de l’ennemi qui s’était emparé de lui. Voici comment il décrit l’événement:
«Au moment même où j’étais prêt à tomber dans le désespoir et à m’abandonner
à la destruction . . . , je vis, exactement au-dessus de ma tête, une colonne de
lumière, plus brillante que le soleil, descendre peu à peu jusqu’à tomber sur moi.
«A peine eut-elle apparu que je me sentis délivré de l’ennemi qui m’enserrait.
Quand la lumière se posa sur moi, je vis deux personnages dont l’éclat et la gloire
défient toute description, et qui se tenaient au-dessus de moi dans les airs. L’un
33
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
d’eux me parla, m’appelant par mon nom, et dit, me montrant l’autre: Celui-ci est
mon Fils bien-aimé. Ecoute-le! (vv. 16-17).
Satan et son pouvoir étaient bannis. A sa place se tenaient le Père et le Fils dans
leur gloire immortelle. Dès qu’il put parler, Joseph leur demanda laquelle des
sectes était la bonne et à laquelle il devait se joindre. Il rapporte:
«Il me fut répondu de ne me joindre à aucune, car elles étaient toutes dans
l’erreur; et le personnage qui me parlait dit que tous leurs credos étaient une
abomination à ses yeux; que ces docteurs étaient tous corrompus. Le personnage
ajouta: «Ils’approchent de moi des lèvres, mais leur coeur est loin de moi; ils
enseignent pour doctrines des commandements d’hommes, ayant une forme de
piété, mais ils en nient la puissance›.
«Il me défendit à nouveau de me joindre à aucune d’elles . . . Quand je revins à
moi, j’étais couché sur le dos, regardant au ciel» (vv. 19-20). Il était faible à cause de
la présence de la Divinité, et il lui fallut un certain temps avant de retrouver ses
forces et de rentrer chez lui.
Il fut profondément touché par la vision céleste. Outre qu’il avait reçu la réponse
à sa question sur le point de savoir quelle Eglise était la bonne, il lui avait été dit
que ses péchés lui étaient pardonnés10 et que «la plénitude de l’Evangile [lui serait]
révélée ultérieurement11». Les effets de cette expérience influencèrent le prophète
pendant toute sa vie. Des années plus tard, il conservait un souvenir vif de son
impact: «Mon âme était remplie d’amour et, pendant de nombreux jours,
j’éprouvai une grande joie, et le Seigneur était avec moi12.»
RÉACTIONS
À LA VISION DE
JOSEPH
Peu après son retour à la maison, sa mère, remarquant peut-être l’état
d’affaiblissement dans lequel il se trouvait, lui demanda ce qui se passait. Il
répondit: «Ce n’est rien, tout va bien, je ne me sens pas mal . . . J’ai appris
personnellement que le presbytérianisme n’est pas vrai» (Joseph Smith, Histoire,
v. 20). Joseph ne dit pas s’il en dit davantage à sa mère à ce moment-là. Il finit par
parler de sa théophanie à d’autres membres de la famille. Son frère William
affirme: «Nous avions la confiance la plus absolue en ce qu’il disait. C’était un
garçon sincère. Papa et maman le croyaient, pourquoi pas les enfants13?» Cet
événement capital répondait à la question de Joseph, mais ce ne fut pas le cas pour
d’autres. Il dit: «Je m’aperçus bientôt que le fait de raconter mon histoire m’avait
beaucoup nui auprès des professeurs de religion et était la cause d’une grande
persécution qui allait croissant» (Joseph Smith, Histoire, v. 22).
Un des premiers, en dehors de la famille, à entendre le récit de ce qui était arrivé
à Joseph, fut «un des prédicateurs méthodistes, qui était très actif dans l’agitation
religieuse mentionnée précédemment». Il croyait naïvement que le pasteur serait
heureux de cette grande nouvelle venue du ciel. Mais: «Je fus grandement surpris
de son attitude; il traita mon récit non seulement avec légèreté, mais aussi avec un
profond mépris, disant que tout cela était du diable, que les visions ou les
révélations, cela n’existait pas de nos jours, que toutes les choses de ce genre
avaient cessé avec les apôtres, et qu’il n’y en aurait jamais plus» (v. 21).
34
LA PREMIÈRE VISION
C’était une attitude courante dans le monde religieux. Il était impensable que le
Dieu Tout-Puissant condescende à se révéler en 1820 à un garçon de quatorze ans
de la façon dont il s’était révélé aux prophètes d’autrefois. L’expérience sacrée de
Joseph fut à l’origine de grandes persécutions. Il avait du mal à comprendre la
haine de ceux qui prétendaient être chrétiens. Comme il le dit: «[J’étais] un garçon
obscur de quatorze à quinze ans à peine, et . . . ma situation dans la vie [était] de
nature à faire de moi un garçon sans importance dans le monde, pourtant des
hommes haut placés me remarquèrent suffisamment pour exciter l’opinion
publique contre moi . . . ce fut souvent une cause de grand chagrin pour moi» (vv.
22-23). William Smith dit plus tard: «Nous n’avions pas le sentiment d’être de
mauvaises gens, jusqu’à ce que Joseph raconte sa vision. Nous étions considérés
comme respectables jusqu’à ce moment-là, mais immédiatement les gens se mirent
à faire circuler des mensonges et des histoires d’une manière étonnante14.»
Parce que l’expérience de Joseph Smith était quelque chose de réel, cela lui
permit de supporter les persécutions grandissantes. Il se compara à Paul, l’apôtre,
qui vit le Seigneur ressuscité et entendit sa voix. Très peu de gens le crurent, et
George Lane (1784-1859) était un pasteur
méthodiste qui vivait à l’époque de Joseph
Smith. La tradition familiale des Smith
rattache Lane au renouveau à Palmyra.
certains prétendirent même qu’il était malhonnête ou mentalement dérangé. Cela
ne changeait rien au fait que ce que Paul savait avoir vécu était réel. Joseph
déclare: «Il en était de même pour moi. J’avais réellement vu une lumière, et au
milieu de cette lumière, je vis deux Personnages, et ils me parlèrent réellement; et
quoique je fusse haï et persécuté pour avoir dit que j’avais eu cette vision,
cependant c’était la vérité» (Joseph Smith, Histoire, v. 25).
Joseph ressentait la même chose que l’enfant que l’on accuse et que l’on punit à
tort. Il dit: «Je fus amené à me dire en mon coeur: Pourquoi me persécutent-ils
parce que j’ai dit la vérité? J’ai réellement eu une vision, et qui suis-je pour résister
à Dieu? Et pourquoi le monde pense-t-il me faire renier ce que j’ai vraiment vu?
Car j’avais eu une vision, je le savais, et je savais que Dieu le savait, et je ne pouvais
le nier» (v. 25). Le nier l’aurait mis sous la condamnation, et il n’osait pas prendre
le risque d’offenser Dieu.
I M P O RTA N C E
DE LA
PREMIÈRE VISION
La Première Vision fut un événement crucial de l’origine du royaume de Dieu
sur la terre dans les derniers jours. Quoique sans instruction, Joseph Smith avait
appris de profondes vérités qui sont devenues le fondement de la foi des saints des
derniers jours. Il avait véritablement vu Dieu le Père et son Fils, Jésus-Christ, et
leur avait parlé. Il avait donc appris que la promesse faite dans Jacques est vraie.
Dieu répond aux prières sincères de ceux qui demandent et ne nous fait pas de
reproche. Pour Joseph, Dieu était devenu une réalité que l’on pouvait aborder, une
source vivante de vérité et un Père céleste aimant. La croyance de Joseph Smith en
l’existence de Dieu n’était plus une question de foi; elle était basée sur l’expérience
personnelle. Il était donc qualifié, comme l’apôtre Pierre, à être un témoin que
Dieu avait choisi et à qui il avait commandé de prêcher et de témoigner de JésusChrist (voir Actes 10:39-43). Il pouvait également témoigner que le Père et le Fils
étaient des êtres glorieux séparés et distincts et que l’homme est littéralement fait
à leur image.
35
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Il savait aussi maintenant que Satan existe, que c’est un être qui possède un
pouvoir redoutable et que c’est un ennemi décidé à détruire l’oeuvre de Dieu.
Satan échoua dans le Bosquet sacré, mais le conflit ne faisait que commencer.
Joseph allait mener beaucoup de combats contre cet adversaire de la justice avant
que son oeuvre ne fût terminée. De plus, la réponse faite par le Seigneur à sa
question de savoir quelle Eglise était vraie, constituait une accusation globale
contre le christianisme du dix-neuvième siècle, car aucune Eglise alors sur la terre
n’avait l’approbation divine. Tout comme il avait mis ses disciples en garde contre
le «levain» doctrinal des pharisiens et des sadducéens (voir Matthieu 16:6-12), de
même le Sauveur enseigna à Joseph Smith que les Eglises existantes enseignaient
«des commandements d’hommes» (Joseph Smith, Histoire, v. 19). Il ne devait donc
se joindre à aucune d’elles.
Joseph F. Smith, neveu du prophète et sixième président de l’Eglise, donne les
précisions suivantes sur l’importance de la Première Vision: «Le plus grand
événement qui se soit jamais produit dans le monde depuis la résurrection du Fils
de Dieu et son ascension au ciel a été l’apparition du Père et du Fils à ce jeune
Joseph Smith, pour préparer le chemin pour jeter les bases de son royaume—pas
le royaume de l’homme—qui ne cessera plus jamais et ne sera plus jamais
renversé. Ayant accepté cette vérité, je trouve qu’il est facile d’accepter toutes les
autres vérités qu’il a énoncées et proclamées pendant les quatorze années de sa
mission dans le monde15.»
NOTES
1. Spencer W. Kimball dans Conference
Report, avril 1977, p. 114 ou Ensign, mai
1977, p. 77.
9. «History of Joseph Smith By Himself»,
p. 2; Jessee, Personal Writings of Joseph Smith,
p. 5.
2. Voir Lucy Mack Smith, History of Joseph
Smith, éd. Preston Nibley, Salt Lake City,
Bookcraft, 1958, pp. 63-64.
10. Voir «History of Joseph Smith By
Himself», p. 3; Jessee, Personal Writings of
Joseph Smith, p. 6.
3. “History of Joseph Smith By Himself ”,
1832 (écrit à Kirtland [Ohio] entre le 20
juillet et le 27 novembre 1832), département
d’histoire de l’Eglise, Salt Lake City, p. 1;
voir aussi Dean C. Jessee, éditeur, The
Personal Writings of Joseph Smith, Salt Lake
City, Deseret Book Co., 1984, p. 4 (contient
la reproduction de tous les écrits
holographiques connus de Joseph Smith).
11. History of the Church, 4:536. Cette
déclaration fait partie d’une réponse écrite
par Joseph Smith à John C. Wentworth,
rédacteur du Chicago Democrat. M.
Wentworth avait écrit au nom d’un de ses
amis, M. Bastow (son nom réel était George
Barstow), qui écrivait une histoire du New
Hampshire et souhaitait y inclure «des
informations correctes» concernant l’origine
et l’évolution de l’Eglise de Jésus-Christ des
Saints des Derniers Jours.
4. «History of Joseph Smith By Himself»,
p. 1; Jessee, Personal Writings of Joseph Smith,
p. 4.
5. Voir Milton V. Backman, Jr, Joseph Smith’s
First Vision, 2e édition, Salt Lake City,
Bookcraft, 1980, pp. 72-74.
6. Smith, History of Joseph Smith, p. 68.
7. «History of Joseph Smith By Himself»,
pp. 1-2; Jessee, Personal Writings of Joseph
Smith, pp. 4-5.
8. Joseph Smith, «History A-1», novembre
1835, département d’histoire de l’Eglise, Salt
Lake City, p. 120.
36
12. «History of Joseph Smith By Himself»,
p. 3; Jessee, Personal Writings of Joseph Smith,
p. 6.
13. Dans J.W. Peterson, «Another Testimony,
Statement of William Smith, Concerning
Joseph the Prophet», Deseret Evening News,
20 janvier 1894, p. 11.
14. Dans Peterson, «Another Testimony»,
p. 11.
15. Joseph F. Smith, Doctrine de l’Evangile,
p. 416.
CHAPITRE QUATRE
UNE PÉRIODE
1823-29
Ligne du temps
Date
Evénement important
21-22 sept.
1823
Premières apparitions de
Moroni à Joseph Smith
1824-27
Les quatre visites annuelles de
Joseph Smith à Cumorah
D E P R É PA R AT I O N ,
L
ORSQUE JOSEPH SMITH sortit du Bosquet en ce beau matin de
printemps de 1820, il n’allait plus jamais être comme avant. Il savait que le
Père et le Fils étaient vivants, et il allait témoigner de cette vérité pendant
toute sa vie. Ce ne fut toutefois que trois ans après avoir eu sa grande vision de
19 nov. 1823 Décès d’Alvin Smith
Dieu qu’il reçut d’autres instructions concernant l’oeuvre importante à laquelle il
Oct. 1825
avait été appelé.
Joseph travaille pour Josiah
Stowel et rencontre Emma
Hale
18 janv. 1827 Mariage de Joseph Smith, fils,
et d’Emma Hale
22 sept. 1827 Les plaques sacrées sont
confiées à Joseph
Février 1828
Martin Harris rend visite à
Charles Anthon à New York
Au cours de cette période, Joseph traversa l’adolescence, époque au cours de
laquelle des enseignants compréhensifs et des concitoyens sympathiques auraient
pu le fortifier. Mais Joseph avait reçu peu d’instruction et, comme nous l’avons vu,
son témoignage suscitait l’hostilité. Même des amis en qui il avait confiance
se détournèrent de lui; néanmoins il avait constamment le soutien aimant de
Févr.-juin 1828 Traduction des 116 premières
pages du Livre de Mormon;
perte du manuscrit
sa famille.
Sept. 1828
d’erreurs insensées et [manifesta] les faiblesses de la jeunesse» (Joseph Smith,
Le don de traduire est rendu à
Joseph
Il reconnut qu’au cours de cette période, il tomba «fréquemment dans beaucoup
Histoire, v. 28). Son «tempérament naturellement jovial» était une des raisons,
selon lui, pour lesquelles il lui arrivait de tenir «joyeuse compagnie» et de se
rendre «coupable de légèreté», ce qu’il considérait ne pas convenir à la réputation
que devait entretenir quelqu’un qui avait été appelé par Dieu (voir v. 28).
Néanmoins, il ne se rendit pas «coupable de péchés graves ou capitaux» (v. 28).
Selon sa mère, il ne se passa pas grand-chose d’important pendant cette période.
Joseph travaillait comme d’habitude avec son père à la ferme familiale, travaillant
dans les champs, abattant des arbres ou recueillant du sucre d’érable; il lui arrivait
de faire des travaux occasionnels comme creuser les fondations d’un bâtiment ou
travailler dans les champs de maïs pour Martin Harris. Cet intervalle de trois ans
donna au jeune Joseph le temps de grandir, de mûrir, d’acquérir de l’expérience et
de mieux se former.
Les recherches archéologiques effectuées
pendant l’été de 1982 confirment
l’emplacement de la maison de rondins
signalée dans un relevé des rues de 1820.
Bien qu’au cours des années les fondations,
peu profondes, aient été détruites par les
charrues, les archéologues ont découvert
trois endroits en dessous de la zone de
labour, avec un puits et une cave peu
profonde dans laquelle on a trouvé de
nombreux objets de la période1.
C’est pendant que la famille Smith vivait
dans la maison de rondins que Joseph Smith
reçut sa Première Vision en 1820. En
septembre 1823, l’ange Moroni apparut à
Joseph dans cette maison.
PREMIÈRE
A P PA R I T I O N D E
MORONI
En 1822, Joseph commença à aider son frère aîné Alvin à construire une nouvelle
maison de bois pour la famille. En septembre 1823, elle avait un étage mais pas
encore de toit. La famille continua à vivre dans sa petite maison de rondins.
C’est là, le soir du dimanche 21 septembre 1823, que Joseph, dix-sept ans, alla
se coucher. Préoccupé par sa situation face au Seigneur, il pria avec ferveur
pour obtenir le pardon de ses péchés. Il avait l’assurance qu’il recevrait de
nouveau une manifestation divine. Tout à coup, sa chambre se remplit de lumière
et un messager céleste se tint à son chevet, accomplissant en partie la grande
37
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
En 1818-19, la famille Smith avait entrepris
des négociations pour acheter environ
quarante hectares dans le township de
Farmington (plus tard Manchester), et elle
commença à construire une petite maison de
rondins (d’environ 7 m sur 9) qu’elle termina
en 1818-19. Les Smith vécurent dans la
maison de rondins jusqu’en 1825. A ce
moment-là, ils construisirent une maison
plus grande et plus belle où ils vécurent
jusqu’en 1829.
Les difficultés financières causèrent la
perte de la maison, de sorte qu’ils
retournèrent vivre dans la maison de rondins.
En 1830 Joseph Smith, père, installa le reste
de sa famille dans le village de Waterloo
(comté de Seneca, New York)2.
prophétie de Jean l’apôtre (voir Apocalypse 14:6-7). Joseph décrit cet être
ressuscité comme suit:
«Il était vêtu d’une tunique ample de la plus exquise blancheur, d’une blancheur
qui surpassait celle de toutes les choses terrestres que j’avais vues et je ne crois pas
que quoi que ce soit de terrestre puisse être rendu aussi extraordinairement blanc
et brillant. Ses mains étaient nues, ses bras aussi, un peu au-dessus des poignets;
ses pieds étaient nus et ses jambes aussi, un peu au-dessus des chevilles. Sa tête et
son cou étaient nus aussi. Je pus découvrir qu’il n’avait d’autre vêtement que cette
tunique, celle-ci étant ouverte, de sorte que je pouvais voir son sein.
«Non seulement sa tunique était extrêmement blanche, mais toute sa personne
était glorieuse au-delà de toute description, et son visage était véritablement
Colline de Cumorah—5 km
Ligne frontière nord de la ferme
des Smith, limite des townships
(arrondissements) de Palmyra et
de Manchester et frontière entre
les comtés de Wayne et d’Ontario
1. Maison de rondins
2. Petite grange
3. Maison de bois
4. Grange
5. Atelier de tonnelier
Clôture de pierre
Verger (pêchers)
Cultures
➌
Palmyra—3 km au nord
➋
➊
Verger (pommiers)
Potager
Potager
➎
Route de Stafford
➍
Pré
Pont
Crooked
creek (ruisseau)
Pré
Cultures
Cultures
Clôture en treillage
Nord
Bosquet Sacré
Ferme de 40 ha de Joseph Smith, père
38
Clôture
de
pierre
UNE PÉRIODE DE PRÉPARATION, 1823-29
comme l’éclair. La chambre était extraordinairement claire, mais pas aussi brillante
que dans le voisinage immédiat de sa personne. D’abord je fus effrayé de le voir,
mais la crainte me quitta bientôt» (Joseh Smith, Histoire, vv. 31-32).
Le messager se présenta comme étant Moroni, prophète qui avait vécu sur le
continent américain. En sa qualité de détenteur des clefs du «bois d’Ephraïm» (voir
D&A 27:5), Moroni venait au moment prévu révéler l’existence d’annales écrites sur
des plaques d’or, qui étaient restées cachées dans le sol pendant quatorze siècles.
C’était «l’histoire des anciens habitants de ce continent . . . Il dit aussi que la plénitude
de l’Evangile éternel y était contenue, telle qu’elle avait été donnée par le Sauveur à
ces anciens habitants» (Joseph Smith, Histoire, v. 34). Joseph devait traduire les
Heber J. Grant, président de l’Eglise,
présida une réunion organisée le 23
septembre 1923 dans le Bosquet sacré pour
commémorer le 100e anniversaire de
l’apparition de Moroni.
De gauche à droite, Joseph Fielding Smith,
Rudger Clawson, le président Grant, Augusta
W. Grant, James E. Talmage et Brigham H.
Roberts, président de la mission des Etats
de l’Est.
annales et les publier; à cause de cela et d’autres choses qu’il serait appelé à faire, son
nom serait connu en bien et en mal parmi tous les peuples (voir v. 33).
Moroni mentionna plusieurs passages de la Bible, citant des prophètes tels que
Malachie, Esaïe, Joël et Pierre concernant les préparatifs à faire dans les derniers
jours pour le règne millénaire du Christ. C’est ainsi que commença la formation
évangélique de Joseph Smith par Moroni.
Le message de Moroni et la nécessité d’en pénétrer l’esprit du jeune prophète
étaient si importants que Moroni revint encore deux fois cette nuit-là et répéta les
mêmes instructions, ajoutant chaque fois d’autres informations. Au cours du
premier «entretien», Joseph eut la vision de l’emplacement des plaques (voir v. 42).
Elles étaient enterrées sur le flanc d’une colline à environ cinq kilomètres de chez
lui. Lors de la seconde visite, il lui annonça que «de grands jugements venaient sur
la terre» (voir v. 45). A la fin de la troisième visite, il l’avertit que Satan essayerait
de le tenter d’obtenir les plaques pour leur valeur temporelle à cause de la
pauvreté de sa famille. Il lui dit qu’il ne devait se procurer les plaques que dans un
seul but, glorifier Dieu. Il n’y avait qu’un seul motif qui devait l’influencer, c’était
l’édification du royaume de Dieu (voir v. 46). Les événements ultérieurs apprirent
au prophète pourquoi Moroni lui avait donné de tels avertissements et de telles
Church Street
directives. Ses entretiens avec Moroni occupèrent la plus grande partie de la nuit,
Maison de Martin Harris
Tombe d’Alvin Smith
Village de Macedon
Le prophète y creusa
un puits
car à la fin de la troisième visite, il entendit le coq chanter. Effectivement un jour
nouveau de lumière spirituelle était sur le point de se lever. Esaïe parla de cette
Tombe de Calvin
Stoddard
époque en disant que ce serait un moment où il y aurait «des prodiges et des
Village de Palmyra
miracles» (Esaïe 29:14).
Route 31
Maison de
Joseph Smith
Ferme de Willard Chase
Bosquet sacré
Etang de la scierie de
Russell Stoddard (lieu
des premiers baptêmes)
Maison d’Orrin Porter Rockwell
Colline de Cumorah
Stafford Street
Village de
Manchester
nd
aigua
Maison de Jerusha
Barden dans ces
environs
an
a
Rou
te
de
C
Canandaigua
Région de Palmyra et de la colline de
Cumorah
Vienna
(maintenant
Phelps)
PREMIÈRE
VISITE À
CUMORAH
Ce matin-là, Joseph se rendit comme d’habitude au travail des champs avec son
père et ses frères. Le manque de sommeil et le fait d’avoir été la plus grande partie
de la nuit en la présence d’un être glorifié et ressuscité l’avaient affaibli, de sorte
qu’il eut du mal à travailler. Remarquant l’état dans lequel se trouvait son fils et le
croyant malade, son père lui dit de rentrer à la maison. Sur le chemin du retour,
Joseph s’évanouit. Puis il entendit quelqu’un l’appeler par son nom. Quand il
revint à lui, il trouva de nouveau, à sa grande surprise, Moroni devant lui3. Celuici lui répéta alors le même message qu’il lui avait déjà donné et lui commanda en
outre d’informer son père de la vision et des commandements qu’il avait reçus.
39
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
La colline de Cumorah est un drumlin
(moraine de fond), une longue colline aux
flancs escarpés et à l’extrémité en pente
formée lors de l’avance d’un glacier
continental. Les drumlins de cette région sont
orientés du nord au sud. Oliver Cowdery, qui
se rendit à la colline en 1830, la décrit
comme suit:
«L’extrémité nord jaillissait tout d’un coup
de la plaine, formant un promontoire
dépourvu d’arbres, mais couvert d’herbe. En
se dirigeant vers le sud, on ne tardait pas à
arriver à des arbres épars, la surface ayant
été débarrassée soit par l’homme, soit par le
vent; et un peu plus à gauche, on était
entouré par la forêt ordinaire à la région . . .
C’est au deuxième endroit mentionné que les
annales furent découvertes, du côté ouest de
la colline, non loin du sommet4.»
Joseph fit demi-tour et raconta toute l’affaire à son père, lequel l’assura que cela
venait de Dieu et lui dit de faire ce qui lui avait été commandé. Joseph raconte: «Je
quittai le champ pour me rendre au lieu où le messager m’avait dit que les plaques
se trouvaient; et grâce à la netteté de la vision que j’avais eue à son sujet, je
reconnus l’endroit dès que j’y arrivai» (Joseph Smith, Histoire, v. 50). Près du
sommet de la colline, il trouva une grosse pierre, «épaisse et arrondie au milieu de
la face supérieure et plus mince vers les bords» (v. 51). C’était le couvercle d’un
coffre de pierre. On s’imagine sans peine l’excitation avec laquelle il ouvrit le
coffre. Alors apparurent, après y être restées cachées pendant des siècles, les
plaques, l’urim et le thummim et le pectoral, comme Moroni l’avait expliqué.
«On avait formé la boîte qui les renfermait en assemblant des pierres dans une
sorte de ciment. Au fond de la boîte, deux pierres étaient posées en travers et
sur ces pierres se trouvaient les plaques et les autres objets» (Joseph Smith,
Histoire, v. 52).
Pendant qu’il était dans cette vie, Moroni avait prophétisé qu’on ne pourrait
pas utiliser les plaques pour le gain temporel à cause du commandement de
Dieu, mais qu’elles auraient un jour une grande valeur pour les générations
futures, parce que cela leur permettrait d’accéder à la connaisance de Dieu
(Mormon 8: 14 15).
Tandis qu’il s’approchait de la colline de Cumorah, Joseph pensait à la pauvreté
de sa famille et à la possibilité que les plaques ou la popularité de la traduction
produiraient suffisamment de richesse pour «l’élever au-dessus du niveau de vie
habituel de ses semblables et sortiraient sa famille de la pauvreté5». Lorsqu’il
voulut prendre les plaques, il reçut un choc, ce qui l’empêcha de les sortir du
coffre. Il essaya encore deux fois et fut repoussé. Contrarié, il s’écria: «Pourquoi ne
puis-je pas prendre ce livre?» Moroni lui apparut et lui dit que c’était parce qu’il
n’avait pas gardé les commandements mais avait cédé à la tentation de Satan
d’obtenir les plaques pour acquérir la richesse plutôt que d’avoir le regard fixé
uniquement sur la gloire de Dieu comme cela lui avait été commandé6.
40
UNE PÉRIODE DE PRÉPARATION, 1823-29
Repentant, Joseph invoqua humblement le Seigneur et fut rempli de l’Esprit.
Une vision s’ouvrit à lui, et la «gloire du Seigneur brilla tout autour de lui et reposa
sur lui . . . Il vit le Prince des ténèbres . . . le messager céleste [Moroni] dit: ‹Tout ceci
t’est montré, le bien et le mal, le saint et l’impur, la gloire de Dieu et le pouvoir des
ténèbres, afin que tu reconnaisses dorénavant les deux puissances et ne te laisses
jamais influencer ou vaincre par le Malin.› . . . Tu vois maintenant pourquoi tu n’as
pas pu prendre ce livre; que le commandement était strict, et que si jamais on doit
se procurer ces objets sacrés, il faut qu’on le fasse par la prière et la fidélité à obéir
au Seigneur. Ils ne sont pas cachés ici pour accumuler du gain et de la richesse
pour la gloire de ce monde: ils sont scellés par la prière de la foi et, à cause de la
connaissance qu’elles contiennent, elles n’ont d’autre valeur que cette
connaissance pour les enfants des hommes7.» Moroni conclut en avertissant
Joseph qu’il ne lui serait permis d’obtenir les plaques «que lorsqu’il aurait appris à
garder les commandements de Dieu: non seulement quand il y serait disposé mais
aussi capable de le faire . . .
“Le soir suivant, lorsque la famille fut réunie, Joseph l’informa de tout ce qu’il
avait communiqué à son père dans les champs et raconta aussi la découverte des
annales, ainsi que ce qui s’était passé entre l’ange et lui tandis qu’il était à l’endroit
où les plaques étaient déposées8.”
SUITE
D E L A P R É PA R AT I O N D E
JOSEPH
L’oeuvre monumentale qu’allait être la publication du Livre de Mormon fut
prédite par les prophètes d’autrefois (voir Esaïe 29, Ezéchiel 37:15-20, Moïse 7:62).
Une oeuvre d’une telle ampleur nécessitait une préparation soigneuse. Dans ce
cas, il a fallu quatre ans de formation. Pendant ce temps-là, Joseph rencontra
annuellement Moroni à la colline de Cumorah pour recevoir des instructions en
vue de la réception des plaques. D’autres prophètes néphites, pour qui la parution
du Livre de Mormon était d’un intérêt capital, jouèrent également un rôle
important dans la préparation de Joseph. Néphi, Alma, les douze apôtres choisis
par le Sauveur en Amérique et Mormon instruisirent tous Joseph9. Pendant cette
période, son instruction fut intensive.
Lucy, sa mère, décrit ainsi leurs conversations du soir: «Joseph nous faisait de
temps en temps les descriptions les plus amusantes que l’on puisse imaginer. Il
décrivait les anciens habitants de ce continent, leur habillement, leur façon de
voyager et les animaux qu’ils chevauchaient; leurs villes, leurs bâtiments, dans
tous les détails; leur façon de faire la guerre et aussi leur culte religieux. Il le faisait
avec autant d’aise, semblait-il, que s’il avait passé toute sa vie parmi eux10.»
EVÉNEMENTS
INTERMÉDIAIRES
Entre la première apparition de Moroni et le moment où Joseph reçut les
plaques, plusieurs événements importants se produisirent dans sa vie. En
Pierre tombale d’Alvin Smith. «En souvenir
d’Alvin, fils de Joseph et de Lucy Smith,
décédé le 19 novembre 1823, dans la vingtcinquième année de sa vie.»
novembre 1823, une tragédie frappa la maison des Smith. Alvin, frère aîné de
Joseph, tomba malade; Joseph Smith, père, ne put trouver le médecin de famille.
Celui qui finit par venir administra du calomel (du chlorure de mercure), laxatif
41
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Il y a environ deux cent dix kilomètres entre
la ferme des Smith à Palmyra et Harmony
(Pennsylvanie).
qu’on utilisait à l’époque comme
remède à beaucoup de maux.
Waterloo
Peter Whitmer
Farm
Cayuga
Fayette
Lake
Cayuga
County
To
Palmyra
Onondaga
County
Seneca
County
Mais le médicament se fixa dans
Madison
County
l’estomac d’Alvin, causant une
souffance encore plus grande. Il
Cortland
County
mourut le 19 novembre 1823
Chenango
County
après quatre jours de maladie.
Ithaca
Chemung
County
New York
Pennsylvania
Tioga
County
r
e
v
quehanna R
Sus
i
Schuyler
County
South
Bainbridge
Tompkins
County
Colesville
Broome
County
Joseph Smith
and Isaac Hale
Homes
C’était un jeune homme loyal et
sérieux, et Joseph l’idolâtrait. Il
Village of
Harmony
Harmony
voyait en lui quelqu’un en qui il
n’y avait pas de fraude, qui
menait une vie droite. Alvin aussi
aimait Joseph et s’intéressait
beaucoup aux annales sacrées.
Sur le point de mourir, il recommanda à Joseph: «Je tiens à ce que tu sois un bon
garçon et à ce que tu fasses tout ce qui est en ton pouvoir pour obtenir les annales.
Sois fidèle à recevoir tes instructions et à garder tous les commandements qui te
sont donnés11.» Joseph apprit par révélation, des années plus tard, qu’Alvin était
héritier du royaume céleste (voir D&A 137:1-6).
Après la mort d’Alvin, les Smith connurent des difficultés économiques. Joseph
et ses frères s’engageaient à la journée pour tous les travaux qu’on voulait leur
donner. La chasse au trésor était à l’époque la grande mode aux Etats-Unis. En
octobre 1825, Josiah Stowell, de South Bainbridge (New York), fermier, propriétaire
d’une scierie et diacre dans l’Eglise presbytérienne, vint trouver Joseph pour lui
demander de l’aider dans une entreprise de ce genre. Stowell avait de la famille à
Publié avec la permission de l'Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours réorganisée
Palmyra et avait probablement entendu parler de Joseh par elle. Il était à la
recherche d’une mine d’argent légendaire perdue que l’on pensait que les
Espagnols avaient ouverte dans le nord de la Pennsylvanie. Stowell comptait
parmi les nombreux hommes honorables et riches de son temps qui étaient
convaincus que des trésors étaient ensevelis dans divers endroits de l’Amérique et
qui consacraient de l’argent et des efforts à les rechercher. Il avait entendu dire que
Joseph était capable de discerner les choses invisibles et il voulait son aide pour
son projet. Le prophète était réticent, mais Stowell insista, et comme la famille de
Joseph était dans le besoin, son père et lui, ainsi que d’autres voisins, acceptèrent
d’y aller. Ce fut une décision qui allait avoir une grande importance dans la vie de
Joseph et l’avenir de l’Eglise.
Joseph et ses compagnons logeaient chez Isaac Hale dans le township
(arrondissement) de Harmony, en Pennsylvanie. Le village de Harmony était à
plusieurs kilomètres de là à un endroit où une courbe de la Susquehanna
s’enfonce dans le nord-est de la Pennsylvanie, non loin de l’endroit où la mine
Emma Hale était la septième de neuf
enfants. «Emma était une belle grande jeune
femme avec de beaux traits. Elle avait le teint
bronzé, les yeux bruns et les cheveux noirs et
avait une beauté royale très particulière de
corps et d’esprit12.»
42
était censée s’être trouvée. Tandis qu’il logeait chez les Hale, Joseph fut attiré par
Emma, la fille aux cheveux noirs d’Isaac. Elle était aussi attirée vers lui, bien
qu’étant son aînée d’un an et demi. Mais le père d’Emma était opposé à l’idylle
naissante, car il détestait les chasses au trésor et méprisait Joseph à cause de son
UNE PÉRIODE DE PRÉPARATION, 1823-29
manque d’instruction. Sa fille, femme cultivée, était institutrice, et il voulait
quelque chose de mieux pour elle. Entre-temps, la recherche de la mine d’argent
se révéla stérile. Au bout de près d’un mois de travail, Joseph réussit à persuader
Josiah Stowell que ses efforts étaient vains, et la recherche de la mine de Harmony
fut abandonnée.
Depuis cet épisode, les détracteurs de Joseph Smith utilisent ce qu’ils appellent
ses activités de chercheur de trésors pour attaquer son honorabilité, remettre en
question ses mobiles et jeter le doute sur la validité de l’Eglise qu’il a organisée. La
Maison du Squire Tarbell. Joseph et Emma
furent mariés le 18 janvier 1827 à South
Bainbridge (plus tard Afton), comté de
Chenango (New York) par Zachariah Tarbell.
La maison a été détruite.
meilleure manière de comprendre les circonstances, c’est de les situer dans le
contexte du temps et du lieu. En Nouvelle-Angleterre et dans l’ouest de l’Etat de
New York, ces activités n’étaient pas considérées avec réprobation comme elles
commencèrent à l’être plus tard. Des années plus tard, Joseph reconnut
franchement avoir participé à l’entreprise mais fit observer qu’elle était sans
importance13.
Tandis qu’il travaillait dans les régions frontières de New York et de
Pennsylvanie, Joseph eut un autre contact qui devint important pour lui et pour la
jeune Eglise à New York. Joseph Knight, père, ami de Josiah Stowell, était un
modeste fermier et meunier qui vivait à Colesville (comté de Broome, New York).
Joseph Smith travailla aussi un certain temps pour lui et, ce faisant, se lia d’une
grande amitié avec lui et avec ses fils, Joseph fils, et Newel. Ils acceptèrent le
témoignage du jeune prophète lorsqu’il leur raconta ses expériences sacrées.
Tout en travaillant pour Josiah Stowell et Joseph Knight, père, et en rendant
visite à sa famille à Manchester, Joseph continua à fréquenter Emma Hale. Etant
donné l’opposition farouche du père de celle-ci au mariage, Joseph et Emma
partirent ensemble. Ils furent mariés, le 18 janvier 1827, par un juge de paix à
South Bainbridge (New York). Immédiatement après, il installa sa jeune épouse
dans la maison familiale de Manchester, où il passa l’été suivant aux travaux de la
ferme avec son père. Emma fut bien reçue par la famille de Joseph, et des liens
étroits se formèrent entre elle et Lucy Mack Smith.
LES
PLAQUES CONFIÉES À
JOSEPH
On ne sait pas grand-chose des entretiens de Joseph avec Moroni entre 1824 et
1827, mais un certain temps avant l’automne 1827, Joseph rentra un soir chez lui
plus tard que d’habitude. Sa famille était inquiète, mais il lui dit qu’il avait été
retardé parce qu’il venait de recevoir une sévère réprimande de Moroni. Il dit:
«Alors que je passais devant la colline de Cumorah, l’ange m’aborda et me dit que
je ne m’étais pas suffisamment engagé dans l’oeuvre du Seigneur, que le moment
était venu de faire paraître le livre et que je devais m’activer et me mettre à
l’oeuvre et commencer à faire ce que le Seigneur me commandait de faire14..»
Beaucoup de choses avaient dû se passer pendant les quatre années de
préparation de Joseph. Il avait traversé l’adolescence quasiment sans être
influencé par les préceptes des hommes. Il bénéficiait du soutien émotionnel de sa
famille, et il avait assumé les responsabilités du mariage. Des anges l’avaient
préparé à traduire des annales d’inspiration divine et lui avaient enseigné la
43
Publié avec la permission de l'Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours réorganisée
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Moroni remet les plaques, par L. A. Ramsey
nécessité de la maîtrise de soi et de l’obéissance. Il était certainement vivement
désireux de commencer à traduire le Livre de Mormon. A cette époque, Joseph
Knight et Josiah Stowell étaient en visite à Manchester chez les Smith. Peut-être
était-ce en vue de la réception des plaques par Joseph.
Le 22 septembre 1827, longtemps avant le lever du soleil, Joseph et sa femme
Coffre de bois dans lequel le prophète
cacha les plaques. Les dimensions
intérieures sont de 35 x 40 cm. La profondeur
est de 16 cm et se réduit au fond à 4 cm. Le
bois a une épaisseur de 2 cm.
Le couvercle et le fond sont en noyer, les
côtés sont en peuplier. Le coffre était utilisé
comme pupitre portatif, ce qui explique la
pente supérieure.
Il appartient à Eldred G. Smith, patriarche
de l’Eglise.
attelèrent le cheval de Joseph Knight au chariot à suspension de Josiah Stowell et
firent les cinq kilomètres jusqu’à la colline de Cumorah. Laissant Emma au bas de
la colline, Joseph monta vers son entretien final avec Moroni. Celui-ci lui remit les
plaques, l’urim et le thummim et le pectoral. Il lui donna aussi un avertissement et
lui fit une promesse concernant ses responsabilités. Joseph avait maintenant la
responsabilité de ces objets sacrés, et s’il était insouciant ou négligent et les perdait,
il serait retranché. D’un autre côté, il fut assuré que s’il faisait tous ses efforts pour
les protéger jusqu’à ce que Moroni revienne les chercher, ils seraient protégés (voir
Joseph Smith, Histoire, v. 59).
Pour la première fois, en plus de quatorze cents ans, les précieuses annales
étaient confiées à un mortel. Joseph cacha soigneusement les plaques dans un
44
UNE PÉRIODE DE PRÉPARATION, 1823-29
tronc creux près de chez lui. Les amis du prophète n’étaient pas les seuls à
attendre patiemment qu’il reçoive les plaques. D’autres personnes dans le
voisinage avaient appris que Joseph allait rapporter chez lui de précieuses plaques
de métal. Certaines d’entre elles avaient peut-être également participé à la
recherche de la mine d’argent et estimaient maintenant avoir droit à une part dans
n’importe quel trésor. Joseph ne tarda pas apprendre pourquoi Moroni lui avait
donné le commandement strict de protéger les plaques. «On eut recours à tous les
stratagèmes qui se peuvent inventer» pour les lui enlever (v. 60). Par exemple,
Willard Chase, fermier du voisinage, ainsi que d’autres chercheurs de trésors,
firent venir une sorcière pour trouver l’endroit où les plaques étaient cachées.
Quand les Smith furent mis au courant du complot, ils envoyèrent Emma chercher
Joseph, qui travaillait à Macedon, à quelques kilomètres à l’ouest de Palmyra. Il
revint immédiatement et récupéra les plaques. Après les avoir enveloppées dans
un sarreau, il se mit en route dans les bois, pensant qu’il serait plus en sécurité que
A l’exception de Joseph Smith, personne
n’a joué un rôle plus diversifié dans la
parution du Livre de Mormon que Martin
Harris. Il apporta son soutien financier pour
que le prophète puisse déménager de
Manchester (New York) à Harmony
(Pennsylvanie) en décembre 1827,
contribuant à accomplir une antique
prophétie (voir Esaïe 29:11-12). Il agit
également comme secrétaire, devint témoin
de la parution du Livre de Mormon, aida
financièrement à sa publication et témoigna
de la véracité du Livre pendant toute sa vie.
s’il allait par la route. Mais juste au moment où il sautait par-dessus un tronc
d’arbre, il fut frappé par derrière avec un fusil. Mais il put se débarrasser de son
assaillant et fuir. Moins d’un kilomètre plus loin, il fut de nouveau assailli mais
réussit à s’enfuir, et avant d’arriver chez lui, il fut accosté une troisième fois. Sa
mère dit que quand il atteignit la maison, il était «absolument sans voix à cause de
la peur et de la fatigue de la course15».
Les efforts pour voler les plaques s’intensifièrent, mais la promesse de Moroni
s’accomplit, elle aussi, et elles furent protégées. Joseph les ôtait souvent de leur
cachette quelques minutes à peine avant que les chercheurs de trésors n’arrivent.
Une fois il les cacha sous le socle de l’âtre de sa maison. Un important groupe
d’hommes se rassembla devant la maison mais se dispersa lorsque Joseph et ses
frères firent mine de contre-attaquer en faisant une sortie par la porte du devant,
criant et hurlant comme si une grande troupe d’hommes les aidait. Joseph cacha
ensuite le coffre sous le plancher de l’atelier de tonnelier à la ferme des Smith, mais
il fut poussé à cacher les annales elles-mêmes sous le lin dans le grenier. Cette nuitlà ses ennemis arrachèrent le plancher de l’atelier de tonnelier, mais les plaques
restèrent en sécurité.
ACCOMPLISSEMENT
Cette antique prophétie d’Esaïe intrigue
depuis des générations ceux qui étudient la
Bible. Martin Harris et Joseph Smith la
voyaient en relation avec le Livre de Mormon.
Cela fut confirmé par une version augmentée
de la prophétie d’Esaïe dans 2 Néphi 27.
D E L A P R O P H É T I E D ’E S A Ï E
Pendant cette période, la vie de Joseph était en danger; il décida donc de
ramener Emma à Harmony où il espérait commencer la traduction en paix. Avant
leur départ, Martin Harris, citoyen éminent de Palmyra, qui allait jouer plus tard
un grand rôle dans le “rétablissement”, se présenta et proposa son aide. C’était un
tisserand, homme d’affaires et fermier prospère, qui avait rencontré les Smith lors
de leur installation à Palmyra et avait, au cours des années, engagé divers
membres de la famille à travailler pour lui. Il fournit de l’argent pour que Joseph
et Emma puissent liquider leurs dettes et leur remit aussi cinquante dollars pour
leur voyage. Les plaques cachées dans un tonneau de haricots au fond du chariot,
ils quittèrent la ville par une journée d’hiver en décembre 1827 pour Harmony. Ils
avaient précédemment pris les dispositions pour loger temporairement chez les
parents d’Emma.
45
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Après un bref séjour chez les Hale, le couple acheta une maison à Jesse, frère
aîné d’Emma. C’était une petite maison d’un étage sur un terrain de cinq hectares
au bord de la Susquehanna. Pour la première fois depuis des semaines, Joseph
pouvait travailler dans une paix relative. Entre décembre 1827 et février 1828, il
copia un grand nombre de caractères des plaques et en traduisit certains en
utilisant l’urim et le thummim. Dans les premiers stades du travail, il consacra
beaucoup de temps et d’efforts à se familiariser avec la langue des plaques et à
apprendre à traduire.
Selon les dispositions prises précédemment, Martin Harris rendit visite, à un
certain moment de février 1828, à Joseph à Harmony. Entre-temps le Seigneur
avait préparé Martin à aider Joseph dans sa mission. Selon son propre témoignage,
Martin reçut du Seigneur, en 1818, l’ordre de ne se joindre à aucune Eglise tant que
les paroles d’Esaïe n’étaient pas accomplies. Quelque temps plus tard, il lui fut
révélé que le Seigneur avait une oeuvre pour lui. En 1827, plusieurs manifestations
Samuel Latham Mitchill (1764-1831) naquit
à Long Island (New York). Il remplit des
fonctions dans le gouvernement de l’Etat et à
la Chambre des représentants et au Sénat
des Etats-Unis. Il était connu pour son oeuvre
d’historien, linguiste, ichtyologue, botaniste,
géologue, rédacteur, chimiste, physicien et
chirurgien.
le convainquirent que Joseph Smith était un prophète et qu’il devait l’aider à faire
paraître le Livre de Mormon dans notre génération. Par conséquent, il se rendit à
Harmony pour se procurer un exemplaire de quelques-uns des caractères des
plaques pour les montrer à plusieurs linguistes de renom de l’époque, ce qui
accomplit la prophétie d’Esaie 29:11-12 pour aider à convaincre monde incrédule16.
Martin rendit visite à trois hommes au moins ayant une réputation de linguistes
de valeur. A Albany (New York), il parla avec Luther Bradish, diplomate, homme
d’Etat, grand voyageur et fervent de l’étude des langues. A New York, il rendit
visite au Dr Samuel Mitchill, vice-président du Rutgers Medical College. Il rendit
également visite à un homme qui connaissait quatre langues, dont l’hébreu et le
babylonien. C’était Charles Anthon, professeur au Columbia College de New
York, qui était peut-être le plus qualifié des contacts de Martin pour juger des
caractères du document. Il comptait parmi les principaux érudits en langues
classiques de son pays. Au moment de la visite de Martin Harris, Charles Anthon
était assistant d’université pour le grec et le latin. Il connaissait le français,
l’allemand, le grec et le latin et, s’il faut en croire les livres de sa bibliothèque, il
était au courant des découvertes les plus récentes relatives à l’égyptien,
notamment des premiers travaux de Champollion17.
Selon Martin Harris, le professeur analysa les caractères et leur traduction et
donna volontiers un certificat attestant aux citoyens de Palmyra que les écrits
étaient authentiques. Anthon lui dit en outre que les caractères ressemblaient à
l’égyptien, au chaldéen, à l’assyrien et à l’arabe et dit qu’à son avis la traduction
était correcte. Martin mit le certificat dans sa poche et était sur le point de partir
lorsque Anthon le rappela et lui demanda comment Joseph Smith avait trouvé les
plaques d’or sur la colline. Martin expliqua qu’un ange de Dieu en avait révélé
l’emplacement à Joseph. Là-dessus, Charles Anthon lui demanda le certificat, que
Martin lui donna. “Il le prit et le mit en pièces, disant que le ministère des anges,
Charles Anthon fut, pendant 47 ans,
professeur de philologie classique au
Columbia College (maintenant Université
Columbia), à New York.
46
cela n’existait plus maintenant et que, si je voulais lui apporter les plaques, il les
traduirait. Je l’informai de ce qu’une partie des plaques était scellée et qu’il m’était
interdit de les lui apporter. Il répliqua: ‹Je ne puis lire un livre scellé18.›”
UNE PÉRIODE DE PRÉPARATION, 1823-29
Le voyage de Martin Harris fut important pour plusieurs raisons. Tout d’abord
il montra que les savants s’intéressaient aux caractères et étaient disposés à les
examiner sérieusement tant qu’il n’y avait pas d’anges mêlés à leur histoire.
Deuxièmement, c’était, aux yeux de Martin et de Joseph, l’accomplissement direct
de la prophétie relative au Livre de Mormon. Troisièmement, c’était la
démonstration que la traduction des annales allait nécessiter l’aide de Dieu; les
facultés intellectuelles seules ne suffisaient pas (voir Esaïe 29:11-12; 2 Néphi 27:1520). Finalement, il fortifia la foi de Martin. Il revint à New York assuré qu’il avait
assez de preuves pour convaincre ses voisins de l’oeuvre de Joseph Smith. Il était
maintenant prêt à s’engager de tout coeur, lui et ses moyens, dans la parution du
Livre de Mormon.
LE
MANUSCRIT PERDU
Martin ne pouvait pas prévoir les difficultés qui l’attendaient à Palmyra. Lucy, sa
femme, était furieuse qu’il fût allé dans l’est sans elle. Elle craignait que les Smith
n’essaient de le spolier, et elle lui reprochait le temps qu’il passait avec Joseph et
loin d’elle. Son hostilité éclata lorsque Martin revint. Elle était le genre de personne
qui exigeait des preuves formelles, de sorte que quand Martin se prépara à repartir
pour la Pennsylvanie, elle tint absolument à l’accompagner. Il accepta de
l’emmener pour quelques jours. A Harmony, elle voulut en priorité voir les
plaques. Elle retourna toute la maison, obligeant Joseph à les cacher à l’extérieur.
Elle pensait avoir trouvé l’endroit où elles étaient enterrées, mais quand elle se
baissa pour regarder, elle trouva un gros serpent noir, ce qui la fit fuir. Furieuse de
ne pas avoir trouvé les plaques, elle dit à quiconque voulait écouter que son mari
avait été dupé par un «grand imposteur». Au bout de quinze jours, Martin la
ramena à la maison. En dépit de ses tentatives pour l’en dissuader, il retourna à
Harmony. En son absence, elle poursuivit ses critiques à Palmyra19.
En Pennsylvanie, Joseph et Martin travaillèrent ensemble à la traduction
jusqu’au 14 juin 1828. A ce moment-là, la traduction remplissait 116 pages de
papier ministre, et Martin demanda s’il pouvait emporter ce manuscrit chez lui
pour le montrer à sa femme et à ses amis. Il espérait que cela convaincrait Lucy que
l’oeuvre était légitime et mettrait fin à son opposition. Joseph interrogea le
Seigneur par l’intermédiaire de l’urim et du thummim. La réponse fut négative.
Martin, non satisfait, persévéra jusqu’à ce que Joseph interroge de nouveau le
Seigneur; la réponse fut de nouveau négative. Martin continua à supplier et à
insister. Joseph voulait donner satisfaction à son bienfaiteur. Il était jeune et sans
expérience, et il se fiait à l’âge et à la maturité de Martin. En outre, Martin était le
seul, à la connaisance de Joseph, qui fût disposé à travailler comme secrétaire et à
financer la publication du livre. Ces considérations l’incitèrent à reposer la
question. Finalement le Seigneur donna une permission conditionnelle. Martin
accepta par écrit de montrer le manuscrit à quatre ou cinq personnes seulement,
notamment sa femme, son frère, Preserved Harris, son père, sa mère et Polly Cobb,
soeur de Lucy. Martin partit alors pour Palmyra avec l’unique copie du manuscrit.
47
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Peu après le départ de Martin, Emma Smith donna le jour à un fils, Alvin, qui
mourut le jour de sa naissance. Emma manqua elle-même mourir et, pendant
deux semaines, Joseph fut constamment à son chevet. Lorsqu’elle alla mieux, son
attention revint au manuscrit. Martin était maintenant parti depuis trois semaines,
et ils n’avaient eu aucune nouvelle de lui. Martin n’avait pas été tout à fait
insouciant. Il avait passé du temps avec sa femme, réglé des affaires à Palmyra et
fait partie d’un jury.
Emma incita Joseph à prendre la diligence pour Palmyra et à voir de quoi il
retournait. Après avoir fait le voyage de Harmony jusqu’à la région de Palmyra et
avoir fait les trente derniers kilomètres à pied pendant la nuit, Joseph arriva
finalement chez ses parents à Manchester. Il fit immédiatement venir Martin.
Celui-ci venait d’habitude très vite, de sorte qu’on avait préparé le petit déjeuner
pour lui et pour les Smith. Il se passa plusieurs heures avant que Martin apparût
finalement sur le chemin, marchant lourdement, tête basse. Il grimpa sur la clôture
et y resta assis, le chapeau sur les yeux. Finalement il entra et s’assit à table mais
ne put manger. Lucy Mack Smith, mère du prophète, écrit: «Il prit son couteau et
sa fourchette, comme s’il allait les utiliser, mais les déposa immédiatement.
Hyrum, remarquant cela, dit: ‹Martin, pourquoi ne mangez-vous pas; êtes-vous
malade?› Là-dessus, M. Harris se prit la tête dans les mains et s’écria d’une voix qui
exprimait une profonde angoisse: ‹Oh, j’ai perdu mon âme! J’ai perdu mon âme!›
“Joseph, qui n’avait pas encore exprimé ses craintes, se leva d’un bond,
s’exclamant: ‹Martin, avez-vous perdu ce manuscrit? Avez-vous rompu votre
serment et attiré la condamnation sur ma tête aussi bien que sur la vôtre?›
« ‹Oui, il a disparu, répondit Martin, et je ne sais pas où.›»
Le prophète fut écrasé par la culpabilité et la peur. Il s’exclama: «‹Tout est perdu!
Tout est perdu! Que vais-je faire? J’ai péché. C’est moi qui ai tenté la colère de
Dieu. J’aurais dû me contenter de la première réponse que j’ai reçue du Seigneur;
car il m’a dit que c’était dangereux de me dessaisir du texte.› Il pleurait et gémissait
et ne cessait d’arpenter le plancher.
“Finalement, il dit à Martin de retourner et de chercher de nouveau.
«‹Non, dit Martin, c’est inutile; j’ai déchiré les lits et les oreillers [à la recherche
du manuscrit], et je sais qu’il n’est pas là.›
«‹Alors, dit Joseph, faut-il que je retourne avec pareille nouvelle? Je n’ose pas le
faire. Et comment vais-je me présenter devant le Seigneur? Quelle réprimande ne
mérité-je pas de la part de l’ange du Très-Haut?› . . .
«Le lendemain matin, il repartit chez lui. Nous nous séparâmes le coeur lourd,
Joseph Smith explique que les 116 pages
de manuscrit perdues venaient du livre de
Léhi, qui faisait partie des grandes plaques
de Néphi. Les spécialistes pensent qu’après
la perte du manuscrit, lorsqu’il lui fut de
nouveau permis de traduire, le prophète
continua à partir de Mosiah, en utilisant les
grandes plaques. Plus tard, il traduisit les
petites plaques de Néphi, c’est-à-dire 1
Néphi à Mosiah. L’étude de l’écriture dans les
parties existantes du manuscrit original du
Livre de Mormon confirme cette opinion.
48
car il apparaissait maintenant que tout ce que nous avions espéré avec tant de joie,
et qui avait été la source de tant de satisfactions secrètes, s’était volatilisé en un
instant, volatilisé à jamais20.»
Une fois rentré à Harmony, sans les 116 pages de manuscrit, Joseph se mit
immédiatement à prier le Seigneur de lui pardonner d’avoir agi à l’encontre de sa
volonté. Moroni lui apparut et exigea de lui la restitution des plaques et de l’urim
et du thummim mais promit qu’il pourrait les récupérer s’il était humble et
pénitent. Quelque temps plus tard, il reçut une révélation qui le réprimandait
UNE PÉRIODE DE PRÉPARATION, 1823-29
pour sa négligence et pour avoir «mépris[é] les conseils de Dieu» mais le
réconforta également en l’assurant qu’il était toujours celui que Dieu avait choisi
pour accomplir la traduction s’il se repentait (voir D&A 3:4-10). Joseph se repentit
et reçut de nouveau les plaques ainsi que l’urim et le thummim, en même temps
que la promesse que le Seigneur enverrait un secrétaire pour l’aider à la
traduction. Il y avait un message spécial: «L’ange semblait être content de moi . . . ,
et il me dit que le Seigneur m’aimait à cause de ma fidélité et mon humilité21.»
Ayant retrouvé son don divin, Joseph apprit par révélation que des hommes
méchants, cherchant à le prendre au piège, avaient changé les mots du manuscrit.
S’il retraduisait le même texte et le publiait, ils diraient qu’il était incapabe de le
faire deux fois de la même manière et que par conséquent l’oeuvre n’était
certainement pas inspirée (voir D&A 10). Mais Dieu avait prévu cette circonstance.
Le document perdu était le livre de Léhi, tiré de l’abrégé des grandes plaques de
Néphi par Mormon. Or Mormon avait été inspiré d’annexer les petites plaques de
Néphi à ses annales dans «un but sage», qu’il ne comprenait pas à l’époque (voir
Paroles de Mormon, vv. 3-7). Ces petites plaques contenaient un récit semblable à
celui du livre de Léhi. Joseph reçut pour commandement de ne pas retraduire
mais de continuer et d’ajouter, le moment venu, le texte des petites plaques de
Néphi. Ces annales étaient le récit de Néphi qui, donnaient d’après le Seigneur:
«Plus de détails sur les choses que, dans ma sagesse, je voudrais faire connaître aux
hommes» (D&A 10:40).
P R É PA R AT I O N
DU PROPHÈTE
Les cinq années et demie qui s’écoulèrent de septembre 1823 à avril 1829 furent
importantes en ce qu’elles préparèrent Joseph Smith à traduire le Livre de
Mormon et à diriger l’Eglise dans la dispensation de la plénitude des temps. Il
avait maintenant vingt-trois ans. Il était grand et fort; il travaillait à la ferme, dans
les champs et effectuait divers travaux. Bien qu’ayant eu une formation scolaire
limitée, Joseph avait l’esprit avide et curieux. Il aimait découvrir lui-même les
choses et rechercher ses réponses dans les Ecritures (voir Joseph Smith, Histoire,
vv. 11-12). Cette soif de connaissance, et surtout de connaissance spirituelle, il ne
la perdit jamais.
En juin 1843, Joseph dit aux saints: «Je suis une pierre brute. On n’a jamais
entendu le bruit du marteau et du ciseau sur moi jusqu’à ce que le Seigneur m’ait
pris en main22.» Le courage, l’optimisme et la foi étaient les plus grandes
caractéristiques de sa personnalité. Dès sa jeunesse, il avait fait preuve d’un grand
courage lorsqu’il avait dû subir une douloureuse intervention chirurgicale à la
jambe. Plus tard, il dut faire face à des voisins sans scrupules qui essayaient de lui
enlever les plaques. En dépit de sa pauvreté et de son manque d’instruction, il était
optimiste vis-à-vis de lui-même et de la vie. Réprimandé par le Seigneur, corrigé
par Moroni, il était toujours soumis, repentant et énergique. Il se trouva dans une
situation de désespoir lorsque les 116 pages furent perdues, mais cet événement
lui apprit l’obéissance et il put dire plus tard: «Je me suis donné pour règle: Quand
le Seigneur commande, fais-le23.» Ce furent aussi des leçons précieuses pour la
49
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
maîtrise de ses motivations et de ses objectifs, et il fut donc en mesure de n’avoir
en vue que la gloire de Dieu (D&A 4:5) et d’orienter son énergie et ses pensées vers
l’édification du royaume.
Joseph Smith avait maintenant acquis une grande expérience de divers moyens
de révélation. Il avait communié avec Dieu, son Fils et des anges messagers. Il avait
eu des visions, senti le souffle de l’Esprit et était devenu plus habile à utiliser l’urim
et le thummim. Nous ne devons pas en conclure que la révélation était chose facile
pour lui, car une autre leçon qu’il reçut pendant ce temps-là, ce fut
l’investissement de foi, de diligence, de persévérance, de dignité et d’obéissance
qu’il avait dû faire pour recevoir des communications divines.
TERMINOLOGIE
U T I L E P O U R C O M P R E N D R E L’ E S T D E S
Les noms de lieux liés au début de
l’histoire de l’Eglise dans l’est des Etats-Unis
sont souvent une source de confusion pour
le lecteur moderne. C’est parce que
beaucoup de gens ne connaissent pas les
subdivisions politiques de la plupart des
Etats de l’Est et les différents sens des mots
ordinaires qui s’y rapportent. Si nous
comprenons la terminologie utilisée dans
l’est des Etats-Unis, cette confusion se
dissipe et la lecture de l’histoire de l’Eglise
devient plus compréhensible.
Le mot town ne désigne pas un village, un
hameau ou une ville. C’est l’abréviation du
mot township, qui désigne une subdivision
d’un comté. Un comté peut être subdivisé
en de nombreux townships (arrondissements). Par exemple, le comté de Windsor
(Vermont) est composé de vingt-quatre
townships, dont l’un s’appelle Sharon.
Lorsque nous lisons dans l’histoire de
l’Eglise que Joseph Smith naquit dans la
town de Sharon (comté de Windsor,
Vermont), cela ne veut pas dire qu’il s’agit
du village ou de la localité de Sharon, mais
du township (arrondissement) de Sharon.
Les noms de ces towns (townships) étaient
et sont souvent utilisés dans des documents
juridiques tels que les donations et les
testaments. Ces towns ont également leur
gouvernement local et leurs fonctionnaires
élus, qui sont distincts des édiles des villages
et des localités du township.
Souvent les villages ou les petits
communautés ont le même nom que leur
township, ce qui peut ajouter à la confusion.
Mais dans certains cas, les localités d’un Etat
ont le même nom que le township, mais ne
s’y trouvent pas. Ainsi donc si nous partons
de l’idée que Joseph et Emma ont vécu dans
la localité de Harmony (Pennsylvanie) et
que nous la cherchons sur la carte, nous la
trouvons dans le comté de Butler, dans
l’extrémité occidentale de l’Etat. Mais ce
n’était pas là qu’ils habitaient. Ils habitaient
dans le town ou township de Harmony, qui se
trouve dans le comté de Susquehanna, dans
le coin nord-est de la Pennsylvanie.
50
E TAT S -U N I S
Une des façons que les gens de l’Est ont
utilisées pour éviter de confondre les deux
sens du mot town est d’être précis quand il
s’agit de localités. Quand une localité est
trop petite pour avoir une organisation
locale, on la qualifie habituellement de
hameau. Quand elle reçoit un statut
juridique, on l’appelle village (ou, en
Pennsylvanie, un borough). Elle reste village
jusqu’à ce qu’elle ait une population de dix
mille âmes; elle devient alors une ville.
Cela étant, il peut être utile de passer en
revue les lieux importants de l’histoire de
l’Eglise mentionnés dans ces premiers
chapitres. Les cartes de ces chapitres
aideront aussi à éclaircir la question.
1. Les ancêtres de Joseph Smith ne
vivaient pas dans le village de Topsfield
(Massachusetts), mais dans le township de
Topsfield.
2. Joseph Smith naquit dans le township de
Sharon (comté de Windsor, Vermont). La
maison était située à une certaine distance
du village de Sharon et se trouvait à cheval
sur la frontière du township. On croit que la
seule raison pour laquelle il naquit dans le
township de Sharon, c’était parce que la
chambre à coucher où il naquit se trouvait
du côté Sharon de la frontière.
3. La ferme de Joseph Smith et le Bosquet
sacré sont dans le township de Manchester
(comté d’Ontario, New York) et non dans le
village de Palmyra. Mais l’adresse postale est
et a toujours été Palmyra (comté de Wayne,
New York).
4. Il n’y avait pas de hameau d’Oakland
du temps d’Isaac Hale et de Joseph Smith,
mais il y avait un village de Harmony dans
ce qui était alors le township de Harmony. La
localité d’Oakland se développa plus tard.
Le township d’Oakland fut alors détaché de
l’ancien township de Harmony. Le village de
Harmony a disparu depuis lors et il n’est
plus identifiable.
5. La ferme de Joseph Knight n’était pas
dans un village ou un hameau appelé
Colesville (comté de Broome, New York). Il
se trouvait en fait dans le township de
UNE PÉRIODE DE PRÉPARATION, 1823-29
Colesville, à une certaine distance des
hameaux de North et West Colesville, le
village le plus proche étant Nineveh.
6. Joseph et Emma furent mariés chez le
Squire Tarbell dans le village de South
Bainbridge (maintenant Afton) dans le
township de Bainbridge (comté de
Chenango, New York).
7. L’Eglise ne fut pas organisée dans le
hameau de Fayette (comté de Seneca, New
York). L’organisation eut lieu dans la cabane
de rondins de Peter Whitmer dans le
township de Fayette.
NOTES
1. Voir Dale L. Berge, «Archaeological Work
at the Smith Log House», Ensign, août 1985,
pp. 24-26.
13. Voir History of the Church, 3:29.
2. Les renseignements concernant la
disposition de la ferme des Smith
proviennent de Donald E. Enders, Joseph
Smith, Sr, Family in Palmyra/Manchester,
New York, dossier de recherche, Museum of
Church History and Art, Salt Lake City,
Utah, 1989.
15. Smith, History of Joseph Smith, p. 108.
3. Voir Lucy Mack Smith, History of Joseph
Smith, édité par Preston Nibley, Salt Lake
City, Bookcraft, 1958, p. 79.
4. Dans Latter Day Saints’ Messsenger and
Advocate, octobre 1835, pp. 195-96.
5. Oliver Cowdery, dans Messenger and
Advocate, juillet 1835, p. 157.
6. Cowdery, dans Messenger and Advocate,
octobre 1835, p. 198.
14. Dans Smith, History of Joseph Smith,
pp. 100-101.
16. Voir Smith, History of Joseph Smith, p. 114;
Histoire de Joseph Smith de 1832, recueil de
lettres de Joseph Smith, citée dans Dean C.
Jessee, éditeur, The Personal Writings of Joseph
Smith, Salt Lake City, Deseret Book Co.,
1984, pp. 7-8.
17. Voir Stanley B. Kimball, «I cannot read a
sealed book», Improvement Era, février 1957,
pp. 80-82, 104, 106; «Charles Anthon and the
Egyptian language», Improvement Era,
octobre 1960, pp. 708-10, 765; «The Anthon
Transcript: People, Primary Sources, and
Problems», Brigham Young University Studies,
printemps 1970, pp. 325-52.
18. Dans History of the Church, 1:20.
7. Cowdery, dans Messenger and Advocate,
octobre 1835, p. 198.
19. Voir Smith, History of Joseph Smith,
pp. 119-23.
8. Dans Smith, History of Joseph Smith, p. 81;
italiques ajoutés.
20. Smith, History of Joseph Smith, pp. 128-29.
9. Voir History of the Church, 4:537; George Q.
Cannon, dans Journal of Discourses, 13:47;
John Taylor, dans Journal of Discourses,
17:374; 21:94.
10. Smith, History of Joseph Smith, p. 83.
11. Dans Smith, History of Joseph Smith, p. 87.
21. Dans Smith, History of Joseph Smith,
p. 135.
22. Dans History of the Church, 5:423;
Enseignements du prophète Joseph Smith,
p. 248.
23. History of the Church, 2:170.
12. Buddy Youngreen, Reflections of Emma,
Joseph Smith’s Wife, Orem, Utah, Grandin
Book Co., 1982, p. 4.
51
CHAPITRE CINQ
PA R U T I O N
DU
LIVRE
DE
MORMON
ET
R É TA B L I S S E M E N T D E L A P R Ê T R I S E
Ligne du temps
Date
Evénement important
Automne 1828 Joseph reçoit de nouveau les
plaques et l’urim et le
thummim
7 avril 1829
Joseph reprend la traduction
avec l’aide d’Oliver Cowdery
15 mai 1829
Jean-Baptiste rétablit la
Prêtrise d’Aaron
Mai-juin 1829 Pierre, Jacques et Jean
rétablissent la Prêtrise de
Melchisédek
L
E JEUNE PROPHÈTE et l’Eglise qu’il devait rétablir connurent une
année importante en 1829. A la fin de 1828, Moroni rendit les plaques et
l’urim et le thummim et promit un nouveau secrétaire pour aider à
la traduction. Cet automne-là, les parents de Joseph, qui s’étaient fait du souci
pour lui, arrivèrent à Harmony et furent heureux de le voir de bonne humeur et
d’apprendre que les plaques et l’urim et le thummim étaient en sécurité dans le
coffre en maroquin rouge d’Emma. Lorsqu’ils repartirent chez eux, ils étaient
“soulagés d’un fardeau qui était presque insupportable, et . . . la joie
contrebalançait de loin tous [leurs] précédents chagrins1”. La promesse du
1er juin 1829 Joseph et Oliver s’installent à
Fayette pour terminer la
traduction
Seigneur d’envoyer un secrétaire s’accomplit au printemps 1829, lorsque Oliver
Automne-hiver Impression du Livre de
1829-30
Mormon à Palmyra
Cowdery arriva à Harmony. Joseph et lui s’occupèrent diligemment à terminer la
26 mars 1830 Mise en vente du Livre de
Mormon à Palmyra
traduction. En cours de route, ils apprirent d’importants principes de l’Evangile,
dont certains furent le catalyseur de nouvelles expériences spirituelles et du
rétablissement de la prêtrise. La voie s’ouvrait pour l’organisation de l’Eglise de
Jésus-Christ l’année suivante.
ARRIVÉE
D ’O L I V E R
C O W D E RY
Au cours de l’hiver 1828-29, Joseph Smith s’occupa de temps à autre à la
traduction avec l’aide d’Emma et de son frère, mais la nécessité de gagner sa vie
lui laissait peu de temps pour traduire. Isaac Hale, père d’Emma, restait
soupçonneux à l’égard des prétentions de Joseph concernant les plaques et
manifestait peu de sympathie. C’est pour cela qu’en mars 1829, Joseph dit: «Je ne
savais où aller et invoquai le Seigneur pour qu’il me donnât la possibilité
d’accomplir l’oeuvre qu’il m’avait commandée2.» Le Seigneur lui dit: «Arréte-toi et
ne bouge plus jusqu’à ce que je te le commande et je te fournirai le moyen
d’accomplir ce que je t’ai commandé» (D&A 5:34). Le prophète attendit avec
confiance l’arrivée d’un nouveau secrétaire et, le 5 avril, Oliver Cowdery arriva.
Oliver Cowdery naquit le 3 octobre 1806 à Wells (comté de Rutland, Vermont). Il
était le cadet de huit enfants. Dans son enfance, il apprit à lire, à écrire ainsi que
les règles fondamentales de l’arithmétique. Plusieurs des frères aînés Cowdery
avaient constaté que les possibilités commerciales étaient limitées dans le Vermont
et s’étaient installés dans l’ouest de New York. En 1825, Oliver les suivit et trouva
un emploi comme employé dans un magasin de village. Il se fit aussi forgeron et
fermier. Il était mince, mesurait environ un mètre soixante-cinq, avait les cheveux
noirs et ondulés et les yeux bruns et perçants.
Oliver Cowdery (1806–50)
52
PARUTION DU LIVRE DE MORMON ET RÉTABLISSEMENT DE LA PRÊTRISE
Au début de 1829, Lyman Cowdery, un des frères aînés d’Oliver, fut engagé pour
enseigner à l’école du village dans le township de Manchester, proche de l’endroit
où habitait la famille de Joseph Smith. Lyman ne fut pas en mesure de remplir son
engagement et proposa au conseil d’administration d’engager son frère Oliver.
Approuvé par le conseil, dont Hyrum Smith faisait partie, Oliver commença à
enseigner et fut invité à prendre pension chez Joseph Smith, père. Lucy Smith
raconta: «Presque immédiatement, il commença à entendre parler de toutes parts
des plaques et ne tarda pas à importuner M. Smith à ce sujet, mais pendant très
longtemps ne réussit pas à obtenir le moindre renseignement3». Les Smith
répugnaient à faire part de leurs expériences parce qu’ils avaient été ridiculisés
dans le passé par leurs voisins.
Lorsque Oliver eut gagné la confiance des Smith, Joseph Smith, père, lui parla
des plaques. Oliver pria en privé et médita sur la question, confiant même à Joseph
Smith, père, qu’il avait eu le sentiment qu’il aurait la possibilité d’écrire pour
Joseph, qu’il n’avait pas encore rencontré. Il dit à la famille que c’était «la volonté
du Seigneur» qu’il accompagne Samuel rendre visite à Joseph au printemps, une
fois l’école terminée. Il dit: “Si j’ai quelque chose à faire là-dedans, je suis décidé à
m’en occuper4.” Par conséquent, au début d’avril, Samuel Smith et Oliver
Cowdery partirent pour Harmony (Pennsylvanie). Le temps pluvieux et
désagréable aurait découragé la plupart des gens, mais rien n’allait empêcher
Oliver de rencontrer Joseph Smith et de parler avec lui.
Avant de rencontrer les Smith à Manchester, Oliver Cowdery avait rencontré
David Whitmer, de Fayette (New York), et était devenu son ami intime. Sur le
chemin de Harmony, Oliver et Samuel passèrent voir David, qui demanda à
Oliver de lui écrire ses impressions sur le point de savoir si Joseph avait réellement
les antiques annales. Cette amitié avec la famille Whitmer eut plus tard un impact
considérable sur la parution du Livre de Mormon et l’établissement de l’Eglise.
Lorsque, le dimanche 5 avril, Oliver arriva à Harmony, Joseph Smith le reconnut
comme l’aide que le Seigneur avait promise. Ils s’assirent ensemble et parlèrent
des expériences de Joseph jusque tard le soir. Le lendemain, ils vaquèrent à
certaines affaires et, le mardi 7 avril, ils entreprirent pour de bon la traduction.
TRADUCTION
ACCÉLÉRÉE
Joseph et Oliver s’employèrent «presque sans arrêt» à la traduction pendant tout
le mois d’avril. Avec l’aide d’Oliver, Joseph alla plus vite que jamais. Pendant les
trois mois qui suivirent, Joseph et Oliver menèrent à bien l’étonnant travail de
traduction de quelque cinq cents pages imprimées. Ce fut une période
merveilleuse de leur vie. Oliver écrit: «Ce furent là des jours inoubliables! Etre
assis, écoutant le son d’une voix dirigée par l’inspiration des cieux . . . Jour après
jour, je continuai, sans interruption, à écrire, telle qu’elle tombait de ses lèvres alors
qu’il traduisait à l’aide de l’urim et du thummim . . . l’histoire ou les annales
appelées ‹Livre de Mormon›5.»
Tableau de Earl Jones, représentant
Joseph et Oliver occupés à traduire
Pendant le mois d’avril, des révélations importantes furent apportées à Oliver
Cowdery par l’intermédiaire de Joseph Smith. La première (qui est maintenant
53
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Maison de Joseph et d’Emma Smith à
Harmony (Pennsylvanie). La partie centrale
est la maison originelle. C’est là que, le 15
juin 1828, Emma donna le jour à leur premier
enfant, Alvin, qui mourut le même jour.
C’est là que Joseph Smith traduisit une
grande partie du Livre de Mormon. Tandis
qu’il habitait à Harmony, le prophète reçut
plusieurs révélations (voir D&A 3-13, 24-27).
Doctrine et Alliances 6), le félicitait pour les justes désirs qu’il avait lorsqu’il
invoquait le Seigneur et lui rappelait: «Toutes les fois que tu m’as interrogé tu as
reçu des instructions de mon Esprit. S’il n’en avait été ainsi, tu ne serais pas où tu
te trouves en ce moment» (v. 14). Mais il semble qu’Oliver désirait un autre
témoignage de la véracité de l’oeuvre, c’est pourquoi le Seigneur lui dit:
«Reporte-toi à la nuit où tu m’as invoqué dans ton coeur, afin de connaître la
vérité de tout ceci.
«N’ai-je pas apaisé ton esprit à ce sujet? Quel témoignage plus grand peux-tu
avoir que celui de Dieu?» (D&A 6:22-23). Ce n’est qu’après cette révélation
Maison
d’Isaac
Hale
qu’Oliver dit à Joseph qu’un soir, tandis qu’il était en pension chez les Smith, il
Ru
iss
ea
u
avait invoqué Dieu pour savoir si Joseph Smith était un prophète et avait reçu
Cinq
hectares et
demi
appartenant à
Joseph Smith
Source
Maison de Joseph Smith
l’assurance paisible que oui.
Pendant qu’ils continuaient à collaborer, Oliver désira pouvoir traduire. Cette
Monument
bénédiction lui fut accordée et il traduisit quelques mots, mais il n’avait pas
Cimetière
McKune
respecté le processus nécessaire de la préparation spirituelle et de l’effort mental.
Le Seigneur lui expliqua:
Sus
que
han
na
«Tu dois l’étudier dans ton esprit; alors tu dois me demander si c’est juste, et si
c’est juste, je ferai en sorte que ton sein brûle au-dedans de toi; c’est ainsi que tu
sentiras que c’est juste.
A Harmony, Joseph et Emma logèrent chez
les parents de cette dernière jusqu’au
moment où Isaac Hale se mit en colère
parce que Joseph ne voulait pas lui laisser
voir les plaques. Joseph et Emma achetèrent
alors au père de celle-ci une maison avec 5
hectares et demi de terres pour deux cents
dollars. C’était une bande longue et étroite
qui descendait vers le sud jusqu’à la
Susquehanna.
La Prêtrise d’Aaron fut vraisemblablement
rétablie sur les rives du fleuve, quelque part
sur le terrain des Smith ou dans les environs.
Entre 1947 et 1956, l’Eglise a acheté trois
parcelles dans cette région pour obtenir le
plus possible de l’emplacement originel. En
1960, un monument a été érigé près de la
ferme de Joseph Smith pour commémorer le
rétablissement de la Prêtrise d’Aaron.
54
«Mais si ce n’est pas juste, tu ne sentiras rien de la sorte, mais tu auras un
engourdissement de pensée qui te fera oublier ce qui est faux; c’est pourquoi, tu
ne peux écrire ce qui est sacré que si cela t’est donné de moi» (D&A 9:8-9).
Vers cette époque, Joseph Knight, père, un vieil ami, vint de Colesville (New
York), voyage de quarante-cinq kilomètres, avec des provisions, notamment des
pommes de terre, des maquereaux et plusieurs boisseaux de grain. Il apporta du
papier ligné et de l’argent pour en acheter davantage. La visite de Knight fut très
importante pour l’avancement de l’oeuvre, parce que Joseph et Oliver, se trouvant
dans le dénuement, avaient récemment recherché un emploi. S’ils étaient obligés
de travailler, même temporairement, la traduction allait être retardée. Ils furent
donc profondément reconnaissants de cette aide opportune qu’ils considérèrent
comme un don du ciel.
PARUTION DU LIVRE DE MORMON ET RÉTABLISSEMENT DE LA PRÊTRISE
R É TA B L I S S E M E N T
DE LA PRÊTRISE ET DU BAPTÊME
Joseph et Oliver furent enthousiastes lorsque des choses telles que la visite du
Sauveur ressuscité aux habitants du continent américain et ses enseignements
concernant le baptême furent révélés au cours de la traduction (voir 3 Néphi 11:1836). Arrivés là, leur âme fut poussée à prier avec ferveur pour apprendre coment
ils pourraient obtenir la bénédiction du baptême. Le 15 mai 1829, Joseph et Oliver
se rendirent dans les bois voisins, le long de la Susquehanna, pour prier. Oliver
décrit comme suit les événements qui suivirent: «Tout à coup, comme si elle venait
du sein de l’éternité, la voix du Rédempteur nous dit des paroles de paix. Le voile
fut soulevé, et l’ange de Dieu descendit, revêtu de gloire, et remit le message tant
attendu et les clefs de l’Evangile de repentance. Quelle joie! Quel étonnement!
Quel émerveillement! Tandis que le monde était tourmenté et bouleversé . . . nos
yeux virent, nos oreilles entendirent6.»
L’ange dit être Jean (le Jean-Baptiste du Nouveau Testament) et leur dit qu’il
agissait sous la direction des apôtres Pierre, Jacques et Jean. Il posa les mains sur
Joseph et Oliver et dit: «A vous mes compagnons de service, au nom du Messie, je
confère la Prêtrise d’Aaron qui détient les clefs du ministère d’anges, de l’évangile
de repentance et du baptême par immersion pour la rémission des péchés»
Isaac et Elizabeth Hale, parents d’Emma,
sont ensevelis dans le cimetière McKune.
Alvin, premier fils de Joseph et d’Emma, y est
également enseveli.
La pierre tombale d’Isaac Hale dit: ‹Isaac
Hale, décédé le 11 janvier 1839 à l’âge de 75
ans 10 mois et 10 jours.›
“Le corps d’Isaac Hale, le Chasseur,
comme la couverture d’un vieux livre, dont le
contenu a été arraché et dépouillé de son
texte et de sa dorure, gît ici comme nourriture
des vers, néanmoins l’oeuvre elle-même ne
sera pas perdue car, comme il le croyait, elle
apparaîtra une fois de plus dans une édition
nouvelle et plus belle, corrigée et amendée.”
La pierre tombale d’Elizabeth Hale dit:
“Elizabeth, femme d’Isaac Hale décédée le
16 février 1842 à l’âge de 75 ans 2 mois et
28 jours.”
(Joseph Smith, Histoire, v. 69; voir aussi D&A 13:1). Jean expliqua que la Prêtrise de
Melchisédek leur serait conférée plus tard. Pour la première fois depuis des siècles,
la prêtrise était de nouveau sur la terre.
Jean commanda à Joseph de baptiser Oliver et à Oliver de baptiser ensuite
Joseph. Ils devaient alors se conférer mutuellement la Prêtrise d’Aaron. Quant ils
sortirent du baptême dans l’eau, ils furent emplis de l’esprit de prophétie. Oliver
prédit «beaucoup de choses qui devaient se passer bientôt» et Joseph prophétisa
«sur la naissance de cette Eglise, ainsi que beaucoup d’autres choses relatives à
l’Eglise et à cette génération des enfants des hommes» (Joseph Smith, Histoire, v.
73). Emplis du Saint-Esprit, ils se réjouirent du Dieu de leur salut, et leur esprit fut
éclairé d’une compréhension précédemment inconnue de la signification des
Ecritures. Ils furent toutefois obligés de tenir secret tout cela à cause des
persécutions de la part des dirigeants religieux locaux. Isaac Hale, beau-père de
Joseph, était intervenu pour apporter sa protection, mais son aptitude à maîtriser
la situation s’affaiblissait.
Pendant ce temps, Joseph reçut quelques visiteurs à Harmony. Le premier fut
son frère cadet, Samuel. Joseph et Oliver s’empressèrent de lui parler de leurs
récentes expériences, l’informèrent de ce que le Seigneur était sur le point de faire
et lui montrèrent ce qui avait été traduit jusqu’alors. Il ne fut pas facile de
persuader Samuel, même après que Joseph et Oliver eurent raisonné avec lui en
se basant sur la Bible, concernant l’Evangile de Jésus-Christ. Il se retira dans les
bois pour essayer de résoudre ses doutes par la prière. Joseph rapporte: «Le
résultat fut qu’il obtint personnellement une révélation suffisante pour le
convaincre de la véracité de ce que nous lui avions affirmé; et le vingt-cinquième
jour de ce même mois où nous avions été baptisés et ordonnés, Oliver Cowdery le
55
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
baptisa, et il retourna chez son père, glorifiant et louant beaucoup Dieu, étant
rempli du Saint-Esprit7.»
Ce fut ensuite au tour de Hyrum, frère aîné de Joseph, d’arriver. A sa demande,
Joseph interrogea le Seigneur par l’intermédiaire de l’urim et du thummim. Le
Seigneur dit à Hyrum qu’il contribuerait à faire beaucoup de bonnes choses dans
sa génération, mais qu’il devait être patient et étudier les Ecritures, notamment le
Livre de Mormon, qui était alors en cours de traduction, et se préparer pour le jour
où il serait appelé à prêcher l’Evangile de repentance (voir D&A 11).
Peu de temps après, Joseph et Oliver se rendirent à Colesville. Lors de leur
voyage de retour, Pierre, Jacques et Jean, les principaux apôtres du Seigneur, leur
apparurent sur les rives de la Susquehanna (voir D&A 128:20). Les visiteurs
conférèrent à Joseph et à Oliver la Sainte Prêtrise de Melchisédek et les clefs de
l’apostolat (voir D&A 27:12). Joseph et Oliver avaient maintenant l’autorité d’agir
en agents légitimes du Seigneur dans l’édification du royaume de Dieu sur la terre.
ACHÈVEMENT
DE LA TRADUCTION
Peu après avoir commencé à aider Joseph Smith à l’oeuvre de traduction, Oliver
écrivit à David Whitmer dans le township de Fayette. Il témoigna avec
enthousiasme que Joseph Smith avait les annales antiques et que l’oeuvre était
divine. Il ne tarda pas à envoyer quelques lignes de la traduction et témoigna que
les plaques contenaient les annales du peuple qui avait jadis habité le continent.
David Whitmer, qui avait alors vingt-quatre ans, montra avec empressement ces
lettres à ses parents et à ses frères et soeurs. Les persécutions commencèrent à
s’intensifier dans la région de Harmony, de sorte que vers la fin mai Oliver écrivit
à David pour lui demander s’il était possible à Joseph et à Oliver de loger chez les
Whitmer, à Fayette. Peter Whitmer père, père de David, répondit en invitant
Joseph à loger dans sa ferme aussi longtemps que c’était nécessaire pour terminer
la traduction. John, frère de David, se proposa pour aider Joseph comme
secrétaire. Beaucoup de personnes de la région de Fayette étaient vivement
David Whitmer (1805-88) fut un des trois
témoins du Livre de Mormon. Il mourut à
Richmond (Missouri) à l’âge de quatre-vingtquatre ans.
désireuses d’en apprendre davantage sur l’oeuvre8.
Pour que les récoltes d’automne soient bonnes, il est essentiel de semer fin mai.
Par conséquent, David Whitmer devait labourer et préparer la terre avant de
prendre son chariot à deux chevaux pour aller chercher Joseph Smith et Oliver
Cowdery. A la fin d’une journée de labour, il s’aperçut qu’il avait accompli en un
seul jour ce qui en aurait normalement pris deux. Le père de David fut également
impressionné par ce miracle évident. Peter Smith, père, dit: “Il doit y avoir une
main qui dirige tout cela, et je crois que tu ferais bien de descendre en
Pennsylvanie dès que tu auras semé ton plâtre de Paris9.” (On utilisait le plâtre de
Paris pour réduire l’acidité de la terre.) Le lendemain, David se rendit dans les
champs pour épandre le plâtre et, à sa surprise, il constata que le travail avait été
fait. Sa soeur, qui habitait près du champ, dit que ses enfants l’avaient appelée la
veille pour regarder trois étrangers épandre le plâtre avec une adresse
remarquable. Elle avait cru que c’étaient des hommes que David avait engagés10.
56
PARUTION DU LIVRE DE MORMON ET RÉTABLISSEMENT DE LA PRÊTRISE
Reconnaissant de cette intervention divine, David Whitmer entreprit en hâte les
trois jours de voyage jusqu’à Harmony. Joseph Smith et Oliver Cowdery vinrent à
sa rencontre tandis qu’il approchait de la localité. Il ne leur avait pas dit
exactement quand il arrivait, mais Joseph avait eu la vision des détails du voyage
de David jusqu’à Harmony11. Ces trois miracles dont il fut témoin démontraient la
voyance du prophète et l’intervention du Seigneur en vue de la réussite de
l’inauguration du rétablissement.
Ce fut la première rencontre entre Joseph Smith et David Whitmer. Comme
dans le cas d’Oliver Cowdery, David et Joseph se lièrent vite d’amitié. Ils furent
bientôt en route pour Fayette, située à quelque cent soixante kilomètres de là. A
cette occasion, Moroni prit les plaques pour éviter tout risque en cours de
transport. Un autre événement extraordinaire se produisit en cours de route
tandis qu’ils roulaient en chariot. David Whitmer décrit l’événement comme suit:
«Un vieil homme très aimable, à l’aspect sympathique, apparut soudain à côté
du chariot et nous adressa ce salut: ‹Bonjour: il fait très chaud›, s’essuyant en
même temps le visage ou le front de la main. Nous lui rendîmes son salut, et, sur
un signe de Joseph, je l’invitai à monter s’il allait dans notre direction. Mais il dit
très aimablement: ‹Non, je vais à Cumorah!› Ce nom était nouveau pour moi, et je
ne savais pas ce que Cumorah voulait dire. Nous le regardâmes tous, et nous
regardâmes les uns les autres, et comme je me retournais pour interroger Joseph,
le vieillard disparut en un instant . . .
« . . . C’était le messager qui avait les plaques, qui les avait prises à Joseph juste
avant notre départ de Harmony12.»
Le groupe arriva à Fayette vers le 1er juin. Emma, qui ne les avait pas
accompagnés pour prendre soin de la maison de Harmony, rejoignit bientôt son
mari à Fayette. Entre-temps, la traduction avait été immédiatement reprise. La
famille Whitmer pourvut très aimablement aux besoins de Joseph, d’Emma et
d’Oliver Cowdery.
Tandis que la traduction avançait, l’Evangile était enseigné dans le comté de
Seneca, et Hyrum Smith, David Whitmer et Peter Whitmer fils, furent baptisés en
juin pour la rémission des péchés. Les trois fils de Peter Whitmer, David, John et
Peter fils, devinrent des auxiliaires zélés dans l’oeuvre. Comme ils étaient
vivement désireux d’être informés de leurs devoirs respectifs, Joseph interrogea le
Seigneur, et une révélation fut accordée à chacun d’eux. Chacun fut invité à aider
à l’édification du royaume de Dieu en proclamant le repentir (voir D&A 14-16).
Toutes ces activités ne furent pas faciles pour Peter et Mary Whitmer, qui étaient
les hôtes des Smith et d’Oliver Cowdery. Leur fils, David, dit que ce fardeau
supplémentaire augmenta considérablement l’anxiété de sa mère. Elle ne se
plaignait pas, mais elle se sentait débordée. David raconta plus tard ce qui arriva
un jour tandis qu’elle se rendait à l’étable pour traire les vaches: «Elle rencontra à
l’extérieur, près du jardin, le même vieil homme [précédemment vu par David] (à
en juger par la description qu’elle donna de lui), qui lui dit: ‹Tu as été très fidèle et
diligente dans tes efforts, mais tu es fatiguée à cause de l’accroissement de ton
labeur; il est par conséquent convenable que tu reçoives un témoignage, afin que
57
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
ta foi soit fortifiée.› Sur quoi il lui montra les plaques13.» Cet événement fortifia
Mary et sa famille dans leurs efforts pour continuer à soutenir Joseph Smith et
l’oeuvre importante à laquelle il était engagé.
PROCESSUS
DE LA TRADUCTION
On ne sait pas grand-chose sur la manière proprement dite dont la traduction
des annales eut lieu, essentiellement parce que ceux qui en savaient le plus sur la
traduction, Joseph Smith et Oliver Cowdery, furent ceux qui en dirent le moins.
De plus, Martin Harris, David Whitmer et Emma Smith, qui aidèrent Joseph, ne
laissèrent aucune description contemporaine. Les brefs récits, qu’ils rédigèrent
beaucoup plus tard dans leur vie, étaient souvent contradictoires.
Le prophète était réticent à donner des détails sur la traduction. Lors d’une
conférence de l’Eglise, qui eut lieu les 25 et 26 octobre 1831 à Orange (Ohio),
Hyrum demanda la rédaction d’un récit de première main concernant la parution
du Livre de Mormon. Mais le prophète dit: «Il n’a pas été prévu de dire au monde
tous les détails de la parution du Livre de Mormon14.» En 1833, Joseph expliqua
dans une lettre ouverte à un rédacteur de journal l’essentiel de la question, mais il
donna peu de détails, disant que le Livre de Mormon fut «trouvé par le ministère
d’un saint ange et traduit dans notre langue par le don et la puissance de Dieu15».
Son explication cadre avec Doctrine et Alliances, qui dit qu’il reçut, «grâce à la
miséricorde de Dieu et par le pouvoir de Dieu, le pouvoir de traduire le Livre
de Mormon» (D&A 1:29) et que le Seigneur «lui donna d’en haut, par le moyen
qui avait été préparé auparavant, le pouvoir de traduire le Livre de Mormon»
(D&A 20:8).
Extrait du manuscrit du Livre de Mormon,
de la main de John Whitmer. Il fut un de ceux
qui servirent de secrétaire au prophète
pendant la traduction du Livre de Mormon.
A l’évidence, la caractéristique la plus importante de la traduction, comme le dit
la page de titre du Livre de Mormon, est «l’interprétation de ce livre par le don de
Dieu». Moroni, dernier gardien du texte antique, invite tous les lecteurs du Livre
de Mormon à reconnaître par la prière l’authenticité du livre; il promet que par la
puissance du Saint-Esprit, tout le monde peut savoir qu’il est vrai (voir Moroni
10:4-5). Voici le témoignage rendu par le Seigneur lui-même: «[Joseph Smith]
a traduit le livre, à savoir cette partie que je lui ai commandé de traduire, et
aussi vrai que votre Seigneur et votre Dieu est vivant, la traduction est exacte»
(D&A 17:6).
Certains critiques ont avancé l’hypothèse que ce fut Sidney Rigdon qui fut
l’auteur principal du Livre de Mormon. Ils disent qu’il s’inspira d’un roman de
58
PARUTION DU LIVRE DE MORMON ET RÉTABLISSEMENT DE LA PRÊTRISE
Solomon Spaulding, appelé Manuscript Found ou Manuscript Story, pour les parties
historiques de cet ouvrage. Il n’existe, toutefois, aucune preuve que Sidney Rigdon
ait connu Joseph Smith avant la publication du Livre de Mormon. Selon son
propre témoignage, la première fois que frère Rigdon entendit parler du livre, ce
fut en octobre 1830, lorsqu’un exemplaire lui fut remis par Parley P. Pratt (voir
pages 80-81 de ce texte). Le manuscrit de Solomon Spaulding fut découvert dans
les années 1880 et ne présente aucune ressemblance avec le Livre de Mormon.
Cette théorie Spaulding-Rigdon, manifestement inventée de toutes pièces, mais
néanmoins largement diffusée, est une tentative de Satan pour discréditer
l’oeuvre de Dieu.
Lorsqu’il se mit à traduire, en 1827, Joseph Smith commença de toute évidence
par le livre de Léhi, d’après l’abrégé fait par Mormon des grandes plaques de
Néphi (voir chapeau de D&A 10). Après la perte des 116 pages de manuscrit,
Joseph recommença apparemment par le livre de Mosiah, qui se trouve aussi sur
les grandes plaques. Il venait de commencer le livre de Mosiah, lorsqu’Oliver
Cowdery lui fut envoyé au début d’avril 1829. Cinq semaines plus tard, le 15 mai
1829, ils étaient dans 3 Néphi et le sermon adressé par le Sauveur aux Néphites au
sujet du baptême. Ce ne fut que lorsqu’il arriva chez les Whitmer, à Fayette, que
Joseph traduisit les petites plaques de Néphi, qui contiennent 1 Néphi jusque et y
compris les Paroles de Mormon. Le prophète reçut le commandement de traduire
les petites plaques pour remplacer les 116 pages perdues (voir D&A 10:43-45).
Dans le manuscrit originel du Livre de Mormon, la collaboration de John Whitmer
en qualité de secrétaire ne portait que sur le texte des petites plaques, ce qui
confirme cette conclusion16.
TÉMOINS
DU
LIVRE
DE
MORMON
Presque immédiatement après que Joseph Smith eut traduit les écrits de Néphi
concernant la nécessité de témoins (voir 2 Néphi 27:12-14; Ether 5), Martin Harris
se rendit de Palmyra à Fayette pour demander où en était l’ouvrage. Avec Oliver
Cowdery et David Whitmer, Martin demanda à Joseph de prier et de demander au
Seigneur s’ils pouvaient être les témoins promis. Joseph s’exécuta et obtint une
révélation dans laquelle il leur fut dit que s’ils faisaient preuve de foi, d’un coeur
bien résolu, la bénédiction de contempler les plaques sacrées et de voir le pectoral,
l’épée de Laban, l’urim et le thummim utilisés par le frère de Jared et le Liahona—
la boule directrice miraculeuse donnée à Léhi dans le désert (voir D&A 17), leur
serait accordée. Le Seigneur dit: «C’est par votre foi que vous obtiendrez de les
voir, à savoir par cette foi qu’avaient les prophètes de jadis» (D&A 17:2). Le
Seigneur leur dit aussi qu’après avoir vu ces objets, ils seraient tenus d’en
témoigner au monde.
Dès que la traduction fut achevée, Joseph Smith fit savoir à ses parents à
Manchester qu’ils devaient venir à Fayette chez les Whitmer. Quand ils arrivèrent,
amenant Martin Harris, ils passèrent une joyeuse soirée à lire le manuscrit. Le
matin suivant, les futurs témoins et les autres qui logeaient chez les Whitmer se
rassemblèrent pour leur réunion spirituelle matinale habituelle pour lire les
59
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Ecritures, chanter et prier. Lucy Smith écrit: «Joseph se releva et, s’approchant de
Martin Harris d’une manière solennelle qui me parcourt aujourd’hui encore les
veines quand je m’en souviens, dit: ‹Martin Harris, tu dois t’humilier aujourd’hui
devant Dieu, afin de pouvoir obtenir le pardon de tes péchés. Si tu le fais, il est de
la volonté de Dieu que tu contemples les plaques en compagnie d’Oliver Cowdery
et de David Whitmer17.›»
Après cela, les quatre hommes se retirèrent dans les bois et prièrent pour obtenir
l’accomplissement promis de la révélation. Mais après deux tentatives
infructueuses, Martin Harris eut le sentiment que c’était sa présence qui était la
raison pour laquelle ils ne recevaient pas de réponse. Il se retira à une certaine
distance de là et se mit à prier séparément. Les trois autres avaient à peine
recommencé à prier que Moroni leur apparut en gloire, tenant les plaques dans ses
mains. Joseph écrit: «Il tourna les feuilles une par une, de sorte que nous pûmes
les voir et distinguer clairement les caractères qui y étaient gravés . . . Nous
entendîmes une voix provenant de la lumière brillante au-dessus de nous, disant:
‹Ces plaques ont été révélées par la grâce de Dieu, et elles ont été traduites par la
grâce de Dieu. Leur traduction, que vous avez vue, est correcte, et je vous
commande de rendre témoignage de ce que vous voyez et entendez maintenant.›
«Je quittai alors David et Oliver, et me mis à la recherche de Martin Harris, que
je trouvai à une grande distance de là, occupé à prier avec ferveur. Mais il ne tarda
pas à me dire qu’il n’avait pas encore fléchi le Seigneur, et me demanda
instamment de me joindre à lui en prière, pour qu’il pût, lui aussi, obtenir les
mêmes bénédictions que nous venions de recevoir. Nous nous agenouillâmes pour
prier, et finîmes par voir notre désir réalisé, car nous n’avions pas encore terminé,
que la même vision s’ouvrit à nos yeux, du moins elle s’ouvrit de nouveau à moi,
et je vis et entendis de nouveau les mêmes choses, tandis qu’au même moment,
Martin Harris s’écriait, apparemment au comble de la joie: ‹C’est assez, c’est assez,
mes yeux ont vu, mes yeux ont vu›!18»
Quand Joseph retourna chez les Whitmer, il dit à ses parents à quel point il était
soulagé de ce que maintenant d’autres eussent vu l’ange et les plaques et qu’ils
devraient
témoigner
de
ces
vérités,
disant:
«Maintenant
ils
savent
personnellement que je ne suis pas en train de tromper les gens, et j’ai le sentiment
d’être soulagé d’un fardeau qui était presque trop lourd pour moi, et cela réjouit
mon âme de ne plus être entièrement seul au monde19.» Les trois témoins
témoignèrent de leur expérience: «Nous avons vu, par la grâce de Dieu le Père et
de notre Seigneur Jésus-Christ, les plaques contenant ces annales . . . nous savons
aussi que ces annales ont été traduites par le don et le pouvoir de Dieu, car sa voix
nous l’a déclaré; c’est pourquoi, nous savons, avec certitude, que cette oeuvre est
vraie20.» Ils continuèrent en témoignant que l’ange leur avait montré le texte gravé
sur les plaques. Depuis lors, leur témoignagé est annexé à chaque exemplaire du
Livre de Mormon.
Quelques jours plus tard, huit autres témoins, des fidèles qui avaient été proches
du prophète pendant la traduction, furent également choisis pour voir les plaques.
Ces huit hommes étaient Joseph Smith, père, les frères de Joseph, Hyrum et
60
PARUTION DU LIVRE DE MORMON ET RÉTABLISSEMENT DE LA PRÊTRISE
Samuel, quatre des frères Whitmer: Christian, Jacob, Peter et John, et un beau-frère
des Whitmer, Hiram Page. Joseph reçut la permission de leur montrer les plaques
près de la maison des Smith à Manchester, au moment où il prenait ses
dispositions pour l’impression du livre21. Les huit témoins attestèrent qu’ils avaient
manipulé et soulevé les plaques et avaient vu le texte gravé sur les feuilles. Leur
témoignage est également annexé à toutes les éditions du Livre de Mormon. Ainsi
donc, selon la loi divine des témoins, la véracité du Livre de Mormon est
confirmée, et les habitants de la terre sont tenus pour responsables de ce qui
s’y trouve.
Chacun des onze témoins spéciaux des plaques du Livre de Mormon remplit
plus tard des postes ecclésiastiques importants dans l’Eglise rétablie. Cinq d’entre
eux, les trois Smith et Christian et Peter Whitmer fils, moururent tandis qu’ils
étaient actifs au service de l’Eglise. Mais chacun des trois témoins: Martin Harris,
Oliver Cowdery et David Whitmer, se détourna plus tard de l’Eglise. John et Jacob
Whitmer, ainsi que Hiram Page, parmi les huit témoins, apostasièrent également.
Mais aucun de ces six hommes ne renia jamais son témoignage, alors même qu’ils
eurent nombre d’occasions de le faire. Chacun d’eux confirmait formellement la
véracité de son témoignage chaque fois qu’on l’interrogea à ce sujet. Oliver
Cowdery et Martin Harris finirent par revenir à l’Eglise et en étaient membres à
part entière lorsqu’ils décédèrent.
Les huit témoins des plaques du Livre de Mormon
Nom
Date de naissance
Lieu de naissance
Age
Métier
Décès
Christian Whitmer
18 janvier 1798
Harrisburg (Pennsylvanie)
31 ans
Cordonnier
27 novembre 1835
Cté de Clay (Missouri)
Fidèle à l’Eglise
Jacob Whitmer
27 janvier 1800
Harrisburg (Pennsylvanie)
29 ans
Cordonnier
21 avril 1856
Richmond (Missouri)
Peter Whitmer, fils
27 septembre 1809
Fayette (New York)
19 ans
Tailleur
Fermier
22 septembre 1836
Liberty (cté de Clay,
Missouri)
Fidèle à l’Eglise
John Whitmer
27 août 1802
Harrisburg (Pennsylvanie)
26 ans
Fermier
11 juillet 1878
Far West (Missouri)
Hiram Page
1800
Vermont
29 ans
Médecin
Fermier
12 août 1852
Excelsior Springs
(Missouri)
Joseph Smith, père
12 juillet 1771
Topsfield (comté d’Essex,
Massachusetts)
57 ans
Fermier
14 septembre 1840
Nauvoo (Illinois)
Fidèle à l’Eglise
Hyrum Smith
9 février 1800
Tunbridge (Vermont)
29 ans
Fermier
27 juin 1844
Carthage (Illinois)
Fidèle à l’Eglise
Samuel H. Smith
13 mars 1808
Tunbridge (Vermont)
21 ans
Fermier
30 juillet 1844
Nauvoo (Illinois)
Fidèle à l’Eglise
61
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
P U B L I C AT I O N
DU
LIVRE
DE
MORMON
Quelques jours après son arrivée à Fayette avec Oliver Cowdery (juin 1829),
Joseph estima que la traduction était suffisamment avancée pour demander le
copyright. Par conséquent, le 11 juin, Joseph Smith demanda et se vit accorder le
copyright du Livre de Mormon par le Northern District de New York22. Cette
mesure protégeait le livre contre le plagiat.
Comme la traduction touchait à sa fin vers la fin juin, l’attention du prophète se
porta sur la publication du livre. Des négociations répétées eurent lieu avec Egbert
B. Grandin, imprimeur de vingt-trois ans de Palmyra. Quelques feuilles de
manuscrit avec la page de titre lui furent proposées pour une estimation de coût.
Grandin et ses associés étaient peu disposés à entreprendre l’impression de «la
Bible d’or», comme il l’appelait. Joseph et ses compagnons se rendirent donc à
Rochester (New York) où ils prirent contact avec un citoyen et imprimeur éminent,
Copyright du manuscrit originel du Livre de
Mormon. Richard R. Lansing, greffier du
tribunal fédéral de district, fit deux copies de
la demande de copyright du Livre de
Mormon. L’une d’elles est conservée dans
les archives de l’Eglise, la seconde à la
bibliothèque du Congrès.
Egbert Bratt Grandin (1806-45). A l’âge de
dix-huit ans, Grandin avait commencé à
apprendre le métier d’imprimeur au journal
hebdomadaire de Palmyra, le Wayne
Sentinel. A l’époque où le manuscrit du
Livre de Mormon lui fut présenté en vue
de sa publication, il connaissait bien le
métier d’imprimeur. Portrait fait en 1843 par
Alonzo Parks.
62
PARUTION DU LIVRE DE MORMON ET RÉTABLISSEMENT DE LA PRÊTRISE
Extrait du journal de E.B. Grandin,
commencé en janvier 1831. Cette inscription,
datée du 14 juillet 1831, dit qu’il avait “passé
la plus grande partie du jour à déménager les
Bibles d’or de l’atelier de reliure de M.
[Luther] Howard à ma librairie”.
Thurlow Weed, qui les rejeta parce qu’il ne croyait pas au récit de la traduction de
Joseph Smith. Ils rendirent ensuite visite à Elihu F. Marshall, également de
Rochester, qui se montra disposé à imprimer et à relier les manuscrits, mais son
prix était exorbitant. Les frères retournèrent auprès de Grandin et finirent par le
persuader d’imprimer le livre si Martin Harris signait une hypothèque
garantissant le paiement de l’impression par la vente d’une partie de sa ferme de
Palmyra si cela s’avérait nécessaire. Entre-temps le prophète avait reçu une autre
soumission d’un imprimeur de Rochester, de sorte que Grandin accepta de publier
le livre. Un accord fut pris le 17 août 1829 d’imprimer cinq mille exemplaires pour
trois mille dollars23. C’était un nombre d’exemplaires extrêmement important à
l’époque, surtout pour un petit imprimeur local.
Joseph avait tiré une leçon importante de la perte des 116 pages de manuscrit. Il
chargea Oliver Cowdery et Hyrum Smith de superviser l’impression tandis qu’il
retournait à Harmony pour être avec Emma et veiller à ses besoins temporels. Il
leur laissa aussi pour instructions strictes de rédiger un deuxième manuscrit pour
l’imprimeur et de garder l’original, par sécurité, chez les Smith. En conséquence,
Oliver fit un exemplaire du manuscrit pour l’imprimeur24. Pour des raisons de
sécurité, ce manuscrit fut porté par petites sections à l’imprimerie Grandin au fur
L’imprimerie Grandin est le bâtiment
devant lequel se trouvent les deux voitures.
Le Livre de Mormon fut imprimé au deuxième
étage.
63
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
“Presse de Smith” utilisée pour imprimer le
Livre de Mormon. Grandin l’acheta
probablement environ six mois avant de
commencer le travail. L’Eglise acheta la
presse en 1906. La composition, l’impression
et la reliure constituaient un travail ardu. On
prenait manuellement chaque caractère ou
espacement dans la casse et on le mettait
dans des formes qui contenaient huit pages.
Les caractères étaient encrés, et on plaçait
de grandes feuilles de papier dans un cadre
et on les mettait en position au-dessus du
caractère. En tirant sur un levier, on faisait
descendre la lourde platine de fer sur le
papier et le caractère.
On répétait le processus cinq mille fois, et
on pendait chaque feuille pour qu’elle sèche.
Ensuite, on composait huit autres pages de
caractères. On imprimait alors le verso de la
page. Les 16 pages qui en résultaient étaient
pliées et cousues dans le livre et rognées à
la bonne taille lorsqu’il était relié. Ce groupe
de 16 pages est appelé signature. Il fallut
environ trente-cinq signatures pour terminer
le Livre de Mormon25.
Les signatures étaient pliées trois fois en
deux et empilées. Lorsque l’impression était
terminée, les signatures étaient assemblées,
cousues, pressées, collées et rognées avant
que l’on ajoute la reliure. Pour cette dernière,
on couvrait des morceaux de “carton à
couverture” de papier blanc et on les fixait au
livre. Ensuite, on collait un cuir mince à
l’extérieur et on grattait des lettres dorées.
et à mesure que l’oeuvre avançait.
Pendant plusieurs mois, Hyrum fit des
trajets
presque
quotidiens
jusqu’à
l’imprimerie pour superviser le travail.
On comprend que dans ces conditions,
quelques erreurs de transcription et
d’impression aient pu se glisser dans le
livre. En outre, les manuscrits originaux ne
contenaient
aucune
ponctuation
et
aucune division en paragraphes. Avec la
permission de Hyrum Smith, John H.
Gilbert, compositeur de Grandin, ajouta la
ponctuation et la division en paragraphes. L’édition de 1837, préparée par Parley
P. Pratt, et l’édition de 1840, soigneusement préparée par le prophète lui-même,
corrigèrent la plupart des erreurs de la première impression et révisèrent une
partie du travail de Gilbert.
Au cours de l’impression du Livre de Mormon, Oliver Cowdery «apprit le travail
d’imprimeur dans l’atelier de E.B. Grandin, composant beaucoup de caractères du
livre de ses propres mains26».
L’opposition à la nouvelle Ecriture apparut avant même que l’impression ne fût
terminée. Abner Cole utilisait le bâtiment et la presse de Grandin le dimanche et
le soir pour publier son Reflector de Palmyra sous le pseudonyme Obediah
Dogerry. Il considérait le Livre de Mormon comme de la sottise; et comme il avait
En août 1829, Stephen S. Harding se
rendit à Palmyra pour rendre visite à des
parents et des amis. Pendant qu’il était là,
son cousin, Pomeroy Tucker, contremaître de
l’entreprise Grandin, lui remit la page de titre
et la première feuille non coupée du Livre de
Mormon. Plus tard, lorsqu’il fut une figure
importante dans la politique de l’Indiana, il
reçut souvent des missionnaires mormons en
route pour l’ouest ou en venant et leur montra
le document.
Le 8 août 1847, Harding remit la feuille à
Robert Campbell, qui la porta en Utah.
Harding fut désigné par Lincoln comme
gouverneur territorial d’Utah en 1861. A son
arrivée en Utah, Campbell alla le trouver et lui
demanda s’il voulait bien confirmer
l’importance du document. Il le fit en portant
une inscription dans le coin supérieur droit
qui dit: «Ceci est la première impression
sortie de la forme sur laquelle fut imprimé le
Livre de Mormon. Elle me fut remise par
l’imprimeur dans le village de Palmyra, New
York.» La déclaration est signée S. S.
Harding.
64
PARUTION DU LIVRE DE MORMON ET RÉTABLISSEMENT DE LA PRÊTRISE
accès au manuscrit de l’imprimeur, il subtilisa quelques pages et commença à les
publier. Un dimanche de décembre, Hyrum et Oliver se sentirent mal à l’aise et
allèrent en ville jusqu’à l’imprimerie où ils trouvèrent Cole travaillant
fiévreusement sur un extrait du Livre de Mormon.
Ils lui donnèrent l’ordre d’arrêter parce qu’ils détenaient un copyright légal,
mais il les défia et publia des extraits dans le Reflector. Joseph Smith, père, alla
immédiatement informer le prophète et le ramener à Palmyra. A son arrivée,
Joseph exigea de Cole qu’il mette fin à sa piraterie littéraire. Cole voulut se battre
aux poings, mais le prophète garda son calme, et la raison l’emporta. La dernière
insertion parut dans le numéro du 22 janvier 183027.
L’attitude moqueuse de Cole reflétait le sentiment général qui existait à l’époque
à Palmyra. Un certain nombre de personnes tinrent une réunion et prirent la
résolution de ne pas acheter le livre lorsqu’il sortirait de presse. Lorsque Grandin
devint nerveux, Joseph retourna à Palmyra pour l’assurer que le coût de
John Hulburd Gilbert, fils (1802-95), qui
composa le Livre de Mormon. Etant donné
qu’il y avait très peu de ponctuation dans le
manuscrit originel, Gilbert ponctua la plus
grande partie du livre en cours d’impression.
Une fois qu’il eut gagné la confiance d’Hyrum
et d’Oliver, il fut autorisé à emporter plusieurs
soirs chez lui le manuscrit de l’imprimeur et le
ponctua au crayon.
Cette photo fut prise en 1892 lorsque
Gilbert avait quatre-vingt-dix ans.
l’impression serait payé28. Martin Harris, craignant de perdre sa ferme si le Livre
de Mormon ne se vendait pas, s’adressa au prophète et demanda à être guidé. Par
révélation, il fut commandé à Martin de ne pas «convoiter» ses propres biens, mais
de «les consacrer libéralement» pour couvrir le coût de l’impression du Livre de
Mormon (voir D&A 19:26). Soixante hectares de terres de la ferme de Martin
Harris furent mis en vente publique en avril 1831 pour payer M. Grandin. Ce
sacrifice permit l’impression du Livre de Mormon29. Le Wayne Sentinel annonça
que les premiers exemplaires seraient disponibles pour la vente au public le 26
mars 1830.
Le Livre de Mormon représente la volonté de Dieu pour les hommes de ces
derniers jours. Notre génération a la bénédiction d’avoir l’évaluation du Seigneur
lui-même concernant ce grand livre:
Il «contient l’histoire d’un peuple déchu et la plénitude de l’Evangile de JésusChrist aux Gentils et aux Juifs également.
«Lequel a été donné par inspiration et est confirmé à d’autres par le ministère
d’anges et proclamé par eux au monde «Prouvant au monde que les Saintes Ecritures sont vraies et que Dieu inspire les
hommes et les appelle à son oeuvre sainte à notre époque et dans notre
génération, tout comme dans les générations d’autrefois» (D&A 20:9-11).
Dans cette convention, signée le 16 janvier
1830, Joseph Smith, père, convenait que les
premiers bénéfices de la vente du Livre de
Mormon devaient aller à Martin Harris pour le
paiement de l’imprimeur, le soulageant ainsi
du fardeau total du paiement. Néanmoins,
Martin dut vendre soixante hectares de terres
en 1831 pour régler la dette.
65
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
EVÉNEMENTS ASSOCIÉS
DU LIVRE DE MORMON
À L A P U B L I C AT I O N
11 juin 1829. Obtention du copyright du Livre
de Mormon.
1 juillet 1829. Achèvement de la traduction du
Livre de Mormon.
Juillet 1829. Oliver Cowdery commence le
manuscrit de l’imprimeur.
17 août 1829. Joseph Smith et Martin Harris
passent un contrat avec Egbert Grandin pour la
publication de cinq mille exemplaires du Livre
de Mormon.
août 1829. Oliver Cowdery remet à l’imprimeur
les premières pages du manuscrit.
La composition commence et les premières
feuilles non coupées sortent de presse. Stephen
Harding reçoit la première page de titre.
25 août 1829. Martin Harris hypothèque sa
ferme pour trois mille dollars pour payer le
coût de l’impression.
Octobre 1829. Retour de Joseph Smith à
Harmony (Pennsylvanie).
6 novembre 1829. Oliver écrit à Joseph,
expliquant que l’impression a été retardée pour
cause de maladie et parce que Grandin attend
d’autres caractères. Oliver est arrivé à Alma 36
dans le manuscrit de l’imprimeur.
16 janvier 1830. Joseph Smith, père, et Martin
Harris concluent un accord selon lequel ils
auront un droit égal à la vente du Livre de
Mormon jusqu’à ce que Grandin soit payé.
Décembre 1829-janvier 1830. Abner Cole publie
illégalement des extraits du Livre de Mormon
dans son journal, le Reflector.
Janvier 1830. Grandin arrête l’impression à
cause d’une menace de boycott du Livre de
Mormon. Joseph retourne de Harmony à
Palmyra pour régler le problème Cole et
convaincre Grandin de terminer l’impression.
19 mars 1830. Le Wayne Sentinel annonce que le
Livre de Mormon sera disponible pour la vente
dans une semaine.
26 mars 1830. Le Wayne Sentinel annonce la
mise en vente du Livre de Mormon.
NOTES
Le 19 mars 1830, le Wayne Sentinel de
Palmyra passa une publicité qui disait: «On
nous prie d’annoncer que le ‘Livre de
Mormon’ sera prêt pour la vente d’ici une
semaine.» Le 26 mars 1830, une autre
publicité apparut dans le même journal
précisant quand le Livre de Mormon était mis
en vente.
1. Lucy Mack Smith, History of Joseph Smith, éd.
Preston Nibley, Salt Lake City, Bookcraft, 1958,
p. 137.
16. Voir Stan Larson, «‹A Most Sacred
Possession›: The Original Manuscript of the
Book of Mormon», Ensign, sept. 1977, p. 90.
2. Joseph Smith, Histoire de 1832, p. 5, citée
dans Dean C. Jessee, éd., The Personal Writings
of Joseph Smith, Salt Lake City, Deseret Book
Co., 1984, p. 8.
17. Lucy Mack Smith, History of Joseph Smith,
pp. 151-52.
3. Smith, History of Joseph Smith, p. 138.
4. Dans Smith, History of Joseph Smith, p. 139.
5. Latter Day Saints’ Messenger and Advocate, oct.
1834, p. 14; voir aussi Joseph Smith, Histoire
1:71n (édition de l’Eglise).
6. Dans Messenger and Advocate, oct. 1834, p. 15;
voir aussi Joseph Smith, Histoire 1:71n (édition
de l’Eglise).
7. History of the Church, 1:44.
8. Voir History of the Church, 1:48-49; Millennial
Star, 9 déc. 1878, p. 772; Millennial Star, 4 juillet
1881, pp. 422-23.
9. Dans Lucy Mack Smith, History of Joseph
Smith, p. 148.
10. Voir Lucy Mack Smith, History of Joseph
Smith, pp. 148-49.
11. Voir «Report of Elders Orson Pratt and
Joseph F. Smith», Millennial Star, 9 déc. 1878,
p. 772.
12. «Report of Elders Orson Pratt and Joseph F.
Smith», p. 772.
13. «Report of Elders Orson Pratt and Joseph F.
Smith», p. 772-73.
14. Donald Q. Cannon et Lyndon W. Cook, éd.
Far West Record: Minutes of the Church of Jesus
Christ of Latter-day Saints, 1830-1844, Salt Lake
City, Deseret Book Co., 1983, p. 23.
15. History of the Church, 1:315.
66
18. History of the Church, 1:54-55.
19. Dans Lucy Mack Smith, History of Joseph
Smith, p. 152.
20. History of the Church, 1:56-57.
21. Voir «Témoignage de huit témoins» dans le
Livre de Mormon.
22. History of the Church, 1:58.
23. History of the Church, 1:71.
24. Voir «Historic Discoveries at the Grandin
Building», Ensign, juillet 1980, pp. 49-50.
25. Voir Lucy Mack Smith, History of Joseph
Smith, p. 157.
26. Wayne County Journal, Lyons, New York, 6
mai 1875; renseignements obtenus auprès de
Donald E. Enders, Joseph Smith, Sr, Family in
Palmyra/Manchester, New York, dossier de
recherche, Museum of Church History and Art,
Salt Lake City, Utah, 1989.
27. Voir Lucy Mack Smith, History of Joseph
Smith, pp. 164-66; Richard L. Bushman, Joseph
Smith and the Beginnings of Mormonism,
Chicago, University of Illinois Press, 1984, pp.
108-9; Russell R. Rich, «The Dogberry Papers
and the Book of Mormon», Brigham Young
University Studies, printemps 1970, pp. 315-20.
28. Voir Lucy Mack Smith, History of Joseph
Smith, pp. 166-67.
29. Voir Wayne C. Gunnell, «Martin Harris—
Witness and Benefactor to the Book of
Mormon», mémoire de licence, université
Brigham Young, 1955, pp. 37-40.
CHAPITRE SIX
O R G A N I S AT I O N
JÉSUS-CHRIST
Ligne du temps
Date
Evénement important
Fayette
6 avril 1830
Organisation de l’Eglise
11 avril 1830
Premier discours public
9 juin 1830
Première conférence
26 septembre Deuxième conférence
1830
D E L’E G L I S E D E
L
E 6 AVRIL 1830 est une date importante pour les saints des derniers
jours. Ce jour-là, l’Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours fut
organisée. L’organisation de l’Eglise fut, comme le dit Gordon B. Hinckley,
le point culminant d’une décennie de préparation pour Joseph Smith, le prophète:
«Ce jour d’organisation fut en fait un jour de remise des prix, l’acccession de
Joseph Smith au diplôme après dix années d’études remarquables. Cela avait
commencé par l’incomparable vision dans le bosquet au printemps 1820, lorsque
Colesville
fin avril 1830
Premier miracle
le Père et le Fils apparurent au jeune garçon, qui avait alors quatorze ans. Cela
26-28 juin
1830
Baptêmes et persécutions
avait continué avec la formation donnée par Moroni, au cours de laquelle
28 juin 1830
Arrestation de Joseph Smith
Harmony
juin 1830
Début de la traduction de la
Bible par Joseph Smith
août 1830
Révélation sur la Sainte-Cène
Fin août 1830 Joseph Smith quitte Harmony
pour la dernière fois
avertissements et instructions furent donnés en de multiples occasions. Puis eut
lieu la traduction des annales antiques et l’inspiration, la connaissance, la
révélation qui constituèrent cette expérience. Il y eut le don d’autorité divine, celui
de la prêtrise d’autrefois de nouveau conférée aux hommes par ceux qui en étaient
les détenteurs légitimes: Jean-Baptiste dans le cas de la Prêtrise d’Aaron, Pierre,
Jacques et Jean dans le cas de celle de Melchisédek. Il y eut des révélations, un
Région de Manchester
certain nombre d’entre elles, par lesquelles la voix de Dieu se fit de nouveau
avril-juin 1830 Mission de Samuel Smith
entendre, et l’ouverture des voies de communication entre l’homme et le Créateur.
juillet 1830
Tout cela fut le préliminaire de ce 6 avril historique1.»
Départ de Joseph Smith, père,
et de Don Carlos Smith au
service missionnaire
1 septembre Baptême de Parley P. Pratt
1830
UN
JOUR À SE RAPPELER
Peu après avoir reçu la prêtrise de la part de messagers célestes en 1829, Joseph
Smith et Oliver Cowdery connurent par révélation «le jour précis où, selon la
volonté et le commandement [de Dieu], [ils devaient se] mettre en devoir
d’organiser de nouveau son Eglise sur cette terre2». Peter Whitmer, père, mit sa
maison à disposition pour la réunion d’organisation prévue, selon la révélation, le
mardi 6 avril. A l’heure dite, près de soixante personnes se réunirent pour assister
à l’organisation officielle de l’Eglise de Jésus-Christ. Une vingtaine de ces
personnes venaient de Colesville, située à environ cent soixante kilomètres de là,
pour prendre part aux travaux de cet événement sacré3.
La réunion fut simple. Joseph Smith, qui avait alors vingt-quatre ans, ouvrit la
réunion et désigna cinq de ses collaborateurs: Oliver Cowdery, Hyrum Smith,
Peter Whitmer fils, Samuel H. Smith et David Whitmer, pour se joindre à lui afin
de répondre aux exigences juridiques de l’Etat de New York pour procéder à la
création légale d’une société religieuse4. Après qu’on se fut agenouillé pour prier
solennellement, Joseph demanda aux personnes présentes si elles étaient
disposées à les accepter, lui et Oliver, comme leurs instructeurs et leurs conseillers
67
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Reconstitution de la maison de rondins de
Peter Whitmer dans le township de Fayette
(New York). Beaucoup d’événements
importants se produisirent chez les Whitmer:
le témoignage des trois témoins y fut signé,
la traduction du Livre de Mormon y fut
terminée, l’Eglise y fut organisée, et Doctrine
et Alliances contient vingt révélations qui y
furent reçues.
spirituels. Tout le monde leva la main en signe d’approbation. Bien qu’ayant
précédemment reçu la Prêtrise de Melchisédek, Joseph Smith et Oliver Cowdery
s’ordonnèrent alors mutuellement à l’office d’ancien. Ils le firent pour montrer
qu’ils étaient anciens dans l’Eglise nouvellement organisée. La Sainte-Cène fut
ensuite bénie et distribuée. Les prières utilisées avaient été reçues par révélation
(voir D&A 20:75-79). Joseph et Oliver confirmèrent alors ceux qui avaient été
précédemment baptisés comme membres de l’Eglise de Jésus-Christ et leur
conférèrent le don du Saint-Esprit.
Dans une révélation donnée en ce jour historique, Joseph fut désigné comme
«voyant, traducteur, prophète, apôtre de Jésus-Christ» (D&A 21:1). Le Seigneur dit
aux membres de l’Eglise nouveau-née: «Vous recevrez [la parole de Joseph] en
toute patience et avec une foi totale, comme si elle sortait de ma propre bouche»
(D&A 21:5).
L’organisation de l’Eglise de Jésus-Christ fut un événement inoubliable pour les
personnes présentes. Joseph rapporte: «Après avoir passé de joyeux moments à
témoigner et à sentir personnellement la puissance et les bénédictions du SaintEsprit, par la grâce que Dieu nous avait accordée, nous nous séparâmes avec
l’agréable certitude que nous étions maintenant, chacun, membres de Dieu,
reconnus par lui, ‹l’Eglise de Jésus-Christ›, organisée conformément aux
commandements et aux révélations qu’il nous avait donnés en ces derniers jours,
aussi bien que conformément à l’ordre de l’Eglise tel qu’il apparaît dans le
Nouveau Testament5.» Joseph profita aussi de l’occasion pour instruire les saints et
rendre son témoignage personnel. Plusieurs personnes furent baptisées en ce
grand jour, parmi lesquelles Orrin Porter Rockwell, Martin Harris et les parents de
Joseph Smith. Ce fut un moment de joie et de bonheur dans la vie du prophète,
68
ORGANISATION DE L’EGLISE DE JÉSUS - CHRIST
qui s’exclama: «Loué soit mon Dieu, que j’aie pu voir mon père baptisé dans la
vraie Eglise de Jésus-Christ!6»
Le dimanche 11 avril, Oliver Cowdery fit le premier discours public de l’Eglise
dans la maison des Whitmer à Fayette. Beaucoup de personnes étaient présentes,
et le même jour six personnes furent baptisées. Une semaine plus tard, sept autres
devenaient membres. Joseph Smith reçut aussi une révélation répondant à la
question concernant la nécessité du baptême lorsqu’une personne avait
précédemment été baptisée dans une autre Eglise. La réponse fut: «Un homme,
fût-il baptisé cent fois, cela ne lui sert à rien, car vous ne pouvez pas entrer par la
porte étroite par la loi de Moïse ni par vos oeuvres mortes» (D&A 22:2). Le
Seigneur affirma que l’autorité était essentielle pour accomplir un baptême
valable. L’Eglise fournissait à ce moment-là, comme elle le fait maintenant, à tous
ceux qui croient sincèrement au Christ et en son Evangile, l’organisation
permettant de recevoir les ordonnances salvatrices, de bénéficier de la
communion fraternelle avec les autres croyants, d’être instruit plus parfaitement
des principes de l’Evangile et d’aider au salut des autres.
MINISTÈRE
DU PROPHÈTE À
COLESVILLE
Plus tard, au cours du mois d’avril, Joseph Smith rendit visite à Joseph Knight,
père, à Colesville. Les Knight étaient disposés à réfléchir avec Joseph Smith sur les
question de religion et furent prompts à le défendre contre ses ennemis. Tandis
qu’il était dans la région de Colesville, Joseph tint plusieurs réunions auxquelles
assistèrent beaucoup d’amis. Il raconte: «Beaucoup commencèrent à prier avec
ferveur le Dieu Tout-Puissant pour qu’il leur donne la sagesse nécessaire pour
entendre la vérité».
Une des personnes qui assistaient régulièrement aux réunions était Newel
Knight, grand ami du prophète. Newel Knight avait peur de prier à haute voix
mais il finit par accepter l’invitation persuasive du prophète de le faire au cours de
la prochaine réunion. Lorsque le moment arriva, Newel refusa, promettant qu’il
prierait plus tard en privé. Le lendemain matin, il alla dans les bois où il essaya de
prier, mais il n’y parvint pas parce qu’il se sentait coupable d’avoir refusé de prier
publiquement. Il commença à se sentir mal à l’aise et à devenir malade. Lorsqu’il
rentra chez lui, sa femme fut alarmée par son aspect. Il lui demanda de faire venir
Joseph. Lorsque le prophète arriva, Newel «souffrait beaucoup en esprit et son
corps était agité d’une manière très étrange; il avait le visage et les membres
déformés et tordus de toutes les façons que l’on puisse imaginer; et finalement il
fut enlevé du plancher de la chambre et terriblement projeté çà et là».
Les voisins et les parents s’attroupèrent pour assister au terrible spectacle.
Joseph finit par s’emparer de la main de Newel. Celui-ci dit qu’il savait qu’il était
possédé du diable et qu’il savait aussi que Joseph Smith avait le pouvoir de le
chasser. Agissant en fonction de la foi de Newel aussi bien que de la sienne, Joseph
commanda au démon, au nom de Jésus-Christ, de partir. Newel déclara
immédiatement qu’il voyait le diable le quitter et disparaître. Cela fut considéré
comme le premier miracle accompli dans l’Eglise. Joseph affirma que «cela fut fait
69
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
non par l’homme, ni par le pouvoir de l’homme, mais par Dieu et en vertu de la
New York
Lac Ontario
déformations de son corps cessèrent.
L’Esprit du Seigneur descendit sur Newel de sorte que les visions de l’éternité
Palmyra
Manchester
Fayette
South
Bainbridge
Colesville
Harmony
Pennsylvanie
s
Su
piété7». Le visage de Newel Knight reprit son expression normale, et les
na
an
eh
qu
s’ouvrirent à lui. Dans son état d’affaiblissement, il fut mis sur le lit, mais il dit qu’il
se sentait «attiré vers le haut et demeura un certain temps perdu dans la
contemplation, de sorte [qu’il] ne savait pas ce qui se passait dans la chambre».
Dans cet état, son corps fut soulevé jusqu’à ce qu’il sentît les poutres du plafond
presser contre son épaule et sa tête.
Beaucoup, parmi les personnes qui virent ces événements, furent convaincues
de la puissance de Dieu et devinrent plus tard membres de l’Eglise. Joseph
Les trois centres de l’Eglise à New York
en juin 1830: (1) Township de Manchester
(2) Township de Fayette et (3) Région de
Colesville
retourna peu de temps après à Fayette. Quelques semaines plus tard, Newel
Knight arrivait à Fayette et était baptisé par David Whitmer8.
PREMIÈRE
C O N F É R E N C E D E L’E G L I S E
En juin 1830, les saints de New York se trouvaient essentiellement à Manchester,
à Fayette et à Colesville. Le nombre des membres de l’Eglise s’élevait à ce momentlà à une trentaine de personnes. Conformément aux instructions révélées (voir
D&A 20:75), le prophète les réunit le 9 juin à Fayette pour la première conférence
de l’Eglise. Beaucoup de personnes, qui étaient soit croyantes ou vivement
désireuses d’apprendre, y assistèrent. Les personnes réunies prirent la SainteCertificat d’ordination de Joseph Smith,
père, en qualité de prêtre, signé par Joseph
Smith, fils, et Oliver Cowdery
70
ORGANISATION DE L’EGLISE DE JÉSUS - CHRIST
Cène et plusieurs convertis récents furent confirmés. Samuel H. Smith fut ordonné
ancien, et Joseph Smith, père, et Hyrum furent ordonnés prêtres. Dix frères
reçurent des «licences», qui étaient de petits documents attestant qu’ils étaient
autorisés à représenter l’Eglise (voir D&A 20:64-65). Oliver Cowdery tint le procès
verbal de cette réunion et fut désigné par la conférence pour tenir les registres
officiels de l’Eglise.
Joseph Smith lut à l’assemblée les «articles et alliances de l’Eglise de JésusChrist» (la plus grande partie des sections 20 et 22 des Doctrine et Alliances), qui
contiennent des instructions importantes concernant l’ordre de l’Eglise9.
Joseph Smith écrit: «Beaucoup d’exhortations et d’instructions furent données,
et le Saint-Esprit fut déversé sur nous d’une manière miraculeuse: beaucoup
d’entre nous prophétisèrent, tandis que d’autres se voyaient ouvrir les cieux.»
Newel Knight fut rempli d’un amour et d’une paix indicibles. Il eut la vision du
Sauveur et apprit qu’il serait un jour admis en la présence du Seigneur.
«Les manifestations de ce genre étaient de nature à nous emplir le coeur d’une
joie indicible et à nous remplir de respect et d’adoration à l’égard de cet Etre toutpuissant . . . nous trouver engagés exactement dans le même ordre de choses
qu’observaient les saints apôtres d’autrefois; être conscients de l’importance et de
la solennité de ces activités et être témoins et sentir par nos sens naturels les
manifestations glorieuses des facultés de la prêtrise, les dons et les bénédictions du
Saint-Esprit et la bonté et la condescendance d’un Dieu miséricordieux pour ceux
qui obéissent à l’Evangile éternel de notre Seigneur Jésus-Christ, tout cela se
combinait pour créer en nous des sensations de reconnaissance ravie et nous
insuffler un zèle et une énergie renouvelée pour la cause de la vérité10.»
Peu après cette conférence, douze personnes furent baptisées par David
Whitmer dans le lac de Seneca. Parmi elles, Katherine, soeur de Joseph Smith, et
ses frères William et Don Carlos.
T R I B U L AT I O N S
ET JOIE À
COLESVILLE
Immédiatement après la conférence, Joseph Smith retourna chez lui à Harmony
(Pennsylvanie). Vers la fin de juin 1830, le prophète, accompagné de sa femme,
d’Oliver Cowdery et de John et David Whitmer, rendit visite à la famille Knight à
Colesville (New York). Joseph Knight, père, qui avait lu le Livre de Mormon et
avait la certitude qu’il était vrai, et un certain nombre d’autres personnes de la
région désirèrent le baptême. Le samedi 26 juin, les frères construisirent un
barrage sur un ruisseau afin de créer un étang permettant de faire des baptêmes.
Cette nuit-là, des émeutiers, excités par les dirigeants de certaines Eglises de la
région qui venaient de perdre des membres, démolirent le barrage. Le dimanche,
les frères commencèrent la réunion. Oliver prêcha et d’autres témoignèrent de la
véracité du Livre de Mormon et de la doctrine du repentir, du baptême pour la
rémission des péchés et de l’imposition des mains pour le don du Saint-Esprit.
Certains émeutiers assistèrent à la réunion et harcelèrent ensuite les personnes
présentes.
71
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Tôt le lendemain, 28 juin, les frères réparèrent le barrage et organisèrent le
service de baptême. Treize personnes furent baptisées, parmi lesquelles Emma
Smith. Beaucoup de voisins se moquèrent d’eux, demandant s’ils «avaient lavé des
moutons11». Sans rien dire, les saints retournèrent vers la résidence de Joseph
Knight et ensuite se rendirent à la maison de Newel Knight, mais leurs ennemis
les suivirent, leur criant des insultes et menaçant de faire du mal aux nouveaux
convertis. Une réunion devait se tenir ce soir-là pour confirmer ceux qui avaient
été baptisés, mais avant qu’elle ne pût commencer, Joseph fut arrêté et emmené à
South Bainbridge (comté de Chenango) pour être jugé comme fauteur de troubles.
Les émeutiers essayèrent d’intercepter Joseph et l’agent de police, mais celui-ci
réussit à protéger le prophète.
Joseph Knight, père, prit des dispositions pour que deux voisins, James
Davidson et John Reid, des hommes connus pour leur intégrité, défendent le
lendemain Joseph Smith au tribunal. Comme des mensonges scandaleux avaient
circulé au sujet du prophète, cela attira beaucoup de spectateurs remuants au
procès. Néanmoins, le témoignage de Josiah Stowell et de deux de ses filles
contribua à assurer l’acquittement de Joseph. Mais le procès était à peine terminé
qu’un agent de police du comté de Broome l’arrêtait de nouveau pour le
même motif.
Joseph raconte: «L’agent de police qui me signifia ce deuxième mandat m’avait
à peine arrêté qu’il commença m’injurier et à m’insulter, et il fut à ce point cruel
avec moi que bien que j’eusse été gardé toute la journée au tribunal sans rien avoir
à manger depuis le matin, il m’emmena précipitamment au comté de Broome,
environ vingt-cinq kilomètres plus loin, avant de me permettre de manger
quelque nourriture que ce soit. Il m’emmena dans une taverne et y rassembla un
certain nombre d’hommes, qui utilisèrent tous les moyens pour m’injurier, me
ridiculiser et m’insulter. Ils crachèrent sur moi, me montrèrent du doigt, disant:
‹Prophétise, prophétise!›, et c’est ainsi qu’ils imitèrent ceux qui crucifièrent le
Sauveur de l’humanité, ne sachant pas ce qu’ils faisaient.»
Le lendemain, lors du procès, beaucoup de témoins déclarèrent avec serment
des mensonges contre le prophète, se contredisant souvent. Lorsque Newel
Knight alla à la barre, M. Seymour, procureur qui était vivement désireux de défier
le mormonisme, interrogea Newel concernant l’incident au cours duquel le diable
fut chassé de lui:
«- Joe Smith n’avait-il pas quelque chose à voir avec cela?
«- Oui, monsieur.
«- Ne l’a-t-il pas chassé de vous?
«- Non, monsieur; cela s’est fait par la force de Dieu, et Joseph Smith était
l’instrument entre les mains de Dieu à cette occasion. Il lui a commandé de sortir
de moi au nom de Jésus-Christ.
«- Et êtes-vous sûr que c’était le diable?
«- Oui, monsieur.
«- L’avez-vous vu après qu’il ait été chassé de vous?
«- Oui, monsieur! Je l’ai vu.
72
ORGANISATION DE L’EGLISE DE JÉSUS - CHRIST
«- A quoi resemblait-il, s’il vous plaît?
« . . . Le témoin répondit:
«- Je crois que je n’ai pas besoin de répondre à votre dernière question, mais je
le ferai à condition qu’il me soit permis de vous poser d’abord une question et que
vous me répondiez, à savoir: Est-ce que vous, M. Seymour, vous comprenez les
choses de l’Esprit?
«- Non, répondit M. Seymour, je n’ai aucune prétention à d’aussi grandes
choses.
«- Alors, répondit Knight, il serait inutile de vous dire à quoi le diable ressemble,
car c’était une vision spirituelle, et elle fut discernée spirituellement; et bien
entendu vous ne comprendriez pas si je vous en parlais.
« L’homme de loi baissa la tête, tandis que les rires bruyants de l’auditoire
proclamaient sa déconfiture . . .
« . . . Ces hommes [James Davidson et John Reid], bien que n’étant pas
officiellement avocats, furent en cette occasion à même de réduire au silence leurs
adversaires et de convaincre le tribunal que j’étais innocent. Ils parlèrent comme
des hommes inspirés de Dieu12.» Le prophète fut de nouveau acquitté, mais les
émeutiers le harcelèrent jusqu’à ce qu’il trouve refuge chez la soeur de sa femme
et plus tard chez lui à Harmony.
Quelques jours plus tard, Joseph Smith retourna à Colesville avec Oliver
Cowdery pour confirmer ceux qui avaient été baptisés; à peine étaient-il arrivés
que des émeutiers commencèrent à s’attrouper. Ils pensèrent que le mieux était de
partir sans même prendre le temps de se reposer. Joseph et Oliver Cowdery
échappèrent aux émeutiers, qui les poursuivirent pendant toute la nuit. Joseph dit:
«C’est ainsi que nous fûmes persécutés à cause de nos croyances religieuses—dans
un pays dont la Constitution garantit à tous les hommes le droit indéfectible
d’adorer Dieu selon l’inspiration de leur conscience—et cela par des hommes qui
professaient une religion et n’étaient pas lents à défendre le droit de liberté
religieuse pour eux-mêmes, même s’ils pouvaient méchamment nous le refuser13.»
Entre-temps, les saints de Colesville priaient pour que Joseph et Oliver
retournent leur rendre visite. Le retour du prophète à Colesville au début d’août
s’accompagna d’un miracle. Comme les sentiments hostiles persistaient, Joseph et
Hyrum Smith ainsi que John et David Whitmer prièrent de toutes leurs forces
avant leur voyage et, comme le déclara Newel Knight: «Leurs prières ne furent pas
vaines. A une petite distance de ma maison, ils rencontrèrent un important groupe
d’hommes travaillant à la voie publique, parmi lesquels il y avait quelques-uns de
nos ennemis les plus acharnés, qui regardèrent attentivement les frères mais ne les
reconnurent pas; les frères purent ainsi passer sans être inquiétés14». Les
confirmations qui suivirent et la Sainte-Cène prise en commun furent un joyeux
intermède entre les difficultés.
Pendant toutes ces tribulations, le Seigneur soutint le prophète et révéla des
vérités fondamentales de la théologie et de la pratique des saints des derniers
jours. Parmi ces vérités, il y eut les «visions de Moïse», constituant le chapitre 1 du
livre de Moïse dans la Perle de Grand Prix, qui exposaient la nature et l’étendue de
73
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
l’oeuvre de Dieu (voir Moïse 1:33, 39) et démasquaient Satan, source de
l’opposition à la justice. Pendant tout l’été, Joseph étudia la Genèse. Cette étude
constitua la base du livre de Moïse et une grande partie de sa “traduction inspirée”
de la Bible, que l’on appelle aujourd’hui la traduction de Joseph Smith15.
D’autres révélations furent données au cours du mois de juillet, disant à Joseph
d’être patient dans ses afflictions et lui commandant de persévérer dans la prière
et «[d’] écrire les choses qui [lui] seraient données par le Consolateur et [d’]
interpréter toutes les Ecritures pour l’Eglise . . .» Le seigneur ajoute:
«Car tu consacreras tout ton service à Sion et tu auras de la force pour cela . . .
«Tu n’auras pas de force pour les travaux temporels» (D&A 24:5, 7, 9). L’appel de
Joseph était celui de prophète; il ne devait pas se préoccuper directement de
pourvoir à ses besoins temporels. Ce ne fut pas un sacrifice aisé pour lui ou pour
sa famille. Il lui fut également recommandé de consacrer son «temps à étudier les
Ecritures [allusion à sa traduction inspirée de la Bible], à prêcher, à affermir
l’Eglise de Colesville et à accomplir [ses] travaux dans le pays, selon ce qui est
requis, jusqu’à ce qu’[il aille] dans l’Ouest pour tenir la prochaine conférence»
(D&A 26:1). Alors ce qu’il ferait serait révélé». Cette conférence allait avoir lieu en
septembre à Fayette.
En juillet, Joseph reçut une révélation pour sa femme, Emma (voir D&A 25). Elle
fut qualifiée de «dame élue» (v. 3) et fut consolée dans ses afflictions. Elle reçut
également le commandement de compiler le premier recueil de cantiques de
l’Eglise. Les cantiques qu’elle rassembla, et les autres écrits depuis lors,
représentent une expression importante de la foi des saints des derniers jours.
Parlant de l’importance de la musique dans notre dispensation, le Seigneur dit:
«Mon âme se réjouit du chant du coeur, oui, le chant des justes est une prière pour
moi, et il sera exaucé par une bénédiction sur leur tête» (v. 12).
En août, quand il retourna à Harmony, le prophète reçut une révélation
importante concernant les emblèmes de la Sainte-Cène. Newel Knight et sa
femme, Sally, étaient allés à Harmony rendre visite à Joseph et à Emma. Aucune
des femmes n’avait été confirmée membre de l’Eglise, de sorte que les deux
couples, ainsi que John Whitmer, décidèrent d’administrer cette ordonnance et de
prendre la Sainte-Cène. Joseph alla se procurer du vin pour l’événement, mais il
n’était pas allé loin lorsqu’il rencontra un messager céleste. L’ange lui dit que peu
importait ce que l’on mangeait ou buvait à la Sainte-Cène tant que l’ordonnance
était accomplie en n’ayant en vue que la gloire de Dieu. Joseph fut également
averti qu’il ne devait pas acheter du vin de ses ennemis (voir D&A 27:2-4).
Obéissant à ce commandement, le petit groupe utilisa du vin qu’il avait fait luimême et tint une réunion. Il passa le soir «d’une manière merveilleuse», et l’Esprit
se déversa abondamment sur lui16.
PREMIERS
E F F O RT S M I S S I O N N A I R E S , P R E M I È R E S C O N V E R S I O N S
Pendant que ces événements se déroulaient à Colesville et à Harmony en été
1830, l’oeuvre missionnaire était également en cours dans d’autres parties de l’Etat
de New York. Des personnes avaient fait connaître l’Evangile à leurs familles, leurs
74
ORGANISATION DE L’EGLISE DE JÉSUS - CHRIST
amis et leurs voisins avant même l’organisation de l’Eglise. Plus d’un candidat
missionnaire s’était entendu dire par révélation: «Voici, le champ est déjà mûr pour
la moisson; c’est pourquoi quiconque désire moissonner, qu’il lance sa faucille de
toutes ses forces et moissonne tant que dure le jour afin d’amasser pour son âme
le salut éternel dans le royaume de Dieu» (D&A 6:3; voir aussi 4:4; 11:3; 12:3, 14:3).
Une fois que l’impression du Livre de Mormon eut été entreprise, l’intérêt du
public pour Joseph Smith et le mormonisme s’accrut. Les rumeurs allaient bon
train sur le livre d’or en cours d’impression à Palmyra. Un de ceux qui eurent vent
de ces rumeurs fut Thomas B. Marsh, de Boston, qui devint plus tard le premier
président du Collège des douze apôtres. Sa curiosité le conduisit à l’atelier
d’imprimerie de Grandin; il y rencontra Martin Harris, qui lui donna des épreuves
des seize premières pages imprimées du Livre de Mormon et l’accompagna
Brigham Young et son frère Phineas.
John P. Greene et Phineas Young devinrent
membres de l’Eglise suite aux efforts
missionnaires de Samuel Smith. Samuel fut
également indirectement responsable de la
conversion de Brigham Young et de Heber C.
Kimball, grâce à l’exemplaire du Livre de
Mormon remis à Phineas Young.
ensuite chez les Smith à Manchester. Oliver Cowdery passa plusieurs moments
durant deux jours à lui parler de Joseph et du rétablissement. Thomas retourna au
Massachusetts et parla de l’oeuvre nouvelle à sa famille. Quand il apprit que
l’Eglise avait été organisée, il installa sa famille à Palmyra. En septembre 1830, il fut
baptisé et appelé en mission (voir D&A 31).
Samuel H. Smith, frère cadet du prophète, fut ordonné ancien le 9 juin 1830, à la
première conférence de l’Eglise, et ne tarda pas à faire des voyages d’été dans les
comtés avoisinants, seul ou avec ses parents, pour vendre le Livre de Mormon. Il
était souvent découragé parce que ses efforts étaient pour la plupart rejetés. Il
laissa toutefois un exemplaire du Livre de Mormon à un certain John P. Greene, un
pasteur, qui, quoique n’étant pas intéressé à le lire personnellement, dit qu’il
demanderait à ses paroissiens s’ils aimeraient en acheter un exemplaire. Trois
semaines plus tard, Samuel retourna voir le pasteur Greene, mais celui-ci n’était
pas revenu de sa tournée de prédication. Rhoda, sa femme, dit que le livre ne
s’était pas vendu mais qu’elle l’avait lu et qu’il lui plaisait. Samuel lui laissa le livre,
et plus tard son mari le lut et fut converti.
Phineas Young, frère de Rhoda Young Greene, avait acheté à Samuel un
exemplaire du Livre de Mormon en avril 1830, lorsqu’il avait rencontré Samuel à
son retour de Lima (New York) où il avait prêché. Il remit le Livre de Mormon à
Brigham Young, lequel le donna à sa soeur, Fanny Young Murray, belle-mère de
Heber C. Kimball. Après une étude intensive, ces hommes et leurs familles furent
baptisés pour entrer dans l’Eglise. Brigham Young passa deux ans à étudier et à
comparer les textes avant d’être baptisé en avril 1832. Par conséquent, les premiers
efforts missionnaires de Samuel Smith eurent pour résultat d’amener quelquesuns des convertis les plus influents dans la jeune Eglise. C’était un missionnaire
dévoué qui oeuvra à New York, en Nouvelle-Angleterre, en Ohio et au Missouri et
convertit des dizaines de personnes et organisa plusieurs branches de l’Eglise.
Joseph Smith père, lança, lui aussi, sa faucille dans des «champs mûrs», ce
premier été-là. Avec Don Carlos, son fils de quatorze ans, il prêcha à la famille de
son père dans le comté de St-Lawrence, et son message fut reçu avec joie. John, fils
d’Asaël, frère de Joseph, père, accepta aussi l’Evangile, de même que George A.
75
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Smith, fils de John, qui devint plus tard un des douze apôtres. C’est ainsi que trois
générations furent unies dans la foi au Rétablissement.
Un autre converti de New York, cet été-là, fut Parley P. Pratt, 23 ans. Parley s’était
installé dans la région inculte du nord-est de l’Ohio, et s’était joint là-bas à un
groupe de «restaurationnistes» (disciples ou campbellites), sous la direction de
Sidney Rigdon. Pendant l’été 1830, tandis qu’il voyageait par canal dans l’Etat de
New York pour rendre visite à des parents, l’Esprit le poussa à envoyer Thankful,
son épouse, poursuivre le voyage pendant que lui s’arrêtait pour prêcher ses idées
religieuses près de Palmyra au village de Newark. Un diacre baptiste lui parla du
Livre de Mormon et le lui laissa lire. Avec avidité, il lut la page de titre et le
témoignage des témoins et commença à lire le texte. Il raconte ce qui suit:
Asaël Smith, père
1744-1830
Joseph Smith, père
1771-1840
Patriarche, 1833-40
Joseph Smith, fils
1805-44
Président 1830-44
Hyrum Smith
1800-44
Deuxième conseiller
Première Présidence
1837-41
Patriarche 1841-44
Président-adjoint
1841-44
John Smith
1832-1911
Patriarche 1855-1911
Hyrum Gibbs Smith Hyrum Mack Smith
1879-1932
1872-1918
Patriarche 1912-32
Apôtre 1901-18
Eldred Gee Smith
1907Patriarche 1947-79
Nommé à l’éméritat
6 oct. 1979
Joseph Fielding
Smith
1899-1964
Patriarche 1942-46
Famille d’Asaël Smith, montrant les
dirigeants ultérieurs de l’Eglise
John Smith
1781-1854
Patriarche, 1849-54
William Smith
1811-93
Apôtre 1835-45
Patriarche 1845
George Albert
Smith
1817-75
Apôtre 1839-75
Premier Conseiller
Première Présidence
1868-75
Joseph Fielding
Smith
1838-1918
Apôtre 1866-1918
Deuxième conseiller
Première Présidence
1880-1901
Président 1901-18
John Henry Smith
1848-1911
Apôtre 1880-1911
Deuxième conseiller
Première Présidence
1910-11
Joseph Fielding
Smith
1876-1972
Apôtre 1910-70
Conseiller Première
Présidence 1965-70
Président 1970-72
David Asael Smith
1879-1952
Conseiller Episcopat
président 1907-38
Nicholas Groesbeck
Smith
1881-1945
Assistant des
Douze 1941-45
George Albert
Smith
1870-1951
Apôtre 1903-51
Président 1945-51
«Je lus tout le jour; manger était un fardeau, je n’avais aucun désir de nourriture;
le sommeil fut un fardeau quand vint la nuit, car je préférais lire plutôt que dormir.
«Tandis que je lisais, l’Esprit du Seigneur était sur moi, et je sus et compris que le
livre était vrai, aussi clairement et aussi manifestement qu’un homme comprend
et sait qu’il existe. Ma joie était maintenant pleine, pour ainsi dire, et je me réjouis
suffisamment pour être plus que payé de tous les chagrins, de tous les sacrifices et
76
ORGANISATION DE L’EGLISE DE JÉSUS - CHRIST
de tous les labeurs de ma vie. Je décidai bientôt d’aller voir le jeune homme qui
avait été l’instrument de sa découverte et de sa traduction.
«En conséquence, je rendis visite au village de Palmyra et m’informai de la
résidence de M. Joseph Smith. Je la trouvai à quatre ou cinq kilomètres du village.
Tandis que j’approchais de la maison, à la fin de la journée, je rattrapai un homme
qui faisait aller des vaches . . . C’était Hyrum Smith. Je l’informai de l’intérêt que
j’éprouvais pour le Livre de Mormon et demandai à en savoir davantage à son
sujet. Il m’accueillit dans sa maison . . . Nous conversâmes la plus gande partie de
la nuit, et au cours de la conversation, je lui dis beaucoup de choses sur mon
expérience dans ma recherche de la vérité et des succès que j’avais obtenus
jusqu’à présent; ainsi que ce qu’il me semblait qu’il me manquait, à savoir une
prêtrise autorisée, ou un apostolat pour exercer le ministère dans les ordonnances
de Dieu17.»
Parley P. Pratt (1807-57), converti par le
Livre de Mormon, devint un des principaux
théologiens de l’Eglise et membre du premier
Collège des douze apôtres. Il fut assassiné
en 1857 en Arkansas.
Hyrum continua à instruire Parley, et ils se rendirent bientôt à Fayette pour
rencontrer les Whitmer et d’autres membres de la branche grandissante de
l’Eglise. Parley fut baptisé et ordonné ancien par Oliver Cowdery en septembre
1830. Investi de l’autorité, Parley se rendit à la maison de son enfance dans le
comté de Columbia (New York), où il parla chaque jour à un grand auditoire, mais
seul son frère Orson accepta le message. Orson fut baptisé à son dix-neuvième
anniversaire et partit dans les deux semaines pour aller trouver Joseph Smith, le
prophète, à Fayette.
I N S TA L L AT I O N
DU PROPHÈTE À
F AY E T T E
Entre-temps, à Harmony, Joseph Smith, aidé de John Whitmer, commençait à
arranger et à copier les révélations que Joseph avait reçues. Pendant qu’il se livrait
à ce projet, Joseph reçut une lettre d’Oliver Cowdery, qui l’affligea. Oliver disait
qu’il avait découvert l’erreur suivante de langage dans une des révélations: «et
montrent vraiment par leurs oeuvres qu’ils ont reçu une portion de l’Esprit du
Christ pour la rémission de leurs péchés» (D&A 20:37). Croyant que sa place en
tant que deuxième ancien de l’Eglise l’autorisait à agir ainsi, Oliver écrivit à Joseph.
Joseph écrit:
Orson Pratt (1811-81)—missionnaire,
érudit, historien de l’Eglise et apôtre
“La . . . citation, dit-il, était erronée, et il ajouta: ‘Je te commande, au nom de
Dieu, d’effacer ces mots, afin qu’il n’y ait pas d’intrigue de prêtres parmi nous!’
“Je lui répondis immédiatement par écrit, lui demandant par quelle autorité il
prenait sur lui de me commander de changer ou d’effacer, d’ajouter ou d’ôter
d’une révélation ou d’un commandement du Dieu Tout-Puissant.”
Vers cette époque, un pasteur méthodiste convainquit Isaac Hale d’un grand
nombre de mensonges relatifs à son gendre. Il en résulta que la vie devint
insupportable pour Joseph et sa famille à Harmony. C’est pourquoi Joseph
commença à faire des préparatifs pour aller s’installer en permanence à Fayette où
il avait été invité à vivre de nouveau chez Peter Whitmer père. Fin août, Newel
Knight emmena son attelage et son chariot à Harmony pour emmener Joseph et
sa famille à Fayette. En y arrivant, Joseph découvrit que les Whitmer étaient
77
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
d’accord avec Oliver Cowdey concernant la prétendue erreur dans la révélation.
Joseph écrivit:
“Ce ne fut pas sans effort et sans persévérance que je pus persuader l’un
quelconque d’entre eux de discuter calmement de ce sujet. Néanmoins Christian
Whitmer finit par être convaincu que la phrase était raisonnable et conforme aux
Ecritures; et finalement, avec son aide, je réussis à amener, non seulement la
famille Whitmer mais aussi Oliver Cowdery, à reconnaître qu’ils étaient dans
l’erreur et que la phrase contestée concordait avec le reste du commandement18.»
A Fayette, Joseph rencontra un autre problème grave concernant la révélation.
Hiram Page, un des huit témoins et beau-frère des Whitmer, possédait une pierre
grâce à laquelle il recevait ce qu’il appelait des révélations concernant l’édification
de Sion et l’ordre de l’Eglise. Joseph affirmait que ces prétentions «étaient en
désaccord total avec l’ordre de la maison de Dieu décrit dans le Nouveau
Testament aussi bien que dans ses dernières révélations19». Etant donné qu’une
conférence était prévue pour le 26 septembre, le prophète décida de ne rien faire
de plus que parler du sujet avec les frères jusqu’à ce que la conférence ait lieu.
Beaucoup de personnes, particulièrement Oliver Cowdery et les Whitmer,
croyaient aux prétentions d’Hiram Page.
Le prophète pria le Seigneur et reçut une révélation adressée à Oliver Cowdery
dans laquelle il était invité à ne pas commander à Joseph Smith, dirigeant de
l’Eglise. Le Seigneur expliqua que seul le président de l’Eglise avait le droit de
recevoir des révélations pour l’Eglise (voir D&A 28:2). Il lui fut également dit que
l’emplacement de la ville de Sion n’avait pas encore été révélée mais le serait en
temps voulu (voir v. 9). En outre, Oliver recevait pour ordre d’aller trouver Hiram
et de le convaincre de ce que la pierre et les prétendues révélations venaient de
Satan (voir v. 11). Lors de la conférence prévue en septembre, on discuta de la
pierre de Hiram Page; les personnes présentes, y compris Hiram, reconnurent la
fausseté de la pierre et des «révélations» reçues par elle et y renoncèrent. La
conférence vota aussi que Joseph Smith devait «recevoir et écrire les révélations et
les commandements pour cette Eglise20». En tout, la conférence dura trois jours.
Joseph témoigna: «La puissance de Dieu se manifesta considérablement parmi
nous; le Saint-Esprit descendit sur nous et nous remplit d’une joie indicible; et la
paix, la foi, l’espérance et la charité abondèrent parmi nous21.»
NOTES
1. «150-Year Drama: A Personal View of Our
History», Ensign, avril 1980, pp. 11-12.
2. «History of Joseph Smith», Times and
Seasons, 1 oct. 1842, pp. 928-29.
78
and Pennsylvania, 1816-1831”, thèse de
doctorat, Brigham Young University, 1971,
pp. 374-86.
5. History of the Church, 1:79.
3. Voir lettre d’Edward Stevenson à F.D.
Richards, 10 janvier 1887, citée dans
Journal of Edward Stevenson, 1886, vol. 3,
département d’histoire de l’Eglise,
Salt Lake City.
6. Dans Lucy Mack Smith, History of Joseph
Smith, éd. Preston Nibley, Salt Lake City,
Bookcraft, 1958, p. 168, voir aussi History of
the Church, 1:79.
4. Voir Larry C. Porter, “A Study of the
Origins of The Church of Jesus-Christ of
Latter-day Saints in the States of New York
8. History of the Church, 1:83-84.
7. History of the Church, 1:81-83.
ORGANISATION DE L’EGLISE DE JÉSUS - CHRIST
9. Voir Donald Q. Cannon and Lyndon W.
Cook, éditeurs, Far West Record: Minutes of
The Church of Jesus Christ of Latter-day Saints,
1830-1844, Salt Lake City, Deseret Book Co.,
1983, pp. 1-3.
10. History of the Church, 1:84-86.
11. Joseph Knight, fils, «Joseph Knight’s
Incidents of History from 1827 to 1844»,
comp. par Thomas Bullock, d’après des
feuilles volantes en la possession de Joseph
Knight, département d’histoire de l’Eglise,
Salt Lake City, p. 2; voir aussi History of the
Church, 1:87-88.
12. History of the Church, 1:91-94.
13. History of the Church, 1:97.
14. Journal de Newel Knight, document
dactylographié, département d’histoire de
l’Eglise, Salt Lake City, p. 11; voir aussi Larry
C. Porter, «The Joseph Knight Family»,
Ensign, octobre 1978, p. 42.
15. Voir Robert J. Matthews, «A Plainer
Translation», Joseph Smith’s Translation of the
Bible: A History and Commentary, Provo,
Brigham Young University Press, 1975,
pp. 25-26.
16. Voir History of the Church, 1:108.
17. Parley P. Pratt, éd., Autobiography of Parley
P. Pratt, série Classics in Mormon Literature,
Salt Lake City, Deseret Book Co., 1985,
pp. 20-22.
18. History of the Church, 1:105.
19. History of the Church, 1:110.
20. Dans Cannon et Cook, Far West Record,
p. 3; voir aussi Doctrine et Alliances, 21.
21. History of the Church, 1:115.
79
CHAPITRE SEPT
E X PA N S I O N
Ligne du temps
Date
Evénement important
Sept-oct.
1830
Appel de missionnaires
auprès des Lamanites
Nov. 1830
Les missionnaires rendent
visite à la Western Reserve
(Ohio) et baptisent 127
personnes
Déc. 1830
Sidney Rigdon et Edward
Partridge se rendent à New
York pour rencontrer le
prophète
Déc. 1830
Par révélation, Joseph reçoit
une partie de l’antique livre
d’Enoch
Janv. 1831
Les missionnaires atteignent
l’ouest du Missouri et
commencent à prêcher aux
Indiens dans le territoire non
organisé
Févr. 1831
Parley P. Pratt revient dans l’Est
pour faire rapport de sa
mission
DE LA JEUNE
D
E P U I S L E D É B U T D E 1 8 3 0 , les saints des derniers jours
reconnaissent l’Indien américain comme un reste de la maison d’Israël
auquel de grandes promesses ont été faites. Appelant ce peuple les
«Lamanites», un prophète du Livre de Mormon a déclaré: «Un jour viendra où ils
seront amenés à croire en sa parole [de Dieu]. Ils connaîtront alors la fausseté des
traditions de leurs pères; et beaucoup d’entre eux seront sauvés» (Alma 9:17). Les
saints de 1830 croyaient en ces promesses et furent poussés dès les premiers jours
de l’Eglise à en assurer l’accomplissement.
APPEL
À INSTRUIRE LES
LAMANITES
L’Eglise avait à peine six mois quand Oliver Cowdery fut appelé par révélation
à aller auprès des Lamanites prêcher l’Evangile (voir D&A 28:8). Par la suite, Peter
Whitmer, fils, Ziba Peterson et Parley P. Pratt furent appelés à l’aider (voir D&A
30:5; 32:1-3). La destination des missionnaires était «les frontières des Lamanites»
(D&A 28:9). Cette expression désignait la ligne séparant le Missouri du territoire
indien situé à l’ouest. Pendant
Le territoire indien au moment de la
première mission lamanite. Plusieurs de ces
«réserves» furent créées et occupées avant le
décret d’expulsion des Indiens lancé en 1830
par le président des Etats-Unis, Andrew
Jackson.
plus de vingt ans, beaucoup
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occidentale
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d’Américains avaient mené
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Sauks et Fox du MississippiPotawatomis
Indiens de New York
Territoire non organisé
plaines au-delà. A la suite de
cette agitation, moins de quatre
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Kaskaskias
Weas et Piankashas
Miamis
Terres neutres des
Cherokees
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EGLISE
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Nation Choctaw
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Unis
Texas
mois avant l’appel des missionnaires, Andrew Jackson, président des Etats-Unis, signait l’
«Indian Removal Act», ordonnant le déménagement des
Indiens. Les Shawnees et les
Delawares d’Ohio, prévoyant
ce qui allait arriver, avaient
déjà effectué d’eux-mêmes ce
Arkansas
déplacement dès 1828-29. Les
EXPANSION DE LA JEUNE EGLISE
deux tribus s’étaient installées près de la Kansas River juste à l’ouest de la frontière
du Missouri.
Après la deuxième conférence de l’Eglise, les préparatifs du voyage missionnaire
commencèrent pour de bon. Emma Smith et plusieurs autres soeurs prirent des
dispositions pour fournir aux missionnaires les vêtements nécessaires. En dépit du
fait qu’elle n’était pas bien portante, Emma passa de nombreuses heures à coudre
des vêtements convenables pour chaque missionnaire. Les soeurs de la région de
Publié avec la permission de la bibliothèque de l'université Brigham Young
Fayette (New York) fournirent généreusement de la nourriture, et Martin Harris
donna des exemplaires du Livre de Mormon à distribuer. Avant de se mettre en
route, les missionnaires s’engagèrent par écrit à «prêter attention à toutes les
paroles et tous les conseils» d’Oliver Cowdery. Ils s’engagèrent à proclamer la
«plénitude de l’Evangile» à leurs frères, les Lamanites1. Le 18 octobre, ils
commencèrent leur voyage de deux mille quatre cents kilomètres vers l’Ouest.
PREMIERS
SUCCÈS DANS LA
W E S T E R N R E S E RV E
Les missionnaires rendirent visite à une tribu amicale d’Indiens Seneca dans la
réserve des Cattaraugus, près de Buffalo (New York), où ils s’arrêtèrent juste assez
pour présenter le Livre de Mormon comme les annales de leurs ancêtres oubliés.
«Nous avons été reçus avec gentillesse et ils ont manifesté beaucoup d’intérêt en
Peu après leur appel, les missionnaires
auprès des Lamanites signèrent une alliance
de coopération avant de quitter New York. On
n’a pas retrouvé l’original, mais les
chercheurs pensent que cette transcription,
imprimée le 8 décembre 1831 dans l’Ohio
Star de Ravenna est une représentation
exacte de l’accord.
apprenant cette nouvelle», rapporte Parley2. Laissant deux exemplaires du livre,
les missionnaires continuèrent leur voyage. Autant que l’on sache, ce furent là les
premiers Indiens américains à entendre le message du Rétablissement dans notre
dispensation.
Lorsqu’ils arrivèrent dans le nord-est de l’Ohio, les missionnaires atteignirent
une région couramment appelée la Western Reserve, parce qu’à l’époque
coloniale, elle avait été attribuée au Connecticut au titre de «réserve occidentale».
Parley P. Pratt connaissait bien ce pays, ayant vécu à Amherst, à quatre-vingts
kilomètres à l’ouest de Kirtland, pendant environ quatre ans avant sa conversion
à l’Eglise. Il avait étudié avec Sidney Rigdon, pasteur éminent de la région, qui
présidait un groupe de chercheurs (personnes en quête d’un retour au
christianisme du Nouveau Testament). A un moment donné, Sidney unit ses
efforts à ceux d’un autre chercheur, Alexander Campbell, et contribua à fonder
l’Eglise des disciples du Christ, également appelée campbellite. Mais Rigdon
n’était pas d’accord avec Campbell sur certaines pratiques doctrinales et constitua
Missionnaires auprès des Lamanites
marchant péniblement dans la neige
81
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
son propre groupe, la Société baptiste réformée. Etant donné ses anciennes
Lac Erie
Ashtabula
Cuyahoga
Lorain
Trumbull
Portage
McRon
relations étroites avec Rigdon, frère Pratt convainquit ses compagnons de rendre
visite à Sidney à Mentor (Ohio), où il témoigna à son ancien maître que le
Geauga
rétablissement s’était produit, notamment le rétablissement de l’autorité divine.
Oliver Cowdery, témoin oculaire du rétablissement de la prêtrise, témoigna
Medina
personnellement de cet événement.
Sidney traita les missionnaires avec cordialité et respect, mais il ne fut pas
Ohio
converti instantanément. Il leur dit: «Je vais lire votre livre, et je vais voir si je peux
na
l
io
lui accorder ma foi.» Les missionnaires demandèrent alors à présenter leur
Ri
ve
r
Oh
ie Ca
Er
Oh
io
message dans l’église de Rigdon. Son consentement fut donné, «la date fut donc
publiée, et une grande et respectable assemblée fut réunie». A la fin de la réunion,
Rigdon, avec une ouverture d’esprit digne d’éloges, dit à ses auditeurs que le
Virginia
Certaines chartes coloniales autorisaient
les colonies à réclamer des territoires
étendus à l’ouest. Comme le dit le texte, la
«Western Reserve» de l’Ohio tirait son nom de
ce qu’elle faisait partie des prétentions du
Connecticut dans l’Ouest. Elle se composait
de huit régions du nord-est de l’Ohio.
message qu’ils venaient d’entendre «était d’une nature extraordinaire et réclamait
à coup sûr leur plus grande attention». Il rappela à l’assemblée le conseil de
l’apôtre Paul: «Examinez toutes choses; retenez ce qui est bon» (1 Th 5:21)3.
Entre-temps, les missionnaires n’étaient pas oisifs. A moins de huit kilomètres de
la maison de Rigdon, à Mentor, se trouvait le village de Kirtland, où vivaient de
nombreux membres de la confession de Sidney. Les missionnaires prêchèrent de
maison en maison, étant également l’objet d’une attention respectueuse. Certains
résidents furent bientôt convaincus de ce que personne parmi eux ne possédait
l’autorité divine nécessaire pour administrer les ordonnances de l’Evangile et de ce
qu’ils n’avaient pas été eux-mêmes baptisés par quelqu’un détenant l’autorité.
Après avoir beaucoup étudié et prié, beaucoup de personnes, dont Sidney Rigdon,
demandèrent le baptême aux missionnaires. La nouvelle de leurs enseignements se
répandit rapidement. Parley rapporte: «Les gens s’attroupaient jour et nuit autour
de nous, à tel point que nous n’avions pas le temps de nous reposer et de nous
isoler. Des réunions furent convoquées dans différents quartiers, et des multitudes
s’assemblèrent pour réclamer notre présence, tandis que des milliers s’assemblaient
quotidiennement autour de nous, les uns pour être instruits, d’autres par curiosité,
les uns pour obéir à l’Evangile, d’autres pour contester ou y résister4.»
Dans les trois semaines de l’arrivée des missionnaires, 127 personnes étaient
baptisées. Les principales d’entre elles étaient Isaac Morley, Levi Hancock, Lyman
Wight et John Murdock, résidents bien connus de la région, qui étaient destinés à
jouer un rôle important dans les futures affaires de l’Eglise. En repensant plus tard
à son propre baptême et à l’effet qu’il eut sur lui, John Murdock écrivit: «L’Esprit
du Seigneur accompagnait de manière perceptible l’ordonnance, et je sortis de
l’eau en me réjouissant et en chantant les louanges de Dieu et de l’Agneau5.»
Philo Dibble, autre converti parmi les premiers convertis d’Ohio, qui habitait à
une huitaine de kilomètres à l’est de Kirtland, fut informé de l’existence d’une
«Bible d’or». Curieux, il alla trouver les missionnaires et, après avoir entendu
Oliver Cowdery parler, crut et se présenta pour le baptême. La description qu’il
John Murdock (1792-1871), fut
missionnaire, évêque, pionnier de 1847,
membre du grand conseil de Salt Lake City
et patriarche.
82
fait de la puissance spirituelle qui se manifesta lorsqu’il reçut le Saint-Esprit peut
nous donner une idée de la raison pour laquelle tant de saints de l’époque
trouvèrent de la joie dans le Rétablissement:
EXPANSION DE LA JEUNE EGLISE
«Lorsque je sortis de l’eau, je sus que j’étais né d’eau et d’Esprit, car mon esprit
était illuminé par le Saint-Esprit.
« . . . Ce soir-là, tandis que j’étais au lit, je sentis ce qui sembla être une main sur
mon épaule gauche et une sensation semblable à des fibres de feu enveloppa
immédiatement mon corps . . . Je fus entouré d’une influence céleste et ne pus
dormir tant j’éprouvais de joie6.»
Le bref passage des missionnaires dans la Western Reserve, ce mois de
novembre-là, porta des fruits immédiats et durables. En trois semaines seulement,
ces conversions d’Ohio firent plus que doubler la population de l’Eglise. Ce fut
comme le Seigneur l’avait promis aux saints par révélation: «Car voici le champ est
déjà mûr pour la moisson et voici, celui qui se sert de sa faucille de toutes ses forces
amasse des provisions afin de ne pas périr, mais apporte le salut à son âme» (D&A
4:4; voir aussi 11:3; 12:3). Les missionnaires ordonnèrent Sidney Rigdon et un petit
nombre d’autres et leur confièrent la responsabilité du ministère. En compagnie
de Frederick G. Williams, qui avait exercé la médecine à Kirtland avant sa
Frederick G. Williams (1787-1842) fut
médecin, conseiller et ami de la famille de
Joseph Smith. Il fut toujours très généreux
dans ses dons à l’Eglise. Après sa mort, sa
femme, son fils et sa belle-fille émigrèrent en
Utah avec les saints.
conversion, ils continuèrent leur voyage vers l’Ouest vers les «frontières des
Lamanites».
VISITE
CHEZ LE PROPHÈTE À
N E W YO R K
Peu après que les missionnaires eurent quitté Kirtland, Sidney Rigdon et un de
ses intimes, Edward Partridge, décidèrent de se rendre à New York «pour
s’informer davantage» sur les origines de l’Evangile rétabli qui venait de leur être
présenté. Lydia Partridge écrit: «Mon mari croyait partiellement, mais il lui fallut
faire un voyage dans l’Etat de New York pour voir le prophète» avant de pouvoir
être satisfait7. Selon Philo Dibble, Partridge s’y rendit aussi au nom d’autres
personnes. Un voisin lui dit: «Nous avons envoyé un homme dans l’Etat de York
pour découvrir la véracité de cette oeuvre, et c’est un homme qui ne mentira pas8.»
Arrivés à Manchester (New York) en décembre 1830, Sidney et Edward apprirent
que Joseph habitait chez les Whitmer dans le township (arrondissement) de Fayette,
à trente kilomètres de là. Lorsqu’ils s’informèrent de la famille Smith auprès des
voisins, ils constatèrent que sa réputation avait été irréprochable jusqu’au moment
où Joseph avait fait savoir qu’il avait découvert le Livre de Mormon. Ils
remarquèrent également le bon ordre et l’industrie manifestes que révélait la ferme
familiale. Edward et Sidney trouvèrent le prophète chez ses parents à Waterloo, où
Edward demanda à Joseph Smith de le baptiser9. Quatre jours plus tard, il était
ordonné ancien par Sidney Rigdon, son ami et compagnon de voyage.
D’emblée, Joseph Smith fut favorablement impressionné par Sidney et Edward.
Il dit à propos de ce dernier qu’il était «un modèle de piété, un des grands hommes
du Seigneur10». Peu de temps après le baptême d’Edward, le prophète reçut des
révélations exposant les devoirs et les appels des deux hommes. Attendu
l’influence qu’il exerçait sur ses disciples, le Seigneur compara Sidney à JeanBaptiste, qui avait préparé la voie pour Jésus-Christ. La nouvelle tâche de Sidney
était de servir de secrétaire à Joseph Smith (voir D&A 35:4, 20). Edward fut appelé
à prêcher l’Evangile «comme avec la voix d’une trompette» (D&A 36:1). Joseph
83
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Smith et Sidney Rigdon furent exhortés à fortifier l’Eglise partout où elle se
trouvait, mais «plus spécialement à Colesville; car voici, ils me prient avec
beaucoup de foi» (D&A 37:2).
La foi des saints de Colesville fut récompensée par la visite du prophète et de
son nouveau compagnon, Sidney Rigdon. C’est là que les talents d’orateur de
Sidney se manifestèrent pour la première fois dans l’Eglise tandis qu’il obéissait au
commandement qu’il avait reçu par révélation: «Tu prêcheras mon Evangile et
feras appel aux saints prophètes pour prouver ses paroles» (D&A 35:23). Il fit un
sermon efficace et puissant.
Les saints de New York eurent aussi la bénédiction de recevoir, grâce à Joseph
Smith, des révélations doctrinales importantes. Entre juin et octobre 1830, il
travailla à une révision inspirée de la Genèse. Joseph dit: «À ce moment-là
beaucoup de spéculations et de discussions se produisaient fréquemment parmi
les saints concernant les livres mentionnés et cités dans différents endroits de
l’Ancien et du Nouveau Testament, que l’on ne trouvait maintenant plus nulle
part. La réflexion courante était: ‹Ce sont des livres perdus›; mais il semble que
l’Eglise apostolique avait certains de ces écrits, puisque Jude mentionne ou cite la
prophétie d’Enoch, septième depuis Adam11.» A la joie de l’Eglise, qui comptait
maintenant environ soixante-dix personnes à New York, le Seigneur révéla une
partie de l’antique livre d’Enoch, dans lequel se trouvait une longue prophétie sur
l’avenir. Par l’intermédiaire de ce récit, qui se trouve maintenant dans Moïse 7
dans la Perle de Grand Prix, le Seigneur «encouragea et fortifia la foi de son petit
troupeau . . . en donnant des informations plus détaillées sur les Ecritures» que ce
que l’on connaissait précédemment12.
V OYA G E
AU
MISSOURI
Entre-temps, les cinq missionnaires auprès des Indiens continuèrent à prêcher à
tout le monde tandis qu’ils se dirigeaient vers l’Ouest. Parley P. Pratt écrit:
«Certains souhaitaient apprendre la plénitude de l’Evangile et obéir . . . d’autres
étaient remplis d’envie, de rage et de mensonges13.»
A quatre-vingts kilomètres à l’ouest de Kirtland, Parley fut arrêté sur une
accusation absurde, jugé, condamné et mis à l’amende. Comme il ne pouvait pas
payer, il passa la nuit enfermé dans une auberge. Le lendemain matin, il reçut une
brève visite de ses compagnons et les exhorta à poursuivre leur voyage, leur
promettant de bientôt les rejoindre. Il rapporte: «Après être resté assis un certain
temps près du feu, sous la garde de l’officier, je demandai à sortir. J’allai sur la place
publique accompagné par lui. Je dis: ‹M. Peabody, êtes-vous bon à la course?›
‹Non, dit-il, mais mon gros bouledogue, oui, et il a été entraîné pour m’aider ces
quelques années dans mes fonctions; je n’ai qu’à donner l’ordre et il vous plaque
n’importe qui au sol.› ‹Eh bien, M. Peabody, vous m’avez obligé à faire un mille,
j’en ai fait deux avec vous. Vous m’avez donné l’occasion de prêcher, de chanter,
et vous m’avez aussi fourni le logement et le petit déjeuner. Je dois maintenant
poursuivre mon voyage; si vous êtes bon à la course vous pouvez m’accompagner.
Je vous remercie pour toute votre gentillesse. Au revoir, monsieur.›
84
EXPANSION DE LA JEUNE EGLISE
«Je me mis alors en route tandis qu’il restait là stupéfait, incapable de mettre un
pied devant l’autre . . . Il ne sortit suffisamment de son étonnement pour se mettre
à ma poursuite que lorsque j’eus fait quelque chose comme deux cents mètres . . .
Les missionnaires parcoururent environ
deux mille quatre cents kilomètres au cours
de l’automne et de l’hiver 1830-31 pour
porter l’Evangile aux Lamanites qui avaient
été déplacés dans l’ouest du Missouri. Le
voyage se fit à pied, à l’exception d’un trajet
en bateau à vapeur entre Cincinnati (Ohio) et
Cairo (Illinois).
Il se mit alors à me poursuivre en hurlant, criant à son chien de m’attraper. Le
chien, un des plus grands que j’aie jamais vus, se précipita vers moi dans toute sa
fureur; l’officier, derrière lui, me poursuivait toujours, tapant dans ses mains et
criant: ‹stu-boy, stu-boy, attrape-le, attention, empare-toi de lui, dis-je, abats-le›,
montrant du doigt la direction dans laquelle je courais. Le chien était en train de
M
s
New York
i
si
s
si
pp
i
Buffalo
Prêchent aux
Indiens
Cattaraugus
Fairport
Illinois
Painesville
Prêchent aux
Indiens
Wyandots
Arrivée le 13 janvier à
Independence
Territoire
indien
SaintLouis
Début du voyage fin
octobre 1830
6 novembre 1830:
première prédication de
l’Evangile signalée en Ohio
Kirtland
Conversion de Sidney
Rigdon et de beaucoup
Incident du d’autres
bouledogue
Indiana
Une semaine de
tempête. Un mètre de
neige par endroits
Independence
Début de l’oeuvre
parmi les Indiens en
1831
Sandusky
Fayette
Pennsylvanie
Ohio
Cincinnati
io R
Oh
iver
20 décembre 1830
prennent le bateau
sur le fleuve
Cairo
Missouri
Kentucky
La glace les force à
aller par voie de terre à
l’embouchure de
l’Ohio.
me rattraper rapidement, et il était en train de sauter sur moi, lorsqu’à la vitesse de
l’éclair, la pensée me frappa d’aider l’officier en envoyant le chien avec toute sa
furie dans la forêt un peu plus loin que moi. Je tendis le doigt dans cette direction,
battis des mains, et criai en imitant l’officier. Le chien me dépassa en redoublant de
vitesse vers la forêt, encouragé par l’officier et moi-même qui courions tous les
deux dans la même direction.»
Après avoir faussé compagnie au chien et au policier, frère Pratt rejoignit ses
compagnons par une autre route. Parley apprit plus tard que Simeon Carter, à qui
il avait laissé un Livre de Mormon, ainsi qu’environ soixante autres de cette
région, étaient devenus membres de l’Eglise et avaient créé une branche14.
Les missionnaires n’avaient pas oublié leur mission d’enseigner l’Evangile aux
Amérindiens. A Sandusky (Ohio), ils s’arrêtèrent plusieurs jours parmi les Indiens
Wyandots. Parley écrit: «Ils se réjouirent de la nouvelle, nous souhaitèrent la
85
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
protection de Dieu et nous demandèrent de leur écrire pour leur raconter nos
succès parmi les tribus plus à l’est15.»
L’hiver était là lorsque les intrépides missionnaires quittèrent Sandusky pour
Cincinnati, et ils firent tout le chemin à pied. L’hiver 1830-31 est connu dans les
annales du midwest comme l’hiver de la neige profonde. La dernière partie de
décembre 1830 fut «glaciale, une masse tourbillonnante et aveuglante de neige et
un ciel menaçant, de plomb, propres à rendre cette tempête capable de paralyser
cette région de la prairie. Elle semble avoir persisté avec la même violence pendant
des jours, d’abord un phénomène étonnant, ensuite une terreur, un cauchemar
lorsqu’elle devint une menace pour la vie des hommes et des animaux16». A
Cincinnati (Ohio), cinq jours avant Noël, les missionnaires montèrent à bord d’un
bateau à vapeur en route pour Saint-Louis. Mais des blocs de glace obstruaient
l’Ohio, les obligeant à débarquer à Cairo (Illinois) et à continuer à pied. A trente
kilomètres de Saint-Louis, un orage hurlant, de pluie et de neige, leur imposa une
semaine de retard et laissa en certains endroits une épaisseur de neige de près
d’un mètre.
Ils continuèrent lentement leur chemin vers l’ouest, pataugeant dans une neige
qui leur venait aux genoux pendant des jours entiers, sans une seule maison ni un
feu, «le vent glacial du nord-ouest nous soufflant sans cesse dans la figure, et sa
morsure nous arrachait presque la peau», écrit Parley. Le froid était si intense que
la neige ne fondit pas, même à midi, du côté sud des maisons, pendant près de six
semaines. Sur cinq cents kilomètres, ils portèrent leurs vêtements, leurs livres et
leur nourriture dans des sacs à dos. Tout ce qu’ils avaient à manger était du pain
de maïs gelé et du porc cru. Parley dit: «Le pain était si gelé que nous ne pouvions
pas le mordre ni en pénétrer aucune autre partie que la croûte.» Pendant un mois
et demi ils voyagèrent de Kirtland à Independence, subissant la fatigue et les
souffrances. Le 13 janvier 1831, ils arrivèrent à Independence (Missouri), frontière
occidentale la plus lointaine des Etats-Unis17.
P R É D I C AT I O N
D E L’E VA N G I L E
En approchant de leur destination, les missionnaires s’installèrent chez le
colonel Robert Patterson sur la frontière ouest du Missouri, tandis qu’ils
attendaient que le temps se modère. Vers le 1er février, Peter Whitmer et Ziba
Peterson ouvrirent un atelier de tailleur à Independence pour gagner les fonds
nécessaires tandis qu’Oliver Cowdery, Parley P. Pratt et Frederick G. Williams
entraient sur le territoire indien pour prêcher et présenter le Livre de Mormon18.
Ils trouvèrent un auditeur en William Anderson, le chef âgé des Delawares, fils
d’un père scandinave et d’une mère indienne. Le chef ne s’était pas montré
disposé à écouter d’autres chrétiens, mais il se laissa finalement persuader
d’écouter les missionnaires. Oliver Cowdery fut invité à parler devant une
quarantaine de chefs tribaux confortablement assis dans la tente du chef. Il gagna
vite leur confiance en racontant le long et difficile voyage qu’ils avaient fait depuis
l’est pour leur apporter la nouvelle du Livre de Mormon. Il parla de la situation
dramatique actuelle des Indiens: jadis, ils étaient nombreux, maintenant ils étaient
86
EXPANSION DE LA JEUNE EGLISE
peu; jadis leurs possessions étaient grandes, maintenant elles étaient petites.
Habilement, il introduisit le Livre de Mormon dans son récit: “Il y a des milliers de
lunes, lorsque les ancêtres des hommes rouges demeuraient dans la paix et
possédaient toute cette terre, le Grand Esprit leur parla et révéla sa loi et sa volonté
Publié avec la permission de la bibliothèque du Congrès
et beaucoup de connaissances à leurs sages et à leurs prophètes.” Il leur dit que cette
histoire, qui était la leur, et les prophéties des «choses qui arriveraient à leurs enfants
dans les derniers jours» étaient écrites dans un livre. Il leur promit que s’ils
recevaient et suivaient ce livre, leur «Grand Père» les rendrait de nouveau prospères
et leur rendrait leur ancienne grandeur. Il expliqua que ses compagnons et lui étaient
venus apporter des exemplaires du livre qui détenait la clef de leur succès futur. Le
chef Anderson exprima sa reconnaissance pour la bonté des Blancs:
«‹Cela nous rend heureux ici›, dit-il en mettant sa main sur son coeur.
«‹C’est maintenant l’hiver; nous sommes nouvellement installés en ce lieu; la
William Clark (1770-1838). Après être
revenu de son exploration épique de la
Louisiane nouvellement acquise, avec
Meriweather Lewis, William Clark fut nommé,
par Thomas Jefferson, président des EtatsUnis, agent indien pour les tribus du territoire
de la Louisiane. Clark passa quasiment le
reste de sa vie comme fonctionnaire du
gouvernement auprès des Indiens. Il devint
surintendant des affaires indiennes en 1822,
et c’était ce poste qu’il remplissait lorsque
Oliver Cowdery lui écrivit.
neige est profonde, notre bétail et nos chevaux meurent, nos wigwams sont
pauvres; nous avons beaucoup à faire au printemps: construire des maisons,
clôturer et créer des fermes; mais nous construirons une maison du conseil et nous
nous réunirons, et vous nous lirez et nous instruirez davantage concernant le livre
de nos pères et la volonté du Grand-Esprit.›»
Les missionnaires «continuèrent pendant plusieurs jours à instruire le vieux chef
et beaucoup de membres de sa tribu». Le désir de leurs hôtes d’en apprendre
davantage sur le Livre de Mormon grandissait chaque jour, et les anciens, trouvant
plusieurs personnes qui savaient lire, distribuèrent des exemplaires parmi eux, et
les lecteurs aidèrent à répandre la parole19.
La région était sous la tutelle des agents indiens du gouvernement; et
malheureusement les missionnaires n’avaient pas obtenu le permis requis pour
entrer dans les territoires indiens et y enseigner l’Evangile. L’agent indien local les
informa immédiatement qu’ils étaient en infraction avec la loi et leur ordonna de
cesser de prêcher tant qu’ils n’auraient pas obtenu la permission, du général
William Clark, surintendant des affaires indiennes à St-Louis20. Mais Parley P. Pratt
dit: «Quand la nouvelle du succès des missionnaires parvint aux colonies
frontières du Missouri, cela suscita la jalousie et l’envie des agents indiens et des
missionnaires des sectes au point que l’on nous ordonna bientôt de quitter le
territoire indien parce que nous perturbions la paix; et on nous menaça même de
nous envoyer l’armée en cas de refus d’obéissance21.»
Dans une lettre datée du 14 février 1831, Oliver Cowdery écrivit au général
Clark, expliquant qu’il représentait une société religieuse dont le siège était dans
l’Etat de New York et souhaitait créer «des écoles pour instruire les enfants
[indiens] et aussi enseigner la religion chrétienne à [leurs anciens]». Ils avaient
l’intention de le faire, dit-il, «sans empiéter sur aucune autre mission actuellement
établie ni la gêner22».On ne sait pas si Clark répondit jamais à leur demande ou leur
accorda la permission. Les missionnaires s’installèrent à Independence et
prêchèrent l’Evangile aux colons de l’endroit que cela intéressait.
Entre-temps, Parley P. Pratt était choisi pour retourner dans l’Est et faire rapport
de la mission et obtenir d’autres exemplaires du Livre de Mormon. Après son
87
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Publié avec la permission de la Kansas City Historical Society
Lettre d‘Oliver Cowdery du 14 février 1831
à William Clark proposant la création d‘écoles
pour les enfants indiens
départ, l’intérêt des autres missionnaires pour les Indiens s’accrut quand ils
apprirent l’existence des Navajos, grande tribu industrieuse vivant à environ cinq
cents kilomètres à l’ouest de Santa Fe23. Les circonstances obligèrent les
missionnaires à abandonner toute autre tentative de porter l’Evangile aux autres
tribus indiennes.
88
EXPANSION DE LA JEUNE EGLISE
E VA L UAT I O N
D U V OYA G E M I S S I O N N A I R E
Si la «mission lamanite» n’eut pas beaucoup de succès dans son prosélytisme
auprès des Amérindiens, elle eut néanmoins un impact important sur l’histoire
ultérieure de l’Eglise. Non seulement elle introduisit pour la première fois
l’Evangile auprès de ce reste de la maison d’Israël, mais elle fit prendre conscience
de l’importance de ce peuple aux yeux du Seigneur.
En ce qui concerne les conversions et l’impact immédiat, c’est parmi les colons
blancs de la Western Reserve que la mission eut le plus de succès. Beaucoup de
personnes, qui allaient avoir un impact important sur l’Eglise grandissante, furent
attirées dans le filet de l’Evangile en Ohio. En quelques mois, il y avait plus de
membres en Ohio qu’à New York, de sorte que lorsque la situation à New York
nécessita un déménagement, ce fut l’Ohio que le Seigneur choisit comme lieu de
rassemblement et comme siège de l’Eglise.
Dans un autre sens, la mission démontra le pouvoir motivant du Livre de
Mormon comme moyen de conversion et de mise à l’épreuve de la force
qu’apportait la conversion. C’est grâce à ce livre d’Ecritures que le cours de
nombreuses vies fut réorienté.
La mission lamanite prépara aussi la voie aux révélations futures concernant le
pays de Sion, même si on ne s’en rendit pas immédiatement compte.
L’emplacement précis du centre de Sion n’était pas encore révélé, bien que le
Seigneur eût déjà fait comprendre aux saints que Sion serait «sur les frontières des
Lamanites» (D&A 28:9). Cinq membres solides de l’Eglise avaient maintenant de
l’expérience dans la région et pouvaient témoigner que c’était une bonne terre.
NOTES
1. Lettre datée du 17 oct. 1830, dans l’Ohio Star,
8 déc. 1831, p. 1.
12. History of the Church, 1:131-33.
2. Parley P. Pratt, éd., Autobiography of Parley P.
Pratt, série Classics in Mormon Literature, Salt
Lake City, Deseret Book Co., 1985, p. 35.
14. Pratt, Autobography of Parley P. Pratt, pp. 36,
38-39.
3. History of the Church, 1:124; «History of
Joseph Smith», Times and Seasons, 15 août 1843,
p. 289-90.
4. Pratt, Autobiography of Parley P. Pratt,
pp. 35-36.
5. John Murdock, «An Abridged Record of the
Life of John Murdock Taken from His Journals
by Himself», département d’histoire de l’Eglise,
Salt Lake City, p. 16.
6. Philo Dibble, «Philo Dibble’s Narrative»,
Early Scenes in Church History, Salt Lake City,
Juvenile Instructor Office, 1882, pp. 75-76.
7. Récit de Lydia Partridge, cité dans les
annales généalogiques d’Edward Partridge,
1878, département d’histoire de l’Eglise, Salt
Lake City, p. 5.
8. Dibble, «Philo Dibble’s Narrative», p. 77.
9. Voir Lucy Mack Smith, History of Joseph
Smith, éd. Preston Nibley, Salt Lake City,
Bookcraft, 1958, pp. 191-92.
10. History of the Church, 1:128.
11. History of the Church, 1:132, ponctuation
normalisée.
13. Pratt, Autobiography of Parley P. Pratt, p. 36.
15. Pratt, Autobiography of Parley P. Pratt, p. 39.
16. Eleanor Atkinson, «The Winter of the Deep
Snow», Transactions of the Illinois State Historical
Society for the Year 1909, p. 49.
17. Pratt, Autobiography of Parley P. Pratt, p. 40.
18. Voir Warren A. Jenning, «Zion Is Fled: The
Expulsion of The Mormons From Jackson
County, Missouri», thèse de doctorat,
université de Floride, 1962, pp. 6-7; interview
de A.W. Doniphan, dans Kansas City Journal, 24
juin 1881, citée dans Saints’Herald, 1 août 1881.
19. Pratt, Autobiography of Parley P. Pratt,
pp. 42-44.
20. Voir Lettre du major Richard Cummins au
général William Clark, 13 février 1831, William
Clark Letter Book, Topeka, Kansas, Kansas State
Historical Society, n.d. rouleau 2, vol. 6,
pp. 113-14.
21. Pratt, Autobiography of Parley P. Pratt, p. 44.
22. Lettre d’Oliver Cowdery au général William
Clark, 14 février 1831, William Clark Letter Book,
p. 103.
23. Voir Oliver Cowdery, dans History of the
Church, 1:182.
89
CHAPITRE HUIT
RASSEMBLEMENT
EN
OHIO
Date
Evénement important
2 janv. 1831
Troisième conférence
générale de l’Eglise à Fayette
(New York)
Q
Début février
1831
Arrivée de Joseph Smith en
Ohio
temporairement la traduction des Ecritures. Le jour du Nouvel An, le prophète et
Février 1831
Révélation de la loi de
consécration
Ligne du temps
Mai-juin 1831 Arrivée des immigrants de
New York en Ohio.
Mai 1831
Révélation sur les faux esprits
3 juin 1831
Quatrième conférence
générale de l’Eglise à Kirtland
(Ohio)
7 juin 1831
Commandement d’aller au
Missouri (voir D&A 52)
UAND ARRIVA L’ANNÉE 1831, la plupart des membres de l’Eglise
pensaient à se rassembler en Ohio. Au cours de décembre 1830, le
Seigneur commanda à son peuple d’aller s’installer en Ohio (voir D&A
37:3). A cause de cela, Joseph et son secrétaire, Sidney Rigdon, arrêtèrent
ses compagnons de Fayette terminèrent leurs préparatifs pour la troisième
conférence générale de l’Eglise, qui était convoquée pour examiner le
déménagement vers l’Ohio.
LES
SAINTS REÇOIVENT LE COMMANDEMENT DE SE RASSEMBLER
Le 2 janvier 1831, les saints des diverses branches de l’Etat de New York se
réunirent chez Peter Whitmer, père. Après avoir traité quelques affaires de l’Eglise,
Joseph Smith «s’adressa à l’assemblée et l’exhorta à rester ferme, les yeux tournés
vers l’avenir, gardant à l’esprit leur objectif, leur salut1». Après son discours,
plusieurs membres de l’Eglise posèrent des questions concernant le
commandement qui leur avait été donné de s’installer en Ohio. En présence de
l’assemblée, Joseph Smith pria le Seigneur et reçut une révélation (voir D&A 38).
Le Seigneur promit aux saints des derniers jours: «De plus grandes richesses,
même une terre de promission, une terre où coulent le lait et le miel, sur laquelle
il n’y aura pas de malédiction lorsque le Seigneur viendra.
«Et je vous la donnerai pour pays de votre héritage, si vous la cherchez de tout
votre coeur» (D&A 38:18-19). Toutefois l’emplacement exact de Sion ne fut pas
révélé. Pour l’heure, les saints devaient se rendre en Ohio, où le Seigneur promit
de leur révéler sa «loi», de les doter de pouvoir et de donner d’autres instructions
concernant la croissance de l’Eglise (voir D&A 38:32-33).
Cette révélation ne fit pas l’unanimité des participants à la conférence. Quelques
personnes prétendirent que Joseph Smith l’avait inventée pour tromper les gens
et s’enrichir. John Whitmer écrit dans son histoire que cette affirmation fut lancée
parce que le coeur des saints «n’était pas droit aux yeux du Seigneur, car ils
voulaient servir à la fois Dieu et l’homme2». En outre, certaines personnes
répugnaient à quitter leur ferme et leur situation confortable pour une situation
aléatoire dans la Western Reserve en Ohio. Il y avait la perspective que beaucoup
perdraient de l’argent et que certains risquaient même de ne pas pouvoir vendre
leurs biens (voir D&A 38:37). Mais la plupart des saints de New York acceptèrent
le commandement et firent leurs préparatifs de départ.
90
RASSEMBLEMENT EN OHIO
Après la conférence, Joseph Smith et Sidney Rigdon se rendirent à Colesville
pour fortifier les membres de la branche et prêcher pour la dernière fois aux nonmembres du voisinage. Les menaces lancées contre leur vie les empêchèrent de
faire beaucoup de prosélytisme. A leur retour à Fayette, le prophète envoya John
Whitmer en Ohio avec la copie de plusieurs révélations pour réconforter et
fortifier les saints. Frère Whitmer fut également chargé d’être leur officier
président jusqu’à l’arrivée du prophète. Lorsqu’il arriva à Kirtland, la population
de l’Eglise dans les comtés de Geauga et de Cuyahoga, en Ohio, s’était gonflée à
près de trois cents âmes, plus de deux fois le nombre signalé deux mois plus tôt
seulement3. Depuis le départ des missionnaires pour se rendre auprès des
Lamanites, le prosélytisme dans la région avait continué sans faiblir. Un des
missionnaires qui rencontrèrent le plus de succès fut l’ancien prédicateur
restaurationniste, John Murdock. Entre novembre 1830 et mars 1831, il baptisa
plus de soixante-dix colons habitant dans le comté de Cuyahoga4. D’autres
missionnaires eurent autant de succès dans leurs efforts en Ohio.
John Whitmer (1802-78) fut le premier
officier président des saints de Kirtland
jusqu’à l’arrivée de Joseph Smith en
février 1831.
LE
DÉBUT DU RASSEMBLEMENT EN
OHIO
L’installation en Ohio était avantageuse pour la jeune Eglise. En quittant New
York, les saints espéraient laisser derrière eux les persécutions religieuses, en
particulier dans la région de Colesville. En outre, il y avait plus de membres de
l’Eglise en Ohio que partout ailleurs, et le fait de se rassembler en un seul endroit
permettait à tout le monde de recevoir les instructions du prophète, conservant
ainsi l’uniformité de la doctrine et de l’organisation. Les voies navigables existant
en Ohio ouvraient également la porte du reste du pays à l’oeuvre missionnaire.
Mais, ce qui était le plus important, c’était que l’installation en Ohio était un peu
plus près des «frontières des Lamanites», où Sion serait établie (D&A 28:9). En
Ohio, beaucoup de principes relatifs à la construction de Sion pouvaient être mis
en application.
Joseph Smith était vivement désireux de rencontrer les saints d’Ohio, et John
Whitmer lui écrivit, l’exhortant à venir tout de suite. Joseph demanda au Seigneur
quelle était sa volonté et il lui fut dit de partir immédiatement, mais la perspective
de partir paraissait sombre pour Emma. Elle avait déménagé sept fois pendant les
quatre premières années de son mariage et se remettait à peine d’une maladie qui
avait duré un mois, outre le fait qu’elle était enceinte de six mois. Dans de telles
conditions, les cinq cents kilomètres de voyage jusqu’en Ohio au milieu de l’hiver
étaient pour le moins ardus. Joseph Knight leur fournit aimablement un
traîneau pour que le voyage fût moins pénible pour elle. A la fin de janvier 1831,
Joseph et Emma Smith, Sidney Rigdon et Edward Partridge se mirent en route
pour Kirtland.
Vers le 1er février, le traîneau s’arrêta devant le magasin de Newel K. Whitney à
Newel K. Whitney (1795-1850) était un
homme d’affaires prospère ainsi qu’un
personnage éminent dans le domaine public.
Il fut soutenu en 1844 comme premier
évêque de l’Eglise et en 1847 comme
évêque président.
Kirtland. Joseph en descendit et entra dans le magasin. «‹Newel K. Whitney! Tu es
l’homme›, s’exclama-t-il, tendant cordialement la main, comme à une vieille
connaissance. ‹Vous avez l’avantage sur moi, répondit le marchand . . . Je ne
pourrai pas vous appeler par votre nom comme vous l’avez fait pour moi.› ‹Je suis
91
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Le magasin de Newel K. Whitney situé aux
quatre coins de Kirtland, fut construit entre
1826 et 1827. Beaucoup de choses
importantes s’y produisirent, parmi lesquelles:
1. Joseph et Emma Smith y habitèrent à
partir de l’automne 1832.
2. Le magasin devint le siège de l’Eglise.
3. Joseph Smith III y naquit le 6 novembre
1832.
4. L’Ecole des prophètes, qui commença
le 24 janvier 1833 et prit fin au cours du mois
d’avril, y tint ses assises.
5. Beaucoup de révélations y furent
données à Joseph Smith, notamment D&A
84, 87-89, 95 et 98.
6. Pendant un certain temps, le magasin
fut utilisé comme magasin de l’évêque.
7. Joseph Smith y fit une grande partie de
la traduction de la Bible.
En 1979, l’Eglise acquit le magasin de
Newel K. Whitney et commença peu après à
le restaurer. Le bâtiment fut consacré le 25
août 1984 par Gordon B. Hinckley.
Joseph, le prophète, dit l’étranger en souriant. Vous avez prié pour que je vienne
ici, maintenant que voulez-vous de moi?›» Joseph expliqua au marchand stupéfait
qu’à New York il l’avait vu en vision priant pour qu’il vienne à Kirtland5. Les
Whitney reçurent Joseph et Emma Smith avec bonté et les invitèrent à vivre
temporairement chez eux. Pendant les quelques semaines qui suivirent, les Smith
«reçurent toutes les gentillesses et toutes les attentions qu’ils pouvaient espérer,
particulièrement de la part de soeur Whitney6».
Entre la fin de janvier et la mi-mai 1831, la plupart des saints de New York
vendirent leurs biens, chargèrent leurs biens matériels les plus précieux et
émigrèrent vers Kirtland et les régions avoisinantes. Joseph Smith et quelques
autres partirent tôt et furent suivis par trois compagnies séparées: les saints de
Colesville, les membres de Fayette et des régions avoisinantes du comté de Sénéca
et ceux de Palmyra-Manchester. Quelques autres vinrent plus tard dans l’année.
La branche de Colesville fut le premier groupe à partir. Elle arriva le 1er mai à
Buffalo, pour s’apercevoir que les vents violents du lac avaient fait pénétrer la
glace dans le port de Buffalo, ce qui les retarda pendant treize mornes journées. Ils
arrivèrent finalement le 14 mai à Fairport (Ohio). Plus de deux cents personnes se
rendirent en Ohio, les unes par traîneau et diligence, la plupart en empruntant les
chalands jusqu’à Buffalo et ensuite le bateau à voile et le schooner sur le lac Erié.
Entre-temps, les membres de l’Eglise du voisinage de Fayette se préparaient
aussi à émigrer. Ses fils aînés et son mari étant déjà partis, Lucy Smith, qui était une
dirigeante-née, organisa un groupe d’une cinquantaine de personnes (vingt
adultes et trente enfants) pour remplir un chaland sur le canal de Cayuga et
Seneca. Un autre groupe d’environ trente personnes, organisé par Thomas B.
Marsh, acheta des tickets pour un autre chaland, et les deux bateaux voyagèrent
de concert jusqu’à Buffalo.
En chemin, Lucy réunit «les frères et les soeurs et leur rappela: ‹Nous voyageons
sur commandement du Seigneur, au même titre que Léhi lorsqu’il quitta
92
RASSEMBLEMENT EN OHIO
Jérusalem; et, si nous sommes fidèles, nous avons les mêmes raisons de nous
attendre aux bénédictions de Dieu7›». Ils souffrirent de la faim parce que certains
avaient apporté des vêtements plutôt que de la nourriture, mais ils chantèrent et
prièrent en cours de route et impressionnèrent favorablement le capitaine. Lucy
prit la situation en main et empêcha qu’il n’y eût de plus grandes souffrances.
Quand ils arrivèrent à Buffalo, ils rencontrèrent les saints de Colesville pris par
les glaces. Après plusieurs jours d’inquiétude à Buffalo, un certain nombre
d’enfants étaient tombés malades, et beaucoup de membres du groupe étaient
affamés et découragés. Ils achetèrent des billets de pont sur un bateau, mirent
leurs affaires à bord et obtinrent un abri temporaire pour les femmes et les enfants
jusqu’au lendemain au petit matin. Quand ils furent de retour à bord, Lucy
persuada le groupe, qui murmurait toujours, de demander au Seigneur de briser
les bouchons de glace de six mètres qui bloquaient le port. Elle explique: «On
entendit un bruit, comme un coup de tonnerre. Le capitaine cria: ‹Tout le monde à
son poste.› La glace se divisa, laissant un passage à peine suffisant pour le bateau,
Lucy Mack Smith (1776-1856)
et si étroit qu’au passage les godets de la roue hydraulique furent arrachés avec un
grand bruit . . . Nous avions à peine traversé l’ouverture que la glace se referma.»
Le groupe de Colesville suivit quelques jours plus tard8.
Au moment où ces saints de New York arrivaient en Ohio, un troisième groupe
d’environ cinquante personnes quittait Palmyra (New York) sous la direction de
Martin Harris. Avec son arrivée en Ohio, la première phase du mouvement des
saints des derniers jours vers l’ouest prit fin. Contrairement à beaucoup
d’Américains, qui émigraient en même temps vers l’ouest à la recherche de terres
gratuites ou peu coûteuses, d’aventure ou pour fuir les créanciers, ces humbles
personnes partaient en réponse à un commandement de Dieu.
PREMIERS
PROBLÈMES EN
OHIO
Pendant les trois mois qu’il passa à Kirtland avant le début de l’arrivée des saints
de New York, Joseph Smith dut affronter de nombreuses difficultés découlant du
fait que l’Eglise y grandissait rapidement. Le premier problème fut la
manifestation «d’étranges idées et de faux esprits» parmi les membres de la
branche9. Comme ils n’étaient pas guidés par les autorités de l’Eglise dans le nord
de l’Ohio, certains nouveaux membres entretenaient des idées enthousiastes et
délirantes concernant les effets du Saint-Esprit sur les convertis. John Corrill, un
des premiers convertis de l’Ohio, fut perturbé par le comportement bizarre de
certains des jeunes qui prétendaient avoir des visions: «Ils se conduisaient d’une
manière étrange, tantôt imitant les Indiens dans leur comportement, tantôt
s’élançant dans les champs, montant sur des souches d’arbres et y prêchant
comme s’il étaient entourés par une assemblée, en étant, pendant tout ce tempslà, si complètement absorbés dans des visions qu’ils étaient apparemment
inconscients de tout ce qui se passait autour d’eux10.» Les attaques de Satan sur
l’Eglise étaient dues à la crédulité de ces nouveaux saints qui arrivaient avec
certaines de leurs anciennes habitudes et furent quelques mois sans la direction de
la prêtrise.
93
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Il n’y eut cependant qu’un petit nombre de membres qui se conduisirent de
cette manière. «Ceux qui avaient plus de maturité contemplaient cela avec
étonnement et suspectaient que cela venait d’une source mauvaise11.» Attristé par
ce qu’il voyait, Joseph avait le sentiment que ces excès étaient «de nature à jeter la
honte sur l’Eglise de Dieu, à amener l’Esprit de Dieu à se retirer et à déraciner et à
détruire les merveilleux principes qui avaient été élaborés pour le salut de la
famille humaine12». «Avec prudence et sagesse» et en étant guidé par plusieurs
révélations, il réussit à régler ces problèmes13.
Il n’empêche qu’à la fin de février 1831, certaines personnes continuaient à
prétendre qu’elles avaient reçu des révélations. Ce n’était pas un problème
nouveau; Hiram Page avait fait la même chose à Fayette l’automne précédent (voir
D&A 28). Un de ces soi-disant «révélateurs» était une femme qui se disait
prophétesse et du nom de Hubble, qui prétendait qu’on devait lui permettre de
devenir instructrice dans l’Eglise. Selon John Whitmer, elle «semblait être très
pieuse et en trompa quelques-uns qui n’étaient pas capables de la démasquer dans
son hypocrisie». Mais beaucoup ne s’en laissèrent pas conter et «ses sottises et ses
abominations furent manifestées14». Le prophète interrogea le Seigneur
concernant les stratagèmes de cette femme. Dans une révélation adressée aux
anciens de l’Eglise, le Seigneur déclara: «Aucun autre n’est désigné parmi vous
pour recevoir des commandements et des révélations jusqu’à ce que je le reprenne
[Joseph Smith], s’il me reste fidèle» (D&A 43:3). Les prétendues révélations
données par d’autres pour guider l’Eglise n’étaient pas de Dieu (voir D&A 43:4-6).
Peu après, une autre révélation appelait les anciens à s’en aller deux par deux
dans toutes les directions pour prêcher l’Evangile (voir D&A 44:1-3; 42:6-7).
Bientôt, beaucoup d’anciens s’en allèrent dans les villages et les villes de l’Ohio.
Par exemple, John Corrill raconte que Solomon Hancock et lui allèrent «à New
London, à cent soixante kilomètres environ de Kirtland, où [ils] édifi[èrent] une
église [branche] de trente-six membres en trois semaines environ, en dépit de
l’opposition violente d’autres prédicateurs15». Ce printemps-là, l’Eglise d’Ohio
s’accrut de plusieurs centaines de convertis.
L’Eglise grandissante ne passa pas inaperçue dans le nord de l’Ohio. Joseph
Smith écrit au printemps de 1831: «Beaucoup de fausses informations, des
mensonges et des histoires absurdes furent publiés dans les journaux et diffusés
en tous sens pour empêcher les gens d’examiner l’oeuvre ou d’embrasser la foi16.»
Par exemple, un tremblement de terre dévastateur, qu’une jeune mormone avait
prédit six semaines auparavant, se déclencha près de Pékin, en Chine. Cet
événement convainquit Simonds Ryder, prédicateur campbellite bien connu, qui
se posait depuis un certain temps des questions sur le mormonisme, de devenir
membre de l’Eglise. Cette conversion provoqua beaucoup de remous dans le
voisinage, et le tremblement de terre fut proclamé dans les journaux comme étant
le mormonisme en Chine. «Mais à la joie des saints qui devaient lutter contre tout
ce que les préjugés et la méchanceté pouvaient inventer», le prophète reçut une
révélation qui mentionnait les nombreux signes qui précéderaient la seconde
venue du Seigneur17. Les saints y recevaient le commandement de se tenir en des
94
RASSEMBLEMENT EN OHIO
lieux saints et de prendre le Saint-Esprit pour guide, et il leur était promis qu’ils
en seraient récompensés par l’établissement de la nouvelle Jérusalem (D&A
45:32,57-66).
En outre, au printemps 1831, un prédicateur méthodiste, du nom d’Ezra Booth,
amena à Kirtland un groupe dans lequel se trouvait un fermier aisé du nom de
John Johnson et sa femme, Elsa, de Hiram (Ohio). Elle avait le bras partiellement
paralysé de rhumatismes, et elle ne pouvait le lever plus haut que la tête. En
parlant avec le prophète, un des visiteurs demanda s’il y avait quelqu’un sur la
terre qui avait le pouvoir de la guérir. Lorsque la conversation passa à un autre
sujet, Joseph s’approcha de Mme Johnson, lui prit la main et, avec une calme
assurance, lui dit : «Femme, au nom du Seigneur Jésus-Christ, je te commande
d’être guérie.» Tandis que Joseph quittait la pièce, laissant tout le monde stupéfait
et sans voix, elle leva le bras. Le lendemain, elle pendit sa première lessive sans
souffrances après plus de six ans. Ezra Booth et certains membres de la famille
Johnson devinrent membres de l’Eglise suite à la guérison. Le miracle eut
également un grand retentissement dans tout le nord de l’Ohio18.
Ce même printemps, Parley P. Pratt revint à Kirtland avec son rapport sur la
mission auprès des Lamanites et fut ravi de voir la croissance fantastique de
l’Eglise. Il était particulièrement heureux de ce que Joseph se fût installé en Ohio.
Parley fut bientôt appelé à partir en mission auprès d’un groupe religieux appelé
les shakers, dans le nord de l’Ohio.
Les shakers (Société unie des croyants en la seconde venue du Christ)
apparurent en Angleterre et se rendirent en Amérique en 1774 à cause des
persécutions. Ils devaient leur nom à leur mode de culte, qui comprenait des
chants, des danses et des battements de mains au son de la musique, mais leur
habillement et leur façon d’être étaient très similaires à ceux des quakers, de sorte
qu’on les appelait parfois les shaking quakers. Les shaking quakers furent dirigés
par Ann Lee de 1754 à 1784. Elle avait affirmé être le Messie venu sur la terre sous
la forme d’une femme. Elle enseignait que les hommes et les femmes étaient égaux
et qu’il ne devait pas y avoir de mariage entre les croyants. Leman Copley, ancien
shaker, s’était converti au mormonisme mais continuait à croire que les shakers
étaient dans le vrai dans beaucoup de leurs doctrines, de sorte qu’il demanda à
Joseph des instructions à ce sujet19. La révélation que Joseph Smith reçut répudiait
la doctrine shaker concernant le célibat, l’abstention de viande et l’apparition de
Dieu sous la forme d’une femme. Sidney Rigdon, Parley P. Pratt et Leman Copley
furent également appelés à apporter l’Evangile aux shakers (voir D&A 49). Ils
rendirent tous les trois visite à une colonie de shakers près de Cleveland (Ohio)
qui, selon Parley, «refusèrent absolument d’écouter l’Evangile ou d’y obéir20».
Frère Pratt rendit ensuite visite à un certain nombre de branches de saints des
derniers jours de la Western Reserve, où il trouva le même fanatisme spirituel
parmi les membres que Joseph Smith avait rencontré quand il était arrivé en
février à Kirtland. D’autres anciens furent également découragés par ce qu’ils
voyaient. John Whitmer raconte: «Certains s’imaginaient qu’ils avaient l’épée de
Laban et la maniaient avec l’habileté d’un soldat de cavalerie, d’autres faisaient
95
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
semblant d’être des Indiens en train de scalper, d’autres encore glissaient ou
filaient sur le plancher avec la rapidité d’un serpent qu’ils disaient naviguer sur le
bateau vers les Lamanites, prêchant l’Evangile, et beaucoup d’autres
comportements vains et insensés, qu’il serait absurde et inutile de mentionner.
C’est ainsi que le diable aveuglait les yeux de certains disciples bons et honnêtes21.»
Parley Pratt confirma qu’un «esprit faux et menteur semblait se glisser dans
l’Eglise22».
Ne sachant comment traiter ces phénomènes spirituels, les frères s’unirent en
prière avec le prophète dans sa chambre de traduction à Kirtland. Joseph dicta une
révélation (voir D&A 50). Frère Pratt raconte l’expérience sublime que cela fut pour
lui d’observer une révélation en train d’être donnée: «Chaque phrase était
prononcée lentement et très distinctement, et suivie d’un silence suffisamment
long pour qu’elle puisse être notée en toutes lettres par quelqu’un écrivant
normalement23.»
Le Seigneur commença par constater: «Il ya beaucoup d’esprits qui sont de faux
esprits qui s’en sont allés parcourir la terre pour séduire le monde» (D&A 50:2-3)
et que Satan cherche à tromper les hommes afin de pouvoir les mener à leur perte.
Le Seigneur donna donc aux frères une clef qui leur permettrait de démasquer et
d’affronter les mauvais esprits:
«C’est pourquoi, il arrivera que si vous voyez se manifester un esprit que vous
ne pouvez comprendre, et que vous ne recevez pas cet esprit, vous interrogerez le
Père au nom de Jésus, et s’il ne vous donne pas cet esprit, alors vous saurez qu’il
n’est pas de Dieu.
«Et du pouvoir vous sera donné sur cet esprit; et vous proclamerez à haute voix
que cet esprit n’est pas de Dieu» (D&A 50:31-32).
LA
L O I D E C O N S É C R AT I O N
Une fois installé à Kirtland, le prophète fut vivement désireux de connaître la
volonté du Seigneur concernant le salut économique des saints, dont beaucoup
étaient appauvris, particulièrement ceux qui étaient partis de chez eux à New
York. Son intérêt pour le programme économique du Seigneur fut éveillé lorsqu’il
arriva en Ohio et découvrit un groupe d’une cinquantaine de personnes qui
avaient créé une entreprise coopérative basée sur leur interprétation de passages
du livre des Actes, expliquant que les premiers saints avaient tout en commun
(voir Actes 2:44-45; 4:32). Ce groupe, appelé «la Famille», anciens disciples de
Sidney Rigdon, étaient des membres de l’Eglise habitant dans la ferme d’Isaac
Morley près du village de Kirtland. Lorsqu’il arriva à la mi-janvier, John Whitmer
nota que ce qu’ils faisaient créait de nombreux problèmes. Par exemple, Heman
Bassett prit une montre de poche appartenant à Levi Hancock et la vendit. Quand
on lui demanda pourquoi il avait fait cela, Heman répondit: «Oh, j’ai pensé que
cela appartenait à la famille.» Levi répondit qu’il n’aimait pas ce genre de
comportement «familial» et qu’il ne le supporterait plus24.
Mais Joseph se rendit compte qu’il était nécessaire de mettre sur pied un
système plus parfait pour répondre aux besoins économiques croissants de
96
RASSEMBLEMENT EN OHIO
En 1831, l’Eglise acheta la ferme de Peter
French, qui devint finalement le centre de
l’Eglise à Kirtland, comme le montrent la
carte générale et le gros plan.
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l’Eglise. Il fallait des revenus pour financer diverses entreprises de l’Eglise, comme
publier les révélations et des brochures missionnaires. Le prophète n’avait pas
d’abri pour sa famille; Sidney Rigdon avait perdu sa maison pastorale et le soutien
économique qu’il avait précédemment reçu de son assemblée. Il fallait de l’argent,
des biens de consommation et des biens immobiliers pour aider les pauvres et les
immigrants qui sacrifiaient beaucoup pour se rassembler en Ohio, de sorte que
Joseph interrogea le Seigneur.
97
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Révélations importantes sur la loi de consécration et l’ordre uni
Date
Lieu de réception
Passage
Contenu
4 févr. 1831
Kirtland (Ohio)
D&A 41:9
Nomination d’Edward Partridge comme premier évêque.
9 févr. 1831
Kirtland (Ohio)
D&A 42:30-34
Explication de la loi de consécration.
Févr. 1831
Kirtland (Ohio)
D&A 44:6
Les saints doivent veiller aux pauvres selon la loi.
7 mars 1831
Kirtland (Ohio)
D&A 45:64-75
Appel à rassembler Sion: perspective de la nouvelle Jérusalem.
Mars 1831
Kirtland (Ohio)
D&A 48
Les saints installés en Ohio doivent épargner pour un héritage en Sion.
Mai 1831
Thompson (Ohio)
D&A 51:3 et suiv.
L’évêque Partridge doit désigner des portions (intendances) selon la
taille de la famille, la situation, les besoins et ce qui est nécessaire. Un
magasin doit être créé.
Juin 1831
Kirtland (Ohio)
D&A 56:16-20
Commandement aux riches et aux pauvres de se repentir.
20 juill. 1831
Cté de Jackson (Missouri)
D&A 57
Le Missouri désigné et consacré comme pays d’héritage et lieu central
de Sion.
1 août 1831
Cté de Jackson (Missouri)
D&A 58:1-9, 50-57
Sion viendra après beaucoup de tribulations. Les premiers immigrants
auront l’honneur de poser les fondations de Sion. Achat de terres à
Independence.
Août 1831
Kirtland (Ohio)
D&A 63:27-31
Commandement aux saints d’acheter des terres à prix d’argent.
Interdiction de se procurer des terres par le sang.
12 nov. 1831
Kirtland (Ohio)
D&A 70:1-8
Les anciens désignés comme intendants des révélations. Consécration
des surplus à l’Eglise.
4 déc. 1831
Kirtland (Ohio)
D&A 72
Nomination de Newel K. Whitney comme deuxième évêque de l’Eglise
à Kirtland. Autres devoirs de l’évêque révélés.
Mars 1832
Hiram (Ohio)
D&A 78
Commandement aux saints de créer des magasins en Sion et de
continuer à s’organiser pour que l’Eglise soit indépendante.
26 avr. 1832
Cté de Jackson (Missouri)
D&A 82:11-12
Etablissement de l’ordre uni pour gérer les affaires en Sion et à
Kirtland.
30 avr. 1832
Independence (Missouri)
D&A 83
Dispositions pour les veuves et les orphelins par les consécrations de
l’Eglise au magasin.
27 nov. 1832
Kirtland (Ohio)
D&A 85
Pour recevoir un héritage en Sion, on doit être disposé à vivre la loi de
consécration.
25 juin 1833
Kirtland (Ohio)
History of the Church
1:364-65
Lettre du prophète à l’évêque Partridge sur l’ampleur de l’intendance
d’un membre de l’Eglise.
2 août 1833
Kirtland (Ohio)
D&A 97:10-21
Commandement de construire une maison en Sion (comté de Jackson).
Sion, ce sont ceux qui ont le coeur pur.
6 août 1833
Kirtland (Ohio)
D&A 98
Commandement aux saints de suivre la Constitution. Ils reçoivent la
loi de la guerre et la loi du pardon.
12 oct. 1833
Perrysburg (Ohio)
D&A 100:13-17
Sion, châtiée, sera rachetée.
10 déc. 1833
Kirtland (Ohio)
History of the Church
1:453-56
Lettre du prophète recommandant aux saints de conserver leurs terres
et de demander à Dieu de les ramener dans le pays de leurs héritages.
16 déc. 1833
Kirtland (Ohio)
D&A 101
Raisons de l’expulsion des saints du comté de Jackson. Sion ne sera pas
enlevée de sa place. Les saints doivent s’appuyer sur le processus
constitutionnel.
24 févr. 1834
Kirtland (Ohio)
D&A 103
Les saints rachèteront Sion après des tribulations. Sion rachetée par le
pouvoir.
23 avr. 1834
Kirtland (Ohio)
D&A 104:47-66
Séparation des ordres unis de Kirtland et de Sion. Dispositions pour
un trésor sacré.
22 juin 1834
Fishing River (Missouri)
D&A 105
La rédemption de Sion reportée jusqu’à ce que les saints soient
préparés, dotés et nombreux. Dissolution de l’ordre uni jusqu’après la
rédemption de Sion.
1 sept. 1835
Kirtland (Ohio)
History of the Church
2:254
Lettre du prophète aux anciens de l’Eglise relatant sa vision de juin
1831, lui commandant d’aller dans l’ouest du Missouri.
(Adapté de William O. Nelson, Ensign, janv. 1979, p. 23).
98
RASSEMBLEMENT EN OHIO
Acte de consécration d’octobre 1832 Les révélations données à Joseph Smith
concernant la loi de consécration
commencèrent par les révélations de février
1831, peu après l’arrivée du prophète Joseph
en Ohio. Au cours des quatre années et
demie qui suivirent, le Seigneur révéla
beaucoup de principes liés à la loi de
consécration. Comme on peut le voir sur le
tableau en face, la plupart d’entre elles furent
données à Kirtland.
Le 4 février 1831, le prophète reçut une révélation appelant Edward Partridge à
être le premier évêque de l’Eglise, avec pour instructions de consacrer son temps
à cet appel (voir D&A 41:9). Cinq jours plus tard, une autre révélation importante
fut donnée, constituant la loi de l’Eglise. Elle donnait à frère Partridge d’autres
instructions sur ses responsabilités et définissait le nouveau système économique
(voir D&A 42).
Un des principes fondamentaux de ce nouveau système économique était que
la terre et que tout ce qui s’y trouve appartenaient au Seigneur, et que l’homme en
était l’intendant (voir Psaumes 24:1; D&A 104:13-14). En vertu de la loi de
consécration, les membres de l’Eglise étaient invités à consacrer, ou à faire don de
99
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
tous leurs biens, tant immobiliers que mobiliers, à l’évêque de l’Eglise. Celui-ci
devait ensuite accorder un «héritage» ou intendance à chacun à partir des biens
reçus. L’importance de l’intendance dépendait de la situation et des besoins de la
famille qui devaient être déterminés conjointement par l’évêque et le candidat
intendant (voir D&A 42:32-33; 51:3). La famille administrait alors son intendance
du mieux qu’elle le pouvait. Si elle était industrieuse et prospère, elle aurait, à la
fin de l’année, un gain net qualifié de surplus (profit). Tout surplus dépassant les
besoins de la famille devait être remis au magasin pour être utilisé par l’évêque
afin «d’être administré aux pauvres et aux nécessiteux» (D&A 42:34). La loi de
consécration avait pour but de réaliser une égalité économique relative et
d’éliminer la cupidité et la pauvreté.
L’Eglise en apprit graduellement davantage sur la loi de consécration à mesure
que d’autres révélations étaient données. Par exemple, le prophète demanda au
Seigneur comment l’Eglise devait acquérir des terres pour l’installation des saints
à leur arrivée. Ceux qui avaient des biens à Kirtland reçurent le commandement
de donner généreusement leurs terres. D’autres fonds devaient être consacrés à
l’achat d’autres terres (voir D&A 48:2-3). Les saints de New York commencèrent à
arriver, fatigués et trempés, au cours du mois de mai, et il fallut les installer. La
responsabilité reposait sur l’évêque Partridge, qui demanda des directives au
prophète. L’évêque reçut le commandement de commencer à distribuer des
intendances aux immigrants (voir D&A 51:3). «Que chacun agisse avec honnêteté,
jouisse de l’égalité parmi ce peuple et reçoive une part égale, afin que vous soyez
humbles, tout comme je vous l’ai commandé» (v. 9).
Joseph Smith envoya les immigrants de Colesville s’installer à Thompson
(Ohio), à quelques kilomètres à l’est de Kirtland, sur un terrain appartenant à
Leman Copley. Les saints du comté de Seneca furent envoyés vivre à la ferme
d’Isaac Morley, où ils construisirent des cabanes de rondins et ensemencèrent.
L’évêque Partridge essaya d’inaugurer la loi de consécration à Thompson, mais les
conflits en empêchèrent la mise en oeuvre complète. Leman Copley rompit son
contrat acceptant de laisser des saints des derniers jours occuper ses terres et leur
ordonna de quitter sa propriété. Mis au courant des problèmes, le prophète
demanda et obtint une révélation donnant à Newel Knight, président de la
branche de Colesville, et aux autres qui vivaient dans la ferme de Copley, le
commandement de se repentir «de tous leurs péchés et . . . [de se mettre] en route
vers les régions de l’Ouest, vers le pays de Missouri, vers les frontières des
Lamanites» (D&A 54:3, 8). Peu de temps après, quatorze familles au moins
partirent sous la direction de Newel Knight pour la frontière du Missouri25.
Dans la révélation de février, appelant Edward Partridge à être évêque, le
Seigneur avait commandé à Joseph et à Sidney de reprendre la traduction des
Ecritures. «Et de plus, il convient que mon serviteur Joseph Smith, fils, se fasse
construire une maison dans laquelle il vivra et traduira» (D&A 41:7). Cinq jours
plus tard, le prophète recevait les instructions suivantes:
«Tu demanderas, et mes Ecritures seront données comme je l’ai décidé et elles
seront conservées en lieu sûr.
100
RASSEMBLEMENT EN OHIO
«Il convient que tu te taises à leur sujet et ne les enseignes que lorsque tu les
auras reçues entièrement» (D&A 42:56-57). Les deux hommes continuèrent
diligemment leur travail presque quotidiennement pendant tout le printemps
dans une petite maison construite pour Joseph et Emma sur l’exploitation d’Isaac
Morley.
C’est à ce moment-là qu’Emma commença à avoir des contractions. Elle n’était
pas encore remise de sa maladie et du pénible voyage effectué depuis New York
en plein milieu de l’hiver. Le 30 avril, elle accoucha de jumeaux, mais ils ne
vécurent que trois heures. Joseph et elle avaient maintenant perdu les trois enfants
Cimetière de l’autre côté de la rue au nord
du temple de Kirtland. Louisa et Taddeus, les
jumeaux nés de Joseph et d’Emma Smith,
sont enterrés dans ce cimetière.
Jerusha Smith (femme de Hyrum) et Mary
Duty Smith (grand-mère du prophète) y sont
également enterrées.
qui leur étaient nés. Par coïncidence, des jumeaux naquirent, le premier mai, de
Julia Murdock, mais elle mourut après leur naissance. John Murdock partait vers
cette époque en mission et donna son consentement avec joie lorsque Joseph
demanda si Emma et lui pourraient adopter les enfants. La douleur d’Emma fut
soulagée, et elle prit volontiers les bébés, une petite fille appelée Julia et un petit
garçon appelé Joseph, pour les élever comme les siens.
CONFÉRENCE
GÉNÉRALE EN
OHIO
La quatrième conférence générale de l’Eglise se réunit le vendredi 3 juin 1831
dans une école située juste à l’extérieur de Kirtland. Beaucoup de missionnaires
d’Ohio revinrent pour les réunions. Le procès-verbal rapporte que soixante-trois
détenteurs de la prêtrise étaient présents26. Selon les termes de Joseph Smith, lors
de la conférence, «le Seigneur manifesta sa puissance à la totale satisfaction des
saints27». Après avoir traité les premiers sujets, Joseph annonça que le Seigneur
voulait que des anciens dignes fussent “ordonnés à la Haute Prêtrise28”. C’étaient
les premières ordinations à l’office de grand prêtre dans notre dispensation. Le
prophète ordonna cinq frères grands prêtres; l’un d’eux, Lyman Wight, en
ordonna plusieurs autres au cours de la même réunion. John Corrill et Isaac
Morley furent appelés comme conseillers de l’évêque Edward Partridge et furent
mis à part pour cet appel par Lyman Wight29.
Pendant la conférence, l’Esprit fut sur le prophète d’une «manière
extraordinaire. Et [il] prophétisa que Jean le Révélateur était alors parmi les dix
tribus d’Israël . . . pour les préparer à revenir de leur longue dispersion30». L’esprit
de prophétie reposa également sur Lyman Wight, qui dit que la venue du Sauveur
serait semblable au soleil se levant à l’orient et couvrirait toute la terre. Il prédit que
certains des frères subiraient le martyre à cause de leur religion et scelleraient leur
témoignage du Christ de leur sang31. Le prophète Joseph, Harvey Whitlock et
Lyman Wight virent les cieux ouverts et Jésus-Christ assis à la droite du Père.
Lyman témoigna avoir vu le Fils de Dieu intercéder pour les saints32.
Tout ce qui se produisit à la conférence n’était pas bon. Comme cela s’était
produit les mois précédents, il y eut une manifestation d’esprits mauvais. John
Whitmer, historien de l’Eglise, raconte que «le diable décida de faire connaître son
pouvoir33». Des hurlements atroces se firent entendre au cours de la réunion, et
plusieurs hommes furent projetés violemment çà et là par de mauvais esprits.
Harvey Green fut précipité avec des convulsions sur le sol. Le prophète lui imposa
101
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
les mains et chassa un esprit mauvais. Harvey Whitlock et John Murdock furent
liés de sorte qu’ils ne pouvaient parler. Joseph Smith dit que tout cela était
l’accomplissement des Ecritures qui disaient que «l’homme du péché» serait révélé
(voir 2 Thessaloniciens 2:3). Le prophète vit l’intention de Satan et lui commanda
au nom du Christ de s’éloigner, ce qu’il fit pour la plus grande joie et le plus grand
réconfort des personnes présentes34. Ces premières expériences à Kirtland
servirent d’avertissement à tous les saints d’avoir à éviter de toucher aux esprits
mauvais et d’éviter tout zèle spirituel excessif.
Ainsi prirent fin les premiers mois critiques du rassemblement des saints de
New York en Ohio et de l’établissement du siège de l’Eglise à cet endroit. Si les
membres vécurent plusieurs rencontres avec de mauvais esprits, ils reçurent aussi
des instructions précieuses et virent la puissance de Dieu vaincre le pouvoir du
Malin. Joseph Smith et Sidney Rigdon reprirent leur travail sur la traduction
inspirée de la Bible. Les principes éternels de la loi de consécration furent révélés,
et d’autres fondations furent posées pour la grande oeuvre missionnaire des
derniers jours.
NOTES
1. Dans F. Mark McKiernan et Roger D.
Launius, éditeurs, An Early Latter Day Saint
History: The Book of John Whitmer,
Independence, Mo., Herald Publishing House,
1980, p. 32.
2. Dans McKiernan et Launius, An Early Latter
Day Saint History, p. 35.
3. Voir McKiernan et Launius, An Early Latter
Day Saint History, p. 36.
4. Voir «Journal of John Murdock», nov. 1830juill. 1859, département d’histoire de l’Eglise,
Salt Lake City.
5. Dans History of the Church, 1:146.
6. History of the Church, 1:146.
7. Lucy Mack Smith, History of Joseph Smith, éd.
Preston Nibley, Salt Lake City, Bookcraft 1958,
p. 196.
8. Smith, History of Joseph Smith, pp. 200-205.
9. History of the Church, 1:146.
10. John Corrill, Brief History of the Church of
Christ of Latter Day Saints, St-Louis, John
Corrill, 1839, p. 13; voir aussi Joseph Smith,
«Try the Spirits», Times and Seasons, 1 avril 1842,
p. 747.
11. Corrill, Brief History of the Church, p. 13.
12. Dans Times and Seasons, 1 avril 1842, p. 747.
13. History of the Church, 1:146.
14. Dans McKiernan et Launius, An Early Latter
Day Saint History, p. 142.
15. Corrill, Brief History of the Church, p. 13.
16. History of the Church, 1:158.
17. History of the Church, 1:158.
18. Dans History of the Church, 1:215-16; voir
aussi Millennial Star, 31 déc. 1864, p. 834.
19. Voir History of the Church, 1:167.
102
20. Parley P. Pratt, éd., Autobiography of Parley P.
Pratt, série Classics in Mormon Literature, Salt
Lake City, Deseret Book Co., 1985, p. 47.
21. Dans McKiernan et Launius, An Early Latter
Day Saint History, p. 62.
22. Pratt, Autobiography of Parley P. Pratt, p. 48.
23. Pratt, Autobiography of Parley P. Pratt, p. 48.
24. Levi W. Hancock, «Levi Hancock Journal»,
département d’histoire de l’Eglise, Salt Lake
City, p. 81.
25. Voir Larry C. Porter, «A Study of the Origins
of the Church of Jesus Christ of Latter-day
Saints in the States of New York and
Pennsylvania, 1816-1831», thèse de doctorat,
Université Brigham Young, 1971, pp. 299-300.
26. Voir Donald Q. Cannon et Lyndon W. Cook,
éd., Far West Record: Minutes of The Church of
Jesus Christ of Latter-day Saints, 1830-1844, Salt
Lake City, Deseret Book Co., 1983, pp. 6-7.
27. History of the Church, 1:175.
28. Dans McKiernan et Launius, An Early Latter
Day Saint History, p. 66.
29. Voir Cannon et Cook, Far West Record, p. 7.
30. Dans McKiernan et Launius, An Early Latter
Day Saint History, p. 66.
31. Dans McKiernan et Launius, An Early Latter
Day Saint History, p. 67.
32. Dans McKiernan et Launius, An Early Latter
Day Saint History, p. 67; voir aussi «Levi
Hancock Journal», département d’histoire de
l’Eglise, Salt Lake City, pp. 91-92.
33. Dans McKiernan et Launius, An Early Latter
Day Saint History, p. 71.
34. Dans McKiernan et Launius, An Early Latter
Day Saint History, p. 71; voir aussi History of the
Church, 1:175.
CHAPITRE NEUF
RASSEMBLEMENT
Ligne du temps
Date
Evénement important
Juillet 1831
Arrivée des saints de
Colesville au Missouri
2 août 1831
Consécration du pays comme
lieu de rassemblement par
Sidney Rigdon
3 août 1831
Consécration de
l’emplacement du temple à
Independence par Joseph
Smith
Juin 1832
Premier numéro de l’Evening
and Morning Star
A U PAY S D E
SION
S
ION! LA VILLE SAINTE! La nouvelle Jérusalem! Enoch édifia une Sion
(voir Moïse 7:19-21), Esaïe prédit une Sion future (voir Esaïe 23:20; 52:1, 8),
et Jean le Révélateur eut la vision de la descente de Sion du ciel (voir
Apocalypse 21:2). La publication du Livre de Mormon contribua à éclaircir ce rêve,
parce qu’il disait que l’Amérique serait le lieu de la nouvelle Jérusalem (voir Ether
13:2-3; 3 Néphi 20:22). Le Livre de Mormon suscitait ainsi chez les saints le zèle de
connaître le moment et le lieu de l’établissement de Sion. Ce n’était qu’en Sion,
croyaient les saints, qu’ils pourraient trouver la protection face à la désolation et
aux tribulations qui allaient bientôt s’abattre sur les méchants (voir D&A 29:7-9;
45:65-71). Dans les écrits d’Enoch, révélés en décembre 1830, les saints trouvèrent
un exemple concret dans les réalisations du juste Enoch et de sa ville: «Et le
Seigneur appela son peuple Sion, parce qu’ils étaient d’un seul coeur et d’un seul
esprit, et qu’ils demeuraient dans la justice; et il n’y avait pas de pauvres parmi
eux» (Moïse 7:18).
V OYA G E S
AU
MISSOURI
Un des principaux objectifs des saints devint la localisation et l’établissement de
Sion. Au début de 1831, la curiosité quant à l’emplacement du pays de Sion
commença à grandir. Le lendemain de la quatrième conférence générale de l’Eglise
(tenue le 3 juin 1831), une révélation commanda à Joseph Smith et à d’autres
dirigeants de l’Eglise d’aller au Missouri où le pays de leur héritage serait révélé.
En outre, treize couples de missionnaires étaient appelés à voyager deux par deux,
chaque équipe prenant un itinéraire différent pour se rendre au Missouri et pour
prêcher en chemin (voir D&A 52:3-8, 22-33; 56:5-7). L’excitation régna à Kirtland et
dans les environs au cours des deux semaines qui suivirent tandis que les
dirigeants et les anciens se préparaient à partir. Après tout, le Seigneur leur avait
fait une promesse:
«Si vous êtes fidèles, vous vous assemblerez pour vous réjouir dans le pays
du Missouri, lequel est le pays de votre héritage, qui est maintenant la terre de
vos ennemis.
«Mais voici, moi, le Seigneur, je hâterai la ville [la nouvelle Jérusalem], en son
temps et je couronnerai les fidèles de joie et d’allégresse» (D&A 52:42-43).
C’est pendant cette période que Newel Knight interrogea le prophète
concernant le problème qui s’était produit sur les terres consacrées de Thompson
(Ohio). Les membres de la branche de Colesville reçurent pour directive de se
mettre «en route vers les régions de l’Ouest, vers le pays de Missouri, vers les
103
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Gr
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Little Blue
River
Big
Blu
Riv e
er
Jackson
Carte du Missouri (le township—
arrondissement—de Kaw (Kansas City,
Missouri), était situé dans le comté de
Jackson. Il englobait toute la partie du
comté de Jackson située à l’ouest de la Big
Blue River).
St. Louis
frontières des Lamanites» (D&A 54:8). Par conséquent trois groupes différents se
préparèrent à se rendre au Missouri et à se rencontrer sur les frontières
occidentales de cet Etat: le groupe de Joseph Smith, la branche de Colesville et les
missionnaires.
Pendant que les préparatifs du voyage allaient de l’avant, William Wines Phelps,
un homme qui allait jouer un rôle important pendant que l’Eglise était au Missouri
et plus tard, arriva de Canandaigua (New York) avec sa femme, Sally, et leurs
enfants. Frère Phelps avait trente-neuf ans et était un homme capable. Rédacteur
d’un journal politique, c’était un écrivain et un imprimeur expérimenté. A un
moment donné, il avait été candidat à l’office de gouverneur-adjoint de New York.
Il fut converti à l’Evangile après avoir acheté un exemplaire du Livre de Mormon.
«Ce livre m’a permis de trouver la clef permettant d’accéder aux saints prophètes;
et c’est par ce livre que les mystères de Dieu ont commencé à se dévoiler et que j’ai
trouvé ma joie. Qui peut dire sa bonté et estimer la valeur d’un livre aussi sacré?»
écrivit-il plus tard à propos du rôle du Livre de Mormon dans sa conversion1. Frère
Phelps dit qu’il venait à Kirtland pour faire la volonté du Seigneur. Une révélation
le concernant dit qu’il était «appelé et élu», mais qu’il devait tout d’abord être
baptisé et ordonné, et ensuite il devait accompagner Joseph Smith et Sidney
Rigdon au Missouri. Une fois au Missouri, il allait aider Oliver Cowdery à
l’impression, au choix et à la rédaction de livres pour enfants qui seraient utilisés
William Wines Phelps (1792-1772) naquit à
Hanover (New Jersey) et mourut à Salt Lake
City (Utah).
Homme actif aux dons et aux talents
multiples, il fut rédacteur en chef, homme de
loi, compositeur de cantiques, missionnaire,
éducateur, législateur, aumônier et servant
dans la maison des dotations au Square du
temple à Salt Lake City.
104
dans les écoles de l’Eglise (voir D&A 55:1-5).
Le 19 juin, Joseph Smith, Sidney Rigdon, Edward Partridge, Martin Harris,
Joseph Coe, William W. Phelps et Sidney Gilbert et sa femme Elizabeth
commencèrent enfin leur voyage de presque quinze cents kilomètres de Kirtland
jusqu’à la frontière ouest du Missouri. Ils accomplissaient enfin leur espoir de
longue date et étaient en route pour le pays de Sion, même s’ils ne savaient pas à
RASSEMBLEMENT AU PAYS DE SION
ce moment-là exactement où il se trouvait. Sur la route de Cincinnati, le groupe du
prophète prit place sur un bateau à vapeur qui descendait l’Ohio jusqu’à son
confluent avec le Mississippi et ensuite continuait jusqu’à St-Louis. En chemin, ils
furent rejoints par la branche de Colesville sous la direction de Newel Knight2.
Le voyage vers le Missouri ne fut pas aisé. C’était particulièrement vrai pour les
saints de Colesville qui avaient quitté Thompson (Ohio) transportant leurs biens
et leurs provisions dans vingt-quatre chariots3.
A Wellsville (Ohio), ils laissèrent les chariots et voyagèrent par vapeur sur l’Ohio
jusqu’au confluent avec le Mississippi. Ensuite, ils suivirent le Mississippi jusqu’à
St-Louis. A St-Louis, Newel Knight et son groupe, ainsi que certains des
compagnons du prophète, décidèrent de voyager par bateau à vapeur sur le
Missouri. Il fallut une attente de plusieurs jours avant de pouvoir prendre place
sur un bateau. Le prophète et les autres se mirent en route à pied et arrivèrent à
Independence vers la mi-juillet4, dix jours environ avant ceux du bateau. Joseph
décrit le voyage comme «long et lassant» et dit qu’ils n’arrivèrent qu’après avoir
Zebedee Coltrin (1804-87) fut appelé et
ordonné pour être l’un des sept présidents
du premier collège des soixante-dix, lorsqu’il
fut organisé le 28 février 1835.
«souffert beaucoup de privations et de difficultés5». Newel Knight dit que la tâche
de conduire les saints de Colesville «exigea toute la sagesse» qu’il possédait6.
Presque tous les couples d’anciens étaient prêts à quitter Kirtland dans les deux
semaines de leur appel. Chacun choisit un itinéraire différent, parce qu’il leur avait
été commandé de ne pas construire sur les fondations posées par un autre et de
ne pas voyager sur les traces d’un autre (voir D&A 52:33). Quelques couples
missionnaires connurent un plus grand succès que d’autres. Parley P. Pratt, qui
était revenu du Missouri quelques mois seulement auparavant, et son frère,
Orson, passèrent la plus grande partie de l’été 1831 à prêcher au Missouri, en
Ohio, en Indiana et en Illinois. Ils «souffrirent des vicissitudes liées à une région
nouvelle et, en de nombreux endroits, non peuplées», mais ils baptisèrent
beaucoup de gens et organisèrent des branches dans les Etats qu’ils traversaient.
Ils n’arrivèrent dans l’est du Missouri qu’en septembre7.
Deux autres qui connurent du succès furent Zebedee Coltrin et Levi Hancock.
Après avoir quitté Kirtland, ils se mirent en route vers le sud et l’ouest et le long
de la route nationale vers Indianapolis (Indiana). Les baptêmes furent d’abord
lents à se produire, mais quand ils arrivèrent à Winchester (Indiana), ils trouvèrent
des auditeurs bien disposés. Lévi écrit: «Nous continuâmes à prêcher ici et dans les
régions alentour jusqu’à ce que nous eussions créé une grande branche de
l’Eglise.» Ils connurent des résultats semblables dans l’arrondissement de Ward et
«au bout de peu de temps, [ils avaient] dans les deux endroits une centaine de
membres». Leur présence irrita un groupe d’hommes de l’endroit qui les
accostèrent et leur ordonnèrent de quitter la région pour le lendemain dix heures.
Les missionnaires décidèrent de rester et d’assister à une réunion qu’ils avaient
convoquée pour onze heures. Certains des hommes qui se présentèrent pour la
réunion comptaient parmi ceux qui avaient menacé les missionnaires. Dans son
sermon, Lévi dit que son père s’était battu pendant la guerre d’Indépendance
pour la liberté dont jouissaient à ce moment-là leurs auditeurs, et que son parent,
John Hancock, fut le premier signataire de la Déclaration d’Indépendance. Lévi
105
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
rapporte: «Après la réunion, nous nous rendîmes jusqu’à l’eau et baptisâmes dixsept personnes de cette foule qui, la veille, allait nous agresser.» Les frères
remercièrent Dieu pour sa protection et son aide à cette occasion. Ils arrivèrent
quelque temps plus tard au Missouri, Zebedee en octobre et Levi, obligé de
s’attarder pour cause de maladie, en novembre8.
La traversée du sud de l’Indiana, effectuée par Samuel Smith, vingt-trois ans, et
Reynolds Cahoon, quarante et un ans, est typique de l’impact profond mais
inconscient que les missionnaires ont souvent. Ils passèrent trois jours dans le
comté de Green dans la famille de Cahoon et, lors de leur voyage de retour, deux
mois et demi plus tard, ils s’arrêtèrent de nouveau tous les deux dans la région
pendant plus de quinze jours. Parmi les nombreuses personnes qui furent
converties à ce moment-là, il y avait John Patten, qui avait un frère de vingt-quatre
ans, appelé David, qui habitait au Michigan. John écrivit à David au printemps
suivant, lui parlant de l’Evangile rétabli et disant qu’il avait reçu le don du SaintEsprit. David raconte: “En voyant cela, mon coeur bondit de joie et je pris la
Levi Hancock (1803-82) fut appelé et
ordonné comme l’un des sept présidents du
premier collège des soixante-dix lorsque
celui-ci fut organisé le 28 février 1835.
résolution d’aller immédiatement voir moi-même9.” Il fut baptisé par son frère
en juin 1832 et, trois ans plus tard, était appelé à être l’un des douze apôtres de
notre dispensation.
Plusieurs anciens firent le voyage plus rapidement. Lyman Wight et John Corrill,
par exemple, firent le voyage à pied en deux mois, du 14 juin au 13 août10. Mais peu
de missionnaires arrivèrent à temps pour participer à la conférence tenue par le
prophète. A leur arrivée à Independence, certains des anciens qui étaient
célibataires s’installèrent comme résidents permanents tandis que ceux qui avaient
une famille dans l’Est rentrèrent chez eux. Grâce à cette oeuvre missionnaire,
beaucoup de personnes entre Kirtland (Ohio) et Independence (Missouri) firent
connaissance des saints des derniers jours et de ce qu’ils croyaient. Les futurs
missionnaires allaient récolter là où ces premiers missionnaires avaient semé.
Le cas de Polly Knight illustre les sentiments profonds de beaucoup de membres
de l’Eglise. Soeur Knight, mère de Newel et membre de la branche de Colesville,
risqua sa vie à faire le voyage jusqu’en Sion. Sa santé était vacillante depuis un
certain temps, mais son vif désir de voir la terre promise était si grand qu’elle
refusa d’être abandonnée en Ohio. Elle ne voulut pas non plus rester chez des
amis en chemin pour se reposer et récupérer. Son fils écrit: « Son seul désir, son
désir le plus grand, était de poser les pieds sur la terre de Sion et d’avoir son corps
enterré dans ce pays.» Craignant qu’elle ne meure à n’importe quel moment au
cours du voyage, Newel quitta un jour le bateau et descendit à terre acheter du
bois pour un cercueil. Il dit plus tard: «Le Seigneur lui accorda le désir de son
coeur, et elle vécut assez longtemps pour se trouver dans ce pays11”. Elle mourut
dans les deux semaines de son arrivée au pays de Sion et fut la première sainte
des derniers jours à être enterrée au Missouri. Mais le Seigneur prononça
des paroles consolatrices: «Ceux qui vivent hériteront de la terre, et ceux qui
meurent se reposeront de tous leurs labeurs, et leurs oeuvres les suivront. Ils
recevront une couronne dans les demeures de mon Père que j’ai préparées pour
eux» (D&A 59:2).
106
RASSEMBLEMENT AU PAYS DE SION
L O C A L I S AT I O N
D U PAY S D E
SION
Le prophète et ses frères savaient que la glorieuse nouvelle Jérusalem se
trouverait un jour près de l’endroit où ils s’étaient arrêtés, parce que la révélation
disait que Sion serait «sur les frontières des Lamanites» (D&A 28:9) et se trouverait
au Missouri (voir D&A 52:2, 42). Mais où? La frontière occidentale du Missouri
avait environ cinq cents kilomètres de long. «Quand Sion sera-t-elle édifiée dans
sa gloire et où se trouvera ton temple?» demanda le prophète12. La réponse du
Seigneur, donnée le 20 juillet 1831, était simple et directe:
«Ce pays qui est le pays de Missouri . . . est le pays que j’ai désigné et consacré
au rassemblement des saints . . .
« . . . Voici, l’endroit que l’on appelle maintenant Independence en est le centre;
et un lieu pour le temple se trouve à l’ouest sur une parcelle qui se trouve non loin
du tribunal» (D&A 57:1,3). Joseph Smith et les saints en cours de rassemblement
étaient pleins de joie de voir que l’emplacement exact de la ville promise de Sion
leur était finalement révélé.
Les saints en cours de rassemblement apprirent que le paysage du comté de
Jackson était beau avec ses collines ondoyantes et ses vallées. Le climat était
vivifiant, l’air et l’eau étaient purs et sains et la végétation luxuriante et verte. Deux
rivières d’eau claire, la Big Blue et la Little Blue, arrosaient les plateaux centraux et
se jetaient dans le Missouri au nord. Des noyers noirs et blancs, des ormes, des
cerisiers et des chênes bordaient le lit des cours d’eau et le «tapis» attrayant de
paturins des champs dans les prairies était l’idéal pour élever du bétail. C’était une
région qui était encore essentiellement non colonisée; Independence, siège du
comté, n’avait été créée que quatre ans plus tôt. Joseph Smith était enthousiaste
pour les perspectives de la région. Il enseigna que le comté de Jackson (Missouri)
était l’emplacement du jardin d’Eden13.
Joseph Smith consacra, le 3 août 1831,
l’emplacement du temple à Independence
(Missouri). Le terrain sur lequel se trouvait le
prophète pour consacrer l’emplacement du
temple appartient aujourd’hui à l’Eglise du
Christ (Temple Lot) ou Hedrickites. D’autres
parties du terrain originel du temple
appartiennent à l’Eglise et à l’Eglise
Réorganisée.
Le bâtiment situé dans le coin nord-est du
terrain du temple est le siège de l’Eglise du
Christ (Temple Lot). Dans le coin inférieur
gauche de la photo se trouve le tabernacle
de l’Eglise Réorganisée de Jésus-Christ des
Saints des Derniers Jours, et dans le coin
inférieur droit se trouve le Centre pour
visiteurs de l’Eglise de Jésus-Christ des
Saints des Derniers Jours.
107
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Le prix du terrain et le fait qu’il était directement accessible attirait également les
saints. En 1831, on pouvait acheter des sections entières de cette région non
exploitée pour le prix d’un dollar vingt-cinq l’acre (quarante ares). Le Seigneur
commanda aux frères d’acheter tout le terrain qu’ils pouvaient (voir D&A 57:3-5,
58:37, 49-52, 63:27), et Sidney Rigdon fut chargé «de mettre par écrit une
description du pays de Sion» (D&A 58:50) qui devait être diffusée parmi les saints
de l’Est lors d’une levée de fonds. Sidney Gilbert fut désigné pour être «agent de
l’Eglise» pour recevoir l’argent des donateurs et acheter des terres (D&A 57:6).
Edward Partridge, qui était déjà évêque, reçut le commandement de répartir le
terrain acheté entre les saints pour qu’il fût «leur héritage» (D&A 57:7). Le
Seigneur avertit aussi, en ce qui concerne Sion: «Que tout cela se fasse avec
ordre . . . que l’oeuvre du rassemblement ne se fasse pas avec hâte, ni dans la fuite»
(D&A 58:55-56).
C O N S É C R AT I O N
DE LA TERRE DE
SION
E T D E L’ E M P L A C E M E N T D E
SON TEMPLE
Deux choses importantes réclamaient l’attention du prophète au Missouri avant
son retour en Ohio: la consécration de la terre comme lieu de rassemblement pour
les saints et la consécration de l’emplacement du temple proprement dit. Les deux
événements se déroulèrent sous la présidence de Joseph Smith. Lors d’une
réunion spéciale, qui eut lieu le 2 août 1831, douze hommes, dont cinq étaient de
la branche de Colesville (en l’honneur des douze tribus d’Israël), posèrent le
premier rondin «comme fondation de Sion dans le township (arrondissement) de
Kaw, à vingt kilomètres à l’ouest d’Independence14». Sidney Rigdon consacra et
dédia la terre au Seigneur. Dans le cadre de la cérémonie, il demanda à ses
auditeurs: «Vous engagez-vous à garder, sur cette terre, les lois de Dieu que vous
n’avez jamais gardées dans vos propres terres? [Réaction de l’auditoire:] Oui. Vous
engagez-vous à veiller à ce que vos autres frères qui vont venir ici gardent les lois
de Dieu? [Les personnes présentes dirent de nouveau: ]Oui. Après la prière [de
consécration, frère Rigdon] se leva et dit: Je déclare maintenant cette terre
consacrée et dédiée au Seigneur pour la possession et l’héritage des saints (au nom
de Jésus-Christ, ayant autorité de sa part). Et pour tous les serviteurs fidèles du
Seigneur jusqu’aux époques les plus reculées du temps. Amen15.»
La consécration de l’emplacement du temple à Independence eut lieu le
lendemain. Une fois de plus, la réunion fut simple mais édifiante. Après la lecture
du psaume 87, qui est tout à la gloire et à la majesté de Sion, une pierre unique,
marquant le coin sud-est, fut mise en place. Joseph Smith consacra ensuite
l’emplacement du temple par une prière. Il écrit que «le spectacle était solennel et
impressionnant16».
Selon le commandement précédemment donné (voir D&A 52:2), les frères se
réunirent, le 4 août, pour une conférence dans l’arrondissement de Kaw, et le
prophète présida. Sidney Rigdon invita les saints à obéir à toutes les lois du ciel, et
d’autres affaires de l’Eglise furent traitées avant que les frères ne se séparent et ne
retournent en Ohio17.
108
RASSEMBLEMENT AU PAYS DE SION
RETOUR
EN
OHIO
Le voyage de retour (par canoë sur le Missouri) commença le 9 août 1831. Le
groupe passa la première nuit à Fort Osage, avant-poste géré par le
gouvernement, qui assurait la protection contre les attaques indiennes. Le
troisième jour, W.W. Phelps eut une vision du «destructeur dans sa puissance la
plus horrible» chevauchant sur les eaux. D’autres personnes présentes
entendirent le bruit fait par le Malin18. Cette rencontre laissa une forte impression
sur les voyageurs, dont certains craignirent pour leur sécurité.
Le lendemain matin, Joseph reçut une révélation informant les anciens qu’il
n’était pas nécessaire que tout le groupe retourne chez lui avec hâte, alors que
beaucoup de gens des deux côtés du fleuve «périssent dans l’incrédulité» (D&A
61:3). Il fut déclaré que les eaux, et en particulier «ces eaux-ci» (le Missouri) étaient
particulièrement dangereuses pour les voyageurs; néanmoins le Seigneur révéla:
«S’ils remplissent leur mission, peu m’importera dans quelque temps qu’ils
voyagent par eau ou par terre» (D&A 61:5, 22). Les missionnaires devaient voyager
deux par deux et «[proclamer] la parole parmi les assemblées des méchants» (D&A
61:33). Le lendemain, les frères eurent la joie de rencontrer plusieurs anciens qui
étaient toujours en route pour le pays de Sion. Joseph Smith reçut une révélation
en leur faveur les exhortant à continuer jusqu’en Sion et à tenir une réunion de
réjouissances (voir D&A 62:1-4).
Joseph Smith et les autres arrivèrent à Kirtland à la fin du mois d’août. Il
constata que les efforts qu’ils avaient faits pour prêcher l’Evangile en chemin
étaient gênés parce que Satan avait aveuglé les yeux de la population19. Il fit
rapport aux saints d’Ohio des merveilleux événements que ses frères et lui avaient
connu lors de la localisation du pays de Sion. Le Seigneur promit à ce moment-là
que les membres d’Ohio qui aidaient les saints de Sion recevraient «un héritage
dans ce monde . . . ainsi qu’une récompense dans le monde à venir» (D&A 63:48).
AUTRES
ÉVÉNEMENTS EN
SION
L’installation dans un pays situé à la frontière était une nouvelle expérience pour
la plupart des saints qui arrivaient de l’Est. Il fallait couper du bois, construire des
bacs, des ponts, des moulins et des digues; il fallait construire des maisons, des
granges et des clôtures. Se rappelant l’automne 1831, Newel Knight écrit: «Nous
n’étions pas habitués à la vie de frontière, de sorte que les choses qui nous
entouraient nous paraissaient nouvelles et étranges, et le travail que nous avions
à faire était d’une nature différente de celui que nous faisions dans l’Est.
Néanmoins, nous persévérâmes, le coeur joyeux, et décidés à faire de notre mieux,
et nous nous mîmes au travail en toute diligence pour nous procurer la nourriture
et nous préparer pour l’hiver prochain20.» Parley P. Pratt loua l’industrie et
l’optimisme d’un groupe de saints du Missouri:
«Ils étaient arrivés vers la fin de l’été et avaient coupé du foin pour leur bétail,
semé et préparé du terrain pour la culture et s’étaient occupés pendant l’automne
et l’hiver à construire des cabanes de rondins, etc. L’hiver fut froid, et pendant un
certain temps une dizaine de familles habitèrent dans une unique cabane de
109
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
rondins, qui était ouverte et inachevée, tandis que le sol gelé servait de plancher.
Notre nourriture était constituée de boeuf et d’un peu de pain de maïs qui avait
été râpé en une farine grossière en frottant les épis sur une râpe de fer blanc.
C’était une manière inconfortable de vivre pour quelqu’un de malade; mais c’était
pour l’Evangile, et tous étaient très joyeux et heureux . . .
« . . . Il y avait un esprit de paix et d’union, d’amour et de bonne volonté qui se
manifestait dans cette petite Eglise du désert, dont le souvenir sera toujours cher
à mon coeur.» A l’évidence, ce n’était pas ce que Sion était, mais ce qu’elle pouvait
devenir qui encourageait les saints et leur donnait du courage21.
Peu à peu des fonds commencèrent à arriver de l’Est. Dès janvier 1832, Edward
Partridge, l’évêque, avait reçu 2 694,70 dollars et dépensé 2 677,83 dollars22. Il
acheta d’autres terres et supervisa l’installation d’un magasin pour recevoir et
distribuer les consécrations des saints. Les dirigeants de l’Eglise du Missouri
lancèrent aussi une entreprise d’imprimerie, comme cela leur avait été commandé
(voir D&A 58:37). W.W. Phelps, qui fut appelé à être l’imprimeur et le rédacteur du
journal en Sion (voir D&A 57:11-12), se prépara à publier le premier périodique de
l’Eglise, l’Evening and Morning Star.
L’Evening and Morning Star était un
mensuel qui sortit pour la première fois à
Independence (Missouri) en juin 1832.
Quatorze numéros furent imprimés par
William W. Phelps. La presse d’imprimerie fut
détruite le 20 juillet 1833, ce qui mit fin à la
publication.
Au cours du printemps et de l’été 1832, trois à quatre cents autres saints
arrivèrent au Missouri, où ils reçurent de l’évêque leur héritage et commencèrent
à mettre en valeur la terre. Un observateur rapporte l’intensité de leurs efforts et
de leur industrie: «C’était vraiment un étrange spectacle que de voir quatre ou
cinq attelages de boeufs retourner la terre riche. Le clôturage et les autres travaux
se succédèrent rapidement. On construisit des maisons en bois et on les prépara
110
RASSEMBLEMENT AU PAYS DE SION
pour l’arrivée des familles aussi vite que le temps, l’argent et le travail le
permettaient; et nos maisons dans ce nouveau pays présentaient un aspect
prospère, presque égal au paradis lui-même, et notre paix et notre bonheur, nous
nous en flattions, ne devaient rien à ceux de nos premiers parents du jardin
d’Eden, car nous n’épargnions aucun travail ni aucun effort dans la culture des
fleurs et d’arbustes de premier choix23.»
Mais si les terres étaient abondantes, les artisans et les constructeurs qualifiés
étaient rares. La majorité de ceux qui résidaient en Sion étaient fermiers et
ouvriers. Ce qu’il fallait, c’étaient des charrons, des forgerons, des maçons et des
charpentiers. Une révélation soulignant la nécessité de faire venir dans ce pays
«des ouvriers de toute sorte . . . pour travailler pour les saints de Dieu» ne produisit
pas une prompte réaction (D&A 58:54). Levi Hancock, charpentier et habitant de
Sion, avait plus de travail qu’il n’en pouvait accomplir. Son premier projet fut de
construire une maison combinée à une imprimerie pour W.W. Phelps24.
Le 29 mai 1832, une conférence fut organisée dans l’imprimerie récemment
terminée afin de consacrer les locaux. Des discours furent faits par Oliver
Cowdery et W.W. Phelps, ensuite Edward Partridge, évêque, fit la prière de
consécration25.
En juin 1832, frère Phelps commença à publier l’Evening and Morning Star. Au
cours de l’année qui suivit, le Star publia de nombreuses révélations données à
Joseph Smith qui furent incluses plus tard dans les Doctrine et Alliances. Etant
donné que c’était le seul journal du pays et qu’il imprimait des nouvelles
nationales et internationales, il était lu par des non-mormons aussi bien que par
des membres de l’Eglise. Mais c’est aux saints que le journal rendit les plus grands
services. Chaque numéro consacrait beaucoup d’attention à exhorter les membres
à être fidèles à s’acquitter de leurs devoirs religieux et familiaux. Dans le premier
numéro, W. W. Phelps recommanda aux saints: «Les disciples doivent, sans tarder,
créer des écoles pour leurs enfants, afin que ceux-ci soient instruits d’une manière
qui soit agréable au Seigneur et élevés dans la voie de la sainteté. Ceux qui sont
chargés de choisir et de mettre au point les livres à l’usage des écoles s’attelleront
à la tâche dès que les choses les plus urgentes auront été réglées. Mais les parents
et les parents adoptifs dans l’Eglise du Christ ne doivent pas attendre: il est capital
que l’on enseigne aux enfants à être bons, afin de leur faire du bien26.» A l’automne
1832, une école, appelée école de Colesville, ouvrit près d’une grande source d’eau
dans l’arrondissement de Kaw; Parley P. Pratt en fut le premier instituteur. Plus
tard au cours de cette même année, une deuxième école fut ouverte à
Independence dans une école de rondins construite dans ce but tout près du
terrain du temple27.
Le Star mettait particulièrement l’accent sur le respect correct du jour du
Seigneur. Une des premières révélations que Joseph reçut en Sion recommandait
aux saints: «Tu iras en mon saint jour à la maison de prière et tu y offriras tes
sacrements . . . pour que tu présentes tes dévotions au Très-Haut» (D&A 59:9-10).
Les autres habitants du comté de Jackson n’avaient pas pour habitude de mettre
le dimanche à part des autres jours et de le reconnaître comme jour saint. Pour
111
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
renforcer le message de cette révélation, le Star donnait un conseil aux saints:
«Observez le jour du sabbat pour le sanctifier. Le Seigneur n’est pas satisfait du
disciple qui fait ce jour-là ce qui devrait être fait un jour de semaine. Un disciple
ne doit pas non plus aller à la réunion un sabbat ici, un autre jour là-bas. Que tous
ceux qui le peuvent, soient stricts à assister aux réunions de leur propre lieu . . . On
ne doit pas non plus permettre aux enfants de se glisser à l’extérieur et de jouer
plutôt que se retrouver là où ils peuvent être instruits selon la voie qu’ils doivent
suivre pour être sauvés. Nous sommes les enfants de Dieu, ne négligeons pas sa
loi. Lorsqu’un saint travaille le jour du sabbat, le monde peut répondre: nous
aussi. Quand les saints voyagent pour affaires le jour du sabbat, le monde peut
répondre: nous aussi. Quand les saints vont d’une réunion à l’autre pour voir et
être vus, le monde peut répondre: nous aussi. Quand les enfants des saints jouent
le jour du sabbat, le monde peut répondre: les nôtres aussi. Mes frères, soyez
attentifs afin de pouvoir entrer dans le repos sacré du Seigneur28.»
Mais c’est au rassemblement que le Star accordait le plus d’attention et beaucoup
d’articles furent imprimés sur ce thème. En juillet, frère Phelps rappela aux saints
immigrants qu’ils devaient apporter une recommandation de l’évêque d’Ohio ou
de trois anciens. Il leur était également conseillé de ne pas se rendre en Sion tant
que des évêques ne leur avaient pas dit que les préparatifs étaient faits pour eux.
Le fait de ne pas respecter cet avertissement, signalait-il, «produirait la peste» et
causerait de la confusion. «En outre, la précipitation et la vente forcée des biens ont
causé des sacrifices déraisonnables, et bien que nous soyons dans un jour de
sacrifice et de dîme, il n’est pas agréable aux yeux du Seigneur que l’on fasse des
sacrifices généreux et déraisonnables29.» Plus tard, il fut conseillé aux saints qui se
rendaient en Sion de garder les commandements de Dieu «à tous points de vue»
et de donner un si bon exemple que les autres seraient «contraints de dire: ils
agissent comme des enfants de Dieu30».
En novembre 1832, il y avait 810 saints au Missouri, jusqu’alors Sion pouvait
absorber ses immigrants, et les saints étaient satisfaits des résultats. Les éditoriaux
du Star reflétaient leur optimisme, car les perspectives d’avenir de Sion semblaient
optimistes et prometteuses.
NOTES
1. Dans Latter Day Saints’ Messenger and
Advocate, septembre 1835, p. 178.
Literature, Salt Lake City, Deseret Book Co.,
1985, p. 54.
2. Voir History of the Church, 1:188; Emily M.
Austin, Mormonism; or, Life among the
Mormons, Madison, Wis., M. J. Cantwell,
1882, pp. 63-64.
8. «The Life of Levi Hancock», manuscrit
non publié, Université Brigham Young,
collections spéciales, Provo, pp. 54-64.
3. Voir Austin, Mormonism, p. 63.
4. Voir History of the Church, 1:188.
5. Dans Messenger and Advocate, septembre
1835, p. 179.
6. Scraps of Biography, Salt Lake City, Juvenile
Instructor Office, 1883, p. 70.
7. Parley P. Pratt, éd., Autobiography of Parley
P. Pratt, série des Classics in Mormon
112
9. Dans «History of David W. Patten»,
Millennial Star, 25 juin 1864, p. 407.
10. Dans lettre de Lyman Wight à Wilford
Woodruff, 24 août 1857, Lyman Wight
Papers, département d’histoire de l’Eglise,
Salt Lake City.
11. Scraps of Biography, p. 70.
12. History of the Church, 1:189.
RASSEMBLEMENT AU PAYS DE SION
13. Voir George Q. Cannon, dans Journal of
Discourses, 11:336-37; Brigham Young, dans
Journal of Discourses, 8:195.
14. Dans History of the Church, 1:196.
15. Dans F. Mark McKiernan et Roger D.
Launius, éd., An Early Latter Day History: the
Book of John Whitmer, Independence, Mo.,
Herald Publishing House, 1980, p. 79.
16. History of the Church, 1:199.
17. Dans History of the Church, 1:199; Journal
History of The Church of Jesus Christ of
Latter-day Saints, 4 août 1831, département
d’histoire, Salt Lake City.
18. Dans History of the Church, 1:203.
19. Voir History of the Church, 1:206.
20. Scraps of Biography, p. 72.
21. Pratt, Autobiography of Parley P. Pratt,
p. 56.
22. Voir Journal History of the Church, 27
janvier 1832.
23. Austin, Mormonism, p. 67.
24. Voir Dennis A. Clegg, «Levi Ward
Hancock, Pioneer, Soldier, Political and
Religious Leader, of Early Utah», mémoire
de licence, Université Brigham Young, 1966,
p. 20; texte dactylographié du journal de
Levi Hancock, Université Brigham Young,
collections spéciales, bibliothèque Harold B.
Lee, Université Brigham Young, Provo, p. 67.
25. Voir Journal History of the Church, 29
mai 1832.
26. «Common Schools», The Evening and
Morning Star, juin 1832, p. 6.
27. Voir H. S. Salisbury, «History of
Education in The Church of Jesus Christ of
Latter Day Saints», Journal of History, juillet
1922, Independence, Mo., Harold Publishing
House, 1922, p. 259.
28. «To the Saints in the Land of Zion, and
Abroad», The Evening and the Morning Star,
octobre 1832, p. 5.
29. «The Elders in the Land of Zion to The
Church of Christ Scattered abroad», The
Evening and the Morning Star, juillet 1832,
p. 5.
30. «The Way of Journeying for the Saints of
The Church of Christ», The Evening and the
Morning Star, décembre 1832, p. 5.
113
CHAPITRE DIX
EVOLUTION
1831-34
Ligne du temps
O H I O,
L
ES PREMIÈRES ANNÉES À KIRTLAND furent une des périodes les
Date
Evénement important
Août 1831
Retour de Joseph Smith de sa
première visite au Missouri
Oct.-Déc.
1831
Attaque d’Ezra Booth contre
l’Eglise dans la presse
plus importantes dans l’histoire de l’Eglise, même si, à l’époque, peu de
membres saisissaient l’importance de ce qu’ils vivaient. Wilford Woodruff
raconte qu’en avril 1834, Joseph Smith dit à un groupe de détenteurs de la prêtrise:
«Vous n’en savez pas plus concernant la destinée de l’Eglise et du royaume qu’un
1er nov. 1831 Vote par une conférence
d’anciens de publier le Livre
des Commandements
4 déc. 1831
D E L’E G L I S E E N
bébé sur les genoux de sa mère. Vous ne le comprenez pas . . . Ce n’est qu’une
petite poignée de détenteurs de la prêtrise que vous voyez ici ce soir, mais l’Eglise
Newel K. Whitney appelé
comme évêque en Ohio
25 janv. 1832 Joseph Smith soutenu comme
président de la Haute Prêtrise
16 févr. 1832 Réception de la vision
des trois degrés de gloire
(D&A 76)
remplira l’Amérique du Nord et du Sud, elle remplira le monde1.» En dépit de cela,
la vision limitée qu’ils possédaient enflammait l’âme des saints, et l’Eglise
naissante grandissait, se développait et mûrissait.
24 mars 1832 Joseph Smith et Sidney
Rigdon enduits de goudron et
de plumes
Avril 1832
Deuxième voyage du prophète
au Missouri
25-27 déc.
1832
«Prophétie sur la guerre»
(D&A 87) et «Feuille d’olivier»
(D&A 88)
Janv. 1833
Ouverture de l’Ecole des
prophètes à Kirtland
Non seulement Joseph se préoccupait d’établir l’Eglise, mais comme d’autres
saints, sa femme, Emma, et lui se donnaient beaucoup de mal pour organiser leur
ménage. En fait, ils n’allaient pas avoir de résidence permanente pendant leurs
deux premières années en Ohio. En septembre 1831, juste quinze jours après son
retour de voyage du Missouri, Joseph installa sa famille à Hiram (Ohio) à une
cinquantaine de kilomètres au sud-est de Kirtland. Le prophète et sa famille
logèrent pendant six mois chez les John Johnson à Hiram. Pendant ce temps, il
avançait rapidement dans la traduction de la Bible avec l’aide capable de
27 févr. 1833 Révélation de la parole de
sagesse (D&A 89)
Sidney Rigdon.
18 déc. 1833 Ordination de Joseph Smith,
père, comme premier
patriarche
OPPOSITION
17 févr. 1834 Nomination du grand conseil
de Kirtland
E T A P O S TA S I E
Dès le départ le public eut une perception négative de l’Eglise qui fut renforcée
par les apostats et entretenue par la diffusion d’histoires et d’articles négatifs dans
la presse. Les gens donnaient de nombreuses raisons à leur apostasie. Par exemple,
Norman Brown quitta l’Eglise parce que son cheval était mort sur la route de Sion.
Joseph Wakefield se retira après avoir vu Joseph Smith jouer avec des enfants en
descendant de la pièce où il traduisait. Simonds Ryder nia l’inspiration de Joseph
Fairport
Painesville
Mentor
Lake Erie
Kirtland
Smith lorsqu’il vit qu’il y avait une faute d’orthographe à son nom dans le texte où
il était envoyé prêcher. D’autres quittèrent l’Eglise parce qu’ils éprouvaient des
difficultés économiques.
Ezra Booth, ancien pasteur méthodiste, fut, au cours de cette période, un apostat
Cleveland
Amherst
Hiram
Ohio
influent. Il devint membre de l’Eglise en mai 1831 quand il vit le prophète guérir
Shalersville
le bras paralysé d’Elsa Johnson. Avec d’autres missionnaires, Booth fut appelé et
Ravenna
envoyé au Missouri pendant l’été 1831 (voir D&A 52:3, 23). Contrarié de devoir
marcher et prêcher pendant tout le voyage, il commença à critiquer les dirigeants
Nord-est de l’Ohio
114
de l’Eglise. Il fut déçu d’arriver au Missouri sans connaître de manifestations de
EVOLUTION DE L’EGLISE EN OHIO, 1831-34
l’Esprit, comme les miracles et le don des langues, dont il espérait qu’ils
augmenteraient sa ferveur religieuse. Il retourna à Hiram (Ohio) plein de
soupçons et d’esprit critique. Le prophète fit la remarque que Booth était devenu
déçu «lorsqu’il avait appris concrètement que la foi, l’humilité, la patience et les
tribulations précèdent les bénédictions et que . . . il devait devenir tout pour tout
le monde, afin d’en avoir peut-être un peu2». Booth arriva à Hiram le 1er
septembre et fut excommunié cinq jours plus tard. Peu de temps après, Simonds
Ryder et lui abjuraient publiquement leur foi lors d’un camp meeting méthodiste à
Maison de John Johnson située à Hiram
(Ohio). Joseph Smith y reçut beaucoup de
révélations. Une des grandes révélations
doctrinales données au cours de notre
dispensation, appelée la Vision (D&A 76) fut
reçue dans cette maison.
Shalersville, à quelques kilomètres au sud-ouest de Hiram.
Dans l’espoir de freiner les progrès des saints des derniers jours en Ohio, les
opposants du comté de Portage cherchèrent à profiter de l’influence de Booth et
l’encouragèrent à publier ses critiques. Booth croyait que sa conversion en avait
incité d’autres à accepter l’Evangile, et il voulait inverser ce processus aussi bien
qu’en dissuader d’autres de devenir membres de l’Eglise. Il publia, du 13 octobre
au 8 décembre 1831, neuf lettres dans l’Ohio Star à Ravenna, énumérant dans le
détail ses objections à l’égard de l’Eglise.
Ces lettres constituèrent un problème pour l’Eglise. Elles connurent une
diffusion considérable et devinrent plus tard une section importante du premier
livre antimormon, Mormonism Unvailed, de Eber D. Howe, publié en 1834. Vers la
fin de 1831, un certain nombre de missionnaires furent appelés pour contrecarrer
l’influence de Booth, et, en décembre, le Seigneur appela Joseph Smith et Sidney
Rigdon à se joindre à cet effort. Ils devaient rencontrer leurs ennemis «en public
et en privé», et le Seigneur leur promit: «Il n’est pas d’arme forgée contre
vous qui prospérera» (D&A 71:7, 9). Les deux hommes travaillèrent environ
cinq semaines, et Joseph signala que leurs efforts contribuèrent beaucoup à
«apaiser l’excitation qui découlait des lettres scandaleuses que l’on publiait à ce
moment-là3».
Joseph Smith enduit de goudron et de
plumes, par C.C.A. Christensen, pionnier et
peintre
115
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Néanmoins l’influence négative de Booth et de Ryder continua. La violence se
déchaîna à Hiram la nuit du 24 mars 1832, lorsqu’une troupe de vingt-cinq à trente
hommes, sous l’influence du whisky, attaqua les maisons de Joseph Smith et de
Sidney Rigdon. Après avoir veillé tard pour prendre soin de son bébé adoptif, qui
souffrait de la rougeole, Joseph était finalement tombé endormi sur un lit bas à
roulettes. Il se réveilla au moment où on le traînait à l’extérieur au milieu des
hurlements d’Emma. Il se débattit mais fut maîtrisé. Les émeutiers se moquèrent
de lui, l’étouffèrent, le déshabillèrent et essayèrent de lui faire avaler une fiole
d’acide qui lui cassa une dent, à la suite de quoi il allait parler avec un léger
sifflement. Un homme le griffa «avec ses ongles comme un chat furieux et
marmonna: ‹Tiens, n . . . de D . . . c’est comme cela que le Saint-Esprit te tombe
dessus!›» Ils enduisirent son corps de goudron, le couvrirent de plumes et
l’abandonnèrent à sa souffrance. Lorsqu’il réussit à rentrer chez lui, Emma
s’évanouit à la vue du goudron, qu’elle prit pour du sang. Des amis passèrent la
nuit à le débarrasser du goudron, et le lendemain, dimanche, Joseph fit un sermon
et baptisa trois personnes4.
Pendant la nuit de l’agression, la porte de la maison Johnson était restée ouverte;
le bébé, Joseph Murdock Smith, prit froid et mourut cinq jours plus tard. Pendant
cette même nuit, frère Rigdon fut traîné hors de chez lui par les talons et il eut la
tête gravement lacérée par le sol inégal et gelé. Il délira pendant plusieurs jours5.
VISITE
AU
MISSOURI
EN
1832
Peu après l’agression, le Seigneur commanda au prophète de retourner au
Missouri (voir D&A 78:9). Certains saints du comté de Jackson étaient jaloux parce
que Joseph Smith vivait en Ohio plutôt que sur la frontière. Le Seigneur expliqua
que Joseph devait se rendre au Missouri et tenir conseil avec les saints parce que
Satan essayait de profiter de la situation pour «détourner leur coeur» (D&A 78:10).
Une autre raison du voyage au Missouri était de coordonner le fonctionnement
des magasins de l’Eglise à Kirtland et à Independence. En mars 1832, une
révélation décréta qu’il devait y avoir des magasins dans les deux régions (voir
D&A 78). Les bénéfices du magasin d’Independence devaient aider les saints au
cours de leur émigration. Un des points à l’ordre du jour au Missouri était d’unir
les deux firmes et de regrouper les activités économiques de l’Eglise.
Le séjour au Missouri fut bref mais productif. Le 26 avril, un «conseil général»
soutint Joseph comme président de la Haute Prêtrise, comme il y avait été ordonné
lors d’une conférence similaire, le 25 janvier 1832, à Amherst (Ohio). Au cours de
la session de l’après-midi, Joseph reçut une révélation (D&A 82) lui commandant
de combiner les ordres économiques de Kirtland et d’Independence en une Firme
unie afin d’être «indépendant de tout obstacle en dessous du royaume céleste, par
des liens et des alliances d’amitié mutuels et d’amour mutuel6». Les dirigeants
convinrent que la firme réglerait les affaires de l’Eglise et autorisèrent Newel K.
Whitney, évêque en Ohio, à négocier un emprunt de quinze mille dollars pour
acheter des marchandises pour la compagnie. Joseph dit que quand ils arrivèrent,
son groupe et lui, dans l’arrondissement de Kaw, les saints les reçurent avec «un
116
EVOLUTION DE L’EGLISE EN OHIO, 1831-34
accueil que ne connaissent que les frères et les soeurs qui sont unis comme
une seule personne dans la même foi . . . Il est bon de se réjouir avec le peuple
de Dieu7».
Joseph Smith, Newel K. Whitney et Sidney Rigdon prirent le chemin du retour
par diligence au début de mai. Près de Greenville (Indiana), les chevaux prirent
peur et s’emballèrent. L’évêque Whitney sauta de la diligence, mais son manteau
s’emmêla et son pied se prit dans une des roues, ce qui lui brisa la jambe en
plusieurs endroits. Joseph et Sidney sautèrent indemnes de la diligence. Le
prophète resta un mois à Greenville avec l’évêque Whitney pendant que Sidney
Montre que Joseph
Smith donna à Newel K.
Whitney et coupe-papier
qu’il remit à Newel K. et
Elizabeth Whitney
poursuivait son chemin jusqu’à Kirtland, porteur de la nouvelle. Pendant ce
temps, Joseph avait souvent le plaisir de marcher en solitaire dans les bois. Il écrivit
à Emma qu’il se rendait tous les jours dans un petit bois à l’extérieur du village
pour prier et méditer: «Je me suis rappelé tous les moments passés de ma vie et
j’en suis arrivé à m’attrister et à verser des larmes de chagrin pour la sottise que
j’ai commise de laisser l’adversaire de mon âme avoir sur moi le pouvoir qu’il a eu
dans le passé, mais Dieu est miséricordieux et m’a pardonné mes péchés8.»
Un jour, après le dîner, le prophète tomba malade et vomit si violemment que sa
mâchoire se disloqua. L’évêque Whitney lui fit l’imposition des mains et il fut
immédiatement guéri en dépit du fait que les effets du poison lui firent perdre un
peu de ses cheveux. Le prophète décida que le mieux était de poursuivre leur
chemin, assurant frère Whitney que cela se passerait sans problème. Il explique:
«Je lui dis que s’il était d’accord de reprendre le chemin du retour le lendemain
matin, nous irions en chariot jusqu’au fleuve, situé à environ six kilomètres de là,
et que là il y aurait un bac qui nous attendrait et qui nous ferait traverser
rapidement, et ensuite nous trouverions une voiture de louage qui nous
emmènerait directement à l’embarcadère, où nous trouverions un bateau en train
de nous attendre, et nous serions occupés à remonter le fleuve avant dix heures9.»
Ils voyagèrent exactement comme Joseph l’avait prédit et arrivèrent début juin à
Kirtland.
Pendant les mois qui suivirent, le prophète consacra presque tout son temps à la
traduction inspirée de la Bible, sauf pour un voyage exprès en automne avec
l’évêque Whitney à Albany, à New York City et à Boston où ils réglèrent des
affaires tout en avertissant les habitants qu’ils devaient se repentir et accepter
l’Evangile (voir D&A 84:114-15). Ils furent de retour à Kirtland le 6 novembre 1832,
quelques heures après qu’Emma eut donné le jour à leur quatrième et premier
enfant à survivre, Joseph Smith III10.
Peu de temps après, Brigham Young et Heber C. Kimball arrivèrent du nord de
l’Etat de New York à Kirtland; ils étaient récemment devenus membres de l’Eglise
et étaient vivement désireux de rencontrer le prophète. Ce soir-là, lors d’une
réunion, Brigham parla en langues pendant qu’il priait. Tandis qu’il répondait à
des questions concernant ce don, Joseph Smith prophétisa que Brigham Young
présiderait un jour l’Eglise11.
Au cours du printemps et de l’été 1833, le prophète consacra une grande partie
de son temps à traduire la Bible, à enseigner à l’école des prophètes et à
entreprendre la construction du temple de Kirtland.
117
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Lake Ontario
MISSION
DE
JOSEPH SMITH
AU
CANADA
A l’automne de 1833, Joseph Smith et Sidney Rigdon se rendirent dans le Haut
Canada
Mount Pleasant
Waterford
Buffalo
Colborne
Lodi
Perrysburg
Westfield
Lake Erie
Springfield
Canada, cédant aux instances de Freeman Nickerson, converti récent, qui
convainquit les frères que ses fils, qui habitaient là-bas, seraient réceptifs à
l’Evangile. Le voyage fut historique. Bien que ce ne fût pas la première fois que des
missionnaires se fussent rendus au Canada (de brèves incursions avaient été faites
New York
en 1830, 1832 et 1833), la visite de Joseph y donna une impulsion considérable à
Pennsylvania
l’oeuvre. Le prophète se prit d’un tel amour pour les Canadiens qu’il leur rendit
Ashtabula
Kirtland
Ohio
de nouveau visite en 1837 et veilla, pendant toute sa vie, à ce que l’oeuvre se
poursuivît là-bas.
A Mount Pleasant, Joseph Smith et Sidney Rigdon baptisèrent douze personnes,
Historique de l’Eglise dans le Haut Canada
dont les fils de frère Nickerson et leurs familles, qui devinrent le noyau de la
branche.
Lydia Bailey fut une des personnes de la maison d’Eleazer Freeman Nickerson,
de Mount Pleasant, qui répondit de tout son coeur à l’Evangile. Elle avait été
élevée au Massachusetts et à New York, et à l’âge de seize ans, avait épousé Calvin
Bailey. Comme il buvait, elle était malheureuse avec lui. Après trois ans de
mariage, il l’abandonna, elle, sa fille et l’enfant qu’elle attendait. Son fils mourut à
sa naissance, et moins d’un an plus tard, sa fille mourut aussi. A l’âge de vingt ans
Lydia se rendit au Canada avec les Nickerson pour retrouver sa santé
émotionnelle. Elle y rencontra Joseph Smith, et celui-ci lui dit: «Vous serez un jour
un sauveur pour la maison de votre père.» Lydia s’installa plus tard à Kirtland, où
elle rencontra et épousa Newel Knight, qui était veuf. Des années plus tard, en
Utah, Lydia fit, au temple de St-George, les ordonnances pour sept cents membres
décédés de sa famille, accomplissant ainsi la prophétie de Joseph12.
Le journal tenu par Joseph concernant sa mission nous donne un aperçu de sa
personnalité. Comme les autres missionnaires, il se faisait du souci pour sa famille
et rencontra tantôt des déceptions, tantôt des succès. Joseph rédigeait souvent de
courtes prières dans son journal. Par exemple, il écrivit au moment où il commença
son voyage, le 14 octobre 1833: «Seigneur, sois avec nous pendant notre voyage.»
Dans ses notes du 22 octobre, il écrit: «Nous espérons qu’il se fera un grand bien
au Canada, ce que je te demande, ô Seigneur, de nous accorder pour l’amour de
ton nom.» Le 23 octobre, parlant des gens superstitieux auxquels ils prêchaient, il
pria: «O Dieu, établis ta parole parmi ce peuple13.»
La mission du Haut Canada fut une des quatorze missions entreprises par
Joseph Smith pendant l’époque de Kirtland. Il quitta l’Ohio au moins une fois
chaque année entre 1831 et 1838, pour servir comme missionnaire à plein temps
tout en remplissant ses fonctions de président de l’Eglise.
TRADUCTION
DE LA
BIBLE
PA R
JOSEPH SMITH
La traduction inspirée de la Bible par Joseph Smith fut un des événements-clefs
de son oeuvre en tant que prophète et elle eut une influence profonde sur l’Eglise.
La connaissance qu’avait Joseph des principes de l’Evangile et de l’oeuvre de Dieu
118
EVOLUTION DE L’EGLISE EN OHIO, 1831-34
Publié avec la permission de l'Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours réorganisée
Page de garde de la version de la Bible
du roi Jacques de Joseph Smith. Elle
contient l’information suivante de la main
de Joseph Smlth:
«Livre des Juifs, propriété de Joseph
Smith, fils, et d’Oliver Cowdery.
«Acheté le 8 novembre 1829 au magasin
d’Egbert B. Grandin (Palmyra, comté de
Wayne, New York)
«Prix 3,75 dollars
«Sainteté à l’Eternel»
auprès de ses anciens prophètes et de son peuple d’autrefois s’accrut
immensément grâce à cette entreprise. Il considérait que c’était une «branche»
importante de son appel et y travailla diligemment. Lorsque Sidney Rigdon et lui
étaient chez eux en Ohio, c’était là leur préoccupation majeure. La fréquence avec
laquelle il est fait allusion à la «traduction» dans les révélations et les documents
historiques de la période met en évidence l’importance de l’entreprise. Le
prophète commença cette oeuvre en 1830 dans l’Etat de New York. Quand il arriva
en février 1831 en Ohio, il poursuivit son travail sur l’Ancien Testament avec l’aide
de son secrétaire, frère Rigdon. Mais au début de mars, il reçut le commandement
de travailler à la traduction du Nouveau Testament (voir D&A 45:60-61). Pendant
les deux années qui suivirent, Joseph et Sidney poursuivirent leur travail sur le
Nouveau et l’Ancien Testament. Ils déclarèrent avec optimisme leur travail
terminé le 2 juillet 183314.
119
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Outre tout ce que la traduction de Joseph Smith (TJS) elle-même a donné en
héritage à l’Eglise, de nombreuses révélations, qui se trouvent maintenant dans les
Doctrine et Alliances, furent données au prophète tandis qu’il travaillait à la
traduction inspirée. L’étude de la Bible l’incita à interroger le Seigneur concernant
les questions importantes de doctrine et d’organisation. Les sections 76, 77 et 91
des Doctrine et Alliances ont un lien direct avec l’effort de traduction «et
probablement une grande partie des informations contenues dans les sections 74,
84, 86, 88, 93, 102, 104, 107, 113 et 132». Il est probable que beaucoup d’autres y
soient indirectement liées15.
ORIGINE
DES
DOCTRINE
ET
ALLIANCES
Les révélations que Joseph Smith reçut contenaient des instructions du
Seigneur, venant à point nommé, concernant la doctrine et le gouvernement de
l’Eglise. Trois mois après l’organisation de l’Eglise, le prophète et John Whitmer
arrangèrent et copièrent les révélations reçues jusqu’à ce moment-là. De temps en
temps Joseph en donnait des exemplaires à des amis, à des missionnaires et à
d’autres membres de l’Eglise, mais la plupart des gens n’avaient pas accès aux
révélations. La création d’une imprimerie en juillet 1831 fournit néanmoins
l’occasion de les publier. Ce fut le principal sujet traité lors d’une série de
conférences à Hiram (Ohio) au début de novembre 1831. Entre-temps, plus de
soixante révélations avaient été enregistrées. Le 1er novembre, il fut convenu de
faire imprimer, par William W. Phelps, dix mille exemplaires des révélations sous
forme de livre. (Le nombre d’exemplaires à imprimer fut plus tard réduit à trois
mille.) Le titre du livre, Livre des Commandements, était tiré d’une révélation
donnée lors de la même conférence. Le Seigneur qualifia la révélation de «préface
au livre de mes commandements» (D&A 1:6).
Livre des Commandements
Plus tard ce jour-là, quelques frères firent des réflexions négatives concernant la
langue et le style des révélations. C’est pourquoi, le Seigneur, dans une révélation,
lança aux critiques le défi de choisir le «moindre» des commandements et d’inviter
le plus sage d’entre eux à essayer d’en écrire un meilleur (voir D&A 67:4-9).
William E. McLellin, instituteur et converti récent, releva, dans sa présomption, le
défi. Le prophète dit: «McLellin, le plus sage, selon son estimation, ayant plus
d’érudition que ce bon sens, s’efforça d’écrire un commandement semblable à l’un
des moindres de ceux du Seigneur, mais échoua; c’était une terrible responsabilité
que d’écrire au nom du Seigneur.» Cette expérience renouvela la foi des frères
dans les révélations, et ils acceptèrent de «rendre témoignage de leur véracité au
monde entier16». Plus tard, le prophète écrivit que les révélations étaient «la
fondation de l’Eglise en ces derniers jours17».
D’autres sessions de conférence complétèrent les détails préalables à la
publication du livre. Le 3 novembre 1831, un «appendice» (plus tard D&A 133) fut
ajouté aux révélations. Une autre session, le 8 novembre, commanda à Joseph
Smith de corriger, sous la direction du Saint-Esprit, les erreurs qu’il découvrirait
dans les exemplaires écrits des révélations. Le 12 novembre, le Seigneur appela
John Whitmer, historien et greffier de l’Eglise, à accompagner Oliver Cowdery, à
120
EVOLUTION DE L’EGLISE EN OHIO, 1831-34
qui il avait été commandé de porter le manuscrit au Missouri pour impression
(voir D&A 69). Une autre révélation donnée ce jour-là appelait six frères à être
«intendants des révélations et des commandements» (D&A 70:3). Ce groupe prit le
nom de «firme littéraire18».
Le 20 novembre 1831, Joseph et John se mirent en route pour le Missouri. Ils
arrivèrent, le 5 janvier 1832, à Independence, après un long voyage dans le froid.
En juin, frère Phelps commença à publier des extraits des révélations dans
l’Evening and Morning Star et à entreprendre la composition du Livre des
Commandements.
EVOLUTION
D E L’ O R G A N I S AT I O N D E L’E G L I S E
La croissance rapide de la jeune Eglise nécessita une expansion substantielle de
son organisation. Conformément au principe voulant que la révélation soit
donnée «ligne sur ligne, précepte sur précepte» (D&A 98:12), le Seigneur dirigea
l’installation du gouvernement de l’Eglise en fonction des besoins.
Immédiatement après l’organisation de l’Eglise, en 1830, des hommes furent
appelés à servir dans le ministère et furent ordonnés à un des quatre offices dans
la prêtrise: diacre, instructeur, prêtre ou ancien. D’autres offices furent ajoutés,
l’année suivante, à la prêtrise.
Le premier nouvel office qui fut ajouté fut celui d’évêque. Edward Partridge fut
nommé à cet appel en février 1831 (voir D&A 41:9). Mais ses devoirs ne furent pas
révélés immédiatement. Les toutes premières révélations relatives à l’office
d’évêque lui donnaient la responsabilité de mettre en oeuvre la loi de
consécration. Il devait, plus précisément, recevoir les consécrations, affecter les
intendances et gérer un magasin pour le soulagement des pauvres. Il devait aussi
Edward Partridge (1793-1840). Comparé
par le Seigneur à Nathanaël de jadis (voir
D&A 41:11).
être responsable de l’achat de terres et de la construction de maisons de culte (voir
D&A 42:30-35, 51:1-3). Lorsque ces devoirs s’amplifièrent, des agents furent
appelés pour aider l’évêque à recevoir les fonds, acheter les terrains et traiter les
questions matérielles (voir D&A 51:8; 53:4; 58:49; 84:113).
D’autres révélations confiaient aussi des responsabilités judiciaires à l’évêque.
Ce furent d’abord des tribunaux d’anciens qui s’occupèrent de la discipline dans
l’Eglise, l’évêque étant présent si c’était possible (voir D&A 42:82). Dès août 1831,
la responsabilité de l’évêque, juge ordinaire en Israël, était davantage précisée.
L’évêque devait «juger son peuple par le témoignage des justes avec l’aide de ses
conseillers, selon les lois du royaume qui sont données par les prophètes de Dieu»
(D&A 58:18). Malgré tout, les tribunaux d’anciens, et, plus tard, le grand conseil,
assumèrent essentiellement la tâche judiciaire à Kirtland. Jusqu’alors l’évêque
n’avait pas les devoirs pastoraux qui devinrent plus tard une partie importante de
ses responsabilités.
Après qu’Edward Partridge fût allé s’installer au Missouri, un deuxième évêque,
Newel K. Whitney, fut appelé en décembre 1831. Il devait déterminer la dignité
des membres habitant en Ohio et fournir des certificats pour l’évêque de Sion
attestant qu’ils étaient membres honorablement connus avant de s’installer
au Missouri.
121
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Certificat d’évêque d’Edward Partridge
Le rôle du président de l’Eglise et, plus tard, de la Première Présidence furent
définis dans les premières années de Kirtland. A la réunion au cours de laquelle
l’Eglise fut organisée, Joseph Smith fut appelé par révélation «voyant, traducteur,
prophète, apôtre de Jésus-Christ, ancien de l’Eglise» (D&A 21:1), et le Seigneur
spécifia qu’il était le seul qui était autorisé à recevoir des révélations pour l’Eglise
entière (voir D&A 28:1-6). A la conférence des 3-6 juin 1831, plusieurs frères furent
ordonnés pour la première fois à l’office de grand prêtre. Plus tard, le 25 janvier
1832, lors d’une conférence tenue à Amherst (Ohio), Joseph Smith fut ordonné
«président de la Haute Prêtrise19».
Pendant près de deux ans, Joseph présida l’Eglise sans conseillers. Au début de
mars 1832, il fut autorisé pour la première fois à désigner des conseillers. Le 8 mars,
Joseph choisit Jesse Gause et Sidney Rigdon parmi les grands prêtres récemment
122
EVOLUTION DE L’EGLISE EN OHIO, 1831-34
ordonnés. Le 15 mars une révélation annonça que cette présidence détenait les
«clefs du royaume» (D&A 81:2). Jesse Gause apostasia en 1832, de sorte que la
Première Présidence fut réorganisée le 18 mars 1833, et Frederick G. Williams fut
appelé comme nouveau conseiller.
L’appel du patriarche de l’Eglise élimina une des responsabilités de Joseph
Smith. Souvent des personnes voulaient qu’il demande personnellement au
Seigneur une révélation pour elles, mais avec la croissance de l’Eglise, cela devint
impossible. Le 18 décembre 1833, tandis qu’il donnait des bénédictions à sa famille,
le prophète fut inspiré à appeler et à ordonner son père premier patriarche de
l’Eglise. A partir de ce moment-là et jusqu’à sa mort en 1840, Joseph Smith, père,
voyagea parmi les branches, tenant des réunions spéciales de bénédiction où il
donnait à beaucoup de saints fidèles leur bénédiction patriarcale. Outre qu’elles
apportaient des révélations aux personnes, les bénédictions patriarcales
déclaraient aussi leur lignage dans la maison d’Israël.
Le premier pieu de Sion fut organisé le 17 février 1834 à Kirtland. Au départ les
Joseph Smith, père (1771-1840)
trois membres de la Première Présidence furent désignés pour constituer la
présidence de ce pieu. Avec l’organisation du grand conseil de Kirtland, qui eut
lieu simultanément, un deuxième niveau du pouvoir judiciaire de l’Elise fut créé.
Selon le procès verbal, les buts du grand conseil étaient de régler «les difficultés
importantes qui pourraient se produire dans l’Eglise, qui ne pourraient pas être
réglées par l’Eglise ou le conseil de l’évêque» (D&A 102:2). Ce devait être un
tribunal siégeant en première instance pour les cas difficiles et une cour d’appel.
On pouvait également aller en appel des décisions du grand conseil auprès de la
Première Présidence. Le deuxième grand conseil fut organisé le 3 juillet 1834 au
comté de Clay (Missouri).
R É V É L AT I O N S
DOCTRINALES
Près du tiers des révélations des Doctrine et Alliances fut reçu entre août 1831 et
avril 1834. Les révélations ouvraient des horizons nouveaux dans la
compréhension de l’Evangile et fournissaient aux saints des directives précieuses
pour leur conduite quotidienne. Le 16 février 1832, par exemple, Joseph Smith et
Sidney Rigdon reçurent une révélation qui répondait directement à une question
qui s’était posée pendant qu’ils travaillaient à la Bible. Une vision du Père et du
Fils, de la chute de Satan, des fils de perdition et des royaumes de gloire accrut
immensément leur compréhension du plan de salut.
Au cours de l’automne 1832, lorsqu’un certain nombre de missionnaires furent
revenus de leurs travaux et tandis qu’ils tenaient une conférence, le Seigneur
donna une révélation importante sur la prêtrise (D&A 84). Elle commençait par la
déclaration que la nouvelle Jérusalem et le temple seraient bâtis au Missouri. Après
avoir fait un bref historique de la descendance de la prêtrise par les patriarches et
les prophètes d’autrefois, le Seigneur expliqua que la prêtrise supérieure, ou
Prêtrise de Melchisédek, avait l’autorité d’administrer les ordonnances de
l’Evangile (voir v. 19) et que la moindre prêtrise, ou Prêtrise d’Aaron, administrait
les ordonnances de «l’Evangile préparatoire» (voir v. 26). La révélation expliquait
123
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
ensuite que ceux qui recevaient la prêtrise la recevaient par «serment et alliance»
(v. 40), et que s’ils la respectaient fidèlement, cela leur vaudrait la vie éternelle. Des
informations furent également données concernant la lumière du Christ et les
signes qui suivent la prédication de l’Evangile. Des instructions aux missionnaires
et à d’autres ministres de l’Evangile complétaient la révélation.
Le Seigneur parla aussi de guerre et de paix. Le jour de Noël 1832, il donna une
révélation qui contenait la fameuse prophétie concernant la guerre de Sécession.
Celle-ci allait être le début de guerres qui allaient «se produire sous peu» et qui
finiraient par se déverser «sur toutes les nations» (D&A 87:1-2). Les saints reçurent
l’avertissement que lorsque la guerre engouffrerait le globe, ils ne seraient en
sécurité que s’ils se tenaient en des lieux saints et ne se laissaient pas émouvoir
(voir v. 8). Deux jours plus tard, Joseph Smith recevait une révélation. Il l’appela
«la feuille d’olivier que nous avons cueillie sur l’arbre du paradis, le message de
paix que le Seigneur nous adresse20». Cette révélation n’expliquait toutefois pas la
façon dont les hommes pouvaient résoudre leurs difficultés internes et
internationales. Elle détournait plutôt l’attention des saints de leurs
préoccupations du moment et la tournait vers des questions aussi éternelles que
les préparatifs de la venue du Seigneur et le respect de la loi conduisant à
l’exaltation dans le royaume céleste.
Cette révélation ordonnait aussi la création d’une «école des prophètes» pour
préparer les frères à mieux se servir les uns les autres (voir D&A 88:118-41). L’école
commença ses réunions à la fin de janvier 1833 dans une salle d’étage au-dessus
du magasin des Whitney. Ces réunions constituèrent le cadre de beaucoup
d’expériences spirituelles remarquables et de discussions en profondeur des
principes de l’Evangile.
L’alimentation était un sujet de préoccupation pendant les premières années de
l’Eglise. Par exemple, une colonie de shakers, voisine, suivait un code diététique
particulièrement rigoureux, interdisant de manger de la viande. En mars 1831, le
Seigneur dit à Joseph que cette doctrine shaker n’était pas voulue de Dieu parce
que «les bêtes des champs, les oiseaux de l’air et ce qui vient de la terre, sont
destinés à l’usage de l’homme pour sa nourriture et son vêtement» (D&A 49:19).
Une révélation donnée en août de la même année au Missouri ajoutait
l’avertissement que les hommes devaient utiliser tout «cela avec jugement, et pas
à l’excès» (D&A 59:20).
Au cours de l’hiver 1833, l’école des prophètes se réunit souvent pour traiter des
affaires de l’Eglise; comme c’était la coutume à l’époque, beaucoup de frères
mâchaient ou fumaient du tabac. Selon les souvenirs de Brigham Young, Joseph
Smith devint préoccupé de devoir donner son enseignement «dans un nuage de
fumée de tabac» et Emma se plaignait de devoir nettoyer la pièce après le départ
des frères. Cela amena le prophète à interroger le Seigneur concernant l’usage du
tabac. En réponse, il reçut la révélation maintenant appelée parole de sagesse (voir
D&A 89)21. La révélation interdisait l’usage du tabac, du vin, des boissons fortes et
des «boissons brûlantes», ce qui fut interprété comme étant le café et le thé; elle
mettait aussi l’accent sur la consommation de grains, de fruits et de légumes sains.
124
EVOLUTION DE L’EGLISE EN OHIO, 1831-34
Les saints reçurent la promesse que s’ils suivaient cette parole de sagesse, ils
auraient la santé et la force, trouveraient «de la sagesse et de grands trésors de
Cuisine
d’Emma Salle
de troc
connaissance» et que «l’ange destructeur [passerait] à côté d’eux» (D&A 89:19, 21).
Rez-de-chaussée
En 1833, le Seigneur façonna aussi la pensée politique des saints des derniers
jours, surtout en ce qui concerne la nature de la Constitution des Etats-Unis. Il y
avait deux principes fondamentaux. La Constitution était un document inspiré,
écrit «par des hommes sages . . . suscités dans ce but même» (D&A 101:80). Elle
avait aussi une application mondiale. Le Seigneur expliqua que la loi
constitutionnelle, qui garantit les droits et les libertés, appartient à toute
l’humanité et se justifie devant lui (voir D&A 98:5). Il réaffirma: «[Je l’ai] créée pour
défendre les droits et la protection de toute chair, selon des principes justes et
saints; afin que tout homme puisse agir en doctrine et en principe . . . selon le libre
Magasin
arbitre moral que je lui ai donné, afin que, le jour du jugement, chacun soit
responsable de ses propres péchés» (D&A 101:77-78). Joseph Smith exprima
parfaitement l’attitude des saints vis-à-vis de la Constitution quand il dit: «C’est
un étendard glorieux; elle est basée sur la sagesse de Dieu. C’est une bannière
Rez-de-chaussée
céleste . . . elle est comme un grand arbre sous les branches duquel les hommes de
tous les coins de la terre peuvent être protégés des rayons brûlants du soleil22.»
K I RT L A N D ,
Ecole des
prophètes
C E N T R E D E L’ O E U V R E M I S S I O N N A I R E
Siège de l’Eglise, Kirtland fut, au cours de cette période, le centre de l’oeuvre
missionnaire. Elle se trouvait près des principales voies de transport et contenait
Salle de traduction
la plus grosse concentration de membres de l’Eglise. Kirtland fut le point de
départ de missions pour le Canada, le Nord-Est, les Etats atlantiques centraux
Couloir
(New York, New Jersey et Pennsylvanie), le Midwest et le Sud. L’Etat d’Ohio luimême était saturé de missionnaires qui le traversaient en allant vers leur champ de
mission ou en en revenant. Souvent ceux qui ne pouvaient faire de mission plus
Chambre
du valet
Chambre
du prophète
longue ou ceux qui étaient au pays au cours des mois d’hiver rendaient visite aux
localités proches.
Les missionnaires faisaient habituellement du prosélytisme parmi leurs parents
ou dans la localité qu’ils avaient quittée pour émigrer en Ohio. Les missions
duraient de quelques jours à un an ou plus, bien que la plupart fussent assez
Premier étage
Plan du magasin de Newel K. Whitney
brèves. Cela se faisait d’une manière rythmique et les missionnaires partaient
quelques semaines ou quelques mois prêcher, revenant à Kirtland se reposer et
récupérer, puis repartant pour une autre mission23. Souvent, comme ce fut le cas
d’Orson Pratt, d’Orson Hyde, d’Erastus Snow, de Brigham Young et d’autres, cette
pratique se répéta de nombreuses fois pendant la première décennie de leur vie
dans l’Eglise.
Avant l’organisation, en 1835, du Collège des Douze et du premier collège des
soixante-dix, la direction de l’oeuvre missionnaire reposait sur les collèges locaux
de la prêtrise, le grand conseil ou la présidence de l’Eglise. Des efforts furent faits
pour améliorer la formation des missionnaires. L’Ecole des prophètes et l’Ecole des
anciens jouèrent un rôle clef dans cette formation. A l’Ecole des anciens, Joseph
Smith et Sidney Rigdon firent des discours sur la foi, et les missionnaires furent
125
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
encouragés à les apprendre par coeur de manière à pouvoir enseigner les
principes de l’Evangile de manière logique et systématique. Une révélation
commanda aux frères d’étudier la géographie, la géologie, l’histoire, la prophétie,
la culture, la guerre et les langues, tout cela: afin d’être préparés en tout, lorsque
le Seigneur les enverrait de nouveau magnifier l’appel auquel il les avait appelés
et la mission à laquelle il les avait nommés» (voir D&A 88:80).
Bien que le porte-à-porte fût une pratique courante, les missionnaires
connaissaient souvent leurs plus grands succès dans les petits groupes, dans les
foyers de ceux qui étaient réceptifs. Beaucoup de missionnaires préféraient les
réunions publiques. Ils utilisaient tous les espaces disponibles où ils pouvaient
prêcher, tels que grange, école, église, maison ou tribunal. Ils parlaient sur les
prophéties, le Livre de Mormon, les signes des temps, les dons spirituels,
l’Apostasie et le Rétablissement, mais on les exhortait à éviter les mystères de
l’Evangile dans leur enseignement. Ordinairement, l’ancien prêchait et ensuite
laissait la parole à quiconque désirait réagir à son message. Cette technique mettait
le clergé local sur la sellette, parce que s’il gardait le silence, ce serait interprété
comme un consentement ou une défaite. C’est pourquoi cela provoquait souvent
des discussions ou des débats sur l’Evangile. Le compagnon missionnaire
exhortait ensuite l’assemblée à accepter le baptême.
Les missionnaires rencontraient souvent le refus, l’hostilité ou l’indifférence.
Leur déception était particulièrement douloureuse lorsque l’incrédule était
membre de la famille du missionnaire. En 1832, Orson Hyde rendit visite à sa
parenté dans l’Etat de New York et au New Hampshire pour lui enseigner
l’Evangile. Son frère Asahel ne fut pas touché par le message de l’Evangile, et
Orson écrit qu’ils se séparèrent «le coeur plein de chagrin». Trois mois plus tard, il
essaya avec sa soeur et son mari, mais eux aussi rejetèrent son message. Il écrit:
«Nous prîmes nos affaires et les quittâmes, et des larmes coulèrent abondamment
chez tout le monde . . . mais c’était comme si l’on me perçait le coeur; tout ce que
je peux dire c’est: ‹Que la volonté du Seigneur soit faite!24›»
Le clergé était particulièrement véhément et parfois ingénieux dans son
opposition aux missionnaires. En 1835, un diacre baptiste passa par la fenêtre une
pétoire et des munitions à un ami qui écoutait un sermon missionnaire par George
A. Smith. Frère Smith dit: «L’homme tira sur moi, pendant tout le temps que je
prêchais, des pelotes d’étoupe. C’était un très bon tireur, et la plupart des pelotes
m’atteignirent à la figure. J’en attrapai plusieurs avec les mains. Beaucoup de gens
dans l’auditoire étaient amusés, mais certains faisaient très attention. Je finis mon
discours sans faire attention à l’insulte25.»
En dépit des harcèlements, ces premiers missionnaires, inspirés par la foi et le
témoignage, connurent un succès remarquable. Ils ne se laissaient pas rebuter par
des doses constantes d’opposition, de quolibets et de critiques, et l’oeuvre
prospéra et se mit à grandir de manière continue et rapide. Le Seigneur n’avait-il
pas déclaré que le champ était «déjà mûr pour la moisson»? (D&A 4:4).
Les lettres venant de branches éloignées, et qui étaient publiées dans les
périodiques de l’Eglise, l’Evening and Morning Star et le Latter-day Saints’ Messenger
126
EVOLUTION DE L’EGLISE EN OHIO, 1831-34
and Advocate, réclamaient souvent à grands cris davantage de missionnaires. Ces
publications communiquaient aussi les instructions, les décisions des autorités, les
informations sur ce qui se passait dans l’Eglise et des explications d’enseignements
de l’Evangile.
La plupart des conférences et des réunions, tant à Kirtland que dans les
branches éloignées, étaient consacrées à des questions missionnaires. La
responsabilité de porter l’Evangile rétabli à la terre entière reçut son premier élan
au siège de l’Eglise à Kirtland. Mais au moment même où l’Eglise prospérait en
Ohio, des problèmes graves apparaissaient en Sion entre les saints et leurs voisins
du comté de Jackson (Missouri).
NOTES
1. Dans Conference Report, avr. 1898, p. 57.
2. History of the Church, 1:216.
3. History of the Church, 1:241.
4. Dans History of the Church, 1:261-64.
15. Robert J. Matthews, «A Plainer
Translation», Joseph Smith’s Translation of the
Bible, A History and Commentary, Provo,
Brigham Young University Press, 1975, p.
256; voir aussi pp. 264-65.
5. Voir History of the Church, 1:265.
16. History of the Church, 1:226.
6. History of the Church, 1:269.
17. History of the Church, 1:235.
7. History of the Church, 1:269.
18. Voir History of the Church 2:482-83.
8. Lettre de Joseph Smith à Emma Smith, 6
juin 1832, cité dans Dean C. Jesse, éd., The
Personal Writings of Joseph Smith, Salt Lake
City, Deseret Book Co., 1984, p. 238.
20. Dans B. H. Roberts, The Missouri
Persecutions, Salt Lake City, Bookcraft,
1965, p. 61.
19. Dans History of the Church, 1:267.
9. History of the Church, 1:272.
21. Dans Journal of Discourses,12:158.
10. Voir History of the Church, 1:295.
22. History of the Church, 3:304.
11. Voir Brigham Young, «History of
Brigham Young», Millennial Star, 11 juillet
1863, p. 439.
23. Voir Davis Bitton, «Kirtland As a
Center of Missionary Activity, 1830-1838»,
Brigham Young University Studies, été 1971,
pp. 499-500.
12. Dans Lydia Knight’s History, Salt Lake
City, Juvenile Instructor Office, 1883,
pp. 10 13, 23, 101.
13. Cité dans Jesse, Personal Writings of Joseph
Smith, pp. 18-19.
14. Voir History of the Church, 1:368.
24. Journal missionnaire d’Orson Hyde,
copie dactylographiée, 1832, Brigham Young
University, collections spéciales, Provo,
pp. 14-15, 31.
25. George A. Smith, «My Journal»,
Instructor, octobre 1946, pp. 462.
127
CHAPITRE ONZE
EXPULSION
Ligne du temps
DU COMTÉ DE
JACKSON
L
E PROPHÈTE JOSEPH et ceux qui l’accompagnèrent au Missouri
pendant l’été 1831 eurent la joie d’apprendre que le comté de Jackson était
Date
Evénement important
Eté 1833
Fonctionnement de l’école
des anciens
Juill. 1833
«Constitution secrète»,
distribuée par les citoyens du
comté de Jackson
20 juill. 1833
Destruction de l’imprimerie
23 juill. 1833
Six anciens offrent leur vie
pour la sécurité des saints
31 oct. 1833
Attaque de la colonie Whitmer
par des émeutiers
(Missouri). Des conflits insolubles surgirent avec leurs voisins sur plusieurs sujets,
4 nov. 1833
«Jour sanglant»
amenant des citoyens à prendre des mesures radicales contre les membres de
Nov.-déc.
1833
Expulsion des saints du comté
de Jackson
l’Eglise. Le conflit commença au cours de l’été et, en novembre, des émeutiers
l’emplacement de la Sion des derniers jours. Ils ne se rendaient pas compte
que dans les deux ans, les saints seraient chassés de leurs maisons de l’ouest du
Missouri. Les membres de l’Eglise n’étaient pas conscients des persécutions qui les
attendaient, mais le Seigneur les prévint que la gloire de Sion ne se produirait
qu’”après beaucoup de tribulations” (D&A 58:4).
L’année 1833 fut une année de tribulations pour les saints du comté de Jackson
organisés chassèrent impitoyablement les saints de chez eux et de l’autre côté du
fleuve Missouri dans les pires conditions.
LE
BESOIN DE SE REPENTIR
A la fin de 1832, plus de huit cents saints étaient rassemblés dans cinq branches
dans le comté de Jackson. De nouvelles personnes arrivaient presque toutes les
semaines pour s’y installer. Sept grands prêtres: Oliver Cowdery, William W.
Phelps, John Whitmer, Sidney Gilbert, Edward Partridge, Isaac Morley et John
Expulsion du comté de Jackson, par
C.C.A. Christensen
128
EXPULSION DU COMTÉ DE JACKSON
Corrill furent chargés par Joseph Smith de présider les affaires de l’Eglise en
croissance rapide en Sion. Ces frères appelèrent d’autres anciens à présider les
branches.
Mais certains membres essayèrent d’ignorer les dirigeants de l’Eglise au
Missouri en ne tenant pas compte de leur autorité de présider; à cause de quoi il
fut difficile de mettre certaines des branches en ordre. D’autres «cherchèrent à
obtenir des héritages d’une autre manière que selon les lois de la consécration et
de l’intendance1». Frère Phelps écrivit une lettre à Joseph Smith à Kirtland
concernant ce dilemme et reçut une prompte réponse contenant des instructions
révélées. Le Seigneur avertit ceux qui avaient contourné les lois révélées qu’ils
n’étaient pas dignes de voir leurs noms «inscrits avec le peuple de Dieu» ou «écrits
dans le livre de la loi de Dieu» (D&A 85:3, 5). En tant qu’historien de l’Eglise, John
Whitmer fut chargé de tenir note de ceux qui recevaient «légalement» leur
héritage de l’évêque Edward Partridge ainsi que de ceux qui apostasièrent plus
tard (D&A 85:1-2).
D’autres difficultés surgirent en Sion. Des jalousies mesquines, de la convoitise,
de la légèreté d’esprit, de l’incrédulité et une négligence générale à garder les
commandements de Dieu furent portées à l’attention du prophète. Certaines
personnes en Sion accusèrent même Joseph Smith de «rechercher un pouvoir et
une autorité monarchiques» et dirent qu’il retardait à dessein son installation en
Sion2.
Le prophète répondit par écrit dans un esprit de paix et envoya un exemplaire
de la «feuille d’olivier» (D&A 88): «Bien que nos frères en Sion se laissent aller, à
notre égard, à des sentiments qui ne sont pas conformes aux exigences de la
nouvelle alliance, nous avons néanmoins la satisfaction de savoir que le Seigneur
nous approuve, nous a acceptés et a établi son nom à Kirtland pour le salut des
nations; . . . si on ne veut pas se purifier, il cherchera un autre peuple . . . Repentezvous, repentez-vous, c’est la voix de Dieu s’adressant à Sion3.»
En même temps, un conseil à Kirtland chargeait Hyrum Smith et Orson Hyde
d’écrire une lettre de réprimande à l’Eglise du Missouri. La lettre contenait un
avertissement sévère: «Repentez-vous, repentez-vous, sinon Sion devra souffrir,
car le fléau et le jugement s’abattront sur elle». Elle suppliait ensuite les saints de
lire les Ecritures, de leur obéir et de s’humilier devant Dieu. «Ils ne sont pas montés
en Sion pour s’asseoir dans l’oisiveté, négligeant les choses de Dieu, mais ils
doivent être diligents et fidèles à obéir à la nouvelle alliance4.»
Après la réception de la révélation de la feuille d’olivier, un conseil de grands
prêtres se réunit le 26 février 1833 et demanda l’organisation d’assemblées
solennelles dans chacune des branches (voir D&A 88:70). David Pettigrew écrit
dans son journal que l’évêque Partridge les désigna «comme un jour de confession
et de repentir5». Les frères Oliver Cowdery, William W. Phelps et John Corrill
écrivirent aussi aux autorités de Kirtland au nom des saints de Sion, exprimant
leur désir de garder à l’avenir les commandements6. Ce nouvel esprit fut agréable
au Seigneur qui révéla au prophète que «les anges se réjouissent» des saints du
Missouri (D&A 90:34).
129
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
DES
P E R S P E C T I V E S D ’ AV E N I R O P T I M I S T E S
La migration de nouveaux saints au Missouri au printemps et au début de l’été
de 1833 dépassa ceux de la saison précédente. Parley P. Pratt raconte que les
nouveaux arrivants achetaient des terres, construisaient des maisons et cultivaient
le sol, et «la paix et l’abondance avaient couronné leurs efforts, le désert devenait
un champ fertile, et la solitude commençait à bourgeonner et à fleurir comme un
narcisse». Les saints se rassemblaient tous les dimanches dans leurs branches pour
adorer. L’entente régnait parmi eux pendant ces premiers jours de juin. Parley dit:
«Rarement on a vu de peuple plus heureux sur la terre que l’était alors l’Eglise
des saints7.»
Au cours de l’été, une école pour les anciens fut organisée en Sion sur le modèle
de l’école des prophètes de Kirtland. Parley P. Pratt fut appelé à présider et à
instruire un groupe d’environ soixante anciens, qui se réunissaient sous des
Monument à l’école en Sion à Troost Park
à Kansas City (Missouri). Il fut consacré le 14
septembre 1963 par Joseph Fielding Smith.
Le monument commémore l’emplacement
de l’école en Sion établie par l’Eglise en 1831
dans le township (arrondissement) de Kaw, et
la première école construite sur le territoire
de Kansas City.
Edward Partridge acheta, le 19 décembre
1831, 2,54 hectares à John Hoy Flournoy. Ce
terrain comprenait celui qui avait été
précédemment consacré comme
emplacement du temple. Le 25 juin 1833, le
prophète envoya ce plan aux frères du
Missouri.
Il a 2,6 km2, chaque carré représentant
quatre hectares8.
130
EXPULSION DU COMTÉ DE JACKSON
bouquets d’arbres ombrageux. Frère Pratt écrit avec attendrissement: «De grandes
bénédictions furent déversées ici, et beaucoup de choses grandes et merveilleuses
furent manifestées et enseignées. Le Seigneur me donna une grand sagesse et me
permit d’instruire et d’édifier les anciens9.» Certains des frères eurent, lors de ces
réunions, le don des langues. Entre-temps, W. W. Phelps continuait à préparer la
publication du Livre des Commandements, et il publiait également l’Evening and
Morning Star, qui paraissait mensuellement.
Vers la fin de juin 1833, le prophète envoya aux saints du Missouri un plan pour
la construction de la ville de Sion et son temple. La ville était conçue pour quinze
mille à vingt mille personnes et devait avoir 2,6 kilomètres carrés avec des pâtés de
maison de quatre hectares divisés en lots de vingt ares, une maison par lot. Un
complexe de vingt-quatre temples devait être construit, et ceux-ci devaient être
utilisés comme maisons de culte. Les écoles devaient se trouver sur deux des lots
centraux de la ville. Les terres situées au nord et au sud de la ville devaient être
utilisées pour les granges, les étables et les fermes. Le fermier, ainsi que le
marchand et le mécanicien, devaient vivre en ville pour bénéficier de tous les
avantages sociaux, culturels et éducatifs10. Malheureusement, l’ingérence des
émeutiers empêcha la mise en oeuvre de ce plan, dont une bonne partie des idées
de base allait néanmoins être utilisée plus tard par les saints des derniers jours
dans le nord du Missouri, à Nauvoo (Illinois) et dans des centaines d’autres
colonies de l’Ouest.
CAUSES
DU CONFLIT DANS LE COMTÉ DE
JACKSON
La situation positive et favorable des saints dans le comté de Jackson prit
soudainement fin en juillet 1833. Les habitants originels de la région devinrent de
plus en plus soupçonneux en voyant le nombre des membres de l’Eglise du comté
de Jackson augmenter rapidement. Beaucoup de personnes craignaient d’être
bientôt écrasées par le nombre des nouveaux pèlerins venus de l’Est pour des
motifs religieux. Les «vieux colons» appartenaient à un milieu différent de celui
des arrivants, et il était naturel qu’il surgisse des différends culturels, politiques,
religieux et économiques.
Les résidents du comté de Jackson étaient des gens rudes et expéditifs qui
venaient des régions montagneuses de plusieurs Etats du Sud et s’étaient installés
à l’extrémité occidentale des Etats-Unis pour être libres des contraintes de la
société. La plupart d’entre eux n’avaient pas l’instruction ni le raffinement culturel
qui était plus courant en Nouvelle-Angleterre et dans l’Est. Beaucoup d’entre eux
étaient grossiers, enfreignaient le sabbat, se livraient aux courses de chevaux, aux
combats de coq, à l’oisiveté, à l’ivrognerie, au jeu et à la violence. Après sa
première visite au comté de Jackson, Joseph Smith commenta: «Comme il [était]
courant d’observer la dégradation, le manque d’intelligence, la férocité et la
jalousie d’un peuple qui était en retard de près d’un siècle et de compatir pour
ceux qui erraient sans profiter de la civilisation, du raffinement ou de la religion11.»
Les vieux colons considéraient la population croissante des saints comme une
menace politique, en dépit du fait que les membres de l’Eglise ne se portèrent pas
131
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
candidats ni ne votèrent en bloc pendant leur court séjour dans le comté de
Jackson. En juillet 1833, la population mormone du comté s’élevait à près de douze
cents personnes, et il en arrivait davantage chaque mois. Certains membres se
vantaient de ce que des milliers d’autres arrivaient pour vivre dans le comté. «Un
simple calcul montrait que quelques centaines de mormons supplémentaires
pouvaient arracher le contrôle politique à ceux qui avaient créé la ville et le
comté12.» Les citoyens locaux éprouvaient naturellement de l’appréhension à
l’égard d’un zèle religieux qui prédisait que tous les «Gentils» (non-mormons)
seraient retranchés lorsque le royaume millénaire serait établi dans le comté de
Jackson.
Les pasteurs protestants voyaient aussi d’un mauvais oeil l’intrusion des
mormons dans le comté. Les saints des derniers jours furent qualifiés de
fanatiques et de bandits et furent dénoncés comme crédules et ignorants parce
qu’ils croyaient aux miracles, aux prophéties, aux guérisons et au don des langues
et que ceux-ci se produisaient souvent parmi eux. La jalousie et la crainte de
perdre des membres de leur troupeau augmentèrent l’antagonisme des pasteurs.
Le révérend Finis Ewing, de l’Eglise presbytérienne de Cumberland, affirma: «Les
‹mormons› sont les ennemis communs de l’humanité et doivent être détruits.» Un
pasteur de la Société missionnaire (envoyé christianiser les Indiens américains) alla
«de maison en maison, cherchant à détruire l’Eglise en colportant des diffamations
pour inciter la population à des actes de violence contre les saints13».
Les pistes de Santa Fe et de l’Orégon
commençaient toutes les deux à
Independence (Missouri). C’est là que l’on
équipait pour l’expédition vers l’Ouest les
trappeurs, les pionniers et les aventuriers de
toutes sortes.
En outre, les marchands et commerçants mormons réussirent à prendre en main
une partie du commerce lucratif de la piste de Santa Fe précédemment dominé par
les Missouriens. Certains des vieux colons craignaient que les membres de l’Eglise
ne fussent décidés à s’emparer de leurs terres et de leurs entreprises. En outre, les
saints «n’achetaient pas de marchandises auprès des marchands locaux, puisqu’ils
n’avaient pas d’argent, mais faisaient des échanges entre eux au magasin de
l’Eglise . . . Certains des vieux colons vendaient leurs biens aux mormons et
déménageaient. Cela voulait dire de moins en moins de clients dans le magasin et
une ruine financière future» pour les vieux colons restants.
Pour compliquer les choses, au printemps 1833, le Missouri sortit de son lit,
détruisit l’embarcadère d’Independence et éloigna son lit de la localité. Une
nouvelle ville, Westport, avec un meilleur embarquement, fut créée plus loin en
amont, et le commerce à Independence déclina. Les hommes d’affaires
d’Independence en imputèrent la faute aux mormons14. Prévoyant ce que l’avenir
allait leur réserver, certains des vieux colons se proposèrent de vendre tous leurs
biens aux saints. Les membres de l’Eglise voulaient acheter les fermes et les
possessions mais n’avaient pas assez de capitaux pour le faire. Cela exaspéra les
Missouriens, et ils ne tardèrent pas à faire circuler des histoires sur la pauvreté des
mormons.
Les Missouriens de la frontière craignaient et haïssaient les Indiens. Leur
antipathie augmenta dans les années 1830 lorsque le gouvernement commença à
déplacer les tribus de l’Est sur des terres situées juste à l’ouest d’Independence.
Après la guerre de Black Hawk de 1832, les citoyens de l’ouest du Missouri
132
EXPULSION DU COMTÉ DE JACKSON
envoyèrent une pétition au Congrès pour qu’il crée une ligne de postes militaires
afin de les protéger. Les premiers missionnaires mormons arrivèrent dans cette
atmosphère tendue, annonçant la destinée prophétique des Amérindiens. Les
vieux colons craignaient que les saints n’utilisent les Indiens pour conquérir la
région pour leur nouvelle Jérusalem. Les choses étaient encore rendues plus
compliquées par les pasteurs protestants qui étaient jaloux des efforts
missionnaires des saints des derniers jours parmi les Indiens.
Le conflit entre les saints et les colons atteignit son paroxysme sur la question
des esclaves. Le Missouri était entré dans l’Union comme Etat esclavagiste en
vertu du célèbre compromis de 1820. Toutefois, la détention d’esclaves était
limitée. Les vieux colons tenaient à leur droit de détenir des esclaves et
méprisaient l’abolitionnisme. Certains des saints venaient du nord et de l’est avec
leurs sentiments abolitionnistes, et tout le sud craignait à l’époque une rébellion
des Noirs. En 1831, le soulèvement des esclaves de Nat Turner en Virginie avait eu
pour résultat la mort de plus de soixante-dix Blancs et de cent esclaves. Une crainte
irrationnelle des rébellions s’empara des Etats esclavagistes. C’est pourquoi les
Missouriens furent violemment excités au début de 1832 lorsque circulèrent des
rumeurs selon lesquelles les saints essayaient de persuader les esclaves de désobéir
à leurs maîtres ou de s’enfuir.
Pour étouffer ces rumeurs, l’Evening and Morning Star de juillet 1833 passa un
article mettant en garde les missionnaires contre le prosélytisme auprès des
esclaves et d’anciens esclaves connus comme «gens de couleur libres».
Malheureusement les Missouriens locaux se méprirent sur ce conseil, pensant qu’il
voulait dire que frère Phelps invitait les Noirs libres à se joindre aux mormons au
comté de Jackson. L’article provoqua une telle fureur que Phelps publia un
«supplément» expliquant que l’Eglise n’avait pas l’intention d’inviter les Noirs
libres à venir au Missouri, mais cette dénégation ne servit à rien.
Au cours de l’été de 1833, les nombreux différends entre les saints et les vieux
colons s’accumulèrent pour paver la voie à la violence. Une atmosphère d’émeute
se développait depuis avril; au début de juillet des centaines de personnes, y
compris des citoyens éminents, signèrent un manifeste connu sous le nom de
«constitution secrète», dénonçant les mormons et convoquant une réunion le 20
juillet. Le manifeste accusait les mormons de toucher aux esclaves, d’encourager
la rébellion et d’inviter les Noirs et les mulâtres libres à devenir membres de
l’Eglise et à émigrer au Missouri. Il déclarait l’intention des signataires
d’expulser les mormons «d’une manière pacifique [s’ils le pouvaient], de force
[s’ils le devaient]15».
LES
ÉMEUTIERS MENACENT LES SAINTS
Le samedi 20 juillet, quatre à cinq cents citoyens mécontents se réunirent au
tribunal d’Independence. Ils choisirent des officiers et un comité pour rédiger un
document formulant leurs exigences à l’égard des mormons. Les officiers et les
membres du comité comptaient parmi les principaux citoyens du comté de
Jackson: «C’étaient essentiellement les mandataires publics du comté: le juge du
133
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Fuite des mormons du comté de Jackson
(Missouri), par C.C.A. Christensen
comté, les policiers, les greffiers du tribunal et les juges de paix16.» Lilburn W.
Boggs, gouverneur-adjoint du Missouri, résident et gros propriétaire terrien du
comté, assistait aussi à la réunion et encouragea l’activité antimormone.
La «constitution secrète» fut lue à la réunion, et le comité rédigea l’ultimatum
qu’aucun saint des derniers jours ne serait autorisé à entrer dans le comté de
Jackson ou à s’y installer, et que ceux qui y étaient déjà devaient s’engager à partir
dans un délai raisonnable. Le journal de l’Eglise devait également cesser de
paraître. Un comité de douze personnes fut chargé de présenter ces exigences aux
saints. Les frères, surpris par l’exigence et se rendant compte qu’ils ne devaient pas
abandonner Sion, demandèrent trois mois pour réfléchir à la proposition et
consulter les dirigeants de l’Eglise en Ohio. Cela leur fut refusé. Ils demandèrent
dix jours, et le comité ne leur laissa que quinze minutes et retourna à la réunion
au tribunal.
La réunion se transforma rapidement en une troupe d’émeutiers qui décida de
détruire l’imprimerie et la presse. Ils entourèrent l’imprimerie et la maison de W.
W. Phelps, jetèrent le mobilier dans la rue et le jardin, brisèrent la presse et
l’emportèrent, dispersèrent les caractères et détruisirent pratiquement tout ce qui
avait été imprimé, notamment la plus grande partie des feuilles non reliées du
Livre des Commandements. Ils rasèrent ensuite l’imprimerie, bâtiment d’un étage.
Ensuite, ils décidèrent de détruire les marchandises du magasin de Gilbert and
Whitney. Ce ne fut que lorsque Sidney Gilbert promit d’emballer les marchandises
dans les trois jours qu’ils se laissèrent dissuader.
Avec des jurons bruyants, les émeutiers partirent ensuite à la recherche des
frères dirigeants de l’Eglise. Hommes, femmes et enfants s’enfuirent dans toutes
les directions. Les émeutiers sortirent l’évêque Edward Partridge de sa maison et
le traînèrent jusqu’à la place publique. Charles Allen, converti de vingt-sept ans,
venu de Pennsylvanie, fut également emmené sur la place publique. Les émeutiers
134
EXPULSION DU COMTÉ DE JACKSON
exigèrent d’eux qu’ils renient le Livre de Mormon, sinon ils devraient quitter le
comté. Les deux hommes refusèrent de faire l’un et l’autre, de sorte que les
émeutiers préparèrent du goudron et des plumes. L’évêque Partridge déclara
calmement qu’il était disposé à souffrir pour le Christ, comme l’avaient fait les
saints des temps passés. Les deux hommes subirent la cruelle humiliation du
goudron et des plumes avec tant de résignation et d’humilité que la foule, qui
n’avait cessé de crier des jurons grossiers, se dispersa en silence17.
Un petit nombre d’exemplaires du Livre des Commandements, qui contenait les
révélations reçues par Joseph Smith, le prophète, furent providentiellement
préservés. Deux soeurs, Mary Elizabeth et Caroline Rollins, âgées de quatorze et
de douze ans, virent les émeutiers lancer les grandes feuilles non reliées sur le sol
à l’extérieur de l’imprimerie. Décidées à sauver quelques-uns des exemplaires, les
jeunes filles saisirent toutes les feuilles qu’elles pouvaient emporter dans leurs bras
et s’enfuirent derrière le bâtiment. Des émeutiers leur crièrent de s’arrêter, mais les
En 1828, à l’âge de dix ans, Mary Elizabeth
Rollins s’installa avec sa famille à Kirtland.
Elle fut baptisée en octobre 1830 après avoir
entendu le témoignage d’Oliver Cowdery, de
Peter Whitmer et de Ziba Peterson.
En août 1835, elle épousa Adam Lightner,
et ils eurent dix enfants. Elle décéda à
Minersville (Utah) le 17 décembre 1913, à
l’âge de quatre-vingt-quinze ans.
jeunes filles s’échappèrent par une ouverture dans une clôture de bois et
s’enfuirent dans un champ de maïs. Elles entendirent longtemps les hommes les
chercher tandis qu’elles restaient silencieusement couchées par terre.
Lorsque les émeutiers furent partis, Mary et Caroline allèrent trouver soeur
Phelps et sa famille cachées dans une vieille étable. Soeur Phelps prit en charge les
feuilles et, plus tard, les quelques exemplaires préservés furent reliés. Chacune des
filles reçut un exemplaire du Livre des Commandements, qu’elle chérit tout le
reste de sa vie. Un jeune homme de vingt ans, appelé John Taylor (pas le futur
président de l’Eglise), risqua sa vie en passant le bras entre les rondins de
l’imprimerie pour récupérer quelques feuilles, et il échappa également par miracle
aux émeutiers qui essayaient de le lapider18.
Les émeutiers apparurent de nouveau le 23 juillet avec des fusils, des pistolets,
des fouets et des bâtons. Ils cherchèrent en jurant les dirigeants de l’Eglise. Ils
mirent le feu à des meules de foin et à des champs de céréales et détruisirent
plusieurs maisons, granges et magasins. Ils se trouvèrent finalement face à six
dirigeants de l’Eglise qui, voyant les biens et la vie des saints mis en danger,
offrirent leur vie en rançon. L’Eglise révère leurs noms: Edward Partridge, Isaac
Morley, John Corrill, John Whitmer, W. W. Phelps et Sidney Gilbert.
Rejetant cette offre, les dirigeants des émeutiers menacèrent de fouetter tous les
hommes, femmes et enfants s’ils ne consentaient pas à quitter le pays. Sous la
contrainte, les frères signèrent un accord de quitter le comté, les dirigeants pour le
1er janvier 1834 et les membres de l’Eglise eux-mêmes pour le 1er avril. John
Corrill et Sidney Gilbert furent autorisés à rester comme agents pour vendre les
biens des saints. Corrill écrivit que jusqu’alors les membres de l’Eglise «n’avaient
même pas levé le petit doigt, même pour se défendre, tellement ils étaient tenaces
à respecter le précepte de l’Evangile: ‹Tendez l’autre joue19›».
DEMANDE
D E R É PA R AT I O N S
Après la signature de l’accord, Oliver Cowdery fut envoyé en Ohio conférer
avec les autorités de l’Eglise sur le triste sort des saints du Missouri. Un conseil se
135
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
réunit le 21 août à Kirtland et envoya Orson Hyde et John Gould au comté de
Jackson comme messagers spéciaux. Ils dirent aux saints de ne pas vendre leurs
terres ni leurs biens ni de quitter le comté s’ils n’avaient pas signé expressément
l’accord de le faire. Ce message n’arriva dans l’ouest du Missouri que le 28
septembre.
Entre-temps, quelques membres de l’Eglise tentèrent de s’installer dans le comté
de Van Buren, mais les citoyens de là-bas rédigèrent également un accord de
chasser les mormons, de sorte qu’ils retournèrent d’où ils étaient venus. Pendant
tout l’été, les émeutiers s’introduisirent quotidiennement dans les maisons
des mormons et continuèrent à user de violence vis-à-vis des habitants mormons
du comté de Jackson, alors même qu’ils avaient accepté de s’abstenir de harceler
les saints.
En août, le Western Monitor, journal de Fayette (Missouri) publia une série
d’articles condamnant le comportement des émeutiers dans le comté de Jackson et
Isaac Morley (1786-1865) fut, pendant neuf
ans, premier conseiller de l’évêque Edward
Partridge. Pendant les dix dernières années
de sa vie, il fut patriarche dans le comté de
Sanpete (Utah).
suggérant que les saints demandent réparation auprès des autorités de l’Etat pour
les dommages qu’ils avaient subis. A la suite de cela, les dirigeants de l’Eglise
rédigèrent une pétition détaillant leurs griefs et contestant les fausses accusations
des vieux colons du comté de Jackson: «Influencés par les préceptes de notre
Sauveur bien-aimé, lorsque nous avons été frappés sur une joue, nous avons aussi
présenté l’autre . . . Nous avons supporté les outrages ci-dessus sans murmurer;
mais nous ne pouvons plus les supporter patiemment; selon les lois de Dieu et des
hommes, nous en avons supporté assez20.» Au début d’octobre, W. W. Phelps et
Orson Hyde, représentants de l’Eglise pour l’Ohio, se rendirent à Jefferson City,
capitale de l’Etat, et présentèrent la pétition au gouverneur Daniel Dunklin. Ils lui
demandèrent de lever des troupes pour les défendre dans leurs droits, de leur
donner la permission d’aller en justice demander réparation pour les biens
endommagés et perdus et de faire comparaître les émeutiers devant les tribunaux.
Après quelques jours de consultations avec l’attorney general, le gouverneur
répondit qu’il avait le sentiment qu’il ne serait pas nécessaire de faire usage de la
force pour faire appliquer la loi. Il conseilla aux représentants de l’Eglise de
demander réparation et protection en vertu des lois en adressant une pétition au
juge de circuit et aux juges de paix du comté de Jackson. Il promit que si cet effort
ne donnait pas le résultat escompté, il utiliserait d’autres moyens pour faire
appliquer la loi21.
Son conseil se révéla inefficace. Samuel D. Lucas, juge du comté de Jackson, et
deux des juges de paix du comté étaient parmi ceux qui essayaient de chasser les
mormons. Néanmoins, suivant les instructions du gouverneur, les dirigeants de
l’Eglise prirent quatre avocats éminents dans le comté de Clay. Ces hommes de loi
devinrent amis des saints et les défendirent contre leurs oppresseurs pendant tout
le reste de la décennie au Missouri. Deux d’entre eux, Alexander Doniphan et
David Atchison, devinrent des hommes éminents au niveau de l’Etat et des EtatsUnis entre 1845 et 1865.
Outre qu’ils demandèrent réparation à la justice, les dirigeants de l’Eglise mirent
fin à la politique de résistance passive et conseillèrent aux membres de s’armer
136
EXPULSION DU COMTÉ DE JACKSON
pour défendre leurs familles et leurs foyers. Une délégation envoyée au comté de
Clay acheta de la poudre et du plomb et les dirigeants de l’Eglise annoncèrent, le
20 octobre 1833, leur intention de se défendre contre toute attaque physique.
LES
SAINTS EXPULSÉS DU COMTÉ DE
JACKSON
Quand les vieux colons virent que les saints avaient l’intention de se défendre,
ils renouvelèrent leurs actes de violence et firent circuler des rumeurs concernant
le blasphème que constituait la doctrine des mormons et leur prétendue intention
de prendre possession du comté de Jackson par la force. Dans la semaine,
l’humeur dans le comté avait atteint son paroxysme. La nuit du jeudi 31 octobre,
une cinquantaine d’émeutiers à cheval s’attaquèrent à la colonie Whitmer sur la
Big Blue River, à l’ouest d’Independence. Ils arrachèrent les toits à treize maisons
et fouettèrent presque à mort plusieurs hommes, dont Hiram Page, un des huit
témoins du Livre de Mormon. Ces déprédations continuèrent pendant les deux
nuits qui suivirent à Independence, dans l’arrondissement de Blue, celui de Kaw
et de nouveau dans la colonie Whitmer. Les hommes furent battus, les femmes et
les enfants furent terrorisés. Lorsque les dirigeants de l’Eglise se trouvèrent dans
l’impossibilité d’obtenir un mandat contre les assaillants, les anciens postèrent des
gardes à chacune des colonies pour se défendre.
Tous les habitants du comté de Jackson n’étaient pas contre les saints. Certains
de ceux qui étaient amicaux à l’égard des membres de l’Eglise n’avaient aucune
sympathie
pour
les
émeutiers
ni
pour
leur
comportement
illégal.
Malheureusement, ces sympathisants firent peu de chose pour empêcher les
violences infligées aux nouveaux venus.
Le lundi 4 novembre devint le «jour sanglant» du conflit. Plusieurs Missouriens
s’emparèrent d’un bac mormon sur la Big Blue River, et en peu de temps trente à
quarante hommes armés de part et d’autre s’affrontèrent dans les champs de maïs.
Les émeutiers furent les premiers à tirer, blessant Philo Dibble à l’estomac, mais il
fut miraculeusement guéri par une bénédiction de prêtrise donnée par Newel
Knight. Andrew Barber fut mortellement blessé. Les mormons ouvrirent le feu à
leur tour et tuèrent deux Missouriens et quelques chevaux. Le même jour,
plusieurs dirigeants de l’Eglise avaient été arrêtés à Independence et conduits
devant le tribunal. Tandis que le procès était en cours au tribunal, une information
mensongère concernant la bataille arriva en ville accusant les mormons d’être
entrés dans la maison d’un citoyen et d’avoir tué son fils. Cela rendit la foule
furieuse, et elle menaça de tuer les prisonniers. Ceux-ci furent toutefois
rapidement conduits à la prison et enfermés par mesure de sécurité. Pendant toute
la nuit, les citoyens rassemblèrent des armes et des munitions en vue du massacre
général des saints le lendemain. La rumeur circulait aussi que les mormons allaient
amener des Indiens pour combattre avec eux. Entre-temps, les prisonniers,
apprenant en prison ces préparatifs, informèrent le shérif qu’ils avaient l’intention
de quitter le comté et d’exhorter tous les membres de l’Eglise à faire de même.
A l’instigation du gouverneur-adjoint Boggs, une unité de la milice de l’Etat,
sous le commandement d’un antimormon déclaré, le colonel Thomas Pitcher, fut
137
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
envoyée chasser les mormons du comté. Entre-temps, Lyman Wight, apprenant
que des dirigeants de l’Eglise avaient été emprisonnés, rassembla quelque deux
cents frères armés et marcha sur la prison. A environ un kilomètre et demi à
l’extérieur d’Independence, ils apprirent que la milice allait intervenir. Boggs
négocia un accord selon lequel les deux camps rendraient les armes et les saints
quitteraient le comté dans les dix jours. Les saints remirent leurs armes, étant
entendu que celles-ci leur seraient rendues une fois qu’ils seraient au comté de
Clay. Mais la milice conserva ses armes et les saints ne revirent jamais les leurs.
Fidèles à leur promesse, dès qu’ils furent libérés, les prisonniers firent des plans
pour que les saints se retirent promptement de l’autre côté du fleuve Missouri.
Mais un certain nombre de pillards parcoururent la campagne pendant les trois
jours qui suivirent, harcelant les colons mormons, dont un groupe d’environ cent
trente femmes et enfants qui avaient été laissés seuls pendant que les hommes
essayaient de se procurer des chariots. Deux femmes au moins moururent
pendant que les saints fuyaient le comté.
Les rives du Missouri près du bac étaient bordées de réfugiés des deux côtés.
Certains eurent la chance d’échapper avec leurs meubles, mais beaucoup
perdirent tout. Parley P. Pratt écrit: «Quand la nuit se referma de nouveau sur
nous, les bords du fleuve ressemblaient à un terrain de camping. Dans toutes les
directions, on voyait des centaines de personnes, certaines dans des tentes,
d’autres à l’air libre, autour de leurs feux, tandis que la pluie tombait à torrents.
Des maris demandaient leurs femmes, des femmes leurs maris; des parents
demandaient leurs enfants, des enfants leurs parents . . . La scène était
indescriptible et aurait, j’en suis sûr, attendri le coeur de n’importe qui sur terre,
sauf celui de nos oppresseurs aveugles22.»
Les émeutiers du comté de Jackson continuèrent à tourmenter les quelques
membres de l’Eglise restants jusqu’à ce que tous eussent été chassés du comté.
Lyman Wight écrit: «J’ai vu cent quatre-vingt-dix femmes et enfants chassés sur
cinquante kilomètres à travers la prairie, n’ayant parmi eux que trois hommes
décrépits, au mois de novembre, le sol couvert d’une légère croûte de verglas; et
j’aurais pu facilement les suivre à la trace à cause du sang qui coulait de leurs pieds
lacérés sur le chaume de la prairie brûlée!23» Au début du printemps 1834, les
Missouriens furent informés de l’approche de mormons venus de l’Ohio et
brûlèrent les maisons restantes appartenant aux saints pour essayer de décourager
toute velléité de retour des exilés.
RÉPERCUSSIONS
D E L’ E X P U L S I O N
La plupart des saints exilés trouvèrent un logement temporaire dans le comté de
Clay, et un petit nombre cherchèrent refuge dans d’autres comtés voisins. Les
citoyens de Liberty, siège du comté de Clay, proposèrent charitablement un abri,
du travail et des provisions. Les réfugiés s’installèrent dans des cabanes pour
esclaves abandonnées, construisirent des huttes grossières, dressèrent la tente et
vécurent d’une maigre pitance jusqu’à l’arrivée du printemps. Certains hommes
trouvèrent du travail à fendre du bois, construire des maisons et à débroussailler.
138
EXPULSION DU COMTÉ DE JACKSON
Plusieurs soeurs travaillèrent dans le ménage de fermiers aisés tandis que d’autres
enseignaient à l’école. Au printemps, certains purent louer des terres et
ensemencer. Si la plupart des citoyens du comté de Clay étaient amicaux, ils
considéraient l’installation des saints parmi eux comme temporaire seulement. Les
éléments hostiles du comté de Jackson surnommèrent ces sympathisants «Jack
Mormons», terme appliqué au dix-neuvième siècle aux non-mormons amicaux.
Entre-temps, Joseph Smith suivait de Kirtland les événements qui se passaient
dans l’ouest du Missouri. En apprenant ce qui était arrivé en juillet, il écrivait à
l’Eglise de Sion: «Mes frères, si j’étais avec vous, je prendrais une part active à vos
souffrances; bien que la nature recule devant cette épreuve, néanmoins mon esprit
ne me permettrait pas de vous abandonner, dussé-je en mourir. Ainsi m’aide
Dieu24.» En octobre 1833, le Seigneur révéla à Joseph: «Sion sera rachetée bien
qu’elle soit châtiée pour un peu de temps . . . Que votre coeur se console, car tout
concourra au bien de ceux qui marchent en droiture et pour la sanctification de
l’Eglise» (D&A 100:13, 15).
Les frères Hyde et Gould, émissaires de Kirtland au Missouri, retournèrent le 25
novembre en Ohio avec «la triste nouvelle que les émeutiers du comté de Jackson
persécutaient les frères25». Cela fut un sujet de profonde détresse pour le prophète.
Il écrit: «Je n’ai aucune information de l’Esprit qui me dise que Sion ait perdu ses
droits à une couronne céleste, en dépit du fait que le Seigneur ait fait en sorte
qu’elle soit ainsi affligée . . . Je sais qu’au moment prévu par le Seigneur, Sion sera
rachetée; mais combien seront les jours de sa purification, de ses tribulations et de
ses afflictions, le Seigneur l’a caché à mes yeux; quand je l’interroge à ce sujet, la
voix du Seigneur me dit: Sois calme et sache que je suis Dieu! Tous ceux qui
souffrent pour mon nom régneront avec moi, et celui qui donne sa vie pour moi
la retrouvera26.»
Quelques jours plus tard, le Seigneur expliqua que les saints du Missouri
connaissaient des afflictions «à cause de leurs transgressions . . . Il y avait parmi
eux des querelles et des disputes, des envies, des luttes et des désirs voluptueux et
cupides. Ils ont donc souillé par là leur héritage»( D&A 101:2, 6).
Les saints du Missouri se demandaient s’ils devaient créer des colonies
permanentes ou temporaires dans le comté de Clay, étant donné qu’ils n’avaient
guère d’espoir de retourner dans leurs foyers du comté de Jackson. Lors d’une
conférence tenue le 1er janvier 1834, ils décidèrent d’envoyer deux anciens à
Kirtland pour tenir conseil avec le prophète et prendre des dispositions pour
apporter des secours aux saints du Missouri. Lyman Wight et Parley P. Pratt se
portèrent volontaires. Toutefois les moyens nécessaires pour le voyage leur
manquaient. Parley écrit: «J’étais à l’époque totalement dépourvu des vêtements
nécessaires pour le voyage; et je n’avais ni cheval, ni selle, ni bride, ni argent,
ni provisions à emporter ou à laisser à ma femme, qui était la plupart du
temps malade et incapable de s’occuper d’elle-même27.» Ces nobles frères furent
équipés grâce à l’aide d’autres membres. Ils se mirent en route à cheval aussi
rapidement que possible, mais un temps inclément retarda leur arrivée jusqu’au
début du printemps.
139
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Tandis qu’ils attendaient les instructions de leur prophète, les dirigeants de
l’Eglise du Missouri demandèrent réparation à la législature de l’Etat du Missouri.
Une commission d’enquête réunie en décembre à Liberty réclama l’arrestation du
colonel Thomas Pitcher de la milice de l’Etat. Mais il devint bientôt clair que
l’opinion publique du comté de Jackson était tellement montée contre les saints
que des poursuites judiciaires étaient impossibles. Les dirigeants de l’Eglise
décidèrent d’abandonner cette entreprise. Le gouverneur Dunklin ordonna
que les armes des membres de l’Eglise leur soient rendues, mais son ordre ne fut
pas exécuté.
Les saints maintenaient constamment la question des torts qu’ils avaient subis
devant les autorités de l’Etat. En même temps, ils en appelèrent à Andrew Jackson,
président des Etats-Unis, et inclurent dans leur pétition la réponse du gouverneur
Dunklin à la pétition qu’ils lui avait adressée. Le gouverneur prétendait que la loi
ne l’autorisait pas à entretenir une force militaire dans le comté de Jackson pour
protéger les mormons après leur retour chez eux. Les saints demandèrent au
président de les ramener chez eux et dans leurs possessions et d’assurer leur
protection. Malheureusement cette demande arriva pendant un des grands débats
de l’histoire américaine sur la question des droits souverains des Etats.
L’estimation générale en Amérique était que le gouvernement fédéral n’avait pas
l’autorité d’intervenir dans les affaires internes d’un Etat, comme ce qui se passait
dans le comté de Jackson, si le gouverneur ne déclarait pas l’état d’insurrection. En
mai 1834, le gouvernement fédéral rejeta la demande des saints, arguant que les
infractions mentionnées étaient des violations de la loi de l’Etat et non des lois
fédérales. Entre-temps le gouverneur Dunklin hésitait aussi à passer à l’action. Les
hommes de loi défendant l’Eglise soutinrent le cas des saints devant la législature
de l’Etat, mais celle-ci refusa également son aide.
Juillet 1833 à juillet 1834 fut une période de «feu du fondeur» pour les saints des
derniers jours dans l’ouest du Missouri. Les membres de l’Eglise, partout aux
Etats-Unis, furent profondément déçus de ce que le pays de Sion devait être
abandonné. Le seul recours était d’attendre patiemment que le Seigneur apporte
la délivrance et donne des directives.
NOTES
1. B. H. Roberts, The Missouri Persecutions,
Salt Lake City, Bookcraft, 1965, p. 61.
2. History of the Church, 1:318-19.
3.History of the Church, 1:316.
4. History of the Church, 1:320.
5. Dans Donald Q. Cannon et Lyndon W.
Cook, éd., Far West Record: Minutes of The
Church of Jesus Christ of Latter-day Saints,
1830-1844, Salt Lake City, Deseret Book Co.,
1983, p. 61n; voir aussi History of the Church,
1:327.
6. Voir History of the Church, 1:327; Roberts,
Missouri Persecutions, p. 68.
140
7. Parley P. Pratt, éd., Autobiography of Parley
P. Pratt, série Classics in Mormon Literature,
Salt Lake City, Deseret Book Co., 1985, p. 75;
voir aussi «The Season», The Evening and the
Morning Star, juin 1833, p. 102.
8. On trouvera des renseignements détaillés
sur le plan dans History of the Church, 1:35759.
9. Pratt, Autobiography of Parley P. Pratt, pp.
75-76.
10. Voir History of the Church, 1:357-58.
11. History of the Church, 1:189.
EXPULSION DU COMTÉ DE JACKSON
12. T. Edgar Lyon, «Independence, Missouri,
and the Mormons, 1827-1833», Brigham
Young University Studies, automne 1972,
p. 17.
19. John Corrill, A Brief History of the Church
of Christ of Latter Day Saints, St-Louis, John
Corrill, 1839, p. 19.
13. Dans Roberts, Missouri Persecutions,
pp. 73-74.
21. Voir History of the Church, 1:423-24.
14. Lyon, «Independence, Missouri, and the
Mormons», pp. 17-18.
15. History of the Church, 1:374.
16. Roberts, Missouri Persecutions, p. 87.
17. Voir Roberts, Missouri Persecutions,
pp. 84-86.
18. Voir Gerry Avant, «Book’s History: A Tale
of Mobs, Heroic Rescues», Church News, 30
déc. 1984, p. 6.
20. History of the Church, 1:414-15.
22. Pratt, Autobiography of Parley P. Pratt,
p. 82.
23. Dans History of the Church, 3:439.
24. Dans Dean C. Jesse, éd., The Personal
Writings of Joseph Smith, Salt Lake City,
Deseret Book Co., 1984, p. 283.
25. History of the Church, 1:446.
26. History of the Church, 1:453-54.
27. Pratt, Autobiography of Parley P. Pratt,
pp. 87.
141
CHAPITRE DOUZE
Publié avec la permission de la collection des beaux arts de l'université Brigham Young
LE
Ligne du temps
Date
Evénement important
Févr. 1834
Le grand conseil donne son
aval au projet d’organiser une
armée pour aider les saints du
Missouri
Mars-mai
1834
Recrutement des membres
pour le camp de Sion
Mai 1834
Début de la marche du camp
de Sion
8 juin 1834
Le camp de Sion obtient sa
force numérique maximale:
207 personnes
9-15 juin 1834 Refus du gouverneur Dunklin
de coopérer avec le camp de
Sion
19 juin 1834
Une violente tempête protège
le camp de Sion de ses
ennemis
22 juin 1834
Le Seigneur expose les
conditions de la rédemption
future de Sion
21-29 juin
1834
Attaque du choléra au camp
de Sion
3 juillet 1834
Création de la présidence et
du grand conseil de pieu au
comté de Clay
CAMP DE
SION
A
U COURS DE L’HIVER 1833-34, les saints continuèrent à espérer que
le gouverneur Daniel Dunklin les aiderait à récupérer leurs maisons dans
le comté de Jackson. Mais le 16 décembre 1833, Joseph Smith reçut une
révélation qui envisageait des possibilités de mauvais augure. Le Seigneur exposa
divers moyens que les saints devaient utiliser pour régler la querelle au Missouri,
mais ils reçurent l’avertissement que si tous les remèdes pacifiques échouaient, ils
risquaient de devoir occuper par la force les terres qui leur revenaient de droit
(voir D&A 101). Avec l’évolution des événements, le Seigneur dit aux frères de
Kirtland de lever une armée et d’aller au Missouri. Ce qu’on appela le camp de
Sion devenait une réalité.
O R G A N I S AT I O N
DU CAMP DE
SION
Après un voyage difficile, Parley P. Pratt et Lyman Wight arrivèrent le 22 février
1834 à Kirtland, venant du Missouri. Le grand conseil de Kirtland, qui était
organisé depuis moins d’une semaine (voir le chapeau de la section 102), se réunit
chez Joseph Smith deux jours plus tard pour entendre le rapport de l’équipe et
examiner les demandes des frères du Missouri. A la fin de la réunion, Joseph Smith
annonça qu’il allait en Sion pour aider à la racheter. Il demanda un vote du grand
conseil pour approuver sa décision. Il fut soutenu à l’unanimité. Le prophète
demanda ensuite que des volontaires l’accompagnent. Trente à quarante des
hommes présents se portèrent volontaires, et Joseph fut choisi pour être le
«commandant en chef des armées d’Israël1».
Le même jour, Joseph Smith reçut une révélation concernant le recrutement et
la taille de son armée. Huit hommes, y compris le prophète, furent appelés à
rassembler des membres jeunes et d’âge mûr pour le camp de Sion et pour lever
l’argent nécessaire pour aider les membres opprimés au Missouri. Ils devaient
recruter une compagnie de cinq cents hommes si c’était possible, mais pas moins
de cent, pour marcher sur le Missouri et racheter et rétablir Sion (voir D&A 103:11,
15, 22, 29-40).
A partir de la fin février, ces huit missionnaires, voyageant deux par deux,
rendirent visite aux branches de l’Eglise dans tout l’Est des Etats-Unis, réunissant
des dons et recrutant pour le camp de Sion. Le prophète ne fut pas satisfait du
nombre de volontaires qu’ils avaient recrutés. En avril, il suggéra que les frères de
l’Est se portent volontaires pour aller au Missouri avec le camp de Sion, sinon ils
perdraient l’occasion de «s’améliorer en obtenant un si beau pays . . . et d’affronter
Le camp de Sion, par C.C.A. Christensen
ces émeutiers . . .
143
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
« . . . Si l’Eglise, qui s’efforce d’être l’Eglise du Christ, ne nous aide pas, alors
qu’elle peut le faire sans sacrifice . . . Dieu lui ôtera son talent et le donnera à des
gens qui n’ont pas de talents et qui l’empêcheront de jamais obtenir un lieu de
refuge ou un héritage sur la terre de Sion2.»
Néanmoins, peu de personnes dans l’Est se portèrent volontaires pour le camp.
Parmi ceux qui dirent oui, il y avait Wilford Woodruff, nouveau converti de vingtsept ans, du Connecticut. Wilford fut impressionné par l’appel passionné de
Parley P. Pratt pour des volontaires, mais il hésitait à partir à cause de ses affaires.
Il écrit dans son journal: «Je parlai de notre situation à frère Parley. Il me dit que
mon devoir était d’essayer de me préparer et d’aller en Sion. En conséquence, je
fis tous mes efforts pour régler mes comptes, arranger mes affaires et me préparer
à me joindre à mes frères pour aller au Missouri3.» Le 25 avril, Wilford logeait chez
Joseph Smith à Kirtland et contribuait à en préparer d’autres pour le camp.
Le 21 avril, Hyrum Smith et Lyman Wight quittèrent Kirtland et se rendirent
dans le nord-ouest pour aller à la recherche d’autres recrues. Ils devaient conduire
Wilford Woodruff (1807-98) fut un étudiant
avide des Ecritures, missionnaire, apôtre,
historien de l’Eglise et président de l’Eglise.
ceux qui se joindraient à eux pour qu’ils rejoignent le groupe de Joseph à la Salt
River dans l’est du Missouri. Ils rendirent visite aux branches de l’Eglise du nord
de l’Ohio, du Michigan et de l’Illinois et finirent par recruter plus de vingt
volontaires, dont plus de la moitié étaient de Pontiac (Michigan). Hosea Stout, qui
joua plus tard un rôle-clef dans l’Eglise, n’était pas encore devenu membre en 1834
lorsque Hyrum et Lyman se rendirent dans sa ville natale au Michigan. Il écrivit
plus tard: «L’effet de leur prédication fut puissant sur moi, et lorsque je me dis
qu’ils s’en allaient en Sion pour combattre leur héritage perdu sur directive de
Dieu, j’eus toutes les peines du monde à m’empêcher de partir4.»
Les efforts de recrutement à Kirtland furent moins décevants. Beaucoup de
détenteurs de prêtrise valides de cette localité se portèrent volontaires pour
marcher vers Sion. Brigham Young, trente-deux ans, s’avança et essaya de
convaincre son frère aîné, Joseph, de l’accompagner. Joseph Smith déclara aux
deux frères: «Frère Brigham et frère Joseph, je vous promets, au nom du ToutPuissant, que si vous voulez m’accompagner dans le camp jusqu’au Missouri et
suivez mes instructions, je vous y conduirai et vous en ramènerai et qu’il ne sera
pas fait mal à un seul cheveu de votre tête.» En entendant cela, Joseph Young
accepta de participer, et les trois hommes se serrèrent la main pour confirmer
Hosea Stout (1810-89) devint membre de
l’Eglise en 1838 tandis qu’il habitait à Far
West (Missouri). Il fut instituteur, officier dans
la Légion de Nauvoo, chef de la police de
Nauvoo, soixante-dix, homme de loi,
missionnaire et colonisateur.
cette promesse5.
Beaucoup d’hommes du camp de Sion laissèrent leur famille avec peu ou pas
d’argent et aucune source de revenus. Pour empêcher des épreuves excessives, les
membres de l’Eglise créèrent des potagers pour que les femmes et les enfants
puissent récolter du maïs et d’autres produits pendant l’absence de l’armée. Les
volontaires rassemblèrent aussi du ravitaillement et des attelages pour leur
voyage, ainsi que des vêtements, de la literie, de la nourriture et des armes pour
les saints du Missouri. Quelques anciens, notamment Oliver Cowdery et Sidney
Rigdon, restèrent sur place pour superviser la construction en cours du temple et
diriger les autres affaires de l’Eglise à Kirtland.
144
LE CAMP DE SION
MARCHE
VERS
SION
Le 1 mai, jour décidé pour commencer la marche longue de seize cents
kilomètres, vingt personnes seulement étaient prêtes à partir. Joseph Smith les
envoya quatre-vingts kilomètres plus au sud à New Portage, où ils devaient
attendre que les autres les rejoignent. Le dimanche 4 mai, plus de quatre-vingts
volontaires s’assemblèrent à Kirtland. Presque tous étaient des jeunes gens.
Certains avaient peur de ce qui les attendait. Heber C. Kimball dit: «Je pris congé
de ma femme, de mes enfants et de mes amis, ne sachant pas si je les reverrais
dans la chair6.» Ce jour-là, le prophète parla aux saints de Kirtland avant de partir.
George A. Smith écrit: «Il insista auprès d’eux sur la nécessité d’être humbles, de
faire preuve de foi et de patience et de vivre dans l’obéissance aux
commandements du Tout-Puissant . . . Il rendit témoignage de la véracité de
l’oeuvre que Dieu avait révélée par son intermédiaire et promit aux frères que s’ils
vivaient tous comme ils le devaient devant le Seigneur, gardant ses
commandements . . . ils reviendraient tous sains et saufs7.»
Le lendemain Joseph Smith assuma son rôle de commandant en chef de l’armée.
Les quatre-vingts hommes rejoignirent les vingt frères le mardi 6 mai 1834, en fin
de soirée, à New Portage. Le prophète y organisa le camp. Il le divisa en
compagnies de dix et de cinquante et chargea chaque groupe d’élire un capitaine
qui devait fixer à chaque homme ses responsabilités. Joseph Holbrook, une des
recrues, signale que le camp fut organisé «selon l’ordre ancien d’Israël8». Les
hommes mirent également leur argent en commun dans un fonds général qui fut
géré par Frederick G. Williams, deuxième conseiller dans la Première Présidence,
qui fut nommé trésorier. L’âge moyen des recrues était vingt-neuf ans, l’âge de leur
dirigeant, Joseph Smith. George A. Smith, cousin du prophète, était, à l’âge de
seize ans, le cadet, et Samuel Baker, à soixante-dix neuf ans, était l’aîné.
Le 8 mai, l’armée d’Israël reprit sa longue marche vers l’Ouest. Pendant tout son
voyage, le camp fut graduellement fortifié par des volontaires, des armes, des
provisions et de l’argent supplémentaires. Des officiers continuèrent à recruter de
l’aide auprès des saints des derniers jours vivant en Ohio, en Indiana et en Illinois.
Lorsque le camp de Sion traversa le fleuve Mississippi pour entrer dans le
Missouri, il s’élevait à 185 personnes. Le 8 juin, à la Salt River, au Missouri, où
Joseph Smith avait pris ses dispositions pour rencontrer la compagnie de Hyrum
Smith, l’armée atteignit sa force numérique maximale: 207 hommes, 11 femmes, 11
enfants et 25 chariots de bagages.
A beaucoup d’égards, la routine quotidienne du camp de Sion ressemblait à celle
d’autres armées. La plupart des hommes valides marchaient à côté des chariots
lourdement chargés le long des pistes boueuses et poussiéreuses. Beaucoup
d’entre eux portaient des sacs à dos et tenaient un fusil. Il n’était pas rare qu’ils
fassent cinquante-cinq kilomètres par jour, en dépit des pieds pleins d’ampoules,
de la chaleur accablante, des pluies violentes, de la forte humidité, de la faim et de
la soif. Des gardes armés étaient postés le soir autour du camp. A quatre heures du
matin, le clairon réveillait les hommes fatigués à l’aide d’un vieux cor d’harmonie
cabossé. Chaque compagnie se réunissait pour la prière, puis se mettait à travailler
145
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
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Michigan
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Michigan
Kirtland
Indiana
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Jefferson City
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Itinéraire du camp de Sion
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à ses tâches respectives. Certains membres de la compagnie ramassaient du bois
pour le feu, d’autres portaient de l’eau, préparaient le petit déjeuner et
démontaient les tentes. Il fallait graisser les roues de chariot, nourrir et
bouchonner les chevaux avant de les atteler pour le voyage du jour.
Un des problèmes les plus persistants était l’alimentation du camp. Les hommes
étaient souvent obligés de manger des rations restreintes de pain brut, de beurre
rance, de gruau de farine de maïs, de miel fort, de porc cru, de jambon pourri et
de bacon et de fromage infestés de vers. George A. Smith écrit qu’il avait souvent
faim: «J’étais si fatigué, affamé et ensommeillé que je rêvais tout en marchant sur
la route que je voyais un beau cours d’eau à côté d’un endroit agréablement
ombragé et un beau pain et une bouteille de lait posés sur une nappe à côté
de la source9.»
De temps en temps des hommes filtraient de l’eau de marécage pour enlever les
larves de moustiques avant de la boire. Les fermiers locaux fournissaient souvent
le lait et le beurre dans des conditions insalubres qui suscitaient dans le camp la
crainte de maladies bactériennes, de fièvre ou même la mort. Mais Joseph Smith
leur dit que, sauf si on leur disait que le lait était contaminé, ils devaient
consommer «tout ce qu’ils pouvaient obtenir, que ce soit d’amis ou d’ennemis, cela
leur ferait du bien, et personne n’en deviendrait malade; et en dépit du fait qu’[ils
passèrent] dans des régions où beaucoup de personnes et de bétail étaient frappés
par la maladie, ses paroles s’accomplirent10».
Un certain nombre de fois, Joseph Smith enseigna à ceux du camp à conserver
les ressources naturelles et à éviter de tuer. Un après-midi qu’ils se préparaient à
dresser la tente, Joseph et d’autres découvrirent trois serpents à sonnettes. Comme
les hommes se préparaient à les tuer, le prophète dit: «Laissez-les tranquilles, ne
leur faites pas de mal! Comment le serpent perdra-t-il jamais son venin, si les
serviteurs de Dieu ont les mêmes dispositions et continuent à lui faire la guerre?
146
LE CAMP DE SION
Les hommes doivent devenir inoffensifs avant le monde animal.» On porta
prudemment les serpents de l’autre côté d’un ruisseau sur des bâtons, et on leur
rendit la liberté. Joseph instruisit le camp qu’ils devaient s’abstenir de tuer des
animaux si ce n’était pas nécessaire pour éviter de mourir de faim11.
Au contraire de la plupart des armées, le camp de Sion mettait fortement l’accent
sur la spiritualité. Outre les prières de corps, les hommes étaient invités à prier
matin et soir en privé. Le dimanche, le camp se reposait, tenait des réunions et
prenait la Sainte-Cène. Ils avaient souvent l’occasion d’entendre le prophète
enseigner la doctrine du royaume. Ceux qui se trouvaient dans le camp avaient la
foi que le Seigneur les accompagnait. Le prophète écrit: «Dieu était avec nous, et
ses anges nous précédaient, et la foi de notre petite troupe était inébranlable. Nous
savons que les anges étaient nos compagnons, car nous les avons vus12.»
Le 2 juin 1834, l’armée traversa la rivière Illinois à Phillips Ferry. Le prophète et
un petit nombre d’autres longèrent les promontoires et découvrirent un immense
tertre avec des ossements humains dispersés et ce qui semblait être les restes de
trois autels anciens. Un trou fut creusé et on découvrit un grand squelette humain
qui avait une tête de flèche de pierre entre les côtes. Lorsque les frères quittèrent
la colline, le prophète interrogea le Seigneur et apprit par une vision que les restes
appartenaient à un homme appelé Zelph, ancien chef de guerre lamanite, qui fut
tué «pendant les derniers grands combats des Lamanites et des Néphites13».
Le Seigneur bénit aussi le camp de sorte qu’il voyagea sain et sauf dans des
circonstances parfois menaçantes. En cours de route, les membres du camp
essayaient généralement de cacher leur identité et leurs objectifs. De temps en
temps, l’armée semblait plus grande ou plus petite qu’elle n’était en réalité à celui
qui essayait d’en déterminer la force. Près de Dayton, Ohio, une douzaine
d’hommes entrèrent dans le camp et tirèrent la conclusion qu’il y avait six cents
soldats. Lorsque le camp traversa l’Illinois River, le passeur estima qu’il y avait cinq
cents hommes dans la compagnie. Lorsqu’ils rencontrèrent de l’opposition à
Indianapolis, Joseph assura aux frères qu’ils traverseraient la ville sans que
personne ne s’en rende compte. Il les divisa en petits groupes qui se dispersèrent,
prenant des itinéraires différents, et traversèrent la localité sans se faire remarquer.
En dépit des ennemis potentiels, les querelles et les conflits au sein du camp en
devinrent le problème le plus irritant. Plusieurs hommes craignaient des dangers
possibles, certains se plaignaient du changement de leur mode de vie, et un petit
nombre mettait en doute les décisions de leurs dirigeants. Ils marchèrent ensemble
pendant quarante-cinq jours, et les inévitables conflits de personnalité furent
exacerbés par les conditions difficiles dans lesquelles ils se trouvaient. Les
mécontents rendaient souvent Joseph Smith responsable de leur inconfort.
Sylvester Smith (pas apparenté au prophète), un capitaine de groupe à la langue
acerbe, était souvent à la tête de la dissension. Il se plaignait que la nourriture était
mauvaise, que les préparatifs du voyage étaient insuffisants et que le chien de
garde de Joseph l’empêchait de dormir la nuit. Le soir du 17 mai, Joseph fut appelé
pour régler une querelle entre quelques-uns des frères. Il dit qu’il constata un
«esprit rebelle chez Sylvester Smith et, dans une certaine mesure, chez d’autres. [Il]
147
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
»Ecoutez! Ecoutez les trompettes.» C’était
le nom d’une marche que chantaient ceux du
camp de Sion pendant leur voyage vers le
Missouri. De temps en temps Brigham Young
et Joseph Young la chantaient pour le profit
du camp.
leur dit que des malheurs, des difficultés et des obstacles les attendaient, et ajouta:
‹Et vous vous en rendrez compte avant de quitter ce lieu›, les exhortant à
s’humilier devant le Seigneur et à s’unir afin de ne pas être frappés par un fléau14.»
Le lendemain, la prophétie s’accomplissait: presque tous les chevaux étaient
Ecoutez! Ecoutez les trompettes
malades ou éclopés. Le prophète promit que s’ils s’humiliaient et surmontaient
Ecoutez! Ecoutez les trompettes
Ils appellent les volontaires;
Sur le mont de Sion fleuri
Voyez les officiers.
leurs discordes, leurs animaux retrouveraient immédiatement la santé. Dès midi,
Leurs chevaux blancs, leurs armes
éclatantes,
Ils se dressent courageux,
Enrôlant des soldats pour leur Roi,
Pour marcher vers le pays de Sion.
Cela enflamme mon coeur
Que d’être soldat;
Je veux m’enrôler, ceindre mes armes,
Et combattre pour la liberté.
Nous ne voulons pas de lâches dans nos
rangs
Qui marchent sous nos couleurs.
Nous demandons des hommes vaillants
Qui n’ont pas peur de mourir.
Voyez nos armées à la parade,
Comme elles paraissent martiales;
Tous armés et habillés de l’uniforme,
Ils ressemblent à des hommes de guerre.
Ils suivent leur grand Général,
Le grand Agneau éternel,
Ses vêtements tachés de son sang,
Le roi Jésus est son nom.
Les trompettes résonnent, les armées crient,
Elle chassent les armées de l’enfer:
Combien est grand le Dieu que nous
adorons!
Le grand Emmanuel!
Pécheurs, joignez-vous à Jésus-Christ,
Fils éternel de Dieu;
Et marchez avec nous vers le pays de Sion,
Au-delà du grand fleuve.
Là, sur un mont vert et fleuri,
Où poussent des fruits immortels,
Avec des anges tout vêtus de blanc,
Et connaissez notre Rédempteur.
Nous crierons et chanterons à jamais
Dans ce monde éternel;
Tandis que Satan et son armée
Seront précipités en enfer.
Levez la tête, hardis soldats,
La rédemption est proche;
Nous entendrons bientôt sonner la trompette
Qui secoue la terre et le ciel.
Sur des chars de feu, nous nous élèverons,
Et laisserons le monde en feu,
Et tous nous entourerons le trône d’amour,
Et nous joindrons au choeur céleste16.
les chevaux étaient de nouveau en forme, à l’exception de la monture de Sylvester
Smith qui ne tarda pas à mourir.
Des querelles se reproduisirent lorsque Sylvester Smith menaça de tuer le chien
de Joseph. Le 3 juin, Joseph Smith, agacé, se mit sur une roue de chariot et
réprimanda les hommes pour leur manque d’humilité, leurs murmures et leurs
critiques: «Je dis que le Seigneur m’avait révélé qu’un fléau s’abattrait sur le camp
en conséquence de l’esprit de querelle et d’indiscipline qui apparaissait parmi eux,
et qu’ils mourraient comme des moutons attaqués par le piétin; mais s’ils se
repentaient et s’humiliaient devant le Seigneur, le fléau pourrait dans une grande
mesure être détourné; mais que, comme le Seigneur vit, les membres de ce camp
souffriraient pour avoir cédé à leur tempérament indiscipliné15.» Cette sombre
prophétie allait s’accomplir en quelques semaines.
E F F O RT S
P O U R PA RV E N I R À L A PA I X
Les antimormons du comté de Jackson furent informés en juin de l’avance de
l’armée, lorsque le receveur des postes de Chagrin (Ohio) écrivit à son homologue
d’Independence: «Les mormons de cette région organisent une armée pour
rétablir Sion, c’est-à-dire pour la prendre par la force des armes17.» Croyant qu’une
invasion mormone était imminente, des troupes du comté de Jackson
commencèrent à s’entraîner, et des sentinelles furent postées à tous les bacs le long
du fleuve Missouri. Dans un esprit vindicatif, espérant peut-être décourager le
retour des saints, des émeutiers brûlèrent 150 maisons appartenant aux mormons
qui habitaient dans le comté. Les membres du camp de Sion soupçonnèrent que
des espions du Missouri les suivaient depuis des centaines de kilomètres. Un soir,
un Missourien entra dans le camp et jura qu’il savait que leur destination était le
comté de Jackson et qu’ils ne traverseraient jamais le Mississippi vivants.
En même temps, les dirigeants de l’Eglise dans le comté de Clay continuaient à
demander au gouverneur Daniel Dunklin l’assurance qu’il soutiendrait les saints
pour les ramener chez eux, récupérer leurs biens et vivre en paix dans le comté de
Jackson. Le gouverneur reconnut que les saints avaient été lésés en étant chassés
de chez eux, et il chercha à leur faire restituer les armes qui leur avaient été prises
lorsqu’ils avaient été expulsés, au mois de novembre précédent, du comté de
Jackson. En outre, il reconnut qu’une force armée envoyée par l’Etat serait
nécessaire pour ramener les mormons sur leurs terres et les protéger pendant que
les tribunaux trancheraient les questions juridiques en cause.
Une fois que le camp de Sion fut au Missouri, Joseph Smith envoya Orson Hyde
et Parley P. Pratt à Jefferson City, capitale de l’Etat, pour s’assurer que le
gouverneur Dunklin était toujours disposé à honorer sa promesse de ramener les
148
LE CAMP DE SION
saints au comté de Jackson avec l’aide de la milice de l’Etat. L’entretien les déçut
profondément. Dunklin prétendit que s’il envoyait la milice, cela plongerait
probablement l’Etat dans une guerre déclarée. Il conseilla aux frères de renoncer à
leurs droits, de vendre leurs terres et de s’installer ailleurs pour éviter l’effusion du
sang. C’était quelque chose d’inacceptable pour l’Eglise. Le gouverneur leur
conseilla alors de faire appel aux tribunaux, mais les frères se rendirent compte
qu’il savait que ce n’était pas réalisable. Les autorités judiciaires comptaient parmi
les antimormons du comté: c’était donc comme si on les envoyait trouver une
bande de voleurs pour aller en procès afin de récupérer des biens volés18. Parley fut
également convaincu que le gouverneur était un lâche, qui était moralement tenu
de démissionner pour n’avoir pas respecté les obligations de ses fonctions.
Les frères Pratt et Hyde rejoignirent le camp de Sion. Leur rapport dissipa tout
espoir qu’il serait permis aux saints du Missouri de rentrer paisiblement chez eux.
Les frères se rendirent également compte que les antimormons attendaient pour
massacrer tous les mormons qui tenteraient de s’installer dans le comté de
Jackson. Le prophète en appela à Dieu pour être témoin de la justice de la cause
des saints et de la sincérité de leurs voeux. Irrité et contrarié par la décision du
gouverneur, le camp de Sion reprit sa marche.
Entre-temps, le juge John J. Ryland, du comté de Clay, prit des arrangements
pour qu’une réunion eût lieu le 16 juin au tribunal de Liberty. Un comité de
citoyens du comté de Jackson et des représentants des saints du comté de Clay
devaient se rencontrer pour s’efforcer de résoudre le conflit. Une grande foule
houleuse et belliqueuse se rassembla à la réunion. Les non-mormons proposèrent
d’acheter dans les trente jours tous les biens appartenant aux saints dans le comté
de Jackson à des prix déterminés par trois arbitres désintéressés ou que les
mormons fassent de même et achètent tous leurs biens dans la même période de
temps. Cette proposition n’était pas réaliste. Les saints n’avaient pas suffisamment
de fonds pour acheter ne fût-ce qu’une fraction des terres que possédaient les nonmormons, et ils ne pouvaient pas vendre leurs terres en Sion parce que le Seigneur
leur avait commandé de les acheter et de les coloniser. Tout cela, les antimormons
le savaient, bien entendu. Les esprits s’échauffèrent et Samuel Owens,
représentant du comté de Jackson, jura que les Missouriens se battraient pour
chaque pouce de sol plutôt que de laisser les saints revenir.
«Un prêtre baptiste . . . dit: ‹Les mormons ont vécu suffisamment longtemps
dans le comté de Clay; et ils doivent soit déguerpir, soit être expulsés.›
«M. Turnham, qui présidait la réunion, répondit avec sagesse, disant: ‹Soyons
républicains, honorons notre pays et ne lui faisons pas honte comme le comté de
Jackson. Pour l’amour du ciel, ne privez pas les mormons de leurs droits et ne les
chassez pas. Ce sont de meilleurs citoyens que beaucoup parmi les anciens
habitants19.›»
Le comité mormon prépara une déclaration spécifiant que les saints
n’ouvriraient pas les hostilités et promirent de répondre dans la semaine à la
proposition du comté de Jackson. Peu de temps après, les saints préparèrent une
contre-proposition suggérant de laisser un comité neutre déterminer la valeur des
149
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
biens de ceux qui étaient dans le comté de Jackson, qui refusaient de vivre avec les
saints des deniers jours, et que les saints achèteraient ces biens dans l’année. En
outre, les saints promettaient de rester en dehors du comté de Jackson jusqu’à ce
que le paiement fût complètement effectué. Ces négociations se révélèrent
malheureusement vaines.
EVÉNEMENTS
DE LA
FISHING RIVER
A la date du 18 juin, le camp de Sion arrivait à un peu plus d’un kilomètre de
Richmond, siège du comté de Ray. Tandis que l’armée dressait le camp, le
prophète eut la prémonition d’un danger. Il alla dans les bois et pria pour avoir
protection, et il eut l’assurance que le Seigneur les protégerait. Il fit réveiller le
camp au petit matin, et ils partirent sans prière ni petit déjeuner. Tandis qu’ils
traversaient Richmond, une esclave noire dit avec agitation à Luke Johnson: «Il y
a une troupe d’hommes qui est en embuscade ici et qui a l’intention de vous tuer
ce matin pendant que vous passerez.» Ils ne rencontrèrent aucune résistance,
bien qu’ils ne pussent faire que quinze kilomètres, étant ralentis par la rupture de
roues de chariot.
Au lieu d’arriver à leur destination prévue, qui était Liberty, ils campèrent juste
à l’intérieur du territoire du comté de Clay sur une colline située entre deux
branches de la Fishing River. Lorsque Joseph apprit que les émeutiers se
préparaient à attaquer, il s’agenouilla et pria de nouveau pour avoir la protection
divine. Ses craintes furent confirmées lorsque cinq Missouriens armés entrèrent
dans le camp, en proférant des jurons et jurant que les mormons «verraient l’enfer
avant le matin». Ils prétendirent que près de quatre cents hommes, provenant des
comtés de Ray, Lafayette, Clay et Jackson, avaient réuni leurs forces et se
préparaient à ce moment-là à traverser le Missouri à Williams Ferry et à anéantir
les mormons20. Des coups de feu se firent entendre, et certains des hommes
voulurent se battre, mais le prophète promit que le Seigneur les protégerait. Il
déclara: «Tenez-vous là, et vous verrez la délivrance que Dieu vous accordera21.»
Quelques minutes après le départ des Missouriens, un petit nuage noir apparut
dans le ciel clair de l’ouest. Il avança vers l’est, se déroulant comme un rouleau,
remplissant le ciel de ténèbres. Au moment où la premier bac d’émeutiers
traversait le Missouri vers le sud, une bourrasque soudaine mit le bateau presque
dans l’impossibilité de retourner pour aller chercher un autre chargement. La
tempête était si forte que le camp de Sion abandonna ses tentes et s’abrita dans
une vieille église baptiste du voisinage. Lorsqu’il entra, Joseph Smith s’exclama:
«Les gars, il y a une raison à cela. Dieu a sa main dans cette tempête22.» Dormir était
impossible, de sorte que le groupe chanta des cantiques et se reposa sur les bancs
mal équarris. Un membre du camp écrivit: «Pendant ce temps, l’horizon, d’un bout
à l’autre, était totalement illuminé et il y avait des coups de tonnerre terrifiants23.»
Dans un autre endroit, les émeutiers assiégés par les éléments cherchaient tous
les refuges qu’ils pouvaient trouver. La furieuse tempête brisa des branches
d’arbres et détruisit des récoltes. Elle détrempa les munitions des émeutiers et les
rendit inutiles, effraya et dispersa leurs chevaux et fit monter le niveau de la
150
LE CAMP DE SION
Fishing River, ce qui les empêcha d’attaquer le camp de Sion. Le prophète écrit:
«C’était comme si le décret de vengeance avait été lancé par le Dieu des batailles
pour protéger ses serviteurs de la destruction de leurs ennemis24.»
Deux jours plus tard, le 21 juin, le colonel John Sconce et deux collègues de la
milice du comté de Ray se présentèrent au camp de Sion pour s’informer des
intentions des mormons. «Je vois qu’il y a un pouvoir tout-puissant qui protège ce
peuple», reconnut-il25. Le prophète expliqua que le seul but du camp de Sion était
d’aider ses frères à rentrer sur leurs terres et que son intention n’était pas de faire
du mal à qui que ce soit. Il dit:«Les bruits qui circulent à notre sujet sont faux et
inventés par nos ennemis pour provoquer notre destruction26.» Sconce et ses
compagnons furent tellement touchés par le récit des procès injustes et des
souffrances des saints qu’ils promirent d’user de leur influence pour changer les
sentiments à l’égard des mormons.
Le lendemain, 22 juin, Joseph reçut une révélation communiquant le
mécontentement du Seigneur à l’égard des membres de l’Eglise pour leur
désobéissance et leur égoïsme:
Ils «ne donnent pas, comme il convient à des saints, de leurs biens aux pauvres
et aux affligés parmi eux;
«Et ils ne sont pas unis, selon l’union exigée par la loi du royaume céleste»
(D&A 105:3-4).
Cette réprimande s’adressait spécifiquement aux membres des branches qui
étaient lents à donner d’eux-mêmes et de leurs moyens pour la cause de Sion
(voir vv. 7-8). Les saints devaient apprendre leur devoir et acquérir plus
d’expérience avant que Sion ne puisse être rachetée (voir vv. 9-10). Ainsi le
Seigneur dit: «Il me convient que mes anciens attendent pour un peu de temps la
rédemption de Sion» (v. 13). Il promit à ceux qui obéissaient qu’ils recevraient une
dotation d’en haut s’ils restaient fidèles (voir vv. 11-12). Si le camp de Sion ne
réussit pas dans ses objectifs militaires, il réussit à servir les objectifs du Seigneur.
Parlant des hommes du camp, il dit: «J’ai entendu leurs prières et j’accepterai leur
offrande; et il me convient qu’ils soient amenés jusqu’ici pour que leur foi soit mise
à l’épreuve» (v. 19).
Pour un petit nombre de saints le commandement du Seigneur qu’ils ne
devaient pas se battre fut l’épreuve finale de leur foi. Déçus et furieux, ils
apostasièrent. Suite à leur rébellion, le prophète avertit de nouveau le camp que le
Seigneur enverrait un fléau dévastateur sur eux suite à leurs plaintes iniques. La
veille du jour où la révélation fut donnée, deux hommes contractèrent le choléra.
Trois jours plus tard, plusieurs autres étaient touchés par la terrible maladie, qui
était transmise par l’eau contaminée. L’épidémie se répandit, causant de violentes
diarrhées, des vomissements et des crampes. Avant qu’elle ne prît fin, soixantehuit personnes, dont Joseph Smith, furent atteintes de la maladie, et quatorze
membres du camp moururent, parmi lesquels une femme du nom de Betsy
Parrish. Le 2 juillet, Joseph Smith dit au camp que «s’ils s’humiliaient devant le
Seigneur et faisaient alliance de garder ses commandements et d’obéir à ses
instructions, le fléau serait arrêté dès ce moment-là, et il n’y aurait plus de cas de
151
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
choléra parmi eux. Les frères firent alliance dans ce sens, à main levée, et le fléau
fut enrayé27».
LICENCIEMENT
D U C A M P E T R É O R G A N I S AT I O N D E S S A I N T S
Le 25 juin, au plus fort de l’attaque de choléra, Joseph Smith divisa le camp de
Sion en plusieurs petits groupes pour démontrer aux Missouriens les intentions
pacifiques des saints. Dix jours plus tard, un licenciement écrit officiel fut rédigé
pour chaque membre fidèle du camp. Lyman Wight signale que le prophète «dit
qu’il était maintenant disposé à retourner chez lui, qu’il était pleinement
convaincu qu’il avait fait la volonté de Dieu et que le Seigneur avait accepté notre
sacrifice et notre offrande, comme il avait accepté ceux d’Abraham lorsqu’il offrit
son fils Isaac; et, dans sa prière de clôture, demanda à notre Père céleste de nous
donner en bénédiction la vie éternelle et le salut28».
Le camp se dispersa après avoir été licencié par le prophète. Certains restèrent
au Missouri conformément à la révélation de la Fishing River (voir D&A 105:20),
d’autres retournèrent dans le champ de mission, mais la plupart retournèrent
auprès de leurs familles dans l’Est. Ce même jour, le 3 juillet, le prophète organisa
une présidence et un grand conseil au Missouri pour aider l’évêque Edward
Partridge à gérer les affaires de l’Eglise et dans la région. Joseph Smith invita
toutefois les saints du Missouri à ne pas tenir de réunions de l’Eglise afin d’apaiser
les craintes des citoyens locaux.
La vie fut plus facile pour les saints dans le comté de Clay pendant le reste de
1834 et au cours de 1835. Ce fut une période relativement exempte de
persécutions, et les saints connurent une certaine prospérité. La plupart des nonmormons du comté de Clay étaient cordiaux. Mais l’esprit de bonne volonté
commença à changer quand les saints continuèrent à émigrer vers le Missouri en
vue de leur retour dans le comté de Jackson, et lorsque certains membres de
l’Eglise achetèrent du terrain dans le comté de Clay. Malheureusement, un petit
nombre de membres n’avaient pas tiré la leçon des persécutions du comté de
Jackson et ils énervèrent les anciens colons en leur disant que leurs terres
appartiendraient un jour aux saints. Collectivement les membres ne respectèrent
pas les instructions du Seigneur:
«Ne parlez pas de jugements et ne vous vantez pas de votre foi, ni de vos
oeuvres puissantes, mais rassemblez-vous prudemment, aussi nombreux que
possible en une seule région, en harmonie avec les sentiments du peuple.
«Et voici, je vous ferai trouver faveur et grâce à ses yeux, pour que vous vous
reposiez en paix et en sécurité» (D&A 105:24-25).
Joseph Smith et quelques autres dirigeants du camp de Sion rentrèrent à
Kirtland au début d’août, au grand soulagement des saints de Kirtland, qui étaient
inquiets parce qu’ils avaient entendu dire que Joseph Smith avait été tué au
Missouri. Plus tard au cours du mois, un tribunal du grand conseil écouta les
plaintes de Sylvester Smith et d’autres qui étaient toujours aigris à cause du camp
de Sion. Dix hommes qui avaient participé au camp de Sion contestèrent les
accusations de Sylvester Smith et témoignèrent que Joseph Smith n’était pas
152
LE CAMP DE SION
coupable de conduite inconvenante. Après examen des faits, Sylvester reconnut
qu’il était dans l’erreur et s’était mal conduit.
Le camp de Sion n’aida pas les saints du Missouri à retrouver leurs terres et fut
gâché par des dissensions, l’apostasie et une mauvaise publicité, mais un certain
nombre de résultats positifs découlèrent du voyage. En se portant volontaires, les
membres prouvèrent leur foi au Seigneur et en son prophète et leur désir fervent
de se conformer à la révélation moderne. Ils montrèrent qu’ils se préoccupaient
des saints exilés au Missouri en étant disposés à donner leur vie si c’était nécessaire
pour les aider.
Ce dur voyage servit de test pour déterminer qui était digne de remplir des
postes de direction et de confiance et recevoir la dotation dans le temple de
Kirtland. Le prophète expliqua plus tard: «Dieu ne voulait pas que vous vous
battiez. Il ne pouvait pas organiser son royaume avec douze hommes pour ouvrir
la porte de l’Evangile aux nations de la terre, et avec soixante-dix hommes sous
leur direction pour suivre leurs traces, s’il ne les tirait d’un groupe d’hommes qui
avaient offert leur vie et qui avaient fait un sacrifice aussi grand que celui
d’Abraham29.» En février 1935, le Collège des douze apôtres et le premier collège
des soixante-dix furent organisés. Neuf des apôtres originels, les sept présidents
du collège des soixante-dix et les soixante-trois autres membres de ce collège
s’étaient trouvés dans l’armée d’Israël qui avait marché en 1834 vers l’ouest du
Missouri.
Le camp de Sion redressa, dégrossit et raffina spirituellement beaucoup de
serviteurs du Seigneur. Ceux qui obéirent et furent dévoués reçurent une
formation pratique et une expérience spirituelle précieuses qui leur vinrent bien à
point dans les combats ultérieurs pour l’Eglise. Les vicissitudes et les problèmes
rencontrés au cours de ces seize cents kilomètres constituèrent une formation sans
prix pour Brigham Young, Heber C. Kimball et d’autres qui allaient emmener les
saints exilés du Missouri en Illinois et de Nauvoo à travers les plaines jusqu’aux
montagnes Rocheuses. Lorsqu’un sceptique demanda ce qu’il avait retiré de son
voyage, Brigham Young répondit promptement: «Je n’échangerais pas la
connaissance que j’ai reçue au cours de cette période pour tout le comté de
Geauga30.»
NOTES
1. Dans History of the Church, 2:39.
2. History of the Church, 2:48.
3. Journaux de Wilford Woodruff, 11 avril
1834, département d’histoire de l’Eglise, Salt
Lake City.
4. Reed A. Stout, éd., «Autobiography of
Hosea Stout, 1810 to 1835», Utah Historical
Quarterly, 1962, pp. 259-60.
5. «History of Brigham Young», Millennial
Star, 18 juillet 1863, p. 455; ou Elden Jay
Watson, Manuscript History of Brigham Young,
1801-1844, Salt Lake City, Elden Jay Watson,
1968, p. 8.
6. Dans Orson F. Whitney, Life of Heber C.
Kimball, 3e édition, Salt Lake City, Bookcraft,
1967, p. 40.
7. George A. Smith, «Memoirs of George A.
Smith», 4 mai 1834, département d’histoire
de l’Eglise, Salt Lake City, p. 13.
8. Joseph Holbrook, «History of Joseph
Holbrook, 1806-1885», département
d’histoire de l’Eglise, Salt Lake City, p. 15.
9. Smith, «Memoirs of George A. Smith»,
p. 15.
10. History of the Church, 2:66-67.
11. History of the Church, 2:71-72.
153
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
12. History of the Church, 2:73.
13. History of the Church, 2:80.
15. History of the Church, 2:80.
23. Journal de Moses Martin, département
d’histoire de l’Eglise, Salt Lake City, n. p.;
voir aussi, History of the Church, 2:104-5.
16. Sacred Hymns, 1840, pp. 283-85.
24. History of the Church, 2:105.
17. Lettre de J. M. Henderson au receveur
des postes d’Independence, citée dans Pearl
Wilcox, The Latter Day Saints on the Missouri
Frontier, Independence, Mo., Pearl G. Wilcox,
1972, p. 121.
25. Dans History of the Church, 2:106.
14. History of the Church, 2:68.
18. Voir Parley P. Pratt, éd., Autobiography of
Parley P. Pratt, série Classics in Mormon
Literature, Salt Lake City, Deseret Book Co,
1985, p. 94.
19. History of the Church, 2:97-98.
20. Dans History of the Church 2:102-3.
21. «History of Joseph Holbrook», p. 17.
154
22. Wilford Woodruff, dans History of the
Church, 2:104n.
26. History of the Church, 2:106.
27. History of the Church, 2:120.
28. Lyman Wight, dans The History of the
Reorganized Church of Jesus Christ of Latter
Day Saints, Independence, Mo., Herald
Publishing House, 1896, 1:515-16.
29. Joseph Young, History of the Organization
of the Seventies, Salt Lake City, Deseret News,
1878, p. 14; ou History of the Church, 2:182n.
30. Dans Journal of Discourses, 2:10.
CHAPITRE TREIZE
U N E P É R I O D E M E RV E I L L E U S E
K I RT L A N D ,1834-36
Ligne du temps
Date
Evénement important
Août 1834
Retour du camp de Sion
Nov. 1834
Ouverture de l’école des
anciens à Kirtland
5 déc. 1834
Mise à part d’Oliver Cowdery
comme président-adjoint de
l’Eglise
Févr. 1835
Appel du Collège des Douze
et du collège des soixante-dix
28 mars 1835 Réception de la révélation sur
la prêtrise (D&A 107)
Juill. 1835
Achat de momies et de
manuscrits à Michael
Chandler
17 août 1835 Une conférence spéciale
approuve les Doctrine et
Alliances
Novembre
1835
Début des travaux de plâtrage
du temple
Novembre
1835
Publication du recueil de
cantiques d’Emma Smith
21 janv. 1836 Manifestations spirituelles au
temple de Kirtland; notamment
vision du royaume céleste
(D&A 137)
27 mars 1836 Consécration du temple de
Kirtland; déversement spirituel
3 avril 1836
Apparition de Jésus-Christ,
Moïse, Elias et Elie pour
accepter le temple et rétablir
les clefs de la prêtrise
Mai-juin 1836 Baptême de deux futurs
présidents de l’Eglise: John
Taylor et Lorenzo Snow
À
E
N AOÛT 1834, Joseph Smith et la plupart de ses compagnons du camp
de Sion étaient rentrés chez eux. La tentative d’aide aux saints du Missouri
terminée, les membres d’Ohio consacrèrent de nouveau leur attention à
l’édification du royaume de Dieu dans leur propre région. Les deux années qui
suivirent le retour du camp de Sion furent une époque de paix relative pour ces
saints d’Ohio. Cette période vit un certain nombre d’événements importants,
ayant des conséquences à très long terme, qui affectèrent l’organisation de l’Eglise,
la doctrine, les Ecritures et l’activité au temple.
NOUVELLE
E X T E N S I O N D E L’ O R G A N I S AT I O N D E L’E G L I S E
Le 5 décembre 1834, Joseph Smith ordonna Oliver Cowdery comme présidentadjoint de l’Eglise1. Celui-ci était avec le prophète lorsque les Prêtrises d’Aaron et
de Melchisédek avaient été rétablies. Lorsque l’Eglise de Jésus-Christ fut organisée
en 1830, Oliver, en sa qualité de «deuxième ancien» était second en autorité par
rapport à Joseph (voir Joseph Smith, Histoire, versets 68-73; D&A 110)2. Ainsi,
chaque fois qu’une autorité ou des clefs de la prêtrise étaient rétablies, Oliver était
avec le prophète Joseph. «Il fallait, selon la loi divine des témoins que Joseph Smith
eût un compagnon détenant ces clefs3.» Oliver Cowdery n’avait pas seulement
aidé Joseph Smith à présider l’Eglise, mais il allait aussi être aux côtés du prophète
comme deuxième témoin du Rétablissement. En 1838, Oliver Cowdery perdit son
office de président-adjoint pour cause d’apostasie et d’excommunication, mais en
1841, le Seigneur appela Hyrum Smith à remplir cet office (voir D&A 124:94-96). Le
président et le président-adjoint ou les premier et deuxième témoins, allaient
sceller leur témoignage de leur sang à la prison de Carthage.
Un des événements les plus importants du rétablissement de l’Eglise du
Sauveur fut la formation du Collège des douze apôtres. Avant même
l’organisation de l’Eglise, les membres attendaient cette étape importante. Joseph
Smith et Oliver Cowdery avaient reçu l’autorité de l’apostolat (voir D&A 20:2-3)
probablement dès 1829. Au cours de cette même année, une révélation commanda
à Oliver Cowdery et à David Whitmer de rechercher les Douze qui seraient
«appelés à aller dans le monde entier prêcher [l’Evangile du Christ] à toute la
création» (D&A 18:28). Plus tard, Martin Harris fut également appelé à aider à ce
choix. Cela voulait dire que les trois témoins du Livre de Mormon, sous la
direction et avec le consentement de la Première Présidence, allaient choisir les
douze apôtres qui devaient être les témoins spéciaux du Sauveur dans notre
dispensation. Joseph Smith invita les vétérans du camp de Sion et d’autres à
155
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
assister à une conférence spécifique le samedi 14 février 1835. Le procès-verbal de
la réunion nous dit ce qui se produisit:
«Il fit alors le récit de certains événements qui se produisirent pendant que nous
étions en route pour Sion, nos épreuves, nos souffrances, et dit que Dieu n’avait
pas laissé tout cela se produire pour rien, mais qu’il s’en souvenait encore; et la
volonté de Dieu était que ceux qui se rendaient en Sion, décidés à donner leur vie,
si nécessaire, fussent ordonnés au ministère et s’en allassent tailler la vigne pour la
dernière fois, ou en vue de la venue du Seigneur, qui était proche . . .
« . . . Même les plus petits et les plus faibles parmi nous seront puissants, et de
grandes choses seront accomplies par vous à partir de cette heure; et vous
commencerez à sentir les chuchotements de l’Esprit de Dieu, et l’oeuvre de Dieu
commencera à aller de l’avant à partir de maintenant; et vous serez dotés de la
force d’en haut.» Après le discours du prophète, la réunion fut suspendue pendant
une heure. Lorsqu’elle reprit, les trois témoins prièrent et furent bénis par la
Première Présidence. Ils se mirent alors ensuite en devoir de choisir les douze
apôtres4. Comme ils étaient tous appelés en même temps, l’ancienneté des apôtres
dans le collège fut fixée en fonction de leur âge.
LES
D O U Z E A P Ô T R E S O R I G I N A U X D E N O T R E D I S P E N S AT I O N
Une semaine après leur choix, les Douze reçurent d’Oliver Cowdery une
mission apostolique similaire à celle que le Sauveur avait donnée aux apôtres du
Nouveau Testament (voir Matthieu 10; 28:19-20; Actes 1:8). Il les avertit qu’ils
devraient affronter des difficultés sans précédent.
«Vous devrez combattre tous les préjugés de tous les peuples.
«Il y eut ensuite la révélation [D&A 18] . . .
« . . . Je vous avertis donc que vous devez cultiver une grande humilité, car je
connais l’orgueil du coeur humain. Prenez garde que les flatteurs du monde vous
Ancienneté dans le premier
Collège des Douze
enorgueillissent; prenez garde que vos désirs ne se portent sur des objets profanes.
Que votre ministère vienne au premier plan . . .
Nom
Age au moment
de l’appel
Thomas B. Marsh*
35
David W. Patten
35
« . . . Vous devez porter ce message à ceux qui se considèrent sages; et ceux-là
Brigham Young
33
risquent de vous persécuter, ils risquent de chercher à vous ôter la vie. L’Adversaire
Heber C. Kimball
33
Orson Hyde
30
a toujours cherché à ôter la vie aux serviteurs de Dieu; vous devez par conséquent
William E. McLellin
29
être prêts en tout temps à sacrifier votre vie si Dieu l’exigeait pour l’avancement et
Parley P. Pratt
27
l’édification de sa cause . . .
Luke S. Johnson
27
William B. Smith
23
Orson Pratt
23
John F. Boynton
23
vos frères, selon la teneur et l’intention de la mission que vous avez reçue?›
Lyman E. Johnson
23
Chacun répondit par l’affirmative5.»
* Thomas était dans sa trente-cinquième
année, mais il n’eut trente-cinq ans que le
1er novembre 1835. A ce moment-là, David
Patten ne connaissait pas son âge; mais des
documents ultérieurs montrent qu’il était en
réalité plus âgé que Thomas, étant né le 14
novembre 1799.
156
« . . . Il est nécessaire que vous receviez personnellement le témoignage du ciel
de manière à pouvoir témoigner de la vérité . . .
«Il leur prit ensuite la main à chacun et dit: ‹Prenez-vous part de tout votre coeur
à ce ministère, pour proclamer l’Evangile en toute diligence, avec ceux-ci qui sont
Quinze jours plus tard, lors d’une conférence, le prophète organisa un autre
collège clef de la prêtrise, les soixante-dix, parmi ceux qui s’étaient trouvés dans le
camp de Sion (voir D&A 107:93). Parce qu’il fallait adapter leur structure à leur rôle
spécifique de collège «voyageur» ayant la responsabilité de prêcher l’Evangile
UNE PÉRIODE MERVEILLEUSE À KIRTLAND,1834-36
dans le monde entier, ils furent mis sous la présidence de sept présidents. Ceci était
conforme à une vision de l’organisation de l’Eglise donnée au prophète6. Joseph
Young, Hazen Aldrich, Levi Hancock, Leonard Rich, Zebedee Coltrin, Lyman
Sherman et Sylvester Smith furent les premiers présidents de ce collège.
Un mois plus tard, le Seigneur révéla d’autres informations supplémentaires
concernant la prêtrise et le gouvernement de l’Eglise. Les Douze, qui se
préparaient à partir en mission, avaient le sentiment qu’ils n’avaient pas
pleinement accepté la lourde responsabilité de leur appel. Dans l’esprit de
repentir, ils supplièrent le prophète de demander au Seigneur de nouvelles
directives. En réponse, le Seigneur instruisit les Douze et les soixante-dix de leurs
responsabilités respectives. Les Douze devaient être «témoins spéciaux du nom du
Christ» et agir sous la direction de la Première Présidence pour «édifier l’Eglise et
en régler toutes les affaires dans toutes les nations» (D&A 107:23, 33). Les soixantedix devaient agir sous la direction des Douze pour accomplir le même objectif.
Avec la Première Présidence, ces collèges constituaient les conseils présidents de
l’Eglise. La révélation décrivait aussi les devoirs de ceux qui président les divers
collèges de la prêtrise et terminait par l’exhortation:
«C’est pourquoi, que dès à présent, chacun s’informe diligemment de son
devoir et apprenne à agir dans l’office auquel il est nommé.
«Le paresseux ne sera pas considéré comme digne de conserver sa charge»
(D&A 107:99-100). Conformément aux instructions données dans la révélation, les
premiers collèges de la Prêtrise d’Aaron furent créés en 1835 à Kirtland. Ils étaient
constitués d’hommes mûrs. Il n’y avait pas d’âge précisé pour avancer les
candidats dignes d’un office à l’autre7.
A la lumière des instructions de Doctrine et Alliances 107, les grands conseils de
pieu «permanents» jouèrent un rôle de plus en plus important au milieu des
années 1830, particulièrement en leur qualité de tribunaux de l’Eglise. Des
questions ne tardèrent pas à surgir concernant le statut et la juridiction des grands
conseils et des Douze, qui étaient qualifiés de «grand conseil président voyageur»
(D&A 107:33). Le prophète répondit que l’autorité des grands conseils permanents
se limitait aux pieux, tandis que les Douze avaient juridiction sur l’Eglise au
dehors8. Cela ajouta la question supplémentaire relative à la juridiction des Douze
dans les questions locales. Le prophète leur assura que du fait qu’ils venaient
directement après la Première Présidence en autorité, ils n’étaient soumis à aucun
autre groupe constitué. En pensant plus tard à ces mois de discussion, Brigham
Young devait les considérer comme un moment d’épreuve où les Douze devaient
prouver qu’ils étaient disposés «‹à être les serviteurs de tous pour l’amour du
Christ . . . › Cela était nécessaire, selon Young, car seuls ‹les vrais serviteurs›
peuvent recevoir cette capacité9».
E F F O RT
P O U R FA I R E C O N N A Î T R E L’E VA N G I L E
L’organisation du prosélytisme avait été temporairement interrompue pendant
l’été 1834 par le camp de Sion. Mais au cours de l’automne, l’oeuvre missionnaire
reprit, les dirigeants de l’Eglise appelant de plus en plus d’hommes à faire une
157
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
mission. Certains d’entre eux ne restèrent que quelques semaines dans les
localités voisines. D’autres consacrèrent des périodes plus longues à proclamer
l’Evangile dans des endroits lointains. Beaucoup de missionnaires firent plus d’une
mission, quittant souvent le foyer à un moment qui, personnellement, ne leur
convenait pas. En 1836, William W. Phelps écrivit: «Les anciens ne cessent d’aller
et de venir10.»
Certificat missionnaire d’Edward Partridge
et d’Isaac Morley
Les missions officielles furent complétées par les efforts de convertis
enthousiastes vivement désireux de faire connaître le trésor qu’ils venaient de
découvrir à leur famille et à leurs amis. Caroline Crosby, nouvelle convertie,
s’exclame: «Combien de fois, en écoutant la voix du prophète, n’ai-je pas souhaité:
Si seulement mes amis, mes parents, mes frères et soeurs pouvaient entendre les
choses que j’ai entendues et leur coeur s’en réjouir, comme le mien11.»
Beaucoup de dirigeants de l’Eglise remplissaient aussi un service missionnaire.
Joseph Smith se rendit au Michigan en 1834 et 1835. Mais l’effort le plus important
fut sans doute la mission de cinq mois faite par le Collège des Douze dans l’Est en
1835. De mai à septembre, ils parcoururent des centaines de kilomètres à travers
l’Etat de New York, la Nouvelle-Angleterre et le Canada. Outre qu’ils avaient une
activité missionnaire et réglaient et fortifiaient les assemblées locales, leur tâche
consistait à rassembler des fonds pour la construction du temple, pour l’achat de
terres en Sion et pour les travaux d’impression de l’Eglise. Voyageant sans bourse
158
UNE PÉRIODE MERVEILLEUSE À KIRTLAND,1834-36
ni sac, ils connurent des problèmes typiques: persécution, rejet, fatigue et faim;
mais à une grande réunion, ils comptèrent 144 véhicules et estimèrent que deux à
trois mille personnes étaient présentes.
Cette mission est importante dans l’histoire de l’Eglise parce que c’est la seule
fois où les douze membres du Collège entreprirent une mission ensemble. A leur
retour à Kirtland, Heber C. Kimball rapporta qu’ils avaient senti la puissance de
Dieu et avaient pu guérir des malades et chasser des démons12. Au cours de cette
même saison, le collège des soixante-dix remplit également des missions, en
particulier dans les Etats de l’Est.
Au milieu des années 1830, beaucoup de dirigeants de l’Eglise firent aussi des
missions personnelles. La mission de Parley P. Pratt au Canada en est un exemple
notable. En avril 1836, Heber C. Kimball le bénit et prophétisa qu’il irait à Toronto
et que là il trouverait un peuple préparé à la plénitude de l’Evangile. «Et il te
recevra . . . et l’Evangile se répandra de là dans les régions environnantes . . . ; et à
partir des choses qui découleront de cette mission, la plénitude de l’Evangile se
répandra en Angleterre et permettra qu’une grande oeuvre soit accomplie dans ce
pays13.» Tandis que Parley était à Hamilton, en route pour Toronto, un inconnu lui
remit une lettre d’introduction pour John Taylor, prédicateur méthodiste laïque à
Toronto. Taylor faisait partie d’un groupe qui croyait que les Eglises existantes ne
correspondaient pas au christianisme du Nouveau Testament. Depuis deux ans, ce
groupe se réunissait plusieurs fois par semaine dans le «but de rechercher la vérité,
indépendamment de toute religion organisée». A Toronto, frère Pratt fut reçu avec
courtoisie par les Taylor, mais ceux-ci, au début, ne furent pas enthousiasmés par
son message14.
Découragé de ne pouvoir trouver un endroit pour prêcher, Parley décida de
quitter Toronto. Avant de partir, il passa chez les Taylor pour aller chercher une
partie de ses bagages et dire au revoir. Tandis qu’il était chez eux, Leonora Taylor
parla à son amie, Isabella Walton, du problème de Parley et dit qu’elle regrettait
John Taylor (1808-87) naquit en Angleterre
puis émigra au Canada où il fut converti à
l’Evangile. Parmi ses nombreux travaux, il faut
citer celui d’éditeur, de missionnaire, d’apôtre
et de président de l’Eglise.
qu’il s’en aille. «C’est peut-être un homme de Dieu», dit-elle. Mme Walton
répondit que l’Esprit l’avait poussée à rendre visite ce matin aux Taylor parce
qu’elle était disposée à laisser frère Pratt loger chez elle et prêcher. Il le fit et fut
finalement invité à assister à une réunion du groupe de John Taylor, dans lequel
John lut le récit de Philippe, dans le Nouveau Testament, prêchant en Samarie.
«Alors, dit-il, où est notre Philippe? Où est la parole pour que nous la recevions
avec joie et notre baptême quand nous avons cru? Où sont notre Pierre et notre
Jean? Nos apôtres? Où est notre Saint-Esprit par l’imposition des mains15? . . . »
Lorsqu’il fut invité à parler, Parley déclara qu’il avait la réponse aux questions de
John Taylor.
Pendant trois semaines, John Taylor assista aux réunions de frère Pratt, prenant
des notes détaillées de ses sermons et les comparant soigneusement aux Ecritures.
Peu à peu, il devint convaincu que le véritable Evangile de Jésus-Christ était
rétabli. Sa femme Leonora et lui furent baptisés le 9 mai 1836. Peu de temps plus
tard, John Taylor fut ordonné ancien et devint un missionnaire actif. L’oeuvre se
répandit si vite qu’Orson Hyde fut envoyé de Kirtland aider Parley, tandis
159
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
qu’Orson Pratt et Freeman Nickerson, qui étaient déjà au Canada, rejoignaient
Parley à Toronto. Quand les missionnaires quittèrent Toronto, John Taylor fut mis
à part pour présider les assemblées que ces anciens avaient créées.
La famille Fielding, qui devint également importante dans l’histoire de l’Eglise,
faisait partie de cette moisson canadienne. Mary Fielding épousa Hyrum Smith et
devint mère du sixième et grand-mère du dixième président de l’Eglise: Joseph F.
Smith et Joseph Fielding Smith respectivement. Un an après son baptême, Joseph,
frère de Marie, se joignit aux premiers missionnaires envoyés en Grande-Bretagne
et joua un rôle clef dans le démarrage de l’oeuvre dans ce pays.
Les missionnaires d’autres régions connurent aussi de riches expériences
spirituelles. Wilford Woodruff, par exemple, fut envoyé en 1834 au Missouri à l’âge
de vingt-sept ans. Cet automne-là, il fut ordonné prêtre et envoyé en Arkansas et
au Tennessee pour être l’un des tout premiers missionnaires à apporter l’Evangile
à ces régions. Plus tard dans la vie, il témoigna souvent que «de toute sa vie, il
n’avait jamais connu davantage l’Esprit et la puissance de Dieu que lorsqu’il était
Mary Fielding Smith (1801-52)
prêtre, faisant oeuvre missionnaire dans les Etats du sud16».
Peu à peu des assemblées naquirent dans tout le nord-est, le midwest et le
Canada oriental, et finalement l’Evangile se répandit en Virginie occidentale, au
Kentucky et au Tennessee. Tout d’abord, les groupes locaux furent appelés Eglises,
mais dès 1835, branches était le terme courant. Cette désignation symbolisait la
Certificat d’ancien (recto et verso) de
Wilford Woodruff, signé par Joseph Smith
en 1836
160
UNE PÉRIODE MERVEILLEUSE À KIRTLAND,1834-36
façon dont les membres d’une localité répandaient la bonne nouvelle auprès de
leurs amis vivant dans le voisinage, qui formaient une nouvelle assemblée,
laquelle était littéralement une branche du groupe d’origine. Habituellement
plusieurs branches se rejoignaient pour des conférences périodiques et, en 1835,
les Douze les organisèrent en districts, appelés conférences, chacune ayant des
frontières précises comme les pieux modernes17.
EVÉNEMENTS
NOUVEAUX DANS LE DOMAINE DES
ECRITURES
Dans une tombe située sur la rive occidentale du Nil, en face de l’antique ville
égyptienne de Thèbes (appelée maintenant Louxor), Antonio Lebolo, explorateur
francophone du Piémont (région du nord-ouest de l’Italie), découvrit plusieurs
momies et avec elles des rouleaux de papyrus. Après sa mort en 1830, les momies
et les papyrus furent envoyés aux Etats-Unis, où Michael H. Chandler, qui se disait
être le neveu de Lebolo, entra en leur possession en 1833. En 1835, Chandler
exposa son trésor archéologique dans plusieurs villes de l’Est.
Lorsqu’il arriva à Kirtland, à la fin de juin, les saints manifestèrent beaucoup
d’intérêt pour les momies et les papyrus. Chandler avait entendu dire que Joseph
Smith prétendait pouvoir traduire les documents anciens. Il lui demanda s’il
pouvait traduire les papyrus. Orson Pratt écrit: «Le prophète les prit, se rendit
dans sa chambre et interrogea le Seigneur à leur sujet. Le Seigneur lui dit que
c’étaient des annales sacrées» et révéla la traduction de quelques-uns des
caractères. Chandler avait précédemment envoyé quelques caractères des
documents à des savants pour déterminer leur signification probable. En recevant
la traduction du prophète, il fournit un témoignage signé disant qu’elle
correspondait dans les moindres détails à celle des savants18.
Considérablement intéressés par leur contenu, les saints achetèrent les momies
et les papyrus pour deux mille quatre cents dollars. Joseph se mit immédiatement
à travailler sur les papyrus et découvrit qu’ils contenaient les écrits d’Abraham et
ceux de Joseph vendu en Egypte. «Nous pouvons vraiment dire que le Seigneur
commence à révéler l’abondance de la paix et de la vérité19.» Pendant le reste du
temps qu’il passa à Kirtland, il conserva un intérêt actif pour le travail sur ces écrits
antiques. Toutefois, le résultat de ses efforts, le livre d’Abraham, ne fut imprimé
qu’en 1842, après que d’autres traductions eurent été terminées à Nauvoo. En
février 1843, le prophète promit de fournir davantage de la traduction du livre
d’Abraham, mais son calendrier surchargé ne lui laissa pas le temps de terminer
l’oeuvre avant d’être assassiné.
En 1835, un autre ouvrage canonique de l’Eglise fut publié. Les persécutions du
Missouri avaient empêché la publication du Livre des Commandements en 1833.
Des mesures furent prises en Ohio pour publier une compilation augmentée des
révélations. En septembre 1834, la Première Présidence fut chargée de choisir les
révélations que l’on allait publier, et le prophète en révisa quelques-unes pour
Page de titre de l’édition 1835 des
Doctrine et Alliances
corriger des erreurs d’impression et ajouter des informations révélées depuis 1833.
Le travail du comité fut terminé l’été suivant, et une assemblée solennelle fut
161
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
convoquée le 17 août 1835 pour voter sur le nouvel ouvrage d’Ecritures qui allait
être appelé les Doctrine et Alliances.
Le titre du livre désignait ses deux grandes divisions. La première partie,
appelée «Doctrine» contenait sept discours sur la foi prononcés l’hiver précédent
à
l’école
des
anciens.
La
deuxième
section,
intitulée
«Alliances
et
commandements», comprenait quarante-cinq révélations outre celles qui se
trouvaient dans le Livre des Commandements20. La préface du volume soulignait
les différences entre les discours théologiques et les révélations du Seigneur21. La
distinction devint la base d’une décision prise en 1921 de publier les révélations
sans les Discours sur la foi pour éviter de créer une confusion chez les lecteurs à
propos du statut des discours.
VIE
QUOTIDIENNE À
K I RT L A N D
Au milieu des années 1830, Kirtland devint de plus en plus une localité de saints
des derniers jours. L’effectif des non membres de l’Eglise y resta relativement
constant, soit environ douze à treize cents, mais le nombre de saints tripla presque,
passant de près de cinq cents à environ quinze cents entre 1834 et 1837. Ainsi,
l’Eglise et ses activités exercèrent peu à peu une plus grande influence sur la vie
de la localité. Cela provoqua parfois des tensions entre les deux groupes
d’habitants idéologiquement différents22.
Si la plupart des saints étaient reconnaissants de voir se produire des
événements aussi capitaux que l’appel de douze apôtres et la publication des
Doctrine et Alliances, leur vie quotidienne était centrée sur la nécessité de gagner
leur vie à la ferme ou en ville. En dépit de longues heures de dur travail physique,
les saints trouvaient le temps de se distraire, de s’instruire et d’adorer Dieu.
Bien que le temps pour les loisirs fût limité, les saints de Kirtland aimaient aller
à la chasse, à la pêche, nager et aller à cheval. Les activités préférées par temps
d’hiver étaient le patinage sur glace et les promenades en traîneau. Les
Livre de comptes du magasin de Newel K.
Whitney (novembre 1836 à 1837)
fréquentations familiales étaient particulièrement importantes pour les saints.
Après une longue journée de travail, parents et enfants passaient souvent la soirée
ensemble à chanter, à jouer, à étudier et à discuter de sujets d’intérêt commun. Les
congés étaient rares et passaient généralement inaperçus. Les journaux de
l’époque mentionnent rarement des activités spéciales de jour de congé, même le
jour de Noël. Une petite sainte des derniers jours fut surprise, au cours d’un
voyage à New York City, d’apprendre que d’autres enfants recevaient la visite du
Père Noël, qui remplissait leurs chaussettes de cadeaux et de bonbons23.
Les saints considéraient l’instruction comme indispensable, et le foyer était le
centre de l’apprentissage. Les précepteurs privés comme Eliza R. Snow, qui vivait
chez Joseph Smith et instruisait ses enfants, étaient courants. De temps en temps,
des instituteurs proposaient leurs services pour des leçons privées dans une
maison ou un bâtiment de la localité.
Après les premiers efforts de l’école des prophètes en 1833, l’école des anciens se
réunit pendant les deux hivers suivants, lorsque les hommes n’étaient pas aussi
occupés aux travaux de la ferme ou au rôle missionnaire. Ils se réunissaient dans
162
UNE PÉRIODE MERVEILLEUSE À KIRTLAND,1834-36
une salle de neuf mètres sur douze au rez-de-chaussée de l’imprimerie, juste à
l’ouest du temple. Son but était de préparer des hommes qui étaient sur le point
de partir en mission ou de servir à d’autres appels de l’Eglise. Le programme des
cours consistait en grammaire anglaise, écriture, philosophie, gouvernement,
littérature, géographie et histoire ancienne ainsi que moderne. Mais c’est sur la
théologie que l’accent était mis.
Une conséquence importante de l’école des anciens fut une école hébraïque qui
exista de janvier à avril 1836 sous la direction d’un jeune professeur d’hébreu,
Joshua Seixas. On lui fit un contrat de 320$ pour instruire quarante élèves pendant
sept semaines. L’intérêt était plus grand que prévu, de sorte que l’on organisa deux
cours supplémentaires. Après le départ de Seixas, l’intérêt pour l’hébreu se
maintint. William W. Phelps, par exemple, discutait souvent de ses traductions de
la Bible hébraïque avec ses amis24. Joseph Smith était particulièrement enthousiaste
pour son étude de l’hébreu. Il déclara: «Mon âme se réjouit de lire la parole du
Seigneur dans la langue originelle25.»
Un jeune non membre de l’Eglise, Lorenzo Snow, de la ville proche de Mantua
(Ohio), suivit les cours de l’école hébraïque. Un jour qu’il était en route pour
Oberlin College, Lorenzo rencontra David W. Patten. Leur conversation s’orienta
Page de titre de la grammaire hébraïque
de Joshua Seixas. Avant d’être employé par
le prophète pour enseigner l’hébreu à
Kirtland, Joshua Seixas avait enseigné
l’hébreu à Oberlin College, où Lorenzo Snow
était un de ses étudiants.
vers la religion, et la sincérité et le témoignage de frère Patten impressionnèrent
profondément Lorenzo. Il fut donc réceptif lorsque sa soeur Eliza, convertie
récente, l’invita à suivre les cours de l’école. Pendant qu’il y était, il fit la
connaissance de Joseph Smith et d’autres dirigeants de l’Eglise et fut baptisé en
juin 1836.
Le culte du jour du sabbat était au centre de la vie des premiers saints des
derniers jours. Beaucoup de gens rassemblaient suffisamment de bois pour le feu
et terminaient leurs autres corvées le samedi pour pouvoir consacrer le dimanche
aux questions spirituelles. Ils se réunissaient dans des maisons et plus tard dans
des écoles pour le service de culte, mais pendant la saison chaude, ils se
rassemblaient en plein air. Les réunions du dimanche étaient simples. La réunion
du matin commençait généralement à dix heures par un cantique et une prière
suivis d’un ou deux sermons. Le service de l’après-midi était du même genre, mais
on y ajoutait habituellement la bénédiction de la Sainte-Cène. A l’occasion, on
procédait à des confirmations et des mariages au cours de ces réunions.
Le premier jeudi de chaque mois était jour de jeûne. Au cours des réunions qui
duraient souvent six heures, les saints chantaient, priaient, rendaient leur
témoignage, décrivant les manifestations divines de leur vie et s’exhortaient
mutuellement à vivre l’Evangile. Eliza R. Snow garda un souvenir attendri de ces
réunions qu’elle considérait comme «sacrées et intéressantes au-delà de tout ce
que le langage peut décrire. Très, très nombreux étaient, en ce temps-là, les
effusions de l’Esprit de Dieu, manifestant les dons de l’Evangile et de guérison, de
prophétie, des langues, d’interprétation des langues, etc.26». Les soirs de semaine
étaient également remplis de réunions de collèges de prêtrise, de services de
prédication ou de réunions au cours desquelles on donnait des bénédictions
patriarcales.
163
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
La musique a toujours joué un rôle important dans le culte des saints. En juillet
1830, une révélation invitait Emma Smith à composer un recueil de cantiques pour
l’Eglise. Ce petit volume parut finalement en 1835. Il contenait les paroles de
quatre-vingt-dix cantiques, trente-quatre écrits par des membres de l’Eglise, qui
rendaient témoignage du Rétablissement. Le reste des cantiques était tiré des
livres de cantiques courants de l’époque. Il n’y avait pas de musique dans le livre.
Les saints chantaient les cantiques sur des airs populaires de l’époque, et souvent
les branches et les choeurs utilisaient des mélodies différentes pour les mêmes
chants. Plusieurs cantiques choisis par Emma Smith, avec l’aide de William W.
Phelps, existent encore dans notre livre de cantiques.
CONSTRUCTION
DE LA MAISON DU
SEIGNEUR
Pendant trois ans environ, les saints de Kirtland consacrèrent leur temps et leur
énergie à la construction du premier temple de notre dispensation. L’entreprise
commença en décembre 1832, quand le Seigneur leur commanda: «Etablissez une
maison qui sera une maison de prière, une maison de jeûne, une maison de foi,
une maison de science, une maison de gloire, une maison d’ordre, une maison de
Dieu» (D&A 88:119). Cinq mois plus tard, le Seigneur réprimanda l’Eglise pour sa
lenteur et l’exhorta à aller de l’avant dans la construction du temple (voir D&A 95).
Les saints se consacrèrent alors fidèlement à la tâche.
Le prophète demanda un jour à une conférence de grands prêtres comment il
fallait construire le temple. Certains étaient en faveur de le construire avec des
rondins. D’autres préféraient une construction en planches. «Mes frères, dit-il,
allons-nous construire une maison pour notre Dieu avec des rondins? Non, j’ai un
Publié avec la permission du ministère de l'intérieur des Etats-Unis d'Amérique
Dessins d’architecte du temple de Kirtland
164
UNE PÉRIODE MERVEILLEUSE À KIRTLAND,1834-36
meilleur plan que cela. J’ai un plan de la maison du Seigneur, donné par lui-même;
et vous allez bientôt voir à cela la différence entre nos calculs et sa conception des
choses27.›» Truman O. Angell, un des superviseurs de la construction, témoigna
que la promesse du Seigneur de montrer au prophète la conception du bâtiment
s’accomplit littéralement. Il dit que quand la Première Présidence se mit à genoux
pour prier, «le bâtiment apparut à portée de regard». Plus tard, tandis qu’il parlait
dans le temple terminé, Frederick G. Williams dit que la salle dans laquelle ils
se réunissaient correspondait à tous points de vue à la vision qui leur avait
été donnée28.
L’extérieur du temple ressemblait à une église typique de la NouvelleAngleterre, mais son intérieur était unique. Le Seigneur avait spécifié que le
bâtiment devait comporter deux grandes salles, l’une au-dessus de l’autre,
chacune mesurant seize mètres cinquante sur dix-neuf mètres cinquante. La salle
inférieure allait être la salle de Sainte-Cène, où on allait prier, prêcher et bénir
la Sainte-Cène. La salle supérieure allait servir à des desseins éducatifs (voir
D&A 95:8, 13-17).
La construction du temple commença le 6 juin 1833. En réponse à l’exhortation
du Seigneur, un comité reçut pour tâche de fournir les matériaux nécessaires à
l’ouvrage. On trouva une carrière de pierre à trois kilomètres au sud du chantier,
et l’on alla immédiatement en extraire un chariot de pierres. Hyrum Smith et
Reynolds Cahoon se mirent à creuser une tranchée pour la fondation. Mais les
saints étaient si pauvres, rappelle un des premiers membres, que «il était
impossible de trouver un râcloir et quasiment impossible de trouver une charrue
parmi les saints29». Néanmoins, «l’unité, l’entente et la charité abondaient pour
[les] fortifier» afin d’accomplir le commandement de construire le temple30.
Le 23 juillet 1833, les pierres angulaires furent posées «selon l’ordre de la
sainte prêtrise31».
Presque tous les hommes valides qui n’étaient pas partis en mission travaillèrent
sur le chantier du temple. Joseph Smith remplit le rôle de contremaître à la
carrière. Le samedi, les hommes amenaient des attelages et des chariots et
transportaient suffisamment de roches taillées au chantier pour occuper les
maçons pendant la semaine suivante. Sous la direction d’Emma Smith, les femmes
«firent des bas, des pantalons et des vestes» pour les ouvriers du temple. Heber C.
Kimball raconte: «Nos épouses étaient constamment occupées à tricoter, à filer et
à coudre . . . Elles étaient aussi occupées que n’importe lequel d’entre nous32.»
Les travaux du temple ne se firent pas sans difficultés. Des émeutiers
menaçaient de détruire le temple, et ceux qui y travaillaient le jour le gardaient la
nuit. Pendant des semaines, nuit après nuit, dit Heber C. Kimball, “il ne nous fut
pas permis d’enlever nos vêtements, et nous fûmes obligés de dormir avec nos
mousquets dans les bras33”. Comme l’Eglise était constamment en détresse
financière au cours de cette période, les saints des Etats-Unis et du Canada furent
invités à verser des dons, et beaucoup le firent au prix de grands sacrifices
personnels. Vienna Jaques fut une des premières à donner, offrant une grande
partie de ses biens matériels. John Tanner fit un emprunt d’argent pour payer
165
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Certificat autorisant la demande de fonds
pour le temple de Kirtland
l’emplacement du temple, puis vendit ses huit cent quatre-vingt-dix hectares de
ferme dans l’Etat de New York pour donner trois mille dollars pour acheter des
matériaux. Il continua à donner jusqu’à ce qu’il eût fait don de presque tout ce
qu’il possédait34.
Le camp de Sion interrompit aussi les travaux pendant l’été 1834, étant donné
que peu d’ouvriers étaient disponibles et que les fonds étaient détournés pour
aider les saints du Missouri dans la détresse. Lorsque les frères revinrent du camp
de Sion, les travaux avancèrent plus rapidement. Cet automne-là, Joseph Smith
écrivit: «On fit de gros efforts pour accélérer les travaux sur la maison du Seigneur,
et en dépit du fait qu’elle commença à un moment où on ne disposait quasiment
d’aucun moyen, la voie s’ouvrit en cours de travaux, et les saints se réjouirent35.»
Les murs avaient environ un mètre vingt de hauteur à l’automne 1834 mais
montèrent vite au cours de l’hiver. Dès novembre 1835, le stucage extérieur
commençait; on mélangea de la verrerie au stuc pour rendre les murs scintillants.
Sous la direction de Brigham Young, l’intérieur fut terminé au cours de février
1836. Les soeurs firent les rideaux et les tapis.
UNE
PÉRIODE DE
PENTECÔTE
Outre leurs gros efforts personnels, les saints dépensèrent de quarante à
soixante mille dollars pour le temple. Du fait qu’ils étaient si disposés à faire des
sacrifices pour la construction du temple, le Seigneur répandit de grandes
bénédictions sur eux. Du 21 janvier au 1 mai 1836, «il y eut probablement plus de
saints des derniers jours qui eurent des visions et qui furent témoins d’autres
manifestations spirituelles extraordinaires qu’au cours de n’importe quelle autre
période de l’histoire de l’Eglise36». Des membres de l’Eglise virent des messagers
célestes pendant au moins dix réunions différentes et, à cinq de ces réunions,
différentes personnes témoignèrent avoir vu le Sauveur lui-même. Beaucoup
eurent des visions, certains prophétisèrent, d’autres parlèrent en langues.
Une des réunions les plus importantes tenues dans le temple de Kirtland eut
lieu le jeudi 21 janvier 1836. Le prophète écrit:
Le soir «lorsque l’on eut allumé les chandelles, je me réunis avec la présidence
dans la salle de classe de l’ouest, dans le temple, pour accomplir l’ordonnance de
nous oindre la tête d’huile consacrée . . .
166
UNE PÉRIODE MERVEILLEUSE À KIRTLAND,1834-36
«Nous mîmes ensuite les mains sur notre vieux frère Smith et demandâmes les
bénédictions du ciel . . . Les cieux s’ouvrirent à nous, et je vis le royaume céleste de
Dieu et sa gloire . . . Je vis . . . le trône flamboyant de Dieu . . . Je vis les belles rues
de son royaume, qui paraissaient pavées d’or.» Joseph Smith vit aussi beaucoup de
prophètes dans le royaume céleste avant que sa vision ne changeât de scène (voir
D&A 137:1, 3-5). Il vit ensuite les Douze récemment nommés «debout ensemble en
cercle, très fatigués, les vêtements en lambeaux et les pieds enflés . . . et Jésus
debout au milieu d’eux, et ils ne le voyaient pas . . .
«Beaucoup de mes frères qui reçurent l’ordonnance [de l’ablution et de
l’onction] avec moi eurent également de glorieuses visions. Des anges les servirent
eux tout comme moi, et la puissance du Très-Haut reposa sur nous. La maison fut
remplie de la gloire de Dieu, et nous criâmes Hosanna à Dieu et à l’Agneau . . .
« . . . Certains d’entre eux virent le visage du Sauveur . . . car nous communiions
tous avec l’armée céleste37.»
Joseph Smith vit son frère Alvin dans le royaume céleste et s’étonna parce qu’il
était mort avant le rétablissement de l’Evangile. En outre, en même temps que la
vision, le Seigneur révéla le principe de la miséricorde: «Tous ceux qui sont morts
sans connaître l’Evangile, qui l’auraient reçu s’il leur avait été permis de demeurer,
seront héritiers du royaume de Dieu» (D&A 137:7). Le Prophète apprit aussi que
tous les enfants qui meurent avant l’âge de responsabilité «sont sauvés dans le
royaume céleste de Dieu» (D&A 137:10).
Les expériences spirituelles les plus mémorables se produisirent le jour de la
consécration du temple, le dimanche 27 mars 1836. Des centaines de saints des
derniers jours arrivèrent à Kirtland dans l’attente des grandes bénédictions que le
Seigneur avait promis de leur conférer. Tôt le matin de la consécration du temple,
des centaines de personnes se rassemblèrent à l’extérieur du bâtiment dans
l’espoir d’assister au service de consécration. Les portes furent ouvertes à huit
heures du matin, et la Première Présidence aida à placer l’assemblée, qui s’élevait
à près de mille personnes, mais beaucoup furent laissées à l’extérieur. Lorsque les
dirigeants de l’Eglise furent assis sur les chaires et les estrades surélevés à chaque
extrémité de la salle et lorsque tous les sièges disponibles du temple furent remplis,
les portes furent fermées. De ce fait, des centaines de personnes restaient encore à
l’extérieur, parmi lesquelles un grand nombre qui avaient fait d’énormes sacrifices
pour la construction du temple et avaient parcouru de longues distances pour
assister à la consécration. Sentant leur déception, le prophète leur dit de tenir une
réunion dans l’école située juste à l’ouest. Le service de consécration fut répété
pour leur profit le jeudi suivant.
Après le cantique d’ouverture par le choeur, Sidney Rigdon parla pendant deux
heures et demie, déclarant que le temple était unique parmi tous les bâtiments du
monde parce qu’il avait été édifié sur révélation divine. Après une brève
suspension de séance, les officiers de l’Eglise furent soutenus. Le point culminant
du jour fut la prière de consécration, qui avait précédemment été donnée au
prophète par révélation. Il exprima sa gratitude des bénédictions de Dieu et
demanda au Seigneur d’accepter le temple qui avait été construit «au milieu de
167
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Le temple de Kirtland
grandes tribulations . . . afin que le Fils de l’Homme ait un lieu pour se manifester
à son peuple» (D&A 109:5). Il demanda que les bénédictions promises au moment
où le Seigneur commanda la construction du temple (voir D&A 88:117-21) se
réalisent maintenant et pria pour que les dirigeants et les membres de l’Eglise et
les dirigeants des nations soient bénis et que le rassemblement promis des restes
dispersés d’Israël s’accomplisse (voir D&A 109:60-67). Cette prière est devenue le
modèle des autres prières de consécration de temples.
Après la prière, le choeur chanta le cantique «l’Esprit du Dieu saint». Il avait été
écrit spécialement par W.W. Phelps pour la consécration. La Sainte-Cène fut
ensuite bénie et distribuée à l’assemblée. Joseph Smith et les autres témoignèrent
qu’ils avaient vu des messagers célestes lors de la cérémonie. L’assemblée termina
celle-ci, longue de sept heures, en se levant et en poussant le cri sacré de Hosanna:
«Hosanna, Hosanna, Hosanna à Dieu et à l’Agneau, amen, amen et amen», répété
168
UNE PÉRIODE MERVEILLEUSE À KIRTLAND,1834-36
trois fois. Eliza R. Snow dit que le cri fut poussé «avec une puissance qui semblait
presque suffisante pour soulever le toit du bâtiment38».
Ce soir-là, plus de quatre cents détenteurs de la prêtrise se réunirent dans le
temple. George A. Smith parlait, «quand on entendit un bruit semblable au
déferlement d’un vent puissant, qui remplit le temple, et toute l’assemblée se leva
simultanément, poussée par une puissance invisible; beaucoup commencèrent à
parler en langues et à prophétiser; d’autres eurent des visions glorieuses, et je vis
le temple rempli d’anges39». «David Whitmer témoigna qu’il voyait trois anges
monter l’allée sud40.» «Les gens du voisinage accoururent (en entendant un bruit
extraordinaire et en voyant une lumière brillante semblable à une colonne de feu
reposer sur le temple).» D’autres virent des anges au-dessus du temple et
entendirent des chants célestes41.
La manifestation spirituelle la plus transcendante de toutes se produisit une
semaine après la consécration. Après le service du culte de l’après-midi, Joseph
Smith et Oliver Cowdery se retirèrent près des chaires de la Prêtrise de
Melchisédek à l’extrémité ouest de la salle basse du temple. La cloison en toile,
appelée voile, fut baissée pour qu’ils puissent prier en privé. Tandis qu’ils priaient,
«le voile fut enlevé de notre esprit, et les yeux de notre entendement furent
ouverts» (D&A 110:1). Ils eurent une série de visions remarquables. Le Seigneur
Jésus-Christ apparut, accepta le temple et promit de s’y manifester «si [le] peuple
[voulait] garder [les] commandements et ne souillait pas cette maison sacrée»
(D&A 110:8; voir aussi vv. 2-9).
Ensuite Moïse apparut et rétablit «les clefs pour rassembler Israël des quatre
coins de la terre et pour ramener les dix tribus du pays du nord» (v. 11). Ensuite,
Elie conféra «la dispensation de l’Evangile d’Abraham» (v. 12). Enfin, pour
accomplir la prophétie de Malachie (voir Malachie 4:5-6) et la promesse de Moroni
(voir D&A 2) de «tourner le coeur des pères vers les enfants, et le coeur des enfants
vers les pères» (D&A 110:15), Elie apparut au prophète et à Oliver témoignant que
«les clefs de cette dispensation seraient mises entre [leurs] mains» en vue du «jour
de l’Eternel, ce jour grand et redoutable» (v. 16). Grâce aux clefs de scellement
rendues par Elie, les saints des derniers jours peuvent maintenant accomplir les
ordonnances salvatrices de la prêtrise en faveur de leurs ancêtres décédés aussi
bien que pour les vivants. Ces ordonnances sacrées pour les morts ne furent
présentées aux membres de l’Eglise qu’à l’époque de Nauvoo.
Ce grand jour de visions et de révélations se produisit le dimanche de Pâques 3
avril 1836. Quel meilleur jour dans la dispensation de la plénitude des temps pour
reconfirmer la réalité de la résurrection? Ce week-end-là était aussi la pâque juive.
Depuis des siècles, les familles juives laissent une chaise vide lors de leur fête de la
pâque en vue du retour d’Elie. Elie est revenu, non pour une fête de la pâque, mais
dans le temple du Seigneur à Kirtland.
La période de l’automne 1834 à l’été 1836 fut une période de merveilleux
progrès pour l’Eglise, et il semblait que le mouvement était lancé. Mais des jours
sombres et tristes attendaient les saints de Kirtland, car des forces venues aussi
bien de l’intérieur que de l’extérieur menaçaient la progression de l’Eglise.
169
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
NOTES
1. Voir History of the Church, 2:176.
19. History of the Church, 2:236.
2. Voir History of the Church, 1:39-43.
20. Voir Doctrine and Covenants, éd. 1835,
pp. 5, 75.
3. Joseph Fielding Smith, Doctrine du salut,
comp. Bruce R. McConkie, 3 vol., 1:200.
4. Dans History of the Church, 2:182; voir
aussi pp. 181-89.
5. History of the Church, 2:195-96, 198.
6. Voir History of the Church, 2:181n., 201-2;
Joseph Young, History of the Organization of
the Seventies, Salt Lake City, Deseret News,
1878, pp. 1-2, 14.
7. Voir Milton V. Backman, fils, The Heavens
Resound, Salt Lake City, Deseret Book Co.,
1983, pp. 253-55.
8. Voir History of the Church, 2:220.
9. Dans Ronald K. Esplin, «The Emergence
of Brigham Young and the Twelve to
Mormon Leadership, 1830-1841», thèse de
doctorat, Université Brigham Young, 1981,
p. 170. Voir aussi Ronald K. Esplin, «Joseph,
Brigham and the Twelve: A Succession of
Continuity», Brigham Young University
Studies, été 1981, pp. 308-9.
10. Journal History of the Church of Jesus
Christ of Latter-day Saints, 2 juin 1835,
département d’histoire, Salt Lake City, voir
aussi Backman, Heavens Resound, p. 112.
11. Journal de Caroline Crosby, département
d’histoire de l’Eglise, Salt Lake City; voir
aussi Kenneth W. Godfrey, Audrey M.
Godfrey et Jill Mulvay Derr, Women’s Voices,
Salt Lake City, Deseret Book Co., 1982,
pp. 49-50.
12. Voir Ronald K. Esplin, «The Emergence
of Brigham Young and the Twelve to
Mormon Leadership», pp. 161-65; voir aussi
History of the Church, 2:222-26.
13. Parley P. Pratt, éd., Autobiography of Parley
P. Pratt, série Classics in Mormon Literature,
Salt Lake City, Deseret Book Co., 1985,
p. 110.
14. Voir Pratt, Autobiography of Parley P. Pratt,
pp. 113-19; B. H. Roberts, The Life of John
Taylor, Salt Lake City, Bookcraft, 1963,
pp. 31-38.
15. Parley P. Pratt, Autobiography of Parley P.
Pratt, p. 119.
16. Dans Matthias F. Cowley, Wilford
Woodruff, Salt Lake City, Bookcraft, 1964,
p. 62.
17. Voir Samuel George Ellsworth, «A
History of Mormon Missions in the United
States and Canada, 1830-1860», thèse de
doctorat, Université de Californie, 1951,
pp. 147-54.
18. Orson Pratt, dans Journal of Discourses,
20:65; voir aussi History of the Church, 2:235.
170
21. Voir History of the Church, 2:250-51.
22. Voir Milton V. Backman, fils, comp., A
Profile of Latter-day Saints in Kirtland, Ohio,
and Members of Zion’s Camp, 1830-1839: Vital
Statistics and Sources, Provo, Université
Brigham Young, Religious Studies Center,
1983, p. 83.
23. Voir Mary Ann Stearns, «An
Autobiographical Sketch of the Late Mary
Ann Stearns Winters, Daughter of Mary
Ann Stearns Pratt», département d’histoire
de l’Eglise, Salt Lake City, p. 6.
24. Voir History of the Church, 2:355-56;
Backman, Heavens Resound, pp. 268-72.
25. History of the Church, 2:396.
26. Nicholas G. Morgan, comp., Eliza R.
Snow, an Immortal: Selected Writings of Eliza R.
Snow, Salt Lake City, Fondation Nicholas G.
Morgan, père, 1957, p. 63.
27. Lucy Mack Smith, History of Joseph Smith,
éd. Preston Nibley, Salt Lake City, Bookcraft,
1958, p. 230; voir aussi History of the Church,
1:352.
28. Autobiography of Truman O. Angell,
département d’histoire de l’Eglise, Salt Lake
City; Kate B. Carter, comp., Our Pioneer
Heritage, 19 vol., Salt Lake City, Daughters of
Utah Pioneers, 1967-76, 10:198.
29. Benjamin F. Johnson, My Life’s Review,
Independence, Mo., Zion’s Printing and
Publishing Co., 1947, p. 16.
30. History of the Church, 1:349.
31. History of the Church, 1:400.
32. Heber C. Kimball, dans Journal of
Discourses, 10:165.
33. «Elder Kimball’s Journal», Times and
Seasons, 15 janv. 1845, p. 771; ou History of the
Church, 2:2.
34. Voir Backman, Heavens Resound,
pp. 151-53.
35. History of the Church, 2:167.
36. Backman, Heavens Resound, p. 285.
37. History of the Church, 2:379-82.
38. Morgan, Eliza R. Snow, p. 62.
39. History of the Church, 2:428.
40. George A. Smith, dans Journal of
Discourses, 11:10.
41. History of the Church, 2:428; Backman,
Heavens Resound, p. 300.
CHAPITRE QUATORZE
A P O S TA S I E
Ligne du temps
Date
Evénement important
Juill.-août
1836
Mission à New York et à Salem
(Massachusetts) à la
recherche de fonds
2 janv. 1837
Création de la Kirtland Safety
Society
Mai 1837
La panique de 1837 atteint
l’Ohio
Juill. 1837
Les premiers missionnaires
prêchent l’Evangile en
Grande-Bretagne
Août 1837
Les apostats de la «Old
Standard» perturbent une
réunion dans le temple de
Kirtland
12 janv. 1838 Joseph Smith fuit devant ses
ennemis
Juill.-oct.
1838
Voyage du camp de Kirtland
au Missouri
À
K I RT L A N D , 1836-38
L
E 6 JUILLET 1838, une caravane de chariots longue d’un kilomètre et
demi descendait lentement vers le sud, le long de la vieille route de
Chillicothe, dans le nord de l’Ohio. Plus de cinq cents saints découragés
quittaient leurs maisons, leurs entreprises et un beau temple pour s’embarquer
pour un voyage ardu de trois mois afin de rejoindre le prophète et les saints dans
le nord du Missouri. Un des saints écrit: «Nous tournâmes la clef et fermâmes la
porte de nos maisons, laissant nos biens et tout ce que nous possédions entre les
mains d’ennemis et d’étrangers, sans recevoir le moindre sou pour nos
possessions1.»
C’étaient deux ans seulement après que le temple de Kirtland eut été consacré
et que les saints eussent connu une grande effusion spirituelle et se fussent réjouis
d’avoir de belles perspectives d’avenir. Qu’est-ce qui avait réduit à néant cet espoir
et obligé les saints à quitter Kirtland?
FAC E
À L A PA U V R E T É
Le rassemblement de nouveaux convertis dans la région de Kirtland continua
sans désemparer après la consécration du temple en mars 1836. La plupart de ces
saints étaient des gens travailleurs et dévoués, mais, comme le fait remarquer
Benjamin F. Johnson, la plupart appartenaient «à la classe pauvre2».
Malheureusement certains d’entre eux arrivèrent dans l’espoir que les fonds de
l’Eglise ou la générosité des membres prendraient soin d’eux. Le nombre croissant
de mormons vivant dans la pauvreté alarma les citoyens de vieille souche de
Kirtland, qui se coalisèrent dès 1835 et avertirent les pauvres qu’ils devaient quitter
la ville. Conscient du problème, Joseph Smith recommanda aux branches de ne
pas envoyer de familles démunies à Kirtland. «Les saints ont négligé les
préparatifs nécessaires . . . d’une manière générale, les riches sont restés sur place
et ont gardé leur argent, tandis que les pauvres sont partis les premiers sans
argent. Dans de telles circonstances, à quoi pouvait-on s’attendre si ce n’est à
l’affreux tableau qui se présente maintenant à nous3?» Quelque chose qui
contribua à l’affreux tableau fut les nombreuses maisons petites et mal conçues
que les membres de l’Eglise avaient construites au petit bonheur le long de la
Chagrin River et directement au sud du temple.
Indépendamment de ces problèmes, l’optimisme commença à régner à Kirtland
après la consécration du temple, et les membres ambitieux de l’Eglise tentèrent de
mettre un terme à leur appauvrissement. Néanmoins l’afflux rapide de saints à
Kirtland accéléra le besoin de terrains, de maisons et de biens. Warren Cowdery fit
171
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
observer dans le Messenger and Advocate: «Le bruit et l’animation d’attelages tirant
du bois, des briques, de la pierre, de la chaux, des marchandises se faisait entendre
depuis les premières lueurs de l’aube jusqu’au crépuscule . . . L’apparition, comme
par magie, de bâtiments, partout autour de nous était la manifestation d’une
espérance optimiste, d’une vive attente et de la ferme assurance que l’époque de
notre misère noire était passée, que le moment fixé par le Seigneur pour favoriser
Sion était arrivé4.»
En dépit du fait que la situation matérielle des saints commençait à s’améliorer,
l’Eglise était toujours substantiellement endettée. Les capitaux, tels que l’or et
l’argent, restaient insuffisants. En outre, il fallait des fonds pour acheter des
terrains pour installer les saints à Kirtland et dans le nord du Missouri. Les
dirigeants de l’Eglise cherchèrent activement le moyen de diminuer la dette et
d’augmenter la quantité d’argent utilisable.
En juillet 1836, un certain frère Burgess arriva à Kirtland et dit à Joseph Smith
qu’il connaissait un endroit où une grosse somme d’argent était cachée dans la
cave d’une certaine maison de Salem (Massachusetts). Il prétendait être la seule
personne vivante à être au courant de l’existence du trésor et de l’emplacement de
la maison. Salem était un port de mer prospère avec un commerce mondial; il était
donc plausible qu’un trésor s’y trouve. La chasse aux trésors ensevelis, en
particulier ceux laissés par les pirates espagnols, était toujours très répandue chez
les Américains de la région. Persuadé par Burgess, le prophète, Sidney Rigdon,
Hyrum Smith et Oliver Cowdery quittèrent Kirtland fin juillet pour New York
City. Après être arrivés là-bas, ils passèrent quatre jours à tenir conseil avec leurs
créanciers au sujet de leurs dettes. Oliver Cowdery s’informa aussi au sujet de
l’impression de billets de banque pour une future banque patronnée par l’Eglise.
Après New York, le groupe prit le bateau pour Boston et de là il voyagea par
chemin de fer jusqu’à Salem pour rencontrer Burgess et en apprendre davantage
sur l’argent caché dans cette ville.
Ce n’était pas la première visite de Joseph Smith à Salem. Il s’y était déjà rendu
à l’âge de sept ans avec son oncle Jesse pour récupérer d’une grave opération à la
jambe. Même avec l’aide de Burgess, les frères cherchèrent en vain la maison
contenant le prétendu trésor. Burgess ne tarda pas à s’en aller, après avoir expliqué
que Salem avait tellement changé depuis la dernière fois qu’il s’était rendu là-bas,
qu’il ne pouvait pas trouver la maison. Mais les frères continuèrent à chercher. Ils
finirent par louer une maison correspondant à la description de Burgess, mais ils
ne trouvèrent pas d’argent5.
Dans une révélation donnée le 6 août 1836 à Salem, le Seigneur dit: «Moi, le
Seigneur, je ne suis pas mécontent, en dépit de vos folies, que vous ayez entrepris
ce voyage» (D&A 111:1). Le Seigneur dit aussi aux frères: «J’ai beaucoup de trésors
[ã Salem] . . . et beaucoup de gens dans cette ville que je rassemblerai en temps
opportun, pour le bénéfice de Sion» (v. 2). Cinq ans plus tard, à Philadelphie,
Erastus Snow fut membre du Collège des
Douze de 1849 à sa mort en 1888. En
octobre 1849, il fut chargé de se rendre au
Danemark pour y introduire l’Evangile.
172
Hyrum Smith remettait à Erastus Snow et à Benjamin Winchester un exemplaire
de la révélation et leur demandait d’aller à Salem l’accomplir. Au départ frère
Snow fut réticent parce qu’il était vivement désireux de rentrer chez lui, mais il
APOSTASIE À KIRTLAND, 1836-38
pria pour être guidé et reçut l’assurance qu’il devait partir. Benjamin Winchester
partit aussi mais ne resta que peu de temps. Si les progrès furent d’abord lents, en
1842, frère Snow organisa une branche à Salem avec 120 membres. Après y avoir
passé plus d’un an, ils partirent en février 1843. Ainsi, Erastus Snow accomplit la
promesse que «beaucoup de gens» seraient rassemblés dans la ville6.
K I RT L A N D S A F E T Y S O C I E T Y
Le nombre de banques des Etats-Unis avait presque doublé au cours des années
1830 avec l’accroissement des demandes de crédit et d’argent. Les banques
fournissaient des prêts, de l’argent papier, un moyen d’échange et un coffre-fort
pour l’argent. A Kirtland, Joseph Smith et d’autres dirigeants de l’Eglise
caressaient l’idée de fonder une banque. Avec une aide juridique, des statuts
furent rédigés pour constituer à Kirtland une banque, qui serait appelée la
Kirtland Safety Society. En novembre 1836, Orson Hyde se rendit à la capitale de
l’Ohio avec une demande auprès du gouvernement de l’Etat d’approuver la
constitution de la banque. En même temps, Oliver Cowdery se rendait à
Philadelphie acheter des plaques pour imprimer des billets de banque. Il y réussit,
mais Orson revint de Colombus avec des nouvelles décourageantes. La demande
avait été formulée au mauvais moment, et le gouvernement, après avoir examiné
la pétition, refusa d’accorder une charte à la banque. Les «Hard-money»
Democrats, qui étaient opposés à l’expansion des banques en Ohio, avaient pris le
contrôle du gouvernement et refusaient quasiment toute demande de création de
nouvelles banques.
Billet de banque émis par la Kirtland Safety
Society
Les frères furent déçus, mais ils décidèrent de créer une société anonyme par
actions privée qui serait appelée la Kirtland Safety Society Anti-Banking Company.
Comme d’autres banques dépourvues de charte ou non autorisées avaient été
organisées en Ohio, ils supposaient que l’on avait le droit légal d’organiser une
173
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
société privée se livrant à des activités bancaires. Beaucoup de gens de la Western
Reserve, aussi bien non-membres ou membres de l’Eglise, se décidèrent au
départ en faveur de la création de la société avec Joseph Smith comme trésorier et
Sidney Rigdon comme secrétaire. La Kirtland Safety Society ouvrit ses portes le 2
janvier 1837.
Rapidement se posèrent des problèmes graves, qui sapèrent le succès de la
banque. Beaucoup d’autres banques refusèrent d’accepter les billets de la Safety
Society comme monnaie légale, et les journaux antimormons déclarèrent que
l’argent était sans valeur. En outre, le capital de la société était essentiellement
constitué de terres; elle ne possédait pas beaucoup d’espèces (comme de l’or et de
l’argent) pour satisfaire toute demande importante de rachat de sa monnaie
papier. Les ennemis de l’Eglise obtinrent suffisamment de billets pour lancer une
demande de remboursement massif de la banque, forçant la société à suspendre
ses paiements en espèces à ses clients quelques semaines après l’émission des
premiers billets. L’absence de charte gênait aussi la crédibilité de la société. Il
s’ensuivit que Joseph Smith et Sidney Rigdon furent accusés de violation des
statuts bancaires de l’Ohio et cités à comparaître devant le tribunal.
Au printemps 1837, les problèmes économiques des saints furent aggravés par
une panique (appelée plus tard la panique de 1837) qui, débutant à New York, se
répandit vers l’ouest dans d’autres parties du pays. Dès le mois de mai, toutes les
banques de l’Ohio avaient cessé de payer en espèces. Pendant la panique, l’argent
fut rare, et beaucoup de créanciers ne purent proposer du crédit ou durent
reporter des échéances. Joseph Smith fit tout ce qu’il pouvait pour persuader les
investisseurs d’investir davantage de fonds pour soutenir la banque, mais il en
remit finalement le fonctionnement à d’autres. Cela ne résolut toutefois pas le
problème de l’incurie de la gestion et des rumeurs que certains d’entre eux
détournaient les fonds de la société.
Un mouvement croissant de spéculation à Kirtland vint encore alourdir les
problèmes économiques de l’Eglise. Croyant disposer d’argent, qu’elles avaient
emprunté à la banque, beaucoup de personnes s’endettèrent pour acheter des
terres pour les revendre avec un bénéfice substantiel. Warren Cowdery fit
l’observation, dans le Messenger and Advocate que pas mal de membres étaient
«coupables de spéculation effrénée et de rêves visionnaires de richesse et
d’ambition profane, comme si l’or et l’argent étaient leur dieu, et les maisons, les
fermes et les marchandises leur seule béatitude ou leur seul passeport pour y
parvenir7». A l’automne 1836, Heber C. Kimball revint de mission et fut stupéfait
des résultats de ces spéculations. Il écrit: «Quand nous avons quitté Kirtland, un
lopin de terre valait environ $150; mais à notre retour, on nous affirma, à notre
grand étonnement, que le même lopin valait entre $500 et $1000 en fonction de
l’emplacement; et certains hommes qui, à mon départ, arrivaient à peine à se
procurer leur nourriture, je les retrouvai soi-disant très riches; en fait, tout dans cet
endroit semblait baigner dans une grande prospérité, et tout le monde paraissait
décidé à devenir riche8.»
174
APOSTASIE À KIRTLAND, 1836-38
Parce qu’elle dépassait ses capacités, la Kirtland Safety Society fut finalement
obligée de fermer ses portes en novembre 1837. Les deux cents personnes qui
avaient investi dans la banque perdirent presque tout leur investissement. Joseph
Smith perdit, à cause de la faillite de la société, plus que n’importe qui d’autre.
Tandis qu’il cherchait à réussir avec la banque et en même temps à acheter des
terres à Kirtland et des marchandises pour son magasin, il accumula des dettes
s’élevant à environ cent mille dollars. Bien qu’il eût un actif en terres et en
marchandises qui avait plus de valeur à certains égards que ses dettes, il fut
incapable de transformer immédiatement cet actif en une forme utilisable pour
payer ses créanciers. A cause de cela, il dut subir dix-sept procès en 1837 dans le
comté de Geauga pour des dettes s’élevant à plus de trente mille dollars.
Malheureusement, peu de gens comprenaient correctement les causes de leurs
difficultés économiques. Beaucoup de saints parlèrent contre le prophète et
l’accusèrent d’être responsable de tous leurs problèmes.
L’ A P O S TA S I E
S E R É PA N D
Beaucoup de membres de l’Eglise apostasièrent au cours de cette période sombre
de détresse économique. Eliza R. Snow fait observer qu’à la suite de la consécration
du temple de Kirtland en 1836, un certain nombre de membres de l’Eglise avaient
le sentiment que «l’aube de la prospérité pointait pour eux . . . et beaucoup qui
avaient été humbles et fidèles . . . adoptaient une attitude hautaine et étaient exaltés
dans l’orgueil de leur coeur. Tandis que les saints absorbaient l’amour et l’esprit du
monde, l’Esprit du Seigneur se retirait de leur coeur, et ils étaient remplis d’orgueil
et de haine à l’égard de ceux qui conservaient leur intégrité9».
Wilford Woodruff écrivit aussi que les membres furent avertis par leurs
dirigeants que s’ils ne s’humiliaient pas et ne se repentaient pas de leur orgueil, un
fléau les attendait comme du temps des anciens Néphites10. Le Messenger and
Advocate, journal de Kirtland, signala que des frères sans scrupules profitaient des
nouveaux venus dans la communauté en leur décrivant des possibilités
d’investissement extraordinaires, prenant leur argent et les abandonnant ensuite11.
Les médisances contre Joseph Smith étaient courantes à Kirtland au cours du
printemps et de l’été 1837, en particulier quand il était parti pour affaires ou en
mission. Certains hommes, qui détenaient des postes de confiance dans l’Eglise,
rejetèrent sa direction et déclarèrent qu’il n’était plus un vrai prophète. Lorsque
Parley P. Pratt revint d’une mission au Canada, l’apostasie avait fait du chemin. Il
fut temporairement pris au piège de ses difficultés et laissa un récit franc de ce
qui lui arriva.
“Il y eut aussi de l’envie, des mensonges, des querelles et des divisions qui
causèrent beaucoup d’ennuis et de tristesse. Je fus également calomnié et maltraité
par de tels esprits. A un moment donné, je fus moi-même rempli, dans une grande
mesure, du même esprit, et il me semblait que les puissances mêmes des ténèbres
qui font la guerre aux saints étaient déchaînées contre moi. Mais le Seigneur
connaissait ma foi, mon zèle, l’intégrité de mes intentions, et il me donna la victoire.
175
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
“J’allai, en larmes, trouver frère Joseph Smith et, le coeur brisé et l’esprit contrit,
je confessai en quoi je m’étais trompé en esprit, avais murmuré, fait ou dit dans le
mauvais sens. Il me pardonna franchement, pria pour moi et me bénit. C’est ainsi
que par l’expérience j’appris plus complètement à discerner et à opposer les deux
esprits et à résister à l’un et à m’attacher à l’autre12.”
A plusieurs reprises, des hommes solides tels que Brigham Young et Heber C.
Kimball défendirent le prophète à diverses réunions, en dépit du danger que cela
leur faisait courir. En février 1837, plusieurs anciens convoquèrent une réunion
dans le temple pour tous ceux qui considéraient que Joseph Smith était un
prophète déchu. Ils avaient l’intention de désigner David Whitmer comme
nouveau dirigeant de l’Eglise. Brigham Young, Heber C. Kimball et d’autres
membres fidèles assistèrent à la réunion. Après avoir écouté les arguments contre
le prophète, Brigham se leva et témoigna: «Joseph était un prophète, et je le savais,
et ils pouvaient le dénoncer et le calomnier autant qu’ils le voulaient, ils ne
pourraient détruire l’appel du prophète de Dieu, ils ne pouvaient que détruire
leur propre autorité, couper le fil qui les rattachait au prophète et à Dieu et se jeter
dans les profondeurs de l’enfer13.» Le 19 février, au temple de Kirtland, le prophète
parla plusieurs heures avec l’autorité de Dieu. Les mécontents furent réduits au
silence et les saints furent fortifiés dans leur soutien au serviteur choisi par
le Seigneur14.
MISSION
EN
G R A N D E -B R E TA G N E
Au cours de cette période de crise grave, le Seigneur révéla à Joseph Smith qu’il
«fallait faire quelque chose de nouveau pour le salut de son Eglise15». Le dimanche
4 juin 1837, le prophète s’adressa à Heber C. Kimball dans le temple et lui
chuchota: «Frère Heber, l’Esprit du Seigneur m’a chuchoté: ‹Que mon serviteur
Heber aille en Angleterre proclamer mon Evangile et ouvrir la porte du salut à
cette nation.›» Heber fut accablé par son appel en Angleterre parce qu’il n’avait ni
instruction, ni raffinement. Il pria presque tous les jours dans une salle d’étage du
temple pour être protégé et pouvoir accomplir une mission honorable. Sa famille
était au bord de la pauvreté, et pourtant il était décidé à servir. Il dit: «J’avais le
sentiment que la cause de la vérité, l’Evangile du Christ, l’emportait sur toute autre
considération16.»
Heber C. Kimball voulait que Brigham Young, son ami intime et collègue dans
le Collège des Douze, soit son compagnon, mais le prophète avait besoin de la
collaboration de Brigham dans les affaires qui perturbaient Kirtland. Tandis que
Heber était mis à part pour sa mission, Orson Hyde entra dans la salle. Apprenant
ce qui se passait, il fut poussé à se repentir, car il s’était trouvé parmi les dirigeants
de l’Eglise qui avaient été envahis par l’esprit de spéculation et de critique à
l’égard de Joseph Smith. Il confessa ses fautes, demanda pardon et se proposa
pour accompagner Heber en mission. Le prophète accepta son repentir et le mit
également à part pour aller en Angleterre17. Cinq autres furent également mis à
part pour aider les deux apôtres: Willard Richards, qui n’était membre de l’Eglise
que depuis six mois, Joseph Fielding, originaire du Bedfordshire (Angleterre), qui
176
APOSTASIE À KIRTLAND, 1836-38
avait émigré au Canada en 1832, et trois autres Canadiens, John Goodson, Isaac
Russell et John Snider, qui avaient tous, en Angleterre, des parents et des amis avec
qui ils correspondaient. Ces quatre derniers avaient été convertis à l’Evangile en
même temps que John Taylor, pendant la mission de Parley P. Pratt au Canada,
l’année précédente.
James, frère de Joseph Fielding, pasteur indépendant (précédemment
méthodiste) à Preston (Angleterre) écrivit à son frère au Canada et l’invita à venir
prêcher sa nouvelle religion dans son église. C’est ainsi qu’en arrivant en GrandeBretagne, les missionnaires se rendirent à Preston, à cinquante kilomètres au nord
de la ville portuaire de Liverpool, pour prêcher à l’assemblée de James. Certaines
personnes de cette assemblée avaient fait preuve d’une si grande foi et avaient
C’est dans cette maison, située St-Wilfred
Street à Preston (Angleterre) que les
missionnaires furent attaqués par des esprits
malins qui essayaient d’empêcher l’oeuvre
de se répandre dans ce pays.
tellement prié qu’elles avaient vu ces missionnaires américains en songe avant leur
arrivée en Angleterre. A partir du 23 juillet, les frères prêchèrent devant trois salles
combles dans l’église du révérend Fielding, la chapelle de Vauxhall. Mais dès que
plusieurs de ses paroissiens demandèrent le baptême, le révérend Fielding refusa
dorénavant aux frères l’usage de son église. Il se lamenta plus tard en disant:
«Kimball a fait les trous, Goodson a enfoncé les clous, et Hyde les a aplatis18.»
Nullement ébranlés, les anciens ne tardèrent pas à se faire entendre dans des
maisons privées qui possédaient une licence pour la prédication et au coin des
rues. Conscients de la pauvreté et de l’absence d’instruction de la plupart de leurs
auditeurs, les missionnaires se mettaient au niveau de leur auditoire, agissaient
comme des gens du commun, ne portaient aucun vêtement distinctif et ne se
faisaient pas payer pour leur enseignement. Ils tendaient promptement la main de
l’amitié et de la fraternité, donnant à tous le sentiment d’être égaux devant Dieu.
La sincérité manifeste des missionnaires faisait un contraste frappant avec
Publié avec la permission des Daughters of Utah Pioneers, Salt Lake City, Utah
l’attitude seigneuriale des ecclésiastiques anglais de l’époque. Bientôt beaucoup de
personnes demandèrent le baptême.
Le matin du 30 juillet, jour où les premiers baptêmes devaient être administrés,
les missionnaires furent attaqués par Satan et ses troupes. Frère Russell vint
trouver frère Kimball, lui demandant de le libérer des esprits malins qui le
tourmentaient. Au moment où les frères Hyde et Kimball posaient les mains sur
lui pour le bénir, frère Kimball fut assommé par une force invisible. Quand il reprit
conscience, il vit que ses frères priaient pour lui.
«Alors je me levai et m’assis sur le lit; à ce moment-là une vision s’ouvrit à notre
esprit, et nous pûmes distinctement voir les esprits malins écumer et grincer
des dents contre nous. Nous les contemplâmes environ une heure et demie . . .
Je n’oublierai jamais la méchanceté vindicative qui se marquait sur leur visage
tandis qu’ils me regardaient dans les yeux; toute tentative de décrire le tableau qui
George D. Watt fut le premier converti
baptisé en Angleterre. Il fut baptisé le 30
juillet 1837. Ayant appris la sténographie,
qu’on appelait à l’époque phonographie,
George écrivit les sermons des dirigeants
de l’Eglise de 1851 à 1870.
se présenta à ce moment-là ou de dépeindre leur méchanceté et leur hostilité
serait vaine . . .
«Des années plus tard, lorsqu’il lui raconta les événements de cette terrible
matinée, Heber demanda au prophète Joseph . . . s’il y avait quelque chose qui
n’allait pas chez lui pour qu’il ait eu une telle manifestation.
177
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
«– Non, frère Heber, répondit-il, à ce moment-là vous étiez proche du Seigneur;
il n’y avait qu’un voile entre vous et lui, mais vous ne pouviez pas le voir. Quand
iver
j’en ai entendu parler, cela m’a donné une grande joie, car j’ai su à ce moment-là
Ribb
le R
que l’oeuvre de Dieu avait pris racine dans ce pays. C’est cela qui a poussé le
Waddington
Preston
diable à faire tous ses efforts pour vous tuer.
Downham
Chatburn
Clitheroe
« . . . ‹Plus une personne se rapproche du Seigneur, plus grand sera le pouvoir
Manchester
Liverpool
manifesté par l’Adversaire pour empêcher l’accomplissement de ses desseins19.›»
En dépit des visions effroyables présentées par Satan et son armée, les baptêmes
eurent lieu, comme prévu, dans la Ribble. George D. Watt remporta une course à
pied jusqu’à la rivière, ce qui lui valut l’honneur d’être le premier à être baptisé en
Bedforshire
Angleterre. Ces baptêmes furent à l’origine d’un flot de convertis anglais. Les
London
missionnaires allèrent ensuite dans les villages de Chatburn et de Downham, à
environ trente kilomètres au nord-est de Preston, dans la vallée de la Ribble. A
Chatburn, Heber baptisa vingt-cinq personnes le premier soir où il y prêcha. Au
cours des cinq jours qui suivirent, avec l’aide de son compagnon, Joseph Fielding,
Lieu où l’oeuvre missionnaire a commencé
en Angleterre
Heber baptisa environ cent dix personnes et organisa des branches à Downham,
Chatburn, Waddington et Clithero.
Un jour que Heber marchait dans les rues de Chatburn, des enfants le
précédèrent «chantant les cantiques de Sion, tandis que leurs parents
contemplaient le tableau avec ravissement, prodiguaient leurs bénédictions sur
[sa] tête et louaient le Dieu du ciel de [l’] avoir envoyé leur expliquer les principes
de la vérité et le plan du salut20». Heber a expliqué:
«Je parcourus les rues de cette ville en éprouvant un sentiment que je n’avais
encore jamais ressenti de ma vie. Tandis que je parcourais les rues, mes cheveux se
dressaient sur ma tête, et je ne savais pas à ce moment-là ce qui m’arrivait.
J’enlevai mon chapeau, et j’avais le sentiment que je voulais ôter mes souliers, et
je ne savais ce qu’il fallait en penser.
«Quand je fus de retour, je parlai de cet événement à frère Joseph, qui dit: ‹ . . .
Certains des vieux prophètes ont voyagé et consacré ce pays [l’Angleterre], et leur
bénédiction est tombée sur vous21.›»
En huit mois, deux mille personnes étaient entrées dans l’Eglise, et vingt-six
branches avaient été organisées. Heber C. Kimball se souvint que lorsqu’il avait été
mis à part, on lui avait promis «que Dieu [le] rendrait productif dans ce pays à lui
amener des âmes; des anges [l’]accompagneraient et [le] soutiendraient, afin que
[ses] pieds ne glissent jamais; qu’[il serait] grandement béni et [se] révélerait être
une source de salut pour des milliers de personnes, non seulement en Angleterre
mais en Amérique22». Sa première mission en Angleterre prépara la voie à un effort
encore plus grand entre les années 1839 et 1841 par le Collège des Douze et à une
moisson missionnaire constante dans les îles Britanniques pendant la plus grande
partie du dix-neuvième siècle. Le succès de la mission britannique contrebalança
l’apostasie en Ohio et les persécutions au Missouri. Les milliers de convertis
britanniques qui émigrèrent en Amérique renforcèrent énormément l’Eglise à des
moments cruciaux. Dans les années 1850 et 1860, la majorité des familles d’Utah
avaient à leur tête des parents qui étaient venus de Grande-Bretagne.
178
APOSTASIE À KIRTLAND, 1836-38
UNE «GRANDE
A P O S TA S I E »
Tandis que la mission britannique grandissait et se fortifiait, l’apostasie
continuait à affaiblir l’Eglise à Kirtland. Caroline Barnes Crosby écrivit tristement:
«Beaucoup de nos amis les plus intimes étaient parmi les apostats.
« . . . Ils comptaient parmi nos voisins et nos amis les plus proches. Nous avions
eu de merveilleuses relations, et nous nous rendions entre amis à la maison
de Dieu23.»
En août 1837, tandis que Joseph Smith et la plupart des membres du Collège des
Douze étaient partis en mission, Warren Parrish, ancien greffier du prophète et
officier de la Kirtland Safety Society, et John Boynton, membre des Douze,
conduisirent un groupe armé de pistolets et de grands couteaux-poignards et
tentèrent de s’emparer du temple. Prises de panique et de terreur, plusieurs
personnes sautèrent par les fenêtres du temple. La police réussit à maîtriser
l’émeute et à éjecter les hommes. Quand le prophète revint, ces hommes furent
disqualifiés à cause de ce qu’ils avaient fait. Ceux qui manifestèrent une contrition
sincère furent réadmis.
Mais en automne, lorsque Joseph Smith et Sidney Rigdon partirent pour le
Missouri, les troubles recommencèrent. Warren Parrish, John F. Boynton, Luke
Johnson et trente autres parmi les principaux citoyens organisèrent un groupe
appelé The Old Standard, ou l’Eglise du Christ. Ils se considéraient comme des
réformateurs, insistant sur le fait que Joseph Smith était un prophète déchu qui,
avec d’autres autorités de l’Eglise, s’était écarté de la vraie foi. Le groupe chercha
à renverser l’Eglise, à prendre le contrôle du temple tout en enseignant la plupart
des doctrines de l’Eglise, mais en rejetant le Livre de Mormon et en discréditant
Joseph Smith et la prêtrise. Il rencontra l’opposition de Martin Harris, qui, quoique
étant lui-même dans un état d’apostasie, témoigna que le Livre de Mormon était
vrai et que ceux qui le rejetaient seraient damnés.
A la suite de cette apostasie, cinquante membres éminents de l’Eglise furent
excommuniés sous la direction de Joseph Smith, mais les problèmes continuèrent
à couver. Plusieurs apostats tourmentèrent les membres fidèles à coup de procès
et en les menaçant de la perte de leurs biens. Les antimormons ajoutèrent leur
quote-part en boycottant et en excluant ceux qui étaient fidèles au prophète et à
l’Eglise, et en leur refusant des emplois. Hepzibah Richards, soeur de Willard
Richards, a écrit ce qui suit:
«Ces trois derniers mois, notre peuple a été balayé par la tempête, et parfois les
vagues ont été sur le point de nous engloutir . . .
«Un esprit terrible règne dans le sein de ceux qui sont opposés à l’Eglise. Ils sont
au-dessus des lois et en dessous de tout ce qui est digne de louanges. Leur but
principal semble être d’obtenir tous les biens de l’Eglise pour rien ou pas grandchose et de les chasser [les saints] de ce lieu24.»
«Entre novembre 1837 et juin 1838, deux à trois cents saints de Kirtland,
probablement, se retirèrent de l’Eglise, ce qui représentait dix à quinze pour cent
des membres de là-bas25.» La «grande apostasie» déborda aussi un peu vers le
179
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Missouri. Au cours d’une période de neuf mois, les trois témoins, un membre de
la Première Présidence (Frederick G. Williams), quatre membres des douze apôtres
et plusieurs membres du premier collège des soixante-dix quittèrent l’Eglise. Parce
qu’il continuait à défendre hardiment le prophète, Brigham Young fut menacé et
obligé de fuir à cheval au Missouri.
En janvier 1838, Luke Johnson, lui-même apostat mais ayant conservé sa
sympathie à Joseph Smith, mit le prophète en garde contre un complot
d’assassinat. Alors que les émeutiers étaient proches, on mit Joseph à l’intérieur
d’une caisse et on le sortit de la ville sur une charrette à boeufs. Quand il fut hors
de portée des émeutiers, il monta sur son cheval et prit la direction de l’Ouest avec
Sidney Rigdon. Leurs ennemis les poursuivirent sur trois cents kilomètres et
étaient parfois si près que, d’une pièce voisine, les frères pouvaient entendre les
jurons et les menaces. Emma Smith et leurs enfants rejoignirent Joseph en chemin
et, après un voyage extrêmement éprouvant, ils reçurent un accueil cordial des
saints du Missouri en mars 1838. Sidney Rigdon arriva quelques jours plus tard,
s’étant séparé du prophète à Dublin (Indiana).
CAMP
DE
K I RT L A N D
Le même mois où Joseph Smith s’enfuit de Kirtland, la vie des membres du
grand conseil fut également menacée, et la plupart des fidèles décidèrent de suivre
leur dirigeant au Missouri. Hepzibah Richards a écrit à propos de cette situation
dramatique: «Tous nos amis ont l’intention de quitter cet endroit le plus tôt
possible . . . On a le sentiment que Kirtland doit être foulé aux pieds par les
méchants pendant un certain temps . . . Il est probable que plusieurs centaines de
familles partiront dans quelques semaines26.» Mais avant que la plupart des fidèles
ne puissent quitter Kirtland, leurs ennemis commencèrent à mettre les maisons
des saints à sac et à déclencher des incendies dans les caves.
Au début de mars, les soixante-dix commencèrent à planifier la façon d’aider les
saints les plus pauvres à partir pour le Missouri. James Foster, un des présidents du
collège, eut la vision d’une compagnie ordonnée d’environ cinq cents saints se
rendant au Missouri et campant en chemin. Dirigée par la vision et la prophétie,
les soixante-dix rédigèrent une constitution, constituèrent un camp de personnes
disposées à s’y soumettre et désignèrent des dirigeants pour présider les
compagnies. Les capitaines devaient encourager leur compagnie à garder les
commandements et à observer la Parole de Sagesse.
Le voyage fut retardé durant plusieurs semaines tandis que les saints
s’efforçaient de régler leurs dettes, de vendre leurs biens et d’acheter des chariots,
des attelages et du matériel. Ils finirent par quitter Kirtland le 6 juillet 1838 avec
plus de cinq cents saints, 27 tentes, 59 chariots, 97 chevaux, 22 boeufs, 69 vaches et
un taureau. Benjamin Johnson écrit: «Tous les moyens pour couvrir les dépenses
furent réunis, et ainsi tout le monde devait être au même point et le demeura tant
que les membres du camp restèrent ensemble27.» En dépit de cela, les voyageurs
durent s’arrêter de temps en temps pour gagner de l’argent pour les provisions et
le matériel.
180
APOSTASIE À KIRTLAND, 1836-38
Sous la direction de Hyrum Smith, les
présidents des soixante-dix formulèrent la
Constitution du camp de Kirtland. Le
document était constitué de neuf articles qui
devaient être utilisés pour gouverner le camp
au cours de son voyage vers le Missouri en
1838.
Le camp de Kirtland fut également harcelé en chemin par les persécutions.
Beaucoup de gens étaient soupçonneux à l’égard des voyageurs en piteux état qui
traversaient les villes et les villages. «Tandis que nous marchions sur la route le
matin, sans faire de mal à personne, certains membres de la compagnie furent
accueillis à la façon d’aujourd’hui par des voyous qui leur lancèrent des oeufs28.»
Les menaces de violence étaient parfois mêlées de railleries. Au Missouri, les
citoyens d’une localité placèrent «de l’artillerie» dans la rue pour empêcher le
groupe de la traverser. On ne leur permit de continuer que lorsqu’un des soixantedix calma l’inquiétude des citoyens, et même alors plusieurs dirigeants du camp
passèrent la nuit en prison. Beaucoup de facteurs contribuèrent aux souffrances
du camp de Kirtland.
«Les accidents et la maladie affligeaient constamment les pionniers. Certaines
personnes furent écrasées sous des roues de chariot; d’autres succombèrent à la
maladie . . . Ils transpiraient le jour et dormaient la nuit sur un sol froid et parfois
détrempé. Ils traversaient des cours d’eau à gué, montaient et descendaient les
pentes et suivaient des routes et des pistes pleines d’ornières, constamment
affaiblis par la fatigue, un régime maigre et changeant et de l’eau polluée à boire.
«Au milieu de leurs souffrances et de leurs afflictions, ils demandaient l’aide de
leur Père céleste. Au cours du voyage, les anciens faisaient l’imposition des mains
181
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
aux malades et aux blessés; et ceux qui tenaient un journal signalaient que grâce à
29
la prêtrise, beaucoup parmi les affligés furent instantanément guéris .»
Lorsqu’en septembre le groupe arriva au Mississippi, ils apprirent que la guerre
avait éclaté dans l’ouest du Missouri entre les mormons et leurs ennemis, que tous
les mormons allaient bientôt être chassés de l’Etat, et que s’ils poursuivaient leur
voyage, ils seraient attaqués et subiraient le même sort. A la suite de ces menaces,
plusieurs membres du camp refusèrent d’entrer au Missouri. Mais la plupart
continuèrent, rejoignant finalement le prophète, le 2 octobre 1838, à Far West
(Missouri). Deux jours plus tard, ils arrivaient à Adam-ondi-Ahman où ils devaient
s’installer. Ils allaient bientôt découvrir qu’ils n’avaient pas laissé leurs problèmes
en Ohio. Au bout de quelques semaines, ils allaient affronter des persécutions
encore plus graves au Missouri.
NOTES
1. Stella Cahoon Shurtleff et Brent
Farrington Cahoon, comp., Reynolds Cahoon
and His Stalwart Sons, n. p., Stella Cahoon
Shurtleff, 1960, p. 28.
14. Voir Dean C. Jessee, «The Kirtland Diary
of Wilford Woodruff», Brigham Young
University Studies, été 1972, p. 385.
2. Benjamin F. Johnson, My Life’s Review,
Independence, Mo, Zion’s Printing and
Publishing Co., p. 15.
16. Dans Whitney, Life of Heber C. Kimball,
p. 104.
3. Latter Day Saints’ Messenger and Advocate,
sept. 1836, p. 379.
4. Messenger and Advocate, juin 1837, p. 520.
5. Voir Robert L. Millet et Kent P. Jackson,
éd., Studies in Scripture: Volume One, the
Doctrine and Covenants, Sandy, Utah, Randall
Book Co., 1984, pp. 432-36.
6. Voir Andrew Karl Larson, Erastus Snow:
The Life of a Missionary and Pioneer for the
Early Mormon Church, Salt Lake City,
University of Utah Press, 1971, pp. 67-74.
7. Messenger and Advocate, juin 1837, p. 509.
8. Dans Orson F. Whitney, Life of Heber C.
Kimball, 3e éd., Salt Lake City, Bookcraft,
1967, p. 99.
9. Eliza R. Snow, comp., Biography and Family
Record of Lorenzo Snow, Salt Lake City,
Deseret News Co., 1884, p. 20.
10. Journaux de Wilford Woodruff, 17 janv.
1837, département d’histoire de l’Eglise, Salt
Lake City.
11. Messenger and Advocate, mai 1837,
pp. 505-10.
12. Parley P. Pratt, éd., Autobiography of Parley
P. Pratt, série Classics in Mormon Literature,
Salt Lake City, Deseret Book Co., 1985,
p. 144.
13. «History of Brigham Young», Deseret
News, 10 févr. 1858, p. 386.
182
15. History of the Church, 2:489.
17. Voir History of the Church, 2:489-90.
18. Dans Whitney, Life of Heber C. Kimball,
p. 125.
19. Dans Whitney, Life of Heber C. Kimball,
pp. 130-31.
20. Whitney, Life of Heber C. Kimball, p. 172.
21. Heber C. Kimball, dans Journal of
Discourses, 5:22; voir aussi Whitney, Life of
Heber C. Kimball, pp. 170-73.
22. Dans Whitney, Life of Heber C. Kimball,
p. 105.
23. Dans Kenneth W. Godfrey, Audrey M.
Godfrey et Jill Mulvay Derr, Women’s Voices,
Salt Lake City, Deseret Book Co., 1982, p. 56.
24. Dans Godfrey, Godfrey et Derr, Women’s
Voices, p. 76.
25. Milton V. Backman, fils, The Heavens
Resound, Salt Lake City, Deseret Book Co.,
1983, p. 328.
26. Texte dactylographié d’une lettre de
Hepzibah Richards à Willard Richards, 22
janv. 1838, département d’histoire de
l’Eglise, Salt Lake City.
27. Johnson, My Life’s Review, pp. 32-33.
28. History of the Church, 3:112.
29. Backman, Heavens Resound, pp. 359-60.
CHAPITRE QUINZE
L’E G L I S E
1836-38
Ligne du temps
Date
Evénement important
Eté 1836
Les saints commencent à
coloniser Far West
26 déc. 1836 Création du comté de
Caldwell
Nov. 1837
Joseph Smith fait une brève
visite à Far West
DANS LE NORD DU
MISSOURI,
L
E PROPHÈTE ET d’autres dirigeants de l’Eglise quittèrent Kirtland en
janvier 1838. La plupart des autres membres suivirent dans l’année. Il n’y
eut pas de décision d’abandonner Kirtland, mais à l’évidence, le centre
de l’Eglise se déplaçait vers le nord du Missouri. Un petit nombre de membres
peut-être se souvinrent de la révélation donnée en 1831: «Moi, le Seigneur, je
veux garder une place forte dans le pays de Kirtland, pendant l’espace de cinq
14 mars 1838 Le prophète arrive pour
s’installer à Far West
ans» (D&A 64:21). Dès le début de 1838, les années de la gloire de Kirtland
Mai 1838
Fondation d’Adam-ondiAhman
étaient passées. Les membres du nord du Missouri créaient déjà un nouveau
Juin 1838
Colonisation du village de
DeWitt
19 juin 1838
Sydney Rigdon prononce son
«Salt Sermon»
4 juill. 1838
Sidney Rigdon fait son
discours de la fête de
l’Indépendance
8 juill. 1838
Appel de quatre nouveaux
apôtres et révélation de la loi
de la dîme
quartier général, Far West. D’autres saints dispersés aux Etats-Unis et au Canada
se préparaient à s’y rassembler. Les saints des derniers jours étaient vivement
désireux de trouver une période de paix après l’année désastreuse d’apostasie
de 1837.
LES
MORMONS INVITÉS À QUITTER LE COMTÉ DE
C L AY
Après leur expulsion du comté de Jackson à la fin de 1833, les saints du Missouri
connurent une paix relative auprès des habitants originels du comté de Clay. Il
n’entrait pas dans les intentions des dirigeants de l’Eglise de rendre cette situation
permanente; ils ne cessaient de demander aux autorités gouvernementales de les
aider à revenir au comté de Jackson et à récupérer leurs biens, mais toutes leurs
tentatives se révélèrent vaines. Entre-temps, des saints des derniers jours
continuaient à arriver, renforçant la crainte parmi les résidents du comté de Clay
que les colonies mormones ne deviennent permanentes.
Conscient de ces préoccupations, Edward Partridge et William W. Phelps firent,
au printemps de 1836, deux expéditions d’exploration, dans l’espoir de trouver des
emplacements possibles pour des colonies mormones dans le nord du Missouri,
région couramment appelée le «Far West». La plus grande partie de ces territoires
était de la brousse constituée d’herbe haute avec du bois seulement le long de
l’eau, des cours d’eau et des fleuves. A ce moment-là, seules les régions forestières
étaient considérées comme bonnes pour la colonisation. W. W. Phelps écrit que «il
y a quelqu’un dans presque chaque coin boisé à la frontière nord de l’Etat». Mais
les frères trouvèrent une région inhabitée dans le nord du comté de Ray, le long
du Shoal Creek, quoique craignant qu’il n’y eût pas suffisamment de bois pour
entretenir une population importante1. Néanmoins les frères commencèrent, le 3
mai, à acheter des terres dans la région de Shoal Creek.
Le 29 juin 1836, une réunion de masse eut lieu au tribunal du comté de Clay à
Liberty pour discuter des objections à la présence des mormons dans la région.
183
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Certains craignaient que la «crise» ne se transforme en guerre civile. Les
adversaires donnèrent cinq raisons à leurs objections à la présence des saints: (1)
Ils étaient pauvres. (2) Leurs caractéristiques religieuses distinctives suscitaient des
préjugés. (3) Leurs coutumes et leur dialecte de l’Est étaient étrangers aux
Missouriens. (4) Ils étaient opposés à l’esclavage. (5) Ils croyaient que les Indiens
étaient le peuple élu de Dieu destiné à hériter le pays de Missouri avec eux. Les
citoyens rappelèrent aussi aux mormons leur promesse de quitter le comté et leur
proposèrent d’envisager de s’installer dans le Wisconsin, dans le nord nonesclavagiste où il y avait beaucoup de régions convenant à une colonisation. Les
autorités du comté de Clay promirent d’empêcher toute violence à l’égard des
mormons jusqu’à ce qu’ils puissent quitter la région.
Assurés qu’ils commenceraient bientôt à s’installer à Shoal Creek, les dirigeants
de l’Eglise n’eurent pas d’objection à la demande d’un accord de paix et
convoquèrent une réunion publique le 1er juillet pour rédiger une réponse. Des
résolutions furent approuvées exprimant pour les saints la reconnaissance de la
gentillesse que les citoyens du comté de Clay leur avaient manifestée et de leur
désir de solutions paisibles à la crise. Les dirigeants s’engagèrent à emmener les
saints hors du comté et à mettre fin à l’afflux des immigrants. Le lendemain, les
dirigeants du comté de Clay acceptèrent la réponse et commencèrent à constituer
des comités pour aider les saints à déménager.
En Ohio, la Première Présidence ayant appris ces nouveaux événements,
envoya des lettres séparées aux dirigeants de l’Eglise et au comité du comté de
Clay. Ils exhortèrent les membres de l’Eglise à maintenir la paix mais à ne pas
s’installer dans le Wisconsin. Ils informèrent le comité du comté de Clay qu’ils
avaient conseillé aux saints d’éviter les effusions de sang et de quitter le comté.
Le 7 juillet, les dirigeants de l’Eglise du Missouri écrivirent au gouverneur
Daniel Dunklin qu’ils avaient l’intention d’aller s’installer dans les six cent
cinquante hectares qu’ils avaient achetés dans le nord du comté de Ray et
demandèrent son aide pour disperser les émeutiers potentiels. En 1836, le
«problème mormon» n’était pas aussi important dans la politique du Missouri
qu’en 1833-34; et comme c’était une année d’élections, le gouverneur était moins
enclin à aider les saints. En outre, beaucoup d’électeurs du comté de Ray étaient
opposés à l’installation des saints dans leur comté, même dans les prairies
inhabitées du nord. Le 18 juillet, le gouverneur Dunklin répondit, tout en
compatissant à la situation difficile des saints: «L’opinion publique peut l’emporter
sur toutes les autres lois; et quand un homme ou un groupe d’hommes devient
insupportable à cette opinion au point que le peuple prend la décision de s’en
débarrasser, il est inutile de vouloir s’opposer à elle.
« . . . Les conséquences seront les mêmes . . . à moins que vous ne puissiez, par
votre conduite et vos arguments, le convaincre [le peuple du Missouri] de votre
innocence. Si vous ne le pouvez, tout ce que je peux vous dire, c’est que dans cette
république la vox populi est la vox Dei [la voix du peuple est la voix de Dieu]2.»
184
L’EGLISE DANS LE NORD DU MISSOURI, 1836-38
C R É AT I O N D U
D E FA R W E S T
COMTÉ DE
CALDWELL
E T F O N D AT I O N
La situation des saints était critique. N’ayant pas l’assurance d’être protégés par
le gouverneur et devant l’hostilité des comtés de Clay et de Ray, la présidence du
pieu et le grand conseil tinrent une réunion d’urgence le 25 juillet. Pour
compliquer encore les choses, les frères venaient d’apprendre qu’une centaine de
familles de saints immigrants campaient sur la Crooked River dans le bas du comté
de Ray. Beaucoup étaient malades, la plupart étaient démunis de fonds pour
acheter des provisions ou des terres. Les citoyens du comté de Ray les menaçaient
de violence s’ils ne partaient pas. En outre, une autre centaine de familles
appauvries était en route, venant du fleuve Mississippi. «Pour empêcher les
attaques d’émeutiers, la confusion, la peste et la mort», les dirigeants de l’Eglise
conseillèrent aux immigrants de se disperser parmi les habitants des colonies et de
trouver un logement temporaire et du travail. Thomas B. Marsh et Elisha H.
Groves, convertis du Kentucky, furent envoyés dans les branches de l’Eglise dans
d’autres Etats pour récolter de l’argent au profit de «la pauvre Sion en sang»,
tandis que W. W. Phelps, John Whitmer, Edward Partridge, Isaac Morley et John
Corrill étaient chargés de trouver d’autres terres à coloniser3.
Les dirigeants de l’Eglise assurèrent aussi les citoyens du comté de Ray que les
saints avaient l’intention de ne s’installer que dans les prairies du nord et de
demander la création d’un nouveau comté, ce que les citoyens acceptèrent
volontiers. Une autre proposition qui fut acceptée, ce fut de créer une zone
tampon de dix kilomètres, cinq kilomètres de part et d’autre de la frontière entre
les comtés, et d’en faire un «no-man’s land» où ni mormons, ni non mormons ne
pouvaient s’installer.
Entre-temps, au début d’août, W. W. Phelps et John Whitmer trouvèrent, dans le
nord du comté de Ray, un emplacement pour une ville, qu’ils appelèrent Far West.
Elle était à vingt kilomètres à l’ouest de Haun’s Mill, petite colonie mormone créée
un an plus tôt par Jacob Haun sur le Shoal Creek. Les saints commencèrent à se
rassembler à la fin de l’été et pendant l’automne, et bientôt apparurent Far West et
de nombreuses colonies plus petites.
Alexander W. Doniphan, ami des saints et membre du gouvernement de l’Etat,
introduisit, au cours de la session parlementaire de décembre 1836, une
proposition de loi de créer deux petits comtés dans les régions peu habitées du
nord du comté de Ray. Doniphan donna aux nouveaux comtés les noms de
Alexander W. Doniphan (1808-87) naquit au
Kentucky. A dix-huit ans, il obtint son diplôme
à l’Augusta College du Kenbucky. Plus tard, il
fit son droit et réussit les examens requis
pour exercer le droit en Ohio et au Missouri.
Le 21 décembre 1837, il épousa Elizabeth
Jane Thornton, et ils eurent deux fils qui
moururent tous les deux dans leur jeunesse.
Alexander W. Doniphan mourut à Richmond
(Missouri) et fut enterré à Liberty, qui avait été
sa patrie pendant de nombreuses années.
Daviess et de Caldwell, d’après deux célèbres guerriers indiens du Kentucky dont
il était lui-même originaire. Le comté de Caldwell, où se situaient les colonies de
Far West et de Shoal Creek, devait être réservé aux mormons, d’où ils seraient
autorisés à envoyer des représentants au gouvernement de l’Etat. Cette
ségrégation des saints des derniers jours fut considérée comme une excellente
solution au «problème mormon». Lilburn W. Boggs, le nouveau gouverneur, signa,
le 29 décembre 1836, la loi créant les deux nouveaux comtés.
185
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Des difficultés internes surgirent tandis que les saints affluaient dans le comté de
Caldwell où ils avaient construit des maisons de rondins et préparé le terrain pour
les semailles du printemps. Au début de 1837, Thomas Marsh et Elisha Groves
revinrent de leur mission de levée de fonds au Kentucky et au Tennessee et
remirent $1450 à W. W. Phelps et à John Whitmer, conseillers dans la présidence du
pieu, étant donné que le président David Whitmer était en Ohio. Les conseillers
utilisèrent l’argent pour acheter d’autres terres, mais les achetèrent en leur propre
nom et ensuite les vendirent aux saints avec un petit bénéfice qu’ils conservèrent.
Plusieurs membres de l’Eglise protestèrent immédiatement, et certains membres du
grand conseil se plaignirent de ce que les conseillers prenaient également des
décisions concernant Far West sans les consulter. Lors d’une série de réunions qui
eurent lieu en avril à Far West, ces frères reconnurent leurs torts, et il y eut
réconciliation. Il fut décidé que l’évêque, Edward Partridge, agissant après l’avis de
la présidence du pieu, du grand conseil et de deux apôtres qui étaient au
Missouri—Thomas B. Marsh et David Patten—distribuerait les terres.
Mais un mois plus tard, Phelps et Whitmer offensèrent de nouveau le grand
conseil et les apôtres en essayant de nouveau de tirer profit de ventes de terres.
Lorsqu’il fut informé de ce conflit, le prophète demanda et obtint les directives du
Seigneur, et il lui fut dit: «En vérité, ainsi te dit le Seigneur, mon serviteur Joseph:
mes serviteurs John Whitmer et William W. Phelps ont fait des choses qui ne sont
pas agréables à mes yeux; par conséquent s’ils ne se repentent pas, ils seront relevés
de leur poste4.» Néanmoins ce conflit se poursuivit jusqu’en novembre 1837.
Une conférence, qui eut lieu le 17 septembre 1837 à Kirtland, détermina
d’envoyer Joseph Smith et Sidney Rigdon au Missouri chercher d’autres
emplacements pour des pieux de Sion «pour que les pauvres aient un lieu de
refuge5». En réponse à la conférence, l’évêque Newel K. Whitney envoya
également une lettre le 18 septembre aux branches de l’Eglise dispersées partout
aux Etats-Unis, leur demandant d’envoyer leur dîme en or et en argent pour le
soulagement de Kirtland et l’organisation de Sion au Missouri.
Le prophète et plusieurs autres frères arrivèrent à Far West au début de
novembre et y passèrent environ six jours à tenir des réunions. Il fut constaté qu’il
y avait des ressources et de l’espace dans le nord du Missouri pour le
rassemblement des saints, et l’on choisit un comité pour trouver des
emplacements pour de nouveaux pieux. Joseph décida de différer la construction
d’un temple à Far West jusqu’à ce qu’il reçoive d’autres directives du Seigneur,
mais la taille de Far West passa de 2,6 kilomètres carrés à 5,2 kilomètres carrés. Les
problèmes liés aux activités de la présidence du pieu du Missouri étaient
temporairement résolus, et la présidence de pieu fut soutenue dans son appel.
Lors d’une conférence d’anciens tenue le 7 novembre 1837 à Far West, Frederick G.
Williams fut écarté de la Première Présidence, et Hyrum Smith fut soutenu comme
deuxième conseiller à sa place.
Au cours de l’hiver, de nouvelles discordes surgirent entre la présidence de pieu
et le grand conseil du Missouri. Oliver Cowdery et Frederick G. Williams, qui
étaient en désaccord avec le prophète à Kirtland, s’étaient alors installés à Far West
186
L’EGLISE DANS LE NORD DU MISSOURI, 1836-38
Publié avec la permission de J. B. West, propriétaire du parchemin, et de l'Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours réorganisée
Plan de Far West sur une peau de mouton
et, avec la présidence du pieu, avaient décidé de vendre des terres de l’Eglise du
comté de Jackson qu’ils détenaient en leur nom. La vente des terres en Sion était
une violation de la directive du Seigneur qui voulait que les saints devaient
maintenir leurs prétentions à ces terres du comté de Jackson (D&A 101:99).
Au début de février 1838, le grand conseil jugea John Whitmer et W. W. Phelps
pour avoir détourné les fonds de l’Eglise et David Whitmer pour avoir sciemment
enfreint la Parole de Sagesse. En dépit du fait que certains estimaient que le grand
conseil n’était pas autorisé à juger la présidence, la majorité vota de les éliminer, et
une résolution en ce sens fut envoyée aux branches et acceptée par les saints.
Quand la présidence affirma que le procès était illégal et qu’elle n’était pas
présente pour se défendre, le grand conseil acquit la conviction qu’elle «s’efforçait
de s’imposer comme présidence à l’Eglise», après avoir été dûment écartée6. C’est
pourquoi, le 10 février, le grand conseil, avec l’aide de deux apôtres, excommunia
W. W. Phelps et John Whitmer et soutint Thomas B. Marsh et David W. Patten
comme présidents suppléants jusqu’à l’arrivée attendue de Joseph Smith. Les
autres mesures à l’égard de David Whitmer, d’Oliver Cowdery et de Lyman
Johnson, un apôtre qui s’était joint aux dissidents, furent suspendues en attendant
l’arrivée du prophète.
187
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Dans une lettre adressée à Joseph Smith, frère Marsh explique: «Nous pensons
que si nous n’avions pas pris les mesures sus-mentionnées, rien n’aurait pu
empêcher une rébellion contre le grand conseil et l’évêque; le mécontentement à
l’égard des présidents était si grand que le peuple commençait à soupçonner
toutes les autorités d’avoir tendance à soutenir ces hommes dans leur méchanceté,
et il était certain qu’au bout de peu de temps, les membres de l’Eglise s’en seraient
allés, chacun de son côté, comme des brebis sans berger7.»
LE
P R O P H È T E S ’ I N S TA L L E À
FA R W E S T
Le prophète Joseph était encore en Ohio; la nouvelle des persécutions et des
remous dans l’Eglise du Missouri le démoralisa. Le 12 janvier 1838, il reçut une
révélation expliquant que seule la Première Présidence pouvait créer un pieu8.
Cette révélation signifiait que la création du pieu de Far West n’était pas valide. Il
se rendit donc au Missouri non seulement pour échapper à ses ennemis, mais pour
mettre l’Eglise de Far West en ordre. Le voyage fut difficile, mais lorsque Joseph et
Emma, qui était enceinte de six mois, arrivèrent au Missouri au mois de mars,
beaucoup de saints allèrent à leur rencontre pour les accompagner à Far West.
A treize kilomètres de la ville, une autre escorte enthousiaste leur réjouit le coeur.
Après tant de difficultés dans l’Est, le prophète se sentait encouragé par le soutien
des saints du Missouri, et ils étaient tout aussi heureux de le voir s’installer
parmi eux.
Pendant qu’il était à Far West, Joseph approuva le limogeage de la présidence du
pieu. A la fin de mars, il était optimiste en ce qui concerne l’unité de Far West, en
dépit de l’arrivée de plusieurs lettres d’apostats de Kirtland, qui répandirent des
mensonges parmi un petit nombre de personnes. Joseph écrivit à Kirtland pour
dire que «la paix et l’amour règnent partout; en un mot le ciel sourit sur les saints
de Caldwell9». Deux jours avant la conférence générale d’avril, ils furent réjouis de
voir Sidney Rigdon et son groupe arriver après un voyage long et difficile.
A la conférence, le prophète appela les trois membres aînés du Collège des
douze apôtres, Thomas B. Marsh, David W. Patten et Brigham Young, comme
nouvelle présidence du pieu du Missouri. Mais ce n’était qu’une solution
temporaire. Neuf jours plus tard, il recevait une révélation disant à frère Patten
d’arranger ses affaires de manière à pouvoir partir avec d’autres membres des
Douze au printemps de 1839 pour une nouvelle mission à l’étranger (voir D&A
114). Au cours d’une session ultérieure, David Patten passa en revue l’état du
Collège des Douze, dont tous les membres n’étaient pas au Missouri. Il désigna six
de ses frères comme «hommes de Dieu . . . Il avait certains doutes à l’égard de
William Smith, . . . William E. McLellin, Luke S. Johnson, Lyman E. Johnson et John
F. Boynton, qu’il dit être des hommes qu’il ne pouvait pas recommander à la
conférence10». Il devint manifeste que quatre des hommes devraient être
remplacés. Au cours des sessions qui eurent lieu les sept et huit avril, des mesures
supplémentaires furent prises pour mettre de l’ordre dans l’Eglise au Missouri.
Après la conférence, la nouvelle présidence du pieu traita le cas des anciens
dirigeants qui avaient apostasié. Elle écrivit à John Whitmer, qui avait été historien
188
L’EGLISE DANS LE NORD DU MISSOURI, 1836-38
de l’Eglise et membre de la présidence du pieu du Missouri, demandant de
remettre à l’Eglise ses notes et écrits historiques. Il n’obéit pas. Ce n’est que
récemment que son histoire a été publiée dans son intégralité.
Beaucoup plus sérieuse fut l’affaire Oliver Cowdery. Le grand conseil l’accusa de
persécuter les dirigeants de l’Eglise de procès vexatoires, de chercher à nuire à
la réputation de Joseph Smith, de ne pas accepter l’autorité ecclésiastique dans
les affaires temporelles, de vendre des terres dans le comté de Jackson
et d’abandonner son appel de président-adjoint de l’Eglise pour se consacrer
à sa carrière d’homme de loi. Oliver refusa de comparaître devant le conseil
mais répondit par lettre. Il rejeta le droit de l’Eglise de dicter la façon dont il
devait gérer sa vie et demanda que l’on mette fin à son appartenance à l’Eglise. Le
grand conseil l’excommunia le 12 avril 1838. Il passa dix ans en dehors de l’Eglise
mais se présenta plus tard, en octobre 1848, pour être baptisé à nouveau à
Kanesville (Iowa).
Le grand conseil excommunia aussi David Whitmer, un autre des trois témoins
du Livre de Mormon, sur l’accusation d’usurper trop d’autorité, d’écrire des lettres
de dissensions à des apostats et d’enfreindre la Parole de Sagesse. David ne
réintégra jamais l’Eglise, tout en maintenant jusqu’à sa mort son témoignage qu’il
avait vu l’ange et les plaques d’or. Lyman Johnson, des Douze, fut également
excommunié en même temps. En dépit du fait que l’excommunication de
membres autrefois aussi fidèles fût pénible, les dirigeants de l’Eglise estimaient
que c’était nécessaire pour purifier l’Eglise.
Vers la fin d’avril 1838, le prophète reçut une révélation concernant l’édification
de Far West. Elle donna tout d’abord le nom correct de l’Eglise qui devait être
«Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours» (D&A 115:4). Cela réglait
l’incertitude à ce sujet. L’Eglise avait été appelée l’Eglise du Christ, l’Eglise des
Saints des Derniers Jours et l’Eglise du Christ des Saints des Derniers Jours. Le
Seigneur commanda aussi la construction d’un temple. «Que la ville, Far West, soit
un pays saint et consacré à moi; et il sera appelé très saint, car la terre sur laquelle
vous vous tenez est sainte» (v. 7). Mais il fut dit à la Première Présidence de ne pas
encourir de dettes pour ce temple comme cela avait été le cas à Kirtland. Le
Seigneur commanda aussi aux frères de fonder des pieux dans les régions
environnantes. Cela devait se faire pour «que le rassemblement au pays de Sion et
dans ses pieux soit pour la défense, le refuge contre l’orage et contre la colère
lorsqu’elle sera déversée sans mélange sur toute la terre» (v.6).
Le prophète passa les trois semaines suivantes à rendre visite aux saints du
comté de Caldwell et à leur enseigner les principes de l’Evangile. Ensuite, avec
l’aide de Sidney Rigdon, il se lança dans le projet ambitieux d’écrire l’histoire de
l’Eglise depuis le commencement. L’histoire écrite par John Whitmer, premier
historien de l’Eglise, était incomplète, et de toutes façons n’était dorénavant plus
accessible. L’histoire de Joseph Smith et les premiers événements du
Rétablissement qui se trouvent maintenant dans la Perle de Grand Prix sont le
produit de ce projet lancé en avril 1838.
189
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
E X PA N S I O N
DANS LE NORD DU
MISSOURI
Ayant réglé les affaires de l’Eglise dans le comté de Caldwell, le prophète
consacra son temps à la recherche de lieux d’installation pour les saints d’Ohio et
d’autres Etats de l’Est, qui allaient venir au Missouri au printemps et pendant l’été
1838. En 1837, un petit nombre de saints des derniers jours s’étaient installés au
nord du comté de Caldwell dans le nouveau comté de Daviess. Ils le faisaient
conformément à l’accord verbal par lequel ils avaient obtenu la permission des
«gentils» de s’installer. Le mormon le plus éminent à s’installer dans le comté de
Daviess fut Lyman Wight, qui fonda la colonie de Wight sur un beau flanc de
colline dominant la Grand River.
A la mi-mai 1838, Joseph Smith et d’autres se mirent en route au nord pour
l’expédition d’exploration. Quand ils arrivèrent à Wight’s Ferry, sur la Grand
River, le prophète commanda la création d’une ville à cet emplacement. Il reçut
La deuxième cabane de Lyman Wight dans
la vallée d’Adam-ondi-Ahman. Lyman Wight
naquit le 9 mai 1796 à Fairfield (New York). Il
combattit dans la guerre de 1812.
Il fut baptisé en 1830 par Oliver Cowdery. Il
fut conseiller de John Smith, président du
pieu d’Adam-ondi-Ahman. Il fut ordonné
apôtre en 1841 mais, pour cause de
désobéissance, il perdit sa qualité de
membre de l’Eglise en 1848.
aussi la révélation que c’était l’emplacement d’Adam-ondi-Ahman. En 1835, le
Seigneur révéla que trois ans avant sa mort, Adam avait rassemblé sa postérité
juste «dans la vallée d’Adam-ondi-Ahman, et pronon[cé sur elle] sa dernière
bénédiction» (D&A 107:53; voir aussi 78:15-16). Orson Pratt dit que le nom
signifiait «Vallée de Dieu, où Adam demeura, et cela dans la langue originelle
parlée par Adam11». Adam-ondi-Ahman sera un jour l’emplacement d’une réunion
très importante au cours de laquelle des justes choisis accueilleront le Sauveur.
Pour employer les termes de la révélation: “C’est le lieu où Adam viendra visiter
son peuple, autrement dit le lieu où l’Ancien des jours s’assiéra, comme le dit
Daniel, le prophète” (D&A 116:1). Cette connaissance enthousiasma tellement les
frères que l’on fit des plans pour créer un pieu à Adam-ondi-Ahman.
190
L’EGLISE DANS LE NORD DU MISSOURI, 1836-38
Les explorateurs partirent à la recherche d’autres emplacements à coloniser le
long de la Grand River, un cours d’eau fortement boisé et navigable. Une fois les
explorations terminées, Joseph Smith revint à Far West, se rendant compte
qu’Emma allait bientôt avoir un autre enfant. Le 2 juin 1838, elle donna le jour à
un fils. Ils lui donnèrent le nom d’Alexander Hale Smith.
Peu de temps après, Joseph était de retour à Adam-ondi-Ahman pour faire
l’arpentage de la nouvelle ville et construire des maisons. Il désigna la localité
comme lieu de rassemblement pour les saints de Kirtland qui étaient toujours en
Ohio ou sur le chemin du Missouri. Lorsque son oncle John Smith et sa famille
arrivèrent à Far West, le prophète lui recommanda de s’installer à Adam-ondiAhman. Une conférence eut lieu le 28 juin dans la localité, qui prit le surnom
affectueux de «Di-Ahman», et John Smith fut soutenu comme président du pieu
avec Reynolds Cahoon et Lyman Wight comme conseillers. Un grand conseil fut
également organisé. Vinson Knight fut appelé évêque suppléant jusqu’à l’arrivée
de Kirtland de l’évêque Newel K. Whitney (voir D&A 117:11).
Les saints immigrants affluèrent à Adam-ondi-Ahman pendant tout l’été 1838.
Ils se considéraient grandement bénis de vivre dans le pays où Adam avait
séjourné. Un article dans le numéro d’août de l’Elders’ Journal décrit leur
enthousiasme:
«L’intense immigration . . . stimule les saints et nous incite à croire que Dieu est
sur le point de réaliser les actes étranges dont il a parlé par ses prophètes
d’autrefois.
A cause des persécutions, l’Elders’ Journal
ne fut publié que deux fois en 1837 à Kirtland
(Ohio). Il fut alors déplacé à Far West
(Missouri), où il fut également publié deux
fois. Le dernier numéro fut celui d’août 1838.
«L’énorme récolte de maïs et d’autres denrées cette saison . . . n’a, à notre
connaissance, jamais été égalée dans notre génération; et si le Seigneur continue à
nous bénir comme il s’est mis en devoir de le faire maintenant, il y aura bientôt des
surplus12.» En effet, une moisson abondante cet automne-là contribua à pourvoir
aux besoins des membres appauvris du camp de Kirtland quand ils arrivèrent au
Missouri pour s’y installer au début d’octobre à Di-Ahman.
A l’époque où l’on colonisait Di-Ahman, les saints commencèrent aussi à
s’établir à DeWitt, situé dans le comté de Carroll, près de l’endroit où la Grand
River se jetait dans le Missouri. Cela fut profitable à l’Eglise parce que les membres
créèrent un embarcadère pour les bateaux à vapeur où les émigrants pouvaient se
rendre en provenance des autres colonies de saints des derniers jours. John
Murdock et George M. Hinkle, membres du grand conseil de Far West, furent
autorisés à acheter du terrain à DeWitt et à ouvrir une colonie. DeWitt grandit
191
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
rapidement. A l’automne, une crise du logement se produisit lorsqu’un grand
groupe de saints arriva du Canada faisant de la ville mormone de DeWitt une ville
essentiellement constituée de tentes.
La plus prospère, et de loin, de toutes les localités de saints des derniers jours
était Far West. Au cours de l’été 1838, la population du comté de Caldwell
approchait les cinq mille, et plus de la moitié d’entre eux vivaient à Far West
même. Les saints construisirent plus de cent cinquante maisons, quatre magasins
de textiles, trois épiceries familiales, plusieurs forges, deux hôtels, une imprimerie
et une grande école, qui servait aussi comme église et comme tribunal13.
Les saints étaient occupés à semer et à construire des maisons de rondins, mais
ils s’arrêtaient pour adorer et étudier l’Evangile. Sarah Rich, vingt-quatre ans, était
jeune épouse lorsque elle et son mari, Charles, s’installèrent dans une maison de
rondins «douillette et heureuse» à six kilomètres de Far West, «la religion venant
au premier plan pour nous en toutes choses», déclara-t-elle. Chaque dimanche,
elle se rendait à cheval en ville pour aller aux réunions, «écoutait souvent Joseph
Smith, le prophète, prêcher et instruire le peuple, bénédiction qu’ [elle et son mari
appreciaient] beaucoup14».
Au cours de l’été 1838, le prophète s’occupa de l’importante question de combler
les vacances dans le Collège des douze apôtres. Il réaffirma leurs responsabilités et
donna des conseils aux saints sur le financement du royaume du Seigneur. Il y eut
une grande tristesse dans l’Eglise pour la perte de quatre des douze apôtres
originels. Elizabeth Barlow a fait la réflexion suivante: «Nous étions tous plus
attristés de voir les apôtres quitter l’Eglise que de subir nos épreuves et nos
persécutions15.»
En dépit de la tristesse, Joseph Smith commença à remplacer ces quatre apôtres
et à préparer les Douze à leur responsabilité de rallier le monde à l’Evangile.
Pendant l’automne 1837, avant sa visite à Far West, il informa John Taylor, solide
converti de Toronto, de son appel futur à l’apostolat16. A ce moment-là, frère Taylor
ne fut pas présenté au vote de soutien des membres de l’Eglise. Le mois de juillet
suivant, le prophète pria: «Montre-nous ta volonté, ô Seigneur, concernant les
Douze17.» La révélation qui s’ensuivit eut un impact profond sur l’histoire de
l’Eglise. Tout d’abord, le Seigneur commanda «que l’on nomme des hommes pour
prendre la place de ceux qui sont tombés» (D&A 118:1). John Taylor, John E. Page,
Wilford Woodruff et Willard Richards furent appelés.
Missionnaire au Canada pendant deux ans, John E. Page avait fait plus de huit
mille kilomètres et baptisé plus de six cents convertis. Lorsque cette révélation fut
donnée, il était en route pour le Missouri avec un groupe de saints canadiens. Ils
arrivèrent en octobre à DeWitt. Les frères Taylor et Page furent ordonnés apôtres
le 19 décembre 1838 à Far West par Brigham Young et Heber C. Kimball. Frère
Woodruff était missionnaire dans le Maine quand il reçut son appel par lettre. Il
amena un groupe de convertis de Nouvelle-Angleterre au Missouri, mais les saints
furent chassés de l’Etat avant leur arrivée, de sorte qu’il les installa en Illinois.
Wilford Woodruff fut ordonné apôtre à Far West le 26 avril 1839 quand il y
accompagna d’autres membres des Douze pour accomplir le commandement que
192
L’EGLISE DANS LE NORD DU MISSOURI, 1836-38
les Douze devaient commencer leur mission en Angleterre en partant de Far West
(voir D&A 118:4-5). Frère Richards, converti anglais, était missionnaire et dirigeant
de prêtrise en Grande-Bretagne et ne fut ordonné que lorsque des membres des
Douze y arrivèrent en 1840.
La révélation concernant les Douze commandait aussi à Thomas B. Marsh de
continuer à publier la parole du Seigneur (dans l’Elders’ Journal) à Far West et
commanda aux autres de prêcher «en toute humilité de coeur, avec douceur,
docilité et longanimité» (v. 3). Le Seigneur commanda en outre aux Douze de se
préparer à partir le 26 avril 1839 de Far West «pour traverser les grandes eaux et y
promulguer [son] Evangile» (v. 4). Le jour où la révélation fut donnée aux Douze,
Joseph Smith lut également aux saints deux révélations concernant les recettes de
l’Eglise. L’Eglise étant profondément empêtrée dans les difficultés économiques, le
prophète avait demandé des éclaircissements sur la façon dont il fallait appliquer
la loi de consécration. Le Seigneur modifia la loi originelle donnée en 1831 quand
il répondit:
«Je requiers d’eux qu’ils remettent entre les mains de l’évêque de mon Eglise, en
Sion, tout le surplus de leurs biens,
«Pour la construction de ma maison, pour la pose des fondations de Sion, pour
la prêtrise et pour les dettes de la Présidence de mon Eglise.
«Ce sera le commencement de la dîme de mon peuple.
«Et après cela, ceux qui auront été ainsi dîmés, payeront annuellement un
dixième de tous leurs revenus; et ce leur sera une loi permanente à jamais» (D&A
119:1-4). La deuxième révélation confiait à un comité d’Autorités générales la
responsabilité de dépenser les dîmes (voir D&A 120).
Bien que les saints du nord du Missouri fussent optimistes, il y avait des raisons
d’éprouver des appréhensions. Les saints, ayant supporté les persécutions et le
mécontentement pendant sept ans, étaient, on le comprend, énervés par les
dissidents qui résidaient à Far West. Les dissidents les harcelaient à coups de
procès et condamnaient les dirigeants de l’Eglise. En juin, Sidney Rigdon se lança
dans un discours véhément communément appelé le Salt Sermon. Il prit pour
texte l’Ecriture: «Vous êtes le sel de la terre, mais si le sel perd sa saveur . . . il ne
sert plus qu’à être jeté dehors, et foulé aux pieds par les hommes» (Matthieu 5:13).
Cela voulait dire que les dissidents devaient être chassés de parmi les saints.
Peu de temps après, un document non autorisé apparut, s’adressant à Oliver
Cowdery, David et John Whitmer, W. W. Phelps et Lyman E. Johnson, les
principaux dissidents. Le document était signé par quatre-vingt-quatre membres
de l’Eglise et ordonnait formellement aux apostats de ne pas rester dans le comté
sous peine de subir de graves conséquences. Le sermon et la lettre eurent l’effet
désiré; les dissidents s’enfuirent au plus vite et ne tardèrent pas à être suivis par
leurs familles. Ce comportement extrémiste de la part d’un petit nombre horrifia
certains membres de l’Eglise, et des protestations s’élevèrent. Par malheur cela
renforça aussi l’hostilité aux mormons croissante dans le nord du Missouri.
La création d’une société clandestine appelée les Danites par Sampson Avard
contribua aussi au conflit avec les gentils. Il s’agissait d’un groupe lié par le
193
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
serment, et des signes secrets d’identification et d’avertissement. Avard
convainquit ses partisans qu’ils agissaient avec l’approbation de la présidence
de l’Eglise et qu’ils étaient autorisés à se venger des ennemis de l’Eglise par le
vol, le mensonge et, si nécessaire, par le meurtre. Les déprédations des Danites,
réelles et imaginaires, intensifièrent l’hostilité et donnèrent aux dirigeants du
Missouri motif d’inculpation de Joseph Smith et d’autres dirigeants pour crimes
contre l’Etat.
Le discours de la fête de l’indépendance, prononcé par Sidney Rigdon en 1838,
accrut encore le feu sur le conflit entre mormons et gentils. Au moment où les
saints de Far West fêtaient l’anniversaire de la nation et posaient les pierres
angulaires du temple, l’éloquence de Sidney Rigdon suscita chez eux une intense
émotion. Il annonça d’une voix de tonnerre la déclaration d’indépendance des
saints à l’égard de toute nouvelle violence ou activité illégale par des émeutiers. Il
mit les émeutiers potentiels en garde contre le fait que l’Eglise ne supporterait plus
humblement les persécutions mais se défendrait jusqu’à la mort. «Ce sera entre
nous et eux une guerre d’extermination, car nous les suivrons jusqu’à ce que la
dernière goutte de leur sang soit répandue, ou alors ils devront nous exterminer18.»
On eut la maladresse de publier et de diffuser des exemplaires de ce discours
enflammé. Des exemplaires parvinrent entre les mains des dirigeants du Missouri
et constituèrent finalement la base des accusations de trahison et de violence
contre les saints.
C’est ainsi que les conditions furent réunies pour le conflit terrifiant et les pertes
terribles en vies et en biens qui s’ensuivirent. Les saints allaient devoir passer
encore un peu plus par «le feu du fondeur» avant de pouvoir trouver la paix.
NOTES
1. Dans History of the Church, 2:445.
2. Dans History of the Church, 2:462.
3. Donald Q. Cannon et Lyndon W. Cook,
éd., Far West Record: Minutes of the Church of
Jesus Christ of Latter-day Saints, 1830-1844,
Salt Lake City, Deseret Book Co., 1983,
p. 105.
4. History of the Church, 2:511.
5. Dans History of the Church, 2:516.
6. Dans History of the Church, 3:7.
7. Elders’ Journal, juillet 1838, p. 45.
8. Voir «The Scriptory Book of Joseph
Smith», département d’histoire de l’Eglise,
Salt Lake City, pp. 52-53.
9. History of the Church, 3:11.
10. Dans History of the Church, 3:14.
11. Dans Journal of Discourses, 18:343; voir
aussi Bruce R. McConkie, Mormon Doctrine,
2e éd., Salt Lake City, Bookcraft, 1966,
pp. 19-21.
12. Elders’ Journal, août 1838, p. 52.
194
13. Voir B. H. Roberts, A Comprehensive
History of the Church of Jesus Christ of Latterday Saints, Century One, 6 vol., Salt Lake City,
The Church of Jesus Christ of Latter-day
Saints, 1930, 1:425.
14. Sarah DeArmon Pea Rich,
autobiographie holographique, département
d’histoire de l’Eglise, Salt Lake City, p. 36; ou
Kenneth W. Godfrey, Audrey M. Godfrey et
Jill Mulvay Derr, Women’s Voices, Salt Lake
City, Deseret Book Co., 1982, p. 98.
15. Elizabeth Haven Barlow, «Mother of
Eight», dans Kate B. Carter, comp., Our
Pioneer Heritage, 19 vol., Salt Lake City,
Daughters of Utah Pioneers, 1967-76, 19:321;
ou Leonard J. Arrington et Susan Arrington
Madsen, Sunbonnet Sisters, Salt Lake City,
Bookcraft, 1984, p. 24.
16. Voir B. H. Roberts, The Life of John Taylor,
Salt Lake City, Bookcraft, 1963, p. 47.
17. History of the Church, 3:46.
18. Oration Delivered by Mr. S. Rigdon on the
4th of July 1838, Far West, Journal Office,
1838, département d’histoire de l’Eglise, Salt
Lake City, p. 12.
CHAPITRE SEIZE
PERSÉCUTIONS
DU MISSOURI
Ligne du temps
Date
Evénements importants
6 août 1838
Bataille du jour des élections à
Gallatin
7 sept. 1838
Jugement de Joseph Smith et
de Lyman Wight devant le juge
Austin King
1-7 oct. 1838 Bataille de DeWitt
ET EXPULSION
P
ENDANT LES CHAUDS mois d’été 1838, les relations entre les saints
des derniers jours et leurs voisins du nord du Missouri continuèrent à se
dégrader rapidement. Parley P. Pratt, qui était arrivé en mai à Far West,
après être revenu de son service missionnaire dans l’Est, décrit la situation tendue
qui existait en juillet 1838: «Des nuées de guerre sombres et menaçantes
recommençaient à s’amonceler. Ceux qui s’étaient coalisés contre les lois dans les
18-19 oct.
1838
Guerre de guérilla dans le
comté de Daviess
25 oct. 1838
Bataille de la Crooked River
croissantes avec jalousie et avec des yeux cupides et avides. Il était courant de se
27 oct. 1838
«Ordre d’extermination» du
gouverneur Boggs
vanter que dès que nous aurions terminé tous nos travaux de mise en valeur et
30 oct. 1838
Massacre de Haun’s Mill
que nous aurions eu une abondante récolte, ils nous chasseraient de l’Etat et
30 oct.-6 nov. Siège de Far West
1838
comtés voisins, voyaient depuis longtemps notre puissance et notre prospérité
s’enrichiraient une fois de plus avec le butin1.» Pour ces raisons et d’autres, des
violences se déclenchèrent, qui eurent pour résultat final d’expulser l’Eglise tout
entière de l’Etat du Missouri.
B ATA I L L E
DU JOUR DES ÉLECTIONS À
G A L L AT I N
En 1831, une famille du nom de Peniston était devenue la première famille de
colons blancs dans ce qui allait devenir le comté de Daviess. L’année suivante, ils
construisirent un moulin sur la Grand River pour moudre de la farine pour les
nouveaux arrivants. Ils créèrent le village de Millport. Lorsque le comté fut créé en
1836, il y avait encore moins de cent colons. Les plans de la ville de Galatin furent
créés pour en faire le siège du comté et, du fait de sa croissance, Millport, qui était
Le nord-ouest du Missouri
Comté de Daviess
Adam-ondiAhman
Millport
Gallatin
G
ra
n d R i v er
Caldwell
Haun’s Mill
Far West
S h oal
Cr
ee
k
Comté de Carroll
DeWitt
195
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
à cinq kilomètres à l’est, déclina. Pendant l’été 1838, les saints affluèrent à Diahman
à environ six kilomètres au nord de Gallatin. Leur nombre parvint rapidement à
dépasser celui des gentils dans le comté de Daviess.
L’année 1838 était une année d’élections. Les colons originels voulaient
naturellement élire un des leurs à la tête de l’Etat. William Peniston, ennemi juré
des saints, était candidat. Il craignait qu’avec l’afflux rapide de mormons, il ne
remporte pas les élections, parce que la plupart des membres de l’Eglise
soutenaient John A. Williams. Quinze jours environ avant les élections, le juge
Joseph Morin de Millport recommanda à deux anciens de l’Eglise d’aller aux urnes
prêts à se faire attaquer par des émeutiers décidés à empêcher les mormons de
voter. Les élections devaient avoir lieu le lundi 6 août à Gallatin, qui était à ce
moment-là une simple rangée désordonnée de «dix maisons, dont trois étaient
des saloons2».
Espérant que la prédiction du juge se révélerait fausse, un certain nombre de
mormons se rendirent sans armes à Gallatin pour voter. A 11 heures du matin,
William Peniston s’adressa à la foule des électeurs, espérant les exciter contre les
mormons: «Les dirigeants mormons sont une bande de voleurs de chevaux, de
menteurs, de faux-monnayeurs, et vous savez qu’ils professent guérir les malades
et chasser les démons, et vous savez tous que c’est un mensonge3.» Les jours
d’élection dans l’Ouest se passaient rarement dans le bon ordre, mais avec le
discours enflammé de Peniston et le fait que certains dans la foule étaient remplis
de whisky, la bataille était inévitable. Dick Welding, le caïd des émeutiers, donna
un coup de poing à un des saints et l’envoya au tapis. Il s’ensuivit une bagarre.
Bien que débordé par le nombre, un des mormons, John L. Butler, s’empara d’un
piquet en chêne qui se trouvait sur une pile de bois proche et commença à frapper
les Missouriens avec une force qui l’étonna lui-même. Les Missouriens s’armèrent
de planches et de tout ce qui leur tombait sous la main; pendant la bagarre qui
s’ensuivit, plusieurs personnes de part et d’autre furent sérieusement blessées. Peu
de mormons votèrent ce jour-là, mais Peniston perdit quand même l’élection.
Le lendemain matin, des comptes rendus inexacts de la bataille parvinrent aux
oreilles des dirigeants de l’Eglise à Far West. Apprenant que deux ou trois des
frères avaient été tués, la Première Présidence et une vingtaine d’autres partirent
immédiatement, le mercredi 8 août, pour le comté de Daviess. Ils s’armèrent pour
leur propre protection et en route furent rejoints par des membres de l’Eglise
venus de diverses parties de Daviess, dont certains avaient été attaqués par les
émeutiers du jour des élections. Ils arrivèrent ce soir-là à Diahman et furent
soulagés d’apprendre qu’aucun des saints n’avait été tué.
Tandis qu’il était dans le coin, le prophète décida qu’il serait sage de faire un tour
de la région à cheval avec quelques-uns des autres frères pour évaluer la situation
politique et calmer les craintes qui avaient été suscitées dans le comté. Ils rendirent
visite à plusieurs des vieux colons du voisinage, dont Adam Black, juge de paix et
juge nouvellement élu du comté de Daviess. Sachant que Black avait participé aux
activités antimormones, ils lui demandèrent s’il appliquerait la loi avec justice et
s’il était disposé à signer un accord de paix. Selon Joseph Smith, lorsque Black eut
196
PERSÉCUTIONS ET EXPULSION DU MISSOURI
signé une attestation certifiant qu’il se désolidariserait des émeutiers, les frères
retournèrent à Adam-ondi-Ahman4. Le lendemain, un conseil composé de
mormons et de non-mormons éminents “conclut une alliance de paix, de protéger
leurs droits mutuels et de se défendre mutuellement; au cas où des hommes
agiraient mal, aucun des groupes ne les défendrait ou ne s’efforcerait de les
protéger de la justice, mais il livrerait tous les offenseurs pour qu’ils fussent traités
selon la loi et la justice5”.
La bonne volonté dura moins de vingt-quatre heures. Le 10 août, William
Peniston fit sous serment une déclaration à Richmond (comté de Ray) devant le
juge du circuit, Austin A. King, déclarant que Joseph Smith et Lyman Wight
avaient organisé une armée de cinq cents hommes et avaient menacé de mort
«tous les vieux colons et citoyens du comté de Daviess6». Lorsqu’il fut mis au
courant, Joseph attendit chez lui à Far West ce qui allait arriver. Lorsque le shérif
apprit que Joseph était disposé à se laisser arrêter s’il pouvait être jugé dans le
comté de Daviess, il refusa de présenter le mandat et s’en alla à Richmond
consulter le juge King.
Pendant quinze jours environ, la tension monta dans les comtés de Daviess et
de Carroll. Adam Black prétendit faussement que 154 mormons l’avaient
menacé de mort s’il ne signait pas l’accord de paix. Le prophète répondit que la
déclaration de Black «le montre sous son vrai jour: un meneur d’émeutiers sans
principes, détestable et parjure7». Avec les rumeurs et les histoires exagérées que
l’on faisait circuler dans tout le Missouri et la fausse information d’un soulèvement
mormon qui parvinrent jusqu’au gouverneur Lilburn W. Boggs, la guerre civile
paraissait imminente.
LES
CONDITIONS D’UNE GUERRE RÉUNIES
En septembre, le prophète médita sur la dégradation de la situation et définit
l’attitude de l’Eglise. Il fit la déclaration suivante:
«Il y a actuellement beaucoup d’énervement parmi les Missouriens, qui
cherchent à trouver un prétexte contre nous. Ils ne cessent de nous irriter et
essaient de nous provoquer à la colère; les gestes de menace se suivent, mais nous
ne craignons rien, car le Seigneur Dieu, le Père éternel, est notre Dieu, et Jésus . . .
est notre force et notre assurance . . .
« . . . Leur père, le diable, les invite d’heure en heure à être à l’oeuvre et eux,
comme des enfants bien disposés et obéissants, ne se le font pas dire deux
fois; mais au nom de Jésus-Christ . . . nous ne le supporterons plus, si le grand
Dieu veut nous armer de courage, de force et de puissance, pour leur résister
dans leurs persécutions. Nous ne prendrons pas l’offensive, mais nous nous
défendrons toujours8.»
Le lendemain, Joseph Smith demanda au général de division David Atchison et
au général de brigade Alexander Doniphan, de la milice de l’Etat du Missouri, leur
conseil sur la façon de mettre fin aux hostilités dans le comté de Daviess. Tous deux
avaient été hommes de loi pour les saints pendant les troubles du comté de
Jackson en 1833-34 et continuaient à être amicaux à l’égard de l’Eglise. Le général
197
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Atchison promit qu’il ferait tout ce qui était en son pouvoir en tant qu’officier
militaire pour disperser les émeutiers. Ils conseillèrent au prophète et à Lyman
Wight, qui était également présent, d’être volontaires pour être jugés dans le
comté de Daviess. En conséquence, un procès eut lieu le 7 septembre, juste au
nord de la frontière du comté, chez un fermier non mormon. Craignant une action
possible des émeutiers, Joseph Smith fit stationner une compagnie d’hommes à la
frontière du comté «pour être prêts à la minute s’il devait y avoir un problème lors
du procès9». On ne présenta aucune preuve de nature à incriminer les deux
dirigeants, mais cédant aux pressions, le juge King ordonna qu’ils fussent jugés
devant le tribunal et les libéra sous une caution de cinq cents dollars.
Malheureusement, cela ne contribua en rien à apaiser l’esprit d’émeute. Les
ennemis de l’Eglise, parmi lesquels beaucoup venus d’autres comtés, se
préparèrent à attaquer Adam-ondi-Ahman. Lyman Wight était colonel dans le
cinquante-neuvième régiment du Missouri, qui était sous l’autorité de l’Etat, sous
la direction du général H. G. Parks. Lyman commanda d’armer plus de cent
cinquante hommes, faisant partie de la milice de l’Etat, pour défendre la ville
contre les émeutiers. Mormons et émeutiers envoyèrent des patrouilles partout
dans la campagne, firent de temps en temps des prisonniers et, d’une manière
générale, s’insultèrent. Seul le comportement prudent des généraux Atchison et
Doniphan empêcha la violence. Vers la fin de septembre, le général Atchison
écrivit au gouverneur: «Les choses ne se passent pas aussi mal dans ce comté [de
Daviess] que veut le faire croire la rumeur, et en fait, d’après des déclarations que
j’ai en ma possession, je n’ai aucun doute que votre Excellence ait été abusée par
les déclarations exagérées de comploteurs ou de gens à moitié fous. Je constate
qu’il n’y a aucune raison de s’alarmer à propos des mormons; ils ne sont pas à
craindre; ils sont très alarmés10.»
A peu près dans le même temps, un comité de «vieux citoyens» du comté de
Daviess accepta de vendre ses biens aux saints. Joseph Smith envoya
immédiatement des messagers vers l’Est et le Sud pour essayer de lever les fonds
nécessaires, mais l’escalade rapide du conflit ne permit pas la réalisation de ce
projet d’accord.
SIÈGE
DE
DEWITT
Pendant ces conflits, des événements tout aussi inquiétants se produisaient
entre les saints et leurs voisins à DeWitt (comté de Carroll). Quelques mormons
avaient été précédemment accueillis lorsqu’ils avaient commencé à s’installer à
DeWitt en juin 1838, mais dès juillet il apparut aux citoyens du comté de Carroll
que les saints des derniers jours n’allaient pas tarder à les dépasser en nombre.
Comme dans les comtés de Jackson, de Clay et de Daviess, la peur de perdre le
contrôle politique motiva les «vieux colons» à croire les faux bruits rapportés sur
les «fanatiques mormons» et de trouver un prétexte pour les chasser. Trois
réunions eurent lieu en juillet pour unir les citoyens afin d’expulser les mormons.
Lorsqu’on lui présenta l’ultimatum disant qu’ils devaient partir, George M.
Hinkle, dirigeant des saints et colonel de la milice de l’Etat du Missouri, leur
198
PERSÉCUTIONS ET EXPULSION DU MISSOURI
déclara avec défi que les saints défendraient leur droit de rester à DeWitt. Pendant
tout le mois de septembre, ce fut le statu quo. La violence fut évitée en partie parce
que beaucoup d’hommes de la milice de Carroll étaient partis se battre au comté
de Daviess pendant le mois de septembre. A la fin de septembre, les saints de
DeWitt envoyèrent une lettre au gouverneur Lilburn W. Boggs demandant son
aide pour se défendre contre «les émeutiers sans loi» du comté de Carroll et
d’autres comtés, mais ils ne reçurent aucune réponse.
Entre-temps, les forces non mormones de DeWitt continuaient à s’accroître avec
l’arrivée presque quotidienne de troupes venues des comtés de Ray, Howard et
Clay. Les saints des derniers jours reçurent aussi des renforts et commencèrent à
construire des barricades.
La première semaine d’octobre fut terrible pour les saints parce que des combats
éclatèrent entre les deux camps. John Murdock écrit: «Nous étions
continuellement employés, jour et nuit, à garder [les saints] . . . Une nuit . . . je
passai toute la nuit à aller d’une sentinelle à l’autre pour les maintenir à leur
tâche11.» Le besoin de nourriture et d’abri devint critique. Les forces antimormones
considéraient ce siège comme «une guerre d’extermination12».
Tandis qu’il était à la recherche d’un nouveau lieu d’installation, le prophète
Joseph Smith rencontra un émissaire angoissé en route pour Far West pour
informer les frères de la situation à DeWitt. Déçu, le prophète dit: «J’avais espéré
que le bon sens de la majorité des gens et le respect de la Constitution auraient
étouffé tout esprit de persécution qui aurait pu se manifester dans ce coin13.»
Changeant de programme, Joseph se déplaça en secret en suivant des routes peu
fréquentées pour éviter les gardes ennemies et se glissa dans DeWitt, où il trouva
une poignée de défenseurs face à la foule des émeutiers. Le prophète constata que
les saints subissaient une famine systématique et de graves privations.
Les dirigeants de l’Eglise décidèrent de faire de nouveau appel à l’aide du
gouverneur. Ils obtinrent des attestations de sympathisants non-mormons sur le
traitement des saints et leur périlleuse situation. Le 9 octobre, ils reçurent la
réponse du gouverneur selon laquelle «‹la querelle était entre les mormons et les
émeutiers› et que ‹c’était à eux de la vider›14». Cela réduisait à néant tout espoir que
les saints auraient encore pu mettre dans l’aide du chef de l’exécutif.
Dans ces circonstances, les tout premiers colons mormons de DeWitt
exhortèrent leurs frères à partir pacifiquement. Les saints, y compris Joseph Smith,
rassemblèrent soixante-dix chariots et abandonnèrent tristement DeWitt le 11
octobre. Ce soir-là, une femme qui venait d’accoucher mourut d’avoir été exposée
aux éléments et du fait qu’elle avait dû voyager avant que ses forces ne le lui
permettent. On l’enterra sans cercueil dans un bosquet. Les émeutiers ne cessaient
de harceler et de menacer au cours de leur voyage les saints, dont plusieurs
moururent de fatigue et de privations15.
199
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
DÉTRESSE CROISSANTE
E T D E D AV I E S S
DANS LES COMTÉS DE
CALDWELL
Encouragés par leur succès contre les saints à DeWitt et enhardis par la noningérence du gouverneur, les forces antimormones marchèrent sur le comté de
Daviess pour en chasser les mormons. Les dirigeants de l’Eglise furent alarmés
d’apprendre que huit cents hommes avançaient sur Adam-ondi-Ahman et qu’on
levait des troupes importantes pour marcher sur le comté de Caldwell. Le général
Doniphan, qui était à Far West lorsque le message arriva, ordonna au colonel
Hinkle de lever une milice parmi les résidents locaux pour protéger les saints.
Etant donné que les antimormons étaient techniquement également membres de
diverses autres unités de la milice, il s’ensuivit un conflit ironique de la milice
contre la milice.
Le jour du sabbat, le prophète parla aux saints utilisant comme texte une pensée
du Sauveur: «Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses
frères.» Il conclut en demandant que des volontaires se joignent à lui le lendemain
matin sur la place publique. Une compagnie d’une centaine d’hommes, autorisée
par le général Doniphan comme milice d’Etat du comté de Caldwell, partit le lundi
pour Diahman16.
Entre-temps, l’opposition était à l’oeuvre dans le comté de Daviess, John D. Lee
signale que plusieurs colons furent «liés à des arbres et horriblement fouettés à
coups de baguettes de noyer, et certains horriblement lacérés par les émeutiers17».
Un certain nombre de maisons furent brûlées, et le bétail fut chassé. En outre,
beaucoup de familles dispersées furent obligées, les 17 et 18 octobre, de fuir pour
chercher protection à Adam-ondi-Ahman au milieu d’une violente tempête de
neige. Joseph Smith écrit: «Je ne peux décrire les sentiments que j’éprouvai lorsque
je les vis arriver dans le village, presque totalement dépourvus de vêtements et
n’ayant rien pu sauver d’autre que leur vie18.»
Le général H. G. Parks, officier commandant la milice du Missouri dans le comté
de Daviess, qui fut témoin de ces événements, informa le général David Atchison
de l’aggravation de la situation. Celui-ci, qui commandait la milice du nord du
Missouri, lança un appel au gouverneur Boggs l’avertissant que les Missouriens
avaient l’intention de chasser les mormons des comtés de Daviess et de Caldwell
et exhorta vivement le gouverneur à venir se rendre compte sur place. C’était le
troisième appel vain d’Atchison au gouverneur, mais, comme les autres appels qui
suivirent, il fut ignoré. Le gouverneur Boggs ne se montra jamais disposé à écouter
la version des saints, même de la part d’une source digne de confiance comme le
général Atchison mais choisit plutôt de croire les rapports enflammés des
antimormons.
Comme les hostilités augmentaient dans le comté de Daviess, le général Parks
autorisa Lyman Wight, colonel dans la milice, à organiser une force de mormons
et à les utiliser pour disperser tous les émeutiers que l’on pouvait trouver dans le
comté de Daviess. Le général Parks dit aux troupes assemblées: «Je vous ai souvent
rendu visite, et je constate que vous êtes un peuple industrieux et prospère,
200
PERSÉCUTIONS ET EXPULSION DU MISSOURI
disposé à respecter les lois du pays; je regrette profondément que vous ne puissiez
vivre en paix et bénéficier des bénédictions de la liberté19.»
Pendant deux jours, la guérilla fit rage entre les mormons et les antimormons;
les deux camps pillèrent et brûlèrent. Les membres de l’Eglise considéraient que
prendre aux gentils était une nécessité qui leur était imposée par le fait que leurs
propres biens avaient été volés. Benjamin F. Johnson, jeune officier mormon de la
milice, dit: «Nous étions enfermés de toutes parts par nos ennemis et étions sans
nourriture. Tout le grain, le bétail, les porcs et les fournitures de toutes sortes
étaient restés dans la campagne, si loin de la maison qu’on ne pouvait se les
procurer que sous forte garde. La seule possibilité qui nous restait était de partir
en groupe à la recherche d’approvisionnement et de ramener tout ce que nous
pouvions trouver sans nous occuper de savoir à qui cela appartenait20.» Ce procédé
fut monté en épingle par les non-mormons lors des séances de tribunaux qui
suivirent la guerre mormone. De leur côté, les antimormons mettaient souvent le
feu à leurs propres meules et à leurs biens et en imputaient ensuite la
responsabilité aux saints. La rumeur ne tarda pas à se répandre dans le reste du
Missouri que les mormons volaient ou détruisaient tous les biens de leurs voisins.
A Far West, les saints furent avertis de ce que deux antimormons notoires,
Cornelius Gilliam et Daniel Bogart, officiers de la milice, envisageaient des assauts
contre les colonies du comté de Caldwell. Des réunions furent organisées au cours
desquelles les saints firent alliance de se défendre et de ne pas abandonner la
cause. Ceux qui résidaient dans les colonies écartées reçurent l’ordre de se
rassembler à Far West, et la ville hâta ses préparatifs de défense.
Chose tragique, deux membres du Collège des douze apôtres, Thomas B. Marsh
et Orson Hyde, abandonnèrent la cause de l’Eglise le 18 octobre et s’unirent à
l’ennemi à Richmond. Marsh signa sous serment une attestation, qui fut confirmée
pour l’essentiel par Hyde, disant: «Le prophète inculque l’idée, et tout vrai
mormon y croit, que les prophéties de Smith sont supérieures aux lois du pays. J’ai
entendu le prophète dire qu’il foulerait un jour ses ennemis sous ses pieds et
marcherait sur leurs cadavres; et si on ne le laissait pas tranquille, il serait un
deuxième Mahomet pour notre génération21.» Cette déclaration ne fit que justifier,
aux yeux des antimormons, leurs propres actes.
Parlant de la trahison de Thomas B. Marsh, Joseph Smith dit: «Il s’est enorgueilli
de son élévation aux fonctions et de la révélation du ciel à son sujet, au point d’être
prêt à se laisser emporter par le premier vent contraire qui se présenterait sur son
chemin, et maintenant il est tombé, a menti et s’est parjuré et est prêt à ôter la vie
à ses meilleurs amis. Que cela soit un avertissement pour tous, et que tous
apprennent que celui qui s’élève, Dieu l’abaissera22.» Thomas B. Marsh fut
excommunié le 17 mars 1839, tandis qu’Orson Hyde était relevé de ses devoirs au
Conseil des Douze. Le 4 mai 1839, Orson Hyde fut officiellement suspendu de
l’exercice des devoirs de ses fonctions jusqu’au moment où il se joignit à la
conférence générale de l’Eglise et expliqua ses actes23. Le 27 juin, après s’être
repenti et avoir confessé son erreur, il fut rétabli au Conseil des Douze. En 1857,
après des années de malheur, frère Marsh revint à l’Eglise.
201
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
B ATA I L L E
DE LA
CROOKED RIVER
La bataille de la Crooked River, qui eut lieu à l’aube du jeudi 25 octobre 1838,
marqua un tournant dans la «guerre mormone» au Missouri. La cause principale
de cette tragédie fut le comportement provocateur du capitaine Samuel Bogart, du
comté de Jackson, ennemi des saints. Depuis des jours, Bogart longeait la limite
entre les comtés de Caldwell et de Ray, essayant soi-disant d’empêcher une
attaque mormone. Mais au lieu de se contenter de faire les patrouilles auxquelles
ils avaient été affectés, les hommes de Bogart entrèrent à deux reprises dans le
comté de Caldwell et attaquèrent les maisons des saints, ordonnant aux membres
de quitter l’Etat et faisant prisonniers trois mormons. Lorsque la nouvelle arriva à
Far West, Elias Higbee, juge du comté de Caldwell et plus haute autorité civile de
la région, ordonna au colonel Hinkle, officier le plus élevé en grade à Far West,
d’envoyer une compagnie pour disperser «les émeutiers» et ramener les
prisonniers, dont on pensait qu’ils seraient assassinés ce soir-là.
Des membres de la milice attendaient depuis plusieurs jours l’appel aux armes.
Lorsque les tambours battirent à minuit, les convoquant sur la place publique,
soixante-quinze hommes furent mobilisés en deux compagnies sous la
commandement de David W. Patten et de Charles C. Rich. Aux premières lueurs
de l’aube, ils arrivèrent à un gué sur les rives de la Crooked River, à trente
kilomètres de Far West. La patrouille de Patten s’avança, ignorant que Bogart était
caché le long des rives de la rivière. Tout à coup, un des gardes de Bogart ouvrit le
feu. Frère Patten commanda une charge, mais, se détachant sous le ciel de l’aube,
ses hommes constituaient des cibles faciles. Dans la rapide et violente
escarmouche, plusieurs hommes furent blessés de part et d’autre. Un des blessés
était frère Patten du Conseil des Douze. Le jeune Gideon Carter fut mortellement
touché à la tête et tomba tellement défiguré que ses frères ne le reconnurent pas.
Les frères libérèrent les trois prisonniers, dont l’un était blessé, chassèrent
l’ennemi de l’autre côté de la rivière et ensuite prirent soin de leurs blessés. Frère
Patten fut transporté chez Steven Winchester près de Far West, où il mourut
quelques heures plus tard. Il devint ainsi le premier apôtre martyr de notre
dispensation. Sa foi en l’Evangile rétabli était telle qu’il avait un jour exprimé au
prophète le désir de mourir martyr. «Le prophète, profondément ému, manifesta
un chagrin profond, ‹car, dit-il à David, quand un homme de votre foi demande
quelque chose au Seigneur, il l’obtient généralement24›.» Lors de ses funérailles à
Far West, deux jours après la bataille, Joseph Smith fit son éloge: «Ci-gît un homme
qui a fait exactement ce qu’il avait dit: il a donné sa vie pour ses amis25.»
Patrick O’Bannion mourut également plus tard de ses blessures. James
Hendricks, un autre blessé grave, fut temporairement paralysé à partir de la taille
et dut être transporté sur un brancard. La responsabilité de la famille retomba
entièrement sur sa femme, Drusilla, qui subit avec détermination et une foi
profonde les autres dangers qui la guettaient au Missouri et le pénible voyage
jusqu’en Illinois.
Des comptes rendus exagérés de la bataille parvinrent bientôt aux oreilles du
gouverneur Boggs à Jefferson City. Une des rumeurs disait que toutes les troupes
202
PERSÉCUTIONS ET EXPULSION DU MISSOURI
de Bogart avaient été massacrées ou emprisonnées et que les mormons avaient
l’intention de piller et de brûler Richmond. Ces informations donnèrent à Boggs
l’excuse dont il avait besoin pour ordonner une guerre totale contre les saints.
ORDRE
D ’ E X T E R M I N AT I O N E T M A S S A C R E D E
HAUN’S MILL
Durant la dernière semaine d’octobre, le nord du Missouri fut sens dessus
dessous; «on entendait des émeutiers dans toutes les directions26». Ils brûlèrent les
maisons et les moissons, chassèrent le bétail, firent des prisonniers et menacèrent
les saints de mort. Le général Atchison insista de nouveau auprès du gouverneur
Boggs pour qu’il se rende sur place. Au lieu de cela, le 27 octobre, celui-ci ordonna
à sa milice de partir en guerre. Ne s’appuyant que sur les fausses informations
concernant une insurrection mormone, Boggs affirma que les saints avaient défié
les lois et étaient à l’origine des hostilités. Il écrivit: «Les mormons doivent être
traités comme des ennemis et doivent, si nécessaire, être exterminés ou chassés de
l’Etat, pour le bien public. Leurs outrages dépassent toute description27.» A ce
stade, il y avait une si forte opposition dans l’opinion publique contre les saints
que même ceux qui connaissaient la vérité ne pouvaient pas prendre ouvertement
leur parti. «L’ordre d’extermination» du gouverneur Boggs était le résultat et
l’expression de la volonté populaire.
Le général Atchison était responsable des troupes de l’Etat mais fut révoqué par
le gouverneur avant la reddition de Far West. Le commandement fut confié au
général John B. Clark. Celui-ci n’arriva à Far West que quelques jours après la
reddition. Le général Samuel D. Lucas, antimormon de longue date, provenant du
comté de Jackson, eut temporairement le commandement de la milice qui se
rassembla rapidement de toutes parts pour encercler Far West. Le 31 octobre, plus
de deux mille hommes entouraient Far West, la plupart décidés à exécuter l’ordre
du gouverneur.
C’est à Haun’s Mill que la violence recommença. Cette petite colonie, située à
dix-neuf kilomètres à l’est de Far West, avait été fondée par Jacob Haun, converti
de Green Bay (Wisconsin). Il s’était installé en 1835 à Shoal Creek, dans l’espoir
d’éviter les persécutions que ses coreligionnaires connaissaient ailleurs au
Missouri. Haun’s Mill se composait d’un moulin, d’une forge, de quelques
maisons et d’une population de vingt à trente familles au moulin lui-même et
d’une centaine de familles dans le grand voisinage. Le 30 octobre, neuf chariots
d’immigrants de Kirtland étaient arrivés à cet endroit. Ils avaient décidé de se
reposer quelques jours avant d’aller jusqu’à Far West.
Immédiatement après la bataille de la Crooked River, Joseph Smith conseilla à
tous les saints vivant dans des endroits écartés de s’installer à Far West ou à Adamondi-Ahman. Ne voulant pas abandonner ses biens, Jacob Haun n’écouta pas les
conseils du prophète et dit à la petite communauté de rester là. Cette décision
imprudente s’avéra fatale. Le groupe de Haun avait l’intention d’utiliser la forge
comme fortin en cas d’attaque ennemie. Des gardes furent postés pour protéger le
moulin et la colonie.
203
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Publié avec la permission de la Missouri State Historical Society
Ordre d’extermination
204
PERSÉCUTIONS ET EXPULSION DU MISSOURI
Le dimanche 28 octobre, le colonel Thomas Jennings, de la milice du comté de
Livingston, envoya un de ses hommes à la colonie pour conclure un traité de paix.
Les deux partis s’engagèrent à ne pas s’attaquer mutuellement. Mais les nonmormons ne se dispersèrent pas comme promis. Le lundi, un groupe de
Missouriens du comté de Livingston décida d’attaquer Haun’s Mill, probablement
dans l’intention d’exécuter l’ordre du gouverneur. Le mardi après-midi, 30
octobre, quelque 240 hommes approchèrent de Haun’s Mill. Joseph Young, père,
un des sept présidents des soixante-dix, qui était récemment arrivé à Haun’s Mill,
décrit la situation à la fin de l’après-midi: «Les rives de Shoal Creek pullulaient de
part et d’autre d’enfants, s’ébattant et jouant, tandis que leurs mères étaient
occupées aux tâches domestiques et leurs pères gardaient les moulins et les autres
biens, tandis que d’autres s’occupaient à rentrer leurs récoltes pour la
consommation d’hiver. Le temps était très agréable, le soleil brillait, tout était
paisible, et personne ne s’attendait le moins du monde à la terrible tragédie qui
était proche de nous et même à nos portes28.»
Vers 4 heures de l’après-midi, les émeutiers s’approchèrent de Haun’s Mill. Les
femmes et les enfants s’enfuirent dans les bois, tandis que les hommes se mettaient
à l’abri dans la forge. David Evans, chef militaire des saints, agita son chapeau et
demanda la paix. Le son de cent fusils lui répondit, la plupart visant la forge. Les
émeutiers tirèrent impitoyablement sur tout ce qu’ils voyaient, femmes, hommes
âgés, enfants. Amanda Smith saisit ses deux petites filles et traversa sur une
passerelle, avec Mary Stedwell, le réservoir du moulin. Amanda écrit: “En dépit du
fait que nous fussions des femmes, ayant des enfants d’âge tendre, et que nous
fussions occupées à fuir pour sauver notre vie, ces démons tirèrent volée sur volée
pour nous tuer29.”
La racaille entra dans la forge et découvrit Sardius Smith, dix ans, fils d’Amanda
Smith, caché sous le soufflet du forgeron. Un des voyous mit le canon de son fusil
contre le crâne du garçon et lui fit sauter la partie supérieure de la tête. L’homme
Musée d'histoire et d'art de l'Eglise
Haun’s Mill, par C.C.A. Christensen
205
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
expliqua plus tard: «Les lentes font des poux, et s’il avait vécu, il serait devenu
mormon30.» Alma Smith, sept ans, frère de Sardius, assista au meurtre de son père
et de son frère et fut lui-même touché à la hanche. Les émeutiers ne le
découvrirent pas et il fut plus tard miraculeusement guéri par la prière et la
foi.Thomas McBride fut tailladé à mort avec un couteau à maïs. Un petit nombre
d’hommes, de femmes et d’enfants réussirent à traverser la rivière et à se cacher
dans les collines, mais dix-sept personnes au moins furent tuées et sans doute
treize blessées31. Jacob Haun était parmi les blessés, mais il guérit. Des années plus
tard, le prophète dit: «A Haun’s Mill les frères n’ont pas écouté mon avis; s’ils
l’avaient fait, ils auraient eu la vie sauve32.»
Les survivants se cachèrent pendant toute la soirée et toute la nuit, craignant
une nouvelle attaque. Le lendemain, quelques hommes valides enterrèrent les
morts dans un trou sec qui avait été creusé pour faire un puits. Joseph Young
s’était tellement attaché au jeune Sardius pendant leur voyage depuis Kirtland
qu’il fondit en larmes et ne put descendre le corps du garçon dans la fosse
commune. Amanda et son fils aîné enterrèrent Sardius le lendemain.
Les survivants, atterrés, quittèrent le Missouri au cours de l’hiver et du
printemps suivant en même temps que les autres membres de l’Eglise. Les
émeutiers continuèrent à persécuter certaines des veuves avant leur départ, mais
le Seigneur les aida. Amanda Smith se souvient du réconfort qu’elle reçut du
Seigneur tandis qu’elle se glissait dans un champ de maïs pour prier à haute voix.
«C’était pour moi à ce moment-là comme le temple du Seigneur. Je priai à haute
voix et avec beaucoup de ferveur.
«Lorsque je sortis du maïs, une voix me parla. C’était la voix la plus claire que
j’eusse jamais entendue. Ce n’était pas une impression silencieuse et forte donnée
par l’Esprit, mais une voix, répétant un couplet du cantique des saints:
‹Quand tu passeras par la crainte et les maux
Tu ne seras pas vaincue par leurs fardeaux.
Car pour te bénir, près de toi je serai
Et dans ta détresse, et dans ta détresse,
Et dans ta détresse, je te soutiendrai.›
«A partir de ce moment-là, je n’eus plus aucune crainte. J’avais le sentiment que
33
plus rien ne pouvait me faire du mal .»
SIÈGE
DE
FA R W E S T
Entre-temps, les forces de la milice antimormone continuaient à se rassembler
autour de Far West en vue d’une attaque. La milice de Far West barricada la ville
avec des chariots et du bois, mais le mercredi 31 octobre, les forces antimormones
étaient cinq fois plus nombreuses que celles des saints. Aucune des deux parties
n’avait envie de déclencher la bataille, et le jour se passa dans le statu quo, chacune
des parties essayant de décider de ce qu’il fallait faire. Le soir, le général Lucas
envoya des parlementaires qu’alla rencontrer le colonel Hinkle, officier en chef des
saints. Celui-ci accéda secrètement aux exigences de Lucas, à savoir que certains
dirigeants devaient se rendre pour être jugés et punis, que les biens mormons
206
PERSÉCUTIONS ET EXPULSION DU MISSOURI
Milice du Missouri à Far West
devaient être confisqués pour payer les dégâts et que le reste des saints devaient
rendre les armes et quitter l’Etat.
De retour à Far West, Hinkle convainquit Joseph Smith, Sidney Rigdon, Lyman
Wight, Parley P. Pratt et George W. Robinson que Lucas voulait parler avec eux au
cours d’une conférence pour la paix. Les frères eurent la mauvaise surprise de voir
Hinkle les livrer comme prisonniers à Lucas. Parley P. Pratt décrit cet événement
tragique: «Le hautain général [Lucas] s’approcha à cheval et, sans nous parler,
ordonna immédiatement à sa garde de nous encercler. Ils le firent très
brusquement et nous fûmes emmenés au camp entourés par des milliers d’êtres à
l’aspect sauvage, dont beaucoup étaient habillés et peints comme des guerriers
indiens. Ils hurlaient tous sans arrêt, comme autant de chiens de chasse lâchés sur
leur proie, comme s’ils avaient remporté une des victoires les plus miraculeuses
jamais rapportées dans les annales du monde34.»
Les hurlements continuèrent pendant toute la nuit, terrorisant les citoyens de
Far West, qui craignaient que leur prophète eût déjà été assassiné. La plupart des
saints passèrent la nuit à prier. Dans le camp ennemi, les frères furent obligés de
se coucher sur le sol sous une pluie froide pour écouter leurs gardes déverser un
flot constant de railleries et de grossièretés. «Ils blasphémaient contre Dieu, se
moquaient de Jésus-Christ, poussaient les jurons les plus horribles, provoquaient
Joseph et les autres, réclamaient des miracles, voulaient des signes, disant: ‹Allons,
M. Smith, montrez-nous un ange.› ‹Donnez-nous une de vos révélations.›
‹Montrez-nous un miracle35.›»
Lors d’une cour martiale secrète et illégale, tenue pendant la nuit, les prisonniers
furent condamnés à être exécutés le lendemain matin sur la place publique de Far
West. Lorsque le général Alexander Doniphan reçut l’ordre du général Lucas, il fut
indigné de la brutalité et de l’injustice de cette affaire et répondit: «C’est un
meurtre calculé. Je n’obéirai pas à vos ordres. Ma brigade se rendra à Liberty
demain matin à huit heures, et si vous exécutez ces hommes, je vous en rendrai
responsable devant un tribunal terrestre; que Dieu me juge si je ne dis pas la
207
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
vérité36.» Intimidé par la réaction courageuse de Doniphan, Lucas perdit son
assurance. Les prières des saints étaient exaucées.
La même nuit, on apprit à Far West que l’ennemi avait l’intention d’arrêter les
survivants de la bataille de la Crooked River. Aussi, avant l’aube, une vingtaine de
frères se glissèrent hors de Far West et se mirent en route vers le nord-est, vers le
territoire de l’Iowa. Hyrum Smith et Amasa Lyman n’eurent pas cette chance. Ils
furent arrêtés et rejoignirent les autres prisonniers.
Le matin du 1er novembre, tandis que George Hinkle faisait sortir les troupes
mormones de Far West, la milice du Missouri entrait dans la ville. Tout en fouillant
pour trouver des armes, ils mirent la ville à sac, pillèrent des biens précieux,
violèrent des femmes et obligèrent les frères dirigeants à la pointe de la baïonnette
à signer des promesses de payer les frais de la milice. Beaucoup d’hommes
éminents furent arrêtés et emmenés comme prisonniers à Richmond. Le reste des
saints reçut l’ordre de quitter l’Etat.
On prit des dispositions pour emmener les dirigeants de l’Eglise à
Independence afin de les exposer publiquement et les juger. Pensant qu’ils
risquaient d’être exécutés, Joseph Smith et ses codétenus demandèrent à voir leurs
familles une dernière fois, et ils retournèrent le 2 novembre à Far West. Joseph
trouva sa femme et ses enfants en larmes parce qu’ils pensaient qu’on l’avait
exécuté. «Quand j’entrai dans ma maison, ils s’accrochèrent à mes vêtements, le
visage baigné de larmes, et exprimant à la fois la joie et le chagrin», écrit-il. On lui
refusa de passer quelques instants en privé avec eux, mais Emma pleura et ses
enfants s’accrochèrent à lui jusqu’à ce qu’ils lui fussent arrachés par les sabres des
gardes37. Les autres prisonniers connurent les mêmes souffrances en faisant leurs
adieux à leurs proches.
Lucy Smith, mère de Joseph et de Hyrum, accourut au chariot où ils étaient
maintenus sous surveillance et put à peine toucher leurs mains tendues avant que
le chariot ne parte. Après plusieurs heures de chagrin, elle fut consolée par l’Esprit
et bénie du don de prophétie: «Que ton coeur se console concernant tes enfants,
leurs ennemis ne leur feront pas de mal38.» Une révélation semblable fut donnée à
Joseph Smith. Le lendemain matin, au moment où les prisonniers commençaient
leur marche, Joseph dit à ses compagnons d’une voix basse mais pleine d’espoir:
«Prenez courage, mes frères; la parole du Seigneur m’a été donnée hier soir, me
disant que notre vie nous serait conservée et que, quoi que nous souffriions
pendant cette captivité, on n’ôterait la vie à aucun d’entre nous39.»
Entre-temps, le général John B. Clark, officier commandant désigné par le
gouverneur pour la guerre mormone, arriva à Far West. Il ordonna à tout le
monde de rester dans la ville, et les saints affamés furent obligés de se nourrir de
maïs desséché. Le 6 novembre, il parla aux malheureux citoyens et dit qu’il ne les
obligerait pas à quitter l’Etat au milieu de l’hiver. Il dit: «C’est à ma clémence que
vous devez cette indulgence. Je ne dis pas que vous partirez maintenant, mais
vous ne devez pas penser pouvoir rester ici encore une saison, ni ensemencer . . .
Pour ce qui est de vos dirigeants, n’allez surtout pas penser—ne vous imaginez pas
un seul instant—ne vous mettez pas dans la tête qu’ils seront délivrés et que vous
208
PERSÉCUTIONS ET EXPULSION DU MISSOURI
reverrez leur visage, car leur sort est fixé—leurs dés son jetés—leur condamnation
est scellée40.»
Un autre contingent de la milice encercla les saints qui avaient cherché refuge à
Adam-ondi-Ahman. Après qu’une commission d’enquête se fût réunie pendant
trois jours, tous les mormons reçurent l’ordre de quitter le comté de Daviess mais
reçurent la permission d’aller à Far West jusqu’au printemps.
Tandis qu’ils se préparaient à leur exode, les saints demandèrent de nouveau
l’aide du gouvernement du Missouri. Bien que leurs griefs fussent clairement
définis et que beaucoup de membres du gouvernement et des journaux du
Missouri manifestassent une sympathie considérable, on ne lança jamais
d’enquête officielle. Au lieu de cela, le gouvernement réquisitionna deux mille
malheureux dollars pour venir en aide aux citoyens du comté de Caldwell.
EN
PRISON
Joseph Smith et quelques autres prisonniers furent emmenés à Independence et
exposés au public. Ils furent ensuite transférés à Richmond, où ils furent enchaînés
ensemble et gardés pendant plus de quinze jours dans une vieille maison vide. A
la mi-novembre, un procès de treize jours commença, sous la présidence du juge
de circuit Austin A. King. Les témoignages contre les dirigeants de l’Eglise
n’étaient que falsifications. Sampson Avard, le premier témoin, accusa
hypocritement le prophète d’être responsable des déprédations des Danites;
d’autres témoins furent tout aussi hostiles. Quand les prisonniers proposèrent une
liste de témoins pour la défense, ceux-ci furent systématiquement mis en prison ou
chassés du comté. Alexander Doniphan, avocat des saints, dit que «si une cohorte
d’anges descendait nous proclamer innocents, cela reviendrait au même; car il
(King) avait décidé d’emblée de nous jeter en prison41».
Musée d'histoire et d'art de l'Eglise
Joseph Smith réprimandant les gardes à
Richmond, par Danquart Weggeland
209
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Pendant quinze jours horribles, les prisonniers furent maltraités par les gardes.
Une nuit de novembre, les frères écoutèrent plusieurs heures «les plaisanteries
obscènes, les jurons horribles, les blasphèmes terribles et le langage malpropre»
des gardes racontant les atrocités qu’ils avaient infligées aux saints. Parley P. Pratt
était resté couché à côté du prophète jusqu’à ce qu’il lui fût presque impossible de
continuer à garder le silence. Tout à coup Joseph Smith se mit debout, enchaîné et
désarmé, et dit d’une voix de tonnerre: ‹SILENCE, démons du gouffre infernal! Au
nom de Jésus-Christ, je vous réprimande et je vous commande de vous taire. Je ne vivrai pas
un instant de plus pour entendre pareil langage. Cessez ce genre de conversation ou bien
La prison de Liberty à Liberty (Missouri).
Les dimensions extérieures du bâtiment sont
6,80 m de long, 6,70 mètres de large et 3,60
mètres de haut à la base du toit. Le bâtiment
fut utilisé comme prison jusqu’en 1856,
époque à laquelle il fut considéré comme
insalubre.
vous ou moi mourrons A L’INSTANT.›
«Il cessa de parler! Auguste et terrible, il se tenait droit. Enchaîné et sans armes,
calme, serein et digne comme un ange, il posait les yeux sur les gardes tremblants,
qui baissèrent leurs armes ou les laissèrent tomber par terre, et qui, se blottissant
dans un coin ou rampant à ses pieds, lui demandèrent pardon et restèrent
silencieux jusqu’à la relève de la garde42.»
A la fin du procès, le juge King ordonna le maintien en détention de Joseph et
de cinq autres frères en vue d’autres poursuites; il les fit incarcérer à la prison de
Liberty dans le comté de Clay. Parley P. Pratt et plusieurs autres devaient rester
enfermés à Richmond, et la plupart des autres prisonniers furent relâchés.
En réalité, la prison de Liberty, bâtiment carré de 6,70m sur 6,70m, pourvu d’un
étage, était un cachot. De petites fenêtres munies de barreaux s’ouvraient au
niveau supérieur, et il y avait peu de chauffage. Un trou dans le sol était le seul
accès au niveau inférieur, où un homme ne pouvait se tenir debout. Pendant
quatre mois d’hiver, le prophète et ses compagnons souffrirent du froid, de la
saleté, des émanations de fumée, de la solitude et d’une nourriture répugnante. Le
plus grave, c’est qu’ils ne pouvaient accompagner les saints fidèles que l’on
chassait de l’Etat. Et pourtant, ce furent des mois particulièrement importants
pour Joseph Smith et pour l’Eglise. En l’absence du prophète, Brigham Young,
Heber C. Kimball et John Taylor firent preuve de capacités et d’un engagement
supérieur en qualité de dirigeants. Dans son désespoir, Joseph Smith reçut des
instructions spirituelles précieuses du Seigneur. Grâce à ce qui y fut révélé, on
pourrait qualifier la prison de Liberty de prison-temple.
L’opinion publique au Missouri se tournait contre le gouverneur Boggs et les
émeutiers tandis que Joseph Smith et ses collègues languissaient en prison en
attendant que les représentants de l’Etat décident de ce qu’il fallait faire d’eux.
Vers la fin de mars 1839, le prophète écrivit une longue lettre à l’Eglise, dont
certaines parties constituent actuellement les sections 121, 122 et 123 des Doctrine
et Alliances. Après avoir passé en revue les torts infligés aux saints, le prophète
avait fait appel au Seigneur:
«O Dieu, où es-tu? Et où est le pavillon qui couvre ta cachette?
«Combien de temps retiendras-tu ta main? Combien de temps ton oeil, oui, ton
oeil pur contemplera-t-il des cieux éternels les maux de ton peuple et de tes
serviteurs, et ton oreille sera-t-elle pénétrée de leurs cris?
210
PERSÉCUTIONS ET EXPULSION DU MISSOURI
«Oui, ô Seigneur, combien de temps souffriront-ils ces torts et ces oppressions
illégales avant que ton coeur ne s’adoucisse envers eux et que tes entrailles ne
soient émues de compassion envers eux?» (D&A 121:1-3).
Le prophète nota ensuite la réponse du Seigneur à sa supplication:
«Mon fils, que la paix soit en ton âme! Ton adversité et ton affliction ne seront
que pour un peu de temps;
«Et alors, si tu les supportes bien, Dieu t’exaltera en haut; tu triompheras de tous
tes ennemis.
«Tes amis se tiennent à tes côtés, et ils te salueront de nouveau, le coeur ouvert
et les mains tendues» (D&A 121:7-9).
En avril, les prisonniers de Liberty furent envoyés au comté de Daviess pour y
être jugés. Une chambre de mise en examen introduisit une requête contre eux
pour «meurtre, trahison, cambriolage, incendie volontaire, larcin, maraudage et
vol43». On put obtenir le renvoi devant une autre cour, mais pendant qu’ils étaient
en route pour être jugés dans le comté de Boone, le shérif et d’autres gardes leur
permirent de s’enfuir en Illinois parce que certaines autorités étaient parvenues à
la conclusion qu’on ne réussirait pas à poursuivre pénalement les prisonniers. Plus
tard, au cours de l’été, Parley P. Pratt et Morris Phelps s’échappèrent aussi de la
prison de Richmond et parvinrent à Nauvoo. King Follett, un autre prisonnier, fut
repris mais finalement libéré en octobre 1839, dernier des saints à être maintenu
en prison.
Pour la cinquième fois en moins de dix ans, beaucoup de saints des derniers
jours quittaient leurs maisons et recommençaient à édifier un lieu de refuge. Bien
que les derniers mois eussent été gâchés par un désastre financier, de violentes
persécutions, l’apostasie et l’expulsion du Missouri, la plupart des membres de
l’Eglise ne perdirent pas de vue leur destinée divine. Comme le dit Joseph dans sa
lettre aux saints: «L’homme pourrait tout aussi bien étendre son bras débile pour
arrêter le Missouri dans son cours fixé ou le faire remonter à sa source
qu’empêcher le Tout-Puissant de déverser la connaissance des cieux sur la tête des
saints des derniers jours» (D&A 121:33).
NOTES
1. Parley P. Pratt, éd., Autobiography of Parley
P. Pratt, série Classics in Mormon Literature,
Salt Lake City, Deseret Book Co., 1985,
p. 150.
11. «Journal of John Murdock», 1er octobre
1838, département d’histoire de l’Eglise, Salt
Lake City, p. 101.
2. Dans Missouri: A Guide to the «Show Me»
State, éd. révisée, New York, Hastings
House, 1954, p. 510.
12. Leland Homer Gentry, «A History of the
Latter-Day Saints in Northern Missouri from
1836-1839», thèse de doctorat, Université
Brigham Young, 1965, p. 201.
3. Dans History of the Church, 3:57.
13. History of the Church, 3:152.
4. Voir History of the Church, 3:59-60.
14. History of the Church, 3:157.
5. History of the Church, 3:60.
15. Voir History of the Church, 3:159-60.
6. Dans History of the Church, 3:61.
16. History of the Church, 3:162.
7. History of the Church, 3:65.
17. John D. Lee, Mormonism Unveiled,
Philadelphie, Scammell and Co., 1882, p. 68.
8. History of the Church, 3:67-68.
9. History of the Church, 3:73.
10. Dans History of the Church, 3:85.
18. History of the Church, 3:163.
19. Lyman Wight, dans History of the Church,
3:443-44.
211
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
20. Benjamin F. Johnson, My Life’s Review,
Independence, Mo, Zion’s Printing and
Publishing Company, 1947, p. 37.
21. Dans History of the Church, 3:167.
22. History of the Church, 3:167.
23. Voir History of the Church, 3:345.
24. Lycurgus A. Wilson, Life of David W.
Patten, Salt Lake City, Deseret News, 1900,
p. 58.
25. Dans History of the Church, 3:175.
26. History of the Church, 3:175-76.
27. Dans History of the Church, 3:175.
28. Dans History of the Church, 3:184.
29. Andrew Jenson, The Historical Record,
juillet 1886, p. 84.
30. Dans Jenson, Historical Records, décembre
1888, p. 673.
31. Voir History of the Church, 3:326.
32. History of the Church, 5:137.
212
33. Dans Jenson, Historical Record, juillet
1886, p. 87.
34. Pratt, Autobiography of Parley P. Pratt,
pp. 159-60.
35. Pratt, Autobiography of Parley P. Pratt,
p. 160.
36. Dans History of the Church, 3:190-91.
37. History of the Church, 3:193.
38. Dans Lucy Mack Smith, History of Joseph
Smith, éd. Preston Nibley, Salt Lake City,
Bookcraft, 1958, p. 291.
39. Dans Pratt, Autobiography of Parley P.
Pratt, p. 164.
40. Dans History of the Church, 3:203.
41. History of the Church, 3:213.
42. Pratt, Autobiography of Parley P. Pratt,
pp. 179-80.
43. Dans History of the Church, 3:315.
CHAPITRE DIX- SEPT
REFUGE
Ligne du temps
Date
Evénements importants
26 janv. 1839 Brigham Young organise un
comité d’évacuation
Févr. 1839
Début d’une émigration en
masse du Missouri
22 mars 1839 Lettre de Joseph Smith depuis
la prison de Liberty, exhortant
les saints à ne pas se
disperser
22 avr. 1839
30 avr. 1839
22 juill. 1839
Nov. 1839
Arrivée de Joseph Smith à
Quincy (Illinois) après des
mois d’emprisonnement au
Missouri
EN
ILLINOIS
C
ERTAINS VIRENT dans la fuite hors du Missouri la preuve que le
Seigneur avait abandonné les saints. Le prophète Joseph était en prison à
Liberty sans perspective d’en sortir. Les espoirs que les saints pouvaient
avoir de récupérer leurs droits politiques et leurs biens au Missouri ou d’établir la
ville de Sion se réduisaient à peu de choses. Même certains membres de l’Eglise
mettaient en doute la sagesse de rassembler de nouveau les saints en un seul
endroit.
Où allaient-ils trouver refuge? Les vastes régions indiennes situées à l’ouest
n’étaient pas accessibles aux colons. L’Iowa, au nord, n’avait que peu d’habitants
Joseph Smith négocie des
achats de terrain en Iowa et
en Illinois
mais n’offrait que peu de bois sur ses vastes plaines ondoyantes. Aller vers le sud,
Manifestation d’un «jour de la
puissance de Dieu» par
beaucoup de guérisons à
Nauvoo et à Montrose
l’est était celui que les membres de l’Eglise connaissaient le mieux et qui les
Rencontre de Joseph Smith et
de Martin Van Buren, président
des Etats-Unis, à Washington
(D.C.)
cela signifiait traverser des communautés missouriennes hostiles. Le chemin de
rassurait le plus. Beaucoup de saints l’avaient parcouru quelques mois seulement
auparavant, lors de leur exil de Kirtland. Certains d’entre eux envisageaient
maintenant le retour en Ohio. Mais lorsqu’ils eurent traversé le Mississippi et
firent arrêt dans quelques-unes des petites localités de l’Illinois qui longeaient sa
16 déc. 1839 Signature de la Charte de
Nauvoo à Springfield (Illinois)
rive, les saints connurent le répit nécessaire pour recevoir de nouvelles directives
1 févr. 1841
des dirigeants de l’Eglise.
John C. Bennett élu premier
maire de Nauvoo
Iowa
Nauvoo
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Kansas
Adam-ondi-Ahman
G
ra
nd
Rive
r
oa l C r e e k
Far West
Les dirigeants de l’Eglise retardèrent le
plus possible la décision de quitter le
Missouri, espérant que le gouvernement
révoquerait l’ordre d’extermination du
gouverneur Boggs. Ils envoyèrent de
nombreuses pétitions aux autorités de l’Etat
et au gouvernement leur demandant de
laisser les saints rester chez eux, mais leurs
supplications furent ignorées.
Ch a r t o n R i v e r
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Nebraska
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Carthage
Illinois
Quincy
M
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Liberty
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Independence
Missouri
St. Louis
213
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
R E L O C A L I S AT I O N
DES SAINTS
Les mois qui suivirent la reddition de Far West mirent fortement à l’épreuve les
dirigeants de l’Eglise. La Première Présidence tout entière: Joseph Smith, Sidney
Rigdon et Hyrum Smith, était en prison. Les rangs du Collège des Douze étaient
clairsemés. David W. Patten avait été tué à la bataille de la Crooked River, Parley P.
Pratt était en prison à Richmond, et son frère Orson était avec un groupe de saints
à St-Louis. Thomas B. Marsh, William Smith et Orson Hyde étaient à l’écart de
l’Eglise et par conséquent n’étaient d’aucune utilité. Pour cette raison, la
responsabilité de veiller aux besoins de l’Eglise au cours de l’hiver 1838-39 et
pendant tout l’exode du Missouri en Illinois retomba essentiellement sur
Brigham Young et Heber C. Kimball. John Taylor fut appelé à l’apostolat en
décembre 1838. Wilford Woodruff et George A. Smith furent ajoutés le mois d’avril
suivant; ces deux hommes purent apporter une aide précieuse au cours de cette
période critique.
Entre-temps, les Missouriens devenaient impatients de voir les saints s’attarder.
Au début de 1839, les dirigeants de l’Eglise acquirent la conviction que leur peuple
ne pouvait plus espérer rester au Missouri. Le 26 janvier, Brigham Young avait créé
le comité d’évacuation pour faciliter l’exode. Pendant tout l’hiver et le printemps,
ce comité prit des dispositions pour nourrir, vêtir et transporter les pauvres. Sur
une résolution officielle, près de quatre cents saints des derniers jours firent
alliance de mettre tous leurs biens disponibles à la disposition du comité «afin de
fournir le moyen d’évacuer de cet Etat les pauvres et les démunis qui seraient
considérés comme dignes, jusqu’à ce que le dernier de ceux qui éprouvaient le
désir de quitter l’Etat fût parti1». Même Joseph Smith envoya, on ne sait trop
comment, cent dollars de la prison de Liberty pour participer à cet effort.
A la mi-février, la situation était telle qu’une émigration massive des saints
commença. On avait acheté des chariots et des attelages, quoique pas de la
meilleure qualité; des réserves de nourriture étaient installées le long de la route
des émigrants, et il y eut une amélioration temporaire du temps. Néanmoins, il ne
fut pas facile aux réfugiés de quitter le Missouri. Beaucoup de personnes vendirent
des possessions précieuses et des terres à des prix déraisonnablement bas pour
obtenir le moyen de fuir l’Etat. Un Missourien acheta seize hectares de bonne terre
à un membre de l’Eglise pour «une jument aveugle et une horloge». D’autres
terrains se vendirent à cinquante cents seulement l’acre (quarante ares)2. Certaines
personnes, qui avaient des attelages de boeufs, firent plusieurs trajets entre le
comté de Caldwell et le fleuve Mississippi, situé à trois cents kilomètres à l’est,
pour sortir leurs amis et leurs parents de la zone de danger. Amanda Smith,
rendue veuve à Haun’s Mill, et ses cinq enfants quittèrent Far West par attelage de
boeufs. Une fois que sa famille fut hors de portée des émeutiers du Missouri, elle
renvoya son attelage aider d’autres saints dans leur voyage vers l’est.
Le choix des saints était limité lorsqu’ils furent chassés du Missouri à partir de
l’automne 1838 et jusqu’au printemps 1839. La possibilité la plus attrayante était
de retourner dans l’Est. Pour des raisons économiques, politiques et humanitaires,
l’Illinois accueillit au début les réfugiés.
214
REFUGE EN ILLINOIS
Charles C. Rich s’enfuit du Missouri au cours du mois de novembre pour éviter
d’être arrêté à cause de sa participation à la bataille de la Crooked River. Il laissait
derrière lui son épouse âgée de vingt-trois ans, Sarah, qui put finalement quitter
Far West avec l’aide de son père, John Pea. Elle avait une mauvaise santé, et elle
passa tout le voyage jusqu’au Mississippi au lit dans un chariot. Elle était
accompagnée de Samantha, femme de Hosea Stout. Une fois qu’elles furent
arrivées, elles constatèrent que la glace se disloquait et que la traversée était
extrêmement dangereuse. George Grant brava les glaçons pour porter un message
à leurs maris. Au moment où il approchait du rivage côté Illinois, il passa à travers
ce qui lui avait semblé être de la glace ferme. Toutefois il fut sauvé.
Charles C. Rich et Hosea Stout, apprenant que leurs femmes étaient arrivées,
traversèrent le fleuve en canot pour aller les retrouver. Le lendemain matin, ils
décidèrent que le mieux serait d’amener Sarah, qui était sur le point d’avoir son
premier enfant, et deux autres femmes, sur la rive côté Illinois. Par manque de
Charles C. Rich (1809-83) devint membre
de l’Eglise en 1832. Il prit le commandement
à la bataille de la Crooked River quand David
W. Patten fut mortellement blessé. Il fut chef
militaire et dirigeant de l’Eglise pendant la
période de Nauvoo. Brigham Young le
chargea de présider la colonie temporaire de
Mount Pisgah en Iowa au cours de l’hiver
1846-47.
Il fut ordonné apôtre le 12 février 1849. Au
printemps 1864, il devint un des premiers
colons de la Bear Lake Valley (Idaho et Utah)
et fut responsable de la colonisation de cette
région. Il était connu pour sa bonté, sa
générosité et sa force physique. Au cours de
l’hiver, quand les routes étaient bloquées, il
portait souvent le courrier à travers les
montagnes jusqu’à Salt Lake City.
place, ils furent obligés de laisser le père de Sarah attendre le bac. Lors du voyage
de retour, d’énormes blocs de glace menaçaient d’écraser la petite embarcation. De
temps en temps, les hommes sautaient sur la glace pour éloigner l’esquif du
danger. Entre-temps, le père de Sarah, regardant, les yeux remplis de larmes, vit le
groupe arriver sans encombre du côté Illinois3.
Pour Emma Smith, les mois qui suivirent l’arrestation de Joseph furent
particulièrement éprouvants. En février 1839, Jonathan Holman, un voisin, l’aida
à mettre ses quatre enfants et ses maigres biens dans un chariot doublé de paille,
tiré par deux chevaux. Le soir précédant son départ, elle reçut d’Ann Scott les
précieux manuscrits de la «traduction» de la Bible faite par son mari. James
Mulholland, secrétaire du prophète, avait donné les papiers pour qu’elle les garde
pensant que les émeutiers ne fouilleraient pas une femme. Ann avait fait deux sacs
de coton pour contenir les documents. Emma utilisa ces mêmes sacs de coton pour
transporter les manuscrits du Missouri vers l’Illinois, en les attachant sous sa
longue robe.
Lorsqu’il arriva au Mississippi, le groupe constata que le fleuve était gelé. Plutôt
que de risquer le poids du chariot, Emma traversa la glace, tenant deux enfants, les
deux autres accrochés à sa robe. Ils arrivèrent enfin sans encombre aux abords du
village de Quincy (Illinois) où Emma habita jusqu’à la libération de Joseph.
ARRIVÉE
À
QUINCY
Jusqu’au milieu du printemps 1839, les dirigeants de l’Eglise qui n’étaient pas en
prison n’avaient pas de plans précis quant à l’endroit où les saints devaient
s’installer. Ils apprirent que les citoyens de l’Illinois compatissaient à leur triste sort
et étaient disposés à accueillir les saints. Beaucoup de gens en Illinois croyaient
qu’un apport important de mormons aiderait leur économie en difficulté. Les
politiciens de l’Etat encouragèrent aussi l’immigration parce que l’Illinois était
partagé d’une manière presque égale entre les whigs et les démocrates. Chaque
parti espérait s’attirer le vote important des mormons.
215
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Les résidents bienveillants de Quincy, localité de douze cents habitants, furent
généreux et compatissants devant la triste situation des exilés. Beaucoup d’entre
eux ouvrirent leurs portes et donnèrent du travail. Ils recueillirent plus d’une fois
de l’argent, de la nourriture, des vêtements et d’autres choses indispensables.
L’Association Démocrate de Quincy, en particulier, contribua à l’aide aux saints.
Elle se réunit trois fois au cours de la semaine du 25 février pour réfléchir aux
moyens d’aider les exilés sans abri. Sidney Rigdon fut invité à faire un rapport sur
la situation des saints; des collectes furent faites et des résolutions adoptées
condamnant le traitement infligé par le Missouri aux mormons. L’association
résolut que les habitants de Quincy devaient «observer une conduite et une
sensibilité seyantes [avec les saints] et prendre particulièrement soin de ne pas se
laisser aller à des conversations ou à des paroles qui seraient de nature à les blesser
ou à dénigrer de quelque manière que ce soit ceux qui, en vertu de toutes les lois
de l’humanité, avaient droit à leur compassion et à leur commisération4». Les
dirigeants de l’association essayèrent aussi d’aider l’Eglise à obtenir réparation
auprès du Missouri.
Les relations paisibles avec le peuple de Quincy et avec le parti démocrate furent
toutefois menacées par la conduite imprudente de Lyman Wight. Dans une série
de lettres, publiée dans le journal local, il imputa au parti démocrate national les
outrages subis au Missouri. Les démocrates de Quincy furent, on le comprend,
irrités par ces accusations et demandèrent aux dirigeants de l’Eglise si cela reflétait
le point de vue officiel de celle-ci. Le 17 mai, la Première Présidence écrivit une
lettre désavouant les accusations de Wight. Elle demanda aussi à frère Wight, s’il
continuait à écrire contre un parti politique, de bien préciser qu’il exprimait ses
propres idées et non celles de l’Eglise.
Pendant toute la fin de l’hiver et le printemps, des milliers de saints des derniers
jours arrivèrent sur la rive occidentale du Mississippi, en face de Quincy. Elizabeth
Haven écrit – on est fin février: «une douzaine de familles traversent le fleuve et
passent à Quincy tous les jours, et une trentaine sont constamment de l’autre côté
en attendant de pouvoir traverser; c’est lent et crasseux; il n’y a qu’un seul bac
pour faire la traversée5». Celle-ci était en outre entravée par les dangereux glaçons
flottants produits détachés par l’adoucissement du temps. Lorsqu’une nouvelle
vague de froid arriva et que le fleuve recommença à geler, des dizaines de saints
se hâtèrent de traverser sur la glace.
Quincy se remplissant de centaines de réfugiés, les conditions de vie se
dégradèrent. Les saints, dont la plupart étaient presque totalement démunis,
souffraient de la faim, du froid, de la pluie et de la boue6. En dépit de cela, ils
continuèrent à observer leurs pratiques religieuses. A un moment donné, les saints
étaient plus nombreux que n’importe quelle autre confession religieuse de la
localité. Wandle Mace, un non-mormon, hébergea beaucoup de saints et finit par
se convertir. Sa maison fut utilisée comme lieu de réunions, salle de conseil et abri
pour les démunis. Il écrit que «pendant un grand nombre de nuits, le plancher, à
l’étage et en bas, fut couvert de lits, si serrés les uns contre les autres, qu’il était
impossible de mettre le pied quelque part sans marcher sur un lit7».
216
REFUGE EN ILLINOIS
L’histoire de Drusilla Hendricks est typique des événements qui se passèrent à
Quincy. James, son mari, avait reçu une balle dans le cou à la bataille de la Crooked
River et on devait le porter sur un brancard. La famille arriva le 1er avril à Quincy
et obtint une chambre «partiellement en sous-sol et partiellement au niveau du
sol». Au bout de deux semaines, ils étaient sur le point de mourir de faim, n’ayant
qu’une cuillerée de sucre et une soucoupe de farine de maïs à manger. Drusilla en
faisait du gruau. Pensant qu’ils allaient finir par mourir de faim, elle lava tout,
Publié avec la permission de la famille Barlow
nettoya à fond leur petite chambre et attendit que le pire arrive. Cet après-midi-là,
Rubin Alred passa et lui dit qu’il avait eu le sentiment qu’ils étaient à court de
nourriture, de sorte qu’en se rendant en ville, il avait fait moudre un sac de grain
pour qu’ils aient de la farine. Quinze jours plus tard, ils étaient de nouveau sans
nourriture. Drusilla écrit: «J’étais très malheureuse, mais la même voix qui m’avait
précédemment consolée était là pour me consoler de nouveau et me dit: tiens bon,
le Seigneur pourvoit à ses saints.» Cette fois, ce fut Alexander Williams qui arriva
à la porte de derrière avec deux boisseaux de farine sur l’épaule. Il lui dit qu’il avait
James et Drusilla Dorris Hendricks se
marièrent en 1825. Leur foi et leur sacrifice
furent typiques de ceux de beaucoup de
réfugiés du Missouri. Ils arrivèrent en Utah en
1847 dans la compagnie de Jedediah Grant.
James fut évêque de la dix-neuvième
paroisse, de 1850 à 1857.
été extrêmement occupé mais que l’Esprit lui avait chuchoté: «La famille de frère
Hendricks souffre.» Et que par conséquent il avait tout laissé tombé et était passé8.
Huit à dix mille saints des derniers jours émigrèrent vers l’ouest de l’Illinois cette
saison-là. La localité de Quincy ne pouvait héberger tous les nouveaux arrivés. Au
cours du printemps et de l’été 1839, beaucoup de personnes furent obligées de
s’installer sur les exploitations agricoles avoisinantes et dans les comtés voisins, là
où ils pouvaient trouver un lieu pour se loger.
F O N D AT I O N
DE
NAUVOO
Tandis que les saints se dispersaient dans l’est du Missouri et passaient en
Illinois, Joseph Smith était emprisonné à Liberty. Peu après la chute de Far West,
un groupe de vétérans de la bataille de la Crooked River se perdit en fuyant ses
oppresseurs et finit par arriver à la Des Moines River juste au nord du confluent
avec le Mississippi. Ils y rencontrèrent Isaac Galland, un des plus grands agents
immobiliers de la région. Informé de la situation malheureuse des saints, il
proposa d’offrir à l’Eglise de vastes terrains en Iowa et en Illinois. En février, les
hommes apportèrent ce renseignement aux dirigeants de l’Eglise à Quincy, qui
étaient en train de se réunir pour décider de ce qu’ils allaient faire.
Sidney Rigdon, Edward Partridge et un petit nombre d’autres mirent en doute
la sagesse de se rassembler de nouveau en un seul lieu; ils avaient le sentiment que
cela avait été la source principale de leurs problèmes au Missouri et en Ohio.
D’autre part, Brigham Young recommandait aux saints de se rassembler en vue de
Isaac Galland (1791-1858) était agent
immobilier dans l’est de l’Iowa et l’ouest
de l’Illinois. En 1839, il vendit de vastes
terrains à l’Eglise. Il fut baptisé plus tard et
joua pendant un certain temps le rôle
d’agent immobilier de l’Eglise pour
essayer de payer les dettes de celle-ci.
Ses efforts n’apportèrent pas beaucoup de
soulagement financier à l’Eglise. En 1841-42,
il la quitta, mais il semble qu’il soit resté
amical envers elle.
pouvoir mieux s’entraider. Ne sachant pas exactement comment agir, les frères
écrivirent au prophète pour lui demander conseil. Le 22 mars, il leur conseilla
d’acheter les terrains et de ne pas se disperser.
En avril, on laissa Joseph et Hyrum Smith et leurs compagnons de prison
s’échapper du Missouri. Ils arrivèrent le 22 avril 1839 à Quincy. Le prophète estima
que c’étaient les prières des frères qui l’avaient aidé à fuir. Lorsqu’il arriva au bac
de Quincy, Dimick B. Huntington le reconnut: «Il était vêtu d’une vieille paire de
217
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
bottes pleines de trous, de pantalons déchirés, enfoncés à l’intérieur des bottes,
d’un manteau bleu au col relevé, d’un chapeau noir à large bord, dont le devant
détrempé tombait; il avait une barbe de plusieurs jours et était pâle et hagard9.»
Comme le prophète voulait que son arrivée passe inaperçue, ils passèrent par les
petites rues de la ville jusqu’à la maison des Cleveland, à six kilomètres de la ville
où Emma logeait. Elle reconnut son mari à sa descente de cheval et le rejoignit
joyeusement à mi-chemin de la barrière.
Comme la saison des semailles de printemps approchait, le prophète, sans
perdre de temps, poussa l’Eglise à l’action. Deux jours après son arrivée, une
réunion de conseil décida de l’envoyer, lui et plusieurs autres, en amont en Iowa
«afin de trouver un emplacement pour l’Eglise10». Le lendemain, le prophète
examina les terrains de part et d’autre du Mississippi.
Une fois que la décision eut été prise de rassembler et de réinstaller les saints, les
dirigeants de l’Eglise passèrent vigoureusement à l’action pour obtenir les terres
nécessaires. A la fin de l’été 1839, quatre grandes transactions étaient menées à
bien pour fournir à l’Eglise le territoire dont elle avait besoin. Le plus grand terrain
comptait plus de huit mille hectares, achetés à Isaac Galland du côté Iowa du
fleuve, ainsi qu’un petit morceau en Illinois. Les trois autres achats, faisant un total
de plus de deux cent quarante hectares, se trouvaient en face de la rive de l’Iowa,
sur une boucle du fleuve en forme de fer à cheval, côté Illinois. Deux petits
villages, Commerce et Commerce City, avaient été prévus sur ce terrain mais ne
comptaient, à eux deux, qu’une poignée de maisons. Une partie des terres basses
près du fleuve était marécageuse, à cause d’un haut niveau hydrostatique et de
sources qui coulaient du pied des falaises à l’est, et était par conséquent malsaine.
Bien que les plus grands terrains que
l’Eglise ait achetés étaient en Iowa, les
communautés les plus importantes de saints
des derniers jours étaient en Illinois.
Illinois
Terres achetées en 1839 par
les agents immobiliers
mormons à Isaac Galland
Commerce City
Commerce (Nauvoo)
Achat James White
Achat Hugh White
M
is
si
ss
ip
pi
R i ve r
Iowa
218
REFUGE EN ILLINOIS
Mais Joseph Smith et ses frères étaient certains qu’ils pouvaient faire de l’endroit
un habitat convenable pour les saints.
Etant donné que les réfugiés et, d’une manière générale, l’Eglise avaient peu
d’argent liquide, les terres furent achetées principalement à crédit. Le taux
d’intérêt raisonnable et les paiements à long terme étaient attrayants à l’époque,
mais étant donné l’indigence des saints, ils constituèrent un lourd fardeau pour les
ressources de l’Eglise pendant toute la période de Nauvoo. Pendant les années qui
suivirent, Joseph Smith sollicita des fonds auprès des membres de l’Eglise pour
aider aux paiements. Des biens furent vendus à Nauvoo, mais les saints pouvaient
rarement payer avec de l’argent liquide. Par conséquent, le paiement des
propriétés de part et d’autre du fleuve ne fut jamais totalement assuré au cours de
Maison de Joseph Smith à Nauvoo. Le
prophète et sa famille vécurent là de 1839 à
1843. L’aile nord fut ajoutée par Joseph Smith
vers 1840. Vers 1856, Joseph Smith III, fils du
prophète, ajouta le grand prolongement à
l’ouest.
la période où l’Eglise fut dans cette région.
Après avoir effectué les achats originels de terres le 30 avril 1839, le prophète et
ses compagnons retournèrent à Quincy pour mener à bien les préparatifs pour la
migration vers le nord. Une conférence eut lieu les 4 et 5 mai près de Quincy. A ce
moment-là, l’ensemble de l’Eglise donna son approbation à l’achat de terres et prit
la résolution que la prochaine conférence se tiendrait à Commerce durant la
première semaine d’octobre. Le 10 mai, le prophète était revenu à Commerce avec
sa famille et s’était installé dans une petite maison de rondins appelée le
Homestead, près du fleuve, à l’extrémité sud de la péninsule. Pendant que l’on
défrichait, mesurait et lotissait le terrain et que l’on drainait le marécage, la plupart
des saints vécurent dans des chariots, des tentes ou des abris creusés dans le sol et
les collines. Joseph et Emma en hébergèrent beaucoup dans leur pauvre logement.
De l’autre côté du fleuve, à Montrose, plusieurs familles, notamment celles de
Brigham Young, John Taylor, Wilford Woodruff et Orson Pratt vivaient dans une
caserne abandonnée subsistant de la guerre de Black Hawk.
Dans une lettre publique datée du 1er juillet, Joseph Smith invita les saints de
partout à émigrer vers le nouvel emplacement. Des milliers de personnes
répondirent à son appel. Pendant ce même temps, Joseph Smith s’activait à dicter
son histoire personnelle et à instruire les membres du Collège des Douze, qui
devaient bientôt partir en mission en Grande-Bretagne.
A un moment donné au cours de ces semaines très occupées, le prophète appela
le nouveau site d’Illinois Nauvoo, mot hébreu signifiant «beau». Le nom Nauvoo
fut utilisé pour la première fois à titre officiel lorsqu’il fut inscrit sur le plan officiel
de la ville, le 30 août 1839. L’administration des postes des Etats-Unis adopta le
changement de nom en avril 1840, et en mars de cette année, le conseil municipal
publia une ordonnance intégrant les sites de Commerce et de Commerce City à
Nauvoo. Une fois que le succès de ce lieu de rassemblement parut assuré et que
les saints commencèrent à affluer dans la région, d’autres propriétaires terriens
virent l’avantage qu’ils avaient à créer des lots qui furent annexés à Nauvoo en
tant que «annexes».
219
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
MALADIE
ET UN JOUR DE LA PUISSANCE DE
DIEU
Pendant l’été 1839, la région marécageuse de la péninsule de Nauvoo n’avait pas
encore été drainée. Tandis que les saints se rassemblaient, défrichaient, drainaient,
construisaient et semaient, ils oubliaient le danger représenté par l’anophèle
(moustique). Cet insecte minuscule, qui existait en abondance dans le marécage et
le long de la rive du Mississippi, transmettait, par sa piqûre, des parasites dans les
globules rouges humains. La maladie que cela provoquait, caractérisée par des
accès périodiques de frissons et de fièvre, est aujourd’hui connue sous le nom de
malaria, mais au dix-neuvième siècle on appelait cette maladie, ainsi que les autres
maladies qui présentaient les mêmes symptômes, les fièvres.
Des dizaines de membres de l’Eglise de part et d’autre du fleuve tombèrent
malades. Les résidents du camp temporaire entourant la maison du prophète
furent frappés par la maladie de même que les saints qu’il hébergeait chez lui.
Emma soigna les gens nuit et jour tandis que le fils de Joseph, qui avait six ans,
portait de l’eau pour les malades jusqu’au moment où il contracta, lui aussi, la
maladie. L’épidémie ne faisait aucune discrimination, touchant tous les âges et
toutes les catégories de personnes. Une des premières victimes de la ville fut Zina,
mère d’Oliver Huntington. Le prophète Joseph invita Oliver à amener sa famille,
dont tous les membres étaient malades, chez lui pour qu’il puisse lui prodiguer les
soins nécessaires. Les Whitney étaient dans la même situation. Elizabeth Ann
signale qu’ils étaient «tout juste capables de se traîner et de se soigner
mutuellement11». C’est dans ces circonstances qu’Elizabeth donna le jour à son
neuvième enfant. Lorsque Joseph fut mis au courant de leur situation critique, il
insista pour que la famille vienne s’installer chez lui. Elle accepta son offre et vint
habiter une maisonnette dans le jardin de Joseph. Le 12 juillet, Joseph Smith, père,
était si malade qu’il était sur le point de mourir.
Finalement, Joseph Smith tomba malade, lui aussi, mais après être resté au lit
plusieurs jours, il se sentit poussé à se lever et à aller aider les autres. Le 22 juillet
fut, selon les termes de Wilford Woodruff, «un jour de la puissance de Dieu» à
Nauvoo et à Montrose12. Ce matin-là, le prophète se leva et, rempli de l’Esprit du
Seigneur, fit l’imposition des mains aux malades de sa maison et dehors dans le
jardin. Il y avait d’autres malades en bas près du fleuve, et là aussi il fit l’imposition
avec une grande puissance aux fidèles. L’un d’eux, Henry G. Sherwood, était à
l’article de la mort. Joseph s’avança jusqu’à la porte de sa tente et lui commanda
de se lever et de sortir; il obéit et fut guéri. Heber C. Kimball et d’autres
accompagnèrent le prophète de l’autre côté du fleuve à Montrose. Ils visitèrent
une par une les maisons des Douze et firent l’imposition des mains à ceux qui
avaient besoin d’une bénédiction. Brigham Young, Wilford Woodruff, Orson Pratt
et John Taylor se joignirent alors à Joseph dans sa mission charitable.
Une des guérisons les plus mémorables à Montrose fut celle d’Elijah Fordham.
Quand les frères arrivèrent, il était au lit, incapable de parler.
«Frère Joseph s’approcha de frère Fordham, et lui prit la main droite . . .
«Il vit qu’il avait les yeux vitreux, qu’il ne pouvait pas parler et qu’il n’était pas
conscient de ce qui se passait autour de lui.
220
REFUGE EN ILLINOIS
«Après lui avoir pris la main, il contempla le visage du mourant et dit: ‹Frère
Fordham, est-ce que vous me reconnaissez?› Tout d’abord il ne répondit pas; mais
Publié avec la permission des Daughters of Utah Pioneers, Salt Lake City, Utah
nous pouvions tous voir l’effet de l’Esprit de Dieu qui reposait sur lui.
«Il dit de nouveau: ‹Elijah, est-ce que vous me reconnaissez?›
«Dans un chuchotement à peine audible, frère Fordham répondit: ‹Oui!›
«Le prophète dit alors: ‹N’avez-vous pas la foi pour être guéri?›
«La réponse, qui était un peu plus claire que précédemment, fut: ‹Je crains qu’il
ne soit trop tard. Si vous étiez venu plus tôt, je crois que cela aurait pu se faire.›
«Il avait l’aspect d’un homme qui s’éveillait du sommeil. C’était le sommeil
de la mort.
«Joseph dit alors: ‹Croyez-vous que Jésus est le Christ?›
« ‹Oui, frère Joseph’, répondit-il.
Alors le prophète de Dieu parla d’une voix forte, comme avec la majesté de la
Divinité: ‹Elijah, je vous commande, au nom de Jésus de Nazareth, de vous lever
Elijah Fordham (1798-1879) accepta
l’Evangile en 1833 au Michigan. En 1835, il fut
ordonné soixante-dix par Joseph Smith à
Kirtland. Après sa guérison miraculeuse par
Joseph Smith à Montrose (Iowa), il s’installa à
Nauvoo et travailla sur le chantier du temple
jusqu’à ce que les saints fussent obligés de
quitter l’Illinois en 1846. Il alla en Utah en 1850
et resta fidèle à l’Evangile le reste de sa vie.
et d’être guéri!›
«Les paroles du prophète n’étaient pas comme les paroles de l’homme, mais
comme la voix de Dieu. Il me semblait que la maison tremblait sur ses bases.
«Elijah Fordham sauta de son lit comme un homme ressuscité des morts. Une
couleur saine lui vint sur le visage, et la vie se manifesta dans tous ses gestes13.»
Ils rendirent ensuite visite à Joseph B. Noble, qui fut également guéri. Dans le
souvenir de Wilford Woodruff, cela resta comme «le plus grand jour de la
manifestation de la puissance de Dieu par le don de guérison depuis l’organisation
de l’Eglise14».
Comme les frères étaient sur la rive du fleuve se préparant à refaire la traversée
vers Nauvoo, un non membre de l’Eglise, qui avait entendu parler du miracle de
ce jour-là, demanda au prophète s’il ne voulait pas venir faire l’imposition des
mains à ses petits jumeaux qui étaient en train de mourir à environ trois kilomètres
de Montrose. Joseph dit qu’il ne pouvait pas y aller mais donna à Wilford
Woodruff un mouchoir en soie rouge et lui dit de leur faire l’imposition des mains,
promettant que lorsqu’il leur essuierait le visage avec le mouchoir, ils seraient
guéris. Le prophète promit aussi que le mouchoir resterait un lien entre eux tant
que Wilford le garderait. Wilford fit ce qui lui avait été dit et témoigna que les
enfants furent guéris. Il conserva précieusement son trésor tout le reste de sa vie15.
En dépit de cette manifestation extraordinaire de foi et de force, la maladie fit
rage parmi les saints de Nauvoo pendant tout l’été et jusqu’à l’automne. Ce n’est
qu’aux approches de l’hiver que l’épidémie commença à se calmer. En octobre,
Elizabeth Haven dressa un rapport sur la conférence générale organisée à Nauvoo
Elizabeth Haven (1811-92), cousine de
Brigham Young et de Willard Richards,
accepta l’Evangile en 1837. Après l’expulsion
du Missouri, elle soigna beaucoup de saints
malades à Quincy (Illinois). Ses lettres sont
une source précieuse d’informations sur
cette période de l’histoire de l’Eglise.
Pendant qu’elle était à Quincy, elle rencontra
et épousa Israel Barlow. Ils émigrèrent en
Utah et s’installèrent à Bountiful. Elle mourut
le jour de Noël 1892.
à laquelle elle assista. Elle écrivit à sa famille en Nouvelle-Angleterre: «Le prophète
dit que l’endroit est malsain, mais qu’il lui a été révélé qu’il sera sanctifié et sera un
lieu de rassemblement16.»
Les maladies ne se limitaient pas à Nauvoo. Beaucoup de saints des derniers
jours de Quincy souffrirent également entre février et septembre 1839. A
Commerce, beaucoup de gens furent malades, mais il y eut peu de morts. Par
contre, à Quincy, la mort fit «de grands ravages parmi les saints». Elizabeth Haven
221
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
écrit à sa famille: «Oh mes amis, vous ne savez rien des fièvres, à quel point elles
abattent et affolent l’esprit et détruisent la santé.» Certaines familles perdirent
entre deux et trois de leurs proches. La famille Goddard, qui vivait en face de
chez Elizabeth, perdit le père et la mère et une fille de seize ans. Cinq enfants
survécurent, mais à un moment donné quatre d’entre eux furent malades.
Providentiellement, Elizabeth ne contracta pas la maladie. Elle passa l’été et
l’automne à soigner les autres. Le besoin en soins était si grand qu’elle ne réussit
pas à aller à une seule réunion de sabbat entre juin et octobre. Elle estimait les
épreuves de Far West comme faibles comparées à «ce qu’elles ont été
récemment17».
DEMANDE
MISSOURI
D E R É PA R AT I O N S P O U R L E S D É G Â T S C A U S É S PA R L E
Pendant qu’ils souffraient dans la prison de Liberty en 1838-39, le prophète et
d’autres de ses frères avaient discuté de la manière d’obtenir réparation par l’Etat
du Missouri des terres et des biens perdus par les saints au cours des persécutions
de 1833 et de 1838-39. En 1833, le Seigneur commanda aux frères de s’adresser aux
gouvernements locaux et de l’Etat. Si cela ne réussissait pas, ils devaient demander
l’aide du gouvernement fédéral (voir D&A 101:81-91). Cette méthode avait été
utilisée pour la première fois en 1834 quand l’Eglise fit appel, sans succès, au
président Andrew Jackson. En mars 1839, pendant qu’il était à la prison de Liberty,
le prophète reçut une révélation selon laquelle l’Eglise devait de nouveau faire
appel au gouvernement des Etats-Unis pour réparation des dommages subis par
les saints au Missouri. Les membres de l’Eglise furent chargés de récapituler
«la relation de tous les faits, des souffrances et des abus que leur a infligés
la population de cet Etat [le Missouri]». Ce serait «le dernier effort que notre
Père céleste nous ordonne de faire, avant que nous puissions pleinement
et complètement réclamer cette promesse, qui le fera sortir de sa cachette»
(D&A 123:1, 6).
A cause de sa mauvaise santé, Sidney Rigdon avait été libéré de prison avant les
autres membres de la Première Présidence. En Illinois, il rencontra le gouverneur
Thomas Carlin et lui fit part de la triste situation des saints. Pour obtenir
réparation, il mit également au point un plan sur la base d’un passage de la
Constitution des Etats-Unis selon laquelle «le gouvernement général donnera à
chaque Etat une forme républicaine de gouvernement». Sidney Rigdon estimait
que pareil gouvernement n’existait pas au Missouri, de sorte qu’il avait l’intention
de présenter l’historique des persécutions aux gouverneurs des Etats respectifs et
de leur parlement, espérant inciter le plus grand nombre possible à faire passer
une résolution «inculpant» l’Etat du Missouri. Il proposa d’envoyer des
représentants de l’Eglise auprès du gouvernement de chaque Etat pour faire
pression en faveur de l’Eglise. L’exécution du plan alla jusqu’à la désignation de
son gendre, George W. Robinson, pour réunir les attestations et les informations
générales sur le sujet; Sidney obtint du gouverneur Carlin une lettre
d’introduction auprès des gouverneurs et du président18.
222
REFUGE EN ILLINOIS
Il devint évident qu’il était inutile de demander l’aide des responsables du
Missouri. Il devint également bientôt évident que le plan de Rigdon était
irréalisable. En mai 1839, une conférence désigna Sidney Rigdon pour présenter
les griefs des saints des derniers jours directement à Washington (D.C.). Toutefois,
ses retards eurent pour conséquence la désignation supplémentaire de Joseph
Smith et d’Elias Higbee à la conférence d’octobre à Commerce pour aller trouver
Martin Van Buren, président des Etats-Unis. Orrin Porter Rockwell fut également
invité à les accompagner. Ils quittèrent Nauvoo le 29 octobre 1839 et, sur la route
de Springfield, un nouveau converti, le Dr Robert D. Foster, se joignit à eux. A
Springfield, le prophète écrivit à sa femme: «Cela va être bien long et bien solitaire
d’être loin de toi et rien d’autre qu’un sentiment humanitaire n’aurait pu m’inciter
à faire un si grand sacrifice. Verrai-je tant de personnes périr sans demander
réparation? Non, je vais encore essayer cette fois, et au nom du Seigneur19.»
Pour cause de maladie, Sidney Rigdon fut confié à John Snyder à Springfield. Le
prophète le laissa aux soins du Dr Foster et d’Orrin Porter Rockwell et continua
Martin Van Buren (1782-1862), huitième
président des Etats-Unis, fut en poste de
1837 à 1841. Il ne voulut pas soutenir la
cause de Joseph Smith et des autres pour la
réparation des torts infligés aux saints à la
suite des persécutions du Missouri.
son chemin avec Elias Higbee jusqu’à la capitale, où il arriva le 28 novembre. Le
lendemain, ils prirent rendez-vous avec le président Van Buren, très réticent.
Celui-ci ne fut pas impressionné par leurs lettres d’introduction et essaya de les
renvoyer, mais par son insistance Joseph obtint une audience avec le président.
Quand Van Buren demanda au prophète en quoi sa religion différait des autres
confessions chrétiennes du jour, Joseph dit que le mode de baptême et le don du
Saint-Esprit par l’imposition des mains étaient les différences essentielles. «Nous
estimions que toutes les autres considérations étaient contenues dans le don du
Saint-Esprit20.»
Le président, sensible à la philosophie politique qui régnait à l’époque
concernant les droits des Etats et vivement désireux de ne pas offenser des alliés
politiques, se rendit compte que le conflit des mormons avec le Missouri était un
problème délicat. Il fit donc la sourde oreille aux demandes des frères. Joseph dit
plus tard: «J’ai eu un entretien avec Martin Van Buren, le président, qui m’a traité
avec beaucoup d’insolence, et c’est avec beaucoup de réticence qu’il a écouté notre
message. Lorsqu’il l’eut entendu, il dit: ‹Messieurs, votre cause est juste, mais je ne
peux rien faire pour vous21.›» Le prophète essaya aussi de convaincre l’éminent
sénateur John C. Calhoun de ses préoccupations, mais il essuya un refus.
Le prophète et frère Higbee rencontrèrent ensuite divers autres sénateurs et
députés. La délégation de l’Illinois les traita particulièrement bien, et Richard M.
Young, sénateur de l’Illinois, promit de présenter leur pétition devant le Congrès.
La longue pétition détaillait les difficultés que les saints connaissaient depuis 1833
au Missouri et concluait: «Nous lançons notre appel en qualité de citoyens
américains, de chrétiens et d’hommes, croyant que le sens élevé de la justice qui existe
au sein de votre honorable assemblée ne permettra pas que de telles oppressions
soient pratiquées impunément contre une partie quelconque des citoyens de cette
vaste république, mais que des mesures, dictées par votre conscience, soient prises
afin que le grand nombre de personnes qui ont été ainsi maltraitées se voient
accorder réparation des dommages qu’elles ont subis22.»
223
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Entre-temps, les frères écrivaient chez eux, demandant aux saints de rassembler
et d’envoyer le plus grand nombre possible de certificats et d’attestations
confirmant les persécutions et prouvant leurs droits de propriété en terre de
Missouri. Le prophète a dit qu’au total, il présenta les réclamations de 491
personnes contre l’Etat du Missouri23. Dans ce même temps, embarrassée, la
délégation du Missouri au Congrès commença à élaborer sa propre défense, basée
sur les transcriptions d’une audience d’instruction tenue à Richmond (Missouri),
où de nombreux antimormons et ex-mormons avaient témoigné.
Pendant qu’il était encore dans l’Est, le prophète rendit visite à diverses
branches de l’Eglise. A Philadelphie, il parla à une assemblée d’environ trois mille
saints. Il passa aussi plusieurs jours avec Parley P. Pratt, qui était à Philadelphie
et qui prenait des dispositions pour la publication de plusieurs livres. Parley P.
Pratt a écrit:
«Au cours de ces entretiens, il m’enseigna beaucoup de principes grands et
glorieux concernant Dieu et l’ordre céleste de l’éternité. C’est à ce moment-là que
je reçus de lui la première notion de la cellule familiale éternelle . . .
«C’est de lui que j’appris que mon épouse bien-aimée pourrait être mienne pour
le temps et pour toute l’éternité.» Ces merveilleuses rencontres personnelles avec
le prophète influencèrent Parley tout le reste de sa vie.
«J’avais aimé précédemment, mais je ne savais pas pourquoi. Mais maintenant
j’aimais, avec une pureté, l’intensité d’un sentiment élevé et sublime, qui allaient
élever mon âme au-dessus des choses transitoires de ce monde misérable et
l’étendre comme l’océan24.»
L’opinion générale du pays, et particulièrement parmi les politiciens du sud,
voulait que les questions du genre de celles que soulevaient les saints des derniers
jours étaient clairement du ressort des Etats. On estimait que la Constitution ne
justifiait aucune intervention au niveau national. Ce point de vue était clairement
le reflet du débat national concernant la souveraineté des Etats qui allait connaître
son point culminant deux décennies plus tard dans la guerre de Sécession.
Joseph Smith retourna à Nauvoo, laissant Elias Higbee à Washington pour
recueillir les résultats de la pétition au Congrès. Le 4 mars 1840, le comité sénatorial
annonça que le Congrès ne ferait rien; il recommandait que l’Eglise demande
réparation devant les tribunaux de l’Etat ou les tribunaux fédéraux d’Amérique,
procédé que les saints avaient constaté être totalement inutile. A la conférence
générale d’avril de l’Eglise, les saints votèrent: «Si tous les espoirs d’obtenir
satisfaction des torts qui nous ont été infligés sont totalement perdus, qu’ils soient
portés alors en appel de notre affaire auprès du tribunal céleste, croyant que le
grand Jéhovah, qui règne sur la destinée des nations et qui voit un passereau
tomber réparera certainement les torts qui nous ont été faits et ne tardera pas à
nous venger de nos adversaires25.»
C H A RT E
DE
NAUVOO
Le nouveau lieu de rassemblement des saints était constitué non seulement de
Nauvoo (Illinois) et de Montrose (Iowa) mais aussi de plusieurs sites dans le
224
REFUGE EN ILLINOIS
voisinage, des deux côtés du fleuve. Les membres de l’Eglise s’installèrent dans
Comté de Henderson
des localités existantes telles que Carthage, siège du comté de Hancock, La Harpe
Rocky Run
La Harpe
Stringtown Camp Creek
Davis Mound
Nauvoo
Zarahemla
Sonora
Montrose
Ambrosia
Fountain Green
Nashville
Ramus
De
Golden’s
s
Comté
Point
Carthage
de Lee
et Fountain Green. Et ils créèrent de petites colonies à eux à Ramus, Lima et
Territoire d’Iowa
M
o in
es
R
ive
Comté de Hancock
r
Mis
sis
sipp
i Riv
er
Warren
Bear Creek
Plymouth
Green Plains
Yelrome (anagramme d’Isaac Morley, fondateur de la colonie, lu à l’envers). De
nombreux faubourgs également entouraient Nauvoo elle-même. Mais il était
évident que Nauvoo était le lieu central et, au bout de quelques mois, elle acquit
une influence politique et économique dans l’ouest de l’Illinois.
Après le retour de Joseph Smith de l’Est, de sérieuses discussions commencèrent
concernant la forme de gouvernement que Nauvoo devait avoir. L’arrivée à
Nauvoo de John C. Bennett, citoyen éminent de Springfield, en juin 1840, fut à
Yelrome
Lima
Comté de McDonough
Mormon
Springs
Comté de Adams
l’origine d’une étape décisive dans ce domaine. L’ambitieux et énergique Bennett
se fit rapidement accepter dans les cercles militaires, médicaux et politiques de la
Plusieurs communautés de saints
apparurent dans le comté de Hancock
(Illinois) et le comté de Lee (Iowa), pendant
la période de Nauvoo. Les estimations
démographiques de la région font état de
quinze à vingt mille personnes au moment
de l’exode d’Illinois en 1846.
capitale de l’Etat. Thomas Carlin, le gouverneur, l’avait nommé directeur de
l’intendance de la milice de l’Etat. Avant d’aller à Nauvoo, Bennett écrivit au
prophète exprimant son indignation devant les injustices que le Missouri avait
infligées aux saints des derniers jours et proposant son aide. Peu après son arrivée,
il accepta l’Evangile et fut baptisé. Le fait qu’il connaissait de nombreuses autorités
gouvernementales faisait de lui la personne logique pour essayer d’obtenir une
charte pour Nauvoo. A la conférence générale d’octobre, Joseph Smith, Robert B.
Thompson et John C. Bennett furent désignés pour mettre par écrit une
proposition et la porter à Springfield.
Les efforts de Bennett auprès des deux partis politiques réussirent, et la charte
de Nauvoo devint loi le 16 décembre 1840. Elle ressemblait aux chartes accordées
à Chicago et à Alton en 1837, à Galena en 1839 et à Springfield et à Quincy en 1840.
Elle accordait le droit de créer une milice locale, un tribunal municipal et une
université. Les dirigeants de l’Eglise étaient ravis de ces dispositions amples et
libérales, qui semblaient assurer que les autorités gouvernementales ne seraient
plus en mesure de profiter des saints comme cela avait été le cas au Missouri. Les
pouvoirs législatif et exécutif de Nauvoo étaient entre les mains du maire, de
quatre échevins et de neuf conseillers. Le maire et les échevins étaient aussi juges
au tribunal municipal, une différence par rapport à ce qui se faisait dans les autres
villes munies de chartes. Cela signifiait que cinq hommes contrôlaient les branches
législative, exécutive et judiciaire du gouvernement local.
John C. Bennett fut élu premier maire de Nauvoo le 1er février 1841. D’autres
dirigeants de l’Eglise, parmi lesquels Joseph Smith, Sidney Rigdon et Hyrum
Smith, furent élus échevins, assurant un gouvernement local qui serait amical
envers les saints. Immédiatement le conseil municipal créa une unité de milice, la
Légion de Nauvoo, qui grandit graduellement jusqu’à comprendre trois mille
enrôlés. En outre, selon les dispositions de la charte de Nauvoo, la Légion de
Nauvoo était sous la direction de Joseph Smith et d’autres hommes publics, bien
que faisant en réalité partie de la milice de l’Etat. Une fois de plus, les observateurs
antimormons
jaloux
eurent
des
appréhensions
devant
la
croissance
ininterrompue de l’influence et de la puissance des mormons dans leur région.
225
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Pour la première fois depuis dix ans, les saints ressentaient une certaine sécurité.
Le Seigneur les avait de nouveau conduits en lieu sûr. Les apôtres pouvaient partir
en vue de la mission qui leur avait été confiée en Grande-Bretagne. Leur prophète
était sain et sauf et dirigeait l’Eglise. La paix régnait, et les possibilités de répandre
l’Evangile de Jésus-Christ semblaient à portée de main.
NOTES:
1. Dans History of the Church, 3:251.
2. History of Caldwell and Livingston Counties,
Missouri, St-Louis, National Historical Co.,
1886, p. 142.
3. Voir Kenneth W. Godfrey, Audrey M.
Godfrey et Jill Mulvay Derr, Women’s Voices,
Salt Lake City, Deseret Book Company, 1982,
p. 103:5.
4. Dans History of the Church, 3:269.
5. Lettre d’Elizabeth Haven à Elizabeth
Howe Bullard, 24 février 1839, dans Ora H.
Barlow, The Israel Barlow Story and Mormon
Mores, Salt Lake City, Ora H. Barlow, 1968,
p. 143.
6. Voir les journaux de Wilford Woodruff, 18
mars 1839, département d’histoire de
l’Eglise, Salt Lake City.
14. Woodruff, Leaves from my Journal, p. 65.
15. Voir Woodruff, Leaves from my Journal,
p. 65.
16. Dans Barlow, Israel Barlow Story, p. 163.
17. Lettre de Haven à Bullard, 30 septembre
1839, dans Barlow, Israel Barlow Story,
pp. 158, 160-61.
18. Andrew Jenson, The Historical Record,
mars 1889, p. 738.
19. Dans Dean C. Jessee, éd., The Personal
Writings of Joseph Smith, Salt Lake City,
Deseret Book Co., 1984, p. 448.
20. Dans History of the Church, 4:42.
7. Dans Barlow, Israel Barlow’s Story, p. 156.
21. History of the Church, 4:80
8. Drusilla Doris Hendricks, «Historical
Sketch of James Hendricks and Drusilla
Doris Hendricks», document
dactylographié, département d’histoire de
l’Eglise, Salt Lake City, pp. 22-23.
22. Dans History of the Church, 4:38.
9. Dans David E. et Della S. Miller, Nauvoo:
The City of Joseph, Salt Lake City, Peregrine
Smith, 1974, p. 26.
10. Dans History of the Church, 3:336.
11. «A Leaf from an Autobiography»,
Women’s Exponent, 15 novembre 1878, p. 91.
12. Journaux de Wilford Woodruff, 22 juillet
1839.
226
13. Wilford Woodruff, Leaves from my
Journals, deuxième édition, Salt Lake City,
Juvenile Instructor Office, 1882, p. 63.
23. History of the Church, 4:74. L’Eglise lança
des appels supplémentaires en 1842-43. Un
total de 703 personnes signèrent des
attestations individuelles; voir Clark V.
Johnson, «The Missouri Redress Petitions: A
Reappraisal of Mormon Persecutions in
Missouri», Brigham Young University Studies,
printemps 1986, pp. 31-44.
24. Parley P. Pratt, éd., Autobiography of Parley
P. Pratt, série Classics in Mormon Literature,
Salt Lake City, Deseret Book Co., 1985,
pp. 259-60.
25. Dans History of the Church, 4:108.
CHAPITRE DIX-HUIT
MISSION
Ligne du temps
Date
Evénement important
26 avril 1839
Les Douze s’assemblent à Far
West pour accomplir une
révélation avant de partir pour
la mission européenne
27 juin 1839
Les apôtres reçoivent une
formation de la Première
Présidence en vue de leur
mission
Avril 1840
Appel d’Orson Hyde et de
John E. Page pour consacrer
la Palestine au retour des Juifs
Mai 1840
Première publication du
Millennial Star en Angleterre
Mars-août
1840
Wilford Woodruff et d’autres
frères baptisent près de dixhuit cents personnes dans
une région couvrant trois
comtés
Juin 1840
Emigration des premiers saints
britanniques en Amérique
Avril 1841
Les Douze organisent une
magnifique conférence à
Manchester et retournent en
Amérique
24 octobre
1841
Orson Hyde fait la prière de
consécration sur le mont des
Oliviers
Juin 1843
Quatre missionnaires sont
appelés par les Douze à
travailler dans le Pacifique
DES
DOUZE
T
ANDIS QUE LES SAINTS s’installaient à Nauvoo, Joseph Smith
préparait une nouvelle progression de l’Eglise outremer. Cette expansion
avait commencé par l’appel de Heber C. Kimball et d’Orson Hyde en
Angleterre en 1837. Dès 1835, le Seigneur avait dit aux membres du Collège des
Douze qu’ils devaient être «témoins spéciaux du nom du Christ dans le monde
entier» et qu’ils devaient «construire l’Eglise et en régler toutes les affaires dans
toutes les nations». Ils reçurent les clefs «pour ouvrir la porte par déclaration de
l’Evangile de Jésus-Christ» au monde entier (D&A 107:23, 33, 35). Il fut en outre
promis aux Douze que «en quelque lieu que [vous proclamiez] mon nom, une
porte efficace [vous] sera ouverte pour qu’ils reçoivent ma parole» (D&A 112:19).
Cette promesse s’accomplit le 23 juillet 1837, le jour même où elle fut révélée,
lorsque Heber C. Kimball et ses compagnons furent invités à prêcher à l’église de
Vauxhall à Preston (Angleterre), invitation qui eut pour résultat les premiers
baptêmes dans les îles Britanniques. L’oeuvre progressant avec beaucoup de
succès dans ce pays, un concours encore plus grand des apôtres était attendu.
Musée d'histoire et d'art de l'Eglise
Herefordshire Beacon, la plus haute
colline de la région, était l’emplacement d’un
vieux fort britannique qui avait été emporté
par les Romains.
Wilford Woodruff, Brigham Young et Willard
Richards se retirèrent sur ce monument
britannique antique et vénéré pour prier et
tenir conseil au sujet de la publication du
Livre de Mormon et d’un livre de cantiques
pour les saints britanniques. Après avoir reçu
la confirmation qu’ils pouvaient s’engager, ils
utilisèrent trois cents livres qu’ils reçurent de
John Benbow et de Thomas Kington pour
réaliser le projet.
227
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
APPEL
DES
DOUZE
EN
G R A N D E -B R E TA G N E
Peu après s’être installé à Far West (Missouri), en mars 1838, Joseph Smith avait
commencé à faire des préparatifs pour un effort missionnaire plus étendu des
Douze en Grande-Bretagne. David W. Patten, un des apôtres, reçut l’année
suivante par révélation le commandement de se préparer à une mission (voir D&A
114:1). Le 8 juillet 1838, une autre révélation appela John Taylor, John E. Page,
Wilford Woodruff et Willard Richards, parmi les Douze. Les apôtres furent chargés
Le 26 avril 1838, le Seigneur commanda à
Joseph Smith de construire un temple à Far
West (Missouri). Les pierres angulaires furent
posées le 4 juillet 1838, et l’emplacement fut
consacré par Brigham Young. Les Douze
partirent de là, le 26 avril 1839, pour leur
mission en Angleterre, accomplissant ainsi le
commandement donné par le Seigneur dans
D&A 118:3-6.
Le terrain appartient maintenant à l’Eglise
et elle l’a aménagé en 1968, y a érigé des
monuments et des plaques commémoratives
et a conservé les pierres angulaires.
de «traverser les grandes eaux et y promulguer mon Evangile dans sa plénitude,
et rendre témoignage de mon nom» (D&A 118:4). Le Seigneur leur dit aussi le jour
exact où ils devaient quitter Far West pour partir en Angleterre, c’est-à-dire le
26 avril 1839.
Lorsque la révélation leur parvint, les frères ne pensaient pas avoir beaucoup de
mal à exécuter ce commandement, mais les persécutions ultérieures et l’expulsion
des saints du Missouri rendirent extrêmement dangereux le départ de Far West en
avril. Beaucoup d’émeutiers harcelèrent les membres de l’Eglise restant au
Missouri et se vantèrent ouvertement de ce que la révélation ne s’accomplirait pas.
Brigham Young exhorta ses collègues à se rendre à Far West comme le Seigneur
l’avait commandé et promit que le Seigneur les protégerait.
Le 26 avril, peu après minuit, Brigham Young, Heber C. Kimball, Orson Pratt,
John E. Page, John Taylor, Wilford Woodruff et George A. Smith se rassemblèrent
au clair de lune, avec une vingtaine d’autres saints, à l’emplacement du temple de
Far West. Au péril de leur vie, ils recommencèrent à poser les fondations de la
maison du Seigneur en roulant une grosse pierre près du coin sud-est. Brigham
Young a écrit: «C’est ainsi que cette révélation fut accomplie, à propos de laquelle
nos ennemis avaient dit que si toutes les autres révélations de Joseph Smith étaient
accomplies, celle-là ne serait pas réalisée, puisqu’un qu’un jour et une date lui
étaient attribués1.» Aux premières heures du matin, Theodore Turley, un des saints
qui avaient été à Far West avec les Douze, se rendit chez l’apostat Isaac Russell
pour lui faire ses adieux. Russell fut stupéfait de voir que son ami était à Far West
avec des membres des Douze et il resta sans voix quand il apprit que la prophétie
avait été réalisée.
Il n’y eut plus d’autres préparatifs pour la mission en Grande-Bretagne avant
que les saints n’eussent trouvé un lieu de rassemblement à Commerce (Nauvoo).
Le 27 juin 1839, la Première Présidence et les Douze se réunirent en conférence
spécifique. Après qu’il eut humblement confessé ses sottises et ses péchés, Orson
Hyde fut réintégré parmi les Douze. Joseph Smith instruisit ses frères des
principes fondamentaux de l’Evangile pour mieux les préparer à s’acquitter de
leur mission. Une semaine plus tard, à Montrose (Iowa), suivant d’autres
instructions, la Première Présidence bénit chaque apôtre et sa femme. A propos de
ceux qui furent bénis, Wilford Woodruff a écrit: «Il nous fut promis que si nous
étions fidèles, nous rentrerions au sein de notre famille et serions bénis au cours
de notre mission et que nous trouverions beaucoup d’âmes pour sceller notre
ministère.» Après les bénédictions, Joseph Smith leur dit: «[Vous n’ êtes] pas
envoyés pour être instruits, mais pour instruire; que chacun soit sérieux, soit
228
MISSION DES DOUZE
vigilant et que toutes vos paroles soient modérées par la grâce, et gardez à l’esprit
que ce jour est un jour d’avertissement et pas le moment de faire de longs
discours2».
Le dimanche 7 juillet, les Douze parlèrent à une réunion d’adieux organisée en
leur honneur. Chacun d’eux témoigna puissamment de l’oeuvre à laquelle ils
étaient engagés. A l’évidence, ils étaient vivement désireux de faire route pour
l’Angleterre; malheureusement, ils ne furent pas en mesure de partir
immédiatement. La semaine suivante, une épidémie de malaria s’abattit sur le
Musée d'histoire et d'art de l'Eglise
voisinage de Nauvoo. Les apôtres en furent atteints, et leur mission fut
temporairement remise. Mais après le 22 juillet, jour de la puissance de Dieu, «tous
les Douze étaient . . . décidés, ‹malades ou pas›, à accomplir la mission. Le
dimanche 4 août, jour de jeûne et de prière, le prophète renouvela ses instructions
d’aller sans bourse ni sac selon les révélations de Jésus-Christ3».
D É PA RT
Cette peinture primitive de Phoebe Carter
Woodruff, épouse de Wilford Woodruff, et de
son fils Joseph Woodruff est attribuée à
Thomas Ward, émigrant de Liverpool
(Angleterre). Ce tableau fut probablement
peint vers 1845 à Nauvoo.
DES MISSIONNAIRES
John Taylor et Wilford Woodruff, toujours atteints de la malaria, décidèrent de
partir immédiatement. Wilford Woodruff a écrit: «Au petit matin du 8 août, je me
levai de mon lit de malade, posai les mains sur la tête de Phoebe, ma femme
souffrante, et je la bénis. Je m’arrachai ensuite de l’étreinte de mon épouse et la
laissai presque sans nourriture et sans les choses nécessaires à la vie. Elle subit mon
départ avec la force d’âme qui convient à une sainte, consciente des
responsabilités de son époux . . .
«Quoique faible, je me rendis à pied jusqu’au rivage du Mississippi. Là, le
président m’emmena en canoë . . . et me fit traverser le fleuve. Lorsque nous
abordâmes, je me couchai sur une plaque de cuir pour semelles, à côté du bureau
de poste, pour me reposer. Frère Joseph, le prophète de Dieu, arriva et me regarda.
‹Eh bien, frère Woodruff, dit-il, vous voilà en route pour votre mission.› ‹Oui, disje, mais j’ai plus la sensation et l’air d’être un sujet pour salle de dissection qu’un
missionnaire.› Joseph répondit: ‹Pourquoi dites-vous cela? Levez-vous et mettezvous en route; tout ira bien pour vous4.›»
John Taylor et Wilford Woodruff poursuivirent péniblement leur voyage jusqu’à
la côte est. En Indiana, John Taylor tomba gravement malade, et Wilford dut le
laisser là, le remettant entre les mains du Seigneur. Après une guérison
miraculeuse, frère Taylor poursuivit son voyage. Il tomba de nouveau malade mais
finit par retrouver frère Woodruff à New York.
Les autres frères connurent un départ aussi difficile. Brigham Young était prêt à
partir le 14 septembre, juste peu après que sa femme, Mary Ann, eut donné le jour
à une fille. Mais quand il quitta Montrose, il était si malade qu’il ne put faire à pied
sans aide les cent cinquante mètres qui le séparaient du fleuve. Trois jours plus
tard, Mary Ann, toujours affaiblie par son accouchement, prit ses dispositions
pour traverser le fleuve afin de prendre soin de son mari qui logeait chez Heber C.
Kimball à Nauvoo. Le 18 septembre, Brigham et Heber décidèrent qu’il était temps
de partir en vue de la mission qui leur avait été confiée. Les deux hommes étaient
si malades qu’il fallut les aider à monter dans un chariot. Toute la famille Kimball
229
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
était alitée, à l’exception de Heber Parley, quatre ans, qui arrivait tout juste à porter
de l’eau aux malades.
Une fois dans le chariot, dit Heber: «J’avais l’impression que mes entrailles
fondaient à la pensée de laisser ma famille dans un tel état, pour ainsi dire dans les
bras de la mort. Il me semblait que je ne pourrais pas le supporter. Je demandai au
conducteur de l’attelage d’arrêter et dis à frère Brigham: ‹C’est dur, hein? Levonsnous et acclamons-les.› Nous nous levâmes, et, balançant nos chapeaux trois fois
au-dessus de nos têtes, criâmes: ‹Hourra, Hourra pour Israël.› Vilate, en entendant
le bruit, se leva de son lit et vint à la porte. Elle avait le sourire aux lèvres.Vilate et
Mary Anne Young nous crièrent: ‹Au revoir, que Dieu vous bénisse5.›»
George A. Smith rejoignit les frères Young et Kimball en chemin. En cours de
route, Brigham allait dans son coffre et trouvait toujours juste assez d’argent pour
le passage suivant en diligence. Il pensait que c’était Heber qui remettait de
l’argent dans le fond mais s’aperçut plus tard que ce n’était pas lui. Ces frères
avaient commencé leur voyage avec treize dollars cinquante de dons, et pourtant
ils en dépensèrent plus de quatre-vingt-sept en frais de diligence. Ils n’avaient pas
la moindre idée de la façon dont l’argent supplémentaire était entré dans le coffre
«si ce n’est par un émissaire invisible du monde céleste pour promouvoir la
propagation de l’Evangile6». Ces frères restèrent quelques semaines dans le nord
de New York à cause de leur maladie. Brigham Young tomba malade à Moravia
(New York) et fut soigné par les familles Caleb, Haight et William Van Orden. Frère
Van Orden fit également un pardessus pour George A. Smith, qui n’avait qu’une
couverture piquée sur les épaules pour se tenir chaud.
Sept apôtres arrivèrent à New York City au cours de l’hiver. Ils y prêchèrent
l’Evangile, réglèrent les affaires de l’Eglise et obtinrent des fonds pour leur
traversée pour l’Angleterre. Parley P. Pratt écrit: «Au cours des quelques jours où
nous fûmes ensemble à New York, nous avons eu beaucoup de belles réunions au
cours desquelles les saints furent remplis de joie et où le peuple fut de plus en plus
convaincu de la véracité de notre message. Près de quarante personnes furent
baptisées et jointes à l’Eglise dans cette ville au cours des quelques jours de
résidence de nos frères là-bas7.» Wilford Woodruff, John Taylor et Theodore Turley
furent les premiers à partir en Angleterre, le 19 décembre 1839 et y arrivant vingttrois jours plus tard. Les autres partirent en mars et arrivèrent à Liverpool le 6 avril
1840, dixième anniversaire de l’organisation de l’Eglise.
La raison pour laquelle les Douze étaient indispensables en Grande-Bretagne
devint bientôt claire. Après la première mission de 1837, beaucoup de membres
étaient tombés en apostasie et avaient quitté l’Eglise à cause des persécutions et du
manque de dirigeants locaux mûrs. Les attaques contre l’Eglise dans les journaux
locaux augmentaient en nombre et en intensité, et les pasteurs des diverses
confessions suscitaient l’opposition par leurs sermons et leurs conférences. Au sein
de l’Eglise, certains avaient contesté l’autorité de la présidence de mission, Joseph
Fielding, Willard Richards et William Clayton, et avaient détourné de petits
groupes de saints, ce qui ralentissait le succès missionnaire.
230
MISSION DES DOUZE
Au cours de la mission des Douze en
Angleterre, dans beaucoup de régions de
Grande-Bretagne le rétablissement de
l’Evangile fut inauguré.
Edimbourg (Ecosse). Les premiers
missionnaires y arrivèrent en décembre 1839.
Orson Pratt arriva le 18 mai 1840; le
lendemain matin, à Arthur’s Seat, d’une
colline élevée dominant la ville, il consacra
l’Ecosse à la prédication de l’Evangile.
Bishopton (Ecosse). C’est là que, le 14
janvier 1840, Alexander et Jessie Hay
devinrent les premiers convertis baptisés en
Ecosse.
Castle Frome (Angleterre). Wilford
Woodruff y prêcha ainsi qu’à la Hill Farm,
entre mars et juillet 1840. Il baptisa beaucoup
de membres des Frères Unis, dont John et
Jane Benbow.
Douglas (île de Man). John Taylor
consacra cette île en 1840 et y organisa un
célèbre débat avec un pasteur local. Il
prêcha à la parenté de sa femme, Leonora
Cannon Taylor, tante de George Q. Cannon.
Herefordshire Beacon (Angleterre). C’est là
que, le 20 mai 1840, sous la présidence de
Brigham Young, un conseil décida de publier
le Livre de Mormon et un livre de cantiques
de l’Eglise en Grande-Bretagne.
Liverpool (Angleterre). Les premiers
missionnaires de l’Eglise abordèrent là en
1837. Siège de l’Eglise en Grande-Bretagne
de 1842 à 1929, Liverpool abritait le bureau
de la mission, le bureau de l’émigration et
l’imprimerie. Le Millennial Star y fut publié,
ainsi que d’autres publications importantes
de l’Eglise. En 1900, quatre-vingt-cinq mille
saints des derniers jours avaient émigré en
Amérique via Liverpool.
Londres (Angleterre). L’oeuvre
missionnaire y commença le 18 août 1840.
Londres fut le lieu de naissance de plusieurs
Autorités générales, parmi lesquelles Charles
W. Penrose, George Teasdale et George
Reynolds.
Loughbrickland (Irlande). John Taylor y
baptisa le premier converti irlandais, Thomas
Tait, le 31 juillet 1840.
Milnthorpe (Angleterre). C’était le lieu de
naissance de John Taylor.
New Chapel (Angleterre). Emplacement du
temple de Londres, consacré le 7 septembre
1958 par David O. McKay, président de
l’Eglise.
Manchester (Angleterre). Cette ville fut, de
1840 à 1842, le siège de l’Eglise en GrandeBretagne. Brigham Young y fit la plus grande
partie de sa mission. Le premier pieu de
Grande-Bretagne y fut organisé le 27 mars
1960 par Harold B. Lee, et la première
conférence interrégionale de l’Eglise y eut
lieu en août 1971.
Preston (Angleterre). Heber C. Kimball y
prononça, le 23 juillet 1837, le premier
sermon évangélique. Une branche fut
organisée au mois d’août de cette année-là.
Preston fut siège de l’Eglise de 1837 à 1840.
Willard Richards fut ordonné apôtre lors d’une
conférence organisée là en avril 1840.
Bishopton
Edimburgh
Océan
Atlantique
Scotland
Irlande
du Nord
Ile de
Man
Loughbrickland
Douglas
Mer
d’Irlande
Milnthorpe
Preston
Liverpool
Manchester
Irlande
Angleterre
Pays de
Galles
Castle
Frome
Herefordshire
Beacon
Londres
New
Chapel
Heber C. Kimball avait écrit d’Amérique plusieurs lettres qui avaient encouragé
les saints et avaient désigné ceux qui perturbaient les progrès de l’oeuvre en
Angleterre. Mais si l’on voulait que l’Eglise reste en Grande-Bretagne, il était
urgent qu’arrivent des prédicateurs, des instructeurs solidement affermis par la
doctrine de l’Evangile rétabli et des dirigeants mûrs et expérimentés capables de
mettre les branches en ordre.
Les îles Britanniques étaient mûres pour l’arrivée des membres des Douze en
qualité de missionnaires. La plupart des sujets britanniques avaient la même
langue, la même culture et le même héritage que les missionnaires d’Amérique. La
liberté de religion était une tradition forte en Grande-Bretagne. On n’y trouvait
pas vis-à-vis du clergé la forte dépendance caractéristique du continent européen.
Les gens aimaient lire la Bible, étaient fiers de la traduction du roi Jacques que les
apôtres utilisaient dans leur prédication. L’Angleterre avait aussi un
gouvernement central fort qui assurait l’application uniforme des lois en ce qui
concerne la pratique de la religion. Cela signifiait que les missionnaires étaient
légalement égaux aux autres pasteurs partout où ils allaient dans le pays. En outre,
la révolution industrielle avait anéanti la situation sociale des classes inférieures et
leur avait donné le sentiment que leurs pasteurs les avaient abandonnés.
Beaucoup recherchaient une satisfaction et un soutien spirituels et temporels dans
leur vie.
Telle était la préparation que le Seigneur avait apportée pour que l’Evangile soit
introduit en Grande-Bretagne.
231
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Synthèse des voyages et des efforts de
Wilford Woodruff en 18408.
Parcouru
7190 km
Tenu
230 réunions
Introduit la
prédication dans
Créé
constituant
LES DOUZE
EN
G R A N D E -B R E TA G N E
Wilford Woodruff et John Taylor, les premiers des Douze arrivés en Angleterre,
se hâtèrent pour se rendre au siège de l’Eglise à Preston pour rencontrer la
53 endroits
présidence de mission. Ils y décidèrent de se séparer; frère Taylor retourna à
47 églises
1500 saints
28 anciens
110 prêtres
24 instructeurs
10 diacres
Liverpool avec Joseph Fielding, et frère Woodruff prit la route du sud avec
Theodore Turley jusqu’aux poteries de Staffordshire, ainsi appelées à cause des
activités industrielles qui s’y déroulaient.
Les frères Taylor et Fielding commencèrent leur tâche le 23 janvier à Liverpool
Conférences
14
Baptisé
comprenant
336 personnes
57 prédicateurs,
2 clercs de
l’Eglise anglicane
Assisté au baptême de
86 autres
Taylor. George Q. Cannon, qui n’avait alors que douze ans, allait devenir un grand
Confirmé
420
missionnaire dans les îles Hawaï, membre des douze apôtres et conseiller de
Assisté à la
confirmation de
50 autres
quatre présidents de l’Eglise, parmi lesquels son oncle John Taylor. L’oeuvre
Ordonné
18 anciens
97 prêtres
34 instructeurs
1 diacre
et baptisèrent leurs premiers convertis le 4 février. En outre, en février, ils
baptisèrent toute la famille de George Cannon, frère de Leonora, femme de John
grandit de manière constante à Liverpool, et lorsque le reste des Douze arriva en
Angleterre en avril, une branche de l’Eglise fonctionnait dans cette ville portuaire.
Dans les poteries du Staffordshire, frère Woodruff réussit à organiser plusieurs
Béni
120 enfants
Imposé les mains à
120 malades
Aidé à lever
1000 £ pour
l’impression du
Millennial Star,
3000 exemplaires
des cantiques de
l’Eglise et 5000
exemplaires du
Livre de Mormon
Turley. En mars, il fut inspiré à continuer vers le sud jusque dans le Herefordshire,
Aidé à l’émigration
en Amérique de
200 saints
l’Evangile rétabli et furent baptisés. Des centaines d’autres dans le voisinage
Ecrit
200 lettres
Reçu
112 lettres
devinrent également membres de l’Eglise.
Assailli par
des émeutiers
4 fois
branches dans les petites localités de la région et en confia la responsabilité à frère
accompagné par William Benbow, un de ses convertis. Ils contactèrent John et Jane
Benbow, frère et belle-soeur de William, et un groupe de six cents personnes, qui
avaient créé leur propre société religieuse appelée les Frères Unis. Finalement le
chef du groupe, Thomas Kington, et tous les membres, sauf un, acceptèrent
Si l’oeuvre prospéra, le succès ne se produisit pas sans opposition. Un policier
local avait été envoyé arrêter Woodruff parce qu’il prêchait sans licence, mais au
lieu de cela il fut baptisé après un sermon édifiant. Une autre fois, deux clercs
chargés de découvrir ce que Wilford enseignait, furent baptisés tous les deux. Le
clergé de la région finit par écrire à l’archevêque de Canterbury, chef de l’Eglise
anglicane, demandant qu’il fasse usage de son influence pour chasser les
mormons de Grande-Bretagne. Sachant que la loi du pays imposait la tolérance
religieuse, l’archevêque recommanda aux pasteurs de résoudre eux-mêmes les
problèmes en devenant des pasteurs plus dévoués. Au lieu de cela, le clergé se
lança dans des sermons antimormons et ameuta la presse locale pour harceler les
saints des derniers jours.
L’opposition grandit avec la prospérité de l’Eglise dans la région. Tandis qu’il
prêchait dans le village de Hawcross, Wilford Woodruff fut entouré par une foule
hostile. Lorsque des villageois demandèrent le baptême, Wilford leur dit que s’ils
avaient suffisamment de foi pour être baptisés, il avait suffisamment de foi pour
administrer l’ordonnance en dépit des violences physiques dont on les menaçait.
Le petit groupe alla jusqu’à un étang et fut rapidement entouré par des émeutiers
armés de pierres. Wilford Woodruff a écrit: «Je descendis dans l’eau, l’esprit fixé
sur Dieu et je baptisai cinq personnes, tandis qu’ils me lançaient des pierres dont
l’une m’atteignit à la tête et manqua de m’assommer9.»
232
MISSION DES DOUZE
Une autre fois, le pasteur du village de Dymock prit la tête d’une cinquantaine
d’émeutiers pour lancer des pierres sur la maison où les saints tenaient une
réunion de prière. Bien que ce genre de choses fût relativement rare en GrandeBretagne, cela rappela à frère Woodruff qu’il y avait une forte opposition à
l’Evangile rétabli.
Grâce aux efforts de Wilford Woodruff et d’autres frères, environ dix-huit cents
personnes furent converties dans les trois comtés de Hereford, Worchester et
Gloucester. Lorsqu’il rendit visite à la ville de Ledbury, frère Woodruff fut invité
par le pasteur baptiste à prêcher à son assemblée. Par la suite, le pasteur et
plusieurs membres de son assemblée demandèrent le baptême. Une autre fois,
tandis qu’il baptisait, des pasteurs arrivèrent en chariot, acceptèrent avec
reconnaissance le baptême et poursuivirent leur route en se réjouissant.
Réfléchissant à cette période extraordinaire de sa vie, Wilford Woodruff a écrit:
«L’histoire de cette mission dans le Herefordshire montre l’importance d’écouter le
murmure doux et léger de l’Esprit du Seigneur et les révélations du Saint-Esprit.
Des gens priaient pour avoir la lumière et la vérité, et le Seigneur m’a envoyé
vers eux10.»
Le premier numéro du Millennial Star sortit
de presse le 27 mai 1840 à Manchester
(Angleterre). Il débuta sous forme de
mensuel publié par Parley P. Pratt. Au cours
des années, il fut transformé en bimensuel,
puis en hebdomadaire et puis redevint un
mensuel.
En 1842, le siège de l’Eglise de GrandeBretagne fut déplacé à Liverpool, et le Star y
fut publié jusqu’en 1933, date à partir de
laquelle on commença à le publier à
Londres. Lorsque sa publication prit fin en
1970, c’était le plus vieux périodique publié
sans interruption dans l’Eglise. Pendant une
grande partie de son histoire, il fut publié par
le président de la mission britannique.
En avril 1840, quand les autres apôtres arrivèrent dans les îles Britanniques,
Brigham Young, qui avait pris la direction de l’Eglise dans la mission britannique,
convoqua les frères à Preston pour une conférence générale de l’Eglise. Près de
seize cents membres, représentant trente-trois branches, se rendirent à la
conférence. Le premier point à l’ordre du jour fut l’ordination de Willard Richards
à l’apostolat, conformément à la révélation de 1838. Brigham Young fut également
présenté et soutenu comme président du Collège des Douze. Il y avait maintenant
huit membres des Douze dans les îles Britanniques, à savoir Brigham Young,
Heber C. Kimball, Parley P. Pratt, Orson Pratt, John Taylor, Wilford Woodruff,
George A. Smith et Willard Richards. Deux autres, William Smith et John E. Page,
ne firent pas de mission en Grande-Bretagne. Orson Hyde arriva plus tard, s’activa
avec ses frères plusieurs mois en Angleterre et ensuite poursuivit sa route vers la
Palestine, pour consacrer ce pays au retour des Juifs. Il y avait encore à l’époque
un poste vacant au sein des Douze.
A la conférence, on approuva aussi la proposition du président Young de publier
le Livre de Mormon, un livre de cantiques et un mensuel pour les saints anglais.
Sur la suggestion de frère Woodruff, la nouvelle publication devait porter le nom
de Latter-day Saints’ Millennial Star. Parley P. Pratt fut choisi comme rédacteur en
chef. Les Douze terminèrent la conférence en encourageant les saints à émigrer
à Nauvoo.
Brigham Young fit preuve de grandes capacités spirituelles et administratives
dans la façon dont il dirigea l’Eglise en Grande-Bretagne. Tandis qu’il rendait visite
à Wilford Woodruff et aux Frères Unis convertis dans le sud, il exerça sa prêtrise
pour effectuer une remarquable guérison. Mary Pitt, qui était invalide depuis onze
Ce bâtiment, situé au 42, Islington Street,
à Liverpool, fut, de 1855 à 1904, le siège de
la mission britannique et le bureau du
Millennial Star.
ans et était la soeur du musicien William Pitt, demanda une bénédiction. Les Pitt
avaient été baptisés la veille. Wilford Woodruff a écrit: «Nous priâmes pour elle et
lui fîmes l’imposition des mains. Frère Young était le porte-parole et lui commanda
233
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Parley et Orson Pratt s’activèrent tous deux,
pendant plusieurs années, à publier des
brochures et un journal pour répandre le
message de l’Evangile en Grande-Bretagne.
Voici la liste de leurs publications pendant
qu’ils étaient en Grande-Bretagne:
Parley P. Pratt
Allocution d’un ministre de l’Eglise de JésusChrist des Saints des Derniers Jours au
peuple d’Angleterre
Key to the Science of Theology
Lettre à la reine concernant les signes des
temps et la destinée politique du monde
Mariage et moralité en Utah
Réponse à «Complete Failure», de Thomas
Taylor, et à «Mormonism Exposed», de
Richard Livesey
d’être guérie. Elle déposa sa béquille et ne l’utilisa plus jamais, et le lendemain
elle fit cinq kilomètres à pied11.» Mary Pitt fut un des nombreux membres de
l’Eglise en Angleterre à être guéris par la bénédiction de la prêtrise accordée par
Brigham Young.
Le président Young étendit également l’oeuvre missionnaire dans les îles
Britanniques. Sous sa direction, Heber C. Kimball rendit visite aux branches du
nord de l’Angleterre où il avait servi en 1837-38. Il fortifia ceux qui étaient restés
fidèles entre-temps et s’efforça d’en convertir beaucoup qui avaient apostasié à
cause des persécutions. Willard Richards fut envoyé aider Wilford Woodruff dans
le sud de l’Angleterre. John Taylor, qui avait eu un certain succès à Liverpool
auprès des émigrants irlandais, prit le bateau avec trois compagnons irlandais
Le monde à l’envers; ou, le paradis sur terre
pour introduire l’Evangile en Irlande. Ils n’eurent pas beaucoup de succès, mais ils
Orson Pratt
eurent une action de base importante. A son retour à Liverpool, frère Taylor se
L’autorité divine; ou, la question: Joseph
Smith a-t-il été envoyé par Dieu?
sentit poussé à étendre l’oeuvre à l’île de Man, dans la mer d’Irlande, où vivaient
Le royaume de Dieu (parties 1-4).
beaucoup de parents de sa femme, Leonora. Il ne tarda pas à baptiser plusieurs
Visions remarquables
personnes et organisa une branche dans l’île.
La nouvelle Jérusalem; ou,
l’accomplissement des prophéties modernes
Orson Pratt fut chargé d’introduire l’Evangile en Ecosse. Il y bâtit sur l’oeuvre
Authenticité divine du Livre de Mormon,
numéros 1-6
de Samuel Mulliner et Alexander Wright, deux convertis écossais, qui étaient
Réponse à une brochure imprimée à
Glasgow avec «l’approbation des
ecclésiastiques de différentes confessions»,
intitulée «observations sur le mormonisme»
familles et à leurs amis; ils avaient un groupe de vingt convertis avant son arrivée.
Absurdités de l’immatérialisme
La cause première; ou, les forces
automotrices de l’univers
Le Saint-Esprit
Le royaume des derniers jours; ou,
préparatifs de la Seconde Venue
revenus en 1839 du Canada dans leur patrie pour faire connaître l’Evangile à leurs
Frère Pratt organisa, le 8 mai 1840, la première branche écossaise à Paisley, à
quelques kilomètres de Glasgow. A la fin mai, il consacra l’Ecosse à la prédication
de l’Evangile et demanda au Seigneur de pouvoir obtenir deux cents convertis.
L’oeuvre accomplie à Edimbourg, la capitale, fut tout d’abord lente: on n’avait
baptisé que dix-huit personnes quand arriva le mois d’août. Mais Orson,
Nécessité des miracles
missionnaire énergique, travailla dur pendant dix mois, tenant souvent jusqu’à
La vraie foi
sept réunions de rue en un seul jour. Il publia une brochure appelée A interesting
Le vrai repentir
Le baptême d’eau
Account of Several Remarkable Visions [récit intéressant de plusieurs visions
Les dons spirituels
remarquables], qui contenait le premier récit publié de la première vision de
L’apostasie universelle
Joseph Smith. Frère Pratt passa presque toute sa mission en Angleterre, et lorsqu’il
Solution nouvelle et facile aux équations
cubiques et bicarrées
partit en mars 1841, sa prière de consécration était exaucée: la population de
l’Eglise du district d’Edimbourg s’élevait à 226 personnes.
En août 1840, George A. Smith accompagna les frères Kimball et Woodruff à
Londres, une des plus grandes villes du monde. On leur refusa l’autorisation de
prêcher dans le Temperance Hall; par conséquent, ils optèrent pour le célèbre
marché en plein air de Smithfield. Informés de ce qu’ils ne pouvaient pas prêcher
là-bas non plus, ils furent conduits par un horloger local jusqu’au Tabernacle
Square, juste à l’extérieur des limites de la ville. C’est là que frère Smith prononça
un sermon devant un auditoire agité mais intéressé. Lorsqu’un pasteur local
informa la foule que George A. Smith était mormon et qu’ils ne devaient pas
l’écouter, la sympathie britannique pour les opprimés s’affirma. La foule lui
accorda une attention accrue, mais personne ne se montra disposé à être baptisé.
Après avoir fait du prosélytisme pendant plusieurs jours sans succès, les apôtres
furent finalement récompensés quand Henry Connor, l’horloger qui s’était lié
234
MISSION DES DOUZE
d’amitié avec eux, embrassa l’Evangile. Mais l’Eglise grandit lentement à Londres.
Dans un rapport à Brigham Young, les frères écrivirent: «Dans nos voyages, que ce
soit en Amérique ou en Europe, nous n’avons encore jamais trouvé qu’à Londres
de peuple auquel nous ayons dû écarter de l’esprit une plus grande multiplicité
d’objections, ou de combinaisons d’obstacles en vue de susciter quelque intérêt
pour le sujet et préparer son coeur à la réception de la parole de Dieu12.» Brigham
Young se rendit à Londres en décembre 1840 pour apporter son soutien à l’oeuvre
missionnaire, et à la date du 14 février 1841, on avait baptisé suffisamment de
membres pour organiser une conférence [district] de l’Eglise avec, comme
président, Lorenzo Snow, jeune missionnaire d’Amérique qui venait d’arriver.
Pendant ses trois années de séjour à Londres, frère Snow amena plusieurs
centaines de nouveaux membres à l’Eglise et remit deux exemplaires joliment
reliés du Livre de Mormon à la reine Victoria et au prince Albert.
Le ministère de Parley P. Pratt en Grande-Bretagne consista essentiellement à
écrire et à publier des textes de l’Eglise, ce qui était d’une nécessité capitale pour
le succès de l’effort missionnaire en cours. Il écrivit aussi plusieurs brochures et
rédigea le Millennial Star mensuel, qui fournit aux saints d’Angleterre les premiers
documents publiés sur les révélations de Joseph Smith et son histoire. Il contenait
également des nouvelles générales de l’Eglise aux Etats-Unis, rattachant ainsi les
saints anglais à leurs homologues américains. Pendant tout le reste du dixneuvième siècle, le Millennial Star fut un périodique important dans l’Eglise. Il
abondait en documents historiques et en discours d’autorités de l’Eglise.
I M PA C T
DE LA MISSION DES
DOUZE
EN
G R A N D E -B R E TA G N E
Sous la direction habile et inspirée de Brigham Young et des Douze, l’Eglise
connut une croissance phénoménale au cours de l’année 1840. A la conférence
générale d’octobre, tenue à Manchester, «des ordinations furent administrées, des
cas de discipline furent tranchés, un fonds fut créé pour soutenir les missionnaires
qui n’avaient pas suffisamment de moyens [beaucoup d’entre eux étaient
d’origine britannique], et des missionnaires furent affectés à leur champ de
mission. Il fut signalé que le total des membres avait augmenté de 1115 unités
depuis juillet, et qu’il y avait 70 Eglises et 1007 membres à Herefordshire13».
L’émigration des saints britanniques en Amérique avait commencé avant la
conférence de Manchester. Le 1er juin 1840, Brigham et Heber C. Kimball se
réunirent à environ quarante-six saints et organisèrent leur voyage à Nauvoo.
John Moon, membre fidèle converti lors de la mission précédente de frère Kimball,
fut désigné en chemin pour présider. Quand ces saints arrivèrent à Nauvoo, ils
écrivirent des lettres d’encouragement à leurs amis, poussant au rassemblement et
contredisant les commentaires négatifs des journaux britanniques concernant un
voyage aussi lointain.
La plupart des saints anglais n’avaient pas besoin qu’on les pousse à émigrer.
Avant même que les apôtres ne mentionnent le rassemblement, ils voulaient aller
en Amérique voir le prophète et vivre parmi leurs coreligionnaires. Brigham
Young écrivit à son frère Joseph: «Ils ont tellement l’esprit de rassemblement qu’ils
235
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
En 1837, lorsqu’il appela Heber C. Kimball
à être le premier missionnaire en GrandeBretagne, Joseph Smith a dit que c’était
parce que l’Esprit lui avait chuchoté qu’il
fallait faire quelque chose pour sauver
l’Eglise. Le tableau ci-dessous illustre de
manière frappante le sens de cette
déclaration.
De 1837 à 1847, plus de douze mille
convertis entrèrent dans l’Eglise des îles
Britanniques. Plus de quatre mille d’entre eux
dans au moins trente-six compagnies se
rendirent à Nauvoo. Cela représentait environ
un quart à un tiers de la population de
Nauvoo avant l’exode.
Au cours de cette période critique, ces
convertis apportèrent à l’Eglise la spiritualité,
l’enthousiasme et des dirigeants. Dès 1850, il
y avait plus de trente mille membres en
Grande-Bretagne, et leur impact sur l’Eglise
augmenta avec leur émigration aux Etats-Unis
au cours de la période pionnière.
Publié avec la permission du Mariners Museum, Newport News, Virginia
Le Britannia, un trois-mâts carré de six
cents tonneaux, transporta la première
compagnie organisée de saints des derniers
jours à émigrer en Amérique. Quarante
membres quittèrent Liverpool, le 6 juin 1840,
sous la direction de John Moon, dont la
famille avait accepté de Heber C. Kimball le
message de l’Evangile en 1837. La famille
Moon constitua le noyau de cette
compagnie, qui arriva au port de New York le
20 juillet 1840, après un voyage de quarante
et un jours au cours duquel ils affrontèrent
trois tempêtes et de nombreuses maladies.
Le voyage de New York à Saint-Louis par
bateau à vapeur et train requit neuf mois,
dont une étape hivernale près de Pittsburg. A
Saint-Louis, ils prirent un bateau à vapeur
jusqu’à Montrose (Iowa), où ils arrivèrent le
16 avril 1841. Deux autres compagnies
quittèrent l’Angleterre en 1840. La dernière
d’entre elles alla via la Nouvelle-Orléans,
itinéraire entièrement maritime, plus direct et
moins coûteux.
partiraient même s’ils savaient qu’ils mourraient dès leur arrivée ou s’ils savaient
que les émeutiers se jetteraient sur eux et les chasseraient dès leur arrivée14.» Un
millier de saints environ émigrèrent au début de 1841, et une compagnie de
navigation fut bientôt créée pour superviser les dispositions au voyage. On acheta
des maisons à Liverpool pour loger les membres qui attendaient leur départ, et le
Millennial Star commença à publier des instructions détaillées pour aider les saints
à se préparer au long voyage. Au cours de la décennie qui suivit, plus de dix mille
saints britanniques prirent le bateau pour l’Amérique. A la date de 1870, il y en
avait encore eu vingt-huit mille autres, et la majorité des saints adultes d’Utah
étaient d’anciens natifs des îles Britanniques.
Le prophète écrivit aux Douze au début de 1841 et leur dit de revenir à Nauvoo
Emigrants britanniques à Nauvoo
au printemps. Comme le moment de leur départ approchait, les apôtres visitèrent
M. Hamlin Cannon signale les chiffres
suivants d’émigrants de Grande-Bretagne à
Nauvoo, qui constituèrent le tiers de la
population de Nauvoo15.
les régions où ils avaient servi pour fortifier les saints. Ils tinrent une série de
réunions à Manchester au début d’avril et terminèrent, le 6 avril, par une
1840
240
conférence générale. Ils exprimèrent une grande joie lors de la conférence à cause
1841
1135
de l’abondante moisson que le Seigneur leur avait accordée en bénédiction. Le
1842
1614
1843
769
nombre des membres était de 5864, une augmentation de près de 2200 depuis la
1844
623
conférence d’octobre et de plus de 4300 depuis leur première conférence un an
1845
302
plus tôt. Cela ne comprenait pas ceux qui avaient déjà émigré. La plupart des
1846
50
Total
4733
apôtres quittèrent l’Angleterre à la fin avril et arrivèrent à Nauvoo en juillet. Parley
P. Pratt resta pour présider la mission et éditer le Millennial Star.
Cette mission fut une époque importante de formation et de maturation pour le
Collège des douze apôtres. Brigham Young put conforter ses talents de dirigeant
qu’il serait bientôt amené à exercer à Nauvoo, en particulier après le martyre de
Joseph Smith. Grâce aux épreuves et aux sacrifices consentis en Grande-Bretagne,
aussi bien que par le fait qu’ils avaient servi dans un but commun, les Douze
236
MISSION DES DOUZE
étaient unis d’une manière qui assurerait à l’Eglise une direction forte dans les
années à venir. Avec l’adjonction de Lorenzo Snow à Londres, quatre futurs
présidents de l’Eglise, les présidents Young, Taylor, Woodruff et Snow, servirent
ensemble dans la mission britannique. En outre, les convertis britanniques qui
émigrèrent à Nauvoo fournirent aux Douze un soutien essentiel après la mort de
Joseph Smith.
Le prophète était conscient de l’expérience de dirigeants acquise par les apôtres
et du sacrifice que leurs familles et eux-mêmes avaient fait lors de la mission des
Douze en Grande-Bretagne. Il écrivit: «Il est probable que personne n’a jamais
entrepris une mission aussi importante dans des circonstances aussi
particulièrement dramatiques et défavorables . . . Toutefois, en dépit de leurs
afflictions et de leurs épreuves, le Seigneur est toujours intervenu en leur faveur
et n’a pas permis qu’ils sombrent dans les bras de la mort. D’une façon ou d’une
autre, la voie a été ouverte pour leur permettre d’y échapper: des amis ont été
suscités au moment où ils en avaient le plus besoin et leur ont fourni ce qui leur
était nécessaire; ils ont ainsi pu poursuivre leur voyage et se réjouir du Saint
d’Israël. En vérité, ils ont marché en pleurant, portant une semence précieuse mais
sont revenus avec allégresse, en portant leurs gerbes16.»
L’oeuvre missionnaire dans d’autres pays du monde fut également engagée
suite à l’oeuvre accomplie en Grande-Bretagne. L’empire britannique devint le
véhicule utilisé par l’Evangile pour atteindre de nombreuses parties du monde
lorsque les convertis britanniques émigraient ou voyageaient pour affaires ou
à l’armée.
MISSION
D ’O R S O N
HYDE
EN
PA L E S T I N E
Orson Hyde ne s’était pas suffisamment rétabli de la malaria pour accompagner
ses frères des Douze en 1839 dans leur mission en Grande-Bretagne. Il essaya de
faire oeuvre missionnaire aux Etats-Unis, mais il n’arrivait pas à se débarrasser de
la fièvre et des frissons. Il a écrit: «Je fus pris des fièvres, et cela dura des mois et
manqua de me tuer ainsi que ma famille. A la conférence d’avril 1840, je n’étais
plus qu’un squelette17.»
A cette conférence, Orson annonça que depuis un certain temps l’Esprit le
poussait à remplir une mission auprès des Juifs que le prophète lui avait prédite
neuf ans plus tôt. Il mentionna une vision qu’il avait eue environ un mois plus tôt,
Orson Hyde (1805-78) faisait partie d’une
famille de onze enfants. Il accepta l’Evangile
en 1831 à Kirtland (Ohio). Il fut un
missionnaire fidèle au cours de ses
premières années dans l’Eglise et fut
ordonné apôtre en 1835.
Il fut appelé en 1840 à se rendre à
Jérusalem. Après un voyage long et difficile, il
consacra, le 24 octobre 1841, la terre Sainte
du haut du mont des Oliviers.
Pendant un certain temps, Orson Hyde
édita le Millennial Star en Angleterre et plus
tard le Frontier Guardian en Iowa. Après son
installation à Salt Lake City, il participa à
l’effort de colonisation et fit partie du
gouvernement territorial.
dans laquelle il avait vu Londres, Amsterdam, Constantinople et Jérusalem.
L’Esprit lui avait dit: «Il y a ici beaucoup d’enfants d’Abraham que je rassemblerai
dans le pays que j’ai donné à leurs pères; et c’est ici aussi que se trouve ton champ
de mission.» Le prophète appela frère Hyde et John E. Page, son collègue au
Conseil des Douze, à se rendre auprès des Juifs d’Europe et ensuite en Palestine
pour consacrer la Terre Sainte au retour des Juifs18.
Pendant leur voyage vers l’Est, les frères Hyde et Page prêchèrent et recueillirent
des fonds pour leur mission, notamment de l’argent pour traduire en allemand le
Livre de Mormon et d’autres textes de l’Eglise, étant donné qu’ils envisageaient de
rencontrer des Juifs européens germanophones. Frère Page s’attarda quelque peu
237
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
La mission d’Orson Hyde en Palestine fut
un des plus grands voyages missionnaires
des temps modernes. Après avoir quitté
Nauvoo le 15 avril 1840, frère Hyde servit,
prêcha, écrivit et publia sur trois continents
pendant près de trois ans avant son retour, le
7 décembre 1842.
Nauvoo (Illinois)
2
Lima (Illinois)
3
Quincy (Illinois)
4
Columbus (Illinois)
5
Jacksonville (Illinois)
6
Springfield (Illinois)
7
Indianapolis (Indiana)
8
Dayton (Ohio)
9
Franklin (Ohio)
10
Cincinnati (Ohio)
11
Wellsburgh (Virginie occ.)
12
Pittsburgh (Pennsylvanie)
13
Philadelphie (Pennsylvanie)
14
New York City (NY 4 déc.1840)
15
Départ de New York en bateau
(13 février 1841)
16
Liverpool (sert quatre mois en
Angleterre) (3 mars 1841)
17
Preston (Angleterre)
18
Manchester (Angleterre)
19
Londres
20
Départ pour Rotterdam (20 juin 1841)
21
Arnhem (Allemagne) (intégrée plus tard
à la Hollande)
22
Mayence
1 41
2
6
3
5
4
Mississippi
1
8
7
9
12
13
14
15
11
10
Amérique
du Nord
Océan atlantique
40
23
Francfort
24
Regensburg (Allemagne)
25
Aborde la mer Noire par Galati
(aujourd’hui en Roumanie)
26
Constantinople
en Pennsylvanie, de sorte que frère Hyde, qui se sentait fortement poussé à
27
Mer Egée; le bateau arrive à Smyrne
(plus tard Ismir, Turquie)
remplir sa mission, poursuivit son voyage seul vers New York. En cela, il lui fut
28
Beyrouth (maintenant Liban)
donné raison lorsque le 15 janvier 1841, Joseph Smith écrivit dans le Times and
29
Jaffa (fait maintenant partie de Tel Aviv)
(19 oct. 1841)
Seasons qu’«ils ne sont pas agréables au Seigneur parce qu’ils retardent leur
30
Prière sur le mont des Oliviers à
Jérusalem (24 oct. 1841)
31
Branche orientale du Nil
32
Dumyat (Egypte)
mission (John E. Page en particulier), et la Première Présidence les invite à hâter
leur voyage19». Frère Page ne répondit pas à ce message, ne laissant à frère Hyde
d’autre choix que de partir pour l’Europe sans lui, ce qu’il fit le 13 février.
Orson Hyde passa trois mois et demi en Angleterre avec les Douze, et lorsque la
33
Le Caire
34
Branche occidentale du Nil
35
Alexandrie
36
Arrivée au port de Trieste (21 déc.
1841)
37
Traversée des Alpes jusqu’à Munich,
puis Regensburg
Francfort, distribuant les exemplaires d’une allocution aux Juifs avant de prendre
38
Angleterre vraisemblablement Londres
(sept. 1842)
le bateau sur le Danube jusqu’à la mer Noire. Le voyage de la Turquie occidentale
39
Prend le bateau à Liverpool (25 sept.
1842)
40
Arrivée à la Nouvelle-Orléans (13 nov.
1842)
«Pendant un certain nombre de jours, j’ai mangé les escargots récoltés sur les
41
Arrivée à Nauvoo (7 déc. 1842).
rochers, tandis que notre navire était encalminé au milieu de plusieurs petites îles
plupart d’entre eux furent retournés en Amérique, il écrivit une courte histoire de
l’origine de l’Eglise. Pendant qu’il était en Angleterre, il entra en contact avec les
dirigeants juifs de Londres. En juin, il se rendit à Rotterdam, Amsterdam et à
jusqu’à Beyrouth fut extrêmement désagréable. Alors qu’il n’avait qu’une semaine
de provisions, le bateau fut forcé de rester dix-neuf jours en mer. Frère Hyde écrit:
inhabitées, mais la plus grande difficulté était que je ne pouvais pas m’en procurer
238
MISSION DES DOUZE
17
18
39
16
19
38
21
20
22
23
24
37
36
25
26
27
Mer Méditerranée
28
35
34
32
33
29
30
31
Nil
Afrique
suffisamment20.» Il était si faible et si épuisé qu’il eut beaucoup de mal à aller du
bateau au rivage à Jaffa.
Il arriva à Jérusalem le 21 octobre 1841. Lorsqu’il contempla pour la première fois
la ville sainte, son objectif des dix-neuf derniers mois, il fut ému jusqu’aux larmes.
Il écrivit à Parley P. Pratt qu’elle ressemblait «exactement à la vision [qu’ il] en avait
eue21». Le dimanche matin 24 octobre, avant l’aube, après plusieurs jours de
service missionnaire infructueux, Orson Hyde traversa discrètement les portes
ouvertes de Jérusalem, traversa la vallée du Cédron et monta sur le mont des
Oliviers. En contemplant le spectacle au-dessous de lui, il se demanda: «Cette ville
que je contemple maintenant est-elle vraiment la Jérusalem dont les péchés et les
iniquités ont rempli de souffrance le coeur du Sauveur et fait jaillir tant de larmes
de ses yeux apitoyés? Ce petit enclos dans la vallée du Cédron, où les branches de
ces oliviers solitaires agitent leur vert feuillage avec tant de grâce dans la brise
tendre et douce, est-il vraiment le jardin de Gethsémané, où les puissances
infernales ont déversé le flot des ténèbres de l’enfer autour de la tête royale de
l’immortel Rédempteur22?»
Tandis qu’il était dans cet état d’esprit spirituel et méditatif, «dans un silence
solennel, avec la plume, l’encre et le papier, exactement comme [il l’avait] vu dans
239
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
sa vision», Orson Hyde écrivit et fit la prière qui consacrait officiellement la Terre
Sainte au retour des Juifs et à l’édification future d’un temple à Jérusalem. Il
supplia le Seigneur: «Veuille . . . retirer la stérilité de ce pays et faire que des sources
d’eau vive jaillissent pour arroser son sol altéré. Que la vigne et l’olivier
produisent selon leur force, et que le figuier fleurisse et prospère23.» Après cette
expérience solennelle, Orson dressa un autel de pierres en témoignage de cet
événement, conformément à l’antique coutume.
Sa mission accomplie, frère Hyde visita quelques-uns des lieux bibliques et prit
ensuite le bateau pour l’Egypte où il fut obligé de faire étape à Alexandrie. Il y
rencontra beaucoup de Juifs et envoya un rapport de sa mission à Parley P. Pratt,
qui le publia dans le Millennial Star. Après être arrivé en Europe, il passa plusieurs
mois en Allemagne où il publia en allemand un traité de 109 pages sur l’Evangile
intitulé Un cri dans le désert. Il retourna aux Etats-Unis avec une compagnie
d’émigrants britanniques et arriva le 7 décembre 1842 à Nauvoo. Il avait accompli
une des missions les plus longues (plus de trente-deux mille kilomètres), une des
plus dangereuses et une des plus importantes de l’histoire de l’Eglise, une mission
qui, dans ses vicissitudes, peut se comparer aux voyages de l’apôtre Paul.
LES
MISSIONNAIRES DANS LE
PA C I F I Q U E
Dès que les Douze furent revenus de Grande-Bretagne à Nauvoo, le prophète
les chargea de diriger l’oeuvre missionnaire de l’Eglise dans le monde entier. Les
apôtres devenaient maintenant mûrs pour le rôle qui leur était imparti. Au
printemps 1843, quatre hommes furent appelés à porter l’Evangile dans les îles du
Pacifique. Deux d’entre eux, Addison Pratt et Benjamin Grouard avaient été
marins dans le Pacifique. Noah Rogers et Knowlton Hanks se joignirent à eux. Ces
missionnaires, comme les Douze, laissèrent derrière eux leurs épouses et leurs
enfants. Ils quittèrent la Nouvelle-Angleterre en octobre 1843 et arrivèrent, le 30
avril 1844, à Tubuai, une île située environ cinq cents kilomètres au sud de Tahiti.
Frère Hanks mourut de tuberculose au cours du voyage.
Les missionnaires avaient l’intention d’aller jusqu’aux îles Sandwich (Hawaï),
mais les insulaires de Tubuai, qui étaient déjà chrétiens et voulaient un pasteur
Addison Pratt (1802-72) fut ordonné
soixante-dix en 1843 et envoyé avec trois
autres hommes dans les îles du Pacifique. Il
arriva à Tahiti au printemps 1844 et servit
diligemment jusqu’en 1847. Il fit un bref
séjour en Utah puis retourna dans le
Pacifique où il servit de 1849 à 1852, date à
laquelle le gouvernement français bannit les
missionnaires. Il se détourna de l’Eglise à son
retour et alla en Californie, où il resta jusqu’à
sa mort.
permanent, supplièrent frère Pratt de rester auprès d’eux. Il envoya donc ses deux
compagnons à Tahiti. Pendant sa première année à Tubuai, il convertit et baptisa
soixante personnes, le tiers de la population de l’île, entre autres le petit nombre
de Blancs qui construisaient des navires et qui se trouvaient dans l’île, sauf un. La
supervision des nouveaux membres de l’Eglise devint une responsabilité
exigeante, car ils venaient lui demander conseil aussi bien pour les questions
temporelles que pour les questions spirituelles.
Entre-temps, les progrès à Tahiti et dans d’autres îles étaient beaucoup plus
lents. Les représentants de la Société missionnaire de Londres se livraient à des
campagnes de mensonges et de harcèlement qui gênèrent l’oeuvre. En entendant
de vagues récits de violences contre l’Eglise en Illinois, et craignant pour la sécurité
de sa famille, frère Rogers reprit le bateau pour l’Amérique et retourna à Nauvoo
en décembre 1845.
240
MISSION DES DOUZE
Frère Grouard eut beaucoup de succès sur l’atoll d’Anaa, une petite partie des
îles Tuamotu situées à l’est de Tahiti. Il apprit le tahitien et s’adapta rapidement à
la culture de l’île. Ses habitants amicaux étaient particulièrement réceptifs à son
message; en quatre mois il baptisa trente-cinq personnes. A une conférence de
l’Eglise, qui eut lieu le 24 septembre 1846, les frères Pratt et Grouard rassemblèrent
les membres de dix branches, qui faisaient un total de huit cent soixante-six
personnes. En novembre, frère Pratt partit pour l’Amérique, espérant revenir avec
d’autres missionnaires.
La mission des Douze aux îles Britanniques, le voyage d’Orson Hyde en
Palestine et l’ouverture de l’oeuvre missionnaire dans le Pacifique commençaient
à accomplir les révélations données par le Seigneur à Joseph Smith. En 1837, le
Seigneur avait promis: «Quiconque tu enverras en mon nom, par la voix de tes
frères, les Douze, dûment recommandé et autorisé par toi, aura le pouvoir d’ouvrir
la porte de mon royaume à toute nation où tu l’enverras» (D&A 112:21). Par
l’intermédiaire des douze apôtres, la parole du Seigneur parvenait maintenant aux
nations de la terre.
NOTES:
1. Elden Jay Watson, Manuscript History of
Brigham Young, 1801-1844, Salt Lake City,
Elden Jay Watson, 1968, p. 39.
2. Journaux de Wilford Woodruff, 2 juillet
1839, département d’histoire de l’Eglise, Salt
Lake City.
3. Dans Leonard J. Arrington, Brigham
Young: American Moses, New York, Alfred A.
Knopf, 1985, p. 74.
4. Dans Matthias F. Cowley, éd., Wilford
Woodruff, Salt Lake City, Bookcraft, 1964,
p. 109.
5. Dans Orson F. Whitney, Life of Heber C.
Kimball, troisième édition, Salt Lake City,
Bookcraft, 1967, p. 266.
10. Dans Cowley, Wilford Woodruff, p. 118.
11. Dans Journal of Discourses, 15:344.
12. Dans History of the Church, 4:222.
13. Arrington, Brigham Young: American
Moses, p. 89.
14. Dans Arrington, Brigham Young: American
Moses, p. 94.
15. M. Hamlin Cannon, Migration of English
Mormons to America, réimpression, Eglise de
Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours,
American Historical Review, avril 1947,
pp. 436-55.
16. History of the Church, 4:390-91.
17. Millennial Star, 10 déc. 1864, p. 792.
6. Dans Arrington, Brigham Young: American
Moses, p. 77.
18. Dans History of the Church, 4:376; voir
aussi 4:106, 109.
7. Parley P. Pratt, éd., Autobiography of Parley
P. Pratt, série Classics in Mormon Literature,
Salt Lake City, Deseret Book Co., 1985,
p. 261.
19. Times and Seasons, 15 janvier 1841, p. 287;
voir aussi History of the Church, 4:274.
8. Voir Journaux de Wilford Woodruff, «A
synopsis of the travels and labours of W.
Woodruff in A.D. 1840», inscription qui suit
le 30 décembre 1840.
9. «Elder Woodruff ’s Letter», Times and
Seasons, 1er mars 1841, p. 330.
20. A Sketch of the Travels and Ministry of Elder
Orson Hyde, Salt Lake City, Deseret News
Office, 1869, p. 24.
21. A Sketch of the Travels, p. 20.
22. A Sketch of the Travels, p. 13.
23. Dans History of the Church, 4:456-57; voir
aussi A Sketch of the Travels, pp. 20-21.
241
CHAPITRE DIX-NEUF
VIE
Ligne du temps
Date
Evénement important
15 janv. 1841 La Première Présidence publie
une proclamation exhortant
tous les saints «dispersés au
dehors» à se rassembler à
Nauvoo
19 janv. 1841 Une révélation (maintenant
D&A 124) décrit l’oeuvre qui
doit être accomplie à Nauvoo
6 avr. 1841
Pose des pierres angulaires
du temple de Nauvoo
16 août 1841 Joseph Smith donne aux
Douze de nouvelles
responsabilités dans la
direction générale de l’Eglise
2 oct. 1841
Pose des pierres angulaires
de la Nauvoo House
17 mars 1842 Fondation de la Société de
Secours
À
NAUVOO
LA
BELLE
A
L’AUBE DE 1841, c’était le bonheur et l’excitation à Nauvoo. Des
nouvelles arrivaient d’Angleterre, rendant compte de l’immense succès
missionnaire des douze apôtres. Les persécutions, dont les membres de
l’Eglise avaient souffert depuis sa fondation en 1830, étaient à ce moment
virtuellement inexistantes. En outre, les saints voyaient leur protection assurée par
la légalisation de la charte de la ville de Nauvoo par le corps législatif de l’Etat en
décembre 1840.
APPEL
DU
SEIGNEUR
À BÂTIR UNE VILLE
Le 15 janvier 1841, la Première Présidence publia une proclamation aux saints
«dispersés dans le monde entier», expliquant et exprimant son appréciation de la
charte de Nauvoo. La proclamation exprima aussi sa reconnaissance aux
honorables citoyens de l’Illinois, particulièrement à ceux de Quincy, qui, «comme
le bon Samaritain, ont versé de l’huile sur les plaies [des saints] et ont
généreusement contribué à ce dont ils avaient besoin». La Première Présidence
lança aussi le mot d’ordre: «Que les frères qui aiment la prospérité de Sion, qui
sont vivement désireux de voir ses pieux fortifiés et ses cordes allongées, préférant
sa prospérité au ‹principal sujet de leur joie›, viennent partager notre sort et se
livrent joyeusement à une oeuvre aussi glorieuse et aussi sublime, et disent avec
Néhémie: ‹Nous, ses serviteurs, nous nous lèverons et nous bâtirons.›» Elle promit
que «par une action concertée et un effort uni», les saints verraient leurs intérêts
temporels et spirituels s’améliorer car les bénédictions du ciel se déverseraient sur
le peuple de Dieu1.
Le 19 janvier, le prophète reçut une longue révélation décrivant le
développement de Nauvoo comme «pierre angulaire de Sion qui sera polie du
raffinement qui est à la similitude d’un palais» (D&A 124:2). Le Seigneur
commanda à Joseph Smith et aux saints de faire beaucoup de choses à Nauvoo
pour l’avancement de son royaume. Ils devaient publier une proclamation aux rois
du monde, au président des Etats-Unis et aux gouverneurs des divers Etats,
construire un hôtel, qui serait appelé la Nauvoo House, pour recevoir les étrangers
qui viendraient dans la ville pour se renseigner sur les saints, construire un temple
où le Seigneur révélerait des ordonnances sacrées à son peuple, ordonner Hyrum
Smith patriarche de l’Eglise pour remplacer Joseph Smith, père, qui était décédé,
appeler William Law comme deuxième conseiller dans la Première Présidence,
organiser le pieu de Nauvoo avec une présidence et un grand conseil et mettre en
ordre chacun des collèges de la prêtrise.
242
VIE À NAUVOO LA BELLE
Plusieurs tentatives furent faites d’écrire
une proclamation conformément au
commandement du Seigneur dans D&A 124,
mais d’autres exigences et difficultés en
empêchèrent la réalisation. Les instructions
furent exécutées par le Collège des douze
apôtres, et la proclamation fut publiée en avril
1845 par Parley P. Pratt.
La proclamation traitait des préparatifs à
faire pour la seconde venue du Seigneur. Les
Douze témoignaient que: (1) Le royaume de
Dieu était venu accompagné de la révélation
et de l’autorité de la prêtrise. (2) Le Seigneur
a commandé aux gouvernants et aux
citoyens des nations de se repentir et
d’accepter le baptême. (3) On reçoit
beaucoup de bénédictions quand on a le
don du Saint-Esprit. (4) Les Indiens
américains, reste de tribus d’Israël, allaient
bientôt être rassemblés et civilisés et allaient
recevoir l’Evangile. (5) La nouvelle Jérusalem
serait construite en Amérique. (6) Les Juifs
recevraient du Seigneur le commandement
de retourner à Jérusalem reconstruire la ville
et le temple et créer leur propre gouvernement. (7) Les dirigeants des Gentils devaient
user de leurs moyens matériels pour aider à
atteindre ces objectifs. (8) Une grande
oeuvre était à faire, oeuvre qui comprenait
une invitation à tous à apporter leur aide et
l’avertissement qu’avec la progression de
l’oeuvre personne ne pourrait rester neutre à
l’égard du royaume. (9) La polarisation allait
aboutir à Harmaguédon.
Les Douze terminaient par une invitation
aux gouvernants et aux citoyens de
l’Amérique de cesser de gêner les saints
dans leur oeuvre, promettant que s’ils les
aidaient, les grandes bénédictions nationales
dont ils avaient bénéficié jusqu’alors
continueraient.
En octobre 1975, Ezra Taft Benson, alors
président du Collège des Douze, a énuméré
et réitéré ces invitations, ces prédictions et
ces avertissements en conférence générale.
De tous ces projets, c’était la construction du temple qui était le plus important.
C’était une des raisons principales du rassemblement. Le temple de Kirtland, le
premier qui a été construit dans notre dispensation, était inaccessible. Trois autres
temples étaient projetés au Missouri: Independence, Far West et Adam-ondiAhman, mais les persécutions et la violence avaient empêché leur construction. Le
Seigneur les libérait donc de cette responsabilité: «Lorsque je donne le
commandement à n’importe lesquels des fils des hommes de faire une oeuvre en
mon nom, et que ces fils des hommes mettent toutes leurs forces et tout ce qu’ils
ont à accomplir cette oeuvre et ne cessent d’être diligents, si leurs ennemis les
assaillent et les empêchent d’accomplir cette oeuvre, voici, il me convient de ne
plus la requérir de la part de ces fils des hommes» (D&A 124:49).
A Nauvoo, les saints durent recommencer. La Première Présidence, dans sa
proclamation aux saints, dit aussi que de grands efforts seraient requis d’eux et
qu’ils seraient, eux, l’Eglise, rejetés par le Seigneur s’ils n’accomplissaient pas la
tâche (voir D&A 124:32). La Présidence écrivit: «C’est pourquoi, que ceux qui
peuvent faire un sacrifice généreux de leur temps, de leurs talents et de leurs
biens, pour la prospérité du royaume et pour l’amour qu’ils ont de la cause de la
vérité, disent adieu à leurs maisons et à leurs agréables lieux de résidence, et
s’unissent à nous dans la grande oeuvre des derniers jours2.»
En février, les premières élections eurent lieu dans la ville. John C. Bennett fut
élu maire, et Joseph Smith et d’autres dirigeants de l’Eglise furent élus échevins et
conseillers municipaux. Immédiatement le nouveau gouvernement fonda
l’université de Nauvoo et la Légion de Nauvoo, avec Joseph Smith comme général
de corps d’armée, conformément aux dispositions de la charte de Nauvoo.
En mars, Joseph Smith reçut une autre révélation: «Ceux qui se donnent mon
nom et essaient d’être mes saints . . . qu’ils se rassemblent dans les endroits que je
leur désignerai par mon serviteur Joseph et bâtissent des villes à mon nom, afin
qu’ils soient préparés pour ce qui est en réserve pour un temps à venir» (D&A
125:2). La première ville autre que Nauvoo à être construite le fut du côté du fleuve
situé en Iowa. Le pieu de l’endroit devait être appelé Zarahemla, du nom de la
célèbre ville du Livre de Mormon. Plusieurs petits pieux furent formés en dehors
de Nauvoo au cours de la première partie de la période de Nauvoo.
CONSTRUCTION
DE LA BELLE VILLE
Les premières maisons de Nauvoo étaient des huttes, des tentes et quelques
bâtiments précédemment abandonnés. Les premiers édifices construits par les
saints furent des cabanes de rondins comme on en faisait le long de la frontière.
Lorsque le temps et l’argent le permirent, on érigea des maisons de bois et plus
tard encore des maisons plus solides en briques. La construction devint
rapidement une des principales industries de Nauvoo et employa des centaines
d’artisans. Nauvoo disposait de plusieurs briqueteries pour fournir suffisamment
de briques pour les maisons et les bâtiments publics. Pour embellir leurs maisons
et leur environnement, les saints furent invités à planter et à cultiver des arbres
fruitiers et ombrageux, des vignes et des buissons sur leurs grands terrains.
243
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Le temple de Nauvoo fut le premier temple
envisagé par la jeune Eglise et le deuxième à
être construit (les temples d’Independence,
de Far West et d’Adam-ondi-Ahman, au
Missouri, ne furent pas construits). Le plan et
le but en furent révélés à Joseph Smith, le
prophète. William Weeks en fut l’architecte.
La construction prit plus de cinq ans (de
janvier 1841 à mai 1846) et requit les efforts
de beaucoup d’artisans qui, à cause du
manque de capitaux, soit faisaient don de
leur main-d’oeuvre comme dîme ou étaient
payés en nourriture, en vêtements, en
mobilier et par d’autres dons des saints.
Voici quelques dates importantes de
l’histoire du temple de Nauvoo:
19 janv. 1841 Révélation commandant
la construction du temple
(D&A 124).
6 avr. 1841
Pose des pierres angulaires.
8 nov. 1841
Consécration des salles de
sous-sol et des fonts
baptismaux.
21 nov. 1841 Accomplissement des
premiers baptêmes.
5 oct. 1845
Organisation d’une
conférence générale dans la
salle d’assemblée du temple.
10 déc. 1845- Les dotations sont données.
7 févr. 1846
8 févr. 1846
Brigham Young consacre le
bâtiment sans cérémonie
avant de partir pour l’Ouest.
30 avr. 1846
Consécration privée du
temple; Joseph Young,
premier président des
soixante-dix, fait la prière de
consécration.
1er mai 1846 Prière de consécration
officielle du temple de Nauvoo
par Orson Hyde.
9 oct. 1848
Un incendie met le feu à
l’intérieur du temple.
27 mai 1850
Une tornade démolit trois des
murs extérieurs.
1856
Le dernier mur restant est rasé
pour des raisons de sécurité.
De tous les projets lancés sous la direction du prophète à Nauvoo, celui qui
suscita le plus d’enthousiasme chez les saints des derniers jours fut le temple. Les
espoirs des saints étaient centrés sur le temple. Sa construction domina les activités
de Nauvoo pendant cinq ans. A la conférence générale d’octobre 1840, Joseph
Smith parla de la nécessité de construire un temple. Reynolds Cahoon, Alpheus
Cutler et Elias Higbee, trois frères qui avaient travaillé à la construction du temple
de Kirtland, furent désignés pour constituer le comité responsable de la
construction. Les plans de l’architecte William Weeks furent approuvés par Joseph
Smith, qui dorénavant accorda une attention soigneuse aux détails de la
construction et de l’architecture.
Immédiatement des ouvriers commencèrent à creuser les fondations du temple.
On ouvrit une carrière de pierres aux abords de la ville et on l’exploita d’une
manière presque continue. On coupa grossièrement de gros blocs de pierres
calcaires d’un diamètre d’un mètre vingt à un mètre quatre-vingts, que l’on
polissait plus tard sur le chantier du temple. Le 6 avril 1841, Joseph Smith présida
à la pose des pierres angulaires du temple.
Le temple fut essentiellement construit par des dons en main-d’oeuvre. En
février, Nauvoo fut divisée en wards à des fins politiques et aussi pour mieux
organiser la main d’oeuvre. Dans l’Amérique du dix-neuvième siècle, ward était le
terme utilisé pour désigner une subdivision politique. Chaque ward se voyait
confier un jour particulier pour travailler au temple. La plupart des hommes
valides de Nauvoo fournissaient de la main-d’oeuvre soit dans la carrière, soit sur
le chantier du temple, faisant souvent don d’un jour sur dix comme dîme en
244
VIE À NAUVOO LA BELLE
Outre le baptistère dans le sous-sol, le
temple de Nauvoo comportait deux grandes
salles d’assemblée au premier et au
deuxième étages avec des bureaux à
l’entresol de part et d’autre de l’arche
centrale. Les salles d’assemblée
comportaient une série de chaires à chaque
extrémité ressemblant à celles du temple de
Kirtland. Des bancs réversibles permettaient
aux fidèles de se tourner dans un sens ou
dans l’autre en fonction du but de la réunion.
On en tenait souvent. L’étage mansardé était
consacré aux bureaux ainsi qu’aux salles
d’habillage et d’ordonnances.
Le bâtiment avait 39 mètres de long, 27
mètres de large et 18 mètres du niveau du
sol au toit. La tour dépassait les avant-toits de
30 m. Il était essentiellement construit de
pierres calcaires grises provenant de
plusieurs carrières du voisinage. Parmi ses
caractéristiques propres, il y avait les pierres
de soleil, de lune et d’étoiles qui décoraient
les trente pilastres et la frise.
travail. Les femmes faisaient leur part en cousant des vêtements et en préparant
les repas des ouvriers. Des dons en argent furent demandés à tous les saints des
derniers jours. Chaque membre était censé fournir le dixième de tout ce qu’il
possédait au commencement de la construction et le dixième de tout
accroissement à partir de ce moment-là jusqu’à son achèvement. Les donateurs et
le montant de leurs dons étaient inscrits dans un livre spécial appelé Livre de la loi
du Seigneur.
Le bois pour l’intérieur et la toiture du bâtiment, ainsi que pour la Nauvoo
House, fut amené des forêts du Wisconsin via la Black River, affluent du
Mississippi. Un important effectif de frères, dirigé par l’évêque George Miller, se
rendit dans les pinèdes et abattit, découpa et fit descendre par flottage des
centaines de mètres carrés de bois jusqu’à Nauvoo.
Le prophète considérait la construction de l’hôtel de la Nauvoo House comme
presque aussi urgente que celle du temple. Il y voyait un moyen de permettre aux
saints de recevoir et d’instruire de la vérité «des personnalités riches et
influentes3». La pierre angulaire du bâtiment fut posée le 2 octobre 1841, et
plusieurs documents précieux, dont le manuscrit originel du Livre de Mormon, y
furent déposés. Les frères étaient constamment encouragés en chaire à travailler à
l’hôtel; mais les travaux avancèrent lentement parce que les moyens et la maind’oeuvre étaient maigres. En mars 1844, Joseph Smith remit à plus tard les travaux
de l’hôtel afin d’avancer ceux du temple.
Avec la croissance rapide de la ville, la nécessité d’autres bâtiments publics se fit
davantage sentir. Le magasin en briques rouges fut construit comme bureau pour
Joseph Smith et la Première Présidence et comme magasin pour aider le prophète
à entretenir sa famille. La salle maçonnique, bâtiment de deux étages, également
appelée salle culturelle, était utilisée pour les pièces de théâtre, les concerts, les
cérémonies maçonniques, les réunions politiques, les expositions d’art, les
funérailles, les banquets et les sessions du tribunal. Les réunions religieuses,
militaires et de police avaient également lieu dans cet impressionnant édifice. La
salle des soixante-dix fut commencée à l’automne 1843 et fut prête pour la
consécration un an plus tard. Ce bâtiment à un étage était l’endroit où les soixantedix, qui étaient la force missionnaire de l’Eglise, pouvaient se réunir pour être
formés. Le rez-de-chaussée était rempli de beaux bancs fermés et d’une chaire; le
premier étage contenait un bureau, un petit musée et une bibliothèque de 675
volumes.
GOUVERNEMENT
DE LA VILLE DE
NAUVOO
La croissance de Nauvoo fut immensément facilitée par les dispositions libérales
de la charte municipale. Le conseil municipal créa une force de police disciplinée
et édicta des ordonnances pour une gestion efficace de la ville. Des lois furent
fixées pour garantir le droit d’association et la liberté de culte aux représentants de
toutes les confessions religieuses. Le conseil mit à exécution des projets pour
drainer les marécages et mettre sur pied un programme de travaux publics afin de
créer des emplois et de promouvoir la construction de maisons, d’hôtels, de
245
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
magasins et d’autres bâtiments. Il promulgua aussi une ordonnance interdisant la
lac
k Ri
ver
vente d’alcool dans la ville et fixa les lois du contrôle des manifestations publiques
afin d’éviter toute démonstration immorale ou obscène.
Black River Falls
B
La création de la Légion de Nauvoo et de la milice municipale eut une grande
La Crosse
importance. Etant donné les expériences douloureuses qu’ils avaient subies au
Wisconsin
Lac
Michigan
Missouri, les saints des derniers jours, on le comprend, se méfiaient des milices
d’Etat. Bien qu’elle fît théoriquement partie de la milice de l’Etat de l’Illinois et
qu’elle fût techniquement sous la direction du gouverneur, la légion fonctionnait
Mi
légalement (selon la charte) sous direction locale. Elle fixait ses propres règles et
ss
iss
ip
gérait elle-même ses affaires internes et ce qui avait trait à son organisation. La
pi
Iowa
milice était constituée des hommes valides de dix-huit à quarante-cinq ans. Elle
était organisée en deux cohortes, ou brigades, une d’infanterie et l’autre de
Illinois
Nauvoo
Pendant la période de Nauvoo, les saints
des derniers jours apportèrent le bois pour la
Mansion House, l’intérieur du temple et
d’autres bâtiments des pinèdes du Wisconsin
à Black River Falls et dans le voisinage.
L’exploitation y commença en 1841. Les
petites colonies mormones de Mormon
Coulee et St-Joseph étaient situées juste au
sud-est de La Crosse. On acheta une scierie
à Melrose, entre Black River Falls et La
Crosse, et plus tard une autre vingt-cinq
kilomètres plus près des lieux d’abattage.
Les troncs étaient coupés sur les rives de
la Black River et de ses affluents et étaient
transportés par flottage jusqu’aux scieries.
Une partie du bois était vendue sur le marché
public, mais la plus grosse partie était
chargée sur des radeaux et transportée par
flottage plus de huit cents kilomètres plus loin
sur le Mississippi jusqu’à Nauvoo.
150 hommes environ travaillèrent dans les
forêts pendant le printemps et l’été 1842. Le
premier radeau portant 112 stères de sapin
arriva en mai 1842. En 1843, plus de 1350
stères, constitués de bois dégrossis, de
bardeaux et de planches pour granges,
furent coupés. Les travaux d’exploitation
pendant l’été 1844 furent gênés par les
problèmes financiers, les querelles avec les
Indiens concernant la possession des terres
et la mort de Joseph Smith. Néanmoins, deux
radeaux faisant un total de 350 stères furent
envoyés cette année-là à Nauvoo.
cavalerie. Chaque cohorte était commandée par un général de brigade, et le tout
était sous le commandement de Joseph Smith, général de corps d’armée. A son
apogée, la Légion de Nauvoo comptait trois mille hommes.
Les parades et les démonstrations militaires mises sur pied par la légion
attirèrent considérablement l’attention dans tout l’ouest de l’Illinois. Un saint des
derniers jours écrit: «Parmi les moments les plus impressionnants de ma vie, je
dois citer celui où j’ai vu la ‹Légion de Nauvoo› parader avec le prophète, qui était
alors le général Joseph Smith, ainsi que sa femme, Emma Hale Smith, à cheval à la
tête des troupes. C’était vraiment un spectacle imposant, un spectacle que je me
rappellerai toujours. Lui si blond et elle si brune, dans leur beau costume de
cavalerie . . . Il portait également une épée au côté. Son cheval préféré, un grand
étalon noir, était appelé Charlie4.»
CROISSANCE
ÉCONOMIQUE DE
NAUVOO
Comme dans les autres villes américaines de l’époque, l’agriculture était la
principale entreprise économique de Nauvoo et des localités de saints des deniers
jours environnantes. La plupart des familles qui avaient quarante ares de biens
dans la ville, entretenaient un jardin avec des arbres fruitiers, des vignes et des
légumes. Les saints les plus pauvres cultivaient ou jardinaient dans le «grand
champ», ferme communautaire située aux abords de la ville. L’association du
grand champ décidait des semis à faire et de la superficie à cultiver. D’autres
fermiers extérieurs de la ville ou dans les localités éloignées telles que Ramus, Lima
ou Yelrome, semaient du blé, du seigle, de l’orge et des pommes de terre et
élevaient du bétail, des moutons et des porcs.
Avec l’afflux rapide d’émigrants vivement désireux de construire des maisons,
de cultiver la terre, de monter un commerce ou de pratiquer leur artisanat,
Nauvoo devint rapidement une localité animée et productrice. Cela faisait un
contraste frappant avec le reste de l’Illinois, qui souffrait de dépression
économique. A Nauvoo, il y avait beaucoup de petits magasins et d’usines: des
scieries, plusieurs briqueteries, un four à chaux, une fabrique d’outils, des
imprimeries, des moulins à blé, des boulangeries, des ateliers de confection, des
forges, des cordonneries, un atelier de menuiserie et des ébénisteries. Ces ateliers
246
La construction de la Nauvoo House, hôtel
appartenant à l’Eglise, sur la rive du
Mississippi à Nauvoo, fut commandée par le
Seigneur dans Doctrine et Alliances 124.
Lorsque la pierre angulaire fut posée le 2
octobre 1841, Joseph Smith y déposa le
manuscrit originel du Livre de Mormon.
Pendant un certain temps, les travaux
avancèrent rapidement, mais à cause des
tensions provoquées par le sentiment
antimormon, les efforts de construction se
concentrèrent sur le temple, et la Nauvoo
House ne fut jamais terminée.
Après le martyre, les corps de Joseph et
de Hyrum furent temporairement ensevelis
dans le sous-sol de la Nauvoo House. Louis
Bidamon, deuxième mari d’Emma Smith,
construisit une maison sur une partie des
fondations. En 1882, il trouva et ouvrit la
pierre angulaire. Une grande partie du
manuscrit du Livre de Mormon était
gravement détériorée. Au cours des années,
il en donna des parties aux visiteurs qui se
rendaient à Nauvoo. L’Eglise possède
maintenant plus de 140 pages du manuscrit
originel.
Publié avec la permission de l'Eglise de JésusChrist des Saints des Derniers Jours réorganisée
VIE À NAUVOO LA BELLE
poussaient partout, n’importe où dans la ville, étant donné qu’il n’y avait pas de
lois d’urbanisme. Les artisans de Nauvoo fabriquaient des allumettes, des articles
de cuir, de la ficelle et de la corde, des gants, des bonnets, de la poterie, des bijoux
et des montres.
Comme les artisans des autres localités américaines, les ouvriers de Nauvoo se
regroupaient souvent selon leur métier pour fixer les prix et les règles et fixer la
déontologie de leur profession. Dix-huit associations de ce genre au moins
apparurent à Nauvoo, dont entre autres l’importante Association du logement de
Nauvoo, l’Association botanique, l’Association des fabricants de chariots et de
charrettes, les tailleurs, les potiers, les maçons et finalement la prospère
Association d’agriculture et de manufacture.
Etant donné que la terre et les bâtiments étaient les biens principaux de Nauvoo,
l’achat, la vente et les échanges étaient devenus un des principaux commerces de
la ville. Pendant ses deux premières années à Nauvoo, le prophète, en sa qualité
de trésorier et plus tard de fidéicommissaire de l’Eglise, s’occupa beaucoup de
transactions immobilières. Etant donné que les membres de l’Eglise n’avaient
quasiment pas d’argent, ils se procuraient souvent des terres en échange de titres
de propriété de biens qu’ils possédaient au Missouri ou en Ohio. Finalement des
investisseurs privés vendirent et échangèrent des terrains avec les nouveaux
arrivants, particulièrement sur les falaises à l’est de la ville où le temple était en
cours de construction. Etant donné que l’Eglise possédait la plupart des terres
basses, les dirigeants encouragèrent les saints à y acheter des lots et à y ouvrir leurs
commerces pour que l’Eglise puisse être débarrassée du terrain et payer ses dettes.
Certains propriétaires terriens des falaises accusèrent l’Eglise de concurrence
déloyale et prétendirent qu’il était plus sain d’habiter sur les hauteurs. Peu à peu
les germes de la jalousie concernant ces problèmes et d’autres amenèrent certains
membres de l’Eglise à apostasier.
247
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
L’ I N S T R U C T I O N
ET LA SOCIÉTÉ À
NAUVOO
L’intérêt pour l’instruction qui s’était manifesté à Kirtland s’intensifia à Nauvoo.
Des écoles privées précédèrent les efforts publics plus importants qui découlèrent
de l’application de la charte de Nauvoo. Quatre-vingt-une personnes au moins,
quarante-huit hommes et trente-trois femmes, gagnèrent partiellement leur vie en
Publié avec la permission de la Utah State Historical Society
enseignant à Nauvoo. Plus de dix-huit cents élèves furent inscrits à l’école. L’année
scolaire était répartie en trimestres. Eli B. Kelsey dirigea la plus grande école
publique, qui comptait plus de cent élèves, et y enseigna. Le prix à payer pour aller
à l’école à Nauvoo allait de 1,50 à 3 dollars par trimestre, et certains des écoliers
payaient leur inscription avec ce qu’ils produisaient5.
Le point culminant du système d’enseignement de Nauvoo était l’université de
la ville de Nauvoo. Mais parce que d’autres bâtiments avaient la priorité, on ne
construisit jamais de campus. Les classes universitaires se retrouvaient dans des
maisons privées et des bâtiments publics. Le personnel enseignant se composait
de Parley P. Pratt, professeur d’anglais, de mathématiques et de sciences, Orson
Orson Spencer (1802-55) naquit au
Massachussetts. Il était extrêmement instruit
pour son époque, ayant obtenu son diplôme
au Union College à Schenectady (New York)
en 1824. Après avoir enseigné brièvement et
étudié le droit, il accorda son attention à la
religion et, en 1829, obtint un diplôme à un
séminaire de théologie de Hamilton (New
York). Il fut pasteur pendant douze ans avant
d’accepter l’Evangile rétabli en 1841.
Pendant l’exode de Nauvoo, sa femme
mourut, lui laissant six enfants de moins de
treize ans. En 1847, au milieu de ces
épreuves, il fut appelé à être président de
mission en Angleterre. Il y servit pendant
deux ans et publia aussi le Millennial Star. En
1850, il fut nommé chancelier de l’université
de Deseret en Utah, qui venait d’être fondée.
Il fut membre du corps législatif territorial et fit
plus tard plusieurs missions, notamment une
en Prusse et une autre auprès des Indiens
Cherokee.
Pratt, professeur de littérature anglaise et de mathématiques, Orson Spencer,
professeur de langues étrangères, Sidney Rigdon, professeur d’histoire de l’Eglise
et Gustavus Hill, professeur de musique. Orson Pratt était le professeur qui
connaissait le plus de succès. Il proposait des cours d’arithmétique, d’algèbre, de
géométrie, de trigonométrie, d’arpentage, de navigation, de géométrie analytique,
de calcul infinitésimal, de philosophie, d’astronomie et de chimie. Du fait que les
horaires étaient irréguliers et que l’on ne disposait pas d’un personnel enseignant
à plein temps ni d’un campus, l’université n’était qu’à ses débuts lorsque les saints
furent obligés de quitter l’Illinois. Néanmoins, un précédent important avait été
créé, qui allait amener l’Eglise à s’impliquer dans l’enseignement supérieur à une
époque future.
Beaucoup de saints de Nauvoo obtinrent leur instruction grâce à des
conférences et à des débats publics. Beaucoup de conférenciers itinérants
parlèrent à Nauvoo sur des sujets aussi divers que la phrénologie (pseudo-science
de la détermination de la personnalité d’après la forme du crâne) et la géologie. Le
lycée de Nauvoo organisait régulièrement des débats sur les thèmes du jour. Les
saints créèrent aussi un musée avec les dons des missionnaires et d’autres
voyageurs. Addison Pratt fut le premier à faire des dons. Parmi les objets qu’il
offrit, il y avait une dent de baleine, du corail et une mâchoire de marsouin6.
La source principale d’informations à Nauvoo était le journal. Les saints avaient
publié des journaux au Missouri et en Ohio. Pendant le siège au Missouri, les
dirigeants de l’Eglise enterrèrent la presse d’imprimerie utilisée pour l’Elders’
Journal. On la récupéra en 1839 pour la transporter à Nauvoo où elle fut utilisée
pour imprimer le Times and Seasons à partir de novembre de cette année-là. En tant
que publication officielle de l’Eglise, le Times and Seasons était soigneusement
contrôlé et supervisé par le prophète.
Pendant sa brève histoire, le Times and Seasons publia des points de doctrine et
des déclarations de politique importants, entre autres des parties de l’histoire
officielle de Joseph Smith, des parties du livre de Moïse et du livre d’Abraham, qui
248
VIE À NAUVOO LA BELLE
furent tous inclus ultérieurement dans la Perle de Grand Prix. Le journal contenait
aussi les discours de conférence, les circulaires du Conseil des douze apôtres, les
procès-verbaux de réunions importantes dans l’Eglise, la réimpression d’articles
d’autres journaux et le discours sur King Follett. Il y eut des dizaines d’articles sur
le Livre de Mormon, notamment des articles concernant les preuves
archéologiques et des études sur les localisations.
Nauvoo avait aussi un hebdomadaire non religieux consacré à l’agriculture, aux
affaires, aux sciences, aux arts et aux événements locaux. Lors de sa première
parution, en avril 1842, il s’appelait le Wasp [la Guêpe], mais le nom fut plus tard
changé en Nauvoo Neighbor. Il était imprimé sur la même presse que le Times and
Seasons et était édité par William Smith, frère du prophète. Plus tard, John Taylor
se vit confier la responsabilité de la rédaction.
Les résidents de Nauvoo, comme les autres Américains, avaient du temps pour
les activités récréatives et aimaient s’y livrer. Ils allaient au théâtre (dans la salle
culturelle), à des conférences, au bal ou au cours de danse, chantaient dans l’un
des trois choeurs, se produisaient dans l’une des trois fanfares, jouaient aux
boules, au ballon, tiraient au bâton, faisaient de la lutte et regardaient les feux de
Au cours de la période de Nauvoo, les
saints furent tenus informés des nouvelles
locales ainsi que des nouvelles au niveau de
l’Etat et du pays dans les colonnes de trois
journaux. Le Times and Seasons s’occupait
principalement de questions d’Eglise, tandis
que William, frère du prophète, était rédacteur
du Wasp, journal plus profane, qui défendait
la cause des saints. Plus tard, le Nauvoo
Neighbor remplaça le Wasp.
prairie. Joseph Smith aimait particulièrement tirer au bâton et lutter et était
généralement considéré comme un des meilleurs à ces deux jeux. D’autres passetemps à la fois pratiques et récréatifs, qui avaient beaucoup de succès, étaient les
réunions de groupe pour couper du bois et faire des couvertures piquées, la
construction coopérative de granges et de maisons, la pêche, la cueillette de baies
sauvages, le tressage et le tissage.
La mort et la maladie continuèrent à affliger Nauvoo même après que les
marécages eurent été drainés et que les fièvres eurent diminué. Près de la moitié
des morts signalés à Nauvoo se comptaient parmi les enfants de moins de dix ans.
La mort touchait souvent la même famille plus d’une fois, emportant parfois le
père et la mère. Les maladies qui attaquaient et souvent tuaient les saints étaient
la diarrhée, les ulcères, la rougeole, les oreillons, la coqueluche, la dysenterie, la
tuberculose et la diphtérie. Les lettres adressées aux proches parlaient souvent de
maladie, de mort et de souffrance.
Ecrivant à John Taylor, son mari, pendant qu’il était encore en mission en
Angleterre, Leonora Taylor dit: «Depuis ton départ, cet endroit est affligé par la
maladie. Presque chaque personne dans chaque famille est malade; George [fils de
John Taylor] s’est remis de sa fièvre mais il a une petite inflammation au bord de
la pupille qui m’a causé beaucoup d’anxiété7.» En 1842, Bathsheba Smith écrit ce
La salle culturelle fut consacrée en 1844.
Sorte de bâtiment public, elle était le lieu où
avaient lieu les productions musicales et
théâtrales et d’autres activités culturelles;
c’était aussi le lieu de réunion du conseil
municipal et d’autres groupes. Elle était
également utilisée par la loge maçonnique
de Nauvoo. A l’origine, c’était un bâtiment de
deux étages, mais le deuxième fut supprimé
quelque temps après 1880. Depuis son
acquisition en 1962, l’Eglise a restauré le
bâtiment, y compris le deuxième étage.
qui suit à George A. Smith, son mari missionnaire, à propos de leur fils: «George
Albert a été malade samedi et dimanche derniers. Il a eu beaucoup de fièvre. J’étais
très inquiète à son sujet. Je craignais qu’il ne contracte les fièvres. Je l’ai emmené
aux fonts baptismaux et l’ai fait baptiser et depuis lors il n’a plus de fièvre. Il va
presque bien maintenant8.»
Les lettres de Nauvoo ne traitaient pas exclusivement des maladies, de la mort et
de la souffrance. Parmi les nombreux autres sujets, on peut citer les manifestations
publiques, les travaux de jardinage et les événements courants dans l’Eglise. Le
249
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
sentiment de solitude que confesse Bathsheba Smith loin de son bien-aimé George
A. est un bon exemple des manifestations fréquentes d’affection que l’on retrouvait
dans presque toutes les lettres: «Je serais heureuse de passer cet après-midi avec toi.
Il me semble que je ne pourrais pas souhaiter avoir plus de plaisir que d’être assise
au son de ta riche et belle voix et de t’entendre exposer les riches trésors de ton
esprit. Même le bruit de tes pas serait de la musique à mes oreilles9.»
EXTENSION
D E L’ O R G A N I S AT I O N D E L’E G L I S E
Avec les milliers de saints qui s’assemblaient à Nauvoo et dans les localités
avoisinantes, de nouveaux besoins en organisation apparaissaient. Nauvoo, Iowa
(Zarahemla) et Ramus (Illinois), les trois grands pieux de la région, furent pourvus
d’une organisation constituée d’une présidence et d’un grand conseil. En outre, les
pieux d’Iowa et de Ramus eurent un évêque pour superviser l’entretien des
pauvres et veiller à d’autres besoins essentiels d’entraide. A Nauvoo, trois évêques
furent chargés au début de s’occuper des nécessiteux dans les trois wards
municipaux de la localité. Dès août 1842, l’afflux rapide d’immigrants obligea à
restructurer la ville en dix wards, avec trois wards supplémentaires dans la banlieue.
Pour subvenir aux besoins des arrivants, des évêques furent désignés pour chaque
ward. Il n’y avait pas d’organisation ecclésiastique de ces wards et l’idée d’en faire
des paroisses n’existait pas. Les réunions du dimanche et les collèges de la prêtrise
fonctionnaient au niveau du pieu ou au niveau supérieur de l’Eglise.
Les collèges de la prêtrise furent reconstitués à Nauvoo. Il y avait un collège
d’anciens, dont John A. Hicks était président. Le collège des grands prêtres était
sous la présidence de Don Carlos Smith. Les trois collèges de soixante-dix, organisés
avant Nauvoo, étaient avant tout conçus pour constituer un réservoir de
missionnaires. Les soixante-dix furent donc le plus vaste groupe de détenteurs de la
Prêtrise de Melchisédek au cours de la période de Nauvoo. Comme tels, ils
construisirent leur propre bâtiment, l’impressionnant Seventies Hall, dans Parley
Street, et participèrent activement aux entreprises missionnaires et éducatives.
Plusieurs autres collèges de soixante-dix furent organisés après la mort du prophète.
Quand les apôtres revinrent de leur mission en Grande-Bretagne, Joseph Smith
Assiette représentant la réunion au cours
de laquelle la Société de Secours fut
organisée. Les femmes de l’Eglise
commencèrent à Kirtland en s’unissant pour
faire les voiles du temple de Kirtland; elles
s’attirèrent les louanges de Joseph Smith
parce qu’elles étaient les premières dans les
bonnes oeuvres.
L’après-midi du jeudi 17 mars 1842, à
Nauvoo, le prophète, en compagnie de John
Taylor et de Willard Richards, organisa
officiellement les dix-huit femmes présentes
en une société. Il dit: «L’Eglise n’a jamais été
parfaitement organisée avant que les femmes
ne soient ainsi organisées11.” Emma Smith fut
appelée à être la première présidente, avec
Sarah M. Cleveland et Elizabeth Ann Whitney
comme conseillères et Eliza R. Snow comme
secrétaire.
leur confia des responsabilités supplémentaires dans la structure de l’organisation
de l’Eglise. Lors d’une conférence exceptionnelle, qui se tint le 16 août 1841, le
prophète annonça que les Douze devaient rester au pays, où ils pourraient
entretenir leur famille, soulager la Première Présidence de certains devoirs
financiers et vaquer aux besoins des nombreux immigrants. Joseph dit que, bien
qu’ils dussent continuer à diriger l’oeuvre missionnaire, «le moment était venu où
les Douze devaient être appelés à prendre leur place aux côtés de la Première
Présidence10». Précédemment les Douze avaient fonctionné comme grand conseil
voyageur et n’exerçaient aucune juridiction là où il y avait des pieux organisés
ayant leur propre grand conseil. Par conséquent, dans l’esprit de beaucoup, le
grand conseil était souvent le rival des Douze en autorité. Mais maintenant les
Douze devenaient des Autorités générales supervisant les pieux aussi bien que les
missions. Au moment où il fut martyrisé, le prophète avait formé les douze apôtres
250
VIE À NAUVOO LA BELLE
et leur avait confié les clefs du royaume, de sorte qu’ils étaient pleinement
capables de reprendre en main la direction de l’Eglise.
Pendant la période de Nauvoo, les femmes de l’Eglise eurent la bénédiction
de voir créer une nouvelle organisation de l’Eglise. Elle débuta lorsque
plusieurs femmes, dirigées par Sarah M. Kimball, s’organisèrent pour faire des
chemises pour les hommes qui travaillaient à la construction du temple. Elles
rédigèrent un plan d’organisation caractéristique des groupes de femmes de
l’époque, mais lorsque Joseph Smith fut consulté, il proposa d’organiser les
femmes selon le même modèle que la prêtrise. Sous sa direction et à une
réunion de dix-huit femmes, la Société de Secours des femmes de Nauvoo fut
organisée le 17 mars 1842. Emma Smith fut choisie pour en être la présidente,
accomplissant ainsi, selon Joseph, une précédente révélation disant d’elle
qu’elle était une «dame élue» (D&A 25:3). Le but de l’organisation était «le
soulagement des pauvres, des démunis, de la veuve et de l’orphelin et
l’exercice de toutes les activités charitables12».
Le 28 avril, le prophète donna aux soeurs d’autres conseils et leur fit d’autres
Page de titre du livre de procès-verbaux de
la première Société de Secours, intitulé Livre
de rapports contenant les activités de la
Société de Secours des femmes de Nauvoo,
et contenant une note «convient pour la
société» tirée d’un bout de papier trouvé
dans une vieille Bible dans la pièce.
La note dit: «O Seigneur! Aide nos veuves
et nos enfants orphelins! Ainsi soit-il. Amen.
Défends-les avec l’épée et la parole de la
vérité. Ainsi soit-il. Amen.»
promesses. Il leur recommanda de traiter leurs maris «avec douceur et affection»
et de les aborder avec «le sourire plutôt qu’avec une querelle ou un murmure»,
leur rappelant que quand un esprit est dans le désespoir il a besoin «de
consolation, d’affection et de gentillesse». Après avoir promis qu’elles recevraient
des instructions appropriées par l’intermédiaire de l’ordre de la prêtrise, il dit: «Je
tourne maintenant la clef en votre faveur au nom du Seigneur, et cette société se
réjouira, et la connaissance et l’intelligence s’écouleront dorénavant; c’est le
commencement de jours meilleurs pour les pauvres et les nécessiteux, qui auront
lieu de se réjouir et de déverser des bénédictions sur votre tête13.»
Bien qu’à l’époque les saintes des derniers jours devaient introduire une
candidature pour devenir membres, la Société de Secours eut beaucoup de succès
et grandit rapidement. Le nombre des membres était passé à plus de treize cents
femmes au moment de la mort de Joseph Smith. Du fait de la crise créée par le
martyre et l’exode et la colonisation de l’Ouest, il y eut peu de réunions de Société
de Secours jusqu’à ce que l’organisation fût remise en vigueur en 1867.
Du fait que le culte n’était pas célébré au niveau de la paroisse, il était centré sur
le ministère public du prophète et les dévotions familiales en privé. Lorsque le
temps le permettait, les réunions du dimanche avaient lieu dans un bosquet situé
à l’ouest du temple, qui pouvait recevoir plusieurs milliers de personnes. Les
autorités de l’Eglise s’asseyaient sur une plate-forme portative, tandis que
l’auditoire s’asseyait sur des briques, sur des rondins coupés ou sur l’herbe. Le
culte du dimanche consistait habituellement en une réunion spirituelle le matin et
en une réunion d’affaires l’après-midi. Les saints aimaient entendre leur prophète
parler et assistaient fidèlement à ces services publics, mais il était très fatigant pour
lui de parler plusieurs heures au vaste auditoire en plein air. A certains moments,
la voix lui manquait temporairement, et il invitait d’autres personnes à prendre sa
place. Beaucoup de ses sermons furent écrits et constituent une source importante
de doctrine et d’enseignement pour l’Eglise d’aujourd’hui.
251
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Les familles se réunissaient souvent chez elles et mangeaient du pain chaud ou
une autre collation tout en écoutant les témoignages, les instructions du chef de
famille et les rapports missionnaires. La vie religieuse privée à Nauvoo consistait
également en jeûne et en prières, à chanter des cantiques et à imposer les mains
aux malades. Même les activités de société comportaient un aspect religieux et
contribuèrent fortement à unir les saints et à les stimuler dans leur mode de vie.
La vie à Nauvoo était généralement caractéristique de la vie dans les villes
américaines du dix-neuvième siècle. Mais il y avait aussi des aspects tout à fait
particuliers. La plus grande différence venait de ce que les plus chers espoirs de la
plupart de ses citoyens étaient centrés sur le rassemblement conformément aux
principes de Sion, sur la construction de leur saint temple, l’étude de la doctrine
du salut et la recherche des bénédictions du Tout-Puissant.
NOTES:
1. Joseph Smith, Hyrum Smith et Sidney
Rigdon, dans History of the Church, 4:267,
271-72.
7. Dans Ronald K. Esplin, «Sickness and
Faith, Nauvoo letters», Brigham Young
University Studies, été 1975, p. 427.
2. Smith, Smith et Rigdon dans History of the
Church, 4:273.
8. Dans Kenneth W. Godfrey, Audrey M.
Godfrey et Jill Mulvay Derr, Women’s Voices,
Salt Lake City, Deseret Book Co., 1982,
pp. 122-23.
3. History of the Church, 5:328; voir aussi
5:137.
4. «A Sketch of the Life of Eunice Billings
Snow», Woman’s Exponent, septembre 1910,
p. 22.
5. Voir Paul Thomas Smith, «A Historical
Study of the Nauvoo, Illinois, Public School
System, 1841-1845», mémoire de licence,
université Brigham Young, 1969, pp. 82-98.
6. Voir History of the Church, 5:406.
9. Dans Godfrey, Godfrey et Derr, Women’s
Voices, p. 125.
10. Brigham Young, dans History of the
Church, 4:403.
11. «Story of the Organization of the Relief
Society», Relief Society Magazine, mars 1919,
p. 129.
12. History of the Church, 4:567.
13. Dans History of the Church, 4:606-7.
252
CHAPITRE VINGT
A M P L I F I C AT I O N
N A U VO O
Ligne du temps
Date
Evénement important
15 août 1840 Joseph Smith commence à
enseigner le baptême pour les
morts
8 nov. 1841
Consécration des fonts
baptismaux du temple de
Nauvoo
4 mai 1842
Joseph Smith confère leur
dotation à neuf frères fidèles
Printemps
1842
Publication de la lettre à
Wentworth et du Livre
d’Abraham dans le Times and
Seasons
DE LA DOCTRINE À
N
AUVOO GRANDISSAIT et devenait florissante, mais la chose la plus
importante qui se produisit au cours de cette période fut le flot continuel
de révélations par l’intermédiaire de Joseph Smith concernant la
doctrine et les ordonnances de l’Evangile. Pendant les années de Nauvoo, le
prophète manifesta une maturité spirituelle accrue qui lui permit d’amener les
saints à une perception nouvelle et plus élevée de l’Evangile. Beaucoup de notions
qui avaient été introduites faisaient maintenant l’objet d’une attention et
d’explications plus complètes. Joseph Smith promit à la conférence générale
d’octobre 1841 que «la dispensation de la plénitude des temps mettra en lumière
Avril-mai 1842 Joseph Smith se rend à
Ramus (Illinois) et y donne
des instructions inspirées
les choses qui ont été révélées dans toutes les dispensations précédentes; et
7 avr. 1844
années du Rétablissement, le fondement de la doctrine fut posé; au cours de la
Joseph Smith prononce le
discours sur King Follett
également d’autres choses qui n’ont pas encore été révélées1». Dans les premières
période de Nauvoo, on bâtit sur les fondations.
BAPTÊME
P O U R L E S M O RT S
Le 10 août 1840, Seymour Brunson, un des premiers colons de Nauvoo, décéda.
Il avait été un des tout premiers missionnaires de l’Eglise et avait fait partie du
grand conseil à Far West et à Nauvoo. L’histoire de Joseph Smith dit que Brunson
«mourut dans le triomphe de la foi et, dans les instants qui précédèrent son décès,
il rendit témoignage de l’Evangile qu’il avait embrassé2». Lors d’un grand sermon
funèbre prononcé le 15 août, le prophète lut une grande partie de 1 Corinthiens
15, notamment le verset 29, qui parle de la pratique du baptême pour les morts. Il
annonça à l’assemblée que le Seigneur permettrait aux saints d’être baptisés en
faveur de leurs amis et de leurs parents qui avaient quitté cette vie. Il dit aux saints
que «le plan de salut visait à sauver tous ceux qui étaient disposés à obéir aux
conditions de la loi de Dieu3».
Après le sermon, Jane Neyman demanda à Harvey Olmstead de la baptiser dans
le Mississippi pour Cyrus, son fils décédé. Joseph Smith demanda quelles paroles
furent utilisées pour accomplir l’ordonnance, ensuite il approuva ce qui avait été
fait. Au cours des semaines qui suivirent, plusieurs autres baptêmes pour les morts
furent accomplis dans le fleuve ou dans des cours d’eau proches. Le 19 janvier
1841, le Seigneur commanda aux saints de construire un temple avec des fonts
baptismaux pour ces ordonnances par procuration. Le Seigneur dit: «[Le baptême
pour les morts] appartient à ma maison et ne peut être acceptable devant moi, si
ce n’est dans les jours de votre pauvreté, si vous n’êtes pas capables de m’édifier
une maison» (D&A 124:30).
253
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Publié avec la permission de la Missouri Historical Society
L’Ancien Testament décrit un vaste bassin
reposant sur douze boeufs utilisés dans le
temple du temps de Salomon (voir 1 Rois
7:23-25). Quand le temple de Nauvoo fut
construit, le prophète Joseph Smith
commanda que l’on construisît les fonts
baptismaux dans le sous-sol sur le dos de
douze boeufs représentant les douze tribus
d’Israël.
Cette révélation suscita beaucoup d’enthousiasme, et les travaux du temple
avancèrent rapidement. Le 3 octobre 1841, alors que le sous-sol était presque
achevé, Joseph Smith déclara: «Il n’y aura plus de baptêmes pour les morts jusqu’à
ce que l’on puisse administrer cette ordonnance dans la Maison du Seigneur4.» Le
sous-sol abritait des fonts baptismaux temporaires construits par Elijah Fordham.
Ils étaient faits de sapin du Wisconsin et montés sur douze boeufs soigneusement
taillés. Le 8 novembre, les fonts baptismaux furent consacrés par Brigham Young.
Ils furent utilisés pour la première fois quinze jours plus tard quand Brigham
Young, Heber C. Kimball et John Taylor administrèrent quarante baptêmes pour
les morts; Willard Richards, Wilford Woodruff et George A. Smith assurèrent les
confirmations.
En 1842, tandis que ses anciens ennemis du Missouri l’obligeaient à se réfugier
dans un exil temporaire, le prophète a écrit deux épîtres générales aux saints sur
la doctrine du baptême pour les morts. Toutes deux mettaient l’accent sur
l’importance de la présence d’un greffier pour que les baptêmes soient valables. Le
greffier devait veiller à ce que chaque ordonnance soit faite correctement et il
devait en prendre note avec précision. La première lettre dit: « Que tous les
registres soient tenus en ordre, afin qu’ils soient placés dans les archives de mon
saint temple pour être gardés en mémoire de génération en génération, dit le
Seigneur des armées» (D&A 127:9).
Dans la deuxième de ses lettres, la plus longue, le prophète explique que les
vivants et les morts dépendent les uns des autres pour leur salut: «Sans nous ils
[les morts] ne peuvent être rendus parfaits» (D&A 128:15). Les ordonnances qui
permettent de réaliser cette perfection réciproque, expliqua-t-il plus tard,
comprennent non seulement le baptême pour les morts mais aussi la dotation de
la Sainte Prêtrise et le mariage pour le temps et pour l’éternité.
D O TAT I O N
Précédemment, alors que les saints d’Ohio se préparaient à construire le temple
de Kirtland, le Seigneur avait promis que dans sa maison, il avait «dessein de doter
du pouvoir d’en haut ceux [qu’il avait] choisis» (D&A 95:8). Lorsque ce temple fut
254
AMPLIFICATION DE LA DOCTRINE À NAUVOO
terminé et consacré au début de 1836, il y eut un grand déversement spirituel sur
les saints. Le Sauveur apparut et accepta le temple. Moïse, Elias et Elie, les
prophètes d’autrefois, apparurent ensuite à Joseph Smith et à Oliver Cowdery et
rétablirent les clefs de la prêtrise pour le rassemblement d’Israël et l’introduction
d’autres ordonnances sacrées (voir D&A 110).
Des temples furent projetés au Missouri, mais ils ne furent jamais construits
parce que les persécutions chassèrent les fidèles de l’Etat. Après la fondation de
Nauvoo comme nouveau lieu de rassemblement, le Seigneur révéla qu’un temple
était nécessaire parce qu’il n’y avait pas d’endroit sur la terre où il pût venir
rétablir «la plénitude de la prêtrise» (D&A 124:28). Il fut également dit aux saints
que leurs ablutions et leurs onctions, comme les baptêmes pour les morts, devaient
se faire dans un endroit sacré; de là le commandement de construire le temple de
Nauvoo. La révélation poursuit: «Que cette maison soit bâtie à mon nom, afin que
je puisse y révéler mes ordonnances à mon peuple;
«Car je daigne révéler à mon Eglise des choses qui ont été cachées dès avant la
fondation du monde, des choses qui appartiennent à la dispensation de la
plénitude des temps» (vv. 40-41).
Le magasin de briques rouges de Joseph
Smith fut sans doute le bâtiment le plus
important de l’Eglise pendant toute la
période de Nauvoo parce que, outre le fait
que c’était un magasin général, il était aussi
le centre des activités sociales,
économiques, politiques et religieuses.
Terminé en décembre 1841, il fut inauguré le
5 janvier 1842.
Au premier étage, Joseph Smith avait un
bureau, qui devint le siège de l’Eglise. Avant
l’achèvement du temple, l’étage supérieur du
magasin fut utilisé comme salle
d’ordonnances, et les premières dotations y
furent administrées. Des réunions de l’Eglise
et des réunions communautaires de
différents ordres avaient lieu au magasin,
entre autres les cours d’une école publique
et certaines réunions de jeunes.
Le 17 mars 1842, la Société de Secours y
fut organisée avec Emma Smith comme
première présidente. Le magasin fut abattu
en 1890, et pendant de nombreuses années,
les visiteurs ne purent en voir que les
fondations. En 1978-79, le bâtiment fut
reconstruit par l’Eglise réorganisée de JésusChrist des Saints des Derniers Jours.
A mesure que les travaux du temple avançaient, Joseph Smith demandait et
recevait des instructions supplémentaires du Seigneur concernant la sainte
dotation. On ne sait cependant pas avec exactitude quand il reçut toutes les
instructions relatives aux ordonnances du temple. Il les présenta le 4 mai 1842 à un
petit nombre de saints de confiance dans la salle d’étage de son magasin de
briques rouges. A l’époque, c’était virtuellement le seul endroit spacieux de
Nauvoo où un groupe pouvait s’assembler en privé. Le bâtiment se trouvait près
du Mississippi à un pâté de maisons à l’ouest de la Mansion House et du
Homestead. Il fut construit en 1841 et inauguré en janvier 1842. La plus grande
partie du premier étage était une salle d’assemblée utilisée pour les conseils de la
255
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Panneau qui était accroché au bureau de
Joseph Smith à Nauvoo. C’est de l’étain peint
et il mesure 10 cm sur 35. Le texte dit:
«Bureau de Joseph Smith. Président de
l’Eglise de JÉSUS-Christ des Saints des
DERNIERS Jours5.»
Développement de la doctrine relative au
temple, révélée à Joseph Smith:
21 sept. 1823 Moroni répète la promesse de
Malachie concernant la venue
d’Elie et dit qu’il va «révéler» la
prêtrise (voir D&A 2; Joseph
Smith, Histoire, vv. 38-39).
prêtrise, l’organisation et les réunions de la Société de Secours des femmes de
Nauvoo, les réunions municipales et maçonniques, les classes d’école, les
spectacles théâtraux, les débats, les conférences et les réunions d’état-major de la
Légion de Nauvoo.
Le 3 mai, avec l’aide d’autres personnes, le prophète disposa son bureau et la
Déc. 1830
Première allusion aux temples
dans la révélation moderne
(voir D&A 36:8).
2 janv. 1831
Le Seigneur commande que
les membres de l’Eglise
s’installent en Ohio, où ils
seront «investis du pouvoir
d’en haut» (D&A 38:32).
mesure où les circonstances le permettaient6». Le lendemain après-midi, le
Le Seigneur désigne le comté
de Jackson (Missouri) comme
emplacement de son temple
(voir D&A 57:2-3).
Richards, des douze apôtres, Newel K. Whitney, évêque général, George Miller,
20 juill. 1831
16 févr. 1832 Vision des degrés de gloire
(voir D&A 76).
Déc. 1832
Commandement de construire
le temple de Kirtland (voir D&A
88:119).
21 janv. 1836 Joseph voit son frère Alvin, qui
était mort sans être baptisé,
dans le royaume céleste; il
apprend que ceux qui auraient
reçu l’Evangile ici-bas
hériteront du royaume céleste
dans l’au-delà (voir D&A 137).
27 mars 1836 Consécration du temple de
Kirtland (voir D&A 109; History
of the Church, 2:410-28).
3 avr. 1836
Le Sauveur, Moïse, Elias et Elie
apparaissent au temple de
Kirtland pour accepter le
temple et rétablir les clefs de
la prêtrise (voir D&A 110).
15 août 1840 Enseignement de la doctrine
du baptême pour les morts
aux funérailles de Seymour
Brunson, décédé le 10 août
1840 (voir History of the
Church, 4:179, 231).
19 janv. 1841 Les saints reçoivent le
commandement de construire
le temple de Nauvoo, et
Joseph apprend que tout ce
qui concerne la dotation n’a
pas encore été révélé (voir
D&A 124:25-55).
15 mars 1842 Publication, dans le Times and
Seasons, d’un des fac-similés
du livre d’Abraham,
accompagné de
commentaires relatifs au
temple.
salle d’assemblée pour que cela représente «l’intérieur d’un temple, dans la
prophète administra les premières dotations à un groupe choisi, comprenant
Hyrum Smith, patriarche de l’Eglise, Brigham Young, Heber C. Kimball et Willard
président du collège des grands prêtres de Nauvoo et évêque général, et James
Adams, président de la branche de Springfield7.
Joseph Smith note cet important événement: «J’ai passé la journée dans la partie
supérieure du magasin . . . à les instruire des principes et de l’ordre de la prêtrise,
à procéder aux ablutions, aux onctions, aux dotations et à la communication de
clefs relatives à la Prêtrise d’Aaron, et ainsi de suite jusqu’à l’ordre le plus élevé de
la Prêtrise de Melchisédek, exposant l’ordre concernant l’Ancien des jours et tous
les plans et principes par lesquels on est mis en mesure d’obtenir la plénitude des
bénédictions qui ont été préparées pour l’Eglise du Premier-né et pour monter et
demeurer en la présence des Elohim dans les mondes éternels8.»
Le Seigneur avait déclaré que ces ordonnances étaient nécessaires à l’ouverture
de la porte de la vie éternelle et de l’exaltation. Elles étaient donc recherchées par
les saints des derniers jours fidèles. Peu à peu, au cours des deux années suivantes,
Joseph Smith présenta la dotation à environ quatre-vingt-dix hommes et femmes.
Il donna aussi des instructions particulières aux douze apôtres concernant les clefs
de ces ordonnances, leur disant de conférer la dotation aux saints fidèles dans le
temple quand il serait terminé. En décembre 1845, le temple était suffisamment
avancé pour que l’ordonnance puisse être accomplie.
Bien des années plus tard, à Salt Lake City, Brigham Young, alors président de
l’Eglise, donna des instructions aux saints concernant l’importance de la dotation
dans les derniers jours. Il leur rappela que les premiers anciens n’avaient reçu
qu’une partie de leurs dotations dans le temple de Kirtland, qualifiant celles-ci
d’ordonnances “introductrices ou d’initiation, préparatoires à une dotation”. Il
définit ensuite la signification du mot dotation: «Votre dotation consiste à recevoir
dans la maison du Seigneur toutes les ordonnances qui vous sont nécessaires,
256
AMPLIFICATION DE LA DOCTRINE À NAUVOO
4 mai 1842
Joseph Smith administre les
premières dotations dans la
salle d’étage de son magasin
de briques rouges (voir History
of the Church, 5:1-3).
lorsque vous aurez quitté cette vie, pour vous permettre de rentrer en présence du
16-17 mai
1843
Révélation expliquant la
nécessité du mariage éternel
pour l’exaltation (voir
D&A 131).
Prêtrise et d’acquérir votre exaltation éternelle en dépit de la terre et de l’enfer9.»
12 juill. 1843
Révélation concernant la
nouvelle alliance éternelle du
mariage et la plénitude de vie
(voir D&A 132).
Père, passant devant les anges qui se tiennent en sentinelles, étant capables de leur
donner les mots clefs, les signes et les symboles qui appartiennent à la Sainte
R É V É L AT I O N S
SUR LE MARIAGE
La dotation de la sainte prêtrise est étroitement liée au principe du mariage
éternel. Depuis le début du Rétablissement, les saints des derniers jours
apprennent que «le mariage est un commandement de Dieu à l’homme» (D&A
49:15). L’alliance du mariage a toujours été considérée comme étant d’une grande
importance. Les hommes de l’Eglise ont le commandement: «Tu aimeras ta femme
de tout ton coeur, et tu t’attacheras à elle et à personne d’autre» (D&A 42:22). Il est
commandé aux membres de l’Eglise non seulement de se marier selon la justice,
mais d’avoir des enfants et de les élever conformément aux préceptes de
l’Evangile de Jésus-Christ.
Peu après l’introduction de la dotation, le prophète révéla que le couple marié
doit être scellé par la sainte prêtrise pour le temps et pour toute l’éternité.
Beaucoup parmi les hommes et les femmes qui avaient été dotés furent également
scellés à leurs conjoints par Joseph Smith par l’alliance du mariage. Joseph
enseigna que le scellement du mariage, la dotation et les baptêmes pour les morts
devaient être administrés dans la maison du Seigneur et que ces ordonnances
seraient rendues accessibles à tous les saints fidèles dès que le temple serait
terminé.
Au printemps 1843, Joseph Smith enseigna l’importance éternelle de l’alliance
du mariage. Tandis qu’il rendait visite au village mormon de Ramus, à trente
kilomètres au sud-est de Nauvoo, le prophète expliqua à un petit nombre de
membres de l’Eglise:
«Il y a, dans la gloire céleste, trois cieux ou degrés.
«Pour obtenir le plus haut, l’homme doit entrer dans cet ordre de la prêtrise [à
savoir la nouvelle alliance éternelle du mariage],
«Sinon, il ne peut l’obtenir» (D&A 131:1-3).
Plus tard cet été-là, Joseph écrivit une révélation sur le mariage qui contenait des
principes qui lui avaient été révélés dès 1831 à Kirtland. Le Seigneur y déclarait:
«Si un homme épouse une femme par ma parole qui est ma loi et par la nouvelle
alliance éternelle et que leur union est scellée par le Saint-Esprit de promesse, par
celui qui est oint, à qui j’ai donné ce pouvoir et les clefs de cette prêtrise . . . ce sera
pleinement valide lorsqu’ils seront hors du monde. Et ils passeront devant les
anges et les dieux qui sont placés là, vers leur exaltation et leur gloire en toutes
choses, comme cela a été scellé sur leur tête, laquelle gloire sera une plénitude et
une continuation des postérités pour toujours et à jamais» (D&A 132:19).
La loi du mariage céleste, décrite dans cette révélation, comprenait également le
principe de la pluralité des épouses. En 1831, tandis qu’il travaillait à la traduction
inspirée des Saintes Ecritures, Joseph Smith demanda au Seigneur comment il
justifiait la pratique du mariage plural parmi les patriarches de l’Ancien Testament.
257
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Cette question eut pour résultat la révélation sur le mariage céleste, qui
comprenait la réponse à sa question concernant les mariages pluraux des
patriarches10.
Premièrement, le Seigneur expliqua que, pour qu’une alliance, le mariage y
compris, soit valide dans l’éternité, elle doit répondre à trois conditions (voir D&A
132:7): (1) Elle doit être faite et «scellée par le Saint-Esprit de promesse». (2) Elle
doit être accomplie par l’autorité appropriée de la prêtrise. (3) Elle doit se faire «par
révélation et par commandement», par le prophète oint par le Seigneur (voir aussi
vv. 18-19). Utilisant Abraham comme exemple, le Seigneur dit: «[Il] reçut tout ce
qu’il reçut par révélation et commandement, par ma parole» (v. 29). Par
conséquent, demande le Seigneur, «Abraham était-il donc sous la condamnation?
En vérité, je te dis que non, car moi, le Seigneur, je l’avais commandé» (v. 35).
De plus, Joseph Smith et l’Eglise devaient accepter le principe du mariage plural
dans le cadre du rétablissement de toutes choses (voir v. 45). Habitué à la forme
traditionnelle du mariage, le prophète fut d’abord, on le comprend, réticent à se
lancer dans cette nouvelle pratique. Du fait du manque de documentation
historique, nous ne savons pas quelles furent ses premières tentatives de se
conformer à ce commandement en Ohio. Son premier mariage plural enregistré à
Nauvoo fut celui qu’il contracta avec Louisa Beaman; il fut administré le 5 avril
1841, par l’évêque Joseph B. Noble11. Au cours des trois années qui suivirent,
Joseph eut, conformément aux commandements du Seigneur, d’autres épouses
plurales.
Lorsque des membres du Conseil des douze apôtres revinrent, en 1841, de leur
mission aux îles Britanniques, Joseph Smith leur enseigna la doctrine de la
pluralité des épouses, et chacun eut des difficultés à comprendre et à accepter cette
doctrine. Brigham Young, par exemple, nous informe de son état d’esprit: «Ce
n’était pas que je voulusse éviter quelque devoir que ce soit, ni négliger si peu que
ce soit de faire ce qui m’était commandé, mais c’était la première fois de ma vie que
je désirais la mort, et il me fallut longtemps pour m’en remettre. Et lorsque je
voyais des funérailles, j’enviais au cadavre sa situation, et je regrettais de ne pas
me trouver dans le cercueil12.»
Après les hésitations et la prise de conscience du départ, Brigham Young et
d’autres parmi les Douze reçurent personnellement la confirmation du SaintEsprit et acceptèrent la nouvelle doctrine du mariage plural. Ils savaient que
Joseph Smith était prophète de Dieu en tout. Tout d’abord la pratique fut gardée
secrète et fut très limitée. Des rumeurs commencèrent à circuler, disant que les
autorités de l’Eglise avaient d’autres épouses, ce qui déforma considérablement la
vérité et contribua à augmenter les persécutions venant des apostats et des gens
de l’extérieur. Le problème tenait, bien entendu, à l’aversion naturelle que les
Américains éprouvaient pour la «polygamie». Ce nouveau système semblait
menacer la tradition fortement enracinée de la monogamie et de la solidarité de la
structure familiale. Plus tard, en Utah, les saints pratiquèrent ouvertement «le
principe», mais jamais sans persécutions.
258
AMPLIFICATION DE LA DOCTRINE À NAUVOO
John Wentworth était rédacteur en chef du
Chicago Democrat et destinataire de la
célèbre lettre à Wentworth écrite par Joseph
Smith. Après être sorti du Dartmouth College
en 1836, le jeune Wentworth alla à Chicago,
ville de moins de cinq mille habitants à
l’époque. Il acheta le Chicago Democrat,
premier journal de la ville. Il devint finalement
un des principaux citoyens de l’Illinois et fut
élu en 1843 à la Chambre des représentants
des Etats-Unis à l’âge de vingt-huit ans. Il
remplit trois mandats au Congrès. En 1857, il
fut élu maire de Chicago.
LETTRE
À
W E N T W O RT H
Le prophète était de temps en temps invité à expliquer les enseignements et les
pratiques du mormonisme aux gens de l’extérieur. Un exemple caractéristique est
la lettre à Wentworth. Au printemps 1842, John Wentworth, rédacteur en chef du
Chicago Democrat, demanda à Joseph Smith de lui donner les grandes lignes «de la
naissance, des progrès, des persécutions et de la foi des saints des derniers jours13».
Wentworth était originaire du New Hampshire et désirait ces renseignements en
vue de la compilation de l’histoire de son Etat natal, que rédigeait son ami, George
Barstow. Joseph donna suite à cette demande et envoya à Wentworth un
document de plusieurs pages contenant le récit d’un grand nombre d’événements
du début de l’histoire du Rétablissement, entre autres la Première Vision et la
parution du Livre de Mormon. Le document contenait aussi treize déclarations
décrivant les croyances des saints des derniers jours, déclarations qui ont pris le
nom d’articles de foi. Barstow publia son histoire, mais la lettre à Wentworth ne fut
pas incluse, et il n’y eut rien sur les mormons.
Wentworth ne publia pas ce document dans le Chicago Democrat, et il ne parut
jamais dans aucune histoire du New Hampshire. Mais le Times and Seasons, journal
de l’Eglise, le publia en mars 1842, et il est devenu, pour l’Eglise, une des
déclarations les plus importantes en matière d’inspiration, d’histoire et de
doctrine. Les articles de foi avaient été écrits pour des non-mormons et ne visaient
pas à être un résumé complet des principes et des pratiques de l’Evangile. Ils
énoncent cependant d’une manière claire les croyances particulières des saints des
derniers jours. Chaque article énonce nettement les différences entre le
mormonisme et les croyances particulières d’autres confessions.
En 1851, les articles de foi furent inclus dans la première édition de la Perle de
Grand Prix publiée par la mission britannique. Lorsque la Perle de Grand Prix fut
révisée en 1878 et intégrée au canon des Ecritures en 1880, les articles de foi
devinrent doctrine officielle de l’Eglise.
LIVRE
D ’A B R A H A M
Début 1842, vers le moment où il écrivit sa lettre à John Wentworth, Joseph
Smith était également très occupé à «traduire les annales d’Abraham14». Ces
annales avaient été acquises en 1835 lorsque l’Eglise avait acheté plusieurs
rouleaux de papyrus égyptiens à Michael Chandler. Joseph et ses secrétaires les
soumirent à un examen préliminaire, mais les travaux du temple de Kirtland et
plus tard l’apostasie et les persécutions lui ôtèrent toute possibilité de continuer ce
travail en Ohio ou au Missouri. Finalement, au printemps 1842, il put se consacrer
plusieurs semaines à la tâche avec peu d’interruptions.
Lorsqu’il fut informé, lors des conseils de dirigeants, que le prophète traduisait
et apprit quelques détails du contenu, Wilford Woodruff décrivit dans son journal
ses sentiments à l’égard de l’oeuvre du prophète: «Le Seigneur a vraiment suscité
Joseph le Voyant . . . et le revêt maintenant d’une grande puissance, de sagesse et
de connaissance . . . Le Seigneur donne en bénédiction à Joseph la faculté de
259
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
En 1967, des parties du papyrus que
l’Eglise avait acheté en 1835 furent
découvertes et lui furent remises. Parmi les
plus importantes et les plus intéressantes, il y
avait l’original de ce qui devint le fac-similé
no 1 de la Perle de Grand Prix.
révéler les mystères du royaume de Dieu, de traduire par l’urim et le thummim les
annales anciennes et des hiéroglyphes aussi anciens qu’Abraham ou Adam, ce qui
fait brûler notre coeur au-dedans de nous, tandis que nous voyons leurs
merveilleuses vérités s’ouvrir à nous15.»
Des extraits du livre d’Abraham parurent pour la première fois en été 1842 dans
le Times and Seasons et le Millennial Star. Joseph Smith laissa entendre qu’il y en
aurait davantage, mais il ne put poursuivre la traduction après 1842. Ce que
l’Eglise reçut—cinq chapitres du Livre d’Abraham dans la Perle de Grand Prix—
n’est qu’une partie du document original.
En 1967, onze fragments des papyrus de Joseph Smith furent découverts par le
Dr Aziz S. Atiya, au Metropolitan Museum of Art de New York. Leur étude a
confirmé qu’ils sont essentiellement d’anciens textes funéraires égyptiens du type
que l’on ensevelissait communément avec les membres de la famille royale et de
la noblesse et qui avaient pour but de les guider au cours de leur voyage éternel16.
Cela a renouvelé la question relative aux liens entre les annales et le Livre
d’Abraham. Joseph Smith n’a pas expliqué la façon dont le Livre d’Abraham a été
traduit, comme il n’a pas complètement expliqué la façon dont le Livre de
Mormon a été traduit. Néanmoins, comme le Livre de Mormon, le livre
d’Abraham prouve de lui-même qu’il est paru par le don et la puissance de Dieu.
DISCOURS
DE
JOSEPH SMITH
Les saints de Nauvoo écoutaient souvent Joseph Smith prêcher, et beaucoup
parmi eux écrivirent l’émotion qu’ils avaient ressentie au cours de cette
expérience. Ils étaient touchés par ses paroles et fortifiés dans leur témoignage.
260
AMPLIFICATION DE LA DOCTRINE À NAUVOO
Brigham Young dit: «Ces moments-là étaient plus précieux pour moi que toute la
richesse du monde. Quelque grande que fût ma pauvreté, même si je devais
emprunter de la farine pour nourrir ma femme et mes enfants, je ne laissais jamais
passer l’occasion d’apprendre ce que le prophète avait à communiquer17.» Wandle
Mace, nouveau converti, dit qu’en écoutant le prophète en public et en privé, par
beau temps et sous la pluie, il acquit la conviction que Joseph Smith avait été
instruit par Dieu. Il ne manquait jamais l’occasion d’écouter Joseph prêcher parce
que, disait-il, Joseph «nous apportait une nourriture délicieuse, une nourriture
spirituelle18». James Palmer, converti britannique, dit que le prophète «avait, tandis
qu’il prêchait, l’aspect de quelqu’un qui descendait droit du ciel, ou comme si il avait
été envoyé du monde céleste en mission divine19».
Il n’y avait pas, à Nauvoo, d’église suffisamment grande pour permettre à tous
les saints de se rassembler pour écouter leur prophète, de sorte que par beau
temps, ils se réunissaient en plein air sous les arbres. L’endroit par excellence,
c’était un bosquet qui constituait une sorte d’amphithéâtre sur le flanc de la colline
à l’ouest du temple. C’était un des endroits préférés de Joseph Smith pour parler
aux saints. Pendant la période de Nauvoo, il prit l’habitude de faire des discours
publics. Dans les premiers temps du Rétablissement, il avait laissé la plus grande
partie de la prédication à d’autres qu’il estimait être meilleurs orateurs. Mais
maintenant, il prêchait avec beaucoup de puissance et d’autorité à Nauvoo et dans
les communautés environnantes. Les quelque deux cents discours qu’il prononça
au cours de ces années façonnèrent la compréhension de la doctrine de l’Evangile
dans l’esprit des saints des derniers jours et influencèrent immensément l’Eglise.
Le dimanche 20 mars 1842, lors des funérailles de l’enfant défunt de Windsor P.
Lyon, Joseph choisit de parler dans le bosquet du salut des petits enfants. Il dit
qu’il avait «posé la question: comment se fait-il que des bébés, des enfants
innocents, nous soient ôtés, particulièrement ceux qui paraissent être les plus
intelligents et les plus intéressants». Il dit qu’ils avaient été repris pour se voir
épargner la méchanceté qui augmentait dans le monde. Il proclama ensuite un des
enseignements les plus réconfortants qui aient été révélés dans les derniers jours:
«Tous les enfants sont rachetés par le sang de Jésus-Christ et, dès l’instant où ils
quittent ce monde, ils sont emmenés dans le sein d’Abraham. La seule différence
entre la mort des vieux et la mort des jeunes, c’est que l’un vit plus longtemps au
ciel et dans la lumière et la gloire éternelle que l’autre et est délivré un peu plus tôt
de notre monde misérable et méchant20.
Au printemps 1843, Joseph rendit fréquemment visite aux populations éloignées
des saints pour les inspirer et les guider. Alors qu’il était à Ramus, il logea chez son
ami Benjamin F. Johnson. Les enseignements donnés par le prophète le dimanche
2 avril 1843 à Ramus (Illinois) étaient si importants qu’ils furent incorporés dans
l’histoire officielle de l’Eglise et plus tard dans les Doctrine et Alliances, dont ils
constituent la section 130. Au cours de la réunion du matin, Orson Hyde avait dit
que le Père et le Fils demeuraient dans le coeur des saints et que le Sauveur, à sa
Seconde Venue, apparaîtrait «sur un cheval blanc comme un guerrier». Pendant le
déjeuner, Joseph Smith dit à Orson qu’il allait apporter quelques corrections à son
261
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
sermon au cours de la réunion de l’après-midi. Frère Hyde répondit: «Elles seront
reçues avec reconnaissance21.»
Le Seigneur expliqua aux saints: «Lorsque le Sauveur apparaîtra, nous le verrons
tel qu’il est. Nous verrons que c’est un homme comme nous» (D&A 130:1). A titre
de correction supplémentaire, il dit que «l’idée que le Père et le Fils demeurent
dans le coeur de l’homme est une vieille notion sectaire, et est fausse» (v. 3). Plus
loin dans son sermon, il déclara hardiment: «Le Père a un corps de chair et d’os
aussi tangible que celui de l’homme, le Fils aussi; mais le Saint-Esprit n’a pas de
corps de chair et d’os, c’est un personnage d’Esprit» (v. 22).
Dans ce discours monumental, Joseph Smith enseigna aussi d’autres vérités
éternelles qui ont depuis lors inspiré les saints des derniers jours à rechercher
diligemment la vérité et à pratiquer les bonnes oeuvres. Il expliqua: «Quel que soit
le principe d’intelligence que nous atteignions dans cette vie, il se lèvera avec nous
dans la résurrection.»
«Et si, par sa diligence et son obéissance, une personne acquiert dans cette vie
plus de connaissance et d’intelligence qu’une autre, elle en sera avantagée
d’autant dans le monde à venir» (vv. 18-19). Il expliqua aussi: «Il y a une loi,
irrévocablement décrétée dans les cieux avant la fondation de ce monde, sur
laquelle reposent toutes les bénédictions;
«Et lorsque nous obtenons une bénédiction quelconque de Dieu, c’est par
l’obéissance à cette loi sur laquelle elle repose» (vv. 20-21).
Un mois et demi plus tard, le prophète était de nouveau à Ramus. Au cours
d’une réunion du soir, Samuel Prior, prédicateur méthodiste, qui était en ville pour
en apprendre davantage sur l’Eglise, fut invité à parler à l’assemblée. Après son
discours, Joseph Smith se leva et exprima son désaccord avec ce que le révérend
avait dit. Celui-ci écrivit: «Il le fit avec humilité, politesse et d’une manière
touchante, comme quelqu’un qui était plus désireux de diffuser la vérité et de
dévoiler l’erreur que d’avoir le malin plaisir de triompher de moi dans ce débat. Je
fus véritablement édifié par ses paroles et éprouvai moins de préjugés que jamais
à l’égard des mormons22.» Les enseignements que Joseph Smith donna en cette
occasion répondent à son appel prophétique et sont maintenant Ecriture:
«La matière immatérielle, cela n’existe pas. Tout esprit est matière, mais il est
plus raffiné ou plus pur et ne peut être discerné que par des yeux plus purs;
«Nous ne pouvons le voir, mais lorsque notre corps sera purifié, nous verrons
que tout cela est matière» (D&A 131:7-8).
Pendant que les travaux de construction du temple avançaient, le prophète
Joseph prononça, dans le bâtiment inachevé, quelques-uns de ses plus grands
sermons devant des assemblées. Une de ces occasions fut la conférence générale
d’avril 1843. A l’époque, la prophétie de William Miller, selon laquelle le Christ
reviendrait le 3 avril 1843, prophétie qui avait connu une large diffusion, avait
causé une vive émotion dans toute l’Amérique et parmi les saints des derniers
jours (Miller était un zélote religieux qui fonda le millérisme). Le 6 avril, lors de la
session de conférence, Joseph dit qu’en tant que prophète du Seigneur, il avait prié
et appris que «la venue du Fils de l’Homme ne sera jamais—ne pourra jamais
262
AMPLIFICATION DE LA DOCTRINE À NAUVOO
être—avant que les jugements dont il est parlé pour ce moment-là ne soient
prononcés: jugements qui ont débuté». Le prophète énuméra également des
événements qui ne s’étaient pas encore produits, mais qui auraient lieu avant la
Seconde Venue: «Juda doit revenir, Jérusalem doit être reconstruite, et le temple,
et de l’eau doit sortir d’au-dessous du temple et les eaux de la mer Morte devenir
saines. Il faudra du temps pour reconstruire les murs de la ville et le temple23.»
Le plus célèbre de tous les sermons du prophète fut prononcé lors d’une
conférence générale en avril 1844, ce discours funèbre en l’honneur de son ami
King Follett qui était mort lors d’un accident au cours de la construction. Joseph
Smith parla pendant plus de deux heures, traitant au moins de trente-quatre sujets
de doctrine, notamment l’importance de connaître le vrai Dieu, la façon de
devenir comme Dieu est, la pluralité des dieux, la progression éternelle,
l’importance du Saint-Esprit, la nature de l’intelligence, le péché impardonnable,
et les petits enfants et la résurrection.
Un de ses messages les plus grands concernait Dieu et la destinée de l’homme
par rapport à lui. Il déclara: «Dieu lui-même a jadis été tel que nous sommes
maintenant et est un homme exalté et siège sur son trône dans les cieux là-haut! . . .
« . . . Il faut que vous appreniez comment être vous-mêmes des dieux . . . en
passant d’un petit degré à l’autre et d’une petite capacité à une plus grande; de
grâce en grâce, d’exaltation en exaltation, jusqu’à ce que vous parveniez à la
résurrection des morts et soyez capables de demeurer dans les embrasements
éternels.» L’homme doit donc devenir comme est Dieu maintenant. Joseph
expliqua aussi «les premiers principes de la consolation» pour ceux qui pleurent les
justes décédés: «Bien que la tente terrestre soit déposée et se dissolve, ils se
relèveront pour demeurer dans des embrasements éternels dans la gloire
immortelle pour ne plus s’affliger, souffrir ou mourir; mais ils seront héritiers de
Dieu et cohéritiers de Jésus-Christ24.»
Quelle fut la réaction des saints vis-à-vis de ce sermon prolongé, mais éloquent
et édifiant? La plupart en furent profondément émus. Joseph Fielding écrit dans
son journal: «Je n’ai jamais été autant réjoui par son discours qu’en ce moment,
cela m’a rappelé Hérode, lorsque le peuple dit lors de sa harangue: Voix d’un dieu,
et non d’un homme» (voir Actes 12:20-23)25.
Pendant leur séjour à Nauvoo, les saints furent témoins d’une efflorescence de
théologie. Ils écoutèrent leur dirigeant-prophète approfondir des thèmes
doctrinaux qui n’avaient été qu’effleurés précédemment. En lisant le Times and
Seasons, ils goûtèrent à une théologie plus complètement développée que ce qu’ils
avaient connu en Ohio ou au Missouri. En construisant le temple et en prenant
part à ses ordonnances sacrées, ils reçurent force, connaissance et des bénédictions
inconnues au cours des années précédentes. L’évolution en matière de doctrine à
Nauvoo créa un héritage durable pour la destinée de l’Eglise.
263
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
NOTES
1. Dans History of the Church, 4:426.
2. History of the Church, 4:179.
3. Journal History of the Church of Jesus
Christ of Latter-day Saints, 15 août 1840,
département d’histoire, Salt Lake City;
Andrew F. Ehat et Lyndon W. Cook,
compilateurs, The Words of Joseph Smith,
Religious Studies Monograph Series, Provo,
Religious Studies Center, 1980, p. 49.
4. Dans History of the Church, 4:426.
5. En la possession du Museum of Church
History and Fine Arts.
6. Deseret News, Semi-Weekly, 15 février 1884,
p. 2.
7. Voir History of the Church, 5:1-2.
16. Voir Hugh Nibley, The Message of the
Joseph Smith Papyri: An Egyptian Endowment,
Salt Lake City, Deseret Book Company, 1975,
pp. 1-14, 48-55.
17. Dans Journal of Discourses, 12:270.
18. Biographie de Wandle Mace, racontée à
Rebecca E. H. Mace, sa deuxième femme
(publiée sous la direction de son petit-fils,
William M. Mace), collections spéciales de
l’université Brigham Young, Provo,
pp. 13, 18.
19. James Palmer, Reminiscences,
département d’histoire de l’Eglise, Salt Lake
City, p. 69.
8. History of the Church, 5:1-2.
20. Dans History of the Church, 4:553-54.
9. Dans Journal of Discourses, 2:31.
21. Dans History of the Church, 5:323.
10. Voir History of the Church, 5:xxix-xxx;
Doctrine et Alliances 132, chapeau.
22. Samuel A. Prior, «A Visit to Nauvoo»,
Times and Seasons, 15 mai 1843, p. 198.
11. Voir Andrew Jenson, The Historical
Record, février 1887, p. 233.
12. Dans Journal of Discourses, 3:266.
13. «Church History», Times and Seasons, 1er
mars 1842, p. 706.
14. History of the Church, 4:548.
15. Journaux de Wilford Woodruff, 19 février
264
1842, département d’histoire de l’Eglise, Salt
Lake City.
23. Dans History of the Church, 5:336-37.
24. Dans History of the Church, 6:305-6.
25. Andrew F. Ehat, éd., « ‹They Might Have
Known That He Was Not a Fallen Prophet’,
—The Nauvoo Journal of Joseph Fielding»,
Brigham Young Universities Studies, hiver
1979, p. 148.
CHAPITRE VINGT ET UN
CONFLITS
Ligne du temps
CROISSANTS EN
ILLINOIS
P
ENDANT TROIS ANS, Joseph Smith et les saints des derniers jours
Date
Evénement important
Juin 1841
Organisation du parti politique
antimormon dans le comté de
Hancock
Juin 1841
Rejet, par un tribunal de
l’Illinois, du premier ordre
d’extradition du Missouri
contre Joseph Smith
Mai 1842
John C. Bennett démasqué
«L’envie et la colère de l’homme ont été mon sort ordinaire tous les jours de ma
Mai 1842
Tentative de meurtre contre
l’ex-gouverneur Boggs du
Missouri
vie. La raison de tout cela m’en semble mystérieuse, si ce n’est que j’ai été ordonné
Août 1842
Joseph Smith entre dans la
clandestinité pour échapper à
ses ennemis lors de la
seconde tentative d’extradition
au Missouri
Déc. 1842
Juin 1843
connurent une paix relative en Illinois. Puis, comme cela s’était produit en
Ohio et au Missouri, des dissidents à l’intérieur et des opposants à
l’extérieur s’unirent pour susciter des conflits à l’Eglise. De nouveau Joseph Smith
fut harcelé, persécuté et menacé. En 1842, les problèmes commencèrent à
s’accumuler, et il écrivit aux saints. Il assura á ses frères et soeurs dans l’Evangile:
dès avant la fondation du monde à quelque fin . . . Comme Paul, j’ai envie de me
glorifier des tribulations, car jusqu’à ce jour le Dieu de mes pères m’a délivré de
toutes» (D&A 127:2). Le prophète avait l’immense confiance qu’en dépit de tous
les conflits qui surgissaient, le Seigneur l’aiderait à triompher de tous ses ennemis.
Joseph Smith se rend à
Springfield (Illinois) où les
accusations portées par le
Missouri contre lui sont
abandonnées
A P O S TA S I E
Arrestation de Joseph Smith à
Dixon (Illinois) dans une
troisième tentative d’extradition
au Missouri
personnage important. Un an et demi à peine plus âgé que le prophète, Bennett
Automne
1843
Des membres éminents de
l’Eglise, dont William Law,
deviennent dissidents
Janvier 1844
Joseph Smith devient
candidat à la présidence des
Etats-Unis
Printemps
1844
Le Warsaw Signal lance une
diatribe antimormone
DE
J O H N C. B E N N E T T
John C. Bennett arriva à Nauvoo en août 1840 et devint rapidement un
avait une expérience diversifiée de médecin, prédicateur méthodiste, fondateur
d’un «college», président d’université, chef militaire et, tout récemment, directeur
de l’intendance de l’Illinois. A la conférence générale d’avril 1841, il fut présenté à
l’Eglise «comme président-adjoint jusqu’à ce que la santé du président [Sidney]
Rigdon soit rétablie1». Pendant un certain temps, il fut le compagnon, le confident
et le consultant du prophète.
Le 15 juin 1841, juste deux mois et demi après que Bennett eut été soutenu
comme président-adjoint, Joseph Smith reçut une lettre de Hyrum Smith et de
William Law, qui étaient alors à Pittsburgh, confirmant une rumeur selon laquelle
Bennett avait, en Ohio, une femme dont il était séparé et un enfant. A son arrivée
à Nauvoo, il avait prétendu ne pas être marié. Le prophète lui demanda des
comptes à ce sujet et, dans un remords feint, Bennett prit du poison pour simuler
une tentative de suicide.
Vers ce même moment, Bennett, en pervertissant la doctrine du mariage plural
et en abusant du prestige que lui conférait sa place élevée dans l’Eglise, put inciter
certaines femmes à se livrer à une conduite immorale. Ce qu’il appelait les
«épouses spirituelles» était de l’adultère.
Avant de montrer son vrai visage, John C. Bennett monta également un complot
subtil pour assassiner le prophète et prendre l’Eglise en main. Le samedi 7 mai
1842, un simulacre de combat entre les deux cohortes ou brigades de la Légion de
265
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Nauvoo fut mis sur pied. Le général de division Bennett demanda au général de
corps d’armée Joseph Smith de prendre la tête de la première cohorte pendant
l’affrontement. Lorsque le prophète refusa, Bennett l’exhorta à prendre position à
l’arrière de la cavalerie sans son état-major. Joseph refusa également. Il prit plutôt
position avec son garde du corps, Albert P. Rockwood, à son côté. Joseph écrivit
qu’il sentait par «le souffle léger de l’Esprit» qu’un complot était en cours pour
l’exposer à se faire tuer sans que personne ne sache qui était le coupable2.
Lorsque son immoralité et ses sinistres desseins furent découverts, Bennett fut
excommunié de l’Eglise. Il fut également licencié de la Légion, obligé de remettre
sa démission de maire et expulsé de la fraternité maçonnique. Ayant perdu sa
réputation à Nauvoo, il quitta la ville, aigri, et se mit à donner des conférences
contre le prophète et les autres dirigeants de l’Eglise. Sa dénonciation, qui parut
sous forme de feuilleton dans le Sangamo Journal à Springfield (Illinois) au cours de
l’été 1842, fut recueillie et publiée quelques mois plus tard dans le cadre de The
John C. Bennett (1804-67) entra dans
l’Eglise en Illinois en 1840. Personnage
énergique et haut en couleur, il fit pression
pour que la charte de Nauvoo fût adoptée à
Springfield. Il fut officier dans la Légion de
Nauvoo, fut élu premier maire de Nauvoo et
servit de conseiller à Joseph Smith en tant
que membre temporaire de la Première
Présidence pendant la maladie de Sidney
Rigdon. Mais le prophète fut bientôt informé
de ce que Bennett séduisait des femmes
sous prétexte d’en faire ses «épouses
spirituelles», et il fut excommunié au
printemps 1842. Aigri, il donna des
conférences contre l’Eglise partout aux EtatsUnis, encouragea les tentatives d’extradition
de Joseph Smith par le Missouri et écrivit un
des premiers livres antimormons.
History of the Saints; or, an Exposé of Joe Smith and Mormonism. Bennett prétendit qu’il
n’était devenu mormon que pour mettre en évidence la conduite prétendue illicite
du prophète.
Bennett stimula aussi les sentiments antimormons parmi les francs-maçons
d’Illinois. Dès octobre 1841, certains francs-maçons, qui étaient membres de
l’Eglise, avaient obtenu la permission de créer une loge maçonnique à Nauvoo.
Joseph Smith se rendait compte qu’il y avait des avantages à appartenir à cet ordre
fraternel. Il avait probablement le sentiment que les autres francs-maçons de l’Etat
et du pays, dont beaucoup détenaient des postes importants, considéreraient
l’Eglise avec plus de faveur. Joseph Smith et beaucoup d’autres à Nauvoo
entrèrent officiellement dans l’ordre en mars 1842. Ne sachant pas que John C.
Bennett avait été expulsé d’un ordre maçonnique en Ohio pour inconduite, les
francs-maçons de Nauvoo l’élirent secrétaire de leur loge.
Lorsqu’il quitta Nauvoo, Bennett alla trouver les francs-maçons de Hannibal
(Missouri), qui ignoraient, eux aussi, qu’il avait été expulsé de la fraternité. Il
accusa les dirigeants des loges en prédominance mormone de Nauvoo et des
environs de violer les façons de procéder maçonniques, de tenir un faux jeu de
registres et de faire d’autres choses incorrectes. Ces accusations furent transmises
à la grande loge d’Illinois, qui lança une investigation qui devait durer deux ans.
Par conséquent beaucoup de francs-maçons d’Illinois crurent aux fausses
accusations de Bennett.
C O M P L I C AT I O N S
POLITIQUES
Au cours de l’ascension et de la chute spectaculaire de John C. Bennett à Nauvoo
apparurent des rivalités politiques entre les saints des derniers jours et leurs
voisins dans l’ouest de l’Illinois. Ces difficultés trouvèrent leur source dans une
Albert P. Rockwood (1805-79) détint
plusieurs postes de confiance à la Légion de
Nauvoo, fut appelé en 1845 comme Autorité
générale en tant que l’un des présidents des
soixante-dix et fut membre de la compagnie
pionnière originelle de 1847.
266
politique volcanique de frontière où l’opposition entre les partis était intense et où
les sentiments s’enflammaient aisément. Le problème fut intensifié par le fait que
les démocrates et les whigs étaient presque à égalité en Illinois. En 1838, le
gouvernement de l’Etat passa entre les mains des démocrates, mais les whigs
CONFLITS CROISSANTS EN ILLINOIS
avaient conservé un léger avantage dans l’ouest de l’Illinois, quand les saints
commencèrent à arriver en 1839. Les deux partis politiques espéraient que les
nouveaux citoyens les aideraient dans leur cause.
Mais dans le comté de Hancock, les sentiments ne tardèrent pas à se polariser
sur la croissance rapide de Nauvoo et d’autres communautés mormones. Les
citoyens de Warsaw, localité située à vingt-sept kilomètres au sud de Nauvoo,
devinrent inquiets et jaloux de l’hégémonie économique, politique et religieuse
croissante de la ville mormone. C’est à Warsaw et à Carthage, siège du comté de
Hancock situé à vingt-sept kilomètres à l’est de Nauvoo, que les sentiments
antimormons commencèrent à prendre forme en Illinois.
Afin de favoriser la bonne volonté, les dirigeants de l’Eglise invitèrent Thomas
Sharp, ancien homme de loi et rédacteur du Warsaw Signal, à la cérémonie de la
pose de la pierre angulaire du temple, le 6 avril 1841. En assistant aux
manifestations du jour, parmi lesquelles un défilé et un banquet somptueux, et en
Thomas Sharp devint un des principaux
adversaires de l’Eglise en Illinois et rassembla
l’opposition dans les colonnes de son
journal, le Warsaw Signal.
écoutant Joseph Smith et d’autres dirigeants de l’Eglise parler des perspectives de
croissance de Nauvoo et du royaume de Dieu, Thomas Sharp acquit la conviction
que le mormonisme était plus qu’une religion. Il y vit un mouvement politique
antiaméricain dangereux visant à la domination d’un vaste empire. A son retour à
Warsaw, il lança une campagne vigoureuse contre l’Eglise dans les colonnes de son
journal, prétendant que l’intention de Joseph Smith était d’unir l’Eglise et l’Etat; il
prétendit que les saints possédaient trop de pouvoir et d’autonomie dans leur
charte de Nauvoo.
En juin 1841, Sharp contribua à former, au comté de Hancock, un parti politique
antimormon, qui tint des assemblées à Warsaw et à Carthage et organisa des
réunions publiques dans d’autres localités plus petites. C’est ainsi que des
membres des deux partis politiques nationaux s’unirent contre l’Eglise. Lors des
élections du comté en juillet, un groupe de candidats antimormons fut élu, ce qui
contrecarra l’influence politique des saints, alors même qu’ils votaient en bloc.
Mais comme les saints des derniers jours continuaient à affluer dans le comté de
Hancock, et, parmi eux, beaucoup de membres britanniques qui devinrent
rapidement citoyens américains, la puissance politique des saints grandit et ne fit
qu’accroître l’hostilité de leurs nouveaux ennemis du comté de Hancock.
Entre-temps, les saints avaient trouvé un ami chez un des dirigeants du parti
démocrate de l’Illinois, le juge Stephen A. Douglas, de la Cour suprême de l’Etat.
Tandis qu’il était secrétaire d’Etat, Douglas avait contribué à assurer le vote de la
charte de Nauvoo par le corps législatif de l’Illinois.
Lorsqu’au début de juin 1841, il rendit visite aux membres de l’Eglise du comté
d’Adams, Joseph fut arrêté pour s’être enfui de l’Etat du Missouri. Mais à Quincy,
Joseph obtint un ordre d’habeas corpus, qui lui permit de faire appel au juge
Douglas, lequel consentit à examiner l’affaire quelques jours plus tard au tribunal
de circuit de Monmouth, à cent vingt kilomètres au nord-est de Nauvoo.
Lorsque le procès s’ouvrit le 9 juin, la salle du tribunal était bondée de
spectateurs attirés par le lynchage possible de Joseph Smith. Le juge Douglas mit
à deux reprises le shérif à l’amende parce qu’il ne maintenait pas le bon ordre
267
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
parmi la foule. Les arguments de la défense concernant les atrocités commises
contre les saints au Missouri, émurent jusqu’aux larmes beaucoup de personnes
dans la salle d’audience, y compris le juge Douglas lui-même. Le lendemain il
rendit un arrêt de non-lieu pour vice de procédure.
Publié avec la permission de l'Illinois State Historical Library
La décision du juge lui valut la gratitude de l’Eglise mais le fit soupçonner, dans
l’ouest de l’Illinois, d’avoir passé un accord politique avec Joseph Smith. Dans tout
l’Etat, les journaux whigs l’accusèrent de rechercher ouvertement le vote mormon
en déclarant le non-lieu. Par conséquent, les whigs cessèrent de rechercher les
bonnes grâces des saints des derniers jours et accentuèrent leurs attaques contre
eux aux approches de 1842, année d’élection du gouverneur. Stephen A. Douglas
devint la cible de beaucoup d’attaques partisanes parce qu’il continuait à être
amical envers l’Eglise. Le fait qu’il nomma plusieurs membres de l’Eglise à des
postes dans les tribunaux du comté de Hancock suscita une réaction antimormone
violente à Warsaw et à Carthage.
Stephen A. Douglas (1813-61) détint
beaucoup de fonctions politiques au cours
de son illustre carrière. De 1841 à 1843, il fut
juge à la Cour suprême de l’Illinois; en 1843,
il fut élu, à la Chambre des représentants des
Etats-Unis et, en 1847, au Sénat. En 1860, il
fut battu dans la campagne présidentielle par
Abraham Lincoln. Il mourut à Chicago
pendant qu’il faisait campagne pour la
préservation de l’Union.
Toute la reconnaissance des mormons à l’égard du juge Douglas se manifesta
dans une lettre de Joseph Smith dans le Times and Seasons: «Whig ou démocrate, cela
nous est tout à fait égal: pour nous, l’un et l’autre se valent; mais nous irons vers
nos amis, nos amis qui ont fait leurs preuves . . . Douglas est un maître esprit, et ses
amis sont nos amis, nous sommes disposés à dresser nos bannières et à combattre à
son côté pour la cause de l’humanité et l’égalité des droits, la cause de la liberté et
de la loi3.» Plus tard, en 1842, avec ‹l’aide indéniable du vote mormon, Thomas L.
Ford, candidat démocrate au poste de gouverneur, remporta l’élection face à
Joseph Duncan, candidat whig et adversaire déclaré des saints.
Au cours de la même campagne électorale, William Smith, frère du prophète et
l’un des douze apôtres, se présenta sur la liste démocrate pour la Chambre des
représentants de l’Etat, face au candidat whig, Thomas Sharp. Pour contrecarrer
les commentaires antimormons de Sharp, on créa le Wasp, sous la direction de
William Smith. Plus tard, le Nauvoo Neighbor, avec John Taylor comme rédacteur en
chef, remplaça le Wasp et continua à proclamer la cause des saints des derniers
jours. Avec le soutien du nombre croissant de saints des derniers jours, l’apôtre
remporta facilement l’élection et alla à Springfield pour lutter pour le maintien de
la charte de Nauvoo. La défaite de Sharp intensifia l’antagonisme de celui-ci, et il
étendit ses attaques sur une région couvrant dix comtés, réclamant à cor et à cri
l’extermination ou l’expulsion des mormons.
NOUVELLES
MENACES DU
MISSOURI
En mai 1842, Lilburn W. Boggs, ancien gouverneur du Missouri, fut blessé dans
une tentative d’assassinat. Les autorités du Missouri accusèrent Joseph Smith de
cette tentative de meurtre et essayèrent de nouveau de l’extrader au Missouri.
John C. Bennett, rempli de haine et de désir de revanche après avoir quitté
Nauvoo, prétendit que Joseph Smith avait envoyé Orrin Porter Rockwell au
Missouri dans le but exprès de tuer l’ancien gouverneur. Rockwell affronta avec
colère Bennett à Carthage et l’accusa de mensonge. Bennett contacta alors Boggs,
qui se remettait rapidement au Missouri, et le persuada d’attester sous serment
268
CONFLITS CROISSANTS EN ILLINOIS
que Porter Rockwell, agissant sur l’ordre de Joseph Smith, avait essayé de
l’assassiner. En juillet, Boggs comparut devant un juge de paix à Independence
(Missouri) pour accuser Orrin Porter Rockwell, un des gardes du corps de Joseph
Smith, de tentative de meurtre. Le gouverneur Thomas Reynolds du Missouri
convainquit ensuite le gouverneur Thomas Carlin d’Illinois d’envoyer des
policiers arrêter Porter Rockwell et Joseph Smith. Le prophète, utilisant le pouvoir
d’habeas corpus accordé dans la charte de Nauvoo, fut temporairement libéré.
Sachant que s’il retournait au Missouri, il serait tué, le prophète s’isola sur une île
du Mississippi. Rockwell s’enfuit en Pennsylvanie sous un nom fictif.
Les lettres écrites par Emma Smith, la Société de Secours des femmes de Nauvoo
et d’éminents citoyens de Nauvoo ne réussirent pas à persuader le gouverneur
Carlin que l’ordre d’extradition ne se justifiait pas. Carlin continua à offrir une
récompense pour l’arrestation du prophète et de Porter Rockwell. A ce moment,
les dirigeants de l’Eglise rédigèrent des documents répondant aux accusations de
John C. Bennett et envoyèrent 380 anciens les distribuer aux hommes publics et
aux membres de l’Eglise de divers Etats. Entre-temps, Justin Butterfield, le
procureur, avança l’opinion que Joseph pouvait obtenir de la Cour suprême de
l’Etat un non-lieu. Avec une protection assurée par Thomas Ford, gouverneur
nouvellement élu, Joseph Smith se rendit en décembre 1842 à Springfield et fut
finalement mis en liberté parce que les accusations allaient au-delà des éléments
fournis dans l’attestation originale de Boggs et n’étaient donc pas fondées. Les
saints de Nauvoo se réjouirent de ce que leur prophète pût quitter sa cachette et
Dixon
Iowa
être de nouveau avec eux. Malheureusement, Porter Rockwell fut arrêté en mars à
St-Louis (Missouri), alors qu’il retournait vers Nauvoo, et passa dix mois dans les
prisons du Missouri avant d’être acquitté.
En juin 1843, pendant la campagne pour le Congrès, les autorités du Missouri
firent une troisième tentative pour ramener Joseph Smith à Independence pour y
être jugé. John C. Bennett était dans le comté de Daviess (Missouri) et rendit vie à
Monmouth
la vieille accusation de trahison qui avait été portée contre le prophète. Le
gouverneur Ford d’Illinois accepta un ordre d’extradition. A ce moment-là, Joseph
Nauvoo
Carthage
et sa famille étaient partis pour des vacances bien méritées chez la soeur d’Emma,
Illinois
Elizabeth Wasson, près de Dixon (Illinois), à trois cents vingt kilomètres au nord de
Nauvoo. Stephen Markham et William Clayton furent envoyés de Nauvoo pour
mettre le prophète en garde. Tandis qu’ils étaient dans la maison, le shérif Joseph
Springfield
Reynolds, du comté de Jackson (Missouri), et l’agent Harmon Wilson, du comté de
Hancock (Illinois), arrivèrent et arrêtèrent grossièrement le prophète dans la cour.
Elizabeth Hale Wasson, soeur d’Emma,
habitait à Dixon (Illinois). Tandis qu’il y était en
visite, Joseph fut arrêté par des policiers
missouriens. Lorsque les frères de Nauvoo
apprirent dans quelle situation il était, ils
envoyèrent d’importants groupes d’hommes
à la recherche de leur dirigeant. Sa libération
en vertu des lois d’habeas corpus suscita
une grande controverse concernant les
pouvoirs du gouvernement municipal de
Nauvoo.
Cyrus H. Walker, candidat whig au Congrès, et qui était aussi un homme de loi
éminent, se trouvait par hasard à Dixon et promit à Joseph de le défendre si celuici votait pour lui lors des futures élections, ce que le prophète accepta de faire.
Stephen Markham et William Clayton arrêtèrent alors le shérif Reynolds et
l’agent Wilson pour emprisonnement abusif et pour menaces contre la vie de
Joseph Smith. En route, ils rencontrèrent un détachement de cavalerie de la
Légion de Nauvoo et furent ramenés sans encombre à Nauvoo sous les
269
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
applaudissements des citoyens. Le tribunal municipal de Nauvoo libéra Joseph
Smith sur un ordre d’habeas corpus.
Reynolds et Wilson furent invités à un dîner somptueux et libérés. Ils se
précipitèrent ensuite à Carthage et suscitèrent d’autres sentiments antimormons
parmi le peuple. Portant des accusations sous serment, ils obtinrent de nouveaux
mandats d’arrêt contre Joseph Smith, et un détachement fut organisé pour
reprendre le prophète. Toutefois le gouverneur Ford honora la décision du
tribunal de Nauvoo. Pendant le litige, l’opinion publique de l’Etat devint de plus
en plus antimormone.
Avant les élections au Congrès du mois d’août, les dirigeants de l’Eglise
décidèrent que Joseph P. Hoge, candidat démocrate, serait le meilleur homme
pour représenter les intérêts des saints. Joseph Smith tint sa promesse de voter
pour Cyrus Walker. Mais Hyrum Smith et John Taylor exhortèrent d’autres
membres de l’Eglise à voter pour Hoge. Les deux candidats, incertains de l’attitude
mormone, consacrèrent quatre jours à faire campagne à Nauvoo. Le vote de
Nauvoo contribua à faire basculer l’élection en faveur de Hoge. Les whigs
accusèrent alors les mormons d’abuser du pouvoir politique corporatif. Beaucoup
de démocrates rejoignirent les rangs des antimormons, parce qu’ils craignaient
que le pouvoir qui avait fonctionné à leur profit ne fût un jour utilisé contre eux.
C’est ainsi que les tentatives sincères de Joseph Smith de tenir l’Eglise à l’écart
d’une politique partisane furent vaines.
DISSENSIONS
A U S E I N D E L’E G L I S E
Tandis que les forces de l’extérieur menaçaient le prophète, les dissensions à
Nauvoo les aidaient dans leurs desseins hostiles. Pendant le scandale Bennett de
1842, trois autres membres de l’Eglise—Robert Foster, Francis Higbee et Chauncey
Higbee—furent également sévèrement réprimandés par Joseph Smith pour
immoralité. Après le scandale, Francis Higbee passa un an à Cincinnati mais revint
après la mort de son père, Elias Higbee, un homme qui était resté loyal. En
septembre, Francis se sentit de nouveau offensé lorsque le prophète les accusa
publiquement, lui et d’autres, de collusion avec les Missouriens lors de la troisième
tentative de l’extrader. Il devint l’ennemi juré du prophète.
Le nombre de dissidents à Nauvoo augmenta lorsque vinrent s’y ajouter des
membres de l’Eglise qui étaient opposés au mariage plural et à d’autres nouvelles
doctrines enseignées par Joseph Smith. William Law, deuxième conseiller dans la
Première Présidence, son frère, Wilson Law, général de division de la Légion de
Nauvoo, ainsi qu’Austin Cowles et Leonard Soby, membres du grand conseil,
croyaient tous que Joseph Smith était un prophète déchu.
A la fin de décembre 1843, Joseph Smith apprit certains des mauvais desseins
des dissidents. Il dit à la police de Nauvoo qu’il était beaucoup plus préoccupé par
les traîtres au sein de l’Eglise que par les ennemis du Missouri: «Tous les ennemis
qui sont à la surface de la terre peuvent rugir et appliquer toute leur puissance
pour obtenir ma mort, mais ils ne peuvent rien faire avant que certains qui sont
parmi nous, ont joui de notre société, ont été parmi nous dans nos conseils, ont été
270
CONFLITS CROISSANTS EN ILLINOIS
mis dans notre confidence, nous ont pris la main, nous ont appelés frères, nous ont
salués d’un baiser, se joignent à nos ennemis, transforment nos vertus en vices, et,
par le mensonge et la tromperie, suscitent leur colère et leur indignation contre
nous et fassent tomber leur vengeance unie sur notre tête . . . Nous avons un Judas
parmi nous4.»
Le malaise des apostats grandit du fait que la police suivait de près leurs
activités. Des accusations furent échangées entre eux et le conseil municipal de
Publié avec la permission des Archives nationales des Etats-Unis
Nauvoo. En avril, Robert Foster et William et Wilson Law furent excommuniés
pour conduite non chrétienne. Le 28 avril, ces hommes et leurs sympathisants se
réunirent, déclarèrent Joseph Smith prophète déchu et inaugurèrent une Eglise
réformée dont William Law était le président. Ils désignèrent un comité pour
rendre visite aux familles et essayer de les convertir à la nouvelle Eglise. Une
presse d’imprimerie fut commandée et des dispositions furent prises pour lancer
un journal d’opposition, qui porterait le nom de Nauvoo Expositor.
JOSEPH SMITH,
C A N D I D AT À L A P R É S I D E N C E D E S
E TAT S -U N I S
Tandis que l’apostasie couvait à Nauvoo à la fin de 1843, Joseph Smith était
Pendant la période de Nauvoo, les saints
demandèrent officiellement à trois reprises au
gouvernement des Etats-Unis réparation des
dommages découlant des persécutions du
Missouri. Le premier effort fut fait en 1839-40,
lorsque Joseph Smith et d’autres allèrent à
Washington (D.C.), et introduisirent une
demande auprès de la commission judiciaire
du Sénat. Le prophète dit que 491 personnes
introduisirent leurs réclamations; plus de
deux cents de ces documents ont été
trouvés aux archives nationales.
Une deuxième pétition fut introduite, en
mai 1842, auprès de la commission judiciaire
de la Chambre des représentants, et la
troisième pétition était une pétition de quinze
mètres portant 3 419 signatures, datée du 28
novembre 1843 et présentée le 5 avril 1844 à
la commission judiciaire du Sénat. Les trois
tentatives ne suscitèrent aucune intervention
du gouvernement..
politiquement occupé. Se rendant compte que 1844 était une année d’élections
nationales, il écrivit à John C. Calhoun, Lewis Cass, Richard M. Johnson, Henry
Clay et Martin Van Buren, hommes les plus fréquemment mentionnés comme
candidats à la présidence des Etats-Unis. Il demanda à chacun de ces hommes
quelle serait son attitude à l’égard des saints des derniers jours s’il était élu, en
particulier pour ce qui était de les aider à obtenir réparation pour les biens perdus
au Missouri. Sur les cinq, Cass, Clay et Calhoun répondirent par lettre, mais aucun
ne proposa le genre d’intervention fédérale que désiraient le prophète et les
membres de l’Eglise.
Il paraissait manifeste qu’il n’y avait personne que les saints pouvaient soutenir
pour la présidence. C’est pourquoi Joseph Smith se réunit avec les Douze le 29
janvier 1844, pour envisager la marche à suivre pour les futures élections. Les
frères soutinrent unanimement une motion visant à proposer leurs propres
candidats avec Joseph Smith comme candidat à la présidence. Il leur dit qu’ils
devraient envoyer tous les hommes de Nauvoo qui savaient parler en public pour
faire campagne et prêcher l’Evangile et qu’il serait parmi eux. «Après la conférence
d’avril, nous aurons des conférences générales dans tout le pays, et j’assisterai à
toutes celles que je pourrai. Dites au peuple qu’il y a assez longtemps que nous
avons des présidents whigs et démocrates: nous voulons un président des EtatsUnis [et pas simplement un président d’un parti politique]. Si jamais j’accède au
fauteuil présidentiel, je protègerai le peuple dans ses droits et ses libertés5.»
Avec l’aide de William W. Phelps, John M. Bernhisel et Thomas Bullock, Joseph
synthétisa ses idées pour un programme électoral en une brochure intitulée
Conceptions du général Smith concernant les pouvoirs et la politique du gouvernement des
Etats-Unis. Elle fut publiée le 7 février et envoyée par la poste à environ deux cents
dirigeants du pays. Les propositions de Joseph visaient à attirer les électeurs des
deux grands partis. Il demandait la révocation de l’emprisonnement pour dettes,
271
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
la transformation des prisons en séminaires d’étude, l’abolition de l’esclavage pour
1850 et le remboursement des esclavagistes avec le revenu de la vente des terres
publiques, la création d’une banque nationale avec des succursales dans chaque
Etat et l’annexion du Texas et de l’Oregon. Le premier choix de Joseph Smith
comme candidat à la vice-présidence était l’éminent journaliste new yorkais, ami
des saints, James Arlington Bennet. Mais Bennet refusa, et Joseph se décida
finalement pour Sidney Rigdon.
Le 11 mars 1844, une réunion de conseil eut lieu à Nauvoo pour organiser le
royaume politique de Dieu en vue de la seconde venue du Christ. Maintenant que
le prophète était candidat à une fonction politique élevée, le moment semblait
propice pour inaugurer cette entité qui servirait également de comité pour diriger
sa campagne. Le conseil se composait d’environ cinquante membres, comprenant
la plupart des dirigeants de l’Eglise. Il prit donc le nom de conseil des cinquante.
A la fin d’avril, une liste d’anciens et de leurs responsabilités dans la campagne
fut publiée dans le Nauvoo Neighbor. Il fut également décidé, lors d’une convention
tenue à Nauvoo au début de mai, d’assurer la désignation de délégués de
plusieurs Etats à une convention nationale qui aurait lieu en juillet à Baltimore
Quand il fut décidé que Joseph Smith
serait candidat à la présidence des EtatsUnis, il publia une brochure exprimant ses
idées sur quelques questions importantes. En
voici la page de titre. Parmi les points les
plus importants de la brochure, il faut citer
ceux qui suivent:
1. Passage en revue des sentiments nobles
concernant le but du gouvernement des
Etats-Unis, exprimés par Benjamin
Franklin et dans les discours inauguraux
de plusieurs présidents des Etats-Unis.
On y trouvait l’argument que le président
Van Buren avait commencé à écarter le
pays des conceptions de base des Pères
Fondateurs et que William Henry Harrison
y serait revenu s’il n’était pas mort.
2. Réduire de deux tiers le nombre des
membres du Congrès, avec un
représentant par million d’habitants.
Egalement réduire les salaires et le
pouvoir du Congrès.
3. Gracier beaucoup de personnes qui
étaient alors en prison, condamner les
petites infractions à des activités de
service public et transformer les
pénitenciers en «séminaires
d’enseignement» parce que «la rigueur et
l’incarcération ne feront jamais autant
pour réformer les penchants des
hommes, que la raison et l’amitié6».
4. Abolir l’esclavage pour 1850 en faisant
acheter et libérer les esclaves par le
gouvernement fédéral.
5. Abolir la cour martiale pour désertion et
tabler sur le sens de l’honneur.
6. Pratiquer une plus grande économie dans
le gouvernement de la nation et des Etats.
7. Créer une banque nationale avec des
succursales dans chaque Etat et territoire
et faire circuler un moyen d’échange
étalon.
(Maryland) pour proposer Joseph Smith comme président des Etats-Unis.
L’ O P P O S I T I O N S ’ I N T E N S I F I E
En dépit des efforts de l’Eglise dans le domaine des relations publiques,
l’opposition s’intensifia dans les premiers mois de 1844. Thomas Sharp attaqua à
plusieurs reprises l’Eglise et accusa ses dirigeants de tous les crimes imaginables. Il
désigna aussi le samedi 9 mars comme jour de jeûne et de prière du parti
antimormon dans le but de faire rapidement tomber le «faux prophète» Joseph
Smith. Le parti antimormon de Carthage mit sur pied une grande «chasse aux
loups» dans le comté de Hancock pour le même jour. Ces chasses étaient un sport
courant dans la région, mais dans ce cas et dans les cas ultérieurs, la chasse aux
loups n’était qu’un prétexte pour permettre à des émeutiers de se rassembler pour
harceler, piller et brûler les fermes des saints dans les endroits écartés.
Par contraste avec le comportement illégal du parti antimormon et du Warsaw
Signal, Joseph Smith unit ses efforts, ce printemps-là, à ceux du gouverneur Ford
pour établir des relations plus cordiales parmi les citoyens de l’ouest de l’Illinois. Un
éditorial du Nauvoo Neighbor invita tous les hommes honnêtes à se joindre au
gouverneur «dans ses efforts louables pour entretenir la paix et honorer les lois».
L’éditorial recommandait aux saints de traiter avec bonté ceux qui agissaient mal
envers eux et leur rappeler le proverbe du sage: «Une réponse douce calme la fureur»
(Proverbes 15:1). L’éditorial du Neighbor déclara que leur devise était «La paix avec
tous les hommes7». En dépit de ces ouvertures, Thomas Sharp continua ses attaques
par l’intermédiaire du Warsaw Signal et laissa entendre qu’il y avait un conflit entre
Joseph Smith et des membres de l’Eglise et qu’une rupture était imminente8.
Lorsqu’arriva le mois de mai 1844, les saints des derniers jours étaient une fois
de plus engagés dans un conflit apparemment inconciliable avec leurs voisins. Il y
avait beaucoup de raisons à cela: politiquement les saints étaient isolés de
272
CONFLITS CROISSANTS EN ILLINOIS
8. Révoquer l’article 4, section 4 de la
Constitution qui stipulait que le
gouverneur d’un Etat devait demander
l’intervention fédérale pour écraser les
violences domestiques, parce que les
gouverneurs eux-mêmes peuvent être des
émeutiers.
9. Eviter les «alliances compromettantes»
avec des puissances étrangères.
10. Accepter l’Oregon, le Texas et les autres
qui pourraient demander à appartenir à
l’union des Etats.
11. Avoir pour président un homme qui ne
serait pas un homme de parti mais qui
serait président des Etats-Unis et qui
serait sensible aux souhaits de la majorité
du peuple, lequel détient le pouvoir
souverain de gouvernement.
quasiment tous les autres en Illinois, les autres communautés étaient jalouses de la
croissance économique de Nauvoo et de son autonomie politique, beaucoup de
personnes en Illinois craignaient la puissance de la Légion de Nauvoo, les francsmaçons étaient perturbés par les rumeurs d’irrégularités de l’ordre maçonnique à
Nauvoo, et il y avait, dans la population, une répugnance généralisée à l’égard
d’enseignements et de pratiques particuliers aux mormons qui avaient été
présentés sous un faux jour par John C. Bennett et d’autres. En dépit de ces
facteurs, les saints auraient quand même pu maintenir la paix s’il n’y avait pas eu
l’apostasie qui se développait dans l’Eglise. Malheureusement, tout indiquait que
cela allait finir par de la violence. Le 29 mai 1844, Thomas Sharp dit à ses lecteurs
qu’il ne serait «pas surpris d’apprendre sous peu sa mort [de Joseph Smith]
violente9».
NOTES:
1. History of the Church, 4:341.
2. History of the Church, 5:4.
Nauvoo, Ill., John Taylor, 1844, département
d’histoire de l’Eglise, Salt Lake City, p. 6.
5. History of the Church, 6:188.
7. Dans B. H. Roberts, A Comprehensive
History of the Church of Jesus Christ of Latterday Saints, Century One, six vol., Salt Lake
City, The Church of Jesus-Christ of Latterday Saints, 1930, 2:218.
6. General Smith’s Views of the Powers and
Policy of the Government of the United States,
9. Warsaw Signal, 29 mai 1844, p. 2.
3. «State Gubernatorial Convention», Times
and Seasons, 1er janvier 1842, p. 651.
4. History of the Church, 6:152.
8. Voir Warsaw Signal, 8 mai 1844, p. 2.
273
CHAPITRE VINGT-DEUX
LE
Ligne du temps
Date
Evénement important
24 mars 1844 Joseph Smith révèle aux saints
qu’il y a une conspiration
contre lui
6 avril 1844
Joseph Smith contrecarre les
desseins des conspirateurs
lors de la conférence générale
7 juin 1844
Les conspirateurs publient le
seul et unique numéro du
Nauvoo Expositor
10 juin 1844
Le conseil municipal de
Nauvoo ordonne la destruction
de l’Expositor
18 juin 1844
Joseph Smith impose la loi
martiale à Nauvoo
22 juin 1844
Le gouverneur Ford insiste
pour que Joseph et Hyrum
Smith aillent à Carthage afin
de répondre aux accusations
portées contre eux
24 juin 1844
Joseph et Hyrum vont à
Carthage
27 juin 1844
Joseph et Hyrum sont
assassinés à Carthage par
des émeutiers
M A RT Y R E
A
LORS MÊME QU’IL COMMENÇAIT son ministère, le prophète
savait qu’il risquait de mourir pour sa religion. Tandis qu’il traduisait le
Livre de Mormon, le Seigneur lui promit la vie éternelle s’il était «ferme
à garder les commandements . . . même [s’il] devait être mis à mort» (D&A 5:22).
Un mois plus tard, le Seigneur parla de nouveau du risque de mort violente: «Et
même s’ils vous font ce qu’ils m’ont fait, vous êtes bénis car vous demeurerez avec
moi en gloire» (D&A 6:30). Toutefois le prophète reçut aussi des assurances
importantes concernant sa mission terrestre. Quelques années plus tard, dans la
prison de Liberty, le Seigneur lui promit: «Tes jours sont connus et tes années ne
seront pas diminuées; c’est pourquoi, ne crains pas ce que l’homme peut faire, car
Dieu sera avec toi pour toujours et à jamais» (D&A 122:9).
En 1840, la bénédiction que lui donna son père sur son lit de mort lui promit: «Tu
vivras assez longtemps pour finir ton oeuvre.» Là-dessus Joseph s’écria en
pleurant: ‹O mon père, est-ce vrai?› ‹Oui, dit son père, tu vivras assez pour mettre
sur pied le plan de toute l’oeuvre que Dieu t’a donnée à faire1.›» Joseph Smith,
écoutant l’inspiration de l’Esprit, mena vaillamment sa mission, subit le martyre et
se qualifia pour une récompense glorieuse; c’est ainsi que ces prophéties furent
accomplies.
PRÉMONITIONS
D E S A M O RT
Tout en poursuivant son ministère pendant la période de Nauvoo, le prophète
éprouvait de plus en plus, par l’Esprit, le pressentiment que son ministère terrestre
approchait de sa fin. Il exprima ses sentiments à ses plus proches collaborateurs, et
de temps en temps en parlait aux saints en général. Le 22 janvier 1843, devant une
large assemblée dans le temple inachevé de Nauvoo, Joseph parla de l’utilisation
qui était faite de la prêtrise pour établir le royaume de Dieu dans les derniers jours.
Il expliqua que la dotation du temple préparerait «les disciples pour leur mission
dans le monde». Parlant de son propre rôle, il déclara: «Je comprends ma mission
et mon travail. Le Dieu Tout-Puissant est mon bouclier, et que peut faire l’homme
si Dieu est mon ami? Je ne serai sacrifié que quand mon temps viendra. Alors je
serai offert volontairement2.»
Une des prophéties les plus directes et les plus émouvantes concernant son
martyre fut faite au printemps 1844 devant le Collège des douze apôtres. Voici le
souvenir qu’en a Orson Hyde: «Nous avons été en conseil avec frère Joseph
presque chaque jour pendant des semaines. Lors d’un de ces conseils, frère Joseph
Forces du mal, par Gary Smith
a dit: Quelque chose d’étrange va arriver; je ne sais pas ce que c’est, mais le
275
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Seigneur me demande de me hâter et de vous donner votre dotation avant que le
temple ne soit terminé. Il nous a fait passer toutes les ordonnances de la Sainte
Prêtrise, et quand il a terminé toutes les ordonnances, il s’est beaucoup réjoui et a
dit: Maintenant si on me tue, vous avez toutes les clefs et toutes les ordonnances
et vous pouvez les conférer à d’autres, et les hordes de Satan ne pourront pas
détruire le royaume aussi vite que vous pourrez l’édifier3.»
Comme tout le monde, le prophète voulait vivre. Il voulait profiter de la
compagnie de sa femme, jouer avec ses enfants, parler aux saints et fréquenter de
bonnes personnes. En dépit du fait qu’il savait qu’il allait probablement mourir
bientôt, c’était un homme qui aimait la vie. Il se réunissait souvent avec les saints,
et quelques-uns de ses plus grands sermons furent prononcés à quelques semaines
de son martyre.
C O N S P I R AT I O N
CONTRE LE PROPHÈTE
Si la plupart des saints qui vivaient dans la prospère Nauvoo étaient justes, il y
avait, et cela faisait un contraste marquant, l’apostasie qui se répandait parmi eux.
William Law, deuxième conseiller de Joseph Smith, et son frère Wilson menaient
la conspiration contre le prophète. Pendant les premiers mois de 1844, leurs
partisans augmentèrent peu à peu jusqu’à atteindre environ deux cents
personnes. Parmi les autres dirigeants, il y avait les frères Robert et Charles Foster,
Chauncey et Francis Higbee et deux non-mormons influents: Sylvester Emmons,
membre du conseil municipal de Nauvoo, et Joseph H. Jackson, délinquant
notoire.
Le dimanche 24 mars 1844, Joseph Smith parla au temple de la conspiration dont
un informateur venait de le mettre au courant. Il révéla l’identité de certains de ses
ennemis et ajouta: «Les mensonges que Higbee a inventés et sur lesquels il se base
sont – et c’est lui-même qui le dit – que j’ai fait couper la tête à des hommes au
Missouri et que j’ai fait transpercer, à l’aide d’un sabre, le coeur des gens que je
voulais tuer et écarter. Je ne vais pas les accuser sous serment pour obtenir un
mandat d’arrêt contre eux, car je ne crains aucun d’eux. Ils ne feraient pas peur à
une vieille poule en train de couver4.»
A la conférence générale d’avril, les conspirateurs essayèrent de provoquer la
chute du prophète. Assurés que la majorité des saints s’opposeraient au principe
du mariage plural, ils prirent leurs dispositions pour soulever le sujet lors de la
session d’affaires de conférence. Ils étaient aussi prêts à prétendre que Joseph
Smith était un prophète déchu parce que quasiment aucune révélation n’avait été
publiée et diffusée parmi les membres de l’Eglise au cours des mois précédents.
Pour contrecarrer les conspirateurs, le prophète témoigna au commencement de la
conférence qu’il n’était pas un prophète déchu, qu’il ne s’était jamais senti plus
proche de Dieu qu’à ce moment-là, et qu’il montrerait au peuple avant la fin de la
conférence que Dieu était avec lui5. Lors de la session du lendemain, il fit un
discours de deux heures, qui est maintenant connu sous le nom de discours sur
King Follett. En cette occasion, les fidèles furent témoins de la majesté de leur
prophète.
276
LE MARTYRE
L’ A F FA I R E
D E L’
EXPOSITOR
Les chefs de la conspiration furent démasqués dans le Times and Seasons et
excommuniés de l’Eglise. Voyant leurs plans contrecarrés, les dissidents
décidèrent de publier un journal d’opposition. Le premier et unique numéro de
leur journal, qui s’appelait Nauvoo Expositor, parut le 7 juin 1844. D’un bout à
l’autre du journal, ils accusèrent Joseph Smith d’enseigner des principes
corrompus, de pratiquer la débauche, d’être partisan de la doctrine dite des
femmes spirituelles, de rechercher le pouvoir politique, de prêcher qu’il y avait de
nombreux dieux, de parler de Dieu d’une manière blasphématoire et de
promouvoir une inquisition.
Le conseil municipal se réunit en de longues sessions le samedi 8 juin et de
nouveau le lundi suivant. Il suspendit Sylvester Simmons, un de ses membres, qui
ne faisait pas partie de l’Eglise et qui était le rédacteur de l’Expositor et discuta de
l’identité des éditeurs et de leurs intentions. Prenant pour autorité juridique le
célèbre juriste anglais William Blackstone et après avoir examiné divers codes
Le Nauvoo Expositor, publié le 7 juin 1844,
tenta de rallier les antimormons contre
l’Eglise à Nauvoo. L’interdiction du journal, la
destruction de la presse et la démolition
accidentelle du bâtiment furent à l’origine de
poursuites judiciaires contre Joseph Smith,
maire de Nauvoo, ce qui l’amena à se rendre
à Carthage.
municipaux, le conseil décida que le journal était une atteinte à la moralité
publique et qu’il calomniait des citoyens. Ils se dirent en outre que s’ils ne faisaient
rien pour mettre fin à cette feuille à scandale, les antimormons seraient poussés à
l’émeute.
En sa qualité de maire, Joseph Smith ordonna à John Greene, chef de la police
municipale, de détruire la presse, de disperser les caractères et de brûler les
journaux restants. L’ordre fut exécuté dans les heures qui suivirent. Le conseil
municipal avait agi légalement pour mettre fin à une atteinte à la moralité
publique, bien que l’opinion juridique de l’époque n’admît que la destruction des
numéros publiés du journal incriminé. La démolition de la presse était une
violation du droit de propriété6.
Après la destruction de la presse, les éditeurs se précipitèrent à Carthage et
obtinrent un mandat d’arrêt contre le conseil municipal de Nauvoo sur accusation
d’émeute. Mais les 13 et 14 juin, Joseph Smith et les autres membres du conseil
furent libérés suite à une audition en habeas corpus devant le tribunal municipal de
Nauvoo. Cela ne fit qu’augmenter la colère du public. En outre, en dépit du fait
que l’Illinois eût connu vingt destructions semblables de presses d’imprimerie au
cours des deux décennies précédentes sans qu’il n’y eût de réactions, les ennemis
de l’Eglise décrétèrent que l’incident de l’Expositor était une violation de la liberté
de la presse.
Ces mesures poussèrent des groupes de citoyens du comté de Hancock à
réclamer l’expulsion des saints de l’Illinois. Thomas Sharp exprima avec
véhémence les sentiments de beaucoup d’ennemis de l’Eglise quand il écrivit dans
son éditorial du Warsaw Signal: «La guerre et l’extermination sont inévitables!
Citoyens, LEVEZ-VOUS TOUS!!! – Pouvez-vous rester là à supporter ces DEMONS
DE L’ENFER!
DÉPOUILLER
des hommes de leurs biens et de leurs
DROITS,
sans les
venger? Nous n’avons pas le temps de faire des commentaires; chacun les fera luimême. QUE CELA SE FASSE AVEC LA POUDRE ET LES BALLES!!!7»
277
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
La situation était si dangereuse que Joseph Smith écrivit au gouverneur Ford
pour l’informer de la situation et y annexa beaucoup d’attestations pour expliquer
les menaces portées contre les saints. Hyrum Smith écrivit à Brigham Young que
les Douze et tous les autres anciens envoyés en mission politique devaient
immédiatement revenir à Nauvoo. Il déclara: «Vous savez que nous n’avons pas
peur, mais nous pensons que le mieux est d’être bien préparés et prêts pour
l’assaut8.» Joseph mobilisa ses gardes et la Légion de Nauvoo et, le 18 juin, déclara
la loi martiale dans la ville. Entre-temps les citoyens du comté de Hancock
demandaient au gouverneur Ford de mobiliser la milice de l’Etat et de faire
comparaître les contrevenants de Nauvoo devant la justice.
L’excitation était si intense que Ford publia une lettre ouverte appelant au calme,
puis se rendit à Carthage pour neutraliser une situation qui menaçait de dégénérer
en guerre civile. Il écrivit également à Joseph Smith en insistant sur le fait que seul
le procès des membres du conseil municipal devant un jury non mormon à
Carthage satisferait la population. Il promit une protection complète pour les
accusés, s’ils se livraient. Le prophète ne croyait pas que le gouverneur pouvait
tenir sa promesse. Il répondit: «On nous assure que des mandats ont été décernés
contre nous dans divers endroits du pays. Dans quel but? Pour nous traîner d’un
endroit à l’autre, d’un tribunal à l’autre, par ruisseaux et prairies, jusqu’à ce qu’un
bandit sanguinaire trouve l’occasion de nous abattre. Nous n’osons pas venir9.»
En réunion de conseil avec ses frères, Joseph Smith lut une lettre du gouverneur
qui paraissait ne manifester aucune pitié à leur égard, et ils réfléchirent à ce qu’il
allait falloir faire. Au cours des délibérations, le visage de Joseph s’éclaircit, et il
déclara: «La voie est ouverte! Je vois clairement ce qu’il faut faire. Tout ce qu’ils
veulent, c’est Hyrum et moi; alors dites à tout le monde de s’occuper de ses affaires
et de ne pas former de groupes, mais de se disperser . . . Nous traverserons le
fleuve cette nuit, et irons dans l’Ouest10.» Stephen Markham, ami intime de Joseph
Smith, assista au conseil, un conseil qui dura toute la nuit, et entendit Joseph Smith
dire que «c’était la voix de l’Esprit qui lui disait d’aller dans l’Ouest parmi les
indigènes, d’emmener Hyrum et plusieurs autres et de rechercher un endroit
pour l’Eglise11».
Tard le soir du 22 juin 1844, Joseph et Hyrum firent, dans les larmes, leurs adieux
à leurs familles et, en compagnie de Willard Richards et d’Orrin Porter Rockwell,
traversèrent le Mississippi dans un esquif. Celui-ci faisait tellement eau et le fleuve
avait tellement monté qu’il fallut la plus grande partie de la nuit pour arriver de
l’autre côté. Au petit matin, un détachement de cavalerie arriva à Nauvoo pour
arrêter Joseph et Hyrum mais ne les trouva pas. Il retourna à Carthage après avoir
menacé les citoyens d’une invasion de troupes si Joseph et Hyrum ne se livraient
pas. Le même matin, certains frères, qui étaient allés trouver Joseph, avancèrent
l’argument que les émeutiers chasseraient les saints de chez eux en dépit de son
départ. Joseph répondit: «Si ma vie n’a pas de valeur pour mes amis, elle n’en a
pas pour moi12!» Joseph et Hyrum prirent alors leurs dispositions pour revenir à
Nauvoo et se laissèrent arrêter le lendemain.
278
LE MARTYRE
JOSEPH
ET
HYRUM
VONT À
C A RT H A G E
La Harpe
Iowa
Territory
A son retour à Nauvoo, Hyrum accomplit la cérémonie de mariage de sa fille
Lovina avec Lorin Walker. Ce petit moment de joie précédait le chagrin qui allait
City of Nauvoo
Nauvoo Township
Missouri
bientôt s’abattre. Joseph voulut encore une fois parler aux saints, mais le temps
Fountain Green
Macedonia
Duncan
manquait. Il rentra auprès de sa famille, sachant parfaitement bien que c’était
probablement sa dernière soirée avec elle.
Carthage
Le lundi 24 juin à 6.30 heures du matin, Joseph, Hyrum, John Taylor et quinze
Warsaw
Warren
autres membres du conseil municipal de Nauvoo se mirent en route à cheval pour
Illinois
Carthage, accompagnés de Willard Richards et d’un certain nombre d’autres amis.
Augusta
Il pleuvait depuis des semaines, mais ce matin-là était ensoleillé et beau. S’arrêtant
devant l’emplacement du temple, le prophète contempla l’édifice sacré, puis la
ville et fit la réflexion: «Voici le plus beau lieu et le meilleur peuple qui soient sous
les cieux; ils ne se doutent guère des épreuves qui les attendent13.» Il dit aux saints
Nauvoo Road
Buchanan
Prison
Walnut
assemblés: «Si je n’y vais pas [à Carthage], le résultat sera la destruction de cette
ville et de ses habitants; et je ne peux pas m’imaginer mes frères et soeurs bienaimés et leurs enfants passer de nouveau à Nauvoo par ce qu’ils ont connu au
rs
Wa
Ra
aw
d
ro a
and Carthage State Road
Main Street
Tribunal
Hamilton
Public Square Hotel
Street
Wabash
il
Cherry
Missouri; non, il vaut mieux que votre frère, Joseph, meure pour ses frères et
soeurs, car je suis disposé à mourir pour eux. Mon oeuvre est terminée14.»
Vers dix heures environ, le groupe arriva à une ferme située à environ six
kilomètres à l’ouest de Carthage, où il rencontra une compagnie de soixante
cavaliers de la milice de l’Illinois. Le capitaine Dunn présenta un ordre du
Locust
gouverneur Ford exigeant que toutes les armes de l’Etat entre les mains de la
Légion de Nauvoo fussent livrées. A la demande de Dunn, Joseph accepta de
retourner à Nauvoo pour empêcher toute résistance. Joseph envoya ensuite un
mot pour expliquer son retard au gouverneur qui était à Carthage. Avant de
Carthage était le siège du comté de
Hancock et l’endroit où se trouvait la prison
du comté. Un grand nombre d’émeutiers
faisaient partie de la milice de l’Etat qui avait
été relevée de ses fonctions et s’était rendue
à Carthage par la route de Warsaw.
retourner à Nauvoo, il prophétisa: «Je vais comme un agneau à l’abattoir, mais je
suis calme comme un matin d’été. J’ai la conscience libre de toute offense envers
Dieu et envers tous les hommes. Si l’on m’ôte la vie, je mourrai innocent, et mon
sang criera vengeance de dessous la terre, et l’on dira de moi: ‹Il fut assassiné de
sang froid15!›»
A son retour à Nauvoo, Joseph commanda que trois petits canons et quelque
deux cents armes à feu fussent livrés à la milice. Cette mesure ranima le souvenir
atroce du désarmement des mormons qui avait précédé le massacre au Missouri.
Le prophète eut aussi une nouvelle occasion de faire ses adieux à sa famille. Il
partit pour Carthage à six heures du soir.
Le 24 juin à minuit moins cinq, le capitaine Dunn et sa compagnie de soixante
cavaliers de la milice d’Augusta entraient à Carthage avec Joseph et Hyrum Smith
et les membres du conseil municipal de Nauvoo, prisonniers volontaires. Joseph et
Hyrum étaient las de fuir, de se cacher et d’être menacés d’assassinat. Néanmoins,
lorsqu’ils entrèrent à cheval en ville, les frères avaient un aspect imposant—le
prophète, trente-huit ans et Hyrum, quarante-quatre—tous les deux hommes de
haute taille qui dominaient la plupart des autres.
279
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
La Hamilton House était une auberge où
Joseph et Hyrum logèrent lorsqu’ils se
rendirent à Carthage et où leurs corps furent
portés après le martyre.
Carthage était dans un état indescriptible. Des groupes de citoyens et de
fermiers furieux de tout l’ouest de l’Illinois avaient réclamé à cor et à cri
l’arrestation du prophète mormon. Ils étaient maintenant avides de voir les
prisonniers. Parmi les émeutiers, il y avait plus de quatorze cents hommes
indisciplinés de la milice, entre autres les Carthage Greys locaux. Toute la journée,
des groupes importants avaient parcouru la ville, buvant et se bagarrant. Ils
voulaient mettre la main sur les frères Smith. Grâce aux efforts du capitaine Dunn,
les prisonniers furent mis en sécurité à l’hôtel Hamilton House. Les Greys
continuèrent à réclamer à cor et à cri pour voir Joseph Smith. Finalement le
gouverneur Ford passa la tête par la fenêtre et calma la foule en annonçant que
l’on ferait passer le lendemain M. Smith devant les troupes.
Tôt le lendemain, Joseph et ses frères se livrèrent au policier David Bettisworth
sur l’accusation originelle d’émeute. Joseph et Hyrum furent presque
immédiatement accusés de trahison contre l’Etat d’Illinois pour avoir déclaré la loi
martiale à Nauvoo. A 8.30 heures ce matin-là, le gouverneur convoqua les troupes
sur la place publique où il les harangua. Il leur dit que les prisonniers étaient des
hommes dangereux et peut-être coupables, mais qu’ils étaient maintenant entre
les mains de la loi, et que la loi devait suivre son cours. Ses paroles ne firent
qu’augmenter la rage des soldats. Joseph et Hyrum furent alors promenés devant
les troupes où ils subirent beaucoup d’insultes vulgaires et de menaces de mort.
Cet après-midi-là, à quatre heures, une audience préliminaire eut lieu devant
Robert F. Smith, juge de paix, qui était aussi capitaine des Carthage Greys et qui
agissait dans le parti antimormon. Chaque membre du conseil municipal de
Nauvoo fut libéré avec une caution de cinq cents dollars et reçut ordre de
comparaître lors de la session suivante du tribunal du circuit. La plupart des
accusés partirent alors pour Nauvoo, mais Joseph et Hyrum restèrent pour un
entretien avec le gouverneur Ford. Ce soir-là, un policier se présenta avec un
mandat de dépôt signé par le juge Smith pour garder Joseph et Hyrum en prison
jusqu’à ce qu’ils pussent être jugés pour trahison, crime capital. Joseph et ses
280
LE MARTYRE
La prison fut commencée en 1839 et
terminée deux ans plus tard pour le prix de
4 105 $. Elle fut utilisée pendant vingt-cinq
ans environ. Plus tard, elle servit de
résidence privée et devint une des plus
belles maisons de Carthage. Sous la
direction de Joseph F. Smith, l’Eglise acheta,
en 1903, le bâtiment et le terrain pour 4 000
$. En 1938, l’Eglise restaura le bâtiment.
1. Endroit où tomba Hyrum Smith après avoir
été touché à la figure par la balle qui
pénétra par la porte. Cette chambre était
aussi la chambre à coucher du geôlier.
2. Willard Richards se trouvait derrière la
porte et essaya de repousser les
attaquants avec une canne.
3. John Taylor se glissa en dessous du lit
après avoir été blessé.
4. Le prophète tomba de la fenêtre du
premier étage et atterrit auprès du puits,
ayant été touché par quatre balles qui le
tuèrent.
5. Dans cette chambre se trouvait une cellule
pour les prisonniers; on appelait cet
endroit le cachot, ou cellule pour les
criminels.
6. Cuisine d’été et véranda utilisées par le
geôlier et sa famille.
7. La salle de séjour se trouvait au rez-dechaussée.
8. La salle-à-manger se trouvait au rez-dechaussée.
9. La cellule des débiteurs se trouvait du côté
nord-ouest du rez-de-chaussée. Cette
salle était utilisée pour enfermer les
prisonniers accusés d’une infraction moins
grave.
5
1
3
2
4
9
6
8
7
avocats protestèrent en disant que le mandat de dépôt était illégal puisque cette
accusation n’avait pas été mentionnée à l’audience. Leur plainte fut portée devant
le gouverneur, mais il dit qu’il ne pouvait pas interrompre un officier civil dans
l’exercice de son devoir.
En sa capacité de capitaine des Greys, le juge Smith envoya ses soldats exécuter
le mandat de dépôt qu’il avait délivré en tant que juge de paix. Joseph et Hyrum
furent poussés jusqu’à la prison de Carthage au milieu d’une grande cohue dans
les rues. Huit de leurs amis les accompagnèrent, dont John Taylor et Willard
Richards. Dan Jones, avec sa canne, et Stephen Markham, avec sa badine en noyer,
qu’il appelait le «batteur de bandits» marchaient de part et d’autre du prophète et
de son frère, repoussant la foule ivre. Il se révéla que la prison de pierre était
l’endroit le plus sûr de la ville. Plusieurs amis de Joseph et de Hyrum eurent la
permission de loger avec eux.
Le lendemain, 26 juin, une audience fut tenue sur l’accusation de trahison.
Aucun témoin n’était présent pour les accusés; étant donné que la trahison était
une accusation qui ne permettait pas la libération sous caution, ils durent rester en
prison jusqu’à ce qu’une nouvelle audience pût avoir lieu le 29 juin. Certains frères
rencontrèrent le gouverneur Ford et lui dirent que s’ils allaient à Nauvoo, Joseph
et Hyrum ne seraient pas en sécurité à Carthage. Ford promit d’emmener Joseph
et Hyrum. Joseph passa l’après-midi à dicter à son secrétaire, Willard Richards,
tandis que Dan Jones et Stephen Markham travaillaient avec un canif la porte
faussée de leur chambre de prison pour pouvoir la fermer à clef en vue d’une
attaque possible.
281
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Cette nuit-là, Willard Richards, John Taylor et Dan Jones restèrent en prison avec
Joseph et Hyrum. Ils prièrent ensemble et lurent dans le Livre de Mormon. Joseph
rendit son témoignage aux gardes. Beaucoup plus tard, Joseph était couché sur le
sol à côté de Dan Jones, capitaine de bateau fluvial. «Joseph chuchota à Dan Jones:
‹Avez-vous peur de mourir?› Dan dit: ‹Ce moment est venu, pensez-vous?
Engagés comme nous le sommes dans une telle cause, je ne pense pas que la mort
recèlerait beaucoup de terreurs.› Joseph répondit: ‹Vous verrez un jour le pays de
Galles [pays natal de Jones] et accomplirez avant de mourir la mission qui vous a
été désignée16.› Frère Jones accomplit plus tard la prophétie en faisant une
excellente mission au pays de Galles.
Vers minuit, plusieurs hommes entrèrent dans la prison et commencèrent à
monter les marches vers la chambre des prisonniers. Un des frères saisit une arme
qui avait été passée en fraude dans leur chambre au cours de la journée. Les
émeutiers, qui se tenaient à côté de la porte, les entendirent bouger et hésitèrent.
«Le prophète ‹avec une voix de prophète› s’écria: ‹Allons, assassins, nous sommes
prêts à vous recevoir, et sommes aussi disposés à mourir maintenant que pendant
Dan Jones (1811-1862) naquit au Flintshire
(pays de Galles) et émigra plus tard en
Amérique, où il devint membre de l’Eglise. Il
accomplit une promesse prophétique que le
prophète lui fit dans la prison de Carthage,
en faisant une mission au pays de Galles de
1845 à 1849. Il écrivit et traduisit des
publications de l’Eglise pour les Gallois et
contribua à amener deux mille convertis dans
l’Eglise.
En 1852, il fut de nouveau appelé au pays
de Galles et devint président de mission en
1854; pendant ce temps, il accomplit de
nouveau une grande oeuvre parmi le peuple
de son pays natal.
le jour›17.» Les émeutiers battirent en retraite.
LA
TRAGÉDIE DE
C A RT H A G E
Le lendemain matin, jeudi 27 juin, «Joseph pria Dan Jones de descendre
demander au garde ce qui avait causé les perturbations de la nuit. Frank Worrell,
officier de la garde, qui était l’un des Carthage Greys, dit sur un ton très agressif:
‘Nous avons eu trop de mal pour amener le vieux Joe jusqu’ici pour le laisser
jamais s’échapper vivant, et si vous ne voulez pas mourir avec lui vous feriez
mieux de partir avant le coucher du soleil; . . . et vous verrez que je peux mieux
prophétiser que le vieux Joe . . . ‘
«Joseph dit à Jones de se rendre auprès du gouverneur Ford et de l’informer de
ce que l’officier de la garde lui avait dit. Tandis qu’il se rendait auprès du
gouverneur Ford, Jones vit un groupe d’hommes et entendit l’un d’eux, qui était
apparemment un meneur, faire un discours dans lequel il disait: ‹Nos troupes
seront relevées ce matin conformément aux ordres, et nous ferons semblant de
quitter la ville; mais cet après-midi, quand le gouverneur et les troupes de
McDonough seront parties pour Nauvoo, nous reviendront tuer ces hommes,
même si nous devons démolir la prison.› Cette proposition fut accueillie par un
triple hourra de la foule.
“Le capitaine Jones se rendit auprès du gouverneur, lui dit ce qui s’était passé
pendant la nuit, ce que l’officier de garde avait dit, et ce qu’il avait entendu
pendant qu’il se rendait auprès de lui, et le sollicita instamment de détourner le
danger.
“Son Excellence répondit: ‹Vous vous alarmez sans nécessité pour la sécurité de
vos amis, monsieur. Le peuple n’est pas cruel à ce point.›
“Irrité de cette réflexion, Jones insista sur la nécessité de mettre de meilleurs
hommes pour les garder que des gens qui affirmaient vouloir être des assassins . . .
282
LE MARTYRE
“ . . . Jones fit la réflexion: ‹Si vous ne faites pas cela, je n’ai plus qu’un seul
désir . . .
“ . . . ‹Que le Tout-Puissant préserve ma vie jusqu’au moment et au lieu
appropriés pour que je puisse témoigner que vous avez été averti en temps utile
du danger dans lequel ils se trouvaient . . . ›
“ . . . Des menaces furent portées contre la vie de Jones, et Chauncey L. Higbee
lui dit dans la rue: ‹Nous sommes décidés à tuer Joe et Hyrum, et vous feriez
mieux de vous en aller pour vous sauver18.›”
Ce matin-là, Joseph écrivit à Emma: «Je suis tout à fait résigné à mon sort,
sachant que je suis justifié et que j’ai fait du mieux que je pouvais. Transmets mon
Le prophète utilisa ce six-coups appelé
«poivrier» pour se défendre ainsi que ses
compagnons de prison.
John S. Fullmer apporta ce pistolet à un
coup, mais les prisonniers ne l’utilisèrent pas.
amour aux enfants et à tous les amis . . . Que Dieu vous bénisse tous19.» Il envoya
aussi une lettre à Orville H. Browning, homme de loi bien connu, lui demandant
de venir le défendre. Peu de temps après, ses amis, à l’exception de Willard
Richards et de John Taylor, furent obligés de quitter la prison.
Contrairement à sa promesse, le gouverneur Ford partit ce matin-là pour
Nauvoo sans Joseph ni Hyrum, se faisant plutôt accompagner par les dragons du
capitaine Dunn, originaires du comté de McDonough, les seules troupes qui
avaient fait preuve de neutralité dans toute cette affaire. En chemin, il envoya à
toutes les autres troupes qui se trouvaient à Carthage et à Warsaw l’ordre de
retourner dans leurs foyers, à l’exception d’une compagnie de Carthage Greys
pour garder la prison. Les Greys étaient les ennemis les plus hostiles de Joseph et
on ne pouvait pas compter sur eux pour le protéger. Ils faisaient partie d’une
conspiration pour feindre de défendre les prisonniers lorsque des ennemis du
prophète prendraient plus tard la prison d’assaut.
A Nauvoo, Ford prononça un discours insultant. Il dit: «On a commis un grand
crime en détruisant la presse de l’Expositor et en décrétant la loi martiale dans la
ville, et il faudra qu’il y ait une expiation sévère; préparez-vous donc l’esprit pour
cette grave situation. Une autre cause d’agitation vient du fait que vous avez
tellement d’armes. Le public craint que vous les utilisiez contre le gouvernement.
Je sais qu’il y a beaucoup de préjugés contre vous à cause de votre étrange religion,
mais vous devriez être des saints qui prient et non des saints militaires20.»
Entre-temps, le colonel Levi Williams, de la milice de Warsaw, lisait à ses
hommes l’ordre de licenciement pris par le gouverneur. Thomas Sharp harangua
ensuite les hommes et les invita à marcher sur Carthage. Il y eut des cris pour que
des volontaires aillent tuer les Smith. Certains des hommes se déguisèrent en se
couvrant le visage de boue mélangée de poudre à canon et se mirent en route pour
Carthage.
A la prison, les quatre frères mouraient de chaud dans la chaleur étouffante de
l’après-midi. Joseph remit à Hyrum un pistolet à un coup et se prépara à se
défendre avec le six-coups introduit ce matin-là par Cyrus Wheelock.
Profondément déprimés, les frères demandèrent à John Taylor de chanter un
cantique populaire intitulé «Je rencontrais sur mon chemin», qui traitait d’un
étranger malheureux, lequel se révéla finalement être le Sauveur. Joseph demanda
283
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Martyre de Joseph et de Hyrum,
par Gary Smith
Mort du prophète, par Gary Smith
Montre et canne de John Taylor
à John de le chanter de nouveau, ce qu’il fit. Etant donné la situation dans laquelle
ils se trouvaient, un des versets est particulièrement touchant:
Plus tard je le vis en prison
devant mourir le lendemain.
Je criai: «Noire trahison!»
Pour le défendre, mais en vain.
284
LE MARTYRE
Il dit alors pour m’éprouver:
«Veux-tu mourir pour me sauver?»
Terribles mots! Ma chair frémit,
Mais mon esprit répondit «Oui!21».
A quatre heures de l’après-midi, la garde de la prison fut changée. Frank Worrell,
qui avait menacé Joseph Smith ce matin-là, était alors le responsable. Quelques
minutes après cinq heures, un groupe d’une centaine d’émeutiers au visage noirci
arriva en ville et se dirigea vers la prison. Les prisonniers entendirent une bagarre
au rez-de-chaussée suivie du cri «Rendez-vous» et trois ou quatre coups de feu. Le
prophète et les autres se précipitèrent sur la porte pour repousser les assaillants
qui avaient monté les escaliers et poussaient leurs fusils à travers la porte à moitié
fermée. John Taylor et Willard Richards tentèrent de dévier les mousquets avec
leurs cannes. Une balle tirée à travers le panneau de la porte toucha Hyrum du
côté gauche du visage, et il tomba en disant: «Je suis mort!» Joseph, se penchant
Willard Richards (1804-54) fut ordonné
apôtre en 1840 et fut un des secrétaires
personnels de Joseph Smith. Il fut également
appelé comme historien en 1842 et greffier
général de l’Eglise en 1845. A la suite de ce
qu’il vécut à Carthage, il écrivit l’émouvant
récit “Deux minutes en prison”. En 1847, il
devint deuxième conseiller de Brigham Young
et remplit ce poste jusqu’à sa mort.
sur Hyrum, s’exclama: «O cher frère Hyrum!» John Taylor dit que l’expression de
douleur qu’il vit sur le visage de Joseph s’imprima à jamais dans son esprit. Joseph
s’approcha alors de la porte, passa le revolver dans l’encadrement et déchargea
son six-coups dans le couloir plein de monde. Trois seulement des six coups
partirent, blessant trois assaillants.
Les coups de feu ne retardèrent les assassins qu’un instant. John Taylor tenta de
sauter par la fenêtre mais fut touché. Un coup de feu tiré d’en bas traversa la
fenêtre et toucha la montre dans son gousset, l’arrêtant à cinq heures seize et le
renvoyant dans la pièce. Il tomba sur le sol et fut de nouveau touché au poignet
gauche et sous le genou gauche. Tandis qu’il roulait sur lui-même pour se réfugier
sous le lit, il fut de nouveau atteint depuis l’escalier, la balle lui arrachant la chair
à la hanche gauche. Son sang éclaboussa le sol et le mur. «Joseph, voyant qu’il n’y
avait pas de sécurité dans la pièce», essaya de fuir de la même manière. Les
émeutiers tirèrent immédiatement sur lui, et il tomba mortellement blessé par la
fenêtre ouverte en s’exclamant: «O Seigneur, mon Dieu!» Les émeutiers qui étaient
dans l’escalier se précipitèrent dehors pour s’assurer que Joseph Smith était mort22.
Willard Richards était le seul à être indemne, une balle lui ayant simplement
effleuré l’oreille. Précédemment Joseph avait prophétisé en la présence de Willard
qu’il se trouverait au milieu d’une pluie de balles et qu’il en sortirait indemne. Ce
n’est qu’alors que Willard comprit pleinement ce que Joseph avait voulu dire. Il
traîna John Taylor, grièvement blessé, dans la pièce suivante, le posa sur de la paille
et le couvrit d’un vieux matelas sale. Frère Taylor fut convaincu que ce fut la paille
qui lui sauva la vie en contribuant à faire arrêter le saignement. Entre-temps,
John Taylor (1808-87), membre du Collège
des Douze depuis le 19 décembre 1838, fut
grièvement blessé à Carthage. Willard
Richards et lui devinrent témoins
apostoliques de l’effusion du sang innocent
de Joseph et de Hyrum Smith. John Taylor
présida l’Eglise à partir du 29 août 1877, date
de la mort de Brigham Young, jusqu’à sa
propre mort, le 25 juillet 1887.
Willard, s’attendant à être tué d’un moment à l’autre, fut surpris lorsque les
émeutiers s’enfuirent et le laissèrent seul avec ses camarades morts et blessés.
Samuel Smith, frère du prophète, entendit parler des menaces de mort contre
ses frères et se hâta de se rendre à Carthage. Il y arriva ce soir-là, physiquement
épuisé, ayant été pourchassé par les émeutiers. Suite aux efforts épuisants qu’il dut
fournir dans cette poursuite, qui était une question de vie ou de mort pour lui,
285
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Samuel contracta une fièvre qui causa sa mort le 30 juillet. A Carthage, Samuel aida
frère Richards à déplacer les corps de ses frères martyrisés jusqu’à la Hamilton
House. Après l’enquête du coroner, Willard Richards écrivit aux saints de Nauvoo:
«Joseph et Hyrum sont morts23.»
Les émeutiers s’enfuirent à Warsaw, leur ville d’origine, puis, craignant les
représailles des mormons, traversèrent le fleuve et passèrent au Missouri. Le
gouverneur Ford apprit l’assassinat peu après son départ de Nauvoo pour
retourner à Carthage. Quand il arriva, il exhorta les quelques citoyens qui restaient
à évacuer la ville et fit déménager les registres du comté à Quincy pour les mettre
en sécurité. Rien de tout cela n’était nécessaire. Quand les saints apprirent la mort
Joseph Smith et sa famille s’installèrent en
août 1843 dans la Mansion House. Plus tard,
une aile fut ajoutée du côté est du bâtiment
principal, lui donnant l’aspect d’un L avec un
total de vingt-deux pièces. A partir de janvier
1844, Ebenezer Robinson géra la Mansion
House comme un hôtel. Le prophète
conserva six pièces pour lui-même et pour
sa famille.
de leurs dirigeants bien-aimés, ils furent remplis de chagrin plutôt que du désir de
vengeance.
Le matin du 28 juin 1844, les corps des dirigeants tués furent chargés sur deux
chariots, couverts de branches pour les protéger contre le soleil brûlant de l’été et
conduits à Nauvoo par Willard Richards, Samuel Smith et Artois Hamilton. Les
chariots quittèrent Carthage vers 8 heures du matin et arrivèrent à Nauvoo vers 3
heures de l’après-midi où une grande foule les accueillit. Les corps furent exposés
publiquement le lendemain à la Mansion House tandis que des milliers de
personnes défilaient silencieusement devant les cercueils. Le choc des décès fut
terrible pour les familles des martyrs. Joseph et Hyrum furent enterrés en secret
dans le sous-sol de la Nauvoo House pour que ceux qui voulaient obtenir la
récompense promise pour la tête de Joseph ne puissent pas trouver les cadavres.
Des funérailles publiques eurent lieu et des cercueils remplis de sable furent
ensevelis au cimetière de Nauvoo. Pendant des semaines, les saints furent
endeuillés par la tragédie de Carthage.
GRANDEUR
DE
JOSEPH SMITH
John Taylor, qui survécut miraculeusement à Carthage, écrivit le récit de
l’événement et un éloge du prophète que l’on trouve dans Doctrine et Alliances
135. «Joseph Smith, le prophète et voyant du Seigneur, a fait plus, à l’exception
unique de Jésus, pour le salut des hommes dans ce monde, que n’importe quel
autre homme qui y ait jamais vécu» (v. 3). Il ajouta que les noms de Joseph et de
Hyrum Smith « seront classés parmi les martyrs de la religion, et les lecteurs de
toutes les nations se souviendront que le Livre de Mormon et ce livre des Doctrine
et Alliances de l’Eglise coûtèrent le meilleur sang du dix-neuvième siècle, pour les
faire paraître pour le salut d’un monde ruiné» (v. 6). Le martyre, dit-il, accomplit
un but spirituel important: Joseph «fut grand dans sa vie et dans sa mort aux yeux
de Dieu et de son peuple. Et comme la plupart des oints du Seigneur dans les
temps anciens, il a scellé sa mission et ses oeuvres de son propre sang, de même
que son frère Hyrum. Ils n’étaient pas divisés dans la vie, et ils ne furent pas
séparés dans la mort!» (v. 3).
Joseph Smith ne vécut que trente-huit ans et demi, mais ce qu’il accomplit au
Masques mortuaires de Joseph et de
Hyrum Smith
286
service de l’humanité est incalculable. Outre qu’il traduisit le Livre de Mormon, il
reçut des centaines de révélations, dont beaucoup sont publiées dans les Doctrine
LE MARTYRE
et Alliances et la Perle de Grand Prix. Il dévoila des principes éternels dans un
patrimoine de lettres, de sermons, de poésie et d’autres écrits inspirés qui remplit
des volumes entiers. Il installa l’Eglise rétablie de Jésus-Christ sur la terre, fonda
une ville et supervisa la construction de deux temples. Il introduisit les
ordonnances par procuration pour les morts et rétablit les ordonnances du temple
grâce auxquelles les familles dignes pouvaient être scellées pour l’éternité par la
prêtrise. Il fut candidat à la présidence des Etats-Unis, puis juge, maire de Nauvoo
et général de corps d’armée de la Légion de Nauvoo.
Josiah Quincy, citoyen éminent de la Nouvelle-Angleterre qui devint plus tard
maire de Boston, rendit visite à Joseph Smith deux mois avant le martyre. Bien des
années plus tard, il écrivit un livre sur les personnalités qui l’avaient le plus
impressionné au cours de sa vie. A propos de Joseph Smith, il écrivit: «Il n’est pas
du tout impossible que quelque futur livre à l’usage de générations non encore
nées, contienne une question de ce genre-ci: Quel Américain historique du dixneuvième siècle a exercé l’influence la plus puissante sur le destin de ses
compatriotes? Et il n’est pas du tout impossible que la réponse à cette question soit
Joseph Smith, le prophète mormon24.»
NOTES:
1. Lucy Mack Smith, History of Joseph Smith,
éd. Preston Nibley, Salt Lake City, Bookcraft,
1958, pp. 309-310.
2. Journaux de Wilford Woodruff , 22 janv.
1843, département d’histoire de l’Eglise, Salt
Lake City; voir aussi Richard Lloyd
Anderson, «Joseph Smith’s Prophecies of
Martyrdom», dans Sidney B. Sperry
Symposium, 1980, université Brigham Young,
1980, pp. 1-14.
3. Dans «Trial of Elder Rigdon», Times and
Seasons, 15 septembre 1844, p. 651.
4. Journaux de Wilford Woodruff, 24 mars
1844.
5. Voir Journaux de Wilford Woodruff, 6
avril 1844.
13. History of the Church, 6:554.
14. Dan Jones, dans «The Martyrdom of
Joseph Smith and His Brother Hyrum»,
Ronald D. Dennis, trans., dans Brigham
Young University Studies, hiver 1984, p. 85.
15. History of the Church, 6:555; voir aussi
Doctrine et Alliances 135:4.
16. History of the Church, 6:601.
17. Lettre de Dan Jones à Thomas Bullock,
20 janvier 1855, dans «The Martyrdom of
Joseph and Hyrum Smith», citée dans
Brigham Young University Studies, hiver 1984,
p. 101.
18. History of the Church, 6:602-4.
19. History of the Church, 6:605.
20. Dans History of the Church, 6:623.
6. Voir Dallin H. Oaks, «The Suppression of
the Nauvoo Expositor», Utah Law Review,
hiver 1965, pp. 890-91.
21. History of the Church, 6:615; ou Cantiques,
n°17.
7. Warsaw Signal, 12 juin 1844, p. 2.
22. History of the Church, 6:617-18.
8. History of the Church, 6:487.
23. Dans History of the Church, 6:621-22; voir
aussi Dean Jarman, “The Life and
Contributions of Samuel Harrison Smith”,
mémoire de licence, université Brigham
Young, 1961, pp. 103-5.
9. History of the Church, 6:540.
10. History of the Church, 6:545-46.
11. Lettre de Stephen Markham à Wilford
Woodruff à Fort Supply, Wyoming, 20 juin
1856, département d’histoire de l’Eglise, Salt
Lake City, p. 1.
12. History of the Church, 6:549.
24. Josiah Quincy, Figures of the Past from the
Leaves of Old Journals, 5e éd., Boston, Roberts
Brothers, 1883, p. 376.
287
CHAPITRE VINGT-TROIS
LES DOUZE
Ligne du temps
Date
Evénement important
3 août 1844
Arrivée de Sydney Rigdon de
Pittsburgh à Nauvoo avec la
prétention d’être «tuteur» de
l’Eglise
E M P O RT E N T L E R OYA U M E
A
VEC LA MORT de Joseph Smith, la Première Présidence de l’Eglise
était dissoute. Pleurant leur dirigeant décédé, les saints se demandèrent
qui allait maintenant diriger l’Eglise. Sidney Rigdon, qui avait quitté
Nauvoo plus tôt cette année-là, reparut le 3 août dans la ville et affirma qu’il devait
6 août 1844
Arrivée à Nauvoo de membres
des Douze qui étaient dans
l’Est
être nommé «tuteur» de l’Eglise. En l’absence de la plupart des Douze, qui étaient
8 août 1844
Transfiguration de Brigham
Young devant le peuple et
soutien des Douze comme
collège président de l’Eglise
obtint un certain soutien pour ses prétentions. Une réunion fut convoquée pour le
toujours sur le chemin du retour de leur mission dans l’Est vers Nauvoo, Sidney
8 août pour en discuter.
UN
MOIS DE CHAGRIN
Lorsque Joseph Smith fut assassiné, un chagrin profond s’abattit sur la ville de
Nauvoo. Lorsque les saints d’autres branches de l’Eglise apprirent le martyre, ils
s’affligèrent aussi. Seule l’arrivée du Collège des Douze et la direction ferme qu’il
apporta à l’Eglise dissipèrent graduellement cette ambiance déprimante. Les
Douze, à l’exception de John Taylor et de Willard Richards, étaient en mission dans
l’Est au moment du martyre. Bien que Joseph leur eût écrit en juin pour les
rappeler pendant la crise de l’Expositor, ils ne reçurent ses instructions qu’après le
martyre. Mais dans les trois semaines tout le monde était au courant de la tragique
nouvelle et retournait en hâte à Nauvoo.
Le plus grand exploit réalisé à Nauvoo entre le martyre et le retour des apôtres
fut le maintien de la paix. Alors que les citoyens de l’ouest de l’Illinois craignaient
des représailles, les saints obéirent à John Taylor et à Willard Richards, qui leur
disaient de rester calmes et de laisser les autorités gouvernementales trouver les
meurtriers. Trois jours après la tragédie de Carthage, frère Richards écrivit à
Brigham Young: «Les saints ont supporté cette épreuve avec une grande force
d’âme et beaucoup de patience. Ils doivent maintenant garder la tête froide. Nous
nous sommes engagés à ne pas poursuivre les assassins pour le moment, mais à
laisser cela au gouverneur Ford . . . La vengeance est dans les cieux1.» Le conseil
municipal recommanda aussi aux résidents: «Soyez des citoyens paisibles et
tranquilles, accomplissant les oeuvres de la justice, et dès que les Douze et d’autres
autorités pourront s’assembler, ou une majorité d’entre eux, la poursuite du grand
rassemblement d’Israël et la consommation finale de la dispensation de la
Thomas Ford (1800-50) naquit en
Pennsylvanie et grandit en Illinois, où il fit des
études de droit. Il fut procureur général
d’Illinois, puis juge de circuit et juge à la cour
suprême de l’Illinois. Il fut gouverneur de
l’Illinois de 1842 à 1846.
288
plénitude des temps seront indiquées2.»
John Taylor, gravement blessé à la prison de Carthage, revint le 2 juillet à
Nauvoo. Pendant tout le mois, son état s’améliora régulièrement, mais il dut
garder le lit. En dépit de son invalidité, il aida frère Richards à diriger l’Eglise
LES DOUZE EMPORTENT LE ROYAUME
jusqu’au retour du reste des Douze. Frère Richards et frère Taylor écrivirent
ensemble aux nombreux saints de Grande-Bretagne et expliquèrent: «L’action des
saints a été d’une nature tout à fait pacifique, nous souvenant que Dieu a dit: ‹A
moi la vengeance, à moi la rétribution› . . .
“Ces serviteurs de Dieu sont allés au ciel par le feu, le feu d’émeutiers impies.
Comme les prophètes des temps anciens, ils ont vécu aussi longtemps que le
monde les a acceptés; et c’est là une des fournaises dans lesquelles les saints
devaient être mis à l’épreuve, de voir leurs dirigeants retranchés du milieu d’eux
et de ne pas avoir la permission de venger leur sang3.”
William W. Phelps, éditeur de l’Eglise, conseiller municipal et secrétaire du
prophète, contribua immensément à maintenir l’ordre dans la ville. Depuis son
retour dans l’Eglise en 1842, frère Phelps avait cherché infatigablement à édifier le
royaume et avait aidé le prophète dans un certain nombre de projets importants
tels que la publication du livre d’Abraham et la campagne présidentielle. Il fut
l’orateur principal lors du service funèbre de Joseph et de Hyrum. Il aida ensuite
les frères Taylor et Richards au cours de cette période transitoire critique. En tant
que poète, il écrivit en mémoire du prophète des vers qui devinrent plus tard un
des cantiques préférés de l’Eglise:
Gloire à celui qui a vu Dieu le Père
Et que Jésus a choisi pour voyant.
En cette dispensation dernière,
Il est béni du fidèle croyant.
Au grand prophète, la belle victoire!
Nul être ne pourra troubler son repos.
C’est dans les cieux qu’il recueille la gloire,
Lui, qui mérite le nom de héros4.
Dans le mois, les saints connurent une nouvelle tragédie: la mort de Samuel H.
Smith, frère de Joseph et de Hyrum. Samuel avait été un des premiers saints à
arriver à Carthage après le martyre. Il s’était enfui devant les ennemis de l’Eglise
pour rejoindre ses frères à Carthage, et ce fut pour les retrouver morts.
L’épuisement l’affaiblit physiquement. Il contracta une grave fièvre; sa santé
défaillit graduellement, et il mourut le 30 juillet 1844. Le Times and Seasons dit à sa
louange qu’il fut un des grands hommes de notre dispensation. Sa mère, Lucy
Mack Smith, accablée de chagrin, avait vu en quatre ans mourir son mari et quatre
de ses fils: Don Carlos, Hyrum, Joseph et Samuel.
RETOUR
DES
DOUZE
Le jour du martyre, les membres des Douze étaient déprimés et mélancoliques
sans savoir pourquoi. Heber C. Kimball et Lyman Wight étaient en route entre
Philadelphie et New York lorsque frère Kimball se sentit envahi par la tristesse,
comme s’il venait de perdre un ami. A Boston, Orson Hyde examinait des cartes
géographiques dans la salle louée par l’Eglise, quand il se sentit envahi par la
sensation d’un grand poids et d’un grand chagrin. Il se détourna des cartes, le
289
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Au moment de la mort de Joseph et de
Hyrum Smith, les apôtres se trouvaient en
divers endroits du pays.
Brigham Young, Orson Hyde et Wilford
Woodruff étaient à Boston.
Heber C. Kimball et Lyman Wight avaient
quitté Philadelphie et étaient en route pour
New York. William Smith se joignit à un
moment donné à eux, et ils continuèrent
jusqu’à Boston pour une conférence qui avait
été prévue et qui eut lieu le 29 juin. Sept
membres des Douze étaient présents à la
conférence: Brigham Young, Heber C.
Kimball, Orson Hyde, William Smith, Orson
Hyde, Wilford Woodruff et Lyman Wight.
Parley P. Pratt était en route pour Nauvoo et
se trouvait sur un bateau qui desservait le
canal entre Utica et Buffalo (New York).
George A. Smith logeait chez des
membres de l’Eglise près de Jacksonburg
(Michigan).
Amasa Lyman était à Cincinnati (Ohio).
On ne sait pas où se trouvait Orson Pratt le
27 juin, mais le 29 juin il assista à la
conférence de Boston, de sorte qu’il devait
être assez près de Boston le jour du martyre.
John A. Page était à Pittsburgh où il avait
rédigé et publié le Gospel Light de juin 1843
à mai 1844. On ne sait pas où il se trouvait
exactement, mais selon toute probabilité il
était à Pittsburgh ou dans la région
avoisinante.
John Taylor et Willard Richards étaient
à Carthage.
visage baigné de larmes, et se mit à faire les cent pas. Au Michigan, George A.
Smith fut poursuivi toute la journée par des pensées déprimantes et de sombres
pressentiments. Quand il se mit au lit, il ne put dormir. Il dit qu’ «il lui sembla une
fois qu’un démon lui chuchotait à l’oreille: ‹Joseph et Hyrum sont morts; n’en estu pas heureux5?›»
Deux jours avant le martyre, Parley P. Pratt se sentit poussé par l’Esprit à quitter
l’Etat de New York et à reprendre le chemin du retour et, par coïncidence,
rencontra, le jour de la tragédie, son frère William dans un bateau qui desservait
le canal. Parley écrivit: «[Tandis que nous parlions], une crainte étrange et
solennelle m’envahit, comme si les puissances de l’enfer étaient déchaînées. Je fus
à ce point écrasé de tristesse que je ne pouvais parler . . . ‘Observons un silence
total et solennel, car c’est un jour sombre, et l’heure du triomphe pour les
puissances des ténèbres. Oh comme je ressens l’esprit de meurtre qui semble être
répandu dans tout le pays!6»
Parley P. Pratt fut le premier apôtre en dehors de Nauvoo à être informé du
martyre. Il était sur un bateau à vapeur qui traversait les grands lacs vers Chicago.
Lors d’une escale au Wisconsin, les passagers qui montaient à bord apportèrent la
nouvelle des meurtres de Carthage. Il y eut une grande excitation à bord et
beaucoup de passagers le provoquèrent, demandant ce que les mormons allaient
faire maintenant. Il répondit «qu’ils continueraient leur mission et répandraient
dans le monde entier l’oeuvre qu’il [Joseph Smith] avait rétablie. Il fit remarquer
que presque tous les prophètes et apôtres qui l’avaient précédé avaient été tués,
ainsi que le Sauveur du monde, et cependant leur mort ne changea pas la vérité ni
n’en empêcha le triomphe final7».
Rempli de tristesse, frère Pratt fit près de 170 kilomètres à pied dans les plaines
de l’Illinois, presque incapable de manger ou de dormir, se demandant comment
il allait aborder la communauté tout entière accablée de douleur et d’un chagrin
inexprimable. Il pria pour avoir de l’aide. Il rapporta plus tard: «Tout à coup l’Esprit
de Dieu vint sur moi et remplit mon coeur d’une joie et d’un bonheur
indescriptibles; et tandis que l’esprit de révélation brûlait dans mon sein avec une
chaleur et une allégresse aussi visibles que si c’était du feu, l’Esprit me dit: . . . ‹Va
dire à mon peuple de Nauvoo qu’il continuera à s’acquitter de ses devoirs
quotidiens et à prendre soin de lui-même, et à ne prendre aucune disposition pour
que le gouvernement de l’Eglise soit réorganisé ni ne change quoi que ce soit
jusqu’au retour du reste du Collège des Douze. Mais exhorte-le à continuer à
édifier la maison de Dieu que je lui ai commandé de bâtir à Nauvoo8.›» Arrivé le 8
juillet à Nauvoo, Parley aida les frères Richards et Taylor à maintenir l’ordre dans
la communauté affligée.
George A. Smith fut informé du martyre le 13 juillet par un article de journal au
Michigan. Il crut d’abord que c’était un racontar, mais lorsque la nouvelle fut
confirmée, il se hâta de rentrer avec ses trois compagnons missionnaires. Epuisé par
l’anxiété et la perte de sommeil, il contracta de l’urticaire. Son corps tout entier était
enflé, et il ne pouvait manger mais poursuivit son voyage et arriva le 27 juillet à
Nauvoo. Il ne tarda pas à rencontrer en conseil les trois apôtres qui étaient déjà là9.
290
LES DOUZE EMPORTENT LE ROYAUME
A Boston, le bruit de la mort de Joseph Smith se répandit à partir du 9 juillet.
Pendant la semaine qui en précéda la confirmation par les lettres de la famille et
des rapports plus complets dans les journaux, Brigham Young, Wilford Woodruff
et Orson Pratt tentèrent d’évaluer les implications de cette terrible nouvelle.
Brigham écrivit dans son journal: «La première chose qui me vint à l’esprit fut la
question de savoir si Joseph avait emporté avec lui les clefs du royaume; Orson
Pratt était à ma gauche; nous étions tous les deux appuyés sur nos sièges. Tapant
mon genou de la main, je dis: les clefs du royaume sont ici même dans l’Eglise10.»
Brigham Young, Heber C. Kimball, Orson Pratt, Wilford Woodruff et Lyman
Wight se contactèrent mutuellement, se rejoignirent et se hâtèrent de rentrer par
chemin de fer, diligence, bateau et buggy. Les événements ultérieurs allaient
démontrer que cela avait été sagesse de leur part que de se dépêcher. Ils arrivèrent
à Nauvoo le soir du 6 août. Wilford Woodruff décrit ce qu’il éprouva:
«Quand nous entrâmes à Nauvoo, il nous sembla qu’il pesait sur la ville une
tristesse profonde que nous n’avions encore jamais ressentie.
« . . . Nous fûmes reçus avec joie par les saints dans toute la ville. Ils se sentaient
comme des brebis sans berger, comme s’ils étaient sans père, comme si ce qui était
à leur tête leur avait été enlevé11.»
CRISE
DE SUCCESSION
La plupart des apôtres arrivèrent donc le 6 août, mais ce n’était pas trop tôt. Une
crise s’était produite sur le point de savoir qui allait diriger l’Eglise, et Willard
Richards s’était presque épuisé à essayer de garder l’unité entre les saints. Le
samedi 3 août, Sidney Rigdon était revenu de l’exil qu’il s’était imposé à Pittsburgh
(Pennsylvanie) où il s’était installé à l’encontre de la révélation (voir D&A;124:1089). Il était revenu, s’attendant à reprendre l’Eglise en main. Tous les saints de
Nauvoo ne se rendaient pas compte que le prophète avait perdu confiance en son
premier conseiller bien avant le martyre.
Sidney évita de rencontrer les quatre apôtres qui étaient déjà à Nauvoo,
préférant parler aux saints assemblés le dimanche 4 août au bosquet. Il affirma
avoir reçu une vision:
«Il raconta une vision que le Seigneur, disait-il, lui avait donnée concernant la
situation de l’Eglise et dit qu’un tuteur devait être désigné pour édifier l’Eglise
pour Joseph, puisque c’était lui qui l’avait commencée.
«Il dit qu’il était ce même homme que les prophètes d’autrefois avaient chanté,
à propos duquel ils avaient écrit et dont ils s’étaient réjoui et qu’il avait été envoyé
pour accomplir cette oeuvre même qui avait été le thème de tous les prophètes
dans toutes les générations précédentes12.» Parley P. Pratt dit plus tard que Sidney
Rigdon était «l’homme même que les prophètes n’avaient jamais chanté, et sur
Sidney Rigdon (1793-1876) fut appelé
comme conseiller de Joseph Smith dans la
Première Présidence. C’était un orateur doué
et il fut, en bien des occasions, porte-parole
du prophète. Plusieurs des révélations de
Doctrine et Alliances traitent de Sidney
Rigdon.
lequel ils n’avaient jamais écrit un seul mot13». Au cours de la réunion, Sidney
demanda à William Marks, président du pieu de Nauvoo, qui soutenait ses
prétentions, de convoquer le 6 août une réunion de l’Eglise pour soutenir un
nouveau dirigeant. Le président Marks reporta la réunion au jeudi 8 août, ce qui
se révéla providentiel puisque le reste des Douze n’arriva que le soir du 6 août.
291
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Sidney rencontra aussi William Marks et Emma Smith chez Joseph Smith afin de
désigner un fidéicommis pour l’Eglise. Emma voulait que cela se passe rapidement
pour éviter que des biens personnels et de l’Eglise, qui étaient au nom de Joseph
Smith, ne se perdent. Parley P. Pratt se présenta au cours de la réunion et protesta
immédiatement contre cette mesure. Il expliqua que c’était à l’Eglise tout entière,
par l’intermédiaire de ses Autorités générales, qu’il appartenait de désigner un
fidéicommis, et que ce n’était pas l’affaire des autorités locales d’un pieu
quelconque. Il souligna: «Les dollars et les cents n’avaient aucune importance
pour moi quand il s’agissait d’une affaire de principe, et même si l’on perdait des
milliers ou même des millions, qu’on les laisse partir. Nous ne pouvions pas
permettre et nous ne permettrions pas que les autorités et les principes de l’Eglise
soient piétinés pour des intérêts pécuniaires14.» La réunion prit fin sans qu’aucune
décision n’eût été prise. Le lundi 5 août, Sidney Rigdon rencontra finalement les
apôtres qui étaient à Nauvoo. Il déclara: «‹Messieurs, vous êtes finis; messieurs,
vous êtes tous divisés; les antimormons vous ont eus; les frères votent dans tous
les sens; . . . tout est dans la confusion, vous ne pouvez rien faire, il vous manque
un grand dirigeant, il vous faut un chef, et si vous ne vous unissez pas autour de
ce chef, vous allez être emportés aux quatre vents; les antimormons remporteront
l’élection, il faut désigner un tuteur.›
«George A. Smith dit: ‹Mes frères, frère Rigdon se trompe tout à fait: il n’y a pas
de division, les frères sont unis, l’élection sera unanime, et les amis de l’ordre
seront élus par une majorité de mille. Il n’y a aucune raison de s’alarmer. Le
président Rigdon suscite des craintes pour lesquelles il n’y a aucune
justification15.›»
Dans de telles circonstances, l’arrivée des Douze le soir du 6 août en provenance
de l’Est tombait à pic. Ils se réunirent le lendemain matin chez John Taylor et se
réjouirent d’être de nouveau ensemble «et d’être accueillis par les saints, qui
considéraient que c’était tout-à-fait providentiel que les Douze arrivent à ce
moment particulièrement critique où ils avaient l’esprit agité, le coeur attristé et où
les ténèbres semblaient obstruer leur chemin16». Brigham Young prit fermement la
direction de la réunion. Après avoir discuté de tout ce qui s’était passé, il annonça
qu’une autre réunion aurait lieu à 16 heures, à laquelle assisteraient les apôtres, le
grand conseil de Nauvoo et les grands prêtres, pour traiter des prétentions
avancées le dimanche précédent devant les saints.
A la réunion, Sidney Rigdon fut invité à faire une déclaration concernant sa
vision et ses révélations. Il dit: «Le but de ma mission est de rendre visite aux saints
et de me proposer à eux comme tuteur. J’ai eu une vision le 27 juin [jour du
martyre] à Pittsburgh. Elle se présenta à mon esprit non comme une vision directe
mais plutôt comme une suite de la vision mentionnée dans le livre des Doctrine et
Alliances [parlant de la vision que Joseph Smith et lui avaient eue et qui est
rapportée dans D&A;76]17.» Il poursuivit en disant que personne ne pouvait
prendre la place de Joseph à la tête de l’Eglise et qu’en tant que porte-parole
désigné pour le prophète, il devait remplir le rôle de tuteur de l’Eglise. Wilford
292
LES DOUZE EMPORTENT LE ROYAUME
Woodruff écrivit dans son journal que la déclaration de Sidney fut une «longue
histoire. C’était une sorte de vision de deuxième catégorie18».
Après le discours de Sidney, Brigham Young prit la parole:
«Peu m’importe qui dirige l’Eglise . . . mais il y a une chose que je dois savoir,
c’est ce que Dieu en dit. J’ai les clefs et les moyens de connaître la volonté de Dieu
à ce sujet . . .
«Joseph nous a conféré toutes les clefs et tous les pouvoirs appartenant à
l’apostolat qu’il détenait lui-même avant d’être enlevé, et aucun homme, aucun
groupe d’hommes ne peut s’interposer entre Joseph et les Douze, que ce soit dans
ce monde ou dans le monde à venir.
«Combien de fois Joseph n’a-t-il pas dit aux Douze: ‹J’ai posé les fondements et
vous devez édifier dessus, car c’est sur vos épaules que repose le royaume19.›»
Le président Young convoqua alors une conférence spéciale, le mardi 13 août, au
cours de laquelle le peuple serait organisé en assemblée solennelle pour voter sur
la question. Mais le lendemain, les apôtres se réunirent en privé et, «suite à une
certaine agitation parmi le peuple et vu la volonté manifestée par certains esprits
d’essayer de diviser l’Eglise», décidèrent de tenir l’assemblée solennelle cet aprèsmidi-là plutôt que d’attendre jusqu’au mardi suivant20.
LE
MANTEAU TOMBE SUR
B R I G H A M YO U N G
Le jeudi 8 août 1844 fut un des jours les plus importants de l’histoire du
Rétablissement. Ce jour-là, un miracle se produisit devant l’Eglise assemblée: Dieu
éleva Brigham Young devant le peuple, et la crise de succession de l’Eglise fut
résolue. Une réunion de prière eut lieu ce matin-là à dix heures dans le bosquet,
conformément aux dispositions prises par William Marks. Sidney Rigdon parla
pendant une heure et demie de son désir d’être tuteur de l’Eglise mais ne suscita
aucune émotion et ne dit rien qui indiquât qu’il était le vrai chef. Brigham Young,
qui arriva après le début de la réunion, prit aussi la parole; son discours fut bref. Il
dit à l’auditoire qu’il aurait préféré passer un mois à pleurer le prophète décédé
que de devoir s’occuper si rapidement à désigner un nouveau berger21. Pendant
qu’il parlait, il fut miraculeusement transfiguré devant le peuple.
Des personnes de tout âge étaient présentes et mirent plus tard par écrit ce
qu’elles avaient éprouvé. Benjamin F. Johnson, qui avait alors vingt-six ans, écrit:
«Dès qu’il [Brigham Young] prit la parole, je me levai d’un bond, car c’était à tous
égards la voix de Joseph, et sa personne, dans l’aspect, l’attitude, l’habillement et
la présentation, était Joseph lui-même, en personne; et je sus instantanément que
l’esprit et le manteau de Joseph étaient sur lui22.» Zina Huntington, qui était à
l’époque une jeune fille de vingt et un ans, dit: «Le président Young parlait. C’était
la voix de Joseph Smith, pas celle de Brigham Young. Sa personne même était
transformée . . . Je fermai les yeux. J’aurais pu m’exclamer: Je sais que c’est la voix
Benjamin F. Johnson (1818-1905) était un
ami de Joseph Smith et il fut pendant un
certain temps son secrétaire privé. Il fut un
des premiers pionniers à entrer dans la vallée
du lac Salé. Il fut plus tard patriarche.
de Joseph Smith! Et pourtant je savais qu’il était parti. Mais le même esprit reposait
sur le peuple24.»
George Q. Cannon, qui avait alors quinze ans, déclara: «C’était la voix de Joseph
lui-même; non seulement c’était la voix de Joseph qu’on entendait, mais il
293
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
semblait, aux yeux du peuple, que c’était la personne même de Joseph qui se tenait
devant lui . . . Tous entendirent et virent de leurs yeux et de leurs oreilles naturels,
et puis les paroles qui furent prononcées entrèrent, accompagnées de la puissance
convaincante de Dieu, dans leur coeur, et ils furent remplis de l’Esprit et d’une
grande joie25.» Wilford Woodruff témoigne: «Si je ne l’avais pas vu de mes propres
yeux, personne n’aurait pu me convaincre que ce n’était pas Joseph Smith
qui parlait26.»
Compte tenu de ces déclarations, le compte rendu des événements de ce jour,
fait par Brigham Young lui-même, est particulièrement significatif: «J’avais le
coeur rempli de compassion vis-à-vis d’eux, et par la puissance du Saint-Esprit,
l’esprit des prophètes, je pus consoler le coeur des saints27.» La réunion fut alors
suspendue jusqu’à quatorze heures.
A quatorze heures des milliers de saints se rassemblèrent pour ce qu’ils savaient
devoir être une réunion importante. Les collèges de la prêtrise s’assirent dans
Zina Diantha Huntington Young (18211901) fut présidente générale de la Société
de Secours de 1888 à 1901. Zina, femme
plurale de Brigham Young, devint célèbre en
Utah pour ses compétences médicales.
l’ordre, et Brigham Young parla franchement du projet de tutelle de Sidney
Rigdon et du fossé qui s’était produit entre Joseph Smith et lui au cours des deux
années précédentes. Il prophétisa hardiment: «Tous ceux qui veulent entraîner un
groupe après eux et l’éloigner de l’Eglise, qu’ils le fassent s’ils le peuvent, mais ils
ne prospéreront pas28.»
Le président Young passa alors à son point principal et déclara:
«Si le peuple veut que le président Rigdon nous dirige, qu’il le prenne; mais
je vous dis que le Collège des Douze a les clefs du royaume de Dieu dans le
monde entier.
«Les Douze sont nommés par le doigt de Dieu. Voici Brigham, ses genoux ontils jamais fléchi? Ses lèvres ont-elles jamais tremblé? Voici Heber et le reste des
Douze, un groupe indépendant qui a les clefs de la prêtrise, les clefs du royaume
de Dieu à remettre au monde entier: c’est la vérité, je l’affirme devant Dieu. Ils se
tiennent à côté de Joseph et sont comme la Première Présidence de l’Eglise29.»
Il fit observer que Sidney ne pouvait pas être au-dessus des Douze parce qu’ils
devraient l’ordonner pour qu’il fût président de l’Eglise. Brigham exhorta tout le
monde à considérer frère Rigdon comme un ami et dit que s’il collaborait et tenait
conseil avec les Douze, ils pourraient agir à l’unisson. Après les deux heures de
discours du président Young, des discours furent prononcés par Amasa Lyman,
William W. Phelps et Parley P. Pratt, chacun argumentant avec éloquence en faveur
de l’autorité des Douze.
Brigham Young se leva alors et posa la question fondamentale: «Voulez-vous que
frère Brigham soit votre chef, votre guide, votre porte-parole? Le président Rigdon
veut que je soulève d’abord l’autre question, c’est-à-dire: L’Eglise veut-elle, et estce son seul désir, soutenir les Douze comme Première Présidence de ce peuple?»
Amasa Lyman (1813-77) fut membre du
Collège des Douze de 1842 à 1867. Il fut
remplacé le 20 janvier 1843 au Collège à
cause de la réintégration d’Orson Pratt. Aux
environs du 4 février 1843, il fut nommé
conseiller dans la Première Présidence et, à
la mort de Joseph Smith, fut renvoyé, le 12
août 1844, dans le Collège des Douze.
294
On passa alors au vote, et toutes les mains se levèrent. Brigham demanda alors:
«S’il y en a qui sont d’avis contraire, tout homme, toute femme qui ne veut pas que
les Douze président, qu’il lève de même la main.» Aucune main ne se leva30.
Avant de mettre fin à la conférence, le président Young demanda l’approbation
des membres sur les sujets suivants: dîmer les membres pour terminer le temple,
LES DOUZE EMPORTENT LE ROYAUME
permettre aux Douze de prêcher dans le monde entier, financer l’Eglise, instruire
les évêques sur la gestion des affaires de l’Eglise, nommer un patriarche de l’Eglise
pour remplacer Hyrum Smith et soutenir Sidney Rigdon par leur foi et leurs
prières. La conférence fut alors levée. Une fois de plus, l’Eglise avait une
présidence—le Collège des douze apôtres—avec Brigham Young comme
président.
COMMENT
LES
DOUZE
F U R E N T P R É PA R É S À L E U R S
RESPONSABILITÉS
Depuis plusieurs années le Seigneur préparait soigneusement le Collège des
Douze à assumer la direction de l’Eglise. Lorsque les Douze furent appelés en
1835, leurs responsabilités étaient limitées aux régions situées à l’extérieur des
pieux organisés, mais avec le temps, elles furent étendues de manière à ce qu’ils
eussent autorité sur tous les membres de l’Eglise. Thomas B. Marsh, David W.
Patten et Brigham Young furent appelés à diriger le pieu de Far West en 1838. Et
tandis que Joseph et Hyrum étaient en prison à Liberty au Missouri, Brigham
Young, Heber C. Kimball et John Taylor, des Douze, dirigèrent l’exode des saints
du Missouri en Illinois.
La mission des Douze en Grande-Bretagne les souda en un collège uni sous la
direction de Brigham Young. Quand ils retournèrent en Amérique, le prophète
Joseph augmenta leurs responsabilités dans les affaires temporelles et
ecclésiastiques. Ils participèrent aux levées de fonds pour la Nauvoo House et le
temple ainsi que pour leur construction, à aider les pauvres, gérer les terres et
diriger l’installation de nouveaux émigrants en Illinois. Ils prirent part aux
décisions affectant les affaires et le développement économique de Nauvoo. Les
Douze furent parmi les premiers à recevoir les instructions de Joseph Smith sur le
mariage plural et les ordonnances du temple. Ce furent des membres des Douze
qui reçurent la responsabilité des publications de l’Eglise, ce furent eux qui
dirigèrent l’appel, l’affectation et la formation des missionnaires, ce furent eux qui
présidèrent les conférences tant dans le champ de la mission qu’à Nauvoo, et ce
furent eux qui s’occupèrent des branches au-dehors.
Chose capitale, Joseph Smith, sentant qu’il risquait de mourir bientôt, prit grand
soin, au cours des sept derniers mois de sa vie, de préparer soigneusement les
Douze. Il se réunit presque tous les jours avec le collège pour l’instruire et lui
donner des responsabilités supplémentaires. Lors d’une réunion de conseil
extraordinaire, fin mars 1844, il dit solennellement aux Douze qu’il pouvait
maintenant les quitter, parce que son oeuvre était terminée et que les fondements
étaient posés pour que le royaume de Dieu pût être érigé.
Wilford Woodruff reparla plus tard de cette époque de 1844:
«Je suis le témoin vivant du témoignage qu’il [Joseph Smith] donna aux douze
apôtres lorsque nous reçûmes tous notre dotation de ses mains. Je me souviens du
dernier discours qu’il prononça devant nous avant sa mort. C’était avant que nous
ne partions en mission dans l’Est. Il se tint devant nous pendant trois heures
environ. La pièce était remplie d’un feu dévorant, son visage était aussi clair que
295
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
l’ambre, il était revêtu de la puissance de Dieu. Il nous exposa notre devoir. Il nous
exposa la plénitude de cette grande oeuvre de Dieu, et dans le discours qu’il nous
adressa, il dit: ‹Sur moi ont été scellés toutes les clefs, tous les pouvoirs, tous les
principes de vie et de salut que Dieu ait jamais donnés à quiconque a jamais vécu
à la surface de la terre. Et ces principes et cette prêtrise et cette autorité
appartiennent à cette dernière grande dispensation que le Dieu du ciel s’est mis en
devoir d’établir sur la terre. Maintenant, dit-il en s’adressant aux Douze, j’ai scellé
sur vous toutes les clefs, tous les pouvoirs et tous les principes que le Seigneur a
scellés sur ma tête› . . .
«Après nous avoir parlé de cette façon, il dit: ‹Je vous le dis, le fardeau de ce
royaume repose maintenant sur vos épaules; il vous appartient de le porter au
monde entier, et si vous ne le faites pas, vous serez damnés31.›»
A cette même occasion, Joseph conféra les clefs du pouvoir de scellement à
Brigham Young, président des Douze. Brigham expliqua plus tard que «cette
dernière clef de la prêtrise est la plus sacrée de toutes et appartient exclusivement
à la Première Présidence de l’Eglise32».
F O R M AT I O N
DE GROUPES DISSIDENTS
Alors même que les Douze commençaient à exercer fermement leur autorité,
Sidney Rigdon et James J. Strang, nouveau converti à l’Eglise, travaillaient en
coulisse pour prendre le pouvoir. Rigdon prétendait que son autorité était
supérieure à celle des Douze et, comme il n’était pas disposé à se soumettre à leur
avis, fut excommunié le 8 septembre 1844. Il retourna à Pittsburgh et organisa au
printemps suivant une «Eglise du Christ», avec des apôtres, des prophètes, des
prêtres et des rois. Elle attira quelques personnes, celles qui étaient opposées aux
Douze et estimaient que Joseph Smith avait été un prophète déchu. Il publia le
Latter Day Saints’ Messenger and Advocate pour promulguer ses idées. Dès 1847,
cette petite organisation se désintégrait. Mais Rigdon, qui s’était donné le titre de
«président du royaume et de l’Eglise», conserva encore pendant trente ans une
poignée de disciples. Finalement, en 1876, il mourut dans l’obscurité dans l’Etat de
New York.
James J. Strang était un dirigeant plus charismatique et doté d’une meilleure
imagination. Après avoir été baptisé par Joseph Smith, quatre mois avant le
martyre, il retourna chez lui au Wisconsin. En août 1844, il présenta une lettre qu’il
prétendait avoir été écrite par Joseph Smith, se nomma lui-même successeur du
prophète et désigna Voree (Wisconsin) comme nouveau lieu de rassemblement.
Brigham Young et les Douze qualifièrent, à juste titre, la lettre de faux et
excommunièrent Strang. Il en convainquit néanmoins certains de le suivre à Voree
et finit par rallier à lui trois anciens membres des Douze qui avaient perdu leur
place dans l’Eglise: William E. McLellin, John E. Page et William Smith. Pendant un
certain temps, il eut aussi le soutien de William Marks et de Martin Harris. Son
Eglise eut un certain succès missionnaire dans l’Est. En 1849, il installa sa colonie
James J. Strang (1813-56)
296
dans l’île de Beaver, sur le lac Michigan, et se fit couronner «roi du royaume». Le
LES DOUZE EMPORTENT LE ROYAUME
groupe finit par se heurter à de nombreuses difficultés économiques et, en 1856,
Strang fut assassiné par des disciples mécontents, et le mouvement se désagrégea.
Certains membres de la propre famille de Joseph Smith ne suivirent pas les
Douze. Emma, veuve du prophète, ne put se mettre d’accord avec les Douze sur
des questions économiques et théologiques. Elle s’aigrit et incita ses enfants à ne
pas suivre les directives des Douze. Lorsque les saints effectuèrent leur exode vers
l’Ouest, Emma et sa famille restèrent à Nauvoo. Lorsque William Smith revint
tardivement de l’Est à Nauvoo, il fut ordonné patriarche de l’Eglise pour
remplacer Hyrum. Au bout de quelques mois, il présenta ses propres prétentions
à être dirigeant de l’Eglise. Il fut par conséquent excommunié. Après s’être
brièvement associé à Strang, William enseigna que le fils aîné de Joseph Smith
devait, par droit de lignage, hériter de la présidence et que lui, William, devait être
tuteur et président par intérim jusqu’à ce que Joseph III soit adulte.
Il y en eut d’autres qui refusèrent de suivre la direction de Brigham Young et des
Douze. Un petit nombre de membres quittèrent l’Eglise à cause du mariage plural;
William Smith (1811-93), frère cadet de
Joseph Smith, fut membre du Collège des
Douze de 1835 à 1845.
quelques branches isolées ne se rendirent pas dans l’Ouest et perdirent la notion
de ce qu’elles devaient faire. Au cours des années 1850, une «nouvelle
organisation» apparut graduellement. En 1860, les dirigeants de la nouvelle
organisation (parmi lesquels William Marks) créèrent l’Eglise réorganisée de JésusChrist des Saints des Derniers Jours et réussirent à nommer Joseph Smith III
président. Elle installa finalement son siège à Independence (Missouri).
LES DOUZE
ET LE PROCESSUS DE LA SUCCESSION
La succession apostolique en 1844 établit les principes et fixa la façon de
procéder pour les réorganisations futures de la présidence de l’Eglise. Après la
mort de chaque président, les clefs du royaume, qui ont été conférées à chaque
apôtre lors de son ordination, reposent sur l’ensemble du Collège des Douze (voir
D&A 107:23-24, 112:15).
Spencer W. Kimball, lors d’un discours de conférence générale prononcé en
1970, a expliqué le processus comme suit: «Dès l’instant où la vie quitte un
président de l’Eglise, un groupe d’hommes en devient le chef composite – des
hommes déjà rendus mûrs par l’expérience et la formation. Les désignations sont
faites depuis longtemps, l’autorité a été donnée, les clefs remises . . . le royaume va
de l’avant sous la direction de ce conseil déjà autorisé. Pas de lutte pour le pouvoir,
pas de campagne électorale, pas de tournée de discours. Quel plan divin! Quelle
sagesse de la part de Dieu que de s’organiser d’une manière aussi parfaite au-delà
de la faiblesse d’êtres humains fragiles et avides33.»
Le Seigneur est maître de la succession dans son Eglise. Le président Benson a
expliqué: «Dieu sait tout, il connaît la fin depuis le commencement, et personne ne
devient président de l’Eglise de Jésus-Christ par accident, ni n’y reste par hasard,
ni est rappelé accidentellement34.»
297
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
NOTES:
1. Dans History of the Church, 7:148.
2. W. W. Phelps, Willard Richards et John
Taylor, dans History of the Church, 7:152.
3. Dans History of the Church, 7:173.
4. «Au grand prophète», Cantiques, n˚ 16.
5. History of the Church, 7:133.
6. Parley P. Pratt, Autobiography of Parley P.
Pratt, série Classics in Mormon Literature,
Salt Lake City, Deseret Book Co., 1985,
p. 292.
7. Pratt, Autobiography of Parley P. Pratt,
p. 292.
8. Pratt, Autobiography of Parley P. Pratt,
pp. 293-94.
9. Voir Merlo J. Pusey, Builders of the
Kingdom, Provo, Brigham Young University
Press, 1981, p. 52.
10. Elden Jay Watson, Manuscript History of
Brigham Young, 1801-1844, Salt Lake City,
Elden Jay Watson, 1968, p. 171.
21. Journal de Brigham Young, 1837-45,
8 août 1844, département d’histoire de
l’Eglise, Salt Lake City, pp. 47-49.
22. Benjamin F. Johnson, My Life’s Review,
Independence, Mo, Zion’s Printing and
Publishing Co., 1947, p. 104.
23. Johnson, My Life’s Review, p. 123.
24. Dans Edward W. Tullidge, The Women of
Mormondom, New York, Tullidge et Crandall,
1877, pp. 326-27.
25. «Joseph Smith, the Prophet», Juvenile
Instructor, 29 oct. 1870, pp. 174-75.
26. Deseret Weekly News, 15 mars 1892, p. 3;
voir aussi Truman G. Madsen, “Notes on the
Succession of Brigham Young”, dans Seminar
on Brigham Young, 12 mai 1962, Brigham
Young University Department of Extension
Publications Adult Education and Extension
Services, Provo, 1963, p. 9.
11. Journaux de Wilford Woodruff, 6-7 août
1844, département d’histoire de l’Eglise, Salt
Lake City.
27. Journal de Brigham Young, 1837-45, 8
août 1844, p. 48.
12. History of the Church, 7:224.
29. Dans History of the Church, 7:233.
13. Dans History of the Church, 7:225.
30. Dans History of the Church, 7:240.
14. Pratt, Autobiography of Parley P. Pratt,
p. 295.
15. History of the Church, 7:226.
16. History of the Church, 7:229.
28. Dans History of the Church, 7:232.
31. Deseret Weekly News, 15 mars 1892, p. 406.
32. «P.P. Pratt’s Proclamation», Millennial Star,
mars 1845, p. 151.
17. History of the Church, 7:229.
33. Dans Conference Report, avril 1970,
p. 118.
18. Journaux de Wilford Woodruff, 7
août 1844.
34. Ezra Taft Benson dans Conférence de
l’interrégion de Corée, 1975, p. 52.
19. Dans History of the Church, 7:230.
298
20. Journaux de Wilford Woodruff, 8
août 1844.
CHAPITRE VINGT- QUATRE
NAUVOO
SOUS LA DIRECTION
APOSTOLIQUE
Ligne du temps
Date
Evénement important
Janv. 1845
Révocation de la charte de
Nauvoo
Printemps/été Croissance et développement
1845
renouvelé de Nauvoo
Sept.1845
Renouvellement de
l’antagonisme à l’égard des
saints dans le comté de
Hancock
Oct. 1845
Annonce par les dirigeants de
l’Eglise de leur intention de
partir vers l’Ouest
Déc. 1845
Début des dotations dans le
temple de Nauvoo
Hiver 1845-46 Préparatifs des saints pour
l’exode vers l’Ouest
4 févr. 1846
Traversée du Mississippi par le
premier groupe
Mi-févr. 1846
Départ de Brigham Young et
d’autres parmi les Douze de
Nauvoo
U
NE FOIS LA QUESTION de la succession réglée, le Collège des
douze apôtres se mit immédiatement à exercer son autorité dans la
direction de l’Eglise. Dans le Times and Seasons du 15 août 1844, il assura
les saints qu’en tant que corps constitué, il était prêt à présider l’Eglise et à en
promouvoir la croissance. Il réaffirma aussi l’importance de se rassembler à
Nauvoo et de finir le temple. Il était également désireux de suivre les traces de
Joseph Smith et d’envoyer l’Evangile «dans tous les coins de ce vaste pays et dans
le monde entier1». En dépit de son optimisme, il allait affronter de nouveaux
problèmes et de nouvelles difficultés qui allaient menacer l’existence de Nauvoo et
mettre à l’épreuve ses aptitudes en matière de direction religieuse.
L’E G L I S E
MISE EN ORDRE
Les Douze se réunirent en conseil le lendemain du jour où ils avaient été
soutenus comme autorités présidentes de l’Eglise. Au cours de cette réunion et lors
de plusieurs autres qui se tinrent les semaines qui suivirent, ils commencèrent à
mettre en ordre l’organisation et les affaires de l’Eglise. Ils se déchargèrent d’abord
de beaucoup de tâches financières en nommant les évêques Newel K. Whitney et
George Miller au poste de fidéicommis. Amasa Lyman fut appelé au Collège des
Douze, et William Smith, qui était le plus âgé des fils encore en vie de Joseph
Smith, père, fut nommé patriarche de l’Eglise. Wilford Woodruff fut envoyé en
Angleterre présider l’Eglise en Europe, et Parley P. Pratt fut appelé à New York
comme président, éditeur et agent d’immigration dans les Etats et les provinces de
l’Est. Lyman Wight alla au Texas, conformément à la tâche précédemment donnée
par Joseph Smith, pour trouver des emplacements possibles pour des colonies.
John Taylor fut réaffecté comme directeur du Times and Seasons, tandis que Willard
Richards restait historien et greffier de l’Eglise.
L’organisation de l’Eglise aux Etats-Unis et au Canada fut étendue. Les deux
pays furent organisés en districts, chacun sous la présidence d’un grand prêtre.
Cela assura l’administration requise pour des centaines de branches dispersées.
Brigham Young, Heber C. Kimball et Willard Richards supervisèrent cette
organisation et, dès octobre, quatre-vingt-cinq grands prêtres présidents avaient
été appelés et chargés d’édifier des pieux aussi grands que Nauvoo2. A Nauvoo
et dans les colonies environnantes, les instructeurs de la Prêtrise d’Aaron
furent exhortés à rendre régulièrement visite chez eux aux saints, et des diacres
furent désignés pour aider les évêques à s’occuper des pauvres (jusque dans les
299
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
années 1850, ces offices de la Prêtrise d’Aaron furent détenus essentiellement par
des adultes).
Un autre changement important fut l’expansion du collège des soixante-dix
dans l’Eglise. Le 18 août, le président Young déclara: «Une présidence de sept
hommes sera choisie dans le premier collège pour présider les dix premiers
collèges3.» Lors de la conférence générale suivante, au mois d’octobre, le nombre
des collèges passa à douze, et 430 soixante-dix furent ordonnés et affectés à leur
collège. Brigham Young prit la parole à la conférence et dit que si quelqu’un
désirait prêcher l’Evangile, il serait appelé comme soixante-dix. Dès janvier 1846, il
y avait plus de trente collèges de soixante-dix qui fonctionnaient. La construction
du Seventies Hall, élégant lieu de réunion en briques, constitué d’un étage, fut
accélérée et menée à terme, et le bâtiment fut utilisé comme école préparatoire
pour les nombreux nouveaux missionnaires.
Le Seventies Hall fut un bâtiment important
au cours de la période finale de Nauvoo.
Conçu avant tout comme lieu de réunion
pour divers collèges de soixante-dix, il fut
construit par l’effort coopératif et terminé et
consacré en décembre 1844.
Le Seventies Hall contenait une école de
formation pour les missionnaires, une petite
bibliothèque et un musée d’objets que les
missionnaires avaient ramenés de différentes
parties du monde. Il fut également utilisé
pour diverses réunions importantes de
l’Eglise. Il fut complètement rasé avant 1900,
mais les fouilles archéologiques ont permis
d’en retrouver les fondations originelles, et il
fut reconstruit en 1971-72.
Les Douze continuèrent à éliminer de l’Eglise les éléments apostats. Brigham
Young raconta un rêve dans lequel il avait vu un arbre fruitier ayant, à son
sommet, des branches mortes qui avaient dû être coupées pour que l’arbre puisse
prospérer. Il recommanda: «Coupons les branches mortes de l’Eglise pour que le
bon fruit puisse pousser et que l’on entende bientôt la voix dire: Allez édifier Sion
et le temple du Seigneur4.»
LA
VILLE DE
JOSEPH
En 1844, Nauvoo était une des villes les plus florissantes de l’Illinois. Par la
persévérance, l’industrie et l’unité, les saints avaient remplacé, en cinq ans
seulement, les marécages par une localité prospère. Située avantageusement sur le
Mississippi, elle promettait de devenir un grand centre commercial. Mais
beaucoup de citoyens des localités environnantes craignaient les saints des
300
NAUVOO SOUS LA DIRECTION APOSTOLIQUE
Dans ce daguerréotype de Nauvoo, daté
de 1846, les bâtiments de bois et de briques
prédominent. Nauvoo grandit et changea
rapidement au cours des quelques années
que les saints y passèrent. A leur arrivée, ils
vécurent dans des tentes, des chariots, des
trous creusés dans la colline, des appentis
ou de simples bâtiments en rondins. Au
cours de leurs efforts pour améliorer leur
situation économique, sociale et culturelle,
on les remplaça graduellement par des
maisons traditionnelles de bois. Dans la
période finale de Nauvoo, les maisons de
briques devinrent courantes. Entre-temps,
beaucoup de bâtiments publics et
d’entreprises furent également construits.
derniers jours et leur religion et étaient décidés à contrecarrer la croissance et le
développement de Nauvoo.
Ils étaient particulièrement mécontents de ce qu’ils considéraient être les
avantages spéciaux accordés à Nauvoo par sa charte et en réclamèrent la
révocation ainsi que le licenciement de la Légion de Nauvoo. Lorsque le corps
législatif se réunit en janvier 1845, ces exigences furent acceptées, et la charte de
Nauvoo fut révoquée. Cette mesure paraissait partiellement justifiée par le fait que
beaucoup de gens croyaient que Nauvoo était un refuge de renégats, de voyous,
de faux-monnayeurs et d’autres fugitifs. A cette époque, certaines régions situées
à la limite de l’Illinois, étaient infestées de gangsters suffisamment puissants pour
se rendre maîtres des tribunaux et éviter le châtiment. Certaines personnes sans foi
ni loi prétendaient être membres de l’Eglise et disaient que les crimes commis
contre les Gentils recevaient l’approbation de l’Eglise. En réalité, l’Eglise
excommuniait systématiquement ceux qui se rendaient coupables de délits graves.
Dans le sillage des nombreux articles de journaux publiés dans l’ouest de
l’Illinois concernant la présence de mormons sans foi ni loi, les citoyens de Nauvoo
tinrent une réunion publique. Ils notèrent:
«Dans certains cas, des voleurs et des faux-monnayeurs se sont réfugiés dans
notre ville, soit parce qu’ils entretenaient l’idée fausse que nous les protégerions,
soit par désir pervers de nous imputer leurs délits et nous attirer ainsi des
persécutions; et attendu qu’il peut être prouvé que des individus, afin de gonfler la
liste des déprédations mormones, ont signalé que des biens avaient été volés, alors
qu’à un autre moment ils avaient reconnu avoir vendu ces mêmes biens et en avoir
été payés . . .
«Pour ces raisons, résolu à l’unanimité que nous utiliserons tous les moyens
légaux en notre pouvoir pour aider le public à empêcher le vol et la contrefaçon et
faire comparaître les délinquants devant la justice5.»
301
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Mais la réputation des mormons était déjà ternie et, avec la révocation de la
charte de Nauvoo, les saints étaient privés de gouvernement légal ou de la
protection de leur milice. Les frères décidèrent de maintenir la légion sur une base
extra-légale comme instrument de contrôle interne et comme moyen de défense.
Des gardes furent postés pour empêcher les gens d’entrer dans la ville ou d’en
sortir sans la permission des autorités. Brigham Young rebaptisa Nauvoo «la Ville
de Joseph», nom approuvé par les saints à la conférence générale d’avril. Bien
qu’une partie de Nauvoo eût été redésignée comme localité officielle par le corps
législatif, le besoin de mesures protectrices supplémentaires se faisait malgré tout
sentir. La ville fut relativement protégée de personnages indésirables par un
L’exemple de Heber C. Kimball fut
probablement typique de la façon dont les
saints des derniers jours changèrent et
embellirent leurs résidences. En 1839, il
construisit un appentis avec les bois d’une
étable au dos d’une autre maison, et ce fut là
le premier logis de sa famille. Deux mois plus
tard, il construisit une maison de rondins plus
grande, et après son retour d’Angleterre en
1841, il construisit une autre maison de
rondins. En 1843, il ajouta une annexe en
briques.
Ce ne fut qu’à l’automne 1845 que cette
maison de briques d’un étage fut terminée.
C’est un style fédéraliste modifié avec de part
et d’autre un pittoresque pignon en escalier,
qui était caractéristique de l’architecture
anglaise de cette période. Les Kimball
habitèrent moins de cinq mois dans cette
maison avant de partir avec les pionniers
d’avant-garde en février 1846 pour affronter
encore six années de tentes, de chariots et
de cabanes de bois.
groupe organisé de jeunes gens et de garçons appelés la whistling and whittling
brigade (brigade des siffleurs et des tailleurs de copeaux). Ils suivaient les visiteurs
indésirables en sifflant et en taillant des copeaux jusqu’à ce que ces individus,
irrités et apeurés, quittent la ville.
En dépit des problèmes, Nauvoo continua à grandir. L’industrie de la
construction fut particulièrement florissante et dépassait de loin tous les autres
métiers de Nauvoo. De nouvelles maisons de bois et de briques, des jardins et des
fermes furent créés. Beaucoup parmi les premiers colons de Nauvoo construisirent
de nouvelles maisons, étant donné que leur premier abri était souvent une hutte
de rondins ou de bois construite à la hâte. Heber C. Kimball et Willard Richards
remplacèrent en 1845 leurs maisons de rondins par de belles maisons de briques
d’un étage. Au cours de cette période, l’Eglise construisit aussi une maison pour
Lucy Mack Smith. Les entreprises de construction publiques, comme le Seventies
Hall et le Concert Hall, complétèrent le déploiement des constructions
résidentielles. On entreprit également la construction d’une digue de pierres, ou
jetée, dans le Mississippi, comme source d’énergie hydraulique pour les ateliers et
les machines. Mais l’entreprise la plus importante continuait à être l’achèvement
du temple de Nauvoo.
En juin 1845, Brigham Young envoya une lettre à Wilford Woodruff, qui était
alors président de la mission britannique, concernant la croissance de Nauvoo. Il
écrivit: «[La ville] ressemble à un paradis. Tous les lots et toutes les terres qui,
jusqu’à présent ont été vides et inoccupés, ont été clôturés au printemps et
ensemencés de grains et de légumes, ce qui lui donne plus l’aspect du jardin par
excellence que d’une ville . . . Des dizaines d’hectares de prairie ont également été
clôturés et sont maintenant en culture, et produisent du maïs, du blé, des pommes
de terre et les autres produits nécessaires à la vie. Beaucoup d’étrangers affluent
pour voir le temple et la ville. Ils expriment leur étonnement et leur surprise d’en
voir la rapide progression6.» Nauvoo prospérait effectivement car, à la fin de 1845,
elle comptait environ onze mille habitants. C’était une ville modèle, et de
nombreux visiteurs venus de l’Est et de l’Angleterre écrivirent des articles flatteurs
sur la métropole mormone.
302
NAUVOO SOUS LA DIRECTION APOSTOLIQUE
L’ A N TA G O N I S M E
DANS LE COMTÉ DE
HANCOCK
La croissance spectaculaire de Nauvoo ne fit qu’augmenter l’antagonisme des
ennemis de l’Eglise. Il était évident que la mort de Joseph Smith n’avait pas
diminué la force ni la vigueur des saints. Les ennemis de l’Eglise pensaient qu’elle
ne durerait pas sans son chef charismatique, et quand ils virent que l’Eglise non
seulement survivait mais était florissante, leurs efforts pour chasser les saints de
l’Etat se renouvelèrent et s’intensifièrent.
Dès septembre 1844, le colonel Levi Williams, de Warsaw, qui avait participé aux
meurtres de Carthage, organisa une grande campagne militaire pour chasser les
saints des derniers jours de l’Illinois. Elle fut annoncée comme «une grande chasse
aux loups dans le comté de Hancock». Lorsque le gouverneur Ford en fut informé,
il ordonna au général John Hardin de la milice de l’Etat de se rendre au comté de
Hancock pour y arrêter cette manoeuvre. Le général Hardin resta dans le comté
de Hancock pendant tout l’hiver pour maintenir la paix.
En mai 1845, il y eut une tension accrue dans le comté de Hancock lorsque
s’ouvrit finalement à Carthage le procès de neuf hommes pour le meurtre de
Joseph Smith. Cinq étaient des citoyens éminents: Mark Aldrich, promoteur
immobilier, Jacob C. Davis, sénateur de l’Etat, William A. Grover, capitaine de la
milice de Warsaw, Thomas C. Sharp, rédacteur en chef de journal et Levi Williams,
colonel du cinquante-neuvième régiment de la milice de l’Etat. Le procès dura
quinze jours, ce qui était particulièrement long pour l’époque. Les témoins de
l’accusation fournirent des preuves contradictoires, tandis que les avocats de la
défense argumentèrent de manière persuasive devant un jury non mormon que
Joseph Smith fut tué pour répondre à la volonté de la population. Ils affirmèrent
que, par conséquent, on ne pouvait pas tenir de personne ou de groupe de
personnes déterminé pour responsable. Les accusés furent acquittés. Un procès
distinct, prévu le 24 juin pour le meurtre de Hyrum Smith, n’eut pas lieu parce que
les accusateurs ne comparurent pas.
Manifestement à l’abri de toutes représailles judiciaires, Thomas Sharp se lança
dans une nouvelle attaque antimormone dans le Warsaw Signal pendant l’été 1845.
Il s’opposa aux saints des derniers jours qui détenaient des postes dans le comté et
rouvrit le débat relatif à l’activité politique mormone. Ces interventions
constituèrent un écran de fumée pour un flot de vandalisme contre les saints. Au
début de septembre, un groupe de trois cents émeutiers, dirigé par Levi Williams,
brûla systématiquement les fermes et les maisons isolées des mormons. Ils
lancèrent d’abord un raid contre la colonie de Morley et mirent le feu à beaucoup
de maisons, de bâtiments, de fermes, de moulins et de meules non protégés. A la
mi-septembre, Brigham Young demanda des volontaires pour aller à la rescousse
des saints assiégés. Cent trente-quatre attelages furent rassemblés et
immédiatement envoyés pour amener saines et sauves à Nauvoo les familles des
colonies extérieures dans le sud du comté de Hancock et au nord dans le comté
d’Adams.
303
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Jacob Backenstos était un non-mormon
amical. Il était greffier du tribunal du circuit du
comté de Hancock, et en 1844 il fut élu au
corps législatif de l’Etat. En 1845, il était le
shérif élu et fut impliqué dans une
controverse concernant ceux qui étaient
accusés d’assassinat de Joseph et de
Hyrum. Backenstos devint officier de l’armée
en 1846 et se distingua dans la guerre contre
le Mexique.
Jacob Backenstos, shérif du comté de Hancock, ami des saints des derniers jours,
s’efforça de préserver l’ordre, mais les citoyens de Warsaw refusèrent de faire
partie du détachement de police montée qu’il essaya d’organiser. Après avoir
chassé les émeutiers avec un détachement constitué d’anciens membres de la
Légion de Nauvoo, il vit sa vie menacée par les non-mormons du comté de
Hancock, et il s’enfuit. Frank Worrell, qui avait été à la tête de la garde à Carthage
le jour du martyre, se mit à la tête des poursuivants de Backenstos. Près des
baraques de chemin de fer, au nord de Warsaw, Backenstos rattrapa plusieurs
membres de l’Eglise et les mandata immédiatement. Lorsque Worrell sortit son
revolver pour tirer sur le shérif, l’adjoint Porter Rockwell le visa avec son fusil et le
blessa mortellement. Cela intensifia les hostilités dans le comté de Hancock et,
avec une guerre civile imminente, les citoyens de Quincy (Illinois) et du comté de
Lee (Iowa) demandèrent aux membres de l’Eglise de quitter l’Illinois. Le 24
septembre 1845, le Collège des douze apôtres promit que l’Eglise partirait au
printemps suivant.
Le gouverneur Ford dépêcha quatre cents hommes de milice sous la direction
du général Hardin et de trois autres citoyens éminents, parmi lesquels Stephen A.
Douglas, membre du Congrès, pour jouer le rôle de force de police indépendante
au cours de cette période d’agitation civile. Les déprédations prirent fin, et la paix
fut temporairement rétablie. Agissant comme comité consultatif local du
gouverneur, les quatre dirigeants enquêtèrent sur les circonstances et apprirent
que les antimormons avaient commencé le conflit avec leurs raids. Ils se rendirent
compte également qu’il n’y aurait de paix dans le comté de Hancock que lorsque
les mormons auraient quitté l’Illinois.
Douglas était partisan de la destinée manifeste—philosophie recommandant
que les Etats-Unis s’étendent sur tout le continent. Il conseilla aux dirigeants de
l’Eglise de trouver un lieu à coloniser dans l’Ouest et promit d’user de son
influence pour les aider à déménager. Depuis un certain temps, les dirigeants de
l’Eglise envisageaient de se retirer dans les Montagnes Rocheuses, de sorte que ces
négociations se déroulèrent sans difficultés. Finalement les saints acceptèrent de
quitter Nauvoo le printemps suivant, dès que l’herbe dans les prairies serait
suffisamment haute pour permettre à leur bétail de se nourrir. Des fidéicommis de
l’Eglise resteraient à Nauvoo pour vendre les biens de ceux qui n’auraient pas pu
les liquider avant le printemps.
L’ A C H È V E M E N T
DU TEMPLE
Au cours de cette période, Brigham Young et les membres des Douze poussèrent
à continuer les travaux sur le chantier du temple. Ils rencontrèrent fréquemment
l’architecte et le comité du temple et invitèrent à de maintes reprises les membres
à «se rassembler à Nauvoo avec leurs moyens» pour aider à la construction de la
maison du Seigneur7. A la conférence générale d’octobre 1844, Brigham Young dit:
«Je crois que ce peuple est le meilleur peuple de son époque qui ait jamais vécu sur
la terre, y compris l’Eglise d’Enoch. Nous voulons que vous veniez avec vos dîmes
et vos offrandes pour construire ce temple8.» En réponse à cela, les soeurs de la
304
NAUVOO SOUS LA DIRECTION APOSTOLIQUE
Société de Secours s’engagèrent chacune à donner un penny par semaine pour du
verre et des clous, tandis que celles qui avaient des moyens versèrent de grosses
sommes sans lesquelles l’entreprise n’aurait jamais progressé. Joseph Toronto
remit à Brigham Young deux mille cinq cents dollars en or, disant «qu’il voulait se
donner lui-même et tout ce qu’il avait» pour édifier le royaume de Dieu9. De
nombreux artisans furent appelés pour travailler sur le chantier. Dès le printemps
1845, la pierre de voûte était en place. Les ouvriers assemblèrent alors le toit et
finirent l’intérieur. Des dispositions furent prises pour faire la consécration
officielle en avril 1846.
Les salles du temple furent consacrées au fur et à mesure de leur achèvement
pour que les ordonnances pussent commencer le plus tôt possible. La conférence
générale se réunit en octobre 1845 dans l’édifice partiellement terminé. Brigham
Young «ouvrit les services du jour par une prière de consécration, présentant le
temple, dans l’état d’achèvement où il était, comme monument à la générosité, à
la fidélité et à la foi des saints, et conclut: ‹Seigneur, nous nous consacrons, nous et
cette maison, à toi.› La journée fut remplie d’une manière très agréable à écouter
les instructions et les enseignements et à exprimer la reconnaissance de coeurs
honnêtes pour la grande bénédiction que c’était d’adorer Dieu à l’intérieur plutôt
qu’à l’extérieur d’un édifice dont la beauté et le travail sont comparables à
n’importe quelle maison de culte en Amérique et dont la devise est: ‹SAINTETÉ
L’ETERNEL
10
À
›».
Le 30 novembre 1845, l’étage mansardé du temple fut consacré pour les
ordonnances. Le président Young pria pour que le Seigneur soutienne et délivre
ses serviteurs jusqu’à ce qu’ils eussent accompli sa volonté dans le temple. Les
salles furent rapidement préparées pour les ordonnances, et Brigham Young et
Heber C. Kimball commencèrent, le soir du 10 décembre, à donner les dotations
aux saints des derniers jours fidèles. Le 11 décembre, les sessions de dotations
continuèrent jusqu’à 3 heures du matin.
Lorsque les ennemis de l’Eglise remarquèrent cette activité accrue dans le
temple, ils renouvelèrent leur oppression. Une nouvelle menace contre les
dirigeants de l’Eglise se présenta rapidement sous forme d’une mise en accusation
émise par le tribunal de district des Etats-Unis à Springfield contre Brigham Young
et huit autres apôtres pour avoir poussé à et protégé la fabrication de fausse
monnaie à Nauvoo. Le 23 décembre, des représentants du gouvernement
William Miller (1814-75) fut baptisé en 1834
à Kirtland et s’y installa peu de temps avec sa
famille avant de continuer jusqu’au Missouri.
En 1839, ils s’installèrent en Illinois avec le
reste de l’Eglise. Après l’affaire du «faux
Brigham», les Miller quittèrent Nauvoo avec
les saints. Pour raison de maladie, William ne
put construire de maison de rondins à Winter
Quarters, et la famille vécut, pendant l’hiver
1846-47, dans un trou creusé dans la colline.
En Utah, il joua un rôle important dans la
colonisation de Provo et de Springville. En
1856, il fit une mission en Angleterre et fut
appelé plus tard comme président du pieu
d’Utah et, en même temps, comme évêque
de Provo.
s’approchèrent du temple dans l’espoir de trouver et d’arrêter Brigham Young.
Sachant qu’ils étaient là, celui-ci s’agenouilla et demanda à être guidé et protégé
pour pouvoir «être utile aux saints11». Il remarqua, dans le couloir, William Miller,
qui accepta de jouer le rôle de leurre. Frère Miller, qui avait la même taille que
Brigham, quitta le temple habillé comme lui et monta dans la voiture du président.
Les officiers de police, qui l’attendaient, l’arrêtèrent et l’emmenèrent à la Mansion
House, où les amis et les parents de Brigham Young entrèrent dans le jeu. Miller
fut alors emmené à Carthage. Ce ne fut que lorsque quelqu’un là-bas l’identifia
que ses gardiens apprirent qu’ils avaient un faux Brigham. Entre-temps Brigham
Young et ses frères s’étaient cachés en lieu sûr.
305
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Les frères redoublèrent d’efforts pour doter le plus de saints possible avant le
début de l’évacuation de Nauvoo. A la fin de 1845, plus de mille membres avaient
reçu ces ordonnances. En janvier, Brigham Young écrivit: «Si vif est le désir
manifesté par les saints de recevoir les ordonnances [du temple] et si grand est
notre désir de les leur donner, que, nuit et jour, je me suis totalement consacré à
l’oeuvre du Seigneur dans le temple, ne prenant pas plus de quatre heures de
sommeil en moyenne par jour et ne rentrant chez moi qu’une fois par semaine12.»
Il y en eut beaucoup d’autres parmi les frères et les soeurs qui donnèrent
généreusement de leur temps en lavant chaque soir les vêtements du temple pour
que l’oeuvre pût continuer le lendemain matin sans être ralentie13. Le 3 février, les
frères envisagèrent de mettre fin aux ordonnances, et Brigham Young quitta le
temple pour faire les derniers préparatifs pour partir le lendemain pour l’Ouest.
Mais en voyant une grande foule rassemblée pour recevoir ses dotations, rempli
de compassion, il retourna pour la servir. Cela retarda son départ de deux
semaines encore. Selon les registres du temple, 5 615 saints furent dotés avant
d’aller dans l’Ouest, ce qui accomplit un des désirs les plus chers de Joseph Smith.
L’E G L I S E
DANS D’AUTRES RÉGIONS
Après le martyre, beaucoup d’événements importants se produisirent dans
d’autres régions de l’Eglise, particulièrement en Grande-Bretagne et dans l’Est des
Etats-Unis. Arrivé en Angleterre au début de 1845, Wilford Woodruff traversa la
Grande-Bretagne, tenant des conférences, réglant les affaires de la mission et
ouvrant de nouvelles régions à l’activité missionnaire. A Manchester, dans un
grand centre industriel, il rencontra une salle comble de saints des derniers jours
enthousiastes. Il écrivit dans son journal: «L’Esprit du Seigneur était avec nous.
L’amour et l’union régnaient dans l’assemblée. Je me réjouis de voir tant de saints
unis dans la nouvelle alliance éternelle. J’ai souvent pensé que j’aimerais voir le
président Joseph Smith se trouver dans une conférence de saints en Angleterre,
mais il s’en est allé. Nous pouvons aller vers lui mais nous ne pouvons pas nous
attendre à ce qu’il vienne vers nous14.»
A la fin de 1845, frère Woodruff fut relevé de sa brève mais efficace mission. En
dépit du fait qu’un certain nombre de personnes émigrèrent en 1845 d’Angleterre
à Nauvoo, l’Eglise continua à prospérer et à grandir rapidement en Angleterre,
pour atteindre une population de plus de onze mille âmes. A la fin de 1845, les
saints fidèles de là-bas avaient fourni pour plus de trois cents livres sterling pour
le temple de Nauvoo. En quittant de nouveau ce pays où il avait accompli tant de
grandes oeuvres au cours de ses deux missions, frère Woodruff écrivit combien les
saints britanniques étaient paisibles et heureux.
La mission de Parley P. Pratt dans les Etats de l’Est ne fut pas très différente de
Le journal Prophet, dans lequel parut la
«proclamation» aux chefs de gouvernement,
fut publié par Samuel Brannan, William Smith
et Parley P. Pratt à New York. Il dura un peu
moins de deux ans, du 18 mai 1844 au 15
décembre 1845.
306
celle de Wilford Woodruff en Grande-Bretagne. Il devait mettre en ordre les
affaires de l’Eglise dans l’Est avant que les saints ne commencent leur exode tant
attendu vers l’Ouest. Mais il y rencontra des problèmes plus graves que Wilford
Woodruff en Angleterre.
NAUVOO SOUS LA DIRECTION APOSTOLIQUE
En examinant la situation, Parley et ses deux compagnons découvrirent que
William Smith, George Adams, Samuel Brannan et d’autres enseignaient «toutes
sortes de fausses doctrines et de pratiques immorales, qui en avaient fait trébucher
beaucoup et les avaient détournés de la vertu et de la vérité. Tandis que beaucoup
d’autres, voyant leur iniquité, s’étaient détournés de l’Eglise et s’étaient unis à
divers groupes dissidents15». Conformément aux instructions précédemment
reçues de Brigham Young, les frères envoyèrent les coupables à Nauvoo pour être
disciplinés par les Douze. Parley prit en main la rédaction du Prophet, journal de
l’Eglise à New York. Ses écrits en instruisirent et en inspirèrent beaucoup. Un
article important qu’il publia fut une proclamation aux chefs des gouvernements
du monde entier, s’acquittant ainsi d’une tâche donnée en 1841 par révélation à
l’Eglise (voir D&A124:2-7).
Jedediah M. Grant fut un de ceux qui aidèrent efficacement frère Pratt «à mettre
en ordre les églises et à rétablir les principes purs de l’Evangile16». Pendant
plusieurs années, frère Grant avait beaucoup apporté en tant que missionnaire et,
en décembre 1845, il fut appelé à être un des sept présidents du premier collège
des soixante-dix.
Frère Pratt revint à Nauvoo en août 1845. Il se tint aux côtés de ses frères tandis
que l’Eglise affrontait les outrages antimormons du comté de Hancock. Il
contribua aussi à la construction du temple et y travailla nuit et jour, pendant
les mois de décembre et de janvier, à accorder la dotation aux saints des derniers
jours fidèles.
P R É PA R AT I F S
D U M O U V E M E N T V E R S L’O U E S T
Longtemps avant sa mort, le prophète Joseph avait envisagé de transférer
l’Eglise dans l’Ouest. En 1842, il avait prophétisé que les saints continueraient à
subir beaucoup d’afflictions et «certains d’entre eux aideraient à créer des colonies
et à bâtir des villes, et verraient les saints devenir un grand peuple au milieu des
Montagnes Rocheuses17». Au printemps 1844, les plans de colonisation dans
l’Ouest furent lancés. Une expédition d’exploration fut organisée pour: «Examiner
les emplacements de la Californie et de l’Oregon et ( . . . ) trouver un bon endroit
où nous pourrons nous installer lorsque le temple sera terminé, et où nous
pourrons construire une ville en un jour, et avoir un gouvernement à nous,
Lyman Wight (1796-1858) fut baptisé en
novembre 1830 et fut un des premiers à être
ordonné grand prêtre. Il remplit plusieurs
tâches de confiance en Ohio et au Missouri
et fut compagnon de cellule de Joseph Smith
à la prison de Liberty, au Missouri. Après
s’être installé en Illinois, il fut ordonné apôtre
le 8 avril 1841.
Pendant l’été 1843, il alla couper du bois
dans les forêts de la Black River, au
Wisconsin, et tandis qu’il y était, conçut l’idée
d’aller au Texas pour y créer un lieu de
rassemblement. Après la mort de Joseph
Smith, il décida de mener à bien son idée
d’aller au Texas, qui reçut tout d’abord
l’approbation des dirigeants de l’Eglise. Il
rejeta plus tard la direction des Douze et fut
excommunié le 3 décembre 1848.
monter dans les montagnes où le diable ne pourra pas nous déloger et vivre dans
un climat sain où nous pourrons vivre aussi vieux que nous en avons envie18».
Après la mort du prophète, d’autres préparatifs pour cet exode furent faits.
Le déplacement envisagé vers l’Ouest donna à certains une excuse pour
éloigner des groupes de l’Eglise. Joseph Smith avait autorisé Lyman Wight et
l’évêque George Miller à créer une colonie au Texas; le président Young
encouragea cet effort jusqu’à ce qu’il devînt évident que Wight et Miller voulaient
que l’Eglise tout entière s’y installe. A la fin du mois d’août 1844, frère Wight fut
invité à limiter son groupe à ceux qui travaillaient avec lui dans les pinèdes du
Wisconsin. Il les emmena au Texas. Mais plutôt que de chercher un lieu
d’installation, il créa une colonie permanente. En novembre 1845, les saints du
307
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Texas furent invités à revenir à Nauvoo, mais le dirigeant, qui était indépendant
d’esprit, et ses partisans, refusèrent. En 1848, après plusieurs autres tentatives de
réconciliation, frère Wight fut excommunié de l’Eglise.
Brigham Young et ses collègues voulaient rester en Illinois jusqu’à ce que le
temple fût terminé et que des préparatifs suffisants eussent été faits pour le départ.
Au cours de l’hiver 1844-45, ils lurent les journaux des trappeurs, les comptes
rendus des expéditions d’exploration du gouvernement et les articles de journaux
des voyageurs qui s’étaient rendus dans l’Ouest pour accumuler le plus de
renseignements possible concernant la région. Les comités de relocalisation
envisagèrent trois grands territoires comme emplacements potentiels dans
l’Ouest: le Texas, qui était un pays indépendant, la Haute-Californie, une grande
province mexicaine mal définie et vaguement gouvernée (dont le futur Etat
d’Utah faisait alors partie) et l’Oregon, qui englobait tout le nord-ouest et était
conjointement réclamé et administré par les Etats-Unis et l’Angleterre.
Graduellement leur attention se tourna vers l’extrémité orientale du Grand Bassin
George Miller (1794-1856) fut baptisé en
1839 par John Taylor en Illinois. En 1841, il fut
appelé comme évêque (voir D&A124:20-21).
En 1842-44, il accompagna plusieurs
chargements de bois à partir des pinèdes du
Wisconsin et le long du Mississippi. Après le
martyre, il fut désigné comme fidéicommis de
l’Eglise.
Mais en 1847, il refusa de se laisser
gouverner par Brigham Young; par
conséquent, il rejoignit Lyman Wight au
Texas. En 1850, il devint membre des
Strangites à Beaver Island, au Michigan.
Après la mort de James J. Strang en 1856,
Miller se mit en route pour la Californie mais
mourut en Illinois.
parce que cette région assurait l’isolement désiré et des milliers d’hectares de
terre fertile.
Les dirigeants de l’Eglise assurèrent aux saints, dont certains furent surpris de
l’annonce, que l’exode était une transplantation bien planifiée, nécessaire pour
donner à l’Eglise la place dont elle avait besoin pour grandir. La conférence
générale d’octobre fut consacrée en grande partie aux préparatifs d’un retrait
ordonné et unifié. Après la conférence, les Douze publièrent une épître générale
expliquant: «Une crise d’un intérêt extraordinaire et passionnant s’est produite.
L’exode . . . dans une région très éloignée de l’Ouest, où la mesquinerie,
l’intolérance et l’oppression insatiable perdent tout pouvoir – constitue une ère
nouvelle.» Elle recommandait en outre aux saints de partout de vendre leurs biens
et de se préparer pour le rassemblement19. En dépit de l’arrivée de l’hiver, Nauvoo
Exode de Nauvoo, par Lynn Faucett.
Les premiers saints quittèrent Nauvoo le 4
février 1846. Le premier problème qu’ils
rencontrèrent fut de parvenir avec leurs biens
de l’autre côté du Mississippi. Le fleuve gela
brièvement, ce qui permit à certains de
traverser sur la glace, mais la plupart des
gens utilisèrent le bac ou de petits esquifs.
Les deux méthodes étaient dangereuses.
Ils ne s’en rendaient pas compte à ce
moment-là, mais la partie la plus difficile du
voyage vers l’Ouest allait être constituée par
les quelque cinq cents kilomètres de
traversée de l’Iowa pendant le printemps
pluvieux de 1846. Elle fut suffisamment
difficile pour réduire à néant les projets
d’arrivée aux Montagnes Rocheuses cette
saison-là et pour forcer les saints à s’installer
dans des quartiers d’hiver.
308
Publié avec la permission de madame Lynn Fausett
bourdonnait d’activité avec les saints qui se préparaient à l’exode.
NAUVOO SOUS LA DIRECTION APOSTOLIQUE
L’évacuation de l’ouest de l’Illinois avait été prévue à l’origine pour avril 1846,
mais deux nouvelles menaces provoquèrent un départ hâtif et prématuré. La
première fut l’accusation de contrefaçon portée contre Brigham Young et huit
autres apôtres. La deuxième fut l’avertissement donné par le gouverneur Thomas
Ford et d’autres que des troupes fédérales de Saint-Louis envisageaient
d’intercepter les mormons et de les massacrer. On apprit des années plus tard que
ce n’était là qu’une rumeur créée pour inciter les saints à partir plus tôt que prévu.
En janvier 1846, les frères décidèrent de préparer plusieurs compagnies à partir
d’un instant à l’autre. Un comité fut désigné pour liquider tous les biens et toutes
les possessions abandonnées, entre autres le temple et la Nauvoo House. La
décision de partir fut prise le 2 février, et le premier groupe, dirigé par Charles
Shumway, traversa le Mississippi le 4 février. Bientôt plusieurs centaines de saints
étaient assemblés dans des camps temporaires en Iowa. Brigham Young et d’autres
restés sur place pour donner les dotations aux saints, ne quittèrent Nauvoo qu’à la
mi-février. Malheureusement, il y en eut trop qui partirent mal équipés et qui
décidèrent de partir plus tôt qu’il n’aurait fallu.
Si les saints avaient quitté Nauvoo à partir d’avril, comme prévu au départ,
l’exode aurait certainement été plus ordonné. Le plan originel prévoyait vingt-cinq
compagnies de cent familles chacune avec des provisions suffisantes, sous la
présidence d’un capitaine de compagnie. Les compagnies devaient partir à des
intervalles prévus pour veiller à ce que les choses se fassent dans l’ordre. Mais ces
plans furent réduits à néant par les saints qui paniquèrent et ne voulurent pas
rester en arrière après le départ des Douze. Beaucoup parmi les capitaines
précédemment désignés abandonnèrent leurs tâches pour s’aligner sur les
compagnies d’avant-garde et être avec les Douze. Mais en dépit de la confusion,
l’optimisme régnait parmi les saints de l’est de l’Iowa. Une des migrations les plus
remarquables de l’histoire de la civilisation occidentale avait commencé.
NOTES:
1. «An Epistle of the Twelve», Times and
Seasons, 15 août 1844, p. 619.
2. Voir History of the Church, 7:305-7.
3. History of the Church, 7:260.
4. History of the Church, 7:260.
5. Dans History of the Church, 7:355-56.
6. Dans History of the Church, 7:431.
7. Dans History of the Church, 7:267.
8. Dans History of the Church, 7:302.
9. Dans History of the Church, 7:433.
10. Dans History of the Church, 7:456-57.
11. Dans Journal of Discourses, 14:218.
12. History of the Church, 7:567.
13. Voir History of the Church, 7:547-48.
14. Journaux de Wilford Woodruff, 16 février
1845, département d’histoire de l’Eglise, Salt
Lake City.
15. Parley P. Pratt, éd., Autobiography of Parley
P. Pratt, série Classics in Mormon Literature,
Salt Lake City, Deseret Book Co., 1985,
p. 299.
16. Pratt, Autobiography of Parley P. Pratt,
p. 300.
17. History of the Church, 5:85.
18. History of the Church, 6:222.
19. Brigham Young et Willard Richards, dans
History of the Church, 7:478; voir aussi
pp. 479-480.
309
CHAPITRE VINGT- CINQ
LA
Ligne du temps
Date
Evénement important
4 févr. 1846
Les saints commencent à
traverser le Mississippi.
1er mars
1846
Le camp d’Israël quitte Sugar
Creek
26 mars 1846 Réorganisation du camp
d’Israël à la Chariton River
T R AV E R S É E D E L’I O WA
L
ORSQU’ILS TRAVERSÈRENT le Mississippi pour entrer en Iowa, les
saints partaient à la recherche d’une patrie où ils pourraient édifier le
royaume de Dieu sans être opprimés. L’accès de ce nouveau refuge ne fut
pas aisé; il exigea des labeurs, des sacrifices et la mort, et la première partie du
voyage—la traversée du territoire de l’Iowa—se révéla être la plus dure. Il fallut au
principal «camp d’Israël» 131 jours pour faire les cinq cents kilomètres de la
15 avr. 1846
Création à Locust Creek du
cantique «Venez, venez»
24 avr. 1846
Fondation de Garden Grove
pionnière pour faire 1690 kilomètres de Winter Quarters à la vallée du grand lac
16 mai 1846
Fondation de Mount Pisgah
14 juin 1846
La première compagnie
pionnière atteint le fleuve
Missouri 1-20 juillet 1846
Recrutement du Bataillon
mormon
Salé. L’insuffisance des préparatifs, le manque de guides informés, les retards, un
Sept. 1846
Création de Winter Quarters
Sept 1846
Bataille de Nauvoo;
évacuation des saints pauvres
traversée de l’Iowa. Un an plus tard, il ne fallut que 111 jours à la compagnie
temps exécrable et un terrain difficile firent du voyage à travers l’Iowa un des plus
éprouvants de l’histoire de l’Eglise. Néanmoins, ces gens intrépides ne savaient
pas ce que c’était que d’échouer. La traversée de l’Iowa ne fit que renforcer leur
résolution et fut pour eux une expérience précieuse pour l’avenir.
LE
V OYA G E C O M M E N C E D A N S L A T R I S T E S S E
Les premiers chariots à quitter Nauvoo embarquèrent sur le bac le 4 février 1846.
Une fois le Mississippi traversé, ils ouvrirent une piste longue de quinze
kilomètres jusqu’à Sugar Creek, dressèrent le camp et attendirent l’arrivée de
Brigham Young. Au cours du mois de février, plus de trois mille personnes
traversèrent le fleuve sous la direction de Hosea Stout, capitaine de la police de
Nauvoo, et se rassemblèrent à Sugar Creek.
Quitter Nauvoo fut un acte de foi pour les saints. Ils partaient sans savoir
exactement où ils allaient ni où ils auraient un endroit où ils pourraient s’installer.
Tout ce qu’ils savaient, c’est qu’ils étaient sur le point d’être chassés de l’Illinois par
leurs ennemis et que leurs dirigeants avaient reçu la révélation qu’ils devaient
trouver un refuge quelque part dans les Montagnes Rocheuses.
Le monument de Winter Quarters, situé à
Omaha (Nebraska), fut dédié le 20
septembre 1936. Il représente la souffrance
de parents pionniers ensevelissant un enfant.
Il porte l’inscription suivante:
«Pour que les efforts, les sacrifices et les
souffrances des pionniers fidèles et la cause
qu’ils représentaient ne soient jamais oubliés,
ce monument a été érigé et dédié avec
reconnaissance par l’Eglise de Jésus-Christ
des Saints des Derniers Jours.
«Première Présidence: Heber J. Grant, J.
Reuben Clark Jr, David O. McKay.
«Sculpteur: Avard Fairbanks, descendant
de pionniers enterrés ici.»
Un temps de printemps facilita le départ précoce de Nauvoo, mais très bientôt
un temps rigoureux s’installa qui fut à la fois une gêne et une bénédiction pour
l’exode déjà pénible. Le 14 février, il neigea, le 19 février, un vent de nord-ouest
apporta vingt centimètres de neige, une nuit très froide et «beaucoup de
souffrances dans le camp, car il y en avait beaucoup qui n’avaient pas de tente ni
d’endroit confortable pour se loger: beaucoup de tentes furent renversées,
certaines n’étaient pas finies et n’avaient pas de cordages1». Lorsque Brigham
Young eut quitté Nauvoo et traversé le fleuve jusqu’en Iowa, la boue devint si
profonde que ses attelages durent être doublés pour amener les chariots au
sommet de la colline jusqu’au camp de Sugar Creek2. Une semaine plus tard, la
311
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
La fanfare de Nauvoo (également appelée
fanfare de William Pitt) fut organisée en 1842
pour accompagner les exercices de la
Légion de Nauvoo. La fanfare jouait souvent
pour les réunions de société et les
assemblées religieuses, lors de
manifestations patriotiques et autres, des
arrivées et des départs de personnes
importantes et pour égayer les voyages en
bateau à vapeur. Elle alla jusqu’à lever des
fonds et à construire la salle de concert de
Nauvoo en 1843.
Pendant la première moitié de la traversée
de l’Iowa, la fanfare non seulement apporta
une distraction aux saints fatigués après une
longue journée de marche, mais obtint aussi
de l’argent, des provisions et de
l’équipement grâce à des concerts joués
pour les colons des villes et des villages
situés le long de l’itinéraire.
Après l’arrivée à Garden Grove, la fanfare
se dispersa, certains de ses membres
retournant à Nauvoo, d’autres poursuivant
leur voyage vers Winter Quarters, d’autres
encore restant à Garden Grove. En Utah, la
fanfare fut recréée un certain temps et remplit
des fonctions semblables à celles qu’elle
avait remplies à Nauvoo.
température s’effondra et le Mississippi gela, ce qui hâta l’abandon de Nauvoo en
permettant à de nombreux saints de traverser sur la glace. Mais à cause du froid
extrême, beaucoup de personnes, Brigham Young et Willard Richards y compris,
tombèrent malades à Sugar Creek. Plusieurs femmes accouchèrent dans le camp
glacial, dressé à la hâte; ce furent elles et leurs nouveau-nés qui souffrirent le plus
de l’exposition au froid, au vent et à la neige.
Les saints qui partaient souffraient aussi du manque de nourriture. Voulant être
avec leurs dirigeants, beaucoup d’entre eux n’avaient pas suivi le conseil de se
préparer avant de partir. Brigham Young, Heber C. Kimball et quelques autres
avaient entrepris le voyage avec du ravitaillement pour un an, mais la plupart des
autres partirent quasiment sans nourriture. A cause de ce manque de préparation,
certains, qui avaient emmené des provisions et étaient disposés à partager,
vidèrent leurs réserves en quelques semaines. Le président Young avait la
responsabilité écrasante d’être le père de tous. Une inscription dans son journal
montre son découragement: «Si ce peuple n’est pas davantage uni en esprit et ne
cesse de prier pour avoir ce qu’on lui a recommandé d’éviter, cela va me mettre
dans ma tombe. Je suis amaigri au point que mon veston, que je n’arrivais
quasiment plus à fermer l’été dernier, est maintenant trente centimètres trop
grand. C’est au prix de gros efforts que je m’empêche de me coucher pour dormir
afin d’attendre la résurrection3.»
En dépit de la situation difficile, il y avait une certaine gaieté dans le camp.
Presque tous les soirs, la fanfare de William Pitt jouait les grandes marches, quicksteps et galops populaires de l’époque. Autour des feux de camp, les gens
dansaient au son du violon et chantaient les chansons à la mode ainsi que d’autres
que l’on composait pour l’occasion. L’une de celles-ci était «The Upper California»:
La Haute-Californie—C’est le pays magnifique!
Elle est entre les montagnes et le grand Pacifique;
Les saints peuvent y être abrités,
Et goûter aux bienfaits de la liberté.
En Haute-Californie—Oh quel pays magnifique!4
Le terme Haute-Californie désignait un territoire vaguement défini administré
par le Mexique et comprenant la plus grande partie des Etats actuels d’Utah, du
Colorado, du Nevada et de Californie.
Brigham Young remarqua que les saints «étaient patients et supportaient toutes
leurs privations sans murmurer». Un mois plus tard, il ajoutait: «Je ne pense pas
William Pitt, converti britannique et
musicien accompli, était chef de la fanfare de
Nauvoo, tant parce qu’il s’y connaissait en
musique que parce que, lorsqu’il quitta
l’Angleterre, il emporta une vaste collection
de morceaux de musique arrangés pour
instruments à vent en cuivre. Pitt avait la
réputation d’être un excellent flûtiste, mais il
préférait le violon et d’autres instruments. Il fut
un des trois membres de la fanfare à se
rendre dans la vallée du lac Salé avec la
compagnie pionnière originelle.
312
qu’il y ait jamais eu, depuis le temps d’Enoch, de groupe de gens, mis dans la
même désagréable situation que ce peuple, où il y ait eu si peu de rouspétances, et
j’ai la certitude que le Seigneur était satisfait de la majorité des membres du camp
d’Israël5.»
LE
C A M P D ’I S R A Ë L E N R O U T E P O U R L’O U E S T
Les saints ne commencèrent à quitter le camp de Sugar Creek que le 1er mars
1846. Les huit ou dix derniers jours furent essentiellement consacrés à discuter des
LA TRAVERSÉE DE L’IOWA
plans de voyage et de l’organisation de la caravane. Dès le départ, le gros des
saints prit le nom de «camp d’Israël», dont le président était Brigham Young.
Comme pour l’Israël d’autrefois, il y avait des compagnies et des capitaines de
cent, de cinquante et de dix. Au cours des deux années qui suivirent, il y eut
d’autres comparaisons avec l’Ancien Testament, comme l’illustrent des termes tels
que Sion au sommet des montagnes, peuple élu, exode, mont Pisgah, Jordan River, mer
Morte, faire fleurir le désert comme le narcisse et un Moïse moderne en la personne de
Brigham Young.
Une des raisons pour lesquelles les saints tardèrent à partir était qu’ils se
demandaient quel était le meilleur itinéraire pour traverser l’Iowa. L’est de l’Iowa
était ouvert à la colonisation depuis la guerre indienne de Black Hawk de 1830-32,
mais au-delà de cent cinquante kilomètres à l’ouest du Mississippi, la population
était rare, les routes peu nombreuses et mauvaises. En outre, il y avait de
nombreuses rivières et de nombreux cours d’eau à traverser. Le camp devait aussi
décider de l’endroit où il allait traverser le fleuve Missouri. Les saints voulaient
éviter les traversées qui les mèneraient dans l’Etat de Missouri où il y avait
toujours un sentiment antimormon.
Stephen Markham (1800-78) accepta
l’Evangile en 1837, en Ohio. Fermier
prospère et saint fidèle, il vendit ses biens sur
les recommandations de Joseph Smith pour
aider soixante personnes à aller de Kirtland à
Far West (Missouri). Pendant la période de
Nauvoo, il fut garde du corps de Joseph
Smith et sacrifia de nouveau une maison
neuve (pour aller vivre sous une tente) afin
d’aider le prophète à payer des frais de
procédure.
Il était avec les Frères à Carthage, mais
l’accès à la prison lui fut refusé quelques
heures avant le martyre. Outre son rôle de
pionnier en Iowa, il fut également membre de
la première compagnie pionnière vers la
vallée du lac Salé et participa plus tard à
l’effort de colonisation en Utah.
Quand les saints reprirent leur marche, ils envisageaient d’atteindre le Missouri
à la mi-avril, d’ensemencer de petites superficies le long du chemin pour ceux qui
les suivraient, d’installer une partie du camp quelque part à l’ouest du fleuve
Missouri pour en faire une ferme ou une étape pour les futurs voyageurs et
d’expédier une compagnie rapide dans les montagnes avec les semis de
printemps. Une compagnie pionnière dirigée par Stephen Markham fut envoyée
en avant pour repérer les meilleurs itinéraires, trouver des endroits pour les
échanges commerciaux, construire des ponts et faire d’autres préparatifs. Mais
trois problèmes fondamentaux gênèrent la progression des saints en Iowa. Le
premier fut le manque de provisions. Chaque compagnie chargea deux préposés
à l’intendance de contacter les colons et de négocier pour obtenir de la nourriture
et du fourrage. A cause du manque généralisé de provisions, beaucoup d’hommes
trouvèrent du travail dans les villes de l’est de l’Iowa pour payer le ravitaillement
nécessaire. La fanfare de William Pitt donna des concerts officiels dans beaucoup
de localités de l’Iowa pour lever d’autres fonds. Comme un grand nombre
d’hommes travaillaient au lieu d’être dans les chariots, les progrès furent pénibles.
Cela explique pourquoi la plus grande partie du camp s’attarda presque trois
semaines à Richardson’s Point, à 90 kilomètres seulement de Nauvoo. Brigham
Young n’avait traversé que la moitié de l’Iowa lorsque, à cause de sa générosité, les
provisions de sa famille s’épuisèrent. Les autres apôtres étaient dans la même
situation6. Le 24 mars, Hosea Stout signala que la moitié de ses hommes était à
court de provisions. Et le problème empira avant leur arrivée au fleuve Missouri.
Un deuxième problème était la désorganisation du camp, qui s’étalait sur des
kilomètres à travers l’est de l’Iowa. Plusieurs cavaliers passaient tout leur temps
rien qu’à porter des messages entre les dirigeants des compagnies séparées.
Exaspéré par le désordre et par l’esprit aventureux, indépendant et compétitif de
l’évêque George Miller et d’autres, Brigham Young se rendit compte qu’il fallait
313
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Fl
eu
ve
M
i
ss
iss
Itinéraire des charrettes à bras mormones (1856)
i
pp
i
Fl
Itinéraire des pionniers mormons (1845)
eu
ve
Miss
our i
Nebraska
Davenport
Winter
Quarters
(devint
Florence
en 1856)
Iowa
City
Des Moines
Council
Bluffs
Mount Pisgah
Garden
Grove
Camp sur la
Chariton River
Iowa
Missouri
Deux pistes mormones importantes ont
traversé l’Iowa. La piste du nord était
l’itinéraire des compagnies de charrettes à
bras de 1856. Les pionniers de 1846
parcoururent l’itinéraire sud. La plus grande
partie du camp resta près de deux semaines
à Richardson’s Point pour améliorer son
organisation pendant une période de
mauvais temps. Néanmoins, quand il atteignit
la Chariton, à environ cent soixante kilomètres
à l’ouest de Nauvoo, elle n’avait fait que
quatre à cinq kilomètres en moyenne par jour,
beaucoup de personnes étaient très
dispersées, et certaines étaient retournées à
Nauvoo. Il fallait une réorganisation en
profondeur.
L’itinéraire de 1846 suivait la frontière du
Missouri à cause de la proximité de la
civilisation. Les dirigeants de l’Eglise avaient
l’intention de traverser le nord-ouest du
Missouri vers Banks Ferry, importante étape
de ravitaillement pour les lieux situés à l’ouest
du fleuve Missouri. La réaction hostile des
Missouriens les obligea à se diriger de
nouveau vers le nord.
Plus loin, à l’ouest, à Locust Creek, William
Clayton composa le cantique «Venez, venez».
Garden Grove, une des deux colonies
«permanentes» était quasiment à mi-chemin
en Iowa, à 230 kilomètres à l’ouest de
Nauvoo et à 190 kilomètres à l’est du fleuve
Missouri. Les saints arrivèrent le 24 avril à
Garden Grove et, le 18 mai, Parley P. Pratt
désigna le mont Pisgah comme deuxième
camp permanent. Brigham Young y fêta, le
1er juin 1846, son quarante-cinquième
anniversaire.
Richardson’s
Point
Camp de
Locust Creek
Illinois
Nauvoo
Sugar
Creek
établir un contrôle plus ferme sur le camp. Il exigea une obéissance et une
collaboration plus strictes et expédia une lettre de réprimande à ceux qui étaient
loin en avant du reste du camp, leur disant de revenir pour tenir conseil.
Parley P. Pratt, qui était avec Miller, fut sévèrement réprimandé en même temps
que les autres. Les événements qui suivirent prouvèrent que c’était l’Esprit qui
animait Brigham Young. Parley P. Pratt dit: «Car l’évêque Miller, qui était un
membre dirigeant et actif dans notre camp, nous a quittés depuis lors et a suivi sa
propre voie, refusant de se laisser guider par les conseils de la Présidence et est allé
au Texas. Et je veux faire remarquer ici que, bien que mes propres motivations
fussent pures, dans la mesure où je pouvais lire dans mon propre coeur,
néanmoins je remercie Dieu de cette réprimande venue en temps opportun; j’en
ai profité, et cela m’a amené à être dorénavant plus attentif et plus prudent7.»
Le 26 mars, sur les rives de la Chariton River, Brigham Young et Heber C.
Kimball regroupèrent le camp en trois compagnies de cent familles chacune. Bien
que le voyage se déroulât dorénavant d’une manière plus ordonnée,
l’amélioration de l’organisation ne put avoir raison du facteur final, sans doute le
plus difficile de tous: le temps pluvieux de printemps. Des neiges fondant
soudainement, une pluie presque constante, des ruisseaux gonflés, une boue qui
n’en finissait pas et des vents violents retardèrent l’avance. Le commentaire que fit
Brigham Young vers la fin de mars, qu’ils n’avaient traversé ce jour-là qu’un seul
trou de boue «qui avait environ dix kilomètres de long», illustre l’effet du dégel et
des pluies de printemps qui transformèrent les routes et les emplacements de
camp en bourbiers8. Les journaux personnels montrent qu’il plut ou neigea
pendant onze jours au moins en mars à partir du 10. Le temps continua à se
dégrader en avril, et il plut ou neigea la moitié du mois, notamment chaque jour
de la dernière semaine. Il y eut tant de chariots qui s’embourbèrent que le voyage
se réduisit à moins d’un kilomètre par jour.
314
LA TRAVERSÉE DE L’IOWA
Le 6 avril fut une journée particulièrement mauvaise. Hosea Stout dit: Ce fut, de
tous les matins, le plus lugubre, le plus sombre et le plus pluvieux après un aussi
beau jour qu’hier . . . Ce jour fut le pire de tous pour le voyage. La route fut la pire
que j’eusse jamais vue, montant et descendant à travers des bourbiers sur des
crêtes spongieuses et des marécages profonds, de violentes averses, et le ruisseau
qui gonflait. Les chevaux s’enfonçaient parfois jusqu’au ventre sur les crêtes, et les
attelages étaient bloqués en descente. Nous travaillâmes et peinâmes plus de la
moitié du jour et dûmes finalement laisser certains de nos chariots et de nos
doubles attelages pour pouvoir traverser». Ce soir-là, lorsque la plupart des
personnes du camp se furent couchées, le vent se mit à souffler. Hosea n’avait pas
fixé sa tente avec de gros cordages. Il raconta plus tard: «Je dus sortir du lit et la
maintenir longtemps dans le vent et dans la pluie qui s’abattait sur moi jusqu’à ce
que je sois trempé jusqu’aux os, et je ne pouvais pas m’éloigner pour la fixer, parce
qu’elle aurait été emportée.» Il resta là jusqu’à ce que quelques-uns des frères
viennent à son secours9.
Eliza R. Snow écrit: «[Le vent était] une véritable bourrasque accompagnée
d’une violente averse de pluie, et plusieurs de nos habitations furent aplaties et les
toits de nos chariots manquèrent d’être détruits par la violence des éléments10.»
Lorsque les voyageurs fatigués se levèrent le lendemain matin, il y avait un peu de
neige, il avait légèrement gelé et le ruisseau était gonflé. Les vêtements et la literie
étant souvent détrempés, et les températures souvent glaciales, les maladies
fréquentes et de temps en temps des décès gênaient le voyage.
A la date du 15 avril, le camp se trouvait sur le Locust Creek, près de la limite
actuelle entre l’Iowa et le Missouri. William Clayton, contrarié par la lente avance
du camp et le fardeau que représentait l’entretien d’une famille nombreuse, fut
heureux d’apprendre que Diantha, sa femme plurale, laissée à Nauvoo pour y être
soignée et protégée, avait donné le jour à un garçon en bonne santé. Là-dessus il
composa un nouveau cantique de louanges au Seigneur intitulé «Tout est bien»
(appelé aujourd’hui «Venez, venez, sans craindre le devoir»). Celui-ci devint un
chant distinctif pour beaucoup de pionniers mormons qui traversèrent plus tard
les plaines vers le Grand Bassin.
William Clayton (1814-79) naquit en
Angleterre et fut parmi les premiers à y
accepter l’Evangile en 1837. Il émigra à
Nauvoo en 1840, et ses talents d’écrivain et
de narrateur furent rapidement appréciés. En
1842, il devint greffier et secrétaire privé de
Joseph et remplit des fonctions semblables
pendant toute sa vie.
Il fut greffier du temple de Nauvoo. En
Utah, il fut trésorier de la ZCMI, greffier
territorial des marquages de propriété et
vérificateur territorial de la comptabilité
publique. C’est surtout pour le fait que, le 12
juillet 1843, il mit par écrit la révélation sur le
mariage plural et pour la composition de
«Venez, venez sans craindre le devoir», près
de Corydon (Iowa), qu’il est sans doute le
mieux connu.
Venez, venez, sans craindre le devoir,
Travailler au progrès!
Si le chemin à vos yeux paraît noir,
Le secours est tout près.
Mieux vaut lutter de tout son coeur,
Pour acquérir le vrai bonheur.
Venez, joyeux, ne craignez rien,
Tout est bien, tout est bien!
..............................
Dieu nous prépare un brillant avenir
Dans l’Ouest, au lointain.
Notre destin pourra s’y accomplir
En dépit du Malin.
315
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
Et nos transports célébreront,
Au monde entier nos chants diront
Tous les bienfaits du Roi divin.
Tout est bien, tout est bien!11
Comme la pluie continuait à se déverser dans le Locust Creek gonflé, les
dirigeants de l’Eglise commencèrent à revoir leurs plans. Les retards angoissants,
les souffrances des voyageurs, l’affaiblissement de leurs animaux de trait, le prix
exorbitant du fourrage, le mauvais état des chariots et de l’équipement, la
diminution rapide des provisions et l’absence de perspectives d’amélioration du
temps, tout cela contribua à la réévaluation des projets des saints. Le rêve
d’atteindre les Montagnes Rocheuses plus tard au cours de cette saison s’éloignait.
C R É AT I O N
D ’ É TA P E S D E R AV I TA I L L E M E N T E T P O U R S U I T E D U
CHEMIN VERS LE
MISSOURI
A Locust Creek, les Frères, après avoir prié, mirent sur pied un nouveau plan
consistant à créer des fermes ou des étapes de ravitaillement sur l’itinéraire vers
l’Ouest. Le 24 avril, les pionniers atteignirent un endroit appelé Garden Grove, à
près de cent kilomètres au nord-ouest de Locust Creek et à peu près à mi-chemin
de la traversée de l’Iowa. En trois semaines, ils avaient labouré 290 hectares de
dure herbe de la prairie, construit des cabanes et créé une petite localité. Un grand
conseil fut appelé pour gérer les affaires de l’Eglise et les affaires civiles, et deux
cents personnes furent chargées de faire prospérer cette première étape de
ravitaillement.
Garden Grove n’avait pas assez de bois pour approvisionner toutes les
compagnies qui allaient bientôt arriver de Nauvoo, de sorte que les frères
envoyèrent des éclaireurs explorer la région. Parley P. Pratt trouva des collines
herbeuses couronnées de beaux bosquets à quarante kilomètres au nord-ouest de
Garden Grove. Il fut au comble de la joie. Faisant allusion à la montagne du haut
de laquelle Moïse vit la terre Promise, Parley s’écria: «C’est le mont Pisga12».
Quelques jours plus tard, Brigham Young arriva et organisa immédiatement une
deuxième étape de ravitaillement à Mount Pisgah. Un nouveau grand conseil fut
désigné, et quelques milliers d’hectares furent clôturés, ensemencés et cultivés en
coopérative. Ezra T. Benson (arrière-grand-père du treizième président de l’Eglise),
un des nouveaux dirigeants, déclara: «C’était le premier endroit, depuis mon
13
départ de Nauvoo, où je me sentais disposé du fond du coeur à demeurer .»
Le premier camp permanent établi pour le
profit de ceux qui allaient suivre fut Garden
Grove. Samuel Bent, Aaron Johnson et David
Fullmer furent appelés à présider la colonie
de Garden Grove.
John R. Young écrit: «Il leur fut dit de
diviser gratuitement les terres entre les
pauvres, mais de ne pas donner davantage à
quelqu’un que ce qu’il pouvait réellement
cultiver. Il ne devait pas y avoir de gaspillage
ni de spéculation14.»
Samuel Bent mourut le 16 août 1846 à
Garden Grove.
Mount Pisgah ne tarda pas à l’emporter sur Garden Grove en grandeur et en
importance. Mais toutes deux furent des étapes de ravitaillement pionnières
importantes de 1846 à 1852.
Pendant la première partie de juin 1846, une compagnie d’avant-garde,
comprenant des membres des Douze, quitta Mount Pisgah et se mit en route pour
le fleuve Missouri. Bien qu’étant deux mois en retard par rapport au calendrier
originel, les Frères espéraient quand même qu’une compagnie rapide pourrait
arriver pour l’automne aux Montagnes Rocheuses. Il ne fallut que quatorze jours
pour faire les cent soixante derniers kilomètres jusqu’à la région de Council Bluffs
316
LA TRAVERSÉE DE L’IOWA
sur le fleuve Missouri, en partie parce qu’ils connurent le luxe inhabituel de pistes
sèches et d’une herbe abondante. Un siège temporaire fut créé à Mosquito Creek
sur le territoire des Indiens Pottawattomie. Ils découvrirent que leur première
tâche était de préparer des embarcadères et un bateau pour transporter les
chariots d’émigrants de l’autre côté du Missouri. Cela se réalisa en quinze jours
seulement.
Néanmoins, deux problèmes n’étaient toujours pas résolus. Où les saints
allaient-ils passer l’hiver le long du Missouri puisqu’ils étaient toujours sur les
terres indiennes? Et les apôtres et d’autres avaient-ils encore le temps de continuer
vers l’Ouest avant le début des tempêtes d’hiver? La dernière question fut
tranchée après consultation avec le capitaine James Allen de l’armée américaine,
qui arriva le 1er juillet pour lever un bataillon de soldats mormons. Avec la perte
de tant d’hommes affectés au bataillon, la migration vers l’Ouest fut retardée un
certain temps.
APPEL
D U B ATA I L L O N M O R M O N
En 1845, les Etats-Unis annexèrent le Texas, irritant ainsi le Mexique, qui
réclamait toujours une grande partie du territoire du Texas. Le 24 avril 1846, il y eut
une escarmouche entre les troupes mexicaines et les dragons américains, mais le
Congrès ne déclara la guerre que le 12 mai 1846. Les expansionnistes américains
étaient ravis de la guerre parce qu’elle leur donnait l’occasion d’acquérir un
Mount Pisgah, deuxième camp permanent
en Iowa, fut fondé le 18 mai 1846 et fut confié
à la présidence de William Huntington, Ezra T.
Benson et Charles C. Rich. Beaucoup de
saints qui quittèrent Nauvoo après Brigham
Young y rattrapèrent le camp, et une partie du
Bataillon mormon y fut recrutée.
Pisgah fut conservé comme camp au
moins jusqu’en 1852 et, à son apogée, avait
une population de plus de trois mille saints.
Noah Rogers, qui était récemment revenu de
mission dans les îles des mers du sud, fut le
premier à y mourir et à y être enterré.
Beaucoup d’autres y moururent et y furent
également enterrés. En 1886, l’Eglise acheta
le terrain de quarante ares où se trouvait le
cimetière et, en 1888, érigea un monument
pour en marquer l’emplacement.
territoire s’étendant jusqu’à l’océan Pacifique. James K. Polk, président des EtatsUnis, lui-même expansionniste, prévit, dans ses objectifs de la guerre, l’acquisition
du Nouveau-Mexique et de la Haute-Californie. L’armée américaine de l’Ouest fut
chargée de conquérir ce vaste territoire.
La guerre contre le Mexique arriva exactement au moment où les saints des
derniers jours demandaient à Washington une aide pour leur émigration vers
l’Ouest. Avant de quitter Nauvoo, Brigham Young appela Jesse C. Little à présider
l’Eglise dans l’Est et à se rendre dans la capitale du pays avec une demande d’aide.
Frère Little était aidé par son ami, Thomas L. Kane, vingt-quatre ans, fils de John
Kane, juge fédéral éminent et collègue politique du président Polk. Thomas avait
travaillé avec son père comme clerc de notaire et était par conséquent bien connu
à Washington. Ensemble, Little et Kane négocièrent avec les autorités pour avoir
des contrats avec le gouvernement pour construire des redoutes et des fortins le
long de la piste de l’Oregon, mais la guerre contre le Mexique fournit aux saints et
au gouvernement une meilleure occasion de s’entraider.
Sur les instances de Kane, frère Little laissa entendre, dans une lettre au
président Polk, que bien que les saints fussent des Américains loyaux, le refus du
gouvernement de les aider pourrait les «obliger à être des étrangers15». Polk ne
voulait pas que les saints s’unissent aux intérêts britanniques dans le territoire de
l’Oregon, et il ne voulait pas non plus s’attirer l’hostilité des volontaires
missouriens de l’armée de l’Ouest, de sorte que, après des conversations avec frère
Little, il permit le recrutement de cinq cents volontaires mormons après qu’ils
eussent atteint la Californie. De cette façon, il pourrait conserver la loyauté des
317
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
saints sans susciter l’opposition d’aucun antimormon. Mais lorsque William
Marcy, ministre de la guerre, écrivit au colonel Stephen W. Kearny, à Fort
Leavenworth (Kansas), Polk avait apparemment changé d’avis, parce que Kearny
fut autorisé à enrôler immédiatement un bataillon mormon. A la fin de juin,
Kearny envoya le capitaine James Allen dans les camps mormons du sud de l’Iowa
recruter les volontaires.
Le capitaine Allen fut le premier à se rendre à la nouvelle colonie mormone de
Mount Pisgah. Il y rencontra une opposition farouche au plan. Wilford Woodruff,
en route pour rejoindre les autres apôtres au fleuve Missouri, était méfiant. Il écrit:
«J’avais des raisons de croire qu’ils étaient des espions et que le président n’avait
rien à voir avec cela. Mais nous agîmes envers eux avec civilité et les envoyâmes à
Council Bluffs pour présenter l’affaire au président16.»
Des messagers envoyés par frère Woodruff avertirent Brigham Young de la
mission du capitaine Allen deux jours avant l’arrivée de celui-ci à Council Bluffs.
Avant de l’accueillir, Brigham Young, Heber C. Kimball et Willard Richards se
Jesse C. Little (1815-93) était, en 1846,
président de la mission des Etats centraux de
Nouvelle-Angleterre. Il laissa temporairement
sa famille dans l’Est et se rendit au Nebraska,
où il se joignit à Brigham Young et à la
compagnie pionnière originelle, à cent douze
kilomètres à l’ouest de Winter Quarters.
Après être rentré dans la vallée du lac Salé,
il revint dans l’Est où il continua à remplir ses
fonctions de président de mission jusqu’en
1852, lorsque sa famille et lui se rendirent en
Utah. En 1856, il fut appelé comme deuxième
conseiller d’Edward Hunter dans l’épiscopat
président, poste qu’il détint jusqu’en 1874.
réunirent en hâte sous la tente d’Orson Pratt, où ils «décidèrent que le mieux était
de rencontrer le capitaine Allen le matin et de réunir les hommes réclamés par
l’armée17». Le président Young se rendait compte que la demande d’Allen était
probablement le résultat des négociations de frère Little. Les frères se rendaient
également compte que la demande d’hommes mormons constituait une occasion
d’acquérir le capital dont on avait un si grand besoin pour l’exode et justifiait
l’établissement de colonies temporaires sur les terres indiennes. Au cours des
négociations, le capitaine Allen assura à l’Eglise qu’elle pourrait rester sur les terres
indiennes pendant l’hiver.
Lorsqu’Allen eut recruté les hommes à Council Bluffs, le président Young
s’adressa aux saints et essaya de les débarrasser de leurs préjugés contre le
gouvernement fédéral. Il dit: «Supposons que l’on nous admette dans l’Union en
tant qu’Etat et que le gouvernement ne fasse pas appel à nous, nous aurions le
sentiment d’être négligés. Que les mormons soient les premiers à mettre le pied
sur la terre de Californie . . . C’est la première offre que le gouvernement nous ait
jamais faite qui nous soit profitable18.» Le 3 juillet, Brigham Young, Heber C.
Kimball et Willard Richards se rendirent dans l’Est pour recruter d’autres hommes.
Avant leur arrivée à Mount Pisgah, tous les saints des derniers jours s’étaient
opposés à l’entreprise, mais après plusieurs discours de recrutement, beaucoup
d’hommes valides s’enrôlèrent.
Le recrutement continua jusqu’au 20 juillet, veille du départ du bataillon pour
Fort Leavenworth. En trois semaines, cinq compagnies de cent hommes furent
organisées. Thomas L. Kane et Jesse C. Little étaient arrivés tous les deux au fleuve
Missouri et avaient assuré aux saints qu’il n’y avait pas de complot derrière la
demande du gouvernement. Les dirigeants de l’Eglise promirent que l’on
prendrait soin des familles des volontaires. Brigham Young choisit des officiers
pour diriger chacune des compagnies et leur recommanda d’être des pères pour le
reste des hommes. Il recommanda aussi aux volontaires d’être des soldats loyaux,
de garder les commandements et de suivre les instructions de leurs dirigeants. Il
318
LA TRAVERSÉE DE L’IOWA
promit que s’ils se conduisaient convenablement, ils ne devraient pas se battre. Un
bal d’adieu eut lieu le samedi 18 juillet en l’honneur du bataillon sur un carré
Nebraska
Bac
mormon
nord
Parc de Cutler
Camp sur la
Elkhorn
R
Tabernacle de
Kanesville
Council Bluffs
(Miller's Hollow
Iowa
Kanesville)
Council
Point
Camp du
Bataillon
mormon
Village des
Indiens
Omaha
Village des Indiens OtoMissouri
P l at t e
Village des Indiens
Bac
Oto-Missouri mormon
sud
Hyde Park
F O N D AT I O N
DE
W I N T E R Q UA RT E R S
Une fois le bataillon parti, on consacra toute l’énergie à la découverte d’une
étape de ravitaillement d’hiver convenable. Avant même l’appel du bataillon,
Brigham Young avait décidé que la plupart des saints s’installeraient à Grand
Island sur la Platte River. C’était l’île la plus longue située sur une rivière d’eau
M
e
issouri Riv
e
ir
marche historique.
Winter Quarters
Camp de
printemps
froid
Bac
mormon
central
iv
déblayé le long du Missouri. Le mardi 21 juillet, à midi, le bataillon entreprenait sa
douce en Amérique, avec un terrain riche et une grande abondance de bois. Un
des inconvénients était l’existence dans la région d’Indiens Pawnee hostiles.
r
L’arrivée dans le camp de Thomas L. Kane et de Wilford Woodruff à la mi-juillet
modifia le projet de s’installer sur la Grand Island. Kane dit que le bureau fédéral
Cette carte montre les principales colonies
mormones le long du fleuve Missouri en
1846-47. Grand Island se trouvait à l’ouest, le
long de la Platte. En 1846, quelque douze
mille membres de l’Eglise étaient dispersés
dans tout le territoire; quatre mille environ se
trouvaient à Winter Quarters.
des affaires indiennes se mêlerait moins des colonies mormones situées sur le
Missouri que si elles étaient situées dans des emplacements plus loin à l’ouest.
Frère Woodruff arriva avec la triste nouvelle que Reuben Hedlock, autorité
présidente temporaire de l’Eglise en Angleterre, détournait l’argent prévu à
l’origine pour l’émigration vers des projets visant à assurer son enrichissement
personnel. En outre, l’apostat James J. Strang avait dépêché Martin Harris en
Angleterre pour travailler avec les communautés de saints des derniers jours. Si on
ne faisait pas immédiatement quelque chose, l’Eglise allait subir de lourdes pertes
dans les îles Britanniques. Frère Woodruff fit également rapport sur la situation
des saints de Nauvoo, qui étaient trop pauvres pour partir pour l’Ouest. A la fin
de juillet 1846, les Frères décidèrent de créer un camp principal sur la rive
occidentale du Missouri et que d’autres camps seraient dispersés dans tout l’ouest
de l’Iowa. En outre, Orson Hyde, Parley P. Pratt et John Taylor furent envoyés en
Angleterre résoudre les problèmes que l’Eglise rencontrait là-bas.
En août, des explorateurs trouvèrent un emplacement temporaire, appelé
Cutler’s Park, à cinq kilomètres à l’ouest du fleuve. Mais après des négociations
avec les chefs des tribus Otoe et Omaha, les dirigeants de l’Eglise décidèrent de
créer le camp plus près du fleuve. Une bonne région, située près du futur
emplacement d’un bac, fut choisie au début de septembre et les relevés de terrain
commencèrent. A la fin du mois, les plans d’une ville de 820 lots avaient été
réalisés et certains lots étaient retenus. Winter Quarters, comme les frères
appelèrent cette localité, était née.
A
LA RESCOUSSE DES
«SAINTS
PA U V R E S » D E
NAUVOO
Plus de deux mille saints avaient quitté Nauvoo à la mi-mars 1846, et des
centaines d’autres partirent en avril et en mai. Mais il en restait encore beaucoup
dans la ville. Avant de partir, le président Young avait désigné trois hommes,
Joseph L. Heywood, John S. Fullmer et Almon W. Babbitt, comme fidéicommis
pour vendre les biens de l’Eglise et les biens privés, payer les dettes et les
obligations les plus pressantes et prendre les dispositions pour que puissent partir
319
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
sans encombre ceux qui étaient inévitablement laissés en arrière. Il chargea aussi
Orson Hyde de superviser l’achèvement et la consécration du temple de Nauvoo.
Les ouvriers du temple menèrent à bien leur tâche pour la fin du mois d’avril, et
l’édifice sacré fut préparé pour sa consécration. Wilford Woodruff arriva de sa
mission en Grande-Bretagne à temps pour la cérémonie. Le 30 avril, Orson Hyde,
Wilford Woodruff et une vingtaine d’autres habillés de la robe du temple
consacrèrent la maison du Seigneur.
Wilford Woodruff écrit: «En dépit des nombreuses fausses prophéties de Sidney
Rigdon et d’autres, que le toit ne serait pas mis et que la maison ne serait pas
terminée, et des menaces des émeutiers que nous ne la consacrerions pas,
néanmoins tout cela a été fait19.»
Le lendemain, 1er mai 1846, les dirigeants de l’Eglise à Nauvoo organisèrent une
consécration publique. Les frères Hyde et Woodruff partirent ensuite pour l’Iowa
pour rejoindre le reste des Douze.
Lorsque les adversaires de l’Eglise se rendirent compte que tous les saints
n’allaient pas quitter Nauvoo avant l’été, les persécutions recommencèrent. Des
hommes et des femmes faisant les moissons furent attaqués et quelques-uns furent
violemment battus. Ce genre de harcèlement dura pendant tout l’été et jusqu’à
l’automne de 1846.
Entre-temps, le Collège des Douze décida de vendre le temple pour lever des
fonds afin d’équiper les saints restants de Nauvoo. Toutes les tentatives de vendre
l’édifice échouèrent. A la mi-août moins de quinze cents saints restaient à Nauvoo,
certains d’entre eux nouveaux convertis venus de l’Est, qui étaient arrivés trop
tard pour se joindre aux compagnies précédentes. La plupart d’entre eux avaient
épuisé leurs économies rien que pour atteindre Nauvoo, et les dirigeants de
l’Eglise étaient maintenant le seul espoir qu’ils avaient de continuer vers l’Ouest.
La seconde semaine de septembre, les antimormons décidèrent de chasser les
saints de Nauvoo. Environ huit cents hommes équipés de six canons se
préparèrent à assiéger la ville. Les saints et quelques nouveaux citoyens, dont le
nombre ne s’élevait qu’à 150 combattants, se préparèrent à défendre la ville. La
bataille de Nauvoo commença le 10 septembre, avec des tirs sporadiques. Pendant
les deux jours qui suivirent, il y eut de petites escarmouches. Le 13 septembre, une
colonne antimormone avança pour tenter de mettre les défenseurs en déroute.
Une vigoureuse contre-attaque menée par Daniel H. Wells permit de remporter la
bataille, mais il y eut des pertes de part et d’autre. La bataille continua le
lendemain, qui était le sabbat.
Le 16 septembre, le «comité de Quincy», qui avait aidé à maintenir la paix au
cours des mois précédents, intercéda encore une fois. Les saints furent forcés de se
rendre sans condition, afin d’avoir la vie sauve et d’avoir une possibilité de fuir par
le fleuve. On ne permit qu’à cinq hommes et à leurs familles de rester à Nauvoo
pour liquider les biens. Ceux qui pouvaient partir rapidement traversèrent le
fleuve sans provisions ni vêtements de rechange. Finalement les émeutiers
entrèrent dans la ville, pillèrent les maisons et profanèrent le temple. Certains
saints, qui n’avaient pu s’échapper suffisamment vite, furent battus ou jetés dans
le fleuve par les émeutiers.
320
LA TRAVERSÉE DE L’IOWA
Des camps de réfugiés, comptant de cinq à six cents expulsés, hommes, femmes
et enfants, entre autres ceux que l’on avait laissés parce qu’ils étaient trop malades
pour voyager, étaient dispersés sur trois kilomètres de rivage en amont de
Montrose (Iowa). La plupart des gens n’avaient comme abri que des couvertures
ou des huttes de broussailles et n’avaient pas grand-chose d’autre à manger que
du maïs bouilli ou grillé. Certains moururent. L’évêque Newel K. Whitney acheta
de la farine et la distribua parmi les camps de pauvres. Les fidéicommis de l’Eglise
se rendirent dans les localités situées sur le fleuve, entre autres Saint-Louis,
suppliant que l’on donne de l’argent et des fournitures pour les réfugiés, mais à
cause des préjugés religieux, ils ne se procurèrent que cent dollars.
Le 9 octobre, à un moment où la nourriture manquait particulièrement,
plusieurs grands vols de cailles arrivèrent dans le camp et atterrirent sur le sol et
même sur les tables. Les saints affamés en prirent, en cuisirent et en mangèrent
beaucoup. Pour les fidèles, c’était un signe de la miséricorde de Dieu envers l’Israël
moderne, comme cela avait été le cas pour un incident semblable avec l’Israël
d’autrefois (voir Exode 16:13).
Avant même de s’être rendu compte de la situation terrible dans laquelle se
trouvaient les saints de Nauvoo, les dirigeants de l’Eglise en Iowa avaient envoyé
une mission de sauvetage, et lorsque la nouvelle de la bataille de Nauvoo parvint
à Winter Quarters, une deuxième mission fut mobilisée. Brigham Young déclara:
«Que la flamme de l’alliance que vous avez faite dans la maison du Seigneur brûle
dans votre coeur, comme un feu qui ne s’éteint point, jusqu’à ce que vous puissiez,
soit par vous-même, soit par délégation . . . vous mettre en route avec votre
attelage et partir directement ramener un chargement de pauvres de Nauvoo . . .
« . . . C’est le moment d’agir et pas de discuter20.» Les équipes de sauvetage
arrivèrent à temps pour sauver les saints de la famine et du froid de l’hiver. Les
saints pauvres furent dispersés dans divers camps de l’ouest de l’Iowa. Une
poignée fit tout le chemin jusqu’à Winter Quarters.
ISRAËL
D A N S L E D É S E RT
Pendant tout l’automne de 1846, presque douze mille saints des derniers jours
de diverses parties du Midwest se préparèrent pour l’hiver de la meilleure
manière possible. Le siège de l’Eglise était à Winter Quarters, sur le territoire
indien, où près de quatre mille saints résidaient à la fin de l’année. Deux mille cinq
cents autres étaient campés sur les terres des Indiens Pottawattomie à l’est du
fleuve Missouri. Un groupe estimé à sept cents personnes était à Mount Pisgah, six
cents à Garden Grove, au moins mille étaient dispersés en d’autres endroits de
l’Iowa, et cinq cents faisaient partie du Bataillon mormon en route pour la
Californie. Beaucoup de saints se rassemblèrent pour l’hiver dans les villes du
Mississippi; la population mormone de Saint-Louis passa à quinze cents
personnes21. Jamais la population de l’Eglise n’avait été à ce point dispersée ni si
mal logée. L’expression «Sion dans le désert» décrit parfaitement la situation
pénible dans laquelle se trouvait l’Eglise au cours de l’hiver 1846-47.
En dépit de cette situation, les Frères présidents essayèrent de fournir un
gouvernement religieux et civil adéquat pour les saints. Des grands conseils furent
321
HISTOIRE DE L’EGLISE DANS LA PLÉNITUDE DES TEMPS
organisés dans les camps principaux pour superviser les affaires ecclésiastiques et
municipales. A Winter Quarters, ce conseil fut appelé «grand conseil municipal».
Au début d’octobre, Brigham Young divisa Winter Quarters en treize paroisses
Publié avec la permission des Daughters of Utah Pioneers, Ogden (Utah)
mais en augmenta rapidement le nombre à vingt-deux pour faciliter l’entretien
des membres de l’Eglise. En novembre, le grand conseil vota même la création de
paroisses plus petites et «que tout travailleur soit dîmé chaque dixième jour pour
le profit des pauvres ou en paye l’équivalent à son évêque22». Bien qu’en vertu de
ces dispositions les évêques prissent avant tout soin des besoins temporels du
peuple, c’était un pas de plus vers l’élaboration de l’organisation de paroisse qui
existe aujourd’hui dans l’Eglise.
Pour améliorer leur bien-être économique, beaucoup de saints, qui passaient
l’hiver là-bas, firent des échanges avec des colonies dans le nord du Missouri et
l’Iowa pour avoir des porcs, des graines, des légumes et du matériel pour
l’émigration. Certains jeunes gens cherchèrent un emploi pour gagner de l’argent
Jane Richards (1823-1913) traversa l’Iowa,
fin 1846, sans son mari, Franklin D. Richards,
qui était en route pour l’Angleterre. Franklin D.
Richards était un grand prêtre qui allait être
appelé, trois ans plus tard, au Collège des
Douze. Wealthy, fille en bas âge de Jane,
était malade et mourut à Cutler Park après
des semaines de souffrances incroyables.
Soeur Richards écrivit un passage de
l’histoire:
«Quelques jours auparavant, elle avait
demandé un peu de soupe de pommes de
terre, première chose pour laquelle elle
manifestait un désir depuis des semaines, et
comme nous étions alors en train de voyager,
nous arrivâmes en vue d’un champ de
pommes de terre. Une des soeurs implora
pour avoir une seule pomme de terre. Une
femme brutale écouta impatiemment son
histoire jusqu’au bout et, posant les mains
sur ses épaules, la poussa hors de la
maison, en disant: ‹Je ne donnerai ni ne
vendrai une seule chose à l’un de vous,
foutus mormons que vous êtes.›
Je me retournai dans mon lit et pleurai en
les écoutant essayer de consoler ma petite
fille dans sa déception. Quand elle me fut
enlevée, je ne continuai à vivre que parce
que je ne pouvais pas mourir23.»
pour payer ces marchandises. Il était attendu des saints qu’ils mettent en commun
leurs ressources pour le bien de tous.
La maladie et la mort régnaient dans le camp des saints. L’exode hâtif de Nauvoo
effectué un peu plus tôt en hiver, la traversée épuisante de l’Iowa, les orages
incessants du printemps, l’insuffisance des provisions, les abris inadéquats et
improvisés, l’exode obligé des pauvres de Nauvoo et le milieu malsain que
constituait le bord du fleuve firent des ravages. Au cours de l’été, beaucoup de
voyageurs souffrirent de maladies liées à l’exposition aux intempéries telles que la
malaria, la pneumonie, la tuberculose. Cet automne-là, au Missouri, le manque de
légumes frais fut à l’origine d’une épidémie de scorbut, que les saints appelèrent
«chancre noir». Les maladies graves ne respectaient ni les personnes, ni les offices,
et beaucoup de dirigeants, y compris Brigham Young et Willard Richards,
tombèrent gravement malades. Wilford Woodruff écrit: «Je n’ai jamais vu les saints
des derniers jours dans une situation où ils semblaient passer par de plus grandes
épreuves ou s’épuisaient plus rapidement que maintenant24.» Plus de sept cents
personnes moururent dans les camps avant la fin du premier hiver25.
Mais tout n’était pas affliction, surtout à Winter Quarters. La vie pouvait y être
d’une manière générale agréable, satisfaisante et appréciable. Il y avait des
réunions de l’Eglise deux fois par semaine, et les sermons des dirigeants
soutenaient le moral de toute la colonie. Beaucoup de réunions de famille étaient
également organisées. Lorsque la plus grande partie des travaux pénibles pour
l’installation de la localité fut terminée, Brigham Young encouragea les paroisses à
organiser des fêtes et des bals. Les femmes se réunissaient souvent en groupes de
quartier pour rassembler la nourriture, faire des couvertures piquées, tresser de la
paille, se coiffer mutuellement, tricoter, laver les vêtements et lire les lettres.
Pendant tout l’hiver de 1846-47, des préparatifs supplémentaires furent faits pour
poursuivre l’exode vers l’Ouest. Bien que l’Eglise et ses membres eussent souffert
d’une manière presque indicible au cours de l’année précédente, les saints
entretenaient encore des espoirs fervents pour l’avenir. On apprit en 1846
beaucoup de choses qui allaient se révéler extrêmement profitables plus tard.
322
LA TRAVERSÉE DE L’IOWA
M
C r e e k
Une fois que l’emplacement de