israël - Consistoire de Paris

Transcription

israël - Consistoire de Paris
L'affaire Copernic
et ses secrets
Par Jean Chichizola et Hervé Deguine
Anatomie de
l'antisémitisme russe
Le soutien
des Tchèques
à Israël
Etre juif ou
le troisième cercle
Le dossier
des Rosenberg
N°291 - JUIN 2009 - 3€
Imams et rabbins
pour déjouer l'impuissance
M 01907 - 291 - F: 3,00 E
3:HIKLTA=\UXUUU:?a@m@t@b@a;
N°291 - JUIN 2009
AU SOMMAIRE D’
EDITO
5- Etre juif ou le troisième cercle par Josy Eisenberg
ISRAËL
7- Tsahal : ses défis, ses enjeux Un entretien avec Samy Cohen
7
11
EUROPE
11- Le soutien des Tchèques à Israël par Luc Rosenzweig
29 ANS APRÈS
13- L'affaire Copernic et ses secrets par Jean Chichizola et Hervé Deguine
CHRONIQUE
16
13
16- En avant vers l'arrière par Guy Konopnicki
ÉCONOMIE
18- La crise sera ce que nous en ferons par Laurent Philippe
19
POLITIQUE
19- L'optimiste pari d'Alexandre Adler
LA VIE DU CONSISTOIRE - 20
ÉDUCATION
23
26- Les ambitieux projets de l'école Tenoudji par Virginie Guedj-Bellaiche
JUDAÏSME
27- Assez d'actes, des paroles ! par Elie Botbol
HISTOIRE
30- Anatomie de l'antisémitisme russe Un entretien avec Jean-Jacques Marie
33- Le dossier des Rosenberg Un entretien avec André Kaspi
BONNES FEUILLES
36
33
35- Imams et rabbins pour déjouer l'impuissance par Khaled Bentounès
LIVRES
40
37- par Odette Lang
ARTS
39- Marcel Marceau, le vagabond du quotidien par Maurice Arama
CINÉMA
40- Le bel hommage d'Almodovar au septième art par Elie Korchia
CARNET - 41
VERBATIM - 42
30
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Les manuscrits non retenus
INFORMATION
JUIVE Juin 2008 3
ne
sont pas renvoyés.
REPÈRES
Le voyage de Benoît XVI
vu par le grand rabbin Sirat
Dans un entretien qu'il a accordé au journal " La Croix"
( 18 mai 2009), René-Samuél Sirat, ancien grand rabbin
de France et comodérateur de la Conférence mondiale
des religions pour la paix, a commenté le récent voyage
de Benoît XVI au Proche Orient. Le grand rabbin Sirat
encourage le dialogue inter-religieux à aller de l'avant
" malgré les difficultés ". Il a déclaré notamment : " Il
se trouve qu'en 2000, j'avais été le seul rabbin à
accueillir le pape devant le Mur occidental à Jérusalem
: voir ce vieil homme, souffrant, parcourir les quelques
mètres jusqu'au mur et y déposer sa prière a été
extrêmement émouvant. Après un moment aussi
grandiose, j'avais certaines appréhensions : Benoît XVI
allait-il accomplir le même geste ? Il l'a fait, et pour
moi, cela restera, avec sa visite au Mémorial de Yad
Vashem, l'un des grands moments de ce voyage et
Le grand rabbin René-Samuél Sirat
même du dialogue judéo-chrétien. Ce que Jean-Paul
II n'était donc pas un acte unique, mais avait vocation à être répété. Quant à la condamnation qu'a faite Benoît XVI de
l'antisémitisme et du négationnisme, elle a été très nette ; désormais, il n'est plus possible qu'un évêque défende ces thèses"
Le Messie est en retard
Depuis un certain nombre d'années, le site internet
du quotidien Yedioth Aharonot a établi un
questionnaire qu'il propose à des personnalités du
pays. Dans ce questionnaire, on trouve des
questions telles que "quelle est votre plus grande
expérience religieuse juive ?" ; "à quelle époque
biblique aimeriez-vous revenir ?" ; "quel personnage
biblique aimeriez-vous rencontrer ?" ; "quelle est la
mitsva qui vous plaît en particulier ?" etc…
Récemment, ce questionnaire a été proposé à
Sharon Reginiano qui a fait "retour à la tradition". A
la question : "que manque-t-il dans le calendrier
hébraïque ?", il a répondu : "La seule date qui y
manque c'est celle de la venue du Messie"
Le consulat de France
à Haïfa menacé
Le Figaro, dans son édition du 19 mai dernier, annonce que le
Quai d'Orsay pourrait fermer pour des raisons économiques le
consulat général de France à Haïfa. C'est en tout cas la crainte du
maire de la ville Yona yahav. Dans une lettre qu'il a adressée à
Edmonde Charles-Roux, il fait part de son inquiétude et demande
à la veuve de Gaston Defferre son aide pour empêcher la disparition
de ce consulat où sont inscrits près de 15.000 Français. Dans cette
lettre Yona Yahav écrit entre autres : " Cette décision porterait
inéluctablement atteinte à une des sources privilégiées des relations
entre nos deux pays ".
Par ailleurs cette décision pourrait entraîner la fermeture du
centre culturel Gaston Defferre sur les hauteurs du mont Carmel.
Le négationnisme chez les Arabes d'Israël
41% seulement des Arabes vivant en Israël reconnaissent le droit d'exister d'Israël. En 2003, ils étaient 65, 6 % . Par
ailleurs 40,5 % d'entre eux nient que la Shoah ait eu lieu. Ces négationnistes n'étaient que 28 % en 2006 : ce sont là
les chiffres rendus publics par le professeur Sami Samoha qui, depuis des années, fait des études sur les relations
entre Juifs et Arabes en Israël. Ces études sont menées dans le cadre de l'université de Haïfa. Le sondage qui a été
effectué cette année a touché 700 personnes (hommes et femmes) au sein de la population arabe, druzes et
bédouins y compris.
Selon le professeur Samoha, le négationnisme dans ces milieux arabes déborde les clivages générationnel et
éducatif : ainsi 37 % de ces négationnistes ont fait des études supérieures.
Il faut rappeler qu'en 2003, la même enquête avait établi que 81 %des Arabes reconnaissaient à Israël le droit
d'exister.
Autre donné de l'enquête : 47,3 % des Arabes interrogés ne souhaitent pas vivre aux côtés d'un voisin juif ( ils
n'étaient que 27,2 % en 2003 )
Commentant ces chiffres, le professeur Sami Samoha a déclaré que les raisons de cette aggravation tiennent à la
deuxième guerre du Liban et au gel actuel des négociations de paix.
4 INFORMATION JUIVE Juin 2009
EDITO
Etre juif ou
le troisième cercle
A
u cours de la prière
du Chabbat, nous
prononçons
une
phrase emblématique.
“Tu es Unique, ton
nom est unique, et
qui, sur la terre, est unique comme ton
peuple, Israël”. Cette formule, en
établissant
un
emphatique
parallélisme entre Dieu et Israël,
confère au peuple juif bien plus
qu’une
place :
une
aura
exceptionnelle. Elle l’adoube expressément comme le vicaire de Dieu,
voire son miroir…
Que l’histoire trimillénaire d’Israël
soit singulière, que sa survie en dépit
de quasi-permanentes tentatives
d’annihilation soit unique, c’est une
évidence que reconnaissent tous les
hommes de bonne foi : une sorte de
prime à l’ancienneté, un quartier de
PAR JOSY EISENBERG
la vit au quotidien – la singularité
juive prend une tout autre dimension.
Je vais donc être amené à parler de
ma propre expérience. Il ne s’agit pas
là de subjectivité, mais d’une
évidence : ce que je vis, c’est ce que
des générations de Juifs ont vécu et
vivent encore.
Le prisme juif
L
orsqu’un Juif est élevé dans la
tradition, ou lorsqu’il y
retourne, il hérite d’un
prodigieux patrimoine littéraire et
religieux : la Bible, le Talmud,
Maïmonide,
la
Cabbale,
le
hassidisme et les milliers de
commentaires qui ont prolongé ces
œuvres maîtresses. La terminologie,
d’une part ; les valeurs, de l’autre :
la condensation de ces deux
dimensions crée un phénomène
Face à n'importe quelle situation, je sais ce qu'en
disaient rabbi Akiba et Schopenhauer. Je peux les
associer ou les dissocier, voire même choisir ce que
je pense être la vérité : je ne suis pas esclave de la
pensée unique.
noblesse
dont
se
réclament
légitimement tous les Juifs attachés
à leurs racines.
Il s’agit là de la face historique,
sociologique et psychologique de
l’identité juive. Historien moi-même,
je ne saurais en sous-estimer
l’importance. Cependant, si l’on passe
du général – la vision historique et
collective du destin juif – au
particulier – comment un juif croyant
mental et existentiel des plus
singuliers. Une forme de génétique
mémorielle, imagée et verbale qui
enveloppe le croyant d’une sorte de
tunique de Nessus. Tout comme je
vis grâce à la circulation sanguine,
je suis traversé par un autre flux, non
moins important : la culture juive et
le regard qu’elle secrète. J’appellerai
cela le troisième cercle.
Dans
l’acquisition
de
la
connaissance et du savoir, tout
homme est traversé par deux cercles,
conformément à la dialectique
classique de la nature et de la
culture. Le premier cercle, c’est ce
qu’il découvre par soi-même, à
travers ses sens et ses impressions.
Le second, c’est ce que l’éducation
et le milieu où il vit lui enseignent et
lui transmettent. Cela est commun
aux Juifs et aux autres. Ce qui
singularise le Juif croyant, c’est la
superstructure de sa mémoire
particulière. Elle l’amène, ou le
contraint, à regarder le monde à
travers le prisme de son patrimoine.
En fait, il s’agit d’une sorte de délire
plutôt sympathique, et dont les
personnages de Cholem Aleikhem,
notamment Tevié le laitier, sont tout
à fait représentatifs.
Dans l’univers mental qui était le
leur et que je partage, la vie n’était
rien d’autre que la projection
quotidienne des grands textes et des
idées reçues. L’histoire biblique était
sans cesse vécue et revécue au
quotidien. Un antisémite, c’était
Hamane ou Pharaon ; un homme
humble, le clone de Moïse. Pour dire
“passe-moi le beurre”, on utilisait
une formule talmudique. Et, dans
toutes les situations, les références à
la Torah étaient au premier plan.
Pour illustrer mon propos, une
anecdote personnelle. Il est écrit
dans la Torah, à propos du divorce et
du remariage : “cette femme sortira
(de son premier foyer) et sera à un
autre homme”.
Mon père allait tous les vendredis
aux bains municipaux. En sortant,
il avait l’habitude de dire, en
INFORMATION JUIVE Juin 2009 5
EDITO
modifiant légèrement le verset, et en
le citant : “Quand je sors, je suis un
autre homme “
Un peuple de ruminants
A
utrement dit, quelle que soit la
situation, elle est vécue à
travers ce troisième cercle qui
se superpose à toute réalité. C’est
pourquoi j’ai parlé de délire. Ne fautil pas être un peuple un peu fou pour
toute pensée, est-elle rien d’autre
qu’une rumination sans fin ? Les
rabbins y ont d’ailleurs vu une
expression de maturité et d’intelligence. Savoir revenir sur les choses,
les réingérer et surtout parvenir à les
digérer. C’est bien pourquoi les
ruminants sont cachers…
Ces diverses projections ne sont
cependant ni totalement obsessionnelles ni monolithiques. Elles
C'est, pour moi, la vraie vocation juive : vivre avec ses
sources, qui sont sources de vie.
vivre et sentir à travers des textes ou
des images vieux de trois mille ans?
Sommes-nous autre chose que des
obsédés textuels ? Quand je me
regarde dans un miroir, il me renvoie
l’image d’une vache sacrée : je
rumine la Torah. L’histoire de la
pensée religieuse, et d’ailleurs de
6 INFORMATION JUIVE Juin 2009
laissent place au second cercle : la
culture occidentale. Mais ce délire est
éminemment constructif.
Premièrement, il confère au
quotidien
une
extraordinaire
dimension poético-religieuse : c’est
comme si tout notre passé se
confondait, en l’éclairant, avec notre
présent. C’est d’ailleurs le sens
profond de la vie juive : réactualiser
le passé sans passéisme. C’est, pour
moi, la vraie vocation juive : vivre
avec ses sources, qui sont sources de
vie.
En second lieu, le plus grand
privilège de celui qui a le bonheur de
vivre dans le troisième cercle, c’est
qu’il dispose, en le combinant avec le
second, d’un double regard. Face à
n’importe quelle situation, je sais ce
qu’en disaient rabbi Akiba et
Schopenhauer. Je peux les associer
ou les dissocier, voire même choisir
ce que je pense être la vérité :
je ne suis pas esclave de la
pensée unique. C’est la suprême
liberté, et j’ai toujours une pensée
compatissante pour ceux qui, se
contentant de vivre dans le second
cercle, ne savent pas ce qu’ils
perdent.
ISRAËL
UN ENTRETIEN AVEC SAMY COHEN
Tsahal :
ses défis, ses enjeux
Directeur de recherche à Sciences Po, Samy Cohen est spécialiste des
questions de politique étrangère et de défense. Il publie aux éditions du Seuil
une des enquêtes les plus sérieuses qui aient été faites sur l'armée d'Israël, sur
ses choix, sur ses stratégies, sur ses réussites et ses échecs. ( Tsahal à l'épreuve
du terrorisme. 21 euros )
Il répond ici aux questions de la rédaction d'Information juive.
OOO I.J : Votre ouvrage est consacré aux "
petites guerres " de Tsahal. Qu'appelez-vous
ainsi ?
Samy Cohen : Les "petites guerres"
d'Israël sont celles qu'elle a menées contre
le terrorisme et les guérillas qui se sont
attaqués à Israël depuis sa création par
opposition aux guerres conventionnelles
qu'elle a menées contre des armées
régulières. Ce sont des guerres de type
"asymétrique". L'asymétrie est la réponse
du "faible" au "puissant". Le guerrier
asymétrique utilise des moyens qui
tendront à contourner la puissance
militaire classique : attaques surprises de
civils, meurtres de masse, terrorisme, etc.
L'ennemi apparaît par petits groupes pour
Troisième caractéristique : l'inégalité face
au droit international. Le droit international
est une contrainte pour le "fort", le "faible"
se permet tous les actes interdits pas le
droit international.
I.J : Vous considérez qu'il n'y a pas de réponse
toute faite à la question de savoir ce que peut
faire une démocratie qui s'interdit la terreur
massive. Mais quels sont les principes
élémentaires ?
S.C. : Il n'existe pas de recette magique.
Mais l'expérience accumulée par des
années de lutte contre- insurrectionelles
par plusieurs pays, la Grande-Bretagne
dans ses colonies, la France en Indochine
puis en Algérie, les Etats-Unis, au Viêt-
Lorsque l'opération “Paix en Galilée” a débuté en
1982, Tsahal avait le soutien des Chiites. Elle l'a
perdu en très peu de temps faute d'une politique
appropriée en faveur de cette population.
des attaques ponctuelles pour déstabiliser
le fort, lui faire payer un prix déraisonnable
au regard des enjeux pour lesquels il se
bat. Le terrorisme pratiqué par Al-Qaida
ou par le Hamas et le Jihad Islamique en
est une des formes les plus classiques.
Deuxièmement : c'est une "guerre au
sein de la population". Les groupes armés
opèrent généralement depuis des zones
peuplées de civils. Ils utilisent des femmes
et des adolescents, rendant ainsi toute la
population suspecte. Cette stratégie vise
à provoquer des tirs contre les civils,
permettant ainsi d'accuser les démocraties
de manquer d'humanité et susciter
sympathie et soutien international.
Nam puis en Irak et en Afghanistan,
montre l'importance de l'enjeu de la
population civile. C'est le talon d'Achille
des guérillas. Sans elle, elles sont battues.
L'objectif prioritaire doit être obtenir l'aide
de la population, la détacher des groupes
armés, "assécher les marais", priver le
"poisson de son eau".
Mais comment s'y prendre ? Une
manière de faire, en cas de résistance de
sa part, est de lui imposer cette
coopération par la force, voire par la
terreur. C'est la voie qu'empruntent
généralement les dictatures, celle de la
brutalité à outrance. En Tchétchénie, les
forces russes ont bombardé des villages au
Samy Cohen
canon. La répression féroce dans la ville
de Hama en Syrie, en 1982, et l'écrasement
des insurrections en Irak en 1991,
soulignent la facilité pour des régimes
autoritaires de venir à bout d'un
mouvement insurrectionnel.
Que peut donc faire une démocratie qui
s'interdit la stratégie de la terreur? Choisir
la stratégie que les Britanniques ont
baptisée de "violence minimale". Elle est
à la source de deux principes d'action. Le
premier est de considérer avec
bienveillance la population civile locale,
celle que les terroristes utilisent comme
bouclier et comme réservoir à combattants.
L'autre principe est de faire un usage aussi
limité que possible de la force. " Dans une
guerre conventionnelle, notait David
Galula, ce lieutenant-colonel français qui
devint un des inspirateurs de la stratégie
de contre-insurrection américaine, un
soldat qui pris à partie, ne riposterait pas
avec la puissance de feu maximale,
manquerait à son devoir. Dans une guerre
révolutionnaire, la situation est inverse :
la règle est d'en faire un usage aussi limité
que possible ".
Le renseignement, l'occupation de
l'espace par des forces d'infanterie, les
contrôles inopinés sont plus gênants pour
l'adversaire que la recherche de la défaite
par l'écrasement, difficile en raison des
capacités de la guérilla à se renouveler, à
recruter de nouveaux volontaires. Les
mesures défensives sont souvent plus
efficaces que les mesures offensives. Ce
type de guerre implique également une
attention très grande au problème des "
dommages collatéraux ", qui peuvent nuire
de manière décisive aux armées en guerre
contre le terrorisme.
INFORMATION JUIVE Juin 2009 7
ISRAËL
Mais ce type de lutte ne peut se limiter
à l'engagement de moyens militaires et
policiers ; il doit proposer aux populations
un horizon politique, définir les conditions
qui ramèneront la paix. Et c'est là le rôle
des dirigeants politiques. Cette stratégie
combinant lutte armée et offres d'avancées
politiques, gérant de manière micro-dosée
violence et retenue, est plus adaptée à la
guerre asymétrique. Les Britanniques l'ont
emporté de cette manière en Malaisie.
I.J : Comment la démocratie israélienne faitelle face à ce conflit de " type asymétrique " :
celui du terrorisme ?
S.C. : Tsahal n'a pas choisi la stratégie
de la terreur. À rebours des accusations qui
ont été maintes fois portées contre elle,
Tsahal n'a pas commis de "massacre". Le
nombre élevé de pertes civiles
palestiniennes n'est pas en soi révélateur
de l'existence de " massacres ". Les forces
de sécurité ont pu faire diminuer les
attentats terroristes sans recours aux
méthodes de l'armée française à Alger ou
de l'armée russe en Tchétchénie. Nombre
de civils palestiniens, sans qu'on puisse le
chiffrer précisément, ont été tués dans des
conditions difficilement justifiables. Mais
Tsahal a résisté à la " barbarie ", aux
méthodes de terrorisme aveugle des
groupes armés. Dans certaines opérations
à très haut risque comme l'opération "
Rempart ", en avril 2002, elle a géré le
combat avec un minimum de précaution
vis-à-vis de la population civile
palestinienne.
Mais elle n'a pas non plus fait le choix
de la stratégie de la " force minimale ". Elle
a commis plusieurs erreurs. La plus
importante concerne le choix de sa
stratégie. On voit émerger, à partir de
l'observation des modes opératoires mis
en place, une doctrine qu'on pourrait
qualifier de la " riposte disproportionnée
". Cette doctrine, peu élaborée, voire même
assez simpliste, a été celle de l'armée
depuis la création de l'Etat et n'a pas subi
de changements importants depuis. Non
seulement elle n'a jamais rempli la fonction
dissuasive qui était la sienne, mais elle s'est
révélée contre-productive et a entraîné le
pays tout entier dans une situation à
chaque fois un peu plus inextricable.
Tsahal n'a jamais construit une stratégie
digne de ce nom pour ce type de conflit.
Au début de 2003, le lieutenant-général
Aviv Kohavi, commandant des troupes
parachutistes au début de la seconde
Intifada, affirmait que lorsque celle-ci avait
éclaté, l'armée n'avait " ni de doctrine, ni
de techniques adéquates pour le combat
8 INFORMATION JUIVE Juin 2009
de faible intensité en zones urbaines
peuplées ". C'est un problème récurrent.
Elle n'a jamais considéré la population
civile, qu'elle soit palestinienne ou
libanaise, comme un enjeu stratégique.
Lorsque l'opération " Paix en Galilée " a
débuté en 1982, Tsahal avait le soutien des
Chiites. Elle l'a perdu en très peu de temps
faute d'une politique appropriée en faveur
de cette population.
I.J : Pour vous, la croyance d'un certain
nombre de dirigeants civils et militaires
israéliens qu'il suffirait de frapper " un bon coup
pour faire entendre raison aux Arabes " est une
vision simpliste qui ne marche plus.
S.C. : La "riposte disproportionnée"
signifiait également faire pression sur la
population civile qui abrite volontairement
ou non les hommes armés. Cette foi dans
les vertus de la politique du "levier"
apparaît prati-quement dès la création de
l'État, avec le commencement des
incursions de Palestiniens, les "infiltrés".
Dès le début des années 50, le général
Dayan affirmait: "La seule méthode qui est
efficace, peut-être pas légitime ou morale,
simplement efficace, lorsque les Arabes
posent des mines de notre côté [c'est la
rétorsion]. Si nous cherchons à attraper
[...] l'Arabe [qui a placé des mines], le
résultat est nul ; par contre, si nous
tourmentons le village voisin […] alors ses
habitants prennent position contre les
[infiltrés].[…] Jusqu'à présent, le principe
de la punition collective s'est révélé
efficace. " Cet état d'esprit ressurgit de
manière encore plus manifeste à la faveur
de la guerre du Liban, en 1982, au cours
de la première Intifada et enfin lors de
l'Intifada d'Al-Aqsa. Le résultat obtenu a
presque toujours été le même : au lieu de
désamorcer la violence, la réaction militaire
israélienne l'a accrue souvent même au
détriment de la population israélienne.
I.J : Pourquoi dites-vous de la politique des "
assassinats ciblés " qu'elle est une arme à
double tranchant ?
S.C. : Les assassinats ciblés ont été
parfois présentés comme la panacée au
terrorisme. Or ils peuvent se révéler tour
à tour efficaces ou au contraire contreproductifs. Si la liquidation des membres
de Septembre noir contribua à l'arrêt des
actes de terreur contre les civils israéliens
vivant à l'étranger, l'assassinat du cheikh
libanais Abbas Moussawi fut suivi d'une
vive réplique contre l'ambassade d'Israël
et la communauté juive de Buenos Aires.
En 1996, l'attentat ciblé contre Yahya
Ayache fut suivi par quatre attaques
simultanées contre des bus israéliens, au
cours desquelles 48 civils israéliens
perdirent la vie. L'" effet boomerang " est
également présent dans la seconde
Intifada. Au lieu d'agir comme des
opérations préventives, les assassinats
ciblés ont eu, entre 2001 et 2003, un effet
accélérateur de la violence aveugle des
groupes radicaux palestiniens. Ce mode
opératoire est efficace si l'ennemi ne
dispose pas de capacités de rétorsion.
Ce qui a permis de faire baisser le
nombre des attentats-suicide c'est
indiscutablement le dispositif très efficace
des arrestations ciblées mis en place par
le Shabak et l'armée, qui étouffe les
groupes terroristes, ne leur laisse pas
ISRAËL
d'espace de manœuvre, de liberté de
circulation et de communication. Cette
politique préventive est complétée par les
check-points qui compliquent sérieu-
s'y comportaient comme des "
représentants " de l'armée et renforçaient
la " militarisation " de la société israélienne.
Or l'expérience montre que, une fois au
Le public israélien a résisté au choc des attentatssuicides. Il n'a pas plié et a serré les rangs autour
de son Premier ministre.
sement leur mobilité. Le mur de protection
est à prendre également en considération.
pouvoir, ils se conduisent comme des
dirigeants politiques à part entière.
I.J : Il y a un fait que vous observez : les
organisations terroristes ne sont pas parvenues
à déstabiliser la démocratie israélienne.
Comment l'expliquez-vous ?
S.C. : Effectivement, beaucoup de ceux
qui se sont lancés dans le terrorisme,
notamment en 2001, tablaient sur la
lassitude de la société israélienne à l'égard
de la guerre. Mais leur calcul s'est révélé
erroné. Le public israélien a résisté au choc
des attentats-suicides. Il n'a pas plié et a
serré les rangs autour de son Premier
ministre. Les attentats-suicides ont surtout
eu comme effet de durcir l'opinion
publique. Ils l'ont " droitisée ". Mais cette
droitisation n'a toutefois pas entraîné un
effondrement complet des réflexes
protestataires. Une action militante en
faveur de la paix et des droits de l'homme
est progressivement réapparue. De
nouveaux mouvements de soldats
émergent. En dépit des attentats, la moitié
des Israéliens est restée favorable à la
poursuite de négociations avec les
Palestiniens. Même affaiblie par le climat
créé par les attaques terroristes, la Haute
Cour de justice n'est pas restée inerte.
I.J : Pour les besoins de ce livre, vous avez
rencontré des acteurs civils et militaires en
Israël. Votre conclusion est d'abord qu'il n'y a
pas de solution miracle au terrorisme.
S.C. : Non en effet.
I.J : Considérez-vous que Tsahal a pris une
influence excessive dans la vie politique
israélienne ?
S.C. : C'est l'avis de beaucoup de gens.
Cette vision mérite d'être nuancée. Les
généraux israéliens exercent, certes, un
poids politique qui n'existe dans aucune
autre démocratie. Ils jouent un rôle
prépondérant dans le débat public,
contrairement à ce qui se passe en France,
par exemple. Mais Tsahal n'est pas une
caste fermée et il est rare que l'armée
désobéisse au pouvoir politique. Aucun
des grands chefs de l'armée israélienne
n'a, à notre connaissance, refusé le principe
de subordination du militaire au politique.
Bon nombre de Premiers ministres
israéliens étaient eux-mêmes des militaires
prestigieux, à l'instar de Ytshak Rabin,
Ehud Barak et Ariel Sharon. On en a
souvent conclu que les militaires de haut
rang reconvertis dans la chose publique
10 INFORMATION JUIVE Juin 2009
I.J : Seconde conclusion : Ce qui frappe, ditesvous, c'est l'absence chez les dirigeants
politiques israéliens d'une vision à long terme
concernant notamment la solution du conflit
israélo-palestinien.
S.C. : Une des conclusions principales
de mon livre touche à l'extraordinaire
persistance des modes opératoires de
l'armée et de sa stratégie depuis la création
de l'Etat. Pourquoi cette persistance ? La
première raison est que la guerre
asymétrique n'a jamais fait partie des
priorités de Tsahal. Celle-ci a toujours
privilégié ce qui pourrait être une menace
" existentielle " pour Israël. Une seconde
raison tient à la conviction que toute autre
stratégie risquerait de laisser une
impression de faiblesse et d'encourager les
terroristes à poursuivre dans la voie de la
violence. Enfin, et c'est là que j'en viens à
votre question, l'attachement à cette
stratégie tient à l'absence chez les
dirigeants politiques israéliens de vision
à long terme concernant la solution du
conflit israélo-palestinien, les contours du
futur État palestinien, l'avenir des colonies
de Cisjordanie, les frontières définitives,
ou encore le statut de Jérusalem. À
l'exception notable des accords d'Oslo,
rapidement mis à mal. En l'absence de
directives politiques claires, l'armée s'est
souvent contentée de réactions au coup
par coup. Elle ne peut assurément pas être
tenue pour seule responsable de cette
stratégie de la riposte disproportionnée.
I.J : Vous avez vraiment l'impression que votre
livre est celui d'un chercheur et non celui d'un
militant qui défend une cause ?
S.C. : Le militant connaît la réponse
d'avance à la question qu'il pose. Il ne se
soucie pas d'avoir une vision d'ensemble
et de replacer son analyse dans un cadre
plus général. J'ai passé quatre ans sur ce
livre et interrogé en Israël des acteurs de
tendance les plus diverses. Je ne savais
pas d'avance ce que j'allais trouver. C'est
en avançant que j'ai découvert l'intérêt
pour la dimension historique et cette
continuité stratégique. Mais c'est au
lecteur de décider si le pari est réussi.
--------1Selon la définition que donne Jacques
Sémelin dans son livre Purifier et détruire.
Usages politiques des massacres et
génocides (Le Seuil, 2005, p. 384 et 387):
" Une forme d'action, le plus souvent
collective, de destruction des noncombattants, hommes, femmes, enfants ou
soldats désarmés. (…) Un processus
organisé de destruction des civils, visant
à la fois les personnes et leurs biens ".
EUROPE
Le soutien des Tchèques à Israël :
Et s'il n'en reste qu'un,
ce sera Prague
L
a présidence tchèque de
l’UE a été chveikienne,
donc géniale!Il est de bon
ton à Bruxelles, ces
derniers temps, de cogner
à bras raccourcis sur cette
pauvre République tchèque. Les
eurocrates et leurs tâcherons de la
presse accréditée auprès de l’Union
européenne pratiquent le czech bashing
avec d’autant plus de vigueur que les
moyens de rétorsion de ce petit pays
d’Europe centrale sont limités.
Arrivés aux commandes de l’UE par
gros temps: crise économique mondiale,
transition présidentielle aux Etats-Unis,
opération “plomb durci” à Gaza, et
autres soucis iraniens, afghans ou srilankais, les Tchèques ne se seraient pas
montrés à la hauteur, serinent en “on”
et en “ off” les cadors de la Commission
et les chancelleries de quelques pays
très en colère, dont la France.
Non seulement ils ont un président,
Vaclav Klaus, furieusement europhobe,
mais ils se sont débrouillés pour ouvrir
une crise gouvernementale en plein
milieu de leur mandat présidentiel. Et
ce n’est pas tout: au lieu de se comporter
convenablement, à l’image des Slovènes
(1) qui ne bougeaient pas une oreille
sans demander la permission de Paris,
ils ont eu le toupet de profiter de leur
présidence pour faire valoir leurs
positions sur quelques questions
importantes.
De tous les pays européens, par
exemple, les Tchèques sont jusque dans
les tréfonds de leur peuple, les plus
philosémites. A la différence des Baltes
qui élèvent aujourd’hui des monuments
à leurs anciens dirigeants collaborateurs
des massacreurs nazis, les Tchèques
n’ont jamais prêté la main à la solution
finale. Ils se sont même payés Reinhard
Heydrich, un de ses principaux
concepteurs, exécuté à Prague par un
commando de résistants en 1941.
Aujourd’hui, ils ont vis-à-vis d’Israël une
attitude beaucoup moins hostile que la
plupart des chancelleries européennes,
et osent appeler un chat un chat, et
l’opération de Gaza une opération
“défensive”,
ce
qu’elle
était
incontestablement lors de son
déclenchement.
La question de la “ proportionnalité”
de la riposte peut, certes, faire débat,
mais c’est une tout autre affaire qui
n’invalide pas les raisons qui l’ont
provoquée, à savoir les bombardements
incessants du Hamas sur Sderot et sa
région. A Bruxelles, notamment dans
les bureaux de la commissaire aux
affaires étrangères, l’autrichienne Bénita
PAR LUC ROSENZWEIG
viscéralement hostiles à l’Etat juif,
comme l’Espagne de Zapatero, la
Grèce, Chypre, et les pays nordiques,
s’opposent l’Allemagne - pour
d’évidentes raisons historiques - , les
Pays-Bas, et surtout la République
tchèque, dont le philo-sionisme affirmé
et revendiqué fait contrepoids à
d’autres nations systématiquement proarabes . La France, La Grande-Bretagne
et l’Italie ont sur la question une
position “centriste” qui varie faiblement - dans un sens ou dans un
autre en fonction des inclinations de
leurs dirigeants. La France est ainsi
légèrement plus favorable à Israël sous
Sarkozy que sous Chirac et l’Italie plus
pro-arabe avec la gauche qu’avec la
droite berlusconienne. La GrandeBretagne, dans tous les cas de figure,
A la différence des Baltes qui élèvent
aujourd'hui des monuments à leurs anciens
dirigeants collaborateurs des massacreurs nazis,
les Tchèques n'ont jamais prêté
la main à la solution finale.
Ferrero-Waldner, c’en était déjà trop, et
l’on somma Prague de nuancer son
propos. Le prince Schwarzenberg,
ministre tchèque des affaires étrangères,
s’exécuta avec une mauvaise grâce et
une élégance toute aristocratique,
révélant ainsi les partis- pris antiisraéliens qui animent quelques pays
de l’UE, et qui sont flagrants dans la
bureaucratie bruxelloise en charge de
l’international.
Les savants compromis
Tout le monde le sait: il n’y a pas
d’unanimité possible en Europe sur le
conflit israélo-arabe. Aux pays
demeure fourbe et hypocrite. On ne
s’étonnera donc pas que les positions
élaborées au sein de l’UE à ce sujet
soient le résultat de savants compromis,
que chacun peut interpréter à sa guise
devant son opinion publique nationale.
Dans ce contexte, la personnalité du
commissaire en charge de cette
politique étrangère,, qui n’a de
commune que le nom, peut jouer un
rôle: l’ambiguïté des résolutions
adoptées par les 27 l’autorise à les tirer
dans un sens ou dans un autre. Mme
Ferrero-Waldner, donc, est autrichienne,
et pas de l’espèce qui reconnaît que ce
pays a quelques responsabilités dans les
INFORMATION JUIVE Juin 2009 11
EUROPE
crimes nazis. C’est une “ waldheimienne” de choc, dont la carrière
diplomatique doit tout à cet ancien nazi
devenu Secrétaire général de l’ONU en
dissimulant son passé.
C’est
Waldheim,
devenu président de la
République d’Autriche
en
1986
qui
recommanda la jeune
diplomate
Benita
Waldner (2) à son ami
et successeur Boutros
Boutros-Ghali. Celui-ci
en fit son chef du
protocole à l’ONU, où
elle se familiarisa et
sympathisa avec toutes
les délégations arabes,
bien plus importantes
pour sa carrière que les
quelques démocraties
occidentales et Israël
qui sont en minorité
dans
la
machine
onusienne...
Elle avait pour grand
ami feu Jörg Haider,
dont elle prit ardemment la défense
lorsque l’Autriche fut mise à l’écart dans
l’UE, à la fin des années 90 en raison de
l’arrivée au pouvoir, à Vienne, d’une
coalition incluant les populistes
xénophobes de Haider. Non, on ne peut
raisonnablement pas dire que Bénita
Ferrero-Waldner soit antisémite, car rien
dans son expression publique ne le
prouve. Mais il est indéniable qu’elle a,
envers Israël, une hostilité instinctive
qui va bien au-delà de ce qu’il est
admissible pour quelqu’un chargé
d’incarner l’Union européenne sur la
scène internationale.
Une présidence baroque
Là encore, la République tchèque, en
la personne de son premier ministre
démissionnaire Mirek Topolanek ne
s’est pas laissée impressionner.
Interrogé par le quotidien Haaretz sur
les déclarations de Mme FerreroWaldner,
qui
conditionnait
le
rehaussement des liens entre l’UE et
Israël à la reconnaissance, par le
gouvernement de Netanyahou, de la
solution à deux Etats pour résoudre le
12 INFORMATION JUIVE Juin 2009
conflit avec les Palestiniens, Topolanek
répondit que les déclarations de la
commissaire étaient “ hâtives” et ne
valaient“ que ce que valent les
assuré par Kouchner sur toutes les
radios et toutes les télés, assurant que
Durban 2 avait été une grande victoire
des démocraties en faisant adopter un
Vaclav Klaus, le Président tchèque
déclarations d’un commissaire”, sousentendu pas grand chose. Bien envoyé,
Topo! On ne saurait mieux résumer le
fonctionnement réel de la machine
européenne et l’impudence de ces
eurocrates qui veulent jouer aux grands
de ce monde!
Dans le style, “ Je vous démontre par
l’absurde le ridicule boursouflé d’une
situation”, cher au brave soldat Chveik,
l’immortel héros praguois de Jaroslav
Hasek, le comportement de la
présidence tchèque lors de la mascarade
de Durban II fut également exemplaire.
On se souvient de la sortie théâtrale
des
délégations
européennes,
ambassadeur de France en tête, au
milieu du discours de Mahmoud
Ahmadinejad devant les Nations-Unies
à Genève. Enfumage! Quelques heures
plus tard, ces mêmes excellences, à
l’exception de la délégation tchèque,
revenaient dans la conférence pour
écouter sans moufter les litanies de
potentats orientaux venus donner des
leçons de droits de l’homme à la planète
entière. En dépit du service après-vente
texte de compromis (j’échange les
homosexuels contre la diffamation des
religions), cette conférence fut une
reculade en rase campagne devant
l’arrogance des “humanistes”islamiques
radicaux qui pilotent le Conseil des
droits de l’homme de l’ONU. Mais pour
Kouchner et ses amis, la présidence
tchèque a “failli” en se désolidarisant
des néo-munichois.
Cette présidence baroque fut donc
une bénédiction: jamais on n’avait pu
voir cette prétendue Union européenne
fonctionner avec autant de transparence.
Merci les Tchèques!
L.R
1. La Slovénie fut le premier pays de
la “ nouvelle Europe” à assurer la
présidence de l’UE, le semestre
précédent la présidence française
2. Elle ajouta Ferrero à son nom après
son mariage, non pas avec le
fournisseur de chocolat de toutes les
ambassades, mais avec Francisco
Ferrero, un universitaire espagnol.
29 ANS APRÈS
L'affaire Copernic
et ses secrets
UN ENTRETIEN AVEC JEAN CHICHIZOLA ET HERVÉ DEGUINE
Le 3 octobre 1980, une bombe explose devant la synagogue de la rue Copernic, faisant quatre morts et quarantesix blessés. Vingt-huit ans après, en novembre 2008, la gendarmerie royale canadienne arrête un enseignant
de l'université d'Ottawa visé par un mandat d'arrêt international. L'homme, d'origine libanaise, est soupçonné
d'être le poseur de bombe.
Deux journalistes- enquêteurs Jean Chichizola et Hervé Deguine ont voulu raconter les diverses étapes de
cet événement qui a marqué les mémoires . Leur livre " L'affaire Copernic. Les secrets d'un attentat antisémite
" paraît aux éditions Mille et une nuits.
Entretien avec les deux auteurs.
OOO I.J : A vous lire, on se rend compte
que dans l'affaire Copernic, il n'y a que des
questions. Dans quel sens dites-vous qu'il
s'agit là d'un chapitre de la mémoire collective française ?
Jean Chichizola et Hervé Deguine :
Pour deux raisons. Premièrement,
l'affaire Copernic ouvre un nouveau
chapitre de l'histoire contemporaine
française : celui du terrorisme aveugle
lié au Proche-Orient. Jusque-là, la
France avait été relativement épargnée.
L'attaque de la rue Copernic n'est hélas
que la première d'une longue série
d'agressions aveugles liées au ProcheOrient : attentat de la rue des Rosiers
en 1982 ; attentat de la rue Marbeuf en
1983 ; bombe rue de Rennes en
1986... Deuxièmement, événement
peut-être plus important encore,
tout à coup, quarante ans après la
guerre, cet attentat plonge de
nouveau la communauté juive dans
le doute. Un Juif français est-il
aussi français que les autres ou
bien doit-il se résigner à n'être que
l'objet des antisémites ou des
antisionistes ? Le groupe terroriste
qui a commis l'attentat, le FPLP-CS
(Front populaire de libération de la
Palestine - Commandement
spécial) visait à l'origine une cible
israélienne
à
Paris.
Mais
l'ambassade d'Israël, le bureau de
la compagnie aérienne israélienne
El
Al,
la
représentation
commerciale d'Israël à Paris étaient
trop bien protégés. Les terroristes
se sont donc rabattus sur une cible
de second choix, la synagogue de
la rue Copernic, fréquentée par des
Français juifs ou par des Juifs
français,
soudain
devenus
coupables des crimes supposés
d'Israël. Cette affaire, qui vise des
citoyens français, concerne tout citoyen
français. D'ailleurs, la classe politique
ne s'y est pas trompée : avec un
consensus remarquable, la droite et la
gauche ont défilé unies pour dénoncer
cette attaque. Nous ne sommes pas
certains que la même chose se
produirait aujourd'hui.
I.J : Pourquoi dites-vous que cette affaire
ne se résume pas à un événement historique
mais qu'elle est aussi un véritable roman
policier ?
J.C. et H.D. : Un roman policier, mais
malheureusement un roman vrai. Les
quatre personnes qui ont été tuées en
Jean Chichizola et Hervé Deguine
1980 sont encore mortes aujourd'hui.
Elles continuent de manquer à leurs
proches. Ceux qui ont été blessés
physiquement ; ceux qui, plus
nombreux
encore,
ont
été
psychologiquement
traumatisés,
continuent de souffrir de leurs blessures
jusqu'à aujourd'hui. Ce n'est pas une
formule de style : c'est ce que nous
disent les personnes que nous avons
rencontrées. Nous avons accordé une
place centrale aux victimes de l'attentat,
car elles sont les grandes oubliées de
l'enquête. Leur souffrance doit être
entendue. Elle doit peser lorsque la
justice demandera des comptes à
l'auteur présumé de l'attentat.
Quant à l'enquête, en effet, elle
relève du roman policier. La réalité
que nous avons découverte est
encore plus romanesque qu'une
fiction Ne citons que quelques
exemples. Nous sommes le 22
septembre 1980, une semaine avant
l'attentat. Hassan Diab vient
d'arriver à Paris et s'installe dans un
hôtel luxueux de l'avenue Balzac,
dans le VIIIe arrondissement. Il
s'apprête à tuer des Juifs. On
pourrait s'imaginer que, durant ces
journées cruciales, il réfléchit à la
portée de l'acte qu'il va commettre.
Mais non. Pas du tout. Savez-vous
ce qu'il fait le soir de son arrivée à
Paris ? Il fait monter "Suzanne" dans
sa chambre, une prostituée du
quartier. Soit dit en passant, la
jeune femme donnera ensuite à la
police un témoignage précieux.
Quelques jours plus tard, le voici
affairé à préparer la bombe. Il lui
manque un outil. Il sort et se rend
dans un magasin pour acheter une
INFORMATION JUIVE Juin 2009 13
29 ANS APRÈS
fanatisés, des faussaires et des
complices, et le tour est joué.
Dans le cas de l'affaire
Copernic, songez que si Marc
Trévidic, le jeune juge antiterroriste qui a succédé en
2007 à Jean-Louis Bruguière,
ne s'était pas saisi du dossier,
s'il n'avait pas mis toute son
énergie à relancer cette affaire,
Monsieur
Diab,
auteur
présumé
de
l'attentat,
continuerait
d'enseigner
tranquillement la sociologie
aux jolies étudiantes de
l'Université d'Ottawa.
pince coupante. Une toute
petite pince à cinq euros. Et,
aussi incroyable que cela
puisse paraître, au lieu de
l'acheter, il la vole ! Et il se fait
prendre. Le surveillant du
magasin appelle la police. Voici
maintenant
"Alexandrer
Panadriyu" (c'est l'une des
fausses identités qu'utilise le
terroriste) entre les murs du
commissariat de police du XIVe
arrondissement. Un policier
inspecte le passeport de
"Panadriyu", mais ne se rend
pas compte qu'il s'agit d'un
faux. Il ne peut pas non plus
savoir que la carte verte qu'il a
entre les mains est celle de la
moto qui sera placée avec la
bombe dans quelques jours rue
Copernic. Finalement, le voleur
règle le prix de la pince et la
direction du magasin ne porte
pas plainte : "Alexandre
Panadriyu" est relâché...
Autre aspect passionnant de
cette enquête : juste après
l'attentat, l'opinion publique, la
classe politique et la presse
pointent du doigt l'extrêmedroite. C'est une hypothèse
plausible. Dans la France du
début des années 80, celle-ci
est en pleine renaissance. Elle
n'a pas coupé ses racines
antisémites. C'est l'époque où
Darquier de Pellepoix, l'ancien
Haut
commissaire
aux
questions juives, qui vit caché
en Espagne depuis 1944,
déclare à un journaliste de
l'Express qu'à Auschwitz, on n'a
gazé que des poux. C'est à ce
moment que Robert Faurisson
publie son fameux article négationniste
dans Le Monde. La police procède à des
interpellations. Mais cette hypothèse se
révèle rapidement erronée. Très vite, les
enquêteurs de la brigade criminelle ont
la conviction que l'attentat est lié à la
cause palestinienne. S'ensuivent trente
années de traque internationale, de
Beyrouth à Aden, de Berlin-Est à Oslo,
en passant par Amman, New York et
Londres...
I.J : Il y a eu la phrase de Raymond Barre
sur les " Français innocents ". Pourquoi au
lieu d'évoquer à différentes reprises ce qu'il
appelait " le lobby juif ", l'ancien Premier
ministre n'a-t-il pas simplement reconnu
14 INFORMATION JUIVE Juin 2009
Après l’attentat de la rue Copernic
qu'il s'agissait de sa part d'une formule
maladroite ?
J.C. et H.D. : Lui seul aurait pu
répondre à cette question. Une chose
est sûre : l'effet de ses propos fut à
l'époque désastreux alors que l'unité
nationale était plus que jamais
nécessaire.
I.J : Pourquoi dites-vous que l'enquête sur
cet attentat restera à jamais un exemple pour
les terroristes et pour les policiers chargés
de les traquer ?
J.C. et H.D. : Pour des raisons
inverses. Pour les terroristes - la suite l'a
montré -, la preuve est faite qu'il n'est
pas si difficile de commettre un attentat.
Un peu d'argent, quelques militants
D'autres continuent de vivre
dans l'impunité, cette prime au
crime. Le commando comptait
entre dix et quinze personnes.
La plupart de ses membres ont
été identifiés par la DST. On
sait où ils se trouvent. Nous
avons d'ailleurs rencontré l'un
d'eux à Paris, chez lui, dans le
XVIe arrondissement. On ne
peut pas dire que Monsieur
"Walid" - appelons-le ainsi - ait
exprimé beaucoup de regrets.
D'autres
membres
du
commando se sont rangés dans
les "services" de pays du
Proche-Orient. Ces hommes
sont connus. Va-t-on leur
demander des comptes ? La
justice est une chose ; la
politique internationale une
autre.
Entre
1980
et
aujourd'hui, il y a eu les
accords d'Oslo en 1993, une
tentative de paix globale à
laquelle la communauté
internationale n'a pas encore
tout à fait renoncé. Certains
terroristes ont commis des
crimes, mais ont ensuite rendu des
services ou, plus cyniquement, sont
utiles là où ils sont. Faut-il privilégier
la justice ou la raison d'Etat ?
Pour les policiers chargés de
l'enquête, la leçon est différente. Tout
d'abord, coup de chapeau aux policiers
français qui, aidés par les Allemands et
les Israéliens, ont vu juste du premier
coup, dès 1980. Ils n'avaient pas tous
les éléments, mais ils ont été rapidement
capables d'élaborer un scénario qui, 28
ans après, demeure très solide.
Deuxièmement, cette enquête prouve
que la persévérance paye. Il a fallu que
des hommes déterminés se relayent au
29 ANS APRÈS
fil des décennies pour arriver à
l'arrestation d'un suspect aujourd'hui.
Ces hommes l'ont fait dans l'ombre, par
conviction. Enfin, dernière leçon, face
au terrorisme international, seule la
coopération internationale des polices
et des justices permet d'aboutir à des
résultats. La police est aujourd'hui
mieux organisée. Mais les systèmes
judiciaires des pays concernés n'ont pas
encore pris acte de cette réalité
nouvelle.
I.J : Il a quand même fallu 19 ans ( de
1980 à 1999 ) pour connaître le véritable
scénario de cet attentat ? Comment
expliquez-vous cela ?
J.C. et H.D. : Plusieurs facteurs ont
joué. Les membres du commando sont
rapidement identifiés, grâce notamment
à l'aide des services secrets allemands,
Hassan Diab
qui ont bien infiltré les réseaux
palestiniens, car ces derniers étaient très
liés aux terroristes des Fractions armées
rouges. Mais comment aller les chercher
alors qu'ils se trouvent dans un Liban
plongé en pleine guerre civile ? En
1982, les Israéliens entrent à Beyrouth,
capturent certains membres du
commando, mais la plupart s'enfuient
au Yémen du Sud communiste, à
l'époque refuge idéal pour les terroristes
de tous bords. Le FPLP-CS aurait encore
commis quelques attentats - les experts
ont des opinions divergentes sur ce sujet
- puis se dissout. Commence alors un
très long travail de surveillance et de
collecte d'informations. Le dilemme des
services français est le suivant :
comment répartir des ressources
limitées entre la traque des membres
d'un commando devenu inoffensif et la
lutte contre une nouvelle génération de
terroristes, très opérationnelle celle-là :
les terroristes islamistes ?
Dans les années 90, la priorité est de
lutter contre ceux qui ont placé la
bombe dans le RER à St Michel. Après
2001, les efforts sont focalisés sur AlQaïda et ses émules. La poursuite de
l'enquête est due avant tout à un
mélange où la détermination de
quelques hommes qui ne veulent pas
lâcher prise se combine avec les hasards
des collectes d'information. A ce titre, la
chute du mur de Berlin en 1989 a ouvert
bien des portes.
I.J : Y a-t-il eu une volonté du pouvoir
politique " d'enterrer l'affaire " ?
J.C. et H.D. : Non. Le dossier
Copernic n'était plus une priorité dès
lors que le groupe terroriste ne
constituait plus un danger. Mais nous
avons été frappés par la détermination
de ceux qui ont maintenu le dossier en
vie, tant en ce qui concerne la recherche
d'informations que sur le plan de la
procédure judiciaire. Le juge Bruguière
aurait pu aboutir aux mêmes résultats
que le juge Trévidic dix ans plus tôt. En
1999, il avait déjà presque toutes les
informations nécessaires. Il ne l'a pas
fait. Il avait d'autres priorités. Mais il a
pris soin de relancer régulièrement la
procédure de façon à éviter la
prescription. On ne peut pas parler de
volonté politique d'éviter le sujet.
I.J : Vous vous demandez s'il y aura demain
en France un " procès Copernic ". Quelle est
votre réponse ?
J.C. et H.D. : Nous l'espérons
vivement. Hassan Diab affirme qu'il est
innocent. Il ne nie pas qu'un dénommé
Hassan Diab, né à Beyrouth en 1953
comme lui, ayant fait ses études à
l'Université de Beyrouth comme lui,
ayant été marié à Nawal Copty comme
lui, ayant ensuite émigré en Amérique
en 1987 comme lui, a commis l'attentat.
Il dit simplement qu'il y a erreur sur la
personne et qu'il n'est pas le bon Hassan
Diab. Pour lui, il s'agit d'un homonyme.
Nous espérons que la justice
canadienne autorisera son extradition
afin qu'il puisse répondre aux
questions d'un juge français qui trouve
toutes ces coïncidences pour le moins
étranges.
I.J : Outre toutes les questions qui se
posent à propos de la politique des
responsables en France, il y a celle que se
pose le documentariste israélien Micha
Shagrir (qui a perdu sa femme Aliza dans
l'attentat) : qu'a fait le Mossad dans cette
affaire ?
J.C. et H.D. : Nous avons voulu lui
poser la question. Mais le Mossad n'est
pas très causant. Il semble avoir été
assez actif jusqu'en 1982. Après la
première guerre du Liban, il a considéré
que le FPLP-CS n'était plus une priorité
et s'en est désintéressé, contrairement
à ce qu'a cru jusqu'à récemment la
famille d'Aliza Shagrir. Nous pensions
que les services secrets israéliens
n'abandonneraient jamais la traque Aliza Shagrir n'avait-elle pas eu droit à
des funérailles nationales en 1980 ? -,
mais ce n'est pas vrai. Comme tous les
services du monde, le Mossad a des
moyens humains limités et sa priorité
est de lutter contre les menaces
actuelles et futures.
I.J : Pourquoi le dossier est-il tout à coup
sorti du placard en 2007 ?
J.C. et H.D. : C'est très simple : Marc
Trévidic a succédé à Jean-Louis
Bruguière, parti à la retraite. Dès sa
prise de fonction, il a fait le tour des
dossiers dormants et a choisi ceux qui
lui semblaient les plus prometteurs. Le
dossier Copernic était quasiment bouclé
en 1999. Le juge Trévidic a lancé des
recherches complémentaires et, tout de
suite, il a obtenu des résultats. Il a donc
fait de ce dossier une priorité, malgré
l'énorme charge de travail qui lui
incombe.
I.J : Où est-on aujourd'hui de cette
affaire ?
J.C. et H.D. : Hassan Diab a été arrêté
en novembre 2008. La France a
demandé son extradition en décembre.
La procédure peut aller très vite, ou
durer plusieurs années. En attendant,
Diab a été remis en liberté
conditionnelle en mars 2009. Les
conditions sont assez sévères : paiement
d'une forte caution, port d'un bracelet
d'identification,
limitation
des
possibilités de déplacement et de
communication, pas de passeport...
Mais tout de même, il vit chez lui avec
sa femme. Surtout, il peut organiser sa
défense par différents moyens. Par
exemple, en mobilisant en sa faveur la
communauté musulmane du Canada.
Certains leaders communautaires le
présentent déjà comme un martyr des
américano-sionistes...
INFORMATION JUIVE Juin 2009 15
LA CHRONIQUE
En avant
vers l'arrière
I
l y a longtemps, bien longtemps,
les partisans d'une paix raisonnée
au Proche-Orient lancèrent l'idée
d'un dialogue direct entre Israël,
les Palestiniens et les pays arabes
qui avaient jadis répondu par la
guerre à la création de l'État juif. Ces
pacifistes, essentiellement israéliens et
juifs en avaient par-dessus la tête de ces
conférences internationales où l'on
évoquait les rapports d'Israël et des
Palestiniens en l'absence de l'une ou
l'autre des deux parties. Car, pendant une
bonne quarantaine d'année, les grandes
puissances parlaient avec Israël hors de
la présence des Arabes et elles ne
pouvaient inviter l'État juif lorsqu'elle
rencontraient les membres de la Ligue
arabe.
On pouvait croire, après Oslo, que la
paix serait enfin construite par les deux
peuples concernés. On pouvait imaginer,
espérer que l'État d'Israël et l'Autorité
palestinienne se passeraient des puissants
tuteurs qui les avaient amenés à se parler
directement. Le voyage de Barack Obama
au Proche-Orient donne donc la mesure
de la régression. Le monde semble
attendre que le président des Etats-Unis
impose la paix au gouvernement israélien
et obtienne, en échange, que le Hamas
accepte à son tour un règlement
pacifique. La diplomatie américaine parle
quand on reconnaît le recul. Barack
Obama tente donc une avancée, en
recherchant un accord par des
négociations indirectes. Cela nous
ramène non seulement avant les
négociations israélo-palestiniennes de
1993, mais avant les accords avec
l'Égypte, donc, il y a plus de trente
ans !
D
ans
tous
les
commentaires, Israël
passe une fois de plus,
pour
le
principal
responsable de l'échec du
processus de paix.
Qu'importe l'histoire ! Qui se souvient du
déclenchement d'une vague d'attentats
suicide, au moment où le gouvernement
Barak allait au plus loin des concessions
lors des conférences de Camp David et
de Taba ? Yasser Arafat, redoutant d'être
débordé par le Hamas, avait alors préféré
la guerre, lançant les brigades du Fatah
dans une stratégie terroriste, rivalisant
dans l'horreur avec les islamistes
radicaux. La séparation unilatérale, la
construction du mur, n'étaient sans doute
pas des réponses satisfaisantes sur le plan
politique. Mais le terrorisme obligeait
Israël à privilégier la sécurité de ses
citoyens, à défendre son existence et donc
à se transformer en citadelle. Le
gouvernement d'Ariel Sharon est allé
Les conditions de la paix n'ont pas changé.
Tout le monde les connaît, depuis quarante ans.
Un Etat palestinien d'un côté et, de l'autre la sécurité
d'Israël, et donc la fin de toute violence,
la reconnaissance de la légitimité de l'État juif
par tous les pays de la région.
séparément à chacun des protagonistes.
L'interlocuteur palestinien d'Israël n'a pas
le pouvoir à Gaza, le Hamas refuse, pour
l'heure, le dialogue direct et ne reconnaît
pas l'Autorité palestinienne. En langage
contemporain, on parle d'une avancée
16 INFORMATION JUIVE Juin 2009
jusqu'au bout de cette logique de
séparation unilatérale, en évacuant Gaza.
Quelques mois plus tard, au terme d'une
guerre
civile
meurtrière
entre
Palestiniens, le Hamas s'est emparé du
pouvoir à Gaza. Et il a relancé la guerre,
sous la forme d'un harcèlement
permanent par les tirs de roquettes,
jusqu'à la riposte d'Israël.
Dans ces conditions, les électeurs
israéliens ont voté pour la sécurité, alors
que tous les sondages montrent qu'ils
aspirent majoritairement à la paix, sur la
base de la reconnaissance mutuelle de
deux Etats. Mais nous lisons partout que
Barack Obama doit contraindre les
Israéliens à la paix.
En modifiant sensiblement la
politique américaine, Obama reconnaît
que les Etats-Unis, sous Georges W.
Bush, n'ont pas créé un climat pacifique
au Proche-Orient. Pour les peuples
arabes, la guerre d'Irak a légitimé le
terrorisme et favorisé l'amalgame entre
la défense d'Israël et l'intervention
américaine dans la région. Enfermés en
Irak, les Etats-Unis se sont avérés
impuissants face à l'Iran. Barack Obama
entend donc rétablir le crédit de son
pays dans le monde arabe et arrêter le
cycle de la violence. Il cherche donc à
dialoguer, en commençant par affirmer
qu'il n'est pas l'ennemi des musulmans.
S'il réussit à engager un processus de
détente entre l'occident le monde arabe,
la paix redeviendra possible. Mais elle
ne se décrètera pas à Washington. En
1993, les Israéliens ont cru à la paix. Ils
ont accepté la création d'une autorité
palestinienne. La déception a été à la
mesure de leur engagement. Israël a,
certes, commis des erreurs, en
maintenant le statut quo en Cisjordanie,
en ne se prononçant pas clairement sur
l'avenir des implantations. Ses gouvernements ont été souvent indécis,
appuyés
sur
des
majorités
parlementaires trop hétérogènes pour
dégager clairement une ligne d'action.
Mais la relance de la guerre fut,
toujours, l'initiative de ses adversaires.
Les conditions de la paix n'ont pas
changé. Tout le monde les connaît,
depuis quarante ans. Un Etat
palestinien d'un côté et, de l'autre la
DE GUY KONOPNICKI
sécurité d'Israël, et donc la fin de toute
violence, la reconnaissance de la
légitimité de l'État juif par tous les pays
de la région.
Pour que ces conditions soient réunies,
il faut bien évidemment l'engagement
des premiers intéressés. Le plus pacifiste
des gouvernements israéliens n'acceptera
jamais la proclamation d'un État
palestinien sans que soit garantie la
sécurité d'Israël.
L'obstacle à la paix n'est pas cette
étrange coalition qui gouverne
actuellement Israël. Si les Américains
réussissent à ouvrir une perspective, il y
aura une recomposition politique à
Jérusalem. Benjamin Netannyahou
évoluera, comme avant lui Menahem
Begin et Ariel Sharon ou même Itzhak
Rabin, qui ne passait pas pour une
colombe avant 1993. Mais cette fois,
Israël ne peut se contenter d'une
reconnaissance formelle. La naissance de
l'État palestinien n'est possible que si
l'ensemble des pays arabes accepte une
fois pour toutes la présence de l'État juif
sur la terre d'Israël. C'est assez simple.
Pour être optimiste, disons que ce n'est
pas totalement impossible.
En France, le temps de l'extrême droite
s'achève. Le vieux Le Pen est réélu de
justesse au Parlement européen. La
corruption d'un maire socialiste peut
permettre à Marine d'enlever une
ou
Clichy-sous-bois,
Dieudonné
rassemble tout de même quelques
centaines de voix. Au total 36 398 dans
la région, ce qui est déjà trop pour une
liste qui n'avait qu'un seul programme, la
Qu'il le veuille ou non, Dany est, en France,
le dernier homme politique à avoir été la cible
d'une campagne antisémite
municipalité. Mais c'est terminé. Le Front
national est usé jusqu'à la corde. Il se peut
qu'il renaisse, un jour ou l'autre, sous une
autre forme, avec un autre nom et d'autres
dirigeants. Il sera alors temps de s'en
préoccuper.
Contre toute attente, la crise n'a pas
profité aux extrémistes. Le nouveau parti
d'Olivier Besancenot ne prend pas, il ne
fait guère mieux que la LCR. Il est
devancé par le Front de gauche, qui
recycle les restes du parti communiste.
Tout confondu, en incluant Mélenchon
et le PC, l'extrême gauche dont on nous
annonçait la percée récupère la moitié
des suffrages qui se portaient, jusqu'en
1981, sur les communistes. Il existe donc
quelque chose à gauche, du PS, ce n'est
dénonciation du " pouvoir sioniste ". Les
bandes anti-juives sont assez structurées
pour s'exprimer en politique. Leur
localisation électorale est significative. Il
existe désormais un lumpen- prolétariat
politisé, une délinquance sur fond
d'idéologie, entre voyoucratie et
intégrisme islamique. Une marge
dangereuse, dont certains éléments
peuvent aller jusqu'au meurtre. À
Bagneux, Dieudonné rassemble 231
électeurs, soit 3,01%. Ce qui se passe,
bien évidemment, de tout commentaire.
Pour le reste, les électeurs n'accordent
guère d'importance aux origines des
candidats. L'écologie rencontre le
succès quand elle est portée par un
fameux juif allemand, Daniel Cohn-
L
es élections au Parlement
européen dessinent une
géographie de l'extrême
droite : Autriche, Flandres, Bulgarie, Grèce,
Hongrie, pays baltes,
Roumanie… Autant de pays et de
régions, de tradition antisémite. Fautil, dans ces conditions, élargir l'Union
européenne à des pays où la haine des
juifs persiste après leur anéantissement ? Des nations émergent et se
construisent, à l'intérieur de frontières
établies par l'ancienne URSS. Des pays
s'inventent une histoire, une légende
nationale qui relève bien souvent du
négationnisme. Les plus évolués
comprennent que les vestiges juifs
attirent les touristes. En restaurant
quelques vestiges, ils récupèrent un
peu de cet argent qu'ils cherchaient en
vain en profanant les cimetières et les
fosses communes. Les juifs revivent en
été, lorsque des touristes américains et
européens cherchent les traces de leurs
aïeux, du côté de Riga, de Vilno, ou de
Lemberg. Quand la saison s'achève, les
peuples reviennent à leurs valeurs. Ils
célèbrent les glorieux Waffen SS lettons
et les pogromistes ukrainiens ou
moldaves. L'Europe est encore loin !
pas une surprise. Mais la radicalité
annoncée n'a pas fait recette.
Au soir des élections, Dieudonné avait
disparu. On n'en parlait plus. Présente
dans une seule région, l'Ile de France, sa
liste antisioniste, que le terroriste Carlos
soutenait depuis sa prison, a rassemblé
1,03% des suffrages. Électoralement, c'est
négligeable. En regardant de plus près,
dans certaines cités comme Gennevilliers
Bendit, qui ne devrait pas s'encombrer
d'un José Bové. Ce succès a tout de
même quelque chose de réjouissant.
Qu'il le veuille ou non, Dany est, en
France, le dernier homme politique à
avoir été la cible d'une campagne
antisémite. Quarante ans plus tard, il
est le grand vainqueur de cette élection
européenne. Son succès atteste, s'il en
était besoin, de la profonde intégration
des juifs en France.
INFORMATION JUIVE Juin 2009 17
ECONOMIE
La crise sera
ce que nous en ferons
L
a crise économique que
nous traversons a des
conséquences humaines
trop pénibles pour ne
pas se réjouir des signes
indiquant que le plus
dur serait derrière nous.
Nous devons simplement constater
qu'à la différence de la crise de 1929,
les banques centrales ont su réagir
efficacement et que l'injection massive
de liquidité dans le système a permis
d'éviter
un
effondrement
de
l'économie financière et donc de
l'économie tout court financée ellemême par les banques.
La réforme des normes comptables
qui permet,
à nouveau, aux
établissements financiers de valoriser
leurs actifs non plus en valeur de
marché mais en valeur théorique
donne un coup de frein à
l'effondrement bilanciel de nos
économies.
Il faut d'ailleurs relativiser le rôle
du
système
financier
sur
l'effondrement de certains pans de
l'industrie.
Si l'automobile va mal, si Général
Motors fait faillite, si la pharmacie se
restructure, ce n'est pas en raison de
la crise financière et du creux
conjoncturel. Ces ajustements se
seraient produits de toutes façons.
Même quand l'économie va bien, il y
a des fermetures d'entreprise, des
faillites et des licenciements.
Ensuite, il y a des mauvaises
nouvelles qui sont comme des
traitements médicaux : pénibles mais
bénéfiques. Ainsi si la consommation
souffre aux Etats-Unis parce que les
ménages se remettent à épargner, cela
fait mal à court terme mais, après
18 INFORMATION JUIVE Juin 2009
PAR LAURENT PHILIPPE
avoir tant blâmé les Américains pour
leur dépenses effrénées, il est difficile
de déplorer qu'ils se montrent un tant
soit peu plus économes. De même, si
l'activité dans le secteur de la
construction est à un minimum
historique aux Etats-Unis, cela tire la
croissance vers le bas mais , en
même temps, il faut se dire que moins
on construit, plus vite les prix de
l'immobilier cesseront de baisser, plus
vite les ménages cesseront de sentir
leur patrimoine perdre de sa valeur et
plus vite la confiance reviendra.
D'ailleurs les indicateurs macroéconomiques avancés ont marqué un
capacités installées demeure aussi
faible et l'accès au crédit autant
contraint par le dégonflement du
crédit. Enfin du côté de la
construction, l'excédent d'offre n'a pas
encore été résorbé, ce qui interdit
tout espoir d'inversion brutale dans
la variation des prix et de l'activité.
Cette crise mondiale va induire des
changements pour le meilleur ou
peut être pour le pire.
On sait déjà que la crise force les
Etats à réguler la partie du système
financier qu'ils avaient ignorée mais
la crise va-t-elle gommer ou réveiller
Si une stabilisation, du moins temporaire,
est indéniable, nous sommes toutefois fort loin
d'un scénario de rebond rapide de l'activité.
arrêt dans la détérioration du climat
conjoncturel et le secteur financier a
repris des couleurs. Cela a donné,
après la chute boursière de l'année
dernière et du début de cette année,
une belle remontée des bourses
depuis le 9 mars qui, même si elle ne
devait être qu'un feu de paille, a le
grand mérite de rappeler que chaque
entreprise a un prix.
Si une stabilisation, du moins
temporaire, est indéniable, nous
sommes toutefois fort loin d'un
scénario de rebond rapide de
l'activité. En effet, le rétablissement
de la consommation sera handicapé
par la poursuite de la hausse du
chômage et par l'inclinaison à
davantage épargner dans un
environnement d'incertitude et de
dégradation des finances publiques.
De même, il est difficile d'escompter
une
reprise
significative
de
l'investissement des entreprises
quand le taux d'utilisation des
la cicatrice entre Europe de l'Ouest
et Europe centrale ?
Va-t-elle
relancer la construction de l'Europe
ou conduire à sa Balkanisation ? Vat-elle permettre à Israël de s'intégrer
à l'espace économique qui l'entoure
ou relancer une guerre de toujours ?
Va-t-elle permettre au monde de
résoudre les crises iraniennes et
Nord Coréenne ? Va-t-elle faciliter
la signature d'accords commerciaux ou susciter des tentations
protectionnistes ? Va-t-elle aboutir à
réformer le FMI ou faire reculer la
coopération internationale ? Va-t-elle
stimuler l'investissement dans des
énergies renouvelables et les taxes
sur la pollution ou reléguer la
question environnementale à l'arrière
plan ?
Les réponses à ces questions ne
dépendent
pas
des
marchés
financiers. Elles n'en sont que les
conséquences, elles dépendent avant
tout de nous tous.
POLITIQUE
L'optimiste pari
d'Alexandre Adler
D
ans ce nouveau livre
"Le monde est un
enfant qui joue"
(Editions Grasset), un
titre qu'il emprunte à
Héraclite, notre ami
Alexandre Adler analyse ce qu'il
appelle " les équations de champ " de
notre monde ainsi que ses grandes
lignes de fracture.
Adler veut
comprendre les tenants et les
aboutissants de l'évolution de notre
civilisation, singulièrement depuis
le 11 septembre 2OO1. Ce livre est
d'une certaine façon la suite
logique de précédents travaux que
l'auteur a publiés et notamment "
L'Odyssée américaine " et "
Rendez-vous avec l'islam ".
Après avoir analysé ce qu'il
appelle l'islamisme en crise et le
paradoxe d'Al Qaïda, Adler
observe à propos de l'histoire du
terrorisme
moyen-oriental,
palestinien notamment, qu'on y
découvre un mode opératoire
constant: " Le recrutement indirect
de
complices
occidentaux,
d'extrême droite parfois et, plus
rarement, d'extrême gauche jugés
moins fiables, en prenant appui
sur leur antisémitisme intact
(…).On a vu que c'est Jean-Marie
Le Pen qui avait décroché
l'attention la plus bienveillante de
Saddam Hussein, malgré les liens
pourtant nombreux du dictateur
irakien avec d'autres partis politiques
français. La tradition d'une forte
entente entre nationalisme arabe et
en outre ajouter la tenace activité
négationniste des services secrets
iraniens, subventionnant la défunte
librairie Ogmios à Paris, et finissant,
"Ahmadinejad regnante ", par inviter
Faurisson et le chef du Ku Klux Klan
David Duke à une formidable messe
noire néo-nazie à Téhéran fin 2007) ".
Adler considère par ailleurs que les
ambitions nucléaires de Saddam
Hussein n'auraient jamais du faire
Alexandre Adler
question. Adler écrit à ce propos :
"L'Irak est, de tous les pays arabes,
celui qui a, le plus longtemps, le plus
obsessionnellement, recherché à
Qui vous dit, à la fin du compte, que ce bloc ne
parviendra pas à s'entendre avec mes amis juifs
d'Israël et d'Amérique ?
islamique d'un côté, extrême droite
occidentale de l'autre, a donc une
longue histoire ( à laquelle il faudrait
détenir l'arme nucléaire, et n'a pas été
si loin d'y parvenir. La personnalité
extrêmement cruelle et peu élaborée
de Saddam Hussein laisse peu de
doute sur son désir de se servir
activement de cette bombe dès qu'il
aurait pu en disposer, sans doute
contre Israël, peut-être contre l'Iran "
Comment expliquer l'antisémitisme
d'Ahmadinejad ? Ecoutons Adler :
"L'apparition subite du négationnisme
néo-nazi comme un élément clef de
l'identité du nouveau régime ressortit
d'abord au cynisme délibéré : la
réaffirmation sur le mode majeur
de la nécessité d'anéantir Israël
(…) avait pour but essentiel de
provoquer l'Etat hébreu afin de
parvenir à une polarisation
croissante de " la guerre des
civilisations " et gagner malgré
tout le cœur de tous les intégristes
sunnites, notamment égyptiens et
palestiniens… "
Pour conclure ces réflexions, le
politologue Adler considère
qu'aujourd'hui, tout "littéralement
tout " dépend du Moyen Orient :
"Celui-ci se tranquillise-t-il
quelque peu et la mondialisation
repart comme repartent les
bénéfices immédiats de cette
mondialisation en matière de
richesses distribuées comme de
démocratie conquise. Si, au
contraire, tout bascule en Orient,
c'est la planète qui se fissure en
blocs
potentiellement
antagonistes".
L'éditorialiste du Figaro termine son
parcours géopolitique sur un pari
relativement raisonnable à propos des
rapports de l'Iran et d'Israël : " Qui
nous dit que mon bloc chiite, que j'ai
conçu dès l'adolescence comme
contrepoids à la violence insensée des
baassistes, ou ailleurs des nassériens,
ou de l'OLP d'Arafat, qui vous dit, à la
fin du compte, que ce bloc ne
parviendra pas à s'entendre avec mes
amis juifs d'Israël et d'Amérique ? "
INFORMATION JUIVE Juin 2009 19
LA VIE DU CONSISTOIRE
Enthousiasme,
mélancolie et espérance
L
e Cantique des Cantiques
est lu traditionnellement au
cours de la fête de Pessah.
Rabbi Aquiba enseigne :
“Si tous les écrits de la Bible
sont saints, le Cantique des
cantiques est le Saint des saints» Il est une
allégorie sur l’amour de D.ieu envers Israël
et d’Israël à D.ieu. Au cœur de ce
merveilleux chant, la bien-aimée cherche
son bien-aimé. Les images poétiques se
succèdent, toutes d’une beauté
exceptionnelle : “Comme une rose parmi
les épines, telle est mon amie parmi les
jeunes filles. Comme un pommier parmi
les arbres de la forêt, tel est mon bien-aimé
parmi les jeunes gens; j’ai brûlé du désir
de m’asseoir sous son ombrage, et son fruit
est doux à mon palais…” (Cant 2, 2 à 9)
Un peu plus loin nous lisons cette
terrible interrogation : “En quoi ton bienaimé est-il supérieur aux autres, pour que
tu nous conjures de la sorte ?” (Cant 5, 9)
Israël exprime ici des interrogations sur
ses souffrances, ses épreuves. Mais, il
s’enivre d’un optimisme merveilleux en
constatant la beauté, la force, la puissance,
la magnificence et l’omniprésence de
D.ieu. Israël se situe au-delà des
souffrances, au-delà des épreuves, au-delà
des haines, car il est attaché à la lumière
du bien-aimé, c’est-à-dire à la lumière
divine. Le peuple juif croit en D.ieu et
espère en l’homme.
L’esprit du Cantique des cantiques a
régné au cours de la fête de Pessah. La
liberté a été célébrée dans l’enthousiasme,
dans un transport joyeux, autour de la table
de Pessah, autour du seder célébré en
famille et avec ses amis. Durant huit jours,
le peuple juif a vécu un rêve merveilleux,
le rêve de la délivrance d’Israël, le rêve de
la transformation morale du monde. Le
récit de la sortie d’Egypte se fait sans
exprimer la moindre rancœur à l’encontre
des Egyptiens.
Le peuple juif est attaché à l’espérance.
Il vit une utopie, comme on vit une réalité.
20 INFORMATION JUIVE Juin 2009
PAR DAVID MESSAS, GRAND RABBIN DE PARIS
Suivant la célèbre formule de la Haggadah
“Chacun doit se considérer, sorti lui-même,
du pays d’Egypte”. La fête de Pessah n’est
pas une commémoration ou une
célébration, c’est une actualisation.
Après avoir été imprégnés des
enseignements de Pessah, il nous faut
affronter la vie quotidienne, les discours
antisémites de Durban II, la violence du
monde, l’injustice qui règne. Cette
rencontre peut engendrer une certaine
mélancolie. Ce choc est amplifié, par la
célébration du Yom Ha Shoah et celle du
Yom Hazikaron. Le temps du ômer qui
suit celui de Pessah, n’est pas un temps
festif. Après la délivrance d’Israël vient le
temps de la mort des disciples de Rabbi
Aquiba, la mort des talmidé hakhamim
qui sont les piliers du monde, le Shabbath
du monde. Nous entrons dans un temps
de deuil, ou de demi-deuil. Ce passage
de l’allégresse à la mélancolie est
éprouvant.
Alors une lancinante question surgit.
Comment inscrire la lumière de Pessah
dans la réalité du monde qui nous
entoure ? Plus personnellement, nous
nous interrogeons : Quel doit être le
message du rabbin à ses fidèles et au
monde ? Le rabbin ne peut rester
silencieux. Notre société a un besoin vital
du message de la Torah. Nous devons
manifester notre indignation, notre
horreur devant les violences verbales et
physiques qui s’expriment ici et là, dans
une hypocrisie généralisée, contre l’Etat
d’Israël et contre des juifs. Où sont les
droits de l’Homme ? Où est la solidarité
? Où est la justice ? Ne nous y trompons
pas, attaquer Israël, c’est attaquer le
judaïsme. L’antisionisme est l’antijudaïsme. A Genève, au cœur de
l’Europe, au jour du Yom Ha Shoah, le
monde entier a de nouveau entendu le
discours d’Hitler, le discours d’Haman,
le discours d’Amalek. Certains n’y voient
que des mots. C’est faux. Les mots
préparent toujours les actes. Comment
est-il possible d’attaquer avec autant de
violence haineuse l’Etat d’Israël qui lutte
depuis sa Création pour sa survie ? En
tant que Grand Rabbin, je suis bouleversé.
En constatant que, soixante ans à peine
après la Shoah, les discours de haine
recommencent à s’exprimer subrepticement dans les médias et dans les
discours politiques, il est possible de
basculer dans la dépression. En réalité,
nous devons rester vigilant. Nous devons
refuser cette situation comme si elle était
le fruit d’une fatalité inévitable.
Prenons exemple sur Abraham. D.ieu
lui promit la propriété de le terre
d’Israël : “Lève-toi ! Parcours cette
contrée en long et en large! Car c’est à
toi que je la destine” (Gn. 13, 17). Puis,
lorsqu’il dut enterrer sa femme Sarah,
il lui fallut s’investir dans d’interminables discussions hypocrites avec
Efron pour acquérir ce qui lui était
promis par le Ciel. Abraham aurait pu
douter. La Torah témoigne qu’il ne perdit
en rien sa confiance en D.ieu. Le rêve,
l’idéal divin, affirment que la terre
d’Israël lui revient de droit, mais la
réalité l’oblige à négocier l’achat d’une
sépulture pour son épouse. Cette
contradiction entre le rêve et la réalité
aurait pu faire douter Abraham, mais
malgré cela, “il eu confiance en D.ieu
et cela lui fut compté comme une
justice” (Gn. 15, 16). Je terminerai
par cet enseignement du prophète
Malachie : “Voici, Je vous envoie le
prophète Elie. Il ramènera le cœur des
pères vers les fils et le cœur des fils vers
les pères”. Le prophète annonce que la
réalité des pères, la mémoire, se
transmettra sans failles aux enfants, et
que les enfants qui constituent l’avenir
la réaliseront pleinement. Rien ne peut
mettre à mal nos convictions sur le rôle
d’Israël, en tant que phare de moralité
contre les négationnistes de tous bords.
Rien ne peut ébranler notre espérance
de voir se réaliser la promesse du
prophète annonçant la venue du
Mashiah ben David, prochainement et
de nos jours. Amen.
LA VIE DU CONSISTOIRE
Transmettre
et pérénniser
PAR JOËL MERGUI, PRÉSIDENT DU CONSISTOIRE CENTRAL
L
’Assemblée Générale du
Consistoire de Paris qui se
tient le 28 juin est l’un des
moments forts de la vie de
notre institution. Il nous
permet de dresser un bilan
de l’année écoulée et de préparer
ensemble l’année à venir.
Transmettre et pérenniser notre
héritage : le patrimoine
L’action et les efforts que nous avons
menés avec le Grand Rabbin de Paris,
les administrateurs et les permanents
de l’ACIP, se sont concentrés sur
l’objectif de transmettre et pérenniser
nos valeurs, notre héritage et notre
institution.
Il était indispensable de mener une
action concrète de sauvegarde et de
préservation. C’est ainsi que le
Consistoire de Paris pourra désormais
bénéficier de dons faits à de la Fondation
du Patrimoine Juif de France. Cette
fondation a été créée par le Consistoire
Central, sous l’égide de la Fondation du
Judaïsme Français : son objet va de la
préservation, à la construction et à
l’entretien de notre patrimoine cultuel, à
l’éducation juive, en passant par la
formation de nos futurs rabbins.
Transmettre et pérenniser nos valeurs:
l’action envers la jeunesse
C’est la responsabilité première de
chacun d’entre nous, de créer les
meilleures conditions possibles pour
transmettre notre judaïsme à nos enfants.
Le Talmud Torah, a fait l’objet d’un
travail permanent de renouvellement et
d’amélioration des outils pédagogiques
et de la formation continue des
professeurs.
Le centre Edmond Fleg, après sa
réouverture en février 2008, a connu sa
première année pleine de fonctionnement et d’essor continu au service des
étudiants.
Tikvatenou, le mouvement de jeunesse
du Consistoire a poursuivi son
développement au sein de nos
communautés dans un climat de chaleur
et d’amour de la vie juive et d’Israël.
La Team Roquette, que le Consistoire
de Paris a impulsée avec le Consistoire
Central, pour permettre à nos jeunes de
venir rallumer la flamme du judaïsme
dans plusieurs de nos petites
communautés en péril ou en difficulté.
Les Chabbats de la jeunesse, Paris
Torah, la ‘Hazak permettent aux jeunes
de s’emparer des synagogues et de
s’impliquer dans nos Communautés de
façon systématique.
Avec plus de 120 synagogues, lieux
de cultes, mikvaot, centres communautaires, le Consistoire de Paris dispose du
plus important patrimoine juif de France
et d’Europe.
C’est aussi dans cette optique que nous
avons mené, avec le Consistoire Central,
et avec l’aide de la FMS, des travaux
importants de rénovation à l’Ecole
Rabbinique de France.
Nous avons poursuivi le programme
de sécurisation et de mise aux normes de
nos bâtiments communautaires,
La transmission, c'est aussi le devoir
pour chacun d'entre nous et de nos
enfants d'entendre et de réentendre le
témoignage des survivants de la
Shoah : ils sont là et les négationnistes
sont pourtant déjà à l'oeuvre. Les
manifestations de commémoration sont
de plus en plus comprises et
essentielles.
Transmettre et pérenniser notre
institution, c’est sauvegarder les
intérêts du judaïsme français
Notre action doit s’inscrire dans la
nécessité de construire ensemble cette
institution consistoriale plus forte, plus
unie, plus apaisée, et donc plus efficace.
C’est la raison pour laquelle la
concertation et les synergies du
consistoire de Paris avec le Consistoire
Central et les Consistoires régionaux ont
été recherchées et obtenues. Des actions
au service de toutes les communautés
ont été menées avec succès, que ce soit
dans le domaine de l’éducation, de la
jeunesse, de la défense de la Cacherout
et de l’abattage rituel, de la formation
des rabbins, ou de la solidarité avec
Israël.
Transmettre et pérenniser notre
solidarité
L’action sociale du Consistoire se fait
bien sûr en partenariat avec les autres
institutions, notamment lors de l’opération
Tsedaka, mais elle est aussi importante
tout au long de l’année au travers
d’actions permanentes de proximité
comme les “Paniers de Pessa’h”.
Solidarité entre petites et grandes
communautés : nous avons su tisser un
réseau de communications, de contacts
qui permettent à chacun de se sentir
renforcé et soutenu. Cette solidarité entre
communautés fait partie de l’essence
même de notre institution.
Solidarité avec Israël : La situation en
Israël est une préoccupation de tous les
instants. L’Acip a un rôle important de
sensibilisation et de mobilisation. Il est
de notre devoir de conserver nos yeux
tournés vers Israël et Jérusalem sa
capitale éternelle.
Outre ces chantiers prioritaires, notre
action s’est faite quotidiennement sur le
terrain en faveur et au cœur de la vie
juive dans nos communautés :
organisation et vie du culte, cacherout,
bar mitzvot, mariages, Hevra kadicha,
Mémoire.
La crise économique mondiale affecte
nos comptes, mais grâce à une maitrise
des couts, le résultat opérationnel a pu
être sauvegardé. C’est dans ce contexte
difficile que nous allons, et que nous
devons, poursuivre nos actions au cours
de l’année à venir. Certains chantiers ont
été lancés. Beaucoup reste à faire.
Ensemble nous le ferons dans l’unité, la
confiance, et le chalom.
INFORMATION JUIVE Juin 2009 21
LA VIE DU CONSISTOIRE
“Vigilance face à la crise
économique”
UN ENTRETIEN AVEC JOSEPH HADDAD*
A l'occasion de l'Assemblée générale de l'ACIP qui se tient le 28 juin, nous revenons avec le trésorier du
Consistoire de Paris Ile de France Joseph Haddad sur la situation financière de l'institution et présentons les
tableaux des comptes 2008.
OOO I.J : Les comptes 2008 de l'ACIP seront
soumis pour approbation lors de l'assemblée
générale du 28 juin. Quelle est aujourd'hui la
situation financière de l'ACIP ?
Joseph Haddad : La crise économique
qui sévit encore aujourd'hui et qui a
commencé au dernier trimestre 2008 a
évidemment eu un impact sur nos
comptes, puisque nous n'avons pas pu
maintenir la tendance à l'amélioration que
nous avions connue ces trois dernières
années. Nos recettes enregistrent une
baisse de 3,7%, résultant à la fois de la crise
économique - les dons affichent un repli
de 4,5% - et des recettes exceptionnelles
enregistrées en 2007 et donc non
reconduites en 2008. Mais grâce à un
contrôle strict de nos dépenses qui baissent
de 0,6%, le résultat a pu être contenu
et le déficit limité.
Au total, le résultat net
d’exploitation avant amortissement
est excédentaire de 67 891€ en 2008
contre 670 683 € en 2007. Je rappelle
que l’intégration depuis 2006 de
l’actif immobilier dans les comptes
de l’ACIP entraîne la comptabilisation dans nos charges d’une
dotation aux amortissements qui s’est
élevée en 2008 à 1 486 100 €. En
raison de cette comptabilisation, le
résultat net ressort déficitaire de – 1
418 209 € contre un déficit de – 695
190 € en 2007.
I.J : En tant que trésorier de l'ACIP,
quels sont les principaux axes que vous
avez privilégiés au cours des dernières
années ? Quelles réformes structurelles
ont été engagées pour améliorer la
situation conjoncturelle de l'ACIP ?
J.H. : Notre premier axe a été
d'améliorer notre contrôle de gestion
et le suivi de nos comptes, avec la
mise en place d'un bilan conforme
aux exigences des entreprises et des
grandes associations faisant appel à
la générosité publique, avec des
situations intermé-diaires chaque
trimestre. Le second axe a été de
rompre avec l'habitude que nos
22 INFORMATION JUIVE Juin 2009
dépenses devaient augmenter au rythme,
voire plus rapidement que l'inflation. Ainsi,
la baisse de 0,6% de nos charges cette
année nous permet d'amortir l'impact de
la baisse des recettes liée à la crise.
I.J : Justement, quel est selon vous l'impact
de la crise économique actuelle sur la situation
financière de l'ACIP ?
J.H. : Comme je l'ai indiqué
précédemment, elle se traduit par une
baisse des dons. Cette baisse reste
néanmoins moins importante que pour
d'autres associations, traduisant l'effort
important de nos présidents et trésoriers,
et l'attachement de nos donateurs à leur
synagogue, qui représente le don de
proximité par excellence. On pourra
notamment noter à cet égard que les
montants des adhésions, quête de Kippour
et autres manifestations sont restés stables
par rapport à l'exercice précédent.
I.J : Comment se présente l'année 2009 ?
Quels sont vos chantiers prioritaires pour les
mois a venir ?
J.H. : Le premier trimestre est
satisfaisant, mais nous devons rester
vigilants. La crise est encore là. Cette
année est la dernière de notre mandature.
Ma responsabilité est de laisser à mon
successeur une institution en bon état de
marche. Je m'y emploie.
--------*Trésorier du Consistoire de Paris
LA VIE DU CONSISTOIRE
Colloque sur
le patrimoine du judaïsme
L
e colloque " Le patrimoine du
Judaïsme : un nouveau regard "
s'est tenu à Paris, à la Cité de
l'architecture et du patrimoine, Palais de
Chaillot, le 27 mai. Le Ministre de la
culture Mme Christine Albanel a souhaité,
à travers le Comité du patrimoine cultuel,
solliciter un débat avec les acteurs
directement concernés afin qu'ils puissent
faire état de leurs expériences et de leurs
propositions pour la conservation de ce
patrimoine.
Après une matinée ouverte par M.
Bruno Foucart, président du Comité
cultuel, l'introduction par M. Michel
Clément, directeur de l'architecture et du
patrimoine a éclairé les enjeux. Le grand
rabbin de France Gilles Bernheim est
intervenu sur la thématique de la
synagogue d'un point de vue religieux et
rabbinique, suivi par le grand rabbin Haïm
Korsia, membre du Comité du patrimoine
cultuel. La multiplicité des questions et
problématiques rencontrées par les
responsables communautaires fut analysée
par Joël Mergui. Dominique Jarassé,
Professeur des Universités a présenté une
analyse des identités architecturales des
synagogues, tandis que Max Herzberg,
architecte, commentait les exigences
nouvelles de l'architecture synagogale. Le
cadre juridique était précisé par Bertrand
Gaume, chef du Bureau des cultes. L'aprèsmidi fut consacrée aux conservateurs du
patrimoine qui ont pour mission de faire
connaître, valoriser et transmettre ce
patrimoine.
Dans ce domaine si important du
patrimoine juif, rappelons que sous l'égide
de la Fondation du Judaïsme, le
Consistoire Central a créé la Fondation du
Patrimoine Juif, dédiée à la sauvegarde et
à la transmission de la richesse
patrimoniale juive, entendue dans son sens
le plus large ; de son aspect synagogal à
ses aspects liturgiques, religieux, culturels,
etc... (cf l'entretien que nous accordé dans
ces colonnes le Président Mergui le mois
dernier). Cette Fondation permettra à ceux
qui ont conscience de leurs responsabilités
au regard des générations à venir,
d'apporter une contribution précieuse et
généreuse.
Voyage annuel
du Consistoire Central en Israël
D
ans le cadre de
sa désormais
traditionnelle
convention annuelle en
Israël, une importante
délégation du Consistoire s'est rendue en
Israël du 18 au 24 mai
en présence du grand
rabbin de France Gilles
Bernheim, du Président
du Consistoire Central
Le Président du Consistoire et le grand rabbin de France
Joël Mergui, du grand
avec le Président de la Knesset
rabbin de Paris David
Messas, des vice-Présidents du Consistoire Central Guy Cohen et Marcel
Dreyfuss, du Président du Consistoire du Haut-Rhin Yvan Geismar, et de
nombreux Présidents de Communautés de Paris et de Province.
La délégation a vecu
une semaine forte en
émotions, débats et
rencontres de haut
niveau
avec
les
personnalités israéliennes de premier
plan. Parmi celles-ci,
les deux grands rabbins
d'Israël les Rav Moshe
Amar et Yona Metzger,
le Président de l'Etat
Shimon Peres et le
Rencontre avec le grand rabbin d'Israël Yona Metzger
Premier Ministre à
l'occasion des festivités officielles de Yom Yeroushalaim, le Président de
la Knesset, l'Ambassadeur de France, et le maire de Jérusalem.
Après être passée par Haïfa, les villes du nord du pays et Tel Aviv pour
le 100ème anniversaire de la ville, la délégation représentant l'ensemble
de la communauté juive de France s'est rendue à Jérusalem, le coeur du
voyage.
La semaine ayant
été placée sous le
signe de Yom Yeroushalaim,
que
la
délégation a fété sur
place avec les officiels
israéliens, le message
central répété sans
relâche au nom des
communautés juives
de France a résidé
dans le soutien total
et la solidarité sans
faille du consistoire et
Joël Mergui et le Président Shimon Peres à Yom Yeroushalaim
des juifs de France
avec Jérusalem qui est et restera la capitale une et indivisible d'Israël et
du Peuple juif. Ce voyage intense s'est déroulé dans un climat chaleureux,
émouvant et fraternel, qui restera dans la mémoire de ses participants.
Rendez-vous est déjà pris pour l'année prochaine.
INFORMATION JUIVE Juin 2009 23
LA VIE DU CONSISTOIRE
Dîner de gala
pour l'Ecole Rabbinique de France
Agrandissement de l'école
Yaguel Yaacov à Montrouge
L
a synagogue de Montrouge était pleine ce 7 juin à l'occasion de
la cérémonie d'inauguration de l'agrandissement de l'école Yaguel
Yaacov, la première école juive consistoriale créée en 1991 par le
rabbin Jacob Mergui et par Joël Mergui, et de l'ouverture de la nouvelle
crèche " Le chemin des enfants " au sein du complexe scolaire.
Après les mots d'accueil et d'introduction prononcés par le Président
de l'école Fréderic Schwartz et par le rabbin Jacob Mergui, de nombreuses
personnalités se sont succédées à la tribune : le ministre de la relance
économique et Président du Conseil Général des Hauts de Seine M.
Patrick Devedjian, le maire de Montrouge M. Meton, le grand rabbin
de France Gilles Bernheim, le grand rabbin de Paris David Messas, le
Président du Consistoire central Joël Mergui, l'Ambassadeur d'Israël en
France SE Daniel Shek, et le Président du FSJU Pierre Besnainou.
L
e Congrès rabbinique, organisé par le
grand rabbin de France Gilles Bernheim,
s'est tenu les 25 et 26 mai à Paris en
présence des rabbins venus de toute la France.
Entre les deux journées de débats et de réflexions,
qui ont notamment portées sur les conditions de
la vie rabbinique, la Halakha et la vie juive dans
son ensemble, un diner de gala a été donné en
l'honneur du Séminaire Israélite de France de la
rue Vauquelin, placé sous la responsabilité directe
du Consistoire Central, appelé désormais l'Ecole
Rabbinique de France. Le diner a réuni, autour
du grand rabbin de France, du Président du
Consistoire Central, du grand rabbin de Paris et
du directeur du Séminaire, plus de deux cents
convives dont le corps rabbinique dans son
ensemble et de très nombreux responsables
communautaires. Il s'est tenu dans les salons
d'Honneur de la mairie du 5ème arrdt de Paris en
présence de son maire Jean Tibéri. L'objectif était
mis sur la mise en valeur de la mission historique,
de la place centrale et du travail irremplaçable
fourni par l'Ecole Rabbinique. Les intervenants
ont témoigné de leur attachement indéfectible à
cette institution indispensable, " élément majeur
pour l'avenir du judaïsme français " comme l'a
souligné à la fois le Président Mergui et le grand
rabbin Bernheim. L'école a formé jusque là tous
les grands rabbins de France qui se sont succédés
mais a désormais besoin de préparer son avenir.
La rénovation récente des locaux, décidée par le
Consistoire de Paris avec l'aide notamment de la
FMS, a tracé la voie de ce renouveau.
Le rabbin Mergui, Patrick Devdjian, Joël Mergui et le maire de Montrouge
Chacun a exprimé l'importance attachée au rôle de l'éducation juive,
à la place centrale de la jeunesse dans la communauté, et à la
responsabilité majeure pour chaque dirigeant communautaire et national
de mettre nos jeunes au centre de tout projet destiné à construire l'avenir.
L'attachement à Israël, dans le contexte d'une école centrée sur son projet
résolument sioniste, a également été au cœur des allocutions. Cette
journée était à cet égard dédiée à la mémoire de Yohan Zerbib (z'l) qui
faisait partie des premiers élèves de l'école et qui est tombé à la fin de la
guerre du Liban en 2006, allant jusqu'au bout de son idéal sioniste. Le
Président Mergui, particulièrement ému d'inaugurer ces nouveaux locaux,
a rappelé avec force que " la meilleure réponse que l'on pouvait faire en
ce jour d'élections européennes à la haine antisioniste qui fleurit sur les
murs de Paris, c'est de célébrer dans la joie et dans l'espoir
l'agrandissement d'une école fière de ses valeurs juives et sionistes pour
construire l'avenir de nos enfants". A la suite des interventions, le grand
rabbin de France, le grand rabbin de Paris et le Président du Consistoire
ont officiellement dévoilé les plaques inaugurant les nouvelles classes.
Ce nouveau départ pour l'une des seules écoles consistoriales s'inscrit
dans le vaste projet mis en œuvre par le Consistoire en faveur de la
jeunesse et de l'éducation.
Office spécial aux Tournelles à la mémoire des victimes du crash d'Air France
A
près le choc de la tragédie des 228 victimes du vol Rio-Paris, le Consistoire a décidé d'organiser le 2 juin un office spécial
en leur mémoire. Dans une synagogue des Tournelles comble, les familles des deux victimes juives en provenance de la
région parisienne étaient présentes pour entamer leur deuil, en présence du grand rabbin de Paris David Messas, du
grand rabbin Joseph Sitruk et du Président Joël Mergui dont les interventions étaient empreintes d'une très forte émotion. Tous,
amis des familles et anonymes, avaient besoin de se retrouver pour prier ensemble en de tels moments et faire le vœu que les
familles puissent trouver la force de surmonter cette terrible épreuve. L'office s'est achevé par les mots bouleversants de la fille
d'une des deux victimes, âgée d'à peine 12 ans, prononcés dans un silence lourd et poignant à son parent tout juste disparu.
24 INFORMATION JUIVE Juin 2009
LA VIE DU CONSISTOIRE
“Ce qui change
au Talmud Torah”
UN ENTRETIEN AVEC DAVID AMAR
Avec le président des services éducatifs et vice-président de l'ACIP David Amar, nous revenons sur les projets
actuels du Talmud Torah et la préparation de la rentrée prochaine.
OOO I.J : Qu'est-ce qui a changé au
Talmud Torah ?
David Amar : Ce changement s'est
opéré par une transformation radicale
à la fois des méthodes, des activités, du
matériel pédagogique et de l'enseignement. Nous oeuvrons pour que la
leçon étudiée par l'élève devienne sa
leçon.
Je citerai tout simplement une lettre
qu'un des parents d'élèves m'a envoyée
récemment et dans laquelle il me dit
que "par cette nouvelle méthode
structurée dans sa progression
pédagogique et sa méthode ludique qui
fait le bonheur des élèves comme des
professeurs, prend en compte le niveau
de chaque élève et rend simple
l'articulation entre les activités orales et
écrites ".
Ces nouvelles méthodes ont emporté
l'adhésion des organisations importantes telles que la FMS, le Fonds
Pinkus et le Fonds Wolshon qui ont
contribué largement à ces changements
et ont œuvré pour que le Talmud Torah
progresse, se modernise et suscite un
réel engouement de la part des élèves.
d'usine, fabrication des matzot et
distribution de matzot chmourot pour
le Seder aux 2000 enfants de nos
Talmudé Torah.
- La Haftara Club
- Sans oublier notre objectif principal:
notre attachement indéfectible à Israël
et à Jérusalem. Rappelons que chaque
année pour que chaque élève Bar ou
Bat Mitzva soit imprégné de cet
attachement, le Consistoire de Paris en
collaboration avec l'Agence juive
organise un voyage en Israël qui aura
lieu cette année du 12 au 19 juillet.
I.J : Ou en est-on dans la formation des
maîtres ?
D.A. : Nous avons beaucoup insisté
cette année pour que nos méthodes
soient imprégnées de celles prodiguées
aux USA, à savoir :
- les motivations des professeurs
rejaillissent sur l'élève,
- aider les professeurs en élargissant
le champ d'action des élèves dans leur
formation extra scolaire.
A cet effet, plusieurs journées de
formation pédagogique réunissant
l'ensemble des professeurs ont eu lieu.
Le site internet du Consistoire de Paris
comprend désormais sa rubrique Talmud
Torah dans laquelle l'élève peut surfer et
entrer sur le programme de l'année pour
s'entrainer afin que le nouvel examen de
fin d'année mis en place récemment par
la Commission des Services Educatifs
sous la direction de M. Méir Moaty, soit
une pleine réussite.
Cet examen de fin d'année, en deux
sessions, a été organisé le 14 juin et il
concerne 2000 enfants. Il s'est déroulé
dans d'excellentes conditions et s'est très
bien passé.
I.J : Quels sont les projets pour la rentrée
prochaine ?
D.A. : Ils consistent essentiellement en
l'édition exceptionnelle de 5 nouveaux
manuels en partenariat avec la FMS et
le Fonds Pinkus.
Je veux remercier tout particulièrement notre président Joël Mergui
ainsi que le grand rabbin de Paris qui
ont toujours soutenu notre jeunesse et
appuyer tous nos efforts mis en œuvre
pour adapter le meilleur outil de travail
à nos élèves des Talmudé Torah.
I.J : Quelles sont les priorités ces dernières
années ?
D.A. : Elles sont multiples mais au
préalable, interrogeons nous sur le
devenir de l'enseignement prodigué par
les professeurs de Talmud Torah au-delà
de la Bar mitzva ?
Pour cela nous avons diversifié nos
activités pour pouvoir imprégner
l'enfant de tout ce qu'il aura entendu,
vu et remarqué.
C'est la raison pour laquelle nous
avons augmenté les activités extra
scolaires :
- plusieurs chabbatot pleins dans
l'année ont été organisés pour faire vivre
à nos élèves la pratique de leurs
connaissances.
- pour Pessah : explications, visites
Voyage du Talmud Torah en Israël en 2008. L'édition 2009 aura lieu du 12 au 19 juillet
INFORMATION JUIVE Juin 2009 25
ÉDUCATION
Les ambitieux projets
de l'école Gaston Tenoudji
S
itué depuis quelques années
dans l'ancienne école
israélienne dans le XVIIe
arrondissement de Paris,
l'établissement scolaire juif
Gaston Tenoudji (2 rue
Emile Borel. Tél. : 01 60 08 75 10) est en
pleine mutation.
L'école qui va du jardin d'enfants à la
classe de 3e compte bien, pour la rentrée
prochaine, faire le plein d'élèves. Objectif
pour l'équipe dirigeante, soutenue par le
Fonds social juif unifié (FSJU) : devenir
l'école de l'excellence.
" Aujourd'hui, nous avons 150 élèves,
notre capacité est de 300 " explique
Charly Kalfa, directeur du Collège. Le 26
mars dernier, accompagnée du directeur
et de toute l'équipe pédagogique,
Murielle Schor, nouvelle présidente du
Conseil d'administration de l'école, a
organisé une réunion d'information en
présence de David Messas, Grand rabbin
de Paris, et de Brigitte Kuster, maire du
17e arrondissement.
Administratrice du Consistoire de Paris
et personnalité incontournable de la vie
locale du XVIIe, Murielle Schor a décidé
de mettre toute son énergie au service de
l'école. De leur côté, Charly Kalfa,
directeur du collège, ainsi qu'Orly Elalouf,
directrice du primaire, vantent l'originalité
de l'école fondée sur " la promotion de
principes pédagogiques novateurs,
l'organisation d'événements et activités
parascolaires, sans oublier l'organisation
de classes vertes et de séjours
touristiques". Cours de rattrapage,
minis-stages de révision pendant les
vacances : toute l'équipe enseignante de
l'école travaille au quotidien pour le bienêtre et l'éducation des enfants. De plus,
l'école bénéficie de locaux très spacieux.
"Nous avons un gymnase et un
laboratoire de langue à l'intérieur de notre
enceinte. Ce qui est assez unique "
précise Charly Kalfa, qui projette
l'ouverture d'une classe de seconde d'ici
deux ans. Autre projet qui devrait voir les
jours dans les deux années à venir :
l'ouverture d'une crèche.
Virginie Guedj-Bellaïche
26 INFORMATION JUIVE Juin 2009
L'équipe de l'école
Muriel Schor* :
une école de l'excellence
OOO I.J : Comment comptez-vous attirer
de nouveaux élèves ?
Murielle Schor : Notre priorité
aujourd'hui est de faire connaître
l'établissement. C'est pour cette raison
que nous avons multiplié les réunions
d'informations. Il est important que les
membres de la communauté juive de
l'arrondissement sachent qu'il y a près
de chez eux, une école juive de qualité.
Le défi que nous devons relever est
complexe. Dans le 17e arrondissement,
il existe beaucoup de bons et de très
bons collèges et lycées. Les parents n'ont
pas toujours le réflexe de l'école juive
mais c'est important que nous les
informions. Par ailleurs, Charly Kalfa,
directeur de l'établissement, va faire le
tour des Talmudé Thora de Paris pour
faire connaître l'école, son équipe
pédagogique et ses atouts qui sont
nombreux. Mon objectif est simple :
faire de Gaston Ténoudji une école de
l'excellence.
I.J : Quels sont ses atouts justement ?
M.S. : Gaston Ténoudji est animé par
une équipe de cadres de grande qualité
laquelle met un point d'honneur à
concilier rigueur de l'enseignement et
méthode péda-gogique moderne. Classe
verte, activités périscolaires et
animations
culturelles
viennent
compléter un enseignement de qualité.
De plus, l'établissement est situé dans
un quartier en pleine restructuration.
Certains parents ont une image négative
du quartier de la porte Pouchet. En tant
que conseillère municipale et adjointe
au maire, je suis bien placée pour vous
dire que la réhabilitation totale de ce
quartier est imminente. Sa situation
géographique, son personnel et notre
énergie à la faire connaître feront de
cette école l'une des meilleures de Paris.
I.J : Que vous apporte cette nouvelle
fonction de présidente de Gaston Ténoudji ?
M.S. : Je ne me pose pas la question
en ces termes. Je me demande juste ce
que moi je peux apporter à cette école
mal connue et en sous-effectif. Cela
constitue pour moi un challenge. En
quittant la ville de Saint-Ouen pour le
17e, l'école Gaston Ténoudji a gagné
en potentiel. Je suis là pour faire
connaître ce potentiel grâce à mes
connexions à la mairie de l'arrondissement et mon ancrage local.
V. G-B
*Présidente de l'école
JUDAÏSME
Assez d'actes,
plutôt des paroles !
L
e 17 Tamouz constitue la
date anniversaire d'un
événement biblique capital
pour la compréhension du
judaïsme. Le veau d'or a été
adoré ce jour-là par les
Hébreux fraîchement sortis d'Egypte et
les Tables de la Loi ont été brisées par
Moïse sur-le-champ.
L'adoration du veau d'or par les Hébreux
quarante jours à peine après le Don de la
Tora est surprenante. Le motif avancé par
le peuple à Aaron afin qu'il exécute la
statue de cette idole fut le retard inexpliqué
du retour de Moïse du mont Sinaï. En
effet, au terme d'un séjour de quarante
jours et de quarante nuits passés sur le
mont Sinaï pour apprendre la Tora, Moïse
accuse un retard de six heures, selon leur
compte. La panique s'empare alors du
peuple : " Celui-là, l'homme Moïse, qui
nous a fait monter d'Egypte, nous
ne savons pas ce qu'il est devenu"
(Exode 32, 1).
Comment comprendre cette impatience ? Et comment comprendre qu'une statue
représentant une divinité puisse succéder
à Moïse, un homme qui n'occupait qu'une
fonction de porte-parole auprès de Dieu ?
Nous pourrions expliquer cette hâte en
invoquant l'ambiance idolâtre dans
laquelle les Hébreux ont vécu en Egypte
durant des siècles et leur difficulté à s'en
affranchir. Soit. Mais Dieu semble
incriminer Moïse dans ce forfait en le
sermonnant : " Va, descends car ton
peuple, celui que tu as fait monter
d'Egypte, s'est corrompu " (Exode 32, 7).
Pour le Talmud, le renvoi et la descente de
Moïse vers son peuple signifie que son sort
est lié à celui du peuple ; si ce dernier est
défaillant, Moïse perd sa légitimité de chef
d'Israël (Bérakhot 32a). Il serait donc, en
quelque sorte, co-responsable de la faute
commise par Israël.
A quel titre ? - Parce qu'il les " a fait
monter d'Egypte " - et non pas sortir
d'Egypte. Dieu souhaitait qu'ils en sortent
définitivement (première Parole du
Décalogue), tandis que Moïse les avait fait
seulement monter de ce pays. Le projet
divin visait la rupture avec l'idée que le
salut des hommes pourrait venir du
pouvoir magique détenu par Pharaon et
ses sorciers ; Moïse avait réussi à leur faire
quitter physiquement l'Egypte sans
ébranler leur mentalité d'asservis et de
conquis à ses forces occultes. D'ailleurs,
l'image que les Hébreux ont pu retenir de
Moïse après l'avoir observé à maintes
reprises opérer des miracles à l'aide de son
bâton, n'était guère différente de celle qu'ils
ont eue des magiciens de Pharaon. Aussi,
sa disparition pouvait être comblée par une
représentation thaumaturgique empruntée
à l'Egypte. Ils optèrent pour la statue du
veau d'or en clamant sans scrupules : " Ce
sont là tes dieux, Israël, qui t'ont fait monter
d'Egypte " (Exode 32, 8). L'Egypte était,
certes, perçue comme le pays de
l'esclavage et, à ce titre, il fallait la quitter,
mais le monde culturel et religieux qu'elle
offrait n'était pas à rejeter, à leurs yeux.
Moïse était un messager de Dieu. Mais,
en raison du caractère abstrait de l'Être au
nom duquel il réalisait les miracles et de
la nature de sa fonction, politique plus que
PAR ELIE BOTBOL
quitté l'Egypte. Mais leur rêve se brise avec
l'apparition de Moïse. Et il s'achève en
même temps que la brisure des Tables de
la Loi que Moïse décide sous le choc de la
scène du veau d'or. Moïse réalise alors à
quel point l'enseignement de la Loi était
urgent et vital pour contrecarrer le piège
de l'idolâtrie. Tout peut être idolâtré, y
compris les Tables de la Loi ! D'où leur
brisure sur le champ. Et lui-même, il prend
conscience de la méprise dont il a été
l'objet : il avait été réduit à un thaumaturge.
Désormais, il tiendra le rôle d'éducateur,
d'enseignant,
de
pédagogue
et
d'accompagnateur du peuple d'Israël dans
ses épreuves.
Assez d'actes, plutôt des paroles ! Le
peuple a besoin non pas de miracles,
mais de paroles porteuses de sens ! Les
miracles - comme les spectacles - ne font
pas grandir ; ils sont même dangereux,
car ils font croire que tout est possible
par la magie. En revanche, en pensant,
en parlant et en agissant sur le monde,
l'homme a des chances de surmonter les
obstacles intellectuels et psychologiques
Si le rituel a conservé le peuple d'Israël tout au
long de l'histoire, l'étude de la Torah reste,
en effet, indispensable pour lui éviter
de devenir un ritualisme sans âme, une idolâtrie
qui ne dit pas son nom.
religieuse, Moise était réduit et identifié,
aux yeux des Hébreux, à un thaumaturge.
Sa vocation spirituelle et pédagogique
allait précisément commencer à sa
descente du mont Sinaï après les 40 jours
d'apprentissage de la Tora passés auprès
de Dieu. A partir de ce moment, ni Moïse
ni son mentor ne pourront plus être
identifiés à une divinité égyptienne car
tout dans l'enseignement qu'il allait
prodiguer allait être à l'opposé de cette
conception.
Mais
coup
de
théâtre : Moïse n'arrive pas ! L'impatience
manifestée par les Hébreux pour fabriquer
le veau d'or est à interpréter, sans doute,
comme l'occasion rêvée de mettre en
œuvre leur dessein idolâtre tout en ayant
de son existence, ceux qui l'empêchent
de devenir adulte. Désormais, ce sera la
tâche essentielle à laquelle Moïse
s'attachera tout le restant de sa vie. La
tradition retiendra le nom de Moché
rabbénou, " Moïse notre maître ", pour le
désigner, car il aura accepté comme
vocation essentielle de transmettre et de
donner du sens par la Tora aux actes et
aux comportements des hommes.
Si le rituel a conservé le peuple d'Israël
tout au long de l'histoire, l'étude de la
Tora reste, en effet, indispensable pour
lui éviter de devenir un ritualisme sans
âme, une idolâtrie qui ne dit pas son
nom.
INFORMATION JUIVE Juin 2009 27
HISTOIRE
UN ENTRETIEN AVEC JEAN-JACQUES MARIE
Anatomie de
l'antisémitisme russe
Agrégé de lettres et historien, Jean-Jacques Marie a consacré de nombreux
ouvrages de référence à l'histoire de la Russie du XXème siècle. Il publie aux
Jean-Jacques Marie
éditions Tallandier une somme dans laquelle il analyse les thèmes et les
évolutions de l'antisémitisme russe de Catherine II à Poutine.
Jean-Jacques Marie a accepté de répondre aux questions de la rédaction d'Information juive.
OOO I.J : Dans l'analyse que vous faites de
l'antisémitisme en Russie, vous faites d'entrée
une observation selon laquelle si le nazisme
doit à l'Eglise catholique espagnole l'invention raciste de la “pureté du sang”, la Russie
tsariste lui a offert le mythe du complot judéomaçonnique. Pourquoi l'antisémitisme a-t-il
été, de tout temps, si violent en Russie ?
Jean-Jacques Marie : Il y a en Russie
conjonction entre un antisémi-tisme
religieux, un antisémitisme social et un
antisémitisme d'Etat. Ainsi, avant même
que le triple partage de la Pologne à la fin
du 18ème siècle ne fasse affluer quelques
900.000 juifs dans l'Empire russe, les
deux premiers se conjuguent. Les
impératrices Anne et Elizabeth ne veulent
pas de membres du " peuple déicide " sur
leur territoire, et les commerçants russes
par crainte de leur concurrence ne
veulent pas que les commerçants juifs
soient autorisés à y pénétrer Lorsque le
comte Vorontsov en 1790 satisfait leur
requête, il distingue les juifs "européens
"civilisés et honnêtes des juifs orientaux
qu'il compare aux tsiganes et qualifie de
filous ,auxquels il faut donc interdire
l'entrée en Russie . En conséquence, ces
nouveaux sujets seront parqués dans une
" zone de résidence " dont ils ne pourront
guère sortir …que pour quitter la Russie.
L'antisémitisme social a un aspect
paradoxal car la majorité des juifs de la
zone de résidence sont des Luftmenschen
qui vivent ( mal) de l'air du temps, de la
charité ,de petits travaux occasionnels et
ne cessent de s'appauvrir . En Ukraine, il
prend appui sur une réalité sociale, qui
suscite l'accusation alors portée contre les
juifs et que l'écrivain conservateur Leskov
démentira : comme les propriétaires
polonais et russes confient en général la
gestion de leurs propriétés à des
intendants juifs et celle des auberges à
30 INFORMATION JUIVE Juin 2009
des cabaretiers juifs moins enclins à la
boisson que les paysans russes et
ukrainiens, ces cabaretiers sont accusés
d'enivrer les paysans pour s'enrichir, alors
que seuls s'enrichissent les propriétaires
producteurs de vodka.
pogromes visent surtout à saccager et
piller leurs maisons et leurs biens. A partir
du pogrome de Kichinev en avril 1903, le
saccage se prolonge en massacre.
I.J : C'est également en Russie qu'a été
inventé le pogrome et qu'est né un faux
historique devenu célèbre, les Protocoles des
sages de Sion ?
J-J.M. : Oui. Le premier pogrome a été
organisé à Odessa en 1821. Ses motifs
sont purement commerciaux, mais son
habillage religieux : les commerçants
grecs( surtout) et italiens qui contrôlent
le commerce dans le grand port du sud
voient d'un mauvais œil la concurrence
croissante des commerçants juifs de la
région .Ils accusent ces derniers d'avoir
applaudi à la pendaison du patriarche de
Constantinople Grégoire V par les Turcs
(ce qui est faux) pour lancer des Russes
et des Ukrainiens orthodoxes à l'assaut
des commerçants juifs. Les premiers
I.J : La différence que vous établissez entre
l'antisémitisme des tsars et celui de
Khrouchtchev et de Brejnev c'est que le
premier s'affiche " sans vergogne " et que le
second avance " camouflé ".
J-J.M. : L'antisémitisme des tsars est
déclaré, public, officiel car il est cohérent
avec les fondements sociaux et religieux
du régime et avec la discrimination de
toutes les populations dites " allogènes ",
parmi lesquelles les juifs sont les plus
opprimés; l'antisémitisme de Staline et
de ses successeurs est " camouflé", car il
contredit les fondements sociaux d'un
régime qui, à sa naissance et dans les
premières années de son existence
pourtant dramatique, a offert aux diverses
nationalités existant en URSS de larges
possibilités d'expression de leur culture
et de leur langue ( du yiddish en ce qui
Staline
Poutine
HISTOIRE
concerne les juifs, à l'exception de
l'hébreu considéré comme la langue du
mouvement sioniste). C'est ce que
Goebbels souligne à sa manière en
affirmant : "Le bolchevik a progressivement paralysé l'instinct antisémite au
sein des peuples de l'Union soviétique ".
Ainsi Staline camoufle sa campagne
antisémite sous le vocable de chasse au
" cosmopolitisme ".
I.J : Qu'est-ce qui, en 1880 va pousser les
juifs à s'engager dans des mouvements
révolutionnaires ?
J-J.M. : On a là la conjonction de deux
phénomènes : d'abord le développement
rapide de l'industria-lisation et du
capitalisme en Russie, en particulier dans
la "zone de résidence" où ils sont
confinés, transforme des dizaines de
milliers de juifs en prolétaires ou semiprolétaires qui travaillent dans les
conditions effroyables de la classe
ouvrière naissante de l'Empire (journées
de travail de 14 à 18 heures pour des
salaires de misère); cette transformation
disloque la vieille communauté juive
dirigée par le kahal ; ensuite la première(
1881-1884) puis la deuxième ( 1903-1906)
vague des pogromes poussent de
nombreuses familles juives qui veulent
fuir à émigrer ( vers les Etats-Unis pour
les trois quarts d'entre elles) et les plus
jeunes, désireux de se battre contre le
régime tsariste qui les opprime et les
accable de mesures discriminatoires, à
s'engager mas-sivement dans les partis
révolution-naires, juifs (le Bund au
premier chef) ou russes (Socialistesrévolution-naires, Sociaux-démocrates).
I.J : A quoi répondait l'initiative du pouvoir
de créer au Birobidjan une région juive
autonome ?
J-J.M. : L'idée initiale, semble-t-il, est
de donner un contenu à la nationalité
juive en URSS en fixant de nombreux
juifs à la terre , car il n'y a pas de peuple
sans terre, puis en fournissant aux juifs
soviétiques une terre dite ou décrétée
juive, susceptible d'accueillir une partie
d'entre eux.
I.J : Ce projet finira, dites-vous, en une farce
tragique. Pourquoi ?
J-J.M. : Le Birobidjan est une région
marécageuse
quasi
désertique,
dépeuplée, infestée de moustiques, sans
infrastructures, située à plus de 8.000
kilomètres à l'Est de Moscou à la frontière
de la Corée, alors occupée par le Japon.
Les colons qui y partent doivent tout
construire de leurs mains avec des
32 INFORMATION JUIVE Juin 2009
moyens rudimentaires. Aussi la moitié
d'entre eux en moyenne repartent l'année
même qui suit leur arrivée. Il s'agit
toujours de volontaires. Staline qui a
déporté des peuples entiers, des Coréens
de la région de Vladivostok en 1937 aux
Tatars de Crimée en mai 1944, n'a jamais
tenté de coloniser le Birobidjan par la
contrainte. Construire une patrie juive
dans ce coin perdu est donc une farce,
qui se mue en tragédie lorsque Staline
J-J.M. : Je dis démocratique parce
qu'on a prétendu un peu partout qu'à
partir de 1992 la Russie s'était engagée
dans la voie de la démocratie. En réalité
Soljenitsyne reprend l'héritage antisémite
du nationalisme russe et de l'orthodoxie.
Il répète tous les poncifs du "judéobolchevisme", calcule minutieu-sement
le nombre de juifs dans les diverses
instances et institutions politiques et
culturelles soviétiques, reprend le vieux
En réalité Soljenitsyne reprend l'héritage
antisémite du nationalisme russe
et de l'orthodoxie. Il répète tous les poncifs
du “judéo-bolchevisme”
par deux fois, en 1937-38 et en 1950-53,
liquide la majorité des cadres de cette
"république autonome" où l'enseignement du yiddish devient une marque
de …nationalisme juif !
I.J : Comment a été décidée la liquidation
dans le pays de toute l'intelligentsia juive ?
J-J.M. : Parler de liquidation de toute
l'intelligentsia juive entre 1947 et 1953
est exagéré. Staline veut décimer,
marginaliser et terroriser cette
intelligentsia, non l'exterminer. En même
temps toute une sous-intelligentsia russe
et ukrainienne, formée dans un esprit
stalinien d'étroitesse nationaliste, se lance
à l'assaut des postes occupés par des juifs,
très nombreux à l'Université et dans tous
les organismes scientifiques et artistiques.
L'offensive "patriotique" anti-cosmopolite
leur ouvre la possibilité de les en déloger
pour prendre leur place. Nombreux sont
ceux qui s'y essaient…
I.J : Comment expliquez-vous ce que vous
appelez "l'antisémitisme démo-cratique" de
Soljenitsyne ?
Catherine II
thème du juif corps étranger dans le pays
où il s'installe…etc.
I.J : A vous lire, on a l'impression que
l'antisémitisme en Russie - celle d'hier et celle
d'aujourd'hui - est indéracinable et qu'il fait
partie de l'histoire russe.
J-J.M. : Ce n'est pas tout à fait vrai.
Certes, selon le mot de Marx " les
traditions des générations mortes écrasent
le cerveau des jeunes générations ",mais
il n'y a plus aujourd'hui en Russie
d'antisémitisme d'Etat affiché et il est
moins dangereux pour un promeneur à
Moscou, Saint-Pétersbourg ou Irkoutsk
d'être juif que noir, indien ou tadjik !
L'antisémitisme y est néanmoins encore
vivace, surtout parmi les débris de
l'ancien Parti communiste de l'URSS (Le
Parti communiste ouvrier et paysan , toute
une frange du Parti communiste de la
Fédération de Russie de Ziouganov et des
deux partis poutiniens , Russie unie et
Russie juste) dans les organisations dites
patriotiques, dans de nombreux
groupuscules fascistes ou fascisants que
le pouvoir laisse pulluler et dans une
partie du clergé orthodoxe, qui tous
reprennent les délires du complot juif
mondial.
L'Eglise orthodoxe a béatifié en 2000 le
tsar Nicolas II, le fusilleur du Dimanche
rouge, l'homme qui dénonçait la "clique
juive" et a systématiquement gracié les
pogromistes condamnés par la justice
pour leurs exactions. Feu le patriarche
Alexis II a décoré le président de l'Union
des fraternités orthodoxes, Léonide
Simonovitch-Nikchitch,
antisémite
déclaré et admirateur tapageur de Hitler.
Mais si l'Eglise orthodoxe a récupéré ses
biens, sa fortune et une grande place dans
l'Etat, son poids social réel est assez
mince…
HISTOIRE
UN ENTRETIEN AVEC ANDRÉ KASPI
“Le dossier
des Rosenberg”
En juillet 1950, l'affaire Rosenberg éclate aux Etats-Unis. Julius et son épouse
Ethel Rosenberg sont accusés par le FBI d'avoir livré à l'URSS les secrets de la
André Kaspi
bombe atomique. Ils sont arrêtés. C'est le début de l'une des plus célèbres
affaires du XXème siècle.
Les Rosenberg ne cessent de clamer leur innocence et l'opnion internationale se passionne
pour leur sort.
André Kaspi, professeur émérite d'histoire de l'Amérique du Nord à la Sorbonne, a minutieusement
dépouillé et reconstitué plus d'un demi-siècle après ce dossier. Pour lui, les Rosenberg ne sont que
" des espions ordinaires ". D'oùle titre qu'il a donné au livre qu'il consacre à cette affaire
(Editions Larousse 16 euros)
OOO I.J : Vous racontez dans votre livre
l'ambiance qui prévaut en Amérique à la
veille de l'affaire Rosenberg. C'est l'époque où la vie est relativement dure pour
les nouveaux immigrants juifs. Julius
Rosenberg lui-même a failli devenir rabbin avant d'opter pour une carrière scientifique.
Vous vous demandez pourquoi de jeunes juifs, nés aux Etats-Unis, intégrés
dans la société américaine, exerçant des
métiers de responsabilité, deviennent
communistes. Quelle est votre réponse ?
André Kaspi : Il n'y a pas une seule
réponse. Les Juifs ont apporté avec
eux en Amérique l'idéalisme de leurs
ancêtres. Ils attendent le Messie. Pour
les uns - à cette époque, ils sont très
peu nombreux- l'attente est conforme
à l'esprit religieux qui les anime. Pour
les autres, ceux qui ont renoncé à
croire et, tout en restant fidèles aux
traditions, ne prient plus, le Messie
prend figure des " lendemains qui
chantent ". Il faut, à leurs yeux, hâter
la venue de la société nouvelle, qui
abolira les privilèges, le pouvoir de
l'argent, les discriminations et
particulièrement l'antisémitisme. Il
faut " changer le monde ". En outre,
dans les années trente, le New Deal
a été propice à ces aspirations au
bouleversement. Un courant révolutionnaire a parcouru les Etats-Unis.
Il a touché Juifs et non Juifs. A vrai
dire, les Juifs américains ont été
attirés, plus encore que par le
communisme, par le mouvement
socialiste et les actions syndicales. Ils
sont, comme on dit là bas,
progressistes, des "libéraux".
Rosenberg
appartiennent
extrêmes.
Ils
ne
sont
partiellement représentatifs
milieux juifs.
des
Les
aux
que
des
I.J : Vous rappelez qu'à cette occasion
le journal Jewish Daily Forward écrit que
le procureur juif a demandé une
condamnation sévère, le juge juif a
prononcé la peine capitale contre des
accusés juifs pour éviter que les juifs
passent pour des traîtres ou pour des
patriotes exagérément tièdes. Y avait -til du vrai dans cette opinion surtout quand
on sait qu'aucun des jurés n'est juif alors
que les juifs constituent 30 % de la
population de New York ?
A.K. : Incontestablement, New York
est une ville juive. Mais pas
seulement, c'est aussi une ville
italienne, allemande, noire, etc. Les
Juifs s'y sentent à l'aise. Qu'ils vivent
dans des quartiers où ils sont
majoritaires, qu'ils prennent pied peu
à peu dans des banlieues aux origines
diverses, peu importe. Il n'est pas
étonnant que le juge, le procureur,
leurs assistants soient juifs. Pourquoi
le jury ne compte-t-il aucun Juif ?
C'est, en effet, étonnant. Sur le
moment même, les défenseurs des
Rosenberg n'ont émis aucune
protestation, aucune remarque. Dans
la procédure qui aboutit au choix des
jurés, chacune des parties dispose du
droit de rejeter la présence d'un
candidat juré. La procédure a été
appliquée sans susciter le moindre
remous. Une explication peut-être. Le
procès peut aboutir à une condamnation à mort. Les futurs jurés
peuvent être interrogés sur leur
opinion concernant la peine de mort.
Des Juifs abolitionnistes auraient-ils
été écartés, comme il arrive souvent
? Les Juifs, en général, pensaient-ils
qu'il valait mieux laisser des jurés non
juifs décider du sort des accusés ?
I.J : Des journalistes ont à l'époque
comparé l'affaire Rosenberg à l'affaire
Dreyfus pour donner à penser qu'elle
relève également de l'antisémitisme.
Y avait-il alors un Zola américain ?
A.K. : Non, il n'y eut pas de Zola
américain. C'est que les intellectuels
ne tiennent pas la même place aux
Etats-Unis et en France. Là bas, ils ne
sont pas chargés de dire la loi morale.
Ce sont les journalistes qui ont pour
mission de rechercher la vérité, de la
révéler à l'opinion publique, de
combattre pour qu'elle triomphe. En
ce sens, le National Guardian, qui
n'est pas un périodique communiste,
assume le rôle des muckrakers, ces
déterreurs de scandales qui, au début
du XXème siècle, dénonçaient les
turpitudes de la société américaine.
D'ailleurs, la dénonciation d'un
éventuel antisémitisme n'est pas le
thème central de la défense qui ne
recourt pas à cet argument. Il s'agit,
avant tout, de démontrer que les
Rosenberg ne sont pas des espions.
Leur qualité de Juifs sera surtout
INFORMATION JUIVE Juin 2009 33
HISTOIRE
soulignée par la propagande
communiste qui accusera les
Etats-Unis d'hostilité aux Juifs,
alors que, dans le même temps,
l'antisémitisme sévit en Union
soviétique et dans les Etats
satellites, qu'on appelait "les
démocraties populaires ".
I.J : L'opinion française va ellemême, en gros ( Jean-Paul Sartre
et Français Mauriac en tête),
prendre fait et cause pour les
Rosenberg. Pourquoi ? Est-ce par
anti-américanisme ?
A.K. : L'attitude des Français
est très curieuse. Ils ont pris la
tête du mouvement pour "
sauver les Rosenberg ". Ils ont
été beaucoup plus actifs que les
autres Européens, voire que
bon nombre d'Américains.
Leurs motivations sont diverses.
Pour les communistes, c'est une
excellente occasion de s'en
prendre
aux
Etats-Unis
capitalistes, maccarthystes,
défenseurs du monde soi-disant
libre, adversaires farouches et
principaux de la patrie du
socialisme. L'anti-américanisme
est évident. Il est la force
principale qui pousse les
communistes à protester, à
défiler, à crier leur haine de
l'Amérique. Mais des person-nalités,
comme François Mauriac, n'agissent
pas pour les mêmes raisons. En
condamnant les Rosenberg, en les
exécutant sur la chaise électrique, les
Etats-Unis vont à l'encontre de leurs
valeurs, ce qui revient à dire que les
valeurs américaines méritent d'être
défendues, voire exaltées. Ce qui fait
horreur, c'est l'éventualité d'un
châtiment qui passe par la chaise
électrique - un moyen d'exécution
que les Français condamnent avec
indignation, alors que les Américains
expriment la même horreur pour la
guillotine. C'est aussi et surtout une
sorte de certitude, ancrée dans les
esprits, que les Rosenberg ne peuvent
pas avoir commis le crime dont ils
sont accusés. Ils sont innocents. Non
pas parce qu'ils sont communistes,
mais bien qu'ils soient communistes.
Dans cette perspective, l'Amérique
ferait tragiquement fausse route.
Comme l'écrit Jean-Paul Sartre, elle "
a la rage ".
I.J : Aujourd'hui 55 ans après, on sait
de l'affaire tout ce qu'il y a à en savoir.
34 INFORMATION JUIVE Juin 2009
Julius et Ethel Rosenberg
Vous dites que plus personne ne peut
mettre en doute les activités d'espionnage
de Julius, la complicité de sa femme Ethel
et l'existence d'un réseau que dirigeait
Rosenberg. Qu'est-ce que les archives
soviétiques apprennent aux historiens à
ce propos ?
A.K. : L'affaire continue de
passionner pour plusieurs raisons.
D'anciens militants communistes se
rappellent qu'ils ont manifesté pour
les Rosenberg, contre la justice
américaine.
Ils
s'interrogent
aujourd'hui sur leur indignation
passée. Ont-ils eu raison ? Ont-ils été
manipulés ? Auraient-ils dû manifester
plus d'esprit critique ou se sont-ils
laissés emporter par l'atmosphère de
la guerre froide ? Et puis, beaucoup
de nos contemporains ont vaguement
entendu parler de l'affaire, sans bien
comprendre ce qu'elle dissimule, sans
pouvoir conclure qui a raison et qui a
tort. Des articles ne cessent pas de
paraître, qui font allusion à des
acteurs de ce drame. Il y a, encore
aujourd'hui, des acteurs de ce drame
qui témoignent ou qui suscitent des
articles nécrologiques. Des ouvrages
ont été sans cesse publiés. Des
associations continuent de militer pour
la réhabilitation des Rosenberg. Et, à
l'arrière-plan de cette agitation
confuse,
les
révélations
qui
proviennent
des
services
de
renseignement. Aujourd'hui, on en sait
bien plus qu'hier. On découvre des
techniques qui relèvent des films et
des romans de science - fiction.
L'espionnage soviétique aux EtatsUnis a bien existé. Des communistes
américains ont bien été des espions.
Le FBI n'a pas révélé à l'époque tout
ce qu'il savait.
Derrière tout cela, un homme et une
femme, de chair et d'os, qui tentent
de démontrer leur innocence, alors
qu'on sait maintenant qu'ils étaient
coupables. Ils ont été exécutés, alors
que d'autres espions, qui ont commis
des crimes encore plus graves, ont été
épargnés. Le mystère, l'indignation,
le militantisme d'un autre âge, voilà
qui constitue l'essentiel de cette
histoire qui date de plus d'un demisiècle et pourtant nous touche par sa
dimension humaine, sa complexité
politique et ses rapports avec
l'éthique.
BONNES FEUILLES
“Imams et rabbins,
pour déjouer l'impuissance”
PAR KHALED BENTOUNES
Cheikh Khaled Bentounes est considéré aujourd'hui comme l'un des plus éminents représentants du mouvement
du soufisme dans l'islam.
Dans le livre qu'il publie avec l'écrivain et spécialiste des religions Bruno Solt , " La fraternité en héritage " il
exprime à nouveau avec force le choix qu'il a fait de favoriser le dialogue inter-religieux, l'écologie ou l'éducation
notamment avec les scouts musulmans de France.
Avec l'autorisation de nos amis des éditions Albin Michel, nous publions ci-dessous en bonnes feuilles, trois
brefs extraits de cet ouvrage.
P
ossédant un passeport
algérien, il m'est difficile de
me rendre en Israël malgré
les nombreuses invitations
que j'ai reçues, les deux
pays n'ayant pas de
relations diplomatiques…Chaque fois
qu'imams et rabbins se rencontrent, je
souhaite pouvoir apporter une lueur
d'espoir dans le conflit israélo-palestinien
qui dure depuis soixante ans. Soixante
années de souffrances dont je crains
qu'elle finissent par effacer la mémoire
des liens très étroits que le judaïsme a
entretenus avec l'islam depuis des siècles.
Beaucoup de grands rabbins, de grands
philosophes qui ont nourri la culture du
judaïsme, sont issus du monde arabomusulman. Dans les villes, les quartiers
juifs ont toujours été construits proches
du Palais royal pour être honorablement
défendus en tant quem minorité jouant
un rôle considérable. L'Empire ottoman
a eu nombre de diplomates juifs et autres
ambassadeurs. La Grèce et la Turquie ne
sont-elles pas entrées en guerre en raison
du refus de la première d'accepter un
ambassadeur juif envoyé par la seconde
? Lesquels de nos jours le savent encore
aujourd'hui ? Multiplier les rencontres
entre imams et rabbins pour favoriser le
dialogue
suffira-t-il
à
déjouer
l'impuissance ? Peut-on leur demander
de résoudre un conflit, dont l'histoire se
révèle de plus en plus politique et
financière, quand les plus grands pays
du monde n'ont toujours pas réussi
ensemble à trouver une solution ?
Je crois cependant qu'il nous faut
poursuivre toutes les formes de dialogue
possibles entre Israéliens et Palestiniens
pour maintenir cette lueur d'espoir
indispensable au processus de paix.(…)
Nous sommes au seuil d'un avenir
semblable à une bête féroce qui se jettera
sur tout ce qu'elle trouvera, un avenir
truffé de situations imprévisibles. Cette
bête frappera tantôt à travers la religion,
tantôt à travers la science, tant$ot à
travers le monde économique ou
politique. Toutes les armes seront
utilisées. Celui qui ne s'est pas préparé à
cet avenir, celui-là sera perdu, oublié,
dépassé par les événements. Il deviendra
esclave des autres. En vérité, nous allons
vers un monde très dangereux. Des
groupes vont surgir, tels qu'ils surgissent
déjà aujourd'hui, qui n'ont plus peur de
la mort. Les foyers de tension vont se
déplacer partout, sans qu'il soit possible
de les prévoir ou même de les
comprendre car ils ne revendiquent plus
rien.
L'ego de l'homme est arrivé à un seuil
où plus rien n'existe mis à part lui-même.
Khaled Bentounes
L'homme s'est divinisé. Nous sommes
entrés dans une ère de décadence où
toutes les valeurs humanistes ont été
vidées de leur substance pour être
remplacées par la valeur marchande
unique. La crise véritable n'a pas encore
commencé, elle est à venir. Un
tremblement est en route. Ce qui
paraissait inébranlable sera ébranlé. Ces
valeurs qu'on croyait éternelles
s'effondreront comme de vulgaires
châteaux de cartes. (…)
Je suis inscrit dans une réalité, l'autre
aussi. Nos réalités sont parfois
complémentaires, parfois divergentes
selon les intérêts de chacun. Mais quand
bien même l'autre serait le contraire de
moi-même, il participe de mon existence.
Chaque être est comme une lettre de
l'alphabet : elles ne font sens que reliées
entre elles pourv conjuguer le verbe, soit
la connaissance et l'amour. C'est lorsque
j'accepte de me relier à l'autre que je
deviens une réalité pensante. Alors il est
clair que les contraires sont nécessaires
en ce qu'ils sont complémentaires. Un tel
principe appliqué au monde permet à la
société de se construire. Ma différence
en complétant celle de l'autre, devient
une possibilité d'action. Ma spécificité ne
nie pas celle d'autrui, mais l'augmente,
chacun s'enrichissant de la différence de
l'autre, et nourrissant ainsi cette tradition
de fraternité humaine si précieuse au
soufisme et garante du dialogue. C'est
notre devoir d'êtres humains de perpétuer
cette culture, cette mémoire, et cette
spiritualité qui nous a été transmise, et
dont nous sommes les garants et les
transmetteurs".
K.B
(Copyright Editions
Albin Michel)
INFORMATION JUIVE Juin 2009 35
REPÈRES
“Sur les murs des artères
de Casablanca”
Dans le livre sans concession qu'il consacre à la
monarchie marocaine ( Mohammed VI. Le grand
malentendu. Editions Calmann-Lévy 17 euros ), le
journaliste Ali Amar relate comment il fut, en sa qualité
de co-fondateur du Journal ( l'une des plus importantes
publications du Maroc indépendant ) le premier à publier,
le 5 décembre 1998, une interview d'un Premier ministre
israélien dans les colonnes d'une publication du monde
arabe : " Le visage de Benyamin Netanyahou avait tapissé
les murs des artères de Casablanca et des grandes gares
du pays…Hassan II en avait pris ombrage, lui qui avait
refusé de recevoir au Maroc Netanyahou, malgré
l'existence d'un bureau de liaison israélien qui faisait
office d'ambassade de l'Etat hébreu à Rabat ". Cette
interview, ajoute le journaliste " avait soulevé une vive
polémique auMaroc et dans le monde arabe, le Premier
ministre israélien étant opposé à toute reprise du
processus de paix au Proche Orient ".
Jérusalem dans les chiffres
Selon des chiffres publiés par le quotidien Yedioth
Aharonot à l'occasion de Jour de Jérusalem, cette formule
apparaît 2 fois dans la Bible :dans le psaume 137 et dans
le livre de Samuel 2.
-8 livres bibliques ont été écrits à Jérusalem dont ceux que
la tradition attribue au roi Salomon : Le cantique des
cantiques, L'ecclésiaste et les Proverbes.
--24 rois ont gouverné la ville.
-Salomon y a écrit 3.000 proverbes et 1.005 poèmes.
-On a dénombré, dans les récits bibliques, 27 noms des
portes de la ville ( la porte du poisson, la porte du
troupeau, la porte de l'eau etc…). Il va de soi que ces noms
n'ont rien à voir avec ceux que l'on connaît aujourd'hui.
-Il y a eu 9 révoltes à Jérusalem.
-Le nom de Jérusalem figure 669 fois dans les textes de la
Bible.
-La royauté s'est maintenue dans la ville durant 466 ans.
33.000 étudiants à Bar Ilan
Dans un autre chapitre du livre, l'auteur signale que "
si les religions monothéistes sont tolérées ( le pays compte
d'innombrables lieux de culte juifs et chrétiens,
notamment la grande cathédrale St Pierre de Rabat ), un
musulman n'a pas, au regard de la loi, la latitude de se
convertir à une autre religion et encore moins de déclarer
publiquement son athéisme "
Ali Amar évoque par ailleurs les origines de Richard
Attias, l'époux de Cécilia Ciganer-Albéniz : " Les Attias
qui appartiennent à la bourgeoisie juive de Fès, ont
toujours gravité autour de la famille royale du Maroc.
Le grand père de Richard a été le tailleur personnel de
Mohammed V et son oncle vendait des produits de luxe
au Palais. Richard Attias doit, quant à lui, sa mise en orbite
dans le gotha des affaires à Hassan II ".
L'Université Bar Ilan en Israël
Le professeur Moshé Kavé a été réélu pour la sixième
fois président de l'Université Bar Ilan en Israël. Voici
comment il résume la vocation de son université :
"Ber Ilan veut être une excellente université sans le
moindre préjugé dans aucun domaine. Nos fondateurs
ont souhaité créer une université différente où l'on
enseigne, parmi d'autres disciplines, la tradition,
l'histoire et la sagesse juives. Elle est aujourd'hui la
plus grande faculté en matière d'enseignement du
judaïsme. Nous y donnons plus de 2.000 cours à
33.000 étudiants. Notre université a aujourd'hui plus
d'étudiants que n'en avait eus Rabbi Akiva ( 24.000).
Mais à la différence de ceux de Rabbi Akiva qui ne
s'aimaient pas, nos étudiants, eux, se respectent.
Nous n'enseignons pas la religion et nous ne prêchons
pas. Nous sommes une université ouverte qui
respecte toutes les opinions ".
36 INFORMATION JUIVE Juin 2009
LIVRES
La Kabbale roman
Lawrence Kushner
OOO Lors d'un voyage en Israël, le rabbin et
enseignant new-yorkais Kalman Stern ramène de
la gueniza d'une petite synagogue de Safed un
Zohar à la couverture fort abîmée. Des années plus
tard, par hasard, la colle de la 4ème de couverture
lâche et libère une feuille en araméen, signée
Moïse ben Shem Tov d'Vadi al-Hajra. Après
analyse, le Zohar serait daté de 1647 mais le
filigrane de la lettre remonterait au 13ème siècle,
période où vécut Moïse de Léon auquel on doit le
texte du Zohar. Féru de mysticisme, notre héros
déchiffre avec avidité certains mots du petit texte
comme " graine du commencement ", " matrice de
l'être ", " obscurité - éclair de lumière ", ce qui l'incite
à assister à une conférence d'Isabel Benveniste, un
professeur de cosmologie.
S'ouvre alors un roman qui va naviguer entre la
Castille du 13ème siècle et le Manhattan de nos
jours avec un petit crochet par la Pologne. Parallèle
romantique oblige : le rôle de la femme dans l'épanouissement de l'homme, avec
celui de l'épouse de Don Judah vis-à-vis de Moïse de Léon et celui de Kalman
avec son professeur Isabel, le tout sur support de questionnements sur la Création,
l'unicité et la séparation, le masculin et le féminin. Une jolie fiction bourrée
d'anecdotes.
(Editions Presses du Châtelet - 18,95€)
Les Oiseaux d'Auschwitz
Arno Surminski
OOO Ce roman basé sur la réalité des camps
d'extermination dépeint l'étonnante relation dans les
années 1941-42 de deux hommes que rien ne
prédestinait à une telle rencontre. Le premier, Hans
Grote, ornithologue dans le civil, est affecté garde à
l'entrée du camp d'Auschwitz. Le second, Marek
Rogalski, étudiant d'art à Cracovie, avait participé
par hasard à une manifestation d'intellectuels polonais
fin 1939. Délit suffisant pour l'expédier dans un camp.
Grote obtient le droit d'étudier les oiseaux, migrateurs
et sédentaires, qui les survolent et choisit Marek pour
lui dessiner les volatiles et en empailler certains. Une
relation étrangement forte va s'établir entre deux
hommes que pourtant tout sépare : Grote le nazi,
heureux père de famille, homme intègre et loyal à
son dieu, le Führer car " les ordres sont les ordres "
et Marek le chrétien polonais naïf accroché à son rêve
de libération et à sa fiancée Elisa. Il mettra du temps
à comprendre pourquoi les trains déversent tant de marchandise humaine, pourquoi
on va devoir construire 350 baraques et des crématoires à Birkenau pour les recevoir,
pourquoi les tests que lui explique Grote sont indispensables au monde futur...
En pensée il écrit à Elisa tout en dessinant pour le futur mémoire de l'ornithologue
: des grues et des cigognes, des hérons cendrés et des hirondelles, des alouettes et
des corneilles. Sujet de l'étude : comment se comportent les oiseaux quand les
hommes basculent dans l'horreur de l'indicible? Mais oui, certains vont continuer
de squatter les fils des barbelés, la tour des miradors, plus rarement la potence " sur
place pour dissuader " explique calmement Grote par ailleurs soucieux de protéger
son jeune assistant. Mais plus tard les migrateurs éviteront cette zone alors que les
corneilles s'en donneront à coeur joie. Plus tard, vers quel avenir? Un livre
bouleversant au style dépouillé.
(Editions Jean-Claude Gawsewitch - 17€)
O.L.
La dame de Jérusalem
Franck & Vautrin
OOO Le 22 Juillet 1946, Blèmia
Borowicz dit Bora, 36 ans, le célèbre
reporter photographe aux Leicas
magiques et à la canne impérieuse, a
rendez-vous devant l'Hôtel King David
de Jérusalem, siège du commandement britannique en Palestine. Une
jeune fille en vélo, les pieds enveloppés
de grosses chaussettes, l'aborde. Agent
de liaison de l'Irgoun, c'est elle qui l'a
fait venir d'urgence de Paris pour
prendre des photos de l'attentat qui se
prépare. Embarqué dans de nouvelles
aventures et missionné par le Times de
Londres pour un reportage en Terre
Sainte, Boro le Hongrois s'apprête à
parcourir la Palestine, l'Italie et
l'Amérique entre 1946 et 48, entre la
fin de la guerre en Europe et la
proclamation de l'Etat d'Israël.
En Palestine il fait la connaissance
de Dov Biekel évadé du ghetto de
Varsovie après la fin du soulèvement
et responsable de l'immigration
clandestine de rescapés juifs,
activement recherché par les anglais.
Boro mitraille l'arrivée d'un bateau de
réfugiés arraisonné, se moque d'un
haut gradé anglais et se retrouve
enfermé à la prison de St-Jean d'Acre.
Libéré, car ses photos ont déjà fait le
tour du monde, il part pour Milan d'où
Dov organise un convoi pour la Terre
Promise auquel il va participer. Et plus
tard ce sera New-York et les tractations
diplomatiques liées à la création de
l'Etat d'Israël.
Imbriquant événements historiques
et romance d'un héros irrésistible, un
livre qui se dévore d'une traite.
(Editions Fayard - 22€)
Odette Lang
INFORMATION JUIVE Juin 2009 37
REPÈRES
OOO Le numéro 40 de la revue La Règle du jeu publie le texte
d’un entretien que Bernard-Henri Lévy a accordé à Purple
Magazine (Eté 2009 ). Dans cet entretien qui a pour titre
“Autoportrait en miettes, indirect et en creux”, le philosophe
relate ce que représentent pour lui un certain nombre
d’écrivains et de personnalités. Voici par exemple ce que BHL
dit de Benny Lévy : “Le personnage qui, de ma vie, m’a
intellectuellement le plus impres-sionné. Chef politique des
maos français. Puis secrétaire de Sartre. Puis cette montée,
tellement romanesque vers Jérusalem et le Talmud”
A propos du journaliste juif américain Daniel Pearl, Bernard
Henri Lévy dit qu’il est fier “d’avoir contribué à ce que les juifs
appellent “la célébration” de son nom…Il ne se passe pas un
jour , aujourd’hui encore, sans que je pense à lui. Sans qu’il
soit un peu avec moi et moi un peu avec lui. C’est étrange mais
c’est ainsi”.
OOO Paule Berger Marx, professeur agrégée d’histoire qui a
soutenu une thèse de doctorat sous la direction d’André Kaspi
en 2006 publie le texte de cette thèse sous le titre “Les relations
entre les juifs et les catholiques dans la France de l’aprèsguerre”.
Voici un bref extrait de la préface que notre ami André Kaspi
consacre à cet ouvrage : “Juifs et chrétiens sont conscients
qu’ils affrontent le même danger. L’incroyance progresse.
Comment y faire face ? La France est de plus en plus
déchristianisée ; la minorité juive de plus en plus déjudaïsée.
C’est un mouvement de fond qui emporte notre pays et l’Europe
ODASEJ
L’ Œ U V R E D ’A S S I S TA N C E S O C I A L E A L’ E N FA N C E J U I V E
est une association reconnue d’utilité publique par décret du 28 mai 1919
Pa r c e q u ’ u n e n f a n t h e u r e u x
devient un adulte qui a de meilleures chances
de construire son avenir et celui
de la communauté
L’ODASEJ a pour mission
d’aider les enfants et les adolescents défavorisés ou
en difficulté sur le territoire national
Leur avenir
est entre vos
Transmettez
mains
votre nom à un programme
de solidarité…
Perpétuez la mémoire de vos parents …
legs ou une donation à l’ODASEJ
… Faites un
Que vous ayez des héritiers ou non, vous pouvez faire
un legs ou une donation en faveur de l’ODASEJ
en exonération des droits de succession ou de mutation
Pour un rendez-vous confidentiel
Appelez Tony SULTAN
Tél. : 01 42 17 07 57 • Fax : 01 42 17 07 67
ODASEJ ESPACE RACHI, 39, RUE BROCA, 75005 PARIS
38 INFORMATION JUIVE Juin 2009
tout entière. Les querelles théologiques perdent de leur acuité.
Le mouvement des conversions a beaucoup faibli. Le politique
prend le pas sur le spirituel.
“Il n’emêche que personne ne soutiendra qu’au lendemain
de l’adoption de Nostra Aetate par le concile de Vatican, tout
va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Tout au plus
pourra-t-on soutenir qu’une longue période d’incompréhension
, de méfiance voire d’hostilité a pris fin. Il reste encore du
chemin à parcourir. Le texte de Paule Berger Marx éclaire ce
passage. Du coup, il nous apporte un regard neuf sur une
période, très récente, de notre histoire”.(Editions Parole et
Silence. 32 euros )
OOO Dans son nouveau
livre “Portraits pour la
galerie” (Editions Albin
Michel), Philippe Bouvard
raconte avec le talent
qu’on lui connaît les
souvenirs qu’il a gardés
d’un certain nombre de
personnages “aussi éclectiques que cocasses”.
Voici un extrait du portrait
qu’il consacre à Enrico
Macias :
“Pied-noir,
cheveu noir, œil noir, esprit clair, il est un grand séducteur. Et
un grand funambule, passant d’une culture à l’autre…Joyeux,
gaillard, grand raconteur de bonnes histoires mais saisi, avec
la fortune et le succès, par la débauche bourgeoise, il est sans
doute le seul patron que son maître d’hôtel tutoie. Et le seul
partenaire de poker qu’on peut inviter sans risque : il joue
très mal”.
OOO Le numéro 123 ( printemps 2009) de la revue Politique
Internationale que dirige notre Patrick Wajsman publie un très
intéressant entretien avec le général israélien Herzle Bodinger.
Ce général qui fut de 1992 à 1996 commandant en chef des
forces aériennes israéliennes répond ainsi à la question de
savoir quels sont les pays qui représentent aujourd’hui le plus
grand danger pour Israël : “Selon moi, les Syriens restent le
plus grand danger. Nous savons qu’ils possèdent plusieurs
milliers de missiles qu’ils ont fabriqués eux-mêmes. Les
dispositifs de lancement se trouvent dans les montagnes et
dans le désert. La plupart de ces missiles sont armés de bombes
pesant entre 500 et 1.000 kilos, et un nombre non négligeable
d’entre eux sont armés de têtes chimiques. Avec cette
technologie, les Syriens sont les seuls à pouvoir atteindre tout
le territoire d’Israël. Par surcroît, le régime de Damas est
également le plus solide dans la région. Mais ses dirigeants
travaillent en silence ; ils ne vocifèrent pas comme le président
iranien Mahmoud Ahma-dinejad. C’est pourquoi je pense
que s’il y a une guerre entre l’armée israélienne et celle d’un
autre pays, ce conflit nous opposera à la Syrie”.
OOO Membre du Comité directeur du Crif, Bernard
Kanovitch publie ses mémoires sous le titre “Itinéraire d’un
juif français” ( Bourin Editeur 19 euros ). Dans ce livre, il écrit
notamment que “la dérive communautaire fait peser de graves
menaces sur le vivre ensemble”.Kanovitch se demande par
ailleurs quelles sont les valeurs qui fondent aujourd’hui
l’identité française. Enfin il considère qu’un message religieux
est encore pertinent dans nos sociétés laïques.
ARTS
Marcel Marceau, le
vagabond du quotidien
D
eux vacations ont été
nécessaires, les 26 et
27 mai, pour disperser à
l’Hôtel Drouot, un millier
d’objets et une part de la
mémoire de Bip. Marcel
Marceau (Marcel Mangel) a regagné, en
septembre 2007, le silence dont il n’avait
cessé d’ausculter l’âme et les frontières.
La tourmente nazie qui l’avait éloignée
de Strasbourg y a broyé son cadre
familial. Mais lui revenaient toujours les
figures aimées du père et de la mère dans
leur boucherie Adath Israël de
Strasbourg ; raflés en 1944, ils ne sont pas
revenus d’Auschwitz. Marcel avait trouvé
refuge en Dordogne auprès de son
cousin, notre ami Georges Loinger,
grande figure de la résistance et l’un des
artisans du célèbre réseau monté par
l’OSE pour exfiltrer des enfants juifs vers
la Suisse.
Les dons de Marcel le dirigent tout
naturellement vers l’école des arts
décoratifs de Limoges. Il y étudie la
peinture, mais, admirablement doué, se
plonge allégrement dans la fabrication
de faux papiers d’identité, des cartes de
ravitaillement et autres ausweiz. Comme
les circonstances exigeaient plus que ses
talents de faussaires, Marcel rejoint les
groupes de Francs tireurs. Il adopte le
nom de Marceau pour la Résistance
puisque, né sur le Rhin, le rappel d’un
vers de Victor Hugo “Hoche sur l’Adige,
Marceau sur le Rhin”.
les Enfants du Paradis à vingt-quatre ans,
il donne vie à un personnage lunaire
qui, l’œil charbonneux et la bouche
fendue de rouge, promène sur scène un
corps déglingué que surmonte le
grotesque d’un bitos et sa fleur défaillante.
BIP retient les leçons du théâtre No, du
Kabuki et de la Commedia dell’arte. Avec
un sens aigu de l’observation, Marcel
brosse l’humanité, ses grandeurs, ses
excès et ses mesquineries. “La parole
n’est pas nécessaire pour exprimer ce
qu’on a sur le cœur”, disait-il aussi.
Le père de Bip “vagabond du quotidien
et homme universel » voulait que sa
maison de Berchères-sur-Vesgres (Eureet-Loir) devienne un musée, cœur et
mémoire de l’école internationale du
mime qu’il avait fondée. Ses anciens
élèves et ses fans du monde entier le
voulaient aussi. L’état lui en avait fait la
promesse ; nous savons que
les
politiques n’avalisent pas toujours les
promesses faites.
Un langage universel
La vente judiciaire qui vient de se tenir
à Drouot devrait couvrir les dettes laissées
par l’artiste. Ses objets parlent d’amour
et de poésie. L’art de la pantomime,
langage universel, se reflète dans des
peintures, des dessins, des livres recueillis
PAR MAURICE ARAMA
sur toutes les routes du monde. Des
photos le montrent en compagnie des
grandes
figures
de
l’histoire
contemporaine : Charles de Gaulle,
François Mitterrand, Ben Gourion, Willy
Brandt, Bill Clinton, Gandhi, Nehru… On
le voit heureux avec ses frères de la scène
: Charles Chaplin, Buster Keaton, Stan
Laurel, Oliver Hardy, Jean Vilar, JeanLouis Barrault, Madeleine Renaud,
Maurice Chevalier, Raymond Devos.
Le Mime Marceau poursuit, comme
depuis 1947 sur scène, sa marche contre
les vents dominants. L’invitation à faire
une petite halte au Musée d’art et
d’histoire du judaïsme n’aurait pas été de
trop. La vente de Drouot proposait tout le
matériel nécessaire pour un hommage
qui lui reste dû.
À l’instigation de Madame Christine
Albanel, le ministère de la culture et son
Fonds du patrimoine se sont portés
acquéreur d’une vingtaine de pièces
historiques dont le tapuscrit sur lequel
Marcel Marceau notait la mise en scène
de ses pantomimes. La vie de Marcel
Mangel, l’homme et l’artiste, le peintre,
le décorateur et l’homme de théâtre, reste
un exemple et une fierté. Après
l’évocation de la vie de Rachel (Elisa
Rachel Félix ) par le MAHJ, rendre à BIP
la musique de ses silences, ne serait que
justice.
Il se cache ensuite à Sèvres dans la
maison où étaient regroupés les enfants
sauvés de la tourmente. Il y monte des
saynètes, fait le clown ou imite Charles
Chaplin. Sitôt le débarquement allié
réussi, il s’engage dans l’Armée du
général de Lattre de Tassigny et affecté
comme agent de liaison auprès du
général Patton.
La guerre terminée le dirige vers le
théâtre. Il suit les cours de Charles Dullin,
Jean-Louis Barrault et Étienne Decroux.
Il aime interpréter Arlequin, petit frère
du Baptiste que Jean-Louis Barrault a
popularisé dans le film de Marcel Carné,
Marcel Marceau avec David Ben-Gurion
INFORMATION JUIVE Juin 2009 39
CINEMA
Le bel hommage
d'Almodovar au septième art
P
our ceux qui ne le sauraient
pas encore, mais ils ne
doivent plus être bien
nombreux, Pedro Almodovar
est aujourd'hui un monstre
sacré du grand écran, l'un
des quatre ou cinq plus grands metteurs
en scène au monde, et même si tout
jugement de ce type est nécessairement
subjectif, d'autant plus pour un cinéaste
dont la filmographie ne peut pas être
regardée par tous - et encore moins par
les plus jeunes- force est de constater qu'il
nous livre depuis dix ans des films de très
grande classe, revisitant et perfectionnant
sans cesse un univers créatif à nul autre
pareil.
Tout comme Woody Allen est le symbole
emblématique d'un certain cinéma
américain, principalement ancré à New
York, ayant concilié comme rarement
cinéma d'auteur et succès public, ce
réalisateur venu de Madrid et issu de
l'underground espagnol, a vu son talent
exploser au sortir du Franquisme et à une
époque artistique particulièrement
féconde, sorte de nouvelle vague ibérique,
que l'on a surnommé la Movida, au tout
début des années 80.
PAR ELIE KORCHIA
On pourra notamment retenir de cette
période intermédiaire et charnière, deux
films à l'originalité et à la beauté
troublantes, qui témoignent de sa
virtuosité grandissante, et qui ont tous
deux pour interprète la sensuelle Victoria
Abril, une de ses actrices fétiches, Attachemoi (sorti en 1990) et bien évidemment
Talons aiguilles (César du meilleur film
étranger en 1993) qui augure déjà du
talent d'Almodovar pour entremêler les
histoires et les genres cinématographiques
( mélo, comédie et film noir) dans une
même œuvre.
Etreintes brisées, superbe titre inspiré
du Voyage en Italie de Roberto Rosselini,
vient aujourd'hui conclure (sans doute
provisoirement) un incroyable cycle de
Enfin, en 2006, après avoir accouché
d'œuvres tellement ambitieuses qu'elles
pouvaient parfois se révéler difficiles
d'accès pour certains, Pedro Almodovar
décidait de revenir à Cannes avec un film
plus consensuel et grand public, Volver,
mais avec l'intelligence suprême de ne
pas vouloir céder à la facilité, offrant par
la même occasion à son quatuor d'actrices,
regroupées autour de sa nouvelle muse
Pénélope Cruz, un très mérité Prix
d'interprétation collectif doublé du Prix
du meilleur scénario.
Etreintes brisées, injustement reparti
bredouille de la Croisette cette année,
donne à nouveau à Pénélope Cruz un
superbe rôle, non plus en mère courage
mais en femme amoureuse et blessée par
le destin…Un personnage déchirant et
doucereusement mélancolique, à l'image
des personnages de Douglas Sirk, dont
Almodovar est un grand admirateur.
C'est ainsi qu'après une première
période que l'on peut situer de 1979 à
1989, au travers de ses six premiers films,
mélange de provocation loufoque et de
subversion délirante, le Pygmalion de
Carmen Maura et mentor du jeune
Antonio Bandéras (qu'il dirige notamment
dans le vénéneux Matador en 1986) va
connaître sa première consécration avec
une œuvre délirante et déjantée à souhait,
au kitsch bariolé et ô combien inventive,
Femmes au bord de la crise de nerfs (
récompensé par cinq Goyas du cinéma
espagnol en 1989).
cinq très grands films, qui ont fait de
l'auteur du Labyrinthe des passions l'un
des plus prolifiques réalisateurs
contemporains, en même temps qu'un
immense réalisateur d'acteurs.
C'est le début d'une étape déterminante
dans sa filmographie et les six opus qui
vont suivre vont lui permettre d'affiner
sans cesse son style, de l'épurer, de le
délester de certaines facilités et autres
outrances, dans le but de le faire aboutir
à une parfaite maîtrise formelle et visuelle,
perfectionnant aussi peu à peu son don
inouï de la mise en scène de scénarii
particulièrement foisonnants.
Une suite royale, comme on dirait au
poker, commencée il y a tout juste dix ans
avec un film sublime, à la mise en
scène remarquable, qui traitait du deuil
d'un enfant en cassant les codes habituels
et classiques du mélodrame, Tout sur
ma mère (récompensé par un Prix de la
mise en scène à Cannes en 1999 et
auréolé des Oscar et César du meilleur
film étranger).
40 INFORMATION JUIVE Juin 2009
Un sommet dans sa carrière, qui sera
suivi d'une autre réussite, éblouissante
d'intensité dramatique, Parle avec elle
(Oscar du meilleur scénario en 2003) et
d'un nouveau chef d'œuvre au scénario
grandiose - bien que controversé- et à la
narration savamment déstructurée,
brillamment interprété par Gael Garcia
Bernal, La Mauvaise éducation.
Elle incarne ici un mélange de Marylin
Monroe, avec un brin de tragédie fatale,
de Gina Lollobrigida, pour l'influence
latine et l'étourdissante beauté glamour,
et enfin d'Audrey Hepburn, avec d'ailleurs
de très belles références à l'héroïne de
Sabrina.
Car ce nouveau grand film du créateur
de La loi du désir, dont il serait illusoire
et inutile de vouloir donner un résumé
suffisamment juste, tant il s'agit d'un
puzzle flamboyant et complexe, entre
mensonge et vérité, Eros et Thanatos,
jalousie et manipulation, est avant tout
l'hommage vibrant et sincère d'un
amoureux du cinéma à sa passion, un
éloge des vertus cathartiques du septième
art et un hymne au génie créatif des
grands Maîtres du cinéma, dont
Almodovar est décidément un digne
successeur.
COURRIER
L'Unesco menacée
J'ai pris connaissance de la position prise
par Bernard Henri Lévy, Claude Lanzmann et
Elie Wiesel au sujet de la crainte qu'il y a à laisser l'Unesco tomber entre les mains d'un ministre égyptien raciste et antisémite. Que faire ?
Et pourquoi a-t-on tardé à tirer la sonnette
d'alarme ? Pourquoi les démocraties abandonnent-elles le combat pour la liberté et les droits
de l'homme ?
Je garde le souvenir des années 1974-75 au
cours desquelles l'Unesco s'était déjà placée
parmi les ennemis d'Israël et du sionisme. Sauf
erreur de ma part, la mobilisation avait été alors
considérable. Des milliers d'intellectuels avaient
à l'époque protesté très vivement. Où sont ces
intellectuels aujourd'hui ?
Ilan Uzan - 75013 Paris
Marianne et les fous
Le journal Marianne avait, il y a quelques
mois, traité le président Sarkozy de " fou ".Et
je découvre dans l'hebdomadaire daté du 23
mai un article intitulé " Ils sont fous ces
Anglais ".On a compris : le seul qui, pour les
journalistes de Marianne ne soit pas, dans le
monde politique, fou c'est … Jean-François
Kahn.
Elisabeth Cohen - Courriel
Genève et son triste spectacle
L'ONU fonctionne par symboles. Celui
de l'anniversaire des soixante ans de son
existence est désormais entaché par le triste
spectacle d'agressions verbales antisémites
et bellicistes réitérées par Amahinedjad et
visant à la destruction d'Israël. L'absence à
cette pantomime de Nations démocratiques
et la présence de représentants de dictatures
applaudissant et vociférant leurs soutiens
à l'orateur accentuent la césure entre les
Etats sur le respect des principes de l'ONU.
La Société des Nations a succombé en son
temps aux violations récurrentes de ses
principes et à sa manipulation par les
dictatures sanguinaires.
Les manifestations contradictoires
organisées et / ou spontanées à l'extérieur
et à l'intérieur des locaux de l'ONUG ont
garanti l'honneur des Nations-unies et le
respect dû à ses principes organiques
figurant à sa charte. Les services de sécurité
de l'ONUG ont expulsé les manifestants
exprimant leur indignation et leur fidélité
à la charte. Ces expulsions ont été exécutées
sous les insultes et cris des représentants
des dictatures hostiles à Israël. Elles
constituent une anomalie aux regards de
l'esprit et du droit international public, la
justice et la liberté sur lesquels se fonde
l'ONU. Elles contreviennent violemment
aux valeurs définies en sa charte par le
principal rédacteur, René Cassin.
En Suisse, la réception du dictateur
iranien par Rudolf Merz, président de la
confédération helvétique, correspondait au
protocole diplomatique en vigueur.
Toutefois, la soirée passée par les deux
hommes dans un restaurant genevois
assorti de photographies publiées par la
presse " tout sourires" semblent aggraver
les manque-ments à l'ordre public
international.
La présence et les propos tenus par
Amahinedjad hors et depuis la tribune du
conseil trahissent l'esprit qui devait être
celui de la commission. Ils offensent
l'intégrité fondamentale des Nations-Unies.
Une fois de plus, Amahinedjad a présenté
l'argument antisémite du " sionisme
international". Ce préjugé de propagande
diffamatoire et classique appartient au
bréviaire de la haine tristement célèbre. Le
représentant des mollahs incrimine l'Etat
hébreu d'être constitué de rescapés et
descendants de la shoah et de populations
issues des persécutions subies dans le
monde arabe! N'en n'étant pas à une
contradiction de haine près, il nie par
ailleurs et selon l'humeur l'existence ou
l'ampleur de la shoah. Il s'en prend
régulièrement aux populations coupables,
à ses yeux, d'être nées juives ! Amahinedjad
constitue l'un des éléments de la dictature
théocratique en place en Iran. Il ne
correspond pas à l'expression de la volonté
générale. Dans de telles conditions, sa
présence à la tribune du conseil comme ses
déclarations de propagande mensongères,
antisémites et bellicistes sont illégitimes au
regard du droit international public comme
de l'esprit organique des Nations-Unies.
Ses prétentions relatives à l'esclavage des
siècles précédents permettent avec cynisme
à l'Iran de passer sous silence la pratique
actuelle de l'esclavage dans la plupart des
Etats qui lui sont alliés !(…)
Les populations juives chassées des pays
arabes à coups de pogromes dans les
années quarante et cinquante du XXème
siècle ont été recueillies par l'Etat d'Israël.
Ces populations n'ont pas quitté leurs pays
d'origines et n'ont pas intégré leur pays
d'adoption de leur propre gré. C'est sous les
contraintes que ces mouvements d'exils se
sont produits. Le contester relève du même
procédé grossier que celui qui pousse
Amahinedjad à contester la shoah.(…)
Pierre Saba - CH 1201 GENEVE
CARNET
Bar mitsva
OOO Brian Chaouat, le petit-fils de notre ami David Amar, collaborateur de l'ACIP
à la synagogue de la Victoire, a célébré sa bar mitzva le 21 mai à la synagogue
La Victoire à Paris.
A ses parents et à ses grands parents, nous présentons nos meilleurs vœux et un sincère
mazal tov.
Distinctions
OOO Notre collaborateur et ami Maurice Arama a été promu au grade d'officier dans l'Ordre
du Mérite. Nous lui présentons tous nos vœux et nos sincères félicitations.
Nous avons appris que Monsieur Georges Amar, qui s'était vu remettre en 2004 les
insignes de Chevalier de la légion d'honneur par Monsieur Claude Goasguen, vient d'être
promu Officier dans l'ordre national du mérite. Information Juive lui présente ses plus
sincères félicitations.
OOO
Nécrologie
OOO Nous avons appris avec tristesse le décès, à l'âge de 83 ans, de
Léon Tsevery, ancien déporté.
Il était vice-président de l'association “Les fils et filles des déportés juifs de France”. Il
avait publié avec Serge Klarsfeld “Les 1.007 fusillés du Mont valérien parmi lesquels
174 juifs”. Nous présentons à sa famille nos sincères condoléances.
OOO Notre confrère et ami André Halimi a eu la douleur de perdre son épouse
Evelyne Rachel Halimi, née Nahmias.
Ses obsèques ont eu lieu le jeudi 11 juin au cimetière parisien de Bagneux.
Nous présentons à son mari, ses enfants et petits enfants nos très sincères condoléances.
INFORMATION JUIVE Juin 2009 41
VERBATIM
TOM HANKS.
Comédien :
" Je suis constamment à l'écoute de
ma propre foi, de ma propre
spiritualité. Sinon je ne serais pas
marié avec la même femme depuis
vingt et un ans ".
MICHEL SCHIFRES.
Chroniqueur :
" L'originalité, surtout an matière
diplomatique, n'est pas aisée "
MAX GALLO.
De l'Académie française :
" Il y a une manière, un regard Adler que ses
auditeurs et ses lecteurs reconnaissent. Adler
scrute l'actualité, la décrit en dégageant les
racines historiques les plus enfouies "
Journaliste :
" Le journalisme, c'est le scepticisme
permanent "
nul, méchant, autoritaire et
compromis avec le milieu de l'argent.
Et lui, il est grand, intelligent, la
bonté même, c'est un vrai démocrate
et l'intégrité faite homme. Il ne faut
quand même pas déconner "
DENIS TILLINAC.
JEAN-LUC HEES.
CHRISTINE OCKRENT.
Ecrivain :
" En tant qu'écrivain, la nostalgie est
quasiment ma raison d'être "
JEAN DELUMEAU.
Historien :
" Depuis 2001, notre actualité est
dominée par la confluence de
dangers objectifs d'origines très
variées ".
MEL BROOKS.
Humoriste. Il vient de monter à Berlin
une comédie musicale burlesque :
" je suis certainement le premier juif
qui gagne beaucoup d'oseille grâce
à Hitler . Dommage qu'il ne soit plus
vivant pour voir le spectacle "
Président de Radio France :
" A 57 ans, je ne vais pas ruiner ma
réputation d'indépendance pour
devenir un journaliste obéissant et
aux ordres ".
HYAM YARED.
Romancière libanaise :
" La guerre au Liban est un peu
devenue la vache à lait de nos
auteurs…On meurt dans ce pays
pour s'être exprimé librement "
ANGELA MERKEL.
Chancelière allemande :
" Je ne suis pas vaniteuse. Je sais
utiliser la vanité des hommes ".
BARACK OBAMA.
NICOLAS SARKOZY.
Président de la République (à propos
du livre de François Bayrou) :
" Si j'ai bien compris, je suis petit,
42 INFORMATION JUIVE Juin 2009
Président des Etats-Unis :
"Je vais enfin envisager
sérieusement de perdre mon sang
froid. Les cent premiers jours seront
si réussis que je vais les accomplir en
72 jours. Le 73ème, je me reposerai "
BERNARD-HENRI LÉVY.
Philosophe :
" Benny Lévy ? Une œuvre rare, pour
l'essentiel orale, où l'on voit un
Socrate juif frotter sa parole vive à
celle de la compagnie de disciples
qui l'escortèrent dans sa dernière
aventure… "
XAVIER DARCOS.
Ministre de l'Education nationale :
" François Bayrou est un maurrassien
qui veut jouer les modernes "
PIETRO CITATI.
Critique italien :
" La perte de la théologie est une
grande perte pour la littérature. C'est
sur son terrain que naît la littérature.
La théologie et la religion sont dans
l'imagination, dans la profondeur et
du passé ".
MALEK CHEBEL.
Anthropologue :
" Je ne crois pas que les islamistes
m'apprécient beaucoup "