lire la suite

Transcription

lire la suite
du terroir
Chronique présenté par
Crédit @Canards du Lac Brome
Les volailles de spécialité
Cailles, pintades, faisans et autres volatiles ont un long chemin à parcourir pour rejoindre notre quotidien alimentaire. Hormis la consommation à domicile du canard qui se classerait au deuxième rang après l’agneau1, ces volailles restent sous-représentées et sous-utilisées.
Par
Sophie Suraniti
Les volailles de spécialité offertes au Québec
Les volailles de spécialité comprennent les cailles, les canards, les faisans,
les oies, les perdrix, les pigeons et les pintades. Les canards (surtout les
espèces mulard, de Pékin, de Barbarie), les cailles (dont la Royale ou encore
La Bellechasse qui sont les plus charnues, soit 200 g en moyenne) et les
pintades constitueraient les trois volailles de spécialité les plus vendues au
sein du secteur HRI – cailles et pintades arrivant presque à égalité.
Une filière d’élevage à part
Généralement, il s’agit d’élevages spécialisés de petite taille, ne bénéficiant
d’aucune convention de mise en marché. Excepté pour l’oie et le canard,
42
ÉTÉ 2012 | HÔTELS, RESTAURANTS & INSTITUTIONS
où certaines productions sont devenues si prometteuses et importantes
(comme les entreprises Canards du Lac Brome, Canard Goulu, Rougié)
qu’elles se sont organisées en association2. Ce sont d’ailleurs les élevages
de canards, d’oies et de cailles qui comptent le plus d’entreprises. Mais pour
le reste, c’est une microfilière qui fait classe à part et se débrouille pour
trouver sa clientèle. Les produits de certains éleveurs sont vendus par des
commerces ou par des distributeurs spécialisés bien connus du secteur des
HRI. D’autres pratiquent le direct, c’est-à-dire qu’ils assurent toute la chaîne,
de la production à la distribution. L’abattage de ce type de volaille exige
des équipements spéciaux (donc plus coûteux), différents de ceux utilisés
pour l’abattage des poulets et des dindons. Il faut donc trouver un abattoir
à proximité3.
Perdrix et faisans sont deux des variétés de
volailles produites à la Ferme Kego Cailles.
@Ferme Kego Cailles
@Ferme Kego Cailles
Et pourtant, il n’y a pas si longtemps, on
consommait ces volatiles…
Les mœurs de consommation ont bien changé. Car il fut un temps où les
volatiles constituaient des mets de choix et se trouvaient sur nos tables4.
Aujourd’hui, une profonde méconnaissance entoure ces produits taxés
d’exotisme. Plusieurs faits ou phénomènes ont freiné leur consommation : l’épizootie de grippe aviaire, la symbolique de voir l’animal entier dans
l’assiette et l’effroi qu’il suscite chez certains, le manque de compétence
culinaire de certains chefs pour apprêter ces produits, etc.
Les découpes de
caille permettent des
présentations originales.
@La Maison du Gibier
Carnet d’adresses
Par l’intermédiaire de distributeurs spécialisés ou directement auprès des éleveurs…
Canard de CailleCanardBarbarieFaisanOie
Perdrix
Pigeonneau
Pintade
Gibiers Canabec (gibierscanabec.com)
Nepco (nepco.ca)
La Maison du Gibier (lamaisondugibier.com)
Ferme des Volailles d’Angèle (volaillesdangele.com)
Ferme avicole d’Oka (fermeoka.ca)
Ferme Morgan (fermemorgan.com)
Élevage des Pigeonneaux Turlo (pigeonneauxturlo.com)
Ferme Miboulay (miboulay.com)
Ferme Saint-Vincent (saint-vincentbio.com)
Ferme Kégo Cailles (kegocailles.com)
Jardins de l’oie (jardinsdeloie.com)
•Ou encore par… L’Association des éleveurs de canards et d’oies du Québec (canardduquebec.qc.ca – onglet « Association » puis « C.A. et membres »)
regroupe : Aux Champs d’Élisé, Canards du Lac Brome, Élevages Périgord, Fermes Roger Daoust, Fermes Saint-Vincent, Ferme du Platon, Canard Goulu,
Volailles fines du Richelieu, Ferme Palmex (Rougié), Ferme Coquelicot, Gourmets d’Amérique, Les Canardises, Canards des Cantons et Couvoir Simetin.
HÔTELS, RESTAURANTS & INSTITUTIONS | ÉTÉ 2012
43
Témoignages
Julie Rondeau, La Maison du Gibier
« Globalement, les volailles entières se vendent
de moins en moins. Par manque de maind’œuvre, de temps et de compétence au sein du
secteur des HRI. C’est encore plus vrai pour les
volailles fines. Les chefs se tournent de plus en
plus vers un produit portionné, calibré, auquel il
apportera sa touche personnelle; que ce soit en
matière d’accompagnements, d’assaisonnements
ou de sauce. »
Karina Ferron, vice-présidente, Nepco
« Lorsque le nom de la volaille n’est pas connu,
elle ne figure tout simplement pas au menu.
C’est le cas de la pintade par exemple. Il y a
donc un long chemin à faire du point de vue de
la consommation de volaille de spécialité. Chez
Nepco, nous avons l’intention d’encourager et
de développer la rencontre entre les chefs et
les éleveurs. Car les chefs aiment parler avec les
éleveurs, et vice versa. »
Canard mulard
@Rougié
S’informer et se former
• Gibier à poil et à plume de Jean-Paul Grappe,
Éd. de l’Homme, 2008
• Auprès de son distributeur qui connaît bien la
filière et ses fournisseurs.
• Auprès des éleveurs. Les rencontrer permet
de connaître leur réalité quotidienne, celle des
bêtes aussi. Donc, ne pas hésiter à aller sur
place, visiter et échanger. Les éleveurs aiment
partager leur travail et sont à l’écoute des
suggestions des chefs.
Tendances volailles de
spécialité
• De plus en plus, les volailles fines sont élevées
sainement, naturellement, et dans le respect de
l’animal. Beaucoup sont certifiées biologiques.
• Les volailles sont de plus en plus livrées
désossées ou semi-désossées pour alléger le
travail et combler le manque de savoir-faire
en cuisine (comme la caille où seuls l’os de la
cuisse et l’os de l’aile sont conservés).
• Certaines découpes inusitées font leur
apparition comme les tournedos et les filets.
• Les volailles se servent entières. Le restaurant
montréalais Au Pied de Cochon5 propose
notamment une pintade pour deux personnes.
Le restaurant Le Coq Rico6, qui a ouvert fin
janvier à Paris, fait lui aussi dans les volailles
d’appellations françaises servies entières, pour
deux à quatre personnes.
Domenico Forte, chef corporatif, Canards
du Lac Brome « On aimerait que les abats de
canard soient plus utilisés par les chefs (cous,
foies, pattes, gésiers) ainsi que d’autres parties.
On travaille là-dessus. Car dans le canard, on ne
peut pas utiliser que les cuisses et les poitrines !
La cuisine asiatique utilise tout, par exemple. Ce
serait bien que les chefs d’ici fassent la même
chose et soient créatifs avec toutes les parties de l’animal. »
Nicolas Turcotte, Élevage des Pigeonneaux
Turlo « On décide de tout. On contrôle toute la
• Expérimentation avec des cuissons « actuelles » : courte, fumée ou crue. Comme
cette caille désossée et marinée longuement
puis servie quasiment crue dans un consommé
aromatique7, présentée en février dernier
au Laurie Raphaël par le chef belge invité
du festival Montréal en Lumière, Clément
Petitjean.
• La rareté des cuisses de canard encourage
l’utilisation d’autres parties de l’animal, comme
les pilons d’ailes de canard.
• Les abats (cœurs ou foies poêlés, gésiers
confits, crêtes, etc.) (ré)apparaissent.
Le poulet Chantecler, une race à part
Complètement oublié puis remis au goût du jour, le poulet Chanteclerc est une race patrimoniale
reconnue officiellement en 1999 par le gouvernement du Québec. Ce poulet d’appellation connaît
actuellement une phase de recherche et développement. Sera-t-il proposé un jour aux restaurateurs
québécois ?
44
ÉTÉ 2012 | HÔTELS, RESTAURANTS & INSTITUTIONS
@Canards du Lac Brome
chaîne, de la production à la distribution.
C’est beaucoup de stress, mais c’est
très valorisant. On approvisionne
régulièrement une douzaine de
restaurants au Québec et environ 25 de
façon occasionnelle. Notre pigeonneau
est un produit hyper frais, de qualité.
C’est pourquoi de plus en plus de
restaurateurs font appel à nous. Ils sont
curieux de goûter à cette viande, tout
comme les 90 % de gens qui ignorent
encore qu’elle se consomme. Il y a
donc un super potentiel ! L’intérêt est
grandissant. »
Un grand merci à tous ces
professionnels qui ont répondu
à mes questions :
Karina Ferron (nepco.ca), Domenico
Forte (canardsdulacbrome.com),
Julie Rondeau (lamaisondugibier.com),
Nicolas Turcotte (pigeonneauxturlo.com).
Oui, l’autruche est un gros volatile
(le plus gros d’ailleurs !) qui ne vole
pas. Elle est élevée depuis peu
au Québec, mais nous n’inclurons
pas ce ratite (nom générique pour
les désigner, comme l’émeu et le
nandou) dans nos propos, car il
s’agit d’une viande rouge, plus
proche du bœuf. Autre exclu : le lapin, qui est souvent classé
en cuisine avec les volailles pour
des raisons de préparation et de
conditions d’élevage similaires.
1 Caron, Julie, « Le canard du Québec :
un secteur en croissance », L’Actualité
alimentaire, vol. 8, no 5, 2011, page 63.
2 L’Association des éleveurs de canards et
d’oies du Québec (canardduquebec.qc.ca)
a été créée en 2009.
3 Un nouvel abattoir pour l’abattage d’oies,
de canards, de poulets, de pintades, de
dindes sauvages et de lapins vient de voir
le jour à Nicolet. St-Yves, Pierre, « Nouveau
départ dans la production d’oies », La
Terre de chez nous, 2 mars 2012, [En ligne],
http://www.laterre.ca/elevage/nouveaudepart-dans-la-production-doies/
4 Lire à ce propos les récits historiques
Vie quotidienne, Alimentation, [En ligne],
http://www.civilisations.ca/musee-virtuelde-la-nouvelle-france/vie-quotidienne/
alimentation/
5 www.restaurantaupieddecochon.ca
6 www.lecoqrico.com
7 « Caille du Cap Saint-Ignace, consommé de
gibier au chou, coulis d’épinards au beurre
noisette, oignons rouges au vinaigre de
cabernet et épinards cristallisés ». En fait,
le chef a servi des cailles le midi et des
perdrix le soir.
Le poulet de Cornouailles…
un jeune poulet, c’est tout !
Le poulet de Cornouailles (ou
coquelet) est un jeune poulet
abattu à 30 jours et pesant
aux alentours de 700 g ! Il
s’agit donc d’une terminologie
québécoise et non d’une race.
Poussin >> Poulet (coquelet
ou poulette) >> Coq ou poule
(maturité sexuelle atteinte)
Élevage des Pigeonneaux Turlo approvisionne plus de 35 restaurants au Québec.