L`industrie des affinités

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L`industrie des affinités
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RENCONTRES
Sites de rencontre de masse et de niche
L’industrie
des affinités
La doctrine du libéralisme économique à l’assaut de la
rencontre amoureuse
SIPA
Alors que le nombre de célibataires ne cesse d’augmenter, le besoin de
lien social se fait de plus en plus pressant. Dans les grandes villes, où
jusqu’à 40 % des habitants vivent seuls, le succès des sites de rencontre
ne se dément pas.Avec le numérique, l’industrie de la rencontre a accédé
à la production de masse, en exploitant à fond les principes de rendement, de rentabilité et de branding. Sur ce marché en perpétuelle recomposition que se partage sites généralistes et spécialisés, le très classique
phénomène d’endogamie joue à plein, à tel point que la rencontre numérique est devenu un mode d’entremise non seulement accepté socialement, mais de plus en plus répandu.
Par Lisa Melia
C
Paradoxe:
d’un côté, l’air du temps
promeut l’autonomie
et l’individualisme.
De l’autre côté,
rester seul, surtout
pour une longue période,
est encore un facteur
de stigmatisation
sur le plan social
omment faisait-on
avant ? La question
semble presque légitime. La rencontre
d’amis ou d’amants passe de plus en
plus par Internet. Les sites de
rencontre qui, il y a dix ans,
défrayaient encore la chronique,
sont désormais entrés dans les
mœurs, et le nombre d’histoires
d’amour qui commencent sur la
Toile augmente chaque année. Il y
a bien sûr les noms les plus connus
du marché, comme EasyFlirt, eDarling, Meetic ou AttractivWorld, dont
les spots télévisés et affiches publicitaires rythment notre quotidien.
Mais le paysage de la rencontre
englobe des milliers d’acteurs différents pour satisfaire une demande
qui, clairement, ne manque pas.
38,8 % de la population française
appartient à la catégorie des célibataires, selon les chiffres de l’Insee
pour 2012. Cette proportion permettrait d’arriver au nombre farami-
neux de 25,5 millions de cœurs à
prendre dans l’Hexagone. À relativiser, toutefois : la typologie de
l’Insee intègre toutes les personnes
en âge d’être mariées et qui ne le
sont pas. Sont comptabilisées
comme célibataires toutes les
personnes qui vivent en concubinage ou qui sont pacsées. “En réalité,
on estime le nombre de célibataires en
France entre 12 et 14 millions,
indique Pascal Lardellier, professeur en science de l’informationcommunication à l’université de
Bourgogne et auteur d’un ouvrage
sur le sujet. Ce chiffre a tout de même
plus que doublé quarante ans: dans les
années 70, on comptait environ
5 millions de célibataires.” Dans “Les
réseaux du cœur. Amour, sexe et séduction sur Internet”, paru en 2013, le
chercheur avance que plus de la
moitié des célibataires fréquentent
un site de rencontre.
L’Histoire et l’entremise
Tyrannie du couple ? Notre société
se caractérise par un paradoxe.
D’un côté, l’air du temps promeut
l’autonomie et l’individualisme. De
l’autre, rester seul, surtout pour une
longue période de temps, est encore
un facteur de stigmatisation sur le
plan social. “On se justifie toujours
d’être célibataire alors qu’on ne se
justifie jamais d’être en couple”,
résume Pascal Lardellier. En conséquence, sortir de la solitude relève
presque d’une nécessité. Sites de
rencontre, clubs, agences matrimo-
Le nouvel Economiste - n°1667 - Cahier n°2 - Du 14 au 20 juin 2013 - Journal d’analyse & d’opinion paraissant le vendredi
niales entrent alors en scène pour
proposer à chacun une solution
apparemment en adéquation avec
son profil. Or, poursuit le chercheur,
nous utilisons les outils qui sont à
notre disposition. Au XXIe siècle, il
s’agit des nouvelles technologies.
Car à chaque époque de l’Histoire
ses entremetteurs. Pendant l’Ancien régime, la marieuse, une
femme du village, savait précisément quelles alliances étaient
souhaitables en fonction des personnalités et des situations sociales des
célibataires. Vinrent ensuite les
notaires, immortalisés par Balzac et
par la littérature du XIXe siècle. Des
bals populaires jusqu’au speed
dating, en passant par les
kermesses, les rallyes réservés à la
bonne société, le minitel rose et les
annonces du Chasseur français ou de
Libération, chaque époque voit
émerger un ou des systèmes pour se
mettre en couple. Depuis une
dizaine d’années, Internet s’est
donc imposé comme l’un de ces
outils. Ainsi, selon une étude
réalisée par Meetic et TNS, une
histoire sur trois commencerait sur
la Toile.
“On aime comme une époque nous y
autorise, selon des valeurs, mais aussi
selon des médiums, précise Pascal
Lardellier. À notre société individualiste correspond la rencontre amoureuse via les nouvelles technologies qui
permettent de se découvrir derrière des
écrans.” Avec l’informatique, le
champ matrimonial est passé de
l’artisanat à l’industrie, en offrant
des moyens qui font entrer l’amour
et la sexualité dans l’ère de la
consommation de masse. Par un jeu
de copier-coller, il est possible d’envoyer le même message à des
dizaines ou des centaines de partenaires potentiels, sur une myriade
d’espaces virtuels.
Parallèlement, l’amour passe de
plus en plus au second plan dans la
vie des individus. “Beaucoup de mes
clientes sont des femmes qui se sont
consacrées à leurs études, raconte
Guerda de Haan, qui dirige l’agence
matrimoniale qui porte son nom.
Elles se réveillent à trente ans, seules.
Elles excellent dans leur travail, mais
dans leur vie amoureuse, elles sont
complètement perdues.” Un mariage
sur trois finit en divorce, une statistique qui passe à 50 % dans la capitale. L’allongement des études se
traduit par un recul de l’âge auquel
les gens se marient et fondent une
famille. La société semble
aujourd’hui plus complexe pour qui
souhaite trouver un partenaire.
La segmentation par l’endogamie
Logiquement, les professionnels de
la rencontre se sont emparés des
nouveaux médias. “La rencontre
amoureuse est un marché de centaines
de millions d’euros qui est en recomposition permanente”, souligne Pascal
Lardellier. Meetic naît par exemple
il y a dix ans. En 2010, l’entreprise a
été rachetée par le groupe Match.
com, l’un des leaders mondiaux sur
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Site de rencontre de masse et de niche
RENCONTRE
“Les sites de rencontre fonctionnent
comme une place de marché. Il faut
suffisamment d’offres et de
demandes pour que les gens entrent
en contact.” Jessica Delpirou, Meetic.
le marché.Après les sites généralistes,
les acteurs spécialisés se développent
entre 2008 et 2009 avec l’émergence
d’espaces réservés à des communautés, qu’elles soient religieuses,
liées à un métier ou à des goûts culturels.
Marie Bergström, doctorante en
sociologie, estime dans un article, “La
Toile des sites de rencontre en France”,
que la segmentation du marché n’est
pas un phénomène récent. Selon elle,
des sites spécialisés existaient dès le
début de la rencontre sur Internet. La
nouveauté tient donc à l’ampleur du
phénomène, au point que l’on oppose
désormais les sites généralistes et
leurs homologues hyperspécialisés.
Le futur de la rencontre se ferait-il
désormais dans des espaces virtuels
où tous les internautes se ressemblent ? La situation est plus nuancée.
“Meetic n’est pas un dinosaure, proteste
Jessica Delpirou, directrice de Meetic
France. Une entreprise Internet qui
réalise des performances comme les
nôtres est une entreprise qui sait se réinventer.”
La segmentation toujours plus
poussée du marché qui voit l’apparition de sites dédiés aux fans d’Apple,
aux amateurs de vin, aux motards, aux
partisans de l’UMP, du PS ou du Front
national, relève, selon Pascal
Lardellier, d’une simple loi sociologique, l’endogamie. Les individus se
rencontrent et, souvent, se mettent en
couple avec des personnes qui partagent leurs valeurs, leurs centres d’intérêt et leurs croyances. “Le marché a
vite compris qu’au-delà des sites généralistes, qui font office de grande foire des
cœurs, les sites de niche permettent d’attirer des profils qui ne trouvent pas
chaussure à leur pied autre part.”
Sites hyper-spécialisés
La différence crée la richesse?
Les sites de rencontre n’échappent pas au
phénomène de l’endogamie. Cette loi de base
de la sociologie désigne les sociétés dans lesquelles les individus se marient à l’intérieur de
leur classe sociale, de leur corps de métier ou
encore avec quelqu’un qui partage leur
confession religieuse. “Pour la rencontre, cela
se traduit par des sites ethniques, religieux,
par métier ou par catégorie socioculturelle,
explique Pascal Lardellier, auteur de “Les
réseaux du cœur. Amour, sexe et séduction
sur Internet”. Ils se positionnent sur une niche
et attirent les internautes qui ne se reconnaissent pas dans les sites mainstream.”
Certaines plateformes, toutefois, surfent sur la
tendance de manière encore plus marquée.
Gleeden s’est fait largement remarquer depuis
sa création en 2009 en se revendiquant
comme le premier “site de rencontre extraconjugale pensé par des femmes”. Les
affiches colorées dans le métro parisien
émaillées de slogans provocants (“Et si cette
année vous trompiez votre amant avec votre
mari?”) ont déclenché des débats passionnés
dans les médias et sur Internet. Adhérant
également au principe du girl power,
AdopteUnMec.com est finalement entré dans
les mœurs. Si le réseau appartient désormais
aux sites parmi les plus connus, il s’est distingué sur sa formule: dans un espace conçu
comme un supermarché, les femmes décident quel homme elles veulent ou ne veulent
pas mettre dans leur “caddie”. Un concept qui
n’a pas manqué de faire grincer des dents les
féministes, tandis que les fondateurs affirment
au contraire vouloir remettre le pouvoir décisionnaire dans les mains des femmes.
Nombre de sites apparaissent toutefois moins
polémiques et plus segmentés. Cupidtino.
com, se présente comme le site des fans de
produits Apple. Les célibataires adeptes de la
marque qui ne supportent pas l’idée que leur
compagne ou leur compagnon travaille sur
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Linux ou Windows disposent ainsi de leur
propre réseau pour s’assurer que leur âme
sœur tourne aussi sous la pomme. Le site est
optimisé pour utiliser des logiciels spécifiques
à Apple comme iTunes, et arbore un look
épuré similaire à celui de leur maître à penser.
Dur de faire plus spécifique? En effet. Mais
Rencontre-agriculteur a choisi un nom plutôt
explicite, tandis qu’HappyFew se réserve aux
diplômés des meilleures écoles et universités
françaises. HommePansement s’adresse aux
femmes dépressives. RencontreMonChien.
com rapproche les internautes sur la base de
leurs affinités avec la race canine.
Internet est parfois présenté comme le média
universel par excellence puisqu’il permet à
chacun de découvrir absolument tout ce qui
est sur la Toile. Les sites de rencontre généralistes se targuent ainsi de pouvoir mettre en
relation des gens très différents qui ne se
seraient jamais connus sans leur intermédiaire. Pour autant, les internautes euxmêmes effectuent une segmentation en se
dirigeant de leur propre chef vers les réseaux
qui correspondent le plus à leur profil. Le doux
rêve du grand melting-pot n’est pas encore
réalité.
L.M.
“HommePansement” s’adresse
aux femmes dépressives.
RencontreMonChien.com
rapproche les internautes
sur la base de leurs affinités
avec la race canine
Tous les sites, même les généralistes,
s’organisent ainsi en fonction de
clients cibles plus ou moins précis,
répondant toujours à un certain
nombre de propriétés sociales. Le
premier axe de différenciation porte
sur l’orientation sexuelle. Certains
sites ne s’adressent qu’aux amateurs
marketing et des annonces publicitaires sur tous les médias, mais ils
peuvent aussi compter sur le boucheà-oreille et leur simple popularité.
Quelques noms de sites viennent
ainsi spontanément à l’esprit de
quiconque pense à la rencontre en
ligne, à l’instar de marques comme
Avec l’informatique, le champ matrimonial
est passé de l’artisanat à l’industrie, en offrant des moyens
qui font entrer l’amour et la sexualité
dans l’ère de la consommation de masse
de certaines pratiques, telles que le
fétichisme ou l’échangisme. Plus
prosaïquement, l’âge, la situation
géographique, la confession religieuse, les pratiques sportives, les
convictions politiques, le style vestimentaire, les goûts culturels sont
autant de paramètres pour définir un
utilisateur. Marie Bergström a ainsi
relevé que même le design des sites
était soigneusement étudié pour
correspondre au public ciblé. Pas de
fond rose ou d’images suggestives sur
un site qui se veut sérieux, pas plus
que des photos de familles sur fond
bleu ciel pour un site de rencontres
adultérines.
Aujourd’hui, le marché se développe
vers le multicanal et investit notamment le mobile. “Nous réalisons plus de
18 % de l’acquisition de nos nouveaux
clients via le mobile”, affirme Jessica
Delpirou. Le téléphone est l’un des
objets dont les individus ne se séparent plus, ce qui en fait un outil de
choix pour tous les business qui
touchent au domaine de l’intime.
“Nous avons développé un site mobile et
une application, poursuit Jessica
Delpirou. Nous voulons permettre au
client de prolonger complètement l’expérience Meetic. Cette convergence-là
nous semble fondamentale.” Pourquoi
ne pas, bientôt, arriver à une soirée et
être alerté sur son portable des célibataires présents avec lesquels on est
en contact ? Le scénario plaît en tout
cas à Meetic qui travaille déjà sur les
futurs usages du mobile.
Places de marché banalisées
Au vu de la profusion des sites et de
cibles, cet univers est-il aussi concurrentiel qu’il paraît ? Pascal Lardellier
estime que les différentes plateformes partagent des adhérents plus
qu’elles ne se les volent. Un usager
peut ainsi être inscrit sur eDarling et
Mektoube, un réseau qui se présente
comme le n° 1 de la rencontre musulmane et maghrébine. Le mainstream
conserve toutefois des arguments de
taille. Le premier, pour Jessica
Delpirou, concerne le nombre d’adhérents : “Les sites de rencontre fonctionnent comme une place de marché. Il faut
suffisamment d’offres et de demandes
pour que les gens entrent en contact.” Si
les célibataires parisiens, lyonnais ou
marseillais ont l’embarras du choix
des rencontres, certaines provinces
françaises n’offrent pas une telle
palette de possibilités. Les sites les
plus généralistes et les mieux
implantés promettent alors à leurs
adhérents un vivier de célibataires
suffisamment important pour ne pas
en faire le tour en quelques jours de
recherche.
Deuxième avantage d’un site qui se
veut universel : le business model
repose généralement sur les abonnements payants. La petite dizaine d’acteurs qui domine le marché bénéficie
d’un effet de masse, attirant encore
plus d’utilisateurs. Ils peuvent non
seulement financer des campagnes
Meetic ou AdopteUnMec, qui appartiennent désormais au langage
courant et constituent des références
reconnaissables par la majorité des
Français.
Phénomène de société oblige, le
profil des internautes qui fréquentent un site de rencontre s’est largement diversifié. L’utilisateur type,
trentenaire, urbain et technophile qui
caractérisait les débuts n’est plus
qu’un profil parmi tant d’autres. À tel
point que 50 % des internautes se
seraient déjà connectés sur un site de
rencontre. Reste que le virtuel ne
suffit plus. De plus en plus d’acteurs
du marché développent leur offre sur
le plan de la rencontre réelle.
En mai 2013, Meetic a ainsi finalisé
l’acquisition de Pasta Party, une
petite entreprise créée il y a six ans,
organisatrice d’événements autour
de centres d’intérêt comme la cuisine
ou le bricolage. “Les célibataires qui
n’ont pas encore franchi le pas de l’inscription sur un site de rencontre recherchent du naturel, affirme Jessica
Delpirou. Quoi de plus naturel que de
rencontrer quelqu’un à une soirée ?
S’associer avec Pasta Party nous permet
de profiter de leur expérience. Il s’agit
d’un formidable accélérateur de notre
expertise: nous sommes déjà leader de la
rencontre en ligne et nous serons leader
de la rencontre dans sa globalité.” Le
slogan de Pasta Party,“Retrouvons le
goût des rencontres”, résume la stratégie sur laquelle s’est engagée
Meetic. Depuis le mois de décembre,
35 000 personnes ont ainsi participé à
l’une des cinquante soirées
mensuelles du réseau.
Le marketing ou la vraie vie
Le futur se joue donc aussi dans la
vraie vie. Un constat qui ne surprend
guère Guerda de Haan. Son agence
matrimoniale, positionnée sur le haut
de gamme, possède un site Internet.
Mais l’essentiel se déroule dans ses
bureaux de la région parisienne. “Je
rencontre chaque client personnellement afin de déterminer ce qu’il cherche
et comment je peux l’aider. J’obtiens de
très bons résultats, de l’ordre de 70 % de
réussite. Je pense que les soirées ou les
sites ne suffisent pas. D’ailleurs, je récupère dans mon agence ceux qui ont testé
ces méthodes et qui n’en sont pas satisfaits.” Alors que Meetic affirme
vouloir remettre de la magie et du lien
social dans la vie des gens, Guerda de
Haan estime que ces canaux-là ne
conviennent pas lorsque l’on cherche
une relation stable et durable.
Reste que bénéficier des bons offices
de Guerda de Haan a toutefois un
coût non négligeable : 3 000 euros par
an. Le prix du sérieux, affirme-t-elle,
car les candidats prêts à consentir à
une telle dépense sont indéniablement motivés. Pour la fondatrice de
l’agence matrimoniale, les affinités
ne sont d’ailleurs pas liées à l’argent,
mais aux goûts et au niveau culturel.
“J’ai marié un artiste et une femme d’affaires. Sur le papier, ils venaient de
milieux très différents. Mais ils se retrouvaient sur la culture et la manière de
vivre. Mon travail consiste à identifier
ces atomes crochus.”
Paradoxalement, à une époque qui
valorise la spontanéité d’une
rencontre et le romantisme, les sites
autant que les agences matrimoniales
ressemblent à des tentatives de
revenir à une certaine rationalisation
de la vie amoureuse. Certes, les individus sont de plus en plus isolés et ils
cherchent à rompre la solitude. Le
panel de possibilités offertes aussi
bien par Internet que par les agences
ou les clubs de rencontre visent ainsi
à réintroduire du lien social dans le
quotidien de leurs adhérents. Mais les
individus ne s’orientent pas vers une
méthode ou une autre par hasard. Les
clients de l’agence Guerda de Haan
sont ainsi à la recherche d’un partenaire d’un niveau socioculturel similaire au leur. Les internautes qui
s’orientent vers Theotokos s’inscrivent dans un cadre chrétien. Les
membres de Gleeden savent qu’ils
ont affaire à des personnes mariées
intéressées par des aventures extraconjugales. Les individus partent
donc de critères de sélection relativement objectifs qu’ils emploient, tels
de filtres, pour trouver leur propre
perle rare.
“Ce qui est particulier avec Internet,
c’est qu’on voit le libéralisme en tant que
doctrine économique venir à l’assaut des
relations amoureuses, explique Pascal
Lardellier. Les principes de rendement,
de rentabilité, de marketing s’appliquent à la recherche de l’âme sœur.
Chacun devient son propre cyberagent
matrimonial et gère sa propre marque.”
Le branding s’inviterait-il dans la vie
intime ? Le business de la rencontre
refuse cette analyse presque cynique,
promettant magie et étincelles à ses
clients. En 2012, Meetic a ainsi vendu
du rêve pour un chiffre d’affaires de
près de 165 millions d’euros. J
La segmentation toujours
plus poussée du marché
relève d’une simple loi
sociologique, l’endogamie.
Les individus se rencontrent
et, souvent, se mettent en
couple avec des personnes
qui partagent leurs valeurs,
leurs centres d’intérêt
et leurs croyances
CHIFFRES RÉVÉLATEURS
Mass market
15 millions de célibataires, c’est le public
que cherchent à atteindre les quelque
2000 sites de rencontre sur le marché français. Selon une étude Ifop pour le magazine Femme Actuelle, 40 % des sondés se
disent prêts à s’inscrire, alors qu’ils
n’étaient que 14 % en 2004. Meetic, en
revanche, voit son chiffre d’affaires grignoté par les concurrents et perd 7,5 % par
rapport à 2011. Il atteint toutefois 41,6 M€
pour le premier semestre 2013 contre
41,2 M€ à la même époque en 2012.
Le nouvel Economiste - n°1667 - Cahier n°2 - Du 14 au 20 juin 2013 - Journal d’analyse & d’opinion paraissant le vendredi