Les rythmes circadiens d`activité chez les Hyménoptères
Transcription
Les rythmes circadiens d`activité chez les Hyménoptères
n° d'ordre 71-93 1993 THESE présentée devant l' Université Claude Bernard LYON I pour l'obtention du DIPLOME DE DOCTORAT Spécialité : Biométrie, Génétique et Biologie des Populations Formation doctorale : Analyse et modélisation des systèmes biologiques par Frédéric Fleury Les rythmes circadiens d'activité chez les Hyménoptères parasitoïdes de Drosophiles Variabilité, déterminisme génétique, signification écologique Soutenue le 9 mars 1993 devant la commission d'examen : MM. ALLEMAND R. C.R. CNRS Univ. Lyon I, BAKKER K. Prof. Univ. Leiden (Pays-Bas), BOULETREAU M. Prof. Univ. Lyon I, CARTON Y. D.R. CNRS Gif-sur-Yvette, COMBES C. Prof. Univ. Perpignan, DEBOUZIE D. Prof. Univ. Lyon I, RIBA G. D.R. INRA La Minière , 1 Directeur Rapporteur Directeur Examinateur Rapporteur Examinateur Rapporteur Introduction LABORATOIRE DE BIOMETRIE, GENETIQUE ET BIOLOGIE DES POPULATIONS - URA CNRS 243 UNIVERSITE CLAUDE BERNARD - LYON I 43 Bd du 11 Novembre 1918 69622 Villeurbanne 2 Introduction Je remercie tout particulièrement Monsieur le Professeur M. Boulétreau de m'avoir accueilli dans son laboratoire et d'avoir bien voulu accepter la responsabilité de ma formation. Sa constante disponibilité, la qualité de ses conseils dans de nombreux domaines et son soutien moral pendant les moments difficiles que rencontre tout jeune chercheur m'ont permis de mener à bien ce travail dont il est à l'origine. Qu'il trouve ici le témoignage de ma profonde reconnaissance. Monsieur R. Allemand, Chargé de Recherche au CNRS et co-directeur avec M. Boulétreau de cette thèse, a guidé mes premiers pas dans le domaine de la chronobiologie. Je tiens à le remercier pour nos longues discussions qui m'ont été d'une grande utilité pour la mise au point des protocoles et l'interprétation des résultats. Je le remercie également pour les souches d'insectes parasitoïdes qu'il a bien voulu piéger dans la nature. Qu'il soit ici assuré de toute ma gratitude. Messieurs les Professeur K. Bakker et C. Combes, ainsi que Monsieur G. Riba, Directeur de Recherche à l'INRA, m'ont fait l'honneur de participer à ce jury et ont accepté la lourde tâche d'être rapporteurs de cette thèse. Je tiens à leur exprimer toute ma reconnaissance. Je remercie Monsieur le Professeur D. Debouzie d'avoir bien voulu juger ce travail. Ses conseils en analyse multivariée et les remarques constructives qu'il a formulées après la lecture de mon manuscrit ont été pour moi d'une grande utilité. Malgré ses lourdes responsabilités, Monsieur Y. Carton, Directeur de Recherche au CNRS, a bien voulu accepter d'être présent dans ce jury. Je souhaite qu'il trouve ici l'expression de mes sincères remerciements pour l'intérêt qu'il a porté à mon travail au cours de nos rencontres annuelles lors des journées des entomophagistes. C'est avec une attention toute particulière que j'adresse mes remerciements à Monsieur P. Fouillet, Ingénieur CNRS, qui a été étroitement associé à mes travaux de recherche. C'est à lui que revient en grande partie la réalisation du système de mesure automatisé des rythmes d'activité. Il a été pour moi un conseiller permanent et je lui dois l'aspect informatique et statistique de ma formation doctorale. J'aimerais qu'il trouve ici l'assurance de ma profonde amitié. Je remercie chaleureusement Claude Arnault pour son soutien moral lors de la difficile étape de la rédaction. Elle a gentiment accepté d'effectuer une lecture du manuscrit et m'a ainsi permis d'en améliorer la qualité. C'est pour moi un plaisir de lui témoigner toute ma sympathie et mon amitiée. Mes remerciements vont également à Mesdames Mestre et Terrier pour leur aide dans les élevages et les tâches quotidiennes ainsi qu'à Messieurs Malet et Basso-bert qui ont entièrement réalisé la partie mécanique de l'unité de translation motorisée. Josselyne Boulétreau, Jeannine Van Herrewege et Christian Biémont ont contribué à rendre agréables ces années passées au laboratoire. Je les en remercie chaleureusement. Merci également à Misou et Sophie qui ont gentiment réalisé la saisie informatique de la partie bibliographique de ce mémoire. Je remercie Fabrice Vavre que j'ai eu le plaisir d'encadrer pendant deux mois et qui m'a apporté son aide pour réaliser les expériences sur le multiparasitisme, lourdes à mettre en œuvre. Il m'est agréable de saluer tous mes collègues du laboratoire de génétique des populations à qui je laisse sans regret le "bâton de pélerin" du jeune thésard. Amitiés à Corinne, François, Isabelle, Pili ... Enfin, je souhaite que tous mes proches trouvent ici le témoignage de ma profonde reconnaissance pour leur soutien moral et matériel. A Carole qui a du supporter mes 3 Introduction absences et mes humeurs. Je remercie particulièrement mes parents qui m'ont toujours encouragé et soutenu dans mes études. A Cath, Béa, Carmen et Dan. 4 Introduction Résumé En réponse aux facteurs de l'environnement qui varient avec une périodicité de 24 heures, les êtres vivants ont développé des rythmes d'activité dont les différentes phases, établies en fonction de leurs exigences physiologiques et écologiques, sont en partie déterminées par des mécanismes endogènes (rythmes circadiens). Cette organisation temporelle de l'activité à l'échelle du nycthémère est un élément important de la structure des communautés et son rôle dans le fonctionnement et l'évolution des peuplements d'insectes parasitoïdes reste mal connu. Son étude a été abordée sur les complexes parasitaires des Drosophiles. Un dispositif de mesure des rythmes adapté aux insectes parasitoïdes a été mis au point. Entièrement automatisé et fondé sur l'analyse d'images vidéo, ce système permet de mesurer individuellement et en temps réel, l'activité d'un grand nombre d'individus grâce à l'automatisation des déplacements de la caméra (120 individus avec 12 relevés par heure). Les différentes espèces de parasitoïdes de drosophiles étudiées montrent des rythmes d'activité locomotrice très nets dont le détermisme est endogène (persistance des rythmes en obscurité permanente). En LD 12:12, d'importantes variations du taux d'activité et de la phase des pics ont été mises en évidence entre espèces. Dans la région lyonnaise, les femelles de Asobara tabida sont très actives, principalement en début de photophase, alors que les deux espèces du genre Leptopilina le sont beaucoup moins : L. heterotoma se déplace uniquement l'après-midi alors que L. boulardi montre une activité maximale en début de nuit. L'activité des femelles de Pachycrepoideus vindemmiae est beaucoup plus régulièrement répartie sur toute la durée de la photophase. Chez L. heterotoma, l'étude de cinq populations naturelles a révélé l'existence d'importantes différences de rythmes entre individus d'origine géographique différente. Les populations du bassin méditerranéen montrent un profil bimodal avec un pic en début et en fin de photophase alors que les populations plus septentrionales (région lyonnaise, Hollande) ne présentent qu'un seul pic d'activité, l'après-midi. L'analyse de ces variations (croisements réciproques F1 et back cross) a démontré leur déterminisme génétique. La forte variabilité des rythmes entre individus d'une même population semble elle aussi être d'origine génétique. La discussion porte sur les différents facteurs sélectifs responsables de ces variations ainsi que de leur maintien. La signification écologique des rythmes a été recherchée par l'analyse de trois situations naturelles où plusieurs espèces de parasitoïdes sont en compétition pour les mêmes espèces d'hôtes. Dans tous les cas, un très net déphasage d'activité entre espèces sympatriques apparaît suggérant un partage des hôtes sur la base temporelle circadienne, dont l'avantage sélectif pour l'espèce la moins compétitive a été démontré. La compétition interspécifique semble donc être un des facteurs sélectifs ayant contribué à la différenciation de populations à rythmes d'activité différents. Cette ségrégation temporelle systématique des activités joue probablement un rôle dans la diversité des communautés d'insectes parasitoïdes. Les rythmes circadiens d'activité apparaissent comme un élément important du fonctionnement des associations hôte-parasitoïde, dont la prise en compte dans les programmes de lutte biologique est à considérer. 5 Introduction Summary Activity circadian rhythms of Drosophila hymenopterous parasitoids : variability, genetic determinisms and ecological significance. In response to environmental factors which vary with a 24 h periodicity, most organisms have developed activity rhythms, which are partly controlled by an endogenous oscillation (circadian rhythms). This temporal organization of individual activity is not only a response to the daily variations in physical factors such as light-dark periodicity and the associated cycles, but activity rhythms are also involved in the interand intraspecific interactions between organisms. The circadian rhythms of activity are therefore an important component of the structure of communities, but in most cases their role is poorly documented. The ecological significance of the activity rhythms was investigated in an insect host-parasitoid association using parasitoids of drosophila as biological model. Up to now, the circadian rhythms of activity of parasitoid insects have not been studied despite the numerous studies performed on these natural enemies which contribute to the regulation of the populations of phytophagous insects. The activity rhythms were studied using video equipment and image analysis device which allow to measure automatically and continuously the spontaneous locomotor activity of different parasitoid species. Under LD 12:12, Drosophila parasitoids show a clear rhythm of activity controlled by endogenous component (rhythms persist in constant darkness). In most species, rhythms are different in sexes. The activity of males occurs mostly during the first hours of the photophase, whereas in females a great diversity in rhythms appears among species. None of the four studied french species show similar rhythms. Asobara tabida females are highly active with a peak at the beginning of the day ; Leptopilina species are less active, mostly during afternoon for L. heterotoma, and at the beginning of the night for L. boulardi. In Pachycrepoideus vindemmiae females, the activity is more or less continuous all over the photophase. This diversity of rhythms among females could be related to the diversity of parasitic habits of the species : the three first ones, parasitoid of larvae, have different strategies in host searching behaviour, and P. vindemmiae parasitizes the pupal stage of drosophila. Females of the same species show also strong variations in their locomotor activity rhythms. Among five populations of L. heterotoma, two different kinds of profiles were observed. The two mediterranean populations (Tunisia and Antibes) show two peaks of activity at the beginning and the end of the photophase, whereas more northern populations (Lyon and Holland) are mostly active during the afternoon. Reciprocal crosses between French and Tunisian strains have demonstrated the genetic basis of these variations whith a biparental determinism. The genetical studies have also demonstrated the existence of genetic variations between females of the same origin. It is likely that the activity rhythms are subject to selective pressures leading parasitoids to adapt the temporal organization of their behaviour to the local environmental conditions. The activity rhythms appear as an important dimension of the ecological niche of species, which must be taken into account when analysing the interactions between organisms. The ecological significance of the activity rhythms of parasitoids was investigated in three natural situations, where two species are competing for the same host species. In all three cases, the rhythms of the sympatric parasitoids are asynchronous, thus suggesting that the competing species can share their hosts on a circadian temporal basis. Experiments have demonstrated that this phase shifting can enhance the fitness of the weaker competitor when its activity occurs at first (multiparasitism experiments). This 6 Introduction temporal segregation in the activitiy of competing species could restrict the competitive interactions in the field and thus contribute to the species diversity in parasitoid associations. 7 Introduction Sommaire Introduction 1 Chapitre 1 : Biologie des parasitoïdes de drosophiles et protocoles expérimentaux 7 1- Biologie des hyménoptères parasitoïdes des drosophiles 7 2- Espèces et souches utilisées 2-1 Asobara tabida 2-2 Leptopilina heterotoma 2-3 Leptopilina boulardi 2-4 Pachycrepoideus vindemmiae 10 10 10 11 11 3- Elevage des souches 3-1 Elevage des hôtes 3-2 Elevage des parasitoïdes 11 11 12 4- Mesure du rythme d'activité locomotrice : principe et conditions d'expérimentation 4-1 Principe de mesure 4-2 Enceintes d'expérimentation 4-3 Conditions physiologiques des insectes parasitoïdes pendant les mesures 4-4 Conditions de lumière et de température 12 12 12 13 14 5- Présentation et analyse statistique des résultats 5-1 Courbe brute d'activité 5-2 Courbe moyenne d'activité (jour moyen) 5-3 Profils d'activité 5-4 Quantité ou taux d'activité 5-5 Période endogène du rythme d'activité 14 14 14 16 16 17 6- Mesure des paramètres de l'efficacité parasitaire 6-1 Protocole de mesure 6-2 Degré d'infestation 6-3 Succès parasitaire 17 17 18 18 Chapitre 2 : Système de mesure automatique des rythmes d'activité des insectes par analyse d'images vidéo 1- L'enregistrement vidéo : appareillage et mises au point techniques 8 23 24 Introduction 2- L'analyse d'images vidéo : principe, matériel et fonctionnement 26 3 - Automatisation du déplacement de la caméra 3-1 Chassis de translation 3-2 Unité de commande électronique 28 30 30 4- Mesure de l'activité locomotrice : le logiciel ACTIV 4-1 Principe 4-2 Mesure de l'activité par le programme ACTIV 31 31 33 5- Détermination des paramètres de mesure 5-1 Choix du paramètre de mesure 5-2 Nombre de relevés par heure 36 36 36 6- Avantages et limites du système de mesure par analyse d'image 6-1 limites de la méthode 6-2 Avantages de la méthode 37 37 38 Chapitre 3 : Les rythmes circadiens d'activité locomotrice des parasitoïdes de Drosophiles : caractérisation et diversité 1- Les rythmes d'activité locomotrice des parasitoïdes de drosophiles sous photopériode LD 12:12 1-1 Asobara tabida 1-2 Leptopilina heterotoma 1-3 Leptopilina boulardi 1-4 Pachycrepoideus vindemmiae 1-5 Conclusions 2- Effets des variations du régime lumineux et déterminisme endogène des rythmes d'activité 2-1 Activité locomotrice en absence de facteurs d'entraînement : expériences de libre cours 2-2 Rythmes d'activité locomotrice avec simulation de l'aube et du crépuscule 2-3 Rythme d'activité sous photopériode LD 16:8 2-4 Conclusions 41 42 42 45 46 48 49 49 49 55 56 58 3- Stabilité temporelle des souches et des populations naturelles 3-1 Stabilité temporelle des souches élevées au laboratoire 3-2 Stabilité temporelle des populations naturelles 3-3 Conclusions 58 58 60 60 4- Etude des rythmes d'émergence des parasitoïdes adultes 4-1 Protocole de mesure 4-2 Résultats 4-3 Conclusions 62 62 62 64 9 Introduction 5- Conclusions générales 64 Chapitre 4 : Analyse génétique des rythmes d'activité locomotrice et de la capacité d'infestation des femelles chez L. heterotoma 71 1- Variabilité des rythmes d'activité et de la capacité d'infestation des femelles entre populations de L. heterotoma 1-1 Profils d'activité 1-2 Taux d'activité 1-3 Capacité d'infestation 1-4 Conclusions 73 73 79 80 81 2- Analyse génétique des différences entre les souches française (Ste Foy) et Tunisienne (Nasrallah) de L. heterotoma 2-1 Protocole expérimental 2-2 Test d'interfertilité entre les souches lyonnaise et tunisienne 2-3 Etude de la capacité d'infestation 2-4 Etude des rythmes d'activité locomotrice 2-5 Conclusions 81 81 82 84 87 91 3 - Analyse génétique de la variabilité inter-individuelle 3-1 Protocole expérimental et traitements statistiques des données 3-2 Profils d'activité 3-3 Taux d'activité 3-4 Période endogène 3-5 Conclusions 92 92 93 96 97 98 4- Conclusions générales 98 Chapitre 5: Effets de différents facteurs biotiques internes sur les rythmes d'activité des parasitoïdes 103 1- Effet du jeûne sur les rythmes d'activité locomotrice 1-1 Protocole expérimental 1-2 Résultats 1-3 Conclusions 104 104 104 106 2- Effet de l'insémination des femelles sur les rythmes d'activité locomotrice 2-1 Protocole expérimental 2-2 Résultats 2-3 Conclusions 107 107 107 108 10 Introduction 3- Effet de la nature de l'hôte sur l'activité locomotrice et l'activité parasitaire des femelles parasitoïdes 3-1 Protocole expérimental 3-2 Résultats 3-3 Conclusions 109 109 110 115 4- Conclusions générales 115 Chapitre 6: Signification écologique et valeur adaptative des rythmes circadiens d'activité des parasitoïdes 1- Relations entre activité locomotrice spontanée et activité parasitaire 1-1 Cinétique des infestations 1-2 Organisation des infestations dans le nycthémère 1-3 Relation entre taux d'activité et potentiel d'infestation 1-4 Conclusions 2- Rôle des rythmes circadiens d'activité dans la compétition entre espèces de parasitoïdes 2-1 Comparaison des rythmes circadiens d'activité locomotrice entre espèces de parasitoïdes sympatriques 2-2 Rôle des rythmes d'activité dans la compétition interspécifique en cas de multiparasitisme 3- Conclusions générales 121 124 124 126 128 128 129 129 132 135 Discussion et conclusions générales 141 - Mise en évidence et diversité des rythmes circadiens d'activité chez les insectes parasitoïdes 141 - Variabilité génétique des rythmes circadiens d'activité des parasitoïdes de drosophiles 143 - Rôle des rythmes circadiens d'activité dans le fonctionnement des associations hôte-parasitoïde 145 - Applications possibles de l'étude des rythmes en lutte biologique 148 - Perspectives 150 Références bibliographiques 151 11 Introduction Introduction Depuis l'apparition de la vie sur terre, l'alternance des jours et des nuits due à la rotation de notre planète (nycthémère) a constitué le cadre évolutif de la plupart des organismes, exception faite de quelques cas particuliers (espèces des fosses océaniques par exemple). En réponse à ces variations périodiques des facteurs de l'environnement (photopériode et cycles associés), les êtres vivants ont développé des phases d'activité et de repos déterminées par leurs exigences physiologiques et écologiques. Chez les animaux, on distingue ainsi des espèces diurnes, nocturnes ou crépusculaires dont l'activité est parfois concentrée uniquement pendant quelques heures du nycthémère. Les comportements se répètent, le plus souvent, de façon similaire aux mêmes heures de la journée, faisant apparaître de véritables "habitudes journalières". Ces rythmes d'activité, observés dans la plupart des groupes zoologiques (Mills, 1973 ; Palmer, 1974 ; Saunders, 1977 ; Aschoff, 1981), ont été beaucoup étudiés chez les insectes (voir Saunders, 1982 pour une synthèse). La persistance des rythmes d'activité en absence de toute information temporelle externe a conduit à émettre l'hypothèse que les êtres vivants possédaient le "sens du temps", idée parfois combattue par les partisans d'un déterminisme exclusivement exogène (Brown et al., 1970). Les nombreux travaux réalisés dans le domaine de la physiologie et de la génétique en chronobiologie (Bünning, 1967 ; Aschoff, 1981 ; Saunders, 1982 ; Hall, 1990) ont maintenant clairement établi que les rythmes d'activité des organismes placés dans un environnement homogène (expérience de libre cours) sont le reflet d'une oscillation interne qui correspond à une véritable mesure physiologique du temps. Ce mécanisme, comparable à celui d'une horloge, d'où le nom "d'horloge biologique", montre une période proche mais rarement égale à 24 heures, ce qui a conduit à qualifier de circadiens les rythmes gouvernés par un tel système. Dans la nature, les rythmes d'activité sont donc le résultat de l'interaction entre cette composante innée, propre à chaque individu (l'oscillation endogène), et les facteurs de l'environnement. Ils expriment alors une période d'exactement 24 heures, résultat de la synchronisation de l'oscillation endogène aux variations cycliques des facteurs du milieu liés à la rotation de la terre : les rythmes circadiens sont entraînés par les facteurs périodiques de l'environnement. Les rythmes circadiens d'activité ont une signification écologique beaucoup plus importante que les simples réponses directes aux facteurs externes. Ils reflètent en effet une organisation temporelle des comportements, signe d'une adaptation aux variations périodiques de l'environnement. L'intérêt d'un déterminisme endogène est interprété en terme de préparation, à relier à la prévisibilité de l'environnement, permettant aux organismes une réponse anticipée aux variations périodiques externes (Enright, 1970). L'oscillation endogène détermine donc, plus ou moins directement, la chronologie des comportements et assure leur synchronisation avec les facteurs auxquels ils sont censés 12 Introduction répondre (présence éphémère de nourriture, conditions abiotiques favorables, activité d'un congénère, etc.). L'organisation temporelle de l'activité à l'échelle du nycthémère est dans ce contexte un élément important de la structure des communautés et constitue une composante de la niche écologique des espèces. Cependant, si l'aspect causal des rythmes d'activité a fait l'objet de nombreuses recherches en chronobiologie, leur aspect fonctionnel à l'échelle de la communauté reste peu étudié. Le rôle des rythmes d'activité dans le fonctionnement et l'évolution des peuplements a cependant été souligné dans différents systèmes biologiques (voir Daan, 1981, pour une revue). Chez la mouche du fruit Dacus tryoni par exemple, les rythmes circadiens sont à la base de la synchronisation de l'activité sexuelle des individus ce qui augmente la probabilité de rencontre d'un partenaire (Tychsen et Fletcher, 1971). Des différences entre espèces sont connues pour être à l'origine d'isolement génétique et on peut facilement concevoir que les rythmes puissent être impliqués dans des processus de spéciation sympatrique. Chez les organismes parasites, un très bel exemple est donné par les microfilaires parasites de l'homme (Wuchereriabancrofti) qui s'accumulent principalement dans les poumons mais migrent périodiquement au niveau de la circulation périphérique au moment où les insectes vecteurs (moustiques) prennent leur repas de sang (Hawkins, 1973). Le rôle des rythmes d'activité a également été évoqué dans les relations de compétition (Schœner, 1974 ; Pianka, 1978), les relations proies-prédateurs et plantesinsectes pollinisateurs (Curio, 1976 ; Daan, 1981). Cette organisation temporelle reste malgré tout peu étudiée et il est probable qu'elle fasse l'objet de préoccupations futures comme tendent à le prouver et à le souligner de récents articles (Pahl-Wostl, 1990 ; Morris, 1990 ; Mitchell et Arthur, 1990). Les rythmes d'activité apparaissent comme un élément important à prendre en compte lorsque des relations étroites lient deux organismes. Chez les insectes, c'est le cas des systèmes hôte-parasitoïde où l'association met en jeu des espèces taxonomiquement proches dont l'une, appelée parasitoïde (Reuter, 1913), montre un mode de vie intermédiaire entre le parasitisme et la prédation. Ces insectes parasitoïdes sont en effet caractérisés par des stades préimaginaux à mode de vie parasitaire suivis d'une vie adulte, libre, au cours de laquelle les femelles se comportent comme des prédateurs. A l'état adulte, les femelles recherchent activement leurs hôtes (œufs, larves ou nymphes d'autres insectes) dans ou sur lesquels elles pondent un ou plusieurs œufs. L'hôte est consommé par les larves des parasitoïdes qui vivent pendant un certain temps en parasites (parasites protéliens, Askew, 1971). L'issue du parasitisme est cependant fatale soit pour l'hôte (succès du parasitisme), soit pour le parasitoïde (réponse immunitaire de l'hôte) soit pour les deux protagonistes (mauvaise adéquation) qui peuvent alors mourir à plus ou moins brève échéance. En tuant leurs hôtes, les insectes parasitoïdes jouent un rôle important dans la limitation des populations d'insectes et sont à ce titre utilisés en agronomie pour lutter contre les ravageurs des cultures. Le comportement de recherche des hôtes est une étape clé dans le fonctionnement des systèmes hôtes-parasitoïdes puisque son efficacité conditionne l'importance de la 13 Introduction descendance des femelles parasitoïdes donc leur capacité à réguler les populations d'insectes. Les mécanismes responsables de la rencontre des deux partenaires ont fait l'objet de très nombreux travaux (théoriques et appliqués) dominés par la recherche des informations chimiques et physiques utilisées par les femelles pour localiser leurs hôtes (Vinson 1981 et 1984 ; Weseloh, 1981 ; Van Alphen et Vet, 1986 ; Vet et Dicke, 1992). La coïncidence temporelle des deux partenaires est un facteur important du succès de la rencontre entre hôte et parasitoïde mais jusqu'ici, seul l'aspect saisonnier semble avoir été considéré (Griffiths, 1969 ; Hoy, 1978 ; Lawton, 1986 ; Hertlein, 1986). La nécessité de prendre en compte les rythmes circadiens a été soulignée par Chambers (1977) et Vinson (1981), mais ce champ d'investigations est resté vierge probablement à cause de la difficulté des études chronobiologiques qui demandent un suivi en continu, sur plusieurs jours, de l'activité des individus. Des questions importantes se posent pourtant dans différents domaines. Hôtes et parasitoïdes montrent-ils tous deux des rythmes circadiens d'activité, quels sont leurs déterminismes ? Existe-t-il des variations intraspécifiques des rythmes ? Quel est le degré de synchronisation de l'activité des deux partenaires ? Les hôtes peuvent-ils, par des rythmes différents, éviter les attaques des parasitoïdes par création d'un refuge temporel, mécanisme reconnu comme pouvant contribuer à la stabilité du système (Griffiths, 1969 ; Hassell et May, 1973) ? Les rythmes circadiens d'activité jouent-ils un rôle dans la spécificité parasitaire ? Comment des espèces en compétition pour les mêmes hôtes organisent-elles leur activité au sein du nycthémère ? Un partage temporel des ressources est-il possible ? Nous avons recherché des réponses à une partie de ces questions chez les insectes parasites des drosophiles qui constituent un des principaux modèles d'étude des relations hôte-parasitoïde. Ces hyménoptères ont en effet l'avantage d'infester des hôtes sur lesquels de très nombreuses connaissances sont disponibles (physiologique, génétique, écologique) tout en présentant une grande facilité d'élevage. Le rôle des rythmes circadiens d'activité dans le fonctionnement de ces associations parasitaires a été abordé sous l'angle de l'écologie évolutive par la mesure de différentes espèces de parasitoïdes de drosophiles ainsi que par la recherche de variations génétiques intraspécifiques des rythmes. Une part importante du travail a consisté à mettre au point un système de mesure automatisé des rythmes d'insectes de petite taille. Cette étude porte essentiellement sur les rythmes d'activité locomotrice spontanée. Parallèlement, plusieurs paramètres du potentiel reproducteur des femelles ont été mesurés afin de recueillir des éléments d'information utiles pour l'interprétation des phénomènes étudiés. Les résultats de ces études seront présentés dans six chapitres. Les deux premiers chapitres décrivent la méthodologie employée. Le chapitre 2 concerne plus particulièrement le système de mesure mis au point dont la description détaillée a semblé nécessaire compte tenu de son originalité et de sa performance (mesure en temps réel par analyse d'images vidéo). Le chapitre 3 présente les résultats de base : description des rythmes d'activité et recherche d'une horloge biologique endogène. L'étude des mécanismes physiologiques (neurologiques ou endocrines) du fonctionnement de ces rythmes n'a pas été abordée car elle n'était pas l'objectif de ce travail. Les efforts se sont portés sur la comparaison des différentes espèces formant les complexes de parasitoïdes associés aux drosophiles. 14 Introduction Les chapitres 4 et 5 concernent la recherche de variations intraspécifiques d'ordre génétique (chapitre 4) et épigénétique (chapitre 5). L'étude génétique a plus particulièrement été développée. Enfin, le rôle écologique et la valeur adaptative des rythmes circadiens d'activité sont discutés dans un sixième chapitre centré sur le rôle des rythmes dans les relations de compétition entre parasitoïdes sympatriques. 15 Chapitre 1 Biologie des parasitoïdes de drosophiles et protocoles expérimentaux Les insectes parasitoïdes tiennent une place importante dans le monde vivant puisque, selon May (1991), ils constituent 10% de toutes les espèces de métazoaires présentes sur la planète. Les recherches réalisées sur ce groupe d'organismes comportent différentes approches. Mises à part les études appliquées réalisées dans le domaine de la lutte biologique, les insectes parasitoïdes ont fait l'objet de nombreuses études de biologie évolutive que suscite tout système parasitaire dont l'intérêt est d'associer deux partenaires vivant en "harmonie" malgré l'effet défavorable du parasite (Price, 1980 ; Carton, 1984 ; Boulétreau, 1986 ; Toft et al., 1991). Ces insectes ont également beaucoup été utilisés pour développer des modèles mathématiques en dynamique des populations (Hassell et May, 1973 ; Hassell et Waage, 1984 ; Bernstein, 1986) ainsi que dans le domaine de l'écologie du comportement (behavioural ecology), discipline récente dont le principal objectif est l'interprétation des comportements des animaux sur la base de critères "d'optimalité" (Cook et Hubbard, 1977 ; Van Alphen et Galis, 1983 ; Janssen, 1989 ; Visser et al., 1992). Dans tous ces domaines, les parasitoïdes de drosophiles constituent un modèle d'étude privilégié utilisé par de nombreux chercheurs. 1- Biologie des hyménoptères parasitoïdes des drosophiles Les hyménoptères parasitoïdes de drosophiles sont tous des parasites protéliens solitaires : seuls les stades préimaginaux ont un mode de vie parasitaire (adultes libres) et l'hôte ne peut être à l'origine que d'un seul individu. La plupart des drosophiles sont attaquées par ces insectes dont la spécificité est variable selon les espèces. Les parasitoïdes adultes ne montrent pas d'importantes modifications morphologiques liées à leur mode de vie parasitaire durant les stades préimaginaux. Leur taille, liée à celle de leur hôte, varie entre 2 et 4 mm. Les parasitoïdes de drosophiles se divisent en deux groupes distincts : les parasitoïdes de larves, appartenant à plusieurs familles (principalement Braconidae et Cynipidae), et les parasitoïdes de pupes, classés dans deux familles différentes (Diapriidae et Pteromalidae). Selon Chabora (comm. pers.), de très nombreuses espèces resteraient encore à décrire. La plupart des études ont été réalisées sur les parasitoïdes de larves. Ce sont tous des endoparasitoïdes, dont le cycle de développement, semblable entre espèce, est représenté figure 1. Après la découverte et l'acceptation de leurs hôtes, les femelles, grâce à leur ovipositeur, pondent un œuf dans la cavité générale de la larve de drosophile (deuxième stade larvaire). L'œuf du parasite éclot après 24 à 48 heures, lorsque les drosophiles 16 Parasitoïdes de drosophiles et protocoles atteignent le troisième stade larvaire. Les premiers stades du parasite se développent en consommant l'hémolymphe des larves qui poursuivent normalement leur développement. Au moment de la métamorphose de leur hôte (stade pupe), le parasite tue la nymphe des drosophiles en la consommant entièrement avant de se transformer lui même en nymphe puis émerger. La durée de développement des parasitoïdes larvaires, variable selon les espèces et la température d'élevage, est à peu près deux fois plus élevée que celle des drosophiles (de l'ordre de 27 jours à 22 °C, figure 1). Les larves de drosophiles ont la possibilité de se défendre contre les attaques de leurs parasitoïdes en développant une réaction immunitaire (Carton et al., 1986 ; Rizki et al., 1990). Certaines cellules de l'hémolymphe sont en effet capables de reconnaître les corps étrangers autour desquels elles s'agglutinent de façon à former une capsule mélanique qui tue les œufs des parasitoïdes (mort par asphyxie ou d'inanition). Cette capsule persiste chez les drosophiles adultes ce qui permet d'identifier les mouches qui ont subi l'attaque d'un parasite. L'existence et l'intensité de la réaction immunitaire dépend du couple hôteparasitoïde considéré (Rizki et al., 1990). Les larves de drosophiles peuvent subir plusieurs attaques successives de la même espèce de parasitoïde (superparasitisme) ou d'espèces différentes (multiparasitisme), phénomène observé dans la nature par Van Strien-Van Liempt (1983) et Carton et al. (1987). L'hôtes ne pouvant être à l'origine que d'un seul parasitoïde adulte, les parasitoïdes surnuméraires sont éliminés par attaque physique, par suppression physiologique ou par blessures accidentelles (Fischer, 1961). L'issue de la compétition pour la possession de l'hôte est déterminée par la séquence des attaques ainsi que par la vitesse d'acquisition des ressources alimentaires. De nombreuses espèces de parasitoïdes sont cependant capables de reconnaître une larve saine d'une larve parasitée (Van Lenteren, 1976 ; Bakker et al., 1990). Ce mécanisme de discrimination, qui réduit le risque d'infester un hôte déjà parasité, ne semble cependant exister qu'au niveau intraspécifique, la discrimination interspécifique n'étant généralement pas observée (Van Strien-Van Liempt et Van Alphen, 1981 ; Turlings et al., 1985). 17 Chapitre 1 Enfin, il faut signaler que les parasitoïdes de drosophiles, comme beaucoup d'espèces d'hyménoptères, ont un mode de reproduction parthénogénétique. La plupart des espèces montrent une parthénogenèse arrhénotoque : les femelles, diploïdes, produisent, lorsqu'elles ne sont pas fécondées, une descendance exclusivement composée de mâles, haploïdes. D'autres types de parthénogenèse (deutérotoque ou thélytoque) ont été observés chez certaines espèces. Mises à part les connaissances biologiques de base rapidement résumées ci-dessus (voir Carton et al., 1986 pour une synthèse complète), les recherches effectuées sur les parasitoïdes de drosophiles ont concerné quatre axes principaux: - l'étude du comportement de recherche et d'acceptation des hôtes dominée par les travaux de L. Vet sur les stimuli chimiques et physiques impliqués dans la découverte des hôtes (voir Van Alphen et Vet, 1986 pour une revue) et par l'étude du superparasitisme (Bakker et al., 1972 ; Van Lenteren, 1976 ; Van Alphen et al., 1987). - des études théoriques sur le comportement des femelles lors de l'exploitation d'un "ilot" ou "patch" d'hôtes réalisées avec un double objectif : la recherche des mécanismes comportementaux jouant un rôle dans la dynamique des systèmes hôte-parasitoïde telles que les réponses densité-dépendantes (Van Lenteren et Bakker, 1978 ; Galis et Van Alphen, 1981 ; Van Alphen et Galis, 1983) ou le test d'hypothèses d'optimalité (théorie de "l'optimal foraging"), hypothèses selon lesquelles les organismes se comportent de façon à augmenter leur fitness (Janssen, 1989 ; Haccou et al., 1991 ; Visser et al., 1992). - l'étude génétique des interactions hôte-parasitoïde (Boulétreau et al., 1986 ; Boulétreau et Wajnberg, 1986 ; Carton et al., 1989 ; Mollema, 1991). Ces parasitoïdes constituent en effet un modèle unique pour l'étude des interactions génétiques entre hôtes et parasitoïdes du fait des connaissances accumulées dans ce domaine sur les drosophiles. Un certain nombre de travaux ont suggéré l'existence de mécanismes coévolutifs dans les interactions entre les deux partenaires de l'association (Carton, 1984 ; Boulétreau, 1986). - l'aspect immunitaire qui a fait l'objet de plusieurs études sur différentes espèces de parasitoïdes des larves (Nappi, 1975 ; Rizki et Rizki, 1984 ; Rizki et al., 1990 ; Carton et al., 1991b). Un cinquième axe de recherche relatif à l'écologie des parasitoïdes de drosophiles semble actuellement se développer. Seuls quelques travaux ont déjà été publiés dans ce domaine (Janssen et al., 1988 ; Driessen et Hemerick, 1991 ; Carton et al., 1991a ; Boulétreau et al., 1991a). 18 Parasitoïdes de drosophiles et protocoles 2- Espèces et souches utilisées Quatre espèces de parasitoïdes de drosophiles ont été étudiées : trois parasitoïdes de larves et un parasitoïde de pupes. 2-1 Asobara tabida Nees (Braconidae) Cette espèce a été piégée à Ste Foy-lès-Lyon (banlieue sud-ouest de Lyon) en 1989 et 1990 mais seule la souche fondée en 1989 a été étudiée. A. tabida se développe sur D. subobscura et D. melanogaster. Seule D. melanogaster montre vis-à-vis de cette espèce de parasitoïde une réaction immunitaire. A. tabida est présente dans de nombreux pays européens (Italie, France, Suisse, Pays-Bas) avec semble-t-il une dominante septentrionale. Elle est en effet incapable de se développer à des températures moyennes élevées (25°C par exemple, obs. pers.). Cette espèce infeste préférentiellement les larves de second stade qu'elle détecte par vibrotaxie (Vet et Van Alphen, 1985). En présence d'hôtes, les femelles de A. tabida restent immobiles plusieurs secondes pendant lesquelles elles captent les vibrations du substrat provoquées par les larves en mouvement. Grâce à ces informations, la femelle se positionne vers la source d'émissions et recherche la larve avec son ovipositeur. 2-2 Leptopilina heterotoma Thomson (Cynipidae) L. heterotoma est une espèce généraliste capable d'infester de nombreuses espèces de drosophiles (principalement D. subobscura, D. melanogaster, D. simulans, D. funebris, D. immigrans). Elle montre une répartition géographique étendue puisqu'elle se rencontre aussi bien en Suède qu'en Tunisie. L. heterotoma infeste préférentiellement les larves de second stade et contourne les défenses immunitaires de ses hôtes (Rizki et Rizki, 1990 ; Rizki et al., 1990). La stratégie de détection des larves est très différente de celle de A. tabida. Les femelles de L. heterotoma recherchent leurs hôtes de façon beaucoup plus aléatoire en sondant le substrat avec leur ovipositeur tout en se déplaçant (Vet et Van Alphen, 1985). Cinq populations ont été étudiées parmi lesquelles quatre ont récemment été piégées dans la nature : - Ste Foy-lès-Lyon piégée pendant quatre années consécutives, de 1989 à 1992 par R. Allemand. - Fontaines St Martin (banlieue nord-est de Lyon) piégée en 1991 par P. Fouillet. - Antibes piégée en 1991 par E. Wajnberg. - une souche originaire des Pays-Bas piégée en 1989 et fournie par J.J.M. Van Alphen. - une souche de Tunisie, piégée à Nasrallah en 1982 par Y. Carton, et conservée au laboratoire depuis cette époque. 19 Chapitre 1 2-3 Leptopilina boulardi (Eucoilidae) Barbotin, Carton et Kelner-Pillault L. boulardi est une espèce beaucoup moins généraliste que L. heterotoma (Carton et al., 1986) et semble inféodée à D. melanogaster et D. simulans. Cette espèce est présente dans des pays à climat méditerranéen ou subtropical (Floride, Tunisie, Sud de la France). En France, cette espèce n'a jamais été observée au nord de Montélimar (Boulétreau comm. pers.). Comme les deux espèces précédentes, L. boulardi infeste les premiers stades de développement de ses hôtes et peut être l'objet de réactions immunitaires qui restent limitées pour les souches étudiées (taux d'encapsulation inférieur à 5%). Le comportement de recherche des hôtes est très proche de celui de L. heterotoma sans être totalement identique (Vet et Bakker, 1985). En effet, L. boulardi semble également utiliser le mouvement des larves de drosophiles pour les localiser. Deux souches ont été étudiées : l'une récente, piégée à Antibes en 1991, et une seconde plus ancienne, piégée à Nasrallah (Tunisie) en 1982. 2-4 Pachycrepoideus vindemmiae Rondani (Pteromalidae) Cette espèce est un parasitoïde de pupes qui peut éventuellement parasiter des hôtes déjà infestés par un parasitoïde larvaire (hyperparasite facultatif). L'œuf est déposé entre la pupe et le puparium et la larve se développe plutôt en ectoparasite. P. vindemmiae est un parasitoïde de très nombreuses espèces de drosophiles (Carton et al., 1986). Sa répartition géographique reste encore mal connue ; les quelques éléments disponibles à ce sujet semblent néanmoins indiquer que la distribution de cette espèce est assez vaste puisqu'on la trouve dans de nombreux pays du globe (Etats-Unis, Mexique, France, Grande Bretagne, Italie, Afrique du Sud). La souche étudiée a été piégée en 1990 à Ste Foy-lès-Lyon. 3- Elevage des souches Les élevages ont été réalisés de façon à obtenir des émergences tous les 2 à 3 jours. Pour cela, des générations chevauchantes ont été mises en place pour les hôtes comme pour les parasitoïdes en réalisant 3 repiquages par semaine. Drosophiles et parasitoïdes ont été élevés dans la même pièce à une température de 22 ± 1°C et sous photopériode LD 12:12 (lumière de 8 à 20 heures). 3-1 Elevage des hôtes Deux souches de D. melanogaster (française et tunisienne) ont été conservées en masse. A chaque génération, une cinquantaine de couples sont mis à pondre dans un tube en plastique (2,5 cm de diamètre et 10 cm de haut) contenant environ 20 ml de milieu de culture composé principalement de farine de maïs, de levure et d'agar (David, 1959). Les adultes sont retirés des tubes après 2 à 3 jours, délai qui correspond à une ponte en accord avec la quantité de nourriture (pas de risque de "surpopulation"). A 22°C, la durée 20 Parasitoïdes de drosophiles et protocoles de développement préimaginal est de l'ordre d'une douzaine de jours. A chaque génération, 6 tubes de développement sont mis en route ce qui permet de produire chaque semaine un nombre d'adultes suffisant pour entretenir l'élevage des parasitoïdes et pour fonder la génération suivante de drosophiles. 3-2 Elevage des parasitoïdes Les parasitoïdes ont été élevés en masse sur D. melanogaster dans les mêmes tubes que ceux décrits précédemment. Des drosophiles sont mises à pondre dans de petites cages en plastique (20 à 30 couples par cage) sur un pondoir amovible de 3 cm de diamètre. Les œufs sont récoltés trois fois par semaine et les parents changés tous les 8 jours. Sans que les œufs soient précisément dénombrés, il est facile, à partir de ces pondoirs, de récolter environ 200 œufs qui sont ensuite déposés dans un tube de milieu. Dans chaque tube sont introduits 15 à 20 couples de parasitoïdes. Ce protocole d'élevage permet de controler la densité des individus dans chaque tube de développement. Après 10 à 12 jours, les drosophiles adultes issues des larves non parasitées sont éliminées afin d'éviter le développement d'une deuxième génération de drosophiles qui enfouiraient les pupes parasitées. Pour chaque souche et chaque espèce de parasitoïde, 6 tubes de développement sont mis en route à chaque génération. Un mélange entre tubes est effectué à chaque génération ce qui permet de conserver le maximum de variabilité génétique en limitant les risques de dérive. 4- Mesure du rythme d'activité conditions d'expérimentation locomotrice : principe et 4-1 Principe de mesure Le principe de mesure du rythme d'activité locomotrice des parasitoïdes est relativement simple puisqu'il consiste à déterminer à des intervalles de temps réguliers si les parasitoïdes adultes, en absence totale d'hôtes, se déplacent ou sont immobiles. L'activité de chaque individu est mesurée plusieurs fois par heure pendant plusieurs jours consécutifs par une variable de type binaire : 1 si le parasitoïde s'est déplacé, 0 s'il est resté à la même place pendant la durée de l'observation. Ces mesures ont été entièrement automatisées par la mise au point d'un système d'enregistrement fondé sur l'analyse d'images vidéo, dont le fonctionnement est décrit en détail dans le chapitre suivant. Toutes les expériences ont été effectuées en mesurant en continu (jour et nuit) l'activité locomotrice des insectes parasitoïdes 12 fois par heure pendant au moins 3 jours successifs. 4-2 Enceintes d'expérimentation Les enceintes d'expérimentation ont été construites en fonction des contraintes imposées par le système de mesure. Elles sont formées par la superposition de trois plaques (220 x 130 mm) de 2 mm d'épaisseur. La plaque du milieu, en polycarbonate 21 Chapitre 1 noir, est percée de 15 trous de 30 mm de diamètre qui définissent le volume des enceintes fermées par le bas et par le haut par deux plaques en verre (figure 2). Ce système forme 15 cellules solidaires où sont placés les insectes parasitoïdes pendant toute la durée de l'expérience. Un espace naturel entre les plaques est suffisamment important pour permettre la respiration des individus. Aucun problème de viabilité n'a été observé avec ce système. Un jeu de quatre groupes d'enceintes a été construit de façon à pouvoir étudier simultanément 60 individus. 2 mm Plaque en verre Plaque en polycarbonate noir 2 mm 2 mm Plaque en verre Figure 2 : Enceintes d'expérimentation utilisées pour mesurer les rythmes d'activité locomotrice des insectes parasitoïdes. Superposées les unes sur les autres, ces trois plaques forment un groupe de 15 cellules solidaires de 3 centimètres de diamètre. 4-3 Conditions physiologiques des insectes parasitoïdes pendant les mesures Les rythmes d'activité ont été mesurés sur des individus qui n'ont jamais été en contact avec des hôtes, ni avant, ni pendant les expériences (mesure de l'activité locomotrice spontanée). Les insectes parasitoïdes ont été étudiés après accouplement en présence de nourriture (miel) excepté lors des expériences ayant pour but l'étude de ce facteur. Toutes les expérimentations ont été réalisées en suivant rigoureusement le même protocole. Lors de la mise en route de l'expérience, des femelles âgées de quelques heures sont prélevées dans plusieurs tubes de développement puis placées avec des mâles dans un tube en verre où une quantité non limitante de miel est disponible. L'âge des femelles est contrôlé en utilisant des tubes de développement appartenant à un même lot (repiquage effectué à la même date) et en éliminant, la veille au soir, tous les individus déjà éclos. Après 2 à 3 heures de contacts entre mâles et femelles, les individus sont isolés dans les enceintes d'expérimentation contenant une goutte de miel et une goutte d'eau. Les mesures de l'activité des femelles débutent le jour même de l'émergence. Afin de maintenir une humidité stable pendant toute la durée de l'expérience, les unités qui forment les enceintes sont placées par groupes de deux dans un espace confiné 22 Parasitoïdes de drosophiles et protocoles (L = 36 cm, l = 24 cm, h = 2,5 cm) où 10 godets d'eau (7 ml) maintiennent une humidité proche de la saturation. Les mâles ont toujours été étudiés en même temps que des femelles. Du fait de leur durée de développement plus courte (Carton et al., 1986), les mâles utilisés pour les expériences étaient âgés de 24 heures. 4-4 Conditions de lumière et de température Les mesures sont réalisées dans une pièce climatisée à 22 ± 0,5°C totalement isolée de la lumière du jour (chambre noire). La photopériode est simulée par quatre tubes fluorescents de 18 Watts (OSRAM type lumière du jour, 60 cm) placés à 50 cm des enceintes d'expérimentation. Sous ces conditions, les insectes parasitoïdes reçoivent pendant la phase lumineuse un éclairement de 1400 lux et sont dans l'obscurité totale le reste du temps. Sauf cas contraires, les expériences ont été réalisées sous une photopériode LD 12:12 avec de brusques changements lumineux lors des transitions de phase. L'éclairage et l'extinction des tubes (à 8 et 20 heures) sont commandés par une horloge électronique (Multicomat P400). 5- Présentation et analyse statistique des résultats A partir du fichier brut de données composé exclusivement de 0 et de 1 (tableau relevés-individus), l'activité horaire de chaque individu a été calculée par le pourcentage de phases actives observées sur les 12 relevés effectués. A partir de ces taux horaires d'activité, deux catégories de courbes ont permis de représenter les rythmes d'activité locomotrice des insectes parasitoïdes. 5-1 Courbe brute d'activité C'est l'expression la plus proche des données brutes qui représente l'activité horaire des individus sur toute la durée de l'expérience (figure 3). Il est possible de déterminer sur ces courbes les phases d'activité et d'inactivité de chaque individu et ainsi de mettre en évidence une rythmicité des comportements individuels. 5-2 Courbe moyenne d'activité (jour moyen) A partir des courbes brutes d'activité, la moyenne du rythme, qui représente l'activité des parasitoïdes sur 24 heures (jour moyen), a été calculée pour chaque individu (figure 3). Cette représentation n'a de sens que si les organismes montrent une activité semblable d'un jour sur l'autre (nette rythmicité) ce qui est le cas pour toute les espèces de parasitoïdes étudiées. 23 Chapitre 1 Courbes brutes d'activité Courbes moyennes d'activité 100 Activité (%) 100 80 80 60 60 40 40 20 20 0 20 20 8 20 8 20 0 100 80 80 60 60 40 40 20 20 Activité (%) 38,7 % 0 8 100 0 20 Taux d'activité 8 20 8 20 Heures 8 0 20 4 8 12 16 20 24 33,6 % 0 4 8 12 16 20 24 Heures Figure 3 : Courbes brutes, courbes moyennes (jour moyen) et taux d'activité des rythmes de deux femelles de Asobara tabida. Pour chaque heure est donné le pourcentage de phase d'activité sur les 12 relevés effectués. La photopériode (LD 12:12) est représentée par l'alternance des bandes noires (nuit) et blanches (jour) au dessus des courbes. Cette courbe moyenne d'activité a toujours été établie avec les 3 jours qui suivent le premier jour de mesures afin d'éliminer la réaction des parasitoïdes à l'enceinte d'expérimentation ainsi que les éventuels effets de la manipulation des insectes. Ce jour moyen est calculé en effectuant pour chaque heure la moyenne arithmétique des 3 jours pris en compte. La représentation graphique de ces valeurs permet d'obtenir une courbe d'activité sur 24 heures (figure 3) sur laquelle deux informations différentes sont à distinguer : - le profil d'activité qui correspond à la forme de la courbe en relation avec les heures de la journée. - la quantité d'activité ou taux d'activité qui correspond à la fois à la durée et à l'intensité des déplacements. Pour un même profil d'activité, les individus peuvent être peu, moyennement ou très actifs. L'analyse des rythmes d'activité des insectes parasitoïdes a été effectuée à partir de ces courbes moyennes d'activité. Les comparaisons entre espèces, entre populations ou entre traitements différents ont porté sur le profil et la quantité d'activité analysés séparément par des techniques statistiques différentes. 24 Parasitoïdes de drosophiles et protocoles 5-3 Profils d'activité L'analyse des profils d'activité a été réalisée par Analyse Factorielle des Correspondances (Benzécri, 1973) sur les courbes moyennes d'activité. Cette méthode est particulièrement bien adaptée à l'analyse des rythmes d'activité (Allemand et al., 1984) qui sont à la fois décrits et comparés objectivement par la même analyse tout en prenant en compte la globalité des courbes. L'AFC permet en effet de quantifier chaque courbe individuelle (jour moyen) par une ou plusieurs variables qui peuvent ensuite être traitées par des méthodes statistiques classiques. Cette analyse a été utilisée chaque fois que le rythme d'activité de deux ou plusieurs groupes d'individus devaient être comparés. L'AFC est réalisée sur un fichier heures-individus qui contient l'activité des 24 heures du jour moyen. Les heures pour lesquelles aucune activité n'a été observée ont été éliminées de l'analyse ainsi que les individus totalement inactifs ou montrant une activité trop faible ce qui a été le cas pour certaines espèces. Un profil d'activité ne peut, en effet, être défini que pour les individus ayant été suffisamment actifs. Le seuil utilisé pour l'élimination est très peu restrictif puisqu'il suffit qu'un individu ait une activité minimale (1 relevé actif sur 12) réalisée pour les trois jours de mesure à la même heure pour qu'il soit conservé dans l'analyse. La courbe moyenne d'activité montre alors un pic d'activité de 8,3% pour une seule heure de la journée. Les résultats issus de l'AFC sont présentés sous la forme d'une carte factorielle définie par les deux premiers facteurs de l'analyse qui représentent près de 50% de la variabilité totale (environ 30% d'inertie pour le premier facteur, 20 % pour le second). Pour chaque analyse, les autres facteurs ont également été étudiés mais ils n'ont jamais apporté de nouvelles informations. Sur la carte factorielle sont portées pour chaque groupe d'individus l'ellipse correspondant à l'intervalle de confiance de la distribution des moyennes au niveau 95%. Des ellipses éloignées représentent des groupes d'individus dont les profils sont en moyenne différents, des ellipses superposées des groupes d'individus à profils semblables. A partir des coordonnées factorielles des individus, la signification des différences a, selon les cas, été testée soit par test t, soit par analyse de variance sur les deux premiers axes de l'analyse (analyse de variance classique ou multivariée). Sur chaque carte sont également représentées les heures permettant ainsi de comparer les profils d'activité. 5-4 Quantité ou taux d'activité Ce paramètre mesure l'intensité des déplacements par le pourcentage de relevés pour lesquels une activité a été détectée pour les 3 jours de mesure (864 relevés). Il permet de différencier les individus en fonction de l'importance des déplacements effectués (figure 3). Tous les individus étudiés, qu'ils soient actifs ou inactifs, sont pris en compte dans l'analyse. Les tests statistiques (test t ou analyse de variance) ont dans tous les cas été réalisés après transformation angulaire des données. 25 Chapitre 1 5-5 Période endogène du rythme d'activité De nombreuses méthodes permettent de rechercher une périodicité dans les séries temporelles (Broom, 1979 ; Legendre et Legendre, 1979 ; Enright, 1981). Sous conditions photopériodiques LD 12:12, les insectes parasitoïdes montrent un rythme d'activité locomotrice évident qui, entraîné par l'alternance jour-nuit, s'exprime avec une période de 24 heures (chapitre 3). La recherche d'une périodicité dans l'activité des parasitoïdes s'est révélée indispensable uniquement lors des expériences de libre cours (absence de facteurs d'entraînement) ayant pour objectif la mise en évidence de la nature endogène des rythmes. L'existence d'une activité périodique à l'obscurité ou à la lumière permanente a été recherchée par la méthode de Sokolove et Bushell (1978) qui permet à la fois de mesurer la période du rythme et de tester sa signification. Cette méthode utilise la distance du Chi Deux et permet de mesurer des périodes significatives sur des séries temporelles de durée assez courte. 6- Mesure des paramètres de l'efficacité parasitaire. L'étude des rythmes d'activité a été complétée dans un certain nombre de cas par la mesure de la capacité d'infestation des parasitoïdes en vue de déterminer le nombre de larves hôtes qu'une femelle est capable de parasiter quotidiennement. Les protocoles expérimentaux et les paramètres quantitatifs utilisés sont inspirés de ceux définis par Boulétreau et Fouillet (1982). 6-1 Protocole de mesure La capacité d'infestation des femelles n'a pas été mesurée par dissection des larves, méthode incompatible avec l'étude d'un grand nombre d'individus. Cette mesure a été réalisée de façon indirecte en dénombrant le nombre de drosophiles et de parasitoïdes qui émergent d'un tube de développement où a été placé un nombre connu de larves soumises aux attaques d'une femelle parasitoïde (Boulétreau et Fouillet, 1982). Les mesures sont réalisées individuellement à 22°C sous photopériode LD 12:12. Chaque femelle étudiée est placée avec un mâle dans une boîte de Pétri (55 mm de diamètre) en présence d'une capsule de milieu contenant une centaine de larves de drosophiles de deuxième stade. Leur nombre est controlé la veille de l'expérience en plaçant exactement 100 œufs de drosophiles sur chaque capsule. Les hôtes sont laissés à la disposition des femelles pendant 24 heures puis sont ensuite placés dans un tube de milieu du même type que ceux utilisés pour les élevages. Si les femelles sont étudiées plusieurs jours consécutifs, une nouvelle capsule contenant des larves saines remplace celle qui a été enlevée. Dans tous les cas, les femelles ont à leur disposition de la nourriture (miel). Les drosophiles et les parasitoïdes adultes qui émergent de chaque tube de développement sont dénombrés quotidiennement. A partir de ces valeurs peuvent être calculés deux paramètres différents: le degré d'infestation et le succès parasitaire. Le nombre de répétitions pour chaque modalité expérimentale varie en fonction des 26 Parasitoïdes de drosophiles et protocoles expériences et sera précisé au moment de la présentation des résultats. Dans tous les cas, au moins 10 femelles par modalité ont été étudiées. 6-2 Le degré d'infestation Cet indice mesure la proportion de larves parasitées par rapport au nombre d'hôtes disponibles quelle que soit l'issue du parasitisme (mort ou non du parasite). La différence entre le nombre initial d'œufs et le nombre de drosophiles adultes de chaque tube de développement surestimerait les infestations puisque n'est pas prise en compte la mortalité naturelle des drosophiles qui peut se produire aux différents stades de développement (œuf, larve, nymphe). Afin de limiter cette source d'erreur, le degré d'infestation a été calculé en prenant pour base le nombre moyen de drosophiles qui émergent de 10 tubes témoins (capsules non soumises au parasitisme) par la relation suivante : DIi = (T - Di) / T DIi = degré d'infestation de la femelle i T = nombre moyen de drosophiles qui émergent des lots témoins Di = nombre de drosophiles qui émergent du tube i Le taux d'émergence des drosophiles des lots témoins est toujours supérieur à 90% mais varie entre expériences. Un groupe de femelles témoins a donc été mesuré à chaque étude réalisée. 6-3 Le succès parasitaire Ce paramètre mesure la proportion de larves parasitées qui ont été à l'origine d'un parasitoïde adulte. Il est calculé à partir du nombre de parasitoïdes adultes récolté de chaque tube et du nombre de larves parasitées par chaque femelle estimé par les degrés d'infestation. Ce paramètre mesure l'adéquation entre le parasite et son hôte et permet de déterminer si l'espèce de drosophile est un "bon" hôte pour le parasitoïde. Le succès parasitaire est également calculé sous la forme d'une proportion de la façon suivante : SP i = P i / (T - Di) SP i = succès parasitaire de la femelle i Pi = nombre de parasitoïdes qui émergent du tube i T = nombre moyen de drosophiles qui émergent des lots témoins Di = nombre de drosophiles qui émergent du tube i Calculés de cette façon, le degré d'infestation et le succès parasitaire peuvent être mesurés sur la même femelle ce qui est impossible lorsque le nombre de larves parasitées est déterminé par dissection. De plus, cette méthode a l'avantage de mesurer le succès parasitaire sans avoir à suivre visuellement les femelles parasitoïdes pour connaître le 27 Chapitre 1 nombre de larves infestées ce qui permet l'étude simultanée d'un grand nombre d'individus. L'imprécision des mesures, due à l'estimation du nombre de larves réellement parasitées, est compensée par la multiplication des individus testés. De ce fait, l'interprétation des résultats doit tenir compte tenu des deux remarques suivantes: - il est possible d'obtenir un degré d'infestation non nul alors que la femelle n'a parasité aucune larve. Certains tubes vont en effet montrer un nombre de drosophiles légèrement inférieur à la valeur moyenne des tubes témoins. Ce phénomène n'a aucune incidence sur le calcul des degrés d'infestation (une valeur de 0,02 par exemple n'est pas très différente de 0 comparée à 0,8 ou 0,9). Ce n'est pas le cas pour le succès parasitaire qui va prendre une valeur nulle alors qu'aucune infestation n'a été réalisée. De façon à éliminer cette source d'erreur, seuls les tubes montrant un degré d'infestation supérieur à 10% ont été conservés pour calculer le succès parasitaire. - l'estimation du succès parasitaire sera d'autant plus précise que le degré d'infestation sera élevé (calculs réalisés sur un plus grand nombre de larves parasitées). Ainsi, pour les faibles degrés d'infestation, une certaine réserve est à formuler pour le succès parasitaire. 28 Chapitre 2 Système de mesure automatique des rythmes d'activité des insectes par analyse d'images vidéo L'étude des rythmes biologiques nécessite un suivi temporel quasi permanent des organismes difficilement envisageable sans l'utilisation d'un appareil de mesure automatisé. L'emploi d'un tel système devient incontournable lorsque l'objectif des études est la comparaison d'espèces ou de populations différentes (mesures précises réalisées simultanément sur un grand nombre d'individus). Le nombre de systèmes utilisés pour mesurer les rythmes biologiques est presque aussi grand que le nombre de caractères étudiés. Chez les insectes, l'étude des rythmes d'activité a été réalisée grâce à différentes techniques parmi lesquelles on peut reconnaître trois types de méthodes de mesures automatiques : - Les actographes mécaniques. Ils mesurent, pour la plupart, les rythmes d'activité locomotrice. Celle-ci est détectée grâce à un système de capteurs (électromagnétiques ou autres) qui mesure les déplacements d'un support mis en mouvement lorsque l'insecte est actif. Le support peut être du type balancier (Brady et Gibson, 1983) ou du type sphère ou "running wheel" (Lipton et Sutherland, 1970). Ce système ne s'applique qu'à des animaux dont la taille est suffisante pour mettre en mouvement le support. - Les actographes acoustiques. Ils enregistrent en continu l'activité sonore des insectes qui peut être soit "volontaire" comme le chant sexuel (Sokolove, 1975), soit la conséquence de l'activité locomotrice : vol (Jones, 1964 ; Hsiao, 1978) ou sauts (Greenwood et al., 1991). - Les actographes "optiques" ou "infra-rouge". Ils détectent l'activité des individus lorsque ceux-ci interrompent un faisceau infra-rouge. Ce système a l'avantage de pouvoir être utilisé pour mesurer l'activité locomotrice d'espèces très différentes avec la même précision. Chez les insectes, il a été utilisé pour mesurer l'activité des blattes (Page, 1990), des coccinelles (Nakamuta, 1987) ou des drosophiles (Allemand et al., 1989). Cependant, cette méthode ne permet pas de mesurer autre chose que les déplacements des animaux. Cette liste n'est pas exhaustive et de nombreux autres systèmes, plus anecdotiques, ont également permis de mesurer les rythmes d'activité des insectes (utilisation de la radioactivité, systèmes électrostatiques, etc). Il faut citer parmi les systèmes non automatiques l'observation visuelle souvent utilisée lorsque l'étude des rythmes d'activité n'est pas le premier centre d'intérêt des recherches. L'absence d'automatisation s'explique parfois par la complexité des caractères étudiés dont la mesure ne peut être 29 Chapitre 2 réalisée autrement que directement par l'expérimentateur. Enfin, la méthode du piégeage, malgré ses nombreux inconvénients, reste souvent la seule possible pour des études en conditions naturelles (Southwood, 1978 ; Brady et Crump, 1978 ; Van Etten, 1982). Cette technique permet de mesurer uniquement des rythmes d'activité à l'échelle spécifique ou populationnelle. L'objectif à long terme des recherches imposait l'utilisation d'un système permettant d'étudier non seulement les rythmes d'activité des parasitoïdes mais également ceux de leurs hôtes. De plus, il devait être possible de mesurer différentes espèces dont certaines sont de très petite taille comme par exemple les Trichogrammes (inférieurs à 0,5 mm) hyménoptères parasitoïdes également étudiés au laboratoire. Parmi les systèmes existants, aucun n'était réellement capable de remplir entièrement toutes ces conditions ce qui nous a conduits à développer un système de mesure automatique adapté aux insectes parasitoïdes. La conception puis la réalisation de ce système, fruit de la réflexion de toute une équipe, a pris pour base l'appareillage vidéo (caméra, moniteur, magnétoscope, ordinateur muni d'une carte vidéo) présent au laboratoire pour étudier le comportement des insectes parasitoïdes (Chassain, 1988 ; Mimouni, 1990). La mesure automatisée des rythmes d'activité a été possible grâce à l'emploi de procédés d'analyse d'images vidéo qui permettent la détection en temps réel des mouvements des insectes. La mise au point de ce système a consistée à développer un logiciel capable non seulement de mesurer les rythmes d'activité des parasitoïdes mais également de piloter les déplacements de la caméra afin d'étudier simultanément un grand nombre d'individus. 1- L'enregistrement techniques. vidéo : appareillage et mises au point La réalisation d'enregistrements de qualité était la condition préalable à l'utilisation de l'analyse d'images comme système de mesure de l'activité. Ces mises au point ont essentiellement consisté à trouver les meilleures conditions d'enregistrement possibles (compte tenu de certains impératifs biologiques) afin de donner le moyen à l'ordinateur de reconnaître un insecte sur une image vidéo et de rendre inutile la présence de l'expérimentateur. Pour cela, nous avons cherché à obtenir l'image d'un insecte qui se différencie nettement du fond de l'enceinte. La fabrication d'enceintes en verre (chapitre 1) a été la première étape dans l'obtention d'un contraste suffisant entre l'insecte et son substrat. Les étapes suivantes ont consisté à régler des problèmes de luminosité. L'utilisation d'une caméra sensible aux infra-rouges (caméra CCD Canon Ci 20 PR) a permis de filmer les insectes parasitoïdes de jour comme de nuit. Les enregistrements nocturnes ont été réalisés en utilisant des radiations non visibles par les insectes grâce à la construction d'une source infra-rouge n'émettant que des rayonnements de longueurs d'onde supérieures à 720 nm (figure 4). Cependant, la forte différence de luminosité entre la photophase (1400 lux environ) et la scotophase ne permettait pas de filmer les individus, en continu, avec la même ouverture d'objectif (saturation lumineuse lors du passage nuit-jour). 30 Système de mesure automatique P F P T V P T V A Figure 4 : Schéma de la source infra-rouge. A = ampoules 5 W montées en parallèle ; F = filtre infrarouge ; P = plaque en verre ; T = trou d'aération avec chicanes ; V = ventilateur. Cet obstacle à l'automatisation complète du système a été contourné en réalisant tous les enregistrements (diurnes et nocturnes) dans les mêmes conditions : seuls les rayonnements infra-rouges sont utilisés par la caméra, la lumière des néons n'étant pas prise en compte. Ceci a été possible grâce à deux artifices : - La mise en place, sur l'objectif de la caméra, d'un filtre du même type que celui utilisé pour la construction de la source infra-rouge (filtre Kodak 88a). Les radiations lumineuses de longueur d'onde inférieure à 720 nm ne sont donc pas utilisées pour les enregistrements diurnes. 31 Chapitre 2 - L'utilisation d'une source infra-rouge suffisamment puissante de façon à rendre négligeable le peu d'infra-rouges émis par les néons et non arrêtés par le filtre de la caméra. Pour cela, les enregistrements ont été réalisés par la méthode des "ombres chinoises" (champ infra-rouge uniforme placé sous les enceintes d'expérimentation, figure 5). Les rayonnements sont ainsi directement transmis à la caméra ce qui limite les déperditions d'énergie et améliore la qualité de l'image. Le contraste est alors maximal entre l'insecte, sombre, et le fond de l'enceinte, très lumineux. La construction d'un tapis lumineux constitué de 40 ampoules à incandescence (5 W, 255 Volts) riches en infra-rouges et montées en parallèle a permis d'obtenir un champ infra-rouge à la fois homogène et puissant (figure 4). Cette source lumineuse a été placée dans un caisson opaque à la lumière excepté le couvercle, constitué d'un filtre de gélatine Kodak (le même que celui utilisé pour l'objectif de la caméra) qui arrête 99% des radiations inférieures à 720 nm. Les problèmes de chaleur, dus à l'utilisation d'ampoules à incandescence et non compatibles avec la composition du filtre, ont été résolus par la construction d'une double ventilation (figure 4). Les fuites de lumière via les bouches d'aération ont été évitées par la mise en place d'un système de chicanes. Ces conditions d'enregistrement ont permis d'obtenir sur l'image vidéo des enceintes très claires dans lesquelles se trouve une tache sombre qui est l'insecte. La constitution des enceintes d'expérimentation (chapitre 1) fait que chaque enceinte est séparée des autres par une région sombre qui sera utilisée par l'ordinateur pour reconnaître les limites de chacune d'entre elles. 2L'analyse fonctionnement d'images vidéo : principe, matériel et L'analyse d'images consiste à traiter par informatique des signaux vidéo afin de faire faire à un ordinateur ce que réalise l'homme grâce à sa vision. Son domaine d'application est immense puisque cette technique est utilisée dans de nombreux secteurs tant industriels (détection de défauts dans une chaîne de production par exemple), que scientifiques (scintigraphie ou télédétection), voire militaires (guidage sur cible). L'image vidéo enregistrée par une caméra (signaux analogiques) est transformée en signaux numériques sur lesquels tous les calculs classiques peuvent être réalisés à l'aide de n'importe quel moyen informatique. Seules les informations nécessaires à la compréhension du fonctionnement du système de mesure des rythmes sont exposées ici. Le fonctionnement de l'analyse d'images ne demande pas un équipement important puisqu'il suffit d'ajouter à un ordinateur quelconque une carte de numérisation. Le système utilisé pour mesurer les rythmes d'activité est composé d'un ordinateur type PC Compaq 386 muni d'une carte SECAD comportant trois composantes essentielles : - un microprocesseur - un système d'entrée-sortie par lequel transitent les signaux vidéo analogiques. L'entrée permet à la carte de recevoir des images envoyées par la caméra pour traitement. La sortie donne la possibilité de visualiser, sur un écran de contrôle (moniteur), l'image numérisée au cours de chaque étape de l'analyse. 32 Système de mesure automatique - un espace mémoire permettant de stocker soit une, soit simultanément deux images numérisées. C'est dans cette seconde configuration que cette carte sera utilisée (deux plans mémoires). Avant d'être stockée, chaque image reçue est numérisée en temps réel par le processeur de la carte. L'image est découpée horizontalement et verticalement en unités élémentaires appelées pixels ou points images. La carte SECAD digitalise les images vidéo en 262144 pixels (512 x 512) dans la configuration "2 plans vidéo". Chaque pixel est alors défini par ses coordonnées dans le plan et par son niveau de gris déterminé en fonction de l'intensité lumineuse de la partie de l'image qu'il représente. 256 valeurs sont possibles, du blanc absolu (255) au noir total (0) avec 254 intermédiaires. Les objets que représente l'image vidéo sont ainsi définis numériquement avec précision. L'image numérisée est ensuite stockée dans un des deux plans mémoires, espace de mémoire vive où tous les niveaux de gris des pixels sont enregistrés séquentiellement sur 8 bits comme pour n'importe quel fichier informatique. Toutes ces opérations, de l'acquisition d'une image à son stockage sous forme numérique, sont effectuées en temps réel. Cette codification chiffrée sous forme binaire devient alors directement utilisable pour le calcul informatique grâce à deux opérations : la lecture et l'écriture de la valeur d'un pixel à l'adresse x,y. Ces opérations de base, l'acquisition et l'enregistrement d'une image ainsi qu'un certain nombre de tâches élémentaires classiques en traitement d'images étaient disponibles sous la forme de fonctions ou de procédures utilisables à partir d'applications C ou Turbo-Pascal. C'est à partir de cette bibliothèque de sousprogrammes que s'est organisée la réflexion pour développer un logiciel capable de mesurer automatiquement l'activité des insectes. Outre les fonctions d'entrée-sortie, et les opérations de lecture et d'écriture de pixels, diverses autres fonctions ou procédures ont été utilisées pour la réalisation du logiciel de mesure. - Opérations sur les niveaux de gris de l'image. La digitalisation de l'image en 256 niveaux de gris est effectuée par une table (LUT) comprenant 256 valeurs qui font correspondre à une intensité lumineuse donnée un niveau de gris déterminé. La configuration normale correspond à une table croissante de 0 à 255. En modifiant les valeurs de cette table, il est possible de modifier le niveau de gris des pixels. Une image binaire définie en noir et blanc peut ainsi être obtenue avec une table contenant des valeurs nulles dans sa première partie et des 255 dans la seconde. Ce qui est gris clair sur la prise de vue devient blanc (codé 255) et ce qui est plus sombre est transformé en noir (codé 0). Le seuil à partir duquel les pixels prennent la valeur 0 ou 255 est défini par l'utilisateur. Cette opération de seuillage qui transforme une image en noir et blanc est effectuée en temps réel lors de l'acquisition d'une image. Elle permet de travailler avec des images plus simples et sera utilisée pour obtenir une image d'un insecte, défini par des pixels noirs, qui se différencie du fond de l'enceinte, défini par des pixels blancs. - Les opérations sur les fenêtres. En définissant des fenêtres source et destination dans les plans vidéo, ces fonctions permettent des opérations réalisées simultanément sur un grand nombre de pixels et, ainsi, de travailler sur une partie (ou la totalité) de l'image d'où un gain de temps. Différentes opérations logiques sont possibles entre les deux 33 Chapitre 2 fenêtres : la copie de l'une dans l'autre, ou des opérations logiques de type "ou inclusif" ou "ou exclusif". Fenêtre source et fenêtre destination peuvent être définies dans les deux plans mémoires ce qui permet des opérations entre deux prises de vue différentes. Lorsque l'opération de type "ou inclusif" est appliquée entre deux images seuillées, on obtient une image "résultat" sur laquelle les différences entre les deux images originelles ressortent en blanc alors que les parties communes restent noires. Cette opération, appliquée sur deux images successives de la même enceinte, permet d'obtenir une image sur laquelle l'enceinte apparaît totalement noire si l'insecte ne s'est pas déplacé entre les deux prises de vue, ou noire avec deux taches blanches si l'insecte s'est déplacé. Ces deux taches blanches représentent l'insecte à ses deux positions successives. - Fonctions graphiques. Ces fonctions permettent d'insérer sur l'image divers graphismes : vecteurs, rectangles, ellipses, polygones, etc. La seule utilisée est celle qui dessine sur l'écran de contrôle un réticule positionné sur le pixel sélectionné. Cette fonction établit une liaison entre l'image visualisée sur l'écran de contrôle et l'espace mémoire ce qui permet la visualisation de certaines étapes de l'analyse. Elle est également à la base de relations plus conviviales entre l'utilisateur et la machine. 3 - Automatisation du déplacement de la caméra La robotisation des déplacements d'un objet quelconque est utilisée depuis de très nombreuses années dans l'industrie et tous les éléments nécessaires à la construction d'un tel système sont disponibles sur le marché (moteurs, unité de commande électronique, etc). A partir de ces éléments de base, nous avons entrepris la construction d'un appareil capable de déplacer automatiquement la caméra, dont le fonctionnement est exposé cidessous. Les déplacements de la caméra sont pilotés par l'ordinateur par l'intermédiaire de deux unités bien distinctes : - une unité mécanique ou châssis de translation. Elle a été entièrement réalisée par le service technique de l'institut* (figure 5). Deux moteurs mettent en mouvement le support de la caméra par l'intermédiaire de deux axes de translation perpendiculaires, le tout monté sur un châssis. - une unité de commande électronique (Socitec). Son rôle principal consiste à envoyer aux moteurs les signaux électriques correspondant aux commandes de déplacement reçues de l'ordinateur. ____________________________ * Nous tenons à remercier ici MM Malet et Basso-Bert, auteurs de la partie mécanique du système de translation motorisée. 34 Système de mesure automatique Ca A A V C C A M M V E C S Figure 5 Partie : mécanique du dispositif de mesure des rythmes d'activité locomotrice. A = axe de guidage ; Ca = caméra ; C = chassis ; E = enceintes d'expérimentation ; M = moteur ; S = source infra-rouge ; V = vis sans fin. 35 Chapitre 2 3-1 Châssis de translation (Figure 5) C'est un bâti en aluminium (1 x 1 x 1,2 m) qui supporte les éléments nécessaires au déplacement de la caméra : 2 axes de translation perpendiculaires, chacun relié à un moteur. Le premier axe est solidaire du bâti et déplace sur toute sa longueur l'unité de translation complémentaire qui, elle même, déplace le long de son axe le support de la caméra. La caméra peut ainsi couvrir un champ d'observation dont la surface est légèrement inférieure à 1 m2 . Chaque axe est composé d'un système de vis et d'écrou à billes d'un pas de 5 mm/tour (vis de 16 mm de diamètre). La rotation de cette vis entraîne le déplacement linéaire des composants associés à l'écrou (unité de translation complémentaire ou support de la caméra). Deux axes de guidage aident à ce déplacement. Ce système à billes a l'avantage d'être très performant tant au niveau de la précision (positionnement sans aucun jeu) que de la robustesse (vitesse de travail élevée, grande puissance d'entraînement, longue durée de vie). Les unités qui mettent en rotation les vis sont des moteurs pas à pas dont la principale caractéristique est l'existence d'un lien direct entre les signaux électriques et le mouvement de rotation du moteur. Chaque signal produit un nombre de pas de rotation défini et les trajets se trouvent discrétisés. Les moteurs utilisés effectuent 400 pas par rotation ce qui correspond à un angle de 0,9° par pas. Construite avec des vis d'un pas de 5 mm, l'unité de translation réalise des déplacements avec une précision de 12,5 µm. La haute performance de ce système était nécessaire pour pouvoir utiliser l'analyse d'images comme moyen de mesure. 3-2 Unité de commande électronique Interface entre l'ordinateur et la partie mécanique du système, cette unité se trouve sur le marché sous forme d'un "rack" précablé (Socitec ou Charlyrobot). C'est une unité de commande spécialisée dans le pilotage des moteurs pas à pas qui comprend en fait deux parties : une carte d'interface "intelligente" RS 232 et deux modules translateurs de puissance qui vont commander le fonctionnement des moteurs (1 module par moteur). La carte d'interface analyse les ordres reçus de l'ordinateur grâce à son microprocesseur intégré et envoie à chaque module la séquence numérique nécessaire pour faire fonctionner le moteur qui lui est associé. Pour cela, le module traduit les signaux numériques en une séquence d'impulsions électriques dont la durée et la fréquence déterminent la distance et la vitesse de rotation du moteur (vitesse possible de 40 à 10000 pas/sec). La communication carte-ordinateur s'effectue par l'intermédiaire d'une liaison série type RS 232 par laquelle s'établit un véritable dialogue entre ces deux unités. La carte d'interface reçoit les instructions de l'unité centrale et lui retourne certaines informations concernant entre autres son état de fonctionnement. L'ordinateur recueille de cette façon des informations lui permettant de réguler au mieux les tâches qu'il a à effectuer. Les informations envoyées par la carte correspondent à plusieurs types de messages : des messages d'erreur (erreur de communication), des messages concernant l'état de la carte (carte prête, occupée, bloquée, mouvement en cours...). La carte est également capable de transmettre à l'ordinateur le nombre de pas effectués par chaque moteur après un ordre 36 Système de mesure automatique de déplacement continu (le moteur tourne en permanence jusqu'à ce que la carte reçoive un ordre d'arrêt). Ceci sera très utile pour connaître les coordonnées de la position de la caméra après un déplacement vers une enceinte d'expérimentation de manière à pouvoir y retourner périodiquement. La liaison RS 232 implique un dialogue qui s'effectue par la même ligne et séquentiellement caractère par caractère. La transmission d'ordres à la carte d'interface correspond à l'envoi d'une chaîne de caractères qui code la vitesse et le nombre de pas à réaliser par chaque moteur. 4- Mesure de l'activité locomotrice : le logiciel ACTIV Les trois paragraphes précédents ont présenté tous les éléments nécessaires à l'automatisation de la mesure des rythmes d'activité. L'acquisition de nouvelles techniques, essentiellement informatiques (analyse d'images et robotisation des déplacements) ainsi que l'obtention de conditions d'enregistrement adaptées à leur mise en œuvre ont débouché sur la réalisation d'un logiciel, développé en Turbo-Pascal, qui a été l'étape ultime de l'automatisation de la prise des relevés. Ce programme a bénéficié de la participation de la plupart des membres du laboratoire mais la part majeure en revient à P. Fouillet. 4-1 Principe Le principe de la mesure, exposé dans le premier chapitre, consiste simplement à détecter si l'insecte se déplace ou pas au moment de l'observation (variable de type binaire). D'un point de vue pratique, la mesure est réalisée par l'ordinateur, après seuillage et opération logique entre deux images de la même enceinte acquises à deux secondes d'intervalle. Tous les pixels représentant cette enceinte et uniquement ceux-ci sont successivement lus (balayage de l'enceinte). Si l'insecte s'est déplacé pendant cet intervalle de deux secondes, deux taches blanches sont présentes, sinon, l'enceinte apparaît totalement noire. Dans le premier cas, la valeur 1 est enregistrée dans un fichier, 0 dans le second. Les insectes étudiés sont mesurés individuellement et successivement pendant plusieurs jours avec un nombre de relevés horaires défini par l'expérimentateur. La caméra filme en même temps un nombre variable d'individus (6 à 9 dans notre cas). L'ensemble des individus d'une même expérience (environ 60) sera donc filmé par groupes successifs grâce aux déplacements motorisés. Sur la figure 6, un schéma du dispositif de mesure représente les connexions et le cheminement des informations entre les principaux éléments de base du système au cours de la prise des relevés. 37 Chapitre 2 Micro-ordinateur DISPOSITIF Fichier de RS 232C Programme stockage Turbo Carte de Pascal numérisation Carte d'interface moteurs Figure 6 : Schéma du dispositif de mesure (ci-contre) et organigramme du programme ACTIV qui pilote les déplacements de la caméra et mesure les rythmes d'activité en temps réel par analyse d'images vidéo (ci-dessous). camera Infra Rouges Initialisation PROGRAMME Mesures automatiques J=0 NE = Nbre d'enceintes NC= Nbre de cycles hd = heure début dt = Intervalle entre 2 relevés S = Surface insecte (pixels) Heure non Heure=hd I=0 oui I=0 Positionnement caméra Déplacement xi Déplacements xi, yi Déplacement yi Acquisition image 1 seuillage i Enregistrement xi, yi oui Acquisition image 2 seuillage i I = NE Balayage cellule i Déplacements xi, yi Pixel début Seuillage cellule i Enregistrement non Pixel oui blanc Enregistrement bords cellule i (délimitation du balayage) I=I+1 I = NE oui FIN Opération logique image 1 / image 2 oui I=0 non J = NC non hd = hd + dt Temporisation 2 sec I=I+1 non J=J+1 Recherche tache de pixels blanc non tache=S Pixel suivant oui non Pixel fin oui Activité = 0 Activité = 1 Stockage Activité I=I+1 non 38 I = NE oui Système de mesure automatique 4-2 Mesure de l'activité par le programme ACTIV Ce logiciel gère simultanément les déplacements de la caméra et la mesure de l'activité. C'est donc lui qui va remplacer l'expérimentateur pour la prise des relevés. L'organisation générale des tâches qu'il effectue est schématisée sous la forme d'un organigramme (figure 6) dans lequel on peut distinguer deux parties : une partie initialisation et une partie prise de relevés. 4-2-1 L'initialisation Un certain nombre de tâches doivent être réalisées préalablement à la mise en route de la mesure automatique de l'activité. Cette étape constitue la seule partie du procédé qui nécessite l'intervention de l'expérimentateur. Les enceintes contenant les insectes (chapitre 1) sont placées sur le support en verre d'un bâti autre que celui qui permet les déplacements de la caméra (figure 5). Cette dissociation évite que les insectes soient soumis aux éventuelles vibrations provoquées par les déplacements de la caméra. La hauteur de la caméra est ensuite ajustée de façon à obtenir une image sur laquelle les individus ont une taille (surface en pixels) supérieure au seuil fixé (10 pixels). Cette disposition va déterminer la taille du champ de la caméra qui, dans nos conditions expérimentales, couvre au maximum 9 enceintes. Les parasitoïdes de drosophiles sont filmés avec un objectif de 50 mm de distance focale. L'initialisation consiste à fournir au logiciel un certain nombre de variables nécessaires à la mesure de l'activité. La valeur de chacune de ces variables est déterminée par l'intermédiaire de ce même logiciel grâce aux décisions de l'expérimentateur qui va valider ou non les données présentées. - Positions de la caméra. En donnant des ordres de rotation continue aux moteurs, la position de la caméra est définie pour les différents champs d'observation. Pour chaque position validée, les coordonnées de la caméra renvoyées par la carte d'interface sont stockées. Ces différentes positions vont définir le cycle de rotation de la caméra. - Seuillage et bord de chaque cellule. La valeur du seuillage qui correspond à la visualisation d'une tache noire (l'insecte) sur un fond blanc est définie individuellement pour chaque cellule. Les coordonnées de tous les pixels qui délimitent le bord de l'enceinte sont ensuite automatiquement enregistrées. Ces valeurs seront utilisées pour rechercher un déplacement uniquement dans la zone où il est susceptible de se produire (balayage de l'enceinte) évitant ainsi de balayer l'ensemble de l'image numérisée. C'est grâce à ce balayage limité à l'aire de l'enceinte que plusieurs individus peuvent être filmés sur la même image d'où un gain de temps considérable. Seuillage et coordonnées des bords de chaque cellule sont enregistrés dans un fichier. D'autres paramètres sont également donnés à l'ordinateur : la durée de l'expérience, le nombre d'individus étudiés et le nombre de rotations horaires à effectuer. Toutes les expériences ont été réalisées avec 12 rotations par heure. 39 Chapitre 2 4-2-2 Mesure automatique de l'activité Grâce aux informations fournies à l'ordinateur lors de l'étape d'initialisation, le logiciel peut maintenant mesurer l'activité des insectes d'une façon totalement autonome. A chaque cycle, les individus sont mesurés successivement et toujours dans le même ordre. Les différentes étapes qui conduisent à la mesure de l'activité d'un individu sont schématisées figure 7. Cette figure représente en fonction du temps l'état de la mémoire de la carte de numérisation qui, comme on l'a vu (paragraphe 2), possède deux parties ou deux plans vidéo (plan 0 et 1). Nous avons simplement remplacé les chiffres par l'image correspondante. Après le positionnement de la caméra au-dessus de l'enceinte, la série des opérations est la suivante (figure 7) : a - Acquisition de la première image avec le seuillage adéquat dans le plan vidéo 0, le plan vidéo 1 étant vide. b - Temporisation de deux secondes. c - Acquisition de la deuxième image, avec le même seuillage, dans le plan vidéo 1 (le plan vidéo 0 conserve la première image). Deux cas sont possibles : l'insecte s'est déplacé pendant l'intervalle de 2 secondes (I1), ou l'insecte est resté immobile (I1'). d - Opération logique entre les deux images des deux plans vidéo, le résultat étant enregistré dans le plan 1. Si l'individu s'est déplacé, il y a deux taches blanches, sinon, l'enceinte est entièrement noire. e - Balayage de l'enceinte du plan vidéo 1 (lecture de la valeur de tous les pixels) et mesure de l'activité : 1 s'il y a deux taches blanches, sinon 0. La valeur est stockée dans un fichier. f - Mesure de l'individu suivant. Il faut noter ici que, pour chaque individu, une seconde mesure qui détermine si les insectes se sont déplacés entre deux relevés successifs (entre deux cycles) a également été effectuée. Cette mesure, qui n'est pas représentée dans l'organigramme de la figure 6, est réalisée en comparant la position de l'insecte entre deux relevés (cycles) successifs donc à 5 minutes d'intervalle : si elle est identique, la variable prend la valeur 0 (l'individu n'a pas bougé pendant le délai imparti), sinon elle prend la valeur 1. Ce paramètre a été appelé DIF comme différé pour le différencier du premier dénommé INS comme instantané. Après la mesure du dernier individu, une temporisation fait en sorte que l'on ait le bon nombre de relevés horaires définis en début d'expérience et que ceux-ci s'effectuent au même moment entre heures successives. Dans notre cas, le départ des cycles s'effectue toutes les cinq minutes (12 relevés par heure). 40 Système de mesure automatique Plan Vidéo 0 Plan Vidéo 1 activité ou non-activité a I0 b Temporisation 2 sec c I0 I1 I1 ' I0 I0 + I1 I0 +I1 ' INS=1 INS=0 d e I0 I0 + I1 Activité = 1 I0 +I1 ' Activité = 0 Figure 7 : Principe de mesure de l'activité locomotrice par analyse d'image vidéo : représentation graphique de l'état des deux plans mémoires au cours de la mesure d'un individu. I0 = image du plan vidéo 0 ; I1 = image du plan vidéo 1, cas où l'insecte s'est déplacé ; I1' = image du plan vidéo 1, cas où l'insecte est resté immobile. Le signe + symbolise l'opération logique entre les deux images (voir texte). 41 Chapitre 2 5- Détermination des paramètres de mesures 5-1 Choix du paramètre de mesure Le système présenté ci-dessus permet de mesurer sur les mêmes individus et au cours de la même expérience deux paramètres différents : - l'activité mesurée toutes les 5 minutes par l'existence ou non de déplacements pendant les 2 secondes de prise de vue (paramètre INS). L'activité des insectes est déterminée ici par échantillonnage. - l'activité mesurée en comparant la position des individus entre deux relevés successifs (paramètre DIF). Cette mesure prend en compte tous les déplacements des insectes puisque il est peu probable qu'entre deux relevés, les insectes se déplacent et reviennent exactement à la même place. La comparaison des rythmes d'activité mesurés par ces deux méthodes a été réalisée sur 15 femelles de A. tabida (figure 8). Le taux d'activité est un peu plus élevé avec le paramètre DIF ce qui est normal puisque tous les déplacements sont pris en compte dans la mesure. En ce qui concerne les profils, les deux paramètres donnent exactement les mêmes courbes moyennes d'activité. Le paramètre INS permet donc d'obtenir une très bonne estimation de l'activité réelle des insectes tout en réduisant des éventuels problèmes de saturation. Seul ce paramètre a été utilisé pour l'étude des rythmes d'activité des insectes parasitoïdes. 5-2 Nombre de relevés par heure Ce paramètre était important à déterminer puisque de lui dépendait le nombre d'individus mesurés au cours de la même expérience. Le meilleur compromis devait être en effet trouvé entre le nombre de relevés horaires qui définit la précision des courbes et le nombre de répétitions. Ce nombre a été fixé à 12, un relevé toutes les 5 minutes, valeur correspondant à la mesure de 60 individus (2 groupes de 30) qui est traditionnellement une valeur seuil pour les comparaisons statistiques. Une expérience avec un nombre de relevés horaires plus grand mais réalisée sur un nombre d'individus plus faible a été entreprise pour s'assurer de la précision des courbes d'activité calculées avec 12 relevés horaires. 9 femelles de A. tabida ont été mesurées pendant trois jours avec 60 relevés par heure (un relevé toutes les minutes, possible en supprimant les déplacements de la caméra). Aucune différence n'a été observée entre les rythmes d'activité mesurés avec un nombre de relevés horaires différent (figure 9). En conséquence toutes les expériences ont été réalisées avec 12 relevés par heure. 42 Système de mesure automatique Figure 8 Figure 9 100 100 Activité % Ins Dif 80 80 60 60 40 40 20 20 60 relevés / h 12 relevés / h 0 0 0 4 8 12 16 20 24 Heures 0 4 8 12 16 20 24 Heures Figure 8 : Rythme d'activité locomotrice des femelles de A. tabida mesuré avec les deux types de paramètres : Ins = comparaison de la position des individus à 2 secondes d'intervalle (pendant un cycle), Dif = comparaison de la position des individus à 5 minutes d'intervalle (entre deux cycles). Les courbes représentent la moyenne du rythme de 15 individus suivis pendant trois jours en LD 12:12. La photopériode est représentée par les bandes noires (nuit) et blanche ( jour). Figure 9 : Rythme d'activité locomotrice des femelles de A. tabida mesuré avec 60 ou 12 relevés horaires. Les courbes représentent la moyenne du rythme de 9 individus dans le cas d'un relevé par minute et 15 individus dans la modalité d'un relevé toutes les 5 minutes. Les individus ont été suivis pendant trois jours en LD 12:12. La photopériode est représentée par les bandes noires (nuit) et blanche (jour). 6- Avantages et limites du système de mesure des rythmes par analyse d'images L'outil vidéo est utilisé depuis quelques années pour mesurer le trajet des insectes lors de leurs déplacements (Chassain, 1988 ; Bigler et al., 1988 ; Riley et al., 1990). L'adaptation de cet outil à la mesure des rythmes d'activité présente de nombreux avantages et peu d'inconvénients comparés aux méthodes décrites en début de chapitre. 5-1 Limites de la méthode Le principal inconvénient de cette méthode résulte de la mesure séquentielle des individus. Le balayage des enceintes d'expérimentation se fait pixel à pixel et les individus sont mesurés les uns à la suite des autres. Le nombre de relevés effectués toutes les heures est donc déterminé par la capacité du système et il faut trouver le meilleur compromis possible (solution optimale) entre le type de comportement mesuré, le nombre d'individus et le nombre de relevés horaires. Pour l'étude des rythmes d'activité des insectes parasitoïdes de drosophiles, le meilleur compromis a été trouvé en mesurant les insectes toutes les 5 minutes ce qui a permis d'étudier 60 individus au cour d'une même expérience. 43 Chapitre 2 5-2 Avantages de la méthode Les avantages liés à l'utilisation de l'outil vidéo sont nombreux. Comme les principales techniques utilisées pour mesurer les rythmes d'activité (mécaniques, acoustiques, optiques), cette méthode ne nécessite pas la présence de l'expérimentateur et permet l'étude simultanée d'un grand nombre d'individus ; s'ajoutent à ces qualités d'autres performances que les autres systèmes de mesure ont peu ou n'ont pas du tout. L'analyse d'images a potentiellement les moyens de mesurer n'importe quel comportement. Les rythmes d'émergence des parasitoïdes ont été étudiés avec exactement le même système que celui utilisé pour mesurer l'activité locomotrice (chapitre 3) et la mesure des rythmes de ponte des parasitoïdes est actuellement en cours d'étude. Ce système peut également être facilement adapté à n'importe quel animal voire aux espèces du règne végétal pour la mesure de la croissance des plantes par exemple. Les rythmes d'activité des Trichogrammes dont la taille n'a pas commune mesure avec celle des parasitoïdes de drosophiles (moins de 0,5 mm) ont ainsi pu être mesurés avec le même système (Fleury et al., 1991 ; Pompanon et al., 1993). Les rythmes d'activité des parasitoïdes d'œufs de punaise (Trisolchus basalis), ainsi que ceux de crustacés (cloportes), ont également été étudiés. 44 Chapitre 3 Les rythmes circadiens d'activité locomotrice des parasitoïdes de Drosophiles Caractérisation et diversité Chez les insectes parasitoïdes, la localisation et l'infestation des hôtes résultent d'un comportement actif des femelles, divisé en trois étapes successives (Vinson, 1976) : la localisation de l'habitat de l'hôte (Vinson, 1981), la localisation de l'hôte (Weseloh, 1981), enfin son acceptation (Arthur, 1981). Au cours de ces étapes, les femelles parasitoïdes répondent à toute une série de stimuli chimiques et physiques qui les guident vers un hôte potentiel (Vinson, 1976 ; Vet et Dicke, 1992). Pour que la rencontre entre hôte et parasitoïde soit possible, les femelles doivent cependant être actives à un moment de la journée où les hôtes sont disponibles. Cette coïncidence temporelle, considérée comme une condition préalable indispensable à la réussite du parasitisme (Vinson, 1976), n'a jamais été étudiée à l'échelle du nycthémère. Par leur rôle synchronisateur (Enright, 1970 ; Daan, 1981), les rythmes circadiens d'activité peuvent jouer un rôle déterminant dans cette coïncidence temporelle à l'origine du succès de la recherche d'hôtes adéquats. Les rythmes des insectes parasitoïdes ont cependant été peu étudiés que ce soit dans le domaine appliqué (lutte biologique) ou dans le domaine plus théorique de la recherche des mécanismes de régulation des populations d'insectes. L'importance de l'organisation temporelle de l'activité à l'échelle du nycthémère a pourtant été soulignée dans d'autres systèmes hôte-parasite n'intéressant pas les insectes notamment en ce qui concerne le rôle des rythmes dans la favorisation de la rencontre entre les partenaires (Hawking, 1973 ; Théron, 1984). Chez les insectes, les rythmes circadiens d'activité ont fait l'objet de nombreux travaux sur des espèces non entomophages dont le rôle économique ou l'intérêt biologique est important. C'est le cas, par exemple, des moustiques impliqués dans certaines maladies (Haddow et al., 1961 ; Jones et al. 1967 ; Jones et Reiter, 1975) ou d'autres diptères vecteurs comme la mouche tsé tsé (Brady, 1972 ; Crump et Brady, 1979). Les rythmes d'activité ont également été étudiés chez plusieurs mouches des fruits d'importance agronomique telles que la cératite (Causse, 1974) ou la mouche de l'olive (Laudého et al., 1978). Dans la liste établie par Saunders (1982) qui recense les espèces d'insectes pour lesquelles une activité rythmique circadienne a été observée, aucune espèce entomophage n'est citée. Bien que cette revue date de plus de dix ans, ceci semble assez représentatif du faible nombre d'études chronobiologiques réalisées sur ces insectes. Les rares données disponibles sur les rythmes d'activité des insectes entomophages proviennent d'études de terrain réalisées dans le cadre de programmes de lutte, ce qui limite les résultats à une simple description des phénomènes biologiques. Par exemple, 45 Chapitre 3 Weseloh (1975) observe une relative concordance de phase entre l'activité d'oviposition de Parasetigena silvestris et la disponibilité de son hôte, Lymantriadispar, papillon dont la chenille est un défoliateur de nombreuses espèces d'arbres en Amérique du Nord. Des heures préférentielles d'activité ont été observées chez plusieurs espèces parasites d'insectes ravageurs des pins, Apanteles fumiferanae et Glypta fumiferanae (Elliot et al., 1986) et sur l'une des espèces les plus utilisées en lutte biologique pour combattre les aleurodes (mouches blanches), Encarsia formosa (Ekbom, 1982). Enfin, Idoine et Ferro (1990) soulignent l'importance de prendre en compte les rythmes d'oviposition de Edovum puttleri, parasitoïde des doryphores, afin de limiter l'action des pesticides sur les auxiliaires des cultures. Il semble que les seuls travaux qui ne se limitent pas à une simple étude descriptive soient ceux réalisés par Nakamuta (1987) sur Coccinella septempunctata. L'analyse des mécanimes responsables du rythme d'activité de recherche des proies a en effet conduit à démontrer la nature circadienne des rythmes de cette coccinelle. Les rythmes d'activité locomotrice ont été mesurés sur les principales espèces françaises de parasitoïdes de drosophiles. La nature circadienne (déterminisme endogène) des rythmes a été recherchée par des expériences de libre cours sans pour autant analyser les mécanismes physiologiques sous-jacents. La seule persistance du rythme en absence d'agents d'entraînement (libre cours) est suffisante pour démontrer sa nature endogène (Bünning, 1967 ; Brady, 1974 ; Saunders, 1982). La stabilité temporelle des rythmes d'activité a également été étudiée grâce à un suivi de la même population sur quatre années consécutives. Enfin, le système de prise de données automatique a permis, après quelques adaptations, de mesurer les rythmes d'émergence des adultes décrits en fin de chapitre. 1- Les rythmes d'activité locomotrice des Drosophiles sous photopériode LD 12:12 parasitoïdes de Les quatre espèces les plus fréquentes en France ont été étudiées : trois sont des parasitoïdes de larves, Asobaratabida, Leptopilina heterotoma, Leptopilina boulardi, la quatrième, Pachycrepoideus vindemmiae, infeste les drosophiles au stade pupe. Les individus utilisés pour définir le rythme d'activité de ces quatre espèces sont tous originaires de la région lyonnaise (Ste Foy-lès-Lyon) excepté L. boulardi, absente à cette latitude, qui a été piégée dans le sud de la France (Antibes). L'activité locomotrice a été mesurée dans les conditions d'expérimentation définies dans le chapitre 1 (22°C, LD 12:12). Les individus ont toujours été suivis pendant plusieurs jours mais seuls quelques exemples de courbes individuelles seront représentés afin de visualiser la rythmicité de l'activité locomotrice. Chaque espèce sera ensuite caractérisée par une courbe moyenne d'activité sur 24 heures qui, dans tous les cas, résume bien l'activité quotidienne (chapitre 1). 1-1 Asobara tabida La variation du taux horaire d'activité sur les trois premiers jours de mesure montre une nette rythmicité (figure 10) : les mâles, comme les femelles, expriment 46 Caractérisation et diversité des rythmes quotidiennement une activité locomotrice qui se produit à peu près aux mêmes heures, avec approximativement la même amplitude. L'activité locomotrice est maximale en début d'éclairement et se prolonge plus ou moins longtemps dans la journée selon les individus. Ces courbes individuelles semblent cependant refléter une différence entre sexes puisque les femelles sont actives principalement pendant la photophase alors que les mâles, plus précoces, commencent leur activité en fin de nuit. A. tabida mâles A. tabida femelles 100 80 80 60 60 40 40 20 20 Activité % 100 0 0 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 100 80 80 60 60 40 40 20 20 Activité % 100 0 0 20 8 20 8 20 8 20 8 100 80 80 60 60 40 40 20 20 Activité % 100 0 0 20 8 20 8 20 8 20 8 Heures Heures Figure 10 : Rythmes individuels d'activité locomotrice de Asobara tabida. Rythmes de trois individus de chaque sexe en LD 12:12. Les individus ont été choisis de façon à représenter la variabilité observée. Les courbes moyennes du rythme représentant l'ensemble des individus étudiés (figure 11) montrent clairement ces différences entre sexes. Mâles et femelles expriment tous deux une activité maximale pendant deux à trois heures après l'apparition de la lumière mais la décroissance qui suit est beaucoup plus rapide chez les mâles dont l'activité peut être considérée comme négligeable l'après-midi. L'activité plus importante des femelles pendant cette seconde moitié de la photophase est due à certains individus qui prolongent, l'après-midi, leur activité matinale (voir courbes individuelles, figure 10). Cette différence entre sexes se traduit par un taux d'activité plus fort chez les femelles que chez les mâles, ces derniers étant actifs à environ un quart des relevés alors que les femelles sont actives pour plus du tiers des enregistrements (t = 2,93 ; p < 0,01 ; tableau 1). 47 Chapitre 3 100 100 Activité % femelles i.c.m. 80 Asobara tabida 60 (Ste Foy-lès-Lyon) 40 20 4 8 12 16 20 24 0 60 Activité % 40 0 0 4 8 12 16 20 24 60 femelles i.c.m. 40 Leptopilina heterotoma (Ste Foy-lès-Lyon) 0 0 4 8 12 16 20 mâles i.c.m. 20 40 20 0 24 0 50 4 8 12 16 20 24 50 i.c.m. femelles 40 Activité % 60 20 0 30 Leptopilina boulardi 20 (Antibes) mâles i.c.m. 40 10 30 20 10 0 0 0 4 8 12 16 20 24 0 4 8 12 16 20 24 100 100 80 Activité % mâles i.c.m. 80 mâles femelles i.c.m. 80 60 Pachycrepoideus vindemmiae (Ste Foy-lès-Lyon) 40 20 i.c.m. 60 40 20 0 0 0 4 8 12 16 20 24 0 4 8 12 16 20 24 Heures Heures Figure 11 : Courbes moyennes du rythme d'activité locomotrice des quatre principales espèces de parasitoïdes de drosophiles présentes en France. Chaque courbe d'activité représente la moyenne d'au moins 15 individus mesurés pendant 3 jours en LD 12:12. icm = intervalle de confiance moyen (95%) par transformation angulaire. 48 Caractérisation et diversité des rythmes La seconde différence présente entre les deux sexes de cette espèce se situe en fin de nuit. Les mâles montrent pendant les heures qui précèdent l'apparition de la lumière une activité importante qui va en augmentant de façon à atteindre un maximum à 8 heures. Aux mêmes moments, l'activité des femelles est beaucoup plus faible et c'est seulement après l'apparition de la lumière qu'elles sont réellement actives. Les femelles sont donc beaucoup plus dépendantes du début de l'éclairement que les mâles pour exprimer une activité locomotrice. En LD 12:12, et au regard de l'activité locomotrice spontanée, les femelles d'A. tabida sont manifestement diurnes alors que les mâles expriment une activité répartie équitablement en fin de nuit et en début de journée. 1-2 Leptopilina heterotoma Mâles et femelles montrent une activité locomotrice périodique (figure 12). Pour tous les individus, l'activité est semblable entre jours successifs démontrant ainsi la bonne stabilité des profils. Une variabilité inter-individuelle importante est présente chez les femelles, principalement dans l'amplitude des pics : toutes commencent leur activité plusieurs heures après le début de l'éclairement, mais certaines avec un pic d'activité de forte amplitude, alors que d'autres sont presque inactives. L. heterotoma femelles 100 80 80 60 60 40 40 20 20 Activité % 100 0 20 8 20 8 20 8 20 L. heterotoma mâles 0 8 80 80 60 60 40 40 20 20 Activité % 100 20 100 0 20 8 20 8 20 8 20 0 8 100 80 80 60 60 40 40 20 20 Activité % 100 0 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 0 20 8 20 8 20 8 20 8 Heures Heures Figure 12 : Rythmes individuels d'activité locomotrice de Leptopilina heterotoma. Rythmes de trois individus de chaque sexe en LD 12:12. 49 Chapitre 3 Comme pour A. tabida, le rythme des mâles est différent de celui des femelles (figure 11). Les femelles montrent une activité très faible exclusivement concentrée l'après-midi, entre 12 et 20 heures (figure 11 et tableau 1). Elles ne réagissent presque pas à l'apparition de la lumière et attendent 5 à 6 heures avant de commencer de réels déplacements. Les mâles montrent, en moyenne, une activité plus importante pendant toute la phase diurne (tableau 1) avec un net pic d'activité en début de photopériode (figure 11). La très faible activité des femelles s'explique en partie par un certain nombre d'individus totalement inactifs pendant toute la durée de l'expérimentation mais dont l'activité parasitaire est normale lorsqu'on les place en présence d'hôtes. Il est possible que ce comportement, que l'on peut qualifier de léthargique, soit dû à l'absence de stimuli relatifs aux hôtes pendant les mesures. Comparée à A. tabida, L. heterotoma aurait besoin d'être stimulée davantage pour manifester une activité locomotrice. Cependant, cette très faible activité, pour ne pas dire quasi immobilité, a également été observée dans les tubes d'élevage lorsque les femelles sont en présence de nombreuses larves de drosophiles. Ce type de comportement semble donc être réellement une caractéristique des femelles de cette espèce. Comme A. tabida, les femelles de L. heterotoma peuvent être qualifiées de diurnes mais c'est probablement le seul point commun que l'on peut trouver entre les femelles de ces deux espèces. Hormis des taux d'activité très inégaux, A. tabida et L. heterotoma ne sont pas actives au même moment de la journée : la première surtout le matin, la seconde uniquement l'après-midi. Les mâles de L. heterotoma sont eux aussi exclusivement diurnes, à la différence des mâles de A. tabida, mais il faut noter dans les deux cas une nette prépondérance de l'activité pendant les deux premières heures d'éclairement. Femelles Mâles Test N moyenne Ecart type N moyenne Ecart type t p A. tabida 15 37,2 6,6 15 26,6 12,6 2,93 <0,01 L. heterotoma 15 2,3 4,1 15 11,0 8,3 4,53 <0,01 L. boulardi 30 11,3 8,1 30 11,2 6,2 0,40 P. vindemmiae 20 21,2 8,7 7 33,0 6,8 3,14 <0,01 NS Tableau 1 : Taux d'activité quotidien moyen des quatre espèces de parasitoïdes de drosophiles étudiées. Valeurs données en %. Les tests statistiques ont été réalisés après transformation angulaire des données. 1-3 Leptopilina boulardi Une forte variabilité individuelle a été observée chez les femelles de cette espèce aussi bien dans la forme des profils que pour la quantité d'activité locomotrice (figure 13). Les femelles de L. boulardi sont généralement actives pendant la scotophase, mais certaines le sont également en début de photophase. Les mâles sont beaucoup plus homogènes avec une activité maximale juste après l'apparition de la lumière (figure 13). L'amplitude de 50 Caractérisation et diversité des rythmes ces pics est cependant variable entre individus. La similitude des profils d'activité entre jours successifs semble plus forte chez les mâles que chez les femelles. En moyenne, les femelles L. boulardi montrent un profil de type bimodal dont le pic le plus important se situe en début de nuit (figure 11). Ceci pourrait presque classer cette espèce parmi les insectes nocturnes si elle ne montrait pas également un pic de plus faible amplitude en début de photophase. En effet, l'activité n'est jamais nulle pendant la nuit, le minimum intervenant le jour, entre 14 et 18 heures, lorsque les femelles de L. heterotoma sont actives. Bien qu'appartenant au même genre et ayant des exigences écologiques voisines, les femelles de ces deux espèces montrent des profils d'activité radicalement différents. L. boulardi diffère également de L. heterotoma par un taux d'activité plus élevé (tableau 1) mais qui reste encore faible comparé à celui des femelles de A. tabida. L. boulardi femelles Activité % 100 80 80 60 60 40 40 20 20 0 20 8 20 8 20 8 20 8 0 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 100 80 80 60 60 40 40 20 20 Activité % 100 0 20 0 8 20 8 20 8 20 8 100 100 80 80 60 60 40 40 20 20 Activité % L. boulardi mâles 100 0 0 20 8 20 8 20 8 20 8 Heures Heures Figure 13 : Rythmes individuels d'activité locomotrice de Leptopilina boulardi. Rythmes de trois individus de chaque sexe en LD 12:12. Comme chez L. heterotoma, les mâles montrent en moyenne une forte activité pendant les premières heures d'éclairement pour ensuite décroître rapidement (figure 11). Enfin, L. boulardi est la seule espèce étudiée où mâles et femelles montrent des taux d'activité identiques (tableau 1). 51 Chapitre 3 1-4 Pachycrepoideus vindemmiae Comme les trois espèces précédentes, P. vindemmiae montre un rythme d'activité locomotrice très net (figure 14). Les profils d'activité des deux sexes ne semblent pas montrer de grandes différences, ce qui est confimé par les courbes moyennes du rythme (figure 11). En effet, l'activité des mâles et des femelles est répartie presque équitablement sur toute la durée de la phase lumineuse. Cette relative stabilité de l'activité pendant toute la durée de la photophase, observée à l'échelle de la population, produit un profil que l'on peut qualifier de profil en plateau par opposition à ceux des espèces précédentes, caractérisées par de courtes périodes d'intense activité (pics d'activité) suivies de longues phases de repos ou d'activité plus faible. Ce plateau n'apparaît pas très clairement à l'échelle individuelle à cause d'une activité variable entre heures successives. Cette activité s'observe cependant pendant toute la journée sans qu'un moment particulier de la photophase soit réellement préféré par les individus (figure 14). Des profils en plateau ont également été observés chez les Trichogrammes, hyménoptères parasitoïdes des œufs de divers Lépidoptères (Fleury et al., 1991 ; Pompanon et al., 1993). P. vindemmiae femelles Activité % 100 P. vindemmiae mâles 100 80 80 60 60 40 40 20 20 0 0 20 8 20 8 20 8 20 8 20 100 80 80 60 60 40 40 20 20 Activité % 100 0 20 8 20 8 20 8 20 8 0 20 100 80 80 60 60 40 40 20 20 Activité % 100 8 20 8 20 8 20 8 8 20 8 20 8 20 8 8 20 8 20 8 20 8 0 0 20 8 20 8 20 8 20 8 Heures 20 Heures Figure 14 : Rythmes individuels d'activité locomotrice de Pachycrepoideus vindemmiae. Rythmes de trois individus de chaque sexe en LD 12:12. 52 Caractérisation et diversité des rythmes Les mâles de P. vindemmiae ont une activité locomotrice plus importante que les femelles (taux d'activité significativement différents, t = 3,14 ; p < 0,01, tableau 1). L'activité des deux sexes est nulle pendant toute la scotophase ce qui en fait une espèce exclusivement diurne pour le caractère considéré. 1-5 Conclusions Les quatre espèces de parasitoïdes de drosophiles étudiées montrent un rythme d'activité locomotrice bien défini. De très fortes variations apparaissent entre sexes et entre espèces. Si les mâles sont principalement actifs pendant les premières heures d'éclairement, les femelles sont actives plutôt le matin pour A. tabida, l'après-midi pour L. heterotoma et même en début de nuit pour L. boulardi. En ce qui concerne le taux d'activité, les deux espèces du genre Leptopilina se distinguent nettement de A. tabida par une activité beaucoup plus faible. P. vindemmiae montre pour sa part une activité importante, relativement stable pendant toute la période de l'éclairement. 2- Effets des variations du régime lumineux endogène des rythmes d'activité et déterminisme Le déterminisme des rythmes d'activité des parasitoïdes de drosophiles a été recherché par des expériences de libre cours (suppression des facteurs d'entraînement). Dans nos conditions expérimentales, seul le facteur lumineux varie au cours du temps (photopériode LD 12:12). C'est donc par modification du régime photopériodique que la nature endogène des rythmes a été recherchée. La dépendance de ces rythmes vis-à-vis des signaux exogènes a également été abordée. Comme cela a été indiqué précédemment, il s'agit de rechercher la nature endogène des rythmes d'activité des parasitoïdes et non pas d'analyser les mécanismes neuroendocrines de leur fonctionnement. En d'autres termes, l'objectif est de connaître le rôle des facteurs de l'environnement : sont-ils responsables de la périodicité (réponse directe aux facteurs externes) ou agissent-ils uniquement comme facteurs d'entraînement (présence d'une oscillation endogène) ? 2-1 Activité locomotrice en absence de facteurs d'entraînement : expériences de libre cours Des expériences de libre cours à l'obscurité totale et en lumière permanente ont été réalisées pour les trois espèces de parasitoïdes larvaires. Obscurité permanente : En condition de libre cours, l'activité locomotrice de A. tabida reste périodique chez les mâles comme chez les femelles ce qui démontre la nature circadienne (déterminisme endogène) du rythme d'activité de cette espèce (figure 15 a et b). La valeur des périodes, mesurées par le test de Sokolove et Bushell (1978), est inférieure à 24 heures (23 h 27 ; 53 Chapitre 3 tableau 2). Ce test a permis de déceler une période significative dans l'activité de certains individus pour lesquels la persistance du rythme en libre cours n'est pas toujours aussi flagrante que sur les exemples présentés. Cela n'a cependant pas été le cas pour tous les individus (tableau 2), ce qui ne signifie pas pour autant que ceux-ci sont arythmiques. L'absence de période significative peut en effet être due, entre autres, à une durée trop courte de l'expérience qui peut expliquer qu'une périodicité n'a pas pu être mise en évidence (voir ci-dessous). Chez L. heterotoma, les rythmes d'activité locomotrice des mâles et des femelles persistent en libre cours (figure 16 a et b) preuve de leur déterminisme endogène. Malgré la très faible activité des femelles, une période significative a été mesurée pour quelques individus qui montrent, comme les mâles, une période proche de 23 heures (tableau 2). Afin de confirmer ces conclusions émises à partir de peu d'individus, la même expérience a été réalisée sur une souche de L. heterotoma beaucoup plus active, originaire de Tunisie (voir chapitre 4). Des résultats similaires ont été obtenus pour les deux sexes de cette souche qui montrent également une période endogène de l'ordre de 23 heures (tableau 2). Chez L. boulardi, les expériences de libre cours ont été réalisées uniquement sur les femelles d'une souche tunisienne qui montrent le même rythme que celles de la souche française (chapitre 5). Une période a difficilement été détectée chez cette espèce en absence de facteurs périodiques environnementaux (tableau 2). Parasitoïdes étudiés (espèce et origine) Sexe Libre cours Durée Nombre Nombre (jours) étudiés exprimés Périodes (heures) Asobara tabida (Ste Foy) mâle femelle DD DD 7 7 15 15 5 6 23 h 22 23 h 27 L. heterotoma (Ste Foy) mâle femelle DD DD 3 3 15 15 10 3 23 h 20 22 h 57 Leptopilina heterotoma (Tunisie) mâle femelle femelle DD DD LL 3 3 3 15 15 105 11 14 41 23 h 12 23 h 17 21 h 53 Leptopilina boulardi (Tunisie) femelle mâle femelle DD LL LL 5 4 4 30 30 30 2 0 6 23 h 58 23 h 28 Tableau 2 : Expériences de libre cours. Pour chaque groupe d'individus sont indiqués le nombre d'individus étudiés, la durée de l'expérience en libre cours réalisée soit à l'obscurité permanente (DD) soit en lumière constante (LL), ainsi que le nombre d'individus sur lesquels une période significative a été mesurée (= nombre exprimés). La mesure des périodes a été réalisée avec le test de Sokolove et Bushell. 54 Caractérisation et diversité des rythmes 100 80 60 40 20 0 Activité (%) 100 80 60 40 20 0 100 80 60 40 20 0 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 Heures Figure 15 a : Rythmes d'activité locomotrice de trois femelles d'Asobaratabida. 3 jours sous photopériode LD 12:12 puis 7 jours en libre cours (obscurité permanente). 100 80 60 40 20 0 Activité (%) 100 80 60 40 20 0 100 80 60 40 20 0 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 Heures Figure 15 b : Rythmes d'activité locomotrice de trois mâles de Asobara tabida. 3 jours sous photopériode LD 12:12 puis 7 jours en libre cours (obscurité permanente). 55 Activité % Chapitre 3 100 100 80 80 60 60 40 40 20 20 0 0 Activité % 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 100 100 80 80 60 60 40 40 20 0 20 8 20 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 0 20 8 100 80 80 60 60 40 40 20 20 Activité % 100 0 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 Heures Figure 16 a Rythmes : d'activité locomotrice de trois femelles de Leptopilina heterotoma. 3 jours sous photopériode LD 12:12 puis 3 jours en libre cours (obscurité permanente). 56 0 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 Heures Figure 16 b Rythmes : d'activité locomotrice de trois mâles de Leptopilina heterotoma. 3 jours sous photopériode LD 12:12 puis 3 jours en libre cours (obscurité permanente). Caractérisation et diversité des rythmes 100 Activité % 80 60 40 20 0 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 20 8 20 8 20 8 Heures 20 8 20 8 20 Activité % 100 80 60 40 20 0 Activité % 100 80 60 40 20 0 Figure 17 : Rythmes d'activité locomotrice de trois femelles de Leptopilina boulardi (souche tunisiennne). 2 jours sous photopériode LD 12:12 puis 3 jours en libre cours (obscurité permanente). La figure 17 laisse cependant peu de doute quant à l'existence d'un déterminisme endogène des rythmes de cette espèce, une activité périodique étant manifestement présente en DD pour les individus présentés. La difficulté de mettre en évidence des périodes significatives vient probablement de la durée trop courte des expériences (3 jours). Lumière permanente : Des études de libre cours en lumière permanente (600 lux) ont été réalisées sur les femelles des deux espèces du genre Leptopilina (souches tunisiennes). Pour L. heterotoma, une période significative a pu être mesurée chez environ 40 % des individus (tableau 2) ce qui confirme les résultats obtenus en obscurité constante. La lumière permanente ne supprime donc pas le rythme d'activité locomotrice de ces insectes comme c'est le cas pour certains rythmes de type physiologique (Saunders, 1982). Cette persistance des rythmes comportementaux en LL serait, selon Truman (1971), une caractéristique de ce type de rythmes (type II) qu'il a opposés aux rythmes 57 Chapitre 3 physiologiques ou de développement (type I) qui ne s'expriment pas sous ces conditions lumineuses. Selon ce même auteur, à ces deux sortes de rythmes seraient associés des oscillateurs différents. Aux rythmes de type I correspondrait un système composé d'un oscillateur et d'un photorécepteur anatomiquement associés alors que, pour les rythmes de type II, ces deux composantes seraient physiquement distinctes. La différence entre les périodes des femelles de L. heterotoma mesurées dans les deux types d'expériences de libre cours (obscurité et lumière permanente, tableau 2) est conforme à la règle d'Aschoff (Aschoff, 1960) qui stipule que, pour les animaux diurnes, la période endogène mesurée en DD est plus élevée que celle mesurée en LL, le phénomène inverse se produisant chez les animaux nocturnes. Les femelles de la souche tunisienne sont en effet, dans nos conditions expérimentales, plutôt diurnes (chapitre 4) comme celles de la souche française. Une période plus faible a également été obtenue en LL sur les femelles de L. boulardi (souche tunisienne) alors qu'aucune période significative n'a été mesurée chez les mâles. Ces derniers résultats ne reposent que sur un très petit nombre de valeurs (tableau 2) ce qui oblige à les considérer avec prudence. De plus, ils peuvent difficilement être discutés par rapport à la règle d'Aschoff puisque les profils d'activité des femelles de L. boulardi ne permettent pas de définir avec précision si les individus de cette espèce ont un mode de vie diurne ou nocturne. A l'inverse, cette règle n'est pas un moyen de déterminer le mode de vie des organismes puisqu'elle souffre de nombreuses exceptions (Saunders, 1982) notamment à cause de la difficulté à classer les animaux en espèces diurnes ou nocturnes, certains comportements étant effectués la nuit, d'autres pendant la journée. Causes de l'absence, chez certains individus, de période significative : Pour toutes les espèces étudiées et pour les deux sexes, il n'a pas toujours été possible de mesurer une période endogène significative (tableau 2). La cause de cette absence de structure temporelle reste inconnue mais plusieurs hypothèses peuvent être avancées : - Un nombre de mesures trop faible (expérience de libre cours trop courte) peut être à l'origine de la non mise en évidence d'une période endogène, la méthode statistique n'étant pas suffisamment puissante. Comme cela a déjà été souligné, c'est probablement la raison de la plupart des échecs observés. - La faible activité de certains individus lorsque les conditions environnantes sont trop homogènes peut également expliquer le fait qu'une période significative ne soit pas observée. - Enfin, la difficulté de mesurer une période endogène peut provenir d'un phénomène connu en chronobiologie qui est le changement spontané de la valeur de la période endogène de l'individu (Pittendrigh et Daan, 1974, Saunders, 1982). Cette instabilité de la période de l'oscillation endogène a été utilisée pour soutenir l'hypothèse de l'intervention de plusieurs oscillateurs dans les rythmes circadiens. Il est peu probable que ce phénomène intervienne dans nos expériences du fait de leur courte durée. 58 Caractérisation et diversité des rythmes 2-2 Rythmes d'activité locomotrice avec simulation de l'aube et du crépuscule Dans nos conditions expérimentales, les insectes sont soumis à de brusques variations de l'intensité lumineuse. Les individus passent en effet de l'obscurité totale à un éclairement de 1400 lux et inversement puisque les quatre néons s'éclairent et s'éteignent simultanément (chapitre1). Il est possible que ce phénomène provoque chez les insectes une réaction artificielle se traduisant soit par l'apparition d'une soudaine et intense activité locomotrice (que l'on observe chez A. tabida) soit, à l'inverse, par une réaction d'immobilité, sorte de paralysie que l'on peut envisager au vu des courbes des femelles de L. heterotoma (figure 11). Les conséquences éventuelles des transitions lumière-obscurité sur les rythmes d'activité ont été mesurées chez A. tabida et L. heterotoma (souches Ste Foy) en simulant l'aube et le crépuscule par modification graduelle de l'intensité lumineuse. Pour cela, les tubes fluorescents ont été placés à des distances variables des enceintes. Leur fonctionnement est piloté par un programmateur de façon à ce que, le matin, ils s'éclairent successivement en fonction de leur distance des enceintes en commençant par le plus éloigné. Ce dispositif a permis d'obtenir une transition nuit-jour en 20 minutes avec modification de l'intensité lumineuse en quatre tranches de 5 minutes : <1 lux, 10 lux, 700 lux, 1400 lux. Le passage jour-nuit est effectué par l'opération inverse. Pour les deux espèces étudiées, des résultats identiques à ceux précédemment décrits ont été obtenus lorsque les changements de phase de la photopériode sont effectués par variation graduelle de l'intensité lumineuse (figures 18 et 19). Figure 18a A. : tabida femelles Figure 18bA.: tabida mâles 100 100 avec simulation sans simulation 80 Activité % Activité % 80 avec simulation sans simulation 60 40 20 60 40 20 0 0 0 4 8 12 16 Heures 20 24 0 4 8 12 16 Heures 20 24 Figure 18 : Courbe moyenne du rythme d'activité locomotrice de Asobara tabida avec simulation de l'aube et du crépuscule (30 individus). La courbe du rythme mesuré avec des changements brutaux de phase lumineuse est présentée pour comparaison (losange). Les femelles A. tabida montrent toujours un pic d'activité à 8 heures (figure 18 a) alors que les femelles L. heterotoma restent presque inactives pendant la première partie de la photophase (figure 19). Pour cette seconde espèce, on peut cependant noter une 59 Chapitre 3 augmentation sensible de la quantité d'activité locomotrice exprimée l'après-midi qui n'est probablement pas due au facteur testé. L. heterotoma montre en effet pour ce caractère une assez forte variabilité entre expériences successives ce qui sera démontré par la suite. 50 avec simulation sans simulation Activité % 40 30 20 10 0 0 4 8 12 16 Heures 20 24 Figure 19 : Courbe moyenne du rythme d'activité locomotrice des femelles de Leptopilina heterotoma avec simulation de l'aube et du crépuscule (30 individus). La courbe du rythme mesuré avec des changements brutaux de phase lumineuse est présentée pour comparaison (losange). En ce qui concerne les mâles, seuls ceux appartenant à l'espèce A. tabida ont été mesurés sous ces conditions lumineuses. Leur profil d'activité reste inchangé avec un pic au moment de l'éclairement. La similitude est presque totale entre ce profil d'activité et celui obtenu avec de brusques changements dans les conditions lumineuses (figure 18 b). L'apparition soudaine de lumière n'a donc aucune influence sur les rythmes d'activité des parasitoïdes. Toutes les expériences ont pu être réalisées avec les conditions photopériodiques décrites dans le premier chapitre. 2-3 Rythme d'activité sous photopériode LD 16:8 La dépendance des rythmes d'activité vis-à-vis des conditions photopériodiques a été étudiée en mesurant l'effet d'une photophase plus longue: photopériode LD 16:8. Seule l'espèce A. tabida a été étudiée et les profils moyens obtenus sous ces conditions sont présentés figure 20. Chez les femelles, l'augmentation de la photophase ne semble pas provoquer de profondes modifications des profils d'activité. Le pic d'activité reste lié à l'apparition de la lumière (figure 20 a). Néanmoins, la faible activité des femelles qui se produit légèrement avant le début de l'éclairement en LD 12:12 ne se retrouve pas en LD 16:8. Les femelles sont sous ces conditions pratiquement inactives en fin de nuit alors qu'elles 60 Caractérisation et diversité des rythmes montrent une activité horaire de l'ordre de 30 à 40% lorsque les durées des deux phases du nycthémère sont égales (paragraphe 1-1). Le même phénomène se produit chez les mâles ce qui modifie de façon plus importante leur profil d'activité (figure 20 b). En effet, en LD 12:12, les mâles de A. tabida sont actifs 3 à 4 heures avant l'éclairement et atteignent une activité proche de 50% pendant l'heure qui précède l'apparition de la lumière : le passage entre la phase de repos et le maximum d'activité, produit à 8 heures, est progressif (paragraphe 1-1 et 2-2). Lorsque la photophase est allongée, cette anticipation s'estompe. Les mâles sont plus dépendants de l'apparition de la lumière pour commencer leurs déplacements ce qui se traduit, au moment de l'éclairement, par une brusque transition entre l'inactivité presque totale et l'activité maximale. Ces différences de profils induites par modification de la photopériode sont la preuve qu'en LD 12:12 les individus n'arrivent pas à synchroniser leur activité avec le début de l'éclairement. Tout se passe comme si la durée de la phase de repos, nocturne, relativement fixe, et inférieure à 12 heures, détermine le départ de l'activité. En LD 12:12, la scotophase est trop longue par rapport à cette phase de repos et tous les mâles plus un certain nombre de femelles ne vont pas "attendre" l'arrivée de la lumière pour commencer leur activité. En LD 16:8, la durée de la phase sombre est en accord avec la durée de repos des insectes qui synchronisent alors leur activité avec le début de la photophase. La phase d'inactivité serait plus longue chez les femelles, expliquant ainsi qu'en LD 12:12 un plus grand nombre d'individus commencent à être actifs en début de journée. Figure 20 : aA. tabida femelles Figure 20 : bA. tabida mâles 100 80 80 60 60 40 40 20 20 Activité % 100 0 0 0 4 8 12 16 Heures 20 24 0 4 8 12 16 Heures 20 24 Figure 20 : Courbe moyenne du rythme d'activité locomotrice de Asobara tabida sous photopériode LD 16:8 (30 individus de chaque sexe suivis pendant 3 jours). Cette expérience montre bien que deux types de facteurs interviennent dans la détermination des profils d'activité : les facteurs endogènes (l'oscillation) et les facteurs externes. L'expression du rythme endogène va pouvoir s'adapter aux facteurs environnementaux, ici la photopériode, mais uniquement si ceux-ci ne s'écartent pas trop des conditions habituelles rencontrées par les organismes. Pour A. tabida, seule la 61 Chapitre 3 photopériode LD 16:8 semble être en accord avec l'oscillation interne de cette espèce. Cependant, les deux types de photopériodes (LD 12:12 et LD 16:8) arrivent toutes les deux à entraîner le rythme endogène (de période inférieure à 24 h) qui s'exprime sous ces conditions avec une période d'exactement 24 heures. 2-4 Conclusions Les rythmes d'activité locomotrice des trois espèces étudiées persistent en absence d'informations temporelles externes, preuve du déterminisme endogène de ces phénomènes. Les insectes parasitoïdes présentent donc une horloge biologique qui leur donne la notion du temps. La période de l'oscillation endogène est toujours légèrement inférieure à 24 heures (rythmes circadiens). Sous photopériode, les rythmes d'activité, entraînés par l'alternance jour-nuit, expriment une période d'exactement 24 heures. 3- Stabilité naturelles temporelle des souches et des populations Le suivi temporel des rythmes d'activité locomotrice a été réalisé à l'échelle de l'élevage au laboratoire afin de vérifier si les souches ne perdaient pas certaines de leurs caractéristiques après un nombre variable de générations (phénomène de dérive génétique ou relâchement des pressions de sélection). Cette étude a également permis de confirmer les résultats obtenus à partir d'une seule expérience. Le même type de suivi a été entrepris à l'échelle de la population où les problèmes de stabilité ont été étudiés entre années successives : la même population conserve-t-elle annuellement les mêmes caractéristiques ou montre-t-elle une évolution, conséquence des fortes réductions d'effectifs lors de la période défavorable (goulot d'étranglement hivernal) ou d'une évolution des pressions sélectives de l'environnement ? Des réponses à ces questions ont été recherchées chez L. heterotoma dont la population de Ste Foy a été suivie pendant 4 années successives. Seules les femelles ont été prises en compte dans cette étude. 3-1 Stabilité temporelle des souches élevées au laboratoire Les résultats de 5 expérimentations réalisées au cours de l'année 1991 sur la souche de L. heterotoma piégée à Ste Foy en 1989 (souche de référence) ont été comparés. Dans tous les cas, les femelles montrent en moyenne un rythme d'activité très net. Seules les courbes moyennes des rythmes ont été représentées (figure 21). Quelle que soit la durée d'élevage au laboratoire, les femelles de L. heterotoma montrent des rythmes d'activité locomotrice identiques. Dans tous les cas, on retrouve une activité très faible exclusivement concentrée l'après-midi (figure 21). Cette similitude des profils est confirmée par l'analyse des courbes par AFC. Aucune différence significative n'a en effet été observée entre les coordonnées factorielles des cinq groupes étudiés (tableau 3). 62 Caractérisation et diversité des rythmes Figure 21 Figure 22 20 Activité % 15 20 19 1 17 8 16 15 14 F2 = 23 % 15/02/91 1/07/91 3/08/91 31/10/91 6/12/91 10 08 07 13 5 09 12 11 10 0 0 4 8 12 16 Heures 20 F1 = 32 % 24 Figure 21 : Courbe moyenne du rythme d'activité locomotrice des femelles de L. heterotoma mesurées au cours de 5 expériences sur la souche Ste Foy 1989 après différentes durées d'élevage. (30 individus suivis pendant 3 jours sous photopériode LD 12:12). Figure 22 : Rythme d'activité locomotrice de L. heterotoma mesuré au cours de 5 expériences sur la souche Ste Foy 1989. Résultats de l'analyse des profils par AFC. Carte factorielle réalisée dans le plan F1 et F2. Pour chaque axe est donné le pourcentage d'inertie qu'il représente. Les chiffres représentent les heures de la journée (photopériode LD 12:12, 8h-20h). Sont associés aux ellipses les symboles de la figure 21 exception faite de l'ellipse du 1/07/91 qui une taille trop petite. Sur la carte factorielle (figure 22), les ellipses qui correspondent aux 5 expériences sont chevauchantes, toutes concentrées vers les heures de l'après-midi (de 14 à 19 heures). La taille plus faible des ellipses des expériences du 1/07/91 et du 3/08/91 est probablement la conséquence du nombre plus élevé d'individus conservés pour l'analyse (tableau 3). Date de l'expérience Taux d'activité Profil du rythme N manip Activité (%) Ecart type % N afc F1 Ecart type F1 F2 Ecart type F2 15 / 02 / 91 15 2,3 4,1 7 0,47 1,32 0,18 0,43 1 / 07 / 91 30 1,9 2,9 12 -0,15 0,08 0,04 0,68 3 / 08 / 91 30 2,2 4,4 12 -0,16 0,09 -0,25 0,63 31 / 10 / 91 30 1,1 2,8 9 0,43 1,74 -0,03 0,50 6 / 12 / 91 30 1,0 2,6 6 1,02 2,42 0,07 0,30 Tableau 3 : Rythmes d'activité locomotrice des femelles de L heterotoma (souche Ste Foy 1989) mesurés au cours de 5 expériences après des durées variables d'élevage (de 1 à 2 ans). Mesures des taux d'activité et analyse des profils des rythmes par AFC (coordonnées factorielles des deux premiers facteurs de l'analyse, F1 et F2). Dans tous les cas, l'analyse de variance est non significative. L'effectif pour le taux d'activité correspond au nombre total d'individus étudiés alors que celui des profils correspond au nombre d'individus conservés pour l'AFC (chapitre 1). 63 Chapitre 3 Les variations de l'amplitude des courbes semblent refléter des différences dans la quantité d'activité des femelles. L'analyse des taux d'activité (tableau 3) montre cependant que ces variations entre expériences ne sont pas significatives (F = 1,02 ; p = 0,40, analyse de variance après transformation angulaire). Une très forte variabilité est en effet présente au sein de chaque groupe expérimental, certaines femelles étant totalement inactives alors que d'autres montrent une activité locomotrice importante. L'origine de ces différences peut être multiple du fait que ces insectes dépendent d'un hôte pour leur développement. Aucune évolution de la quantité d'activité et du taux d'individus inactifs n'a été observée en relation avec la durée d'élevage. En résumé, il ressort de cette étude que l'élevage au laboratoire ne modifie pas les principales caractéristiques des profils d'activité des femelles de L. heterotoma (quantité d'activité et phase des profils). De même, il n'existe aucune variation saisonnière des profils. L'obtention des mêmes rythmes lors de cinq expériences différentes confirme les résultats obtenus sur cette espèce dans le premier paragraphe : le rythme des femelles de L. heterotoma originaires de Ste Foy montre uniquement un pic d'activité de faible amplitude, l'après-midi. 3-2 Stabilité temporelle des populations naturelles Les femelles des 4 années étudiées ont été mesurées après une durée d'élevage au laboratoire différente (tableau 4) qui, comme on vient de le voir, n'a pas d'effet sur les rythmes d'activité. Seuls les individus de l'année 1992 ont été testés immédiatement après la capture (après une génération d'élevage). Les mêmes profils d'activité ont été obtenus pour les 4 années étudiées (figure 23). En effet, quelle que soit l'année de capture, les femelles de L. heterotoma sont toujours actives uniquement l'après-midi. L'analyse des profils par AFC montre que les petites variations présentes entre courbes ne sont pas significatives (figure 24, tableau 4). Chaque souche montre une variabilité interindividuelle importante, exceptée celle piégée en 1991, beaucoup plus homogène (tableau 4). Les différences d'amplitude des courbes (figure 23) ne sont également pas significatives. Les taux d'activité mesurés pour les quatre années de piégeage ne sont, en effet, statistiquement pas différents (F <1 ; analyse de variance après transformation angulaire, tableau 4). 3-3 Conclusions L'élevage au laboratoire ne modifie pas le rythme d'activité locomotrice des femelles de L. heterotoma (souche Ste Foy 1989) qui montrent une très bonne stabilité temporelle, les mêmes résultats ayant été obtenus à presque un an d'intervalle. Cette stabilité se retrouve à l'échelle de la population entre années successives. L'organisation quotidienne de l'activité des parasitoïdes est donc une caractéristique de la population qui évolue peu 64 Caractérisation et diversité des rythmes malgré la présence d'une forte variabilité interindividuelle tant pour la quantité d'activité que pour la phase des rythmes. Figure 23 Figure 24 07 1989 1990 1991 1992 20 06 F2 = 23 % Activité % 30 20 19 1 9 9 1 1516 1990 14 18 13 12 1 9 8 9 10 08 10 1992 10 09 0 0 4 8 12 16 Heures 20 24 F1 = 31 % Figure 23: Suivi de la population de L. heterotoma Ste Foy pendant 4 années consécutives (1989 à 1992). Courbes moyennes du rythme d'activité locomotrice des femelles suivies pendant 3 jours sous photopériode LD 12:12 (30 individus). Figure 24 : Suivi de la population de L. heterotoma Ste Foy pendant 4 années consécutives (1989 à 1992). Résultats de l'analyse des profils par AFC. Carte factorielle réalisée dans le plan F1 et F2. Pour chaque axe est donné le pourcentage d'inertie qu'il représente. Les chiffres représentent les heures de la journée (photopériode LD 12:12, 8h-20h). Année de capture Taux d'activité Profil du rythme N manip Activité (%) Ecart type (%) N afc F1 Ecart type F1 F2 Ecart type F2 1989 15 2,3 4,1 7 -0,30 1,14 -0,40 1,01 1990 19 3,3 5,3 12 -1,2 1,73 0,09 1,24 1991 19 4,4 4,5 15 0,04 0,31 -0,003 0,44 1992 30 4,5 5,8 19 -0,58 1,75 0,14 1,52 Tableau 4 : Rythmes d'activité locomotrice des femelles de L. heterotoma de la population de Ste Foy suivie pendant 4 années consécutives (1989 à 1992). Mesures des taux d'activité et analyse des profils des rythmes par AFC (coordonnées factorielles des deux premiers facteurs de l'analyse, F1 et F2). Dans tous les cas, l'analyse de variance est non significative. L'effectif pour le taux d'activité correspond au nombre total d'individus étudiés alors que celui des profils correspond au nombre d'individus conservés pour l'AFC (chapitre 1). 65 Chapitre 3 4- Etude des rythmes d'émergence des parasitoïdes adultes A la différence de l'activité locomotrice, les rythmes d'émergence n'ont de sens qu'à l'échelle de la population, un individu n'étant à l'origine que d'une seule mesure. Ces rythmes ont fait l'objet de très nombreuses études chez les insectes (Pittendrigh, 1966 ; Saunders, 1982 ; Lankinen, 1986a), mais comme les rythmes d'activité, ils sont très peu connus chez les parasitoïdes. La mesure des rythmes d'émergence des parasitoïdes de drosophiles a pu être réalisée avec le même système que celui utilisé pour l'étude des rythmes d'activité locomotrice (chapitre 2). 4-1 Protocole de mesure Seules quelques modifications mineures ont été apportées au système pour étudier les rythmes d'émergence. Les cellules d'expérimentation ont été considérablement réduites car seule importait l'heure de sortie des adultes. La fabrication d'enceintes de 1 cm de diamètre a permis de mesurer simultanément un grand nombre d'individus (448), indispensable pour l'étude des rythmes de populations. Des pupes parasitées ont été placées individuellement dans les cellules quelques jours avant l'éclosion des parasitoïdes. L'heure d'émergence est enregistrée automatiquement par le système lorsqu'une tache blanche est détectée dans l'enceinte, indication de la présence d'un insecte en mouvement (Chapitre 2). En fin d'expérience, le sexe de chaque individu a été déterminé. Elevage et expérimentation ont été réalisés sous des conditions standard de température (22°C) et de photopériode (LD 12:12). Seule l'espèce L. heterotoma (Ste Foy, souche 1989) a été étudiée. Les individus utilisés pour les expérimentations sont issus de pontes étalées sur 48 heures. 4-2 Résultats Le nombre d'émergences horaires a été calculé pour les 5 jours de mesures, séparément pour les deux sexes. Une nette différence de durée de développementapparait sur la courbe entre mâles et femelles (Figure 25). Elle n'a cependant pas pu être estimée car les sorties des tout premiers mâles n'ont pas été mesurés . Il semble néanmoins que cette différence soit en parfait accord avec celles généralement citées, de l'ordre de 1 à 2 jours en fonction de la température (Nöstvik, 1954 ; Carton et al., 1986). Mâles et femelles montrent un rythme d'émergence très net puisque les sorties s'effectuent toujours au moment de l'apparition de la lumière (figure 25). Il est peu probable que cette rythmicité soit la conséquence d'un éventuel rythme de ponte des mères compte tenu de la variabilité de la durée du développement larvaire. Bien que cela reste à démontrer, le rythme d'émergence des adultes est vraisemblablement le résultat d'une oscillation endogène qui peut être ou non différente de celle qui détermine les autres rythmes comportementaux. En effet, la quasi-absence d'émergences pendant la plus grande partie du nycthémère suggère que l'éclosion des adultes n'est possible que pendant quelques heures de la journée. Ce phénomène de tout ou rien appelé "gating 66 Caractérisation et diversité des rythmes event" par Pittendrigh (1966), a été décrit chez de nombreuses espèces d'insectes (Saunders, 1982). La nature endogène de ce rythme a été démontrée entre autres par Pittendrigh et Skopik (1970). Tout se passe comme si les individus n'avaient que quelques heures pour émerger ; s'ils ne l'ont pas fait pendant ce délai, ils doivent alors attendre 24 heures supplémentaires pour sortir des pupes. Nombre d'individus 40 Mâles Femelles 30 20 10 20 8 20 8 20 8 Heures 20 8 20 8 20 Figure 25 : Rythme d'émergence des mâles et des femelles de L. heterotoma (Ste Foy) sous photopériode LD 12:12. A l'échelle de la journée, il semble que les mâles émergent légèrement avant les femelles. Ceci n'apparaît pas très clairement sur la figure 25 à cause des différences de durée de développement qui empêchent d'obtenir, le même jour, un nombre d'émergences des deux sexes suffisamment important. Ce phénomène, dû à une ponte peu étalée dans le temps, ne se produit probablement pas dans la nature. 100 Emergences cumulées % Mâles Femelles 80 60 40 20 0 4 6 8 Heures 10 12 Figure 26 : Emergences des mâles et des femelles de L. heterotoma (Ste Foy). Pourcentages calculés en regroupant par heure l'ensemble des individus de l'expérience (photopériode LD 12:12). 67 Chapitre 3 L'émergence plus précoce des mâles est confirmée par la figure 26 où les données recueillies sur cinq jours ont été regroupées pour calculer un jour moyen. Les mâles sont en effet légèrement en avance de phase par rapport aux femelles, l'écart étant probablement inférieur à 1 heure. Ce phénomène a été observé chez plusieurs autres espèces d'insectes parasitoïdes (Kainoh, 1986 ; Hirose et al., 1988 ; Ruberson et al.,1988) et a été considéré par Fagerström et Wiklund (1982) comme un mécanisme permettant d'augmenter la fitness des individus. Selon ces auteurs, cette légère avance de l'émergence des mâles serait un moyen permettant d'être présent au moment de la sortie des femelles, donc de maximiser le nombre de femelles fécondées, en même temps que ces dernières minimisent le temps qui sépare l'éclosion de la copulation. 4-3 Conclusions Cette étude démontre l'existence, chez L. heterotoma, d'un rythme d'émergence qui se traduit par des éclosions exclusivement matinales. En plus du temps de développement plus court des mâles, ceux-ci, à l'échelle de la journée, émergent légèrement avant les femelles, phénomène appelé protandrie journalière par Hirose et al. (1988) et qui permet aux mâles d'être présents au moment où les femelles émergent de leurs hôtes. 5- Conclusions générales Mise en évidence des rythmes d'activité des insectes parasitoïdes Les quatre espèces de parasitoïdes étudiés, A. tabida, L. heterotoma, L. boulardi et P. vindemmiae, expriment en LD 12:12 un rythme d'activité locomotrice très net qui se traduit par une limitation de la locomotion à certaines heures de la journée : tous les individus montrent une alternance définie de phases d'activité et de phases de repos. Selon les espèces, l'activité locomotrice est exclusivement diurne (L. heterotoma, P. vindemmiae, les femelles de A. tabida et les mâles de L. boulardi) ou peut également se produire pendant la nuit (mâles de A. tabida et femelles de L. boulardi ). Pour la plupart des espèces étudiées, mâles et femelles ont des rythmes d'activité différents excepté pour P. vindemmiae pour qui les deux sexes sont actifs pendant toute la phase diurne. Contrairement aux femelles dont les profils d'activité sont variables entre espèces, les profils des mâles montrent des points communs notamment une nette tendance à être actifs principalement en début de photophase. La correspondance entre ce phénomène et l'émergence matinale des femelles suggère que l'activité des mâles soit liée à leur activité sexuelle (recherche d'un partenaire). Tout laisse à penser en effet que la très bonne concordance de phase observée chez L. heterotoma entre le rythme d'activité locomotrice des mâles, actifs principalement en début de matinée, et l'émergence des femelles, également matinale, favorise la rencontre des deux partenaires. Cette 68 Caractérisation et diversité des rythmes synchronisation existe probablement chez les autres espèces dont l'émergence dans les élevages a toujours été observée en début de photophase. Chez L. heterotoma, les mâles émergent légèrement avant les femelles et montrent une intense activité à proximité des pupes parasitées. Les femelles sont en général fécondées dès leur émergence par un mâle en attente (observations personnelles). Chez ces hyménoptères à reproduction parthénogénétique, les femelles peuvent produire une descendance viable sans la présence d'un mâle et la recherche active d'un partenaire sexuel n'est pas un préalable à la ponte. Il est probable que l'émergence précoce des mâles ainsi que leur activité matinale soient un moyen d'augmenter les chances de féconder des femelles. La vérification de ces hypothèses pourrait apporter de nouvelles données pour la connaissance de l'évolution des stratégies reproductives chez les insectes parasitoïdes. Si l'activité des mâles peut être assimilée à la recherche d'un partenaire sexuel, il est probable que celle des femelles soit à relier à la recherche d'hôtes à parasiter bien que les mesures soient réalisées en absence de toute stimulation émanant des larves de drosophiles. Les relations possibles entre activité locomotrice spontanée et activité parasitaire ont été recherchées et les résultats obtenus feront l'objet du chapitre 6. Nature circadienne des rythmes La rythmicité de l'activité des parasitoïdes de drosophiles est en partie déterminée par une composante endogène qui définit les phases d'activité et les phases de repos. La persistance de la rythmicité en absence d'informations temporelles telles que la photophase (expériences de libre cours) suggère en effet la présence d'une horloge interne ou horloge biologique dont la période est toujours légèrement inférieure à 24 heures. Le fait que la période de l'oscillation endogène ne soit pas exactement égale à 24 heures est une preuve que les rythmes mesurés en libre cours ne sont pas induits par d'autres facteurs périodiques liés à la rotation de la terre et non contrôlés (champ magnétique terrestre, radiations cosmiques, activités humaines). Dans les conditions naturelles, ces rythmes d'activité sont entraînés par les variations périodiques de l'environnement et présentent une période exactement égale à 24 heures. Cette modification de la période du phénomène ne correspond pas à un changement dans le déterminisme de ces rythmes (remplacement des facteurs endogènes par des facteurs exogènes) qui sont le résultat de l'interaction des deux composantes endogène et environnementale : les rythmes d'activité sont modulés par les facteurs de l'environnement. Cette interaction a été mise en évidence chez A. tabida en faisant varier la photopériode. Alors qu'en LD 16:8 les individus commencent tous leurs déplacements au moment de l'apparition de la lumière, cette activité débute en fin de nuit en LD 12:12. Cette observation est en accord avec la phénologie de cette espèce (Hardy et Godfray, 1990) qui est présente dans la nature lorsque les nuits sont de courte durée (juin et juillet). Il est probable que cette rythmicité endogène soit un facteur qui détermine en grande partie l'organisation temporelle de l'activité des insectes parasitoïdes dans la nature. L'intervention de facteurs endogènes dans les rythmes d'activité exprimés dans la nature 69 Chapitre 3 a été observée chez plusieurs espèces d'insectes. Par exemple, Brady et Crump (1978) ont estimé que, dans les conditions naturelles, près de 80 % du profil d'activité des mouches tsé tsé, Glossina morsitans, est déterminé par des facteurs endogènes. Le même type de résultat a été observé sur la coccinelle Coccinellaseptempunctata dont le rythme circadien endogène joue un rôle plus important dans la détermination des profils d'activité de recherche des proies que l'état nutritionnel (Nakamuta, 1987). Cependant, bien qu'il ne fasse maintenant aucun doute que la synchronisation des activités biologiques avec les variations de l'environnement n'est pas due à une simple réaction directe à certains stimuli externes, l'intervention de facteurs environnementaux n'en reste pas moins possible. Les conditions lumineuses (Allemand, 1977), la température (Cardé et al., 1975) et de nombreux facteurs biotiques tels que la nourriture ou l'insémination (Jones et Gubbins, 1978) peuvent modifier l'expression des rythmes d'activité. L'effet de certains de ces facteurs sur les rythmes d'activité locomotrice des parasitoïdes de drosophiles sera étudié dans le chapitre 5. La nécessité d'un mécanisme endogène dans la détermination des rythmes d'activité a été démontrée seulement dans quelques cas comme par exemple les insectes qui s'orientent par rapport au soleil et qui doivent constamment modifier l'angle de leur trajectoire au cours du temps (Hoffmann, 1971). Mis à part ces cas bien particuliers, l'explication avancée consiste à considérer l'oscillation endogène comme un processus permettant aux organismes de se préparer à réaliser une action afin de synchroniser leur activité avec certains facteurs périodiques de l'environnement (activité des autres individus de la population par exemple). Ce phénomène d'anticipation permet d'ajuster de façon optimale une séquence comportementale aux variations périodiques de l'environnement (Enright, 1970 ; Daan, 1981). Les mécanismes physiologiques qui gouvernent les rythmes d'activité ne sont pas connus avec précision. Les connaissances actuelles semblent indiquer que les rythmes comportementaux ont plutôt un fonctionnent de type neurophysiologique (Brady, 1974 ; Saunders, 1982) qui met en jeu deux éléments essentiels : le ou les oscillateur(s), groupe particulier de cellules du cerveau dont la fonction est assimilée à celle d'une horloge, et les photorécepteurs responsables de l'entraînement du rythme. Le nombre et la localisation de ces oscillateurs ainsi que la nature exacte des photorécepteurs font l'objet de la plupart des études chronobiologiques dont le principal objectif est l'établissement d'un modèle unique expliquant la rythmicité de la plupart des comportements. Cependant, des résultats divergents sont souvent obtenus en fonction des auteurs et des espèces étudiées. Chez les blattes et les criquets, les oscillateurs qui gouvernent les rythmes d'activité seraient situés dans les lobes optiques et les photorécepteurs plutôt localisés au niveau des yeux composés (Page, 1978 ; Colwell et Page, 1990). La voie nerveuse semble le mécanisme utilisé pour le fonctionnement de ces rythmes même si l'intervention de processus endocrines a été évoquée par certains auteurs (Harker, 1956). Les mécanismes neuro-endocrines sont plutôt à la base des rythmes de développement tels que les rythmes d'émergence (Truman, 1971). 70 Caractérisation et diversité des rythmes Diversité des rythmes d'activité des femelles L'étude de plusieurs espèces de parasitoïdes met en évidence une importante diversité des rythmes d'activité chez les femelles. Sur les quatre espèces mesurées, aucune ne montre un rythme d'activité similaire. Les femelles d'A. tabida sont très actives, principalement en début de photophase, alors que les deux espèces du genre Leptopilina sont beaucoup moins actives : L. heterotoma se déplace uniquement l'après-midi alors que L. boulardi montre une activité maximale en début de nuit. L'activité des femelles de P. vindemmiae est répartie sur toute la durée de la photophase ce qui produit une sorte de profil en plateau à la différence des profils d'activité des autres espèces caractérisés par des pics d'activité. Les différences observées entre espèces concernent aussi bien la quantité d'activité que sa répartition au sein du nycthémère (profil d'activité), deux paramètres qui ont été traités séparément et qui correspondent probablement à des réponses comportementales différentes. Plusieurs hypothèses peuvent être avancées pour expliquer ces différences dont la plupart s'inscrivent dans le cadre des relations comportementales entre hôtes et parasitoïdes. Quantité d'activité locomotrice : chez les insectes parasitoïdes, de très nombreuses études ont été réalisées au sujet des mécanismes comportementaux mis en œuvre lors de la recherche, la localisation et la sélection des hôtes (voir Vinson, 1984 pour une revue). Ces mécanismes sont bien connus chez les parasitoïdes de drosophiles et différentes stratégies ont été mises en évidence selon des groupes taxonomiques considérés (Van Alphen et Vet, 1986). Les espèces du genre Leptopilina (Dicke et al., 1984 ; Vet, 1985) comme celles du genre Asobara (Galis et Van Alphen, 1981 ; Vet et al., 1984a) utilisent pour rechercher leurs hôtes les odeurs de fermentation alcoolique (odeurs de l'habitat des larves de drosophiles) ainsi que celles produites par les hôtes eux mêmes (kairomones). Cependant, une fois en présence de larves, les premières trouvent leurs hôtes en sondant le substrat au hasard avec leur ovipositeur (Vet et Bakker, 1985) alors que les secondes sont capables de les localiser grâce aux vibrations que ceux-ci produisent dans le substrat (Vet et Van Alphen, 1985). Il est possible que les différences de quantité d'activité mesurées dans nos conditions expérimentales entre A. tabida et les deux espèces du genre Leptopilina soient la conséquence de ces différences de comportement. D'autres facteurs comportementaux tels que la motivation à rechercher des hôtes (variable en fonction de l'état ovarien des femelles), la recherche de nourriture ou une réaction différentielle aux enceintes d'expérimentation peuvent également intervenir dans les différences observées. Profils d'activité locomotrice: la diversité des profils d'activité des femelles est probablement une indication de l'importance du rôle des rythmes d'activité dans la vie des parasitoïdes. Les données bibliographiques existantes au sujet des comportements des espèces étudiées ne permettent pas de formuler des hypothèses précises expliquant cette très forte variabilité des profils. Toutes les explications connues au sujet du rôle écologique des rythmes circadiens d'activité sont donc envisageables. Les différences observées chez les femelles parasitoïdes reflètent-elles des réponses différentes à la périodicité des facteurs abiotiques de l'environnement (lumière, température, humidité) 71 Chapitre 3 ou sont elles la conséquence des relations interspécifiques qui régissent les associations parasitaires ? Les résultats obtenus suggèrent un rôle des rythmes d'activité dans les relations hôteparasitoïde. En effet, les parasitoïdes qui infestent les larves (A. tabida, L. heterotoma et L. boulardi) montrent tous une activité limitée dans le temps avec un ou plusieurs pics d'activité alors que ceux inféodés aux pupes (P. vindemmiae) ont une activité pendant toute la durée de la photophase (plateau). Ce type de profils en plateau a également été observé chez les Trichogrammes, parasitoïdes qui infestent les œufs de nombreuses espèces d'insectes (Pompanon et al., 1993 ; Fleury et al., 1993). Il est tentant d'associer ces différents types de profils (pic et plateau) aux différents types d'hôtes infestés (mobiles et immobiles), les parasitoïdes de larves nécessitant une très bonne synchronisation avec un éventuel rythme des hôtes qui déterminerait leur disponibilité au cours de la journée. Les profils en plateau des parasitoïdes d'hôtes immobiles seraient à l'inverse le résultat de la stabilité temporelle de la disponibilité des hôtes qui restent accessibles quelle que soit l'heure de la journée. Sous cette hypothèse, les différences de profils observées entre espèces de parasitoïdes larvaires pourraient être liées aux différentes stratégies de détection des hôtes (chapitre 1) qui nécessitent plus ou moins selon les espèces une activité des larves (Vet et Van Alphen, 1985 ; Vet et Bakker, 1985). Il est en effet probable que A. tabida, qui détecte ses hôtes par vibrotaxie, soit beaucoup plus dépendante de l'activité des larves de drosophiles que les espèces du genre Leptopilina, qui n'utilisent pas ou peu ce mécanisme de détection. L'intervention des rythmes d'activité dans les relations entre parasitoïdes est également possible et sera envisagée dans le chapitre 6. La diversité des profils serait alors à rechercher dans les relations de compétitions entre espèces qui partagent les mêmes hôtes. Avant de rechercher la signification écologique des rythmes d'activité qui permettrait d'expliquer cette diversité, des études génétiques ont été entreprises afin de déterminer si les rythmes peuvent être l'objet de processus sélectifs. La très bonne stabilité temporelle des profils d'activité de L. heterotoma pendant quatre années successives contraste avec les fortes variations interindividuelles mesurées au cours des expériences : soit cette variabilité est d'origine environnementale, soit cette variabilité est en partie déterminée génétiquement et se pose alors la question des mécanismes responsables de cette stabilité entre années successives. 72 Chapitre 4 Analyse génétique des rythmes d'activité locomotrice et de la capacité d'infestation des femelles chez L. heterotoma La génétique des rythmes circadiens a surtout abordé les aspects moléculaires de ces phénomènes avec la découverte, chez divers organismes (Neurospora, Chlamydomonas et Drosophila), de mutations affectant les propriétés de base des rythmes biologiques telle que la période endogène (Bruce, 1972 ; Feldman, 1982 ; Konopka, 1987 ; Dunlap, 1990 ; Hall, 1990). La plupart de ces études ont été inspirées par les travaux de Konopka et Benzer (1971) qui ont découvert par mutagenèse trois types de mutants pour la période circadienne du rythme d'émergence des drosophiles (gène "per") : des individus qui, en libre cours, ont un rythme d'éclosion à courte période (19 heures), des individus à période longue (28 heures) et d'autres complètement arythmiques. Ces mutations affectent également la période endogène du rythme d'activité locomotrice et ne concernent qu'un seul gène situé sur le chromosome X. Ces travaux, très utiles pour la compréhension des mécanismes moléculaires et biochimiques du fonctionnement des rythmes d'activité (Dunlap, 1990 ; Hall et Kyriacou, 1990), ont un intérêt écologique et évolutif limité. La période endogène ne s'exprime en effet qu'en conditions de libre cours (absence de facteurs d'entraînement) très rarement réalisées dans la nature. L'aspect populationnel de la génétique des rythmes d'activité a été peu étudié et les connaissances dans ce domaine restent limitées (Konopka, 1981). Des rythmes d'activité différents entre et dans les populations naturelles ont néanmoins été mis en évidence pour plusieurs espèces d'organismes, variations dont l'analyse a révélé dans la plupart des cas un déterminisme génétique. Chez les insectes, les rythmes d'émergences des adultes peuvent montrer de fortes variations entre populations. Pour plusieurs espèces de diptères par exemple, des différences de phases (heures d'émergence), déterminées génétiquement, ont été mesurées en relation avec l'origine géographique des souches (Neumann, 1967 ; Coluzzi, 1972 ; Lankinen, 1986 a et b). Dans la plupart des cas, ces différences ont été reliées à des variations des facteurs du milieu suggérant une adaptation des rythmes d'émergence aux conditions environnementales locales (Neumann, 1967 ; Lankinen, 1986a). Les populations naturelles de drosophiles montrent également des variations génétiques pour le rythme de ponte des femelles (Allemand et David, 1976 ; Allemand et 73 Chapitre 4 al., 1984). Chez Drosophilamelanogaster, une analyse fine des variations observées entre souches de laboratoire a mis en évidence un déterminisme polygénétique des profils avec un effet significatif des trois principales paires de chromosomes (Allemand et David, 1984). Chez les schistosomes, trématodes parasites des mammifères et agents de la bilharziose chez l'homme, des races chronobiologiques distinctes ont été décrites (Théron, 1980). Les cercaires des souches guadeloupéenne et brésilienne de Schistosoma mansoni sortent de leur hôte intermédiaire (mollusque) avec respectivement un pic d'émission précoce et tardif. La nature génétique de ces variations a été démontrée par des croisements réciproques qui ont été à l'origine d'une souche hybride montrant un rythme d'émission avec deux pics, l'un précoce, l'autre tardif (Théron et Combes, 1983). Ces différences seraient à relier à la spécificité de ces parasites qui n'infestent qu'une gamme très limitée d'hôtes. L'existence de variations génétiques entre individus appartenant à la même population a été démontrée pour plusieurs types de rythmes, le plus souvent par des expériences de sélection artificielle. Le rythme d'émergence des drosophiles (Pittendrigh, 1967 ; Clayton et Paietta, 1972) ainsi que leur rythme de ponte (Allemand et al., 1984 ; Allemand, 1991) répondent à la sélection. L'obtention, à partir d'individus issus de la même population, de lignées à rythmes d'activité différents prouve l'existence d'un "polymorphisme" des caractères étudiés (phase ou forme du profil). La présence de telles variations dans la nature a été observée dans une population de schistosomes où coexistent deux variants chronobiologiques pour les pics d'émission des cercaires (Théron et Combes, 1988). Le rythme d'activité locomotrice des drosophiles adultes présente également des variations interindividuelles dont le déterminisme génétique a été démontré par des analyses de fratries (Allemand et al., 1989). Non seulement la forme du profil mais également la période circadienne endogène du rythme montrent des variations génétiques entre individus issus d'une même population. L'analyse génétique des rythmes d'activité des parasitoïdes de drosophiles a été réalisée sur les femelles de L. heterotoma, espèce à large répartition géographique (Chapitre 1). Dans un premier temps, l'existence de variations génétiques entre populations naturelles a été recherchée. Ensuite, la variabilité entre individus de la même population a été analysée pour plusieurs caractéristiques des rythmes. Ces études n'ont pas uniquement concerné les rythmes d'activité locomotrice mais, dans la plupart des cas, la capacité d'infestation des femelles a également été mesuré en parallèle afin d'essayer de relier le rythme d'activité locomotrice à l'activité parasitaire des femelles. 74 Analyse génétique des rythmes 1- Variabilité des rythmes d'activité et de la capacité d'infestation des femelles entre populations de L. heterotoma L'espèce L. heterotoma s'est adaptée à de multiples conditions environnementales (Carton et al., 1986) puisque elle est présente du nord de l'Europe (Suède) jusqu'au sud du bassin méditerranéen (Afrique du Nord). En incluant la population de Ste Foy-lèsLyon, déjà décrite dans le chapitre 3, cinq populations d'origines géographiques différentes ont été étudiées (chapitre 1) : deux populations méditerranéennes (Antibes et Tunisie) ; une population du nord de l'Europe piégée en Hollande ; enfin une seconde population lyonnaise a été étudiée (Fontaines St Martin) afin de vérifier si la très faible activité de la population de Ste Foy (chapitre précédent) est réellement une caractéristique des populations naturelles de la région. Les femelles de ces cinq populations ont été comparées pour les deux caractères mesurés sur les rythmes : profil d'activité et taux d'activité. Dans tous les cas, les comparaisons ont été réalisées à partir d'expériences comportant 30 répétitions pour chacun des groupes de femelles. Les individus ont été suivis pendant plusieurs jours et montrent un rythme d'activité très net ; seules les courbes moyennes du rythme seront représentées. L'étude de la capacité d'infestation des femelles n'a été réalisée que sur les populations de Tunisie et de Ste Foy. La population de Fontaines-St Martin sera appelée pour plus de commodité St Martin. 1-1 Profils d'activité De très fortes différences de profils existent entre populations de L. heterotoma (figure 27). Parmi les 5 populations étudiées, les deux populations lyonnaises s'opposent nettement à celles d'Antibes et de Tunisie, les femelles originaires de Hollande étant plus difficiles à classer. Populations lyonnaises La population originaire de St Martin montre un profil d'activité identique à celui de Ste Foy-lès-Lyon ce qui confirme les résultats obtenus dans le chapitre 3. Les femelles de la région lyonnaise sont donc actives exclusivement l'après-midi avec un maximum aux alentours de 15-16 h ce qui leur confère un rythme d'activité de type unimodal. Populations méditerranéennes Mise à part la quantité d'activité très différente qui sera analysée dans le paragraphe suivant, les populations d'Antibes et de Tunisie se distinguent des populations lyonnaises par un profil de type bimodal. En début de photophase, ces femelles montrent un pic d'activité qui s'ajoute à celui présent l'après-midi. 75 Chapitre 4 La nature circadienne de ce rythme bimodal a été démontrée pour la souche tunisienne par des expériences de libre cours (figure 28) : les femelles conservent leurs deux pics d'activité en absence totale de facteurs d'entraînement (obscurité permanente). Ce pic matinal ne correspond donc pas à une simple réaction à l'apparition soudaine de lumière due à une plus forte sensibilité à l'éclairement de cette souche. Compte tenu des résultats de libre cours obtenus sur la souche de Ste Foy dont le profil unimodal persiste à l'obscurité (paragraphe 2-1, chapitre 3), ces expériences démontrent bien l'existence de deux profils différents entre les populations lyonnaises et méditerranéennes, l'un unimodal, l'autre bimodal. Au cours des différentes expériences réalisées sur la souche tunisienne, il est apparu que la phase de ce premier pic d'activité n'était pas très bien établie. Certaines femelles montrent en effet un premier pic d'activité en début de photophase alors que d'autres sont actives juste avant l'apparition de la lumière. Ces différences ne sont pas dues à des conditions d'expérimentation variables puisque, au sein d'une même expérience réalisée en LD 12:12 (lumière de 8 à 20 heures), certaines femelles montrent un premier pic à 7 heures, d'autres à 8 heures (figure 29). Certains individus sont plus difficilement définissables avec un pic soit à 7 soit à 8 heures (figure 29), pour d'autres encore, ce premier pic est presque inexistant (pic non exprimé). Le pourcentage de ces quatre catégories de femelles est donné dans le tableau 5 pour l'ensemble des expériences réalisées sur la souche tunisienne. La proportion de femelles avec un premier pic d'activité à 8 heures varie ce qui explique qu'en fonction des expériences, les courbes d'activité quotidienne de cette souche puissent montrer un profil bimodal avec un premier pic soit à 7 heures soit à 8 heures. Date N 7 heures 7-8 heures 8 heures non exprimé 15.02.91 15 0 0 100 0 15.07.91 20 10 10 40 40 02.09.91 30 20 43 17 20 30.09.91 30 67 3 7 23 18.11.91 60 3 0 27 70 29.11.91 30 7 7 33 53 13.12.91 105 3 7 42 48 28.12.91 30 10 17 45 28 24.01.92 120 17 21 33 29 28.02.92 30 17 20 13 50 03.07.92 30 40 17 23 20 17.09.92 24 4 25 46 25 Tableau 5 : Variabilité de l'heure du premier pic d'activité des femelles de Leptopilina heterotoma (souche tunisienne). Pour chaque expérience sont donnés les pourcentages des individus des quatre catégories : premier pic à 7 heures, à 8 heures, à 7 ou 8 heures selon les jours considérés ou non exprimé. 76 Analyse génétique des rythmes 40 40 St MARTIN Activité % Ste FOY-LES-LYON 30 30 20 20 10 10 0 0 0 4 8 12 16 20 24 0 40 8 12 16 20 24 12 16 20 24 40 ANTIBES Activité % 4 TUNISIE 30 30 20 20 10 10 0 0 0 4 8 12 16 20 24 0 4 8 Heures Heures 40 HOLLANDE Activité % 30 20 10 0 0 4 8 12 16 20 24 Heures Figure 27 : Courbes moyennes des rythmes d'activité locomotrice des femelles de 5 populations de Leptopilina heterotoma. Chaque courbe représente la moyenne de 30 femelles suivies pendant 3 jours en LD 12:12. 77 Chapitre 4 100 Activité % 80 60 40 20 0 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 20 Activité % 100 80 60 40 20 0 Activité % 100 80 60 40 20 0 Heures Figure 28 : Rythmes d'activité locomotrice de trois femelles de la souche tunisienne de Leptopilina heterotoma. Mesure de l'activité pendant 3 jours sous photopériode LD 12:12 puis 3 jours à l'obscurité permanente. Ces femelles montrent un profil d'activité bimodal qui persiste en libre cours. 78 Analyse génétique des rythmes En ce qui concerne le second pic d'activité (pic de l'après-midi), il semble exister une différence de phase entre les populations lyonnaises, actives au milieu de l'après-midi, et les populations méditerranéennes, beaucoup plus tardives (activité en fin d'après-midi). En effet, à 16 heures, les souches de St Martin et de Ste Foy ont déjà réalisé leur maximum d'activité alors que les souches d'Antibes et de Tunisie ne sont encore qu'au début de leur seconde phase d'activité dont le maximum va être atteint vers 17-18 heures (figure 27). Ce retard correspond à un déphasage de l'ordre de 2 à 3 heures. Ce résultat mérite cependant confirmation du fait que l'activité plus précoce des populations lyonnaises ne se retrouve pas pour toutes les années étudiées (paragraphe 3-2, chapitre 3). Activité % 100 a 80 60 40 20 0 20 Activité % 100 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 b 80 60 40 20 0 20 100 Activité % 8 c 80 60 40 20 0 20 Heures Figure 29 : Variabilité interindividuelle des rythmes d'activité des femelles tunisiennes de L. heterotoma. En LD 12:12, l'heure du premier pic d'activité est variable. Parmi les femelles d'une même expérience, certaines ont un pic d'activité avant l'apparition de la lumière à 7 heures (a), d'autres au moment de l'éclairement à 8 heures (b), d'autres encore sont plus difficiles à classer avec un premier pic d'activité soit à 7 heures, soit à 8 heures en fonction du jour considéré (c). Population hollandaise La souche hollandaise, de par une activité plus forte, semble à première vue se rapprocher du profil méditerranéen. Un pic matinal plus faible que celui des souches d'Antibes et de Tunisie ainsi qu'un second pic dont la phase est du même ordre que celle des souches Ste Foy et St Martin (environ 15 heures) conduisent cependant à rapprocher les femelles hollandaises des femelles lyonnaises. 79 Chapitre 4 Le rapprochement entre les souches hollandaise et lyonnaises ainsi que les différences de profils entre populations du sud (méditerranéennes) et du nord (lyonnaises et hollandaise) trouvent confirmation après analyse des profils d'activité par AFC. Cette analyse a été réalisée après élimination des heures d'inactivité qui correspondent en grande partie à la scotophase (de 21 h à 5 h, voir chapitre 1). La carte factorielle réalisée à partir des deux premiers facteurs de l'analyse montre très bien les différences entre les populations méditerranéennes et les populations plus septentrionales (figure 30). L'axe F1 de l'analyse est le plus discriminant et oppose, par des valeurs négatives, les individus actifs en début et fin de photophase (profils bimodaux des souches de Tunisie et d'Antibes) aux individus actifs essentiellement l'après-midi, caractérisés par des valeurs positives pour l'axe F1 (souches de Hollande, Ste Foy et St Martin). Les heures qui contribuent le plus à la définition de ce premier facteur sont les heures 8, 9, 14 et 15. L'axe F2 détermine, parmi les profils unimodaux, des différences de phases et discrimine, parmi les profils bimodaux, les individus dont la proportion relative des deux pics est différente. Les différences de coordonnées factorielles entre d'une part les populations méditerranéennes et d'autre part les populations lyonnaises et hollandaise sont significatives pour les deux axes de l'analyse (tableau 6). 06 20 19 F2 = 21 % 07 18 Tunisie 17 16 Ste Foy Antibes 15 08 14 St Martin 13 09 11 Hollande 12 10 F1 = 23 % Figure 30 : Rythmes d'activité locomotrice de 5 populations de Leptopilina heterotoma. Analyse des profils par AFC. Carte factorielle réalisée dans le plan F1 et F2 de l'analyse (pour chaque axe est donné le pourcentage d'inertie qu'il représente). Les chiffres indiquent les heures de la journée (photopériode LD 12:12, lumière de 8h à 20h). L'AFC démontre également la similitude des profils d'activité entre populations lyonnaises et hollandaise, même si les femelles appartenant à cette dernière population présentent une légère activité en début de photophase. Les ellipses représentant ces trois souches se superposent et aucune différence significative n'est observée dans les moyennes des coordonnées factorielles (tableau 6). L'analyse du troisième facteur de l'AFC ne change en rien ces conclusions (pas de différences significative pour ce facteur entre les populations lyonnaises et hollandaise, p = 0,47). La plus forte variabilité 80 Analyse génétique des rythmes observée pour la souche St Martin est due à un nombre plus faible d'individus conservés pour l'analyse (tableau 6, voir chapitre 1). Enfin, en comparant les heures associées aux ellipses représentatives de chaque population, cette analyse semble également démontrer que les phases du pic de l'aprèsmidi sont différentes entre les deux groupes de populations (axe F2, figure 30 et tableau 6). Les souches méditerranéennes montrent bien, l'après-midi, un pic d'activité plus tardif (vers 18 h sur la carte factorielle) que les autres populations, interprétation possible sachant que les heures 12, 13, 18 et 19 contribuent d'une façon importante à définir de deuxième facteur. F1 HOLLANDE Ste FOY-LES-LYON St MARTIN ANTIBES TUNISIE F2 N m s m s 19 19 7 26 29 .373 a .495 a .329 a -.072b -.154b .363 .602 .230 .396 .445 -.140a -.082a -.260a .091 ab .209 b .465 .476 .652 .465 .418 Tableau 6 : Analyse des rythmes d'activité des femelles de 5 populations de L. heterotoma par AFC. N = nombre d'individus pris en compte dans l'analyse, m = moyenne, s = écart-type. Les moyennes significativement différentes à 5% portent des lettres différentes. 1-2 Taux d'activité Les indices calculés pour chaque population sont présentés dans le tableau 7. Des valeurs identiques sont obtenues pour les deux souches lyonnaises (St Martin et Ste Foy) qui montrent toutes les deux une très faible activité (environ 1% des relevés). Ceci démontre que, dans nos conditions expérimentales, la très faible activité des femelles de L. heterotoma d'origine lyonnaise est véritablement une caractéristique des populations de cette région. Contrairement aux profils d'activité, la souche hollandaise se distingue nettement des deux souches lyonnaises par un taux moyen d'activité beaucoup plus élevé. HOLLANDE Ste FOY-LES-LYON St MARTIN ANTIBES TUNISIE N moy. (en %) Min. Max. Ecart type 30 30 30 30 30 6.3 1.0 0.9 11.4 7.1 0 0 0 0.3 0.8 28.5 13.4 7.2 31.2 23.3 7.6 2.6 1.9 8.1 5.3 Tableau 7 : Taux d'activité journalier des femelles des 5 populations de L. heterotoma. 81 Chapitre 4 Cette activité plus importante concerne également les deux populations méditerranéennes, la souche originaire de Tunisie étant un peu moins active que la souche d'Antibes. Dans tous les cas, il faut noter la présence d'une très forte variabilité à l'intérieur des populations étudiées (tableau 7). Malgré l'existence de populations à taux d'activité plus élevé que les populations lyonnaises, L. heterotoma reste en moyenne une espèce peu active comparée à A. tabida (chapitre 3). 1-3 Capacité d'infestation La capacité d'infestation des femelles dont les rythmes d'activité locomotrice sont différents a été étudié pour les populations lyonnaise (Ste Foy) et tunisienne de L. heterotoma. Le degré d'infestation et le succès parasitaire (chapitre 1) ont été mesurés quotidiennement sur 20 femelles suivies pendant les 5 premiers jours de leur vie imaginale. Chaque jour, une centaine de larves saines étaient disponibles. Degré d'infestations (DI) 100 France (Ste Foy) Tunisie (Nasrallah) 80 (0,91) (0,88) (0,85) (0,91) 60 (0,79) (0,92) 40 (0,64) 20 (0,93) (0,57) (0,65) 0 0 1 2 4 5 Jours 3 Figure 31 : Capacité d'infestation des populations lyonnaise et tunisienne de L. heterotoma. Mesure du degré d'infestation quotidien pendant les 5 premiers jours de vie des femelles (moyenne de 20 individus dans chaque groupe). Les barres verticales représentent les erreurs standard. Entre parenthèses est donnée pour chaque moyenne la valeur du succès parasitaire. Une différence très importante de capacité d'infestation a été observée entre les deux souches. Les femelles tunisiennes infestent quotidiennement un nombre de larves environ deux fois plus élevé que les femelles françaises (figure 31). Les infestations, faibles pour les deux souches le premier jour, atteignent rapidement plus de 70% chez les femelles tunisiennes alors que les femelles françaises parasitent en une seule journée rarement plus des 40% de larves disponibles. Compte tenu de la forte valeur des succès parasitaires (figure 31), il est probable que cet écart reflète une fécondité totale très différente entre les femelles de ces deux souches. Les différences de succès parasitaire observées pour les premiers jours de mesures sont probablement la conséquence des faibles degrés d'infestation des femelles françaises (voir chapitre 1). 82 Analyse génétique des rythmes 1-4 Conclusions Chez L. heterotoma, il existe une grande variabilité du rythme d'activité des femelles. Parmi les cinq populations étudiées, deux groupes peuvent être distingués en ce qui concerne les profils d'activité, trois si l'on prend en compte la quantité d'activité. Les populations méditerranéennes (Antibes et Tunisie) montrent une organisation temporelle bimodale avec deux nets pics d'activité au moment de l'éclairement et juste avant l'extinction. Les populations plus septentrionales présentent une activité matinale très faible ou inexistante et montrent principalement un pic d'activité au milieu de l'aprèsmidi. Les populations lyonnaises se différencient de la population hollandaise par un taux d'activité beaucoup plus faible. Cette différence d'organisation temporelle de l'activité s'accompagne d'une différence de capacité d'infestation : les femelles tunisiennes infestent beaucoup plus d'hôtes que les femelles françaises. Il est intéressant de noter dès à présent une correspondance entre le taux d'activité et le nombre d'hôtes parasités. Les femelles qui sont les plus actives sont celles qui pondent le plus (femelles tunisiennes). Cette relation entre activité et fécondité sera développée dans le chapitre 6. 2- Analyse génétique des différences entre les souches française (Ste Foy) et tunisienne (Nasrallah) de L. heterotoma L'analyse génétique des variations des rythmes d'activité a été réalisée sur les souches lyonnaise (Ste Foy) et tunisienne (Nasrallah) de L. heterotoma. Seuls les rythmes d'activité des femelles ont été étudiés, les mâles français et tunisiens ne présentant de différences ni pour les profils, ni pour le taux d'activité. Du fait de la très forte différence de potentiel d'infestation observée entre les femelles des deux souches et compte tenu de l'importance de ce caractère dans l'efficacité parasitaire de ces insectes, l'analyse génétique a également concerné le degré d'infestation et le succès parasitaire qui ont été mesurés parallèlement à l'activité locomotrice. Les résultats obtenus pour le degré d'infestation et le succès parasitaire ont été exposés préalablement à l'étude génétique des rythmes d'activité puisqu'ils permettent de mesurer l'interfertilité des deux souches. 2-1 Protocole expérimental Deux croisements successifs ont été effectués. Des croisements réciproques entre les souches française et tunisienne ont permis d'obtenir deux types d'hybrides (femelles F1) : une lignée d'origine maternelle française et une lignée d'origine maternelle tunisienne. Le potentiel d'infestation des femelles (mères) croisées avec un mâle d'une autre origine a été mesuré afin de vérifier l'interfertilité des deux souches. Pour cela, les croisements ont été réalisés à partir de 50 couples (50 couples "femelle française par mâle tunisien" et 50 couples "femelle tunisienne par mâle français"). Les degrés d'infestation, le succès parasitaire et la sex-ratio de la descendance ont été mesurés sur des femelles restées 48 heures en présence d'une centaine de larves. Ces valeurs ont été comparées à 83 Chapitre 4 celles mesurées sur 20 couples des souches témoins (tunisienne et lyonnaise). Les femelles hybrides F1 ont été obtenues à partir de ces infestations. A partir des F1, des back-cross ont été réalisés. Cependant, seuls les back cross consistant à croiser les femelles hybrides F1 avec un mâle de même origine que leur père ont été effectués. Un compromis a dû en effet être trouvé entre la limitation des effectifs imposée par le dispositif de mesure et un nombre de répétitions suffisant. Ce type de croisement a permis d'obtenir après deux générations des femelles d'origine maternelle tunisienne (cytoplasme tunisien) comportant un génome à 75% français et des femelles d'origine maternelle française (cytoplasme français) avec un génome à 75% tunisien. Cette opération de remplacement du génome des femelles d'une souche donnée par des gènes d'une autre souche via les mâles permet de détecter une éventuelle transmission maternelle des caractères. Les différents groupes de femelles issues des différents types de croisements seront représentés par les symboles suivants : - H1 = femelle tunisienne x mâle français - H2 = femelle française x mâle tunisien - BC1 = femelle H1 x mâle français - BC2 = femelle H2 x mâle tunisien Pour chaque croisement (F1 et back cross), deux groupes de femelles ont été constitués, l'un pour l'étude des rythmes d'activité, l'autre pour l'étude du comportement parasitaire (pour les F1 un troisième groupe de femelles vierges a été constitué pour réaliser les back-cross). Dans tous les cas, parallèlement aux femelles hybrides, des femelles témoins ont été mesurées. Par exemple, des femelles tunisiennes ont été testées en même temps que les hybrides d'origine maternelle tunisienne. L'étude génétique des rythmes d'activité locomotrice a été réalisée avec 30 femelles dans chaque modalité expérimentale (témoins et hybrides). L'étude du potentiel d'infestation a été réalisée avec 20 répétitions. Chaque femelle a été placée, dès l'émergence, en présence d'une centaine d'hôtes quotidiennement renouvelés pendant 5 jours consécutifs. Dans tous les cas, les femelles se sont développées sur des hôtes (D. melanogaster) d'origine française. 2-2 Test d'interfertilité entre les souches lyonnaise et tunisienne La prise en compte simultanée du degré d'infestation, du succès parasitaire et de la sex-ratio est nécessaire pour déterminer le degré d'interfertilité des deux souches. Si le degré d'infestation et le succès parasitaire restent inchangés par rapport aux témoins, la sex-ratio associée au nombre de femelles non fécondées permet de détecter la présence éventuelle de barrières pré-zygotiques au croisement des deux souches (attraction des sexes, succès de la copulation, compatibilité entre les gamètes). Au contraire, un changement de sex-ratio accompagné d'une réduction de la descendance obtenue dans les croisements inter-souches peut refléter une mortalité différentielle des sexes et l'existence 84 Analyse génétique des rythmes d'une barrière post-zygotique. La sex-ratio a été mesurée par le pourcentage de femelles présentes dans la descendance. Quel que soit le caractère étudié (sex-ratio, degré d'infestation ou succès parasitaire), aucune différence significative n'a été observée entre femelles croisées ou non avec un mâle de même origine excepté pour le degré d'infestation dans le cas du croisement "femelle française x mâle tunisien" (tableau 8). Cette différence est statistiquement significative mais la valeur des couples hybrides (0,37) est plus élevée que celle des témoins (0,21). Il semble donc qu'il existe une compatibilité totale entre les souches de Ste Foy et de Nasrallah. Nbre de couples étudiés Tu x Tu x Fr x Fr x Tu Fr Fr Tu 20 49 20 50 Femelles Femelles avec non descendance fécondées 20 49 7 31 0 16 4 6 Degrés d'Infestation Succès Parasitaire Sex Ratio m 0.75 a 0.88 a 0.70 a s (n) 0.12 (20) 0.13 (20) 0.18 (20) m 0.78 a 0.84 a 0.70 a s (n) 0.10 (49) 0.13 (49) 0.20 (33) m 0.21 b 0.63 b 0.50 a s (n) 0.26 (20) 0.37 (9) 0.37 (3) m 0.37 c 0.63 b 0.69 a s (n) 0.26 (50) 0.29 (37) 0.09 (25) Tableau 8 : Test d'interfertilité entre les populations lyonnaise (Ste Foy) et tunisienne (Nasrallah) de L. heterotoma. Mesure du degré d'infestation, du succès parasitaire et de la sex-ratio de la descendance après deux jours d'infestations. m = moyenne ; s = écart type ; n = effectif. Les moyennes accompagnées de lettres différentes sont significativement différentes à 5%, test t après transformation angulaire des données. Le nombre de femelles non fécondées pour les croisements hybrides réalisés avec une femelle tunisienne est un peu élevé (16 sur 49), phénomène qui ne se retrouve pas pour les croisements réciproques intéressant les femelles françaises. Bien que ce pourcentage élevé de femelles non fécondées soit également présent chez les témoins français, cette valeur pourrait mettre en doute les conclusions formulées précédemment. L'interfertilité des deux souches est cependant confirmée par les valeurs du potentiel d'infestation des hybrides issus des deux types de croisements (F1). Ces hybrides sont en effet capables de produire normalement une descendance (tableau 9). Les différences observées dans le nombre de femelles non fécondées reflètent donc simplement une forte variabilité de ce caractère. Les souches française (Ste Foy) et tunisienne (Nasrallah) de L. heterotoma font donc bien partie de la même espèce et aucune barrière reproductive (pré ou post-zygotique) n'existe entre ces deux populations. 85 Chapitre 4 2-3 Etude de la capacité d'infestation Les résultats des croisements pour le degré d'infestation et le succès parasitaire, sont présentés dans deux tableaux différents : un pour les hybrides F1 (tableau 9 a) et un pour les back cross (tableau 9b). Pour les quatre groupes testés (2 témoins et 2 croisements hybrides), les moyennes des deux paramètres sont données pour les cinq jours de mesures. Le succès parasitaire n'a été calculé qu'avec les individus ayant un degré d'infestation supérieur ou égal à 10% (chapitre 1). 2-3-1 Degré d'infestation Les différences de degrés d'infestation entre les souches française et tunisienne mises en évidence dans le paragraphe 1-3 se retrouvent pour les témoins des croisements. En effet, les femelles tunisiennes sont capables d'infester, dès le deuxième jour, plus de la moitié des larves offertes et 80% les jours suivants (tableau 9 a et b). Dans le même temps, les femelles françaises infestent moins de 20% des larves et arrivent difficilement, par la suite, à parasiter plus de 50% des hôtes présents. La forte chute du degré d'infestation des témoins tunisiens de première génération pour les quatrième et cinquième jours de mesures (tableau 9 a) est probablement due à un effet expérimentation puisque cette diminution ne se retrouve pas à la génération suivante (tableau 9 b). TUNISIE DI SP H1 DI SP H2 DI SP FRANCE DI SP m Jour 1 0.35 Jour 2 0.73 Jour 3 0.80 Jour 4 0.44 Jour 5 0.44 s (n) 0.24 (20) 0.20 (20) 0.16 (20) 0.16 (20) 0.15 (20) m 0.89 0.85 0.92 0.90 0.95 s (n) 0.12 (17) 0.24 (20) 0.12 (20) 0.10 (20) 0.11 (20) m 0.29 0.57 0.75 0.53 0.57 s (n) 0.30 (20) 0.31 (19) 0.12 (19) 0.17 (19) 0.09 (18) m 0.81 0.92 0.94 0.90 0.84 s (n) 0.28 (11) 0.12 (16) 0.07 (19) 0.12 (19) 0.13 (18) m 0.06 0.24 0.48 0.66 0.62 s (n) 0.12 (19) 0.17 (19) 0.32 (19) 0.33 (19) 0.31 (19) m 0.84 0.71 0.88 0.87 0.83 s (n) 0.26 (3) 0.23 (13) 0.11 (14) 0.14 (16) 0.24 (17) m 0.08 0.17 0.35 0.54 0.51 s (n) 0.14 (20) 0.19 (20) 0.32 (20) 0.33 (20) 0.31 (20) m 0.89 0.63 0.86 0.89 0.88 s (n) 0.11 (5) 0.29 (9) 0.10 (12) 0.20 (16) 0.13 (15) Tableau 9a : Degrés d'infestation (DI) et succès parasitaire (SP) des hybrides F1 issues du croisement entre les populations lyonnaise et tunisienne de L. heterotoma. H1 = hybrides de mère tunisienne, H2 = hybrides de mère française, m = moyenne, s = écart type, n = effectif. Jour 1 Jour 2 86 Jour 3 Jour 4 Jour 5 Analyse génétique des rythmes TUNISIE DI SP BC1 DI SP BC2 DI SP FRANCE DI SP m 0.15 0.60 0.72 0.74 0.83 s (n) 0.17 (20) 0.34 (20) 0.24 (20) 0.14 (20) 0.11 (20) m 0.93 0.91 0.88 0.85 0.91 s (n) 0.13 (10) 0.09 (16) 0.08 (19) 0.10 (20) 0.09 (20) m 0.14 0.30 0.39 0.48 0.53 s (n) 0.23 (20) 0.37 (20) 0.37 (20) 0.32 (20) 0.29 (20) m 0.82 0.84 0.71 0.65 0.76 s (n) 0.15 (5) 0.19 (8) 0.19 (11) 0.25 (15) 0.26 (17) m 0.32 0.50 0.67 0.67 0.73 s (n) 0.20 (20) 0.24 (20) 0.24 (20) 0.20 (20) 0.25 (20) m 0.85 0.84 0.74 0.89 0.79 s (n) 0.15 (15) 0.13 (18) 0.13 (19) 0.14 (19) 0.17 (19) m 0.05 0.14 0.31 0.36 0.45 s (n) 0.06 (19) 0.17 (19) 0.30 (19) 0.31 (19) 0.38 (19) m 0.65 0.57 0.64 0.92 0.79 s (n) 0.11 (2) 0.41 (7) 0.21 (11) 0.12 (12) 0.16 (12) Tableau 9b : Degrés d'infestation (DI) et succès parasitaire (SP) des back cross issus du croisement entre les populations lyonnaise et tunisienne de L. heterotoma. BC1 = back cross de lignée maternelle tunisienne, BC2 = back cross de lignée maternelle française, m = moyenne, s = écart type, n = effectif. Les résultats bruts des croisements démontrent le déterminisme génétique des variations mesurées (tableau 9 a et b). Les descendants F1 n'occupent pas une position intermédiaire entre les souches parentales mais ressemblent plus à leur mère, suggérant une transmission maternelle du caractère. Cependant, ce phénomène ne se retrouve pas pour les back cross. Les hybrides de lignée maternelle tunisienne croisées avec des mâles français (BC1) montrent un profil d'infestation de type français avec un DI qui atteint difficilement 50% le cinquième jour de ponte. De la même façon, les back cross intéressant les femelles d'origine maternelle française (BC2) produisent des individus dont les capacités d'infestation sont augmentées. Le nombre d'hôtes parasités quotidiennement par les femelles (estimé en multipliant les DI par la valeur des témoins "développement des drosophiles" correspondants, voir chapitre 1) a été représenté de façon cumulée au cours du temps pour tous les types de croisements (figure 32). Mesurées deux fois, les souches parentales sont ici représentées par la moyenne des deux tests. Cette représentation met clairement en évidence le mode de transmission biparental du potentiel d'infestation bien que les deux hybrides F1 conservent des caractéristiques maternelles. L'hypothèse d'une transmission maternelle est en fait beaucoup moins nette lorsque l'on prend en compte uniquement le nombre d'hôtes parasités après 5 jours d'infestations (figure 33). En effet, si dans un cas les hybrides conservent une capacité d'infestation proche de celle de leur mère (hybrides femelle tunisienne x mâle français), le second croisement fournit des hybrides intermédiaires aux deux souches parentales. 87 Chapitre 4 Nbre cumulé d'hôtes infestés 300 BC 2 TUNISIE H1 200 H2 BC 1 FRANCE 100 0 3 4 5 Jours Figure 32 : Courbes cumulées du nombre d'hôtes infestés par les femelles issues des différents croisements entre les souches françaises (Ste Foy) et tunisienne de L. heterotoma. H1 et BC1 représentent respectivement les hybrides et les back cross de lignée maternelle tunisienne et symétriquement, H2 et BC2, les hybrides et les back cross de lignée maternelle française. 0 1 2 Cette étude démontre clairement le déterminisme génétique des différences de potentiel d'infestation que présentent les souches française et tunisienne de L. heterotoma. La transmission de ce caractère est de type biparental avec peut être un effet maternel qui reste à confirmer. 2-3-2 Succès parasitaire Les résultats obtenus pour le succès parasitaire confirment l'absence de différences entre les souches française et tunisienne pour ce caractère (tableau 9 a et b). Les seules différences significatives sont attribuables aux faibles degrés d'infestation correspondants (voir chapitre 1). A la première génération (test des F1), les souches française et tunisienne ont un succès parasitaire semblable avec des valeurs comprises entre 80 et 90% sauf pour le deuxième jour de ponte où le succès parasitaire de la souche française est un peu plus faible (tableau 9 a). Les hybrides montrent quant à eux un succès parasitaire identique à celui des souches parentales. A la seconde génération (back cross), des valeurs un peu plus faibles pour la souche française ont été observées (tableau 9 b), mais seulement pour 3 des 5 jours étudiés qui correspondent toujours à un effectif faible (DI faible). Comme pour la première génération, il n'apparaît pas de différences nettes entre back cross qui montrent tous deux des valeurs élevées de succès parasitaire. Le suivi des caractères sur les cinq premiers jours de vie des parasitoïdes indique qu'il n'y a pas d'évolution du succès parasitaire au cours du temps. Chez L. heterotoma, la survie de la descendance des femelles avec D. melanogaster comme hôte atteint une 88 Analyse génétique des rythmes valeur proche de 80% dès le premier jour de ponte. Ce taux est conservé les jours suivants, cela quelle que soit l'origine des femelles parasitoïdes (françaises ou tunisiennes). Femelles de la lignée tunisienne croisées avec un mâle français France Tunisie Femelles de la lignée française croisées avec un mâle tunisien. France Tunisie Lignées parentales 100 150 250 200 100 150 H1 200 250 200 250 H2 F1 100 150 200 250 100 150 BC1 BC2 Back Cross 100 150 200 250 100 Nombre de larves infestées 150 200 250 Nombre de larves infestées Figure 33 : Nombre d'hôtes parasités par les femelles issues des différents croisements entre les souches française (Ste Foy) et tunisienne de L. heterotoma après 5 jours d'infestations. H1 et BC1 représentent respectivement les hybrides et les back cross de lignée maternelle tunisienne et symétriquement, H2 et BC2, les hybrides et les back cross de lignée maternelle française(voir texte). Le pourcentage de gènes des deux lignées parentales dans les hybrides est symbolisé par des niveaux de gris différents. 2-4 Etude des rythmes d'activité locomotrice Les rythmes d'activité des descendants des croisements (F1 et back cross) ont été présentés sous la forme d'une courbe quotidienne moyenne (figure 34). Les souches française et tunisienne étant mesurées à chaque génération, les courbes parentales représentent la moyenne des deux mesures (pas de différences significatives entre les deux générations parentales). Les mâles des deux souches ont été représentés sur la figure 34 afin de visualiser les croisements effectués et montrer qu'il n'existe pas de différence entre mâles français et tunisiens. 2-4-1 Profils d'activité L'analyse factorielle, qui permet une comparaison statistique des profils d'activité des femelles issues des divers croisements, a été réalisée sur un seul fichier contenant les données des populations parentales, des hybrides et des back cross. Seules les heures d'activité ont été conservées pour les calculs (de 6 heures à 20 heures, voir chapitre 1). 89 Chapitre 4 PARENTS Activité (%) Mâle français PARENTS Femelle tunisienne Femelle française Mâle tunisien 40 40 40 40 30 30 30 30 20 20 20 20 10 10 10 10 0 0 0 4 8 12 16 20 24 4 8 12 16 20 24 Femelles H1 40 Mâle français 0 4 8 30 30 20 20 10 10 12 16 20 24 0 4 8 12 16 20 24 Femelles H2 40 Mâle tunisien 0 0 0 4 8 12 16 20 24 Back cross BC1 40 Activité (%) 0 0 0 0 30 20 20 10 10 0 8 12 16 20 24 Back cross BC2 40 30 4 0 0 4 8 12 16 20 24 Temps (heures) 0 4 8 12 16 20 Temps (heures) 24 Figure 34 : Déterminisme génétique des rythmes d'activité: croisements entre les souches française (Ste Foy) et tunisienne de L. heterotoma. Les femelles tunisiennes montrent un profil d'activité bimodal alors que les femelles françaises (Ste Foy) sont beaucoup moins actives et uniquement l'après-midi. Pas de différences significatives entre les mâles. Les hybrides réciproques (H1 et H2) ont un profil d'activité intermédiaire entre les deux souches parentales, indication d'un déterminisme génétique de type biparental confirmé par les back cross (BC1 et BC2). Courbes moyennes des rythmes d'activité mesurés pendant 3 jours sur 30 individus sous photopériode LD 12:12 . 90 Analyse génétique des rythmes Les résultats sont présentés sous la forme de deux cartes factorielles issues de la même analyse : la première permet de suivre la lignée d'origine maternelle tunisienne (figure 35 a), la seconde la lignée d'origine maternelle française (figure 35 b). L'axe F2 oppose les profils d'activité unimodaux (valeurs négatives) aux profils d'activité bimodaux (valeurs positives). Cet axe permet également de distinguer des différences de phases dans les pics. L'axe F1 est indicateur, parmi les profils bimodaux, de la proportion relative des deux pics. Profils des hybrides F1 Les deux types d'hybrides (H1 et H2) montrent des profils d'activité similaires et intermédiaires à ceux des parents (figure 34). Les femelles issues de mère tunisienne et de mâle français (H1) montrent toujours deux pics d'activité (caractère tunisien) avec cependant une très forte réduction dans l'amplitude de ces pics (caractère français). Sur l'AFC (figure 35 a), cela se traduit par une position des hybrides intermédiaire entre les positions parentales. F i g . 3 5 : aFemelle Tunisie x mâle France F i g . 3 5 : bFemelle France x mâle Tunisie 20 F2 = 20 % 06 20 19 18 17 07 H1 08 TUNISIE 19 18 17 06 07 16 BC2 08 09 TUNISIE H2 16 09 15 15 10 10 BC1 13 14 14 13 FRANCE FRANCE 11 11 12 12 F1 = 28 % F1 = 28 % Figure 35 : Croisements entre les souches française (Ste Foy) et tunisienne de L. heterotoma : analyse des profils des rythmes d'activité par AFC. Les résultats des croisements de chacune des deux lignées maternelles (tunisienne, H1 et BC1 et française, H2 et BC2) ont été représentés sur deux cartes différentes issues de la même analyse (le pourcentage d'inertie de chaque axe est précisé). Le niveau de gris de chaque ellipse est représentatif du pourcentage de gènes d'origine française contenus dans le génome de chaque individu. Les chiffres indiquent les heures de la journée. Photopériode LD 12:12 (lumière de 8h à 20h). Les femelles issues de mères françaises et de mâles tunisiens (H2) montrent déjà de nombreuses caractéristiques tunisiennes avec un profil d'activité bimodal. Ces hybrides montrent non seulement un pic supplémentaire par rapport à leur mère mais aussi un changement de phase dans le second pic, plus tardif, ce qui explique la position décalée de ces hybrides vers les valeurs positives de l'axe F2 (heures de la fin de l'après-midi, figure 35 b). Ces femelles conservent cependant certaines caractéristiques françaises notamment dans l'amplitude des pics. 91 Chapitre 4 L'obtention de profils intermédiaires aux populations parentales, quel que soit le sens du croisement, démontre le déterminisme génétique des variations des rythmes d'activité avec intervention des deux génomes paternel et maternel. F1 TUNISIE FRANCE H1 BC1 H2 BC2 F2 N m se m se 30 30 24 17 22 29 -.504a .447 c -.057b .281 bc .453 c .038 b .140 .028 .194 .073 .061 .123 .017 a -.552b .001 a -.491b .344 a .179 a .09 .129 .174 .204 .129 .120 Tableau 10 : Croisements entre les souches française (Ste Foy) et tunisienne de L. heterotoma. Analyse des profils des rythmes d'activité des femelles par AFC. Moyennes des coordonnées factorielles (F1 et F2) des lignées parentales, des hybrides F1 (H1 et H2) et des back cross (BC1 et BC2). N = nombre d'individus pris en compte dans l'analyse, m = moyenne, se = erreur standard. Les moyennes significativement différentes à 5% ont des lettres différentes (test t). Profils des back cross Les femelles d'origine tunisienne à génome 75% français (BC1) montrent un profil d'activité proche de celui des femelles françaises (figure 34). Cette similitude est confirmée par la position de l'ellipse représentant les femelles issues de ce back cross qui est proche de la population française (figure 35 a). Aucune différence significative n'a été mise en évidence entre les moyennes de ces deux groupes quel que soit le facteur considéré, F1 ou F2 (tableau 10). Des résultats similaires ont été obtenus pour le second back cross (BC2). Les femelles d'origine maternelle française à génome 75% tunisien montrent un profil d'activité proche de la population tunisienne avec deux pics dont le second se situe juste avant l'extinction (figure 34). Sur la carte factorielle, l'ellipse de ce groupe est très proche de la population tunisienne (figure 35 b) et aucune différence n'est significative entre les moyennes de ces deux groupes (tableau 10). Ainsi, en deux générations et avec des croisements appropriés, on peut passer d'un profil tunisien à un profil français et inversement. Les résultats de ces back cross confirment donc ceux obtenus sur les F1 notamment en ce qui concerne l'importance du génome mâle dans le déterminisme génétique des rythmes d'activité des femelles. 2-4-2 Taux d'activité Les courbes moyennes des rythmes d'activité (figure 34) indiquent que les variations de quantité d'activité ont elles aussi un déterminisme génétique, semblable à celui des profils, ce qui a été confirmé par le calcul des taux d'activité (tableau 11). 92 Analyse génétique des rythmes La différence entre les deux souches parentales décrite dans le paragraphe 1-2 se retrouve avec néanmoins de légères fluctuations dans les moyennes, phénomène normal compte tenu des fortes valeurs prises par les variances. Les hybrides, quel que soit le sens du croisement, ont un taux d'activité identique dont la valeur est située entre celles des deux souches parentales (tableau 11). Ces taux ne sont pas, comme attendu, au niveau de la moyenne arithmétique des valeurs des parents (3,6 et 3,8 au lieu d'environ 6% théoriquement). Ils sont plus proches de la souche française dont ils diffèrent pourtant significativement. Compte tenu des valeurs identiques du taux d'activité des deux hybrides, aucune explication n'a été trouvée à ce phénomène. TUNISIE FRANCE H1 BC1 H2 BC2 N Taux d'activité (%) Ecart-type 30 30 29 29 30 30 11.5 a 0.5 c 3.6 b 1.7 c 3.8 b 8.9 a 7.6 1.0 5.1 4.9 6.6 8.6 Tableau 11 : Croisements entre les souches française (Ste Foy) et tunisienne de L. heterotoma. Taux moyen d'activité des femelles des lignées parentales, des F1 (H1 et H2) et des back cross (BC1 et BC2). Les valeurs associées à des lettres différentes sont significativement différentes à 5% (test t après transformation angulaire). Les résultats des back cross sont conformes à ceux attendus sous l'hypothèse d'une transmission biparentale du caractère (tableau 11). En effet, les femelles d'origine maternelle tunisienne ayant père et grand-père d'origine française (BC1) ont une quantité d'activité aussi faible que les femelles françaises (1,7%). Symétriquement, après deux croisements avec des mâles tunisiens (BC2), les femelles françaises produisent des descendants dont le taux d'activité est identique à celui des femelles tunisiennes. Ainsi, comme les profils d'activité, les différences de quantité d'activité sont déterminées génétiquement avec un mode de transmission biparental. 2-5 Conclusions Les croisements entre les souches française et tunisienne de L. heterotoma indiquent que les différences de profils d'activité, de quantités d'activité ainsi que de potentiels d'infestation ont un déterminisme génétique. Il est cependant possible que les variations de quantité d'activité ne soient que la conséquence des différences de fécondité des femelles ce qui impose une certaine prudence dans les conclusions. Les mécanismes de transmission de ces caractères sont semblables avec intervention des deux génomes maternel et paternel. Pour le degré d'infestation, on ne peut pas écarter l'hypothèse qu'à un déterminisme biparental se surajoute un certain effet maternel. L'intervention de facteurs non nucléaires (organismes symbiotiques ou pathogènes) a déjà été évoquée pour 93 Chapitre 4 expliquer des différences de fécondité entre souches d'insectes parasitoïdes (Mimouni, 1991 ; Girin, comm. pers.). Enfin, compte tenu de la complexité des caractères mesurés, ces variations ont probablement un déterminisme polygénique. 3 - Analyse génétique de la variabilité inter-individuelle La forte variabilité entre femelles de même origine a été signalée à de nombreuses reprises. Un éventuel déterminisme génétique de ces variations a été recherché par analyse de fratries (lignées isofemelles, Parsons, 1980) et régression parents-enfants. Ces méthodes, fondées toutes les deux sur la mesure du degré de ressemblance entre individus apparentés, permettent d'établir si les valeurs des paramètres mesurés sont des caractéristiques familiales et ainsi d'en déduire un déterminisme génétique probable. Seuls les rythmes d'activité ont été pris en compte dans cette étude. 3-1 Protocole expérimental et traitements statistiques des données Du fait de la très faible activité des femelles de Ste Foy et de St Martin, l'étude de la variabilité interindividuelle des rythmes d'activité n'a pas pu être réalisée sur les souches lyonnaises. Seules les souches hollandaise et tunisienne ont été analysées. Pour les femelles hollandaises, les rythmes d'activité en LD 12:12 ont été mesurés sur 12 femelles (mères) puis 5 de leurs filles. La variabilité interindividuelle de la période endogène du rythme a également été analysée mais uniquement par analyse de fratries, seules les filles ayant été mesurées en libre cours (7 jours à obscurité permanente). Chez les femelles tunisiennes, les rythmes d'activité locomotrice ont été étudiés uniquement en LD 12:12 sur deux générations successives (mères et filles). L'analyse a porté sur 39 lignées avec 3 répétitions par lignée. Les méthodes d'analyse classiques des lignées isofemelles et des comparaisons parent-enfant (respectivement l'analyse de variance à un facteur et la régression linéaire simple) ne sont pas toujours adaptées aux profils d'activité. Les profils des rythmes sont en effet quantifiés par deux variables (premier et second facteur de l'AFC) dont il faut tenir compte simultanément (paragraphe 1-1 et 3-2). Des méthodes multidimensionnelles ont donc été utilisées : l'analyse de variance bivariée pour l'étude des lignées isofemelles et la corrélation canonique pour les ressemblances parent-enfant (Dagnélie, 1975). Ces deux méthodes ont pour objet le test des mêmes hypothèses que les analyses unidimensionnelles en prenant en compte simultanément deux variables au lieu d'une seule. En ce qui concerne l'analyse de variance bivariée, le test de Wilks a été choisi pour déterminer la signification des résultats après calcul des matrices de variance-covariance totale et résiduelle (intra-lignée). Ce test établit le rapport de la variation résiduelle (déterminant de la matrice intra) sur la variation totale (déterminant de la matrice totale) à partir duquel la valeur d'un F peut être estimée. La lecture du tableau d'analyse de variance est donc différente de celle d'une analyse réalisée sur un seul caractère notamment en ce qui concerne le nombre de degrés de liberté. 94 Analyse génétique des rythmes Les taux quotidiens d'activité, mesurés en pourcentage, ont été analysés par des méthodes classiques (régression simple et analyse de variance) après transformation angulaire des données. 3-2 Profils d'activité 3-2-1 Analyse de fratries Pour les femelles hollandaises, l'analyse de variance bivariée conduit à accepter l'hypothèse d'une ressemblance significative entre sœurs (tableau 12) démontrant ainsi le caractère familial du profil d'activité de cette souche. Cependant, ce résultat ne se retrouve pas pour la souche tunisienne où pourtant un plus grand nombre de lignées a été étudié (tableau 12). Nous avons essayé de rechercher si ce résultat contradictoire ne pouvait pas s'expliquer autrement que par l'absence de variabilité génétique du profil d'activité entre les individus de la souche tunisienne. Source de variation HOLLANDE 1er seuil Det. Inter-familiale Intra-familiale Totale 22,06 93,45 237,0 0,39 1,9 20 62 2° seuil Det. w F ddl Inter-familiale Intra-familiale Totale 8,32 22,42 68,67 w 0,32 F 2,1 TUNISIE ddl 18 48 p Det. w 94,24 284,84 0,40 <0,05 711,05 p Det. w 52,43 67,26 0,27 <0,05 253,12 F 1,2 F 1,6 ddl p 76 154 <0,25 ddl p 70 118 <0,01 Tableau 12 : Analyse de la variabilité inter-individuelle de la phase du rythme d'activité de L. heterotoma par étude de fratries (populations hollandaise et tunisienne) : analyse de variance bivariée sur les coordonnées F1 et F2 de l'AFC. Det = déterminant des matrices de variation. w = variable de Wilks. F = ((n-k-1) / (k-1)) * ((1- w) / w) à 2(k-1) et 2(n-k-1) ddl (Dagnélie, 1975). n = nbre d'individus, k = nombre de lignées. 1er seuil = femelles à taux d'activité < 0,35 éliminées, 2e seuil = femelles à taux d'activité < 1,9 (hollandaise) et < 4,2 (tunisienne) éliminées. Il faut rappeler ici que seules les femelles ayant exprimé une quantité d'activité suffisante sont prises en compte pour l'étude des profils, un profil ne pouvant pas être défini pour des femelles presque ou totalement inactives. Or, le seuil d'activité utilisé jusqu'à présent pour l'élimination des individus était peu restrictif car il a été établi à partir de la souche française, très peu active, de façon à utiliser le maximun d'individus mesurés (voir chapitre1). Il est probable que ce seuil ne soit pas assez élevé pour les souches tunisienne et hollandaise, beaucoup plus actives, ce qui a entraîné la prise en compte de quelques individus atypiques dont le profil d'activité ne représente pas la réalité. Ceci a été mis en évidence pour la souche tunisienne par analyse de la relation 95 Chapitre 4 existant entre le profil d'activité et la quantité d'activité (figure 36). Au-dessous d'une certaine quantité d'activité, les profils quantifiés par AFC sont beaucoup plus variables comparés à ceux des femelles dont l'activité est plus forte (du fait que les deux coordonnées factorielles contribuent à la définition des profils, cette relation entre taux d'activité et profils n'a pu être visualisée dans un plan qu'après le calcul d'une combinaison linéaire des deux variables F1 et F2 de l'AFC, combinaison linéaire issue de la régression multiple). Profil du rythme d'activité 30 20 10 0 0 10 seuil 20 Taux d'activité (%) 30 40 Figure 36 : Relation entre le taux d'activité et le profil du rythme chez les femelles de la souche tunisienne de L. heterotoma (117 femelles mesurées lors de l'analyse de fratrie). La mesure du profil est le résultat d'une combinaison linéaire entre les valeurs des coordonnées factorielles F1 et F2 de l'analyse des profils par AFC (combinaison issue de la régression multiple). Afin d'éliminer un éventuel effet dû à des mesures imprécises, un second calcul a été réalisé en utilisant un seuil identique à celui de la souche française non pas en valeur absolue (0,35) mais relativement à la quantité moyenne d'activité des femelles du groupe étudié. De cette façon, plus les femelles du groupe sont actives, plus le seuil utilisé est élevé (par exemple 4,9 pour les femelles tunisiennes comparé à 0,35 pour les femelles françaises ce qui conduit à éliminer 24 femelles au lieu de 3 sur 120). Ce nouveau seuil correspond à celui que l'on peut définir à partir de la figure 36. L'utilisation de ces individus lors des analyses précédentes ne remet pas en question les résultats obtenus puisque cela ne peut qu'augmenter la variance intra-groupe. Il n'en est pas de même pour les analyses de fratries, beaucoup plus sensibles, car chaque famille comporte un nombre faible de répétitions. La prise en compte de quelques individus atypiques conduit alors à augmenter considérablement la variation intrafamiliale ce qui rend plus difficile la mise en évidence d'une ressemblance intra-lignée. 96 Analyse génétique des rythmes Les résultats des analyses effectuées avec ce second seuil indiquent qu'il existe bien, parmi les profils de la souche tunisienne, une ressemblance plus importante entre sœurs qu'entre femelles non apparentées (seconde partie du tableau 12). Le fait que ce nouveau seuil ne modifie pas les résultats obtenus sur la souche hollandaise justifie pleinement son utilisation (seuil de 1,9 pour cette souche, tableau 12) Ainsi, comme pour la souche hollandaise, le profil d'activité semble également être une caractéristique familiale pour la souche tunisienne. 3-2-2 Régression mères-filles Pour les deux souches étudiées, aucune régression mère-fille n'est significative pour le profil d'activité (Figures 37 et 38). La transmission de ce caractère entre mère et filles n'a donc pas pu être démontrée. Il faut tout de même noter, dans le cas de la souche hollandaise, que le coefficient de corrélation canonique est signicatif au seuil 6% malgré le peu de répétitions effectuées. 3 1,5 r = 0,42 (NS) 2 0,5 Filles 1 Filles r = 0,81 (NS) 1 0 0 -0,5 -1 -1 -2 -1,5 -3 -2 -3 -2 -1 0 Mère 1 2 3 -1 Figure 37 : Régression mère-filles des profils du rythme d'activité de L. heterotoma (corrélation canonique sur les axes F1 et F2 de l'AFC ) : Souche tunisienne (30 lignées, seuil 4,2 %). -0,5 0 Mère 0,5 1 Figure 38 : Régression mère-filles pour des profils du rythme d'activité de L. heterotoma (corrélation canonique sur les axes F1 et F2 de l'AFC ) : Souche hollandaise (8 lignées, seuil 1,9 %). Ces résultats ne mettent pas forcément en doute les conclusions des analyses de fratries qui suggèrent un déterminisme génétique des variations interindividuelles. En effet, l'absence de corrélation entre parents et enfants peut s'expliquer par le fait que les pères n'ont pas été pris en compte dans l'analyse alors qu'ils participent à part égale au déterminisme de ce caractère (paragraphe 2-4-1). Il ne peut pas en être autrement puisque leur profil d'activité n'a pas commune mesure avec celui de l'activité des femelles que ce soit pour son allure générale ou pour sa signification écologique. A cela s'ajoute la difficulté de tester dans des conditions strictement identiques des individus appartenant à 97 Chapitre 4 deux générations différentes surtout pour les organismes parasites dont le développement est fortement influencé par leur hôte. Ces deux phénomènes peuvent expliquer à eux seuls la difficulté de mettre en évidence une corrélation significative entre les profils des mères et ceux de leurs filles. 3-3 Taux d'activité 3-3-1 Analyse de fratries Comme pour les profils d'activité, le taux d'activité semble également être une caractéristique familiale (tableau 13). Les analyses de fratries des deux souches conduisent à cette même conclusion si l'on accepte un risque légèrement supérieur à 5% dans le cas de la souche tunisienne (6%). Ceci n'est pas inconsidéré compte tenu de la difficulté à contrôler les nombreux facteurs environnementaux qui déterminent probablement en grande partie ce caractère (qualité de l'hôte de développement par exemple). L'intervention de ces facteurs externes a en effet tendance à augmenter les différences entre sœurs ce qui rend la recherche de variations génétiques entre lignées plus difficile. HOLLANDE TUNISIE Source de variation ddl variance F p ddl variance F p Inter-familiale Intra-familiale Totale 11 48 59 0,047 0,014 0,020 3,4 <0,01 38 77 115 0.022 0.014 0.017 1,6 0,06 Tableau 13 : Analyse de la variabilité inter-individuelle du taux d'activité de L. heterotoma par étude de fratries : analyse de variance après transformation angulaire des données. 3-3-2 Régression mères-filles Pour les deux souches étudiées, aucune ressemblance entre mères et filles pour le taux d'activité n'a pu être observée (figures 39 et 40). Cette absence de corrélation significative entre mères et filles peut s'expliquer de deux façons. La première est que le taux d'activité ne montre pas de variations génétiques à l'intérieur des populations. La deuxième explication possible, comme pour les profils d'activité, réside dans le fait que les mâles ne sont pas pris en compte dans l'analyse alors qu'ils participent à part égale au déterminisme de ce caractère (paragraphe 2-4-2). Il est donc possible qu'une variabilité interindividuelle du taux d'activité existe mais que la transmission de ce caractère n'ait pas pu être mis en évidence. Des études supplémentaires sont nécessaires afin de confirmer l'une ou l'autre de ces hypothèses. 98 Analyse génétique des rythmes 40 60 30 Filles Filles 50 40 20 30 10 20 10 0 0 10 20 30 Mère 40 50 60 0 Figure 39 : Régression mère-filles pour les taux d'activité de L. heterotoma, souche tunisienne (39 lignées). 10 20 30 Mère 40 50 Figure 40 : Régression mère-fille pour les taux d'activité de L. heterotoma, souche hollandaise (12 lignées). 3-4 Période endogène La recherche de variations génétiques dans les périodes circadiennes, réalisée uniquement sur la souche hollandaise, n'a concerné qu'un nombre assez faible d'individus. Seules les femelles ayant une période significative après 7 jours de libre cours peuvent en effet être utilisées. Source de variation ddl variance F p Inter-familiale Intra-familiale Totale 7 26 33 99,91 18,66 35,89 5,4 < 0,001 Tableau 14 : Analyse de la variabilité inter-individuelle de la période endogène du rythme d'activité chez les femelles de la souche hollandaise de L. heterotoma. Malgré le faible effectif de cette expérience, l'analyse de fratries met en évidence une ressemblance très significative entre sœurs (tableau 14). Cette analyse suggère donc un déterminisme génétique de la variabilité de la période endogène du rythme d'activité locomotrice. Pour la population hollandaise de L. heterotoma, cette période endogène est en moyenne proche de 23 heures mais peut, selon les individus, prendre des valeurs plus faibles (de l'ordre de 22 heures) ou plus élevées (proche de 24 heures). 99 Chapitre 4 3-5 Conclusions Pour les deux populations de L. heterotoma étudiées (hollandaise et tunisienne), les profils quotidiens d'activité, la quantité d'activité ainsi que la période endogène du rythme montrent des variations inter-individuelles dont le déterminisme génétique est probable. En effet, pour ces trois caractères, des ressemblances significativement plus importantes ont été mesurées entre individus apparentés (sœurs) qu'entre individus non apparentés. Cependant, il n'a jamais été possible de mettre en évidence la transmissibilité des caractères entre générations successives. On ne peut donc pas exclure l'éventualité que la variabilité observée à l'intérieur des populations ne soit pas déterminée génétiquement. Comment alors expliquer la ressemblance familiale pour les caractères étudiés ? Différentes explications sont possibles : fortes variations des conditions d'élevage entre deux générations successives dues aux hôtes, non prise en compte des mâles dans l'analyse ou effet tube. Des études supplémentaires sont donc indispensables pour confirmer l'existence d'une variabilité génétique des rythmes d'activité dans les populations naturelles de parasitoïdes de drosophiles. 4- Conclusions générales Chez L. heterotoma, les rythmes d'activité des femelles issues de populations d'origine géographique différente peuvent montrer d'importantes variations dont le déterminisme génétique a clairement été établi. Parmi les cinq populations étudiées, trois morphes différents ont été observés : un rythme avec un pic d'activité de très faible amplitude, l'après-midi, (populations lyonnaises), le même rythme avec un taux d'activité beaucoup plus élevé (population hollandaise), et un rythme bimodal avec un premier pic d'activité en début de journée et un second pic en fin d'après-midi (populations méditerranéennes). Ces variations ont été mises en évidence malgré l'existence d'une forte variabilité interindividuelle au sein de chaque population, différences dont l'origine exacte reste à déterminer. Les analyses effectuées suggèrent cependant que cette variabilité intrapopulation ait elle aussi un support génétique ce qui devra être confirmé par des expériences de sélection. Ces résultats, obtenus sur des femelles privées d'hôtes (mesure de l'activité locomotrice spontanée), restent à confirmer lorsque les femelles sont en présence de larves de drosophiles. Cette relation entre rythmes d'activité locomotrice et rythmes d'activité parasitaire sera abordée au cours du chapitre 6. L'existence de variations génétiques des rythmes d'activité n'a pas été souvent recherchée chez les insectes et la majorité des études ont concerné les rythmes d'émergence des adultes (Neumann, 1967 ; Pittendrigh et Minis, 1971 ; Coluzzi, 1972 ; Clayton et Paietta, 1972 ; Landkinen, 1986b). Cette étude prouve que l'organisation temporelle des comportements à l'échelle du nycthémère montre également une variabilité génétique qui, semble-t-il, a été observée uniquement pour le rythme de ponte des drosophiles (Allemand et David, 1984 ; Allemand et al., 1984). L'existence de ces variations pour les rythmes d'activité des parasitoïdes suggère un rôle écologique important de ces phénomènes. Il est en effet probable que ces variations soient le reflet 100 Analyse génétique des rythmes d'adaptations aux conditions environnementales locales, résultats de processus sélectifs ayant agi sur la variabilité interindividuelle présente au sein des populations. La valeur adaptative ainsi que les facteurs sélectifs qui peuvent agir sur la forme des profils feront l'objet du dernier chapitre. Des différences de comportement d'origine génétique n'ont pas souvent été observées chez les insectes parasitoïdes (Boulétreau, 1986 ; Roush, 1990). La distribution spatiale des infestations des Trichogrammes (Chassain et Boulétreau, 1987 ; Chassain et al., 1988) ou le comportement de sélection des hôtes chez Asobara tabida (Mollema, 1991) montrent de telles variations. Cette étude démontre que l'organisation générale des comportements des parasitoïdes est génétiquement variable. Les populations d'insectes parasitoïdes montrent donc probablement des différences génétiques pour de nombreux caractères qui doivent être prises en compte lors du choix, de la conservation et de l'utilisation des auxiliaires en lutte biologique. Les populations française et tunisienne de L. heterotoma utilisées pour réaliser les croisements montrent non seulement des différences de rythmes d'activité mais également une forte différence de potentiel d'infestation dont le déterminisme est lui aussi génétique. Ces variations peuvent être soit le reflet d'une capacité de recherche des hôtes différente, soit aussi la conséquence d'une fécondité plus faible de la souche française. Dans ce cas, une relation de cause à effet entre fécondité et taux d'activité est possible : les femelles avec un nombre important d'œufs dans les ovaires seraient les plus actives. Les résultats des croisements pour le taux d'activité ne pourraient être alors que la conséquence des différences de fécondité des femelles. Quelle que soit l'origine de ces variations, leur interprétation doit prendre en considération les interactions interspécifiques qui se produisent non seulement entre hôtes et parasitoïdes mais également entre espèces de parasitoïdes en compétition pour les mêmes hôtes. Compte tenu de la complexité des comportements étudiés, tous les caractères mesurés montrent probablement un déterminisme polygénique, avec dans tous les cas, un mode de transmission faisant intervenir les deux parents. Ce type de déterminisme a été observé chez Drosophila melanogaster (Allemand et David, 1984 ; Allemand, 1991) chez qui les rythmes de ponte sont déterminés par plusieurs gènes situés sur chacune des trois principales paires de chromosomes de cette espèce. Avant de rechercher la valeur adaptative des rythmes d'activité des insectes parasitoïdes ainsi que les facteurs sélectifs responsables du maintien des variations des profils, des sources de variations autres que génétiques ont été recherchées principalement en ce qui concerne les facteurs biotiques de l'environnement. 101 Chapitre 5 Effets de différents facteurs biotiques internes sur les rythmes d'activité des parasitoïdes Les deux chapitres précédents ont mis l'accent sur les composantes endogènes des rythmes d'activité des parasitoïdes en démontrant d'une part leur nature circadienne (chapitre 3), et d'autre part, la présence de variations génétiques des profils des rythmes entre individus de la même espèce (appartenant ou pas à la même population, chapitre 4). Dans la nature, les individus répondent à toute une série de stimuli externes et l'oscillation endogène est continuellement modulée par les facteurs de l'environnement. Les facteurs physiques de l'environnement tels que la lumière ou la température ont souvent été pris en compte dans l'étude des rythmes d'activité des insectes. Leurs effets sont connus chez bon nombre d'espèces (Corbet, 1966 ; Bünning, 1967 ; Harker, 1973 ; Saunders, 1977). Chez les drosophiles par exemple, l'intensité de l'éclairement modifie le rythme de ponte des femelles de D. melanogaster mesuré en LD 12:12 (Allemand 1977) : bimodal à 5 lux, le rythme ne montre plus qu'un seul pic en début de nuit lorsque l'éclairement atteint 60 lux. Brady (1981) oppose à ce type de facteurs, qu'il qualifie "d'entrée environnementale externe", les composantes biotiques de l'environnement dont les organismes ont besoin (partenaire sexuel, substrat de ponte, nourriture) qu'il appelle "entrée physiologique interne" au même titre que l'oscillation endogène ou l'âge des individus. Bien que ces facteurs biotiques jouent probablement un rôle important dans l'expression des rythmes d'activité dans la nature, ils ont été beaucoup moins étudiés que les facteurs abiotiques de l'environnement. Les études réalisées à ce sujet indiquent cependant qu'ils peuvent expliquer d'importantes variations de l'organisation temporelle de l'activité des insectes (Jones et Gubbins, 1978 ; Nakamuta, 1987). Après l'étude des composantes circadiennes et génétiques, le rôle de différentes "entrées physiologiques internes" au sens de Brady (1981) a été étudié. Dans un premier temps, l'effet de la privation de nourriture ainsi que l'effet de l'insémination ont été mesurés sur les femelles de plusieurs espèces de parasitoïdes. Ensuite, compte tenu des interactions étroites entre le parasitoïde et son hôte, il est apparu intéressant de déterminer si l'activité des femelles mesurée dans nos conditions expérimentales peut être modifiée par la nature de l'hôte dans lequel elles se sont développées (élevage sur des espèces différentes). Propre au mode de vie parasitaire, l'effet de ce facteur sur les rythmes d'activité n'a semble-t-il jamais été étudié quel que soit le type de parasite considéré. 102 Effets de facteurs biotiques 1- Effet du jeûne sur les rythmes d'activité locomotrice Les conséquences d'une privation de nourriture sur les rythmes d'activité ont été mesurées sur la population lyonnaise de L. heterotoma. Cette espèce a été choisie afin de déterminer si, par modification des conditions expérimentales, il était possible d'obtenir des femelles plus actives que celles mesurées en présence de nourriture (chapitre 3 et 4). L'effet de ce facteur a également été étudié sur A. tabida originaire de cette même région. 1-1 Protocole expérimental Les rythmes d'activité locomotrice des deux espèces ont été mesurés dans les mêmes conditions que celles décrites précédemment (chapitre 1) excepté le fait que les femelles n'ont jamais eu la possibilité de se nourrir de miel ni pendant la phase qui précède l'expérimentation (2 à 3 heures en présence des mâles), ni pendant l'expérience elle même. Seule une goutte d'eau est présente dans chacune des enceintes. L. heterotoma et A. tabida ont été étudiées au cours de la même expérience. Dans les deux cas, 15 femelles témoins ayant accès à une source de nourriture ont été comparées à 15 femelles privées de miel. 1-2 Résultats Afin de déceler une éventuelle évolution des profils au cours du temps, le rythme a été représenté pour les quatre jours de mesure (figures 41 et 42). Le taux quotidien d'activité des femelles de A. tabida est peu modifié lorsque la durée de la privation augmente (figure 41). Le dernier jour de mesure présente une légère diminution de l'activité qui cependant s'observe également chez les femelles témoins. En ce qui concerne les femelles de L. heterotoma (figure 42), le taux d'activité a tendance à augmenter au cours du temps chez les femelles à jeun mais l'augmentation est surtout sensible le quatrième jour de mesure. N F1 s F2 F2 s A. tabida nourries A. tabida non nourries 15 15 -0,108 -0,147 0,187 0,180 0,047 -0,129 0,279 0,375 L. heterotoma nourries L. heterotoma non nourries 9 10 1,061 a 0,127 b 0,607 0,717 -0,017a 0,460 b 0,370 0,115 F2 Tableau 15 : Effet d'une privation de nourriture sur les rythmes d'activité des femelles de A. tabida et L. heterotoma (souche Ste Foy). Analyse des profils des rythmes par AFC. Coordonnées factorielles des différents groupes d'individus pour les axes F1 et F2 de l'analyse. s = écart type. N = nombre d'individus conservés pour l'analyse. Test t réalisé entre groupes de femelles de la même espèce. Les moyennes accompagnées de lettres différentes sont significativement différentes à 5%. 103 Chapitre 5 Activité % 100 nourries non nourries 80 60 40 20 0 20 8 20 8 Heures 20 8 20 8 20 Figure 41 : Effet du jeûne sur le rythme d'activité locomotrice des femelles de A. tabida (Ste Foy). Des femelles ayant la possibilité de se nourrir avant et pendant l'expérience ont été comparées à des femelles n'ayant jamais été nourries (moyenne de 30 individus mesurés sous photopériode LD 12:12). 60 nourries non nourries Activité % 50 40 30 20 10 0 20 8 20 8 Heures 20 8 20 8 20 Figure 42 : Effet du jeûne sur le rythme d'activité locomotrice des femelles de L. heterotoma (Ste Foy). Des femelles ayant la possibilité de se nourrir avant et pendant l'expérience ont été comparées à des femelles n'ayant jamais été nourries (moyenne de 30 individus mesurés sous photopériode LD 12:12). L'activité des femelles témoins des deux espèces reste relativement stable pour toute la durée de l'expérience et dans tous les cas, aucune modification profonde de profil n'est observée au cours du temps. En conséquence, l'analyse des profils par AFC a été réalisée comme précédemment sur les trois premiers jours de mesure. Il est probable que des modifications plus importantes de profil auraient été observées pour une durée d'expérience plus longue. Le profil d'activité des femelles de A. tabida ne semble pas être modifié lorsque celles-ci sont privées de nourriture (figure 41) ce qui est confirmé par les résultats de l'AFC (figure 43). Sur la carte factorielle, femelles nourries et non nourries sont très proches les unes des autres et aucune différence n'est significative entre les coordonnées factorielles de ces deux groupes quel que soit l'axe considéré (tableau 15). Dans les deux cas, les femelles montrent une activité maximale en début de photophase qui ensuite diminue rapidement au cours de la journée. 104 Effets de facteurs biotiques A l'inverse, l'activité des femelles de L. heterotoma privées de nourriture est très différente de celles qui ont eu la possibilité de se nourrir avant et pendant l'expérience (figure 42). Une activité matinale importante apparaît qui n'existe pratiquement pas lorsque les femelles sont en présence de miel. Le manque de nourriture provoque donc chez cette espèce l'apparition d'un pic d'activité supplémentaire, situé en début de photophase. Cette différence de profil est très significative comme l'indique l'AFC (figure 43 et tableau 15). Chez les femelles témoins, l'apparition puis la légère augmentation d'une activité matinale (figure 42) sont probablement la conséquence de l'épuisement du stock de nourriture présent dans les enceintes. Pour les deux espèces étudiées, l'absence de nourriture provoque une augmentation du taux d'activité des femelles (figures 41 et 42). Cet accroissement, évident chez L. heterotoma, est plus difficilement décelable chez A. tabida où il est cependant statistiquement significatif (t = 2,71, p < 0,05). L'origine de cette activité plus importante n'est pas la même chez ces deux espèces. Pour A. tabida cette augmentation s'explique uniquement par un taux d'activité plus fort pour chaque heure de la journée (pas de modification de profil) alors que pour L. heterotoma, elle correspond à une modification profonde du profil d'activité des femelles. non nourries F2 = 23 % L. heterotoma 10 1113 09 12 14 nourries 08 15 16 1918 17 A. tabida nourries non nourries 07 06 05 20 F1 = 30 % Figure 43 : Effet du jeûne sur le rythme d'activité locomotrice des femelles de A. tabida et L. heterotoma. Analyse des profils par AFC. Carte réalisée dans le plan F1 et F2 de l'analyse. Les chiffres indiquent les heures de la journée. Pour chaque axe est donné le pourcentage d'inertie qu'il représente. 1-3 Conclusions Les effets du jeûne sur les rythmes d'activité varient en fonction des espèces de parasitoïdes considérées puisque ce facteur peut ou non modifier le profil d'activité des individus. Néanmoins, dans tous les cas, cette privation est à l'origine d'une augmentation de l'activité globale des femelles. 105 Chapitre 5 2- Effet de l'insémination d'activité locomotrice des femelles sur les rythmes Toutes les expériences précédentes ont été réalisées sur des individus inséminés. Les conséquences de l'absence de fécondation sur les rythmes d'activité locomotrice des femelles ont été recherchées chez les deux espèces du genre Leptopilina (Tunisie). 2-1 Protocole expérimental Pour obtenir des femelles vierges, des pupes parasitées ont été isolées, quelques jours avant l'émergence, dans de petits tubes en verre. Avant d'être mises en place dans les enceintes d'expérimentation, les femelles ont été regroupées dans des tubes plus grands soit seules (femelles vierges) soit en présence de mâles pour accouplement (lot témoin). Dans tous les cas, une quantité non limitante de nourriture (miel) était disponible. Seules les femelles témoins fécondées (présence de femelles dans leur descendance) ont été prises en compte pour les calculs. 2-2 Résultats Les femelles vierges et fécondées de L. boulardi montrent le même profil avec une activité maximale pendant la première heure d'obscurité (figure 44). 40 40 Activité % fécondées vierges fécondées vierges 30 30 20 20 10 10 0 0 0 4 8 12 16 Heures 20 24 Figure 44 : Comparaison des rythmes d'activité locomotrice entre femelles vierges et femelles fécondées chez L. boulardi (souche tunisienne). Courbes moyennes du rythme d'activité (30 individus suivis pendant 3 jours sous photopériode LD 12:12). 106 0 4 8 12 16 Heures 20 24 Figure 45 : Comparaison des rythmes d'activité locomotrice entre femelles vierges et femelles fécondées chez L. heterotoma (souche tunisienne). Courbes moyennes du rythme d'activité (30 individus suivis pendant 3 jours sous photopériode LD 12:12). Effets de facteurs biotiques Après AFC (tableau 16), aucune différence significative n'est apparue entre les coordonnées factorielles des deux groupes de femelles (t = 1,02 ; p = 0,30 et t = 1,5 ; p = 0,15 pour les axes F1 et F2 de l'analyse factorielle). L'absence de fécondation n'affecte pas non plus le taux d'activité des individus puisque femelles vierges et fécondées ne sont pas différentes pour ce caractère (respectivement 5,3 et 5,9% ; t = 0,18 ; p > 0,80). Chez L. heterotoma, des différences de profils ont été observées entre femelles vierges et femelles fécondées (figure 45 ; t = 5,5 et 4,1, p < 0,001, pour respectivement les coordonnées F1 et F2 de l'AFC, tableau 16). Les femelles vierges montrent, l'après-midi, une activité plus brève et plus tardive que les femelles fécondées, avec un maximum pendant l'heure qui précède l'extinction de la lumière (figure 45). Cette réduction de la durée d'activité est de l'ordre de trois heures alors que le premier pic d'activité n'est pas modifié. Ce même effet a été observé lors d'une expérience préliminaire au cours de laquelle les femelles témoins n'ont pas été préalablement isolées dans des tubes. Cette différence de profil est à l'origine d'un taux d'activité significativement plus élevé des femelles fécondées par rapport à celui des femelles vierges (respectivement 7 et 3,1% ; t = 2,78 , p < 0,01). Les profils d'activité des femelles du lot témoin qui n'ont pas produit de femelles dans leur descendance, éliminées de l'analyse et non représentées ici, semblent cependant montrer beaucoup moins de différences par rapport aux femelles fécondées. N F1 s F2 F2 s F2 L. boulardi fécondées L. boulardi vierges 13 28 0,266 0,033 0,742 0,648 0,069 -0,257 0,741 0,627 L. heterotoma fécondées L. heterotoma vierges 19 22 -0,150a 0,726 b 0,680 0,276 -0,203a 0,448 b 0,461 0,550 Tableau 16 : Comparaison des rythmes d'activité entre femelles vierges et femelles fécondées chez L. heterotoma et L. boulardi (souche tunisienne). Analyse des profils des rythmes par AFC. Coordonnées factorielles des différents groupes d'individus pour les axes F1 et F2 de l'analyse. s = écart type. N = nombre d'individus conservés pour l'analyse. Test t réalisé entre groupes de femelles de la même espèce. Les moyennes accompagnées de lettres différentes sont significativement différentes à 5%. 2-3 Conclusions Chez L. boulardi, femelles vierges et femelles fécondées ont le même rythme d'activité ce qui n'est pas le cas chez L. heterotoma. La durée d'activité des femelles vierges de cette espèce est plus courte que celle des femelles fécondées. 107 Chapitre 5 3- Effet de la nature de l'hôte sur l'activité l'activité parasitaire des femelles parasitoïdes locomotrice et Le succès du parasitisme nécessite une véritable adéquation entre l'hôte et le parasitoïde (Vinson et Iwantch, 1980) qui met en jeu des interactions physiologiques à la fois immunitaires, endocrines et trophiques. Néanmoins, de nombreuses espèces de parasitoïdes sont capables de se développer sur plusieurs espèces d'hôtes, proches taxonomiquement, et souvent en compétition (Rouault, 1979 ; Price et al., 1988 ; Boulétreau et al., 1991a). Certaines caractéristiques des parasitoïdes peuvent être affectées par la qualité de l'hôte dans lequel ils se sont développés (Marston et Ertle, 1973 ; Strand, 1986 ; Bigler et al., 1987). Il est possible que des hôtes d'espèces différentes puissent modifier certaines caractéristiques des rythmes d'activité des parasitoïdes. Les parasitoïdes de drosophiles sont capables de se développer sur différentes espèces d'hôtes qui, pour eux, ne sont pas tous de la même qualité (Van Alphen et Janssen, 1982 ; Carton et al., 1986 ; Janssen et al., 1988 ; Mollema, 1991). L'influence de la nature de l'hôte sur les rythmes d'activité locomotrice des parasitoïdes adultes a été recherchée chez les deux espèces du genre Leptopilina. L'effet de l'hôte de développement sur le degré d'infestation et le succès parasitaire a également été mesuré. Les résultats de ces expériences seront présentés préalablement à l'étude des rythmes puisque elles ont permis de s'assurer que les deux espèces de drosophiles utilisées (D. melanogaster et D. simulans) sont bien des hôtes potentiels pour les deux espèces de parasitoïdes étudiées. 3-1 Protocole expérimental L'influence de la nature de l'hôte a été étudiée dans le cadre d'un complexe hôteparasitoïde naturel (Tunisie) où deux espèces de parasites, L. heterotoma et L. boulardi, infestent deux espèces d'hôtes différentes, D. melanogaster et D. simulans (Carton et al., 1991a). Chaque espèce parasitoïde a été élevée soit sur D. melanogaster soit sur D. simulans (souches tunisiennes) ce qui a conduit à constituer pour chaque espèce deux sous-lignées différentes en ce qui concerne l'hôte de développement. Pour les quatre sous-lignées (deux espèces de parasites élevées sur deux types d'hôtes), les rythmes d'activité ont été mesurés sur une partie des femelles. Les femelles restantes ont été utilisées pour étudier l'effet de l'hôte sur le potentiel d'infestation des parasitoïdes (degré d'infestation et succès parasitaire). Toutes les expériences se sont déroulées à 22°C. Pour les rythmes d'activité locomotrice, 30 femelles élevées sur D. melanogaster (hôte utilisé pour toutes les autres expériences) ont été comparées à 30 femelles élevées sur D. simulans. La même expérience a été réalisée pour les deux espèces de parasitoïdes. En ce qui concerne l'efficacité parasitaire, afin de mesurer l'effet de la nature de l'hôte sur le degré d'infestation et sur le succès parasitaire de la descendance, chaque catégorie de femelles a été testée soit sur D. melanogaster soit sur D. simulans (pas de choix 108 Effets de facteurs biotiques possible) ce qui a constitué au total 8 groupes expérimentaux (les deux espèces de parasitoïdes, élevées soit sur D. melanogaster soit sur D. simulans, ont infesté soit D. melanogaster soit D. simulans). Pour les 8 modalités, 15 femelles âgées de 24 heures ont été mesurées, chacune d'entre elles ayant eu la possibilité d'infester une centaine de larves de la même espèce pendant 24 heures. Pour chaque caractère (degré d'infestation et succès parasitaire) deux effets différents devront être distingués, un effet "hôte de développement" des femelles testées et un effet "hôte définitif" (chaque catégorie de femelles parasite soit D. melanogaster soit D. simulans). 3-2 Résultats 3-2-2 Efficacité parasitaire Les résultats ont été traités par analyse de variance à deux facteurs (effet hôte de développement et hôte définitif) après transformation angulaire des données. Les moyennes des caractères de chaque groupe de femelles sont données en valeur réelle. Degré d'infestation (tableau 17): L. heterotoma infeste aussi bien D. melanogaster que D. simulans et cela quelle que soit la nature de l'hôte dont elle provient (Anova à deux facteurs, F < 1, effet hôte définitif et hôte de développement). Le fait de s'être développées sur un hôte différent ne modifie donc en rien la capacité d'infestation des femelles de cette espèce qui parasitent en 24 heures environ 50% des larves disponibles. Il n'en est pas de même pour L. boulardi qui, si elle infeste de façon identique les deux espèces d'hôtes présentées (F = 2,45 ; p = 0,12), montre des taux d'infestation plus élevés lorsqu'elle s'est développée sur D. simulans (F = 7,9 ; p = 0,007). Chez les deux espèces, aucune interaction significative n'a été mesurée entre les deux facteurs de l'analyse. L. heterotoma élevée sur D. m D. s D. m D. s L. boulardi élevée sur D. m D. s 0,53 0,53 0,68 0,78 (0,38) (0,41) (0,23) (0,15) 0,56 0,39 0,50 0,76 (0,28) (0,31) (0,35) (0,21) Tableau 17 : Effet de l'hôte de développement (D. melanogaster ou D. simulans) sur le degré d'infestation des femelles de L. heterotoma et L. boulardi. Les femelles ont infesté soit D. melanogaster (D m) soit D. simulans (D s). Les valeurs entre parenthèses correspondent aux écarts-type. Pour chaque modalité, les mesures ont été réalisées sur 15 femelles ; voir texte pour les comparaisons statistiques. 109 Chapitre 5 Succès parasitaire (tableau 18): Chez L. heterotoma comme chez L. boulardi, le succès parasitaire avec une espèce d'hôte donnée ne dépend pas du type d'hôte dans lequel s'est développée la mère (F < 1). En d'autres termes un œuf pondu dans une larve de D. simulans n'aura pas une probabilité plus élevée de donner un parasitoïde adulte si la mère est issue de cette même espèce d'hôte et cela reste vrai quelle que soit l'espèce d'hôte ou de parasitoïde considérée. L. heterotoma élevée sur D. m D. s D. m D. s L. boulardi élevée sur D. m D. s 0,65 0,65 0,48 0,50 (0,21) (0,27) (0,18) (0,24) 0,85 0,79 0,39 0,37 (0,13) (0,14) (0,15) (0,13) Tableau 18 : Effet de la nature de l'hôte (D. melanogaster ou D. simulans) sur le succès parasitaire chez L. heterotoma et L. boulardi. Les mères ont été élevées soit sur D. melanogaster (D m) soit sur D. simulans (D s). Les valeurs entre parenthèses correspondent aux écarts-type. Pour chaque modalité, les mesures ont été réalisées sur la descendance de 15 femelles ; voir texte pour les comparaisons statistiques. Par contre, le succès parasitaire varie en fonction de l'espèce d'hôte considérée (effet hôte définitif) et le sens de ces variations est opposé chez les deux espèces de parasitoïdes. L. heterotoma se développe mieux sur D. simulans (F = 8,3 ; p = 0,007), alors que L. boulardi se développe mieux sur D. melanogaster (F = 4,6 ; p = 0,04). Quel que soit l'hôte de développement, le succès parasitaire de L. heterotoma est toujours plus élevé que celui de L. boulardi. Comme pour le degré d'infestation, aucune interaction significative n'a été mesurée entre les deux facteurs de l'analyse. Durée de développement (tableau 19): Pour chaque modalité expérimentale, les mâles émergent plus tôt que les femelles (1 à 3 jours à 22°C), phénomène bien connu chez les parasitoïdes et discuté dans le chapitre 3. Pour chacune des deux espèces, la durée de développement des deux sexes n'est pas influencée par le type d'hôte dont sont issues leurs mères. L'effet le plus significatif de ces mesures est que D. simulans augmente la durée de développement des individus de près de 2 jours ceci pour les deux sexes des deux espèces de parasitoïdes. Enfin la durée de développement de L. heterotoma et de L. boulardi semblent identiques, de l'ordre de 26-27 jours pour les mâles et 28-29 jours pour les femelles lorsque ces deux espèces se développent sur D. melanogaster. Cette étude indique, qu'à 22°C, les deux espèces de drosophiles (D. melanogaster ou D. simulans) sont des hôtes favorables pour L. heterotoma et L. boulardi. 110 Effets de facteurs biotiques L. heterotoma élevée sur D. m D. s D.m m f D.s m f L. boulardi élevée sur D. m D. s 26,7 26,0 26,4 26,2 (1,3) (1,0) (1,9) (1,5) 29,2 28,9 28,6 28,3 (1,2) (1,4) (1,6) (2,0) 27,3 27,7 28,6 28,1 (1,6) (1,1) (1,8) (1,4) 30,9 30,8 30,9 31,1 (1,1) (1,1) (1,2) (1,2) Tableau 19 : Effet de la nature de l'hôte (D. melanogaster ou D. simulans) sur la durée de développement de la descendance de L. heterotoma et L. boulardi. m = mâle ; f = femelle. Les mères ont été élevées soit sur D. melanogaster (D m) soit sur D. simulans (D s). Les valeurs entre parenthèses correspondent aux écarts-type. Pour chaque modalité, les mesures ont été réalisées sur la descendance de 15 femelles ; voir texte pour les comparaisons statistiques. 3-2-2 Rythme d'activité Pour les deux espèces de parasites étudiées, le pic principal d'activité des femelles développées sur D. simulans est plus précoce que le pic d'activité des femelles élevées sur D. melanogaster (figures 46 et 47). Ce phénomène, bien visible chez L. heterotoma (figure 46), est plus difficile à déceler chez L. boulardi (figure 47). Afin de déterminer si cette différence de profil est significative, le déphasage d'activité a été calculé en mesurant sur les courbes moyennes individuelles l'heure (phase) du pic d'activité (pic de l'après-midi chez L. heterotoma). Chez L. heterotoma, le pic d'activité des femelles élevées sur D. melanogaster se situe en moyenne à 16 h 30 alors qu'il se produit à 14 h 50 lorsqu'elles sont élevées sur D. simulans. Cette différence de 1 h 40 est hautement significative (t = 4,3 ; p < 0,0001). Ce même effet de l'hôte de développement est également présent chez L. boulardi dont le pic passe de 19 h 40 avec D. melanogaster à 19 h 10 avec D. simulans. Bien que beaucoup plus faible (0 h 30), cet avancement de phase est statistiquement significatif (t = 2,5 ; p = 0,02). La carte factorielle obtenue après analyse des profils par AFC a été présentée car elle permet de bien visualiser, pour les deux espèces, le net avancement de phase induit par l'élevage sur D. simulans (figure 48). L'axe F1 de l'analyse traduit les différences entre espèces alors que l'axe F2 est représentatif de l'effet "hôte de développement". Positionnées vers 21-22 heures quand elles sont élevées sur D. melanogaster, les femelles de L. boulardi se situent sur la carte factorielle entre 19 et 20 heures lorsque l'hôte de développement est D simulans (coordonnées factorielles sur l'axe F2 significativement différentes, t = 2,68 ; p = 0,01). L. heterotoma passe de 1516 heures à 14-15 heures (coordonnées factorielles sur l'axe F2 significativement différentes, t = 2,07 ; p = 0,04). Cette carte permet également de visualiser la 111 Chapitre 5 différence présente entre les deux espèces du genre Leptopilina (axe F1 de l'AFC). Il est enfin intéressant de noter la très bonne cohérence des résultats obtenus à partir des deux analyses. 30 30 Activité % élevées sur D. melanogaster élevées sur D. simulans élevées sur D. melanogaster élevées sur D. simulans 20 20 10 10 0 0 0 4 8 12 Heures 16 20 Figure 46 : Effet de l'hôte de développement sur le rythme d'activité locomotrice de L. heterotoma. Courbes moyennes du rythme (22°C). F2 = 16 % 20 D.s 17 16 20 24 D.s 08 14 13 12 11 07 L. heterotoma D.s 16 D.m 15 D.m 17 19 18 16 D.m 15 L. boulardi 21 14 D.m D.s 13 03 10 02 05 22 04 24 01 23 06 09 0105 12 Heures L. heterotoma 21 02 04 03 24 8 20 18 L. boulardi 2223 4 Figure 47 : Effet de l'hôte de développement sur le rythme d'activité locomotrice de L. boulardi. Courbes moyennes du rythme (22°C). F2 = 15 % 19 0 24 06 08 12 07 09 11 10 F1 = 23 % F1 = 28 % Figure 48 : Effet de l'hôte de développement sur le rythme d'activité locomotrice de L. heterotoma et L. boulardi (souches tunisiennes). Analyse des profils par AFC sur les trois premiers jours de mesure. Ds = D. simulans ; Dm = D. melanogaster. Les chiffres représentent les heures de la journée. Figure 49 : Effet de l'hôte de développement sur le rythme d'activité locomotrice de L. heterotoma et L. boulardi (souches tunisiennes). Analyse des profils par AFC sur les 5e et 6e jours de mesure. Ds = D. simulans ; Dm = D. melanogaster. Les chiffres représentent les heures de la journée. 112 Effets de facteurs biotiques En ce qui concerne le taux d'activité, la nature de l'hôte de développement ne semble pas avoir le même effet chez les deux espèces de parasitoïdes (figures 46 et 47). L'élevage sur D. simulans paraît augmenter l'activité des femelles de L. boulardi (amplitude du pic plus importante) alors qu'il semble n'avoir aucun effet chez L. heterotoma. Cependant, chez les deux espèces de parasitoïdes, aucune différence significative n'a été mesurée dans les taux d'activité entre femelles élevées sur les deux types d'hôtes (t = 0,37 ; p = 0,71 pour L. heterotoma, t = 1,52 ; p = 0,13 pour L. boulardi, test t après transformation angulaire). L'hôte de développement ne modifie donc pas le taux d'activité des femelles, caractère qui montre une importante variabilité au sein des groupes étudiés. Comme pour toutes les études précédentes, les résultats présentés ci-dessus concernent uniquement les trois premiers jours de mesures de l'activité (chapitre 1). On peut se demander si l'effet mesuré n'est que passager ou si l'hôte de développement affecte profondément le rythme d'activité des parasitoïdes. Pour répondre à cette question, les deux derniers jours de mesure de l'expérimentation, correspondant au 5e et au 6e jours de vie des femelles (non utilisés dans les calculs précédents) ont été analysés. Seuls les résultats de l'AFC ont été représentés (figure 49). Ils indiquent que la modification du profil d'activité induite par l'hôte de développement persiste pendant toute la durée de l'expérience. Pour les deux espèces étudiées, des différences significatives ont en effet été mesurées entre les coordonnées factorielles de l'axe F2 des femelles des deux groupes (t = 2,18 ; p = 0,03 pour L. heterotoma ; t = 2,27 ; p = 0,03 pour L. boulardi). Il est donc probable que la modification des profils d'activité induite par l'hôte de développement persiste pendant toute la vie des femelles. 50 D. melanogaster D. simulans Activité % 40 30 20 10 0 0 4 8 12 16 Heures 20 24 Figure 50 : Effet de l'hôte de développement sur le rythme d'activité locomotrice de L. boulardi . Courbes moyennes du rythme d'activité. Expérience réalisée à 25°C. 113 Chapitre 5 Afin de confirmer ces résultats assez originaux, l'expérience a été renouvelée sur L. boulardi. 30 femelles pour chaque modalité de développement (D. melanogaster ou D. simulans) ont été mesurées non pas à 22°C mais à 25°C. Le même phénomène a été observé à cette température (figure 50) ce qui permet d'affirmer que l'hôte de développement influence le rythme d'activité des femelles parasitoïdes adultes. Ce phénomène n'avait semble-t-il jamais été démontré dans le domaine des relations hôteparasite. Cette mesure à 25°C renseigne sur l'effet de la température sur les rythmes d'activité des parasitoïdes. Comme cela a été démontré chez de nombreuses espèces d'insectes (Brady, 1981), une élévation de la température semble augmenter la quantité d'activité locomotrice (amplitude du pic d'activité deux fois plus élevée à 25°C qu'à 22°C) sans modifier le profil d'activité des individus. 3-3 Conclusions La nature de l'hôte de développement modifie tous les caractères étudiés. Son effet se situe aussi bien à court terme sur les stades préimaginaux des parasitoïdes (succès parasitaire, durée de développement) qu'à plus long terme sur les stades adultes (potentiel d'infestation et profil d'activité des femelles). Chez L. heterotoma, le succès parasitaire des femelles est meilleur sur D. simulans que sur D. melanogaster. Ces deux espèces de drosophiles produisent cependant des femelles ayant le même potentiel d'infestation. Chez L. boulardi des résultats opposés entre degré d'infestation et succès parasitaire ont été observés puisque D. simulans produit des femelles ayant un meilleur potentiel d'infestation que D. melanogaster mais avec un succès parasitaire plus faible. Pour les deux espèces de parasitoïdes étudiées, la durée de développement est toujours plus longue sur D. simulans que sur D. melanogaster. Bien que des différences apparaissent entre femelles élevées sur D. melanogaster et D. simulans, ces deux hôtes sont adéquats aussi bien pour L. heterotoma que pour L. boulardi. En ce qui concerne les rythmes d'activité locomotrice, les profils sont modifiés par la nature de l'hôte de développement. L'élevage sur D. simulans produit un avancement de la phase du pic principal d'activité : les femelles parasitoïdes qui se sont développées sur cette espèce sont actives plus tôt que celles issues de D. melanogaster. Ce phénomène, observé chez les deux espèces de parasitoïdes étudiées, persiste probablement pendant toute la vie des femelles ce qui suggère que l'élevage sur un hôte différent modifie un mécanisme important du déterminisme de l'activité de ces insectes. 4- Conclusions générales Cette étude démontre clairement que les rythmes d'activité des parasitoïdes de drosophiles sont le résultat de l'interaction entre l'oscillation endogène et les conditions physiologiques des organismes. Tous les facteurs testés (l'alimentation, l'insémination et l'hôte de développement) modifient les rythmes d'activité locomotrice des femelles. Cependant, les modifications profondes de profils sont rares et ce sont plutôt de légères 114 Effets de facteurs biotiques différences qui sont observées, preuve du rôle prépondérant de l'oscillation endogène dans l'organisation temporelle des comportements. L'absence de nourriture provoque chez les deux espèces étudiées (A. tabida et L. heterotoma) une augmentation du taux d'activité des femelles. Ce phénomène, qui n'est pas surprenant, a été observé chez de nombreuses espèces d'insectes (Crump et Brady, 1979 ; Jones et Gubbins, 1978 ; Van Etten, 1982). Comme c'est le cas pour la plupart de ces études, ce facteur ne modifie pas le profil d'activité des femelles de A. tabida. Chez L. heterotoma au contraire, la privation de nourriture entraîne une profonde modification du profil d'activité locomotrice de cette espèce avec l'apparition d'un pic d'activité supplémentaire en début de photophase. Ce pic d'activité ne se produit pas en phase avec celui observé en présence de miel ce qui suggère, chez cette espèce, qu'une phase bien définie du nycthémère est réservée à la recherche de nourriture. Les résultats obtenus au sujet de l'effet de l'insémination sont contradictoires puisque L. boulardi et L. heterotoma réagissent de façon différente à ce facteur. Compte tenu du mode de reproduction parthénogénétique de ces deux espèces, une faible différence était attendue entre femelles vierges et femelles fécondées, toutes deux capables de produire une descendance viable. Ce phénomène a été observé chez L. boulardi dont les femelles, inséminées ou non, montrent le même rythme d'activité. Chez L. heterotoma au contraire, des différences de profils apparaissent entre femelles vierges et fécondées. Ces variations de profils ont souvent été observées chez les insectes dont le mode de reproduction nécessite la présence d'un mâle comme par exemple les moustiques (Jones et Gubbins, 1978) ou les drosophiles (Allemand, 1983). Les résultats obtenus sur L. heterotoma démontrent que l'insémination peut également modifier les profils d'activité des espèces parthénogénétiques. Il est possible que, chez cette espèce, l'activité plus importante mesurée sur les femelles fécondées soit la conséquence d'une ovogenèse stimulée par l'insémination, hypothèse qui reste à vérifier. L'effet de la nature de l'hôte de développement sur la taille, la longévité, la fécondité ou la sex-ratio des parasitoïdes est connu depuis longtemps (Salt, 1941) et de nombreux travaux ont démontré que certaines espèces d'hôtes pouvaient altérer l'efficacité des parasitoïdes (Stinner et al., 1974 ; Van Alphen et Janssen, 1982 ; Strand, 1986 ; Hohmann et al., 1988). Chez les parasitoïdes de drosophiles, un effet de l'hôte de développement sur la survie et le potentiel d'infestation des femelles a été observé chez les deux espèces étudiées. L. boulardi se développe mieux sur D. melanogaster que sur D. simulans ce qui confirme les résultats déjà obtenus sur cette espèce (Kopelman et Chabora, 1987 ; Carton et al., 1987). Cela se traduit par une infestation préférentielle des larves de D. melanogaster lorsque les femelles ont le choix entre ces deux espèces d'hôtes (Carton et al., 1987). Cependant, D. melanogaster produit des femelles de L. boulardi de moindre efficacité que D. simulans (potentiel d'infestation plus faible). Il apparaît ainsi une sorte d'équilibre entre les effets favorables et les effets défavorables des hôtes. L. heterotoma, au contraire, se développe mieux sur D. simulans que sur D. melanogaster. Si, comme L. boulardi, cela implique une préférence pour cette espèce d'hôtes, on peut envisager entre ces deux parasitoïdes un partage des hôtes, L. heterotoma attaquant D. simulans alors que L. boulardi serait plus inféodée à 115 Chapitre 5 D. melanogaster. Ce phénomène est cependant peu probable du fait que L. heterotoma est un parasitoïde généraliste qui attaque de nombreuses espèces de drosophiles (Carton et al., 1991a). Les différences de potentiel d'infestation qui apparaissent entre ces deux espèces, déjà observées par Boulétreau et Wajnberg (1986), seront étudiées en détail dans le chapitre suivant. Si les deux espèces de parasitoïdes réagissent de façon différente à l'élevage sur D. melanogaster et D. simulans en ce qui concerne le degré d'infestation et le succès parasitaire, ce n'est pas le cas pour la durée de développement et les rythmes d'activité des femelles. Chez L. boulardi comme chez L. heterotoma, la durée de développement préimaginale est plus longue sur D. simulans que sur D. melanogaster. Ce phénomène n'est pas la conséquence de la durée de développement des hôtes puisque D. simulans a un temps de génération plus court que D. melanogaster (Tantawy et Soliman, 1967) ce qui tend à renforcer la différence observée. Au stade adulte, les femelles élevées sur D. simulans ont une activité plus précoce que celles élevées sur D. melanogaster. Cet effet de l'hôte de développement sur les rythmes d'activité des parasitoïdes est un résultat nouveau chez les insectes parasites. L'origine de ce déphasage n'est pas connue et deux hypothèses différentes peuvent être avancées selon que les composantes circadiennes sont ou non affectées : - dans le cas où l'oscillation endogène n'est pas modifiée, les différences observées peuvent s'expliquer par un entraînement différent du rythme d'activité des adultes, conséquence des conditions rencontrées pendant la vie parasitaire préimaginale. Ces différences peuvent être le reflet de l'état physiologique des femelles qui répondent alors différemment aux facteurs d'entraînement du milieu. Il est également possible que l'hôte lui-même ait constitué un facteur d'entraînement différent, sorte de conditionnement préimaginal qui persiste à l'état adulte, après la métamorphose des parasites. Des différences de comportements ont en effet été observées entre les larves de D. melanogaster et D. simulans (Green et al., 1983 ; Troncoso et al., 1987). La conservation au stade adulte de certaines caractéristiques larvaires a été observée chez D. melanogaster (Nagle et Bell, 1987) mais ce phénomène concernait des comportements probablement contrôlés par les mêmes gènes. - l'oscillation endogène elle-même peut être affectée par l'hôte de développement. Une modification des caractéristiques fondamentales des rythmes d'activité (période endogène, rapport phase d'activité sur phase de repos) a été décrite chez le criquet en fonction du régime lumineux subi pendant le développement larvaire (Tomioka et Chiba, 1989a et b). Une telle hypothèse pourrait être testée chez les parasitoïdes en recherchant si l'élevage sur des hôtes différents induit des modifications du rythme d'activité des adultes mesurés en condition de libre cours. Ces premiers résultats encouragent à poursuivre l'étude de l'influence de l'hôte de développement sur les rythmes d'activité des parasitoïdes adultes dont les conséquences peuvent être envisagées tant au niveau de la chronobiologie pure (modification de l'horloge biologique) qu'au niveau des relations hôte-parasitoïde. L'idée qu'un rythme d'activité des larves, différent entre espèces de drosophiles, soit responsable d'un rythme 116 Effets de facteurs biotiques d'activité différent des parasitoïdes est séduisante. On pourrait en effet envisager une infestation préférentielle de l'espèce dont sont issues les femelles via une synchronisation de l'activité des deux partenaires, induite au stade préimaginal. Cette sorte de conditionnement préimaginal a été à la base d'une théorie appelée "Hopkins host selection" (Smith et Cornell, 1979) qui peut être à l'origine de spéciations sympatriques mais qui a rarement été démontrée chez les insectes parasitoïdes. 117 Chapitre 6 Signification écologique et valeur adaptative des rythmes circadiens d'activité des parasitoïdes Dans la nature, l'organisation temporelle de l'activité à l'échelle du nycthémère résulte de l'interaction de trois composantes différentes (Daan, 1981): - l'oscillation endogène (rythme circadien) qui conduit les organismes à réaliser préférentiellement leur activité à certaines heures de la journée. - une réponse directe aux conditions prévisibles et non prévisibles que rencontre chaque individu. Cette flexibilité des comportements autorise l'exploitation d'une opportunité nouvelle. - une contribution de l'expérience individuelle démontrée chez les insectes sociaux (Cruden et al., 1983 ; Harrison et Breed, 1987). La valeur adaptative des rythmes d'activité réside dans le rôle qu'ils jouent dans l'organisation quotidienne des comportements (Corbet, 1966 ; Saunders, 1982), et il est généralement admis que les processus sélectifs ont conduit les organismes à développer une rythmicité endogène qui leur permet de réaliser une activité donnée au meilleur moment de la journée (Enright, 1970 ; Saunders, 1977 ; Pittendrigh, 1981 ; Bell, 1990). Les rythmes circadiens d'activité peuvent donc être interprétés comme un moyen permettant aux organismes de faire face à la structure temporelle de leur environnement dont les variations périodiques (donc prévisibles) sont à la fois physiques (lumière, température, humidité) et biologiques (rythmes d'activité des autres organismes). La plupart des rythmes d'activité ont probablement été mis en place en réponse à la périodicité des facteurs lumineux, thermiques ou hygrométriques de l'environnement permettant aux organismes de les utiliser au mieux ou de s'y soustraire. L'avantage des rythmes est donc formulé en terme d'anticipation (Enright, 1970 ; Harker, 1973). Chez les drosophiles, Pittendrigh (1958) et Lankinen (1986a) relient ainsi l'émergence matinale des adultes au taux d'humidité qui est à son plus haut niveau à ce moment de la journée (facilitation du passage du stade nymphal au stade imaginal). En déterminant des phases d'activité et de repos, les rythmes circadiens jouent également un rôle important dans les interactions entre organismes. Ils sont, à ce titre, une composante non négligeable de la structure des communautés. Au niveau des interactions entre individus, les rythmes circadiens permettent soit la synchronisation soit la ségrégation temporelle de l'activité. Processus de synchronisation: Entre organismes de niveaux trophiques différents, des rythmes circadiens en phase peuvent être un moyen de faciliter la rencontre entre un 118 Signification écologique et valeur adaptative prédateur et sa proie ou un hôte et son parasite. Ce type de mécanisme rentre dans le cadre des processus de "favorisation" permettant d'augmenter la probabilité de rencontre d'une ressource (Combes, 1991) décrit chez certains parasites de l'homme (Hawking et Turston, 1951 a, b ; Théron, 1984 et 1985). Ce type de comportement a souvent été observé entre proie et prédateur (Curio, 1976 ; Turuk, 1973 ; Rusak, 1981 ; Fox et Stroud, 1986). Entre individus de la même espèce, la synchronisation de l'activité peut à l'inverse être un moyen pour une proie ou un hôte de réduire la probabilité d'être attaqué par un prédateur ou un parasite en créant un "effet de surnombre" (Daan et Tinbergen, 1979). Les rythmes d'activité sont également souvent à la base de la très bonne concordance de phase entre l'activité d'appel d'un sexe (chants, émissions de phéromones etc) et "l'attractivité" de son partenaire (Bartell et Shorey, 1969; Cardé et al. 1975 ; Borden, 1977 ; Brady, 1981). Des différences dans l'organisation temporelle de ces comportements pourraient être à la base de mécanismes d'isolement génétique à l'origine de spéciation sympatrique (Daan, 1981). Processus de ségrégation temporelle: Les rythmes d'activité ont également été décrits comme un moyen permettant de réduire les contacts entre deux organismes. Grâce à une activité déphasée, les proies ou les hôtes peuvent ainsi limiter le risque de rencontrer un prédateur ou un parasite (Hobson, 1968 ; Daan, 1981 ; Halle, 1988). Dans ce cas, ce déphasage d'activité se traduit par un refuge temporel à l'échelle circadienne qui peut être un mécanisme contribuant à la coexistence des associations hôte-parasite ou prédateurproie (Hassell et May, 1973). Entre organismes de même niveau trophique, un déphasage d'activité peut réduire l'intensité de la compétition en introduisant un partage temporel des ressources à l'échelle du nycthémère. Le rôle des rythmes d'activité dans la coexistence d'espèces sympatriques a été évoqué pour plusieurs types d'associations intéressant les insectes (Haddow et al., 1966 ; Hunt, 1974 ; Allemand, 1983) ou les vertébrés (Pianka, 1969). Au sein de la même population, la ségrégation temporelle semble exister chez certaines espèces en relation avec le rang social des individus (Bovet, 1972). Du fait de ces différents rôles possibles que peuvent jouer les rythmes circadiens dans le fonctionnement des communautés, l'interprétation de l'organisation temporelle de l'activité des organismes n'est pas aisée et des divergences d'opinions apparaissent souvent entre auteurs. Chez les insectes pollinisateurs par exemple, les différences de rythmes (recherche de nourriture) observées entre espèces sont interprétées soit comme la conséquence d'exigences thermiques différentes (Willmer et Corbet, 1981 ; Willmer, 1983 ; Stone et al., 1988, Herrera, 1990) soit comme le résultat d'interactions compétitives (Hubbell et Johnson, 1978 ; Gill et al., 1982). Il est probable que pour de nombreuses espèces, l'organisation temporelle de l'activité ait été modelée par les deux types de contraintes (physiques et biotiques) dont l'importance respective est variable en fonction du type de comportements considérés. Les rythmes d'activité des parasitoïdes des drosophiles sont probablement à relier à la fois aux variations périodiques des facteurs physiques du milieu et à l'organisation temporelle des communautés. Dans le cadre des relations hôte-parasitoïde, ces rythmes peuvent jouer un rôle important aussi bien dans les relations qui existent entre les deux 119 Chapitre 6 partenaires de l'association (stabilité de l'association et régulation des populations d'hôtes) que dans les interactions qui s'établissent entre espèces en compétition. La signification écologique et la valeur adaptative des rythmes d'activité des parasitoïdes ont été recherchées parmi les relations de compétition entre espèces qui exploitent les mêmes ressources. Le rôle de la compétition interspécifique dans la structure des communautés est souvent remis en cause (Lawton et Strong, 1981 ; Shorrocks et al., 1984 ; Cornell et Lawton, 1992) mais les études réalisées sur les insectes parasitoïdes tendent néanmoins à démontrer que ces associations se caractérisent plutôt par l'existence de fortes interactions compétitives (Force, 1974 ; Hassell et Waage, 1984 ; Force, 1985 ; Askew et Show, 1986 ; Hagvar, 1989 ; Hawkins, 1990). Les insectes parasitoïdes forment en effet un groupe particulier où la compétition joue probablement un rôle important dans les relations entre espèces pour plusieurs raisons. En plus du principe selon lequel la compétition interspécifique est importante chez les organismes appartenant aux niveaux trophiques supérieurs (Hairston et al., 1960 ; Schoener, 1983 ; Force, 1985), les femelles sont en général incapables de reconnaître un hôte déjà parasité par une autre espèce (Van Strien-Van Liempt et Van Alphen, 1981 ; Turlings et al., 1985 ; Pschorn-Walcher, 1987 ; Dijkerman et Koendres, 1988 ; Tillman et Powell, 1992). Cette absence de discrimination interspécifique rend possible les infestations multiples (multiparasitisme) qui sont à l'origine d'interactions compétitives (l'hôte multiparasité ne peut produire qu'un nombre limité d'individus) même si les ressources ne sont pas limitantes à l'échelle de la population. Les larves surnuméraires sont éliminées soit par attaque physique soit par suppression physiologique (Fischer, 1961, 1971 ; Vinson et Ables, 1980). Ce phénomène est accentué par le fait que la reconnaissance des hôtes parasités par une femelle de la même espèce (superparasitisme) est souvent la règle (Van Lenteren, 1981 ; Van Alphen et Visser, 1990 ; Bakker et al., 1990) ce qui a pour conséquence de réduire la compétition intraspécifique par rapport à la compétition interspécifique. La discrimination interspécifique a cependant été observée dans certaines associations de parasitoïdes (Bolter et Laing, 1983 ; Steinberg et al., 1987). La plupart des mécanismes classiques de coexistence ont été appliqués aux insectes parasitoïdes : spécificité parasitaire (Price, 1980, 1984 ; Hawkins, 1990 ; Van Alphen et al., 1991), partage spatial des ressources (Price, 1971 ; Vet et al., 1984a ; Okuda et Yeargan, 1988 ; Boulétreau et al., 1991b), partage temporel à l'échelle saisonnière (Carton et al., 1991a), hétérogénéité de l'habitat (Force, 1974) et toute une série de stratégies reproductives décrites dans de nombreuses associations (Zwölfer, 1971 ; Force 1974, 1975 ; Price, 1975 ; Askew et Shaw, 1986 ; Pschorn-Walcher, 1987). Une répartition de l'activité des parasitoïdes à des moments différents de la journée n'a semble-t-il jamais été avancée pour expliquer la coexistence des parasitoïdes en compétition pour les mêmes hôtes. Les rythmes d'activité d'espèces en compétition dans la nature ont été étudiés pour plusieurs systèmes sympatriques. Auparavant, il est apparu indispensable de préciser la signification biologique de l'activité locomotrice spontanée dans le but de vérifier si les rythmes mesurés correspondent à une organisation temporelle des infestations des hôtes. 120 Signification écologique et valeur adaptative 1- Relation entre activité parasitaire locomotrice spontanée et activité Avant de préciser la signification biologique de l'activité locomotrice spontanée exprimée en absence d'hôtes, la cinétique quotidienne des infestations des femelles a été étudiée, une ponte répartie sur plusieurs jours étant indispensable pour qu'une rythmicité de cette activité puisse exister. 1-1 Cinétique des infestations 1-1-1 Protocole expérimental La cinétique des infestations a été estimée pour les trois espèces parasitoïdes des larves de drosophiles. Selon les espèces, des méthodes de mesure différentes ont été utilisées. Pour les deux espèces du genre Leptopilina (souches tunisiennes), le nombre de larves infestées quotidiennement a été estimé par le degré d'infestation (chapitre 1). Afin que le nombre d'hôtes ne soit pas un facteur limitant, 200 larves saines au lieu de 100 (chapitre 1) ont été présentées chaque jour et à chaque femelle âgée de 24 heures. Pour les deux espèces, 15 individus ont été étudiées. La cinétique des infestations de A. tabida (souche Ste Foy) a été mesurée indirectement par dissection car le faible succès parasitaire obtenu avec cette espèce sur D. melanogaster ne permet pas de s'assurer de la validité des degrés d'infestation (chapitre 1). Les œufs chorionés présents dans les ovaires ont été dénombrés dès l'émergence des femelles ainsi qu'après des durées variables passées en présence d'une quantité non limitante d'hôtes (300 à 400 larves) quotidiennement renouvelée. Pour toutes les espèces étudiées, les mesures n'ont concerné que les 5 premiers jours de vie des femelles. 1-1-2 Résultats L. boulardi et L. heterotoma répartissent leurs infestations sur plusieurs jours successifs et sont incapables d'infester en une journée les 200 larves présentées (figure 51). Le premier jour de mesure, les deux espèces parasitent un nombre d'hôtes important, indication d'une vitellogenèse préimaginale confirmée par dissection et déjà montrée par de nombreux auteurs (Van Lenteren, 1976 ; Boulétreau et Biémont, 1980 ; Carton et al., 1986 ; Le Rallec, 1991). Les jours suivants, le nombre d'hôtes attaqués diffère selon les espèces. Les infestations de L. boulardi diminuent rapidement au cours du temps et deviennent négligeables à partir du 4e jour de ponte alors que chez L. heterotoma, elles restent stables avec environ une centaine de larves parasitées quotidiennement (figure 51). Cette différence dans la cinétique des infestations reflète une fécondité très différente des deux espèces puisque les femelles de L. heterotoma parasitent presque 2 fois plus de larves que L. boulardi (480 contre 271 larves infestées après 5 jours de mesures). 121 Chapitre 6 Nombre de larves infestées 140 L. heterotoma L. boulardi 120 100 80 60 40 20 0 0 1 2 Jours 3 4 5 Figure 51 : Potentiel d'infestation quotidien de L. heterotoma et L. boulardi (souches tunisiennes). Ces deux espèces en compétition dans la nature présentent une forte différence de potentiel reproducteur. Les barres verticales représentent les erreurs standards des moyennes (20 femelles). Deux raisons différentes non exclusives peuvent expliquer le fait que les femelles poursuivent leurs infestations sur plusieurs jours: - L'existence d'une vitellogenèse imaginale observée chez de nombreuses espèces considérées comme proovigéniques (Donaldson et Walter, 1988 ; Fleury et Boulétreau, 1993). - La conséquence d'une rythmicité endogène qui conduit les femelles à exprimer une activité parasitaire à un moment précis et limité du nycthémère. Les œufs non pondus pendant cette phase le seront le jour suivant. A. tabida montre également une vitellogenèse préimaginale puisque les femelles présentent dès l'émergence une quantité importante d'œufs chorionés prêts à être pondus (environ 150, figure 52). Après 1, 2, 3 ou 4 jours de ponte, le nombre d'œufs présents dans les ovaires est beaucoup plus faible mais loin d'être négligeable (entre 40 et 50 œufs chorionés) ce qui reflète une production d'œufs au stade adulte observée au cours des dissections (vitellogenèse imaginale). Les femelles de cette espèce répartissent donc, elles aussi, leurs infestations sur plusieurs jours même en présence d'une quantité non limitante d'hôtes. 122 Signification écologique et valeur adaptative 160 Nombre d'œufs chorionés 140 120 100 80 60 40 20 0 0 1 2 Jours 3 4 5 Figure 52 : Nombre d'œufs chorionés présents dans les ovaires de A. tabida après une durée variable passée en présence d'une quantité non limitante d'hôtes. Les barres verticales représentent les erreurs standards des moyennes. 1-1-3 Conclusions Pour les trois espèces étudiées, les femelles parasitoïdes sont incapables de pondre la totalité de leurs œufs en un seul jour. La répartition des infestations sur plusieurs jours rend donc possible l'expression d'une rythmicité dans cette activité. Les deux espèces de Leptopilina étudiées qui coexistent dans la nature en un même lieu géographique montrent un potentiel d'infestation très différent : L. heterotoma infeste presque deux fois plus d'hôtes que L. boulardi. 1-2 Organisation des infestations dans le nycthémère 1-2-1 Protocole expérimental L'organisation temporelle des infestations a été mesurée visuellement pour un seul jour d'observation ce qui n'a pas permis d'établir la périodicité du phénomène. L'automatisation de la mesure des rythmes de ponte, actuellement en cours, s'est heurtée à des difficultés d'ordre biologique (comportement erratique des larves de drosophiles, présence d'un milieu de culture qui évolue) qui nécessitent d'importantes mises au point techniques. Cette expérience a été réalisée pour les deux espèces du genre Leptopilina (souches tunisiennes). Quinze femelles de chaque espèce ont été placées individuellement dans des boîtes de Pétri en présence de 200 larves renouvelées quotidiennement. Le troisième jour d'infestation, l'activité parasitaire a été suivie pendant 13 heures comprenant à la fois une partie diurne et nocturne (de 10 h à 23 h, photopériode LD 12:12). Les femelles montrant 123 Chapitre 6 une activité parasitaire (infestation ou recherche intensive d'hôtes) ont été dénombrées tous les quarts d'heure pour chacune des espèces étudiées. Comme pour l'activité locomotrice, le pourcentage des relevés présentant une activité parasitaire a été calculé pour chaque heure. Les relevés effectués à l'obscurité ont été réalisés grâce à une source de lumière infra-rouge dont la longueur d'onde (supérieure à 675 nm) permet l'observation des insectes. 1-2-2 Résultats Pour chaque espèce, l'activité parasitaire a été représentée avec l'activité locomotrice correspondante mesurée par le système automatique lors d'autres expérimentations. Chez L. boulardi, l'activité de recherche et d'infestation des larves montre une bonne correspondance avec l'activité locomotrice mesurée en absence d'hôtes (figure 53). Ces deux types d'activités sont maximales en début de nuit et minimales pendant la journée. La similitude de ces profils, hautement significative (r = 0,91 ; p < 0,01), permet d'envisager une liaison étroite entre l'activité locomotrice et l'activité parasitaire. 80 30 80 Act. parasitaire Act. locomotrice Act. parasitaire Act. locomotrice 60 60 20 10 40 40 10 20 20 0 0 0 0 4 8 12 16 Heures 20 24 0 0 Figure 53 : Organisation temporelle de l'activité locomotrice et de l'activité parasitaire des femelles de L. boulardi (souche tunisienne). Activité parasitaire % Activité locomotrice % 20 4 8 12 16 Heures 20 24 Figure 54 : Organisation temporelle de l'activité locomotrice et de l'activité parasitaire des femelles de L. heterotoma (souche tunisienne). Chez L. heterotoma, la similitude entre les deux types de profils est beaucoup plus faible (figure 54) et non significative (r = 0,41 ; p > 0,05). Ces résultats ne remettent cependant pas en cause l'idée d'une relation entre activité locomotrice spontanée et activité parasitaire. Ces activités sont toutes les deux diurnes et s'arrêtent brusquement au moment de l'extinction. L'absence de mesures en début de photophase ne permet pas d'aller plus loin dans la comparaison. 124 Signification écologique et valeur adaptative 1-2-3 Conclusions Comme pour l'activité locomotrice, les femelles montrent une activité parasitaire à des moments précis du nycthémère, preuve d'une organisation temporelle de ce comportement dont la rythmicité endogène reste à démontrer. Les profils de ces deux types d'activité ne semblent pas très différents. Chez L. boulardi, le profil d'activité locomotrice donne une très bonne estimation de l'organisation temporelle des infestations de cette espèce. Des études plus précises sont nécessaires chez L. heterotoma pour déterminer la relation entre activité locomotrice et activité parasitaire. 1-3 Relation entre taux d'activité et potentiel d'infestation Une relation entre activité locomotrice et activité parasitaire a déjà été évoquée au cours du chapitre 4 où l'existence d'une correspondance entre le taux d'activité et la capacité d'infestation des femelles de L. heterotoma a été soulignée. Les femelles françaises sont en effet peu actives et peu fécondes par rapport aux femelles d'origine tunisienne qui infestent environ deux fois plus de larves. Les résultats obtenus lors de l'étude génétique de ces variations, traités séparément dans le chapitre 4 et présentés ici ensemble, confirment l'existence d'une relation entre ces deux caractères. Pour les six groupes génétiquement différents (deux souches parentales, deux F1 et deux back cross), le taux d'activité a été exprimé en fonction du nombre de larves infestées pendant les 5 premiers jours de vie des femelles (Figure 55). Une relation très forte apparaît entre le taux d'activité locomotrice et le potentiel d'infestation : les femelles qui expriment une activité spontanée importante sont celles qui infestent le plus de larves. Le faible nombre de points ne permet pas de préciser la nature de cette relation qui peut être soit de type curvilinéaire (apparition d'un plateau pour les taux d'activité élevés), soit linéaire. Dans ce dernier cas, une corrélation très significative est mesurée (r = 0,86 ; p < 0,05). 1- 4 Conclusions Des études supplémentaires sont nécessaires pour connaître précisément les relations entre activité locomotrice et activité parasitaire. Cependant, les différents résultats obtenus, bien que partiels, sont concordants et permettent d'envisager l'existence d'une relation assez forte entre ces deux caractères. Cette relation n'implique pas forcément que l'activité locomotrice mesurée corresponde à une recherche effective d'hôtes. Il est plus probable que l'activité locomotrice reflète une oscillation endogène qui va gouverner plusieurs types de comportements dont l'organisation temporelle de l'activité de recherche et d'infestation des hôtes. Les différences observées entre espèces ou entre populations voire entre individus pour les rythmes d'activité locomotrice pourraient donc se traduire par une organisation circadienne différente des infestations. 125 Nombre de larves infestées en 5 jours Chapitre 6 300 250 200 150 100 0 2 4 6 8 Activité % 10 12 Figure 55 : Relation entre le potentiel d'infestation et le taux quotidien d'activité locomotrice spontanée des femelles de L. heterotoma. Chaque point représente un type de croisement entre les souches lyonnaise et tunisienne (chapitre 4). 2- Rôle des rythmes circadiens d'activité dans la entre espèces de parasitoïdes compétition Le rôle des rythmes d'activité dans les interactions compétitives entre parasitoïdes a été recherché en étudiant plusieurs couples d'espèces sympatriques. 2-1 Comparaison des rythmes circadiens d'activité locomotrice entre espèces de parasitoïdes sympatriques Les rythmes d'activité locomotrice ont été mesurés pour trois couples de parasitoïdes sympatriques en compétition pour les mêmes hôtes : Asobara tabida et Leptopilina heterotoma (région lyonnaise) ; L. heterotoma et L. boulardi (Tunisie et Antibes). Ces espèces sont réellement en compétition dans la nature puisque dans tous les cas elles ont été piégées en même temps dans le même lieu voire dans le même piège et infestent les mêmes espèces d'hôtes (chapitre 1). Les résultats sont présentés sous la forme d'une courbe moyenne d'activité sur 24 heures (jour moyen). La plupart des espèces et des souches utilisées ont déjà fait l'objet d'études dans les chapitres précédents et seule l'organisation de l'activité dans le nycthémère (profil d'activité) sera exposée et analysée par analyse factorielle (AFC). 126 Signification écologique et valeur adaptative 2-1-1 Asobara tabida et Leptopilina heterotoma à Ste Foy (France) Ces deux espèces montrent des profils d'activité déphasés (figure 56). A. tabida et L. heterotoma sont toutes les deux diurnes pour leur activité locomotrice mais lorsque l'une montre son maximum d'activité, l'autre exprime une activité minimale. Les femelles d'A. tabida sont actives principalement pendant les quatre à cinq premières heures d'éclairement alors que les femelles de L. heterotoma, totalement inactives à ce moment de la journée, montrent une activité uniquement l'après-midi. Ce déphasage d'activité est important (de l'ordre de 7 heures) et très significatif comme le montre l'analyse des profils par AFC (figure 57). Sur la carte factorielle, l'écart entre les ellipses représentatives de ces deux espèces traduit l'importance de ce déphasage d'activité. L'oscillation endogène qui régit l'organisation temporelle de l'activité des femelles permet à ces deux espèces sympatriques de se partager la phase diurne du nycthémère. 2-1-2 Leptopilina heterotoma et Leptopilina boulardi à Nasrallah (Tunisie) Ce couple d'espèces sympatriques appartient à un complexe hôte-parasitoïde relativement simple et déjà étudié pour ces relations de compétition (Carton et al., 1991a). Ces deux espèces coexistent dans une oasis nord africaine où seulement trois espèces d'hôtes (Drosophilamelanogaster, D. simulans et D. buzzatii) se développent dans les fruits d'une seule plante (Opuntia ficus indica). Carton et al. (1991a) ont démontré que L. boulardi est un meilleur compétiteur que L. heterotoma et que la coexistence de ces deux espèces s'explique en partie par une alternance saisonnière des deux parasitoïdes. Les interactions entre L. boulardi et L. heterotoma n'en sont pas moins possibles puisque ces deux espèces sont présentes en même temps pendant plusieurs mois de l'année. Comme pour le système sympatrique précédent, la mesure des rythmes d'activité locomotrice de ces deux espèces fait apparaître un net déphasage dans l'organisation temporelle de ces comportements (figure 56). Les femelles de L. heterotoma ont en effet une activité locomotrice diurne avec un profil d'activité bimodal alors que les femelles L. boulardi sont actives principalement en début de nuit. Là encore, chacune des espèces montre une activité minimale au moment où sa compétitrice a une activité maximale. Le déphasage d'activité est ici de l'ordre de 4 à 5 heures si l'on prend en compte les pics d'activité les plus importants, déphasage hautement significatif et bien représenté par la carte factorielle (figure 57). Ce couple d'espèces de parasitoïdes sympatriques a fait l'objet des mesures de l'organisation temporelle de l'activité parasitaire (paragraphe précédent) et les résultats obtenus ont été présentés une seconde fois ici sur le même graphique (figure 56). Ils démontrent en effet que le déphasage observé sur les rythmes d'activité locomotrice se retrouve pour l'activité de recherche et d'infestation des hôtes. Les femelles L. heterotoma infestent leurs hôtes uniquement pendant la photophase alors que L. boulardi montre une activité parasitaire importante en début de nuit. Le déphasage mesuré entre les deux espèces sympatriques est un peu plus important pour l'activité parasitaire que pour l'activité locomotrice spontanée. 127 Chapitre 6 Activité locomotrice de A. tabida et L. heterotoma St Foy (France) Activité locomotrice de L. heterotoma et L. boulardi Antibes (France). 40 A. tabida L. heterotoma Activité locomotrice % Activité locomotrice % 100 80 60 40 20 30 20 10 0 0 0 4 8 12 16 20 24 0 Activité locomotrice de L. heterotoma et L. boulardi Nasrallah (Tunisie) . 30 80 4 8 12 16 20 24 Activité parasitaire de L. heterotoma et L. boulardi Nasrallah (Tunisie). L. heterotoma L. boulardi L. heterotoma L. boulardi Activité parasitaire % Activité locomotrice % L. heterotoma L. boulardi 20 10 0 60 40 20 0 0 4 8 12 Heures 16 20 4 24 8 12 16 Heures 20 24 Figure 56 : Organisation temporelle de l'activité des parasitoïdes sympatriques en compétition pour les mêmes hôtes. Dans les trois systèmes sympatriques étudiés, les deux espèces en compétition montrent des rythmes d'activité locomotrice déphasés. La présence de ce déphasage au niveau de l'activité parasitaire des femelles a été démontrée pour le système sympatrique tunisien. 2-1-3 Leptopilina heterotoma et Leptopilina boulardi à Antibes (France) Les deux espèces présentes en Tunisie coexistent également sur la Côte d'Azur (Antibes) et un piégeage récent (octobre 1992) a démontré que L. boulardi et L. heterotoma vivent en même temps au moins une partie de la saison (proportion environ égale des deux espèces piégées). Les rythmes d'activité locomotrice des parasitoïdes de ce système confirment les résultats obtenus sur le complexe tunisien puisque le même type de déphasage a été mesuré entre L. heterotoma et L. boulardi en compétition dans cette région (figure 56). L'activité principale des deux espèces se réalise à des moments différents dans le nycthémère, expression d'une oscillation endogène qui est à l'origine d'un partage temporel même si les femelles ne sont pas en contact direct (physique, visuel voire chimique) les unes avec les autres lors des expériences. 128 Signification écologique et valeur adaptative 2-1-4 Conclusions Pour les trois situations naturelles étudiées, les rythmes d'activité locomotrice des espèces sympatriques montrent un net déphasage : les femelles d'espèces différentes, en compétition pour les mêmes hôtes, ne sont pas actives au même moment de la journée. La carte factorielle issue de l'analyse globale des résultats (figure 57) met bien en évidence ce déphasage d'activité observé pour chaque système sympatrique étudié. Ce partage du nycthémère est également présent pour l'activité de recherche et d'infestation des hôtes qui montre le même type de déphasage que l'activité locomotrice. L'organisation circadienne de l'activité peut jouer un rôle dans les relations de compétition interspécifique à deux niveaux différents : - Un déphasage d'activité peut permettre d'éviter les interférences entre femelles adultes lors de la recherche et l'infestation des hôtes (compétition extrinsèque). Les interférences mutuelles, beaucoup plus étudiées au niveau intraspécifique, réduisent en effet l'efficacité des femelles (Beddington, 1975 ; Ridout, 1981 ; Van Alphen et Vet, 1986). Peu d'études ont mesuré les conséquences des contacts physiques entre femelles adultes d'espèces différentes. Boulétreau et al. (1991b) ont cependant démontré que les interférences interspécifiques ont un rôle sur la répartition spatiale des infestations des Trichogrammes. - En cas de multiparasitisme, un déphasage d'activité peut modifier l'issue de la compétition intrinsèque en introduisant un délai entre les deux infestations du même hôte. Dans de nombreux cas en effet, l'ordre des infestations, le temps qui les sépare et la vitesse de développement sont des facteurs importants dont va dépendre la survie de l'une ou l'autre des deux espèces (Van Strien-Van Liempt, 1983 ; Hagvar, 1989). Le délai à partir duquel la deuxième infestation n'a plus aucune chance d'aboutir est parfois relativement court, de l'ordre de quelques heures (Bolter et Laing, 1983 ; Strand, 1986 ; Mackauer, 1990 ; Tillman et Powell, 1992), ce qui est compatible avec le décalage des maximums d'activité. Le rôle possible de ce déphasage d'activité dans l'issue de la compétition entre parasitoïdes de drosophiles a été recherché dans l'un des trois systèmes sympatriques. Les études ont porté uniquement sur les conséquences du déphasage en cas de multiparasitisme. 2-2 Rôle des rythmes d'activité dans la compétition interspécifique en cas de multiparasitisme L'étude a été effectuée sur le système sympatrique tunisien. Les deux espèces de ce complexe (L. heterotoma et L. boulardi) montrent en effet un déphasage d'activité non seulement pour l'activité locomotrice spontanée mais également pour l'activité de recherche et d'infestation des hôtes. De plus, il a été démontré sur ce même système sympatrique, qu'en cas de multiparasitisme, L. boulardi est un meilleur compétiteur que L. heterotoma (Carton et al., 1991a) d'où l'avantage d'un déphasage d'activité pour cette seconde espèce. Les résultats de la compétition ont été mesurés lorsque différents délais 129 Chapitre 6 séparent l'infestation d'une même larve par les deux espèces. Ce protocole permet de tester si un déphasage d'activité modifie l'issue de la compétition intrinsèque entre L. heterotoma et L. boulardi. NUIT JOUR 05 04 06 F2 = 18 % 03 02 01 24 23 09 10 08 07 11 12 A. tabida 13 France (Ste Foy) L. boulardi 22 14 15 France (Antibes) 21 20 Tunisie (Nasrallah) 19 18 16 17 L. heterotoma JOUR F1 = 40 % Figure 57 : Organisation temporelle circadienne de l'activité locomotrice de trois couples de parasitoïdes sympatriques. Dans les trois situations naturelles étudiées (région lyonnaise, Antibes, Tunisie) les espèces sympatriques ont une activité déphasée ce qui suggère un rôle des rythmes d'activité dans les relations de compétition interspécifique. Analyse des profils des rythmes par AFC. Les chiffres représentent les heures de la journée. 2-2-1 Protocole expérimental Des larves de D. melanogaster de second stade ont été présentées successivement aux deux espèces de parasitoïdes. Environ 200 larves saines sont placées dans une boîte de Pétri contenant une couche d'agar couverte de levures. Les larves ont été soumises en premier aux infestations de L. heterotoma dont le comportement a été observé individuellement à l'aide d'une loupe binoculaire. Après chaque oviposition, la larve parasitée est enlevée du "patch" et placée dans une seconde boîte de Pétri. Les larves parasitées sont ainsi collectées par demi-heures de façon à ce qu'au sein de chaque groupe, les différences d'âge dans le parasitisme ne soient pas trop importantes. Après des délais allant de 1 à 8 heures depuis la première infestation, les larves parasitées par L. heterotoma ont été présentées à des femelles de L. boulardi. Comme pour la première infestation, l'infestation des larves par L. boulardi est suivie visuellement. Chaque larve parasitée par cette espèce, donc multiparasitée, est placée dans 130 Signification écologique et valeur adaptative un tube de milieu pour développement. Pour chaque tube de développement, le nombre de larves multiparasitées qu'il contient (de 10 à 20) est connu. Les parasites des deux espèces sont dénombrés dès l'émergence des adultes. Du fait que L. boulardi est un meilleur compétiteur que L. heterotoma, l'expérience symétrique qui consistait à faire infester en premier L. boulardi n'a pas été réalisée. 2-2-2 Résultats De façon à éliminer tout biais dû à une mortalité différente des deux espèces une fois le résultat de la compétition acquis, seuls les tubes de développement où au moins 80% des larves infestées ont produit un parasite adulte ont été conservés pour les calculs. Les résultats de la compétition entre L. heterotoma et L. boulardi sont présentés en fonction de trois groupes correspondant à des délais différents entre les deux infestations successives : de 0 à 2 heures, de 2 à 5 heures et de 5 à 8 heures (tableau 20). 0 - 2 heures 2 - 5 heures 5 - 8 heures L. boulardi 44 30 29 L. heterotoma 27 22 46 Total 71 52 75 L. boulardi % 61.97 57.69 38.67 Tableau 20 : Résultats de la compétition larvaire entre L. heterotoma et L. boulardi (expérience de multiparasitisme) : nombre de parasitoïdes de chaque espèce issus des larves de D. melanogaster infestées successivement par L. heterotoma puis après différents délais par L. boulardi (souches tunisiennes). Lorsque L. boulardi infeste une larve déjà parasitée par L. heterotoma moins de deux heures après la première infestation, les résultats de la compétition sont nettement en faveur de L. boulardi (tableau 20). Cette espèce est donc compétitivement supérieure à L. heterotoma ce qui confirme les résultats obtenus par Carton et al. (1991a). Cependant, lorsque ce délai augmente, le résultat de la compétition s'inverse (tableau 20). Bien que potentiellement meilleur compétiteur, L. boulardi est le plus souvent éliminée si la surinfestation est réalisée plus de 5 heures après L. heterotoma. Ce changement dans le résultat de la compétition est hautement significatif (Chi 2 = 8,85 ; p < 0,025). Le délai à partir duquel cette inversion se réalise ne semble pas très éloigné de 5 heures puisque pour des valeurs inférieures, L. boulardi garde toujours l'avantage sur L. heterotoma (tableau 20). 2-2-3 Conclusions En cas de multiparasitisme, le résultat de la compétition entre L. heterotoma et L. boulardi (souche tunisienne) est déterminé par le délai qui sépare les attaques des deux 131 Chapitre 6 espèces de parasitoïdes. Bien que compétitivement supérieure, L. boulardi a peu de chance de succès si elle surinfeste une larve plus de 5 heures après L. heterotoma. Seul l'aspect qualitatif de ces résultats est à prendre en compte. La mesure exacte de ce délai nécessite des expériences supplémentaires plus précises dont la réalisation est lourde à mettre en œuvre à cause de la difficulté à obtenir un grand nombre de larves parasitées au même moment. A cela s'ajoute le problème de la mortalité des hôtes multiparasités qui peut être contournée en déterminant l'issue de la compétition par dissection, opération possible uniquement si les deux espèces peuvent être identifiées dès le stade larvaire. Enfin, il est possible que l'issue de la compétition dépende également du sexe des deux larves, une compétition entre mâle et femelle pouvant conduire à des résultats différents d'une compétition entre sexes identiques. Ce phénomène, qui n'a semble-t-il jamais été étudié, pourrait être abordé en travaillant avec des femelles non fécondées. 3- Conclusions générales La recherche de la valeur adaptative des rythmes circadiens d'activité des insectes parasitoïdes a permis d'établir deux résultats principaux : l'organisation temporelle de l'activité locomotrice spontanée montrent de nombreuses similitudes avec celle de l'activité parasitaire et les rythmes d'activité des espèces en compétition sont déphasés. Ces observations suggèrent fortement un rôle des rythmes dans la coexistence des espèces sympatriques. Les résultats obtenus peuvent être discutés à la lumière des théories actuelles formulées au sujet de la diversité des associations parasitaires. La similitude des profils entre l'activité locomotrice et l'activité parasitaire, bien établie chez L. boulardi, suggère que l'oscillation endogène mise en évidence dans le chapitre 3 est responsable de l'organisation temporelle de différents comportements qui se produisent ainsi en phase. Cette similitude de profils entre plusieurs types d'activité n'est pas rare (Haddow et Ssenkubuge, 1962 ; Brady, 1975 ; Jones et Gubbins, 1978 ; Brady, 1981) et trouve une explication dans le mode de fonctionnement des rythmes circadiens dont les mécanismes physiologiques ne sont pas connus en détail. Alors que les rythmes de développement (émergence par exemple) sont probablement associés à des mécanismes de type neuroendocrine, la plupart des auteurs s'accordent à dire que la rythmicité des comportements est plutôt gouvernée par voie nerveuse (Page, 1981 ; Saunders, 1982). La ressemblance des profils des différents types de comportements correspondrait alors à une organisation circadienne générale due à une rythmicité dans le fonctionnement de la zone d'intégration du système nerveux central. Les différences mesurées au niveau des rythmes d'activité locomotrice sont alors le reflet de variations dans l'organisation générale des comportements y compris ceux impliqués dans les relations parasitaires. Cette corrélation entre caractères est d'une grande utilité pour les études expérimentales qui peuvent alors être réalisées sur des comportements simples (activité locomotrice) et dont les résultats peuvent être étendus à des comportements plus difficiles à mesurer (activité parasitaire). Les rythmes d'activité des parasitoïdes en compétition pour les mêmes hôtes montrent un net déphasage. La mise en évidence de ce phénomène pour toutes les situations 132 Signification écologique et valeur adaptative naturelles étudiées indique que cette organisation temporelle des comportements joue probablement un rôle important dans la coexistence des espèces sympatriques. L'avantage de développer une activité déphasée a en effet été démontré pour le système sympatrique L. heterotoma-L. boulardi originaire de Tunisie. En cas de multiparasitisme, L. boulardi est un meilleur compétiteur que L. heterotoma mais cette relation s'inverse si L. boulardi infeste en second plus de 5 heures après L. heterotoma. Cette observation est en parfait accord avec le déphasage d'activité de ces deux espèces. L. heterotoma montre une activité parasitaire diurne plus précoce que L. boulardi qui infeste ses hôtes plutôt en début de nuit et un déphasage de l'ordre de 5 heures peut être mesuré sur les courbes d'activité parasitaire. Ces résultats obtenus à partir de différentes expérimentations sont concordants et tout laisse à penser que L. heterotoma limite les interactions défavorables avec L. boulardi en exprimant une activité déphasée (avancement de phase). Par le biais du multiparasitisme, les rythmes circadiens jouent donc probablement un rôle important dans la compétition entre espèces de parasitoïdes. Leur action dans les relations entre femelles adultes n'est pas à exclure et le rôle des rythmes peut également s'envisager dans le cadre des processus d'interférences mutuelles (compétition extrinsèque) qui résultent des contacts physiques entre individus. Dans tous les cas, l'organisation temporelle des comportements à l'échelle du nycthémère est un facteur important à prendre en compte pour expliquer la coexistence d'espèces en compétition pour les mêmes hôtes. Ces résultats apportent un élément de réponse à l'interrogation formulée au sujet de la discrimination des hôtes déjà parasités, possible au niveau intraspécifique et rarement observée au niveau interspécifique (Turlings et al. 1985 ; Bakker et al., 1985 ; Van Alphen et Visser, 1990). Différentes hypothèses ont été avancées pour expliquer ce phénomène. Selon Bakker et al. (1985), les parasitoïdes seraient limités en hôtes et/ou en temps rendant inutile la discrimination interspécifique (il vaut mieux, pour une femelle, infester une larve déjà parasitée que ne parasiter aucun hôte). Dans le même ordre d'idée, il a été démontré par simulation que la discrimination ne conduit pas à un gain de fitness si les femelles parasitoïdes ne sont pas limitées en œufs (Turlings et al., 1985). Enfin, l'évitement local entre femelles peut permettre un partage spatial des hôtes disponibles (Boulétreau et al., 1991b). L'étude des rythmes circadiens d'activité permet d'avancer une autre hypothèse : les processus évolutifs n'auraient pas mis en place la discrimination interspécifique mais un autre mécanisme permettant de limiter les interactions compétitives. Les pressions de sélection, très fortes en cas de multiparasitisme (mort de l'une des deux espèces), auraient alors conduit les espèces en compétition à développer un rythme d'activité différent (création d'un déphasage d'activité) plutôt que de mettre en place des mécanismes complexes de reconnaissance chimique. Les déphasages d'activité observés entre parasitoïdes sympatriques peuvent, sous cette hypothèse, expliquer l'absence de discrimination interspécifique chez la plupart des espèces en compétition. L'absence de déphasage dans les rares exemples de discrimination interspécifique (Vet et al., 1984b), permettrait d'accréditer l'idée d'une relation entre déphasage d'activité et évitement du multiparasitisme. Le rôle de la compétition interspécifique dans la structure et le fonctionnement des communautés d'insectes parasitoïdes a été remis en cause par un certain nombre d'études (Dean et Ricklefs, 1979 et 1980) qui ont fait l'objet de vives critiques (Force, 1980 ; Bouton et al., 1980). La plupart des auteurs tendent en effet à démontrer que les 133 Chapitre 6 interactions compétitives sont fortes chez les parasitoïdes notamment à cause du multiparasitisme (Hassell et Waage, 1984 ; Force, 1985 ; Askew et Shaw, 1986 ; Hagvar, 1989). Une opinion intermédiaire a récemment été appportée par Hawkins (1990) qui reconnaît, après l'analyse de près de 1300 espèces de parasitoïdes, deux types de communautés : celles en interaction où la compétition est importante, représentées par les parasitoïdes d'hôtes protégés par les plantes, et les communautés non interactives où la compétition est faible, représentées par les parasitoïdes d'hôtes directement accessibles. Cette analyse est cependant critiquable par le fait qu'elle ne démontre pas directement l'existence ou l'absence de compétition. La coexistence des espèces parasitoïdes ayant apparemment la même niche écologique a été expliquée par certains auteurs en termes de stratégies reproductives. Les stratégies r et K (Mac Arthur et Wilson, 1967 ; Pianka, 1970) ont ainsi été décrites chez plusieurs complexes de parasitoïdes, les espèces plutôt r pouvant coexister avec des espèces compétitivement plus fortes (espèces K) grâce à leur capacité reproductive plus élevée (Force, 1974, 1975 ; Price, 1973 ; Askew et Shaw, 1986). Un mécanisme également souvent avancé pour expliquer la coexistence des espèces est la "compétition contrebalancée" (Zwölfer, 1971), principe selon lequel le compétiteur le plus faible au stade immature en cas de multiparasitisme devient le meilleur compétiteur au stade adulte. Cette stratégie se rapproche des stratégies r et K lorsque une fécondité plus élevée est évoquée, elle s'en distingue lorsque une capacité compétitive plus forte au stade adulte correspond à une meilleure capacité de recherche ou une gamme d'hôtes plus large. Ces stratégies reproductives ont été décrites dans différentes associations de parasitoïdes (Hopper, 1984 ; Bauer, 1985 ; Pschorn-Walcher, 1987). Les résultats obtenus sur le couple sympatrique tunisien L. heterotoma - L. boulardi s'intègrent parfaitement dans le cadre théorique précédemment décrit, la faible capacité compétitive de L. heterotoma ("espèce r", peu spécialisée) étant compensée par sa forte fécondité presque deux fois plus élevée que celle de L. boulardi ("espèce K", fortement spécialisée). Des informations sur la variation temporelle de la disponibilité des hôtes permettraient d'intégrer les données recueillies sur les rythmes d'activité dans ce cadre théorique. Il est probable en effet que l'organisation temporelle des comportements soit, chez les parasitoïdes, un facteur de l'efficacité de la recherche permettant de compenser une capacité compétitive plus faible en cas de multiparasitisme. 134 Discussion et conclusions générales L'horloge biologique interne (oscillation endogène d'une période proche de 24 heures) est à la base de l'organisation temporelle circadienne des activités biologiques à tous les niveaux d'organisation (cellule, organisme, population), mais son rôle dans le fonctionnement du monde vivant reste encore mal connu. A l'échelle des peuplements, les rythmes d'activité ont été impliqués théoriquement dans de nombreux processus écologiques ou évolutifs (compétition, prédation, parasitisme, spéciation ; voir Daan, 1981 pour une revue). Nous avons tenté de mesurer l'importance des rythmes circadiens d'activité dans le fonctionnement des associations hôte-parasitoïde où des relations étroites s'établissent entre les deux partenaires. Les rythmes de différentes espèces qui parasitent les drosophiles ont pu être mesurés après à la mise au point d'un système d'enregistrement automatique des comportements (chapitre 2). Les insectes parasitoïdes, comme la plupart des organismes, possèdent une horloge biologique interne qui règle leur activité quotidienne. Cependant, une grande diversité des rythmes d'activité a été observée tant au niveau interspécifique qu'au niveau intraspécifique. Le rôle des rythmes dans les interactions qui régissent les associations hôte-parasitoïde sera discutée dans cette dernière partie ainsi que l'application possible de ces études dans le domaine de l'utilisation des insectes parasitoïdes en lutte biologique. Mise en évidence et diversité des d'activité chez les insectes parasitoïdes rythmes circadiens Cette étude décrit, semble-t-il pour la première fois, le caractère circadien des rythmes d'activité des insectes parasitoïdes (chapitre 3) alors que ces phénomènes sont connus chez de nombreuses espèces d'insectes non entomophages (Harker, 1973 ; Brady, 1981 ; Saunders, 1982). Une oscillation endogène a été observée chez Nasonia vitripennis depuis de nombreuses années (Saunders, 1970) mais seul son rôle au niveau de la réponse photopériodique qui gouverne l'entrée en diapause de cette espèce a été étudié. D'autre part, différents travaux ont révélé chez ces hyménoptères parasites la présence de phases d'activité et de repos (Weseloh, 1975 ; Ekbom, 1982 ; Elliot et al., 1986 ; Cui et al., 1986 ; Walter, 1988 ; Idoine et Ferro, 1990) mais peu d'entres eux ont établi la périodicité du phénomène et aucun n'a recherché le déterminisme des variations temporelles des comportements. En absence de toute information temporelle externe (conditions homogènes de libre cours), les parasitoïdes de drosophiles conservent une activité périodique qui est l'expression d'une oscillation endogène dont les mécanismes n'ont pas été recherchés. Les connaissances actuelles sur les bases physiologiques des rythmes comportementaux 135 Discussion et conclusions générales sont plutôt en faveur d'un mode de fonctionnement gouverné par voie nerveuse (Page, 1981 ; Kaiser et Stein-Kaiser, 1983). Selon Brady (1981), l'oscillation endogène correspondrait à un cycle de phases de sensibilités différentes au niveau du système nerveux central qui expliquerait que différentes sortes d'activité se produisent en phase. Ce phénomène a été observé chez L. boulardi qui montre une activité maximale en début de nuit aussi bien pour l'activité locomotrice spontanée que pour l'activité parasitaire. Dans la nature, l'organisation temporelle des comportements est le résultat de l'interaction entre cette composante circadienne interne et les conditions environnementales rencontrées : les rythmes d'activité sont modulés par les facteurs de l'environnement. Chez les insectes parasitoïdes de drosophiles, le jeûne ou l'absence de fécondation peuvent modifier le profil d'activité des femelles (chapitre 5). Cependant, l'effet de ces facteurs n'a pas été observé chez toutes les espèces étudiées. La privation de nourriture modifie le profil de L. heterotoma alors qu'elle ne change pas celui de A. tabida. Des différences de profils sont présentes entre femelles vierges et femelles fécondées chez L. heterotoma mais elles n'ont pas été retrouvées chez L. boulardi. Le résultat le plus important est l'effet de l'hôte de développement sur le rythme d'activité des femelles. Les femelles élevées sur D. simulans sont actives plus tôt que celles sont élevées sur D. melanogaster. L'hôte, connu pour affecter différentes caractéristiques des parasitoïdes (Salt, 1941 ; Van Alphen et Janssen, 1982 ; Strand, 1986), peut également modifier l'organisation temporelle de l'activité des individus. Quelle que soit l'origine de cette différence (modification ou pas de l'oscillation endogène), il est possible que cet effet joue un rôle important au sein des complexes parasitaires où plusieurs espèces de parasitoïdes infestent plusieurs espèces d'hôtes (chapitre 5). L'étude des principales espèces de parasitoïdes de drosophiles présentes en France a révélé une importante diversité des rythmes d'activité des femelles puisque, parmi les quatre espèces étudiées, aucune ne montre un profil identique (chapitre 1). Les différences portent non seulement sur les profils d'activité (phase des pics) mais également sur les taux quotidiens d'activité (amplitude des pics). A. tabida est une espèce très active avec un pic en début de photophase ; L. heterotoma et L. boulardi, beaucoup moins actives, ont respectivement en LD 12: 12 (8h-20h) un pic d'activité l'après-midi et en début de nuit. P. vindemmiae (parasitoïde de pupes) se distingue des parasitoïdes larvaires par une activité presque constante pendant toute la phase diurne. Cette diversité des rythmes d'activité des femelles parasitoïdes met en évidence la complexité de la structure temporelle circadienne des associations hôte-parasitoïde dont les conséquences exactes au niveau des interactions entre espèces restent à déterminer. Ces résultats soulignent la nécessité de prendre en compte les rythmes circadiens comme facteurs de variations lors de l'étude du comportement de recherche et d'infestation des hôtes par les parasitoïdes. Il est en effet probable que l'oscillation endogène soit à l'origine de variations dans l'intensité des réponses à une quelconque stimulation. Les mesures n'auront donc pas la même signification selon qu'elles sont effectuées pendant une phase d'activité ou de repos. L'importance d'intégrer la périodicité de l'activité dans la définition des protocoles expérimentaux est renforcée par la forte diversité des rythmes entre espèces ainsi que, pour certaines d'entres elles, par la faible durée des phases d'activité. Il n'est pas concevable de comparer, par exemple, les réponses de L. heterotoma et de L. boulardi, toutes les deux mesurées en pleine journée, 136 Discussion et conclusions générales alors que la première est diurne et la seconde nocturne. Les rythmes circadiens sont cependant rarement évoqués comme facteurs de variations possibles des comportements des insectes (Bell, 1990 ; Roitberg, 1990 ; Gordon, 1991 ; Vet et Dicke, 1992 ; Minkenberg et al., 1992). Sans réaliser à proprement parler une étude chronobiologique, Walter (1988) souligne que la connaissance de l'organisation temporelle de l'activité d'oviposition et d'alimentation doit constituer la toile de fond de toute expérience ayant pour objet le test des théories relatives aux comportements des insectes parasitoïdes. L'étude des réponses optimales ou densité-dépendante chez les parasitoïdes n'ont jamais pris en compte les rythmes circadiens d'activité (voir par exemple Waage, 1979 ; Cook et Hubbard, 1977 ; Hertein et Thorarinsson, 1987 ; Haccou et al., 1991) ce qui limite la portée de certaines de leurs conclusions. Variabilité génétique des rythmes circadiens d'activité des parasitoïdes de drosophiles Les rythmes d'activité des femelles parasitoïdes montrent d'importantes variations aussi bien entre populations distinctes qu'entre femelles de même origine géographique (chapitre 4). Ces variations concernent à la fois le profil des rythmes et le taux d'activité des femelles. Cependant, seul le déterminisme génétique des différences observées entre populations naturelles a clairement été démontré. Les variations entre femelles de même origine semblent être des caractéristiques familiales mais l'héritabilité des caractères n'a pas pu être établie. L'existence de variations génétiques dans le comportement des insectes parasitoïdes a été démontrée que dans quelques cas (Boulétreau, 1986 ; Pak et al., 1986 ; Chassain et al., 1988 ; Mollema, 1991). Cette étude indique que non seulement certaines caractéristiques des comportements mais également l'organisation générale de l'activité des parasitoïdes peuvent montrer des variations génétiques. Parmi les cinq populations naturelles de L. heterotoma étudiées, trois morphes génétiquement différents ont été observés : des femelles très peu actives avec un seul pic d'activité en milieu d'après-midi (populations lyonnaises), des individus ayant le même profil mais avec une activité beaucoup plus importante (population hollandaise), enfin des femelles à profil d'activité bimodal avec un pic en début et en fin de photophase (populations méditerranéennes). Ces variations, décrites en absence d'hôtes, ont été reliées à des différences de potentiel d'infestation. Plusieurs mécanismes peuvent être responsables de la différenciation de ces populations. Il est peu probable que ces différences locales soient la conséquence de phénomènes de dérive génétique dus aux fortes réductions d'effectif qui se produisent au moment de la période défavorable, mécanisme déjà évoqué chez les parasitoïdes de drosophiles (Mollema, 1991). Une très bonne stabilité temporelle des rythmes d'activité a en effet été démontrée avec la mesure des mêmes profils pendant quatre années successives (chapitre 3). Compte tenu de la variabilité interindividuelle présente dans les populations, cette stabilité des profils fait plutôt penser à l'intervention de processus sélectifs de type stabilisant, conséquence des fortes contraintes environnementales locales. Avant d'évoquer ce type de facteurs, il faut souligner que les différences 137 Discussion et conclusions générales observées peuvent résulter d'un effet de fondation, autre facteur stochastique dont la persistance des effets implique de faibles flux géniques entre les populations. Si l'on écarte l'hypothèse de l'intervention de phénomènes stochastiques, les différences observées entre populations naturelles peuvent être le résultat de processsus sélectifs ayant conduit les insectes parasitoïdes à adapter leurs rythmes d'activité aux conditions environnementales locales. Parmi les facteurs sélectifs possibles, les trois plus importants sont les conditions abiotiques de l'environnement, les hôtes ou les espèces en compétition pour les mêmes ressources. - Il est possible que les différences observées soient à relier aux variations des facteurs périodiques abiotiques de l'environnement (photopériode, température). Chez les drosophiles, des clines géographiques ont été observés pour les rythmes de ponte chez D. melanogaster (Allemand et David, 1976) et pour les rythmes d'émergence chez D. littoralis (Lankinen, 1986a). Un cline latitudinal est possible pour les rythmes d'activité des parasitoïdes puisque les profils bimodaux des populations méditerranéennes de L. heterotoma ne se retrouvent pas pour les populations plus septentrionales qui montrent une phase d'activité importante l'après-midi. L'étude de plusieurs autres populations positionnées le long de ce cline nord-sud est nécessaire pour pouvoir valider une telle hypothèse qui ne semble cependant pas s'appliquer aux taux d'activité des individus, les populations néerlandaise et méditerranéennes s'opposant aux populations lyonnaises par une activité plus élevée. - Les hôtes constituent le second facteur sélectif d'importance, et les pressions de sélection seront d'autant plus fortes que la spécificité de l'association est étroite. L'intimité des relations parasitaires est à l'origine de très nombreuses adaptations qui résultent des interactions entre les deux partenaires et concernent aussi bien l'hôte que le parasite (Boulétreau, 1986). Une véritable harmonie doit en effet être trouvée entre l'hôte, qui doit permettre le développement du parasite, et le parasite, qui ne doit pas être trop défavorable pour les populations d'hôtes. Selon certains auteurs, ces contraintes pourraient parfois donner lieu à des processus coévolutifs (Pimentel et Stone, 1968 ; Carton, 1984). La variabilité des rythmes d'activité entre populations de L. heterotoma peut être interprétée comme une réponse du parasite aux contraintes sélectives locales produites par les hôtes. L'hypothèse la plus simple est de relier les différences de profils à une composition en hôtes différente. Les populations méditerranéennes de parasites sont en effet plutôt en contact avec D. melanogaster et D. simulans alors que, pour les populations plus septentrionales, D. simulans est beaucoup moins abondante (David et Tsacas, 1980). Des données de terrain plus précises sont nécessaires pour accréditer cette hypothèse. La non spécificité de L. heterotoma qui infeste de nombreuses espèces de drosophiles (Carton et al., 1991a) ainsi que la présence de D. melanogaster dans tous les sites géographiques suggèrent cependant l'intervention de facteurs autres que la composition spécifique en hôtes. Une seconde hypothèse possible est de relier les rythmes d'activité à des variations géographiques des caractéristiques physiologiques ou comportementales des hôtes. Les variations du comportement des hôtes peuvent s'exprimer soit au stade adulte soit au stade larvaire. Dans le premier cas, des rythmes de ponte différents, démontrés chez D. melanogaster (Allemand et David, 1976), pourraient être à l'origine de variations de la disponibilité des larves ou de leur sensibilité (ou leur 138 Discussion et conclusions générales résistance) au parasitisme. Dans le second cas, le comportement des larves elles-mêmes peut montrer des variations géographiques et avoir des conséquences sur le rythme d'activité des parasitoïdes. Une variabilité du comportement des larves de drosophiles a en effet été démontrée avec la mise en évidence de différents morphes plus ou moins mobiles (Sokolowski, 1985 et 1986 ; Sokolowski et al.,1986 ; Sokolowski et Carton, 1989). Quels que soient les mécanismes sélectifs mis en jeu, il est possible que les rythmes d'activité des insectes parasitoïdes aient répondu aux variations locales des caractéristiques des hôtes en tant que processus impliqués dans la rencontre des deux partenaires. - La troisième catégorie de contraintes sélectives à l'origine des différenciations locales observées correspond aux pressions de sélection exercées par les compétiteurs. Bien que la compétition soit un des mécanismes majeurs de l'évolution (Pianka, 1978 ; Futuyma et Slatkin, 1983 ; Arthur 1987), ce facteur a rarement été évoqué pour expliquer la diversité génétique des populations d'insectes parasitoïdes (Boulétreau, 1986). La plupart des variations observées entre populations naturelles de parasitoïdes ont été interprétées comme le résultat des contraintes sélectives exercées par les hôtes (Pak et al., 1986 ; Boulétreau, 1986 ; Chassain et al., 1988). Un mécanisme de type compétitif peut être à l'origine du maintien de la variabilité des rythmes d'activité de L. heterotoma puisque ces variations vont de pair avec des variations de la composition du complexe parasitaire dont cette espèce fait partie. Les populations méditerranéennes sont en compétition avec L. boulardi alors que les populations néerlandaise et lyonnaises ne rencontrent pas cette espèce qui est remplacée par d'autres parasitoïdes (A. tabida). Il est possible que le rythme d'activité de L. heterotoma ait évolué en réponse aux pressions de sélection exercées par les compétiteurs de façon à pouvoir coexister avec des espèces compétitivement plus fortes comme L. boulardi pour les populations méditerranéennes (chapitre 6) et A. tabida pour les populations plus septentrionales (Van Strien-Van Liempt, 1983). Si ce phénomène est confirmé, les insectes parasitoïdes constitueraient un des rares exemples de changement temporel de niche sous l'action des pressions sélectives de type compétitif. Quel que soit le facteur responsable de la différenciation des populations, cette étude suggère fortement, par la mise en évidence de ces variations, que l'organisation temporelle des comportements est un paramètre important pour la survie des espèces. Rôle des rythmes circadiens d'activité fonctionnement des associations hôte-parasitoïde dans le Le rôle des rythmes circadiens d'activité dans les associations hôte-parasitoïde est à envisager à la fois au niveau des relations compétitives entre espèces de parasitoïdes sympatriques et au niveau des relations entre les parasitoïdes et leurs hôtes. 139 Discussion et conclusions générales Rôle des rythmes circadiens d'activité dans les relations de compétition interspécifique Les rythmes circadiens semblent être un facteur important des interactions entre parasitoïdes puisque les espèces en compétition dans la nature montrent systématiquement un déphasage d'activité. Ce phénomène a été observé dans les trois systèmes sympatriques étudiés pour l'activité locomotrice et confirmé, pour l'un d'entre eux, pour l'activité parasitaire (chapitre 6). Ce déphasage d'activité peut réduire les interactions compétitives soit au stade adulte, en limitant les interférences mutuelles entre femelles (compétition extrinsèque), soit au stade larvaire en cas de multiparasitisme (compétition intrinsèque). Ces deux possibilités ne sont pas exclusives et deux scénarios peuvent être envisagés : - le déphasage d'activité correspond à un intervalle de temps qui permet un renouvellement des ressources (hôtes). Dans ce cas, la fréquence du multiparasitisme diminue et les rythmes d'activité permettent un véritable partage temporel des ressources à l'échelle du nycthémère. La possibilité que ce type de partage conduise à la coexistence des espèces a été démontrée théoriquement par Haigh et Maynard Smith (1972). Dans ce cas, les communautés d'insectes parasitoïdes seraient plutôt caractérisées par de faibles interactions compétitives comme le pensent actuellement certains auteurs (Cornell et Lawton, 1992). Le déphasage observé correspondrait alors à un héritage évolutif représentatif d'anciennes interactions compétitives (Connell, 1980). - si le déphasage observé n'est pas suffisant pour un apport supplémentaire de ressources (renouvellement des hôtes), la probabilité qu'une larve soit multiparasitée n'est pas diminuée mais le déphasage d'activité peut alors devenir un mécanisme permettant d'augmenter les chances de survie de l'espèce la moins compétitive. Par un avancement de phase de quelques heures, cette espèce se protége d'une surinfestation par son compétiteur qui devient inefficace car trop tardive. Ce phénomène a été observé dans le complexe L. heterotoma-L. boulardi de Tunisie (chapitre 6). La coexistence d'espèces ayant des valeurs compétitives différentes est alors possible par une sorte d'équilibre dans les relations de compétition. Les rythmes circadiens seraient dans ce cas un élément nouveau de la compétition "contre-balancée" (Zwölfer, 1971 ; Askew et Shaw, 1986), système où les valeurs compétitives des deux espèces s'inversent entre le stade préimaginal et le stade adulte (chapitre 6). Cette répartition équitable des "armes" de la compétition est une des prédictions des modèles mathématiques qui mettent en jeu deux espèces de parasitoïdes et une espèce d'hôte (May et Hassell, 1981 ; Hassell et Waage, 1984 ; Hogarth et Diamond, 1984). Les mécanismes de coexistence généralement décrits sont fondés sur la notion de niche écologique (Grinnell, 1917 ; Hutchinson, 1957 ; Mc Arthur, 1967) et le principe d'exclusion compétitive (Gause, 1937 ; Hardin, 1960) : la coexistence des espèces en compétition implique obligatoirement une différenciation de leur niche écologique conduisant à un partage des ressources (Schoener, 1974 ; Pianka, 1976 ; Pontin, 1982 ; Tilman, 1982 ; Arthur, 1987 ; Barbault, 1992). D'autres mécanismes de coexistence ont cependant été décrits faisant intervenir des phénomènes coévolutifs (Pimentel et al., 140 Discussion et conclusions générales 1965), l'hétérogénéité spatio-temporelle de l'habitat (Atkinson et Shorroks, 1981 ; Shorroks, 1990) ou la complexité biologique des communautés avec soit l'intervention de plus de deux compétiteurs (Gilpin, 1975), soit l'intervention de prédateurs ou de parasites (Holt, 1977 ; Price et al., 1988). Les différences entre les niches écologiques des espèces en compétition sont le plus souvent considérées au niveau de l'axe trophique ou spatial. Le partage des ressources est alors le résultat d'un spectre alimentaire différent ou d'une distribution spatiale bien définie pour chaque espèce. La dimension temporelle de la niche écologique des espèces est prise en compte principalement à l'échelle saisonnière (Schœner, 1974 ; Hurd, 1988), un décalage le long de cet axe étant de toute évidence à l'origine d'une réduction de la compétition. L'organisation temporelle de l'activité à l'échelle du nycthémère est souvent évoquée comme moyen de coexistence possible (Shoener, 1974 ; Pianka, 1978 ; Pontin, 1982 ; Price, 1984 ; Arthur, 1987) mais ce phénomène n'a semble-t-il jamais été clairement démontré et il est considéré comme jouant un rôle mineur dans les interactions compétitives (Shoener, 1974). Des activités déphasées ont pourtant été observées dans différents systèmes (Pianka, 1969 ; Hunt, 1974) sans toutefois démontrer les conséquences de ce déphasage dans les interactions entre espèces. Chez les insectes parasitoïdes, la dimension temporelle circadienne de la niche écologique paraît être impliquée dans la coexistence des espèces en compétition pour les mêmes hôtes. Il semble se créer à l'échelle du nycthémère des refuges temporels qui peuvent être un élément important de la richesse spécifique des associations parasitaires. Hochberg et Hawkins (1992) ont montré que la création de refuges est un élément clé de la diversité des insectes parasitoïdes. Notre étude souligne donc la nécessité de prendre en compte les microvariations de la niche écologique des espèces, déjà décrite à l'échelle spatiale (Askew, 1962) et observée ici à l'échelle temporelle, pour expliquer la coexistence des espèces qui ont apparemment la même niche écologique. Enfin, cette différenciation de niche à une échelle plus fine que celle généralement envisagée est le reflet d'une forte structure des communautés, indication de l'existence probable de fortes interactions entre espèces. Les résultats obtenus chez les insectes parasitoïdes confortent l'hypothèse qui considère les interactions compétitives comme une force organisatrice majeure des communautés (Mc Arthur, 1972 ; Schœner, 1983 ; Arthur, 1987), bien que cette idée soit régulièrement remise en cause (Shorrocks et al., 1984 ; Strong et al., 1984 ; Cornell et Lawton, 1992). Rôle des rythmes circadiens dans les interactions hôte-parasitoïde Les difficultés rencontrées pour mesurer les rythmes d'activité des larves de drosophiles n'ont pas permis d'approfondir le rôle des rythmes circadiens dans les relations entre hôtes et parasitoïdes. Il est cependant fort probable que ces phénomènes ont une incidence au niveau de la rencontre entre les deux partenaires. L'interprétation des rythmes d'activité des femelles des différentes espèces étudiées dans le cadre des relations 141 Discussion et conclusions générales parasitaires apporte quelques résultats préliminaires qui encouragent à poursuivre les études chronobiologiques des associations hôte-parasitoïde. La diversité des rythmes d'activité observée entre espèces correspond à des différences de comportement de détection des hôtes (Vet et Bakker, 1985 ; Vet et Van Alphen, 1985). A. tabida, qui utilise les vibrations du substrat émises par les larves de drosophiles, montre une activité locomotrice spontanée très importante (chapitre 3). Au contraire, les deux espèces du genre Leptopilina, qui n'utilisent pas ou peu ce mode de détection, sont caractérisées une très faible activité. Ces parasitoïdes trouvent leurs hôtes en utilisant des informations chimiques (Dicke et al., 1985 ; Vet 1985), et en sondant aléatoirement le substrat (Vet et Bakker, 1985). Compte tenu de cette différence dans le mode de détection des hôtes qui s'accompagne d'une différence de rythme, on peut concevoir que l'activité de A. tabida soit plus synchronisée avec un éventuel rythme d'activité des larves que celle des espèces du genre Leptopilina. Il a en effet été démontré qu'il existe une relation directe entre l'intensité des mouvements des hôtes et l'efficacité parasitaire de cette espèce (Sokolowski et Turling, 1986). La recherche d'un rythme d'activité des hôtes est une étape indispensable à la vérification de telles hypothèses. Au niveau de l'organisation de l'activité à l'échelle du nycthémère, il semble exister une correspondance entre le profil des femelles (pic ou plateau) et le type d'hôtes parasités (mobiles ou immobiles). Les parasitoïdes de larves (A. tabida, L. boulardi, L. heterotoma) ont des pics d'activité alors que P. vindemmiae, parasite de pupe, montre un profil en plateau avec une activité répartie pendant toute la phase diurne. La présence de ces profils en plateau chez les parasitoïdes d'hôtes immobiles a été confirmée chez les Trichogrammes, hyménoptères qui parasitent les œufs de divers insectes (Fleury et al., 1991 et 1993 ; Pompanon, 1993). Ces premiers résultats suggèrent l'intervention des rythmes circadiens dans les interactions entre hôte et parasitoïde. Il est probable que les rythmes d'activité soient une composante de l'efficacité des femelles. Une correspondance entre les rythmes d'activité locomotrice et le potentiel d'infestation a été observée chez L. heterotoma dont la signification exacte reste à rechercher. On peut également envisager, chez les parasites d'hôtes mobiles, qu'un déphasage d'activité entre hôtes et parasitoïdes puisse créer un refuge temporel pour les hôtes. La non coïncidence temporelle des hôtes et des parasitoïdes est un facteur stabilisant des modèles de dynamique des populations (Griffiths, 1969 ; Hassell et May, 1973 ; Münster-Swendsen et Nachman, 1978). Ces travaux ont tous été réalisés en rapport avec la synchronisation saisonnière des espèces mais on peut envisager le même phénomène à l'échelle circadienne. Enfin, les rythmes circadiens peuvent être un facteur intervenant dans la spécificité des associations parasitaires. Applications biologique possibles de l'étude des rythmes en lutte Les rythmes circadiens d'activité des insectes entomophages paraissent constituer un élément important à prendre en compte dans les programmes de lutte biologique que ce 142 Discussion et conclusions générales soit lors du choix des espèces à introduire (contrôle biologique classique) ou lors de la production en masse des auxiliaires (lâchers innondatifs). Il est actuellement reconnu que la réussite des programmes d'introduction passe par une connaissance précise de la structure des communautés des insectes parasitoïdes (Ehler, 1985 et 1990 ; Hagvar, 1989 ; Miller et Ehler, 1990 ; Waage, 1990). L'enjeu de cette démarche est de reconstruire ou restructurer les peuplements d'ennemis naturels de façon à "remplir" au mieux les niches écologiques vacantes pour une meilleure limitation des populations de phytophages (Ehler, 1985 ; Waage, 1990). Les résultats de l'étude des rythmes des parasitoïdes de drosophiles soulignent la nécessité de prendre en compte la dimension temporelle de la niche écologique des espèces. Le déphasage d'activité observé entre parasitoïdes sympatriques suggère en effet que l'introduction de plusieurs espèces actives à des moments différents du nycthémère peut augmenter l'efficacité des lâchers en réduisant les refuges possibles des hôtes (meilleur "remplissage" des niches vacantes). De plus, les rythmes circadiens ne doivent pas être négligés pour estimer les interférences possibles entre les espèces de parasitoïdes indigènes et les espèces à introduire. Ces interactions compétives sont considérées comme à l'origine d'un certain nombre d'échecs en lutte biologique (Ehler et Hall, 1982). Des études chronobiologiques sont également à envisager lors des programmes de lâchers innondatifs qui nécessitent une production industrielle des insectes parasitoïdes. Les rythmes circadiens d'activité des entomophages peuvent en effet constituer un critère de qualité important à mesurer au cours des élevages afin de vérifier la stabilité des phases d'activité. Il est possible que les conditions de production induisent une évolution du rythme des auxiliaires qui se désynchronisent par rapport à l'activité des ravageurs à combattre, réduisant ainsi l'efficacité des lâchers. Un tel phénomène a déjà été observé lors de l'utilisation des mâles stériles en lutte biologique. Les élevages de Cochliomyia hominivorax, réalisés à l'obscurité permanente, ont produit des souches compétitivement inefficaces par rapport aux mâles de la nature (Bush et al., 1976). La prise en compte de ce phénomène a récemment été soulignée par Lance et al. (1988) qui ont montré chez Limantriadispar que la température d'élevage modifie la phase d'activité des mâles. Les mâles stérils produits seraient incapables de rechercher les femelles dont l'émission de phéromone présente un rythme circadien précis. Enfin, cette étude apporte des données nouvelles dans le domaine de la génétique des entomophages par la mise en évidence de variations intraspécifiques des rythmes d'activité. L'aspect génétique est un élément important de la réussite des programmes de lutte biologique (Hopper et al., 1993) et des connaissances à ce sujet sont nécessaires tant pour le choix des souches à introduire (souche la mieux adaptée aux conditions environnementales du lieu d'introduction) que pour la conservation de ces souches (gestion optimale de la variabilité génétique d'origine). Les résultats obtenus sur les parasitoïdes de drosophiles mettent en relief une forte structure génétique des populations naturelles de ces insectes qui serait intéressant de confirmer sur des espèces d'importance agronomique. 143 Discussion et conclusions générales Perspectives La discussion des résultats obtenus soulève un certain nombre de questions qui méritent d'être approfondies. La poursuite de l'étude des rythmes d'activité des insectes parasitoïdes peut être envisagées dans différentes directions qui présentent un intérêt dans les domaines de la chronobiologie, de l'écologie et de la lutte biologique. Les résultats obtenus sur les rythmes d'activité locomotrice doivent être confirmés pour l'activité parasitaire notamment en ce qui concerne le partage temporelle des hôtes entre espèces en compétition. Les mises au point nécessaires pour mesurer les rythmes de ponte des parasitoïdes sont actuellement en cours. La recherche de ce déphasage dans d'autres systèmes sympatriques permettrait de déterminer si ce phénomène est un élément commun à de nombreuses associations d'insectes parasitoïdes, conséquence des fortes interactions entre espèces qui résultent des infestations multiples (multiparasitisme). L'étude des relations entre le rythme des hôtes et le rythme des parasitoïdes est peut être le point le plus important à développer. La synchronisation ou un déphasage d'activité (refuge temporel pour les hôtes) peuvent en effet jouer un rôle important dans la dynamique des associations hôte-parasitoïde. La première étape de cette étude pourrait consister à confirmer chez d'autres associations parasitaires la correspondance entre le type d'hôtes infestés (mobiles ou immobiles) et le profil des rythmes des femelles parasitoïdes (pic ou plateau) observée chez les parasitoïdes de drosophiles. Il est envisagé d'intégrer dans les modèles de dynamique des populations des variables représentatives des variations circadiennes de la disponibilité des hôtes et de l'activité des parasitoïdes. L'étude génétique des rythmes d'activité doit être poursuivie pour identifier clairement les facteurs sélectifs responsables de la différenciation des populations. La variabilité génétiques à l'intérieur des populations est à confirmer par des programmes de sélection artificielle qui permettraient d'établir la capacité de réponse de ces caractères à la sélection . Enfin, la validation dans la nature des données recueillies au laboratoire reste à réaliser. Des études de terrain sont nécessaires pour estimer l'intensité de la compétition entre espèce de parasitoïdes. L'étude de la place des rythmes d'activité dans la capacité des entomophages à réguler les populations d'insectes est possible dans le cadre des programmes de lutte biologique sous serres qui permettent de travailler en conditions semi-naturelles avec des systèmes simplifiés. 144 Références bibliographiques Allemand R. (1977). Influence de l'intensité de l'éclairement sur l'expression du rythme journalier d'oviposition de Drosophila melanogaster en condition lumineuse LD 12:12. C. R. Acad. Sci. Paris, 284: 1553-1556. Allemand R. (1983). The circadian oviposition rhythm of Drosophilamelanogaster II Influence of biotic factors. Biol. Behav., 8: 273-288. Allemand R. (1991). Chromosomal analysis of the circadian oviposition behavior in selected lines of D. melanogaster. DIS, 23-24. Allemand R., Biston J. et Fouillet P. (1989). Variabilité génétique du profil circadien d'activité de la Drosophile dans une population naturelle. C. R. Acad. Sci. Paris 309 III: 477-483. Allemand R. et David J. (1976). The circadian rhythm of oviposition in Drosophila melanogaster : a genetic latitudinal cline in wild populations. Experientia, 32: 1403-1404. Allemand R. et David J.R. (1984). Genetic analysis of the circadian oviposition rhythm in Drosophila melanogaster : effects of drift in laboratory strains. Behav. Genetics, 14: 31-43. Allemand R., Fouillet F. et David J.R. (1984). Variabilité génétique du rythme circadien de ponte dans les populations naturelles de Drosophila melanogaster. Génét. Sél. Evol., 16: 27-44. Arthur A.P. (1981). Host acceptance by parasitoids. In : Semiochemicals : their role in pest control. Nordlund D.A., Jones R.L. & Lewis W.J. Eds. John Wiley & Sons, New York, 97-120. Arthur W. (1987). The niche in competition and evolution. John Wiley & Sons, Chichester, 175pp. Aschoff J. (1960). Exogenous and endogenous components in circadian rhythms. Cold Spring Harbor Symposia on Quantitative Biology, 25: 11-28. Aschoff J. (1981). Handbook of behavioral neurobiology 4. Biological rhythms. Aschoff J. Ed. Plenum press. New York, 563pp. Askew R.R. (1962). The distribution of galls of Neuroterus (Hym: Cynipidae) on oak. J. Anim. Ecol., 31: 439-455. Askew R.R. (1971). Parasitic insects. Heinemann Educational Books Limited, Londres, 316pp. Askew R.R. et Shaw M.R. (1986). Parasitoid communities : their size, structure and development. In : Insect parasitoids. Waage J. & Greathead D. Eds. Academic Press, Londres, 225-264. Atkinson W.D. et Shorrocks B. (1981). Competition on a divided and ephemeral resource : a simulation model. J. Anim. Ecol., 50: 461-471. Bakker K., Eijsackers H.J.P., Van Lenteren J.C. et Meelis E. (1972). Some models describing the distribution of eggs of the parasite Pseudeucoila bochei (Hym., Cynipidae) over its hosts, larvae of Drosophila melanogaster. Oecologia, 10: 29-57. Bakker K., Peulet P.H. et Visser M.E. (1990). The ability to distinguish between hosts containing different numbers of parasitoid eggs by the solidary parasitoid Leptopilina heterotoma (Thomson) (Hym., Cynipidae). Neth. J. Zool., 40: 514-520. Bakker K., Van Alphen J.J.M., Van Batenburg F.H.D., Van Der Hoeven H.N., Nell H.W., Van StrienVan Liempt W.T.F.H. et Turlings T.C.J. (1985). The function of host discrimination and superparasitization in parasitoids. Œcologia, 67: 572-576. Barbault R. (1992). Ecologie des peuplements : structure, dynamique et évolution. Masson, 273pp. Bartell R.J. et Shorey H.H. (1969). A quantitative bioassay for the sex pheromone of Epiphyas postvittana (Lepidoptera) and factors limiting male responsiveness. J. Insect Physiol, 15: 33-40. Bauer G. (1985). Strategies in parasitoid assciations utilizing the same developmental host stage of two rose tortricids. Entomol. Exp. Appl., 37: 275-281. 145 Bibliographie Beddington J. R. (1975). Mutual interference between parasites or predators and its effect on searching efficiency. J. Anim. Ecol., 44: 331-340. Bell W.J. (1990). Searching behavior patterns in insects. Ann. Rev. Entomol., 35: 447-467. Benzecri J. P. (1973). L'analyse des données. II L'analyse des correspondances. Dunod Paris, 619pp. Bernstein C. (1986). Density dependence and the stability of host-parasitoid systems. Oikos, 47: 176-180. Bigler F., Bieri M., Fritschy A. et Seidel K. (1988). Variation in locomotion between laboratory strains of Trichogramma maidis and its impact on parasitism of eggs of Ostrinia nubilalis in the field. Entomol. Exp. Appl., 49: 283-290. Bigler F., Meyer A. et Bosshart S. (1987). Quality assessment in Trichogramma maidis Pintureau et Voegelé reared from eggs of the factitious host Ephestia kuehniella Zell. and Sitotroga cerealella Olivier. J. Appl. Entomol., 104: 340-353. Bolter C.J. et Laing J.E. (1983). Competition between Diadegma insulare (Hymenoptera:Ichneumonidae) and Microplitis plutellae (Hymenoptera: Braconidae) for larvae of the diamondback moth Plutella xylostella (Lepidoptera: Plutellidae). Proc. Entomol. Soc. Ont., 114: 1-10. Borden J.H. (1977). Behavioral responses of Coleoptera to pheromones, allomones and kairomones. In : Chemical control of insect behavior : theory and application. Shorey H.H. & Mc Kelvey J.J. Jr Eds. John Wiley & Sons, New York, 169-198. Boulétreau M. (1986). The genetic and coevolutionary interactions between parasitoids and their hosts. In : Insect parasitoids. Waage J. & Greathead D. Eds. Academic Press, Londres, 169-200. Boulétreau M. et Biémont C. (1980). Reproductive potential of a Hymenopteran parasite of Drosophila melanogaster. D.I.S., 55: 16-17. Boulétreau M., Carton Y., Fouillet P., Prévost G. et Wajnberg E. (1986). Interactions génétiques entre les drosophiles (D. melanogaster) et leurs parasites cynipides Leptopilina boulardi et L. heterotoma. Colloque national du CNRS Biologie des populations. Lyon 4-6 Septembre 1986, 181-186. Boulétreau M., Chassain C. et Fouillet P. (1991b). Mutual interference and spatial distribution of infestations in two sympatric Trichogramma species : T. brassicae Bezdenko and T. cacoeciae Marchal (Hymenoptera: Trichogrammatoidae) Biological Control, 1: 176-182. Boulétreau M. et Fouillet P. (1982). Variabilité génétique intrapopulation de l'aptitude de Drosophila melanogaster à permettre le développement d'un hyménoptère parasite. C. R. Acad. Sc. Paris, 275: 233-234. Boulétreau M., Fouillet P. et Allemand R. (1991a). Parasitoids affect competitive interactions between the sibling species, Drosophila melanogaster and D. simulans. Redia, 74: 171-177. Boulétreau M. et Wajnberg E. (1986). Comparative responses of two sympatric parasitoid Cynipids to the genetic and epigenetic variations of the larvae of their hosts, Drosophilamelanogaster. Entomol. Exp. Appl., 41: 107-114. Bouton C.E., Mc Pheron B.A. et Weis A. (1980). Parasitoids and competition. Am. Nat., 116: 876-881. Bovet J. (1972). On the social behavior in a stable groupe of long-tailed field mice (Apodemus sylvaticus). II Its relations with distribution of daily activity. Behaviour, 41: 55-67. Brady J. (1972). Spontaneous, circadian components of tsetse fly activity. J. Insect Physiol., 18: 471484. Brady J. (1974). The physiology of insect circadian rhythms. Adv. Insect Physiol., 10: 1-115. Brady J. (1975). Circadian changes in central excitability : the origine of behavioural rhythms in tsetse flies and other animals. J. Entomol., 50: 79-95. Brady J. (1981). Behavioral rhythms in invertebrates. In : Handbook of behavioral neurobiology - 4 Biological rhythms. Aschoff J. Ed. Plenum Press, New York, 125-144. Brady J. et Crump A.J. (1978). The control of circadian activity rhythms in tsetse flies : environment or physiological clock ? Physiol. Entomol., 3: 177-190. 146 Bibliographie Brady J. et Gibson G. (1983). Activity patterns in pregnant tsetse flies, Glossina morsitans. Physiol. Entomol., 8: 359-369. Broom D.M. (1979). Methods of detecting and analysing activity rhythms. Biol. Behav., 1: 3-18. Brown F.A., Hastings J.W. et Palmer J.D. (1970). The biological clock : two views. Academic Press. New York. Bruce V. (1972). Mutants of the biological clock in Chlamydomonas reinhardi. Genetics, 70: 537-548. Bünning E. (1967). The physiological clock. Second Edition. Springer-Verlag. New York, Heidelberg, Berlin, 167pp. Bush G.L., Neck R.W. et Kitto G.B. (1976). Screwworm eradication : inadvertent selection for noncompetitive ecotypes during mass rearing. Science, 193: 491-493. Cardé R.T., Comeau A., Baker T.C. et Roelofs W.L. (1975). Moth mating periodicity : temperature regulates the circadian gate. Experientia., 31: 46-48. Carton Y. (1984). Analyse expérimentale de trois niveaux d'interactions entre Drosophilamelanogaster et le parasite Leptopilina boulardi (sympatrie, allopatrie, xenopatrie). Génét. Sél. Evol., 16: 417-430. Carton Y., Boulétreau M., Van Alphen J.J.M. et Van Lenteren J.C. (1986). The Drosophila parasitic wasps. In : The genetics and biology of Drosophila. Vol. 3 Ashburner M., Carson H.L. & Thompson J.N. Jr Eds. Academic Press. Londres, 347-394. Carton Y. Capy P. et Nappi A.J. (1989). Genetic variability of host-parasite relationship traits : utilization of isofemale lines in a Drosophila simulans parasitic wasp. Génét. Sél. Evol., 21: 437446. Carton Y., Chibani F., Haouas S. et Marrakchi M. (1987). Egg laying strategy under natural conditions of Leptopilina boulardi, a hymenopteran parasitoid of Drosophila spp. Entomol. Exp. Appl., 43: 193201. Carton Y., Frey F. et Nappi A.J. (1991b). Inheritance of the Drosophila immune reaction and estimation of the number of genes. Redia Vol. 74: 385. Carton Y., Haouas S., Marrakchi M. et Hochberg M.E. (1991a). Two competing parasitoid species coexist in sympatry. Oikos., 60: 222-230. Causse R. (1974). Etude d'un rythme circadien du comportement de prénymphose chez Ceratitiscapitata Wiedenmann (Diptera: Trypetidae). Ann. Zool. Ecol. Anim., 6: 475-498. Chambers D.L. (1977). Quality control in mass rearing. Ann. Rev. Entomol., 22: 289-308. Chassain C. (1988). Reproduction et comportements d'infestation des hôtes chez les Trichogrammes : facteurs de variations génétiques et épigénétiques. Thèse de doctorat, Université Claude Bernard - Lyon. Chassain C. et Boulétreau M. (1987). Genetic variability in the egg laying behaviour of Trichogramma maidis. Entomophaga, 32: 149-157. Chassain C., Boulétreau M. et Fouillet P. (1988). Host exploitation by parasitoids : local variations in foraging behaviour of females among populations of Trichogramma species. Entomol. Exp. Appl., 48: 195-202. Clayton D.L. et Paietta J.V. (1972). Selection for circadian eclosion time in Drosophila melanogaster. Science, 178: 994-995. Coluzzi M. (1972). Inversion polymorphism and adult emergence in Anopheles stephensi. Science, 176: 59-60. Colwell C.S. et Page T.L. (1990). A Circadian rhythm in neural activity can be recorded from the central nervous system of the cockroach. J. Comp. Physiol., 166: 643-649. Combes C. (1991). Evolution of parasite life cycles. In : Parasite-host associations: coexistence or conflict. Toft C.A., Aeschlimann A. & Bolis L. Eds. Oxford University Press, 62-82. Connell J.H. (1980). Diversity and the coevolution of competitors, or the ghost of competition past. Oikos, 35: 131-138. 147 Bibliographie Cook R.M. et Hubbard S.F. (1977). Adaptive searching strategies in insect parasites. J. Anim. Ecol., 46: 115-125. Corbet P.S. (1966). The role of rhythms in insect behaviour. In : Insect Behaviour. Haskell Ed. R. Ent. Soc. Symp., 13-28. Cornell H.V. et Lawton J.H. (1992). Species interactions, local and regional processes, and limits to the richness of ecological communities : a theoretical perspective. J. Anim. Ecol., 61: 1-12. Cruden R.W., Herman S.M. et Peterson S. (1983). Patterns of nectar production and plant-pollinator coevolution. In : The biology of nectaries. Bentley B. & Elias T. Eds. Columbia University Press. New York, 80-125. Crump A.J. et Brady J. (1979). Circadian activity patterns in three species of tsetse fly : Glossina palpalis, G. austeni and G.morsitans. Physiol. Entomol., 4: 311-318 Cui H., Barbosa P. et Martinat P.J. (1986). Influence of age of female Glyptapanteles flavicoxis (Marsh) (Hymenoptera: Braconidae) and its periodicity of oviposition activity on levels of parasitism and reproductive output. Ann. Entomol. Soc. Am., 79: 280-282. Curio E. (1976). The ethology of predation. Springer Verlag, New York. Daan S. (1981). Adaptive daily strategies in behavior. In : Handbook of behavioral neurobiology - 4 Biological rhythms. Aschoff J. Ed. Plenum Press, New York, 275-298. Daan S. et Tinbergen J. (1979). Young guillemots (Uria lomvia) leaving their artic breeding cliffs : a daily rhythm in numbers and risk. Ardea, 67: 96-100. Dagnélie P. (1975). Analyse statistique à plusieurs variables. Les presses agronomiques de Gembloux, 362pp. David J.R. (1959). Etude quantitative du développement de la drosophile élevée en milieu axénique. Bull. Biol. Fr. et Belg., 93, 4. David J.R. et Tsacas L. (1980). Cosmopolitan, sub-cosmopolitan and widespread species : different strategies within the drosophilid family (Diptera). C. R. Soc. Biogéogr., 57: 11-26. Dean J.M. et Ricklefs R.E. (1979). Do parasites of Lepidoptera larvae compete for hosts? No. Am. Nat., 113: 302-306 Dean J.M. et Ricklefs R.E. (1980). Do parasites of Lepidoptera larvae compete for hosts? No evidence. Am. Nat., 116: 882-884. Dicke M., Van Lenteren J.C., Boskamp G.J.F. et Van Dongen-Van Leeuwen E. (1984). Chemical stimuli in host habitat location by Leptopilina heterotoma (Thomson) (Hymenoptera: Eucoilidae), a parasite of Drosophila. J. Chem. Ecol., 10: 695-712. Dicke M., Van Lenteren J.C., Boskamp G.J.F. et Van Voorst R. (1985). Intensification and prolongation of host searching in Leptopilina heterotoma (Thomson) (Hymenoptera: Eucoilidae) through a kairomone produced by Drosophila melanogaster. J. Chem. Ecol., 11: 125-136. Dijkerman H.J. et Koenders J.T.H. (1988). Competition between Trieces tricarinatus and Triclistus yponomeutae in multiparasitized hosts. Entomol. Exp. Appl., 47: 289-295. Donaldson J.S. et Walter G.H. (1988). Effects of egg availability and egg maturity on the ovipositional activity of the parasitic wasp, Coccophagus atratus. Physiol. Entomol., 13: 407-417. Driessen G. et Hemerik L. (1991). Aggregative responses of parasitoids and parasitism in populations of Drosophila breeding in fungi. Oikos, 61: 96-107. Dunlap J.C. (1990). Closely watched clocks : molecular analysis of circadian rhythms in Neurospora and Drosophila. Trends in Genetics, 6: 159-165. Ehler L.E. (1985). Species-dependent mortality in a parasite guild and its relevance to biological control. Environ. Entomol., 14: 1-6. Ehler L.E. (1990). Introduction strategies in biological control of insects. In : Critical issues in biological control. Mackauer M., Ehler L.E. & Roland J. Eds. Intercept, Andover, 111-134. 148 Bibliographie Ehler L.E. et Hall R.W. (1982). Evidence for competitive exclusion of introduced natural enemies in biological control. Environ. Entomol., 11: 1-4. Ekbom B.S. (1982). Diurnal activity patterns of the greenhouse whitefly, Trialeurodesvaporariorum (Homoptera: Aleyrodidae) and its parasitoid Encarsia formosa (Hymenoptera: Aphelimidae). Protection Ecology, 4: 141-150. Elliott N.C., Simmons G.A. et Drapek R.J. (1986). Adult emergence and activity patterns of parasites of early instar jack pine budworm (Lepidoptera: Tortricidae). Environ. Entomol., 15: 409-416. Enright J.T. (1970). Ecological aspects of endogenous rhythmicity. Annual Review of Ecology and Systematic, 1: 221-238. Enright J.T. (1981). Data analysis. In : Handbook of behavioral neurobiology. 4- Biological rhythms. Aschoff J. Ed. Plenum Press, New York, 21-38. Fagerström T. et Wiklund C. (1982). Why do males emerge before females ? Protandry as a mating strategy in male and female butterflies. Œcologia, 52: 164-166. Feldman J.F. (1982). Genetic approaches to circadian clocks. Ann. Rev. Plant. Physiol., 33: 583-608. Fisher R.C. (1961). A study in insect multiparasitism. II- The mechanism and control of competition for possession of the host. J. Exp. Biol., 38: 605-628. Fisher R.C. (1971). Aspects of the physiology of endoparasitic hymenoptera. Biol. Rev., 46: 243-278. Fleury F. et Boulétreau M. (1993) Effects of temporary host deprivation on reproductive potential of Trichogramma brassicae Bezdenko (Hymenoptera: Trichogrammatidae). Entomol. Exp.Appl. (sous presse). Fleury F., Pompanon F., Mimouni F., Chassain C., Fouillet P., Allemand R. et Boulétreau M. (1991). Daily rhythmicity of locomotor activity in adult hymenopteran parasitoids. Redia, 74: 287-293. Fleury F., Pompanon F. et Allemand R. (1993). Les rythmes d'activité chez les insectes parasitoïdes: aspects génétiques et écologiques. Dans Les rythmes biologiques: de la molécule à l'Homme. (sous presse). Force D.C. (1974). Ecology of insect host-parasitoid communities. Science, 184: 624-632. Force D.C. (1975). Succession of r and K strategists in parasitoids . In : Evolutionary strategies of parasitic insects and mites. P.W. Price Ed. Plenum Press, New York, 112-129. Force D.C. (1980). Do parasitoids of Lepidoptera larvae compete for hosts ? Probably ! Am. Nat., 116: 873-875. Force D.C. (1985). Competition among parasitoids of endophytic hosts. Am. Nat., 126: 440-444. Fox A.D. et Stroud D.A. (1986). Diurnal rhythms in a snow-surface springtail (Isotoma violacea, Collembola) and its predators in Eqalungmiut Nunaat, West Greenland. Pedobiologia, 29: 405-412. Futuyma D.J. et Slatkin M. (1983). Coevolution. Sinauer, Sunderland, 555pp. Galis F. et Van Alphen J.J.M. (1981). Patch time allocation and search intensity of Asobaratabida Nees (Braconidae) a larval parasitoid of Drosophila. Neth. J. Zool., 31: 596-611. Gause G.F. (1937). Experimental populations of microscopic organisms. Ecology, 18: 173-179. Gill. F.B., Mack A.L. et Ray R.T. (1982). Competition between hermit humming birds Phaethorninae and insects for nectar in Costa Rican rain forest. Ibis, 124: 44-49. Gilpin M.E.(1975). Limit cycles in competition communities. Am. Nat., 109: 51-60. Gordon D.M. (1991). Variation and change in behavioral ecology. Ecology, 72: 1196-1203. Green C.H., Burnet B. et Connolly K.J. (1983). Organization and patterns of inter and intraspecific variation in the behaviour of Drosophila larvae. Anim. Behav., 31: 282-291. Greenwood M.T., Clark F. et Smith J.S (1991). Automatic recording of flea activity. Medical and Veterinary Entomology, 5: 93-100. Griffiths K.J. (1969). The importance of coincidence in the functional and numerical responses of two parasites of the European pine sawfly Neodiprion sertifer. Can. Entomol., 101: 673-713. 149 Bibliographie Grinnell J. (1917). The niche-relationships of the California thrasher. Auk, 34: 427-433. Haccou P., De Vlas S.J., Van Alphen J.J.M. et Visser M.E. (1991). Information processing by foragers : effects of intra-patch experience on the leaving tendency of Leptopilina heterotoma. J. Anim. Ecol., 60: 93-106. Haddow A.J., Gillett J.D. et Corbet P.S. (1961). Observations on the oviposition cycle of Aedes aegypti (Linnaeus). Ann. Trop. Med. Parasit., 55: 343-356. Haddow A.J. et Ssenkubuge Y. (1962). Laboratory observations on the oviposition cycle in the mosquito Anopheles gambiae Giles. Ann. Trop. Med. Parasit., 56: 352-355. Haddow A.J., Yarrow I.H.H., Lancaster G.A. et Corbet P.S. (1966). Nocturnal flight cycle in the males of African doryline ants (Hymenoptera: formicidae). Proc. R. Ent. Soc. Lond., 41: 103-106. Hagvar E.B. (1989). Interspecific competition in parasitoids with implications for biological control. Acta Entomol. Bohem., 86: 321-335. Hairston N.G., Smith F.E. et Slobodkin L.B. (1960). Community structure, population control and competition. Am. Nat., 94: 421-425. Haigh J. et Maynard Smith J. (1972). Can there be more predators than prey ? Theor. Pop. Biol., 3: 290299. Hall J.C. (1990). Genetics of circadian rhythms. Ann. Rev. Genet., 24: 659-697. Hall J.C. et Kyriacou C.P. (1990). Genetics of biological rhythms in Drosophila. Adv. Insec Physiol., 22: 222-298. Halle S. (1988). Avian predation upon a mixed community of common voles (Microtus arvalis) and wood mice (Apodemus sylvaticus). Œcologia, 75: 451-455. Hardin G. (1960). The competitive exclusion principle. Science, 131: 1291-1297. Hardy I.C.W. et Godfray H.C.J. (1990). Estimating the frequency of constrained sex allocation in field populations of hymenoptera. Behaviour, 114: 137-147. Harker J.E. (1956). Factors controlling the diurnal rhythm of activity in Periplanetaamericana. J. Exp. Biol., 33: 224-234. Harker J.E. (1973). Circadian rhythms in insects. In : Biological aspects of circadian rhythms. Mills J.N. Ed. Plenum Press, Londres, 190-233. Harrison J.M. et Breed M.D. (1987). Temporal learning in the giant tropical ant, Paraponeraclavata. Physiol. Entomol., 12: 317-320. Hassell M.P. et May R.M. (1973). Stability in insect host-parasite models. J. Anim. Ecol., 42: 693-726. Hassell M.P. et Waage J.K. (1984). Host-parasitoid population interactions. Ann. Rev. Entomol., 29: 89-114. Hawking F. (1973). Circadian rhythms of parasites. In : Biological aspects of circadian rhythms. Mills J.N. Eds. Plenum Press, Londres, 153-188. Hawking F. et Thurston J.P. (1951a). The periodicity of microfilariae. I- The distribution of microfilariae in the body. Trans. R. Soc. Trop. Med. Hyg., 45: 307-328. Hawking F. et Thurston J.P. (1951b). The periodicity of microfilariae. II- The explanation of its production. Trans. R. Soc. Trop. Med. Hyg., 45: 329-340. Hawkins B.A. (1990). Global patterns of parasitoid assemblage size. J. Anim. Ecol., 59: 57-72. Herrera C.M. (1990). Daily patterns of pollinator activity, differential pollinating effectiveness, and floral resource availability, in a summer flowering Mediterranean shrub. Oikos, 58: 277-288. Hertlein M.B. (1986). Seasonal development of Leptopilina boulardi (Hymenoptera: Eucoilidae) and its hosts Drosophila melanogaster and D. simulans (Diptera: Drosophilidae) in California. Environ. Entomol., 15: 859-866. Hertlein M.B. et Thorarinsson K. (1987). Variable patch times and the functional response of Leptopilina boulardi (Hymenoptera: Eucoilidae). Environ. Entomol., 16: 593-598. 150 Bibliographie Hirose Y., Vinson S.B. et Hirose Y. (1988). Protandry in the parasitoid Cardiochilesnigriceps, as related to its mating system. Ecol. Res., 3: 217-226. Hobson E.S. (1968). Predatory behaviour of some shore fishes in gulf of California. U.S. Fish Wildlife. Serv. Res. Dept., 73: 1-92. Hochberg M.E. et Hawkins B.A. (1992). Refuges as a predictor of parasitoid diversity. Science, 255: 973976. Hoffmann K. (1971). Biological clocks in animal orientation and in other functions. In : Proc. Int. Symp. Circadian Rhythmicity, Wageningen, 175-205. Hogarth W.L. et Diamond P. (1984). Interspecific competition in larvae between entomophagous parasitoids. Am. Nat., 124: 552-560. Hohmann C.L., Luck R.F. et Oatman E.R. (1988). A comparison of longevity and fecundity of adult Trichogramma platneri (Hymenoptera: Trichogrammatidae) reared from eggs of the cabbage looper and the angumouis (sic) grain moth with and without access to honey. J. Econ. Entomol., 81: 1307-1312 Holt R.D. (1977). Predation, apparent competition, and the structure of prey communities. Theor. Pop. Biol., 12: 197-229. Hopper K.R. (1984). The effects of host finding and colonization rates on abundances of parasitoids of a gall midge. Ecology, 65: 20-27. Hopper K. R., Roush R.T. et Powell W. (1993). Management of genetics of biological-control introductions. Ann. Rev. Entomol., 38: 27-51. Hoy A.M. (1978). Variability in diapause attributes of insects and mites : some evolutionary and practical implications. In : Evolution of insect migration and diapause. Dingle H. Ed. SpringerVerlag, New York, 101-126. Hsiao H.S. (1978). Cicardian activity of Heliotis zea at different temperatures studied with an acoustic actograph. Ann. Entomol. Soc. Am., 71: 115-120. Hubbell S.P. et Johnson L.K. (1978). Comparative foraging behavior of six stingless bee species exploiting a standardized resource. Ecology, 59: 1123-1136. Hunt J.H. (1974). Temporal activity patterns in two competing ant species (Hymenoptera:Formicidae). Psyche J. Entomol., 81: 237-242. Hurd L.E. (1988). Consequences of divergent egg phenology to predation and coexistence in two sympatric, congeneric mantids (Orthoptera: Mantidae). Oecologia, 76: 549-552. Hutchinson G.E. (1957). Concluding remarks. Cold Spring Harb. Symp. Quant. Biol., 22: 415-427. Idoine K. et Ferro D.N. (1990). Diurnal timing of ovipositional activities of Edovum puttleri (Hymenoptera: Eulophidae), an egg parasitoid of Leptinotarsa decemlineata (Coleoptera: Chrysomelidae). Environ. Entomol., 19: 104-107. Janssen A. (1989). Optimal host selection by Drosophila parasitoids in the field. Funct. Ecol., 3: 469479. Janssen A., Driessen G., Haan M.D. et Roodbol N. (1988). The impact of parasitoids on natural populations of temperate woodland Drosophila. Neth. J. Zool., 38: 61-73. Jones M.D.R. (1964). The automatic recording of mosquito activity. J. Insect. Physiol., 10: 343-351. Jones M.D.R. et Gubbins S.J. (1978). Changes in the circadian flight activity of the mosquito Anopheles gambiae in relation to insemination, feeding and oviposition. Physiol. Entomol., 3: 213-220. Jones M.D.R., Hill M. et Hope A.M. (1967). The circadian flight activity of the mosquito Anopheles gambiae : phase setting by the light regime. J. Exp. Biol., 47: 503-511. Jones M.D.R. et Reiter R. (1975). Entrainment of the pupation and adult activity rhythms during development in the mosquito Anopheles gambiae. Nature, 254: 242-244. Kainoh Y. (1986). Mating behavior of Ascogaster reticulatus Watanabe (Hymenoptera: Braconidae), an egg-larval parasitoid of the smaller tea tortrix moth Adoxophyes sp. (Lepidoptera: Tortricidae): diel patterns of emergence and mating, and some conditions for mating. Appl. Entomol. Zool., 21: 1-7. 151 Bibliographie Kaiser W. et Steiner-Kaiser J. (1983). Neuronal correlates of sleep, wakefulness and arousal in a diurnal insect. Nature, 301: 707-709. Konopka R.J. (1981). Genetics and development of circadian rhythms in invertebrates. In : Handbook in behavioral neurobiology. 4- biological rhythms. Aschoff J. Ed. Plenum Press, New York, 173-181. Konopka R.J. (1987). Genetics of biological rhythms in Drosophila. Ann. Rev. Genet., 21: 227-236. Konopka R.J. et Benzer S. (1971). Clock mutants of Drosophila melanogaster. Proc. Nat. Acad. Sci. USA, 68: 2112-2116. Kopelman A.H. et Chabora P.C. (1987). Aspects of the reproductive biology of Leptopilina boulardi (Hym: Eucoilidae). Ann. Entomol. Soc. Am., 79: 808-813. Lance D.R., Odell T.M., Mastro V.C. et Schwalbe C.P. (1988). Temperature mediated programming of activity rhythms in male gypsy moths (Lepidoptera: Lymantriidae) : implications for sterile male technique. Environ. Entomol., 17: 649-653. Lankinen P. (1986a). Geographical variation in circadian eclosion rhythm and photoperiodic adult diapause in Drosophila littoralis. J. Comp. Physiol. A, 159: 123-142. Lankinen P. (1986b). Genetic correlation between circadian eclosion rhythm and photoperiodic dipause in Drosophila littoralis. J. Biol. Rhythms, 1: 101-118. Laudého Y., Liaropoulos C. et Canard M. (1978). Etude pendant la période automnale du rythme de sortie hors des fruits des larves du dernier âge de la mouche de l'olive Dacus oleae (Diptera: Trypetidae). Ann. Zool. Ecol. Anim., 10: 37-50. Lawton J.H. (1986). The effect of parasitoids on phytophagous insect communities. In : Insect parasitoids. Waage J. & Greathead D. Eds. Academic Press, Londres, 265-287. Lawton J.H. et Strong D.R. (1981). Community patterns and competition in folivorous insects. Am. Nat., 118: 317-338. Legendre L. et Legendre P. (1979). Ecologie numérique. 2- La structure des données écologiques. Masson, Paris, 247pp. Le Ralec A. (1991). Les hyménoptères parasitoïdes : adaptation de l'appareil reproducteur femelle, morphologie et ultrastructure de l'ovaire, de l'œuf et de l'ovipositeur. Thèse de doctorat de l'Université de Rennes n° 663. Lipton G.R. et Sutherland D.J. (1970). Activity rhythms in the american cockroach, Periplaneta americana. J. Insect. Physiol., 16: 1555-1566. Mac Arthur R.H. (1967). The theory of the niche. In : Population biology and evolution Lewontin R.C. Ed. Syracuse University Press, 159-176. Mac Arthur R.H. et Wilson E.O. (1967). The theory of island biogeography. Princeton University Press, Princeton, New York, 203pp. Mackauer M. (1990). Host discrimination and larval competition in solitary endoparasitoids. In : Critical issues in biological control. Mackauer M., Ehler L.E. & Roland J. Eds. Intercept, Andover, 41-62. Marston N. et Ertle L.R. (1973). Host influence on the bionomics of Trichogramma minutum. Ann. Entomol. Soc. Am., 66: 1155-1162. May R.M. (1991). The dynamics and genetics of host-parasite associations. In : Parasite-host associations: coexistence or conflict. Toft C.A., Aeschlimann A. & Bolis L. Eds. Oxford University Press, Oxford, 102-128. May R.M. et Hassell M.P. (1981) The dynamic of multiparasitoid-host interactions. Am. Nat., 117: 234261. Miller J.C. et Ehler L.E. (1990). The concept of parasitoid guild and its relevance to biological control. In : Critical issues in biological control. Mackauer M., Ehler L.E.& Roland J. Eds. Intercept, Andover, 159-169 Mills J.N. (1973). Biological aspects of circadian rhythms. Plenum Press. Londres, 319pp. 152 Bibliographie Minkenberg O.P., Tatar M. et Rosenheim J.A. (1992). Egg load as a major source of variability in insect foraging and oviposition behavior. Oikos, 65: 134-142. Mimouni F. (1990). Caractérisation biologique et comportementale de deux espèces de Trichogrammes marocains : étude de facteurs génétiques et épigénétiques. Thèse de doctorat, Université Claude Bernard, Lyon I. Mimouni F. (1991). Genetic variations in host infestation efficiency in two Trichogramma species from Marocco. Redia, 74: 393-400. Mitchell P. et Arthur W. (1990). Resource turnover time and consumer generation time as factors affecting the stability of coexistence : an experiment with Drosophila. J. Anim. Ecol., 59: 121-133. Mollema C. (1991). Heritability estimates of host selection behaviour by the Drosophila parasitoid Asobara tabida. Neth. J. Zool., 41: 174-183. Morris D.W. (1990). Temporal variation, habitat selection and community structure. Oikos, 59: 303-312. Münster-Swendsen M. et Nachman G. (1978). Asynchrony in insect host-parasite interaction and its effect on stability, studied by a simulation model. J. Anim. Ecol., 47: 159-171. Nagle K.J. et Bell W.J. (1987). Genetic control of the search tactic of Drosophila. melanogaster : an ethometric analysis of rover/sitter traits in adult flies. Behav. Genetics, 17: 385-408. Nakamuta K. (1987). Diel rhythmicity of prey-search activity and its predominance over starvation in the lady beetle Coccinella septempunctata bruckii Physiol. Entomol., 12: 91-98. Nappi A.J. (1975). Inhibition by parasites of melanotic tumour formation in Drosophila melanogaster. Nature, 225: 402-404. Neumann D. (1967). Genetic adaptation in emergence time of Clunio populations to different tidal conditions. Helgoländer Wissenschaftliche Meeresuntersuchungen, 15: 163-171. Nöstvik E. (1954). A study of Pseudeucoila bochei Weld (Hymenoptera: Eucoilidae) and its relationship to Drosophila melanogaster Meigen (Diptera: Drosophilidae) Genetica et Entomologia, 2: 139-160. Okuda M.S. et Yeargan K.V. (1988). Habitat partitioning by Telenomus podisi and Trissolcus euschisti (Hymenoptera: Scelionidae) between herbaceous and woody host plants. Environ. Entomol., 17: 795798. Page T.L. (1978). Interactions between bilaterally paired components of the cockroach circadian system. J. Comp. Physiol., 124: 225-236. Page T.L. (1981). Neural and endocrine control of circadian rhythmicity in invertebrates. In : Handbook of behavioral neurobiology. 4- Biological rhythms. J. Aschoff Eds. Plenum Press, New York, 145172. Page T.L. (1990). Circadian rhythms of locomotor activity in cockroach nymphs : free running and entrainment. J. Biol. Rhythms, 5: 273-289. Pahl-Wostl C. (1990). Temporal organization : a new perspective on the ecological network. Oikos, 58: 293-305. Pak G.A., Buis H.C.E.M., Heck I.C.C. et Hermans M.L.G. (1986). Behavioural variations among strains of Trichogramma spp. : host-age selection. Entomol. Exp. Appl., 40: 247-258 Palmer J.D. (1974). Biological clocks in marine organisms. Wiley J. & Sons, New York, 173pp. Parsons P.A. (1980). Isofemale strains an evolutionary strategies in natural populations. Evol. Biol., 13: 175-217. Pianka E.R. (1969). Sympatry of desert lizards (Ctenotus) in western Australia. Ecology, 50: 1012-1030. Pianka E.R. (1970). On r and k selection. Am. Nat., 104: 592-597. Pianka E.R. (1976). Competition and niche theory. In : Theoretical Ecology. May R.M. Ed. Blackwell, New York, 114-141. Pianka E.R. (1978). Evolutionary Ecology. Second Edition. Harper & Row, New York, 397pp. 153 Bibliographie Pimentel D., Feinberg E.H., Wood P.N.et Hayes J.T. (1965). Selection, spatial distribution and the coexistence of competing fly species. Am. Nat., 99: 97-109. Pimentel D. et Stone F.A. (1968). Evolution and population ecology of parasite-host systems. Can. Entomol., 100: 655-662. Pittendrigh C.S. (1958). Perspectives in the study of biological clooks. In : Perspectives in Marine Biology. Buzzati-Traverso A.A. Ed. University of California Press, 239-268. Pittendrigh C.S. (1966). The circadian oscillation in Drosophilapseudoobscura pupae : a model for the photoperiodic clock. Z. Pflanzenphysiol., 54: 275-307. Pittendrigh C.S. (1967). Circadian systems. I The driving oscillation and its assay in Drosophila pseudoobscura. Proc. Nat. Acad. Sci. USA, 58: 1762-1767. Pittendrigh C.S. (1981). Circadian systems : general perspective. In : Handbook of behavioral neurobiology. 4- Biological rhythmes. Aschoff J. Ed. Plenum press, New York, 57-80. Pittendrigh C.S. et Daan S. (1974). Circadian oscillations in rodents : a systematic increase of their frequency with age. Science, 186: 548-550. Pittendrigh C.S. et Minis D.H. (1971). The photoperiodic time-measurement in Pectinophora gossypiella and its relation to the circadian system in that species. In : Biochronometry. Menaker M. Ed. National Academy of Sciences, Washington, 212-250. Pittendrigh C.S. et Skopik S.D. (1970). Circadian systems : V The driving oscillation and the temporal sequence of development. Proc. Nat. Acad. Sci. USA, 65: 500-507. Pompanon F., Fouillet P., Allemand R. et Boulétreau M. (1993) Organisation temporelle de l'activité locomotrice chez les Trichogrammes (Hyménoptère: Trichogrammatidae): variabilité et relation avec l'efficacité du parasitisme. Bull. Soc. Zool. Fr. (sous presse). Pontin A.J. (1982). Competition and coexistence of species. Pitman Advanced Publishing Program. Boston, 98 pp. Price P.W. (1971). Niche breadth and dominance of parasitic insect sharing the same host species. Ecology, 52: 587-596. Price P.W. (1973). Parasitoid strategies and community organization. Environ. Entomol., 2: 623-626. Price P.W. (1975). Reproductive strategies of parasitoids. In : Evolutionary strategies of parasitic insects and mites. P.W. Price Ed. Plenum Press, New York, 87-111. Price P.W. (1980). Evolutionary biology of parasites. Princeton University Press, Princeton, 237pp. Price P.W. (1984). Insect ecology. Second Edition, John Wiley et Sons, New York, 607 pp. Price P.W., Westoby M. et Rice B. (1988). Parasite-mediated competition : some predictions and tests. Am. Nat., 131: 544-555. Pschorn-Walcher H. (1987). Interspecific competition between the principal larval parasitoids of the pine sawfly Neodiprion sertifer (Geoff.) (Hym: Diprionidae). Œcologia, 73: 621-625. Reuter O.M. (1913). Lebensgewohnheiten und instinkte der insekten. Friedlander Berlin, 488pp. Ridout L.M. (1981). Mutual interference : behavioural consequences of encounters between adults of the parasitoid wasp Venturia canescens (Hymenoptera: Ichneumonidae). Anim. Behav., 29: 897-903. Riley J.R., Smith A.D. et Bettany B.W. (1990). The use of video equipment to record in three dimensions the flight trajectories of Heliothis armigera and other moths at night. Physiol. Entomol., 15: 73-80. Rizki R.M. et Rizki T.M. (1984). Selective destruction of a host blood cell type by a parasitoid wasp. Proc. Nat. Acad. Sci. USA, 81: 6154-6158. Rizki R.M. et Rizki T.M. (1990). Microtubule inhibitors block the morphological changes induced in Drosophila blood cells by a parasitoid wasp factor. Experientia, 46: 311-315. Rizki T.M., Rizki R.M. et Carton Y. (1990). Leptopilina heterotoma and L. boulardi : strategies to avoid cellular defense responses of Drosophila melanogaster. Experimental Parasitology, 70: 466-475. 154 Bibliographie Roitberg B.D. (1990). Variation in behaviour of individual parasitic insects : bane or boon ? In : Critical issues in biological control. Mackauer M., Ehler L.E. & Roland J. Eds. Intercept, Andover, 25-39. Rouault J. (1979). Rôle des parasites entomophages dans la compétition entre espèces jumelles de Drosophiles : approche expérimentale. C.R. Acad. Sci. Paris, 289: 643-646. Roush R.T. (1990). Genetic variation in natural enemies : critical issues for colonization in biological control. In : Critical issues in biological control. Mackauer M., Ehler L.E. & Roland J. Eds. Intercept, Andover, 263-288. Ruberson J.R., Tauber M.J. et Tauber C.A. (1988). Reproductive biology of two biotypes of Edovum puttleri, a parasitoid of colorado potato beetle eggs. Entomol. Exp. Appl., 46: 211-219. Rusak B. (1981). Vertebrate behavioral rhythms. In : Handbook of behavioral neurobiology. 4Biological rhythm. J. Aschoff Ed. Plenum press, New York, 183-213 Salt G. (1941). The effects of hosts upon their insect parasites. Biol. Rev., 16: 239-264. Saunders D.S. (1970). Circadian clock in insect photoperiodism. Science, 168: 601-603. Saunders D.S. (1977). An introduction to biological rhythms. Blackic Eds., Glasgow, 170pp. Saunders D.S. (1982). Insect clocks. Second Edition. Pergamon Press, Oxford, 409pp. Schoener T.W. (1974). Resource partitioning in ecological communities. Science, 185: 27-39. Schoener T.W. (1983). Field experiments on interspecific competition. Am. Nat., 122: 240-285. Shorrocks B. (1990). Competition and selection in a patchy and ephemeral habitat : the implications for insect life-cycles. In : Insect life cycles. Gilbert F. Ed. Springer-Verlag, Londres, 215-228. Shorrocks B., Rosewell J., Edwards K. et Atkinson W. (1984). Interspecific competition is not a major organizing force in many insect communities. Nature, 310: 310-312. Smith M.A. et Cornell H.V. (1979). Hopkins host-selection in Nasonia vitripennis and its implications for sympatric speciation. Anim. Behav., 27: 365-370. Sokolove P.G. (1975). Locomotory and stridulatory circadian rhythms in the cricket, Teleogryllus commodus. J. Insect. Physiol., 21: 537-558. Sokolove P.G. et Bushell W.N. (1978). The chi square periodogram : its utility for analysis of circadian rhythms. J. Theor. Biol., 72: 131-160. Sokolowski M.B. (1985). Genetics and ecology of Drosophilamelanogaster larval foraging and pupation behaviour. J. Insect Physiol., 31: 857-864. Sokolowski M.B. (1986). Drosophila larval foraging behavior and correlated behaviors. In : Evolutionary genetic of invertebrate behaviors. Hentel Eds, Plenum Press, 197-213. Sokolowski M.B., Bauer S.J., Wai-Ping V., Rodriguez L., Wong J.L. et Kent C. (1986). Ecological genetics and behaviour of Drosophila. melanogaster larvae in nature. Anim. Behav., 34: 403-408. Sokolowski M.B. et Carton Y. (1989). Microgeographic variation in a Drosophila melanogaster larval behavior. J. Insect. Behavior, 2: 829-834. Sokolowski M.B. et Turlings T.C.J. (1987). Drosophila parasitoid-host interactions : vibrotaxis and ovipositor searching from the host's perspective. Can. J. Zool., 65: 461-464. Southwood T.R.E (1978). Ecological methods. Second Edition. Chapman & Hall, Londres, 524 pp. Steinberg S., Podoler H. et Rosen D. (1987). Competition between two parasites of the Florida red scale in Israel. Ecol. Entomol., 12: 299-310. Stinner R.E., Ridgway R.L. et Morrison R.K. (1974). Longevity, fecundity and searching ability of Trichogramma pretiosum reared by three methods. Environ. Entomol., 3: 558-560. Stone G.N., Amos J.N., Stone T.F., Knight R.L., Gay H. et Parrott F. (1988). Thermal effects on activity patterns and behavioural switching in a concourse of foragers on Stachytarpheta mutabilis (Verbenaceae) in Papua New Guina. Œcologia, 77: 56-63. 155 Bibliographie Strand M.R. (1986). The physiological interactions of parasitoids with their hosts and their influence on reproductive strategies. In : Insect Parasitoid. Waage J. & Greathead D. Eds. Academic Press, Londres, 97-136. Strong D.R., Simberloff D., Abele L.G. et Thistle A.B. (1984). Ecological communities, conceptual issues and the evidence. Princeton University Press, Princeton, New Jersey. Tantawy A.O. et Soliman M.H. (1967). Studies on the natural populations of Drosophila VI Competition between Drosophila melanogaster and Drosophila simulans. Evolution, 21: 34-40. Théron A. (1980). Mise en évidence de races chronobiologiques de Schistosoma mansoni, agent de la bilharziose, à partir des cinétiques d'émission cercarienne. C.R. Acad. Sc. Paris, 291D: 279-282. Théron A. (1984). Early and late shedding patterns of Schistosoma mansoni cercariae : ecological significance in transmission to human and murine hosts. J. Parasit., 70: 652-655. Théron A. (1985). Polymorphisme du rythme d'émission des cercaires de Schistosoma mansoni et ses relations avec l'écologie de la transmission du parasite. Vie et Milieu, 35: 23-31. Théron A. et Combes C. (1983). Analyse génétique du rythme d'émergence des cercaires de Schistosoma mansoni par croisement de souches à pics d'émission précoces ou tardifs. C.R. Acad. Sci. Paris, 297 III: 571-574. Théron A. et Combes C. (1988). Genetic analysis of cercarial emergence rhythms of Schistosoma mansoni. Behav. Genetics, 18: 201-209. Tillman P.G. et Powell J.E. (1992). Interspecific discrimination and larval competition among Microplitis croceipes, Microplitis demolitor, Cotesia kazak (Hym: Braconidae), and Hyposoter didymator (Hym: Ichneumonidae), parasitoids of Heliothis virescens (Lep: Noctuidae). Entomophaga, 37: 439-451. Tilman D. (1982). Resource competition and community structure. Princeton University Press, Princeton, 296pp. Toft C.A., Aeschlimann A. et Bolis L. (1991). Parasite-host associations, coexistence or conflict ? Oxford University Press, Oxford, 384pp. Tomioka K. et Chiba Y. (1989a). Light cycle during post-embryonic development affects adult circadian parameters of the cricket (Gryllus bimaculatus) optic lobe pacemaker. J. Insect Physiol., 35: 273-276. Tomioka K. et Chiba Y. (1989b). Photoperiod during post-embryonic development affects some parameters of adult circadian rhythm in the cricket, Gryllus bimaculatus. Zool. Sci., 6: 565-571. Troncoso B., Godoy-Herrera R. et Mora W. (1987). The development of larval movement patterns in Drosophila. Heredity, 58: 321-329. Truman J.W. (1971). Circadian rhythms and physiology with special reference to neuroendocrine processes in insects. In : Proceeding of the international symposium on circadian rhythmicity. Wageningen Netherland Pudoc Press, 111-135. Turlings T.C.J., Van Batenburg F.D.H. et Van Strien-Van Liempt W.T.F.H. (1985). Why is there no interspecific host discrimination in the two coexisting larval parasitoids of Drosophila species; Leptopilina heterotoma (Thomson) and Asobara tabida (Nees) ? Œcologia, 67: 352-359. Turuk T.N. (1973). Diurnal periodicity in feeding and the vertical movements of the Atlantic cod (Gadus morhua L.). Journal of Ichthyology, 13: 275-288. Tychsen P.H. et Fletcher B.S. (1971). Studies on the rhythm of mating in the Queensland fruit fly, Dacus tryoni. J. Insect Physiol., 17: 2139-2156. Van Alphen J.J.M. et Galis F. (1983). Patch time allocation and parasitization efficiency of Asobara tabida, a larval parasitoid of Drosophila. J. Anim. Ecol., 52: 937-952. Van Alphen J.J.M. et Janssen A.R.M. (1982). Host selection by Asobara tabida Nees (Braconidae, Alysiinae), a larval parasitoid of fruit inhabiting Drosophila species. II Host species selection. Neth. J. Zool., 32: 215-231. Van Alphen J.J.M., Nordlander G. et Eijs I. (1991). Host habitat finding and host selection of the Drosophila parasitoid Leptopilina australis (Hymenoptera: Eucoilidae), with a comparison of the niches of European Leptopilina species. Œcologia, 87: 324-329. 156 Bibliographie Van Alphen J.J.M., Van Dijken M.J. et Waage J.K. (1987). A functional approach to superparasitism : host discrimination needs not be learnt. Neth. J. Zool., 37: 167-179. Van Aphen J.J.M. et Vet L.E.M. (1986). An evolutionary approach to host finding and selection. In : Insect parasitoids. Waage J. & Greathead D. Eds. Academic Press, Londres, 23-61. Van Alphen J.J.M. et Visser M.E. (1990). Superparasitism as an adaptive strategy for insect parasitoids. Ann. Rev. Entomol., 35: 59-79. Van Etten J. (1982). Comparative studies on the diurnal activity pattern in two field and laboratory populations of Glossina pallidipes. Entomol. Exp. Appl., 32: 38-45. Van Lenteren J.C. (1976). The development of host discrimination and the prevention of superparasitism in the parasite Pseudeucoila bochei Weld (Hym: Cynipidae) Neth. J. Zool., 26: 1-83. Van Lenteren J.C. (1981). Host discrimination by parasitoids. In : Semiochemicals : their role in pest control. Nordlund D.A., Jones R.L. & Lewis W.J. Eds. John Wiley & Sons, New York, 153-179. Van Lenteren J.C. et Bakker K. (1978). Behavioural aspects of the functional responses of a parasite (Pseudeucoila bochei Weld) to its host (Drosophila melanogaster). Neth. J. Zool., 28: 213-233. Van Strien-Van Liempt W.T.F.H. (1983). The competition between Asobaratabida (Nees von Esenbeck, 1834) and Leptopilina heterotoma (Thomson, 1862) in multiparasitized hosts. I- The course of competition. Neth. J. Zool., 33: 125-163. Van Strien-Van Liempt W.T.F.H. et Van Alphen J.J.M. (1981). The absence of interspecific host discrimination in Asobara tabida Nees and Leptopilina heterotoma Thomson coexisting larval parasitoids of Drosophila species. Neth. J. Zool., 31: 701-712. Vet L.E.M. (1985). Response to kairomones by some Alysiine and Eucoilid parasitoid species (Hymenoptera). Neth. J. Zool., 35: 486-496. Vet L.E.M. et Bakker K. (1985). A comparative functional approach to the host detection behaviour of parasitic wasps. II- A quantitative study on eight Eucoilid species. Oikos, 44: 487-988. Vet L.E.M. et Dicke M. (1992). Ecology of infochemical use by natural enemies in a tritrophic context. Ann. Rev. Entomol., 37: 141-172. Vet L.E.M., Janse C., Van Achterberg C., Van Alphen J.J.M. (1984a). Microhabitat location and niche segregation in two sibling species of Drosophilid parasitoids : Asobara tabida (Nees) and Asobara rufescens (Foerster) (Braconidae: Alysiinae). Œcologia, 61: 182-188. Vet L.E.M., Meyer M., Bakker K. et Van Alphen J.J.M. (1984b). Intra and interspecific host discrimination in Asobara (Hymenoptera) larval endoparasitoids of Drosophilidae : comparison between closely related and less closely related species. Anim. Behav., 32: 871-874. Vet L.E.M. et Van Alphen J.J.M. (1985). A comparative functional approach to the host detection behaviour of parasitic wasps. I- A qualitative study on Eucoilidae and Alysiinae. Oikos, 44: 478-486. Vinson S.B. (1976). Host selection by insect parasitoids. Ann. Rev. Ent., 21: 109-133. Vinson S.B. (1981). Habitat location. In : Semiochemicals : their role in pest control. Nordlund D.A., Jones R.L. & Lewis W.J. Eds. John Wiley & Sons, New York, 51-77. Vinson S.B. (1984). Parasitoid-host relationship. In : Chemical ecology of insects. Bell W.J. & Cardé R.T. Eds. Chapman & Hall Ltd, 205-233. Vinson S.B. et Ables J.R. (1980). Interspecific competition among endoparasitoids of tobacco budworm larvae (Lep: Noctuidae). Entomophaga, 25: 357-362. Vinson S.B. et Iwantsch G.F. (1980). Host suitability for insect parasitoids. Ann. Rev. Entomol., 25: 397-419. Visser M.E., Van Alphen J.J.M. et Hemerik L. (1992). Adaptive superparasitism and patch time allocation in solitary parasitoids : an ESS model. J. Anim. Ecol., 61: 93-101. Waage J.K. (1979). Foraging for patchily-distributed hosts by the parasitoid, Nemeritis canescens. J. Anim. Ecol., 48: 353-371. 157 Bibliographie Waage J.K. (1990). Ecological theory and the selection of biological control agents. In : Critical issues in biological control. Mackauer M., Ehler L.E. & Roland J. Eds. Intercept, Andover, 135-157. Walter G.H. (1988). Activity patterns and egg production in Coccophagus bartletti, an aphelinid of scale insects. Ecol. Entomol., 13: 95-105. Weseloh R.M. (1975). Diel periodicity and host selection as mesured by ovipositional behavior of the Gypsy moth parasite Parasetigenasilvestris in Connecticut woodlands. Environ. Entomol., 5: 514516. Weseloh R.M. (1981). Host location by parasitoids. In : Semiochemicals : their role in pest control. Nordlund D.A., Jones R.L. & Lewis W.J. Eds. John Wiley & Sons, New York, 79-93. Willmer P.G. (1983). Thermal constraints on activity patterns in nectar feeding insects. Ecol. Entomol., 8: 455-469. Willmer P.G. et Corbet S.A. (1981). Temporal and microclimatic partitioning of the floral resources of Justicia aurea amongst a concourse of pollen vectors and nectar robbers. Œcologia, 51: 67-78. Zwölfer H. (1971). The structure and effect of parasitoid complexes attacking phytophagous hosts insects. In : Dynamics of populations. Den Boer P.J. & Gradwell G.R Eds. Center for agricultural Publishing and Documentation, Wageningen, 405-418. 158