Les rythmes circadiens d`activité chez les Hyménoptères

Transcription

Les rythmes circadiens d`activité chez les Hyménoptères
n° d'ordre 71-93
1993
THESE
présentée
devant l' Université Claude Bernard LYON I
pour l'obtention du
DIPLOME DE DOCTORAT
Spécialité : Biométrie, Génétique et Biologie des Populations
Formation doctorale : Analyse et modélisation des systèmes biologiques
par
Frédéric Fleury
Les rythmes circadiens d'activité chez les
Hyménoptères parasitoïdes de Drosophiles
Variabilité, déterminisme génétique,
signification écologique
Soutenue le 9 mars 1993 devant la commission d'examen :
MM. ALLEMAND R. C.R. CNRS Univ. Lyon I,
BAKKER K. Prof. Univ. Leiden (Pays-Bas),
BOULETREAU M. Prof. Univ. Lyon I,
CARTON Y. D.R. CNRS Gif-sur-Yvette,
COMBES C. Prof. Univ. Perpignan,
DEBOUZIE D. Prof. Univ. Lyon I,
RIBA G. D.R. INRA La Minière ,
1
Directeur
Rapporteur
Directeur
Examinateur
Rapporteur
Examinateur
Rapporteur
Introduction
LABORATOIRE DE BIOMETRIE, GENETIQUE ET BIOLOGIE DES
POPULATIONS - URA CNRS 243
UNIVERSITE CLAUDE BERNARD - LYON I
43 Bd du 11 Novembre 1918
69622 Villeurbanne
2
Introduction
Je remercie tout particulièrement Monsieur le Professeur M. Boulétreau de m'avoir
accueilli dans son laboratoire et d'avoir bien voulu accepter la responsabilité de ma
formation. Sa constante disponibilité, la qualité de ses conseils dans de nombreux
domaines et son soutien moral pendant les moments difficiles que rencontre tout jeune
chercheur m'ont permis de mener à bien ce travail dont il est à l'origine. Qu'il trouve ici le
témoignage de ma profonde reconnaissance.
Monsieur R. Allemand, Chargé de Recherche au CNRS et co-directeur avec M.
Boulétreau de cette thèse, a guidé mes premiers pas dans le domaine de la chronobiologie.
Je tiens à le remercier pour nos longues discussions qui m'ont été d'une grande utilité pour
la mise au point des protocoles et l'interprétation des résultats. Je le remercie également
pour les souches d'insectes parasitoïdes qu'il a bien voulu piéger dans la nature. Qu'il soit
ici assuré de toute ma gratitude.
Messieurs les Professeur K. Bakker et C. Combes, ainsi que Monsieur G. Riba,
Directeur de Recherche à l'INRA, m'ont fait l'honneur de participer à ce jury et ont accepté
la lourde tâche d'être rapporteurs de cette thèse. Je tiens à leur exprimer toute ma
reconnaissance.
Je remercie Monsieur le Professeur D. Debouzie d'avoir bien voulu juger ce travail. Ses
conseils en analyse multivariée et les remarques constructives qu'il a formulées après la
lecture de mon manuscrit ont été pour moi d'une grande utilité.
Malgré ses lourdes responsabilités, Monsieur Y. Carton, Directeur de Recherche au
CNRS, a bien voulu accepter d'être présent dans ce jury. Je souhaite qu'il trouve ici
l'expression de mes sincères remerciements pour l'intérêt qu'il a porté à mon travail au cours
de nos rencontres annuelles lors des journées des entomophagistes.
C'est avec une attention toute particulière que j'adresse mes remerciements à Monsieur
P. Fouillet, Ingénieur CNRS, qui a été étroitement associé à mes travaux de recherche. C'est
à lui que revient en grande partie la réalisation du système de mesure automatisé des
rythmes d'activité. Il a été pour moi un conseiller permanent et je lui dois l'aspect
informatique et statistique de ma formation doctorale. J'aimerais qu'il trouve ici l'assurance
de ma profonde amitié.
Je remercie chaleureusement Claude Arnault pour son soutien moral lors de la difficile
étape de la rédaction. Elle a gentiment accepté d'effectuer une lecture du manuscrit et m'a
ainsi permis d'en améliorer la qualité. C'est pour moi un plaisir de lui témoigner toute ma
sympathie et mon amitiée.
Mes remerciements vont également à Mesdames Mestre et Terrier pour leur aide dans
les élevages et les tâches quotidiennes ainsi qu'à Messieurs Malet et Basso-bert qui ont
entièrement réalisé la partie mécanique de l'unité de translation motorisée.
Josselyne Boulétreau, Jeannine Van Herrewege et Christian Biémont ont contribué à
rendre agréables ces années passées au laboratoire. Je les en remercie chaleureusement.
Merci également à Misou et Sophie qui ont gentiment réalisé la saisie informatique de
la partie bibliographique de ce mémoire.
Je remercie Fabrice Vavre que j'ai eu le plaisir d'encadrer pendant deux mois et qui
m'a apporté son aide pour réaliser les expériences sur le multiparasitisme, lourdes à mettre
en œuvre.
Il m'est agréable de saluer tous mes collègues du laboratoire de génétique des
populations à qui je laisse sans regret le "bâton de pélerin" du jeune thésard. Amitiés à
Corinne, François, Isabelle, Pili ...
Enfin, je souhaite que tous mes proches trouvent ici le témoignage de ma profonde
reconnaissance pour leur soutien moral et matériel. A Carole qui a du supporter mes
3
Introduction
absences et mes humeurs. Je remercie particulièrement mes parents qui m'ont toujours
encouragé et soutenu dans mes études. A Cath, Béa, Carmen et Dan.
4
Introduction
Résumé
En réponse aux facteurs de l'environnement qui varient avec une périodicité de 24
heures, les êtres vivants ont développé des rythmes d'activité dont les différentes phases,
établies en fonction de leurs exigences physiologiques et écologiques, sont en partie
déterminées par des mécanismes endogènes (rythmes circadiens). Cette organisation
temporelle de l'activité à l'échelle du nycthémère est un élément important de la structure
des communautés et son rôle dans le fonctionnement et l'évolution des peuplements
d'insectes parasitoïdes reste mal connu. Son étude a été abordée sur les complexes
parasitaires des Drosophiles.
Un dispositif de mesure des rythmes adapté aux insectes parasitoïdes a été mis au
point. Entièrement automatisé et fondé sur l'analyse d'images vidéo, ce système permet
de mesurer individuellement et en temps réel, l'activité d'un grand nombre d'individus
grâce à l'automatisation des déplacements de la caméra (120 individus avec 12 relevés par
heure).
Les différentes espèces de parasitoïdes de drosophiles étudiées montrent des
rythmes d'activité locomotrice très nets dont le détermisme est endogène (persistance des
rythmes en obscurité permanente). En LD 12:12, d'importantes variations du taux
d'activité et de la phase des pics ont été mises en évidence entre espèces. Dans la région
lyonnaise, les femelles de Asobara tabida sont très actives, principalement en début de
photophase, alors que les deux espèces du genre Leptopilina le sont beaucoup moins :
L. heterotoma se déplace uniquement l'après-midi alors que L. boulardi montre une
activité maximale en début de nuit. L'activité des femelles de Pachycrepoideus
vindemmiae est beaucoup plus régulièrement répartie sur toute la durée de la photophase.
Chez L. heterotoma, l'étude de cinq populations naturelles a révélé l'existence
d'importantes différences de rythmes entre individus d'origine géographique différente.
Les populations du bassin méditerranéen montrent un profil bimodal avec un pic en début
et en fin de photophase alors que les populations plus septentrionales (région lyonnaise,
Hollande) ne présentent qu'un seul pic d'activité, l'après-midi. L'analyse de ces
variations (croisements réciproques F1 et back cross) a démontré leur déterminisme
génétique. La forte variabilité des rythmes entre individus d'une même population semble
elle aussi être d'origine génétique. La discussion porte sur les différents facteurs sélectifs
responsables de ces variations ainsi que de leur maintien.
La signification écologique des rythmes a été recherchée par l'analyse de trois
situations naturelles où plusieurs espèces de parasitoïdes sont en compétition pour les
mêmes espèces d'hôtes. Dans tous les cas, un très net déphasage d'activité entre espèces
sympatriques apparaît suggérant un partage des hôtes sur la base temporelle circadienne,
dont l'avantage sélectif pour l'espèce la moins compétitive a été démontré. La compétition
interspécifique semble donc être un des facteurs sélectifs ayant contribué à la
différenciation de populations à rythmes d'activité différents. Cette ségrégation temporelle
systématique des activités joue probablement un rôle dans la diversité des communautés
d'insectes parasitoïdes.
Les rythmes circadiens d'activité apparaissent comme un élément important du
fonctionnement des associations hôte-parasitoïde, dont la prise en compte dans les
programmes de lutte biologique est à considérer.
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Introduction
Summary
Activity circadian rhythms of Drosophila hymenopterous parasitoids :
variability, genetic determinisms and ecological significance.
In response to environmental factors which vary with a 24 h periodicity, most
organisms have developed activity rhythms, which are partly controlled by an
endogenous oscillation (circadian rhythms). This temporal organization of individual
activity is not only a response to the daily variations in physical factors such as light-dark
periodicity and the associated cycles, but activity rhythms are also involved in the interand intraspecific interactions between organisms. The circadian rhythms of activity are
therefore an important component of the structure of communities, but in most cases their
role is poorly documented.
The ecological significance of the activity rhythms was investigated in an insect
host-parasitoid association using parasitoids of drosophila as biological model. Up to
now, the circadian rhythms of activity of parasitoid insects have not been studied despite
the numerous studies performed on these natural enemies which contribute to the
regulation of the populations of phytophagous insects. The activity rhythms were studied
using video equipment and image analysis device which allow to measure automatically
and continuously the spontaneous locomotor activity of different parasitoid species.
Under LD 12:12, Drosophila parasitoids show a clear rhythm of activity controlled
by endogenous component (rhythms persist in constant darkness). In most species,
rhythms are different in sexes. The activity of males occurs mostly during the first hours
of the photophase, whereas in females a great diversity in rhythms appears among
species. None of the four studied french species show similar rhythms. Asobara tabida
females are highly active with a peak at the beginning of the day ; Leptopilina species are
less active, mostly during afternoon for L. heterotoma, and at the beginning of the night
for L. boulardi. In Pachycrepoideus vindemmiae females, the activity is more or less
continuous all over the photophase. This diversity of rhythms among females could be
related to the diversity of parasitic habits of the species : the three first ones, parasitoid of
larvae, have different strategies in host searching behaviour, and P. vindemmiae
parasitizes the pupal stage of drosophila.
Females of the same species show also strong variations in their locomotor activity
rhythms. Among five populations of L. heterotoma, two different kinds of profiles were
observed. The two mediterranean populations (Tunisia and Antibes) show two peaks of
activity at the beginning and the end of the photophase, whereas more northern
populations (Lyon and Holland) are mostly active during the afternoon. Reciprocal
crosses between French and Tunisian strains have demonstrated the genetic basis of these
variations whith a biparental determinism. The genetical studies have also demonstrated
the existence of genetic variations between females of the same origin. It is likely that the
activity rhythms are subject to selective pressures leading parasitoids to adapt the
temporal organization of their behaviour to the local environmental conditions. The
activity rhythms appear as an important dimension of the ecological niche of species,
which must be taken into account when analysing the interactions between organisms.
The ecological significance of the activity rhythms of parasitoids was investigated
in three natural situations, where two species are competing for the same host species. In
all three cases, the rhythms of the sympatric parasitoids are asynchronous, thus
suggesting that the competing species can share their hosts on a circadian temporal basis.
Experiments have demonstrated that this phase shifting can enhance the fitness of the
weaker competitor when its activity occurs at first (multiparasitism experiments). This
6
Introduction
temporal segregation in the activitiy of competing species could restrict the competitive
interactions in the field and thus contribute to the species diversity in parasitoid
associations.
7
Introduction
Sommaire
Introduction
1
Chapitre 1 : Biologie des parasitoïdes de drosophiles et
protocoles expérimentaux
7
1- Biologie des hyménoptères parasitoïdes des drosophiles
7
2- Espèces et souches utilisées
2-1 Asobara tabida
2-2 Leptopilina heterotoma
2-3 Leptopilina boulardi
2-4 Pachycrepoideus vindemmiae
10
10
10
11
11
3- Elevage des souches
3-1 Elevage des hôtes
3-2 Elevage des parasitoïdes
11
11
12
4- Mesure du rythme d'activité locomotrice : principe et conditions
d'expérimentation
4-1 Principe de mesure
4-2 Enceintes d'expérimentation
4-3 Conditions physiologiques des insectes parasitoïdes pendant
les mesures
4-4 Conditions de lumière et de température
12
12
12
13
14
5- Présentation et analyse statistique des résultats
5-1 Courbe brute d'activité
5-2 Courbe moyenne d'activité (jour moyen)
5-3 Profils d'activité
5-4 Quantité ou taux d'activité
5-5 Période endogène du rythme d'activité
14
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14
16
16
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6- Mesure des paramètres de l'efficacité parasitaire
6-1 Protocole de mesure
6-2 Degré d'infestation
6-3 Succès parasitaire
17
17
18
18
Chapitre 2 : Système de mesure automatique des rythmes
d'activité des insectes par analyse d'images vidéo
1- L'enregistrement vidéo : appareillage et mises au point techniques
8
23
24
Introduction
2- L'analyse d'images vidéo : principe, matériel et fonctionnement
26
3 - Automatisation du déplacement de la caméra
3-1 Chassis de translation
3-2 Unité de commande électronique
28
30
30
4- Mesure de l'activité locomotrice : le logiciel ACTIV
4-1 Principe
4-2 Mesure de l'activité par le programme ACTIV
31
31
33
5- Détermination des paramètres de mesure
5-1 Choix du paramètre de mesure
5-2 Nombre de relevés par heure
36
36
36
6- Avantages et limites du système de mesure par analyse d'image
6-1 limites de la méthode
6-2 Avantages de la méthode
37
37
38
Chapitre 3 : Les rythmes circadiens d'activité locomotrice des
parasitoïdes de Drosophiles : caractérisation et diversité
1- Les rythmes d'activité locomotrice des parasitoïdes de drosophiles sous
photopériode LD 12:12
1-1 Asobara tabida
1-2 Leptopilina heterotoma
1-3 Leptopilina boulardi
1-4 Pachycrepoideus vindemmiae
1-5 Conclusions
2- Effets des variations du régime lumineux et déterminisme endogène des
rythmes d'activité
2-1 Activité locomotrice en absence de facteurs d'entraînement :
expériences de libre cours
2-2 Rythmes d'activité locomotrice avec simulation de l'aube et du
crépuscule
2-3 Rythme d'activité sous photopériode LD 16:8
2-4 Conclusions
41
42
42
45
46
48
49
49
49
55
56
58
3- Stabilité temporelle des souches et des populations naturelles
3-1 Stabilité temporelle des souches élevées au laboratoire
3-2 Stabilité temporelle des populations naturelles
3-3 Conclusions
58
58
60
60
4- Etude des rythmes d'émergence des parasitoïdes adultes
4-1 Protocole de mesure
4-2 Résultats
4-3 Conclusions
62
62
62
64
9
Introduction
5- Conclusions générales
64
Chapitre 4 : Analyse génétique des rythmes d'activité locomotrice
et de la capacité d'infestation des femelles chez L. heterotoma
71
1- Variabilité des rythmes d'activité et de la capacité d'infestation des
femelles entre populations de L. heterotoma
1-1 Profils d'activité
1-2 Taux d'activité
1-3 Capacité d'infestation
1-4 Conclusions
73
73
79
80
81
2- Analyse génétique des différences entre les souches française (Ste Foy)
et Tunisienne (Nasrallah) de L. heterotoma
2-1 Protocole expérimental
2-2 Test d'interfertilité entre les souches lyonnaise et tunisienne
2-3 Etude de la capacité d'infestation
2-4 Etude des rythmes d'activité locomotrice
2-5 Conclusions
81
81
82
84
87
91
3 - Analyse génétique de la variabilité inter-individuelle
3-1 Protocole expérimental et traitements statistiques des données
3-2 Profils d'activité
3-3 Taux d'activité
3-4 Période endogène
3-5 Conclusions
92
92
93
96
97
98
4- Conclusions générales
98
Chapitre 5: Effets de différents facteurs biotiques internes sur les
rythmes d'activité des parasitoïdes
103
1- Effet du jeûne sur les rythmes d'activité locomotrice
1-1 Protocole expérimental
1-2 Résultats
1-3 Conclusions
104
104
104
106
2- Effet de l'insémination des femelles sur les rythmes d'activité locomotrice
2-1 Protocole expérimental
2-2 Résultats
2-3 Conclusions
107
107
107
108
10
Introduction
3- Effet de la nature de l'hôte sur l'activité locomotrice et l'activité parasitaire
des femelles parasitoïdes
3-1 Protocole expérimental
3-2 Résultats
3-3 Conclusions
109
109
110
115
4- Conclusions générales
115
Chapitre 6: Signification écologique et valeur adaptative des
rythmes circadiens d'activité des parasitoïdes
1- Relations entre activité locomotrice spontanée et activité parasitaire
1-1 Cinétique des infestations
1-2 Organisation des infestations dans le nycthémère
1-3 Relation entre taux d'activité et potentiel d'infestation
1-4 Conclusions
2- Rôle des rythmes circadiens d'activité dans la compétition entre espèces de
parasitoïdes
2-1 Comparaison des rythmes circadiens d'activité locomotrice entre
espèces de parasitoïdes sympatriques
2-2 Rôle des rythmes d'activité dans la compétition interspécifique en
cas de multiparasitisme
3- Conclusions générales
121
124
124
126
128
128
129
129
132
135
Discussion et conclusions générales
141
- Mise en évidence et diversité des rythmes circadiens d'activité chez les
insectes parasitoïdes
141
- Variabilité génétique des rythmes circadiens d'activité des parasitoïdes
de drosophiles
143
- Rôle des rythmes circadiens d'activité dans le fonctionnement des
associations hôte-parasitoïde
145
- Applications possibles de l'étude des rythmes en lutte biologique
148
- Perspectives
150
Références bibliographiques
151
11
Introduction
Introduction
Depuis l'apparition de la vie sur terre, l'alternance des jours et des nuits due à la
rotation de notre planète (nycthémère) a constitué le cadre évolutif de la plupart des
organismes, exception faite de quelques cas particuliers (espèces des fosses océaniques
par exemple). En réponse à ces variations périodiques des facteurs de l'environnement
(photopériode et cycles associés), les êtres vivants ont développé des phases d'activité et
de repos déterminées par leurs exigences physiologiques et écologiques. Chez les
animaux, on distingue ainsi des espèces diurnes, nocturnes ou crépusculaires dont
l'activité est parfois concentrée uniquement pendant quelques heures du nycthémère. Les
comportements se répètent, le plus souvent, de façon similaire aux mêmes heures de la
journée, faisant apparaître de véritables "habitudes journalières". Ces rythmes d'activité,
observés dans la plupart des groupes zoologiques (Mills, 1973 ; Palmer, 1974 ;
Saunders, 1977 ; Aschoff, 1981), ont été beaucoup étudiés chez les insectes (voir
Saunders, 1982 pour une synthèse).
La persistance des rythmes d'activité en absence de toute information temporelle
externe a conduit à émettre l'hypothèse que les êtres vivants possédaient le "sens du
temps", idée parfois combattue par les partisans d'un déterminisme exclusivement
exogène (Brown et al., 1970). Les nombreux travaux réalisés dans le domaine de la
physiologie et de la génétique en chronobiologie (Bünning, 1967 ; Aschoff, 1981 ;
Saunders, 1982 ; Hall, 1990) ont maintenant clairement établi que les rythmes d'activité
des organismes placés dans un environnement homogène (expérience de libre cours) sont
le reflet d'une oscillation interne qui correspond à une véritable mesure physiologique du
temps. Ce mécanisme, comparable à celui d'une horloge, d'où le nom "d'horloge
biologique", montre une période proche mais rarement égale à 24 heures, ce qui a conduit
à qualifier de circadiens les rythmes gouvernés par un tel système.
Dans la nature, les rythmes d'activité sont donc le résultat de l'interaction entre cette
composante innée, propre à chaque individu (l'oscillation endogène), et les facteurs de
l'environnement. Ils expriment alors une période d'exactement 24 heures, résultat de la
synchronisation de l'oscillation endogène aux variations cycliques des facteurs du milieu
liés à la rotation de la terre : les rythmes circadiens sont entraînés par les facteurs
périodiques de l'environnement.
Les rythmes circadiens d'activité ont une signification écologique beaucoup plus
importante que les simples réponses directes aux facteurs externes. Ils reflètent en effet
une organisation temporelle des comportements, signe d'une adaptation aux variations
périodiques de l'environnement. L'intérêt d'un déterminisme endogène est interprété en
terme de préparation, à relier à la prévisibilité de l'environnement, permettant aux
organismes une réponse anticipée aux variations périodiques externes (Enright, 1970).
L'oscillation endogène détermine donc, plus ou moins directement, la chronologie des
comportements et assure leur synchronisation avec les facteurs auxquels ils sont censés
12
Introduction
répondre (présence éphémère de nourriture, conditions abiotiques favorables, activité
d'un congénère, etc.).
L'organisation temporelle de l'activité à l'échelle du nycthémère est dans ce
contexte un élément important de la structure des communautés et constitue une
composante de la niche écologique des espèces. Cependant, si l'aspect causal des
rythmes d'activité a fait l'objet de nombreuses recherches en chronobiologie, leur aspect
fonctionnel à l'échelle de la communauté reste peu étudié. Le rôle des rythmes d'activité
dans le fonctionnement et l'évolution des peuplements a cependant été souligné dans
différents systèmes biologiques (voir Daan, 1981, pour une revue).
Chez la mouche du fruit Dacus tryoni par exemple, les rythmes circadiens sont à la
base de la synchronisation de l'activité sexuelle des individus ce qui augmente la
probabilité de rencontre d'un partenaire (Tychsen et Fletcher, 1971). Des différences
entre espèces sont connues pour être à l'origine d'isolement génétique et on peut
facilement concevoir que les rythmes puissent être impliqués dans des processus de
spéciation sympatrique.
Chez les organismes parasites, un très bel exemple est donné par les microfilaires
parasites de l'homme (Wuchereriabancrofti) qui s'accumulent principalement dans les
poumons mais migrent périodiquement au niveau de la circulation périphérique au
moment où les insectes vecteurs (moustiques) prennent leur repas de sang (Hawkins,
1973).
Le rôle des rythmes d'activité a également été évoqué dans les relations de
compétition (Schœner, 1974 ; Pianka, 1978), les relations proies-prédateurs et plantesinsectes pollinisateurs (Curio, 1976 ; Daan, 1981). Cette organisation temporelle reste
malgré tout peu étudiée et il est probable qu'elle fasse l'objet de préoccupations futures
comme tendent à le prouver et à le souligner de récents articles (Pahl-Wostl, 1990 ;
Morris, 1990 ; Mitchell et Arthur, 1990).
Les rythmes d'activité apparaissent comme un élément important à prendre en
compte lorsque des relations étroites lient deux organismes. Chez les insectes, c'est le cas
des systèmes hôte-parasitoïde où l'association met en jeu des espèces taxonomiquement
proches dont l'une, appelée parasitoïde (Reuter, 1913), montre un mode de vie
intermédiaire entre le parasitisme et la prédation. Ces insectes parasitoïdes sont en effet
caractérisés par des stades préimaginaux à mode de vie parasitaire suivis d'une vie adulte,
libre, au cours de laquelle les femelles se comportent comme des prédateurs. A l'état
adulte, les femelles recherchent activement leurs hôtes (œufs, larves ou nymphes d'autres
insectes) dans ou sur lesquels elles pondent un ou plusieurs œufs. L'hôte est consommé
par les larves des parasitoïdes qui vivent pendant un certain temps en parasites (parasites
protéliens, Askew, 1971). L'issue du parasitisme est cependant fatale soit pour l'hôte
(succès du parasitisme), soit pour le parasitoïde (réponse immunitaire de l'hôte) soit pour
les deux protagonistes (mauvaise adéquation) qui peuvent alors mourir à plus ou moins
brève échéance. En tuant leurs hôtes, les insectes parasitoïdes jouent un rôle important
dans la limitation des populations d'insectes et sont à ce titre utilisés en agronomie pour
lutter contre les ravageurs des cultures.
Le comportement de recherche des hôtes est une étape clé dans le fonctionnement
des systèmes hôtes-parasitoïdes puisque son efficacité conditionne l'importance de la
13
Introduction
descendance des femelles parasitoïdes donc leur capacité à réguler les populations
d'insectes. Les mécanismes responsables de la rencontre des deux partenaires ont fait
l'objet de très nombreux travaux (théoriques et appliqués) dominés par la recherche des
informations chimiques et physiques utilisées par les femelles pour localiser leurs hôtes
(Vinson 1981 et 1984 ; Weseloh, 1981 ; Van Alphen et Vet, 1986 ; Vet et Dicke, 1992).
La coïncidence temporelle des deux partenaires est un facteur important du succès de la
rencontre entre hôte et parasitoïde mais jusqu'ici, seul l'aspect saisonnier semble avoir été
considéré (Griffiths, 1969 ; Hoy, 1978 ; Lawton, 1986 ; Hertlein, 1986). La nécessité de
prendre en compte les rythmes circadiens a été soulignée par Chambers (1977) et Vinson
(1981), mais ce champ d'investigations est resté vierge probablement à cause de la
difficulté des études chronobiologiques qui demandent un suivi en continu, sur plusieurs
jours, de l'activité des individus.
Des questions importantes se posent pourtant dans différents domaines. Hôtes et
parasitoïdes montrent-ils tous deux des rythmes circadiens d'activité, quels sont leurs
déterminismes ? Existe-t-il des variations intraspécifiques des rythmes ? Quel est le degré
de synchronisation de l'activité des deux partenaires ? Les hôtes peuvent-ils, par des
rythmes différents, éviter les attaques des parasitoïdes par création d'un refuge temporel,
mécanisme reconnu comme pouvant contribuer à la stabilité du système (Griffiths, 1969 ;
Hassell et May, 1973) ? Les rythmes circadiens d'activité jouent-ils un rôle dans la
spécificité parasitaire ? Comment des espèces en compétition pour les mêmes hôtes
organisent-elles leur activité au sein du nycthémère ? Un partage temporel des ressources
est-il possible ?
Nous avons recherché des réponses à une partie de ces questions chez les insectes
parasites des drosophiles qui constituent un des principaux modèles d'étude des relations
hôte-parasitoïde. Ces hyménoptères ont en effet l'avantage d'infester des hôtes sur
lesquels de très nombreuses connaissances sont disponibles (physiologique, génétique,
écologique) tout en présentant une grande facilité d'élevage.
Le rôle des rythmes circadiens d'activité dans le fonctionnement de ces associations
parasitaires a été abordé sous l'angle de l'écologie évolutive par la mesure de différentes
espèces de parasitoïdes de drosophiles ainsi que par la recherche de variations génétiques
intraspécifiques des rythmes. Une part importante du travail a consisté à mettre au point
un système de mesure automatisé des rythmes d'insectes de petite taille. Cette étude porte
essentiellement sur les rythmes d'activité locomotrice spontanée. Parallèlement, plusieurs
paramètres du potentiel reproducteur des femelles ont été mesurés afin de recueillir des
éléments d'information utiles pour l'interprétation des phénomènes étudiés. Les résultats
de ces études seront présentés dans six chapitres.
Les deux premiers chapitres décrivent la méthodologie employée. Le chapitre 2
concerne plus particulièrement le système de mesure mis au point dont la description
détaillée a semblé nécessaire compte tenu de son originalité et de sa performance (mesure
en temps réel par analyse d'images vidéo).
Le chapitre 3 présente les résultats de base : description des rythmes d'activité et
recherche d'une horloge biologique endogène. L'étude des mécanismes physiologiques
(neurologiques ou endocrines) du fonctionnement de ces rythmes n'a pas été abordée car
elle n'était pas l'objectif de ce travail. Les efforts se sont portés sur la comparaison des
différentes espèces formant les complexes de parasitoïdes associés aux drosophiles.
14
Introduction
Les chapitres 4 et 5 concernent la recherche de variations intraspécifiques d'ordre
génétique (chapitre 4) et épigénétique (chapitre 5). L'étude génétique a plus
particulièrement été développée.
Enfin, le rôle écologique et la valeur adaptative des rythmes circadiens d'activité
sont discutés dans un sixième chapitre centré sur le rôle des rythmes dans les relations de
compétition entre parasitoïdes sympatriques.
15
Chapitre 1
Biologie des parasitoïdes de drosophiles et
protocoles expérimentaux
Les insectes parasitoïdes tiennent une place importante dans le monde vivant
puisque, selon May (1991), ils constituent 10% de toutes les espèces de métazoaires
présentes sur la planète. Les recherches réalisées sur ce groupe d'organismes comportent
différentes approches. Mises à part les études appliquées réalisées dans le domaine de la
lutte biologique, les insectes parasitoïdes ont fait l'objet de nombreuses études de biologie
évolutive que suscite tout système parasitaire dont l'intérêt est d'associer deux partenaires
vivant en "harmonie" malgré l'effet défavorable du parasite (Price, 1980 ; Carton,
1984 ; Boulétreau, 1986 ; Toft et al., 1991). Ces insectes ont également beaucoup été
utilisés pour développer des modèles mathématiques en dynamique des populations
(Hassell et May, 1973 ; Hassell et Waage, 1984 ; Bernstein, 1986) ainsi que dans le
domaine de l'écologie du comportement (behavioural ecology), discipline récente dont le
principal objectif est l'interprétation des comportements des animaux sur la base de
critères "d'optimalité" (Cook et Hubbard, 1977 ; Van Alphen et Galis, 1983 ; Janssen,
1989 ; Visser et al., 1992). Dans tous ces domaines, les parasitoïdes de drosophiles
constituent un modèle d'étude privilégié utilisé par de nombreux chercheurs.
1- Biologie des hyménoptères parasitoïdes des drosophiles
Les hyménoptères parasitoïdes de drosophiles sont tous des parasites protéliens
solitaires : seuls les stades préimaginaux ont un mode de vie parasitaire (adultes libres) et
l'hôte ne peut être à l'origine que d'un seul individu. La plupart des drosophiles sont
attaquées par ces insectes dont la spécificité est variable selon les espèces. Les
parasitoïdes adultes ne montrent pas d'importantes modifications morphologiques liées à
leur mode de vie parasitaire durant les stades préimaginaux. Leur taille, liée à celle de leur
hôte, varie entre 2 et 4 mm. Les parasitoïdes de drosophiles se divisent en deux groupes
distincts : les parasitoïdes de larves, appartenant à plusieurs familles (principalement
Braconidae et Cynipidae), et les parasitoïdes de pupes, classés dans deux familles
différentes (Diapriidae et Pteromalidae). Selon Chabora (comm. pers.), de très
nombreuses espèces resteraient encore à décrire.
La plupart des études ont été réalisées sur les parasitoïdes de larves. Ce sont tous des
endoparasitoïdes, dont le cycle de développement, semblable entre espèce, est représenté
figure 1. Après la découverte et l'acceptation de leurs hôtes, les femelles, grâce à leur
ovipositeur, pondent un œuf dans la cavité générale de la larve de drosophile (deuxième
stade larvaire). L'œuf du parasite éclot après 24 à 48 heures, lorsque les drosophiles
16
Parasitoïdes de drosophiles et protocoles
atteignent le troisième stade larvaire. Les premiers stades du parasite se développent en
consommant l'hémolymphe des larves qui poursuivent normalement leur développement.
Au moment de la métamorphose de leur hôte (stade pupe), le parasite tue la nymphe des
drosophiles en la consommant entièrement avant de se transformer lui même en nymphe
puis émerger. La durée de développement des parasitoïdes larvaires, variable selon les
espèces et la température d'élevage, est à peu près deux fois plus élevée que celle des
drosophiles (de l'ordre de 27 jours à 22 °C, figure 1).
Les larves de drosophiles ont la possibilité de se défendre contre les attaques de leurs
parasitoïdes en développant une réaction immunitaire (Carton et al., 1986 ; Rizki et al.,
1990). Certaines cellules de l'hémolymphe sont en effet capables de reconnaître les corps
étrangers autour desquels elles s'agglutinent de façon à former une capsule mélanique qui
tue les œufs des parasitoïdes (mort par asphyxie ou d'inanition). Cette capsule persiste
chez les drosophiles adultes ce qui permet d'identifier les mouches qui ont subi l'attaque
d'un parasite. L'existence et l'intensité de la réaction immunitaire dépend du couple hôteparasitoïde considéré (Rizki et al., 1990).
Les larves de drosophiles peuvent subir plusieurs attaques successives de la même
espèce de parasitoïde (superparasitisme) ou d'espèces différentes (multiparasitisme),
phénomène observé dans la nature par Van Strien-Van Liempt (1983) et Carton et al.
(1987). L'hôtes ne pouvant être à l'origine que d'un seul parasitoïde adulte, les
parasitoïdes surnuméraires sont éliminés par attaque physique, par suppression
physiologique ou par blessures accidentelles (Fischer, 1961). L'issue de la compétition
pour la possession de l'hôte est déterminée par la séquence des attaques ainsi que par la
vitesse d'acquisition des ressources alimentaires. De nombreuses espèces de parasitoïdes
sont cependant capables de reconnaître une larve saine d'une larve parasitée (Van
Lenteren, 1976 ; Bakker et al., 1990). Ce mécanisme de discrimination, qui réduit le
risque d'infester un hôte déjà parasité, ne semble cependant exister qu'au niveau
intraspécifique, la discrimination interspécifique n'étant généralement pas observée (Van
Strien-Van Liempt et Van Alphen, 1981 ; Turlings et al., 1985).
17
Chapitre 1
Enfin, il faut signaler que les parasitoïdes de drosophiles, comme beaucoup
d'espèces d'hyménoptères, ont un mode de reproduction parthénogénétique. La plupart
des espèces montrent une parthénogenèse arrhénotoque : les femelles, diploïdes,
produisent, lorsqu'elles ne sont pas fécondées, une descendance exclusivement
composée de mâles, haploïdes. D'autres types de parthénogenèse (deutérotoque ou
thélytoque) ont été observés chez certaines espèces.
Mises à part les connaissances biologiques de base rapidement résumées ci-dessus
(voir Carton et al., 1986 pour une synthèse complète), les recherches effectuées sur les
parasitoïdes de drosophiles ont concerné quatre axes principaux:
- l'étude du comportement de recherche et d'acceptation des hôtes dominée
par les travaux de L. Vet sur les stimuli chimiques et physiques impliqués dans la
découverte des hôtes (voir Van Alphen et Vet, 1986 pour une revue) et par l'étude du
superparasitisme (Bakker et al., 1972 ; Van Lenteren, 1976 ; Van Alphen et al., 1987).
- des études théoriques sur le comportement des femelles lors de
l'exploitation d'un "ilot" ou "patch" d'hôtes réalisées avec un double objectif : la
recherche des mécanismes comportementaux jouant un rôle dans la dynamique des
systèmes hôte-parasitoïde telles que les réponses densité-dépendantes (Van Lenteren et
Bakker, 1978 ; Galis et Van Alphen, 1981 ; Van Alphen et Galis, 1983) ou le test
d'hypothèses d'optimalité (théorie de "l'optimal foraging"), hypothèses selon lesquelles
les organismes se comportent de façon à augmenter leur fitness (Janssen, 1989 ; Haccou
et al., 1991 ; Visser et al., 1992).
- l'étude génétique des interactions hôte-parasitoïde (Boulétreau et al.,
1986 ; Boulétreau et Wajnberg, 1986 ; Carton et al., 1989 ; Mollema, 1991). Ces
parasitoïdes constituent en effet un modèle unique pour l'étude des interactions
génétiques entre hôtes et parasitoïdes du fait des connaissances accumulées dans ce
domaine sur les drosophiles. Un certain nombre de travaux ont suggéré l'existence de
mécanismes coévolutifs dans les interactions entre les deux partenaires de l'association
(Carton, 1984 ; Boulétreau, 1986).
- l'aspect immunitaire qui a fait l'objet de plusieurs études sur différentes
espèces de parasitoïdes des larves (Nappi, 1975 ; Rizki et Rizki, 1984 ; Rizki et al.,
1990 ; Carton et al., 1991b).
Un cinquième axe de recherche relatif à l'écologie des parasitoïdes de drosophiles
semble actuellement se développer. Seuls quelques travaux ont déjà été publiés dans ce
domaine (Janssen et al., 1988 ; Driessen et Hemerick, 1991 ; Carton et al., 1991a ;
Boulétreau et al., 1991a).
18
Parasitoïdes de drosophiles et protocoles
2- Espèces et souches utilisées
Quatre espèces de parasitoïdes de drosophiles ont été étudiées : trois parasitoïdes de
larves et un parasitoïde de pupes.
2-1 Asobara tabida Nees (Braconidae)
Cette espèce a été piégée à Ste Foy-lès-Lyon (banlieue sud-ouest de Lyon) en 1989 et
1990 mais seule la souche fondée en 1989 a été étudiée. A. tabida se développe sur
D. subobscura et D. melanogaster. Seule D. melanogaster montre vis-à-vis de cette
espèce de parasitoïde une réaction immunitaire. A. tabida est présente dans de nombreux
pays européens (Italie, France, Suisse, Pays-Bas) avec semble-t-il une dominante
septentrionale. Elle est en effet incapable de se développer à des températures moyennes
élevées (25°C par exemple, obs. pers.). Cette espèce infeste préférentiellement les larves
de second stade qu'elle détecte par vibrotaxie (Vet et Van Alphen, 1985). En présence
d'hôtes, les femelles de A. tabida restent immobiles plusieurs secondes pendant
lesquelles elles captent les vibrations du substrat provoquées par les larves en
mouvement. Grâce à ces informations, la femelle se positionne vers la source
d'émissions et recherche la larve avec son ovipositeur.
2-2 Leptopilina heterotoma Thomson (Cynipidae)
L. heterotoma est une espèce généraliste capable d'infester de nombreuses espèces
de drosophiles (principalement D. subobscura, D. melanogaster, D. simulans,
D. funebris, D. immigrans). Elle montre une répartition géographique étendue
puisqu'elle se rencontre aussi bien en Suède qu'en Tunisie. L. heterotoma infeste
préférentiellement les larves de second stade et contourne les défenses immunitaires de
ses hôtes (Rizki et Rizki, 1990 ; Rizki et al., 1990). La stratégie de détection des larves
est très différente de celle de A. tabida. Les femelles de L. heterotoma recherchent leurs
hôtes de façon beaucoup plus aléatoire en sondant le substrat avec leur ovipositeur tout en
se déplaçant (Vet et Van Alphen, 1985). Cinq populations ont été étudiées parmi
lesquelles quatre ont récemment été piégées dans la nature :
- Ste Foy-lès-Lyon piégée pendant quatre années consécutives, de 1989 à
1992 par R. Allemand.
- Fontaines St Martin (banlieue nord-est de Lyon) piégée en 1991 par P.
Fouillet.
- Antibes piégée en 1991 par E. Wajnberg.
- une souche originaire des Pays-Bas piégée en 1989 et fournie par J.J.M.
Van Alphen.
- une souche de Tunisie, piégée à Nasrallah en 1982 par Y. Carton, et
conservée au laboratoire depuis cette époque.
19
Chapitre 1
2-3 Leptopilina boulardi
(Eucoilidae)
Barbotin,
Carton
et
Kelner-Pillault
L. boulardi est une espèce beaucoup moins généraliste que L. heterotoma (Carton
et al., 1986) et semble inféodée à D. melanogaster et D. simulans. Cette espèce est
présente dans des pays à climat méditerranéen ou subtropical (Floride, Tunisie, Sud de la
France). En France, cette espèce n'a jamais été observée au nord de Montélimar
(Boulétreau comm. pers.). Comme les deux espèces précédentes, L. boulardi infeste les
premiers stades de développement de ses hôtes et peut être l'objet de réactions
immunitaires qui restent limitées pour les souches étudiées (taux d'encapsulation inférieur
à 5%). Le comportement de recherche des hôtes est très proche de celui de L. heterotoma
sans être totalement identique (Vet et Bakker, 1985). En effet, L. boulardi semble
également utiliser le mouvement des larves de drosophiles pour les localiser. Deux
souches ont été étudiées : l'une récente, piégée à Antibes en 1991, et une seconde plus
ancienne, piégée à Nasrallah (Tunisie) en 1982.
2-4 Pachycrepoideus vindemmiae Rondani (Pteromalidae)
Cette espèce est un parasitoïde de pupes qui peut éventuellement parasiter des hôtes
déjà infestés par un parasitoïde larvaire (hyperparasite facultatif). L'œuf est déposé entre
la pupe et le puparium et la larve se développe plutôt en ectoparasite. P. vindemmiae est
un parasitoïde de très nombreuses espèces de drosophiles (Carton et al., 1986). Sa
répartition géographique reste encore mal connue ; les quelques éléments disponibles à ce
sujet semblent néanmoins indiquer que la distribution de cette espèce est assez vaste
puisqu'on la trouve dans de nombreux pays du globe (Etats-Unis, Mexique, France,
Grande Bretagne, Italie, Afrique du Sud). La souche étudiée a été piégée en 1990 à Ste
Foy-lès-Lyon.
3- Elevage des souches
Les élevages ont été réalisés de façon à obtenir des émergences tous les 2 à 3 jours.
Pour cela, des générations chevauchantes ont été mises en place pour les hôtes comme
pour les parasitoïdes en réalisant 3 repiquages par semaine. Drosophiles et parasitoïdes
ont été élevés dans la même pièce à une température de 22 ± 1°C et sous photopériode LD
12:12 (lumière de 8 à 20 heures).
3-1 Elevage des hôtes
Deux souches de D. melanogaster (française et tunisienne) ont été conservées en
masse. A chaque génération, une cinquantaine de couples sont mis à pondre dans un tube
en plastique (2,5 cm de diamètre et 10 cm de haut) contenant environ 20 ml de milieu de
culture composé principalement de farine de maïs, de levure et d'agar (David, 1959). Les
adultes sont retirés des tubes après 2 à 3 jours, délai qui correspond à une ponte en
accord avec la quantité de nourriture (pas de risque de "surpopulation"). A 22°C, la durée
20
Parasitoïdes de drosophiles et protocoles
de développement préimaginal est de l'ordre d'une douzaine de jours. A chaque
génération, 6 tubes de développement sont mis en route ce qui permet de produire chaque
semaine un nombre d'adultes suffisant pour entretenir l'élevage des parasitoïdes et pour
fonder la génération suivante de drosophiles.
3-2 Elevage des parasitoïdes
Les parasitoïdes ont été élevés en masse sur D. melanogaster dans les mêmes tubes
que ceux décrits précédemment. Des drosophiles sont mises à pondre dans de petites
cages en plastique (20 à 30 couples par cage) sur un pondoir amovible de 3 cm de
diamètre. Les œufs sont récoltés trois fois par semaine et les parents changés tous les 8
jours. Sans que les œufs soient précisément dénombrés, il est facile, à partir de ces
pondoirs, de récolter environ 200 œufs qui sont ensuite déposés dans un tube de milieu.
Dans chaque tube sont introduits 15 à 20 couples de parasitoïdes. Ce protocole d'élevage
permet de controler la densité des individus dans chaque tube de développement.
Après 10 à 12 jours, les drosophiles adultes issues des larves non parasitées sont
éliminées afin d'éviter le développement d'une deuxième génération de drosophiles qui
enfouiraient les pupes parasitées.
Pour chaque souche et chaque espèce de parasitoïde, 6 tubes de développement sont
mis en route à chaque génération. Un mélange entre tubes est effectué à chaque
génération ce qui permet de conserver le maximum de variabilité génétique en limitant les
risques de dérive.
4- Mesure du rythme d'activité
conditions d'expérimentation
locomotrice :
principe
et
4-1 Principe de mesure
Le principe de mesure du rythme d'activité locomotrice des parasitoïdes est
relativement simple puisqu'il consiste à déterminer à des intervalles de temps réguliers si
les parasitoïdes adultes, en absence totale d'hôtes, se déplacent ou sont immobiles.
L'activité de chaque individu est mesurée plusieurs fois par heure pendant plusieurs jours
consécutifs par une variable de type binaire : 1 si le parasitoïde s'est déplacé, 0 s'il est
resté à la même place pendant la durée de l'observation. Ces mesures ont été entièrement
automatisées par la mise au point d'un système d'enregistrement fondé sur l'analyse
d'images vidéo, dont le fonctionnement est décrit en détail dans le chapitre suivant.
Toutes les expériences ont été effectuées en mesurant en continu (jour et nuit) l'activité
locomotrice des insectes parasitoïdes 12 fois par heure pendant au moins 3 jours
successifs.
4-2 Enceintes d'expérimentation
Les enceintes d'expérimentation ont été construites en fonction des contraintes
imposées par le système de mesure. Elles sont formées par la superposition de trois
plaques (220 x 130 mm) de 2 mm d'épaisseur. La plaque du milieu, en polycarbonate
21
Chapitre 1
noir, est percée de 15 trous de 30 mm de diamètre qui définissent le volume des enceintes
fermées par le bas et par le haut par deux plaques en verre (figure 2). Ce système forme
15 cellules solidaires où sont placés les insectes parasitoïdes pendant toute la durée de
l'expérience. Un espace naturel entre les plaques est suffisamment important pour
permettre la respiration des individus. Aucun problème de viabilité n'a été observé avec
ce système.
Un jeu de quatre groupes d'enceintes a été construit de façon à pouvoir étudier
simultanément 60 individus.
2 mm
Plaque en verre
Plaque en
polycarbonate noir
2 mm
2 mm
Plaque en verre
Figure 2 : Enceintes d'expérimentation utilisées pour mesurer les rythmes d'activité locomotrice
des insectes parasitoïdes. Superposées les unes sur les autres, ces trois plaques forment un groupe
de 15 cellules solidaires de 3 centimètres de diamètre.
4-3 Conditions physiologiques des insectes parasitoïdes pendant les
mesures
Les rythmes d'activité ont été mesurés sur des individus qui n'ont jamais été en
contact avec des hôtes, ni avant, ni pendant les expériences (mesure de l'activité
locomotrice spontanée). Les insectes parasitoïdes ont été étudiés après accouplement en
présence de nourriture (miel) excepté lors des expériences ayant pour but l'étude de ce
facteur.
Toutes les expérimentations ont été réalisées en suivant rigoureusement le même
protocole. Lors de la mise en route de l'expérience, des femelles âgées de quelques
heures sont prélevées dans plusieurs tubes de développement puis placées avec des mâles
dans un tube en verre où une quantité non limitante de miel est disponible. L'âge des
femelles est contrôlé en utilisant des tubes de développement appartenant à un même lot
(repiquage effectué à la même date) et en éliminant, la veille au soir, tous les individus
déjà éclos. Après 2 à 3 heures de contacts entre mâles et femelles, les individus sont
isolés dans les enceintes d'expérimentation contenant une goutte de miel et une goutte
d'eau. Les mesures de l'activité des femelles débutent le jour même de l'émergence.
Afin de maintenir une humidité stable pendant toute la durée de l'expérience, les
unités qui forment les enceintes sont placées par groupes de deux dans un espace confiné
22
Parasitoïdes de drosophiles et protocoles
(L = 36 cm, l = 24 cm, h = 2,5 cm) où 10 godets d'eau (7 ml) maintiennent une
humidité proche de la saturation.
Les mâles ont toujours été étudiés en même temps que des femelles. Du fait de leur
durée de développement plus courte (Carton et al., 1986), les mâles utilisés pour les
expériences étaient âgés de 24 heures.
4-4 Conditions de lumière et de température
Les mesures sont réalisées dans une pièce climatisée à 22 ± 0,5°C totalement isolée
de la lumière du jour (chambre noire). La photopériode est simulée par quatre tubes
fluorescents de 18 Watts (OSRAM type lumière du jour, 60 cm) placés à 50 cm des
enceintes d'expérimentation. Sous ces conditions, les insectes parasitoïdes reçoivent
pendant la phase lumineuse un éclairement de 1400 lux et sont dans l'obscurité totale le
reste du temps. Sauf cas contraires, les expériences ont été réalisées sous une
photopériode LD 12:12 avec de brusques changements lumineux lors des transitions de
phase. L'éclairage et l'extinction des tubes (à 8 et 20 heures) sont commandés par une
horloge électronique (Multicomat P400).
5- Présentation et analyse statistique des résultats
A partir du fichier brut de données composé exclusivement de 0 et de 1 (tableau
relevés-individus), l'activité horaire de chaque individu a été calculée par le pourcentage
de phases actives observées sur les 12 relevés effectués. A partir de ces taux horaires
d'activité, deux catégories de courbes ont permis de représenter les rythmes d'activité
locomotrice des insectes parasitoïdes.
5-1 Courbe brute d'activité
C'est l'expression la plus proche des données brutes qui représente l'activité horaire
des individus sur toute la durée de l'expérience (figure 3). Il est possible de déterminer
sur ces courbes les phases d'activité et d'inactivité de chaque individu et ainsi de mettre
en évidence une rythmicité des comportements individuels.
5-2 Courbe moyenne d'activité (jour moyen)
A partir des courbes brutes d'activité, la moyenne du rythme, qui représente l'activité
des parasitoïdes sur 24 heures (jour moyen), a été calculée pour chaque individu
(figure 3). Cette représentation n'a de sens que si les organismes montrent une activité
semblable d'un jour sur l'autre (nette rythmicité) ce qui est le cas pour toute les espèces
de parasitoïdes étudiées.
23
Chapitre 1
Courbes brutes d'activité
Courbes moyennes d'activité
100
Activité (%)
100
80
80
60
60
40
40
20
20
0
20
20
8
20
8
20
0
100
80
80
60
60
40
40
20
20
Activité (%)
38,7 %
0
8
100
0
20
Taux
d'activité
8
20
8
20
Heures
8
0
20
4
8 12 16 20 24
33,6 %
0
4
8 12 16 20 24
Heures
Figure 3 : Courbes brutes, courbes moyennes (jour moyen) et taux d'activité des rythmes de deux
femelles de Asobara tabida. Pour chaque heure est donné le pourcentage de phase d'activité sur les
12 relevés effectués. La photopériode (LD 12:12) est représentée par l'alternance des bandes noires
(nuit) et blanches (jour) au dessus des courbes.
Cette courbe moyenne d'activité a toujours été établie avec les 3 jours qui suivent le
premier jour de mesures afin d'éliminer la réaction des parasitoïdes à l'enceinte
d'expérimentation ainsi que les éventuels effets de la manipulation des insectes. Ce jour
moyen est calculé en effectuant pour chaque heure la moyenne arithmétique des 3 jours
pris en compte. La représentation graphique de ces valeurs permet d'obtenir une courbe
d'activité sur 24 heures (figure 3) sur laquelle deux informations différentes sont à
distinguer :
- le profil d'activité qui correspond à la forme de la courbe en relation avec
les heures de la journée.
- la quantité d'activité ou taux d'activité qui correspond à la fois à la durée
et à l'intensité des déplacements. Pour un même profil d'activité, les individus peuvent
être peu, moyennement ou très actifs.
L'analyse des rythmes d'activité des insectes parasitoïdes a été effectuée à partir de
ces courbes moyennes d'activité. Les comparaisons entre espèces, entre populations ou
entre traitements différents ont porté sur le profil et la quantité d'activité analysés
séparément par des techniques statistiques différentes.
24
Parasitoïdes de drosophiles et protocoles
5-3 Profils d'activité
L'analyse des profils d'activité a été réalisée par Analyse Factorielle des
Correspondances (Benzécri, 1973) sur les courbes moyennes d'activité. Cette méthode
est particulièrement bien adaptée à l'analyse des rythmes d'activité (Allemand et al.,
1984) qui sont à la fois décrits et comparés objectivement par la même analyse tout en
prenant en compte la globalité des courbes. L'AFC permet en effet de quantifier chaque
courbe individuelle (jour moyen) par une ou plusieurs variables qui peuvent ensuite être
traitées par des méthodes statistiques classiques. Cette analyse a été utilisée chaque fois
que le rythme d'activité de deux ou plusieurs groupes d'individus devaient être comparés.
L'AFC est réalisée sur un fichier heures-individus qui contient l'activité des 24
heures du jour moyen. Les heures pour lesquelles aucune activité n'a été observée ont été
éliminées de l'analyse ainsi que les individus totalement inactifs ou montrant une activité
trop faible ce qui a été le cas pour certaines espèces. Un profil d'activité ne peut, en effet,
être défini que pour les individus ayant été suffisamment actifs. Le seuil utilisé pour
l'élimination est très peu restrictif puisqu'il suffit qu'un individu ait une activité minimale
(1 relevé actif sur 12) réalisée pour les trois jours de mesure à la même heure pour qu'il
soit conservé dans l'analyse. La courbe moyenne d'activité montre alors un pic d'activité
de 8,3% pour une seule heure de la journée.
Les résultats issus de l'AFC sont présentés sous la forme d'une carte factorielle
définie par les deux premiers facteurs de l'analyse qui représentent près de 50% de la
variabilité totale (environ 30% d'inertie pour le premier facteur, 20 % pour le second).
Pour chaque analyse, les autres facteurs ont également été étudiés mais ils n'ont jamais
apporté de nouvelles informations. Sur la carte factorielle sont portées pour chaque
groupe d'individus l'ellipse correspondant à l'intervalle de confiance de la distribution
des moyennes au niveau 95%. Des ellipses éloignées représentent des groupes
d'individus dont les profils sont en moyenne différents, des ellipses superposées des
groupes d'individus à profils semblables.
A partir des coordonnées factorielles des individus, la signification des différences a,
selon les cas, été testée soit par test t, soit par analyse de variance sur les deux premiers
axes de l'analyse (analyse de variance classique ou multivariée). Sur chaque carte sont
également représentées les heures permettant ainsi de comparer les profils d'activité.
5-4 Quantité ou taux d'activité
Ce paramètre mesure l'intensité des déplacements par le pourcentage de relevés pour
lesquels une activité a été détectée pour les 3 jours de mesure (864 relevés). Il permet de
différencier les individus en fonction de l'importance des déplacements effectués
(figure 3). Tous les individus étudiés, qu'ils soient actifs ou inactifs, sont pris en compte
dans l'analyse. Les tests statistiques (test t ou analyse de variance) ont dans tous les cas
été réalisés après transformation angulaire des données.
25
Chapitre 1
5-5 Période endogène du rythme d'activité
De nombreuses méthodes permettent de rechercher une périodicité dans les séries
temporelles (Broom, 1979 ; Legendre et Legendre, 1979 ; Enright, 1981). Sous
conditions photopériodiques LD 12:12, les insectes parasitoïdes montrent un rythme
d'activité locomotrice évident qui, entraîné par l'alternance jour-nuit, s'exprime avec une
période de 24 heures (chapitre 3). La recherche d'une périodicité dans l'activité des
parasitoïdes s'est révélée indispensable uniquement lors des expériences de libre cours
(absence de facteurs d'entraînement) ayant pour objectif la mise en évidence de la nature
endogène des rythmes. L'existence d'une activité périodique à l'obscurité ou à la lumière
permanente a été recherchée par la méthode de Sokolove et Bushell (1978) qui permet à la
fois de mesurer la période du rythme et de tester sa signification. Cette méthode utilise la
distance du Chi Deux et permet de mesurer des périodes significatives sur des séries
temporelles de durée assez courte.
6- Mesure des paramètres de l'efficacité parasitaire.
L'étude des rythmes d'activité a été complétée dans un certain nombre de cas par la
mesure de la capacité d'infestation des parasitoïdes en vue de déterminer le nombre de
larves hôtes qu'une femelle est capable de parasiter quotidiennement. Les protocoles
expérimentaux et les paramètres quantitatifs utilisés sont inspirés de ceux définis par
Boulétreau et Fouillet (1982).
6-1 Protocole de mesure
La capacité d'infestation des femelles n'a pas été mesurée par dissection des larves,
méthode incompatible avec l'étude d'un grand nombre d'individus. Cette mesure a été
réalisée de façon indirecte en dénombrant le nombre de drosophiles et de parasitoïdes qui
émergent d'un tube de développement où a été placé un nombre connu de larves soumises
aux attaques d'une femelle parasitoïde (Boulétreau et Fouillet, 1982).
Les mesures sont réalisées individuellement à 22°C sous photopériode LD 12:12.
Chaque femelle étudiée est placée avec un mâle dans une boîte de Pétri (55 mm de
diamètre) en présence d'une capsule de milieu contenant une centaine de larves de
drosophiles de deuxième stade. Leur nombre est controlé la veille de l'expérience en
plaçant exactement 100 œufs de drosophiles sur chaque capsule. Les hôtes sont laissés à
la disposition des femelles pendant 24 heures puis sont ensuite placés dans un tube de
milieu du même type que ceux utilisés pour les élevages. Si les femelles sont étudiées
plusieurs jours consécutifs, une nouvelle capsule contenant des larves saines remplace
celle qui a été enlevée. Dans tous les cas, les femelles ont à leur disposition de la
nourriture (miel).
Les drosophiles et les parasitoïdes adultes qui émergent de chaque tube de
développement sont dénombrés quotidiennement. A partir de ces valeurs peuvent être
calculés deux paramètres différents: le degré d'infestation et le succès parasitaire. Le
nombre de répétitions pour chaque modalité expérimentale varie en fonction des
26
Parasitoïdes de drosophiles et protocoles
expériences et sera précisé au moment de la présentation des résultats. Dans tous les cas,
au moins 10 femelles par modalité ont été étudiées.
6-2 Le degré d'infestation
Cet indice mesure la proportion de larves parasitées par rapport au nombre d'hôtes
disponibles quelle que soit l'issue du parasitisme (mort ou non du parasite). La différence
entre le nombre initial d'œufs et le nombre de drosophiles adultes de chaque tube de
développement surestimerait les infestations puisque n'est pas prise en compte la
mortalité naturelle des drosophiles qui peut se produire aux différents stades de
développement (œuf, larve, nymphe). Afin de limiter cette source d'erreur, le degré
d'infestation a été calculé en prenant pour base le nombre moyen de drosophiles qui
émergent de 10 tubes témoins (capsules non soumises au parasitisme) par la relation
suivante :
DIi = (T - Di) / T
DIi = degré d'infestation de la femelle i
T = nombre moyen de drosophiles qui émergent des lots témoins
Di = nombre de drosophiles qui émergent du tube i
Le taux d'émergence des drosophiles des lots témoins est toujours supérieur à 90%
mais varie entre expériences. Un groupe de femelles témoins a donc été mesuré à chaque
étude réalisée.
6-3 Le succès parasitaire
Ce paramètre mesure la proportion de larves parasitées qui ont été à l'origine d'un
parasitoïde adulte. Il est calculé à partir du nombre de parasitoïdes adultes récolté de
chaque tube et du nombre de larves parasitées par chaque femelle estimé par les degrés
d'infestation. Ce paramètre mesure l'adéquation entre le parasite et son hôte et permet de
déterminer si l'espèce de drosophile est un "bon" hôte pour le parasitoïde. Le succès
parasitaire est également calculé sous la forme d'une proportion de la façon suivante :
SP i = P i / (T - Di)
SP i = succès parasitaire de la femelle i
Pi = nombre de parasitoïdes qui émergent du tube i
T = nombre moyen de drosophiles qui émergent des lots témoins
Di = nombre de drosophiles qui émergent du tube i
Calculés de cette façon, le degré d'infestation et le succès parasitaire peuvent être
mesurés sur la même femelle ce qui est impossible lorsque le nombre de larves parasitées
est déterminé par dissection. De plus, cette méthode a l'avantage de mesurer le succès
parasitaire sans avoir à suivre visuellement les femelles parasitoïdes pour connaître le
27
Chapitre 1
nombre de larves infestées ce qui permet l'étude simultanée d'un grand nombre
d'individus. L'imprécision des mesures, due à l'estimation du nombre de larves
réellement parasitées, est compensée par la multiplication des individus testés. De ce fait,
l'interprétation des résultats doit tenir compte tenu des deux remarques suivantes:
- il est possible d'obtenir un degré d'infestation non nul alors que la
femelle n'a parasité aucune larve. Certains tubes vont en effet montrer un nombre de
drosophiles légèrement inférieur à la valeur moyenne des tubes témoins. Ce phénomène
n'a aucune incidence sur le calcul des degrés d'infestation (une valeur de 0,02 par
exemple n'est pas très différente de 0 comparée à 0,8 ou 0,9). Ce n'est pas le cas pour le
succès parasitaire qui va prendre une valeur nulle alors qu'aucune infestation n'a été
réalisée. De façon à éliminer cette source d'erreur, seuls les tubes montrant un degré
d'infestation supérieur à 10% ont été conservés pour calculer le succès parasitaire.
- l'estimation du succès parasitaire sera d'autant plus précise que le degré
d'infestation sera élevé (calculs réalisés sur un plus grand nombre de larves parasitées).
Ainsi, pour les faibles degrés d'infestation, une certaine réserve est à formuler pour le
succès parasitaire.
28
Chapitre 2
Système de mesure automatique des rythmes
d'activité des insectes par analyse d'images vidéo
L'étude des rythmes biologiques nécessite un suivi temporel quasi permanent des
organismes difficilement envisageable sans l'utilisation d'un appareil de mesure
automatisé. L'emploi d'un tel système devient incontournable lorsque l'objectif des
études est la comparaison d'espèces ou de populations différentes (mesures précises
réalisées simultanément sur un grand nombre d'individus). Le nombre de systèmes
utilisés pour mesurer les rythmes biologiques est presque aussi grand que le nombre de
caractères étudiés. Chez les insectes, l'étude des rythmes d'activité a été réalisée grâce à
différentes techniques parmi lesquelles on peut reconnaître trois types de méthodes de
mesures automatiques :
- Les actographes mécaniques. Ils mesurent, pour la plupart, les rythmes
d'activité locomotrice. Celle-ci est détectée grâce à un système de capteurs
(électromagnétiques ou autres) qui mesure les déplacements d'un support mis en
mouvement lorsque l'insecte est actif. Le support peut être du type balancier (Brady et
Gibson, 1983) ou du type sphère ou "running wheel" (Lipton et Sutherland, 1970). Ce
système ne s'applique qu'à des animaux dont la taille est suffisante pour mettre en
mouvement le support.
- Les actographes acoustiques. Ils enregistrent en continu l'activité sonore
des insectes qui peut être soit "volontaire" comme le chant sexuel (Sokolove, 1975), soit
la conséquence de l'activité locomotrice : vol (Jones, 1964 ; Hsiao, 1978) ou sauts
(Greenwood et al., 1991).
- Les actographes "optiques" ou "infra-rouge". Ils détectent l'activité des
individus lorsque ceux-ci interrompent un faisceau infra-rouge. Ce système a l'avantage
de pouvoir être utilisé pour mesurer l'activité locomotrice d'espèces très différentes avec
la même précision. Chez les insectes, il a été utilisé pour mesurer l'activité des blattes
(Page, 1990), des coccinelles (Nakamuta, 1987) ou des drosophiles (Allemand et al.,
1989). Cependant, cette méthode ne permet pas de mesurer autre chose que les
déplacements des animaux.
Cette liste n'est pas exhaustive et de nombreux autres systèmes, plus anecdotiques,
ont également permis de mesurer les rythmes d'activité des insectes (utilisation de la
radioactivité, systèmes électrostatiques, etc). Il faut citer parmi les systèmes non
automatiques l'observation visuelle souvent utilisée lorsque l'étude des rythmes d'activité
n'est pas le premier centre d'intérêt des recherches. L'absence d'automatisation
s'explique parfois par la complexité des caractères étudiés dont la mesure ne peut être
29
Chapitre 2
réalisée autrement que directement par l'expérimentateur. Enfin, la méthode du piégeage,
malgré ses nombreux inconvénients, reste souvent la seule possible pour des études en
conditions naturelles (Southwood, 1978 ; Brady et Crump, 1978 ; Van Etten, 1982).
Cette technique permet de mesurer uniquement des rythmes d'activité à l'échelle
spécifique ou populationnelle.
L'objectif à long terme des recherches imposait l'utilisation d'un système permettant
d'étudier non seulement les rythmes d'activité des parasitoïdes mais également ceux de
leurs hôtes. De plus, il devait être possible de mesurer différentes espèces dont certaines
sont de très petite taille comme par exemple les Trichogrammes (inférieurs à 0,5 mm)
hyménoptères parasitoïdes également étudiés au laboratoire. Parmi les systèmes existants,
aucun n'était réellement capable de remplir entièrement toutes ces conditions ce qui nous a
conduits à développer un système de mesure automatique adapté aux insectes
parasitoïdes. La conception puis la réalisation de ce système, fruit de la réflexion de toute
une équipe, a pris pour base l'appareillage vidéo (caméra, moniteur, magnétoscope,
ordinateur muni d'une carte vidéo) présent au laboratoire pour étudier le comportement
des insectes parasitoïdes (Chassain, 1988 ; Mimouni, 1990).
La mesure automatisée des rythmes d'activité a été possible grâce à l'emploi de
procédés d'analyse d'images vidéo qui permettent la détection en temps réel des
mouvements des insectes. La mise au point de ce système a consistée à développer un
logiciel capable non seulement de mesurer les rythmes d'activité des parasitoïdes mais
également de piloter les déplacements de la caméra afin d'étudier simultanément un grand
nombre d'individus.
1- L'enregistrement
techniques.
vidéo : appareillage et mises au point
La réalisation d'enregistrements de qualité était la condition préalable à l'utilisation de
l'analyse d'images comme système de mesure de l'activité. Ces mises au point ont
essentiellement consisté à trouver les meilleures conditions d'enregistrement possibles
(compte tenu de certains impératifs biologiques) afin de donner le moyen à l'ordinateur de
reconnaître un insecte sur une image vidéo et de rendre inutile la présence de
l'expérimentateur. Pour cela, nous avons cherché à obtenir l'image d'un insecte qui se
différencie nettement du fond de l'enceinte. La fabrication d'enceintes en verre
(chapitre 1) a été la première étape dans l'obtention d'un contraste suffisant entre
l'insecte et son substrat. Les étapes suivantes ont consisté à régler des problèmes de
luminosité.
L'utilisation d'une caméra sensible aux infra-rouges (caméra CCD Canon Ci 20 PR)
a permis de filmer les insectes parasitoïdes de jour comme de nuit. Les enregistrements
nocturnes ont été réalisés en utilisant des radiations non visibles par les insectes grâce à la
construction d'une source infra-rouge n'émettant que des rayonnements de longueurs
d'onde supérieures à 720 nm (figure 4). Cependant, la forte différence de luminosité
entre la photophase (1400 lux environ) et la scotophase ne permettait pas de filmer les
individus, en continu, avec la même ouverture d'objectif (saturation lumineuse lors du
passage nuit-jour).
30
Système de mesure automatique
P
F
P
T
V
P
T
V
A
Figure 4 : Schéma de la source infra-rouge. A = ampoules 5 W montées en parallèle ; F = filtre infrarouge ; P = plaque en verre ; T = trou d'aération avec chicanes ; V = ventilateur.
Cet obstacle à l'automatisation complète du système a été contourné en réalisant tous les
enregistrements (diurnes et nocturnes) dans les mêmes conditions : seuls les
rayonnements infra-rouges sont utilisés par la caméra, la lumière des néons n'étant pas
prise en compte. Ceci a été possible grâce à deux artifices :
- La mise en place, sur l'objectif de la caméra, d'un filtre du même type
que celui utilisé pour la construction de la source infra-rouge (filtre Kodak 88a). Les
radiations lumineuses de longueur d'onde inférieure à 720 nm ne sont donc pas utilisées
pour les enregistrements diurnes.
31
Chapitre 2
- L'utilisation d'une source infra-rouge suffisamment puissante de façon à
rendre négligeable le peu d'infra-rouges émis par les néons et non arrêtés par le filtre de la
caméra. Pour cela, les enregistrements ont été réalisés par la méthode des "ombres
chinoises" (champ infra-rouge uniforme placé sous les enceintes d'expérimentation,
figure 5). Les rayonnements sont ainsi directement transmis à la caméra ce qui limite les
déperditions d'énergie et améliore la qualité de l'image. Le contraste est alors maximal
entre l'insecte, sombre, et le fond de l'enceinte, très lumineux.
La construction d'un tapis lumineux constitué de 40 ampoules à incandescence (5 W,
255 Volts) riches en infra-rouges et montées en parallèle a permis d'obtenir un champ
infra-rouge à la fois homogène et puissant (figure 4). Cette source lumineuse a été placée
dans un caisson opaque à la lumière excepté le couvercle, constitué d'un filtre de gélatine
Kodak (le même que celui utilisé pour l'objectif de la caméra) qui arrête 99% des
radiations inférieures à 720 nm. Les problèmes de chaleur, dus à l'utilisation d'ampoules
à incandescence et non compatibles avec la composition du filtre, ont été résolus par la
construction d'une double ventilation (figure 4). Les fuites de lumière via les bouches
d'aération ont été évitées par la mise en place d'un système de chicanes.
Ces conditions d'enregistrement ont permis d'obtenir sur l'image vidéo des enceintes
très claires dans lesquelles se trouve une tache sombre qui est l'insecte. La constitution
des enceintes d'expérimentation (chapitre 1) fait que chaque enceinte est séparée des
autres par une région sombre qui sera utilisée par l'ordinateur pour reconnaître les limites
de chacune d'entre elles.
2L'analyse
fonctionnement
d'images
vidéo :
principe,
matériel
et
L'analyse d'images consiste à traiter par informatique des signaux vidéo afin de faire
faire à un ordinateur ce que réalise l'homme grâce à sa vision. Son domaine d'application
est immense puisque cette technique est utilisée dans de nombreux secteurs tant
industriels (détection de défauts dans une chaîne de production par exemple), que
scientifiques (scintigraphie ou télédétection), voire militaires (guidage sur cible). L'image
vidéo enregistrée par une caméra (signaux analogiques) est transformée en signaux
numériques sur lesquels tous les calculs classiques peuvent être réalisés à l'aide de
n'importe quel moyen informatique. Seules les informations nécessaires à la
compréhension du fonctionnement du système de mesure des rythmes sont exposées ici.
Le fonctionnement de l'analyse d'images ne demande pas un équipement important
puisqu'il suffit d'ajouter à un ordinateur quelconque une carte de numérisation. Le
système utilisé pour mesurer les rythmes d'activité est composé d'un ordinateur type PC
Compaq 386 muni d'une carte SECAD comportant trois composantes essentielles :
- un microprocesseur
- un système d'entrée-sortie par lequel transitent les signaux vidéo
analogiques. L'entrée permet à la carte de recevoir des images envoyées par la caméra
pour traitement. La sortie donne la possibilité de visualiser, sur un écran de contrôle
(moniteur), l'image numérisée au cours de chaque étape de l'analyse.
32
Système de mesure automatique
- un espace mémoire permettant de stocker soit une, soit simultanément
deux images numérisées. C'est dans cette seconde configuration que cette carte sera
utilisée (deux plans mémoires).
Avant d'être stockée, chaque image reçue est numérisée en temps réel par le
processeur de la carte. L'image est découpée horizontalement et verticalement en unités
élémentaires appelées pixels ou points images. La carte SECAD digitalise les images
vidéo en 262144 pixels (512 x 512) dans la configuration "2 plans vidéo". Chaque pixel
est alors défini par ses coordonnées dans le plan et par son niveau de gris déterminé en
fonction de l'intensité lumineuse de la partie de l'image qu'il représente. 256 valeurs sont
possibles, du blanc absolu (255) au noir total (0) avec 254 intermédiaires. Les objets que
représente l'image vidéo sont ainsi définis numériquement avec précision. L'image
numérisée est ensuite stockée dans un des deux plans mémoires, espace de mémoire vive
où tous les niveaux de gris des pixels sont enregistrés séquentiellement sur 8 bits comme
pour n'importe quel fichier informatique. Toutes ces opérations, de l'acquisition d'une
image à son stockage sous forme numérique, sont effectuées en temps réel.
Cette codification chiffrée sous forme binaire devient alors directement utilisable pour
le calcul informatique grâce à deux opérations : la lecture et l'écriture de la valeur d'un
pixel à l'adresse x,y. Ces opérations de base, l'acquisition et l'enregistrement d'une
image ainsi qu'un certain nombre de tâches élémentaires classiques en traitement
d'images étaient disponibles sous la forme de fonctions ou de procédures utilisables à
partir d'applications C ou Turbo-Pascal. C'est à partir de cette bibliothèque de sousprogrammes que s'est organisée la réflexion pour développer un logiciel capable de
mesurer automatiquement l'activité des insectes. Outre les fonctions d'entrée-sortie, et les
opérations de lecture et d'écriture de pixels, diverses autres fonctions ou procédures ont
été utilisées pour la réalisation du logiciel de mesure.
- Opérations sur les niveaux de gris de l'image. La digitalisation de l'image en 256
niveaux de gris est effectuée par une table (LUT) comprenant 256 valeurs qui font
correspondre à une intensité lumineuse donnée un niveau de gris déterminé. La
configuration normale correspond à une table croissante de 0 à 255. En modifiant les
valeurs de cette table, il est possible de modifier le niveau de gris des pixels. Une image
binaire définie en noir et blanc peut ainsi être obtenue avec une table contenant des valeurs
nulles dans sa première partie et des 255 dans la seconde. Ce qui est gris clair sur la prise
de vue devient blanc (codé 255) et ce qui est plus sombre est transformé en noir (codé 0).
Le seuil à partir duquel les pixels prennent la valeur 0 ou 255 est défini par l'utilisateur.
Cette opération de seuillage qui transforme une image en noir et blanc est effectuée en
temps réel lors de l'acquisition d'une image. Elle permet de travailler avec des images
plus simples et sera utilisée pour obtenir une image d'un insecte, défini par des pixels
noirs, qui se différencie du fond de l'enceinte, défini par des pixels blancs.
- Les opérations sur les fenêtres. En définissant des fenêtres source et destination
dans les plans vidéo, ces fonctions permettent des opérations réalisées simultanément sur
un grand nombre de pixels et, ainsi, de travailler sur une partie (ou la totalité) de l'image
d'où un gain de temps. Différentes opérations logiques sont possibles entre les deux
33
Chapitre 2
fenêtres : la copie de l'une dans l'autre, ou des opérations logiques de type "ou inclusif"
ou "ou exclusif". Fenêtre source et fenêtre destination peuvent être définies dans les deux
plans mémoires ce qui permet des opérations entre deux prises de vue différentes.
Lorsque l'opération de type "ou inclusif" est appliquée entre deux images seuillées, on
obtient une image "résultat" sur laquelle les différences entre les deux images originelles
ressortent en blanc alors que les parties communes restent noires. Cette opération,
appliquée sur deux images successives de la même enceinte, permet d'obtenir une image
sur laquelle l'enceinte apparaît totalement noire si l'insecte ne s'est pas déplacé entre les
deux prises de vue, ou noire avec deux taches blanches si l'insecte s'est déplacé. Ces
deux taches blanches représentent l'insecte à ses deux positions successives.
- Fonctions graphiques. Ces fonctions permettent d'insérer sur l'image divers
graphismes : vecteurs, rectangles, ellipses, polygones, etc. La seule utilisée est celle qui
dessine sur l'écran de contrôle un réticule positionné sur le pixel sélectionné. Cette
fonction établit une liaison entre l'image visualisée sur l'écran de contrôle et l'espace
mémoire ce qui permet la visualisation de certaines étapes de l'analyse. Elle est également
à la base de relations plus conviviales entre l'utilisateur et la machine.
3 - Automatisation du déplacement de la caméra
La robotisation des déplacements d'un objet quelconque est utilisée depuis de très
nombreuses années dans l'industrie et tous les éléments nécessaires à la construction d'un
tel système sont disponibles sur le marché (moteurs, unité de commande électronique,
etc). A partir de ces éléments de base, nous avons entrepris la construction d'un appareil
capable de déplacer automatiquement la caméra, dont le fonctionnement est exposé cidessous.
Les déplacements de la caméra sont pilotés par l'ordinateur par l'intermédiaire de
deux unités bien distinctes :
- une unité mécanique ou châssis de translation. Elle a été entièrement
réalisée par le service technique de l'institut* (figure 5). Deux moteurs mettent en
mouvement le support de la caméra par l'intermédiaire de deux axes de translation
perpendiculaires, le tout monté sur un châssis.
- une unité de commande électronique (Socitec). Son rôle principal
consiste à envoyer aux moteurs les signaux électriques correspondant aux commandes de
déplacement reçues de l'ordinateur.
____________________________
* Nous tenons à remercier ici MM Malet et Basso-Bert, auteurs de la partie mécanique du système de
translation motorisée.
34
Système de mesure automatique
Ca
A
A
V
C
C
A
M
M
V
E
C
S
Figure 5 Partie
:
mécanique du dispositif de mesure des rythmes d'activité locomotrice. A = axe de
guidage ; Ca = caméra ; C = chassis ; E = enceintes d'expérimentation ; M = moteur ; S = source
infra-rouge ; V = vis sans fin.
35
Chapitre 2
3-1 Châssis de translation (Figure 5)
C'est un bâti en aluminium (1 x 1 x 1,2 m) qui supporte les éléments nécessaires au
déplacement de la caméra : 2 axes de translation perpendiculaires, chacun relié à un
moteur. Le premier axe est solidaire du bâti et déplace sur toute sa longueur l'unité de
translation complémentaire qui, elle même, déplace le long de son axe le support de la
caméra. La caméra peut ainsi couvrir un champ d'observation dont la surface est
légèrement inférieure à 1 m2 .
Chaque axe est composé d'un système de vis et d'écrou à billes d'un pas de
5 mm/tour (vis de 16 mm de diamètre). La rotation de cette vis entraîne le déplacement
linéaire des composants associés à l'écrou (unité de translation complémentaire ou
support de la caméra). Deux axes de guidage aident à ce déplacement. Ce système à billes
a l'avantage d'être très performant tant au niveau de la précision (positionnement sans
aucun jeu) que de la robustesse (vitesse de travail élevée, grande puissance
d'entraînement, longue durée de vie).
Les unités qui mettent en rotation les vis sont des moteurs pas à pas dont la principale
caractéristique est l'existence d'un lien direct entre les signaux électriques et le
mouvement de rotation du moteur. Chaque signal produit un nombre de pas de rotation
défini et les trajets se trouvent discrétisés. Les moteurs utilisés effectuent 400 pas par
rotation ce qui correspond à un angle de 0,9° par pas. Construite avec des vis d'un pas de
5 mm, l'unité de translation réalise des déplacements avec une précision de 12,5 µm. La
haute performance de ce système était nécessaire pour pouvoir utiliser l'analyse d'images
comme moyen de mesure.
3-2 Unité de commande électronique
Interface entre l'ordinateur et la partie mécanique du système, cette unité se trouve sur
le marché sous forme d'un "rack" précablé (Socitec ou Charlyrobot). C'est une unité de
commande spécialisée dans le pilotage des moteurs pas à pas qui comprend en fait deux
parties : une carte d'interface "intelligente" RS 232 et deux modules translateurs de
puissance qui vont commander le fonctionnement des moteurs (1 module par moteur).
La carte d'interface analyse les ordres reçus de l'ordinateur grâce à son
microprocesseur intégré et envoie à chaque module la séquence numérique nécessaire
pour faire fonctionner le moteur qui lui est associé. Pour cela, le module traduit les
signaux numériques en une séquence d'impulsions électriques dont la durée et la
fréquence déterminent la distance et la vitesse de rotation du moteur (vitesse possible de
40 à 10000 pas/sec).
La communication carte-ordinateur s'effectue par l'intermédiaire d'une liaison série
type RS 232 par laquelle s'établit un véritable dialogue entre ces deux unités. La carte
d'interface reçoit les instructions de l'unité centrale et lui retourne certaines informations
concernant entre autres son état de fonctionnement. L'ordinateur recueille de cette façon
des informations lui permettant de réguler au mieux les tâches qu'il a à effectuer. Les
informations envoyées par la carte correspondent à plusieurs types de messages : des
messages d'erreur (erreur de communication), des messages concernant l'état de la carte
(carte prête, occupée, bloquée, mouvement en cours...). La carte est également capable
de transmettre à l'ordinateur le nombre de pas effectués par chaque moteur après un ordre
36
Système de mesure automatique
de déplacement continu (le moteur tourne en permanence jusqu'à ce que la carte reçoive
un ordre d'arrêt). Ceci sera très utile pour connaître les coordonnées de la position de la
caméra après un déplacement vers une enceinte d'expérimentation de manière à pouvoir y
retourner périodiquement.
La liaison RS 232 implique un dialogue qui s'effectue par la même ligne et
séquentiellement caractère par caractère. La transmission d'ordres à la carte d'interface
correspond à l'envoi d'une chaîne de caractères qui code la vitesse et le nombre de pas à
réaliser par chaque moteur.
4- Mesure de l'activité locomotrice : le logiciel ACTIV
Les trois paragraphes précédents ont présenté tous les éléments nécessaires à
l'automatisation de la mesure des rythmes d'activité. L'acquisition de nouvelles
techniques, essentiellement informatiques (analyse d'images et robotisation des
déplacements) ainsi que l'obtention de conditions d'enregistrement adaptées à leur mise
en œuvre ont débouché sur la réalisation d'un logiciel, développé en Turbo-Pascal, qui a
été l'étape ultime de l'automatisation de la prise des relevés. Ce programme a bénéficié de
la participation de la plupart des membres du laboratoire mais la part majeure en revient à
P. Fouillet.
4-1 Principe
Le principe de la mesure, exposé dans le premier chapitre, consiste simplement à
détecter si l'insecte se déplace ou pas au moment de l'observation (variable de type
binaire).
D'un point de vue pratique, la mesure est réalisée par l'ordinateur, après seuillage et
opération logique entre deux images de la même enceinte acquises à deux secondes
d'intervalle. Tous les pixels représentant cette enceinte et uniquement ceux-ci sont
successivement lus (balayage de l'enceinte). Si l'insecte s'est déplacé pendant cet
intervalle de deux secondes, deux taches blanches sont présentes, sinon, l'enceinte
apparaît totalement noire. Dans le premier cas, la valeur 1 est enregistrée dans un fichier,
0 dans le second.
Les insectes étudiés sont mesurés individuellement et successivement pendant
plusieurs jours avec un nombre de relevés horaires défini par l'expérimentateur. La
caméra filme en même temps un nombre variable d'individus (6 à 9 dans notre cas).
L'ensemble des individus d'une même expérience (environ 60) sera donc filmé par
groupes successifs grâce aux déplacements motorisés. Sur la figure 6, un schéma du
dispositif de mesure représente les connexions et le cheminement des informations entre
les principaux éléments de base du système au cours de la prise des relevés.
37
Chapitre 2
Micro-ordinateur
DISPOSITIF
Fichier de
RS 232C Programme stockage
Turbo
Carte de
Pascal
numérisation
Carte d'interface
moteurs
Figure 6 : Schéma du dispositif de
mesure (ci-contre) et organigramme
du programme ACTIV qui pilote les
déplacements de la caméra et mesure
les rythmes d'activité en temps réel
par
analyse
d'images
vidéo
(ci-dessous).
camera
Infra Rouges
Initialisation
PROGRAMME
Mesures automatiques
J=0
NE = Nbre d'enceintes
NC= Nbre de cycles
hd = heure début
dt = Intervalle entre 2 relevés
S = Surface insecte (pixels)
Heure
non
Heure=hd
I=0
oui
I=0
Positionnement caméra
Déplacement xi
Déplacements xi, yi
Déplacement yi
Acquisition image 1
seuillage i
Enregistrement xi, yi
oui
Acquisition image 2
seuillage i
I = NE
Balayage cellule i
Déplacements xi, yi
Pixel début
Seuillage cellule i
Enregistrement
non
Pixel oui
blanc
Enregistrement bords cellule i
(délimitation du balayage)
I=I+1
I = NE oui
FIN
Opération logique
image 1 / image 2
oui
I=0
non
J = NC non hd = hd + dt
Temporisation 2 sec
I=I+1
non
J=J+1
Recherche
tache de
pixels blanc
non tache=S
Pixel
suivant
oui
non Pixel
fin
oui
Activité = 0
Activité = 1
Stockage Activité
I=I+1
non
38
I = NE
oui
Système de mesure automatique
4-2 Mesure de l'activité par le programme ACTIV
Ce logiciel gère simultanément les déplacements de la caméra et la mesure de
l'activité. C'est donc lui qui va remplacer l'expérimentateur pour la prise des relevés.
L'organisation générale des tâches qu'il effectue est schématisée sous la forme d'un
organigramme (figure 6) dans lequel on peut distinguer deux parties : une partie
initialisation et une partie prise de relevés.
4-2-1 L'initialisation
Un certain nombre de tâches doivent être réalisées préalablement à la mise en route de
la mesure automatique de l'activité. Cette étape constitue la seule partie du procédé qui
nécessite l'intervention de l'expérimentateur.
Les enceintes contenant les insectes (chapitre 1) sont placées sur le support en verre
d'un bâti autre que celui qui permet les déplacements de la caméra (figure 5). Cette
dissociation évite que les insectes soient soumis aux éventuelles vibrations provoquées
par les déplacements de la caméra. La hauteur de la caméra est ensuite ajustée de façon à
obtenir une image sur laquelle les individus ont une taille (surface en pixels) supérieure au
seuil fixé (10 pixels). Cette disposition va déterminer la taille du champ de la caméra qui,
dans nos conditions expérimentales, couvre au maximum 9 enceintes. Les parasitoïdes de
drosophiles sont filmés avec un objectif de 50 mm de distance focale.
L'initialisation consiste à fournir au logiciel un certain nombre de variables
nécessaires à la mesure de l'activité. La valeur de chacune de ces variables est déterminée
par l'intermédiaire de ce même logiciel grâce aux décisions de l'expérimentateur qui va
valider ou non les données présentées.
- Positions de la caméra. En donnant des ordres de rotation continue aux
moteurs, la position de la caméra est définie pour les différents champs d'observation.
Pour chaque position validée, les coordonnées de la caméra renvoyées par la carte
d'interface sont stockées. Ces différentes positions vont définir le cycle de rotation de la
caméra.
- Seuillage et bord de chaque cellule. La valeur du seuillage qui correspond
à la visualisation d'une tache noire (l'insecte) sur un fond blanc est définie
individuellement pour chaque cellule. Les coordonnées de tous les pixels qui délimitent le
bord de l'enceinte sont ensuite automatiquement enregistrées. Ces valeurs seront utilisées
pour rechercher un déplacement uniquement dans la zone où il est susceptible de se
produire (balayage de l'enceinte) évitant ainsi de balayer l'ensemble de l'image
numérisée. C'est grâce à ce balayage limité à l'aire de l'enceinte que plusieurs individus
peuvent être filmés sur la même image d'où un gain de temps considérable. Seuillage et
coordonnées des bords de chaque cellule sont enregistrés dans un fichier.
D'autres paramètres sont également donnés à l'ordinateur : la durée de l'expérience,
le nombre d'individus étudiés et le nombre de rotations horaires à effectuer. Toutes les
expériences ont été réalisées avec 12 rotations par heure.
39
Chapitre 2
4-2-2 Mesure automatique de l'activité
Grâce aux informations fournies à l'ordinateur lors de l'étape d'initialisation, le
logiciel peut maintenant mesurer l'activité des insectes d'une façon totalement autonome.
A chaque cycle, les individus sont mesurés successivement et toujours dans le même
ordre. Les différentes étapes qui conduisent à la mesure de l'activité d'un individu sont
schématisées figure 7. Cette figure représente en fonction du temps l'état de la mémoire
de la carte de numérisation qui, comme on l'a vu (paragraphe 2), possède deux parties ou
deux plans vidéo (plan 0 et 1). Nous avons simplement remplacé les chiffres par l'image
correspondante. Après le positionnement de la caméra au-dessus de l'enceinte, la série
des opérations est la suivante (figure 7) :
a - Acquisition de la première image avec le seuillage adéquat dans le plan
vidéo 0, le plan vidéo 1 étant vide.
b - Temporisation de deux secondes.
c - Acquisition de la deuxième image, avec le même seuillage, dans le plan
vidéo 1 (le plan vidéo 0 conserve la première image). Deux cas sont
possibles : l'insecte s'est déplacé pendant l'intervalle de 2 secondes (I1), ou
l'insecte est resté immobile (I1').
d - Opération logique entre les deux images des deux plans vidéo, le résultat
étant enregistré dans le plan 1. Si l'individu s'est déplacé, il y a deux taches
blanches, sinon, l'enceinte est entièrement noire.
e - Balayage de l'enceinte du plan vidéo 1 (lecture de la valeur de tous les
pixels) et mesure de l'activité : 1 s'il y a deux taches blanches, sinon 0. La
valeur est stockée dans un fichier.
f - Mesure de l'individu suivant.
Il faut noter ici que, pour chaque individu, une seconde mesure qui détermine si les
insectes se sont déplacés entre deux relevés successifs (entre deux cycles) a également été
effectuée. Cette mesure, qui n'est pas représentée dans l'organigramme de la figure 6, est
réalisée en comparant la position de l'insecte entre deux relevés (cycles) successifs donc à
5 minutes d'intervalle : si elle est identique, la variable prend la valeur 0 (l'individu n'a
pas bougé pendant le délai imparti), sinon elle prend la valeur 1. Ce paramètre a été
appelé DIF comme différé pour le différencier du premier dénommé INS comme
instantané.
Après la mesure du dernier individu, une temporisation fait en sorte que l'on ait le
bon nombre de relevés horaires définis en début d'expérience et que ceux-ci s'effectuent
au même moment entre heures successives. Dans notre cas, le départ des cycles
s'effectue toutes les cinq minutes (12 relevés par heure).
40
Système de mesure automatique
Plan Vidéo 0
Plan Vidéo 1
activité
ou
non-activité
a
I0
b Temporisation 2 sec
c
I0
I1
I1 '
I0
I0 + I1
I0 +I1 '
INS=1
INS=0
d
e
I0
I0 + I1
Activité = 1
I0 +I1 '
Activité = 0
Figure 7 : Principe de mesure de l'activité locomotrice par analyse d'image vidéo : représentation
graphique de l'état des deux plans mémoires au cours de la mesure d'un individu. I0 = image du plan
vidéo 0 ; I1 = image du plan vidéo 1, cas où l'insecte s'est déplacé ; I1' = image du plan vidéo 1,
cas où l'insecte est resté immobile. Le signe + symbolise l'opération logique entre les deux images
(voir texte).
41
Chapitre 2
5- Détermination des paramètres de mesures
5-1 Choix du paramètre de mesure
Le système présenté ci-dessus permet de mesurer sur les mêmes individus et au cours
de la même expérience deux paramètres différents :
- l'activité mesurée toutes les 5 minutes par l'existence ou non de
déplacements pendant les 2 secondes de prise de vue (paramètre INS). L'activité des
insectes est déterminée ici par échantillonnage.
- l'activité mesurée en comparant la position des individus entre deux
relevés successifs (paramètre DIF). Cette mesure prend en compte tous les déplacements
des insectes puisque il est peu probable qu'entre deux relevés, les insectes se déplacent et
reviennent exactement à la même place.
La comparaison des rythmes d'activité mesurés par ces deux méthodes a été réalisée
sur 15 femelles de A. tabida (figure 8). Le taux d'activité est un peu plus élevé avec le
paramètre DIF ce qui est normal puisque tous les déplacements sont pris en compte dans
la mesure. En ce qui concerne les profils, les deux paramètres donnent exactement les
mêmes courbes moyennes d'activité. Le paramètre INS permet donc d'obtenir une très
bonne estimation de l'activité réelle des insectes tout en réduisant des éventuels problèmes
de saturation. Seul ce paramètre a été utilisé pour l'étude des rythmes d'activité des
insectes parasitoïdes.
5-2 Nombre de relevés par heure
Ce paramètre était important à déterminer puisque de lui dépendait le nombre
d'individus mesurés au cours de la même expérience. Le meilleur compromis devait être
en effet trouvé entre le nombre de relevés horaires qui définit la précision des courbes et
le nombre de répétitions. Ce nombre a été fixé à 12, un relevé toutes les 5 minutes, valeur
correspondant à la mesure de 60 individus (2 groupes de 30) qui est traditionnellement
une valeur seuil pour les comparaisons statistiques.
Une expérience avec un nombre de relevés horaires plus grand mais réalisée sur un
nombre d'individus plus faible a été entreprise pour s'assurer de la précision des courbes
d'activité calculées avec 12 relevés horaires. 9 femelles de A. tabida ont été mesurées
pendant trois jours avec 60 relevés par heure (un relevé toutes les minutes, possible en
supprimant les déplacements de la caméra). Aucune différence n'a été observée entre les
rythmes d'activité mesurés avec un nombre de relevés horaires différent (figure 9). En
conséquence toutes les expériences ont été réalisées avec 12 relevés par heure.
42
Système de mesure automatique
Figure 8
Figure 9
100
100
Activité %
Ins
Dif
80
80
60
60
40
40
20
20
60 relevés / h
12 relevés / h
0
0
0
4
8
12
16
20
24
Heures
0
4
8
12
16
20
24
Heures
Figure 8 : Rythme d'activité locomotrice des femelles de A. tabida mesuré avec les deux types de
paramètres : Ins = comparaison de la position des individus à 2 secondes d'intervalle (pendant un
cycle), Dif = comparaison de la position des individus à 5 minutes d'intervalle (entre deux cycles).
Les courbes représentent la moyenne du rythme de 15 individus suivis pendant trois jours en LD
12:12. La photopériode est représentée par les bandes noires (nuit) et blanche ( jour).
Figure 9 : Rythme d'activité locomotrice des femelles de A. tabida mesuré avec 60 ou 12 relevés
horaires. Les courbes représentent la moyenne du rythme de 9 individus dans le cas d'un relevé par
minute et 15 individus dans la modalité d'un relevé toutes les 5 minutes. Les individus ont été
suivis pendant trois jours en LD 12:12. La photopériode est représentée par les bandes noires (nuit)
et blanche (jour).
6- Avantages et limites du système de mesure des rythmes par
analyse d'images
L'outil vidéo est utilisé depuis quelques années pour mesurer le trajet des insectes
lors de leurs déplacements (Chassain, 1988 ; Bigler et al., 1988 ; Riley et al., 1990).
L'adaptation de cet outil à la mesure des rythmes d'activité présente de nombreux
avantages et peu d'inconvénients comparés aux méthodes décrites en début de chapitre.
5-1 Limites de la méthode
Le principal inconvénient de cette méthode résulte de la mesure séquentielle des
individus. Le balayage des enceintes d'expérimentation se fait pixel à pixel et les
individus sont mesurés les uns à la suite des autres. Le nombre de relevés effectués toutes
les heures est donc déterminé par la capacité du système et il faut trouver le meilleur
compromis possible (solution optimale) entre le type de comportement mesuré, le nombre
d'individus et le nombre de relevés horaires.
Pour l'étude des rythmes d'activité des insectes parasitoïdes de drosophiles, le
meilleur compromis a été trouvé en mesurant les insectes toutes les 5 minutes ce qui a
permis d'étudier 60 individus au cour d'une même expérience.
43
Chapitre 2
5-2 Avantages de la méthode
Les avantages liés à l'utilisation de l'outil vidéo sont nombreux. Comme les
principales techniques utilisées pour mesurer les rythmes d'activité (mécaniques,
acoustiques, optiques), cette méthode ne nécessite pas la présence de l'expérimentateur et
permet l'étude simultanée d'un grand nombre d'individus ; s'ajoutent à ces qualités
d'autres performances que les autres systèmes de mesure ont peu ou n'ont pas du tout.
L'analyse d'images a potentiellement les moyens de mesurer n'importe quel
comportement. Les rythmes d'émergence des parasitoïdes ont été étudiés avec exactement
le même système que celui utilisé pour mesurer l'activité locomotrice (chapitre 3) et la
mesure des rythmes de ponte des parasitoïdes est actuellement en cours d'étude.
Ce système peut également être facilement adapté à n'importe quel animal voire aux
espèces du règne végétal pour la mesure de la croissance des plantes par exemple. Les
rythmes d'activité des Trichogrammes dont la taille n'a pas commune mesure avec celle
des parasitoïdes de drosophiles (moins de 0,5 mm) ont ainsi pu être mesurés avec le
même système (Fleury et al., 1991 ; Pompanon et al., 1993). Les rythmes d'activité des
parasitoïdes d'œufs de punaise (Trisolchus basalis), ainsi que ceux de crustacés
(cloportes), ont également été étudiés.
44
Chapitre 3
Les rythmes circadiens d'activité locomotrice des
parasitoïdes de Drosophiles
Caractérisation et diversité
Chez les insectes parasitoïdes, la localisation et l'infestation des hôtes résultent d'un
comportement actif des femelles, divisé en trois étapes successives (Vinson, 1976) : la
localisation de l'habitat de l'hôte (Vinson, 1981), la localisation de l'hôte (Weseloh,
1981), enfin son acceptation (Arthur, 1981). Au cours de ces étapes, les femelles
parasitoïdes répondent à toute une série de stimuli chimiques et physiques qui les guident
vers un hôte potentiel (Vinson, 1976 ; Vet et Dicke, 1992). Pour que la rencontre entre
hôte et parasitoïde soit possible, les femelles doivent cependant être actives à un moment
de la journée où les hôtes sont disponibles. Cette coïncidence temporelle, considérée
comme une condition préalable indispensable à la réussite du parasitisme (Vinson, 1976),
n'a jamais été étudiée à l'échelle du nycthémère.
Par leur rôle synchronisateur (Enright, 1970 ; Daan, 1981), les rythmes circadiens
d'activité peuvent jouer un rôle déterminant dans cette coïncidence temporelle à l'origine
du succès de la recherche d'hôtes adéquats. Les rythmes des insectes parasitoïdes ont
cependant été peu étudiés que ce soit dans le domaine appliqué (lutte biologique) ou dans
le domaine plus théorique de la recherche des mécanismes de régulation des populations
d'insectes. L'importance de l'organisation temporelle de l'activité à l'échelle du
nycthémère a pourtant été soulignée dans d'autres systèmes hôte-parasite n'intéressant
pas les insectes notamment en ce qui concerne le rôle des rythmes dans la favorisation de
la rencontre entre les partenaires (Hawking, 1973 ; Théron, 1984).
Chez les insectes, les rythmes circadiens d'activité ont fait l'objet de nombreux
travaux sur des espèces non entomophages dont le rôle économique ou l'intérêt
biologique est important. C'est le cas, par exemple, des moustiques impliqués dans
certaines maladies (Haddow et al., 1961 ; Jones et al. 1967 ; Jones et Reiter, 1975) ou
d'autres diptères vecteurs comme la mouche tsé tsé (Brady, 1972 ; Crump et Brady,
1979). Les rythmes d'activité ont également été étudiés chez plusieurs mouches des fruits
d'importance agronomique telles que la cératite (Causse, 1974) ou la mouche de l'olive
(Laudého et al., 1978). Dans la liste établie par Saunders (1982) qui recense les espèces
d'insectes pour lesquelles une activité rythmique circadienne a été observée, aucune
espèce entomophage n'est citée. Bien que cette revue date de plus de dix ans, ceci semble
assez représentatif du faible nombre d'études chronobiologiques réalisées sur ces
insectes.
Les rares données disponibles sur les rythmes d'activité des insectes entomophages
proviennent d'études de terrain réalisées dans le cadre de programmes de lutte, ce qui
limite les résultats à une simple description des phénomènes biologiques. Par exemple,
45
Chapitre 3
Weseloh (1975) observe une relative concordance de phase entre l'activité d'oviposition
de Parasetigena silvestris et la disponibilité de son hôte, Lymantriadispar, papillon dont
la chenille est un défoliateur de nombreuses espèces d'arbres en Amérique du Nord. Des
heures préférentielles d'activité ont été observées chez plusieurs espèces parasites
d'insectes ravageurs des pins, Apanteles fumiferanae et Glypta fumiferanae (Elliot et al.,
1986) et sur l'une des espèces les plus utilisées en lutte biologique pour combattre les
aleurodes (mouches blanches), Encarsia formosa (Ekbom, 1982). Enfin, Idoine et Ferro
(1990) soulignent l'importance de prendre en compte les rythmes d'oviposition de
Edovum puttleri, parasitoïde des doryphores, afin de limiter l'action des pesticides sur les
auxiliaires des cultures. Il semble que les seuls travaux qui ne se limitent pas à une simple
étude descriptive soient ceux réalisés par Nakamuta (1987) sur Coccinella
septempunctata. L'analyse des mécanimes responsables du rythme d'activité de recherche
des proies a en effet conduit à démontrer la nature circadienne des rythmes de cette
coccinelle.
Les rythmes d'activité locomotrice ont été mesurés sur les principales espèces
françaises de parasitoïdes de drosophiles. La nature circadienne (déterminisme endogène)
des rythmes a été recherchée par des expériences de libre cours sans pour autant analyser
les mécanismes physiologiques sous-jacents. La seule persistance du rythme en absence
d'agents d'entraînement (libre cours) est suffisante pour démontrer sa nature endogène
(Bünning, 1967 ; Brady, 1974 ; Saunders, 1982).
La stabilité temporelle des rythmes d'activité a également été étudiée grâce à un suivi
de la même population sur quatre années consécutives.
Enfin, le système de prise de données automatique a permis, après quelques
adaptations, de mesurer les rythmes d'émergence des adultes décrits en fin de chapitre.
1- Les rythmes d'activité locomotrice des
Drosophiles sous photopériode LD 12:12
parasitoïdes
de
Les quatre espèces les plus fréquentes en France ont été étudiées : trois sont des
parasitoïdes de larves, Asobaratabida, Leptopilina heterotoma, Leptopilina boulardi, la
quatrième, Pachycrepoideus vindemmiae, infeste les drosophiles au stade pupe.
Les individus utilisés pour définir le rythme d'activité de ces quatre espèces sont tous
originaires de la région lyonnaise (Ste Foy-lès-Lyon) excepté L. boulardi, absente à cette
latitude, qui a été piégée dans le sud de la France (Antibes). L'activité locomotrice a été
mesurée dans les conditions d'expérimentation définies dans le chapitre 1 (22°C, LD
12:12). Les individus ont toujours été suivis pendant plusieurs jours mais seuls quelques
exemples de courbes individuelles seront représentés afin de visualiser la rythmicité de
l'activité locomotrice. Chaque espèce sera ensuite caractérisée par une courbe moyenne
d'activité sur 24 heures qui, dans tous les cas, résume bien l'activité quotidienne
(chapitre 1).
1-1 Asobara tabida
La variation du taux horaire d'activité sur les trois premiers jours de mesure montre
une nette rythmicité (figure 10) : les mâles, comme les femelles, expriment
46
Caractérisation et diversité des rythmes
quotidiennement une activité locomotrice qui se produit à peu près aux mêmes heures,
avec approximativement la même amplitude. L'activité locomotrice est maximale en début
d'éclairement et se prolonge plus ou moins longtemps dans la journée selon les individus.
Ces courbes individuelles semblent cependant refléter une différence entre sexes puisque
les femelles sont actives principalement pendant la photophase alors que les mâles, plus
précoces, commencent leur activité en fin de nuit.
A. tabida mâles
A. tabida femelles
100
80
80
60
60
40
40
20
20
Activité %
100
0
0
20
8
20
8
20
8
20
8
20
8
20
8
20
8
20
8
20
8
20
8
20
8
20
8
20
8
20
8
20
8
20
8
100
80
80
60
60
40
40
20
20
Activité %
100
0
0
20
8
20
8
20
8
20
8
100
80
80
60
60
40
40
20
20
Activité %
100
0
0
20
8
20
8
20
8
20
8
Heures
Heures
Figure 10 : Rythmes individuels d'activité locomotrice de Asobara tabida. Rythmes de trois
individus de chaque sexe en LD 12:12. Les individus ont été choisis de façon à représenter la
variabilité observée.
Les courbes moyennes du rythme représentant l'ensemble des individus étudiés
(figure 11) montrent clairement ces différences entre sexes. Mâles et femelles expriment
tous deux une activité maximale pendant deux à trois heures après l'apparition de la
lumière mais la décroissance qui suit est beaucoup plus rapide chez les mâles dont
l'activité peut être considérée comme négligeable l'après-midi. L'activité plus importante
des femelles pendant cette seconde moitié de la photophase est due à certains individus
qui prolongent, l'après-midi, leur activité matinale (voir courbes individuelles, figure 10).
Cette différence entre sexes se traduit par un taux d'activité plus fort chez les femelles que
chez les mâles, ces derniers étant actifs à environ un quart des relevés alors que les
femelles sont actives pour plus du tiers des enregistrements (t = 2,93 ; p < 0,01 ;
tableau 1).
47
Chapitre 3
100
100
Activité %
femelles
i.c.m.
80
Asobara
tabida
60
(Ste Foy-lès-Lyon)
40
20
4
8
12
16
20
24
0
60
Activité %
40
0
0
4
8
12
16
20
24
60
femelles
i.c.m.
40
Leptopilina
heterotoma
(Ste Foy-lès-Lyon)
0
0
4
8
12
16
20
mâles
i.c.m.
20
40
20
0
24
0
50
4
8
12
16
20
24
50
i.c.m.
femelles
40
Activité %
60
20
0
30
Leptopilina
boulardi
20
(Antibes)
mâles
i.c.m.
40
10
30
20
10
0
0
0
4
8
12
16
20
24
0
4
8
12
16
20
24
100
100
80
Activité %
mâles
i.c.m.
80
mâles
femelles
i.c.m.
80
60
Pachycrepoideus
vindemmiae
(Ste Foy-lès-Lyon)
40
20
i.c.m.
60
40
20
0
0
0
4
8
12
16
20
24
0
4
8
12
16
20
24
Heures
Heures
Figure 11 : Courbes moyennes du rythme d'activité locomotrice des quatre principales espèces de
parasitoïdes de drosophiles présentes en France. Chaque courbe d'activité représente la moyenne d'au
moins 15 individus mesurés pendant 3 jours en LD 12:12. icm = intervalle de confiance moyen (95%)
par transformation angulaire.
48
Caractérisation et diversité des rythmes
La seconde différence présente entre les deux sexes de cette espèce se situe en fin de
nuit. Les mâles montrent pendant les heures qui précèdent l'apparition de la lumière une
activité importante qui va en augmentant de façon à atteindre un maximum à 8 heures.
Aux mêmes moments, l'activité des femelles est beaucoup plus faible et c'est seulement
après l'apparition de la lumière qu'elles sont réellement actives. Les femelles sont donc
beaucoup plus dépendantes du début de l'éclairement que les mâles pour exprimer une
activité locomotrice.
En LD 12:12, et au regard de l'activité locomotrice spontanée, les femelles d'A.
tabida sont manifestement diurnes alors que les mâles expriment une activité répartie
équitablement en fin de nuit et en début de journée.
1-2 Leptopilina heterotoma
Mâles et femelles montrent une activité locomotrice périodique (figure 12). Pour tous
les individus, l'activité est semblable entre jours successifs démontrant ainsi la bonne
stabilité des profils. Une variabilité inter-individuelle importante est présente chez les
femelles, principalement dans l'amplitude des pics : toutes commencent leur activité
plusieurs heures après le début de l'éclairement, mais certaines avec un pic d'activité de
forte amplitude, alors que d'autres sont presque inactives.
L. heterotoma femelles
100
80
80
60
60
40
40
20
20
Activité %
100
0
20
8
20
8
20
8
20
L. heterotoma mâles
0
8
80
80
60
60
40
40
20
20
Activité %
100
20
100
0
20
8
20
8
20
8
20
0
8
100
80
80
60
60
40
40
20
20
Activité %
100
0
8
20
8
20
8
20
8
20
8
20
8
20
8
20
8
20
8
20
8
20
8
20
8
0
20
8
20
8
20
8
20
8
Heures
Heures
Figure 12 : Rythmes individuels d'activité locomotrice de Leptopilina heterotoma. Rythmes de
trois individus de chaque sexe en LD 12:12.
49
Chapitre 3
Comme pour A. tabida, le rythme des mâles est différent de celui des femelles
(figure 11). Les femelles montrent une activité très faible exclusivement concentrée
l'après-midi, entre 12 et 20 heures (figure 11 et tableau 1). Elles ne réagissent presque
pas à l'apparition de la lumière et attendent 5 à 6 heures avant de commencer de réels
déplacements. Les mâles montrent, en moyenne, une activité plus importante pendant
toute la phase diurne (tableau 1) avec un net pic d'activité en début de photopériode
(figure 11).
La très faible activité des femelles s'explique en partie par un certain nombre
d'individus totalement inactifs pendant toute la durée de l'expérimentation mais dont
l'activité parasitaire est normale lorsqu'on les place en présence d'hôtes. Il est possible
que ce comportement, que l'on peut qualifier de léthargique, soit dû à l'absence de stimuli
relatifs aux hôtes pendant les mesures. Comparée à A. tabida, L. heterotoma aurait besoin
d'être stimulée davantage pour manifester une activité locomotrice. Cependant, cette très
faible activité, pour ne pas dire quasi immobilité, a également été observée dans les tubes
d'élevage lorsque les femelles sont en présence de nombreuses larves de drosophiles. Ce
type de comportement semble donc être réellement une caractéristique des femelles de
cette espèce.
Comme A. tabida, les femelles de L. heterotoma peuvent être qualifiées de diurnes
mais c'est probablement le seul point commun que l'on peut trouver entre les femelles de
ces deux espèces. Hormis des taux d'activité très inégaux, A. tabida et L. heterotoma ne
sont pas actives au même moment de la journée : la première surtout le matin, la seconde
uniquement l'après-midi. Les mâles de L. heterotoma sont eux aussi exclusivement
diurnes, à la différence des mâles de A. tabida, mais il faut noter dans les deux cas une
nette prépondérance de l'activité pendant les deux premières heures d'éclairement.
Femelles
Mâles
Test
N
moyenne
Ecart type
N
moyenne
Ecart type
t
p
A. tabida
15
37,2
6,6
15
26,6
12,6
2,93 <0,01
L. heterotoma
15
2,3
4,1
15
11,0
8,3
4,53 <0,01
L. boulardi
30
11,3
8,1
30
11,2
6,2
0,40
P. vindemmiae
20
21,2
8,7
7
33,0
6,8
3,14 <0,01
NS
Tableau 1 : Taux d'activité quotidien moyen des quatre espèces de parasitoïdes de drosophiles étudiées.
Valeurs données en %. Les tests statistiques ont été réalisés après transformation angulaire des données.
1-3 Leptopilina boulardi
Une forte variabilité individuelle a été observée chez les femelles de cette espèce aussi
bien dans la forme des profils que pour la quantité d'activité locomotrice (figure 13). Les
femelles de L. boulardi sont généralement actives pendant la scotophase, mais certaines le
sont également en début de photophase. Les mâles sont beaucoup plus homogènes avec
une activité maximale juste après l'apparition de la lumière (figure 13). L'amplitude de
50
Caractérisation et diversité des rythmes
ces pics est cependant variable entre individus. La similitude des profils d'activité entre
jours successifs semble plus forte chez les mâles que chez les femelles.
En moyenne, les femelles L. boulardi montrent un profil de type bimodal dont le pic
le plus important se situe en début de nuit (figure 11). Ceci pourrait presque classer cette
espèce parmi les insectes nocturnes si elle ne montrait pas également un pic de plus faible
amplitude en début de photophase. En effet, l'activité n'est jamais nulle pendant la nuit, le
minimum intervenant le jour, entre 14 et 18 heures, lorsque les femelles de L. heterotoma
sont actives. Bien qu'appartenant au même genre et ayant des exigences écologiques
voisines, les femelles de ces deux espèces montrent des profils d'activité radicalement
différents. L. boulardi diffère également de L. heterotoma par un taux d'activité plus
élevé (tableau 1) mais qui reste encore faible comparé à celui des femelles de A. tabida.
L. boulardi femelles
Activité %
100
80
80
60
60
40
40
20
20
0
20
8
20
8
20
8
20
8
0
20
8
20
8
20
8
20
8
20
8
20
8
20
8
20
8
20
8
20
8
20
8
20
8
100
80
80
60
60
40
40
20
20
Activité %
100
0
20
0
8
20
8
20
8
20
8
100
100
80
80
60
60
40
40
20
20
Activité %
L. boulardi mâles
100
0
0
20
8
20
8
20
8
20
8
Heures
Heures
Figure 13 : Rythmes individuels d'activité locomotrice de Leptopilina boulardi. Rythmes de trois
individus de chaque sexe en LD 12:12.
Comme chez L. heterotoma, les mâles montrent en moyenne une forte activité
pendant les premières heures d'éclairement pour ensuite décroître rapidement (figure 11).
Enfin, L. boulardi est la seule espèce étudiée où mâles et femelles montrent des taux
d'activité identiques (tableau 1).
51
Chapitre 3
1-4 Pachycrepoideus vindemmiae
Comme les trois espèces précédentes, P. vindemmiae montre un rythme d'activité
locomotrice très net (figure 14). Les profils d'activité des deux sexes ne semblent pas
montrer de grandes différences, ce qui est confimé par les courbes moyennes du rythme
(figure 11). En effet, l'activité des mâles et des femelles est répartie presque
équitablement sur toute la durée de la phase lumineuse.
Cette relative stabilité de l'activité pendant toute la durée de la photophase, observée à
l'échelle de la population, produit un profil que l'on peut qualifier de profil en plateau par
opposition à ceux des espèces précédentes, caractérisées par de courtes périodes d'intense
activité (pics d'activité) suivies de longues phases de repos ou d'activité plus faible. Ce
plateau n'apparaît pas très clairement à l'échelle individuelle à cause d'une activité
variable entre heures successives. Cette activité s'observe cependant pendant toute la
journée sans qu'un moment particulier de la photophase soit réellement préféré par les
individus (figure 14). Des profils en plateau ont également été observés chez les
Trichogrammes, hyménoptères parasitoïdes des œufs de divers Lépidoptères (Fleury
et al., 1991 ; Pompanon et al., 1993).
P. vindemmiae femelles
Activité %
100
P. vindemmiae mâles
100
80
80
60
60
40
40
20
20
0
0
20
8
20
8
20
8
20
8
20
100
80
80
60
60
40
40
20
20
Activité %
100
0
20
8
20
8
20
8
20
8
0
20
100
80
80
60
60
40
40
20
20
Activité %
100
8
20
8
20
8
20
8
8
20
8
20
8
20
8
8
20
8
20
8
20
8
0
0
20
8
20
8
20
8
20
8
Heures
20
Heures
Figure 14 : Rythmes individuels d'activité locomotrice de Pachycrepoideus vindemmiae.
Rythmes de trois individus de chaque sexe en LD 12:12.
52
Caractérisation et diversité des rythmes
Les mâles de P. vindemmiae ont une activité locomotrice plus importante que les
femelles (taux d'activité significativement différents, t = 3,14 ; p < 0,01, tableau 1).
L'activité des deux sexes est nulle pendant toute la scotophase ce qui en fait une espèce
exclusivement diurne pour le caractère considéré.
1-5 Conclusions
Les quatre espèces de parasitoïdes de drosophiles étudiées montrent un rythme
d'activité locomotrice bien défini. De très fortes variations apparaissent entre sexes et
entre espèces. Si les mâles sont principalement actifs pendant les premières heures
d'éclairement, les femelles sont actives plutôt le matin pour A. tabida, l'après-midi pour
L. heterotoma et même en début de nuit pour L. boulardi. En ce qui concerne le taux
d'activité, les deux espèces du genre Leptopilina se distinguent nettement de A. tabida par
une activité beaucoup plus faible. P. vindemmiae montre pour sa part une activité
importante, relativement stable pendant toute la période de l'éclairement.
2- Effets des variations du régime lumineux
endogène des rythmes d'activité
et
déterminisme
Le déterminisme des rythmes d'activité des parasitoïdes de drosophiles a été
recherché par des expériences de libre cours (suppression des facteurs d'entraînement).
Dans nos conditions expérimentales, seul le facteur lumineux varie au cours du temps
(photopériode LD 12:12). C'est donc par modification du régime photopériodique que la
nature endogène des rythmes a été recherchée. La dépendance de ces rythmes vis-à-vis
des signaux exogènes a également été abordée.
Comme cela a été indiqué précédemment, il s'agit de rechercher la nature endogène
des rythmes d'activité des parasitoïdes et non pas d'analyser les mécanismes neuroendocrines de leur fonctionnement. En d'autres termes, l'objectif est de connaître le rôle
des facteurs de l'environnement : sont-ils responsables de la périodicité (réponse directe
aux facteurs externes) ou agissent-ils uniquement comme facteurs d'entraînement
(présence d'une oscillation endogène) ?
2-1 Activité locomotrice en absence de facteurs d'entraînement :
expériences de libre cours
Des expériences de libre cours à l'obscurité totale et en lumière permanente ont été
réalisées pour les trois espèces de parasitoïdes larvaires.
Obscurité permanente :
En condition de libre cours, l'activité locomotrice de A. tabida reste périodique chez
les mâles comme chez les femelles ce qui démontre la nature circadienne (déterminisme
endogène) du rythme d'activité de cette espèce (figure 15 a et b). La valeur des périodes,
mesurées par le test de Sokolove et Bushell (1978), est inférieure à 24 heures (23 h 27 ;
53
Chapitre 3
tableau 2). Ce test a permis de déceler une période significative dans l'activité de certains
individus pour lesquels la persistance du rythme en libre cours n'est pas toujours aussi
flagrante que sur les exemples présentés. Cela n'a cependant pas été le cas pour tous les
individus (tableau 2), ce qui ne signifie pas pour autant que ceux-ci sont arythmiques.
L'absence de période significative peut en effet être due, entre autres, à une durée trop
courte de l'expérience qui peut expliquer qu'une périodicité n'a pas pu être mise en
évidence (voir ci-dessous).
Chez L. heterotoma, les rythmes d'activité locomotrice des mâles et des femelles
persistent en libre cours (figure 16 a et b) preuve de leur déterminisme endogène. Malgré
la très faible activité des femelles, une période significative a été mesurée pour quelques
individus qui montrent, comme les mâles, une période proche de 23 heures (tableau 2).
Afin de confirmer ces conclusions émises à partir de peu d'individus, la même expérience
a été réalisée sur une souche de L. heterotoma beaucoup plus active, originaire de Tunisie
(voir chapitre 4). Des résultats similaires ont été obtenus pour les deux sexes de cette
souche qui montrent également une période endogène de l'ordre de 23 heures (tableau 2).
Chez L. boulardi, les expériences de libre cours ont été réalisées uniquement sur les
femelles d'une souche tunisienne qui montrent le même rythme que celles de la souche
française (chapitre 5). Une période a difficilement été détectée chez cette espèce en
absence de facteurs périodiques environnementaux (tableau 2).
Parasitoïdes étudiés
(espèce et origine)
Sexe
Libre
cours
Durée Nombre Nombre
(jours) étudiés exprimés
Périodes
(heures)
Asobara tabida
(Ste Foy)
mâle
femelle
DD
DD
7
7
15
15
5
6
23 h 22
23 h 27
L. heterotoma
(Ste Foy)
mâle
femelle
DD
DD
3
3
15
15
10
3
23 h 20
22 h 57
Leptopilina
heterotoma
(Tunisie)
mâle
femelle
femelle
DD
DD
LL
3
3
3
15
15
105
11
14
41
23 h 12
23 h 17
21 h 53
Leptopilina
boulardi
(Tunisie)
femelle
mâle
femelle
DD
LL
LL
5
4
4
30
30
30
2
0
6
23 h 58
23 h 28
Tableau 2 : Expériences de libre cours. Pour chaque groupe d'individus sont indiqués le nombre
d'individus étudiés, la durée de l'expérience en libre cours réalisée soit à l'obscurité permanente (DD) soit
en lumière constante (LL), ainsi que le nombre d'individus sur lesquels une période significative a été
mesurée (= nombre exprimés). La mesure des périodes a été réalisée avec le test de Sokolove et Bushell.
54
Caractérisation et diversité des rythmes
100
80
60
40
20
0
Activité (%)
100
80
60
40
20
0
100
80
60
40
20
0
20 8
20 8
20 8
20 8
20 8
20 8
20 8
20 8
20 8
20 8
20
Heures
Figure 15 a : Rythmes d'activité locomotrice de trois femelles d'Asobaratabida. 3 jours sous
photopériode LD 12:12 puis 7 jours en libre cours (obscurité permanente).
100
80
60
40
20
0
Activité (%)
100
80
60
40
20
0
100
80
60
40
20
0
20 8
20 8
20 8
20 8
20 8
20 8
20 8
20 8
20 8
20 8
20
Heures
Figure 15 b : Rythmes d'activité locomotrice de trois mâles de Asobara tabida. 3 jours sous
photopériode LD 12:12 puis 7 jours en libre cours (obscurité permanente).
55
Activité %
Chapitre 3
100
100
80
80
60
60
40
40
20
20
0
0
Activité %
20 8 20 8 20 8
20 8
20 8 20 8 20 8 20
100
100
80
80
60
60
40
40
20
0
20 8
20
20 8 20 8
20 8 20 8 20 8 20
0
20 8
100
80
80
60
60
40
40
20
20
Activité %
100
0
20 8
20 8 20 8
20 8 20 8 20 8 20
Heures
Figure 16 a Rythmes
:
d'activité locomotrice de
trois femelles de Leptopilina heterotoma. 3 jours
sous photopériode LD 12:12 puis 3 jours en libre
cours (obscurité permanente).
56
0
20 8
20 8
20 8 20 8 20 8 20
20 8 20 8
20 8 20 8 20 8 20
20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20 8 20
Heures
Figure 16 b Rythmes
:
d'activité locomotrice de
trois mâles de Leptopilina heterotoma. 3 jours
sous photopériode LD 12:12 puis 3 jours en
libre cours (obscurité permanente).
Caractérisation et diversité des rythmes
100
Activité %
80
60
40
20
0
20
8
20
8
20
8
20
8
20
8
20
20
8
20
8
20
8
20
8
20
8
20
20
8
20
8
20
8
Heures
20
8
20
8
20
Activité %
100
80
60
40
20
0
Activité %
100
80
60
40
20
0
Figure 17 : Rythmes d'activité locomotrice de trois femelles de Leptopilina boulardi (souche
tunisiennne). 2 jours sous photopériode LD 12:12 puis 3 jours en libre cours (obscurité
permanente).
La figure 17 laisse cependant peu de doute quant à l'existence d'un déterminisme
endogène des rythmes de cette espèce, une activité périodique étant manifestement
présente en DD pour les individus présentés. La difficulté de mettre en évidence des
périodes significatives vient probablement de la durée trop courte des expériences
(3 jours).
Lumière permanente :
Des études de libre cours en lumière permanente (600 lux) ont été réalisées sur les
femelles des deux espèces du genre Leptopilina (souches tunisiennes). Pour L.
heterotoma, une période significative a pu être mesurée chez environ 40 % des individus
(tableau 2) ce qui confirme les résultats obtenus en obscurité constante. La lumière
permanente ne supprime donc pas le rythme d'activité locomotrice de ces insectes comme
c'est le cas pour certains rythmes de type physiologique (Saunders, 1982). Cette
persistance des rythmes comportementaux en LL serait, selon Truman (1971), une
caractéristique de ce type de rythmes (type II) qu'il a opposés aux rythmes
57
Chapitre 3
physiologiques ou de développement (type I) qui ne s'expriment pas sous ces conditions
lumineuses. Selon ce même auteur, à ces deux sortes de rythmes seraient associés des
oscillateurs différents. Aux rythmes de type I correspondrait un système composé d'un
oscillateur et d'un photorécepteur anatomiquement associés alors que, pour les rythmes
de type II, ces deux composantes seraient physiquement distinctes.
La différence entre les périodes des femelles de L. heterotoma mesurées dans les
deux types d'expériences de libre cours (obscurité et lumière permanente, tableau 2) est
conforme à la règle d'Aschoff (Aschoff, 1960) qui stipule que, pour les animaux diurnes,
la période endogène mesurée en DD est plus élevée que celle mesurée en LL, le
phénomène inverse se produisant chez les animaux nocturnes. Les femelles de la souche
tunisienne sont en effet, dans nos conditions expérimentales, plutôt diurnes (chapitre 4)
comme celles de la souche française.
Une période plus faible a également été obtenue en LL sur les femelles de L. boulardi
(souche tunisienne) alors qu'aucune période significative n'a été mesurée chez les mâles.
Ces derniers résultats ne reposent que sur un très petit nombre de valeurs (tableau 2) ce
qui oblige à les considérer avec prudence. De plus, ils peuvent difficilement être discutés
par rapport à la règle d'Aschoff puisque les profils d'activité des femelles de L. boulardi
ne permettent pas de définir avec précision si les individus de cette espèce ont un mode de
vie diurne ou nocturne. A l'inverse, cette règle n'est pas un moyen de déterminer le mode
de vie des organismes puisqu'elle souffre de nombreuses exceptions (Saunders, 1982)
notamment à cause de la difficulté à classer les animaux en espèces diurnes ou nocturnes,
certains comportements étant effectués la nuit, d'autres pendant la journée.
Causes de l'absence, chez certains individus, de période significative :
Pour toutes les espèces étudiées et pour les deux sexes, il n'a pas toujours été
possible de mesurer une période endogène significative (tableau 2). La cause de cette
absence de structure temporelle reste inconnue mais plusieurs hypothèses peuvent être
avancées :
- Un nombre de mesures trop faible (expérience de libre cours trop courte)
peut être à l'origine de la non mise en évidence d'une période endogène, la méthode
statistique n'étant pas suffisamment puissante. Comme cela a déjà été souligné, c'est
probablement la raison de la plupart des échecs observés.
- La faible activité de certains individus lorsque les conditions
environnantes sont trop homogènes peut également expliquer le fait qu'une période
significative ne soit pas observée.
- Enfin, la difficulté de mesurer une période endogène peut provenir d'un
phénomène connu en chronobiologie qui est le changement spontané de la valeur de la
période endogène de l'individu (Pittendrigh et Daan, 1974, Saunders, 1982). Cette
instabilité de la période de l'oscillation endogène a été utilisée pour soutenir l'hypothèse
de l'intervention de plusieurs oscillateurs dans les rythmes circadiens. Il est peu probable
que ce phénomène intervienne dans nos expériences du fait de leur courte durée.
58
Caractérisation et diversité des rythmes
2-2 Rythmes d'activité locomotrice avec simulation de l'aube et du
crépuscule
Dans nos conditions expérimentales, les insectes sont soumis à de brusques
variations de l'intensité lumineuse. Les individus passent en effet de l'obscurité totale à
un éclairement de 1400 lux et inversement puisque les quatre néons s'éclairent et
s'éteignent simultanément (chapitre1). Il est possible que ce phénomène provoque chez
les insectes une réaction artificielle se traduisant soit par l'apparition d'une soudaine et
intense activité locomotrice (que l'on observe chez A. tabida) soit, à l'inverse, par une
réaction d'immobilité, sorte de paralysie que l'on peut envisager au vu des courbes des
femelles de L. heterotoma (figure 11).
Les conséquences éventuelles des transitions lumière-obscurité sur les rythmes
d'activité ont été mesurées chez A. tabida et L. heterotoma (souches Ste Foy) en simulant
l'aube et le crépuscule par modification graduelle de l'intensité lumineuse. Pour cela, les
tubes fluorescents ont été placés à des distances variables des enceintes. Leur
fonctionnement est piloté par un programmateur de façon à ce que, le matin, ils s'éclairent
successivement en fonction de leur distance des enceintes en commençant par le plus
éloigné. Ce dispositif a permis d'obtenir une transition nuit-jour en 20 minutes avec
modification de l'intensité lumineuse en quatre tranches de 5 minutes : <1 lux, 10 lux,
700 lux, 1400 lux. Le passage jour-nuit est effectué par l'opération inverse.
Pour les deux espèces étudiées, des résultats identiques à ceux précédemment décrits
ont été obtenus lorsque les changements de phase de la photopériode sont effectués par
variation graduelle de l'intensité lumineuse (figures 18 et 19).
Figure 18a A.
: tabida femelles
Figure 18bA.: tabida mâles
100
100
avec simulation
sans simulation
80
Activité %
Activité %
80
avec simulation
sans simulation
60
40
20
60
40
20
0
0
0
4
8
12
16
Heures
20
24
0
4
8
12 16
Heures
20
24
Figure 18 : Courbe moyenne du rythme d'activité locomotrice de Asobara tabida avec
simulation de l'aube et du crépuscule (30 individus). La courbe du rythme mesuré avec des
changements brutaux de phase lumineuse est présentée pour comparaison (losange).
Les femelles A. tabida montrent toujours un pic d'activité à 8 heures (figure 18 a)
alors que les femelles L. heterotoma restent presque inactives pendant la première partie
de la photophase (figure 19). Pour cette seconde espèce, on peut cependant noter une
59
Chapitre 3
augmentation sensible de la quantité d'activité locomotrice exprimée l'après-midi qui n'est
probablement pas due au facteur testé. L. heterotoma montre en effet pour ce caractère
une assez forte variabilité entre expériences successives ce qui sera démontré par la suite.
50
avec simulation
sans simulation
Activité %
40
30
20
10
0
0
4
8
12 16
Heures
20
24
Figure 19 : Courbe moyenne du rythme d'activité
locomotrice des femelles de Leptopilina heterotoma avec
simulation de l'aube et du crépuscule (30 individus). La
courbe du rythme mesuré avec des changements brutaux
de phase lumineuse est présentée pour comparaison
(losange).
En ce qui concerne les mâles, seuls ceux appartenant à l'espèce A. tabida ont été
mesurés sous ces conditions lumineuses. Leur profil d'activité reste inchangé avec un pic
au moment de l'éclairement. La similitude est presque totale entre ce profil d'activité et
celui obtenu avec de brusques changements dans les conditions lumineuses (figure 18 b).
L'apparition soudaine de lumière n'a donc aucune influence sur les rythmes d'activité
des parasitoïdes. Toutes les expériences ont pu être réalisées avec les conditions
photopériodiques décrites dans le premier chapitre.
2-3 Rythme d'activité sous photopériode LD 16:8
La dépendance des rythmes d'activité vis-à-vis des conditions photopériodiques a été
étudiée en mesurant l'effet d'une photophase plus longue: photopériode LD 16:8. Seule
l'espèce A. tabida a été étudiée et les profils moyens obtenus sous ces conditions sont
présentés figure 20.
Chez les femelles, l'augmentation de la photophase ne semble pas provoquer de
profondes modifications des profils d'activité. Le pic d'activité reste lié à l'apparition de
la lumière (figure 20 a). Néanmoins, la faible activité des femelles qui se produit
légèrement avant le début de l'éclairement en LD 12:12 ne se retrouve pas en LD 16:8.
Les femelles sont sous ces conditions pratiquement inactives en fin de nuit alors qu'elles
60
Caractérisation et diversité des rythmes
montrent une activité horaire de l'ordre de 30 à 40% lorsque les durées des deux phases
du nycthémère sont égales (paragraphe 1-1).
Le même phénomène se produit chez les mâles ce qui modifie de façon plus
importante leur profil d'activité (figure 20 b). En effet, en LD 12:12, les mâles de
A. tabida sont actifs 3 à 4 heures avant l'éclairement et atteignent une activité proche de
50% pendant l'heure qui précède l'apparition de la lumière : le passage entre la phase de
repos et le maximum d'activité, produit à 8 heures, est progressif (paragraphe 1-1 et 2-2).
Lorsque la photophase est allongée, cette anticipation s'estompe. Les mâles sont plus
dépendants de l'apparition de la lumière pour commencer leurs déplacements ce qui se
traduit, au moment de l'éclairement, par une brusque transition entre l'inactivité presque
totale et l'activité maximale.
Ces différences de profils induites par modification de la photopériode sont la preuve
qu'en LD 12:12 les individus n'arrivent pas à synchroniser leur activité avec le début de
l'éclairement. Tout se passe comme si la durée de la phase de repos, nocturne,
relativement fixe, et inférieure à 12 heures, détermine le départ de l'activité. En LD 12:12,
la scotophase est trop longue par rapport à cette phase de repos et tous les mâles plus un
certain nombre de femelles ne vont pas "attendre" l'arrivée de la lumière pour commencer
leur activité. En LD 16:8, la durée de la phase sombre est en accord avec la durée de
repos des insectes qui synchronisent alors leur activité avec le début de la photophase. La
phase d'inactivité serait plus longue chez les femelles, expliquant ainsi qu'en LD 12:12
un plus grand nombre d'individus commencent à être actifs en début de journée.
Figure 20 : aA. tabida femelles
Figure 20 : bA. tabida mâles
100
80
80
60
60
40
40
20
20
Activité %
100
0
0
0
4
8
12
16
Heures
20
24
0
4
8
12
16
Heures
20
24
Figure 20 : Courbe moyenne du rythme d'activité locomotrice de Asobara tabida sous
photopériode LD 16:8 (30 individus de chaque sexe suivis pendant 3 jours).
Cette expérience montre bien que deux types de facteurs interviennent dans la
détermination des profils d'activité : les facteurs endogènes (l'oscillation) et les facteurs
externes. L'expression du rythme endogène va pouvoir s'adapter aux facteurs
environnementaux, ici la photopériode, mais uniquement si ceux-ci ne s'écartent pas trop
des conditions habituelles rencontrées par les organismes. Pour A. tabida, seule la
61
Chapitre 3
photopériode LD 16:8 semble être en accord avec l'oscillation interne de cette espèce.
Cependant, les deux types de photopériodes (LD 12:12 et LD 16:8) arrivent toutes les
deux à entraîner le rythme endogène (de période inférieure à 24 h) qui s'exprime sous ces
conditions avec une période d'exactement 24 heures.
2-4 Conclusions
Les rythmes d'activité locomotrice des trois espèces étudiées persistent en absence
d'informations temporelles externes, preuve du déterminisme endogène de ces
phénomènes. Les insectes parasitoïdes présentent donc une horloge biologique qui leur
donne la notion du temps. La période de l'oscillation endogène est toujours légèrement
inférieure à 24 heures (rythmes circadiens). Sous photopériode, les rythmes d'activité,
entraînés par l'alternance jour-nuit, expriment une période d'exactement 24 heures.
3- Stabilité
naturelles
temporelle
des
souches
et
des
populations
Le suivi temporel des rythmes d'activité locomotrice a été réalisé à l'échelle de
l'élevage au laboratoire afin de vérifier si les souches ne perdaient pas certaines de leurs
caractéristiques après un nombre variable de générations (phénomène de dérive génétique
ou relâchement des pressions de sélection). Cette étude a également permis de confirmer
les résultats obtenus à partir d'une seule expérience.
Le même type de suivi a été entrepris à l'échelle de la population où les problèmes de
stabilité ont été étudiés entre années successives : la même population conserve-t-elle
annuellement les mêmes caractéristiques ou montre-t-elle une évolution, conséquence des
fortes réductions d'effectifs lors de la période défavorable (goulot d'étranglement
hivernal) ou d'une évolution des pressions sélectives de l'environnement ? Des réponses
à ces questions ont été recherchées chez L. heterotoma dont la population de Ste Foy a été
suivie pendant 4 années successives. Seules les femelles ont été prises en compte dans
cette étude.
3-1 Stabilité temporelle des souches élevées au laboratoire
Les résultats de 5 expérimentations réalisées au cours de l'année 1991 sur la souche
de L. heterotoma piégée à Ste Foy en 1989 (souche de référence) ont été comparés. Dans
tous les cas, les femelles montrent en moyenne un rythme d'activité très net. Seules les
courbes moyennes des rythmes ont été représentées (figure 21).
Quelle que soit la durée d'élevage au laboratoire, les femelles de L. heterotoma
montrent des rythmes d'activité locomotrice identiques. Dans tous les cas, on retrouve
une activité très faible exclusivement concentrée l'après-midi (figure 21). Cette similitude
des profils est confirmée par l'analyse des courbes par AFC. Aucune différence
significative n'a en effet été observée entre les coordonnées factorielles des cinq groupes
étudiés (tableau 3).
62
Caractérisation et diversité des rythmes
Figure 21
Figure 22
20
Activité %
15
20
19
1 17
8 16
15
14
F2 = 23 %
15/02/91
1/07/91
3/08/91
31/10/91
6/12/91
10
08
07
13
5
09
12
11
10
0
0
4
8
12
16
Heures
20
F1 = 32 %
24
Figure 21 : Courbe moyenne du rythme d'activité locomotrice des femelles de L. heterotoma
mesurées au cours de 5 expériences sur la souche Ste Foy 1989 après différentes durées d'élevage.
(30 individus suivis pendant 3 jours sous photopériode LD 12:12).
Figure 22 : Rythme d'activité locomotrice de L. heterotoma mesuré au cours de 5 expériences
sur la souche Ste Foy 1989. Résultats de l'analyse des profils par AFC. Carte factorielle réalisée
dans le plan F1 et F2. Pour chaque axe est donné le pourcentage d'inertie qu'il représente. Les
chiffres représentent les heures de la journée (photopériode LD 12:12, 8h-20h). Sont associés aux
ellipses les symboles de la figure 21 exception faite de l'ellipse du 1/07/91 qui une taille trop
petite.
Sur la carte factorielle (figure 22), les ellipses qui correspondent aux 5 expériences
sont chevauchantes, toutes concentrées vers les heures de l'après-midi (de 14 à 19
heures). La taille plus faible des ellipses des expériences du 1/07/91 et du 3/08/91 est
probablement la conséquence du nombre plus élevé d'individus conservés pour l'analyse
(tableau 3).
Date de
l'expérience
Taux d'activité
Profil du rythme
N
manip
Activité
(%)
Ecart type
%
N
afc
F1
Ecart type
F1
F2
Ecart type
F2
15 / 02 / 91
15
2,3
4,1
7
0,47
1,32
0,18
0,43
1 / 07 / 91
30
1,9
2,9
12
-0,15
0,08
0,04
0,68
3 / 08 / 91
30
2,2
4,4
12
-0,16
0,09
-0,25
0,63
31 / 10 / 91
30
1,1
2,8
9
0,43
1,74
-0,03
0,50
6 / 12 / 91
30
1,0
2,6
6
1,02
2,42
0,07
0,30
Tableau 3 : Rythmes d'activité locomotrice des femelles de L heterotoma (souche Ste Foy 1989)
mesurés au cours de 5 expériences après des durées variables d'élevage (de 1 à 2 ans). Mesures des taux
d'activité et analyse des profils des rythmes par AFC (coordonnées factorielles des deux premiers facteurs
de l'analyse, F1 et F2). Dans tous les cas, l'analyse de variance est non significative. L'effectif pour le
taux d'activité correspond au nombre total d'individus étudiés alors que celui des profils correspond au
nombre d'individus conservés pour l'AFC (chapitre 1).
63
Chapitre 3
Les variations de l'amplitude des courbes semblent refléter des différences dans la
quantité d'activité des femelles. L'analyse des taux d'activité (tableau 3) montre
cependant que ces variations entre expériences ne sont pas significatives (F = 1,02 ;
p = 0,40, analyse de variance après transformation angulaire). Une très forte variabilité
est en effet présente au sein de chaque groupe expérimental, certaines femelles étant
totalement inactives alors que d'autres montrent une activité locomotrice importante.
L'origine de ces différences peut être multiple du fait que ces insectes dépendent d'un
hôte pour leur développement. Aucune évolution de la quantité d'activité et du taux
d'individus inactifs n'a été observée en relation avec la durée d'élevage.
En résumé, il ressort de cette étude que l'élevage au laboratoire ne modifie pas les
principales caractéristiques des profils d'activité des femelles de L. heterotoma (quantité
d'activité et phase des profils). De même, il n'existe aucune variation saisonnière des
profils. L'obtention des mêmes rythmes lors de cinq expériences différentes confirme les
résultats obtenus sur cette espèce dans le premier paragraphe : le rythme des femelles de
L. heterotoma originaires de Ste Foy montre uniquement un pic d'activité de faible
amplitude, l'après-midi.
3-2 Stabilité temporelle des populations naturelles
Les femelles des 4 années étudiées ont été mesurées après une durée d'élevage au
laboratoire différente (tableau 4) qui, comme on vient de le voir, n'a pas d'effet sur les
rythmes d'activité. Seuls les individus de l'année 1992 ont été testés immédiatement après
la capture (après une génération d'élevage).
Les mêmes profils d'activité ont été obtenus pour les 4 années étudiées (figure 23).
En effet, quelle que soit l'année de capture, les femelles de L. heterotoma sont toujours
actives uniquement l'après-midi. L'analyse des profils par AFC montre que les petites
variations présentes entre courbes ne sont pas significatives (figure 24, tableau 4).
Chaque souche montre une variabilité interindividuelle importante, exceptée celle piégée
en 1991, beaucoup plus homogène (tableau 4).
Les différences d'amplitude des courbes (figure 23) ne sont également pas
significatives. Les taux d'activité mesurés pour les quatre années de piégeage ne sont, en
effet, statistiquement pas différents (F <1 ; analyse de variance après transformation
angulaire, tableau 4).
3-3 Conclusions
L'élevage au laboratoire ne modifie pas le rythme d'activité locomotrice des femelles
de L. heterotoma (souche Ste Foy 1989) qui montrent une très bonne stabilité temporelle,
les mêmes résultats ayant été obtenus à presque un an d'intervalle. Cette stabilité se
retrouve à l'échelle de la population entre années successives. L'organisation quotidienne
de l'activité des parasitoïdes est donc une caractéristique de la population qui évolue peu
64
Caractérisation et diversité des rythmes
malgré la présence d'une forte variabilité interindividuelle tant pour la quantité d'activité
que pour la phase des rythmes.
Figure 23
Figure 24
07
1989
1990
1991
1992
20
06
F2 = 23 %
Activité %
30
20
19
1 9 9 1 1516
1990
14 18
13
12
1 9 8 9 10
08
10
1992
10
09
0
0
4
8
12
16
Heures
20
24
F1 = 31 %
Figure 23: Suivi de la population de L. heterotoma Ste Foy pendant 4 années consécutives
(1989 à 1992). Courbes moyennes du rythme d'activité locomotrice des femelles suivies pendant 3
jours sous photopériode LD 12:12 (30 individus).
Figure 24 : Suivi de la population de L. heterotoma Ste Foy pendant 4 années consécutives
(1989 à 1992). Résultats de l'analyse des profils par AFC. Carte factorielle réalisée dans le plan F1
et F2. Pour chaque axe est donné le pourcentage d'inertie qu'il représente. Les chiffres représentent
les heures de la journée (photopériode LD 12:12, 8h-20h).
Année de
capture
Taux d'activité
Profil du rythme
N
manip
Activité
(%)
Ecart type
(%)
N
afc
F1
Ecart type
F1
F2
Ecart type
F2
1989
15
2,3
4,1
7
-0,30
1,14
-0,40
1,01
1990
19
3,3
5,3
12
-1,2
1,73
0,09
1,24
1991
19
4,4
4,5
15
0,04
0,31
-0,003
0,44
1992
30
4,5
5,8
19
-0,58
1,75
0,14
1,52
Tableau 4 : Rythmes d'activité locomotrice des femelles de L. heterotoma de la population de Ste Foy
suivie pendant 4 années consécutives (1989 à 1992). Mesures des taux d'activité et analyse des profils des
rythmes par AFC (coordonnées factorielles des deux premiers facteurs de l'analyse, F1 et F2). Dans tous
les cas, l'analyse de variance est non significative. L'effectif pour le taux d'activité correspond au nombre
total d'individus étudiés alors que celui des profils correspond au nombre d'individus conservés pour l'AFC
(chapitre 1).
65
Chapitre 3
4- Etude des rythmes d'émergence des parasitoïdes adultes
A la différence de l'activité locomotrice, les rythmes d'émergence n'ont de sens qu'à
l'échelle de la population, un individu n'étant à l'origine que d'une seule mesure. Ces
rythmes ont fait l'objet de très nombreuses études chez les insectes (Pittendrigh, 1966 ;
Saunders, 1982 ; Lankinen, 1986a), mais comme les rythmes d'activité, ils sont très peu
connus chez les parasitoïdes. La mesure des rythmes d'émergence des parasitoïdes de
drosophiles a pu être réalisée avec le même système que celui utilisé pour l'étude des
rythmes d'activité locomotrice (chapitre 2).
4-1 Protocole de mesure
Seules quelques modifications mineures ont été apportées au système pour étudier les
rythmes d'émergence. Les cellules d'expérimentation ont été considérablement réduites
car seule importait l'heure de sortie des adultes. La fabrication d'enceintes de 1 cm de
diamètre a permis de mesurer simultanément un grand nombre d'individus (448),
indispensable pour l'étude des rythmes de populations.
Des pupes parasitées ont été placées individuellement dans les cellules quelques jours
avant l'éclosion des parasitoïdes. L'heure d'émergence est enregistrée automatiquement
par le système lorsqu'une tache blanche est détectée dans l'enceinte, indication de la
présence d'un insecte en mouvement (Chapitre 2). En fin d'expérience, le sexe de chaque
individu a été déterminé.
Elevage et expérimentation ont été réalisés sous des conditions standard de
température (22°C) et de photopériode (LD 12:12). Seule l'espèce L. heterotoma (Ste
Foy, souche 1989) a été étudiée. Les individus utilisés pour les expérimentations sont
issus de pontes étalées sur 48 heures.
4-2 Résultats
Le nombre d'émergences horaires a été calculé pour les 5 jours de mesures,
séparément pour les deux sexes. Une nette différence de durée de développementapparait
sur la courbe entre mâles et femelles (Figure 25). Elle n'a cependant pas pu être estimée
car les sorties des tout premiers mâles n'ont pas été mesurés . Il semble néanmoins que
cette différence soit en parfait accord avec celles généralement citées, de l'ordre de 1 à 2
jours en fonction de la température (Nöstvik, 1954 ; Carton et al., 1986).
Mâles et femelles montrent un rythme d'émergence très net puisque les sorties
s'effectuent toujours au moment de l'apparition de la lumière (figure 25). Il est peu
probable que cette rythmicité soit la conséquence d'un éventuel rythme de ponte des
mères compte tenu de la variabilité de la durée du développement larvaire. Bien que cela
reste à démontrer, le rythme d'émergence des adultes est vraisemblablement le résultat
d'une oscillation endogène qui peut être ou non différente de celle qui détermine les autres
rythmes comportementaux. En effet, la quasi-absence d'émergences pendant la plus
grande partie du nycthémère suggère que l'éclosion des adultes n'est possible que
pendant quelques heures de la journée. Ce phénomène de tout ou rien appelé "gating
66
Caractérisation et diversité des rythmes
event" par Pittendrigh (1966), a été décrit chez de nombreuses espèces d'insectes
(Saunders, 1982). La nature endogène de ce rythme a été démontrée entre autres par
Pittendrigh et Skopik (1970). Tout se passe comme si les individus n'avaient que
quelques heures pour émerger ; s'ils ne l'ont pas fait pendant ce délai, ils doivent alors
attendre 24 heures supplémentaires pour sortir des pupes.
Nombre d'individus
40
Mâles
Femelles
30
20
10
20
8
20
8
20
8
Heures
20
8
20
8
20
Figure 25 : Rythme d'émergence des mâles et des femelles de L. heterotoma (Ste Foy) sous
photopériode LD 12:12.
A l'échelle de la journée, il semble que les mâles émergent légèrement avant les
femelles. Ceci n'apparaît pas très clairement sur la figure 25 à cause des différences de
durée de développement qui empêchent d'obtenir, le même jour, un nombre
d'émergences des deux sexes suffisamment important. Ce phénomène, dû à une ponte
peu étalée dans le temps, ne se produit probablement pas dans la nature.
100
Emergences cumulées %
Mâles
Femelles
80
60
40
20
0
4
6
8
Heures
10
12
Figure 26 : Emergences des mâles et des femelles de L. heterotoma (Ste
Foy). Pourcentages calculés en regroupant par heure l'ensemble des individus de
l'expérience (photopériode LD 12:12).
67
Chapitre 3
L'émergence plus précoce des mâles est confirmée par la figure 26 où les données
recueillies sur cinq jours ont été regroupées pour calculer un jour moyen. Les mâles sont
en effet légèrement en avance de phase par rapport aux femelles, l'écart étant
probablement inférieur à 1 heure.
Ce phénomène a été observé chez plusieurs autres espèces d'insectes parasitoïdes
(Kainoh, 1986 ; Hirose et al., 1988 ; Ruberson et al.,1988) et a été considéré par
Fagerström et Wiklund (1982) comme un mécanisme permettant d'augmenter la fitness
des individus. Selon ces auteurs, cette légère avance de l'émergence des mâles serait un
moyen permettant d'être présent au moment de la sortie des femelles, donc de maximiser
le nombre de femelles fécondées, en même temps que ces dernières minimisent le temps
qui sépare l'éclosion de la copulation.
4-3 Conclusions
Cette étude démontre l'existence, chez L. heterotoma, d'un rythme d'émergence qui
se traduit par des éclosions exclusivement matinales. En plus du temps de développement
plus court des mâles, ceux-ci, à l'échelle de la journée, émergent légèrement avant les
femelles, phénomène appelé protandrie journalière par Hirose et al. (1988) et qui permet
aux mâles d'être présents au moment où les femelles émergent de leurs hôtes.
5- Conclusions générales
Mise en évidence des rythmes d'activité des insectes parasitoïdes
Les quatre espèces de parasitoïdes étudiés, A. tabida, L. heterotoma, L. boulardi et
P. vindemmiae, expriment en LD 12:12 un rythme d'activité locomotrice très net qui se
traduit par une limitation de la locomotion à certaines heures de la journée : tous les
individus montrent une alternance définie de phases d'activité et de phases de repos.
Selon les espèces, l'activité locomotrice est exclusivement diurne (L. heterotoma, P.
vindemmiae, les femelles de A. tabida et les mâles de L. boulardi) ou peut également se
produire pendant la nuit (mâles de A. tabida et femelles de L. boulardi ).
Pour la plupart des espèces étudiées, mâles et femelles ont des rythmes d'activité
différents excepté pour P. vindemmiae pour qui les deux sexes sont actifs pendant toute
la phase diurne. Contrairement aux femelles dont les profils d'activité sont variables entre
espèces, les profils des mâles montrent des points communs notamment une nette
tendance à être actifs principalement en début de photophase. La correspondance entre ce
phénomène et l'émergence matinale des femelles suggère que l'activité des mâles soit liée
à leur activité sexuelle (recherche d'un partenaire). Tout laisse à penser en effet que la très
bonne concordance de phase observée chez L. heterotoma entre le rythme d'activité
locomotrice des mâles, actifs principalement en début de matinée, et l'émergence des
femelles, également matinale, favorise la rencontre des deux partenaires. Cette
68
Caractérisation et diversité des rythmes
synchronisation existe probablement chez les autres espèces dont l'émergence dans les
élevages a toujours été observée en début de photophase.
Chez L. heterotoma, les mâles émergent légèrement avant les femelles et montrent
une intense activité à proximité des pupes parasitées. Les femelles sont en général
fécondées dès leur émergence par un mâle en attente (observations personnelles). Chez
ces hyménoptères à reproduction parthénogénétique, les femelles peuvent produire une
descendance viable sans la présence d'un mâle et la recherche active d'un partenaire
sexuel n'est pas un préalable à la ponte. Il est probable que l'émergence précoce des
mâles ainsi que leur activité matinale soient un moyen d'augmenter les chances de
féconder des femelles. La vérification de ces hypothèses pourrait apporter de nouvelles
données pour la connaissance de l'évolution des stratégies reproductives chez les insectes
parasitoïdes.
Si l'activité des mâles peut être assimilée à la recherche d'un partenaire sexuel, il est
probable que celle des femelles soit à relier à la recherche d'hôtes à parasiter bien que les
mesures soient réalisées en absence de toute stimulation émanant des larves de
drosophiles. Les relations possibles entre activité locomotrice spontanée et activité
parasitaire ont été recherchées et les résultats obtenus feront l'objet du chapitre 6.
Nature circadienne des rythmes
La rythmicité de l'activité des parasitoïdes de drosophiles est en partie déterminée par
une composante endogène qui définit les phases d'activité et les phases de repos. La
persistance de la rythmicité en absence d'informations temporelles telles que la
photophase (expériences de libre cours) suggère en effet la présence d'une horloge
interne ou horloge biologique dont la période est toujours légèrement inférieure à 24
heures. Le fait que la période de l'oscillation endogène ne soit pas exactement égale à 24
heures est une preuve que les rythmes mesurés en libre cours ne sont pas induits par
d'autres facteurs périodiques liés à la rotation de la terre et non contrôlés (champ
magnétique terrestre, radiations cosmiques, activités humaines).
Dans les conditions naturelles, ces rythmes d'activité sont entraînés par les variations
périodiques de l'environnement et présentent une période exactement égale à 24 heures.
Cette modification de la période du phénomène ne correspond pas à un changement dans
le déterminisme de ces rythmes (remplacement des facteurs endogènes par des facteurs
exogènes) qui sont le résultat de l'interaction des deux composantes endogène et
environnementale : les rythmes d'activité sont modulés par les facteurs de
l'environnement. Cette interaction a été mise en évidence chez A. tabida en faisant varier
la photopériode. Alors qu'en LD 16:8 les individus commencent tous leurs déplacements
au moment de l'apparition de la lumière, cette activité débute en fin de nuit en LD 12:12.
Cette observation est en accord avec la phénologie de cette espèce (Hardy et Godfray,
1990) qui est présente dans la nature lorsque les nuits sont de courte durée (juin et juillet).
Il est probable que cette rythmicité endogène soit un facteur qui détermine en grande
partie l'organisation temporelle de l'activité des insectes parasitoïdes dans la nature.
L'intervention de facteurs endogènes dans les rythmes d'activité exprimés dans la nature
69
Chapitre 3
a été observée chez plusieurs espèces d'insectes. Par exemple, Brady et Crump (1978)
ont estimé que, dans les conditions naturelles, près de 80 % du profil d'activité des
mouches tsé tsé, Glossina morsitans, est déterminé par des facteurs endogènes. Le même
type de résultat a été observé sur la coccinelle Coccinellaseptempunctata dont le rythme
circadien endogène joue un rôle plus important dans la détermination des profils d'activité
de recherche des proies que l'état nutritionnel (Nakamuta, 1987). Cependant, bien qu'il
ne fasse maintenant aucun doute que la synchronisation des activités biologiques avec les
variations de l'environnement n'est pas due à une simple réaction directe à certains stimuli
externes, l'intervention de facteurs environnementaux n'en reste pas moins possible. Les
conditions lumineuses (Allemand, 1977), la température (Cardé et al., 1975) et de
nombreux facteurs biotiques tels que la nourriture ou l'insémination (Jones et Gubbins,
1978) peuvent modifier l'expression des rythmes d'activité. L'effet de certains de ces
facteurs sur les rythmes d'activité locomotrice des parasitoïdes de drosophiles sera étudié
dans le chapitre 5.
La nécessité d'un mécanisme endogène dans la détermination des rythmes d'activité a
été démontrée seulement dans quelques cas comme par exemple les insectes qui
s'orientent par rapport au soleil et qui doivent constamment modifier l'angle de leur
trajectoire au cours du temps (Hoffmann, 1971). Mis à part ces cas bien particuliers,
l'explication avancée consiste à considérer l'oscillation endogène comme un processus
permettant aux organismes de se préparer à réaliser une action afin de synchroniser leur
activité avec certains facteurs périodiques de l'environnement (activité des autres
individus de la population par exemple). Ce phénomène d'anticipation permet d'ajuster de
façon optimale une séquence comportementale aux variations périodiques de
l'environnement (Enright, 1970 ; Daan, 1981).
Les mécanismes physiologiques qui gouvernent les rythmes d'activité ne sont pas
connus avec précision. Les connaissances actuelles semblent indiquer que les rythmes
comportementaux ont plutôt un fonctionnent de type neurophysiologique (Brady, 1974 ;
Saunders, 1982) qui met en jeu deux éléments essentiels : le ou les oscillateur(s), groupe
particulier de cellules du cerveau dont la fonction est assimilée à celle d'une horloge, et
les photorécepteurs responsables de l'entraînement du rythme. Le nombre et la
localisation de ces oscillateurs ainsi que la nature exacte des photorécepteurs font l'objet
de la plupart des études chronobiologiques dont le principal objectif est l'établissement
d'un modèle unique expliquant la rythmicité de la plupart des comportements. Cependant,
des résultats divergents sont souvent obtenus en fonction des auteurs et des espèces
étudiées. Chez les blattes et les criquets, les oscillateurs qui gouvernent les rythmes
d'activité seraient situés dans les lobes optiques et les photorécepteurs plutôt localisés au
niveau des yeux composés (Page, 1978 ; Colwell et Page, 1990). La voie nerveuse
semble le mécanisme utilisé pour le fonctionnement de ces rythmes même si l'intervention
de processus endocrines a été évoquée par certains auteurs (Harker, 1956). Les
mécanismes neuro-endocrines sont plutôt à la base des rythmes de développement tels
que les rythmes d'émergence (Truman, 1971).
70
Caractérisation et diversité des rythmes
Diversité des rythmes d'activité des femelles
L'étude de plusieurs espèces de parasitoïdes met en évidence une importante diversité
des rythmes d'activité chez les femelles. Sur les quatre espèces mesurées, aucune ne
montre un rythme d'activité similaire. Les femelles d'A. tabida sont très actives,
principalement en début de photophase, alors que les deux espèces du genre Leptopilina
sont beaucoup moins actives : L. heterotoma se déplace uniquement l'après-midi alors
que L. boulardi montre une activité maximale en début de nuit. L'activité des femelles de
P. vindemmiae est répartie sur toute la durée de la photophase ce qui produit une sorte de
profil en plateau à la différence des profils d'activité des autres espèces caractérisés par
des pics d'activité.
Les différences observées entre espèces concernent aussi bien la quantité d'activité
que sa répartition au sein du nycthémère (profil d'activité), deux paramètres qui ont été
traités séparément et qui correspondent probablement à des réponses comportementales
différentes. Plusieurs hypothèses peuvent être avancées pour expliquer ces différences
dont la plupart s'inscrivent dans le cadre des relations comportementales entre hôtes et
parasitoïdes.
Quantité d'activité locomotrice : chez les insectes parasitoïdes, de très nombreuses
études ont été réalisées au sujet des mécanismes comportementaux mis en œuvre lors de
la recherche, la localisation et la sélection des hôtes (voir Vinson, 1984 pour une revue).
Ces mécanismes sont bien connus chez les parasitoïdes de drosophiles et différentes
stratégies ont été mises en évidence selon des groupes taxonomiques considérés (Van
Alphen et Vet, 1986). Les espèces du genre Leptopilina (Dicke et al., 1984 ; Vet, 1985)
comme celles du genre Asobara (Galis et Van Alphen, 1981 ; Vet et al., 1984a) utilisent
pour rechercher leurs hôtes les odeurs de fermentation alcoolique (odeurs de l'habitat des
larves de drosophiles) ainsi que celles produites par les hôtes eux mêmes (kairomones).
Cependant, une fois en présence de larves, les premières trouvent leurs hôtes en sondant
le substrat au hasard avec leur ovipositeur (Vet et Bakker, 1985) alors que les secondes
sont capables de les localiser grâce aux vibrations que ceux-ci produisent dans le substrat
(Vet et Van Alphen, 1985). Il est possible que les différences de quantité d'activité
mesurées dans nos conditions expérimentales entre A. tabida et les deux espèces du genre
Leptopilina soient la conséquence de ces différences de comportement.
D'autres facteurs comportementaux tels que la motivation à rechercher des hôtes
(variable en fonction de l'état ovarien des femelles), la recherche de nourriture ou une
réaction différentielle aux enceintes d'expérimentation peuvent également intervenir dans
les différences observées.
Profils d'activité locomotrice: la diversité des profils d'activité des femelles est
probablement une indication de l'importance du rôle des rythmes d'activité dans la vie des
parasitoïdes. Les données bibliographiques existantes au sujet des comportements des
espèces étudiées ne permettent pas de formuler des hypothèses précises expliquant cette
très forte variabilité des profils. Toutes les explications connues au sujet du rôle
écologique des rythmes circadiens d'activité sont donc envisageables. Les différences
observées chez les femelles parasitoïdes reflètent-elles des réponses différentes à la
périodicité des facteurs abiotiques de l'environnement (lumière, température, humidité)
71
Chapitre 3
ou sont elles la conséquence des relations interspécifiques qui régissent les associations
parasitaires ?
Les résultats obtenus suggèrent un rôle des rythmes d'activité dans les relations hôteparasitoïde. En effet, les parasitoïdes qui infestent les larves (A. tabida, L. heterotoma et
L. boulardi) montrent tous une activité limitée dans le temps avec un ou plusieurs pics
d'activité alors que ceux inféodés aux pupes (P. vindemmiae) ont une activité pendant
toute la durée de la photophase (plateau). Ce type de profils en plateau a également été
observé chez les Trichogrammes, parasitoïdes qui infestent les œufs de nombreuses
espèces d'insectes (Pompanon et al., 1993 ; Fleury et al., 1993). Il est tentant d'associer
ces différents types de profils (pic et plateau) aux différents types d'hôtes infestés
(mobiles et immobiles), les parasitoïdes de larves nécessitant une très bonne
synchronisation avec un éventuel rythme des hôtes qui déterminerait leur disponibilité au
cours de la journée. Les profils en plateau des parasitoïdes d'hôtes immobiles seraient à
l'inverse le résultat de la stabilité temporelle de la disponibilité des hôtes qui restent
accessibles quelle que soit l'heure de la journée. Sous cette hypothèse, les différences de
profils observées entre espèces de parasitoïdes larvaires pourraient être liées aux
différentes stratégies de détection des hôtes (chapitre 1) qui nécessitent plus ou moins
selon les espèces une activité des larves (Vet et Van Alphen, 1985 ; Vet et Bakker,
1985). Il est en effet probable que A. tabida, qui détecte ses hôtes par vibrotaxie, soit
beaucoup plus dépendante de l'activité des larves de drosophiles que les espèces du genre
Leptopilina, qui n'utilisent pas ou peu ce mécanisme de détection.
L'intervention des rythmes d'activité dans les relations entre parasitoïdes est
également possible et sera envisagée dans le chapitre 6. La diversité des profils serait
alors à rechercher dans les relations de compétitions entre espèces qui partagent les
mêmes hôtes.
Avant de rechercher la signification écologique des rythmes d'activité qui permettrait
d'expliquer cette diversité, des études génétiques ont été entreprises afin de déterminer si
les rythmes peuvent être l'objet de processus sélectifs. La très bonne stabilité temporelle
des profils d'activité de L. heterotoma pendant quatre années successives contraste avec
les fortes variations interindividuelles mesurées au cours des expériences : soit cette
variabilité est d'origine environnementale, soit cette variabilité est en partie déterminée
génétiquement et se pose alors la question des mécanismes responsables de cette stabilité
entre années successives.
72
Chapitre 4
Analyse génétique des rythmes d'activité
locomotrice et de la capacité d'infestation des
femelles chez L. heterotoma
La génétique des rythmes circadiens a surtout abordé les aspects moléculaires de ces
phénomènes avec la découverte, chez divers organismes (Neurospora, Chlamydomonas
et Drosophila), de mutations affectant les propriétés de base des rythmes biologiques telle
que la période endogène (Bruce, 1972 ; Feldman, 1982 ; Konopka, 1987 ; Dunlap,
1990 ; Hall, 1990). La plupart de ces études ont été inspirées par les travaux de
Konopka et Benzer (1971) qui ont découvert par mutagenèse trois types de mutants pour
la période circadienne du rythme d'émergence des drosophiles (gène "per") : des
individus qui, en libre cours, ont un rythme d'éclosion à courte période (19 heures), des
individus à période longue (28 heures) et d'autres complètement arythmiques. Ces
mutations affectent également la période endogène du rythme d'activité locomotrice et ne
concernent qu'un seul gène situé sur le chromosome X. Ces travaux, très utiles pour la
compréhension des mécanismes moléculaires et biochimiques du fonctionnement des
rythmes d'activité (Dunlap, 1990 ; Hall et Kyriacou, 1990), ont un intérêt écologique et
évolutif limité. La période endogène ne s'exprime en effet qu'en conditions de libre cours
(absence de facteurs d'entraînement) très rarement réalisées dans la nature.
L'aspect populationnel de la génétique des rythmes d'activité a été peu étudié et les
connaissances dans ce domaine restent limitées (Konopka, 1981). Des rythmes d'activité
différents entre et dans les populations naturelles ont néanmoins été mis en évidence pour
plusieurs espèces d'organismes, variations dont l'analyse a révélé dans la plupart des cas
un déterminisme génétique.
Chez les insectes, les rythmes d'émergences des adultes peuvent montrer de fortes
variations entre populations. Pour plusieurs espèces de diptères par exemple, des
différences de phases (heures d'émergence), déterminées génétiquement, ont été
mesurées en relation avec l'origine géographique des souches (Neumann, 1967 ;
Coluzzi, 1972 ; Lankinen, 1986 a et b). Dans la plupart des cas, ces différences ont été
reliées à des variations des facteurs du milieu suggérant une adaptation des rythmes
d'émergence aux conditions environnementales locales (Neumann, 1967 ; Lankinen,
1986a). Les populations naturelles de drosophiles montrent également des variations
génétiques pour le rythme de ponte des femelles (Allemand et David, 1976 ; Allemand et
73
Chapitre 4
al., 1984). Chez Drosophilamelanogaster, une analyse fine des variations observées
entre souches de laboratoire a mis en évidence un déterminisme polygénétique des profils
avec un effet significatif des trois principales paires de chromosomes (Allemand et David,
1984).
Chez les schistosomes, trématodes parasites des mammifères et agents de la
bilharziose chez l'homme, des races chronobiologiques distinctes ont été décrites
(Théron, 1980). Les cercaires des souches guadeloupéenne et brésilienne de Schistosoma
mansoni sortent de leur hôte intermédiaire (mollusque) avec respectivement un pic
d'émission précoce et tardif. La nature génétique de ces variations a été démontrée par des
croisements réciproques qui ont été à l'origine d'une souche hybride montrant un rythme
d'émission avec deux pics, l'un précoce, l'autre tardif (Théron et Combes, 1983). Ces
différences seraient à relier à la spécificité de ces parasites qui n'infestent qu'une gamme
très limitée d'hôtes.
L'existence de variations génétiques entre individus appartenant à la même population
a été démontrée pour plusieurs types de rythmes, le plus souvent par des expériences de
sélection artificielle. Le rythme d'émergence des drosophiles (Pittendrigh, 1967 ;
Clayton et Paietta, 1972) ainsi que leur rythme de ponte (Allemand et al., 1984 ;
Allemand, 1991) répondent à la sélection. L'obtention, à partir d'individus issus de la
même population, de lignées à rythmes d'activité différents prouve l'existence d'un
"polymorphisme" des caractères étudiés (phase ou forme du profil). La présence de telles
variations dans la nature a été observée dans une population de schistosomes où
coexistent deux variants chronobiologiques pour les pics d'émission des cercaires
(Théron et Combes, 1988).
Le rythme d'activité locomotrice des drosophiles adultes présente également des
variations interindividuelles dont le déterminisme génétique a été démontré par des
analyses de fratries (Allemand et al., 1989). Non seulement la forme du profil mais
également la période circadienne endogène du rythme montrent des variations génétiques
entre individus issus d'une même population.
L'analyse génétique des rythmes d'activité des parasitoïdes de drosophiles a été
réalisée sur les femelles de L. heterotoma, espèce à large répartition géographique
(Chapitre 1).
Dans un premier temps, l'existence de variations génétiques entre populations
naturelles a été recherchée.
Ensuite, la variabilité entre individus de la même population a été analysée pour
plusieurs caractéristiques des rythmes. Ces études n'ont pas uniquement concerné les
rythmes d'activité locomotrice mais, dans la plupart des cas, la capacité d'infestation des
femelles a également été mesuré en parallèle afin d'essayer de relier le rythme d'activité
locomotrice à l'activité parasitaire des femelles.
74
Analyse génétique des rythmes
1- Variabilité des rythmes d'activité et de la capacité
d'infestation des femelles entre populations de L. heterotoma
L'espèce L. heterotoma s'est adaptée à de multiples conditions environnementales
(Carton et al., 1986) puisque elle est présente du nord de l'Europe (Suède) jusqu'au sud
du bassin méditerranéen (Afrique du Nord). En incluant la population de Ste Foy-lèsLyon, déjà décrite dans le chapitre 3, cinq populations d'origines géographiques
différentes ont été étudiées (chapitre 1) : deux populations méditerranéennes (Antibes et
Tunisie) ; une population du nord de l'Europe piégée en Hollande ; enfin une seconde
population lyonnaise a été étudiée (Fontaines St Martin) afin de vérifier si la très faible
activité de la population de Ste Foy (chapitre précédent) est réellement une caractéristique
des populations naturelles de la région.
Les femelles de ces cinq populations ont été comparées pour les deux caractères
mesurés sur les rythmes : profil d'activité et taux d'activité. Dans tous les cas, les
comparaisons ont été réalisées à partir d'expériences comportant 30 répétitions pour
chacun des groupes de femelles. Les individus ont été suivis pendant plusieurs jours et
montrent un rythme d'activité très net ; seules les courbes moyennes du rythme seront
représentées.
L'étude de la capacité d'infestation des femelles n'a été réalisée que sur les
populations de Tunisie et de Ste Foy. La population de Fontaines-St Martin sera appelée
pour plus de commodité St Martin.
1-1 Profils d'activité
De très fortes différences de profils existent entre populations de L. heterotoma
(figure 27). Parmi les 5 populations étudiées, les deux populations lyonnaises s'opposent
nettement à celles d'Antibes et de Tunisie, les femelles originaires de Hollande étant plus
difficiles à classer.
Populations lyonnaises
La population originaire de St Martin montre un profil d'activité identique à celui de
Ste Foy-lès-Lyon ce qui confirme les résultats obtenus dans le chapitre 3. Les femelles de
la région lyonnaise sont donc actives exclusivement l'après-midi avec un maximum aux
alentours de 15-16 h ce qui leur confère un rythme d'activité de type unimodal.
Populations méditerranéennes
Mise à part la quantité d'activité très différente qui sera analysée dans le paragraphe
suivant, les populations d'Antibes et de Tunisie se distinguent des populations lyonnaises
par un profil de type bimodal. En début de photophase, ces femelles montrent un pic
d'activité qui s'ajoute à celui présent l'après-midi.
75
Chapitre 4
La nature circadienne de ce rythme bimodal a été démontrée pour la souche tunisienne
par des expériences de libre cours (figure 28) : les femelles conservent leurs deux pics
d'activité en absence totale de facteurs d'entraînement (obscurité permanente). Ce pic
matinal ne correspond donc pas à une simple réaction à l'apparition soudaine de lumière
due à une plus forte sensibilité à l'éclairement de cette souche. Compte tenu des résultats
de libre cours obtenus sur la souche de Ste Foy dont le profil unimodal persiste à
l'obscurité (paragraphe 2-1, chapitre 3), ces expériences démontrent bien l'existence de
deux profils différents entre les populations lyonnaises et méditerranéennes, l'un
unimodal, l'autre bimodal.
Au cours des différentes expériences réalisées sur la souche tunisienne, il est apparu
que la phase de ce premier pic d'activité n'était pas très bien établie. Certaines femelles
montrent en effet un premier pic d'activité en début de photophase alors que d'autres sont
actives juste avant l'apparition de la lumière. Ces différences ne sont pas dues à des
conditions d'expérimentation variables puisque, au sein d'une même expérience réalisée
en LD 12:12 (lumière de 8 à 20 heures), certaines femelles montrent un premier pic à 7
heures, d'autres à 8 heures (figure 29). Certains individus sont plus difficilement
définissables avec un pic soit à 7 soit à 8 heures (figure 29), pour d'autres encore, ce
premier pic est presque inexistant (pic non exprimé). Le pourcentage de ces quatre
catégories de femelles est donné dans le tableau 5 pour l'ensemble des expériences
réalisées sur la souche tunisienne. La proportion de femelles avec un premier pic
d'activité à 8 heures varie ce qui explique qu'en fonction des expériences, les courbes
d'activité quotidienne de cette souche puissent montrer un profil bimodal avec un premier
pic soit à 7 heures soit à 8 heures.
Date
N
7 heures
7-8 heures
8 heures
non exprimé
15.02.91
15
0
0
100
0
15.07.91
20
10
10
40
40
02.09.91
30
20
43
17
20
30.09.91
30
67
3
7
23
18.11.91
60
3
0
27
70
29.11.91
30
7
7
33
53
13.12.91
105
3
7
42
48
28.12.91
30
10
17
45
28
24.01.92
120
17
21
33
29
28.02.92
30
17
20
13
50
03.07.92
30
40
17
23
20
17.09.92
24
4
25
46
25
Tableau 5 : Variabilité de l'heure du premier pic d'activité des femelles de Leptopilina heterotoma
(souche tunisienne). Pour chaque expérience sont donnés les pourcentages des individus des quatre
catégories : premier pic à 7 heures, à 8 heures, à 7 ou 8 heures selon les jours considérés ou non exprimé.
76
Analyse génétique des rythmes
40
40
St MARTIN
Activité %
Ste FOY-LES-LYON
30
30
20
20
10
10
0
0
0
4
8
12
16
20
24
0
40
8
12
16
20
24
12
16
20
24
40
ANTIBES
Activité %
4
TUNISIE
30
30
20
20
10
10
0
0
0
4
8
12
16
20
24
0
4
8
Heures
Heures
40
HOLLANDE
Activité %
30
20
10
0
0
4
8
12
16
20
24
Heures
Figure 27 : Courbes moyennes des rythmes d'activité locomotrice des femelles de 5 populations
de Leptopilina heterotoma. Chaque courbe représente la moyenne de 30 femelles suivies pendant 3
jours en LD 12:12.
77
Chapitre 4
100
Activité %
80
60
40
20
0
8
20
8
20
8
20
8
20
8
20
8
20
20
8
20
8
20
8
20
8
20
8
20
8
20
20
8
20
8
20
8
20
8
20
8
20
8
20
20
Activité %
100
80
60
40
20
0
Activité %
100
80
60
40
20
0
Heures
Figure 28 : Rythmes d'activité locomotrice de trois femelles de la souche tunisienne de
Leptopilina heterotoma. Mesure de l'activité pendant 3 jours sous photopériode LD 12:12 puis 3
jours à l'obscurité permanente. Ces femelles montrent un profil d'activité bimodal qui persiste en
libre cours.
78
Analyse génétique des rythmes
En ce qui concerne le second pic d'activité (pic de l'après-midi), il semble exister une
différence de phase entre les populations lyonnaises, actives au milieu de l'après-midi, et
les populations méditerranéennes, beaucoup plus tardives (activité en fin d'après-midi).
En effet, à 16 heures, les souches de St Martin et de Ste Foy ont déjà réalisé leur
maximum d'activité alors que les souches d'Antibes et de Tunisie ne sont encore qu'au
début de leur seconde phase d'activité dont le maximum va être atteint vers 17-18 heures
(figure 27). Ce retard correspond à un déphasage de l'ordre de 2 à 3 heures. Ce résultat
mérite cependant confirmation du fait que l'activité plus précoce des populations
lyonnaises ne se retrouve pas pour toutes les années étudiées (paragraphe 3-2,
chapitre 3).
Activité %
100
a
80
60
40
20
0
20
Activité %
100
20
8
20
8
20
8
20
8
20
8
20
8
20
8
20
8
20
8
20
8
20
8
20
b
80
60
40
20
0
20
100
Activité %
8
c
80
60
40
20
0
20
Heures
Figure 29 : Variabilité interindividuelle des rythmes d'activité des femelles tunisiennes de
L. heterotoma. En LD 12:12, l'heure du premier pic d'activité est variable. Parmi les femelles d'une
même expérience, certaines ont un pic d'activité avant l'apparition de la lumière à 7 heures (a),
d'autres au moment de l'éclairement à 8 heures (b), d'autres encore sont plus difficiles à classer avec
un premier pic d'activité soit à 7 heures, soit à 8 heures en fonction du jour considéré (c).
Population hollandaise
La souche hollandaise, de par une activité plus forte, semble à première vue se
rapprocher du profil méditerranéen. Un pic matinal plus faible que celui des souches
d'Antibes et de Tunisie ainsi qu'un second pic dont la phase est du même ordre que celle
des souches Ste Foy et St Martin (environ 15 heures) conduisent cependant à rapprocher
les femelles hollandaises des femelles lyonnaises.
79
Chapitre 4
Le rapprochement entre les souches hollandaise et lyonnaises ainsi que les différences
de profils entre populations du sud (méditerranéennes) et du nord (lyonnaises et
hollandaise) trouvent confirmation après analyse des profils d'activité par AFC. Cette
analyse a été réalisée après élimination des heures d'inactivité qui correspondent en
grande partie à la scotophase (de 21 h à 5 h, voir chapitre 1).
La carte factorielle réalisée à partir des deux premiers facteurs de l'analyse montre
très bien les différences entre les populations méditerranéennes et les populations plus
septentrionales (figure 30). L'axe F1 de l'analyse est le plus discriminant et oppose, par
des valeurs négatives, les individus actifs en début et fin de photophase (profils
bimodaux des souches de Tunisie et d'Antibes) aux individus actifs essentiellement
l'après-midi, caractérisés par des valeurs positives pour l'axe F1 (souches de Hollande,
Ste Foy et St Martin). Les heures qui contribuent le plus à la définition de ce premier
facteur sont les heures 8, 9, 14 et 15. L'axe F2 détermine, parmi les profils unimodaux,
des différences de phases et discrimine, parmi les profils bimodaux, les individus dont la
proportion relative des deux pics est différente. Les différences de coordonnées
factorielles entre d'une part les populations méditerranéennes et d'autre part les
populations lyonnaises et hollandaise sont significatives pour les deux axes de l'analyse
(tableau 6).
06
20
19
F2 = 21 %
07
18
Tunisie
17
16
Ste Foy
Antibes
15
08
14
St Martin 13
09
11
Hollande
12
10
F1 = 23 %
Figure 30 : Rythmes d'activité locomotrice de 5 populations de Leptopilina
heterotoma. Analyse des profils par AFC. Carte factorielle réalisée dans le plan F1 et
F2 de l'analyse (pour chaque axe est donné le pourcentage d'inertie qu'il représente).
Les chiffres indiquent les heures de la journée (photopériode LD 12:12, lumière de 8h
à 20h).
L'AFC démontre également la similitude des profils d'activité entre populations
lyonnaises et hollandaise, même si les femelles appartenant à cette dernière population
présentent une légère activité en début de photophase. Les ellipses représentant ces trois
souches se superposent et aucune différence significative n'est observée dans les
moyennes des coordonnées factorielles (tableau 6). L'analyse du troisième facteur de
l'AFC ne change en rien ces conclusions (pas de différences significative pour ce facteur
entre les populations lyonnaises et hollandaise, p = 0,47). La plus forte variabilité
80
Analyse génétique des rythmes
observée pour la souche St Martin est due à un nombre plus faible d'individus conservés
pour l'analyse (tableau 6, voir chapitre 1).
Enfin, en comparant les heures associées aux ellipses représentatives de chaque
population, cette analyse semble également démontrer que les phases du pic de l'aprèsmidi sont différentes entre les deux groupes de populations (axe F2, figure 30 et tableau
6). Les souches méditerranéennes montrent bien, l'après-midi, un pic d'activité plus
tardif (vers 18 h sur la carte factorielle) que les autres populations, interprétation possible
sachant que les heures 12, 13, 18 et 19 contribuent d'une façon importante à définir de
deuxième facteur.
F1
HOLLANDE
Ste FOY-LES-LYON
St MARTIN
ANTIBES
TUNISIE
F2
N
m
s
m
s
19
19
7
26
29
.373 a
.495 a
.329 a
-.072b
-.154b
.363
.602
.230
.396
.445
-.140a
-.082a
-.260a
.091 ab
.209 b
.465
.476
.652
.465
.418
Tableau 6 : Analyse des rythmes d'activité des femelles de 5 populations de L. heterotoma par AFC.
N = nombre d'individus pris en compte dans l'analyse, m = moyenne, s = écart-type. Les moyennes
significativement différentes à 5% portent des lettres différentes.
1-2 Taux d'activité
Les indices calculés pour chaque population sont présentés dans le tableau 7. Des
valeurs identiques sont obtenues pour les deux souches lyonnaises (St Martin et Ste Foy)
qui montrent toutes les deux une très faible activité (environ 1% des relevés). Ceci
démontre que, dans nos conditions expérimentales, la très faible activité des femelles de
L. heterotoma d'origine lyonnaise est véritablement une caractéristique des populations
de cette région. Contrairement aux profils d'activité, la souche hollandaise se distingue
nettement des deux souches lyonnaises par un taux moyen d'activité beaucoup plus élevé.
HOLLANDE
Ste FOY-LES-LYON
St MARTIN
ANTIBES
TUNISIE
N
moy. (en %)
Min.
Max.
Ecart type
30
30
30
30
30
6.3
1.0
0.9
11.4
7.1
0
0
0
0.3
0.8
28.5
13.4
7.2
31.2
23.3
7.6
2.6
1.9
8.1
5.3
Tableau 7 : Taux d'activité journalier des femelles des 5 populations de L. heterotoma.
81
Chapitre 4
Cette activité plus importante concerne également les deux populations
méditerranéennes, la souche originaire de Tunisie étant un peu moins active que la souche
d'Antibes. Dans tous les cas, il faut noter la présence d'une très forte variabilité à
l'intérieur des populations étudiées (tableau 7).
Malgré l'existence de populations à taux d'activité plus élevé que les populations
lyonnaises, L. heterotoma reste en moyenne une espèce peu active comparée à A. tabida
(chapitre 3).
1-3 Capacité d'infestation
La capacité d'infestation des femelles dont les rythmes d'activité locomotrice sont
différents a été étudié pour les populations lyonnaise (Ste Foy) et tunisienne de
L. heterotoma. Le degré d'infestation et le succès parasitaire (chapitre 1) ont été mesurés
quotidiennement sur 20 femelles suivies pendant les 5 premiers jours de leur vie
imaginale. Chaque jour, une centaine de larves saines étaient disponibles.
Degré d'infestations (DI)
100
France (Ste Foy)
Tunisie (Nasrallah)
80
(0,91)
(0,88)
(0,85)
(0,91)
60
(0,79)
(0,92)
40
(0,64)
20 (0,93)
(0,57)
(0,65)
0
0
1
2
4
5
Jours 3
Figure 31 : Capacité d'infestation des populations lyonnaise et tunisienne de
L. heterotoma. Mesure du degré d'infestation quotidien pendant les 5 premiers jours de vie
des femelles (moyenne de 20 individus dans chaque groupe). Les barres verticales
représentent les erreurs standard. Entre parenthèses est donnée pour chaque moyenne la
valeur du succès parasitaire.
Une différence très importante de capacité d'infestation a été observée entre les deux
souches. Les femelles tunisiennes infestent quotidiennement un nombre de larves environ
deux fois plus élevé que les femelles françaises (figure 31). Les infestations, faibles pour
les deux souches le premier jour, atteignent rapidement plus de 70% chez les femelles
tunisiennes alors que les femelles françaises parasitent en une seule journée rarement plus
des 40% de larves disponibles. Compte tenu de la forte valeur des succès parasitaires
(figure 31), il est probable que cet écart reflète une fécondité totale très différente entre les
femelles de ces deux souches. Les différences de succès parasitaire observées pour les
premiers jours de mesures sont probablement la conséquence des faibles degrés
d'infestation des femelles françaises (voir chapitre 1).
82
Analyse génétique des rythmes
1-4 Conclusions
Chez L. heterotoma, il existe une grande variabilité du rythme d'activité des femelles.
Parmi les cinq populations étudiées, deux groupes peuvent être distingués en ce qui
concerne les profils d'activité, trois si l'on prend en compte la quantité d'activité. Les
populations méditerranéennes (Antibes et Tunisie) montrent une organisation temporelle
bimodale avec deux nets pics d'activité au moment de l'éclairement et juste avant
l'extinction. Les populations plus septentrionales présentent une activité matinale très
faible ou inexistante et montrent principalement un pic d'activité au milieu de l'aprèsmidi. Les populations lyonnaises se différencient de la population hollandaise par un taux
d'activité beaucoup plus faible.
Cette différence d'organisation temporelle de l'activité s'accompagne d'une différence
de capacité d'infestation : les femelles tunisiennes infestent beaucoup plus d'hôtes que
les femelles françaises. Il est intéressant de noter dès à présent une correspondance entre
le taux d'activité et le nombre d'hôtes parasités. Les femelles qui sont les plus actives
sont celles qui pondent le plus (femelles tunisiennes). Cette relation entre activité et
fécondité sera développée dans le chapitre 6.
2- Analyse génétique des différences entre les souches
française (Ste Foy) et tunisienne (Nasrallah) de L. heterotoma
L'analyse génétique des variations des rythmes d'activité a été réalisée sur les
souches lyonnaise (Ste Foy) et tunisienne (Nasrallah) de L. heterotoma. Seuls les
rythmes d'activité des femelles ont été étudiés, les mâles français et tunisiens ne
présentant de différences ni pour les profils, ni pour le taux d'activité.
Du fait de la très forte différence de potentiel d'infestation observée entre les femelles
des deux souches et compte tenu de l'importance de ce caractère dans l'efficacité
parasitaire de ces insectes, l'analyse génétique a également concerné le degré d'infestation
et le succès parasitaire qui ont été mesurés parallèlement à l'activité locomotrice. Les
résultats obtenus pour le degré d'infestation et le succès parasitaire ont été exposés
préalablement à l'étude génétique des rythmes d'activité puisqu'ils permettent de mesurer
l'interfertilité des deux souches.
2-1 Protocole expérimental
Deux croisements successifs ont été effectués. Des croisements réciproques entre les
souches française et tunisienne ont permis d'obtenir deux types d'hybrides (femelles
F1) : une lignée d'origine maternelle française et une lignée d'origine maternelle
tunisienne. Le potentiel d'infestation des femelles (mères) croisées avec un mâle d'une
autre origine a été mesuré afin de vérifier l'interfertilité des deux souches. Pour cela, les
croisements ont été réalisés à partir de 50 couples (50 couples "femelle française par mâle
tunisien" et 50 couples "femelle tunisienne par mâle français"). Les degrés d'infestation,
le succès parasitaire et la sex-ratio de la descendance ont été mesurés sur des femelles
restées 48 heures en présence d'une centaine de larves. Ces valeurs ont été comparées à
83
Chapitre 4
celles mesurées sur 20 couples des souches témoins (tunisienne et lyonnaise). Les
femelles hybrides F1 ont été obtenues à partir de ces infestations.
A partir des F1, des back-cross ont été réalisés. Cependant, seuls les back cross
consistant à croiser les femelles hybrides F1 avec un mâle de même origine que leur père
ont été effectués. Un compromis a dû en effet être trouvé entre la limitation des effectifs
imposée par le dispositif de mesure et un nombre de répétitions suffisant. Ce type de
croisement a permis d'obtenir après deux générations des femelles d'origine maternelle
tunisienne (cytoplasme tunisien) comportant un génome à 75% français et des femelles
d'origine maternelle française (cytoplasme français) avec un génome à 75% tunisien.
Cette opération de remplacement du génome des femelles d'une souche donnée par des
gènes d'une autre souche via les mâles permet de détecter une éventuelle transmission
maternelle des caractères.
Les différents groupes de femelles issues des différents types de croisements seront
représentés par les symboles suivants :
- H1 = femelle tunisienne x mâle français
- H2 = femelle française x mâle tunisien
- BC1 = femelle H1 x mâle français
- BC2 = femelle H2 x mâle tunisien
Pour chaque croisement (F1 et back cross), deux groupes de femelles ont été
constitués, l'un pour l'étude des rythmes d'activité, l'autre pour l'étude du comportement
parasitaire (pour les F1 un troisième groupe de femelles vierges a été constitué pour
réaliser les back-cross). Dans tous les cas, parallèlement aux femelles hybrides, des
femelles témoins ont été mesurées. Par exemple, des femelles tunisiennes ont été testées
en même temps que les hybrides d'origine maternelle tunisienne.
L'étude génétique des rythmes d'activité locomotrice a été réalisée avec 30 femelles
dans chaque modalité expérimentale (témoins et hybrides).
L'étude du potentiel d'infestation a été réalisée avec 20 répétitions. Chaque femelle a
été placée, dès l'émergence, en présence d'une centaine d'hôtes quotidiennement
renouvelés pendant 5 jours consécutifs.
Dans tous les cas, les femelles se sont développées sur des hôtes (D. melanogaster)
d'origine française.
2-2 Test d'interfertilité entre les souches lyonnaise et tunisienne
La prise en compte simultanée du degré d'infestation, du succès parasitaire et de la
sex-ratio est nécessaire pour déterminer le degré d'interfertilité des deux souches. Si le
degré d'infestation et le succès parasitaire restent inchangés par rapport aux témoins, la
sex-ratio associée au nombre de femelles non fécondées permet de détecter la présence
éventuelle de barrières pré-zygotiques au croisement des deux souches (attraction des
sexes, succès de la copulation, compatibilité entre les gamètes). Au contraire, un
changement de sex-ratio accompagné d'une réduction de la descendance obtenue dans les
croisements inter-souches peut refléter une mortalité différentielle des sexes et l'existence
84
Analyse génétique des rythmes
d'une barrière post-zygotique. La sex-ratio a été mesurée par le pourcentage de femelles
présentes dans la descendance.
Quel que soit le caractère étudié (sex-ratio, degré d'infestation ou succès parasitaire),
aucune différence significative n'a été observée entre femelles croisées ou non avec un
mâle de même origine excepté pour le degré d'infestation dans le cas du croisement
"femelle française x mâle tunisien" (tableau 8). Cette différence est statistiquement
significative mais la valeur des couples hybrides (0,37) est plus élevée que celle des
témoins (0,21). Il semble donc qu'il existe une compatibilité totale entre les souches de
Ste Foy et de Nasrallah.
Nbre de
couples
étudiés
Tu x
Tu x
Fr x
Fr x
Tu
Fr
Fr
Tu
20
49
20
50
Femelles Femelles
avec
non
descendance fécondées
20
49
7
31
0
16
4
6
Degrés
d'Infestation
Succès
Parasitaire
Sex Ratio
m
0.75 a
0.88 a
0.70 a
s (n)
0.12 (20)
0.13 (20)
0.18 (20)
m
0.78 a
0.84 a
0.70 a
s (n)
0.10 (49)
0.13 (49)
0.20 (33)
m
0.21 b
0.63 b
0.50 a
s (n)
0.26 (20)
0.37 (9)
0.37 (3)
m
0.37 c
0.63 b
0.69 a
s (n)
0.26 (50)
0.29 (37)
0.09 (25)
Tableau 8 : Test d'interfertilité entre les populations lyonnaise (Ste Foy) et tunisienne (Nasrallah) de L.
heterotoma. Mesure du degré d'infestation, du succès parasitaire et de la sex-ratio de la descendance après
deux jours d'infestations. m = moyenne ; s = écart type ; n = effectif. Les moyennes accompagnées de
lettres différentes sont significativement différentes à 5%, test t après transformation angulaire des
données.
Le nombre de femelles non fécondées pour les croisements hybrides réalisés avec une
femelle tunisienne est un peu élevé (16 sur 49), phénomène qui ne se retrouve pas pour
les croisements réciproques intéressant les femelles françaises. Bien que ce pourcentage
élevé de femelles non fécondées soit également présent chez les témoins français, cette
valeur pourrait mettre en doute les conclusions formulées précédemment.
L'interfertilité des deux souches est cependant confirmée par les valeurs du potentiel
d'infestation des hybrides issus des deux types de croisements (F1). Ces hybrides sont
en effet capables de produire normalement une descendance (tableau 9). Les différences
observées dans le nombre de femelles non fécondées reflètent donc simplement une forte
variabilité de ce caractère.
Les souches française (Ste Foy) et tunisienne (Nasrallah) de L. heterotoma font donc
bien partie de la même espèce et aucune barrière reproductive (pré ou post-zygotique)
n'existe entre ces deux populations.
85
Chapitre 4
2-3 Etude de la capacité d'infestation
Les résultats des croisements pour le degré d'infestation et le succès parasitaire, sont
présentés dans deux tableaux différents : un pour les hybrides F1 (tableau 9 a) et un
pour les back cross (tableau 9b).
Pour les quatre groupes testés (2 témoins et 2 croisements hybrides), les moyennes
des deux paramètres sont données pour les cinq jours de mesures. Le succès parasitaire
n'a été calculé qu'avec les individus ayant un degré d'infestation supérieur ou égal à 10%
(chapitre 1).
2-3-1 Degré d'infestation
Les différences de degrés d'infestation entre les souches française et tunisienne mises
en évidence dans le paragraphe 1-3 se retrouvent pour les témoins des croisements. En
effet, les femelles tunisiennes sont capables d'infester, dès le deuxième jour, plus de la
moitié des larves offertes et 80% les jours suivants (tableau 9 a et b). Dans le même
temps, les femelles françaises infestent moins de 20% des larves et arrivent difficilement,
par la suite, à parasiter plus de 50% des hôtes présents.
La forte chute du degré d'infestation des témoins tunisiens de première génération
pour les quatrième et cinquième jours de mesures (tableau 9 a) est probablement due à un
effet expérimentation puisque cette diminution ne se retrouve pas à la génération suivante
(tableau 9 b).
TUNISIE
DI
SP
H1
DI
SP
H2
DI
SP
FRANCE
DI
SP
m
Jour 1
0.35
Jour 2
0.73
Jour 3
0.80
Jour 4
0.44
Jour 5
0.44
s (n)
0.24 (20)
0.20 (20)
0.16 (20)
0.16 (20)
0.15 (20)
m
0.89
0.85
0.92
0.90
0.95
s (n)
0.12 (17)
0.24 (20)
0.12 (20)
0.10 (20)
0.11 (20)
m
0.29
0.57
0.75
0.53
0.57
s (n)
0.30 (20)
0.31 (19)
0.12 (19)
0.17 (19)
0.09 (18)
m
0.81
0.92
0.94
0.90
0.84
s (n)
0.28 (11)
0.12 (16)
0.07 (19)
0.12 (19)
0.13 (18)
m
0.06
0.24
0.48
0.66
0.62
s (n)
0.12 (19)
0.17 (19)
0.32 (19)
0.33 (19)
0.31 (19)
m
0.84
0.71
0.88
0.87
0.83
s (n)
0.26 (3)
0.23 (13)
0.11 (14)
0.14 (16)
0.24 (17)
m
0.08
0.17
0.35
0.54
0.51
s (n)
0.14 (20)
0.19 (20)
0.32 (20)
0.33 (20)
0.31 (20)
m
0.89
0.63
0.86
0.89
0.88
s (n)
0.11 (5)
0.29 (9)
0.10 (12)
0.20 (16)
0.13 (15)
Tableau 9a : Degrés d'infestation (DI) et succès parasitaire (SP) des hybrides F1 issues du croisement
entre les populations lyonnaise et tunisienne de L. heterotoma. H1 = hybrides de mère tunisienne,
H2 = hybrides de mère française, m = moyenne, s = écart type, n = effectif.
Jour 1
Jour 2
86
Jour 3
Jour 4
Jour 5
Analyse génétique des rythmes
TUNISIE
DI
SP
BC1
DI
SP
BC2
DI
SP
FRANCE
DI
SP
m
0.15
0.60
0.72
0.74
0.83
s (n)
0.17 (20)
0.34 (20)
0.24 (20)
0.14 (20)
0.11 (20)
m
0.93
0.91
0.88
0.85
0.91
s (n)
0.13 (10)
0.09 (16)
0.08 (19)
0.10 (20)
0.09 (20)
m
0.14
0.30
0.39
0.48
0.53
s (n)
0.23 (20)
0.37 (20)
0.37 (20)
0.32 (20)
0.29 (20)
m
0.82
0.84
0.71
0.65
0.76
s (n)
0.15 (5)
0.19 (8)
0.19 (11)
0.25 (15)
0.26 (17)
m
0.32
0.50
0.67
0.67
0.73
s (n)
0.20 (20)
0.24 (20)
0.24 (20)
0.20 (20)
0.25 (20)
m
0.85
0.84
0.74
0.89
0.79
s (n)
0.15 (15)
0.13 (18)
0.13 (19)
0.14 (19)
0.17 (19)
m
0.05
0.14
0.31
0.36
0.45
s (n)
0.06 (19)
0.17 (19)
0.30 (19)
0.31 (19)
0.38 (19)
m
0.65
0.57
0.64
0.92
0.79
s (n)
0.11 (2)
0.41 (7)
0.21 (11)
0.12 (12)
0.16 (12)
Tableau 9b : Degrés d'infestation (DI) et succès parasitaire (SP) des back cross issus du croisement
entre les populations lyonnaise et tunisienne de L. heterotoma. BC1 = back cross de lignée maternelle
tunisienne, BC2 = back cross de lignée maternelle française, m = moyenne, s = écart type,
n = effectif.
Les résultats bruts des croisements démontrent le déterminisme génétique des
variations mesurées (tableau 9 a et b). Les descendants F1 n'occupent pas une position
intermédiaire entre les souches parentales mais ressemblent plus à leur mère, suggérant
une transmission maternelle du caractère. Cependant, ce phénomène ne se retrouve pas
pour les back cross. Les hybrides de lignée maternelle tunisienne croisées avec des mâles
français (BC1) montrent un profil d'infestation de type français avec un DI qui atteint
difficilement 50% le cinquième jour de ponte. De la même façon, les back cross
intéressant les femelles d'origine maternelle française (BC2) produisent des individus
dont les capacités d'infestation sont augmentées.
Le nombre d'hôtes parasités quotidiennement par les femelles (estimé en multipliant
les DI par la valeur des témoins "développement des drosophiles" correspondants, voir
chapitre 1) a été représenté de façon cumulée au cours du temps pour tous les types de
croisements (figure 32). Mesurées deux fois, les souches parentales sont ici représentées
par la moyenne des deux tests.
Cette représentation met clairement en évidence le mode de transmission biparental du
potentiel d'infestation bien que les deux hybrides F1 conservent des caractéristiques
maternelles. L'hypothèse d'une transmission maternelle est en fait beaucoup moins nette
lorsque l'on prend en compte uniquement le nombre d'hôtes parasités après 5 jours
d'infestations (figure 33). En effet, si dans un cas les hybrides conservent une capacité
d'infestation proche de celle de leur mère (hybrides femelle tunisienne x mâle français), le
second croisement fournit des hybrides intermédiaires aux deux souches parentales.
87
Chapitre 4
Nbre cumulé d'hôtes infestés
300
BC 2
TUNISIE
H1
200
H2
BC 1
FRANCE
100
0
3
4
5
Jours
Figure 32 : Courbes cumulées du nombre d'hôtes infestés par les femelles issues des différents
croisements entre les souches françaises (Ste Foy) et tunisienne de L. heterotoma. H1 et BC1
représentent respectivement les hybrides et les back cross de lignée maternelle tunisienne et
symétriquement, H2 et BC2, les hybrides et les back cross de lignée maternelle française.
0
1
2
Cette étude démontre clairement le déterminisme génétique des différences de
potentiel d'infestation que présentent les souches française et tunisienne de
L. heterotoma. La transmission de ce caractère est de type biparental avec peut être un
effet maternel qui reste à confirmer.
2-3-2 Succès parasitaire
Les résultats obtenus pour le succès parasitaire confirment l'absence de différences
entre les souches française et tunisienne pour ce caractère (tableau 9 a et b). Les seules
différences significatives sont attribuables aux faibles degrés d'infestation correspondants
(voir chapitre 1).
A la première génération (test des F1), les souches française et tunisienne ont un
succès parasitaire semblable avec des valeurs comprises entre 80 et 90% sauf pour le
deuxième jour de ponte où le succès parasitaire de la souche française est un peu plus
faible (tableau 9 a). Les hybrides montrent quant à eux un succès parasitaire identique à
celui des souches parentales. A la seconde génération (back cross), des valeurs un peu
plus faibles pour la souche française ont été observées (tableau 9 b), mais seulement pour
3 des 5 jours étudiés qui correspondent toujours à un effectif faible (DI faible). Comme
pour la première génération, il n'apparaît pas de différences nettes entre back cross qui
montrent tous deux des valeurs élevées de succès parasitaire.
Le suivi des caractères sur les cinq premiers jours de vie des parasitoïdes indique
qu'il n'y a pas d'évolution du succès parasitaire au cours du temps. Chez L. heterotoma,
la survie de la descendance des femelles avec D. melanogaster comme hôte atteint une
88
Analyse génétique des rythmes
valeur proche de 80% dès le premier jour de ponte. Ce taux est conservé les jours
suivants, cela quelle que soit l'origine des femelles parasitoïdes (françaises ou
tunisiennes).
Femelles de la lignée tunisienne
croisées avec un mâle français
France
Tunisie
Femelles de la lignée française
croisées avec un mâle tunisien.
France
Tunisie
Lignées
parentales
100
150
250
200
100
150
H1
200
250
200
250
H2
F1
100
150
200
250
100
150
BC1
BC2
Back Cross
100
150
200
250
100
Nombre de larves infestées
150
200
250
Nombre de larves infestées
Figure 33 : Nombre d'hôtes parasités par les femelles issues des différents croisements entre les
souches française (Ste Foy) et tunisienne de L. heterotoma après 5 jours d'infestations. H1 et BC1
représentent respectivement les hybrides et les back cross de lignée maternelle tunisienne et
symétriquement, H2 et BC2, les hybrides et les back cross de lignée maternelle française(voir
texte). Le pourcentage de gènes des deux lignées parentales dans les hybrides est symbolisé par des
niveaux de gris différents.
2-4 Etude des rythmes d'activité locomotrice
Les rythmes d'activité des descendants des croisements (F1 et back cross) ont été
présentés sous la forme d'une courbe quotidienne moyenne (figure 34). Les souches
française et tunisienne étant mesurées à chaque génération, les courbes parentales
représentent la moyenne des deux mesures (pas de différences significatives entre les
deux générations parentales). Les mâles des deux souches ont été représentés sur la
figure 34 afin de visualiser les croisements effectués et montrer qu'il n'existe pas de
différence entre mâles français et tunisiens.
2-4-1 Profils d'activité
L'analyse factorielle, qui permet une comparaison statistique des profils d'activité des
femelles issues des divers croisements, a été réalisée sur un seul fichier contenant les
données des populations parentales, des hybrides et des back cross. Seules les heures
d'activité ont été conservées pour les calculs (de 6 heures à 20 heures, voir chapitre 1).
89
Chapitre 4
PARENTS
Activité (%)
Mâle français
PARENTS
Femelle tunisienne
Femelle française
Mâle tunisien
40
40
40
40
30
30
30
30
20
20
20
20
10
10
10
10
0
0
0
4
8
12
16
20
24
4
8
12
16
20
24
Femelles H1
40
Mâle français
0
4
8
30
30
20
20
10
10
12
16
20
24
0
4
8
12
16
20
24
Femelles H2
40
Mâle tunisien
0
0
0
4
8
12
16
20
24
Back cross BC1
40
Activité (%)
0
0
0
0
30
20
20
10
10
0
8
12
16
20
24
Back cross BC2
40
30
4
0
0
4
8
12
16
20
24
Temps (heures)
0
4
8
12
16
20
Temps (heures)
24
Figure 34 : Déterminisme génétique des rythmes d'activité: croisements entre les souches française (Ste
Foy) et tunisienne de L. heterotoma. Les femelles tunisiennes montrent un profil d'activité bimodal alors
que les femelles françaises (Ste Foy) sont beaucoup moins actives et uniquement l'après-midi. Pas de
différences significatives entre les mâles. Les hybrides réciproques (H1 et H2) ont un profil d'activité
intermédiaire entre les deux souches parentales, indication d'un déterminisme génétique de type biparental
confirmé par les back cross (BC1 et BC2). Courbes moyennes des rythmes d'activité mesurés pendant 3
jours sur 30 individus sous photopériode LD 12:12 .
90
Analyse génétique des rythmes
Les résultats sont présentés sous la forme de deux cartes factorielles issues de la
même analyse : la première permet de suivre la lignée d'origine maternelle tunisienne
(figure 35 a), la seconde la lignée d'origine maternelle française (figure 35 b). L'axe F2
oppose les profils d'activité unimodaux (valeurs négatives) aux profils d'activité
bimodaux (valeurs positives). Cet axe permet également de distinguer des différences de
phases dans les pics. L'axe F1 est indicateur, parmi les profils bimodaux, de la
proportion relative des deux pics.
Profils des hybrides F1
Les deux types d'hybrides (H1 et H2) montrent des profils d'activité similaires et
intermédiaires à ceux des parents (figure 34).
Les femelles issues de mère tunisienne et de mâle français (H1) montrent toujours
deux pics d'activité (caractère tunisien) avec cependant une très forte réduction dans
l'amplitude de ces pics (caractère français). Sur l'AFC (figure 35 a), cela se traduit par
une position des hybrides intermédiaire entre les positions parentales.
F i g . 3 5 : aFemelle Tunisie x mâle France
F i g . 3 5 : bFemelle France x mâle Tunisie
20
F2 = 20 %
06
20
19
18
17
07
H1
08
TUNISIE
19
18
17
06
07
16
BC2
08
09
TUNISIE
H2
16
09
15
15
10
10
BC1
13
14
14
13
FRANCE
FRANCE
11
11
12
12
F1 = 28 %
F1 = 28 %
Figure 35 : Croisements entre les souches française (Ste Foy) et tunisienne de L. heterotoma :
analyse des profils des rythmes d'activité par AFC. Les résultats des croisements de chacune des
deux lignées maternelles (tunisienne, H1 et BC1 et française, H2 et BC2) ont été représentés sur
deux cartes différentes issues de la même analyse (le pourcentage d'inertie de chaque axe est précisé).
Le niveau de gris de chaque ellipse est représentatif du pourcentage de gènes d'origine française
contenus dans le génome de chaque individu. Les chiffres indiquent les heures de la journée.
Photopériode LD 12:12 (lumière de 8h à 20h).
Les femelles issues de mères françaises et de mâles tunisiens (H2) montrent déjà de
nombreuses caractéristiques tunisiennes avec un profil d'activité bimodal. Ces hybrides
montrent non seulement un pic supplémentaire par rapport à leur mère mais aussi un
changement de phase dans le second pic, plus tardif, ce qui explique la position décalée
de ces hybrides vers les valeurs positives de l'axe F2 (heures de la fin de l'après-midi,
figure 35 b). Ces femelles conservent cependant certaines caractéristiques françaises
notamment dans l'amplitude des pics.
91
Chapitre 4
L'obtention de profils intermédiaires aux populations parentales, quel que soit le sens
du croisement, démontre le déterminisme génétique des variations des rythmes d'activité
avec intervention des deux génomes paternel et maternel.
F1
TUNISIE
FRANCE
H1
BC1
H2
BC2
F2
N
m
se
m
se
30
30
24
17
22
29
-.504a
.447 c
-.057b
.281 bc
.453 c
.038 b
.140
.028
.194
.073
.061
.123
.017 a
-.552b
.001 a
-.491b
.344 a
.179 a
.09
.129
.174
.204
.129
.120
Tableau 10 : Croisements entre les souches française (Ste Foy) et tunisienne de L. heterotoma.
Analyse des profils des rythmes d'activité des femelles par AFC. Moyennes des coordonnées factorielles
(F1 et F2) des lignées parentales, des hybrides F1 (H1 et H2) et des back cross (BC1 et BC2). N =
nombre d'individus pris en compte dans l'analyse, m = moyenne, se = erreur standard. Les moyennes
significativement différentes à 5% ont des lettres différentes (test t).
Profils des back cross
Les femelles d'origine tunisienne à génome 75% français (BC1) montrent un profil
d'activité proche de celui des femelles françaises (figure 34). Cette similitude est
confirmée par la position de l'ellipse représentant les femelles issues de ce back cross qui
est proche de la population française (figure 35 a). Aucune différence significative n'a été
mise en évidence entre les moyennes de ces deux groupes quel que soit le facteur
considéré, F1 ou F2 (tableau 10).
Des résultats similaires ont été obtenus pour le second back cross (BC2). Les
femelles d'origine maternelle française à génome 75% tunisien montrent un profil
d'activité proche de la population tunisienne avec deux pics dont le second se situe juste
avant l'extinction (figure 34). Sur la carte factorielle, l'ellipse de ce groupe est très proche
de la population tunisienne (figure 35 b) et aucune différence n'est significative entre les
moyennes de ces deux groupes (tableau 10).
Ainsi, en deux générations et avec des croisements appropriés, on peut passer d'un
profil tunisien à un profil français et inversement. Les résultats de ces back cross
confirment donc ceux obtenus sur les F1 notamment en ce qui concerne l'importance du
génome mâle dans le déterminisme génétique des rythmes d'activité des femelles.
2-4-2 Taux d'activité
Les courbes moyennes des rythmes d'activité (figure 34) indiquent que les variations
de quantité d'activité ont elles aussi un déterminisme génétique, semblable à celui des
profils, ce qui a été confirmé par le calcul des taux d'activité (tableau 11).
92
Analyse génétique des rythmes
La différence entre les deux souches parentales décrite dans le paragraphe 1-2 se
retrouve avec néanmoins de légères fluctuations dans les moyennes, phénomène normal
compte tenu des fortes valeurs prises par les variances. Les hybrides, quel que soit le
sens du croisement, ont un taux d'activité identique dont la valeur est située entre celles
des deux souches parentales (tableau 11). Ces taux ne sont pas, comme attendu, au
niveau de la moyenne arithmétique des valeurs des parents (3,6 et 3,8 au lieu d'environ
6% théoriquement). Ils sont plus proches de la souche française dont ils diffèrent
pourtant significativement. Compte tenu des valeurs identiques du taux d'activité des
deux hybrides, aucune explication n'a été trouvée à ce phénomène.
TUNISIE
FRANCE
H1
BC1
H2
BC2
N
Taux d'activité (%)
Ecart-type
30
30
29
29
30
30
11.5 a
0.5 c
3.6 b
1.7 c
3.8 b
8.9 a
7.6
1.0
5.1
4.9
6.6
8.6
Tableau 11 : Croisements entre les souches française (Ste Foy) et tunisienne de L. heterotoma. Taux
moyen d'activité des femelles des lignées parentales, des F1 (H1 et H2) et des back cross (BC1 et BC2).
Les valeurs associées à des lettres différentes sont significativement différentes à 5% (test t après
transformation angulaire).
Les résultats des back cross sont conformes à ceux attendus sous l'hypothèse d'une
transmission biparentale du caractère (tableau 11). En effet, les femelles d'origine
maternelle tunisienne ayant père et grand-père d'origine française (BC1) ont une quantité
d'activité aussi faible que les femelles françaises (1,7%). Symétriquement, après deux
croisements avec des mâles tunisiens (BC2), les femelles françaises produisent des
descendants dont le taux d'activité est identique à celui des femelles tunisiennes. Ainsi,
comme les profils d'activité, les différences de quantité d'activité sont déterminées
génétiquement avec un mode de transmission biparental.
2-5 Conclusions
Les croisements entre les souches française et tunisienne de L. heterotoma indiquent
que les différences de profils d'activité, de quantités d'activité ainsi que de potentiels
d'infestation ont un déterminisme génétique. Il est cependant possible que les variations
de quantité d'activité ne soient que la conséquence des différences de fécondité des
femelles ce qui impose une certaine prudence dans les conclusions. Les mécanismes de
transmission de ces caractères sont semblables avec intervention des deux génomes
maternel et paternel. Pour le degré d'infestation, on ne peut pas écarter l'hypothèse qu'à
un déterminisme biparental se surajoute un certain effet maternel. L'intervention de
facteurs non nucléaires (organismes symbiotiques ou pathogènes) a déjà été évoquée pour
93
Chapitre 4
expliquer des différences de fécondité entre souches d'insectes parasitoïdes (Mimouni,
1991 ; Girin, comm. pers.).
Enfin, compte tenu de la complexité des caractères mesurés, ces variations ont
probablement un déterminisme polygénique.
3 - Analyse génétique de la variabilité inter-individuelle
La forte variabilité entre femelles de même origine a été signalée à de nombreuses
reprises. Un éventuel déterminisme génétique de ces variations a été recherché par
analyse de fratries (lignées isofemelles, Parsons, 1980) et régression parents-enfants.
Ces méthodes, fondées toutes les deux sur la mesure du degré de ressemblance entre
individus apparentés, permettent d'établir si les valeurs des paramètres mesurés sont des
caractéristiques familiales et ainsi d'en déduire un déterminisme génétique probable.
Seuls les rythmes d'activité ont été pris en compte dans cette étude.
3-1 Protocole expérimental et traitements statistiques des données
Du fait de la très faible activité des femelles de Ste Foy et de St Martin, l'étude de la
variabilité interindividuelle des rythmes d'activité n'a pas pu être réalisée sur les souches
lyonnaises. Seules les souches hollandaise et tunisienne ont été analysées.
Pour les femelles hollandaises, les rythmes d'activité en LD 12:12 ont été mesurés
sur 12 femelles (mères) puis 5 de leurs filles. La variabilité interindividuelle de la période
endogène du rythme a également été analysée mais uniquement par analyse de fratries,
seules les filles ayant été mesurées en libre cours (7 jours à obscurité permanente).
Chez les femelles tunisiennes, les rythmes d'activité locomotrice ont été étudiés
uniquement en LD 12:12 sur deux générations successives (mères et filles). L'analyse a
porté sur 39 lignées avec 3 répétitions par lignée.
Les méthodes d'analyse classiques des lignées isofemelles et des comparaisons
parent-enfant (respectivement l'analyse de variance à un facteur et la régression linéaire
simple) ne sont pas toujours adaptées aux profils d'activité. Les profils des rythmes sont
en effet quantifiés par deux variables (premier et second facteur de l'AFC) dont il faut
tenir compte simultanément (paragraphe 1-1 et 3-2). Des méthodes multidimensionnelles
ont donc été utilisées : l'analyse de variance bivariée pour l'étude des lignées isofemelles
et la corrélation canonique pour les ressemblances parent-enfant (Dagnélie, 1975). Ces
deux méthodes ont pour objet le test des mêmes hypothèses que les analyses
unidimensionnelles en prenant en compte simultanément deux variables au lieu d'une
seule. En ce qui concerne l'analyse de variance bivariée, le test de Wilks a été choisi pour
déterminer la signification des résultats après calcul des matrices de variance-covariance
totale et résiduelle (intra-lignée). Ce test établit le rapport de la variation résiduelle
(déterminant de la matrice intra) sur la variation totale (déterminant de la matrice totale) à
partir duquel la valeur d'un F peut être estimée. La lecture du tableau d'analyse de
variance est donc différente de celle d'une analyse réalisée sur un seul caractère
notamment en ce qui concerne le nombre de degrés de liberté.
94
Analyse génétique des rythmes
Les taux quotidiens d'activité, mesurés en pourcentage, ont été analysés par des
méthodes classiques (régression simple et analyse de variance) après transformation
angulaire des données.
3-2 Profils d'activité
3-2-1 Analyse de fratries
Pour les femelles hollandaises, l'analyse de variance bivariée conduit à accepter
l'hypothèse d'une ressemblance significative entre sœurs (tableau 12) démontrant ainsi le
caractère familial du profil d'activité de cette souche. Cependant, ce résultat ne se retrouve
pas pour la souche tunisienne où pourtant un plus grand nombre de lignées a été étudié
(tableau 12). Nous avons essayé de rechercher si ce résultat contradictoire ne pouvait pas
s'expliquer autrement que par l'absence de variabilité génétique du profil d'activité entre
les individus de la souche tunisienne.
Source de
variation
HOLLANDE
1er seuil
Det.
Inter-familiale
Intra-familiale
Totale
22,06
93,45
237,0
0,39
1,9
20
62
2° seuil
Det.
w
F
ddl
Inter-familiale
Intra-familiale
Totale
8,32
22,42
68,67
w
0,32
F
2,1
TUNISIE
ddl
18
48
p
Det.
w
94,24
284,84 0,40
<0,05 711,05
p
Det.
w
52,43
67,26 0,27
<0,05 253,12
F
1,2
F
1,6
ddl
p
76
154 <0,25
ddl
p
70
118 <0,01
Tableau 12 : Analyse de la variabilité inter-individuelle de la phase du rythme d'activité de
L. heterotoma par étude de fratries (populations hollandaise et tunisienne) : analyse de variance bivariée
sur les coordonnées F1 et F2 de l'AFC. Det = déterminant des matrices de variation. w = variable de
Wilks. F = ((n-k-1) / (k-1)) * ((1- w) / w) à 2(k-1) et 2(n-k-1) ddl (Dagnélie, 1975). n = nbre
d'individus, k = nombre de lignées. 1er seuil = femelles à taux d'activité < 0,35 éliminées, 2e seuil =
femelles à taux d'activité < 1,9 (hollandaise) et < 4,2 (tunisienne) éliminées.
Il faut rappeler ici que seules les femelles ayant exprimé une quantité d'activité
suffisante sont prises en compte pour l'étude des profils, un profil ne pouvant pas être
défini pour des femelles presque ou totalement inactives. Or, le seuil d'activité utilisé
jusqu'à présent pour l'élimination des individus était peu restrictif car il a été établi à partir
de la souche française, très peu active, de façon à utiliser le maximun d'individus
mesurés (voir chapitre1). Il est probable que ce seuil ne soit pas assez élevé pour les
souches tunisienne et hollandaise, beaucoup plus actives, ce qui a entraîné la prise en
compte de quelques individus atypiques dont le profil d'activité ne représente pas la
réalité. Ceci a été mis en évidence pour la souche tunisienne par analyse de la relation
95
Chapitre 4
existant entre le profil d'activité et la quantité d'activité (figure 36). Au-dessous d'une
certaine quantité d'activité, les profils quantifiés par AFC sont beaucoup plus variables
comparés à ceux des femelles dont l'activité est plus forte (du fait que les deux
coordonnées factorielles contribuent à la définition des profils, cette relation entre taux
d'activité et profils n'a pu être visualisée dans un plan qu'après le calcul d'une
combinaison linéaire des deux variables F1 et F2 de l'AFC, combinaison linéaire issue de
la régression multiple).
Profil du rythme d'activité
30
20
10
0
0
10
seuil
20
Taux d'activité (%)
30
40
Figure 36 : Relation entre le taux d'activité et le profil du rythme chez les femelles de la souche
tunisienne de L. heterotoma (117 femelles mesurées lors de l'analyse de fratrie). La mesure du
profil est le résultat d'une combinaison linéaire entre les valeurs des coordonnées factorielles F1 et
F2 de l'analyse des profils par AFC (combinaison issue de la régression multiple).
Afin d'éliminer un éventuel effet dû à des mesures imprécises, un second calcul a été
réalisé en utilisant un seuil identique à celui de la souche française non pas en valeur
absolue (0,35) mais relativement à la quantité moyenne d'activité des femelles du groupe
étudié. De cette façon, plus les femelles du groupe sont actives, plus le seuil utilisé est
élevé (par exemple 4,9 pour les femelles tunisiennes comparé à 0,35 pour les femelles
françaises ce qui conduit à éliminer 24 femelles au lieu de 3 sur 120). Ce nouveau seuil
correspond à celui que l'on peut définir à partir de la figure 36.
L'utilisation de ces individus lors des analyses précédentes ne remet pas en question
les résultats obtenus puisque cela ne peut qu'augmenter la variance intra-groupe. Il n'en
est pas de même pour les analyses de fratries, beaucoup plus sensibles, car chaque
famille comporte un nombre faible de répétitions. La prise en compte de quelques
individus atypiques conduit alors à augmenter considérablement la variation intrafamiliale ce qui rend plus difficile la mise en évidence d'une ressemblance intra-lignée.
96
Analyse génétique des rythmes
Les résultats des analyses effectuées avec ce second seuil indiquent qu'il existe bien,
parmi les profils de la souche tunisienne, une ressemblance plus importante entre sœurs
qu'entre femelles non apparentées (seconde partie du tableau 12). Le fait que ce nouveau
seuil ne modifie pas les résultats obtenus sur la souche hollandaise justifie pleinement son
utilisation (seuil de 1,9 pour cette souche, tableau 12)
Ainsi, comme pour la souche hollandaise, le profil d'activité semble également être
une caractéristique familiale pour la souche tunisienne.
3-2-2 Régression mères-filles
Pour les deux souches étudiées, aucune régression mère-fille n'est significative pour
le profil d'activité (Figures 37 et 38). La transmission de ce caractère entre mère et filles
n'a donc pas pu être démontrée. Il faut tout de même noter, dans le cas de la souche
hollandaise, que le coefficient de corrélation canonique est signicatif au seuil 6% malgré
le peu de répétitions effectuées.
3
1,5
r = 0,42 (NS)
2
0,5
Filles
1
Filles
r = 0,81 (NS)
1
0
0
-0,5
-1
-1
-2
-1,5
-3
-2
-3
-2
-1
0
Mère
1
2
3
-1
Figure 37 : Régression mère-filles des
profils du rythme d'activité de L. heterotoma
(corrélation canonique sur les axes F1 et F2 de
l'AFC ) : Souche tunisienne (30 lignées,
seuil 4,2 %).
-0,5
0
Mère
0,5
1
Figure 38 : Régression mère-filles pour
des profils du rythme d'activité de
L. heterotoma (corrélation canonique sur
les axes F1 et F2 de l'AFC ) : Souche
hollandaise (8 lignées, seuil 1,9 %).
Ces résultats ne mettent pas forcément en doute les conclusions des analyses de
fratries qui suggèrent un déterminisme génétique des variations interindividuelles. En
effet, l'absence de corrélation entre parents et enfants peut s'expliquer par le fait que les
pères n'ont pas été pris en compte dans l'analyse alors qu'ils participent à part égale au
déterminisme de ce caractère (paragraphe 2-4-1). Il ne peut pas en être autrement puisque
leur profil d'activité n'a pas commune mesure avec celui de l'activité des femelles que ce
soit pour son allure générale ou pour sa signification écologique. A cela s'ajoute la
difficulté de tester dans des conditions strictement identiques des individus appartenant à
97
Chapitre 4
deux générations différentes surtout pour les organismes parasites dont le développement
est fortement influencé par leur hôte. Ces deux phénomènes peuvent expliquer à eux
seuls la difficulté de mettre en évidence une corrélation significative entre les profils des
mères et ceux de leurs filles.
3-3 Taux d'activité
3-3-1 Analyse de fratries
Comme pour les profils d'activité, le taux d'activité semble également être une
caractéristique familiale (tableau 13). Les analyses de fratries des deux souches
conduisent à cette même conclusion si l'on accepte un risque légèrement supérieur à 5%
dans le cas de la souche tunisienne (6%). Ceci n'est pas inconsidéré compte tenu de la
difficulté à contrôler les nombreux facteurs environnementaux qui déterminent
probablement en grande partie ce caractère (qualité de l'hôte de développement par
exemple). L'intervention de ces facteurs externes a en effet tendance à augmenter les
différences entre sœurs ce qui rend la recherche de variations génétiques entre lignées
plus difficile.
HOLLANDE
TUNISIE
Source de variation
ddl
variance
F
p
ddl
variance
F
p
Inter-familiale
Intra-familiale
Totale
11
48
59
0,047
0,014
0,020
3,4
<0,01
38
77
115
0.022
0.014
0.017
1,6
0,06
Tableau 13 : Analyse de la variabilité inter-individuelle du taux d'activité de L. heterotoma par étude de
fratries : analyse de variance après transformation angulaire des données.
3-3-2 Régression mères-filles
Pour les deux souches étudiées, aucune ressemblance entre mères et filles pour le
taux d'activité n'a pu être observée (figures 39 et 40). Cette absence de corrélation
significative entre mères et filles peut s'expliquer de deux façons. La première est que le
taux d'activité ne montre pas de variations génétiques à l'intérieur des populations. La
deuxième explication possible, comme pour les profils d'activité, réside dans le fait que
les mâles ne sont pas pris en compte dans l'analyse alors qu'ils participent à part égale au
déterminisme de ce caractère (paragraphe 2-4-2). Il est donc possible qu'une variabilité
interindividuelle du taux d'activité existe mais que la transmission de ce caractère n'ait pas
pu être mis en évidence.
Des études supplémentaires sont nécessaires afin de confirmer l'une ou l'autre de ces
hypothèses.
98
Analyse génétique des rythmes
40
60
30
Filles
Filles
50
40
20
30
10
20
10
0
0
10
20
30
Mère
40
50
60
0
Figure 39 : Régression mère-filles pour
les taux d'activité de L. heterotoma, souche
tunisienne (39 lignées).
10
20
30
Mère
40
50
Figure 40 : Régression mère-fille pour
les taux d'activité de L. heterotoma,
souche hollandaise (12 lignées).
3-4 Période endogène
La recherche de variations génétiques dans les périodes circadiennes, réalisée
uniquement sur la souche hollandaise, n'a concerné qu'un nombre assez faible
d'individus. Seules les femelles ayant une période significative après 7 jours de libre
cours peuvent en effet être utilisées.
Source de variation
ddl
variance
F
p
Inter-familiale
Intra-familiale
Totale
7
26
33
99,91
18,66
35,89
5,4
< 0,001
Tableau 14 : Analyse de la variabilité inter-individuelle de la période endogène du rythme
d'activité chez les femelles de la souche hollandaise de L. heterotoma.
Malgré le faible effectif de cette expérience, l'analyse de fratries met en évidence une
ressemblance très significative entre sœurs (tableau 14). Cette analyse suggère donc un
déterminisme génétique de la variabilité de la période endogène du rythme d'activité
locomotrice. Pour la population hollandaise de L. heterotoma, cette période endogène est
en moyenne proche de 23 heures mais peut, selon les individus, prendre des valeurs plus
faibles (de l'ordre de 22 heures) ou plus élevées (proche de 24 heures).
99
Chapitre 4
3-5 Conclusions
Pour les deux populations de L. heterotoma étudiées (hollandaise et tunisienne), les
profils quotidiens d'activité, la quantité d'activité ainsi que la période endogène du rythme
montrent des variations inter-individuelles dont le déterminisme génétique est probable.
En effet, pour ces trois caractères, des ressemblances significativement plus importantes
ont été mesurées entre individus apparentés (sœurs) qu'entre individus non apparentés.
Cependant, il n'a jamais été possible de mettre en évidence la transmissibilité des
caractères entre générations successives. On ne peut donc pas exclure l'éventualité que la
variabilité observée à l'intérieur des populations ne soit pas déterminée génétiquement.
Comment alors expliquer la ressemblance familiale pour les caractères étudiés ?
Différentes explications sont possibles : fortes variations des conditions d'élevage entre
deux générations successives dues aux hôtes, non prise en compte des mâles dans
l'analyse ou effet tube.
Des études supplémentaires sont donc indispensables pour confirmer l'existence
d'une variabilité génétique des rythmes d'activité dans les populations naturelles de
parasitoïdes de drosophiles.
4- Conclusions générales
Chez L. heterotoma, les rythmes d'activité des femelles issues de populations
d'origine géographique différente peuvent montrer d'importantes variations dont le
déterminisme génétique a clairement été établi. Parmi les cinq populations étudiées, trois
morphes différents ont été observés : un rythme avec un pic d'activité de très faible
amplitude, l'après-midi, (populations lyonnaises), le même rythme avec un taux d'activité
beaucoup plus élevé (population hollandaise), et un rythme bimodal avec un premier pic
d'activité en début de journée et un second pic en fin d'après-midi (populations
méditerranéennes). Ces variations ont été mises en évidence malgré l'existence d'une
forte variabilité interindividuelle au sein de chaque population, différences dont l'origine
exacte reste à déterminer. Les analyses effectuées suggèrent cependant que cette
variabilité intrapopulation ait elle aussi un support génétique ce qui devra être confirmé
par des expériences de sélection.
Ces résultats, obtenus sur des femelles privées d'hôtes (mesure de l'activité
locomotrice spontanée), restent à confirmer lorsque les femelles sont en présence de
larves de drosophiles. Cette relation entre rythmes d'activité locomotrice et rythmes
d'activité parasitaire sera abordée au cours du chapitre 6.
L'existence de variations génétiques des rythmes d'activité n'a pas été souvent
recherchée chez les insectes et la majorité des études ont concerné les rythmes
d'émergence des adultes (Neumann, 1967 ; Pittendrigh et Minis, 1971 ; Coluzzi,
1972 ; Clayton et Paietta, 1972 ; Landkinen, 1986b). Cette étude prouve que
l'organisation temporelle des comportements à l'échelle du nycthémère montre également
une variabilité génétique qui, semble-t-il, a été observée uniquement pour le rythme de
ponte des drosophiles (Allemand et David, 1984 ; Allemand et al., 1984). L'existence de
ces variations pour les rythmes d'activité des parasitoïdes suggère un rôle écologique
important de ces phénomènes. Il est en effet probable que ces variations soient le reflet
100
Analyse génétique des rythmes
d'adaptations aux conditions environnementales locales, résultats de processus sélectifs
ayant agi sur la variabilité interindividuelle présente au sein des populations. La valeur
adaptative ainsi que les facteurs sélectifs qui peuvent agir sur la forme des profils feront
l'objet du dernier chapitre.
Des différences de comportement d'origine génétique n'ont pas souvent été observées
chez les insectes parasitoïdes (Boulétreau, 1986 ; Roush, 1990). La distribution spatiale
des infestations des Trichogrammes (Chassain et Boulétreau, 1987 ; Chassain et al.,
1988) ou le comportement de sélection des hôtes chez Asobara tabida (Mollema, 1991)
montrent de telles variations. Cette étude démontre que l'organisation générale des
comportements des parasitoïdes est génétiquement variable. Les populations d'insectes
parasitoïdes montrent donc probablement des différences génétiques pour de nombreux
caractères qui doivent être prises en compte lors du choix, de la conservation et de
l'utilisation des auxiliaires en lutte biologique.
Les populations française et tunisienne de L. heterotoma utilisées pour réaliser les
croisements montrent non seulement des différences de rythmes d'activité mais également
une forte différence de potentiel d'infestation dont le déterminisme est lui aussi génétique.
Ces variations peuvent être soit le reflet d'une capacité de recherche des hôtes différente,
soit aussi la conséquence d'une fécondité plus faible de la souche française. Dans ce cas,
une relation de cause à effet entre fécondité et taux d'activité est possible : les femelles
avec un nombre important d'œufs dans les ovaires seraient les plus actives. Les résultats
des croisements pour le taux d'activité ne pourraient être alors que la conséquence des
différences de fécondité des femelles.
Quelle que soit l'origine de ces variations, leur interprétation doit prendre en
considération les interactions interspécifiques qui se produisent non seulement entre hôtes
et parasitoïdes mais également entre espèces de parasitoïdes en compétition pour les
mêmes hôtes.
Compte tenu de la complexité des comportements étudiés, tous les caractères mesurés
montrent probablement un déterminisme polygénique, avec dans tous les cas, un mode de
transmission faisant intervenir les deux parents. Ce type de déterminisme a été observé
chez Drosophila melanogaster (Allemand et David, 1984 ; Allemand, 1991) chez qui les
rythmes de ponte sont déterminés par plusieurs gènes situés sur chacune des trois
principales paires de chromosomes de cette espèce.
Avant de rechercher la valeur adaptative des rythmes d'activité des insectes
parasitoïdes ainsi que les facteurs sélectifs responsables du maintien des variations des
profils, des sources de variations autres que génétiques ont été recherchées
principalement en ce qui concerne les facteurs biotiques de l'environnement.
101
Chapitre 5
Effets de différents facteurs biotiques internes sur
les rythmes d'activité des parasitoïdes
Les deux chapitres précédents ont mis l'accent sur les composantes endogènes des
rythmes d'activité des parasitoïdes en démontrant d'une part leur nature circadienne
(chapitre 3), et d'autre part, la présence de variations génétiques des profils des rythmes
entre individus de la même espèce (appartenant ou pas à la même population, chapitre 4).
Dans la nature, les individus répondent à toute une série de stimuli externes et l'oscillation
endogène est continuellement modulée par les facteurs de l'environnement.
Les facteurs physiques de l'environnement tels que la lumière ou la température ont
souvent été pris en compte dans l'étude des rythmes d'activité des insectes. Leurs effets
sont connus chez bon nombre d'espèces (Corbet, 1966 ; Bünning, 1967 ; Harker,
1973 ; Saunders, 1977). Chez les drosophiles par exemple, l'intensité de l'éclairement
modifie le rythme de ponte des femelles de D. melanogaster mesuré en LD 12:12
(Allemand 1977) : bimodal à 5 lux, le rythme ne montre plus qu'un seul pic en début de
nuit lorsque l'éclairement atteint 60 lux. Brady (1981) oppose à ce type de facteurs, qu'il
qualifie "d'entrée environnementale externe", les composantes biotiques de
l'environnement dont les organismes ont besoin (partenaire sexuel, substrat de ponte,
nourriture) qu'il appelle "entrée physiologique interne" au même titre que l'oscillation
endogène ou l'âge des individus.
Bien que ces facteurs biotiques jouent probablement un rôle important dans
l'expression des rythmes d'activité dans la nature, ils ont été beaucoup moins étudiés que
les facteurs abiotiques de l'environnement. Les études réalisées à ce sujet indiquent
cependant qu'ils peuvent expliquer d'importantes variations de l'organisation temporelle
de l'activité des insectes (Jones et Gubbins, 1978 ; Nakamuta, 1987).
Après l'étude des composantes circadiennes et génétiques, le rôle de différentes
"entrées physiologiques internes" au sens de Brady (1981) a été étudié. Dans un premier
temps, l'effet de la privation de nourriture ainsi que l'effet de l'insémination ont été
mesurés sur les femelles de plusieurs espèces de parasitoïdes. Ensuite, compte tenu des
interactions étroites entre le parasitoïde et son hôte, il est apparu intéressant de déterminer
si l'activité des femelles mesurée dans nos conditions expérimentales peut être modifiée
par la nature de l'hôte dans lequel elles se sont développées (élevage sur des espèces
différentes). Propre au mode de vie parasitaire, l'effet de ce facteur sur les rythmes
d'activité n'a semble-t-il jamais été étudié quel que soit le type de parasite considéré.
102
Effets de facteurs biotiques
1- Effet du jeûne sur les rythmes d'activité locomotrice
Les conséquences d'une privation de nourriture sur les rythmes d'activité ont été
mesurées sur la population lyonnaise de L. heterotoma. Cette espèce a été choisie afin de
déterminer si, par modification des conditions expérimentales, il était possible d'obtenir
des femelles plus actives que celles mesurées en présence de nourriture (chapitre 3 et 4).
L'effet de ce facteur a également été étudié sur A. tabida originaire de cette même région.
1-1 Protocole expérimental
Les rythmes d'activité locomotrice des deux espèces ont été mesurés dans les mêmes
conditions que celles décrites précédemment (chapitre 1) excepté le fait que les femelles
n'ont jamais eu la possibilité de se nourrir de miel ni pendant la phase qui précède
l'expérimentation (2 à 3 heures en présence des mâles), ni pendant l'expérience elle
même. Seule une goutte d'eau est présente dans chacune des enceintes. L. heterotoma et
A. tabida ont été étudiées au cours de la même expérience. Dans les deux cas, 15 femelles
témoins ayant accès à une source de nourriture ont été comparées à 15 femelles privées de
miel.
1-2 Résultats
Afin de déceler une éventuelle évolution des profils au cours du temps, le rythme a
été représenté pour les quatre jours de mesure (figures 41 et 42). Le taux quotidien
d'activité des femelles de A. tabida est peu modifié lorsque la durée de la privation
augmente (figure 41). Le dernier jour de mesure présente une légère diminution de
l'activité qui cependant s'observe également chez les femelles témoins. En ce qui
concerne les femelles de L. heterotoma (figure 42), le taux d'activité a tendance à
augmenter au cours du temps chez les femelles à jeun mais l'augmentation est surtout
sensible le quatrième jour de mesure.
N
F1
s F2
F2
s
A. tabida nourries
A. tabida non nourries
15
15
-0,108
-0,147
0,187
0,180
0,047
-0,129
0,279
0,375
L. heterotoma nourries
L. heterotoma non nourries
9
10
1,061 a
0,127 b
0,607
0,717
-0,017a
0,460 b
0,370
0,115
F2
Tableau 15 : Effet d'une privation de nourriture sur les rythmes d'activité des femelles de A. tabida et
L. heterotoma (souche Ste Foy). Analyse des profils des rythmes par AFC. Coordonnées factorielles des
différents groupes d'individus pour les axes F1 et F2 de l'analyse. s = écart type. N = nombre d'individus
conservés pour l'analyse. Test t réalisé entre groupes de femelles de la même espèce. Les moyennes
accompagnées de lettres différentes sont significativement différentes à 5%.
103
Chapitre 5
Activité %
100
nourries
non nourries
80
60
40
20
0
20
8
20
8 Heures 20
8
20
8
20
Figure 41 : Effet du jeûne sur le rythme d'activité locomotrice des femelles de A. tabida (Ste
Foy). Des femelles ayant la possibilité de se nourrir avant et pendant l'expérience ont été
comparées à des femelles n'ayant jamais été nourries (moyenne de 30 individus mesurés sous
photopériode LD 12:12).
60
nourries
non nourries
Activité %
50
40
30
20
10
0
20
8
20
8 Heures 20
8
20
8
20
Figure 42 : Effet du jeûne sur le rythme d'activité locomotrice des femelles de L. heterotoma
(Ste Foy). Des femelles ayant la possibilité de se nourrir avant et pendant l'expérience ont été
comparées à des femelles n'ayant jamais été nourries (moyenne de 30 individus mesurés sous
photopériode LD 12:12).
L'activité des femelles témoins des deux espèces reste relativement stable pour toute
la durée de l'expérience et dans tous les cas, aucune modification profonde de profil n'est
observée au cours du temps. En conséquence, l'analyse des profils par AFC a été réalisée
comme précédemment sur les trois premiers jours de mesure. Il est probable que des
modifications plus importantes de profil auraient été observées pour une durée
d'expérience plus longue.
Le profil d'activité des femelles de A. tabida ne semble pas être modifié lorsque
celles-ci sont privées de nourriture (figure 41) ce qui est confirmé par les résultats de
l'AFC (figure 43). Sur la carte factorielle, femelles nourries et non nourries sont très
proches les unes des autres et aucune différence n'est significative entre les coordonnées
factorielles de ces deux groupes quel que soit l'axe considéré (tableau 15). Dans les deux
cas, les femelles montrent une activité maximale en début de photophase qui ensuite
diminue rapidement au cours de la journée.
104
Effets de facteurs biotiques
A l'inverse, l'activité des femelles de L. heterotoma privées de nourriture est très
différente de celles qui ont eu la possibilité de se nourrir avant et pendant l'expérience
(figure 42). Une activité matinale importante apparaît qui n'existe pratiquement pas
lorsque les femelles sont en présence de miel. Le manque de nourriture provoque donc
chez cette espèce l'apparition d'un pic d'activité supplémentaire, situé en début de
photophase. Cette différence de profil est très significative comme l'indique l'AFC
(figure 43 et tableau 15). Chez les femelles témoins, l'apparition puis la légère
augmentation d'une activité matinale (figure 42) sont probablement la conséquence de
l'épuisement du stock de nourriture présent dans les enceintes.
Pour les deux espèces étudiées, l'absence de nourriture provoque une augmentation
du taux d'activité des femelles (figures 41 et 42). Cet accroissement, évident chez
L. heterotoma, est plus difficilement décelable chez A. tabida où il est cependant
statistiquement significatif (t = 2,71, p < 0,05). L'origine de cette activité plus
importante n'est pas la même chez ces deux espèces.
Pour A. tabida cette augmentation s'explique uniquement par un taux d'activité plus
fort pour chaque heure de la journée (pas de modification de profil) alors que pour
L. heterotoma, elle correspond à une modification profonde du profil d'activité des
femelles.
non nourries
F2 = 23 %
L. heterotoma
10 1113
09 12 14
nourries
08
15 16
1918
17
A. tabida
nourries
non nourries
07
06
05
20
F1 = 30 %
Figure 43 : Effet du jeûne sur le rythme d'activité locomotrice
des femelles de A. tabida et L. heterotoma. Analyse des profils par
AFC. Carte réalisée dans le plan F1 et F2 de l'analyse. Les chiffres
indiquent les heures de la journée. Pour chaque axe est donné le
pourcentage d'inertie qu'il représente.
1-3 Conclusions
Les effets du jeûne sur les rythmes d'activité varient en fonction des espèces de
parasitoïdes considérées puisque ce facteur peut ou non modifier le profil d'activité des
individus. Néanmoins, dans tous les cas, cette privation est à l'origine d'une
augmentation de l'activité globale des femelles.
105
Chapitre 5
2- Effet de l'insémination
d'activité locomotrice
des
femelles
sur
les
rythmes
Toutes les expériences précédentes ont été réalisées sur des individus inséminés. Les
conséquences de l'absence de fécondation sur les rythmes d'activité locomotrice des
femelles ont été recherchées chez les deux espèces du genre Leptopilina (Tunisie).
2-1 Protocole expérimental
Pour obtenir des femelles vierges, des pupes parasitées ont été isolées, quelques
jours avant l'émergence, dans de petits tubes en verre. Avant d'être mises en place dans
les enceintes d'expérimentation, les femelles ont été regroupées dans des tubes plus
grands soit seules (femelles vierges) soit en présence de mâles pour accouplement (lot
témoin). Dans tous les cas, une quantité non limitante de nourriture (miel) était
disponible. Seules les femelles témoins fécondées (présence de femelles dans leur
descendance) ont été prises en compte pour les calculs.
2-2 Résultats
Les femelles vierges et fécondées de L. boulardi montrent le même profil avec une
activité maximale pendant la première heure d'obscurité (figure 44).
40
40
Activité %
fécondées
vierges
fécondées
vierges
30
30
20
20
10
10
0
0
0
4
8
12
16
Heures
20
24
Figure 44 : Comparaison des rythmes
d'activité locomotrice entre femelles vierges et
femelles fécondées chez L. boulardi (souche
tunisienne). Courbes moyennes du rythme
d'activité (30 individus suivis pendant 3 jours
sous photopériode LD 12:12).
106
0
4
8
12
16
Heures
20
24
Figure 45 : Comparaison des rythmes
d'activité locomotrice entre femelles vierges et
femelles fécondées chez L. heterotoma (souche
tunisienne). Courbes moyennes du rythme
d'activité (30 individus suivis pendant 3 jours
sous photopériode LD 12:12).
Effets de facteurs biotiques
Après AFC (tableau 16), aucune différence significative n'est apparue entre les
coordonnées factorielles des deux groupes de femelles (t = 1,02 ; p = 0,30 et
t = 1,5 ; p = 0,15 pour les axes F1 et F2 de l'analyse factorielle). L'absence de
fécondation n'affecte pas non plus le taux d'activité des individus puisque femelles
vierges et fécondées ne sont pas différentes pour ce caractère (respectivement 5,3 et
5,9% ; t = 0,18 ; p > 0,80).
Chez L. heterotoma, des différences de profils ont été observées entre femelles
vierges et femelles fécondées (figure 45 ; t = 5,5 et 4,1, p < 0,001, pour
respectivement les coordonnées F1 et F2 de l'AFC, tableau 16). Les femelles vierges
montrent, l'après-midi, une activité plus brève et plus tardive que les femelles fécondées,
avec un maximum pendant l'heure qui précède l'extinction de la lumière (figure 45). Cette
réduction de la durée d'activité est de l'ordre de trois heures alors que le premier pic
d'activité n'est pas modifié. Ce même effet a été observé lors d'une expérience
préliminaire au cours de laquelle les femelles témoins n'ont pas été préalablement isolées
dans des tubes.
Cette différence de profil est à l'origine d'un taux d'activité significativement plus
élevé des femelles fécondées par rapport à celui des femelles vierges (respectivement 7 et
3,1% ; t = 2,78 , p < 0,01). Les profils d'activité des femelles du lot témoin qui n'ont
pas produit de femelles dans leur descendance, éliminées de l'analyse et non représentées
ici, semblent cependant montrer beaucoup moins de différences par rapport aux femelles
fécondées.
N
F1
s F2
F2
s F2
L. boulardi fécondées
L. boulardi vierges
13
28
0,266
0,033
0,742
0,648
0,069
-0,257
0,741
0,627
L. heterotoma fécondées
L. heterotoma vierges
19
22
-0,150a
0,726 b
0,680
0,276
-0,203a
0,448 b
0,461
0,550
Tableau 16 : Comparaison des rythmes d'activité entre femelles vierges et femelles fécondées chez
L. heterotoma et L. boulardi (souche tunisienne). Analyse des profils des rythmes par AFC. Coordonnées
factorielles des différents groupes d'individus pour les axes F1 et F2 de l'analyse. s = écart type.
N = nombre d'individus conservés pour l'analyse. Test t réalisé entre groupes de femelles de la même
espèce. Les moyennes accompagnées de lettres différentes sont significativement différentes à 5%.
2-3 Conclusions
Chez L. boulardi, femelles vierges et femelles fécondées ont le même rythme
d'activité ce qui n'est pas le cas chez L. heterotoma. La durée d'activité des femelles
vierges de cette espèce est plus courte que celle des femelles fécondées.
107
Chapitre 5
3- Effet de la nature de l'hôte sur l'activité
l'activité parasitaire des femelles parasitoïdes
locomotrice
et
Le succès du parasitisme nécessite une véritable adéquation entre l'hôte et le
parasitoïde (Vinson et Iwantch, 1980) qui met en jeu des interactions physiologiques à la
fois immunitaires, endocrines et trophiques. Néanmoins, de nombreuses espèces de
parasitoïdes sont capables de se développer sur plusieurs espèces d'hôtes, proches
taxonomiquement, et souvent en compétition (Rouault, 1979 ; Price et al., 1988 ;
Boulétreau et al., 1991a). Certaines caractéristiques des parasitoïdes peuvent être
affectées par la qualité de l'hôte dans lequel ils se sont développés (Marston et Ertle,
1973 ; Strand, 1986 ; Bigler et al., 1987). Il est possible que des hôtes d'espèces
différentes puissent modifier certaines caractéristiques des rythmes d'activité des
parasitoïdes.
Les parasitoïdes de drosophiles sont capables de se développer sur différentes
espèces d'hôtes qui, pour eux, ne sont pas tous de la même qualité (Van Alphen et
Janssen, 1982 ; Carton et al., 1986 ; Janssen et al., 1988 ; Mollema, 1991).
L'influence de la nature de l'hôte sur les rythmes d'activité locomotrice des parasitoïdes
adultes a été recherchée chez les deux espèces du genre Leptopilina. L'effet de l'hôte de
développement sur le degré d'infestation et le succès parasitaire a également été mesuré.
Les résultats de ces expériences seront présentés préalablement à l'étude des rythmes
puisque elles ont permis de s'assurer que les deux espèces de drosophiles utilisées
(D. melanogaster et D. simulans) sont bien des hôtes potentiels pour les deux espèces de
parasitoïdes étudiées.
3-1 Protocole expérimental
L'influence de la nature de l'hôte a été étudiée dans le cadre d'un complexe hôteparasitoïde naturel (Tunisie) où deux espèces de parasites, L. heterotoma et L. boulardi,
infestent deux espèces d'hôtes différentes, D. melanogaster et D. simulans (Carton et
al., 1991a). Chaque espèce parasitoïde a été élevée soit sur D. melanogaster soit sur
D. simulans (souches tunisiennes) ce qui a conduit à constituer pour chaque espèce deux
sous-lignées différentes en ce qui concerne l'hôte de développement. Pour les quatre
sous-lignées (deux espèces de parasites élevées sur deux types d'hôtes), les rythmes
d'activité ont été mesurés sur une partie des femelles. Les femelles restantes ont été
utilisées pour étudier l'effet de l'hôte sur le potentiel d'infestation des parasitoïdes (degré
d'infestation et succès parasitaire). Toutes les expériences se sont déroulées à 22°C.
Pour les rythmes d'activité locomotrice, 30 femelles élevées sur D. melanogaster
(hôte utilisé pour toutes les autres expériences) ont été comparées à 30 femelles élevées
sur D. simulans. La même expérience a été réalisée pour les deux espèces de
parasitoïdes.
En ce qui concerne l'efficacité parasitaire, afin de mesurer l'effet de la nature de l'hôte
sur le degré d'infestation et sur le succès parasitaire de la descendance, chaque catégorie
de femelles a été testée soit sur D. melanogaster soit sur D. simulans (pas de choix
108
Effets de facteurs biotiques
possible) ce qui a constitué au total 8 groupes expérimentaux (les deux espèces de
parasitoïdes, élevées soit sur D. melanogaster soit sur D. simulans, ont infesté soit
D. melanogaster soit D. simulans). Pour les 8 modalités, 15 femelles âgées de 24 heures
ont été mesurées, chacune d'entre elles ayant eu la possibilité d'infester une centaine de
larves de la même espèce pendant 24 heures. Pour chaque caractère (degré d'infestation et
succès parasitaire) deux effets différents devront être distingués, un effet "hôte de
développement" des femelles testées et un effet "hôte définitif" (chaque catégorie de
femelles parasite soit D. melanogaster soit D. simulans).
3-2 Résultats
3-2-2 Efficacité parasitaire
Les résultats ont été traités par analyse de variance à deux facteurs (effet hôte de
développement et hôte définitif) après transformation angulaire des données. Les
moyennes des caractères de chaque groupe de femelles sont données en valeur réelle.
Degré d'infestation (tableau 17): L. heterotoma infeste aussi bien D. melanogaster
que D. simulans et cela quelle que soit la nature de l'hôte dont elle provient (Anova à
deux facteurs, F < 1, effet hôte définitif et hôte de développement). Le fait de s'être
développées sur un hôte différent ne modifie donc en rien la capacité d'infestation des
femelles de cette espèce qui parasitent en 24 heures environ 50% des larves disponibles.
Il n'en est pas de même pour L. boulardi qui, si elle infeste de façon identique les deux
espèces d'hôtes présentées (F = 2,45 ; p = 0,12), montre des taux d'infestation plus
élevés lorsqu'elle s'est développée sur D. simulans (F = 7,9 ; p = 0,007). Chez les
deux espèces, aucune interaction significative n'a été mesurée entre les deux facteurs de
l'analyse.
L. heterotoma élevée sur
D. m
D. s
D. m
D. s
L. boulardi élevée sur
D. m
D. s
0,53
0,53
0,68
0,78
(0,38)
(0,41)
(0,23)
(0,15)
0,56
0,39
0,50
0,76
(0,28)
(0,31)
(0,35)
(0,21)
Tableau 17 : Effet de l'hôte de développement (D. melanogaster ou D. simulans) sur le degré
d'infestation des femelles de L. heterotoma et L. boulardi. Les femelles ont infesté soit D. melanogaster
(D m) soit D. simulans (D s). Les valeurs entre parenthèses correspondent aux écarts-type. Pour chaque
modalité, les mesures ont été réalisées sur 15 femelles ; voir texte pour les comparaisons statistiques.
109
Chapitre 5
Succès parasitaire (tableau 18): Chez L. heterotoma comme chez L. boulardi, le
succès parasitaire avec une espèce d'hôte donnée ne dépend pas du type d'hôte dans
lequel s'est développée la mère (F < 1). En d'autres termes un œuf pondu dans une
larve de D. simulans n'aura pas une probabilité plus élevée de donner un parasitoïde
adulte si la mère est issue de cette même espèce d'hôte et cela reste vrai quelle que soit
l'espèce d'hôte ou de parasitoïde considérée.
L. heterotoma élevée sur
D. m
D. s
D. m
D. s
L. boulardi élevée sur
D. m
D. s
0,65
0,65
0,48
0,50
(0,21)
(0,27)
(0,18)
(0,24)
0,85
0,79
0,39
0,37
(0,13)
(0,14)
(0,15)
(0,13)
Tableau 18 : Effet de la nature de l'hôte (D. melanogaster ou D. simulans) sur le succès parasitaire
chez L. heterotoma et L. boulardi. Les mères ont été élevées soit sur D. melanogaster (D m) soit sur D.
simulans (D s). Les valeurs entre parenthèses correspondent aux écarts-type. Pour chaque modalité, les
mesures ont été réalisées sur la descendance de 15 femelles ; voir texte pour les comparaisons statistiques.
Par contre, le succès parasitaire varie en fonction de l'espèce d'hôte considérée (effet
hôte définitif) et le sens de ces variations est opposé chez les deux espèces de
parasitoïdes. L. heterotoma se développe mieux sur D. simulans (F = 8,3 ;
p = 0,007), alors que L. boulardi se développe mieux sur D. melanogaster (F = 4,6 ;
p = 0,04). Quel que soit l'hôte de développement, le succès parasitaire de
L. heterotoma est toujours plus élevé que celui de L. boulardi. Comme pour le degré
d'infestation, aucune interaction significative n'a été mesurée entre les deux facteurs de
l'analyse.
Durée de développement (tableau 19): Pour chaque modalité expérimentale, les mâles
émergent plus tôt que les femelles (1 à 3 jours à 22°C), phénomène bien connu chez les
parasitoïdes et discuté dans le chapitre 3. Pour chacune des deux espèces, la durée de
développement des deux sexes n'est pas influencée par le type d'hôte dont sont issues
leurs mères.
L'effet le plus significatif de ces mesures est que D. simulans augmente la durée de
développement des individus de près de 2 jours ceci pour les deux sexes des deux
espèces de parasitoïdes.
Enfin la durée de développement de L. heterotoma et de L. boulardi semblent
identiques, de l'ordre de 26-27 jours pour les mâles et 28-29 jours pour les femelles
lorsque ces deux espèces se développent sur D. melanogaster.
Cette étude indique, qu'à 22°C, les deux espèces de drosophiles (D. melanogaster ou
D. simulans) sont des hôtes favorables pour L. heterotoma et L. boulardi.
110
Effets de facteurs biotiques
L. heterotoma élevée sur
D. m
D. s
D.m
m
f
D.s
m
f
L. boulardi élevée sur
D. m
D. s
26,7
26,0
26,4
26,2
(1,3)
(1,0)
(1,9)
(1,5)
29,2
28,9
28,6
28,3
(1,2)
(1,4)
(1,6)
(2,0)
27,3
27,7
28,6
28,1
(1,6)
(1,1)
(1,8)
(1,4)
30,9
30,8
30,9
31,1
(1,1)
(1,1)
(1,2)
(1,2)
Tableau 19 : Effet de la nature de l'hôte (D. melanogaster ou D. simulans) sur la durée de
développement de la descendance de L. heterotoma et L. boulardi. m = mâle ; f = femelle. Les mères ont
été élevées soit sur D. melanogaster (D m) soit sur D. simulans (D s). Les valeurs entre parenthèses
correspondent aux écarts-type. Pour chaque modalité, les mesures ont été réalisées sur la descendance de 15
femelles ; voir texte pour les comparaisons statistiques.
3-2-2 Rythme d'activité
Pour les deux espèces de parasites étudiées, le pic principal d'activité des femelles
développées sur D. simulans est plus précoce que le pic d'activité des femelles élevées
sur D. melanogaster (figures 46 et 47). Ce phénomène, bien visible chez L. heterotoma
(figure 46), est plus difficile à déceler chez L. boulardi (figure 47).
Afin de déterminer si cette différence de profil est significative, le déphasage
d'activité a été calculé en mesurant sur les courbes moyennes individuelles l'heure
(phase) du pic d'activité (pic de l'après-midi chez L. heterotoma). Chez L. heterotoma,
le pic d'activité des femelles élevées sur D. melanogaster se situe en moyenne à 16 h 30
alors qu'il se produit à 14 h 50 lorsqu'elles sont élevées sur D. simulans. Cette
différence de 1 h 40 est hautement significative (t = 4,3 ; p < 0,0001). Ce même effet
de l'hôte de développement est également présent chez L. boulardi dont le pic passe de
19 h 40 avec D. melanogaster à 19 h 10 avec D. simulans. Bien que beaucoup plus
faible (0 h 30), cet avancement de phase est statistiquement significatif (t = 2,5 ;
p = 0,02).
La carte factorielle obtenue après analyse des profils par AFC a été présentée car elle
permet de bien visualiser, pour les deux espèces, le net avancement de phase induit par
l'élevage sur D. simulans (figure 48). L'axe F1 de l'analyse traduit les différences entre
espèces alors que l'axe F2 est représentatif de l'effet "hôte de développement".
Positionnées vers 21-22 heures quand elles sont élevées sur D. melanogaster, les
femelles de L. boulardi se situent sur la carte factorielle entre 19 et 20 heures lorsque
l'hôte de développement est D simulans (coordonnées factorielles sur l'axe F2
significativement différentes, t = 2,68 ; p = 0,01). L. heterotoma passe de 1516 heures à 14-15 heures (coordonnées factorielles sur l'axe F2 significativement
différentes, t = 2,07 ; p = 0,04). Cette carte permet également de visualiser la
111
Chapitre 5
différence présente entre les deux espèces du genre Leptopilina (axe F1 de l'AFC). Il est
enfin intéressant de noter la très bonne cohérence des résultats obtenus à partir des deux
analyses.
30
30
Activité %
élevées sur D. melanogaster
élevées sur D. simulans
élevées sur D. melanogaster
élevées sur D. simulans
20
20
10
10
0
0
0
4
8
12
Heures
16
20
Figure 46 : Effet de l'hôte de développement
sur le rythme d'activité locomotrice de L.
heterotoma. Courbes moyennes du rythme
(22°C).
F2 = 16 %
20
D.s
17
16
20
24
D.s
08
14
13
12
11
07
L. heterotoma
D.s
16
D.m 15
D.m
17
19 18
16
D.m 15
L. boulardi
21
14
D.m
D.s
13
03
10
02
05
22
04
24
01 23
06
09
0105
12
Heures
L. heterotoma
21
02 04
03
24
8
20
18
L. boulardi
2223
4
Figure 47 : Effet de l'hôte de développement
sur le rythme d'activité locomotrice de
L. boulardi. Courbes moyennes du rythme
(22°C).
F2 = 15 %
19
0
24
06
08 12
07 09
11
10
F1 = 23 %
F1 = 28 %
Figure 48 : Effet de l'hôte de développement
sur le rythme d'activité locomotrice de L.
heterotoma et
L. boulardi
(souches
tunisiennes). Analyse des profils par AFC sur
les trois premiers jours de mesure. Ds = D.
simulans ; Dm = D. melanogaster. Les chiffres
représentent les heures de la journée.
Figure 49 : Effet de l'hôte de développement
sur le rythme d'activité locomotrice de L.
heterotoma
et
L. boulardi
(souches
tunisiennes). Analyse des profils par AFC sur
les 5e et 6e jours de mesure. Ds = D.
simulans ; Dm = D. melanogaster. Les chiffres
représentent les heures de la journée.
112
Effets de facteurs biotiques
En ce qui concerne le taux d'activité, la nature de l'hôte de développement ne semble
pas avoir le même effet chez les deux espèces de parasitoïdes (figures 46 et 47).
L'élevage sur D. simulans paraît augmenter l'activité des femelles de L. boulardi
(amplitude du pic plus importante) alors qu'il semble n'avoir aucun effet chez
L. heterotoma. Cependant, chez les deux espèces de parasitoïdes, aucune différence
significative n'a été mesurée dans les taux d'activité entre femelles élevées sur les deux
types d'hôtes (t = 0,37 ; p = 0,71 pour L. heterotoma, t = 1,52 ; p = 0,13 pour
L. boulardi, test t après transformation angulaire). L'hôte de développement ne modifie
donc pas le taux d'activité des femelles, caractère qui montre une importante variabilité au
sein des groupes étudiés.
Comme pour toutes les études précédentes, les résultats présentés ci-dessus
concernent uniquement les trois premiers jours de mesures de l'activité (chapitre 1). On
peut se demander si l'effet mesuré n'est que passager ou si l'hôte de développement
affecte profondément le rythme d'activité des parasitoïdes. Pour répondre à cette
question, les deux derniers jours de mesure de l'expérimentation, correspondant au 5e et
au 6e jours de vie des femelles (non utilisés dans les calculs précédents) ont été analysés.
Seuls les résultats de l'AFC ont été représentés (figure 49). Ils indiquent que la
modification du profil d'activité induite par l'hôte de développement persiste pendant
toute la durée de l'expérience. Pour les deux espèces étudiées, des différences
significatives ont en effet été mesurées entre les coordonnées factorielles de l'axe F2 des
femelles des deux groupes (t = 2,18 ; p = 0,03 pour L. heterotoma ; t = 2,27 ;
p = 0,03 pour L. boulardi). Il est donc probable que la modification des profils
d'activité induite par l'hôte de développement persiste pendant toute la vie des femelles.
50
D. melanogaster
D. simulans
Activité %
40
30
20
10
0
0
4
8
12
16
Heures
20
24
Figure 50 : Effet de l'hôte de développement sur le rythme
d'activité locomotrice de L. boulardi . Courbes moyennes du
rythme d'activité. Expérience réalisée à 25°C.
113
Chapitre 5
Afin de confirmer ces résultats assez originaux, l'expérience a été renouvelée sur
L. boulardi. 30 femelles pour chaque modalité de développement (D. melanogaster ou
D. simulans) ont été mesurées non pas à 22°C mais à 25°C. Le même phénomène a été
observé à cette température (figure 50) ce qui permet d'affirmer que l'hôte de
développement influence le rythme d'activité des femelles parasitoïdes adultes. Ce
phénomène n'avait semble-t-il jamais été démontré dans le domaine des relations hôteparasite.
Cette mesure à 25°C renseigne sur l'effet de la température sur les rythmes d'activité
des parasitoïdes. Comme cela a été démontré chez de nombreuses espèces d'insectes
(Brady, 1981), une élévation de la température semble augmenter la quantité d'activité
locomotrice (amplitude du pic d'activité deux fois plus élevée à 25°C qu'à 22°C) sans
modifier le profil d'activité des individus.
3-3 Conclusions
La nature de l'hôte de développement modifie tous les caractères étudiés. Son effet se
situe aussi bien à court terme sur les stades préimaginaux des parasitoïdes (succès
parasitaire, durée de développement) qu'à plus long terme sur les stades adultes (potentiel
d'infestation et profil d'activité des femelles).
Chez L. heterotoma, le succès parasitaire des femelles est meilleur sur D. simulans
que sur D. melanogaster. Ces deux espèces de drosophiles produisent cependant des
femelles ayant le même potentiel d'infestation. Chez L. boulardi des résultats opposés
entre degré d'infestation et succès parasitaire ont été observés puisque D. simulans
produit des femelles ayant un meilleur potentiel d'infestation que D. melanogaster mais
avec un succès parasitaire plus faible. Pour les deux espèces de parasitoïdes étudiées, la
durée de développement est toujours plus longue sur D. simulans que sur
D. melanogaster. Bien que des différences apparaissent entre femelles élevées sur
D. melanogaster et D. simulans, ces deux hôtes sont adéquats aussi bien pour
L. heterotoma que pour L. boulardi.
En ce qui concerne les rythmes d'activité locomotrice, les profils sont modifiés par la
nature de l'hôte de développement. L'élevage sur D. simulans produit un avancement de
la phase du pic principal d'activité : les femelles parasitoïdes qui se sont développées sur
cette espèce sont actives plus tôt que celles issues de D. melanogaster. Ce phénomène,
observé chez les deux espèces de parasitoïdes étudiées, persiste probablement pendant
toute la vie des femelles ce qui suggère que l'élevage sur un hôte différent modifie un
mécanisme important du déterminisme de l'activité de ces insectes.
4- Conclusions générales
Cette étude démontre clairement que les rythmes d'activité des parasitoïdes de
drosophiles sont le résultat de l'interaction entre l'oscillation endogène et les conditions
physiologiques des organismes. Tous les facteurs testés (l'alimentation, l'insémination et
l'hôte de développement) modifient les rythmes d'activité locomotrice des femelles.
Cependant, les modifications profondes de profils sont rares et ce sont plutôt de légères
114
Effets de facteurs biotiques
différences qui sont observées, preuve du rôle prépondérant de l'oscillation endogène
dans l'organisation temporelle des comportements.
L'absence de nourriture provoque chez les deux espèces étudiées (A. tabida et
L. heterotoma) une augmentation du taux d'activité des femelles. Ce phénomène, qui
n'est pas surprenant, a été observé chez de nombreuses espèces d'insectes (Crump et
Brady, 1979 ; Jones et Gubbins, 1978 ; Van Etten, 1982). Comme c'est le cas pour la
plupart de ces études, ce facteur ne modifie pas le profil d'activité des femelles de
A. tabida. Chez L. heterotoma au contraire, la privation de nourriture entraîne une
profonde modification du profil d'activité locomotrice de cette espèce avec l'apparition
d'un pic d'activité supplémentaire en début de photophase. Ce pic d'activité ne se produit
pas en phase avec celui observé en présence de miel ce qui suggère, chez cette espèce,
qu'une phase bien définie du nycthémère est réservée à la recherche de nourriture.
Les résultats obtenus au sujet de l'effet de l'insémination sont contradictoires puisque
L. boulardi et L. heterotoma réagissent de façon différente à ce facteur. Compte tenu du
mode de reproduction parthénogénétique de ces deux espèces, une faible différence était
attendue entre femelles vierges et femelles fécondées, toutes deux capables de produire
une descendance viable. Ce phénomène a été observé chez L. boulardi dont les femelles,
inséminées ou non, montrent le même rythme d'activité. Chez L. heterotoma au
contraire, des différences de profils apparaissent entre femelles vierges et fécondées. Ces
variations de profils ont souvent été observées chez les insectes dont le mode de
reproduction nécessite la présence d'un mâle comme par exemple les moustiques (Jones
et Gubbins, 1978) ou les drosophiles (Allemand, 1983). Les résultats obtenus sur
L. heterotoma démontrent que l'insémination peut également modifier les profils
d'activité des espèces parthénogénétiques. Il est possible que, chez cette espèce, l'activité
plus importante mesurée sur les femelles fécondées soit la conséquence d'une ovogenèse
stimulée par l'insémination, hypothèse qui reste à vérifier.
L'effet de la nature de l'hôte de développement sur la taille, la longévité, la fécondité
ou la sex-ratio des parasitoïdes est connu depuis longtemps (Salt, 1941) et de nombreux
travaux ont démontré que certaines espèces d'hôtes pouvaient altérer l'efficacité des
parasitoïdes (Stinner et al., 1974 ; Van Alphen et Janssen, 1982 ; Strand, 1986 ;
Hohmann et al., 1988). Chez les parasitoïdes de drosophiles, un effet de l'hôte de
développement sur la survie et le potentiel d'infestation des femelles a été observé chez
les deux espèces étudiées.
L. boulardi se développe mieux sur D. melanogaster que sur D. simulans ce qui
confirme les résultats déjà obtenus sur cette espèce (Kopelman et Chabora, 1987 ;
Carton et al., 1987). Cela se traduit par une infestation préférentielle des larves de
D. melanogaster lorsque les femelles ont le choix entre ces deux espèces d'hôtes (Carton
et al., 1987). Cependant, D. melanogaster produit des femelles de L. boulardi de
moindre efficacité que D. simulans (potentiel d'infestation plus faible). Il apparaît ainsi
une sorte d'équilibre entre les effets favorables et les effets défavorables des hôtes.
L. heterotoma, au contraire, se développe mieux sur D. simulans que sur
D. melanogaster. Si, comme L. boulardi, cela implique une préférence pour cette espèce
d'hôtes, on peut envisager entre ces deux parasitoïdes un partage des hôtes,
L. heterotoma attaquant D. simulans alors que L. boulardi serait plus inféodée à
115
Chapitre 5
D. melanogaster. Ce phénomène est cependant peu probable du fait que L. heterotoma
est un parasitoïde généraliste qui attaque de nombreuses espèces de drosophiles (Carton
et al., 1991a). Les différences de potentiel d'infestation qui apparaissent entre ces deux
espèces, déjà observées par Boulétreau et Wajnberg (1986), seront étudiées en détail dans
le chapitre suivant.
Si les deux espèces de parasitoïdes réagissent de façon différente à l'élevage sur
D. melanogaster et D. simulans en ce qui concerne le degré d'infestation et le succès
parasitaire, ce n'est pas le cas pour la durée de développement et les rythmes d'activité
des femelles. Chez L. boulardi comme chez L. heterotoma, la durée de développement
préimaginale est plus longue sur D. simulans que sur D. melanogaster. Ce phénomène
n'est pas la conséquence de la durée de développement des hôtes puisque D. simulans a
un temps de génération plus court que D. melanogaster (Tantawy et Soliman, 1967) ce
qui tend à renforcer la différence observée. Au stade adulte, les femelles élevées sur
D. simulans ont une activité plus précoce que celles élevées sur D. melanogaster. Cet
effet de l'hôte de développement sur les rythmes d'activité des parasitoïdes est un résultat
nouveau chez les insectes parasites. L'origine de ce déphasage n'est pas connue et deux
hypothèses différentes peuvent être avancées selon que les composantes circadiennes sont
ou non affectées :
- dans le cas où l'oscillation endogène n'est pas modifiée, les différences
observées peuvent s'expliquer par un entraînement différent du rythme d'activité des
adultes, conséquence des conditions rencontrées pendant la vie parasitaire préimaginale.
Ces différences peuvent être le reflet de l'état physiologique des femelles qui répondent
alors différemment aux facteurs d'entraînement du milieu. Il est également possible que
l'hôte lui-même ait constitué un facteur d'entraînement différent, sorte de
conditionnement préimaginal qui persiste à l'état adulte, après la métamorphose des
parasites. Des différences de comportements ont en effet été observées entre les larves de
D. melanogaster et D. simulans (Green et al., 1983 ; Troncoso et al., 1987). La
conservation au stade adulte de certaines caractéristiques larvaires a été observée chez
D. melanogaster (Nagle et Bell, 1987) mais ce phénomène concernait des comportements
probablement contrôlés par les mêmes gènes.
- l'oscillation endogène elle-même peut être affectée par l'hôte de
développement. Une modification des caractéristiques fondamentales des rythmes
d'activité (période endogène, rapport phase d'activité sur phase de repos) a été décrite
chez le criquet en fonction du régime lumineux subi pendant le développement larvaire
(Tomioka et Chiba, 1989a et b). Une telle hypothèse pourrait être testée chez les
parasitoïdes en recherchant si l'élevage sur des hôtes différents induit des modifications
du rythme d'activité des adultes mesurés en condition de libre cours.
Ces premiers résultats encouragent à poursuivre l'étude de l'influence de l'hôte de
développement sur les rythmes d'activité des parasitoïdes adultes dont les conséquences
peuvent être envisagées tant au niveau de la chronobiologie pure (modification de
l'horloge biologique) qu'au niveau des relations hôte-parasitoïde. L'idée qu'un rythme
d'activité des larves, différent entre espèces de drosophiles, soit responsable d'un rythme
116
Effets de facteurs biotiques
d'activité différent des parasitoïdes est séduisante. On pourrait en effet envisager une
infestation préférentielle de l'espèce dont sont issues les femelles via une synchronisation
de l'activité des deux partenaires, induite au stade préimaginal. Cette sorte de
conditionnement préimaginal a été à la base d'une théorie appelée "Hopkins host
selection" (Smith et Cornell, 1979) qui peut être à l'origine de spéciations sympatriques
mais qui a rarement été démontrée chez les insectes parasitoïdes.
117
Chapitre 6
Signification écologique et valeur adaptative des
rythmes circadiens d'activité des parasitoïdes
Dans la nature, l'organisation temporelle de l'activité à l'échelle du nycthémère résulte
de l'interaction de trois composantes différentes (Daan, 1981):
- l'oscillation endogène (rythme circadien) qui conduit les organismes à
réaliser préférentiellement leur activité à certaines heures de la journée.
- une réponse directe aux conditions prévisibles et non prévisibles que
rencontre chaque individu. Cette flexibilité des comportements autorise l'exploitation
d'une opportunité nouvelle.
- une contribution de l'expérience individuelle démontrée chez les insectes
sociaux (Cruden et al., 1983 ; Harrison et Breed, 1987).
La valeur adaptative des rythmes d'activité réside dans le rôle qu'ils jouent dans
l'organisation quotidienne des comportements (Corbet, 1966 ; Saunders, 1982), et il est
généralement admis que les processus sélectifs ont conduit les organismes à développer
une rythmicité endogène qui leur permet de réaliser une activité donnée au meilleur
moment de la journée (Enright, 1970 ; Saunders, 1977 ; Pittendrigh, 1981 ; Bell,
1990). Les rythmes circadiens d'activité peuvent donc être interprétés comme un moyen
permettant aux organismes de faire face à la structure temporelle de leur environnement
dont les variations périodiques (donc prévisibles) sont à la fois physiques (lumière,
température, humidité) et biologiques (rythmes d'activité des autres organismes).
La plupart des rythmes d'activité ont probablement été mis en place en réponse à la
périodicité des facteurs lumineux, thermiques ou hygrométriques de l'environnement
permettant aux organismes de les utiliser au mieux ou de s'y soustraire. L'avantage des
rythmes est donc formulé en terme d'anticipation (Enright, 1970 ; Harker, 1973). Chez
les drosophiles, Pittendrigh (1958) et Lankinen (1986a) relient ainsi l'émergence matinale
des adultes au taux d'humidité qui est à son plus haut niveau à ce moment de la journée
(facilitation du passage du stade nymphal au stade imaginal). En déterminant des phases
d'activité et de repos, les rythmes circadiens jouent également un rôle important dans les
interactions entre organismes. Ils sont, à ce titre, une composante non négligeable de la
structure des communautés. Au niveau des interactions entre individus, les rythmes
circadiens permettent soit la synchronisation soit la ségrégation temporelle de l'activité.
Processus de synchronisation: Entre organismes de niveaux trophiques différents,
des rythmes circadiens en phase peuvent être un moyen de faciliter la rencontre entre un
118
Signification écologique et valeur adaptative
prédateur et sa proie ou un hôte et son parasite. Ce type de mécanisme rentre dans le
cadre des processus de "favorisation" permettant d'augmenter la probabilité de rencontre
d'une ressource (Combes, 1991) décrit chez certains parasites de l'homme (Hawking et
Turston, 1951 a, b ; Théron, 1984 et 1985). Ce type de comportement a souvent été
observé entre proie et prédateur (Curio, 1976 ; Turuk, 1973 ; Rusak, 1981 ; Fox et
Stroud, 1986).
Entre individus de la même espèce, la synchronisation de l'activité peut à l'inverse
être un moyen pour une proie ou un hôte de réduire la probabilité d'être attaqué par un
prédateur ou un parasite en créant un "effet de surnombre" (Daan et Tinbergen, 1979).
Les rythmes d'activité sont également souvent à la base de la très bonne concordance de
phase entre l'activité d'appel d'un sexe (chants, émissions de phéromones etc) et
"l'attractivité" de son partenaire (Bartell et Shorey, 1969; Cardé et al. 1975 ; Borden,
1977 ; Brady, 1981). Des différences dans l'organisation temporelle de ces
comportements pourraient être à la base de mécanismes d'isolement génétique à l'origine
de spéciation sympatrique (Daan, 1981).
Processus de ségrégation temporelle: Les rythmes d'activité ont également été décrits
comme un moyen permettant de réduire les contacts entre deux organismes. Grâce à une
activité déphasée, les proies ou les hôtes peuvent ainsi limiter le risque de rencontrer un
prédateur ou un parasite (Hobson, 1968 ; Daan, 1981 ; Halle, 1988). Dans ce cas, ce
déphasage d'activité se traduit par un refuge temporel à l'échelle circadienne qui peut être
un mécanisme contribuant à la coexistence des associations hôte-parasite ou prédateurproie (Hassell et May, 1973).
Entre organismes de même niveau trophique, un déphasage d'activité peut réduire
l'intensité de la compétition en introduisant un partage temporel des ressources à l'échelle
du nycthémère. Le rôle des rythmes d'activité dans la coexistence d'espèces sympatriques
a été évoqué pour plusieurs types d'associations intéressant les insectes (Haddow et al.,
1966 ; Hunt, 1974 ; Allemand, 1983) ou les vertébrés (Pianka, 1969). Au sein de la
même population, la ségrégation temporelle semble exister chez certaines espèces en
relation avec le rang social des individus (Bovet, 1972).
Du fait de ces différents rôles possibles que peuvent jouer les rythmes circadiens dans
le fonctionnement des communautés, l'interprétation de l'organisation temporelle de
l'activité des organismes n'est pas aisée et des divergences d'opinions apparaissent
souvent entre auteurs. Chez les insectes pollinisateurs par exemple, les différences de
rythmes (recherche de nourriture) observées entre espèces sont interprétées soit comme la
conséquence d'exigences thermiques différentes (Willmer et Corbet, 1981 ; Willmer,
1983 ; Stone et al., 1988, Herrera, 1990) soit comme le résultat d'interactions
compétitives (Hubbell et Johnson, 1978 ; Gill et al., 1982). Il est probable que pour de
nombreuses espèces, l'organisation temporelle de l'activité ait été modelée par les deux
types de contraintes (physiques et biotiques) dont l'importance respective est variable en
fonction du type de comportements considérés.
Les rythmes d'activité des parasitoïdes des drosophiles sont probablement à relier à la
fois aux variations périodiques des facteurs physiques du milieu et à l'organisation
temporelle des communautés. Dans le cadre des relations hôte-parasitoïde, ces rythmes
peuvent jouer un rôle important aussi bien dans les relations qui existent entre les deux
119
Chapitre 6
partenaires de l'association (stabilité de l'association et régulation des populations
d'hôtes) que dans les interactions qui s'établissent entre espèces en compétition.
La signification écologique et la valeur adaptative des rythmes d'activité des
parasitoïdes ont été recherchées parmi les relations de compétition entre espèces qui
exploitent les mêmes ressources. Le rôle de la compétition interspécifique dans la
structure des communautés est souvent remis en cause (Lawton et Strong, 1981 ;
Shorrocks et al., 1984 ; Cornell et Lawton, 1992) mais les études réalisées sur les
insectes parasitoïdes tendent néanmoins à démontrer que ces associations se caractérisent
plutôt par l'existence de fortes interactions compétitives (Force, 1974 ; Hassell et Waage,
1984 ; Force, 1985 ; Askew et Show, 1986 ; Hagvar, 1989 ; Hawkins, 1990).
Les insectes parasitoïdes forment en effet un groupe particulier où la compétition joue
probablement un rôle important dans les relations entre espèces pour plusieurs raisons.
En plus du principe selon lequel la compétition interspécifique est importante chez les
organismes appartenant aux niveaux trophiques supérieurs (Hairston et al., 1960 ;
Schoener, 1983 ; Force, 1985), les femelles sont en général incapables de reconnaître un
hôte déjà parasité par une autre espèce (Van Strien-Van Liempt et Van Alphen, 1981 ;
Turlings et al., 1985 ; Pschorn-Walcher, 1987 ; Dijkerman et Koendres, 1988 ; Tillman
et Powell, 1992). Cette absence de discrimination interspécifique rend possible les
infestations multiples (multiparasitisme) qui sont à l'origine d'interactions compétitives
(l'hôte multiparasité ne peut produire qu'un nombre limité d'individus) même si les
ressources ne sont pas limitantes à l'échelle de la population. Les larves surnuméraires
sont éliminées soit par attaque physique soit par suppression physiologique (Fischer,
1961, 1971 ; Vinson et Ables, 1980). Ce phénomène est accentué par le fait que la
reconnaissance des hôtes parasités par une femelle de la même espèce (superparasitisme)
est souvent la règle (Van Lenteren, 1981 ; Van Alphen et Visser, 1990 ; Bakker et al.,
1990) ce qui a pour conséquence de réduire la compétition intraspécifique par rapport à la
compétition interspécifique. La discrimination interspécifique a cependant été observée
dans certaines associations de parasitoïdes (Bolter et Laing, 1983 ; Steinberg et al.,
1987).
La plupart des mécanismes classiques de coexistence ont été appliqués aux insectes
parasitoïdes : spécificité parasitaire (Price, 1980, 1984 ; Hawkins, 1990 ; Van Alphen
et al., 1991), partage spatial des ressources (Price, 1971 ; Vet et al., 1984a ; Okuda et
Yeargan, 1988 ; Boulétreau et al., 1991b), partage temporel à l'échelle saisonnière
(Carton et al., 1991a), hétérogénéité de l'habitat (Force, 1974) et toute une série de
stratégies reproductives décrites dans de nombreuses associations (Zwölfer, 1971 ;
Force 1974, 1975 ; Price, 1975 ; Askew et Shaw, 1986 ; Pschorn-Walcher, 1987).
Une répartition de l'activité des parasitoïdes à des moments différents de la journée
n'a semble-t-il jamais été avancée pour expliquer la coexistence des parasitoïdes en
compétition pour les mêmes hôtes. Les rythmes d'activité d'espèces en compétition dans
la nature ont été étudiés pour plusieurs systèmes sympatriques. Auparavant, il est apparu
indispensable de préciser la signification biologique de l'activité locomotrice spontanée
dans le but de vérifier si les rythmes mesurés correspondent à une organisation temporelle
des infestations des hôtes.
120
Signification écologique et valeur adaptative
1- Relation entre activité
parasitaire
locomotrice
spontanée
et
activité
Avant de préciser la signification biologique de l'activité locomotrice spontanée
exprimée en absence d'hôtes, la cinétique quotidienne des infestations des femelles a été
étudiée, une ponte répartie sur plusieurs jours étant indispensable pour qu'une rythmicité
de cette activité puisse exister.
1-1 Cinétique des infestations
1-1-1 Protocole expérimental
La cinétique des infestations a été estimée pour les trois espèces parasitoïdes des
larves de drosophiles. Selon les espèces, des méthodes de mesure différentes ont été
utilisées.
Pour les deux espèces du genre Leptopilina (souches tunisiennes), le nombre de
larves infestées quotidiennement a été estimé par le degré d'infestation (chapitre 1). Afin
que le nombre d'hôtes ne soit pas un facteur limitant, 200 larves saines au lieu de 100
(chapitre 1) ont été présentées chaque jour et à chaque femelle âgée de 24 heures. Pour les
deux espèces, 15 individus ont été étudiées.
La cinétique des infestations de A. tabida (souche Ste Foy) a été mesurée
indirectement par dissection car le faible succès parasitaire obtenu avec cette espèce sur
D. melanogaster ne permet pas de s'assurer de la validité des degrés d'infestation
(chapitre 1). Les œufs chorionés présents dans les ovaires ont été dénombrés dès
l'émergence des femelles ainsi qu'après des durées variables passées en présence d'une
quantité non limitante d'hôtes (300 à 400 larves) quotidiennement renouvelée.
Pour toutes les espèces étudiées, les mesures n'ont concerné que les 5 premiers jours
de vie des femelles.
1-1-2 Résultats
L. boulardi et L. heterotoma répartissent leurs infestations sur plusieurs jours
successifs et sont incapables d'infester en une journée les 200 larves présentées
(figure 51). Le premier jour de mesure, les deux espèces parasitent un nombre d'hôtes
important, indication d'une vitellogenèse préimaginale confirmée par dissection et déjà
montrée par de nombreux auteurs (Van Lenteren, 1976 ; Boulétreau et Biémont, 1980 ;
Carton et al., 1986 ; Le Rallec, 1991). Les jours suivants, le nombre d'hôtes attaqués
diffère selon les espèces. Les infestations de L. boulardi diminuent rapidement au cours
du temps et deviennent négligeables à partir du 4e jour de ponte alors que chez
L. heterotoma, elles restent stables avec environ une centaine de larves parasitées
quotidiennement (figure 51). Cette différence dans la cinétique des infestations reflète une
fécondité très différente des deux espèces puisque les femelles de L. heterotoma
parasitent presque 2 fois plus de larves que L. boulardi (480 contre 271 larves infestées
après 5 jours de mesures).
121
Chapitre 6
Nombre de larves infestées
140
L. heterotoma
L. boulardi
120
100
80
60
40
20
0
0
1
2 Jours
3
4
5
Figure 51 : Potentiel d'infestation quotidien de L. heterotoma et L. boulardi
(souches tunisiennes). Ces deux espèces en compétition dans la nature
présentent une forte différence de potentiel reproducteur. Les barres verticales
représentent les erreurs standards des moyennes (20 femelles).
Deux raisons différentes non exclusives peuvent expliquer le fait que les femelles
poursuivent leurs infestations sur plusieurs jours:
- L'existence d'une vitellogenèse imaginale observée chez de nombreuses
espèces considérées comme proovigéniques (Donaldson et Walter, 1988 ; Fleury et
Boulétreau, 1993).
- La conséquence d'une rythmicité endogène qui conduit les femelles à
exprimer une activité parasitaire à un moment précis et limité du nycthémère. Les œufs
non pondus pendant cette phase le seront le jour suivant.
A. tabida montre également une vitellogenèse préimaginale puisque les femelles
présentent dès l'émergence une quantité importante d'œufs chorionés prêts à être pondus
(environ 150, figure 52). Après 1, 2, 3 ou 4 jours de ponte, le nombre d'œufs présents
dans les ovaires est beaucoup plus faible mais loin d'être négligeable (entre 40 et 50 œufs
chorionés) ce qui reflète une production d'œufs au stade adulte observée au cours des
dissections (vitellogenèse imaginale). Les femelles de cette espèce répartissent donc, elles
aussi, leurs infestations sur plusieurs jours même en présence d'une quantité non
limitante d'hôtes.
122
Signification écologique et valeur adaptative
160
Nombre d'œufs chorionés
140
120
100
80
60
40
20
0
0
1
2 Jours
3
4
5
Figure 52 : Nombre d'œufs chorionés présents dans les ovaires de A.
tabida après une durée variable passée en présence d'une quantité non
limitante d'hôtes. Les barres verticales représentent les erreurs standards des
moyennes.
1-1-3 Conclusions
Pour les trois espèces étudiées, les femelles parasitoïdes sont incapables de pondre la
totalité de leurs œufs en un seul jour. La répartition des infestations sur plusieurs jours
rend donc possible l'expression d'une rythmicité dans cette activité.
Les deux espèces de Leptopilina étudiées qui coexistent dans la nature en un même
lieu géographique montrent un potentiel d'infestation très différent : L. heterotoma
infeste presque deux fois plus d'hôtes que L. boulardi.
1-2 Organisation des infestations dans le nycthémère
1-2-1 Protocole expérimental
L'organisation temporelle des infestations a été mesurée visuellement pour un seul
jour d'observation ce qui n'a pas permis d'établir la périodicité du phénomène.
L'automatisation de la mesure des rythmes de ponte, actuellement en cours, s'est heurtée
à des difficultés d'ordre biologique (comportement erratique des larves de drosophiles,
présence d'un milieu de culture qui évolue) qui nécessitent d'importantes mises au point
techniques.
Cette expérience a été réalisée pour les deux espèces du genre Leptopilina (souches
tunisiennes). Quinze femelles de chaque espèce ont été placées individuellement dans des
boîtes de Pétri en présence de 200 larves renouvelées quotidiennement. Le troisième jour
d'infestation, l'activité parasitaire a été suivie pendant 13 heures comprenant à la fois une
partie diurne et nocturne (de 10 h à 23 h, photopériode LD 12:12). Les femelles montrant
123
Chapitre 6
une activité parasitaire (infestation ou recherche intensive d'hôtes) ont été dénombrées
tous les quarts d'heure pour chacune des espèces étudiées.
Comme pour l'activité locomotrice, le pourcentage des relevés présentant une activité
parasitaire a été calculé pour chaque heure. Les relevés effectués à l'obscurité ont été
réalisés grâce à une source de lumière infra-rouge dont la longueur d'onde (supérieure à
675 nm) permet l'observation des insectes.
1-2-2 Résultats
Pour chaque espèce, l'activité parasitaire a été représentée avec l'activité locomotrice
correspondante mesurée par le système automatique lors d'autres expérimentations.
Chez L. boulardi, l'activité de recherche et d'infestation des larves montre une bonne
correspondance avec l'activité locomotrice mesurée en absence d'hôtes (figure 53). Ces
deux types d'activités sont maximales en début de nuit et minimales pendant la journée.
La similitude de ces profils, hautement significative (r = 0,91 ; p < 0,01), permet
d'envisager une liaison étroite entre l'activité locomotrice et l'activité parasitaire.
80
30
80
Act. parasitaire
Act. locomotrice
Act. parasitaire
Act. locomotrice
60
60
20
10
40
40
10
20
20
0
0
0
0
4
8
12 16
Heures
20
24
0
0
Figure 53 : Organisation temporelle de
l'activité locomotrice et de l'activité
parasitaire des femelles de L. boulardi
(souche tunisienne).
Activité parasitaire %
Activité locomotrice %
20
4
8
12 16
Heures
20
24
Figure 54 : Organisation temporelle de
l'activité locomotrice et de l'activité
parasitaire des femelles de L. heterotoma
(souche tunisienne).
Chez L. heterotoma, la similitude entre les deux types de profils est beaucoup plus
faible (figure 54) et non significative (r = 0,41 ; p > 0,05). Ces résultats ne remettent
cependant pas en cause l'idée d'une relation entre activité locomotrice spontanée et activité
parasitaire. Ces activités sont toutes les deux diurnes et s'arrêtent brusquement au
moment de l'extinction. L'absence de mesures en début de photophase ne permet pas
d'aller plus loin dans la comparaison.
124
Signification écologique et valeur adaptative
1-2-3 Conclusions
Comme pour l'activité locomotrice, les femelles montrent une activité parasitaire à des
moments précis du nycthémère, preuve d'une organisation temporelle de ce
comportement dont la rythmicité endogène reste à démontrer. Les profils de ces deux
types d'activité ne semblent pas très différents.
Chez L. boulardi, le profil d'activité locomotrice donne une très bonne estimation de
l'organisation temporelle des infestations de cette espèce.
Des études plus précises sont nécessaires chez L. heterotoma pour déterminer la
relation entre activité locomotrice et activité parasitaire.
1-3 Relation entre taux d'activité et potentiel d'infestation
Une relation entre activité locomotrice et activité parasitaire a déjà été évoquée au
cours du chapitre 4 où l'existence d'une correspondance entre le taux d'activité et la
capacité d'infestation des femelles de L. heterotoma a été soulignée. Les femelles
françaises sont en effet peu actives et peu fécondes par rapport aux femelles d'origine
tunisienne qui infestent environ deux fois plus de larves.
Les résultats obtenus lors de l'étude génétique de ces variations, traités séparément
dans le chapitre 4 et présentés ici ensemble, confirment l'existence d'une relation entre
ces deux caractères. Pour les six groupes génétiquement différents (deux souches
parentales, deux F1 et deux back cross), le taux d'activité a été exprimé en fonction du
nombre de larves infestées pendant les 5 premiers jours de vie des femelles (Figure 55).
Une relation très forte apparaît entre le taux d'activité locomotrice et le potentiel
d'infestation : les femelles qui expriment une activité spontanée importante sont celles qui
infestent le plus de larves. Le faible nombre de points ne permet pas de préciser la nature
de cette relation qui peut être soit de type curvilinéaire (apparition d'un plateau pour les
taux d'activité élevés), soit linéaire. Dans ce dernier cas, une corrélation très significative
est mesurée (r = 0,86 ; p < 0,05).
1- 4 Conclusions
Des études supplémentaires sont nécessaires pour connaître précisément les relations
entre activité locomotrice et activité parasitaire. Cependant, les différents résultats
obtenus, bien que partiels, sont concordants et permettent d'envisager l'existence d'une
relation assez forte entre ces deux caractères. Cette relation n'implique pas forcément que
l'activité locomotrice mesurée corresponde à une recherche effective d'hôtes. Il est plus
probable que l'activité locomotrice reflète une oscillation endogène qui va gouverner
plusieurs types de comportements dont l'organisation temporelle de l'activité de recherche
et d'infestation des hôtes. Les différences observées entre espèces ou entre populations
voire entre individus pour les rythmes d'activité locomotrice pourraient donc se traduire
par une organisation circadienne différente des infestations.
125
Nombre de larves infestées en 5 jours
Chapitre 6
300
250
200
150
100
0
2
4
6
8
Activité %
10
12
Figure 55 : Relation entre le potentiel d'infestation et le taux quotidien
d'activité locomotrice spontanée des femelles de L. heterotoma. Chaque point
représente un type de croisement entre les souches lyonnaise et tunisienne
(chapitre 4).
2- Rôle des rythmes circadiens d'activité dans la
entre espèces de parasitoïdes
compétition
Le rôle des rythmes d'activité dans les interactions compétitives entre parasitoïdes a
été recherché en étudiant plusieurs couples d'espèces sympatriques.
2-1 Comparaison des rythmes circadiens d'activité locomotrice entre
espèces de parasitoïdes sympatriques
Les rythmes d'activité locomotrice ont été mesurés pour trois couples de parasitoïdes
sympatriques en compétition pour les mêmes hôtes : Asobara tabida et Leptopilina
heterotoma (région lyonnaise) ; L. heterotoma et L. boulardi (Tunisie et Antibes). Ces
espèces sont réellement en compétition dans la nature puisque dans tous les cas elles ont
été piégées en même temps dans le même lieu voire dans le même piège et infestent les
mêmes espèces d'hôtes (chapitre 1).
Les résultats sont présentés sous la forme d'une courbe moyenne d'activité sur 24
heures (jour moyen). La plupart des espèces et des souches utilisées ont déjà fait l'objet
d'études dans les chapitres précédents et seule l'organisation de l'activité dans le
nycthémère (profil d'activité) sera exposée et analysée par analyse factorielle (AFC).
126
Signification écologique et valeur adaptative
2-1-1 Asobara tabida et Leptopilina heterotoma à Ste Foy (France)
Ces deux espèces montrent des profils d'activité déphasés (figure 56). A. tabida et
L. heterotoma sont toutes les deux diurnes pour leur activité locomotrice mais lorsque
l'une montre son maximum d'activité, l'autre exprime une activité minimale. Les femelles
d'A. tabida sont actives principalement pendant les quatre à cinq premières heures
d'éclairement alors que les femelles de L. heterotoma, totalement inactives à ce moment
de la journée, montrent une activité uniquement l'après-midi. Ce déphasage d'activité est
important (de l'ordre de 7 heures) et très significatif comme le montre l'analyse des
profils par AFC (figure 57). Sur la carte factorielle, l'écart entre les ellipses
représentatives de ces deux espèces traduit l'importance de ce déphasage d'activité.
L'oscillation endogène qui régit l'organisation temporelle de l'activité des femelles permet
à ces deux espèces sympatriques de se partager la phase diurne du nycthémère.
2-1-2 Leptopilina heterotoma et Leptopilina boulardi à Nasrallah (Tunisie)
Ce couple d'espèces sympatriques appartient à un complexe hôte-parasitoïde
relativement simple et déjà étudié pour ces relations de compétition (Carton et al., 1991a).
Ces deux espèces coexistent dans une oasis nord africaine où seulement trois espèces
d'hôtes (Drosophilamelanogaster, D. simulans et D. buzzatii) se développent dans les
fruits d'une seule plante (Opuntia ficus indica). Carton et al. (1991a) ont démontré que
L. boulardi est un meilleur compétiteur que L. heterotoma et que la coexistence de ces
deux espèces s'explique en partie par une alternance saisonnière des deux parasitoïdes.
Les interactions entre L. boulardi et L. heterotoma n'en sont pas moins possibles
puisque ces deux espèces sont présentes en même temps pendant plusieurs mois de
l'année.
Comme pour le système sympatrique précédent, la mesure des rythmes d'activité
locomotrice de ces deux espèces fait apparaître un net déphasage dans l'organisation
temporelle de ces comportements (figure 56). Les femelles de L. heterotoma ont en effet
une activité locomotrice diurne avec un profil d'activité bimodal alors que les femelles
L. boulardi sont actives principalement en début de nuit. Là encore, chacune des espèces
montre une activité minimale au moment où sa compétitrice a une activité maximale. Le
déphasage d'activité est ici de l'ordre de 4 à 5 heures si l'on prend en compte les pics
d'activité les plus importants, déphasage hautement significatif et bien représenté par la
carte factorielle (figure 57).
Ce couple d'espèces de parasitoïdes sympatriques a fait l'objet des mesures de
l'organisation temporelle de l'activité parasitaire (paragraphe précédent) et les résultats
obtenus ont été présentés une seconde fois ici sur le même graphique (figure 56). Ils
démontrent en effet que le déphasage observé sur les rythmes d'activité locomotrice se
retrouve pour l'activité de recherche et d'infestation des hôtes. Les femelles
L. heterotoma infestent leurs hôtes uniquement pendant la photophase alors que
L. boulardi montre une activité parasitaire importante en début de nuit. Le déphasage
mesuré entre les deux espèces sympatriques est un peu plus important pour l'activité
parasitaire que pour l'activité locomotrice spontanée.
127
Chapitre 6
Activité locomotrice de A. tabida
et L. heterotoma St Foy (France)
Activité locomotrice de L. heterotoma
et L. boulardi Antibes (France).
40
A. tabida
L. heterotoma
Activité locomotrice %
Activité locomotrice %
100
80
60
40
20
30
20
10
0
0
0
4
8
12
16
20
24
0
Activité locomotrice de L. heterotoma
et L. boulardi Nasrallah (Tunisie) .
30
80
4
8
12
16
20
24
Activité parasitaire de L. heterotoma
et L. boulardi Nasrallah (Tunisie).
L. heterotoma
L. boulardi
L. heterotoma
L. boulardi
Activité parasitaire %
Activité locomotrice %
L. heterotoma
L. boulardi
20
10
0
60
40
20
0
0
4
8
12
Heures
16
20
4
24
8
12
16
Heures
20
24
Figure 56 : Organisation temporelle de l'activité des parasitoïdes sympatriques en compétition
pour les mêmes hôtes. Dans les trois systèmes sympatriques étudiés, les deux espèces en
compétition montrent des rythmes d'activité locomotrice déphasés. La présence de ce déphasage au
niveau de l'activité parasitaire des femelles a été démontrée pour le système sympatrique tunisien.
2-1-3 Leptopilina heterotoma et Leptopilina boulardi à Antibes (France)
Les deux espèces présentes en Tunisie coexistent également sur la Côte d'Azur
(Antibes) et un piégeage récent (octobre 1992) a démontré que L. boulardi et
L. heterotoma vivent en même temps au moins une partie de la saison (proportion
environ égale des deux espèces piégées). Les rythmes d'activité locomotrice des
parasitoïdes de ce système confirment les résultats obtenus sur le complexe tunisien
puisque le même type de déphasage a été mesuré entre L. heterotoma et L. boulardi en
compétition dans cette région (figure 56). L'activité principale des deux espèces se réalise
à des moments différents dans le nycthémère, expression d'une oscillation endogène qui
est à l'origine d'un partage temporel même si les femelles ne sont pas en contact direct
(physique, visuel voire chimique) les unes avec les autres lors des expériences.
128
Signification écologique et valeur adaptative
2-1-4 Conclusions
Pour les trois situations naturelles étudiées, les rythmes d'activité locomotrice des
espèces sympatriques montrent un net déphasage : les femelles d'espèces différentes, en
compétition pour les mêmes hôtes, ne sont pas actives au même moment de la journée. La
carte factorielle issue de l'analyse globale des résultats (figure 57) met bien en évidence ce
déphasage d'activité observé pour chaque système sympatrique étudié. Ce partage du
nycthémère est également présent pour l'activité de recherche et d'infestation des hôtes
qui montre le même type de déphasage que l'activité locomotrice.
L'organisation circadienne de l'activité peut jouer un rôle dans les relations de
compétition interspécifique à deux niveaux différents :
- Un déphasage d'activité peut permettre d'éviter les interférences entre
femelles adultes lors de la recherche et l'infestation des hôtes (compétition extrinsèque).
Les interférences mutuelles, beaucoup plus étudiées au niveau intraspécifique, réduisent
en effet l'efficacité des femelles (Beddington, 1975 ; Ridout, 1981 ; Van Alphen et Vet,
1986). Peu d'études ont mesuré les conséquences des contacts physiques entre femelles
adultes d'espèces différentes. Boulétreau et al. (1991b) ont cependant démontré que les
interférences interspécifiques ont un rôle sur la répartition spatiale des infestations des
Trichogrammes.
- En cas de multiparasitisme, un déphasage d'activité peut modifier l'issue
de la compétition intrinsèque en introduisant un délai entre les deux infestations du même
hôte. Dans de nombreux cas en effet, l'ordre des infestations, le temps qui les sépare et la
vitesse de développement sont des facteurs importants dont va dépendre la survie de l'une
ou l'autre des deux espèces (Van Strien-Van Liempt, 1983 ; Hagvar, 1989). Le délai à
partir duquel la deuxième infestation n'a plus aucune chance d'aboutir est parfois
relativement court, de l'ordre de quelques heures (Bolter et Laing, 1983 ; Strand, 1986 ;
Mackauer, 1990 ; Tillman et Powell, 1992), ce qui est compatible avec le décalage des
maximums d'activité.
Le rôle possible de ce déphasage d'activité dans l'issue de la compétition entre
parasitoïdes de drosophiles a été recherché dans l'un des trois systèmes sympatriques.
Les études ont porté uniquement sur les conséquences du déphasage en cas de
multiparasitisme.
2-2 Rôle des rythmes d'activité dans la compétition interspécifique en
cas de multiparasitisme
L'étude a été effectuée sur le système sympatrique tunisien. Les deux espèces de ce
complexe (L. heterotoma et L. boulardi) montrent en effet un déphasage d'activité non
seulement pour l'activité locomotrice spontanée mais également pour l'activité de
recherche et d'infestation des hôtes. De plus, il a été démontré sur ce même système
sympatrique, qu'en cas de multiparasitisme, L. boulardi est un meilleur compétiteur que
L. heterotoma (Carton et al., 1991a) d'où l'avantage d'un déphasage d'activité pour cette
seconde espèce. Les résultats de la compétition ont été mesurés lorsque différents délais
129
Chapitre 6
séparent l'infestation d'une même larve par les deux espèces. Ce protocole permet de
tester si un déphasage d'activité modifie l'issue de la compétition intrinsèque entre
L. heterotoma et L. boulardi.
NUIT
JOUR
05
04
06
F2 = 18 %
03
02
01
24
23
09
10
08
07 11
12
A. tabida
13
France
(Ste Foy)
L. boulardi
22
14
15
France
(Antibes)
21
20
Tunisie
(Nasrallah)
19
18
16
17
L. heterotoma
JOUR
F1 = 40 %
Figure 57 : Organisation temporelle circadienne de l'activité locomotrice de
trois couples de parasitoïdes sympatriques. Dans les trois situations naturelles
étudiées (région lyonnaise, Antibes, Tunisie) les espèces sympatriques ont une
activité déphasée ce qui suggère un rôle des rythmes d'activité dans les relations
de compétition interspécifique. Analyse des profils des rythmes par AFC. Les
chiffres représentent les heures de la journée.
2-2-1 Protocole expérimental
Des larves de D. melanogaster de second stade ont été présentées successivement
aux deux espèces de parasitoïdes. Environ 200 larves saines sont placées dans une boîte
de Pétri contenant une couche d'agar couverte de levures.
Les larves ont été soumises en premier aux infestations de L. heterotoma dont le
comportement a été observé individuellement à l'aide d'une loupe binoculaire. Après
chaque oviposition, la larve parasitée est enlevée du "patch" et placée dans une seconde
boîte de Pétri. Les larves parasitées sont ainsi collectées par demi-heures de façon à ce
qu'au sein de chaque groupe, les différences d'âge dans le parasitisme ne soient pas trop
importantes.
Après des délais allant de 1 à 8 heures depuis la première infestation, les larves
parasitées par L. heterotoma ont été présentées à des femelles de L. boulardi. Comme
pour la première infestation, l'infestation des larves par L. boulardi est suivie
visuellement. Chaque larve parasitée par cette espèce, donc multiparasitée, est placée dans
130
Signification écologique et valeur adaptative
un tube de milieu pour développement. Pour chaque tube de développement, le nombre
de larves multiparasitées qu'il contient (de 10 à 20) est connu. Les parasites des deux
espèces sont dénombrés dès l'émergence des adultes.
Du fait que L. boulardi est un meilleur compétiteur que L. heterotoma, l'expérience
symétrique qui consistait à faire infester en premier L. boulardi n'a pas été réalisée.
2-2-2 Résultats
De façon à éliminer tout biais dû à une mortalité différente des deux espèces une fois
le résultat de la compétition acquis, seuls les tubes de développement où au moins 80%
des larves infestées ont produit un parasite adulte ont été conservés pour les calculs. Les
résultats de la compétition entre L. heterotoma et L. boulardi sont présentés en fonction
de trois groupes correspondant à des délais différents entre les deux infestations
successives : de 0 à 2 heures, de 2 à 5 heures et de 5 à 8 heures (tableau 20).
0 - 2 heures
2 - 5 heures
5 - 8 heures
L. boulardi
44
30
29
L. heterotoma
27
22
46
Total
71
52
75
L. boulardi %
61.97
57.69
38.67
Tableau 20 : Résultats de la compétition larvaire entre L. heterotoma et L. boulardi (expérience de
multiparasitisme) : nombre de parasitoïdes de chaque espèce issus des larves de D. melanogaster infestées
successivement par L. heterotoma puis après différents délais par L. boulardi (souches tunisiennes).
Lorsque L. boulardi infeste une larve déjà parasitée par L. heterotoma moins de
deux heures après la première infestation, les résultats de la compétition sont nettement en
faveur de L. boulardi (tableau 20). Cette espèce est donc compétitivement supérieure à
L. heterotoma ce qui confirme les résultats obtenus par Carton et al. (1991a).
Cependant, lorsque ce délai augmente, le résultat de la compétition s'inverse (tableau
20). Bien que potentiellement meilleur compétiteur, L. boulardi est le plus souvent
éliminée si la surinfestation est réalisée plus de 5 heures après L. heterotoma. Ce
changement dans le résultat de la compétition est hautement significatif (Chi 2 = 8,85 ;
p < 0,025). Le délai à partir duquel cette inversion se réalise ne semble pas très éloigné
de 5 heures puisque pour des valeurs inférieures, L. boulardi garde toujours l'avantage
sur L. heterotoma (tableau 20).
2-2-3 Conclusions
En cas de multiparasitisme, le résultat de la compétition entre L. heterotoma et
L. boulardi (souche tunisienne) est déterminé par le délai qui sépare les attaques des deux
131
Chapitre 6
espèces de parasitoïdes. Bien que compétitivement supérieure, L. boulardi a peu de
chance de succès si elle surinfeste une larve plus de 5 heures après L. heterotoma.
Seul l'aspect qualitatif de ces résultats est à prendre en compte. La mesure exacte de
ce délai nécessite des expériences supplémentaires plus précises dont la réalisation est
lourde à mettre en œuvre à cause de la difficulté à obtenir un grand nombre de larves
parasitées au même moment. A cela s'ajoute le problème de la mortalité des hôtes
multiparasités qui peut être contournée en déterminant l'issue de la compétition par
dissection, opération possible uniquement si les deux espèces peuvent être identifiées dès
le stade larvaire. Enfin, il est possible que l'issue de la compétition dépende également du
sexe des deux larves, une compétition entre mâle et femelle pouvant conduire à des
résultats différents d'une compétition entre sexes identiques. Ce phénomène, qui n'a
semble-t-il jamais été étudié, pourrait être abordé en travaillant avec des femelles non
fécondées.
3- Conclusions générales
La recherche de la valeur adaptative des rythmes circadiens d'activité des insectes
parasitoïdes a permis d'établir deux résultats principaux : l'organisation temporelle de
l'activité locomotrice spontanée montrent de nombreuses similitudes avec celle de
l'activité parasitaire et les rythmes d'activité des espèces en compétition sont déphasés.
Ces observations suggèrent fortement un rôle des rythmes dans la coexistence des
espèces sympatriques. Les résultats obtenus peuvent être discutés à la lumière des
théories actuelles formulées au sujet de la diversité des associations parasitaires.
La similitude des profils entre l'activité locomotrice et l'activité parasitaire, bien
établie chez L. boulardi, suggère que l'oscillation endogène mise en évidence dans le
chapitre 3 est responsable de l'organisation temporelle de différents comportements qui se
produisent ainsi en phase. Cette similitude de profils entre plusieurs types d'activité n'est
pas rare (Haddow et Ssenkubuge, 1962 ; Brady, 1975 ; Jones et Gubbins, 1978 ;
Brady, 1981) et trouve une explication dans le mode de fonctionnement des rythmes
circadiens dont les mécanismes physiologiques ne sont pas connus en détail. Alors que
les rythmes de développement (émergence par exemple) sont probablement associés à des
mécanismes de type neuroendocrine, la plupart des auteurs s'accordent à dire que la
rythmicité des comportements est plutôt gouvernée par voie nerveuse (Page, 1981 ;
Saunders, 1982). La ressemblance des profils des différents types de comportements
correspondrait alors à une organisation circadienne générale due à une rythmicité dans le
fonctionnement de la zone d'intégration du système nerveux central. Les différences
mesurées au niveau des rythmes d'activité locomotrice sont alors le reflet de variations
dans l'organisation générale des comportements y compris ceux impliqués dans les
relations parasitaires. Cette corrélation entre caractères est d'une grande utilité pour les
études expérimentales qui peuvent alors être réalisées sur des comportements simples
(activité locomotrice) et dont les résultats peuvent être étendus à des comportements plus
difficiles à mesurer (activité parasitaire).
Les rythmes d'activité des parasitoïdes en compétition pour les mêmes hôtes montrent
un net déphasage. La mise en évidence de ce phénomène pour toutes les situations
132
Signification écologique et valeur adaptative
naturelles étudiées indique que cette organisation temporelle des comportements joue
probablement un rôle important dans la coexistence des espèces sympatriques.
L'avantage de développer une activité déphasée a en effet été démontré pour le système
sympatrique L. heterotoma-L. boulardi originaire de Tunisie. En cas de
multiparasitisme, L. boulardi est un meilleur compétiteur que L. heterotoma mais cette
relation s'inverse si L. boulardi infeste en second plus de 5 heures après L. heterotoma.
Cette observation est en parfait accord avec le déphasage d'activité de ces deux espèces.
L. heterotoma montre une activité parasitaire diurne plus précoce que L. boulardi qui
infeste ses hôtes plutôt en début de nuit et un déphasage de l'ordre de 5 heures peut être
mesuré sur les courbes d'activité parasitaire. Ces résultats obtenus à partir de différentes
expérimentations sont concordants et tout laisse à penser que L. heterotoma limite les
interactions défavorables avec L. boulardi en exprimant une activité déphasée
(avancement de phase). Par le biais du multiparasitisme, les rythmes circadiens jouent
donc probablement un rôle important dans la compétition entre espèces de parasitoïdes.
Leur action dans les relations entre femelles adultes n'est pas à exclure et le rôle des
rythmes peut également s'envisager dans le cadre des processus d'interférences mutuelles
(compétition extrinsèque) qui résultent des contacts physiques entre individus. Dans tous
les cas, l'organisation temporelle des comportements à l'échelle du nycthémère est un
facteur important à prendre en compte pour expliquer la coexistence d'espèces en
compétition pour les mêmes hôtes.
Ces résultats apportent un élément de réponse à l'interrogation formulée au sujet de la
discrimination des hôtes déjà parasités, possible au niveau intraspécifique et rarement
observée au niveau interspécifique (Turlings et al. 1985 ; Bakker et al., 1985 ; Van
Alphen et Visser, 1990). Différentes hypothèses ont été avancées pour expliquer ce
phénomène. Selon Bakker et al. (1985), les parasitoïdes seraient limités en hôtes et/ou en
temps rendant inutile la discrimination interspécifique (il vaut mieux, pour une femelle,
infester une larve déjà parasitée que ne parasiter aucun hôte). Dans le même ordre d'idée,
il a été démontré par simulation que la discrimination ne conduit pas à un gain de fitness
si les femelles parasitoïdes ne sont pas limitées en œufs (Turlings et al., 1985). Enfin,
l'évitement local entre femelles peut permettre un partage spatial des hôtes disponibles
(Boulétreau et al., 1991b). L'étude des rythmes circadiens d'activité permet d'avancer
une autre hypothèse : les processus évolutifs n'auraient pas mis en place la
discrimination interspécifique mais un autre mécanisme permettant de limiter les
interactions compétitives. Les pressions de sélection, très fortes en cas de
multiparasitisme (mort de l'une des deux espèces), auraient alors conduit les espèces en
compétition à développer un rythme d'activité différent (création d'un déphasage
d'activité) plutôt que de mettre en place des mécanismes complexes de reconnaissance
chimique. Les déphasages d'activité observés entre parasitoïdes sympatriques peuvent,
sous cette hypothèse, expliquer l'absence de discrimination interspécifique chez la plupart
des espèces en compétition. L'absence de déphasage dans les rares exemples de
discrimination interspécifique (Vet et al., 1984b), permettrait d'accréditer l'idée d'une
relation entre déphasage d'activité et évitement du multiparasitisme.
Le rôle de la compétition interspécifique dans la structure et le fonctionnement des
communautés d'insectes parasitoïdes a été remis en cause par un certain nombre d'études
(Dean et Ricklefs, 1979 et 1980) qui ont fait l'objet de vives critiques (Force, 1980 ;
Bouton et al., 1980). La plupart des auteurs tendent en effet à démontrer que les
133
Chapitre 6
interactions compétitives sont fortes chez les parasitoïdes notamment à cause du
multiparasitisme (Hassell et Waage, 1984 ; Force, 1985 ; Askew et Shaw, 1986 ;
Hagvar, 1989). Une opinion intermédiaire a récemment été appportée par Hawkins
(1990) qui reconnaît, après l'analyse de près de 1300 espèces de parasitoïdes, deux types
de communautés : celles en interaction où la compétition est importante, représentées par
les parasitoïdes d'hôtes protégés par les plantes, et les communautés non interactives où
la compétition est faible, représentées par les parasitoïdes d'hôtes directement accessibles.
Cette analyse est cependant critiquable par le fait qu'elle ne démontre pas directement
l'existence ou l'absence de compétition.
La coexistence des espèces parasitoïdes ayant apparemment la même niche écologique
a été expliquée par certains auteurs en termes de stratégies reproductives. Les stratégies r
et K (Mac Arthur et Wilson, 1967 ; Pianka, 1970) ont ainsi été décrites chez plusieurs
complexes de parasitoïdes, les espèces plutôt r pouvant coexister avec des espèces
compétitivement plus fortes (espèces K) grâce à leur capacité reproductive plus élevée
(Force, 1974, 1975 ; Price, 1973 ; Askew et Shaw, 1986). Un mécanisme également
souvent avancé pour expliquer la coexistence des espèces est la "compétition contrebalancée" (Zwölfer, 1971), principe selon lequel le compétiteur le plus faible au stade
immature en cas de multiparasitisme devient le meilleur compétiteur au stade adulte. Cette
stratégie se rapproche des stratégies r et K lorsque une fécondité plus élevée est évoquée,
elle s'en distingue lorsque une capacité compétitive plus forte au stade adulte correspond
à une meilleure capacité de recherche ou une gamme d'hôtes plus large. Ces stratégies
reproductives ont été décrites dans différentes associations de parasitoïdes (Hopper,
1984 ; Bauer, 1985 ; Pschorn-Walcher, 1987). Les résultats obtenus sur le couple
sympatrique tunisien L. heterotoma - L. boulardi s'intègrent parfaitement dans le cadre
théorique précédemment décrit, la faible capacité compétitive de L. heterotoma ("espèce
r", peu spécialisée) étant compensée par sa forte fécondité presque deux fois plus élevée
que celle de L. boulardi ("espèce K", fortement spécialisée). Des informations sur la
variation temporelle de la disponibilité des hôtes permettraient d'intégrer les données
recueillies sur les rythmes d'activité dans ce cadre théorique. Il est probable en effet que
l'organisation temporelle des comportements soit, chez les parasitoïdes, un facteur de
l'efficacité de la recherche permettant de compenser une capacité compétitive plus faible
en cas de multiparasitisme.
134
Discussion
et
conclusions générales
L'horloge biologique interne (oscillation endogène d'une période proche de 24
heures) est à la base de l'organisation temporelle circadienne des activités biologiques à
tous les niveaux d'organisation (cellule, organisme, population), mais son rôle dans le
fonctionnement du monde vivant reste encore mal connu. A l'échelle des peuplements,
les rythmes d'activité ont été impliqués théoriquement dans de nombreux processus
écologiques ou évolutifs (compétition, prédation, parasitisme, spéciation ; voir Daan,
1981 pour une revue).
Nous avons tenté de mesurer l'importance des rythmes circadiens d'activité dans le
fonctionnement des associations hôte-parasitoïde où des relations étroites s'établissent
entre les deux partenaires. Les rythmes de différentes espèces qui parasitent les
drosophiles ont pu être mesurés après à la mise au point d'un système d'enregistrement
automatique des comportements (chapitre 2). Les insectes parasitoïdes, comme la plupart
des organismes, possèdent une horloge biologique interne qui règle leur activité
quotidienne. Cependant, une grande diversité des rythmes d'activité a été observée tant au
niveau interspécifique qu'au niveau intraspécifique. Le rôle des rythmes dans les
interactions qui régissent les associations hôte-parasitoïde sera discutée dans cette
dernière partie ainsi que l'application possible de ces études dans le domaine de
l'utilisation des insectes parasitoïdes en lutte biologique.
Mise en évidence et diversité des
d'activité chez les insectes parasitoïdes
rythmes
circadiens
Cette étude décrit, semble-t-il pour la première fois, le caractère circadien des
rythmes d'activité des insectes parasitoïdes (chapitre 3) alors que ces phénomènes sont
connus chez de nombreuses espèces d'insectes non entomophages (Harker, 1973 ;
Brady, 1981 ; Saunders, 1982). Une oscillation endogène a été observée chez Nasonia
vitripennis depuis de nombreuses années (Saunders, 1970) mais seul son rôle au niveau
de la réponse photopériodique qui gouverne l'entrée en diapause de cette espèce a été
étudié. D'autre part, différents travaux ont révélé chez ces hyménoptères parasites la
présence de phases d'activité et de repos (Weseloh, 1975 ; Ekbom, 1982 ; Elliot et al.,
1986 ; Cui et al., 1986 ; Walter, 1988 ; Idoine et Ferro, 1990) mais peu d'entres eux ont
établi la périodicité du phénomène et aucun n'a recherché le déterminisme des variations
temporelles des comportements.
En absence de toute information temporelle externe (conditions homogènes de libre
cours), les parasitoïdes de drosophiles conservent une activité périodique qui est
l'expression d'une oscillation endogène dont les mécanismes n'ont pas été recherchés.
Les connaissances actuelles sur les bases physiologiques des rythmes comportementaux
135
Discussion et conclusions générales
sont plutôt en faveur d'un mode de fonctionnement gouverné par voie nerveuse (Page,
1981 ; Kaiser et Stein-Kaiser, 1983). Selon Brady (1981), l'oscillation endogène
correspondrait à un cycle de phases de sensibilités différentes au niveau du système
nerveux central qui expliquerait que différentes sortes d'activité se produisent en phase.
Ce phénomène a été observé chez L. boulardi qui montre une activité maximale en début
de nuit aussi bien pour l'activité locomotrice spontanée que pour l'activité parasitaire.
Dans la nature, l'organisation temporelle des comportements est le résultat de
l'interaction entre cette composante circadienne interne et les conditions
environnementales rencontrées : les rythmes d'activité sont modulés par les facteurs de
l'environnement. Chez les insectes parasitoïdes de drosophiles, le jeûne ou l'absence de
fécondation peuvent modifier le profil d'activité des femelles (chapitre 5). Cependant,
l'effet de ces facteurs n'a pas été observé chez toutes les espèces étudiées. La privation de
nourriture modifie le profil de L. heterotoma alors qu'elle ne change pas celui de A.
tabida. Des différences de profils sont présentes entre femelles vierges et femelles
fécondées chez L. heterotoma mais elles n'ont pas été retrouvées chez L. boulardi. Le
résultat le plus important est l'effet de l'hôte de développement sur le rythme d'activité
des femelles. Les femelles élevées sur D. simulans sont actives plus tôt que celles sont
élevées sur D. melanogaster. L'hôte, connu pour affecter différentes caractéristiques des
parasitoïdes (Salt, 1941 ; Van Alphen et Janssen, 1982 ; Strand, 1986), peut également
modifier l'organisation temporelle de l'activité des individus. Quelle que soit l'origine de
cette différence (modification ou pas de l'oscillation endogène), il est possible que cet
effet joue un rôle important au sein des complexes parasitaires où plusieurs espèces de
parasitoïdes infestent plusieurs espèces d'hôtes (chapitre 5).
L'étude des principales espèces de parasitoïdes de drosophiles présentes en France
a révélé une importante diversité des rythmes d'activité des femelles puisque, parmi les
quatre espèces étudiées, aucune ne montre un profil identique (chapitre 1). Les
différences portent non seulement sur les profils d'activité (phase des pics) mais
également sur les taux quotidiens d'activité (amplitude des pics). A. tabida est une espèce
très active avec un pic en début de photophase ; L. heterotoma et L. boulardi, beaucoup
moins actives, ont respectivement en LD 12: 12 (8h-20h) un pic d'activité l'après-midi et
en début de nuit. P. vindemmiae (parasitoïde de pupes) se distingue des parasitoïdes
larvaires par une activité presque constante pendant toute la phase diurne. Cette diversité
des rythmes d'activité des femelles parasitoïdes met en évidence la complexité de la
structure temporelle circadienne des associations hôte-parasitoïde dont les conséquences
exactes au niveau des interactions entre espèces restent à déterminer.
Ces résultats soulignent la nécessité de prendre en compte les rythmes circadiens
comme facteurs de variations lors de l'étude du comportement de recherche et
d'infestation des hôtes par les parasitoïdes. Il est en effet probable que l'oscillation
endogène soit à l'origine de variations dans l'intensité des réponses à une quelconque
stimulation. Les mesures n'auront donc pas la même signification selon qu'elles sont
effectuées pendant une phase d'activité ou de repos. L'importance d'intégrer la périodicité
de l'activité dans la définition des protocoles expérimentaux est renforcée par la forte
diversité des rythmes entre espèces ainsi que, pour certaines d'entres elles, par la faible
durée des phases d'activité. Il n'est pas concevable de comparer, par exemple, les
réponses de L. heterotoma et de L. boulardi, toutes les deux mesurées en pleine journée,
136
Discussion et conclusions générales
alors que la première est diurne et la seconde nocturne. Les rythmes circadiens sont
cependant rarement évoqués comme facteurs de variations possibles des comportements
des insectes (Bell, 1990 ; Roitberg, 1990 ; Gordon, 1991 ; Vet et Dicke, 1992 ;
Minkenberg et al., 1992). Sans réaliser à proprement parler une étude chronobiologique,
Walter (1988) souligne que la connaissance de l'organisation temporelle de l'activité
d'oviposition et d'alimentation doit constituer la toile de fond de toute expérience ayant
pour objet le test des théories relatives aux comportements des insectes parasitoïdes.
L'étude des réponses optimales ou densité-dépendante chez les parasitoïdes n'ont jamais
pris en compte les rythmes circadiens d'activité (voir par exemple Waage, 1979 ; Cook et
Hubbard, 1977 ; Hertein et Thorarinsson, 1987 ; Haccou et al., 1991) ce qui limite la
portée de certaines de leurs conclusions.
Variabilité génétique des rythmes circadiens d'activité des
parasitoïdes de drosophiles
Les rythmes d'activité des femelles parasitoïdes montrent d'importantes variations
aussi bien entre populations distinctes qu'entre femelles de même origine géographique
(chapitre 4). Ces variations concernent à la fois le profil des rythmes et le taux d'activité
des femelles. Cependant, seul le déterminisme génétique des différences observées entre
populations naturelles a clairement été démontré. Les variations entre femelles de même
origine semblent être des caractéristiques familiales mais l'héritabilité des caractères n'a
pas pu être établie. L'existence de variations génétiques dans le comportement des
insectes parasitoïdes a été démontrée que dans quelques cas (Boulétreau, 1986 ; Pak et
al., 1986 ; Chassain et al., 1988 ; Mollema, 1991). Cette étude indique que non
seulement certaines caractéristiques des comportements mais également l'organisation
générale de l'activité des parasitoïdes peuvent montrer des variations génétiques.
Parmi les cinq populations naturelles de L. heterotoma étudiées, trois morphes
génétiquement différents ont été observés : des femelles très peu actives avec un seul pic
d'activité en milieu d'après-midi (populations lyonnaises), des individus ayant le même
profil mais avec une activité beaucoup plus importante (population hollandaise), enfin des
femelles à profil d'activité bimodal avec un pic en début et en fin de photophase
(populations méditerranéennes). Ces variations, décrites en absence d'hôtes, ont été
reliées à des différences de potentiel d'infestation. Plusieurs mécanismes peuvent être
responsables de la différenciation de ces populations.
Il est peu probable que ces différences locales soient la conséquence de
phénomènes de dérive génétique dus aux fortes réductions d'effectif qui se produisent au
moment de la période défavorable, mécanisme déjà évoqué chez les parasitoïdes de
drosophiles (Mollema, 1991). Une très bonne stabilité temporelle des rythmes d'activité a
en effet été démontrée avec la mesure des mêmes profils pendant quatre années
successives (chapitre 3). Compte tenu de la variabilité interindividuelle présente dans les
populations, cette stabilité des profils fait plutôt penser à l'intervention de processus
sélectifs de type stabilisant, conséquence des fortes contraintes environnementales
locales. Avant d'évoquer ce type de facteurs, il faut souligner que les différences
137
Discussion et conclusions générales
observées peuvent résulter d'un effet de fondation, autre facteur stochastique dont la
persistance des effets implique de faibles flux géniques entre les populations.
Si l'on écarte l'hypothèse de l'intervention de phénomènes stochastiques, les
différences observées entre populations naturelles peuvent être le résultat de processsus
sélectifs ayant conduit les insectes parasitoïdes à adapter leurs rythmes d'activité aux
conditions environnementales locales. Parmi les facteurs sélectifs possibles, les trois plus
importants sont les conditions abiotiques de l'environnement, les hôtes ou les espèces en
compétition pour les mêmes ressources.
- Il est possible que les différences observées soient à relier aux variations
des facteurs périodiques abiotiques de l'environnement (photopériode, température).
Chez les drosophiles, des clines géographiques ont été observés pour les rythmes de
ponte chez D. melanogaster (Allemand et David, 1976) et pour les rythmes d'émergence
chez D. littoralis (Lankinen, 1986a). Un cline latitudinal est possible pour les rythmes
d'activité des parasitoïdes puisque les profils bimodaux des populations méditerranéennes
de L. heterotoma ne se retrouvent pas pour les populations plus septentrionales qui
montrent une phase d'activité importante l'après-midi. L'étude de plusieurs autres
populations positionnées le long de ce cline nord-sud est nécessaire pour pouvoir valider
une telle hypothèse qui ne semble cependant pas s'appliquer aux taux d'activité des
individus, les populations néerlandaise et méditerranéennes s'opposant aux populations
lyonnaises par une activité plus élevée.
- Les hôtes constituent le second facteur sélectif d'importance, et les
pressions de sélection seront d'autant plus fortes que la spécificité de l'association est
étroite. L'intimité des relations parasitaires est à l'origine de très nombreuses adaptations
qui résultent des interactions entre les deux partenaires et concernent aussi bien l'hôte que
le parasite (Boulétreau, 1986). Une véritable harmonie doit en effet être trouvée entre
l'hôte, qui doit permettre le développement du parasite, et le parasite, qui ne doit pas être
trop défavorable pour les populations d'hôtes. Selon certains auteurs, ces contraintes
pourraient parfois donner lieu à des processus coévolutifs (Pimentel et Stone, 1968 ;
Carton, 1984).
La variabilité des rythmes d'activité entre populations de L. heterotoma peut être
interprétée comme une réponse du parasite aux contraintes sélectives locales produites par
les hôtes. L'hypothèse la plus simple est de relier les différences de profils à une
composition en hôtes différente. Les populations méditerranéennes de parasites sont en
effet plutôt en contact avec D. melanogaster et D. simulans alors que, pour les
populations plus septentrionales, D. simulans est beaucoup moins abondante (David et
Tsacas, 1980). Des données de terrain plus précises sont nécessaires pour accréditer cette
hypothèse. La non spécificité de L. heterotoma qui infeste de nombreuses espèces de
drosophiles (Carton et al., 1991a) ainsi que la présence de D. melanogaster dans tous les
sites géographiques suggèrent cependant l'intervention de facteurs autres que la
composition spécifique en hôtes. Une seconde hypothèse possible est de relier les
rythmes d'activité à des variations géographiques des caractéristiques physiologiques ou
comportementales des hôtes. Les variations du comportement des hôtes peuvent
s'exprimer soit au stade adulte soit au stade larvaire. Dans le premier cas, des rythmes de
ponte différents, démontrés chez D. melanogaster (Allemand et David, 1976), pourraient
être à l'origine de variations de la disponibilité des larves ou de leur sensibilité (ou leur
138
Discussion et conclusions générales
résistance) au parasitisme. Dans le second cas, le comportement des larves elles-mêmes
peut montrer des variations géographiques et avoir des conséquences sur le rythme
d'activité des parasitoïdes. Une variabilité du comportement des larves de drosophiles a
en effet été démontrée avec la mise en évidence de différents morphes plus ou moins
mobiles (Sokolowski, 1985 et 1986 ; Sokolowski et al.,1986 ; Sokolowski et Carton,
1989). Quels que soient les mécanismes sélectifs mis en jeu, il est possible que les
rythmes d'activité des insectes parasitoïdes aient répondu aux variations locales des
caractéristiques des hôtes en tant que processus impliqués dans la rencontre des deux
partenaires.
- La troisième catégorie de contraintes sélectives à l'origine des
différenciations locales observées correspond aux pressions de sélection exercées par les
compétiteurs. Bien que la compétition soit un des mécanismes majeurs de l'évolution
(Pianka, 1978 ; Futuyma et Slatkin, 1983 ; Arthur 1987), ce facteur a rarement été
évoqué pour expliquer la diversité génétique des populations d'insectes parasitoïdes
(Boulétreau, 1986). La plupart des variations observées entre populations naturelles de
parasitoïdes ont été interprétées comme le résultat des contraintes sélectives exercées par
les hôtes (Pak et al., 1986 ; Boulétreau, 1986 ; Chassain et al., 1988). Un mécanisme de
type compétitif peut être à l'origine du maintien de la variabilité des rythmes d'activité de
L. heterotoma puisque ces variations vont de pair avec des variations de la composition
du complexe parasitaire dont cette espèce fait partie. Les populations méditerranéennes
sont en compétition avec L. boulardi alors que les populations néerlandaise et lyonnaises
ne rencontrent pas cette espèce qui est remplacée par d'autres parasitoïdes (A. tabida). Il
est possible que le rythme d'activité de L. heterotoma ait évolué en réponse aux pressions
de sélection exercées par les compétiteurs de façon à pouvoir coexister avec des espèces
compétitivement plus fortes comme L. boulardi pour les populations méditerranéennes
(chapitre 6) et A. tabida pour les populations plus septentrionales (Van Strien-Van
Liempt, 1983). Si ce phénomène est confirmé, les insectes parasitoïdes constitueraient un
des rares exemples de changement temporel de niche sous l'action des pressions
sélectives de type compétitif.
Quel que soit le facteur responsable de la différenciation des populations, cette
étude suggère fortement, par la mise en évidence de ces variations, que l'organisation
temporelle des comportements est un paramètre important pour la survie des espèces.
Rôle
des
rythmes
circadiens
d'activité
fonctionnement des associations hôte-parasitoïde
dans
le
Le rôle des rythmes circadiens d'activité dans les associations hôte-parasitoïde est à
envisager à la fois au niveau des relations compétitives entre espèces de parasitoïdes
sympatriques et au niveau des relations entre les parasitoïdes et leurs hôtes.
139
Discussion et conclusions générales
Rôle des rythmes circadiens d'activité dans les relations de
compétition interspécifique
Les rythmes circadiens semblent être un facteur important des interactions entre
parasitoïdes puisque les espèces en compétition dans la nature montrent systématiquement
un déphasage d'activité. Ce phénomène a été observé dans les trois systèmes
sympatriques étudiés pour l'activité locomotrice et confirmé, pour l'un d'entre eux, pour
l'activité parasitaire (chapitre 6). Ce déphasage d'activité peut réduire les interactions
compétitives soit au stade adulte, en limitant les interférences mutuelles entre femelles
(compétition extrinsèque), soit au stade larvaire en cas de multiparasitisme (compétition
intrinsèque). Ces deux possibilités ne sont pas exclusives et deux scénarios peuvent être
envisagés :
- le déphasage d'activité correspond à un intervalle de temps qui permet un
renouvellement des ressources (hôtes). Dans ce cas, la fréquence du multiparasitisme
diminue et les rythmes d'activité permettent un véritable partage temporel des ressources à
l'échelle du nycthémère. La possibilité que ce type de partage conduise à la coexistence
des espèces a été démontrée théoriquement par Haigh et Maynard Smith (1972). Dans ce
cas, les communautés d'insectes parasitoïdes seraient plutôt caractérisées par de faibles
interactions compétitives comme le pensent actuellement certains auteurs (Cornell et
Lawton, 1992). Le déphasage observé correspondrait alors à un héritage évolutif
représentatif d'anciennes interactions compétitives (Connell, 1980).
- si le déphasage observé n'est pas suffisant pour un apport
supplémentaire de ressources (renouvellement des hôtes), la probabilité qu'une larve soit
multiparasitée n'est pas diminuée mais le déphasage d'activité peut alors devenir un
mécanisme permettant d'augmenter les chances de survie de l'espèce la moins
compétitive. Par un avancement de phase de quelques heures, cette espèce se protége
d'une surinfestation par son compétiteur qui devient inefficace car trop tardive. Ce
phénomène a été observé dans le complexe L. heterotoma-L. boulardi de Tunisie
(chapitre 6). La coexistence d'espèces ayant des valeurs compétitives différentes est alors
possible par une sorte d'équilibre dans les relations de compétition. Les rythmes
circadiens seraient dans ce cas un élément nouveau de la compétition "contre-balancée"
(Zwölfer, 1971 ; Askew et Shaw, 1986), système où les valeurs compétitives des deux
espèces s'inversent entre le stade préimaginal et le stade adulte (chapitre 6). Cette
répartition équitable des "armes" de la compétition est une des prédictions des modèles
mathématiques qui mettent en jeu deux espèces de parasitoïdes et une espèce d'hôte (May
et Hassell, 1981 ; Hassell et Waage, 1984 ; Hogarth et Diamond, 1984).
Les mécanismes de coexistence généralement décrits sont fondés sur la notion de
niche écologique (Grinnell, 1917 ; Hutchinson, 1957 ; Mc Arthur, 1967) et le principe
d'exclusion compétitive (Gause, 1937 ; Hardin, 1960) : la coexistence des espèces en
compétition implique obligatoirement une différenciation de leur niche écologique
conduisant à un partage des ressources (Schoener, 1974 ; Pianka, 1976 ; Pontin, 1982 ;
Tilman, 1982 ; Arthur, 1987 ; Barbault, 1992). D'autres mécanismes de coexistence ont
cependant été décrits faisant intervenir des phénomènes coévolutifs (Pimentel et al.,
140
Discussion et conclusions générales
1965), l'hétérogénéité spatio-temporelle de l'habitat (Atkinson et Shorroks, 1981 ;
Shorroks, 1990) ou la complexité biologique des communautés avec soit l'intervention de
plus de deux compétiteurs (Gilpin, 1975), soit l'intervention de prédateurs ou de
parasites (Holt, 1977 ; Price et al., 1988).
Les différences entre les niches écologiques des espèces en compétition sont le plus
souvent considérées au niveau de l'axe trophique ou spatial. Le partage des ressources est
alors le résultat d'un spectre alimentaire différent ou d'une distribution spatiale bien
définie pour chaque espèce. La dimension temporelle de la niche écologique des espèces
est prise en compte principalement à l'échelle saisonnière (Schœner, 1974 ; Hurd, 1988),
un décalage le long de cet axe étant de toute évidence à l'origine d'une réduction de la
compétition. L'organisation temporelle de l'activité à l'échelle du nycthémère est souvent
évoquée comme moyen de coexistence possible (Shoener, 1974 ; Pianka, 1978 ; Pontin,
1982 ; Price, 1984 ; Arthur, 1987) mais ce phénomène n'a semble-t-il jamais été
clairement démontré et il est considéré comme jouant un rôle mineur dans les interactions
compétitives (Shoener, 1974). Des activités déphasées ont pourtant été observées dans
différents systèmes (Pianka, 1969 ; Hunt, 1974) sans toutefois démontrer les
conséquences de ce déphasage dans les interactions entre espèces.
Chez les insectes parasitoïdes, la dimension temporelle circadienne de la niche
écologique paraît être impliquée dans la coexistence des espèces en compétition pour les
mêmes hôtes. Il semble se créer à l'échelle du nycthémère des refuges temporels qui
peuvent être un élément important de la richesse spécifique des associations parasitaires.
Hochberg et Hawkins (1992) ont montré que la création de refuges est un élément clé de
la diversité des insectes parasitoïdes.
Notre étude souligne donc la nécessité de prendre en compte les microvariations de
la niche écologique des espèces, déjà décrite à l'échelle spatiale (Askew, 1962) et
observée ici à l'échelle temporelle, pour expliquer la coexistence des espèces qui ont
apparemment la même niche écologique.
Enfin, cette différenciation de niche à une échelle plus fine que celle généralement
envisagée est le reflet d'une forte structure des communautés, indication de l'existence
probable de fortes interactions entre espèces. Les résultats obtenus chez les insectes
parasitoïdes confortent l'hypothèse qui considère les interactions compétitives comme une
force organisatrice majeure des communautés (Mc Arthur, 1972 ; Schœner, 1983 ;
Arthur, 1987), bien que cette idée soit régulièrement remise en cause (Shorrocks et al.,
1984 ; Strong et al., 1984 ; Cornell et Lawton, 1992).
Rôle des rythmes circadiens dans les interactions hôte-parasitoïde
Les difficultés rencontrées pour mesurer les rythmes d'activité des larves de
drosophiles n'ont pas permis d'approfondir le rôle des rythmes circadiens dans les
relations entre hôtes et parasitoïdes. Il est cependant fort probable que ces phénomènes
ont une incidence au niveau de la rencontre entre les deux partenaires. L'interprétation des
rythmes d'activité des femelles des différentes espèces étudiées dans le cadre des relations
141
Discussion et conclusions générales
parasitaires apporte quelques résultats préliminaires qui encouragent à poursuivre les
études chronobiologiques des associations hôte-parasitoïde.
La diversité des rythmes d'activité observée entre espèces correspond à des
différences de comportement de détection des hôtes (Vet et Bakker, 1985 ; Vet et Van
Alphen, 1985). A. tabida, qui utilise les vibrations du substrat émises par les larves de
drosophiles, montre une activité locomotrice spontanée très importante (chapitre 3). Au
contraire, les deux espèces du genre Leptopilina, qui n'utilisent pas ou peu ce mode de
détection, sont caractérisées une très faible activité. Ces parasitoïdes trouvent leurs hôtes
en utilisant des informations chimiques (Dicke et al., 1985 ; Vet 1985), et en sondant
aléatoirement le substrat (Vet et Bakker, 1985). Compte tenu de cette différence dans le
mode de détection des hôtes qui s'accompagne d'une différence de rythme, on peut
concevoir que l'activité de A. tabida soit plus synchronisée avec un éventuel rythme
d'activité des larves que celle des espèces du genre Leptopilina. Il a en effet été démontré
qu'il existe une relation directe entre l'intensité des mouvements des hôtes et l'efficacité
parasitaire de cette espèce (Sokolowski et Turling, 1986). La recherche d'un rythme
d'activité des hôtes est une étape indispensable à la vérification de telles hypothèses.
Au niveau de l'organisation de l'activité à l'échelle du nycthémère, il semble exister
une correspondance entre le profil des femelles (pic ou plateau) et le type d'hôtes
parasités (mobiles ou immobiles). Les parasitoïdes de larves (A. tabida, L. boulardi,
L. heterotoma) ont des pics d'activité alors que P. vindemmiae, parasite de pupe, montre
un profil en plateau avec une activité répartie pendant toute la phase diurne. La présence
de ces profils en plateau chez les parasitoïdes d'hôtes immobiles a été confirmée chez les
Trichogrammes, hyménoptères qui parasitent les œufs de divers insectes (Fleury et al.,
1991 et 1993 ; Pompanon, 1993).
Ces premiers résultats suggèrent l'intervention des rythmes circadiens dans les
interactions entre hôte et parasitoïde. Il est probable que les rythmes d'activité soient une
composante de l'efficacité des femelles. Une correspondance entre les rythmes d'activité
locomotrice et le potentiel d'infestation a été observée chez L. heterotoma dont la
signification exacte reste à rechercher. On peut également envisager, chez les parasites
d'hôtes mobiles, qu'un déphasage d'activité entre hôtes et parasitoïdes puisse créer un
refuge temporel pour les hôtes. La non coïncidence temporelle des hôtes et des
parasitoïdes est un facteur stabilisant des modèles de dynamique des populations
(Griffiths, 1969 ; Hassell et May, 1973 ; Münster-Swendsen et Nachman, 1978). Ces
travaux ont tous été réalisés en rapport avec la synchronisation saisonnière des espèces
mais on peut envisager le même phénomène à l'échelle circadienne. Enfin, les rythmes
circadiens peuvent être un facteur intervenant dans la spécificité des associations
parasitaires.
Applications
biologique
possibles
de
l'étude
des
rythmes
en
lutte
Les rythmes circadiens d'activité des insectes entomophages paraissent constituer
un élément important à prendre en compte dans les programmes de lutte biologique que ce
142
Discussion et conclusions générales
soit lors du choix des espèces à introduire (contrôle biologique classique) ou lors de la
production en masse des auxiliaires (lâchers innondatifs).
Il est actuellement reconnu que la réussite des programmes d'introduction passe par
une connaissance précise de la structure des communautés des insectes parasitoïdes
(Ehler, 1985 et 1990 ; Hagvar, 1989 ; Miller et Ehler, 1990 ; Waage, 1990). L'enjeu de
cette démarche est de reconstruire ou restructurer les peuplements d'ennemis naturels de
façon à "remplir" au mieux les niches écologiques vacantes pour une meilleure limitation
des populations de phytophages (Ehler, 1985 ; Waage, 1990).
Les résultats de l'étude des rythmes des parasitoïdes de drosophiles soulignent la
nécessité de prendre en compte la dimension temporelle de la niche écologique des
espèces. Le déphasage d'activité observé entre parasitoïdes sympatriques suggère en effet
que l'introduction de plusieurs espèces actives à des moments différents du nycthémère
peut augmenter l'efficacité des lâchers en réduisant les refuges possibles des hôtes
(meilleur "remplissage" des niches vacantes). De plus, les rythmes circadiens ne doivent
pas être négligés pour estimer les interférences possibles entre les espèces de parasitoïdes
indigènes et les espèces à introduire. Ces interactions compétives sont considérées
comme à l'origine d'un certain nombre d'échecs en lutte biologique (Ehler et Hall, 1982).
Des études chronobiologiques sont également à envisager lors des programmes de
lâchers innondatifs qui nécessitent une production industrielle des insectes parasitoïdes.
Les rythmes circadiens d'activité des entomophages peuvent en effet constituer un critère
de qualité important à mesurer au cours des élevages afin de vérifier la stabilité des phases
d'activité. Il est possible que les conditions de production induisent une évolution du
rythme des auxiliaires qui se désynchronisent par rapport à l'activité des ravageurs à
combattre, réduisant ainsi l'efficacité des lâchers.
Un tel phénomène a déjà été observé lors de l'utilisation des mâles stériles en lutte
biologique. Les élevages de Cochliomyia hominivorax, réalisés à l'obscurité permanente,
ont produit des souches compétitivement inefficaces par rapport aux mâles de la nature
(Bush et al., 1976). La prise en compte de ce phénomène a récemment été soulignée par
Lance et al. (1988) qui ont montré chez Limantriadispar que la température d'élevage
modifie la phase d'activité des mâles. Les mâles stérils produits seraient incapables de
rechercher les femelles dont l'émission de phéromone présente un rythme circadien
précis.
Enfin, cette étude apporte des données nouvelles dans le domaine de la génétique
des entomophages par la mise en évidence de variations intraspécifiques des rythmes
d'activité. L'aspect génétique est un élément important de la réussite des programmes de
lutte biologique (Hopper et al., 1993) et des connaissances à ce sujet sont nécessaires tant
pour le choix des souches à introduire (souche la mieux adaptée aux conditions
environnementales du lieu d'introduction) que pour la conservation de ces souches
(gestion optimale de la variabilité génétique d'origine). Les résultats obtenus sur les
parasitoïdes de drosophiles mettent en relief une forte structure génétique des populations
naturelles de ces insectes qui serait intéressant de confirmer sur des espèces d'importance
agronomique.
143
Discussion et conclusions générales
Perspectives
La discussion des résultats obtenus soulève un certain nombre de questions qui
méritent d'être approfondies. La poursuite de l'étude des rythmes d'activité des insectes
parasitoïdes peut être envisagées dans différentes directions qui présentent un intérêt dans
les domaines de la chronobiologie, de l'écologie et de la lutte biologique.
Les résultats obtenus sur les rythmes d'activité locomotrice doivent être confirmés
pour l'activité parasitaire notamment en ce qui concerne le partage temporelle des hôtes
entre espèces en compétition. Les mises au point nécessaires pour mesurer les rythmes de
ponte des parasitoïdes sont actuellement en cours. La recherche de ce déphasage dans
d'autres systèmes sympatriques permettrait de déterminer si ce phénomène est un élément
commun à de nombreuses associations d'insectes parasitoïdes, conséquence des fortes
interactions entre espèces qui résultent des infestations multiples (multiparasitisme).
L'étude des relations entre le rythme des hôtes et le rythme des parasitoïdes est peut
être le point le plus important à développer. La synchronisation ou un déphasage
d'activité (refuge temporel pour les hôtes) peuvent en effet jouer un rôle important dans la
dynamique des associations hôte-parasitoïde. La première étape de cette étude pourrait
consister à confirmer chez d'autres associations parasitaires la correspondance entre le
type d'hôtes infestés (mobiles ou immobiles) et le profil des rythmes des femelles
parasitoïdes (pic ou plateau) observée chez les parasitoïdes de drosophiles. Il est envisagé
d'intégrer dans les modèles de dynamique des populations des variables représentatives
des variations circadiennes de la disponibilité des hôtes et de l'activité des parasitoïdes.
L'étude génétique des rythmes d'activité doit être poursuivie pour identifier
clairement les facteurs sélectifs responsables de la différenciation des populations. La
variabilité génétiques à l'intérieur des populations est à confirmer par des programmes de
sélection artificielle qui permettraient d'établir la capacité de réponse de ces caractères à la
sélection .
Enfin, la validation dans la nature des données recueillies au laboratoire reste à
réaliser. Des études de terrain sont nécessaires pour estimer l'intensité de la compétition
entre espèce de parasitoïdes. L'étude de la place des rythmes d'activité dans la capacité
des entomophages à réguler les populations d'insectes est possible dans le cadre des
programmes de lutte biologique sous serres qui permettent de travailler en conditions
semi-naturelles avec des systèmes simplifiés.
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