Des écoquartiers à la ville durable

Transcription

Des écoquartiers à la ville durable
Institut d’Études Politiques de Toulouse
Des écoquartiers à la ville durable
Appropriation et diffusion des principes de l’urbanisme
durable à Toulouse métropole.
Mémoire de recherche présenté par Anaelle Sorignet
Sous la direction de Julien Weisbein
Année universitaire 2012/2013
Institut d’Études Politiques de Toulouse
Des écoquartiers à la ville durable
Appropriation et diffusion des principes de l’urbanisme
durable à Toulouse métropole.
Mémoire de recherche présenté par Anaelle Sorignet
Sous la direction de Julien Weisbein
Année universitaire 2012/2013
AVANT-PROPOS
Je tiens à remercier Julien Weisbein pour avoir accepté d’être mon directeur de mémoire,
et pour m’avoir reçue chaque fois que j’ai ressenti le besoin de soumettre mes idées. Ses cours
m’ont fourni de multiples pistes lors de mes recherches.
Merci à Laura Parvu pour son aide, ses conseils et son extrême disponibilité, tout au long
de cette année.
Merci aux services de Toulouse métropole pour leur encadrement lors de l’atelier
professionnalisant de cinquième année, qui nous a beaucoup appris et m’a permis de
rassembler de nombreuses informations utiles à ce travail.
Merci à toutes les personnes qui ont bien voulu m’accorder un entretien dans le cadre de
ce travail et qui ont contribué par leurs témoignages et leurs idées à faire avancer ma
réflexion.
Merci enfin à mes proches de m’avoir supportée et soutenue, notamment dans les
dernières semaines de ce travail.
AVERTISSEMENT :
L’IEP de Toulouse n’entend donner aucune approbation, ni improbation dans les
mémoires de recherche. Ces opinions doivent être considérées comme propres à
leur auteur(e).
SOMMAIRE
INTRODUCTION ............................................................................................................... 2
I – Pourquoi et comment la ville devient-elle le terrain du développement durable ? ... 4
II – Un objet urbanistique singulier : l’écoquartier ........................................................ 6
III – Choix empiriques et méthodologiques, présentation du territoire d’étude ............ 8
PREMIÈRE PARTIE : L’URBANISME DURABLE, UN COURANT DÉPOURVU DE
SOCLE THÉORIQUE QUI ÉMERGE GRACE A L’EXPÉRIMENTATION .......... 12
I – Une ville durable aux problématiques naissantes ................................................... 12
II – L’écoquartier, un laboratoire grandeur nature au service de la ville durable ........ 20
DEUXIÈME PARTIE : LES ÉCOQUARTIERS MÉTROPOLITAINS, ÉCOLES DE
LA DURABILITÉ POUR LE TERRITOIRE ................................................................ 34
I – Une fonction d’entraînement plus que d’expérimentation ..................................... 35
II – Des effets d’apprentissage ..................................................................................... 40
III – Les écoquartiers et après ? Esquisses de la ville durable ..................................... 50
TROISIÈME PARTIE : TOULOUSE MÉTROPOLE, UNE VILLE DURABLE ?
OBSTACLES PERSISTANTS......................................................................................... 66
I – Le projet territorial de développement durable de Toulouse métropole : atouts et
faiblesses ...................................................................................................................... 66
II – La volonté politique, condition sine qua none du développement urbain durable 83
CONCLUSION .................................................................................................................. 90
LISTE DES ANNEXES .................................................................................................... 92
BIBLIOGRAPHIE .......................................................................................................... 100
INTRODUCTION
L’expression sustainable development, traduite par « développement durable » en
français, est restée méconnue du grand public jusqu’en 1992, date du sommet mondial pour le
climat à Rio. Paré de cette légitimité internationale, le concept a pu se diffuser et se
populariser, avec une accélération ces dix dernières années, jusqu’à devenir l’injonction
omniprésente que nous connaissons aujourd’hui. Tout doit désormais être durable : la
production, la consommation, l’alimentation, la ville, la mobilité, les bâtiments… Pourtant,
cette notion n’est pas comprise de manière univoque et reste sujette à de nombreuses
interprétations, comme en témoigne la célèbre opposition entre une conception « faible » du
développement durable qui le cantonnerait au remplacement du capital naturel détruit par du
capital technique grâce au progrès, et une conception « forte » qui nécessiterait « un
changement de civilisation »1. Le rapport Brundtland publié en 1987, propose pourtant une
définition officielle et consacrée du développement durable comme un « …mode de
développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la
capacité des générations futures à répondre aux leurs. ». Ce mode de développement
s’appuie sur trois piliers à équilibrer : l’environnemental, l’économique et le social ; peu de
précisions sont données toutefois sur la recherche de cet équilibre. Nous pouvons d’ailleurs
observer aujourd’hui combien la dimension environnementale a accaparé le concept2.
Par ailleurs, si le succès de cette notion est récent, les racines théoriques de l’écologie
sont bien plus anciennes. En effet, Bourg, en dressant une « genèse de la conscience
écologique »3, montre que les premières associations de défense de la nature ont été fondées
durant la seconde moitié du XIXe siècle et critiquent la modification des rapports hommenature entraînée par la révolution industrielle. La pensée qui sous-tend aujourd’hui
l’urbanisme durable a beaucoup de points communs avec celle de Patrick Geddes, biologiste
écossais « …à qui l’on doit les premières dénonciations virulentes du gaspillage des
ressources naturelles »4. La pensée écologique est donc ancienne et a été développée dans
1
BOURG Dominique, « Le développement durable exige un changement de civilisation », entretien avec
Antoine Loubière, Revue Urbanisme, mai-juin 2002, n° 324, p.40.
2
LEVY Albert, « La "ville durable." Paradoxes et limites d'une doctrine d'urbanisme émergente. Le cas SeineArche. », Esprit, 2009/12, p.146.
3
BOURG Dominique, « Le nouvel âge de l’écologie ». Le Débat, 2001/1, n°113, p.93.
4
BOURG Dominique, Ibid., p.94.
2
trois critiques : la critique écologique, la critique philosophique du progrès technique et la
critique de la croissance. Relayées par les conférences environnementales internationales (la
conférence de l’UNESCO sur la biosphère en 1968, la conférence de Stockholm en 1972, Rio
en 1992, etc.) et la parution de plusieurs ouvrages dès l’après-guerre, ces idées se sont
popularisées jusqu’à se banaliser. La notion de développement durable a tellement été
déclinée ces vingt dernières années qu’elle est devenue un « fourre-tout »5 sémantique, au
détriment de sa lisibilité. Le succès d’un concept aussi large, pour ne pas dire bancal, étonne à
première vue. Il semblerait pourtant que ces imprécisions aient permis de fédérer des
expériences très différentes, le caractère flou de la notion ayant donné la possibilité à une
pluralité d’acteurs de se l’approprier6. Son « caractère imprécis et controversé »7 interroge
sur ses traductions opérationnelles. Connaître la confusion entourant cette notion est essentiel
pour traiter des thématiques de l’écoquartier et de la ville durable. Elle explique pour partie
les difficultés auxquelles se heurte l’urbanisme durable aujourd’hui.
La France s’est saisie du concept assez tardivement, puisque le développement durable a
réellement été investi au milieu des années 2000, presque vingt ans après la parution du
rapport Brundtland. Malgré sa complexité, il est devenu aujourd’hui un nouveau référentiel
pour l’action publique8 qui bénéficie avec le développement durable d’un certain
renouvellement des discours et des actions9. Les thèmes qui lui sont associés, et notamment la
démocratisation, ont permis à l’action publique de se re-légitimer dans un contexte de crise de
la représentation démocratique. Il n’est plus aujourd’hui envisageable pour les acteurs publics
comme privés de ne pas faire état de préoccupations environnementales et sociétales, même
simplement affichées. C’est ce que montrent bien l’émergence et la généralisation de la
Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) ou des Organismes publics (RSO)
aujourd’hui.
5
SCARWELL Helga-Jane et ROUSSEL Isabelle, « Le développement durable, un référentiel pour l’action
publique entre attractivité et tensions », Territoire en mouvement [En ligne], 2006, mis en ligne le 01/09/2010,
consulté le 12/10/2012. URL : http://tem.revues.org/95
6
HAMMAN Philippe, Sociologie urbaine et développement durable, Bruxelles : Éditions de Boeck, 2012, p.17.
7
BERNIÉ-BOISSARD Catherine et CHEVALIER Dominique, « Développement durable : discours consensuels
et pratiques discordantes. Montpellier et Nîmes. » Espaces et Sociétés, 2011/4, n°147, p.48.
8
SCARWELL Helga-Jane et ROUSSEL Isabelle, « Le développement durable, un référentiel pour l’action
publique entre attractivité et tensions », Op. cit.
9
HAMMAN Philippe, Sociologie urbaine et développement durable, Op. cit., p.61.
3
La difficulté qui se pose alors est la traduction concrète d’un concept qui a presque autant
de définitions que d’acteurs. Si les collectivités ont compris l’importance d’intégrer le
développement durable dans leurs politiques (et y sont de toute manière obligées), elles
déclarent en 2002 considérer celui-ci comme abstrait et difficile à mettre en œuvre, et peinent
à traduire en actions un concept dont elles ne maîtrisent pas bien la signification10. Ainsi, la
mise en œuvre du développement durable a toujours été problématique pour les collectivités,
pourtant acteurs-clés dans la déclinaison territoriale du concept.
I – Pourquoi et comment la ville devient-elle le terrain du développement
durable ?
L’Insee définit la ville comme une unité urbaine constituée d'une ou plusieurs communes,
comptant plus de 2 000 habitants et présentant une continuité dans l'habitat11. Elle est un lieu
de concentration de la population et des activités humaines (commerce, industrie, culture,
éducation, etc.). Elle se caractérise notamment par la présence d’activités de commandement,
qui permettent d’organiser la vie sociale. Ainsi, « les villes représentent des formes de
cristallisation du social »12.
Pourquoi faire de la ville le terrain privilégié du développement durable, alors que celuici fait référence à la protection de la planète ? En tant que lieu privilégié de l’organisation
d’une société, la ville toujours été un lieu d’utopies: celle du développement durable s’y est
naturellement implantée. La ville durable n’est autre que la transposition dans l’espace du
discours du développement durable13. Comment les villes pourraient-elles l’omettre alors
qu’elles sont responsables de 70 % des émissions de CO2 selon les Nations Unies14 ? Elles
contribuent très largement au processus de changement climatique et continueront à le faire,
10
LOUBIERE Antoine, « Les collectivités territoriales entre confusion et activisme », Revue Urbanisme, mai juin 2002, n°324, p.55.
11
Source : http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=definitions/ville.htm
12
HAMMAN Philippe, Sociologie urbaine et développement durable, op. cit., p.23.
13
LEVY Albert, « La "ville durable." Paradoxes et limites d'une doctrine d'urbanisme émergente. Le cas SeineArche. », op. cit., p.149.
14
Pourtant, les villes n’occupent que 2% de la masse continentale mondiale, et ne rassemblent que la moitié de la
population terrestre. Voir : http://www.un.org/fr/sustainablefuture/pdf/cities.pdf
4
puisque 75 % de l’humanité devrait vivre en ville d’ici 205015. En signant la charte d’Aalborg
en 1994, les viles européennes ont reconnu leur responsabilité dans la dégradation de
l’environnement global, leur rôle essentiel dans l’évolution des modes de vie, et la pertinence
de leur échelle pour résoudre les problèmes actuels de manière intégrée16. En effet, l’aprèsRio a montré les difficultés de mise en œuvre du développement durable au niveau global,
c’est pourquoi « …le pragmatisme peut conduire à s’appuyer en priorité sur la mobilisation
des acteurs locaux. »17. La dimension locale fait apparaître plus fortement les contradictions
du développement durable et permet une approche transversale : la ville apparaît alors comme
un relai nécessaire pour porter cette thématique, en inscrivant le développement durable dans
les politiques territorialisées. Elle présente également l’avantage de permettre l’implication
des acteurs locaux et le renforcement de la démocratie locale18.
La ville devient donc « durable » dans le rapport Brundtland, puis dans la charte
d’Aalborg sept ans plus tard. Cette notion reste très évolutive : « L’apparition du terme de
ville durable doit être distinguée de la construction de la problématique, plus tardive, qui fera
évoluer son sens initial. »19. Elle connaît en effet plusieurs définitions successives : la
première approche est celle de la ville « autosuffisante », c’est-à-dire qui subvient localement
à ses besoins. La ville durable est ensuite celle qui se développe sans faire peser le coût de son
développement sur d’autres, puis en dernière acception, celle qui s’efforce de se développer
en préservant la qualité de vie de ses habitants, tout en défendant un objectif plus général de
développement durable20. La ville durable serait un croisement entre quatre villes aux
objectifs variés voire antagonistes : « …l’ "écocité", militante et décroissante, la "ville
confortable", préservatrice et autocentrée, la "ville solidaire", rationnelle et redistributrice, et
la "ville ouverte", dynamique et consommatrice. ». Dans la poursuite de ces objectifs
complexes, la recherche d’un équilibre passe par la prise en compte des problématiques
15
CHARLOT-VALDIEU Catherine et OUTREQUIN Philippe, L’urbanisme durable. Concevoir un écoquartier.
2e édition. Paris : Éditions du Moniteur, 2011 (2009).
16
Pour le texte complet de la charte d’Aalborg, voir : http://a21l.qc.ca/web/document/aalborg.pdf
17
THEYS Jacques, « L’approche territoriale du " développement durable ", condition d’une prise en compte de
sa dimension sociale », Développement durable et territoires [En ligne], 2002, mis en ligne le 23/09/2002,
consulté le 05/07/2013. URL : http://developpementdurable.revues.org/1475
18
CHARLOT-VALDIEU Catherine et OUTREQUIN Philippe, L’urbanisme durable. Concevoir un écoquartier.
Op. cit.
19
EMELIANOFF Cyria, « La ville durable : l'hypothèse d'un tournant urbanistique en Europe », L'Information
géographique, 2007/3, Vol. 71, p.49.
20
EMELIANOFF Cyria, Ibid., p.50.
5
spécifiques à chaque territoire. L’« injonction au local »21 est ainsi évidente : la ville durable
trouve des solutions adaptées à son territoire pour répondre à des enjeux planétaires. Il
n’existe donc aucune vision ou définition « monolithique »22 de la ville durable : c’est au
contraire un référentiel adaptable qui laisse aux acteurs une certaine marge de manœuvre, en
fonction des situations locales. La ville durable doit donc inventer son propre mode de
développement, articulant des problématiques locales et globales23. Ces solutions sont testées
essentiellement en milieu urbain, notamment à travers les écoquartiers.
II – Un objet urbanistique singulier : l’écoquartier
Concomitamment à la ville durable, apparaît un objet urbain nouveau : l’écoquartier. Né
en Europe du Nord à la fin des années 1980-début des années 1990 avec les quartiers Vauban
à Fribourg-en-Brisgau, Bo01 à Malmö ou encore BedZed à Londres, il se veut un quartier
exemplaire au regard du développement durable. Ces quartiers expérimentaux n’ont en fait
pas grand-chose en commun, certains ne servant que de démonstration éco-technologique et
d’autres ayant entièrement été construits par leurs habitants, mais sont moins performants sur
le plan environnemental24.
Précisons à ce stade que par souci de simplicité, nous utiliserons indistinctement les
termes écoquartiers et quartiers durables. En effet, il existe une distinction fréquente selon
laquelle l’écoquartier serait centré sur l’aspect environnemental du développement durable,
tandis que le quartier durable intégrerait en plus des préoccupations économiques et
sociales25. Nous écarterons volontairement la connotation plus technique et écologique que
21
ADAM Mathieu, « La fabrique des éco-quartiers, entre injonction au local et urbanisme standardisé », Des
métropoles hors-sol ? La déterritorialisation de la production de l’urbain en question. Journées d’études
urbaines, Institut d’Urbanisme de Lyon, 17 et 18 novembre 2011.
22
EMELIANOFF Cyria, « Ville et urbanisme durables : un mouvement international » in HELIOT Raphaële
(dir.), Ville durable et écoquartiers, Le Pré-Saint-Gervais : Éditions Passager Clandestin, 2010, p.16.
23
On peut en effet lire dans la charte d’Aalborg : « Chaque ville étant différente, c'est à chacune qu'il appartient
de trouver son propre chemin de parvenir à la durabilité. »
24
SCHAEFFER Verena et BIERENS DE HAAN Camille, « Pays-Bas : quatre quartiers durables entre désirs et
réalités » extraits) in SOUAMI Taoufik (dir.) « ÉcoQuartiers et urbanisme durable », Problèmes politiques et
sociaux, La Documentation Française, février 2011, n° 981, p.40-42.
25
BOUTAUD Benoît, « Quartier durable ou éco-quartier ? », Cybergeo : European Journal of Geography [En
ligne], Débats, Quartier durable ou éco-quartier ?, mis en ligne le 24/09/2009, consulté le 02/03/2012. URL :
http://cybergeo.revues.org/22583.
6
peut prendre la notion d’écoquartier et désignerons par ce terme l’ensemble des quartiers qui
intègrent ou essaient d’intégrer au mieux les trois dimensions du développement durable.
Malgré une littérature très abondante sur le sujet, l’écoquartier n’a pas véritablement été
défini : le terme désigne des réalités très différentes. Un écoquartier présente quelques
caractéristiques récurrentes, qui peuvent constituer des éléments de définition : la recherche
d’une mixité sociale et fonctionnelle, des formes urbaines denses, la construction écologique,
la sobriété énergétique, la production locale d’énergie renouvelable, la promotion des modes
de transport doux, la protection de la biodiversité urbaine et rurale, le retour de la nature en
ville et du paysage, le traitement optimal des déchets, la valorisation et la gestion durable de
l’eau, la promotion des circuits courts, la participation des habitants… Ces caractéristiques
pourraient être synthétisées par quatre principes : « …haute qualité de vie, économie des
ressources, maîtrises des déchets et rejets, participation. »26. Ainsi, « …le concept
d’écoquartier rassemble en une même vision idéalisée de la ville future toutes les
améliorations qu’il est possible d’imaginer (…). »27. Il se veut une sorte de photographie à
l’instant T de tout ce qui se fait de mieux au regard du développement durable.
En France, le terme évoque également le label créé par le Ministère suite au Grenelle de
l’Environnement, orthographié EcoQuartier, qui constitue une tentative institutionnelle de
définition. Le Ministère de l’Écologie invoque l’objectif de performance énergétique attribué
à l’EcoQuartier, puis le définit comme « …un quartier durable, englobant des considérations
liées aux transports, à la densité et aux formes urbaines, à l’écoconstruction, mais également
à une mixité sociale et fonctionnelle et à la participation de la société civile. » 28.
Pourquoi ces écoquartiers sont-ils autant plébiscités, en France et en Europe ? À la fin des
années 1980, les fondements théoriques, les réalisations et les buts de l’urbanisme classique
ont été critiqués de toute part : les écoquartiers ont alors constitué un lieu d’expérimentation
pour tenter de solutionner les problèmes causés par l’urbanisme classique, et transformer les
pratiques urbanistiques. Ils « …sont appréhendés comme des réalisations opérationnelles,
comme la démonstration qu’un urbanisme durable, contre-point de l’urbanisme classique, est
26
UNIL, « Eco-quartiers : l’habitat du futur ». [En ligne], Dossier Vues sur la ville, Septembre 2007, N° 18,
Université de Lausanne, URL: http://www.unil.ch/webdav/site/ouvdd/shared/VsV/No%2018-2007.pdf
27
LEFEVRE Pierre et SABARD Michel, « Les écoquartiers. L’avenir de la ville durable » (extraits), in
SOUAMI Taoufik (dir.), « Écoquartiers et urbanisme durable », op. cit., p.53.
28
Voir : http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/DP_EcoQuartier_-_partie_1.pdf
7
bien possible. »29. Pourtant, les écoquartiers divisent les auteurs comme les praticiens de
l’urbanisme pour plusieurs raisons. Dans l’introduction du n°981 de Problèmes politiques et
sociaux dédié aux écoquartiers et à l’urbanisme durable, Souami résume le débat en ces
termes :
« Certains voient dans les écoquartiers un nouveau modèle universel pour les citadins du XXI e siècle,
alors que d’autres redoutent qu’une "idéologie" écologiste s’empare de la ville. Ces projets ou
réalisations sont présentés comme le fer de lance d’un nouvel urbanisme plus adapté aux habitants et
plus respectueux de l’environnement. Mais ils peuvent aussi être considérés comme de nouveaux
ghettos réservés à une élite "bobo-écolo" et guère susceptibles de faire face aux problèmes
environnementaux planétaires. »30
Les écoquartiers ont le mérite d’alimenter le débat sur ce que doit être l’urbanisme de
demain, et de donner une visibilité à des réflexions trop souvent réservées à la sphère
technocratique. Comment dépasser et surtout utiliser les critiques adressées à l’écoquartier et
les limites qu’ils mettent en évidence pour progresser vers une ville durable ? Nous tenterons
de répondre à cette question au cours de la deuxième partie de ce mémoire.
III – Choix empiriques et méthodologiques, présentation du territoire d’étude
Le choix de l’agglomération toulousaine comme territoire d’études s’est imposé pour des
raisons pratiques. Toutefois, il paraissait intéressant d’analyser la mise en œuvre du
développement urbain durable sur un territoire qui n’était pas spécifiquement pionnier en la
matière. Compte tenu des compétences de la Communauté Urbaine de Toulouse métropole31
et de la pertinence de cet échelon territorial pour analyser le phénomène urbain, l’échelle
intercommunale nous a parue plus appropriée. Les compétences transférées aux
Établissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI) à fiscalité propre depuis la loi
Chevènement de 1999 leur ont progressivement donné les moyens d’élaborer un projet
territorial global. Le discours de la ville durable porte désormais sur une échelle élargie qui
est celle du territoire de projet, ici urbain.
29
SOUAMI Taoufik, « Avant-propos » in SOUAMI Taoufik (dir.), « Écoquartiers et urbanisme durable », op.
cit., p.7.
30
SOUAMI Taoufik, Ibid., p.5.
31
Suivi du SCoT et des PLU, création et réalisation de Zones d’Aménagement Concertées (ZAC) d'intérêt
communautaire, organisation des transports urbains, création/aménagement et l’entretien de la voirie,
signalisation, parcs de stationnement, équilibre social de l’habitat, politique de la ville, gestion de services
d’intérêt collectif, protection et de mise en valeur de l’environnement et du cadre de vie…
8
L’intercommunalité existe à Toulouse depuis seulement une vingtaine d’années, et la
communauté urbaine depuis 2009. Regroupant 37 communes et plus de 700 000 habitants, le
Grand Toulouse a opté en juin 2012 pour le nom de Toulouse métropole, conformément à son
souhait de prétendre au statut de métropole qui constitue l’échelon le plus intégré des EPCI en
France. Avec 1,22 million d’habitants en 2009 et près de 20 000 habitants supplémentaires
par an depuis 10 ans, Toulouse est la quatrième aire urbaine française derrière Paris, Lyon et
Marseille32 (cf. Annexes 1 et 2). Elle enregistre depuis plus de 25 ans une croissance
démographique très forte (+46 % entre 1986 et 2011), due à l’arrivée sur le territoire
d’activités économiques fortement créatrices d’emplois, comme l’aéronautique et le spatial.
Cette augmentation de la population s’est traduite par un phénomène d’étalement urbain
particulièrement important, facilitée par l’absence de contraintes géographiques (la région
présente en effet une topographie assez plate) et le manque de maîtrise foncière. L’étalement
urbain pose de nombreux problèmes aujourd'hui : gaspillage des espaces, détérioration de
l’environnement, dépendance automobile (64 % des déplacements se font en voiture en 2012
selon l’AUAT33, et la fréquentation du réseau urbain a augmenté de 110 % en 10 ans),
pollution… L’étendue de la ville de Toulouse – 12 000 ha, soit la taille de Paris intramuros –
et une politique de développement routier et autoroutier ont contribué à l’allongement des
trajets et à la prégnance de l’automobile. « La croissance urbaine toulousaine se caractérise
par un grand empirisme et un certain désordre. »34. Suite au recensement de 1999, l’INSEE
publie des chiffres stupéfiants qui mettent en évidence la réalité toulousaine, soit une aire
urbaine de 342 communes pour un pôle urbain de seulement 72 communes. Marconis
explique que la publication par l’Agence d’Urbanisme et l’INSEE d’un Atlas de l’aire urbaine
provoque une prise de conscience chez les décideurs. Des solutions sont envisagées, comme
l’élaboration d’un Schéma de Cohérence Territoriale (SCoT) à l’échelle de cette nouvelle
réalité urbaine, qui finalement prendra la forme de quatre SCoT unis par des objectifs
communs. Le Plan de Déplacements Urbains (PDU)35 constitue une autre tentative de réponse
32 Voir la publication des chiffres-clés 2012 de l’Agence d'Urbanisme et d'Aménagement du Territoire Toulouse
Aire Urbaine (AUAT) : http://www.aua-toulouse.org/IMG/pdf/tabaglo2012.pdf
33
Idem.
34
MARCONIS Robert, « Toulouse, une métropole en construction. Réflexion sur un demi-siècle de croissance
urbaine », in AUAT, La métropole toulousaine, rétro-prospective pour 2050. Détours prospectifs 2012,
Toulouse, p.11.
35
Créés dans le cadre de la Loi sur l’Air et l’Utilisation Rationnelle de l’Énergie (dite loi LAURE) en 1996, les
PDU ont pour objectif de diminuer la pollution de l’air et le gaspillage des ressources énergétiques découlant de
l’accroissement des déplacements routiers en organisant l’amélioration de l’offre de transports en commun, le
stationnement, la livraison de marchandises en ville, le développement des liaisons douces et de proximité...
9
à ce constat. Des transports en commun en site propre (TCSP) se développent, dont le métro
et le tramway sont les emblèmes. L’étalement urbain s’avère plus difficile à maîtriser :
l’absence d’outils et de dispositifs de maîtrise du développement a favorisé l’étalement car le
territoire était attractif. Une fois adoptés, des documents comme le Programme Local de
l’Habitat (PLH) ou le Projet d’Aménagement et de Développement Durable (PADD) ont
permis d’amorcer une vision du territoire à plus long terme. Toutefois, la rareté du foncier et
de l’immobilier conjuguée à une aspiration quasi-généralisée à la propriété privée ont entraîné
une forte hausse des prix, éloignant des centres les classes les moins favorisées. Entre 1999 et
2010, l’aire urbaine s’est agrandie de 111 communes, qui ont participé pour 8 % de la
croissance démographique totale de l'aire urbaine36. Les principaux défis semblent donc
encore être à relever.
À travers ce mémoire, il s’agit de s’intéresser à un territoire qui en France n’est ni
précurseur ni mauvais élève en matière de mise en œuvre de politiques de développement
durable et d’étudier par quels biais les acteurs publics, les professionnels et les citoyens
s’approprient le concept et le traduisent en actes. Confrontés à un phénomène
d’étalement urbain massif, les décideurs publics ont instauré depuis une dizaine d’années un
certain nombre de mesures destinées à modifier les pratiques d’urbanisme à Toulouse
métropole, dont les écoquartiers (notamment Andromède et Vidailhan) constituent un
symbole fort. Nous aborderons la ville durable à partir de ces nouveaux objets urbanistiques,
avant d’élargir notre réflexion.
Outre une revue de la littérature scientifique sur les écoquartiers et la ville durable, notre
analyse s’appuie sur l’expérience de quatre mois de travail avec le service Appui à la ville
durable de Toulouse métropole, dans le cadre d’un atelier en partenariat avec l’IEP de
Toulouse. C’est de cette expérience que seront tirées nos observations relatives au Référentiel
d’Aménagement et d’Urbanisme Durables (RAUD), ainsi que de la dernière version de ce
document dont les services ont bien voulu nous envoyer un exemplaire. D’autres sources,
elles aussi fournies par les services, ont été analysées : organigrammes successifs, rapport de
développement durable 2012, discours, dossiers de concertation, bilans… Des informations
sont extraites de la documentation fournie sur les sites Internet de Toulouse métropole, des
communes-membres et de leurs partenaires, notamment la Société d’Économie Mixte (SEM)
36
AUAT, « Toulouse, quatrième aire urbaine de France », Perspectives Villes, [En ligne], 2012, consulté le
13/08/2013. URL : http://lib.auat-toulouse.org/spip/IMG/pdf/4p-2010_11_extention_aire_urbaine_ligth.pdf
10
Oppidea, ainsi que du site du Ministère du développement durable. Enfin, une série
d’entretiens a été réalisée dans le cadre de ce mémoire, avec divers acteurs de Toulouse
métropole : agents, élus, ADEME, urbanistes, bureaux d’études, aménageurs, dirigeants
d’entreprise. Ils seront restitués de manière anonyme dans le texte.
Quel rôle ont joué les écoquartiers métropolitains dans le lancement d’une démarche de
ville durable ? L’objet de ce travail sera d’analyser le processus d’intégration du
développement durable dans les pratiques d’urbanisme à la CUTM : par quels biais, quels
impacts sur les modes de développement urbain et quelles marges de progression ?
Avant d’entrer dans le vif du sujet, nous rappellerons les conditions d’émergence du
courant de l’urbanisme durable en Europe et les modalités de son apparition en France. Nous
aborderons les ambiguïtés relatives à la notion de ville durable et rappellerons les termes du
débat dont font l’objet les écoquartiers.
L’état de l’art dressé dans la première partie nous permettra de mieux comprendre la
place de l’écoquartier dans l’impulsion de nouveaux modes de développement urbain à
Toulouse métropole. Sa fonction n’est pas tant expérimentale : il constitue plutôt un lieu
d’apprentissage pour des décideurs politiques et une administration sommés de transformer
leurs pratiques. Quelques soient ses limites, l’écoquartier n’est pas une mesure anecdotique,
d’autant plus que la collectivité a choisi de capitaliser et diffuser les savoirs nouvellement
acquis à travers l’élaboration d’un Référentiel d’Aménagement et d’Urbanisme Durables
(RAUD). Nous verrons que ce document tente de se détacher des limites de l’urbanisme
durable que les écoquartiers ont permis de mettre en évidence ces vingt dernières années, en
proposant une approche transversale, évolutive, réflexive et critique.
L’approche adoptée par Toulouse métropole à travers le RAUD annonce-t-elle
l’avènement d’une ville durable ? Nous verrons que celle-ci se heurte à des obstacles
persistants. L’inflexion des trajectoires de développement urbain est un processus long et
laborieux, qui remet en question des pratiques anciennes. De plus, l’instrument d’amélioration
continue que constitue le RAUD est pour l’instant menacé de non-publication. Comme l’ont
appris à leurs dépens les agents de l’intercommunalité, l’avènement d’une ville durable est
aussi et surtout subordonné à des logiques économiques et politiques. Nous tenterons pour
finir d’esquisser quelques pistes pour contourner ces obstacles.
11
PREMIÈRE PARTIE : L’URBANISME DURABLE, UN COURANT DÉPOURVU DE
SOCLE THÉORIQUE QUI ÉMERGE GRACE A L’EXPÉRIMENTATION
Cette première partie dressera l’état de l’art en matière d’écoquartiers et de ville durable.
Elle vise à donner un cadre et des repères à l’analyse qui sera déroulée tout au long de ce
mémoire, en resituant l’émergence du discours autour de la ville durable, qui montre
l’évolutivité de cette notion (I). Il s’agira ensuite d’expliquer le rôle des écoquartiers dans
l’apparition et la structuration d’un courant de l’urbanisme durable (II).
I – Une ville durable aux problématiques naissantes
Le discours de la ville durable apparaît surtout en réaction à l’urbanisme fonctionnel,
accusé de nombreux maux. Au-delà de cette critique initiale, le courant de l’urbanisme
durable témoigne d’un retournement de perspective dans les rapports ville - nature, et s’inscrit
plus généralement à contre-courant des valeurs portées par la société.
1) Une critique de l’urbanisme moderne
Le courant de l’urbanisme durable a émergé en opposition à la Charte d’Athènes qui
constitue le texte de référence de l’urbanisme moderne. Rédigée suite au 4e Congrès
international d’architecture moderne, elle n’est publiée que lorsque Le Corbusier reprend les
actes du Congrès pour écrire La Charte d’Athènes, en 1943. Pourquoi opposer la ville durable
à la ville prônée par la charte d’Athènes, alors que celle-ci promouvait le soleil, la verdure et
l’espace comme matériaux premiers de l’urbanisme ? La ville durable, contrairement à la ville
moderne, ne se veut ni hygiéniste, ni fonctionnaliste. La Charte d’Athènes analysait en effet
les besoins de l’homme au travers quatre grandes fonctions, qui deviennent les quatre
fonctions de la ville : « …habiter, travailler, circuler, se cultiver le corps et l’esprit. »37. Les
37
CHOAY Françoise, L’urbanisme, utopies et réalités. Une anthologie. Paris : Éditions du Seuil, 1965, p.34.
12
effets négatifs de ce mode de pensée sont pleinement observables aujourd’hui, notamment
dans les banlieues38.
Emelianoff propose une comparaison critique entre la Charte d’Athènes et la Charte
d’Aalborg39. Cette dernière, élaborée presque soixante ans plus tard (en 1994), constitue le
texte de référence de l’urbanisme durable. Elle pose les bases de nouvelles politiques urbaines
moins sectorisées, qui s’inscrivent aussi bien dans le court terme que dans le long terme, et
prône l’intégration de préoccupations écologiques et sociales grâce au renversement de cinq
principes majeurs de la Charte d’Athènes :
-
La décontextualisation de l’architecture et la standardisation : dans la charte
d’Aalborg, l’insertion du bâti dans son environnement urbain redevient primordiale,
tout comme la diversité de l’architecture ;
-
Le principe de la table rase : aujourd'hui, au contraire, les politiques patrimoniales se
multiplient, la réflexion partant systématiquement de l’existant pour le valoriser ;
-
Le zonage : l’urbanisme durable recherche la mixité fonctionnelle et sociale, afin
d’endiguer la ségrégation socio-spatiale et l’accroissement des déplacements ;
-
L’extension des limites de la ville au nom de l’hygiène : la densification est de
nouveau recherchée afin de limiter la consommation d’espaces et d’énergie ;
-
Le monopole des experts sur la production de la ville est remis en cause, au profit
d’une co-construction de la ville, les processus de concertation se multipliant.
Toutefois, comme le rappelle Emelianoff40, ce rejet des principes de la charte d’Athènes
n’est pas l’apanage du développement durable : déjà au début du XXe siècle, les écrits de
Patrick Geddes ressemblaient en de nombreux points à ceux sur la ville durable.
Bien que la charte d’Aalborg s’oppose fondamentalement à la Charte d’Athènes, Lévy
montre que le procédé est toujours le même : critique de la ville contemporaine, mise en cause
des méthodes d’urbanisme actuelles et appel au changement. Toutefois, contrairement aux
discours précédents, celui de la ville durable ne propose aucun modèle-type. Seul point
commun aux différentes réalisations qui se réclament de l’urbanisme durable : la nature
38
LEVY Albert, « La "ville durable." Paradoxes et limites d'une doctrine d'urbanisme émergente. Le cas SeineArche. », Op. cit., p.145.
39
Voir EMELIANOFF Cyria, « Les villes européennes face au développement durable : une floraison
d'initiatives sur fond de désengagement politique. », Cahiers du PROSES, 01/2004, n° 8.
40
EMELIANOFF Cyria, Ibid.
13
devient un facteur limitant et l’objectif est de réconcilier ville et nature, que les politiques
environnementales des années 1970 et 1980 avaient tendance à opposer. Le discours de la
ville durable renverse totalement ce rapport. La priorité est alors de protéger l’environnement
en limitant à tout prix les impacts de la ville sur celui-ci, à un niveau local comme global41.
Ainsi, les écoquartiers et l’urbanisme durable recherchent une urbanisation respectueuse de
l’environnement. La ville durable propose une approche novatrice où l’urbain et l’écologie
sont pour la première fois pensés ensemble, dans une vision intégrée et prospective 42. Cette
approche apparaît au départ comme un véritable non-sens pour les environnementalistes, mais
les professionnels de l’urbanisme s’attachent à montrer « …que la production de la ville (…)
est constitutive des équilibres entre l’environnement et le développement social et
économique. »43. L’urbanisme durable propose donc un véritable renversement de
perspective. À partir de la loi paysage de 1993, l’environnement urbain, longtemps considéré
comme un anti-paysage par opposition aux campagnes incarnant la pureté, a commencé à être
envisagé comme un cadre de vie, un facteur d’identité urbaine, se débarrassant
progressivement d’une perception uniquement fonctionnaliste. L’appropriation du paysage
urbain comme élément du cadre de vie a donc fait évoluer la perception de la ville d’une
vision fonctionnelle à une vision morphologique44.
Toutefois, le plus gros renversement de perspective est la défense paradoxale de la ville
durable par ceux qui sont en quelque sorte à l’origine des problèmes actuels45. En effet, le
mouvement de périurbanisation se réfère initialement à l’écologie : le rêve de ville à la
campagne a entraîné un intense étalement urbain, s’accompagnant d’une hypermobilité et
d’un gaspillage d’espaces menant à la réflexion actuelle. La ville durable se propose alors de
« concilier l’inconciliable » au risque de « s’exposer à des contradictions insolubles »46,
comme la densité urbaine et la nature en ville. Ces tensions ne sont pas surprenantes dans la
mesure où « …l’écologie a toujours été partagée entre deux passions contradictoires : un
41
LEVY Albert, « La "ville durable." Paradoxes et limites d'une doctrine d'urbanisme émergente. Le cas SeineArche. », Op. cit., p.147.
42
THEYS Jacques et EMELIANOFF Cyria, « Les contradictions de la ville durable », Le Débat, 2001/1 n°113,
p. 123.
43
SOUAMI Taoufik, « Écoquartiers, secrets de fabrication. Analyse critique d’exemples européens. » (Extraits),
in SOUAMI Taoufik (dir.), « Écoquartiers et urbanisme durable », op. cit., p.18.
44
BLANC Nathalie et GLATRON Sandrine, « Du paysage urbain dans les politiques nationales d’urbanisme et
d’environnement », L’Espace géographique, 2005/1 - tome 34.
45
THEYS Jacques et EMELIANOFF Cyria, « Les contradictions de la ville durable », op. cit., p.125.
46
THEYS Jacques et EMELIANOFF Cyria, Ibid., p.125.
14
hédonisme foncièrement individualiste et un souci plus politique des “biens communs”. »47.
Les deux auteurs montrent que le discours de la ville durable entre en conflit avec nos valeurs
individualistes (aspirations à la propriété privée, à l’espace) dont la voiture est l’une des
conditions de réalisation et l’un des symboles les plus tangibles. Ce modèle de société,
aujourd’hui largement partagé, est pourtant remis en cause par l’urbanisme durable. Les
conséquences du développement périurbain sont désormais bien connues : dégradation des
espaces naturels, accroissement des mobilités et des consommations d’énergie donc
contribution au changement climatique, hausse des coûts pour la collectivité, etc. En ce sens,
la rurbanisation apparaît comme étant en contradiction avec la ville durable48.
L’urbanisme durable s’est affirmé comme une critique de l’urbanisme moderne,
considéré comme responsable des dysfonctionnements aujourd’hui observés dans
l’environnement urbain, mais aussi de certaines valeurs portées par la société actuelle. Cette
critique a été relayée par l’Union Européenne, qui a ainsi contribué à la légitimer.
2) Des initiatives locales diverses encouragées par l’Union Européenne
L’apparition des premières réalisations de l’urbanisme durable a conduit la Commission
Européenne à encourager les initiatives locales et les échanges d’expérience, via notamment
la Campagne européenne des villes durables, à l’issue de laquelle a été signée la fameuse
charte d’Aalborg. Sorte de manifeste de la ville durable, elle prône la recherche de
transversalité, la démocratie locale et la prise en compte des trois piliers du développement
durable. Les villes sont alors incitées à trouver elles-mêmes des solutions, conformément a
une nouvelle logique ascendante (ou bottom-up). Au vu de la diversité des situations locales
et en vertu du principe de subsidiarité, cette méthode est préférée à une approche descendante
et réglementaire49. Toutefois, la devise « Penser globalement, agir localement » montre ses
limites, c’est pourquoi les collectivités locales se regroupent en réseaux internationaux visant
47
THEYS Jacques et EMELIANOFF Cyria, Ibid., p.126.
BAILLY Antoine et BOURDEAU-LEPAGE Lise, « Concilier désir de nature et préservation de
l’environnement : vers une urbanisation durable en France », Géographie, économie, société, 2011/1, Vol. 13.
49
EMELIANOFF Cyria, « La ville durable : l'hypothèse d'un tournant urbanistique en Europe », op. cit., p.52.
48
15
au partage d’expérience : « Par ce biais, ces dernières participent donc d’une lente (re) mise
en politique, à d’autres échelles que celles historiques de l’assemblage rationaliste
(descendant) du général au singulier. »50. Le courant de la ville durable a ainsi émergé grâce
à un double mouvement : d’une part, des collectivités locales désireuses d’affirmer leurs
compétences l’ont fait par la recherche de la durabilité. D’autre part, l’Union Européenne a
légitimé et renforcé ces initiatives locales par des incitations aux démarches de ville durable51.
Le cumul d’expériences éparses a, petit à petit, engendré une réflexion plus générale sur
l’urbanisme. Il a permis de voir émerger un courant pratiquement dépourvu de socle théorique
et surtout « …peu opérationnel au-delà des réalisations pilotes qui l’instituent, "quartiers
modèles" ou "bonnes pratiques". »52. Cette culture urbanistique émergente est restée diffuse,
constituée d’initiatives hétéroclites et dispersées : écoquartiers, Agendas 21 locaux, etc. qui
donnent lieu à quelques innovations, mais n’infléchissent pas globalement les modes actuels
de développement urbain. Dépourvu de leader et constitué d’initiatives locales qui s’appuient
sur des référentiels internationaux très larges (comme la déclaration de Rio ou la campagne
européenne des villes durables), ce nouvel urbanisme conduit seulement à des modifications
de pratiques à la marge53.
Dans cette logique bottom-up et alors que la charte d’Aalborg enjoint les villes à trouver
leur propre chemin vers la durabilité, l’urbanisme durable se structure sans véritable assise
théorique. L’urbanisme durable émerge donc en quelque sorte de manière sauvage, via la
multiplication d’expérimentations locales, avec la bénédiction de l’Union Européenne. Si la
critique du fonctionnalisme est claire, les solutions à mettre en place ne le sont pas vraiment :
la ville durable apparaît comme un « horizon politique » et un « référentiel prospectif »54. Les
modalités du développement urbain durable ne sont pas davantage définies. La ville durable
constitue ainsi une sorte d’idéal un peu vague, ce qui génère des contradictions.
50
FABUREL Guillaume, « Aménagement et urbanisme durables : l’importance du volontarisme territorial », in
HELIOT Raphaële, (dir.), Ville durable et écoquartiers, Op. cit., p.90.
51
EMELIANOFF Cyria, « L’urbanisme durable en Europe : à quel prix ? », Revue Écologie & Politique,
2004/2, n°29, p.21.
52
EMELIANOFF Cyria, Ibid., p.22.
53
EMELIANOFF Cyria, « Urbanisme durable ? », Revue Écologie & Politique, 2004/2, n°29, p.15.
54
EMELIANOFF Cyria, « La ville durable : l'hypothèse d'un tournant urbanistique en Europe », op. cit., p.48
16
3) La ville durable, un cadre flou et malléable
Le discours de la ville durable reste un discours englobant, édictant des principes
généraux. Il n’y a pas de « modèle type à reproduire, ni aucune formule spatiale à copier »55,
chaque ville transposant à sa manière et dans son contexte les objectifs généraux de l’Agenda
21 adopté à Rio. Comment pourrait-il en être autrement, alors qu’il s’agit d’appliquer la
notion-valise qu’est le développement durable à l’urbanisme ? Toutes sortes de réalisations
peuvent être qualifiées de durables ou se voir annexer le préfixe « éco », sans avoir quoi que
ce soit en commun. La plasticité du concept donne ainsi lieu à de multiples interprétations et à
des pratiques qui n’ont parfois rien de durable56. Les approches et les réalisations divergent à
toutes les échelles, et s’étirent sur un continuum qui va de l’amélioration des performances
environnementales à une remise en question totale des modes de développement57.
On constate donc que le flou conceptuel qui entoure le développement durable rejaillit
fatalement sur les notions qui lui sont liées : « La ville durable c’est assez conceptuel quand
même. Si on fait un micro-trottoir : "c’est quoi la ville durable ?" les gens vont écarquiller les
yeux… »58. Les entretiens menés dans le cadre de ce mémoire nous ont permis de vérifier qu’il
existait presque autant de définitions de la ville durable que d’acteurs de celle-ci. Cette
terminologie peu claire présente l’avantage de favoriser une certaine richesse, à défaut d’une
compréhension univoque. Plus ou moins proche d’une acception « classique », les définitions
de la ville durable varient selon le parcours professionnel et personnel des individus. En
croisant les définitions que nous avons pu recueillir, nous avons dégagé quatre principaux
traits de la ville durable : ceux-ci ne sauraient constituer une typologie, le nombre d’entretiens
que nous avons réalisé étant trop réduit pour prétendre à cela, mais nous paraît néanmoins
intéressant.
La ville écotechnologique
Compacte, dense, elle intègre de la nature en ville et une gestion responsable de l’eau, limite
l’imperméabilisation des sols, accorde une place limitée à la voiture, propose des espaces
publics de qualité, mélange les typologies de logements pour la mixité sociale…
55
LEVY Albert, « La "ville durable." Paradoxes et limites d'une doctrine d'urbanisme émergente. Le cas SeineArche. », Op. cit., p.147.
56
EMELIANOFF Cyria, « Urbanisme durable ? », Op. cit., p.15.
57
EMELIANOFF Cyria, « La ville durable : l'hypothèse d'un tournant urbanistique en Europe », Op. cit., p.56.
58
Cadre de l’ADEME, entretien, 30/04/2013.
17
La ville
adaptable
Elle parvient à concilier harmonieusement les trois dimensions du développement durable en
les pensant systématiquement ensemble, dans une logique de long terme. Elle s’inspire du
passé tout en sachant que ce qui est pensé aujourd'hui ne sera sans doute plus valable dans le
futur et à ce titre s’inscrit à la fois dans le passé, le présent et le futur.
La ville fluide
ou smart city
Intelligente et connectée, elle utilise à bon escient les nouvelles technologies. Elle est avant
tout agréable à vivre, sobre et économe sans que l’on s’en rende compte. Intégrant la
complexité, elle est intéragissante et tous les enjeux s’y croisent. C’est une ville en
perpétuelle évolution. Le transport et la communication sont fondamentaux : l’information
circule beaucoup, la ville est fluide.
La ville utopiste
Il y fait bon vivre, et le dépaysement n’est jamais loin. On y trouve la quiétude, le savoir, la
connaissance, les rencontres, de quoi s’épanouir. C’est une ville inspirant la confiance, que
l’on a envie de partager avec ses amis et où l’on souhaite élever ses enfants. Elle a trait au
rêve : c’est une sorte de « lune » à décrocher.
Quatre « facettes » de la ville durable.
Peut-on encore croire à l’existence d’une ville durable ? Les différentes définitions que
nous avons pu recueillir sont en quelque sorte toutes vraies, la ville durable étant façonnée par
ses acteurs, par les problématiques émergentes et par les contextes locaux. Cette catégorie
mouvante que constitue la ville durable fait donc des débuts hésitants. Son imprécision lui
permet de se populariser, mais au prix de contradictions fondamentales qui freinent sa
compréhension et donc sa traduction opérationnelle. En France, berceau de l’urbanisme
fonctionnaliste, ce discours imprègne encore plus lentement les pratiques.
4) Une appropriation lente du développement durable en France
La France n’est pas véritablement pionnière en matière de développement durable. Si les
campagnes d’incitations européennes ont eu une influence sur certaines collectivités, le
développement durable est intégré dans le champ de l’urbanisme français au début des années
2000, par un enchaînement de trois textes législatifs59 :
-
La loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la
coopération intercommunale, dite loi Chevènement : destinée à favoriser la
coopération intercommunale, elle instaure les communautés de communes,
d’agglomération et urbaines, qui deviennent pleinement compétentes en matière
59
BERNIÉ-BOISSARD Catherine et CHEVALIER Dominique, « Développement durable : discours
consensuels et pratiques discordantes. Montpellier et Nîmes. » Op. cit. p.41.
18
d’aménagement de l’espace et d’actions de développement économique. Les
communautés urbaines sont par ailleurs compétentes de plein droit en matière de
protection et de mise en valeur de l’environnement, de politique du cadre de vie et de
gestion des services d’intérêt collectif (eau, assainissement).
-
La loi du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement
durable du territoire, dite LOADDT ou loi Voynet : elle définit des territoires projets
(agglomérations, pays et parcs régionaux), qui doivent se doter d’un PADD. Des
formes de contractualisation inédites sont introduites dans le cadre des nouvelles
structures intercommunales, afin que les partenaires locaux articulent leurs projets
avec l’Etat et les régions. Ils s’engagent par ce biais à mener des politiques de
développement solidaire et de renouvellement urbain.
-
La loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains,
dite loi SRU : elle substitue les SCoT aux Schémas Directeurs. Ces nouveaux
documents ont une visée plus stratégique, là où les anciens définissaient seulement
l’occupation des sols. Les Plans d’Occupation des Sols (POS) sont remplacés par les
PLU. Le PADD expose le projet de la commune. Il doit être compatible avec le SCoT
mais également avec d’autres documents de programmation plus sectoriels comme le
PDU, le PLH, etc. La loi SRU introduit également une réforme de la fiscalité de
l’urbanisme, sous la forme d’une participation des riverains au financement des voies
nouvelles ou de l’aménagement des voies préexistantes pour permettre l’implantation
de nouvelles constructions, dans le but d’endiguer le développement périurbain diffus
et de préserver la ressource foncière. Enfin, la loi fixe un objectif de 20 % de logement
sociaux pour les communes de plus de 3 500 habitants, sous peine d’amende.
Il ressort de ces trois lois des objectifs communs : favoriser la mixité socio-spatiale et
contenir l’étalement urbain, deux préceptes qui constituent aujourd’hui le « nouveau
paradigme de la durabilité »60.
Le Grenelle de l’environnement a constitué un tournant dans l’intégration du
développement durable dans les politiques publiques en France. Les lois Grenelle I et II
instaurent des changements importants dans le champ de l’urbanisme : on peut citer à titre
d’exemple l’obligation pour les collectivités territoriales de plus de 50 000 habitants
60
BERNIÉ-BOISSARD Catherine et CHEVALIER Dominique, Ibid., p.42.
19
d’élaborer un Plan Climat-Énergie Territorial (PCET). Au-delà des nouvelles dispositions
législatives, la mise en œuvre du Grenelle Environnement se traduit notamment par le
lancement du Plan ville durable61 en octobre 2008. Destiné à valoriser les opérations
exemplaires préexistantes et à encourager les démarches de ville durable, il comporte
plusieurs volets, dont les appels à projet EcoQuartiers 2009 et 2011, en écho à l’engagement
49 du Grenelle de l’environnement62, qui ont suscité une large participation (160 candidatures
en 2009 et 394 en 2011). L’objectif affiché est clairement de faire de l’EcoQuartier un
instrument au service de la ville durable. Le Grenelle de l’environnement est donc la
consécration politique de la ville durable63 : il a lancé une dynamique et intensifié
l’engagement des collectivités locales. À Toulouse, l’impulsion est significative après 2008,
mais nous verrons qu’elle est surtout imputable à un changement de configuration politique.
En dépit de l’éclatement et de la diversité des pratiques, le discours de la ville durable se
structure, en Europe d’abord et en France par la suite. Les contradictions inhérentes au
développement durable sont âprement discutées, contribuant à amener et maintenir ce sujet à
l’agenda. C’est ainsi un véritable « tournant urbanistique »64 qui opère. Les écoquartiers
constituent un instrument et un symbole fort de ce mouvement, jouant le rôle d’incubateurs de
l’urbanisme durable, notamment dans les pays d’Europe du Nord.
II – L’écoquartier, un laboratoire grandeur nature au service de la ville durable
Apparus en France aux alentours de 2004, les écoquartiers émergent comme nous avons
pu le voir dans un contexte de crise de l’urbanisme et « servent, d’une certaine manière, de
61
Voir : http://www.developpement-durable.gouv.fr/-Ville-durable,965-.html
Engagement 49 du Grenelle de l’environnement : « Sous l’impulsion des collectivités locales, au moins un
EcoQuartier sera lancé avant 2012 (en continuité avec l’existant et intégré dans l’aménagement d’ensemble)
dans toutes les communes qui ont des programmes de développement de l’habitat significatif. Un référentiel
pour
les
EcoQuartiers
devra
être
défini.
»
Voir :
http://www.legrenelleenvironnement.fr/IMG/pdf/engagements_grenelle.pdf
63
LEVY Albert, « La "ville durable." Paradoxes et limites d'une doctrine d'urbanisme émergente. Le cas SeineArche. », Op. cit., p.139.
64
EMELIANOFF Cyria, « La ville durable : l'hypothèse d'un tournant urbanistique en Europe », Op. cit.
62
20
support de réflexion et d’expérimentation pour dépasser cette crise »65. Ces quartiers
permettent d’offrir « un premier visage à l’urbanisme durable »66. L’espoir sous-jacent est
que ces nouvelles formes de construction constituent un levier vers la ville durable, qu’elles
servent d’exemple à des politiques publiques en pleine redéfinition. Toutefois, la
généralisation des écoquartiers n’a pas eu tous les effets escomptés, allant même jusqu’à
produire des effets pervers : fragmentation de la ville, ségrégation sociale... Considérant ces
éléments, l’abondante littérature scientifique sur les écoquartiers est divisée entre proécoquartiers, convaincus de leur rôle expérimental et de levier ; et antis, sceptiques voire
critiques quant à l’apport des écoquartiers.
1) Un terrain privilégié d’expérimentations et d’apprentissages qui se
répandent au reste de la ville
L’écoquartier
est
un
terrain
propice
aux
expérimentations
de
toute
nature
(environnementales, sociales, démocratiques…) et constitue en ce sens une figure
emblématique de l’urbanisme durable, celui-ci étant « essentiellement expérimental. »67.
Ainsi, pour faire évoluer la pensée et les pratiques en matière d’urbanisme, ces opérations
circonscrites jouent un rôle-test : elles permettent d’expérimenter les nouvelles idées68.
a) Les écoquartiers, entre solutions technologiques et innovations
sociales
Les écoquartiers sont le lieu idéal pour tester de nouvelles technologies, au service d’un
habitat plus écologique (réduction des émissions de gaz à effet de serre, des déchets, moindre
consommation des sols, etc.), et montrer que de véritables progrès sont possibles69. Certains
65
SOUAMI Taoufik, « Avant-propos » in SOUAMI Taoufik (dir.), « Écoquartiers et urbanisme durable », op.
cit., p.7.
66
EMELIANOFF Cyria, « L’urbanisme durable en Europe : à quel prix ? », op. cit., p.27.
67
EMELIANOFF Cyria, « Les quartiers durables en Europe : un tournant urbanistique ? », Urbia, juin 2007,
n°4, p.15.
68
EMELIANOFF Cyria, « A quoi servent les écoquartiers ? » Propos recueillis par Antoine Loubière (extraits)
in SOUAMI Taoufik, « Écoquartiers et urbanisme durable », op. cit., p.23.
69
UNIL, « Eco-quartiers : l’habitat du futur ». [En ligne], Dossier Vues sur la ville, Septembre 2007, N° 18,
Université de Lausanne, URL: http://www.unil.ch/webdav/site/ouvdd/shared/VsV/No%2018-2007.pdf
21
se limitent d’ailleurs à la recherche de la performance environnementale, tandis qu’un autre
courant de la ville durable s’affirme comme plus soucieux des identités culturelles70.
Pourtant, le principal apport des écoquartiers ne se situerait pas tant dans les technologies
qui s’y développent que dans le projet politique et social qui sous-tend leur construction.
L’habitat et le quartier deviennent des « pépinières foisonnantes d’expérimentateurs
sociaux »71, des lieux d’innovation où se pensent et se construisent de nouveaux modes de
vie, par un changement profond des habitudes et des gestes quotidiens, très ancrées dans les
valeurs qui sous-tendent le projet de société : « Un éco-quartier se doit désormais d’être un
laboratoire expérimental, un lieu où s’invente la vie de nos villes à venir, où l’engagement
dans et pour la collectivité est une absolue nécessité. »72. Ces écoquartiers seraient des
laboratoires du changement social et plus largement des modes de vie :
« Au-delà des qualités performantielles portées par les techniques alternatives, certains militants
recherchent dans la démarche l’expression d’un autre mode de vie. Dès lors, ils voient dans
l’écoquartier la possibilité de mettre en œuvre des réflexions sur le vivre ensemble, les modes d’habiter,
le renouvellement du lien habitat/travail, les mobilités, les circuits courts, etc. »73
La promotion de la mixité sociale est l’une des fonctions assignées à l’écoquartier.
L’alternance dans les typologies de logement (en accession à la propriété, en location,
sociaux, de taille variée…) mais aussi le développement de « standards sociaux innovants »74
comme des logements pour famille élargie ou pour colocataires, destinés à d’autres formes
que celles de la famille nucléaire, sont des manières de favoriser cette mixité75. C’est en
offrant un nombre suffisant de logements sociaux et en variant les types de logements que
l’écoquartier pourra se détacher de l’étiquette de « ghetto de riches » qui le dessert.
La vocation expérimentale commence toutefois à être dépassée, les premiers quartiers
durables bâtis dans les années 1980-1990 en Europe du Nord ayant déjà apporté la preuve de
la viabilité (ou non) de nombreuses idées et solutions techniques. Ils ne relèvent plus du
70
EMELIANOFF Cyria, « L’urbanisme durable en Europe : à quel prix ? », op. cit., p.27.
BIERENS DE HAAN Camille, « Entre éco-villages et projets d’architectes : les écoquartiers. », Revue
Urbanisme, mai-juin 2006, n°348, p.44.
72
BIERENS DE HAAN Camille, Ibid., p.44.
73
D’ORAZIO Anne, « Habitat alternatif en quête d’écoquartier », in HELIOT Raphaële (dir.), Ville durable et
écoquartiers, Op. cit., p.108.
74
SCHAEFFER Verena et BIERENS DE HAAN Camille, « Pays-Bas : quatre quartiers durables entre désirs et
réalités. » (Extraits), in SOUAMI Taoufik, « Écoquartiers et urbanisme durable », op. cit., p.42.
75
SCHAEFFER Verena et BIERENS DE HAAN Camille, Ibid., p.42.
71
22
militantisme ni même de l’expérimentation mais annoncent plutôt une modification globale
des pratiques d’urbanisme en France76.
Aujourd'hui, l’écoquartier constitue un lieu d’apprentissage du développement urbain
durable pour les élus, les agents, les aménageurs, les urbanistes, les bureaux d’études, les
constructeurs, les bailleurs… Il permet à ces acteurs d’engranger des connaissances qui
pourront être remobilisées et partagées dans des opérations futures. Toutefois, ce sont
principalement les limites des écoquartiers qui permettent aux acteurs qui y ont travaillé
d’apprendre, aussi bien sur le plan technique que social, urbanistique ou environnemental.
Les écoquartiers se présentent comme des sortes d’incubateurs territoriaux du
développement urbain durable : ils permettent aux collectivités locales de tester de nouvelles
pratiques, puis de les reproduire sur leur territoire plus large77. Ils impactent ainsi leur
environnement par ce qu’on pourrait appeler un « effet de levier ».
b) Des effets de levier sur le territoire
Le quartier durable a un caractère visible : il se construit, se visite, se fait photographier,
se commente. En ce sens, il constitue un évènement sur un territoire, d’autant plus important
qu’il incarne physiquement un concept abstrait et théorique, omniprésent dans les discours
mais difficile à s’approprier et à traduire en actes. Les écoquartiers ont donc une visée
pédagogique, presque de vulgarisation. Ce vocable « …représente donc le fer de lance du
développement durable urbain auprès du grand public. »78. Les écoquartiers sont une étape
indispensable du « passage de l’intention à l’acte »79, sans être pour autant la seule échelle
pertinente. Ils ne constituent pas une référence immuable ou reproductible sans fin, mais « un
ensemble de références démontrant les potentialités d’une transformation globale de l’habitat
76
LEFEVRE Pierre et SABARD Michel, « Les écoquartiers. L’avenir de la ville durable » (extraits), in
SOUAMI Taoufik (dir.), « Écoquartiers et urbanisme durable », op. cit., p.54.
77
LEBRETON Sophie, « La ville durable, un système complexe interagissant », in HELIOT Raphaële (dir.),
« Ville durable et écoquartiers », op. cit., p.77.
78
BOUTAUD Benoît, « Quartier durable ou éco-quartier ? », op. cit., p.7.
79
DA CUNHA Antonio, « Les écoquartiers, un laboratoire pour la ville durable : entre modernisation écologique
et justice urbaine ». Espaces et sociétés, 2011/1, n°144-145, p. 193.
23
et de nos modes d’habiter »80. Ils donnent donc un aperçu de ce que pourraient devenir les
pratiques d’aménagement et d’urbanisme dans les prochaines années.
En s’engageant à respecter des exigences de qualité, l’écoquartier incite l’ensemble des
acteurs du territoire à modifier leurs pratiques. Il devient donc un modèle dont l’influence
déborde son périmètre strict et impacte les manières de faire. Ces projets sont d’ailleurs plus
souvent l’élément déclencheur d’une stratégie locale de développement durable que l’inverse :
« L’observation montre que les quartiers durables sont souvent menés parallèlement à la construction de
politiques locales de développement durable. (…) Contrairement à l’idée reçue, les quartiers durables ne
sont pas la mise en œuvre opérationnelle de politiques de développement durable antérieures,
réalisations apportant la preuve de leur efficacité. Ils contribuent à initier et construire des politiques
locales de développement durable. »81
Le partage et la diffusion des connaissances est un objectif clair des appels à projets
EcoQuartiers du Ministère : à travers le palmarès et la labellisation, il s’agit de reconnaître
l’engagement des porteurs du projet mais surtout de donner à voir et de valoriser les bonnes
pratiques en matière d’aménagement durable au vu de leur essaimage.
Les écoquartiers ont donc contribué et contribuent encore à l’expérimentation puis à la
diffusion de nouvelles pratiques d’aménagement et d’urbanisme, plus respectueuses de
l’environnement. Ils ont également une visée de cohésion sociale, et ont permis de redonner
de la pertinence à la notion de quartier, comme espace d’habitat et de vie.
c) Redonner du sens à la notion de quartier
L’écoquartier réhabilite un espace largement désinvesti depuis les années 1970. En effet,
trois auteurs ont écrit question un peu provocatrice : « Le quartier n’est-il pas une entité
urbaine définitivement révolue, au temps où les activités quotidiennes s’inscrivent à l’échelle
de l’agglomération ou de la région métropolitaine ? »82. L’avènement de la voiture comme
mode de transport « normal », entraînant un développement périurbain intense, a en effet
considérablement agrandi l’espace de vie, entraînant un désintérêt pour l’échelle du quartier.
80
DA CUNHA Antonio, Ibid., p.194.
SOUAMI Taoufik, « Écoquartiers, secret de fabrication. Analyse critique d’exemples européens » (extraits), in
SOUAMI Taoufik (dir.), « Écoquartiers et urbanisme durable », op. cit., p.17.
82
DIND Jean-Philippe, THOMANN Marianne, BONARD Yves, « Structures de la ville, quartiers durables et
projet urbain : quelles articulations ? » Urbia, juin 2007, n°4, p.51.
81
24
Les perceptions du quartier diffèrent selon les individus : pour certains, l’écoquartier a
permis de relancer le mythe de la communauté, tandis que pour d’autres il n’a plus de sens car
l’individu hypermobile n’est plus attaché au quartier et peut circuler librement dans la ville
grâce à des réseaux performants. Le quartier reste dans tous les cas un espace que l’on peut
s’approprier et où des échanges ont lieu. Avec les écoquartiers, il devient synonyme de
« cadre de vie de qualité »83 et non plus d’attachement inévitable ou indésirable.
Le quartier a longtemps été le support d’une identité communautaire forte, l’organisation
de la ville suivant la logique des quartiers. Toutefois, l’accélération de la croissance urbaine,
le développement périurbain et la généralisation de la voiture ont produit des quartiers
fonctionnels : commerciaux, d’affaires, résidentiels… Cette absence de mixité a conduit les
habitants à tourner le dos aux quartiers pour de nombreuses activités (courses, loisirs, etc.), à
l’exception peut-être des personnes non motorisées, moins mobiles. « Si l’espace de vie ne se
limite plus au seul quartier, il n’en garde pas moins un rôle fonctionnel, social et symbolique
essentiel. »84. Il reste en effet un espace de sociabilité même si les échanges n’y sont pas
(plus) nécessairement intenses.
L’intervention sur le quartier présente donc un double avantage : d’une part, il constitue
un lieu de vie, dont le rôle est à réaffirmer par la revalorisation des échanges sociaux et par
l’implication des habitants. D’autre part, il est un terrain d’intervention pertinent pour le
renouvellement urbain, parce qu’il présente une certaine unité géographique. La pertinence de
l’échelle du quartier pour des opérations de développement urbain durable est reconnue :
« Le quartier n’est pas seulement pertinent parce qu’il représente une échelle d’intervention efficace
pour traiter de certains problèmes écologiques, sociaux ou pour la mise en œuvre d’une démarche
participative. Il est en outre un territoire vécu, quotidiennement fréquenté, investi ou désinvesti, mais
jamais neutre. (…) Considérer le quartier comme un lieu de vie est un premier pas vers le
renouvellement urbain durable. »85.
En recherchant la mixité fonctionnelle (habiter mais aussi travailler, faire ses courses,
accéder à divers services, se déplacer, se récréer…), l’écoquartier s’éloigne de la logique des
villes-dortoirs et réinstaure de la proximité et une certaine vie de quartier.
83
DA CUNHA Antonio, « Les écoquartiers, un laboratoire pour la ville durable : entre modernisation écologique
et justice urbaine », op. cit., p.195.
84
DIND Jean-Philippe, THOMANN Marianne, BONARD Yves, « Structures de la ville, quartiers durables et
projet urbain : quelles articulations ? », op. cit., p.72.
85
CHARLOT-VALDIEU Catherine et OUTREQUIN Philippe, Urbanisme durable. Concevoir un écoquartier.
op. cit., p.22.
25
Le quartier présente donc une unité et permet une proximité, sur lesquelles il est
intéressant de s’appuyer pour la conduite de projets de développement urbain durable. Il est
important de garder à l’esprit que l’écoquartier appartient à un ensemble urbain qui
l’influence et réciproquement. Ce lien quartier-ville nous permet d’introduire une première
critique adressée aux écoquartiers, à savoir leur insuffisante intégration au système urbain.
3) Des contradictions manifestes : limites des écoquartiers
L’apport des écoquartiers est réel, mais ils ne doivent pas être idéalisés pour autant. Pour
l’UNIL, « Les limites se situent principalement au niveau des surcoûts d’investissement de la
construction écologique et de ses incidences en termes de mixité sociale. »86.
a) La reproduction d’une ségrégation socio-spatiale
L’écoquartier a souvent été victime de son succès, qui a généré des effets pervers :
« …leur attractivité les rend rapidement ségrégatifs si les villes ne gardent pas la main sur le
foncier ou le stock de logement. »87. En effet, l’incorporation d’écotechnologies, le choix de
matériaux plus performants sur le plan environnemental, l’implantation sur des sites proches
du centre et/ou bien desservis, etc. engendrent des surcoûts initiaux, qui sont certes amortis,
mais après plusieurs années. Or, le coût d’un projet n’est que trop rarement envisagé de
manière globale et sur le long terme, d’où une hausse des prix des logements à l’achat comme
à la location. En l’absence d’intervention de la collectivité, les habitations des quartiers
durables deviennent rapidement inabordables pour des populations modestes, voire des
classes moyennes. L’écoquartier contribue par ce biais au maintien d’une ségrégation sociospatiale dans la ville, alors que l’un des piliers fondamentaux de la ville durable est de
proposer une plus grande mixité sociale. Il ne saurait donc y avoir de développement durable
sans la prise en compte de ces inégalités sociales. Cette non-anticipation des mécanismes de
86
UNIL, « Eco-quartiers : l’habitat du futur ». op. cit., p.4-5.
EMELIANOFF Cyria, « À quoi servent les écoquartiers ? Propos recueillis par Antoine Loubière » (extraits),
in SOUAMI Taoufik (dir.), « Écoquartiers et urbanisme durable », op. cit., p.24.
87
26
marché, voire l’absence d’ambition initiale en matière de mixité sociale ont valu au pilier
social la qualification de « parent pauvre » du développement durable.
Pour
Da
Cunha,
l’écoquartier,
doté
d’une
ambition
de
justice
sociale
et
environnementale, pourrait faire office « d’ascenseur social »88 pour des populations qui sont
traditionnellement exclues d’un habitat de qualité. Les estampiller définitivement de quartiers
pour « bobos » – parce que beaucoup d’entre eux ont échoué en termes de mixité sociale, par
manque d’ambition ou à cause de la pression immobilière – empêche de dégager de nouvelles
pistes pour une démocratisation de l’accès à ce type de logement. Ainsi, les détracteurs des
écoquartiers opèrent selon Da Cunha une triple réduction. D’une part, ils cantonnent la mixité
sociale à un ratio de classes défavorisées dans les logements, puis associent à tort cette
prétendue mixité sociale à des rapports sociaux de qualité. D’autres auteurs préconisent en
effet de chercher des « solidarités plus ancrées » que la simple mixité sociale89. D’autre part,
selon Da Cunha, les anti-écoquartiers oublient que l’échelle d’analyse la plus pertinente pour
évaluer la durabilité n’est peut-être pas le quartier, mais la ville.
À l’échelle de la ville justement, se pose la question de l’insertion des écoquartiers dans
leur environnement urbain, architectural, socio-spatial… Ces quartiers peuvent être compris
comme un moyen pour une frange aisée de la population de se refermer sur elle-même et de
rejeter les nuisances loin du lieu d’habitat, en vertu d’une logique NIMBY90. La voiture en est
un bon exemple : proscrire son utilisation à l’intérieur d’un quartier ne fait que déplacer les
problèmes de circulation et de stationnement hors des limites de celui-ci91. L’écoquartier
contribue à une « fragmentation sociale croissante », du fait de « l’attractivité
environnementale différenciée des lieux de vie »92 : les styles de vie sont socialement
distribués. Il est associé à une certaine catégorie sociale, arborant un style de vie bien
88
DA CUNHA Antonio, « Les écoquartiers, un laboratoire pour la ville durable : entre modernisation écologique
et justice urbaine », op. cit., p.197.
89
FABUREL Guillaume, « La ville durable aux défis des injustices environnementales. Constats empiriques et
enjeux sociopolitiques », Flux, 2012/3, n° 89-90, p.24.
90
Le syndrome ou effet NIMBY (not in my back yard, « pas dans mon jardin ») est une attitude de rejet vis-à-vis
d’un projet susceptible de comporter des nuisances pour la population alentour.
91
BONARD Yves et MATTHEY Laurent, « Les éco-quartiers : laboratoires de la ville durable », Cybergeo :
European Journal of Geography [En ligne], Débats, Quartier durable ou éco-quartier ?, mis en ligne le
09/07/2010, consulté le 07/02/2012. URL : http://cybergeo.revues.org/23202
92
FABUREL Guillaume, « La ville durable aux défis des injustices environnementales. Constats empiriques et
enjeux sociopolitiques », op. cit., p.22.
27
particulier. Ainsi, la critique adressée à l’écoquartier s’inscrit en réalité dans une critique plus
large de la pensée écologique :
« …ce qui devrait être au cœur du projet urbain, et constituer le socle de l’urbanisme, fait figure de
cerise sur le gâteau, sorte de décoration inutile et plus ou moins facultative. Il y a là une réelle
révolution culturelle à accomplir. Ne plus penser l’écologie comme un caprice d’enfants gâtés, de fils de
riches, mais comme une responsabilité élémentaire de tout être humain. »93
Bien qu’il soit associé à des profils socioculturels bien particuliers, l’écoquartier n’est pas
toujours habité par des « écolos » ou des « bobos ». En effet, ces écoquartiers peuvent tout à
fait être investis par des personnes non sensibilisées au développement durable.
b) Écoquartiers et éco-citoyens, un lien qui n’a rien d’évident
Si les quartiers durables pullulent actuellement en France comme en Europe,
l’incorporation de technologies améliorant la performance environnementale des bâtiments ne
s’accompagne pas d’un changement des comportements : les consommations d’eau et
d’énergie continuent d’augmenter, décomplexées par le progrès technologique. Ainsi, « …la
plupart des avancées techniques sont contrebalancées par l’augmentation des consommations
et des mobilités, des flux matériels et immatériels. »94. De même, Faburel a montré que
l’objectif du quartier Bo01 à Malmö était de parvenir à construire un quartier écologique qui
ne nécessitait pas que ses habitants s’intéressent au développement durable. Une étude
réalisée auprès des habitants du quartier a mis en évidence le désintérêt de ceux-ci pour les
critères écologiques et les possibilités de sociabilité du quartier : leurs modes de vies sont
semblables à ceux du reste de la population95. Habiter dans un écoquartier n’entraîne donc pas
nécessairement de remise en question de nos modes de vie, y compris dans les pays d’Europe
du Nord que l’on a tendance à croire plus sensibles aux arguments écologiques :
« Le mythe des quartiers durables fondés sur une culture écologique commune des citoyens du nord de
l’Europe résiste (…) peu aux données globales : les Hollandais ont multiplié leur parc de véhicules par
deux en quinze ans et les Allemands limitent les engagements environnementaux quand ceux-ci mettent
en cause l’industrie automobile nationale. »96
93
PAQUOT Thierry, « Eco-urbanisme. », Revue Urbanisme, mai-juin 2006, n°348, p.70.
EMELIANOFF Cyria, « La ville durable : l'hypothèse d'un tournant urbanistique en Europe », op. cit., p.55.
95
FABUREL Guillaume, « Les quartiers durables sont-ils durables ? De la technique écologique aux modes de
vie » (extraits), in SOUAMI Taoufik (dir.), « Écoquartiers et urbanisme durable », op. cit., p.93.
96
SOUAMI Taoufik, « Quartiers durables : quel risque social ? » (Extraits), in SOUAMI Taoufik (dir.),
« Écoquartiers et urbanisme durable », op. cit., p.95.
94
28
Cette question des pratiques quotidiennes est primordiale, dans la mesure où les
comportements des habitants impactent directement l’empreinte environnementale d’un
quartier. En l’absence d’efforts relatifs aux consommations d’eau et d’énergie, à la mobilité,
au tri sélectif, à la gestion des espaces verts, etc., cette empreinte environnementale restera
toujours supérieure au résultat espéré. L’appropriation du quartier et la compréhension des
efforts demandés sont des étapes indispensables à un changement vers des pratiques
quotidiennes plus respectueuses de l’environnement : c’est ce que nous montrerons avec
l’exemple de l’écoquartier Vidailhan à Balma.
c) Des fragments de la ville
Une dernière chose que l’on peut reprocher aux écoquartiers est en quelque sorte de ne
pas se suffire à eux-mêmes. Dans l’urbanisme de projet aujourd’hui à l’œuvre, un projet de
ville est composé d’opérations, l’écoquartier ne constituant qu’une opération parmi les autres.
Beaucoup déplorent qu’elles se multiplient au détriment d’une vision globale, contribuant à
faire de l’écoquartier un nouveau segment de la ville, « …à l’opposé d’une vision englobant
les enjeux globaux dont le quartier durable serait la concrétisation locale. »97. Un écoquartier
ne doit pas constituer le fragment durable de la ville, tout en laissant le reste du territoire se
développer comme avant. Ainsi, l’évaluation d’une démarche de ville durable ne saurait se
limiter au nombre de réalisations ponctuelles qu’elle comporte.
Or, les élus s’y trompent parfois : sommés de faire du développement durable tous
azimuts, certains font bâtir des écoquartiers pour constituer des vitrines vertes qui les
dispensent d’engager un véritable changement. Communiquer sur les écoquartiers permet
d’attirer l’attention sur un morceau de ville exemplaire pour ne pas interroger et remettre en
cause les politiques publiques et les pratiques d’aménagement. Le vice peut aller jusqu’à
l’utilisation des écoquartiers comme « argument de vente »98 ou comme « outil de marketing
97
GHEZIEL Elsa et HELIOT Raphaële, « Les mots de la « ville durable » : exploration et essai de typologie »,
in HELIOT Raphaële, « Ville durable et écoquartiers », op. cit., p.25.
98
EMELIANOFF Cyria, « Urbanisme durable ? », op. cit., p. 17.
29
et de communication »99 par certains élus ou certaines entreprises pour promouvoir leur
territoire.
L’écoquartier contribue donc à une démarche de ville durable, mais ne constitue pas une
réponse suffisante à l’échelle globale. Il ne peut pas être considéré comme une recette, mais
comme une démarche possible vers une approche durable de la ville, avec ses apports et ses
contradictions. Ainsi, « réduire une politique de ville durable à une politique d’écoquartiers
est un non-sens »100 : elle doit au contraire varier et multiplier les démarches et les outils et
organiser leur cohérence. L’enjeu n’est pas de superposer des quartiers durables mais
d’aborder la ville comme un système global en perpétuelle évolution, pour ne pas passer à
côté de problèmes primordiaux, tels que la montée des inégalités environnementales.
3) Des défis qui restent à relever : lutter contre les inégalités
environnementales et reconstruire la ville sur elle-même
Deux « angles morts de l’action politique »101 apparaissent de plus en plus nettement au
travers des expériences d’écoquartiers : la réduction des inégalités environnementales, et la
réhabilitation écologique des quartiers de logements sociaux.
a) Inégalités sociales et inégalités environnementales
Avec la territorialisation du développement durable est apparue une problématique
nouvelle, celle de la croissance des inégalités environnementales. Empiriquement, on observe
que les quartiers défavorisés sont davantage exposés aux nuisances (bruits, pollutions, risques,
etc.) que les autres quartiers102. Pourtant, le droit à un environnement de qualité est affirmé
99
CHARLOT-VALDIEU Catherine et OUTREQUIN Philippe, L’urbanisme durable. Concevoir un écoquartier.
op. cit. p.24.
100
EMELIANOFF Cyria, « A quoi servent les écoquartiers ? », propos recueillis par Antoine Loubière (extraits),
in SOUAMI Taoufik, « Écoquartiers et urbanisme durable », op. cit., p.23.
101
EMELIANOFF Cyria, « La ville durable : l'hypothèse d'un tournant urbanistique en Europe », op. cit., p.17.
102
Nombreux sont les auteurs qui posent ce constat : Theys et Emelianoff, 2001 ; Theys, 2002 ; Scarwell et
Roussel, 2006 ; Emelianoff, 2008 ; Faburel, 2012 ; etc.
30
dans plusieurs textes français ou internationaux (charte de l’environnement faisant partie du
bloc de constitutionnalité, charte d’Aalborg, déclaration d’Istanbul, etc.)103. La qualité de
l’environnement a pu alimenter un phénomène de ségrégation socio-spatiale, « Ce qui
explique, sans doute, que sa protection ait été perçue comme l’expression de valeurs
“bourgeoises” – ou comme un luxe de classe moyenne. »104. Les écoquartiers, loin d’avoir
contribué à une prise en compte de ce phénomène, l’ont souvent aggravé lorsqu’ils
privilégiaient les solutions technologiques. Ainsi, « L'inégalité environnementale peut être
définie comme une inégalité d'exposition aux nuisances et aux risques environnementaux, et
une inégalité d'accès aux aménités et ressources environnementales. »105.
Inégalités sociales et environnementales sont traditionnellement distinguées en France,
ces dernières restant assez méconnues. Or, elles sont souvent liées : intégrer la qualité
environnementale dans l’habitat génère des surcoûts qui excluent toute possibilité pour les
catégories sociales moins favorisées d’en bénéficier106 sauf intervention de la collectivité.
C’est aussi ce que montrent Theys et Emelianoff : le renouvellement urbain, en améliorant la
performance énergétique des bâtiments, entraîne souvent une hausse des prix de l’immobilier
qui chasse les populations modestes des quartiers rénovés. Ce phénomène, appelé
gentrification, contribue à l’accroissement des inégalités sociales dans les villes. Les auteurs
citent également l’exemple de la voiture. Critiquée de toutes parts pour sa large contribution
aux émissions totales de gaz à effets de serre (GES), elle ne peut pas être interdite trop vite,
ou les populations les plus modestes, reléguées à la périphérie, en seraient les principales
victimes. La poursuite de l’étalement urbain pourrait avoir des conséquences dramatiques
pour ces classes sociales qui consacrent déjà plus du quart de leur budget aux transports107.
Ainsi, ce qui se joue dans le développement durable est l’articulation de considérations
écologiques et sociales dans le développement urbain108 pour endiguer une tendance à un
103
FABUREL Guillaume, « La ville durable aux défis des injustices environnementales. Constats empiriques et
enjeux sociopolitiques », op. cit., p.15.
104
THEYS Jacques et EMELIANOFF Cyria, « Les contradictions de la ville durable », op. cit., p.128.
105
EMELIANOFF Cyria, « La problématique des inégalités écologiques, un nouveau paysage conceptuel »,
Écologie & politique, 2008/1, N°35, p.20.
106
SCARWELL Helga-Jane et ROUSSEL Isabelle, « Le développement durable, un référentiel pour l’action
publique entre attractivité et tensions », op. cit.
107
THEYS Jacques et EMELIANOFF Cyria, « Les contradictions de la ville durable », op. cit., p.129.
108
THEYS Jacques et EMELIANOFF Cyria, Ibid., p.120.
31
« “apartheid” urbain »109 où des quartiers concentrent toutes les inégalités. Mais l’action sur
les inégalités environnementales n’a rien d’évident, l’association rapide d’objectifs sociaux et
environnementaux au sein du concept de développement durable n’ayant fait que renforcer les
craintes des acteurs sociaux vis-à-vis d’une action écologique110. Le thème des inégalités
environnementales n’alimente pas le débat sur la ville durable, ce qui constitue une « nouvelle
aporie politique du développement durable »111. Il serait pourtant un bon exemple de
croisement entre des enjeux environnementaux, sociaux et économiques.
La dissociation courante entre inégalités sociales et inégalités environnementales
contribue à leur absence de prise en compte, ce que l’on peut observer directement dans le
renouvellement urbain, conçu comme une politique sociale plutôt que comme une politique
de développement durable.
b) Articuler renouvellement urbain et développement durable
Pour Scarwell et Roussel, le renouvellement urbain et la ville durable sont deux concepts
très éloignés. S’ils véhiculent tous deux une critique forte du mode de développement urbain
de ces dernières années et l’insuffisante réaction des pouvoirs publics face aux atteintes à
l’environnement et à l’accroissement des inégalités, le renouvellement urbain préexistait au
développement durable, qui lui a ajouté une dimension écologique. L’hypothèse des auteurs
est que le renouvellement urbain vise à améliorer la qualité de vie en zone urbaine en limitant
son extension, tandis que la ville durable aurait des arguments à coloration plus
environnementale. Ces deux démarches ne sont pas spontanément associées, alors qu’elles y
trouveraient de nombreux avantages : la ville durable se verrait affecter davantage de moyens
financiers et humains, tandis que les opérations de renouvellement urbain gagneraient en
transversalité et permettraient de lutter efficacement contre la ségrégation. Scarwell et
Roussel montrent que les préoccupations sociales prévalent sur les préoccupations
environnementales en France. Or, la qualité environnementale tend à exclure les catégories
109
THEYS Jacques, « L’approche territoriale du " développement durable ", condition d’une prise en compte de
sa dimension sociale », op. cit.
110
EMELIANOFF Cyria, « La problématique des inégalités écologiques, un nouveau paysage conceptuel », op.
cit. p.27.
111
FABUREL Guillaume, « La ville durable aux défis des injustices environnementales. Constats empiriques et
enjeux sociopolitiques », op. cit., p.21.
32
sociales moins favorisées et donc à accroître les inégalités sociales112. D’où la nécessité de
penser un renouvellement urbain durable.
La réhabilitation écologique est encore assez marginale113, et les écoquartiers n’émergent
que trop rarement dans le renouvellement urbain. En effet, ils sont très majoritairement des
quartiers ex-nihilo, ce qui est peut-être considéré comme leur principal échec à ce jour. Ce
constat s’applique directement à Toulouse, où le seul « écoquartier » dans le renouvellement
urbain (Les Izards-Trois Cocus) est une opération somme toute classique, tous les autres étant
des quartiers créés de toutes pièces. Ce manque est dommageable dans la mesure où la
rénovation ou réhabilitation du parc de logements et notamment sociaux constitue un potentiel
important pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES)114. Ainsi, de
nombreux auteurs mettent en évidence la nécessité pour un développement urbain durable
d’une reconstruction de la ville sur la ville115, permettant de pallier aux problèmes causés par
l’urbanisme fonctionnaliste. Il ne s’agit pas tant de créer des quartiers modèles sporadiques,
mais d’impacter l’urbain en modifiant progressivement un parc de logements énergivore et
consommateur d’espaces. La nécessaire densification prônée par l’urbanisme durable passe
par le renouvellement urbain, via la réhabilitation/rénovation des friches et des quartiers
dégradés, la construction sur les dents creuses116, etc.
Cette première partie, sans prétendre à l’exhaustivité, nous a permis de rappeler les
principaux constats issus des analyses menées sur les écoquartiers européens depuis une
quinzaine d’années, de comprendre le rôle qu’ils ont pu jouer dans l’émergence des
problématiques de la ville durable et de celui qu’ils jouent ou auront à jouer dans sa mise en
œuvre. Véritables incubateurs du développement urbain durable, ces quartiers permettent des
expérimentations sur le plan technique et technologique mais aussi social et démocratique, qui
peuvent ensuite être diffusées plus largement sur un territoire. Ils constituent des lieux
d’apprentissage de la ville durable pour l’ensemble des acteurs du territoire. Ces quartiers ne
112
SCARWELL Helga-Jane et ROUSSEL Isabelle, « Le développement durable, un référentiel pour l’action
publique entre attractivité et tensions », op. cit.
113
EMELIANOFF Cyria, « Les quartiers durables en Europe : un tournant urbanistique ? », op. cit., p.35.
114
CASSAIGNE Bertrand, « La ville durable », Projet, 2009/6, n° 313, p.81.
115
Notamment Scarwell et Roussel, 2006 ; Emelianoff, 2007b ; Dind et al., 2007, etc.
116
En urbanisme, une dent creuse est un espace non-construit entouré de constructions.
33
sont toutefois pas toujours exemplaires, et les critiques qui leur sont adressées sont
nombreuses : désolidarisation avec le reste de la ville, impact limité sur les modes de vie,
vitrine verte qui cache l’immobilisme en matière de développement durable, ou plus grave,
contribution à l’accroissement des inégalités sociales et échec à s’imposer dans le
renouvellement urbain… Ces constats posés, il ne s’agit pas de se positionner pour ou contre
les écoquartiers, mais d’essayer d’en tirer des enseignements pour favoriser l’avènement
d’une ville durable. Quelques soient leurs limites, et même grâce à celles-ci, ces réalisations
apportent une pierre à un urbanisme durable en construction, encore aux prises avec ses
contradictions. En apprenant de leurs erreurs, dans une approche critique et réflexive, les
écoquartiers s’inscrivent totalement dans une démarche de ville durable, en contribuant à une
stratégie d’amélioration continue.
DEUXIÈME PARTIE : LES ÉCOQUARTIERS MÉTROPOLITAINS, ÉCOLES DE
LA DURABILITÉ POUR LE TERRITOIRE
Dans cette deuxième partie, il s’agira d’analyser de manière plus empirique le rôle des
écoquartiers dans le projet de ville durable de la CUTM. Leur contribution s’éloigne
légèrement de ce que nous avons identifié dans la littérature scientifique, puisqu’ils servent
davantage à initier le développement urbain durable qu’à l’expérimenter (I). Leur principal
apport à la CUTM se situe ainsi dans des effets d’apprentissage, montrant la voie vers de
nouvelles pratiques d’urbanisme et d’action publique (II). Que fait la CUTM des acquis de
ces écoquartiers ? Nous étudierons la démarche de capitalisation et de diffusion des
connaissances que constitue le Référentiel d’Aménagement et d’Urbanisme Durables
(RAUD), puis comment celui-ci s’inscrit dans une optique d’amélioration continue (III).
34
I – Une fonction d’entraînement plus que d’expérimentation
Si certains jugent le phénomène « anecdotique »117, notre analyse nous pousse à nous
ranger à l’avis de Pierre Cohen, dont les propos illustrent la vocation des écoquartiers. Le
maire de Toulouse a déclaré que le prix obtenu par l’écoquartier Vidailhan récompensait une
politique d’aménagement globale, impulsée par « une grappe d’EcoQuartiers » qui « …ne
constitueront pas des territoires d'exception » et sont « représentatifs d’une démarche pilote
qui concerne toute la métropole, dans laquelle ils sont générateurs d’effets d'entraînement
déjà sensibles »118. Ces propos nous semblent résumer la contribution des écoquartiers à
Toulouse métropole.
1) Les écoquartiers métropolitains : présentation succincte
Nous distinguerons deux catégories d’écoquartiers à Toulouse : les premiers et les plus
emblématiques sont les quartiers Andromède et Vidailhan. Au sein de l’agglomération
toulousaine, ils ont servi de preuves, démontrant qu’il était possible de concilier au sein d’un
même quartier des exigences économiques, sociales et environnementales. Vient ensuite une
deuxième génération d’écoquartiers : La Cartoucherie, La Salade, Les Izards-Trois Cocus,
Hers-Malepère-Marcaissonne (H2M) et Montaudran Aérospace à Toulouse, Monges-Croix du
Sud à Cornebarrieu, Le Tucard à Saint-Orens, les Ramassiers à Colomiers, Laubis à Seilh (cf.
Annexe 3). Plus hétéroclites, ils s’inscrivent tous dans une logique d’amélioration de
l’urbanisme et de l’habitat selon des critères sociaux et/ou environnementaux. Seuls six
quartiers ont déjà accueilli leurs premiers habitants : Andromède, Vidailhan, le Tucard, les
Izards, les Ramassiers et Monges-Croix du Sud. Nous avons synthétisé l’ensemble des
informations obtenues sur les écoquartiers de la CUTM dans un tableau présentant leurs
principales caractéristiques, afin d’en faciliter la compréhension et la comparaison. Ce tableau
se trouve en annexe afin de ne pas alourdir le développement avec de longues descriptions (cf.
Annexe 4) mais nous invitons vivement le lecteur souhaitant bénéficier d’une vision globale
des projets en cours à Toulouse métropole à le consulter.
117
Urbaniste, entretien, 11/04/2013.
Discours prononcé par Pierre Cohen lors de la remise du prix national EcoQuartier à l’écoquartier Vidailhan,
dont les services de Toulouse métropole nous ont fourni un exemplaire papier.
118
35
2) Quelques expérimentations ponctuelles
À l’instar de la plupart des quartiers durables français, ceux de Toulouse métropole
servent plus à expérimenter des projets que des technologies ou des procédures. Quelques
expérimentations y sont toutefois menées, démontrant que le développement urbain durable
est aussi réalisable sur le territoire. Sur le plan technique, citons à Vidailhan le développement
d’un réseau de chaleur alimenté par une chaufferie biomasse et des concentrateurs solaires
haute température : il s’agit en effet du premier quartier en France à expérimenter ce type
d’installation. À Andromède, c’est un système de chauffage par géothermie profonde qui a été
installé, permettant de réaliser jusqu’à 70 % d’économies d’énergie. L’influence de ces
projets s’étend au reste de l’agglomération, de l’avis des acteurs qui s’y sont impliqués :
« L’écoquartier a constitué un vrai creuset de réflexion sur la manière de développer, penser la ville,
pour essayer de résoudre les questions de la ville, le difficile équilibre entre les piliers du
développement durable, (…). Ces solutions sont reprises sur des réseaux de chaleur à Toulouse, etc. La
question de l’habitat participatif a été travaillée à Vidailhan et reprise à la Cartoucherie. (…) Sur des
projets qui n’ont pas cette ampleur, on essaie d’intégrer des choses expérimentées à Vidailhan. »119
L’écoquartier peut aussi servir à expérimenter des projets européens, comme c’est le cas
aux Izards. En effet, cette opération de renouvellement urbain sert de quartier-pilote pour
l’application des critères innovants d’adaptation au changement climatique élaborés dans le
cadre du programme Mi Ciudad AC2120, auquel la CUTM a activement pris part. Lancé en
janvier 2011 et achevé en février 2013, ce projet regroupait quatre partenaires européens
(Malaga, Burgos, Villa Nova de Gaia et Toulouse) et avait pour objectif de réaliser un
référentiel/guide d’aménagement urbain en faveur de l’adaptation et l’atténuation des effets
du changement climatique. Les partenaires ont d’abord travaillé à identifier des critères
répondant à ces objectifs puis à appliquer ces critères chacun sur un site pilote (ici Les Izards)
afin de proposer des pistes d’amélioration, avant l’élaboration du référentiel.
119
Élue à l’aménagement urbain, entretien, 30/05/2013.
« Le projet Méthodes Innovatrices de Planification Urbaine Intégrale pour les Villes Adaptées au
Changement Climatique (Mi Ciudad AC2) vise le renforcement du rôle des villes en ce qui concerne
l’adaptation et l’atténuation des effets du changement climatique, en développant des critères novateurs
d’aménagement urbain applicables aux projets de développement et transformation urbaine. » Voir :
http://www.miciudadac2.eu
120
36
Quelques expérimentations montrent ainsi que l’écoquartier métropolitain est un lieu
d’innovation ponctuel. Toutefois, son principal apport réside davantage dans l’impulsion qu’il
donne au territoire, ce fameux « effet levier » que nous décrivions en première partie.
3) Impulser le développement urbain durable en prouvant sa faisabilité
Le développement durable ne suscite pas toujours de l’enthousiasme. Associé à des
problèmes qui paraissent lointains, mais surtout à des surcoûts et un niveau accru de
complexité, il rencontre certaines réticences au sein de la collectivité et chez les
professionnels impliqués dans la production de la ville. D’une manière générale, la conduite
de projets d’écoquartiers bouscule les pratiques :
« Dans les réunions, on voyait bien que les élus étaient désarmés de faire des quartiers de cette taille-là.
Ça bousculait certaines pensées, c’était un peu violent, on sentait que les élus n’étaient pas très à l’aise
avec ces pratiques. Pour peu qu’on les ait emmenés dans endroits emblématiques qui ne soient pas du
tout reproductibles à Toulouse ou ailleurs… »121
Les écoquartiers, notamment Andromède et Vidailhan, ont joué un rôle capital dans la
diffusion de pratiques d’urbanisme durable. Ils ont en effet prouvé qu’il était possible de
construire des quartiers durables sur le territoire de Toulouse métropole, et encouragé la
systématisation d’autres modes de pensée.
Diverses récompenses et reconnaissances, qu’elles proviennent du Ministère (Vidailhan),
de projets de coopération décentralisée (Les Izards), d’associations professionnelles
(Andromède122) ou d’agences (Le Tucard123), sont venues légitimer l’action publique locale,
en montrant qu’elle s’inscrit dans un cadre plus large, national ou européen. Elles ont
contribué à rassurer les élus sur la possibilité de valoriser leurs réalisations. Cette première
étape passée, les écoquartiers ont pu se banaliser et être envisagés comme de véritables
morceaux de ville à insérer dans leur environnement : « Je pense que ce qu’on conçoit en ce
121
Cadre de l’ADEME, entretien, 30/04/2013.
La SEM Oppidea, aménageur sur ce projet, a reçu deux prix aux Victoires du Paysage 2012 : le prix du public
et les victoires de Bronze. Ces récompenses sont destinées aux aménageurs ayant fait appel à des professionnels
du paysage pour des aménagements originaux et bien pensés, créant un cadre de vie de qualité.
123
La mairie de Saint-Orens-de-Gameville a décroché le titre de capitale française de la biodiversité 2011 dans la
catégorie villes de 2 000 à 20 000 habitants pour les efforts réalisés sur l’écoquartier du Tucard. En effet,
l’accent a été mis dès le démarrage du projet sur la biodiversité via notamment le renforcement des trames vertes
et bleues. Cette récompense lui a été remise par NatureParif et différents partenaires.
122
37
moment est peut-être plus en phase, c’est de la vitrine mais qui se fond mieux dans les
paysages. Les élus en parlent actuellement comme des quartiers à vivre, pas quelque chose de
posé à côté de, isolé du reste. »124.
Ces effets d’entraînement sont observables aussi chez les professionnels. Les promoteurs
avaient plutôt tendance à craindre pour la rentabilité de projets intégrant des solutions
environnementales : « Quand on parlait d’aller sur des normes un peu moins consommatrices
d’énergie etc. c’était trop cher, compliqué, impossible, on allait leur faire faire faillite… »125.
Quelques années plus tard, le marché avait évolué et la plupart des constructeurs respectaient
la norme BBC, pourtant non-obligatoire. Ces mêmes promoteurs considéraient alors comme
allant de soi de construire en BBC. Le marché et la concurrence constituent donc des moyens
de pression pour faire évoluer les pratiques, anticipant de futures évolutions de la
réglementation comme la RT 2012126.
Andromède et Vidailhan ont ainsi fait office de références sur le territoire, entraînant
rapidement dans leur sillage de nouveaux projets d’écoquartiers, encouragés par un contexte
national et local propice :
« C’est peut-être Andromède et Balma qui ont impulsé la dynamique écoquartier : les initiatives sont
parties de là. Maintenant, c’est au niveau de la collectivité centre, du territoire de référence, qu’on
impose la règle. Mais au départ, l’énergie féconde et l’envie de créer quelque chose est partie
d’initiatives tout à fait singulières. »127
De plus, le Plan Climat de Toulouse métropole adopté en 2012 promeut les écoquartiers
dans son action 39, « Aménager des EcoQuartiers dans le neuf et le tissu urbain existant ».
Aujourd’hui, on dénombre une dizaine d’opérations programmées ou en cours de réalisation à
la CUTM, qui malgré leur dénomination d’écoquartiers s’avèrent extrêmement hétérogènes. Il
nous semble toutefois que ces quartiers contribuent à deux phénomènes principaux : d’une
part, le test de solutions qui, si elles n’ont pas été inventées à Toulouse métropole, restent
relativement novatrices et nécessitent encore de convaincre de leur efficacité ou de leur
faisabilité. La promotion des nouveaux modes de mobilité (autopartage, installation de
124
Cadre de l’ADEME, entretien, 30/04/2013.
AMO développement durable d’Andromède, entretien, 05/12/2012.
126
La Réglementation Thermique 2012 fixe des objectifs ambitieux de performance énergétique dans le
bâtiment, et s’applique à tous les permis de construire à partir du 1 er janvier 2013. Elle constitue une avancée en
permettant la généralisation du BBC. Voir : http://www.rt-batiment.fr/batiments-neufs/reglementationthermique-2012/presentation.html
127
Cadre de la SEM Oppidea, entretien, 11/12/2012.
125
38
centrales de mobilité, parking silos mutables en bureaux anticipant une diminution
progressive des besoins de stationnement, etc.) sur l’écoquartier de La Cartoucherie
notamment va par exemple au-delà de la promotion des transports en commun et des modes
doux, plus classique dans un écoquartier et même sur le territoire (Toulouse métropole n’a pas
attendu les écoquartiers pour investir dans le développement des transports en commun).
L’ambition portée par les écoquartiers émergents peut être résumée ainsi :
« Aujourd’hui avec par exemple, La Cartoucherie, on est à une échelle d’écoquartiers de seconde
génération, qui vont proposer des choses bien plus ambitieuses. Par exemple on est en train d’étudier la
possibilité de proposer des parkings silos. C’est-à-dire d’oser démystifier un peu la voiture en imaginant
que des gens partagent une place de parking. On est dans des problématiques juridiques, réglementaires
et sociologiques que peu de français sont encore capables d’accepter. »128
D’autre part, les écoquartiers en cours de réalisation visent la consécration dans les
pratiques d’urbanisme de principes déjà bien connus : nature en ville, aménagement des
quartiers en fonction du site préexistant, déplacements doux, recherche de formes urbaines
denses et de qualité, etc. Ainsi l’aménageur a aujourd'hui intégré les préceptes de l’urbanisme
durable et réussi à imposer cette ligne dans les projets : « Maintenant, quand on va en
réunion, ce qui est intéressant, c’est que sur tous les aspects “classiques” du développement
durable (le système de chauffage, etc.) la plupart du temps on est juste là en appui.
L’aménageur – ici Oppidea – a vraiment pris le savoir-faire. »129.
Les personnes que nous avons rencontrées s’accordent sur le fait que les retours
d’expériences, montrant à la fois les bons principes et les plus grosses difficultés relatives aux
écoquartiers ont contribué à ce qu’un grand nombre de quartiers émergents aujourd'hui soient
des quartiers durables et à ce qu’une démarche de ville durable se mette en place
progressivement. Les écoquartiers de Toulouse métropole ont donc des effets d’entraînement
mais aussi d’apprentissage.
128
129
Cadre de la SEM Oppidea, Entretien, 11/12/2012
AMO développement durable d’Andromède, entretien, 05/12/2012.
39
II – Des effets d’apprentissage
La principale vertu des écoquartiers de Toulouse métropole nous semble résider dans leur
dimension pédagogique. Ils exercent élus, agents et professionnels à anticiper toutes sortes de
problématiques qui peuvent être rencontrées plus généralement dans la production de la ville.
Ces opérations reproduisent donc la complexité de la ville à plus petite échelle et permettent
aux acteurs d’apprendre en faisant.
1) Appréhender la complexité et le compromis inhérent au développement
urbain durable
Le projet urbain est complexe par nature, c’est-à-dire « composé de plusieurs parties ou
de plusieurs éléments »130, difficiles à distinguer car entretenant de nombreux rapports entre
eux. À cette complexité vient s’ajouter celle du développement durable, conjuguant trois
piliers à intégrer à la réflexion. De plus, cette dernière n’est pas l’apanage de la collectivité,
elle concerne un ensemble d’acteurs, dont les intérêts multiples et souvent opposés
contribuent à façonner la ville : « …les enjeux, les pressions, les militances, les conflits
d’acteurs entraînent une diversité d’acceptions, de positionnements, d’expériences et de
pratiques. »131. Cette complexité fait de l’écoquartier le lieu privilégié d’élaboration de
compromis, qui façonnent ses contenus, et dont le procédé peut être expliqué par la sociologie
de la transaction.
a) La ville durable, un « produit transactionnel »
Cette notion de compromis a été mise en évidence dès 2001 par Theys et Emelianoff.
Parce que le modèle de développement périurbain reste influencé par de nombreux facteurs et
solidement ancré dans les consciences, la ville durable propose des compromis pour
encourager les individus à renoncer progressivement à ce modèle : nature en ville plus
130
Selon la définition du dictionnaire Larousse en ligne, consultée le 26/05/2013. Voir:
http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/complexe/17691?q=complexe#17559
131
EMELIANOFF Cyria, « Ville et urbanisme durables : un mouvement international » in HELIOT Raphaële
(dir.), Ville durable et écoquartiers, op. cit., p.16.
40
importante, transports plus doux, requalification des espaces publics, densification près des
grands axes de transport, réhabilitation des zones urbaines abandonnées, etc.132.
Pour Hamman, la ville durable est un « produit transactionnel », en ce qu’elle renvoie à
des conflits d’intérêts et de valeurs particulièrement complexes. Le développement urbain
durable implique une multitude d’acteurs, qui ont des représentations différentes. Il donne lieu
à des compromis via les transactions sociales, portant sur les relations entre acteurs comme
sur les projets, et comprises comme des ajustements successifs les uns aux autres133. Le
modèle du développement urbain durable ne s’impose pas mais s’élabore collectivement, car
les avis quant aux objectifs et moyens du développement urbain ne sont pas partagés par tous
les acteurs (qui par ailleurs ne se rencontrent pas nécessairement). Les processus décisionnels
urbains prennent alors place au sein de « cadres transactionnels »134, qui, à côté des
expérimentations, permettent d’établir des repères communs. Cet angle d’analyse proposé par
Hamman permet de restituer la complexité des jeux relatifs à la ville durable. La
normalisation conduite par l’Etat et les collectivités locales n’intervient qu’après que ces
dynamiques transactionnelles aient opéré, permettant d’établir des principes légitimes135. À
Toulouse métropole, le RAUD, qui vise à donner aux acteurs des repères, n’a effectivement
été élaboré qu’après les premiers projets d’écoquartiers, suite à une commande politique.
Selon Hamman, c’est justement parce qu’ils sont construits localement en fonction de
contenus divers que les écoquartiers diffèrent tant les uns des autres. Ils sont l’illustration de
la transaction et du compromis.
b) Articuler les trois dimensions du développement durable, « une
synthèse complexe »
Si le développement durable est souvent réduit à sa seule dimension environnementale,
l’intégration des trois piliers du développement durable est un équilibre difficile à trouver :
« …la recherche de la perfection simultanée des trois objectifs conduit à une synthèse
132
THEYS Jacques et EMELIANOFF Cyria, « Les contradictions de la ville durable », op. cit. p.127.
HAMMAN Philippe, « La “ville durable” comme produit transactionnel. », Espaces et sociétés, 2011/4,
n°147., p.26.
134
HAMMAN Philippe, Ibid., p.38.
135
HAMMAN Philippe, Ibid. p.38.
133
41
complexe. »136. Cette complexité porte parfois atteinte au développement durable : « La
théorie du développement durable, qui se comprend non seulement comme une conciliation
mais aussi comme un équilibre entre les trois pans, porte alors en elle sa propre
relativisation. »137. En effet, des mesures bénéfiques pour l’environnement peuvent avoir des
conséquences sociales négatives, comme la gentrification. La hausse des coûts a d’ailleurs
provoqué ce type de problèmes sur Andromède :
« Les logements deviennent plus chers et donc moins accessibles, ce qui nous sort d’une des
thématiques du développement durable. Quand on arrive à des seuils de 3000 ou 3500 euros le m², qui
peut encore s’offrir un logement ? Du coup c’est la compression des surfaces : je ne suis pas sûre que ce
soit forcément vertueux d’offrir des logements où la chambre ne fait que 9 m². »138
Le projet de la rue Alsace-Lorraine, illustre aussi bien la difficulté de considérer
pleinement et simultanément les trois dimensions du développement durable. Le cabinet
d’architecture ayant remporté l’appel d’offre lancé par Toulouse métropole a construit un
projet autour de trois objectifs : le respect de l’histoire et des usages de la rue, la qualité de vie
et la durabilité, ainsi que le confort et l’apaisement. Sur le papier, ce projet intègre donc
idéalement les aspects sociaux, écologiques et culturels. En pratique, concilier ces trois
dimensions s’avère plus difficile et nécessite des adaptations et des compromis. Trouver un
point d’équilibre est une question d’arbitrages et de choix plus ou moins évidents. Le cabinet
a dessiné une rue Alsace-Lorraine très minéralisée, avec peu de place accordée à la végétation
hormis au square Charles de Gaulle. Cet aspect peut-être critiqué : la nature en ville est quasiabsente et le confort d’été est bien moindre en l’absence d’alignement d’arbres hauts pour
ombrager la rue. De même, le choix d’une pierre noire est contestable, d’autant plus qu’elle
vient de Chine. Ces orientations sont donc critiquables sur le plan environnemental.
Toutefois, le cabinet a respecté l’histoire de la rue, qui n’a jamais eu de grands alignements
d’arbres pour l’ombrager : ce choix se justifie donc, au moins partiellement. Opter pour une
rue très minéralisée a permis de mettre en valeur des façades pleines de caractère et très
emblématiques pour Toulouse. Cet arbitrage entre plusieurs dimensions s’est fait en faveur de
l’urbain et de l’histoire, dans une logique très locale :
« Il faut un équilibre, il ne faut pas être radical ni dans un sens ni dans l’autre. Si on n’obéit qu’aux
préceptes du développement durable, on tombe dans les reproches qui ont été faits aux écoquartiers.
136
GUERMOND Yves, « Repenser l'urbanisme par le développement durable ? », Natures Sciences Sociétés,
2006/1, Vol. 14, p.83.
137
HAMMAN Philippe, Sociologie urbaine et développement durable, op. cit., p.32.
138
Cadre de la SEM Oppidea, entretien, 11/12/2012.
42
L’écoquartier à Lille, à Bordeaux ou à Toulouse, finalement c’est le même. (…) si on n’a que la
dimension énergie, on risque de passer à côté de tout le reste. »139.
Au vu de la multiplicité des objectifs (économiques, sociaux, environnementaux,
culturels…) l’exemple de la rue Alsace-Lorraine nous montre combien il est indispensable de
les prioriser pour parvenir à des améliorations. Les écoquartiers métropolitains ont montré
que les opérations de développement urbain durable intègrent toutes sortes de contraintes,
variables selon les contextes locaux, d’où une multitude de chemins vers la ville durable.
Enfin, la prise en compte des trois dimensions du développement durable implique un
apprentissage de la transversalité dont nous verrons qu’il peut être difficile pour les services
municipaux. Ceci a pu les amener à se ranger derrière l’aménageur, comme l’ont fait les
services de Blagnac et Beauzelle avec la SEM Constellation en charge du projet Andromède :
« …les services (…) nous renvoient à la SEM et à sa structure propre au projet pour tout renseignement.
L’enjeu pour eux est surtout de suivre, de s’adapter au changement (…). Globalement, les services sont
chapeautés, l’urbaniste a l’aménageur pour interlocuteur quasi unique. La sectorialisation des approches
est diluée dans une méta-instance experte contingente au projet. »140
c) Maîtriser les solutions techniques et sociales
Enfin, l’apprentissage de la complexité du projet de développement urbain durable a pu
venir d’impensés techniques, causant des problèmes inattendus et des effets indésirables :
« …les bâtiments BBC sont très isolés par rapport à l’extérieur, thermiquement mais aussi
phoniquement. On n’a plus cet effet d’ambiance sonore extérieure qui peut adoucir la perception des
sons intérieurs, donc si le niveau sonore est moins élevé, la perception en est plus aigüe. Ça peut rendre
des sons très dérangeants et perturber le bien-être. (…) Il faudrait retravailler cette question. »141
Un décalage entre le projet initial et la réalité peut donc apparaître à cause de solutions
techniques, rarement maîtrisées du premier coup et qui doivent donc être ajustées. La
Dépêche142 rapportait des dysfonctionnements à Andromède : la pompe à chaleur n’a par
exemple jamais fonctionné. D’autres types d’imprévus peuvent venir compliquer le déroulé
d’une opération : le lancement de la première phase de l’écoquartier La Cartoucherie a été
139
Consultante en développement durable, entretien, 05/12/2012
FERGUSON Yann, « Les conditions de gouvernabilité du développement urbain durable ». in PINSON
Gilles, BEAL Vincent et GAUTHIER Mario (dir.), Le développement durable changera t-il la ville ? Le regard
des sciences sociales. Saint-Etienne : Publications de l’université de Saint-Etienne, 2011, p.356.
141
Élue à l’aménagement urbain, entretien, 30/05/2013.
142
Voir l’article en ligne du 25/10/2011 : http://www.ladepeche.fr/article/2011/10/25/1200296-au-patio-andaloula-chaleur-attendra.html
140
43
considérablement retardé car la dépollution du site a pris plus de temps que prévu : le
nettoyage a cessé le 7 août, alors qu’il devait initialement s’arrêter fin janvier143. Les
ambitions peuvent aussi être revues à la baisse pour des raisons financières : ainsi, les toitures
végétalisées d’Andromède n’ont pas été posées comme prévu.
Enfin, les écoquartiers communautaires ont été riches d’enseignements quant à la mixité
sociale, en montrant qu’elle ne se décrétait pas. Telle qu’elle est conçue aujourd'hui, la mixité
sociale n’induit pas nécessairement du lien social ni de la solidarité : si la construction de
logements sociaux ne rencontre plus d’obstacles techniques majeurs, en revanche la définition
des espaces partagés est plus délicate. Les attentes de certains ménages « moyens » ou aisés
peuvent entraîner une hausse des charges collectives qui ne seront alors plus dans les moyens
du logement social. En matière de mixité sociale, les solutions restent à déterminer :
« Pourquoi pas des charges selon des critères induisant de la solidarité comme des critères de revenus ?
Comment faire en sorte qu’au sein de la copropriété ces publics en logement social qui vont être
minoritaires en termes de voies au sein de la copropriété soient réellement pris en charge ? Comment
continuer de faire vivre la mixité sociale une fois que l’ensemble est livré ? Les questions du partage
entre des intérêts différents, c’est compliqué et ça le sera toujours. »144
Les opérations d’aménagement revêtent donc une grande complexité : d’une part, les
solutions techniques et sociales ne sont pas toutes éprouvées ni rôdées. D’autre part, des choix
sont indispensables, un pas dans une direction se faisant souvent au détriment d’une autre
direction. Comment faire émerger le compromis, nécessaire pour concilier les intérêts des
différents acteurs et pour traiter les trois dimensions du développement durable ? Nous
verrons que les écoquartiers apparaissent comme des lieux d’apprentissage de la concertation.
2) Construire le quartier avec les habitants ? L’apprentissage de la
concertation
Contrairement à une idée reçue selon laquelle les écoquartiers ne sont habités que par des
éco-citoyens, ceux de Toulouse métropole ont suscité une adhésion contrastée, mettant en
143
Voir l’article sur le site Internet de la mairie de Toulouse : http://www.toulouse.fr/web/la-mairie/-/cpdepollution-de-la-cartoucherie-8-aout
144
Élue à l’aménagement urbain, entretien, 30/05/2013.
44
évidence la nécessité d’une concertation tout au long du projet. En effet, l’avènement d’un
« impératif délibératif »145 concerne particulièrement les domaines du développement durable
et de l’urbanisme. La ville (ou à plus petite échelle le quartier) est un système complexe qui se
prête particulièrement bien à l’essai de modes de coordination pluri-acteurs, plus souples et
plus ouverts. Elle est un « formidable levier pour l’innovation démocratique »146. Nous
analyserons ici les apports éventuels de cette « technologie de gouvernement »147 qu’est la
démocratie participative148 au développement urbain durable de Toulouse métropole, au
travers des expériences menées dans les écoquartiers.
a) La concertation, un moyen d’appréhender collectivement la
complexité et de favoriser l’acceptabilité sociale des décisions
La concertation menée dans les écoquartiers nous semble le moyen privilégié d’apprendre
collectivement la complexité du développement durable et de l’urbain, ainsi que les
nécessaires compromis à réaliser. Un bilan positif et optimiste de la participation au sein du
projet de Vidailhan a pu être dressé : « Il est évident que c’est un levier. Jamais on n’aurait
fait Vidailhan tel qu’il est sans la part très large qui a été faite à la démocratie
participative. »149. Un groupe de participation a été mis en place, avec le souci de ne pas
impliquer que « …des écolos purs et durs, qui pousseraient la réflexion loin mais ne seraient
pas complètement représentatifs de l’ensemble des citoyens. »150. Élus, représentants du
quartier voisin, représentants des propriétaires du site, membres du comité consultatif de
l’Agenda 21 et techniciens composaient ce groupe. Après la vente des premiers logements sur
plan, des habitants intéressés ont également été intégrés. « Ils n’auraient jamais imaginé que
145
BLONDIAUX Loïc et SINTOMER Yves, « L'impératif délibératif », Politix, Premier trimestre 2002. Vol. 15,
N°57.
146
THEYS Jacques et EMELIANOFF Cyria, « Les contradictions de la ville durable », op. cit., p.131.
147
RUMPALA Yannick, « Le "développement durable" appelle-t-il davantage de démocratie ? Quand le
"développement durable" rencontre la "gouvernance"… », VertigO - la revue électronique en sciences de
l'environnement [En ligne], octobre 2008, Volume 8, Numéro 2, mis en ligne le 24/11/2008, consulté le
12/08/2013. URL : http://vertigo.revues.org/4996.
148
Lorsqu’il parle de démocratie participative, Blondiaux se réfère à un double mouvement : « …c’est à ce
double mouvement, à ce tournant délibératif de la pensée politique contemporaine et à la montée de cet
impératif participatif dans l’action publique qu’il convient, nous semble-t-il, de réserver la notion de démocratie
participative (…). ». Voir : BLONDIAUX Loïc, « La démocratie participative, sous conditions et malgré tout.
Un plaidoyer paradoxal en faveur de l'innovation démocratique », Mouvements, 2007/2, n° 50, p.122.
149
Élue à l’aménagement urbain, entretien, 30/05/2013.
150
Idem.
45
pour concevoir un quartier il y aurait autant de questions à se poser. Après quand ils ont
emménagé avec d’autres ça a été quelques piliers pour faire passer les messages. »151. Des
intervenants ponctuels ont partagé leur expérience sur des thématiques particulières,
permettant à chacun de partager les problématiques des autres, de bâtir un vocabulaire et des
références communes, de s’approprier le projet dans ses composantes techniques. Ainsi, le
passage à un urbanisme est aussi le passage à une vision systémique, mettant en cohérence
plusieurs secteurs d’action publique et permettant à des acteurs multiples de partager leurs
savoir-faire et leurs ressources pour répondre collégialement à un objectif commun152. « Ça
nous a permis de faire passer des choses qu’on n’aurait jamais fait passer autrement parce
qu’ils ont compris complètement la démarche. »153. Ainsi, l’élue cite l’exemple du
stationnement, une question qui a particulièrement divisé le groupe de participants, entre ceux
qui voulaient réduire la place de la voiture et ceux qui souhaitaient pouvoir se garer en bas de
chez eux. De très longues discussions ont permis de prendre en compte tous les arguments154
et ont abouti à un consensus acceptable pour tous : la proposition d’une place de proximité en
sous-sol et d’un parking silo pour les places supplémentaires. Cet accord, difficilement
obtenu, n’a pas été entériné par le comité de pilotage, qui a opté pour une autre solution. Alors
que les élus craignaient les réactions du groupe, les participants n’ont pas protesté :
« À notre grande surprise, il n’y a pas eu de protestations, parce que chacun avait bien compris l’enjeu,
la complexité de la question, et ont parfaitement compris pourquoi finalement les élus avaient trouvé
que c’était encore un peu tôt. Si on n’avait pas eu cette démarche participative je pense qu’on en aurait
eu de pleines pages de lettres de protestation. »155.
Ainsi, la participation peut constituer un moyen d’obtenir le consentement des citoyens.
Force est de constater que le lien entre participation et décision n’est pas évident à Vidailhan :
malgré un long processus de délibération ayant abouti à un consensus au sein de l’instance de
participation, les élus ont choisi une solution différente. La participation a surtout servi à
151
Idem.
PINSON Gilles, « Projets de ville et gouvernance urbaine. Pluralisation des espaces politiques et
recomposition d’une capacité d’union collective dans les villes européennes. » Revue française de science
politique, août 2006, vol. 56, n° 4.
153
Élue à l’aménagement urbain, entretien, 30/05/2013.
154
Selon la théorie Habermas, la démocratie délibérative fonde la légitimité des décisions sur un processus de
délibération au cours duquel des arguments rationnels sont échangés et auquel tous les citoyens peuvent prendre
part. Voir : BLONDIAUX Loïc, « La délibération, norme de l'action publique contemporaine ? », Projet, 2001/4,
n° 268, p.84
155
Élue à l’aménagement urbain, entretien, 30/05/2013.
152
46
prévenir les conflits156 en favorisant l’acceptation sociale des décisions. Le risque serait de
tomber dans une « illusion participative »157, en opposant démocratie et expertise,
conformément à une vision technocratique :
« Ce qui est important c’est plus de donner le sentiment aux gens d’avoir participé que d’avoir
réellement participé. S’ils ont le sentiment d’avoir participé, ils vont adhérer. Est-ce que dans l’écrituremême leur participation a été réellement prise en compte… Non, bien sûr, on s’entend. (…) C’est tout à
fait approprié pour des choses plus localisées, du quotidien… Si on veut faire participer les gens il faut
leur demander leur avis sur les choses du quotidien. En matière de vivre ensemble chacun aurait des
choses à dire. »158
b)
La
concertation
dans
les
écoquartiers,
un
creuset
de
l’écocitoyenneté ?
L’écoquartier a parfois suscité l’adhésion spontanée des habitants, voire des attentes plus
fortes que prévues : « …on a été assez étonnés sur les retours, la dimension environnement ce
n’est pas forcément ce qui vient en premier. Les gens se soucient de savoir s’ils ont des
balcons, des services à proximité. »159. Toutefois, ces réactions ne sont pas véritablement
représentatives : beaucoup d’habitants ont pu éprouver de l’inconfort en intégrant un
écoquartier. En effet, certains aspects sont vécus comme de véritables contraintes : l’apport
volontaire des ordures ménagères, l’étroitesse des rues pour limiter la place de la voiture, le
stationnement dans un parking souterrain plutôt que devant chez soi… La construction d’un
écoquartier touche à l’habitat, mais aussi aux modes d’habiter : la réussite du projet dépend en
grande partie des comportements des habitants qui emménagent.
« Il y a ce qu’on veut faire, qui est le développement d’un outil, mis à disposition des habitants… Mais
ça ne va réussir qu’à partir du moment où les habitants se le seront approprié et l’auront fait vivre dans
le sens de la durabilité. Développer un quartier durable c’est en quelque sorte vouloir inciter tout un
chacun à faire évoluer son comportement vers un comportement durable. (…) il y a 20 % d’habitants
qui sont venus sur l’écoquartier parce que c’était un écoquartier, et 80 % qui sont là parce qu’ils avaient
besoin d’un logement, mais qui n’ont pas du tout acheté le quartier. Ils prennent conscience après coup
des efforts qu’on leur demande et qu’ils n’avaient pas nécessairement imaginé. Quand vous ne savez
pas pourquoi on vous demande de faire ces efforts-là, on a vite fait de trouver qu’ils sont
insupportables. »160
156
Cette caractéristique des processus de participation a été mise en avant par plusieurs auteurs : voir HAMMAN
Philippe, Sociologie urbaine et développement durable, op. cit., ainsi que BLONDIAUX Loïc et SINTOMER
Yves, « L’impératif délibératif », op. cit., p.33.
157
MONBEIG Michel, « L'impossible démocratie participative », Pensée plurielle, 2007/2, n° 15, p.36.
158
Chef d’entreprise, entretien, 27/03/2013.
159
Consultante en développement durable, entretien, 05/12/2012.
160
Élue à l’aménagement urbain, entretien, 30/05/2013.
47
Par ailleurs, la position adoptée par les promoteurs lors de la vente de logements durables
n’aide pas à la compréhension du projet par les futurs habitants :
« On a constaté que les promoteurs qui vendent un logement dans un écoquartier le vendent comme
n’importe quel autre logement. On a fait des séances d’information, de formation des commerciaux…
Mais c’est une population où il y a beaucoup de turnover, du coup je ne suis pas persuadée que les
commerciaux savent bien vendre un écoquartier. Quand on vend un logement on ne fait pas le tri en
s’assurant que le client sera un bon éco-citoyen, on a envie de lui vendre avant tout, indépendamment de
sa conduite. »161
Ainsi, les quartiers durables de Toulouse métropole ont montré que l’écoquartier ne
constituait pas une recette miracle : même lorsque les trois dimensions du développement
durable sont prises en compte, rien ne garantit que les habitants ne sauront ni même ne
voudront s’en saisir et adopter un comportement durable. Afin de prévenir des attitudes
inappropriées (gaspillage, non-recyclage, etc.) qui viendraient contrecarrer les effets supposés
bénéfiques du quartier, la mairie de Balma a édité et distribué un guide de l’écoquartier. Les
décideurs du projet Vidailhan ont également instauré un accompagnement, permettant
d’expliquer les choix effectués et d’atténuer la perception de certains aspects comme des
contraintes. Il paraît en effet nécessaire de sensibiliser et d’accompagner a minima avant
l’investissement des lieux par les habitants, mais idéalement de les inclure dès la conception
du projet, via les procédures de concertation. La question des modes d’habiter ne devrait pas
être posée a posteriori mais bien a priori pour maximiser les chances d’apparition de
comportements en adéquation avec l’esprit du quartier, certains dispositifs favorisant
l’adoption de pratiques écocitoyennes.
c) La concertation, des coûts initiaux élevés pour des résultats à long
terme
En dépit du succès qu’a pu constituer la concertation sur le quartier Vidailhan, l’élue
balmanaise en charge de l’aménagement urbain ne cache pas la lourdeur d’une telle
démarche, qui nécessite de nombreuses réunions tardives, des efforts de la part de chacun…
Les individus réticents à incorporer de la participation craignent généralement que ces
dispositifs retardent l’aboutissement de projets déjà très long : « Le temps de la ville est de
toute façon très long, parce que c’est très long d’imaginer un territoire, d’avoir une vision
partagée à long terme. Si en plus, il y a plein de petits grains de sable qui viennent gripper
161
Cadre de la SEM Oppidea, Entretien, 11/12/2012.
48
l’avancement déjà lent du processus d’aménagement… »162. La participation est
effectivement une procédure longue, lourde, qui nécessite une organisation logistique et des
moyens financiers. Pour autant, il semblerait que certains acteurs – comme le chef
d’entreprise et la cadre que nous avons rencontrés – ne considèrent pas toujours la
concertation citoyenne sous l’angle de ce qu’elle peut apporter, à savoir « de véritables
ressources d’expertise profane qui peuvent concurrencer celles des experts municipaux. »163.
Ainsi, les habitants sont des « experts du quotidien »164. Plus important, la concertation mise
en œuvre à Vidailhan a apporté les quatre avantages de la délibération mis en évidence par
Blondiaux : elle a produit de l’information et des solutions nouvelles, elle a forcé les acteurs à
se justifier et donc à emporter une plus grande adhésion, elle a légitimé les décisions en
obligeant au respect et à la prise en compte des arguments de tous et enfin elle a constitué une
solution face au pluralisme des valeurs165.
La multiplication des écoquartiers sur le territoire est une évidence. Si les apprentissages
qu’ils ont permis sont nombreux, la diffusion et la généralisation des principes de l’urbanisme
durable au reste de la ville est une étape plus importante, puisque « …les nouvelles
constructions ne représentent annuellement qu’une part négligeable du parc immobilier
existant (il est de 1 % pour la France par exemple). »166. Comment, dans ce cas, passer d’une
politique d’écoquartiers à une politique de ville durable ? Celle-ci ne peut se limiter à une
addition de quartiers durables : l’enjeu reste la diffusion et la systématisation de ces pratiques
au reste de la ville. Pour Boutaud, les écoquartiers ont vocation à devenir des quartiers
classiques. Ils sont en effet tellement nombreux qu’ils ne constituent plus un phénomène
exceptionnel. Comment faire pour que les savoirs issus des écoquartiers toulousains soient
« solubles dans l’urbanisme renouvelé du temps »167 ? Nous étudierons la méthode choisie par
Toulouse métropole.
162
Idem.
BLONDIAUX Loïc, « Démocratie locale et participation citoyenne : la promesse et le piège », Mouvements,
2001/5, n°18, p.47.
164
MONBEIG Michel, « L'impossible démocratie participative », op. cit., p.41.
165
BLONDIAUX Loïc, « La délibération, norme de l'action publique contemporaine ? », op.cit., p.84-85.
166
DIND Jean-Philippe, THOMANN Marianne, BONARD Yves, « Structures de la ville, quartiers durables et
projet urbain : quelles articulations ? » op. cit., p.73.
167
BOUTAUD Benoît, « Quartier durable ou éco-quartier ? », op. cit., p.5.
163
49
III – Les écoquartiers et après ? Esquisses de la ville durable
Une certaine culture de la ville durable s’est forgée au fil des opérations à Toulouse
métropole. Encadrés par les services administratifs, les projets d’écoquartier ont contribué à
façonner cette culture qui perdure et se renforce en dépit des évolutions institutionnelles de
l’intercommunalité, des changements politiques, des modifications de l’organigramme, des
départs et des arrivées, etc. Plusieurs structures ont été mises en place afin de permettre aux
élus et aux agents communaux et intercommunaux d’échanger sur les projets d’écoquartiers
qu’ils ont mené : ainsi, les élus de Balma, engagés dans le projet de Vidailhan, sont allés à la
rencontre de ceux travaillant sur Andromède. Une nouvelle grappe d’écoquartiers toulousains
se développant en parallèle, un groupe de travail autour des écoquartiers a été créé. Il a
notamment contribué à la réflexion qui a alimenté le Référentiel d’Aménagement et
d’Urbanisme Durables (RAUD) que nous décrirons. Enfin, la SEM Oppidea, principal
interlocuteur et exécutant des projets d’aménagement communautaires, constitue un vecteur
de diffusion des réflexions en mettant à profit l’ensemble de ses expériences au service de
l’intercommunalité. Dans ce contexte de changement rapide, où le développement durable est
le nouveau mot d’ordre, la collectivité a cherché à instituer des cadres et des repères en
objectivant les savoirs issus des expériences d’écoquartiers. Le RAUD élaboré en interne par
les services de Toulouse métropole constitue une tentative de capitalisation et de diffusion des
connaissances, dans un objectif plus global de ville durable.
1) Capitaliser l’expérience des écoquartiers pour diffuser les principes de
l’aménagement durable : le RAUD
Faisant référence au RAUD, Pierre Cohen a déclaré que le Grand Toulouse s’employait
« …à se doter d'une culture commune de la qualité urbaine, du rôle de la maîtrise d’ouvrage
publique, et du développement durable à partir des expériences acquises localement autour
de la démarche EcoQuartiers »168. Ce travail, initié par une commande politique, a
progressivement suscité un vif enthousiasme au sein de Toulouse métropole. Aujourd'hui, les
agents de la CUTM que nous avons rencontrés sont convaincus de la possibilité de dé-
168
Discours prononcé par Pierre Cohen lors de la remise du prix national EcoQuartier à l’écoquartier Vidailhan.
50
compartimenter les écoquartiers et d’en faire des « tremplins de la ville durable »169 pour
diffuser une nouvelle culture de l’aménagement, via les opérations emblématiques comme les
opérations plus ordinaires ou isolées. Le RAUD qu’ils ont bâti en interne pourrait constituer
l’instrument de cette diffusion.
La réflexion autour de ce document a commencé en 2010, suite à une commande
politique auprès des élus et des services de la communauté urbaine, visant à réaliser un outil
d’appropriation de la démarche ville durable. Elle a par ailleurs été traduite dans l’actionphare n°34 du PCET, « Appliquer le référentiel d’aménagement durable ». L’objectif du
RAUD est triple : intégrer les problématiques énergie/climat dans les opérations
d’aménagement et les documents d’urbanisme réglementaire, favoriser la systématisation
d’opérations d’aménagement durables, et enfin forger une culture commune pour tous les
acteurs du territoire. Il participe d’une démarche de ville durable en formalisant des
engagements et en proposant une méthodologie pour l’évaluation des projets et s’inscrit
notamment dans le cadre national constitué par le label national EcoQuartiers170.
Le RAUD devait au départ prendre la forme d’une charte, regroupant 11 objectifs
stratégiques : localisation des ÉcoQuartiers ; énergie et climat ; densité et formes urbaines ;
place de la voiture et des déplacements ; cycle de l’eau ; mixité fonctionnelle, sociale et
intergénérationnelle ; ressources et limitation des nuisances ; patrimoine paysager et de
l’espace public ; demande sociale et appropriation ; faisabilité économique ; conduite de
projets. Quelques évolutions sont à noter par rapport à la commande initiale et aux modalités
inscrites dans le PCET : il ne s’agit plus d’une charte, mais d’un référentiel. Le terme
« EcoQuartier » a disparu du RAUD pour laisser place aux « opérations d’aménagement
durable », un changement de terminologie qui témoigne de la volonté de la CUTM de
raisonner à l’échelle de son territoire tout entier. « Notre idée c’est de faire de chaque
opération d’aménagement une opération durable : penser en termes d’écoquartiers c’est
restrictif. »171. D’autre part, les 11 « objectifs stratégiques » du RAUD ont été renommées
« cibles prioritaires de la ville durable » et certains intitulés et contenus ont été modifiés. Ces
11 cibles sont représentées sur la figure ci-dessous, extraite du RAUD.
169
Agent de la CUTM, entretien, 29/11/2012.
Voir : http://www.developpement-durable.gouv.fr/Lancement-du-label-national,31489.html
171
Agent de la CUTM, entretien, 30/07/2013.
170
51
Les onze cibles prioritaires de la ville durable. (Source : RAUD, version du 23/07/2013)
Les cibles ont été définies par les élus et les services: il y a donc eu un véritable portage
politique et technique du projet. Deux instances ont été mises en place pour le pilotage :
-
Un comité de suivi : présidé par le Président de la commission Aménagement et
politique foncière, il regroupait les élus de Toulouse métropole et les professionnels
du secteur (associations de professionnels, urbanistes, aménageurs, bailleurs sociaux,
architectes, etc.). Son travail concernait l’élaboration des 11 cibles stratégiques.
-
Un comité technique interservices : composé de la Direction générale du
développement urbain durable, de la Direction générale des services urbains et de la
Direction générale finance et administration générale, le comité technique avait la
charge de la traduction opérationnelle des orientations, sous l’égide de la Direction du
développement durable et de l’écologie urbaine qui pilotait le projet.
Un travail d’aller-retour entre le comité de suivi et les services techniques a permis de
valider les orientations stratégiques du RAUD, et de proposer des méthodes opérationnelles
déclinant ces objectifs dans les opérations urbaines.
Les prescriptions du RAUD n’ont pas vocation à devenir opposables, dans la mesure où il
constitue un outil d’incitation et non un document réglementaire. Sa fonction pédagogique est
évidente : la réalisation de ce travail par le service Appui à la ville durable, en collaboration
52
avec l’ensemble des services concernés et quelques acteurs externes, a permis un véritable
apprentissage de l’urbanisme durable et de la transversalité en interne. Il a également instauré
un meilleur dialogue entre les services dits techniques, qui travaillent sur le terrain et sont
directement concernés par la mise en œuvre de ces principes, et les services et directions qui
ont des visées plus stratégiques. Les principes de la concertation et de la transversalité ont été
appliqués, témoignant de l’installation de ces méthodes de travail au sein de la CUTM.
Le document est extrêmement complet. Les fiches relatives à chaque cible de la ville
durable se structurent toutes de la même manière, en plusieurs parties :
-
Orientations, où sont déclinés les objectifs globaux de la cible ;
-
Application territoriale, comportant des exemples d’écoquartiers ou de lieux intégrant
ces objectifs ;
-
Éléments de cadrage, déclinant le contexte national (textes de lois, démarches en
cours, etc.) et local (PLU, PCET, PLH, PDU, SCoT, trames verte et bleue, schémas,
chartes, guides, plans, etc.) ;
-
Points de repères d’une opération réussie, proposant des indicateurs qualitatifs et
quantitatifs pour évaluer l’atteinte de la cible ;
-
Points complémentaires, comprenant des commentaires et des explications ;
-
Le référentiel en tant que tel, qui propose pour chaque objectif stratégique de la cible
des déclinaisons opérationnelles ainsi que des illustrations et des exemples.
Les prescriptions contenues dans le RAUD s’inspirent directement des expériences
d’écoquartiers de la CUTM ou d’ailleurs. Les 11 cibles de la ville durable définies dans le
document sont à mettre en relation avec les éléments de définition des écoquartiers que nous
avons donnés en introduction : mixité sociale et fonctionnelle, densité, objectifs relatifs aux
thématiques énergie-climat, nature en ville, gestion durable de l’eau, participation des
habitants… Témoignant de l’inscription de ces principes, au moins dans les esprits.
La transmission de ces préceptes à des opérations plus classiques devrait contribuer à
descendre les écoquartiers de leur piédestal, afin qu’ils ne constituent plus des territoires
d’exception mais simplement des lieux d’impulsion d’un mouvement plus général. Éditer un
référentiel à l’échelle de la communauté urbaine permet d’encourager une certaine cohérence
dans les projets menés sur le territoire.
53
Pour les services, l’élaboration du RAUD marque un passage à une nouvelle étape :
« Il me semble qu’on passe à une phase supérieure, on n’est pas que dans l’intention. On ne l’était pas
puisqu’on a déjà 12 écoquartiers qui ne sont pas tous exemplaires dans toutes les cibles mais très bons
dans une série de cibles. Le but du RAUD est d’être un outil de progrès, c’est de voir comment on est
dans une démarche d’amélioration des opérations d’aménagement. »172
Le cahier d’évaluation incorporé dans le RAUD et élaboré conjointement nous paraît en
effet témoigner d’une volonté de dépasser les déclarations d’intention, même si nous
questionnerons plus tard la pertinence d’un tel référentiel pour y parvenir. Toutefois,
considérant les évolutions récentes de l’action publique en France, le choix d’indicateurs de
développement durable nous paraît logique et avantageux sur plusieurs aspects.
2) Évaluer le développement urbain durable : le RAUD comme outil réflexif
et d’amélioration continue
L’émergence de la thématique du développement durable s’est accompagnée d’une
redéfinition des modes d’action publique, plus rationnels, visant à la cohérence et à
l’efficacité. Rumpala montre ainsi l’installation d’une logique managériale dans les politiques
publiques. L’exemplarité de l’administration est recherchée dans un objectif d’entraînement,
afin de faire adhérer l’ensemble de la société à un projet collectif. Cette poursuite de
l’exemplarité a contribué à rendre l’action publique plus réflexive, par la systématisation des
pratiques d’évaluation et de suivi, destinées à vérifier l’efficacité des interventions menées et
à prévoir d’éventuelles mesures d’ajustement173. La transition que suppose le développement
durable nécessitait « un appareillage intellectuel approprié », les indicateurs constituant alors
une « nouvelle technologie de gouvernement »174. Le cahier d’évaluation du RAUD a
rassemblé des critères de développement durable pour évaluer les opérations d’aménagement
de Toulouse métropole. Son apport nous semble triple : il a permis à la collectivité de définir
172
Entretien, Agent de la CUTM, 29/11/2012.
RUMPALA Yannick, « La régulation publique et l’inscription gestionnaire du "développement durable". Des
initiatives stratégiques aux démarches de contrôle des performances. » in HURON David, et SPINDLER Jacques
(dir.), Le management public en mutation, Paris, L'Harmattan, 2008, p.377.
174
RUMPALA Yannick, « Mesurer le "développement durable" pour aider à le réaliser ? », Histoire & mesure
[En ligne], XXIV-1, 2009, mis en ligne le 01/08/2012, consulté le 11/08/2013. URL :
http://histoiremesure.revues.org/index3896.html
173
54
et de s’approprier les objectifs du développement urbain durable, d’apprendre les méthodes de
l’évaluation et d’inscrire le référentiel dans une logique d’amélioration continue.
a) Une mise en problématique du développement urbain durable
À Toulouse métropole, le changement récent de contexte intercommunal a entraîné un
besoin d’outils et de méthodes adaptés au nouveau territoire communautaire, surtout dans une
perspective de développement durable. La méthodologie d’évaluation proposée dans le
RAUD vise à en faire un outil de cette adaptation. Elle est le fruit d’un long et laborieux
travail en interne, intra et inter services, auquel les étudiants de l’IEP ont contribué. Pour
élaborer une méthodologie claire et fiable, les services de Toulouse métropole se sont inspirés
de diverses expériences, notamment de coopération décentralisée. La communauté urbaine
ayant pris part au projet européen Mi Ciudad AC2, le travail des étudiants qui ont accompagné
les services dans l’élaboration du RAUD consistait notamment à en extraire des indicateurs
pertinents pour mesurer l’atteinte des objectifs stratégiques du référentiel. Les indicateurs
proposés sur la plateforme européenne CAT-MED175 ont également été examinés. Les
services se sont enfin inspirés du label national EcoQuartier lancé par le Ministère de
l’Écologie en décembre 2012. Cette phase a constitué un moment clé d’apprentissage pour les
services : la sélection d’indicateurs destinés à évaluer l’atteinte d’objectifs stratégiques fixés
par le comité de suivi a constitué une mise en problématique du développement urbain
durable à l’échelle du territoire métropolitain. En effet, l’élaboration de ces indicateurs
témoigne d’une appropriation des enjeux et renseigne sur l’appréhension d’une situation. Le
choix devient important puisque les indicateurs « …participent à la fois à la sélection des
priorités (…) et à façonner la traduction concrète des grandes principes du développement
durable. »176. Des données brutes ont ainsi été transformées en indicateurs, impliquant des
choix (et donc des biais). Elles prennent sens en s’appuyant sur des critères préalables, définis
en fonction des objectifs du projet. Pour le RAUD, il s’agit des objectifs stratégiques fixés
dans chacune des 11 cibles de la ville durable. Ainsi, « Chaque collectivité définit son propre
175
Voir : http://www.catmed.eu/indicateurs
ADAM Mathieu, « La fabrique des éco-quartiers, entre injonction au local et urbanisme standardisé », op.
cit., p.98.
176
55
tableau de bord et ses propres indicateurs en fonction de ses objectifs propres et des données
dont elle dispose. »177.
Les indicateurs participent à une simplification du réel, nécessaire pour mesurer les
évolutions et envisager des interventions. Ces méthodes rassureraient les acteurs en leur
donnant le sentiment d’un contrôle sur la ville, son fonctionnement et son développement,
naturellement séduisant pour des élus à la recherche de résultats visibles et rapides178. Les
batteries d’indicateurs se multiplient pour faciliter le travail des acteurs publics et des
professionnels du secteur. Les indicateurs ont en effet l’avantage de réduire la complexité des
réalités sociales et de les rendre plus lisibles179. Par exemple, la mesure de la proximité à un
arrêt de transports en commun, indicateur du RAUD, ne prend pas en compte d’autres
éléments (handicap, ressources insuffisantes, peur, illettrisme, etc.) pouvant restreindre
l’accès d’une personne à ces modes de déplacement, mais ces informations renseignent de
manière simplifiée sur l’accès aux transports en commun. Seul, l’indicateur ne veut rien dire :
il n’a de sens que dans un système global d’évaluation, dont les objectifs ont été définis au
préalable. Le croisement des indicateurs du RAUD et de ses objectifs stratégiques permet de
prendre en compte l’ensemble des informations tout en permettant un traitement simplifié de
celles-ci.
La réflexion sur le RAUD a abouti à l’élaboration d’un cahier comprenant une grille
d’évaluation et une grille de suivi composées en tout de quarante indicateurs chiffrés. Pour
chacun d’entre eux, sont indiquées notamment :
-
Les cibles de la ville durable concernées ;
-
La formule de calcul de l’indicateur ;
-
Un axe permettant de situer les résultats obtenus, une fourchette de valeurs indiquant
si la situation est « perfectible », « moyenne », « satisfaisante » ou « optimale ».
À l’instar des indicateurs du label EcoQuartiers, ceux retenus pour le RAUD sont dans
l’ensemble clairs et simples : proximité aux parcs/places publics, etc. Le cahier d’évaluation
177
JÉGOU Anne et al., « L’évaluation par indicateurs : un outil nécessaire d’aménagement urbain durable ? »,
Cybergeo : European Journal of Geography, [En ligne], Aménagement, Urbanisme, document 625, mis en ligne
le 04/122012, consulté le 11/08/2013. URL : http://cybergeo.revues.org/25600
178
LEVY Albert, « La "ville durable." Paradoxes et limites d'une doctrine d'urbanisme émergente. Le cas SeineArche. », op. cit., p.148.
179
DEVISME Laurent et al., « Le jeu des “bonnes pratiques” dans les opérations urbaines, entre normes et
fabrique locale », Espaces et sociétés, 4/2007, n° 131, p.18.
56
comporte un second volet plus qualitatif : l’atteinte de chaque objectif stratégique est évaluée,
en lui attribuant une note de 1 à 4 (ou « non traité » / « non applicable » le cas échéant). Cette
note doit être justifiée par écrit, et un champ est prévu pour d’éventuelles mesures
d’ajustement ou d’amélioration. Cette conjugaison de critères quantitatifs et qualitatifs permet
de conserver les éléments d’une analyse approfondie et d’éviter une évolution trop prononcée
vers un urbanisme technique, normatif, quantifiable, « un urbanisme de gestion »180, qui
constitue une tendance actuelle en France. Elle permet d’évaluer de manière simplifiée
l’atteinte des objectifs fixés.
b) Le RAUD, support de l’apprentissage des méthodes d’évaluation
Pour rappel, l’objectif du RAUD est d’être un instrument d’incitation pour la ville
durable. En proposant une grille d’évaluation pour les opérations d’aménagement, il donne
aux chefs de projet l’opportunité de se confronter aux objectifs du développement durable,
pour éventuellement mener à des améliorations et des ajustements. Les services soulignaient
la réciprocité des apports : si les principes consacrés dans le RAUD ont vocation à influencer
la production de la ville, celle-ci permettra également au RAUD d’être un outil évolutif. La
réévaluation du RAUD était ainsi programmée pour 2014 environ, afin d’en garantir
l’adaptation au territoire. Toutefois, c’est finalement le RAUD lui-même qui a été évalué en
premier. En effet, la publication du document, plusieurs fois décalée, a fini par être
conditionnée au test préalable de la méthode proposée sur trois opérations d’aménagement,
afin de prouver concrètement que le développement urbain durable ne coûtait pas plus cher.
Cette étape, d’abord perçue comme « des bâtons dans les roues en interne »181 a finalement
été envisagée par les services comme une première occasion de faire évoluer et de consolider
le RAUD. Ils ont ainsi pu ajuster les indicateurs en les confrontant au terrain, simplifier et
automatiser des formules de calcul, supprimer des indicateurs trop complexes ou
insuffisamment problématisés, vérifier la cohérence des autres. Là encore, la dimension
d’apprentissage est évidente, les services ayant approfondi leur expérience de l’évaluation :
« …ça nous a permis de mieux savoir comment s’y prendre pour tester une opération
d’aménagement, de savoir ce qui nous manque… C’était vraiment très productif pour nous,
180
LEVY Albert, « La "ville durable." Paradoxes et limites d'une doctrine d'urbanisme émergente. Le cas SeineArche. », op. cit., p.148.
181
Agent de la CUTM, entretien, 30/07/2013.
57
ça nous a permis d’améliorer notre grille d’évaluation. »182. Cette phase d’approfondissement
s’est avérée particulièrement importante et a suscité de l’intérêt en interne comme chez les
entreprises partenaires : « On a des points très positifs sur le test. Les entreprises s’intéressent
au projet, sur des choses innovantes pour eux, notamment sur des thèmes comme la nature en
ville… »183. Le RAUD s’est avéré un exercice très concret et a permis de consolider de
nouvelles habitudes de travail (transversalité, raisonnement en coûts global, etc.). Même si les
services avaient déjà une expérience et une connaissance de l’évaluation, l’élaboration du
tableau de bord du RAUD leur a permis de développer une plus grande expertise dans ce
domaine.
c) L’inscription dans une logique d’amélioration continue
L’évaluation, par son caractère itératif, permet de mesurer le cheminement vers la ville
durable ; mais surtout, elle constitue en elle-même un processus d’apprentissage de la
durabilité184. Les apports du test du RAUD ne se limiteront donc pas au perfectionnement de
la grille d’évaluation, mais contribueront à une logique plus globale d’amélioration continue
des modes de développement urbain, grâce aux données acquises et aux retours d’expériences
dont bénéficiera la collectivité :
« C’est vraiment une évaluation qui évolue, c’est plutôt en ces termes-là. Le RAUD n’est pas un
document qui restera dans un placard – s’il sort un jour – c’est un document évolutif, c’est son objectif
d’être remis en question, remis à jour… C’est un travail qui va évoluer en fonction du contexte
politique, réglementaire… »185
Le site test des Izards a ainsi particulièrement contribué aux retours d’expérience : « Estce que le RAUD fonctionne tel qu’il est rédigé en ce moment, tel qu’il a été conçu ? Le retour
de ce test avec le chef de projet des Izards nous permet de remettre en place certaines
choses. »186.
182
Idem.
Idem.
184
JÉGOU Anne et al., « L’évaluation par indicateurs : un outil nécessaire d’aménagement urbain durable ? »,
op. cit.
185
Agent de la CUTM, entretien, 30/07/2013.
186
Idem.
183
58
Si l’« amélioration continue » est un vocable emprunté au développement durable187, il
révèle surtout l’installation d’une logique managériale, dans un objectif d’amélioration de
l’efficacité et de la rentabilité de l’action publique. L’évaluation permet de conférer un
caractère évolutif aux bonnes pratiques de développement durable, de les réviser localement
et ainsi d’en faire des outils toujours plus adaptés au territoire auquel elles s’adressent, c’est
pourquoi le suivi des projets constitue désormais un passage obligé.
L’évaluation des trois opérations d’aménagement (Les Izards, Bordeblanche et Le
Tucard), qui rappelons-le avait pour objectif initial d’établir les coûts d’une opération
d’aménagement durable, a notamment permis de montrer les limites actuelles à une approche
« coût global » : ces méthodes, encore peu développées au sein de Toulouse métropole, se
heurtent à un manque de données, que les chefs de projet ne pourraient se procurer qu’en
négociant des avenants avec leurs prestataires. « On ne pourra pas boucler cette analyse
qualitative malheureusement car il nous manque des éléments, mais maintenant on sait qu’il
faut prévoir cet aspect-là dans les cahiers des charges, afin de regrouper les
informations. »188. Le test, encore en cours, n’a pour l’instant mené qu’à des conclusions
partielles : si des surcoûts peuvent apparaître à court terme, les services estiment que des
économies significatives sont réalisées à plus long terme (bâtiments économe en énergie,
gestion alternative des eaux…), même s’il n’existe pas de mesures précises pour l’affirmer.
Cet exercice, qui devrait reprendre en septembre, n’a donc pas encore rempli son objectif
initial : montrer que le coût d’opérations d’aménagement durable n’est pas prohibitif à
Toulouse métropole. En revanche, il a permis aux services de tester et d’affiner leurs
indicateurs, tout en prouvant l’opérationnalité du RAUD et son utilité pour l’évaluation et le
suivi des projets. Ce test a généré des effets d’apprentissage, permettant aux services de
s’approprier les principes du développement urbain durable en le problématisant sur le
territoire et a suscité de l’intérêt chez les partenaires. L’élaboration d’un référentiel et de sa
grille d’évaluation présente donc des avantages évident, même si les agents de la CUTM sont
lucides sur ses limites.
187
Il s’agit en effet de l’une des cinq éléments déterminants d’une démarche de développement durable, fixées
par le cadre de référence des projets territoriaux de développement durable et Agendas 21 locaux du Ministère.
Voir : http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/01-27-2.pdf
188
Agent de la CUTM, entretien, 30/07/2013.
59
3) Un référentiel est-il un instrument pertinent pour la ville durable ?
L’injonction au changement et à la remise en cause des pratiques d’urbanisme a entraîné
une perte de repères visible dans les collectivités chargées d’orchestrer le développement
urbain. Le recours aux certifications et labels mais surtout aux référentiels et bonnes pratiques
constitue l’instrument privilégié pour infléchir les trajectoires urbaines en France. Toulouse
métropole s’est inscrit dans cette mouvance avec le RAUD, sans pour autant s’aveugler sur le
recours à ces méthodes.
a) Certifications, labels, référentiels et bonnes pratiques : des écueils à
éviter
Les normes véhiculées par les certifications et les labels peuvent avoir une certaine
pertinence pour mettre en œuvre les principes du développement durable. Par exemple, viser
la Haute Qualité Environnementale (HQE) notamment lors des opérations de renouvellement
urbain ou de réhabilitation des grands ensembles, permet sans conteste de lutter contre le
réchauffement climatique, dans la mesure où les logements de type HLM représentent un
potentiel énorme pour l’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments en France189.
Toutefois, si les bâtiments HQE fleurissent dans les nouvelles constructions de la CUTM, ils
émergent rarement dans la rénovation urbaine.
Les avantages présentés par la certification et les labels doivent être relativisés, en
premier lieu parce qu’ils peuvent être les vecteurs d’une certaine uniformisation. Les normes,
les seuils ou encore les critères sont les mêmes pour tous les projets à évaluer, ce qui limite
les possibilités d’adaptation au contexte et mène à une technicisation du développement
durable, alors considéré comme une addition de normes urbaines, environnementales et
sociales : « …le risque serait d’imposer une “doxa” de la ville durable. D’imaginer de
donner des labels HQE aux villes et aux quartiers, en mesurant la longueur des pistes
cyclables, la surface végétalisée des toitures, le pourcentage de matériaux recyclés. »190. De
plus, la HQE, comme son nom l’indique, se concentre sur des objectifs essentiellement
environnementaux. Elle privilégie les solutions techniques au détriment d’une vision plus
189
190
CASSAIGNE Bertrand, « La ville durable », Projet, 2009/6, n° 313, p.81.
CASSAIGNE Bertrand, Ibid., p.83.
60
globale et finalement plus politique, et consacre des réalisations partielles puisque seulement
cinq cibles sur 14 nécessitent d’être atteintes pour obtenir la certification. Dans le cadre d’une
démarche de ville durable, viser le label HQE, ou plus généralement les certifications et les
labels, présente des avantages certains (méthode simplifiée, évaluation facilitée) mais n’a de
sens que si cet objectif est intégré dans un projet plus global, prenant en compte le projet
d’urbanisme dans ses dimensions politique, sociale, économique, culturelle… Autrement dit
dans sa complexité. En dépit des éléments intéressants qu’ils apportent, ce serait choisir la
facilité que de se cantonner à la recherche de certifications et de labels dans le développement
urbain. Les innovations environnementales constituent le pendant
« visible » du
développement durable et à ce titre sont privilégiées pour conférer plus de visibilité aux
réalisations. Elles ne peuvent toutefois constituer une fin en soi : l’ingénierie n’a pas réponse
aux problèmes sociaux.
Lorsqu’elles n’ont pas recours à des méthodes certifiées, les collectivités peuvent être
tentées d’aller voir comment fait le voisin… Au risque de copier des solutions inadaptées à
leur propre territoire. En effet, le benchmarking peut être un outil méthodologique intéressant,
à condition d’être assorti d’une prise de recul. Conscients de ce risque, les services de
Toulouse métropole se sont efforcés d’être critiques lorsqu’ils intégraient à leur référentiel des
critères issus de Mi Ciudad, de CAT-MED, d’autres référentiels… : « Tout ce qui nous
paraissait exemplaire sur les cibles a été passé à la moulinette pour en extraire
l’exemplarité. »191. En effet, la publication de guides et de référentiels divers destinés à
encourager les politiques d’écoquartier et de ville durable par la promotion des bonnes
pratiques, comporte un risque de standardisation des démarches. Les standards « …rassurent
sur la viabilité du modèle (…) et garantissent aux acteurs à la fois une limitation de la prise
de risque sur les dispositifs et une image verte aisément justifiable car conforme aux valeurs
dominantes du secteur. »192. C’est ce que nous exprimions en expliquant le rôle des
écoquartiers (comme preuves de faisabilité et objets à valoriser) dans l’initiation d’un
développement urbain durable plus global. Toutefois, ces méthodes peuvent aussi s’avérer
piégeuses, et fournir des écoquartiers clé en main qui nieraient les spécificités locales.
191
Agent de la CUTM, entretien, 29/11/2012.
ADAM Mathieu, « La fabrique des éco-quartiers, entre injonction au local et urbanisme standardisé », op.
cit., p.101.
192
61
En effet, la décentralisation a profondément changé l’action urbaine : privées des
injonctions de l’État central, les collectivités sont devenues demandeuses de méthodes et de
techniques pour mener leurs opérations d’aménagement. Les bonnes pratiques ont alors
constitué de nouvelles méthodes d’administration du territoire, à partir de l’exemple d’actions
déjà menées, dans une logique plus participative et moins descendante. Les bonnes pratiques
peuvent être définies comme un « …ensemble théorico-pratique issu de demande
d’informations sur les manières de faire et menant, le cas échéant, à leurs réorientations en
fonction de référentiels vus comme exemplaires. »193. Elles constituent des références dans les
politiques d’aménagement et de rénovation urbaine durables : « Sont ainsi désignées les
technologies et techniques éprouvées, dont on peut transmettre le mode d’emploi et garantir
avec une certaine assurance le niveau de performance escompté »194. Ce « package
méthodologique »195 permettrait de montrer la voie à suivre. Les bonnes pratiques véhiculent
une idée de supériorité normative, puisqu’elles postulent l’existence de modèles d’excellence
de développement durable, reproductibles, et « …dont il faut a minima s’inspirer. »196.
Lorsqu’elles émanent des administrations, ces bonnes pratiques agissent plutôt comme des
« opérateurs de prescription », visant la rentabilité et l’efficacité197, comme nous avons pu le
voir à travers l’exemple du cahier d’évaluation du RAUD. Le référentiel élaboré par les
services de Toulouse métropole relève en effet de cette logique de bonnes pratiques. Il
contient des objectifs stratégiques (théoriques) déclinés en traductions opérationnelles
(pratiques). Définies en collaboration avec une multitude d’acteurs et destinées à ces mêmes
acteurs, conformément à une logique managériale, ces prescriptions ont vocation à évoluer au
gré des expériences locales. L’objet de la commande politique était de « …produire un
document de référence qui puisse s’appliquer dans l’ensemble des opérations d’urbanisme,
formaliser des outils méthodologiques, définir les moyens pour y parvenir. »198. Toutefois, les
services de la CUTM ont cherché à se prémunir contre le risque de standardisation que nous
193
DEVISME Laurent et al., « Le jeu des “bonnes pratiques” dans les opérations urbaines, entre normes et
fabrique locale », op. cit., p.16.
194
NAVEZ-BOUCHANINE Françoise, « Le développement urbain durable : “best practice” ou leurre
méthodologique ? », Espaces et sociétés, 2007/4, n° 131, p.113.
195
NAVEZ-BOUCHANINE Françoise, Ibid., p.114.
196
ARAB Nadia, « À quoi sert l'expérience des autres ? “Bonnes pratiques” et innovation dans l'aménagement
urbain », Espaces et sociétés, 2007/4, n° 131, p.33.
197
DEVISME Laurent et al., « Le jeu des “bonnes pratiques” dans les opérations urbaines, entre normes et
fabrique locale », op. cit., p.16.
198
Agent de la CUTM, entretien, 29/11/2012.
62
venons de décrire, en concevant un RAUD évolutif, destiné à être évalué pour s’adapter aux
spécificités locales et assurer un développement cohérent du territoire.
Le RAUD sert avant tout à formaliser des repères dans une collectivité en plein
apprentissage : nouvelles aspirations, nouveaux objectifs et nouvelles méthodes. En quoi ce
référentiel est-il plus adapté qu’un autre au territoire de Toulouse métropole ? L’élaboration
du RAUD témoigne d’une lucidité sur les limites des bonnes pratiques, ne serait-ce que par la
posture réflexive adoptée et l’attente des retours de terrain. En effet, la difficulté principale
dans la diffusion des savoirs issus des écoquartiers ne réside pas dans le transfert des
expériences mais dans « la transformation des savoir-faire à capitaliser et diffuser »199. La
diffusion des bonnes pratiques ne signifie pas que les destinataires vont ou sauront les
mobiliser en les adaptant au contexte local. Pour réussir, la démarche doit parvenir à combiner
des connaissances empiriques, pragmatiques et territoriales. Autrement dit, le projet doit
correspondre aux objectifs de l’opération d’aménagement, être opérationnellement faisable et
surtout être pertinent dans son territoire d’implantation. Mobiliser les bonnes pratiques ne doit
pas faire oublier qu’il n’y a pas de solution universelle et que le transfert des savoirs ne se fait
pas de façon mécanique, la reproduction des méthodes ne pouvant pas se faire à l’identique
dans les différents contextes locaux200. Ainsi, le RAUD comme outil de capitalisation des
savoirs et de mise en œuvre du développement urbain durable présente des avantages certains,
parce que les services ont gardé en tête le souci de ne pas élaborer un « cahier de recettes »,
additionnant les bonnes pratiques sous forme de catalogue, sans prise de recul sur le contexte
local et sans stratégie d’ensemble.
b) De la professionnalisation de la ville durable à l’appropriation de la
problématique par la collectivité
À échelle nationale, certifications, labels, référentiels et bonnes pratiques ont pu
participer d’un mouvement de « professionnalisation de la ville durable »201, qui a contribué à
199
ARAB Nadia, « À quoi sert l'expérience des autres ? “Bonnes pratiques” et innovation dans l'aménagement
urbain », op. cit., p.43.
200
ARAB Nadia, Ibid., p.45.
201
VILLALBA Bruno, « La professionnalisation de la ville durable : contributions à la standardisation du
développement durable », in PINSON Gilles, BEAL Vincent et GAUTHIER Mario (dir.), Le développement
durable changera t-il la ville ? Le regard des sciences sociales. Saint-Etienne : Publications de l’université de
Saint-Etienne, 2011, p. 37-57
63
bâtir un domaine d’expertise plus qu’un projet politique. C’est là l’autre limite du recours à
des référentiels : impulsée par des experts, des associations et des organismes internationaux,
notamment de défense de l’environnement, la doctrine urbanistique de la ville durable n’est
initialement pas le fait des élus202 ni des professionnels du secteur, architectes et urbanistes203.
Souvent, acteurs publics et professionnels de l’aménagement tentent de s’adapter à l’évolution
des pratiques. L’arrivée tardive des élus sur ce sujet a pu contribuer à la faiblesse d’une vision
politique, pourtant nécessaire au changement social et culturel que suppose le développement
durable.
La professionnalisation de la ville durable est « …une production de procédure
techniques qui tendent à façonner nos capacités cognitives à concevoir ce qu’est une
politique de développement durable. »204. D’une manière générale, la constitution du domaine
d’expertise de la ville durable a surtout été le fait de professionnels du développement
durable : en élaborant des méthodologies et des outils qu’ils ont progressivement standardisés,
ils ont façonné des savoirs, réinsérés ensuite dans d’autres pratiques professionnelles comme
celles de l’urbanisme, de l’aménagement et de la construction. En témoigne la présence d’une
AMO développement durable sur la plupart des projets métropolitains, qui accompagne
collectivités, aménageurs, promoteurs et bailleurs dans la construction d’un projet durable. La
commande publique a façonné un marché de l’assistance à l’élaboration et à l’animation de
projets territoriaux de développement durable, contribuant ainsi à légitimer cette expertise en
reconnaissant aux professionnels du développement durable une légitimité et des compétences
pour intervenir sur les projets. « Au final, cette professionnalisation tend à produire une
technicisation qui conduit à un processus d’homogénéisation et de standardisation des
pratiques. »205, au risque d’évacuer les antagonismes révélés par le développement durable en
privilégiant les solutions techniques206. La multiplication des guides méthodologiques
destinés aux collectivités ces dernières années (dont le label national EcoQuartier est le
202
EMELIANOFF Cyria, « Urbanisme durable ? », op. cit. p.17.
LEVY Albert, « La "ville durable." Paradoxes et limites d'une doctrine d'urbanisme émergente. Le cas SeineArche. », op. cit., p.143.
204
VILLALBA Bruno, « La professionnalisation de la ville durable : contributions à la standardisation du
développement durable », op. cit., p.41.
205
VILLALBA Bruno, Ibid., p.55.
206
VILLALBA Bruno, Ibid.
203
64
dernier avatar en date) a contribué à un processus « …d’échange des savoirs entre
professionnels et collectivités apprenantes »207.
Toutefois, l’originalité du RAUD réside dans le fait que le sens de cet échange s’est
inversé : c’est aujourd'hui la collectivité qui élabore un référentiel, suite à une commande
politique. Ceci témoigne de l’appropriation du sujet par les élus, prémisses d’une politisation
plus que d’une professionnalisation de la ville durable, appuyée par le développement d’une
expertise en interne par les services.
Les écoquartiers de Toulouse métropole ont été les initiateurs d’un mouvement de
développement urbain durable, mais ne sauraient incarner à eux seuls une politique de ville
durable, compte tenu de leurs limites et de la nécessité d’une approche plus globale et
systémique. Faut-il pour autant leur refuser tout mérite, au motif qu’ils servent avant tout à
attirer les projecteurs sur eux ? La critique est facile, mais oublierait presque de reconnaître
aux écoquartiers des apports avérés. Le choix de Toulouse métropole d’élaborer un référentiel
en interne pour promouvoir les bonnes pratiques et influer sur les opérations d’aménagement
du territoire témoigne d’une volonté de dépasser les limites des écoquartiers pour n’en tirer
que des apprentissages. De plus, les services restent vigilants quant aux risques véhiculés par
les référentiels et les évaluations. Cette expérience nous paraît surtout avoir contribué au
renforcement d’une expertise au sein des services. Ceux-ci sont alors mieux armés pour lutter
contre les solutions toute prêtes et les effets de standardisation : « On travaille de manière
interservices, on a notre mot à dire, on travaille beaucoup avec les bureaux d’études en
urbanisme en leur disant "ce n’est pas parce que vous mettez des arbres que ça va faire de la
ville durable". »208. Cet agent ajoute :
« Je crois que les méthodes, les connaissances sur les écoquartiers maintenant on les a, on sait comment
les bâtir, mais encore une fois on ne pense plus en termes d’écoquartiers. On pense en termes de ville
durable, c’est le discours qui circule et qui est à l’agenda politique. Si au départ c’était plutôt de l’ordre
du test, on regardait comment faire, maintenant on n’en est plus là. ».
Le changement de registre discursif est évident : le terme écoquartier, très à la mode, a
disparu du RAUD pour laisser place aux opérations d’aménagement durable, chaque projet
étant voulu exemplaire désormais. Ce virage est-il suffisant pour permettre à la CUTM de
207
208
VILLALBA Bruno, Ibid., p.48.
Agent de la CUTM, entretien, 30/07/2013.
65
s’acheminer vers la ville durable ? Pour répondre à cette question, il nous a semblé nécessaire
d’élargir la focale à l’ensemble du projet communautaire de développement durable.
TROISIÈME PARTIE : TOULOUSE MÉTROPOLE, UNE VILLE DURABLE ?
OBSTACLES PERSISTANTS
À la remise du Prix National EcoQuartier, Pierre Cohen déclarait que l’objectif était de
« …faire de chaque quartier un vecteur de la réduction de l’empreinte écologique de
l’ensemble de la métropole, tout en étant un espace de solidarité, d’équité et de mixité
sociale, en favorisant la concertation et l’appropriation sociale. »209. Cette volonté affichée
trouve-t-elle une traduction dans les faits ? Est-on en train de dépasser l’approche écoquartiers
pour s’acheminer vers une ville durable ? L’analyse du projet territorial de la CUTM révèle
l’intérêt modéré suscité par le développement durable avant l’élaboration et le vote du Plan
Climat, ainsi que les faiblesses qui en résultent encore aujourd'hui (I), d’autant plus qu’une
volonté politique fluctuante empêche l’amorce d’un changement véritable (II).
I – Le projet territorial de développement durable de Toulouse métropole : atouts
et faiblesses
L’écoquartier ne serait donc qu’une « étape préliminaire dans la voie d’un urbanisme
durable », avec « une forte portée symbolique »210. Il ferait partie d’une stratégie d’ensemble
ou d’un éventail de démarches (volontaristes ou non), permettant d’inventer et de concrétiser
le développement durable : agendas 21, chartes et référentiels de développement durable,
plans climats211…
209
Discours prononcé par Pierre Cohen lors de la remise du prix national EcoQuartier à l’écoquartier Vidailhan.
EMELIANOFF Cyria, « À quoi servent les écoquartiers ? Propos recueillis par Antoine Loubière » (extraits),
in SOUAMI Taoufik (dir.), « Écoquartiers et urbanisme durable », op. cit., p.23.
211
FABUREL Guillaume, « Aménagement et urbanisme durables : l’importance du volontarisme territorial », in
HELIOT Raphaële, (dir.), Ville durable et écoquartiers, op. cit., p.88
210
66
Ainsi, toute une batterie de démarches se développe à chaque échelle du territoire. Leur
suivi « …indique que ces démarches participent en fait de manière commune à plusieurs
évolutions assez lentes mais transversales. »212. Nous rappellerons ici les principales actions,
mesures et projets visant à inscrire le territoire de Toulouse métropole dans la durabilité.
1) Le développement durable à Toulouse métropole : historique
L’année 2008 a constitué un tournant dans l’histoire de l’intercommunalité. En effet, la
mairie de Toulouse, remportée par un candidat socialiste, s’est inscrite pour la première fois
dans la même mouvance politique que la majorité des autres communes du Grand Toulouse.
Pierre Cohen, ancien maire de Ramonville-Saint-Agne, a ainsi succédé à Philippe DousteBlazy (UMP) à la présidence de l’intercommunalité. Avant 2008, le Grand Toulouse n’avait
pas véritablement formalisé de projet de développement durable. Si les Agendas 21 de la ville
de Toulouse et de plusieurs autres communes ont été labellisés par le Ministère de
l’Écologie213, le Grand Toulouse n’est pas parvenu à s’engager dans une démarche volontaire
de ce type. L’Agenda 21 intercommunal, initié en 2006, a été abandonné au lancement du
Plan Climat. Quelques documents obligatoires ont toutefois participé à une compréhension et
à une appropriation des enjeux du développement durable : les PLU mis en place par
l’intercommunalité en concertation avec chaque commune-membre contiennent chacun un
PADD fixant les grandes orientations du développement territorial, dans une optique de
durabilité. Ils doivent être compatibles avec le SCoT, le PLH et le PDU, autant de documents
participant à cette appropriation.
2008 est une année importante en matière de développement durable pour
l’intercommunalité. L’arrivée des Verts dans la majorité (six élus au conseil municipal de
Toulouse et huit conseillers délégués à Toulouse métropole) a pour conséquence un certain
« verdissement » du programme municipal et intercommunal. Régis Godec, président du
groupe EELV à Toulouse, a été nommé Adjoint au maire en charge des écoquartiers et a pris
la tête de deux projets : La Cartoucherie et La Salade à Toulouse. Cette mesure, plus
212
FABUREL Guillaume, Ibid., p.87.
Dans le cadre de l’Appel à reconnaissance des projets territoriaux de développement durable et Agendas 21
locaux.
213
67
symbolique qu’autre chose, incarne malgré tout un changement dans la volonté politique.
Celui-ci vient surtout du fait que la ville-centre adopte pour la première fois le même bord
politique que les communes voisines de l’intercommunalité. La mairie de Toulouse n’avait
pas été socialiste depuis 1971, tandis que la quasi-totalité de ses voisines s’inscrivent à
gauche, ce qui avait entraîné un certain blocage de la coopération intercommunale :
« Beaucoup de communes autour de Toulouse étaient de couleur politique différente de la ville-centre
jusqu’en 2008. Il y a eu beaucoup d’actions menées pour faire réagir la ville-centre, qui pèse très lourd
par rapport aux communes périphériques : il y a un peu plus de 440 000 habitants à Toulouse, et
derrière c’est Colomiers avec 35 000 habitants. »214
Cette entente facilitée entre Toulouse et les autres communes du Grand Toulouse a eu
pour effet de débloquer les décisions, et a permis l’aboutissement de projets d’ampleur,
comme le Plan Climat :
« Il y a une sorte de partenariat qui s’est organisé. C’est pour ça que pour moi il y a une sorte d’avant /
après 2008 parce qu’il y a un plus grand partenariat qui s’est affiché entre les communes et l’EPCI. À
l’ADEME on sent une appropriation plus importante sur un certain nombre de sujets. » (Idem).
Lancé en 2010 et adopté le 29 mars 2012, le PCET est une démarche emblématique.
Toutefois, d’autres démarches de développement urbain durable ont été menées avant celle-ci,
notamment les écoquartiers : la ZAC d’Andromède a été créée en 2001 et la réalisation d’un
écoquartier était une action inscrite dans l’Agenda 21 de Balma en 2007, reprise en 2008 dans
le programme électoral de l’équipe qui a remporté les élections, sous l’égide d’Alain Fillola.
L’aire urbaine toulousaine n’est donc pas un territoire pionnier comme celui de Nantes ou
de Grenoble en France. C’est notamment l’une des raisons pour lesquelles nous l’avons choisi
comme territoire d’études : analyser le cas toulousain permet de comprendre un processus
« ordinaire » d’appropriation du développement durable, impliquant la mise en place d’outils
obligatoires (PADD, PDU, PCET…) et de démarches plus volontaires, comme les
écoquartiers. Ceux-ci ne sont finalement qu’un instrument parmi d’autres de la ville durable,
même s’ils ont pu servir de « rampe de lancement » à Toulouse métropole. Un projet de
développement urbain durable, parce qu’il concerne de nombreuses thématiques, est multiinstruments. Face à la multiplication des démarches et afin de garantir la cohérence du projet
214
Cadre de l’ADEME, entretien, 30/04/2013.
68
global, un outil de coordination est indispensable. Sur le territoire de Toulouse métropole,
c’est le Plan Climat qui joue ce rôle.
2) Le Plan Climat, instrument de coordination des actions de développement
durable à Toulouse métropole
Le PCET de Toulouse métropole se caractérise par une prise en compte globale des
enjeux de développement durable : son contenu diffère sensiblement de celui d’autres
documents de ce type, généralement plus sectoriels. Si l’entrée choisie pour traiter les
problématiques territoriales est l’énergie-climat (il vise notamment le 3x20215 et le facteur
4216), le Plan Climat adopté en mars 2012 fixe sept objectifs généraux : la sobriété énergétique
et le développement des énergies renouvelables ; le développement des mobilités durables ; la
réduction de la précarité énergétique ; la production de bâtiments à haute performance
énergétique et climatique dans le neuf comme dans l’existant ; la généralisation de
l’urbanisme durable ; la préservation des ressources naturelles et agricoles et la diminution
des impacts ; et enfin l’implication et la mobilisation de tous. Le PCET revêt trois fonctions
majeures, qui ressortent au travers de ses « actions phares », valorisées en raison de leur
caractère emblématique. Un effort de communication a été réalisé pour ces actions afin de
leur conférer plus de lisibilité pour le grand public, peu sensibilisé aux problématiques
énergie-climat. Ces trois fonctions apparaissent elles aussi comme très transversales :
-
Organisation et planification : le Plan Climat sera articulé aux différents documents
de planification urbaine. Le développement des transports en commun, l’élaboration et
l’application de la charte d’aménagement durable, l’intégration des problématiques
énergie-climat et le renforcement des trames vertes et bleue dans le futur PLU
intercommunal (PLUi), l’aménagement d’écoquartiers, la préservation des espaces
naturels et agricoles ainsi que de la biodiversité, la gestion responsable de l’eau, la
215
Afin de lutter contre le réchauffement climatique, l’Union Européenne, dans le cadre du paquet énergieclimat, a fixé à ses membres une obligation de réduire de 20% leurs émissions de GES, d’augmenter de 20% leur
efficacité énergétique et d’amener à 20% la part des énergies renouvelables dans leur consommation finale
d’énergie, d’ici à 2020. D’où le terme « 3x20 » qui désigne cette triple obligation.
216
Le facteur 4 désigne l’objectif de diviser par 4 les émissions de GES d’un territoire donné à l’horizon 2050.
69
valorisation de l’axe Garonne, la mise en œuvre d’un programme local de prévention
des déchets, etc. sont autant d’actions contribuant à une planification durable.
-
Services rendus aux habitants et solidarités : la lutte contre le réchauffement
climatique intègre une dimension humaine, aussi le PCET devra contribuer au
renforcement de la cohésion sociale via la lutte contre la précarité énergétique, la
production de logements sociaux durables, le conseil aux habitants pour les économies
d’énergie, le développement de circuits courts…
-
Responsabilisation et mobilisation : le Plan Climat doit contribuer à ce que chacun
se sente concerné par le réchauffement climatique. Pour ce faire, il promeut
l’éducation à l’environnement et au développement durable (EEDD), la multiplication
des formations, la mise en œuvre d’une évaluation citoyenne du Plan Climat, le
renforcement
des
Plans
de
Déplacements
Entreprises
et
Inter-Entreprises,
l’instauration d’une solidarité internationale en matière de lutte contre le changement
climatique, la création d’un fonds territorial de compensation climat, un programme
d’administration exemplaire pour Toulouse métropole et la Ville de Toulouse, etc.
Le PCET dépasse ainsi une approche sectorielle énergie-climat et permet d’instaurer un
véritable projet territorial de développement durable, mettant en cohérence les politiques
publiques et les différents instruments de planification. La vocation transversale et globale du
PCET transparaît clairement dans ses objectifs, fonctions et actions-phares. Un cadre de la
SEM Oppidea va même jusqu’à le qualifier d’« hypertransversal ». Au travers de cette
démarche, Toulouse métropole affirme nettement son rôle d’animateur territorial, en
instaurant des partenariats lorsque les actions programmées ne relèvent pas de sa compétence.
L’ambition globale qui sous-tend le PCET de Toulouse métropole le rend totalement
atypique, en comparaison avec d’autres démarches de ce type.
Pourquoi Toulouse métropole a-t-elle choisi la mise en place d’un Plan Climat pour
coordonner l’ensemble des actions qu’elle mène en matière de développement durable, alors
que ce document est traditionnellement plus sectoriel ? Pourquoi ne pas avoir préféré
directement la mise en place d’un Agenda 21 intercommunal ? L’explication semble être
avant tout conjoncturelle : l’ancienne équipe intercommunale du Grand Toulouse a lancé un
Agenda 21 en 2006, de manière volontaire217. Après l’arrivée du socialiste Pierre Cohen à la
217
L’Agenda 21 ne constitue pas un document obligatoire, il s’agit en effet d’une démarche volontaire.
70
tête de l’intercommunalité, en 2008, le choix a été fait de ne pas poursuivre cette démarche,
jugée trop lourde. Or, l’abandon de ce projet territorial de développement durable coïncide
avec la période du Grenelle de l’Environnement. Les lois Grenelle I et II promulguées en
2009 et 2010 fixent un cadre juridique pour l’instauration des PCET. Les collectivités locales
de plus de 50 000 habitants ont d’abord été incitées puis obligées d’élaborer et d’adopter ce
document pour le 31 décembre 2012, ce qui a motivé le choix du Grand Toulouse. La loi
Grenelle II précise que le PCET constitue le volet climat d’un éventuel projet territorial de
développement durable. L’Agenda 21 ayant été abandonné, c’est le Plan Climat qui a
constitué le projet territorial de développement durable du Grand Toulouse. Pourtant, en dépit
de leur nom, les PCET ne comportent pas véritablement de dimension territoriale dans les
textes de loi. Ils portent sur les compétences respectives des collectivités, alors que les
émissions de GES d’un territoire dépendent largement des comportements des acteurs
territoriaux218. Ce « manque » de la loi n’a pas empêché le Grand Toulouse d’élaborer son
PCET à la manière d’un Agenda 21 (co-construction du projet, diagnostic élargi, ateliers
thématiques regroupant plus de 1000 participants, livre blanc regroupant les propositions
issues de la concertation…) en traitant de thématiques larges : habitat, urbanisme, précarité,
participation citoyenne, etc. Cette démarche a donné lieu à un document très complet, en
comparaison à un PCET plus classique, presque à un « Agenda 21 Énergie-Climat ». Le
portage politique de Pierre Cohen, la concertation large menée autour du PCET ainsi que le
recours à un expert international de l’énergie-climat219 ont contribué au succès de la
démarche. La plupart des projets en cours, dont le RAUD, ont alors été rattachés au Plan
Climat, bénéficiant souvent d’un soutien accru des élus. Bien évidemment, le succès futur de
la démarche dépendra de son appropriation collective et du maintien de son portage politique
et technique, mais le caractère transversal et la vocation de coordination du PCET de
Toulouse métropole sont d’ores et déjà reconnus par les professionnels du territoire ayant
participé à son élaboration :
« …on ne peut pas travailler sur la question de l’urbanisme sans travailler en même temps sur celle du
logement, de l’emploi, de la précarité… Donc ces sujets sont forcément liés, et quand on les intègre à
218
Réseau Action Climat-France, « Les PCET dans le Grenelle », [En ligne], publié le 23/09/2010, consulté le
06/08/2013. URL: http://www.rac-f.org/Les-PCET-dans-le-Grenelle
219
Pour encadrer son Plan Climat, la CUTM a fait appel à Pierre Radanne, ancien directeur adjoint du cabinet de
Dominique Voynet, puis président de l’ADEME et de l’association 4D. Il a fondé le cabinet de conseil Futur
Facteur 4, est responsable de la commission énergie des Verts et participe également au think tank Terra Nova. Il
a publié plusieurs livres sur les thématiques énergie-climat et a participé aux négociations internationales sur le
climat.
71
une seule politique – le PLU par exemple – on peut peut-être passer à côté de problématiques qui sont
très liées. Le Plan Climat ou l’Agenda 21 ont cet avantage d’avoir une dimension plus transversale, qui
permet une approche croisée. »220
L’approche toulousaine présente donc une certaine originalité, dans la promotion d’un
document traditionnellement sectoriel en véritable démarche transversale et globale. Bien que
le Plan Climat constitue un effort significatif de coordination des actions au sein d’un projet
territorial partagé, il demeure impuissant à freiner des mouvements à l’œuvre depuis plusieurs
années, comme l’étalement urbain et le gaspillage des ressources.
3) Composer avec le résultat des politiques précédentes : inertie de la ville et
sentiers de dépendance
Les modes de développement urbain prédominants dans les années 1970 et 1980
continuent d’avoir des effets aujourd’hui, avec la poursuite de l’étalement urbain et malgré
une prise de conscience progressive des dégâts causés par le gaspillage des espaces et
l’hypermobilité. Les villes ont été pendant longtemps façonnées pour et par le véhicule
personnel, entraînant une dépendance à l’automobile, qui s’auto-renforce à mesure que la ville
continue de s’étendre. En effet, l’allongement des distances et la dé-densification ne
favorisent pas le développement de solutions alternatives à la voiture individuelle.
L’accroissement du trafic autoroutier donne lieu à des problèmes de congestion sur les axes
de circulation, entraînant la création de nouvelles infrastructures, de transports en commun
plus pratiques, etc. qui encouragent à nouveau l’éloignement des centres. Conjugué à un
phénomène de spéculation immobilière qui tend à éloigner toujours davantage les accédants à
la propriété des centres-villes, le précédent modèle continue de peser sur les trajectoires de
développement urbain actuelles. De plus, la recomposition de la ville est un phénomène
extrêmement lent, puisque seulement 1 % du bâti se renouvelle chaque année. Un phénomène
d’inertie de la ville existe donc bel et bien, dans le sens où « les évolutions des formes
urbaines sont lentes et s’infléchissent difficilement »221.
220
221
Consultante en développement durable, entretien, 05/12/2012
GOUIN Thierry (dir.), Mobilité et inertie de la ville, CERTU, Collection Essentiel, août 2012, n°5, p.6.
72
L’inertie est bien visible à Toulouse, où les choix du passé pèsent lourdement.
Contrairement à d’autres villes françaises, Toulouse n’a pas rencontré d’obstacles
géographiques ou de limites à son étalement urbain, ce qui a permis à la ville de s’étendre
librement en se dé-densifiant. Cette périurbanisation débridée se poursuit encore aujourd’hui,
bien que ses effets néfastes aient été mis en évidence : « En deuxième couronne on bat des
records de lotissements à tout va, enfin très classique comme dans les années quatre-vingt.
Ça s’est vite reporté sur les communes suivantes qui n’étaient pas préparées ni équipées, les
voiries n’étaient pas adaptées… Donc on s’est vite posé des questions. »222. La prise de
conscience de ces impacts lourds a entraîné une volonté de réagir, mais l’inflexion des modes
de développement prendra un certain temps. Même dans l’hypothèse où les pratiques
évolueraient vite et où l’étalement urbain cesserait soudainement, que ferait-on de tous les
lotissements construits ces quarante dernières années, qui constituent l’écrasante majorité de
la production de logements en France et dans l’aire urbaine toulousaine ? Les héritages
urbains sont lourds, et la modification des formes de la ville ne s’envisage que sur du long
terme. Ceci d’autant plus que le développement périurbain continue d’être encouragé par une
multitude de facteurs : spéculation immobilière, grandes infrastructures routières, aides
publiques et incitations fiscales, souhait d’accession à la propriété… D’autres trajectoires
continuent d’avoir un impact significatif aujourd’hui, comme l’absence prolongée de maîtrise
foncière. « Pour le logement social, il y a un manque évident de maîtrise foncière depuis 20
ans, donc c’est impossible de faire du logement social à bas prix. »223
Ce phénomène d’inertie de la ville n’est pas sans rappeler la théorie de la dépendance au
sentier (ou dépendance au chemin emprunté)224. Cette notion, originellement mobilisée en
économie pour expliquer le phénomène de rendements croissants225 ou d’auto-renforcement, a
été théorisée en sciences politiques par le néo-institutionnaliste Pierson226. La théorie de la
dépendance au sentier montre que changer de solution pour une autre est de plus en plus cher
à mesure que le temps passe. Deux conceptions coexistent. La conception large consiste à dire
que ce qui s’est produit dans le passé aura une influence sur tous les évènements qui
222
Cadre de l’ADEME, entretien, 30/04/2013.
Urbaniste, entretien, 11/04/2013.
224
Traduction de l’anglais path dependence.
225
En économie, il y a rendements croissants lorsqu’une entreprise fait des économies d’échelle : c’est-à-dire
que plus elle produit et plus son coût de production moyen est faible.
226
PIERSON Paul, « Increasing returns, path dependence and the study of politics », The American Political
Science Review, juin 2000, Vol. 94, No. 2, p. 251-267.
223
73
s’enchaînent par la suite. Une conception plus étroite existe, donnée par Levi en 1997 et
rappelée par Pierson : une fois engagé dans une voie, les coûts de changement sont élevés, car
chaque décision conforte la précédente et le choix d’un autre chemin est de plus en plus
difficile. Dans son article, Pierson retient ainsi la définition suivante : la dépendance au
sentier est un processus social qui présente des rendements croissants, ou processus autorenforçant.
Ce concept nous paraît particulièrement approprié pour caractériser le développement
urbain, dans la mesure où les choix passés ont clairement une incidence sur ceux qui suivront.
Le développement urbain mobilise des structures lourdes (voirie, réseaux, équipements
publics, transports…) qui impactent nécessairement l’aménagement des territoires alentours.
Privilégier telle ou telle infrastructure de transport a un impact significatif sur la structuration
du réseau et le développement des quartiers proches. Ceci explique pourquoi le choix d’un
mode de développement urbain a un impact majeur dans le temps : « Sur un territoire comme
Toulouse, les transports en commun ne sont pas encore assez développés pour estimer que la
voiture n’a plus sa place. Ce serait une ineptie, ce serait condamner des gens à faire 4h de
transports en commun par jour, ce n’est pas rationnel. »227.
Pierson énonce quatre aspects de la politique qui la rendent particulièrement dépendante
au sentier emprunté : la prévalence de l’action collective, la densité institutionnelle de la
politique, la possibilité d’utiliser l’autorité politique pour augmenter les asymétries de
pouvoir, la complexité et l’opacité inhérente à l’action politique ; et deux obstacles : la
logique de court terme des acteurs politiques et la préférence pour le statu quo des
institutions. Certains de ces aspects caractérisent en effet les politiques publiques de
développement urbain. Elles n’échappent pas à la logique des cycles électoraux : les élus
préfèrent prendre une décision ayant des effets positifs immédiats et ont moins de
considération pour le long terme. Une fois engagés dans une voie, il leur est de plus en plus
difficile de changer de voie en raison de la path dependence, d’autant plus qu’ils n’en
connaîtraient que les coûts et que les bénéfices profiteraient à d’autres, plus loin dans le
temps. Ainsi, quel serait l’intérêt d’un élu d’engager une vaste politique de développement
urbain durable, sachant que celle-ci aura un coût initial élevé, aussi bien financier qu’en
termes d’apprentissage de nouveaux savoirs et méthodes, et que les bénéfices n’apparaîtront
227
Cadre de la SEM Oppidea, Entretien, 11/12/2012.
74
qu’à très long terme ? L’incertitude est grande en politique : les bénéfices risqueraient de
profiter au camp rival. Ainsi, l’incertitude qui entoure l’issue des municipales de 2014 à
Toulouse dissuade l’équipe en place de réformer en profondeur les modes de production de
l’urbain. La mairie qui a basculé à gauche en 2008 pourrait tout aussi bien être reconquise par
la droite. De plus, le développement durable est particulièrement sujet à résistances, dans la
mesure où la problématique initiale – le changement climatique – est globale : l’effort doit
être collectif, ou les résultats ne suivront pas. L’immobilisme des uns peut ainsi dissuader les
autres de faire des efforts, puisqu’ils n’en tireront finalement aucun bénéfice. Quel est l’intérêt
des uns à s’engager si les autres se comportent comme des passagers clandestins ? L’action en
matière d’aménagement comme de développement durable dépend d’une pluralité d’acteurs :
basculer vers l’urbanisme durable implique une mobilisation d’ampleur, des acteurs politiques
mais aussi des professionnels du secteur et des secteurs proches, des citoyens, etc. L’action
collective est longue à mettre en place, car elle nécessite de la sensibilisation, des
apprentissages et de la mobilisation. Or, en l’absence de lien direct entre efforts et effets, rien
n’encourage les acteurs à modifier leurs pratiques, d’où une certaine lenteur dans l’inflexion
des trajectoires de développement urbain comme des comportements quotidiens. Ce
phénomène est accentué par le fait que le changement climatique, l’épuisement des ressources
ou les effets de la pollution sur la santé apparaissent comme des horizons lointains, dont les
effets ne se ressentiront que dans plusieurs dizaines d’années. Le résultat de politiques
publiques de développement urbain durable ne sera visible qu’à long terme, ce qui
n’encourage nullement leur mise en place.
Ces obstacles que nous venons de mettre en lumière ont une incidence sur la conduite du
changement : en dépit de la très large communication faite sur les écoquartiers et le Plan
Climat, on constate que le développement urbain de Toulouse métropole n’est encore que
superficiellement impacté par ces réalisations.
4) Un territoire qui intègre progressivement le développement durable
Il serait faux de croire que seules des intentions louables motivent le lancement de projets
d’écoquartiers : notre revue de la littérature scientifique en première partie exclut d’ailleurs
toute naïveté à ce sujet. L’écoquartier, en dépit de ses apports, a avant tout une fonction
75
d’affichage : il a notamment conféré une reconnaissance aux élus et une image moderne au
Grand Toulouse, jeune communauté d’agglomération. Andromède devait être emblématique
afin de conférer une légitimité à ce nouvel échelon décisionnel intercommunal228. L’existence
de ces motivations nous amène à nous interroger sur les limites du projet urbain
métropolitain.
a) Les écoquartiers sont-ils aussi vertueux qu’ils le prétendent ?
Quelques critiques adressées à Andromède
Pierre Samson de Friture Mag qualifie Andromède de « corons verts », dénonçant
l’influence d’Airbus sur le développement du quartier et la colonisation de celui-ci par des
couples d’ingénieurs. Il n’y voit qu’une succession de bâtiments BBC (devenus la norme avec
la RT 2012) au détriment de l’audace : seul un îlot expérimente les panneaux solaires, les
autres n’amenant que très peu d’innovation à Toulouse métropole229.
Le succès d’Andromède est en effet plus mitigé que ne le laissent penser les acteurs que
nous avons rencontrés. Nos entretiens nous ont amené à rencontrer presque exclusivement des
personnalités optimistes et pro-écoquartiers : cet effet d’échantillon est à garder à l’esprit car
il constitue l’une des limites de notre travail. Des informations contradictoires circulent
pourtant sur Andromède : si en toute logique la collectivité et ses partenaires vantent les
mérites et l’exemplarité du quartier, des difficultés de commercialisation de bureaux ou de
grands logements ont été rapportées à plusieurs reprises en 2009-2010, notamment par La
Dépêche230. Ces problèmes semblent toutefois s’être résolus d’eux-mêmes avec l’amélioration
de la conjoncture, comme en témoignent les bilans 2011 et 2012 de l’Observatoire toulousain
de l’immobilier d’entreprise231.
228
FERGUSON Yann, « Les conditions de gouvernabilité du développement urbain durable ». op. cit., p.351
Voir : http://www.frituremag.info/Les-chroniques/Portfolio/Andromede-les-corons-verts.html
230
Voir :
http://www.ladepeche.fr/article/2011/01/28/1025261-otie-immobilier-d-entreprise-une-anneecontrastee.html
http://www.ladepeche.fr/article/2009/12/04/746847-bureaux-offre-excedentaire-dans-l-ouest-toulousain.html,
http://www.ladepeche.fr/article/2009/09/15/672544-andromede-le-succes-des-petits-logements.html
231
Voir les bilans 2011 et 2012 publiés sur le site de l’AUAT, respectivement intitulés « À Toulouse, le marché
d’immobilier d’entreprise conforte son dynamisme » et « Le marché toulousain d’immobilier d’entreprise
toujours performant » : http://lib.auat-toulouse.org/spip/IMG/pdf/4p-otie_bilan11.pdf et http://www.auatoulouse.org/IMG/pdf/4p-otie_bilan2012-2.pdf
229
76
Dans son mémoire sur la ville durable, Fanny Ribes232 rapportait les critiques de plusieurs
architectes toulousains : outre ces problèmes de commercialisation, ils déploraient que les
constructions à Andromède ne soient pas tellement écologiques, et surtout, qu’en dehors d’un
quota minimum de 20 % de logements sociaux, la dimension sociale de l’écoquartier ait été
évacuée (faible concertation, résidences fermées…) Ils dénonçaient aussi la faible densité des
constructions à Andromède, une architecture basique et une mauvaise intégration du quartier
dans le tissu urbain. Cette dernière critique est à mettre en parallèle avec des propos que nous
avons pu recueillir, plus nuancés :
« Pour l’instant c’est compliqué de savoir, dans ce quartier ce n’est pas fini, il manque les commerces,
les espaces verts sont magnifiques mais pas encore entourés de bâtiments comme prévu… Les gens
pour l’instant ont un peu l’impression d’être dans un no man’s land. Pour l’instant il y a un grand espace
vert et au bout le tramway qui passe tout seul. C’est vrai qu’il y a une impression de vide, en plus les
arbres n’ont pas encore poussé. »233
Globalement, la virulence des critiques restituées par Fanny Ribes dans son mémoire
n’ont d’égal que les louanges que nous avons pu recueillir au cours de notre travail. Il
semblerait donc que les écoquartiers divisent fortement, autant chez les acteurs de terrain que
chez les chercheurs en sciences sociales. D’une part, nous trouvons les pro-écoquartiers,
généralement optimistes, qui travaillent souvent sur ces projets et sont conscients de leurs
limites, mais disposés à les occulter pour en tirer le meilleur pour la ville durable. D’autre
part, les anti-écoquartiers s’opposent frontalement à ces projets, craignant par-dessus tout
qu’ils permettent aux acteurs politiques de se décharger de responsabilités essentielles par un
effet de diversion. Les écoquartiers, en dépit d’apports certains, ne sont de toute évidence pas
des réalisations parfaites ni même exemplaires.
b) Des phénomènes de résistance au changement
Les réalisations que l’on peut observer à Toulouse métropole ont certainement contribué
à faire évoluer l’approche de l’urbanisme, mais ce mouvement n’est pas encore généralisé.
Certaines réticences à modifier des pratiques ancrées depuis longtemps peuvent être
observées. Intégrer de nouveaux outils ne pose pas de difficultés majeures aux professionnels,
mais changer d’approche globale s’avère être un exercice bien plus difficile :
232
RIBES Fanny, La notion de « ville durable » appliquée à l’agglomération toulousaine : une réalité ?,
mémoire de recherche sous la direction de J. Weisbein, Institut d’Études Politiques de Toulouse, 2011, p.96.
233
Consultante en développement durable, entretien, 05/12/2012.
77
« Certains collègues ont modifié leurs pratiques avec le développement durable, mais c’est une addition
de principe, par exemple de dispositifs comme la HQE. Ce sont des ajouts mais ça ne fait pas un tout.
On a l’impression qu’on additionne des contraintes, sans faire plus simple, ou plus économe, sans
prendre en compte tous les problèmes dans un même dispositif. Certains collègues ont du mal à changer
de démarche et de manière d’aménager. »234
La remise en question demande un changement radical, qui rencontre beaucoup
d’obstacles car il implique d’abandonner tous les avantages acquis dans une autre voie,
(savoirs, savoir-faire, relations, agencements institutionnels, infrastructures…). Ceci est
d’autant plus difficile que l’urbanisme durable n’a été initié ni par les professionnels du
secteur ni par les élus. Adopter une démarche d’urbanisme durable induit un long et fastidieux
processus d’apprentissage : certains acteurs peuvent juger préférable de modifier leurs
pratiques à la marge, en additionnant de nouveaux savoirs et savoir-faire à ceux qu’ils
détiennent déjà, dans une logique incrémentale et non de remise en cause de leurs pratiques.
Ce choix apparaît comme rationnel, compte-tenu de la path dependence.
Selon Ferguson, les méthodes introduites par les experts missionnés sur Andromède ont
permis de redéfinir le rôle des services techniques des collectivités, pour qui l’approche
transversale du développement durable était nouvelle. Ces méthodes ont pu être contestées
par les différents services municipaux, qui les percevaient comme contraire à leur logique de
fonctionnement :
« La production se réalise traditionnellement selon une logique d’accumulation d’actes des différents
services, soumis aux routines gestionnaires. (…) Ce pilotage par la juxtaposition stigmatise des services
soucieux de rendre visible leur action dans un rapport d’activité qui justifie leurs attributions. Cela les
amène à freiner les dispositifs de coopération inter service qui diluerait leur participation et surtout à
limiter l’émergence de chefs de projet. »235
La complexité de l’écoquartier, demandant une approche transversale, a bousculé les
pratiques toulousaines « …marquées par une tradition de régie directe par le biais des
services techniques en constante inflation. »236, qui privilégiaient donc des approches
sectorielles et centralisées par la collectivité.
L’exemple des remaniements d’organigramme montre aussi les difficultés des
collectivités à intégrer le fonctionnement en transversalité. La Direction Développement
durable et Écologie Urbaine (qui comprend notamment les services Pilotage du Plan Climat et
234
Urbaniste, entretien, 11/04/2013.
FERGUSON Yann, « Les conditions de gouvernabilité du développement urbain durable ». op. cit., p.355
236
FERGUSON Yann, Ibid., p.354.
235
78
Appui à la ville durable) de Toulouse métropole est rattachée à la Direction Générale Adjointe
Développement Urbain et Durable. Elle n’est donc pas directement placée sous la Direction
Générale des Services, ce qui lui conférerait davantage de légitimité et de marge de manœuvre
pour agir en transversalité. Ce maintien dans une configuration classique et sectorielle
témoigne de la difficulté pour les collectivités de remettre en cause leurs modes de
fonctionnement ordinaires. Il faut toutefois reconnaître la difficulté de réorganiser un
organigramme en fonction du développement durable, celui-ci pouvant être intégré dans un
grand nombre de secteurs traditionnels : « La difficulté à saisir le développement durable
urbain par une seule entrée s’exprime clairement et par conséquent celle à mesurer sa
diffusion et son objectivation dans les appareils administratifs : des approches sectorielles
demeurent, voire sont volontairement posées (…). »237.
Ainsi, l’habitude d’une réflexion préalable globale et transversale, et l’urbanisme de
projet sont en cours d’ancrage. Les préceptes de l’urbanisme durable sont effectivement
appliqués sur le territoire, mais de manière sporadique, de sorte à ce que les effets soient
parfois contre-productifs :
« On ne travaille pas assez le projet urbain, on met en pâture un foncier souvent de maisons
individuelles où on va balancer des immeubles collectifs. La réflexion n’est pas assez préalable d’où des
violences assez fortes faites à certains quartiers, auxquels on impose trop de densification. Je pense à La
Salade, ou autour de Borderouge, etc. Donc on ne se donne pas suffisamment les moyens d’une
réflexion urbaine avant de livrer les quartiers aux promoteurs. On les accuse de tous les maux, mais le
laissez-faire, c’est politique. Le règlement PLU ne règle pas tout, ce n’est qu’une addition de règles, il
n’y a pas de projet urbain. (…) Le PADD est trop vague.»238
Interrogé sur les principaux freins à l’avènement d’une ville durable, cet urbaniste
mentionne : « la non-réflexion à l’échelle des quartiers, le manque de moyens fournis à des
professionnels inventifs et la maitrise foncière qui n’a pas été faite. » (Idem).
D’autres acteurs de Toulouse au contraire portent une vision plus optimiste des
changements à l’œuvre dans les pratiques d’urbanisme :
« Je trouve que depuis plusieurs années il y a beaucoup de pratiques qui se développent dans le bon
sens : notamment ne pas hésiter faire des études en amont, de prendre le temps, de faire appel à des
professionnels, pour aller vraiment au fond des choses. »239
237
HAMMAN Philippe, Sociologie urbaine et développement durable, op. cit., p.74
Urbaniste, Entretien, 11/04/2013.
239
Consultante, Entretien, 05/12/2012.
238
79
Nos entretiens n’ont probablement pas été assez nombreux pour permettre de recueillir
des avis très diversifiés, qui refléteraient fidèlement les réalisations sur le territoire de
Toulouse métropole ainsi que les marges de progrès pour un développement urbain durable.
Notre échantillon nous permettra seulement de constater que certains changements sont à
l’œuvre, sans qu’ils infléchissent véritablement le développement urbain pour l’instant. C’est
ce que l’on peut constater en s’intéressant au renouvellement urbain sur le territoire.
c) Le renouvellement urbain, un levier d’action progressivement investi
par le développement durable
Certains projets de rénovation urbaine font l’objet d’effets d’annonce. Ainsi, le quartier
Les Izards-Trois Cocus, affiché comme un écoquartier, n’est finalement qu’une opération de
renouvellement urbain classique de l’aveu-même des agents en interne :
« …les Izards sont loin d’être un écoquartier, ça reste une opération de renouvellement urbain. C’est
une opération durable d’aménagement qui tient compte de ces éléments-là, certes, mais ce n’est pas non
plus le rôle du chef de projet des Izards de le porter comme tel. »240
Nous avons pu noter dans la première partie à quel point un renouvellement urbain
durable participerait d’une réduction des inégalités sociales et écologiques, en pleine
explosion. Or, Toulouse (à l’instar de la plupart des autres villes françaises) a accumulé un
certain retard dans la production de logements sociaux : elle a fourni et continue de fournir un
effort important afin de rattraper ce retard.
« Aujourd’hui pour rattraper ce retard, la collectivité qui a la compétence pour imposer des chiffres à
l’échelle de toutes les opérations a mis les bouchées doubles, c’est pourquoi on arrive à des seuils de
30 % dans certains quartiers. Je pense que l’ambition est clairement là, elle est farouchement affichée, il
y a tout un tas de mesures pour contrôler et vérifier le respect des objectifs imposés à l’échelle du
territoire. À mon sens, à l’échelle de la ville, c’est récent, là aussi ça date de 2008. En quatre ans on ne
fait pas la révolution sur un territoire. Je pense que l’inflexion est clairement donnée et que l’ambition
est réelle. »241
L’accent qui a été mis sur la construction de logements sociaux et notamment les seuils
élevés qui ont été fixés dans les écoquartiers (35 % d’habitat social à la Cartoucherie) ont
offert à des populations moins favorisées la possibilité d’accéder à un logement de qualité,
notamment sur le plan environnemental.
240
241
Agent de la CUTM, entretien, 30/07/2013.
Cadre de la SEM Oppidea, entretien, 11/12/2012.
80
Si la thématique des inégalités environnementales n’est pas mentionnée en ces termes, ni
dans le RAUD ni dans le Plan Climat, ces enjeux sont par exemple abordés à travers la
recherche d’une mixité sociale dans les opérations d’aménagement urbain durable (cible 8 du
RAUD) ou dans la lutte contre la précarité énergétique chez les personnes les plus modestes
(cible 3 du Plan Climat), dans le privé ou dans les opérations menées par la collectivité.
De plus, Toulouse métropole conduit plusieurs projets de rénovation urbaine,
conformément aux orientations inscrites dans son PLH (renouvellement urbain dans l’habitat
social / dans les quartiers anciens). On constatera que les enjeux ne sont pas les mêmes d’un
lieu à l’autre : le centre historique est un espace stratégique pour le renouvellement urbain, de
par son rôle de vitrine touristique et économique, tandis que dans les espaces périphériques, la
priorité est de désenclaver des quartiers rassemblant souvent les populations défavorisées242.
Ainsi, un plan de rénovation du centre-ville de Toulouse a été engagé : les espaces publics y
seront réaménagés afin de conférer une plus grande attractivité au centre-ville. Mise en valeur
du patrimoine, de la Garonne et des canaux, réduction des conflits d’usage sur les voies de
circulation et diminution de la place de la voiture, cohérence et lisibilité du centre,
renforcement de la présence de végétaux, amélioration de la performance énergétique de
l’éclairage public… sont autant d’objectifs poursuivis dans le cadre de cette opération. Le
Grand Projet de Ville (GPV) constitue un autre volet de la rénovation urbaine à Toulouse, et
concerne les quartiers de grands ensembles que sont La Reynerie, Bellefontaine, Empalot et
Bagatelle – La Faourette – Papus – Tabar – Bordelongue. Le GPV vise à désenclaver ces
quartiers par plusieurs interventions : ouverture sur les quartiers environnants, amélioration de
la lisibilité des voies de circulation, réhabilitation et rénovation afin de proposer des
logements adaptés aux habitants comme aux nouveaux arrivants, réinstauration de mixité
sociale et fonctionnelle dans les quartiers, amélioration des espaces publics, aménagements
piétons et paysagers… Ces mesures visent à enrayer le déclassement de ces quartiers et à
améliorer la qualité de vie de leurs habitants, afin qu’à terme ils se réinscrivent dans la
dynamique de développement de Toulouse métropole. À échelle nationale, les conventions
ANRU qui fixent un cadre à ces opérations de rénovation urbaine ont fait l’objet de critiques
nombreuses : lacunes en matière de diagnostic des territoires, manque de stratégie à long
242
DIND Jean-Philippe, THOMANN Marianne, BONARD Yves, « Structures de la ville, quartiers durables et
projet urbain : quelles articulations ? » op. cit., p.73-74.
81
terme, absence de concertation avec les habitants243… Certaines critiques s’expriment aussi
sur le territoire : « Quand on intervient dans un quartier existant il faut travailler avec les
habitants et non pas contre eux. Il ne faut pas les prendre pour des idiots. »244.
Le GPV a le mérite de proposer des interventions pour résorber la ségrégation sociospatiale dans la ville, qui constituent des améliorations au regard de la situation initiale, y
compris sur le plan environnemental. Toutefois, on remarquera que les objectifs prioritaires
sont surtout sociaux, même si des objectifs écologiques sont sous-jacents ou progressivement
intégrés. Dans la logique du GPV, il s’agit plus de redonner aux quartiers déclassés une
attractivité résidentielle, que de les intégrer dans un projet de développement durable.
Toutefois, ces logiques changent grâce aux actions programmées dans le Plan Climat et
devraient également être impactées par la parution du RAUD (s’il venait à paraître, nous y
reviendrons).
Ainsi, la rénovation urbaine à Toulouse se fait avant tout dans l’objectif de conférer plus
d’attractivité au centre-ville ou de déstigmatiser des quartiers, même si des préoccupations
écologiques apparaissent. Le renouvellement urbain durable, qui constitue comme nous
l’avons montré en première partie un enjeu majeur de la ville durable, s’affirme
progressivement : la diffusion des savoirs capitalisés dans le RAUD aux opérations de
renouvellement urbain revêt donc une importance particulière. Elle permettra d’inscrire ces
opérations dans un objectif de développement durable en renouvelant les méthodes et les
outils de la rénovation urbaine, l’important étant de traiter et de hiérarchiser toutes les
questions, qu’elles soient sociales, économiques, environnementales… Toutefois, la parution
du RAUD est compromise, ce qui nous rappelle combien le portage politique du
développement urbain durable est essentiel pour conduire un changement global.
243
CHARLOT-VALDIEU Catherine et OUTREQUIN Philippe, L’urbanisme durable. Concevoir un
écoquartier. op. cit., p.62-63.
244
Urbaniste, entretien, 11/04/2013.
82
II – La volonté politique, condition sine qua none du développement urbain
durable
La ville durable n’est pas épargnée par les contradictions et les obstacles, comme nous
avons pu le noter tout au long de ce travail. Si des réalisations sont observables dans le tissu
urbain de Toulouse métropole, les ambitions sont plus limitées dans le projet global. Les élus
semblent conscients de ce qu’il y a à faire, mais leur marge de manœuvre est réduite dans une
agglomération en croissance constante et dont l’organisation spatiale héritée du passé cause
de sérieux problèmes aujourd'hui. Le premier constat qui s’impose, et qui déborde par ailleurs
largement les problématiques spécifiques au territoire toulousain, est l’existence d’un
contexte de crise, à la fois politique, économique, sociale, écologique et climatique.
1) Un contexte de crise économique et politique
La dimension économique constitue le premier frein à la concrétisation d’ambitions
relatives au développement durable : « Maintenant on passe dans la mise en œuvre et ça
devient plus compliqué. On s’aperçoit que la situation politique, économique ne nous est pas
favorable. L’austérité budgétaire est un souci pour mettre en œuvre des actions du PCET à la
hauteur des ambitions initiales. »245. En effet, les obstacles s’additionnent : les collectivités
agissent sous de fortes contraintes budgétaires (les dotations de l’Etat comme les recettes
locales allant en s’amenuisant) et les professionnels s’inquiètent de la rentabilité de leurs
projets. Les promoteurs doivent en effet composer avec une triple injonction : « …produire de
grands logements, performant sur le plan écologique et à un faible coût de sortie. »
246
.
Comme l’explique Ferguson, ces objectifs sont difficiles à satisfaire dans un contexte
financier aussi problématique, ce qui contribue à faire de la définition du développement
urbain durable une définition totalement contingente, à toutes les étapes du projet
(élaboration, réalisation, usage), selon les configurations et les rapports de force. Ainsi, à
Andromède, les difficultés économiques ont fait revoir certaines ambitions à la baisse. La
crise économique a partir de 2008 a entraîné une renégociation du projet par les promoteurs,
245
246
Agent de la CUTM, entretien, 29/11/2012
FERGUSON Yann, « Les conditions de gouvernabilité du développement urbain durable ». op. cit., p.359.
83
qui a abouti à la disparition des toitures végétalisées, des parkings souterrains et des
appartements de grande taille destinés aux familles. Les maîtres d’ouvrages sont obligés
d’assouplir les contraintes initiales car les promoteurs menacent de se retirer247 :
« On sent que la crise a peut-être un peu mis le couvercle sur l’ambition environnementale. Ça devient
très compliqué de vendre : est-ce qu’il ne faudrait pas revoir la copie et être un peu plus souple sur
certains aspects ? (…) J’ai le sentiment qu’en pluie ça a permis à un peu tout le monde de ralentir ou
d’arrêter. »248
Les collectivités manquent-elles aujourd'hui d’ambition dans la mise en œuvre de leurs
objectifs de durabilité ? Elles disposent en effet d’outils incitatifs mais aussi contraignants,
notamment « les partenariats public/privé, la réorientation de la fiscalité et l’écoconditionnalité »249. La difficulté pour tous les acteurs reste de passer d’une logique de court
terme à un raisonnement en coût global, les surcoûts générés par la qualité environnementale
étant compensés par des économies significatives à long terme. De plus, la valeur créée par
ces investissements ne se mesure pas uniquement de manière monétaire : elle peut également
être sociale ou écologique250.
Politiquement, on constate en France l’essoufflement de la dynamique lancée par le
Grenelle de l’Environnement. L’après-2008 s’était en effet caractérisé par la parution de
textes de lois, d’appels à projets, la multiplication des initiatives locales durables… Les
services de Toulouse métropole ressentent aujourd'hui un ralentissement de cet élan, malgré la
parution de la grille de référence EcoQuartiers à la fin de l’année 2012.
Plus globalement, la crise mondiale à l’œuvre ne semble pas mener à une remise en cause
d’un modèle économique fondé sur une croissance infinie dans un monde fini, ni constituer
une opportunité pour une transition écologique et économique volontariste. La crise accapare
ainsi la quasi-totalité de l’action politique, soucieuse d’économies budgétaires et de
croissance, laissant peu de place à des réformes d’ampleur pourtant nécessaires à un
développement durable de nos sociétés. Les cadres réglementaires, politiques et fiscaux
247
FERGUSON Yann, Ibid.
Cadre de la SEM Oppidea, entretien, 11/12/2012.
249
EMELIANOFF Cyria, « La ville durable : l'hypothèse d'un tournant urbanistique en Europe », op. cit., p.57.
250
PUCA, « Concevoir un éco-quartier », Premier Plan, n°16, janvier-juin 2008.
248
84
restent inadaptés pour la mise en œuvre du développement durable, comme en témoigne la
poursuite de l’étalement urbain, encouragée par de nombreux dispositifs251.
Cette double contrainte politique et économique/budgétaire n’encourage pas des élus
locaux à s’inscrire dans une action à contre-courant, d’autant plus que les logiques électorales
les incitent fortement à envisager leurs actions à court terme.
2) Des logiques électorales qui demeurent prégnantes
Bernié-Boissard et Chevalier, dans une étude des agglomérations de Nîmes et
Montpellier, démontrent que même si les réunions de préparation des SCoT ou des PADD
constituent des lieux d’apprentissage et de prise de conscience pour les élus, la logique
électorale reste souvent plus influente. Par exemple, si tout le monde s’accorde sur les besoins
en logements sociaux, beaucoup d’élus préfèrent malgré tout respecter la défense de l’entresoi dans les beaux quartiers, afin de satisfaire aux attentes de leur électorat252. À Athènes, un
très grand attachement à la voiture individuelle et une faible conscience écologique ont
dissuadé les dirigeants d’instaurer une véritable politique de développement durable, et les
mesures visant à une ville plus durable ne constituent que des ajustements à la marge253.
« …les élus auraient fléchi sous la complexité croissante de la production urbaine et
hésiteraient à prendre des décisions responsables mais impopulaires (densifier, pénaliser
l’usage de la voiture, piétonniser les centres, etc.) »254.
En effet, l’objectif principal des élus en exercice est d’être réélus : leur référence est
l’élection qui vient limiter le mandat et le renouveler, ce qui constitue « un principe
d’incertitude démocratique »255. L’homme politique inscrit donc son action dans le temps du
251
EMELIANOFF Cyria, « La ville durable : l'hypothèse d'un tournant urbanistique en Europe », op. cit., p.57.
BERNIÉ-BOISSARD Catherine et CHEVALIER Dominique, « Développement durable : discours
consensuels et pratiques discordantes. Montpellier et Nîmes. » op. cit., p.50.
253
POMONTI Vannina, « Politiques urbaines et mobilité durable : analyse comparée d’Athènes et Amsterdam »,
Écologie et politique, 2004/2, n°29.
254
FERGUSON Yann, « Les conditions de gouvernabilité du développement urbain durable ». op. cit., p.345.
255
MARREL Guillaume, PAYRE Renaud. « Temporalités électorales et temporalités décisionnelles. Du rapport
au temps des élus à une sociologie des leaderships spatio-temporels. » Pôle Sud, 2006, N°25, p.80.
252
85
mandat, en tension entre le temps de l’acteur public (réalisation du programme, priorisation
des enjeux à l’agenda, planification et efficacité) et celui de l’entrepreneur politique (lutte
contre l’incertitude). Ainsi, « le rapport au temps des élus est avant tout un rapport
d'insécurité »256. L’agenda décisionnel et le calendrier électoral s’opposent en permanence :
« L'une des principales dimensions du métier d'élu, c'est donc bien cette articulation des
contraintes et des opportunités temporelles électives et décisionnelles au profit d'une stabilité
personnelle. »257. Le désir de sécuriser leur situation en se faisant réélire pousse donc les élus
à agir de telle ou telle manière, souvent dans une logique de court terme, puisque le temps du
mandat est un temps court. Le mandat électoral rythme l’action : la première année est
généralement consacrée à la réflexion et à l’élaboration de projets et la dernière année, à
préparer le terrain pour une éventuelle réélection. La réglementation stricte qui encadre la
communication en période pré-électorale et électorale dissuade les élus d’engager des actions
qui ne s’inscriraient pas dans leur activité « normale » et pourrait être perçue comme de la
publicité abusive à des fins électoralistes258. Dès lors, il ne reste plus beaucoup de « fenêtres
d’opportunités » pour des projets d’envergure. Ainsi, la contradiction majeure de la ville
durable se situe au niveau de l’articulation d’un projet global et de long terme avec le temps
d’un mandat électoral. La brièveté du mandat n’incite pas à un élu à prendre le risque
d’engager un programme ambitieux, dont ses électeurs ne verraient pas les bénéfices directs,
mais en supporteraient les coûts259, ce qui relève aussi d’une dépendance au sentier. Un
problème récurrent se pose en effet dans tout projet qui se veut durable : le décalage dans le
temps entre l’investissement et les bénéfices260. La difficile intégration du long terme renvoie
aussi au problème économique de l’actualisation261, qui se heurte à la « préférence pour le
présent » des individus.
Directement dépendants des agendas politiques, les échéanciers des administrations,
compressés et pressurisés, ne sont pas toujours compatibles avec une approche durable de
l’urbanisme. Celle-ci requiert de prendre le temps nécessaire à la qualité des projets : or, les
256
MARREL Guillaume, PAYRE Renaud, Ibid., p.82.
MARREL Guillaume, PAYRE Renaud, Ibid., p.83.
258
En effet, le Code électoral interdit toute aide des collectivités territoriales à la campagne d’un candidat, un an
avant le mois des élections. La communication des collectivités est donc extrêmement restreinte depuis mars
2013. Pour plus d’informations, voir : http://www.courrierdesmaires.fr/8755/
259
THEYS Jacques et EMELIANOFF Cyria, « Les contradictions de la ville durable », op. cit., p.133.
260
DIND Jean-Philippe, THOMANN Marianne, BONARD Yves, « Structures de la ville, quartiers durables et
projet urbain : quelles articulations ? » op. cit., p.70.
261
HAMMAN Philippe, Sociologie urbaine et développement durable, op. cit.
257
86
services de Toulouse métropole ressentent et déplorent ces contraintes temporelles qui les
empêchent parfois de pousser la réflexion aussi loin qu’ils le souhaiteraient.
Cette inadéquation entre le temps électoral et le temps du territoire a poussé les élus de
Toulouse métropole à instaurer une instance de discussion avec les chefs d’entreprises
toulousains afin de bénéficier de leur point de vue et d’harmoniser les décisions :
« …les élus ont devant eux un mandat, deux mandats dans le meilleur des cas, ça fait une décennie
maximum. Alors que quand Airbus implante son siège à Blagnac comme il est en train de le faire, il
l’implante pour le demi-siècle. Quand EDF refait des réseaux, c’est au moins pour 25 ans. On n’a pas le
même rapport au temps. Donc on a un espace de dialogue pour que tout se cale entre les contraintes des
élus, les visions du territoire, les contraintes de l’entreprise et puis les visions que ces entreprises portent
sur le territoire.»262
Ce contexte ne facilite pas le portage politique du développement durable. Les incitations
et les contraintes instaurées ces dernières années ont certes majoritairement contribué à la
mise en place de projets et d’actions par les collectivités. Pour autant, ceux-ci n’auraient pu se
réaliser sans un certain portage politique, même si celui-ci fait parfois défaut à des moments
inattendus, comme l’ont appris à leurs dépens les services de Toulouse métropole.
3) Un déficit de portage politique ?
Si le développement urbain durable se diffuse initialement à partir de savoirs techniques,
c’est le politique qui permet sa mise en œuvre. Seuls les élus ont le pouvoir de porter le
développement durable à l’agenda politique263. Ce couple volonté politique et savoir-faire des
services techniques constitue ainsi le cœur des politiques publiques. En effet, le
développement durable nécessite des arbitrages permanents, entre trois dimensions dont la
conciliation est un équilibre fragile. Prendre telle ou telle direction et l’assumer est un acte
éminemment politique :
« Il est évident qu’aménager un quartier c’est très politique : est-ce qu’on veut que ce soit un
écoquartier ou non, est-ce qu’il y aura 25 ou 30 % de logements sociaux ? Tout ça n’est pas neutre, c’est
262
Chef d’entreprise, entretien, 27/03/2013.
HAMMAN Philippe, « La "ville durable", de l'incantation à la profession ? », Natures Sciences Sociétés,
2011/4, Vol. 19, p.335.
263
87
pour cela que l’opérateur que nous sommes se doit d’écouter, de respecter et de mettre en œuvre les
consignes et objectifs politiques de la collectivité. »264.
Aussi de véritables avancées peuvent être constatées lorsque la collectivité se positionne
et se donne des moyens, comme elle a pu le faire sur le quartier Andromède. Les terrains n’y
sont pas vendus tant que le projet présenté par les promoteurs ne correspond pas aux attentes
de la collectivité et de l’aménageur. Les promoteurs sont ainsi obligés de retravailler leur
projet, sinon le terrain peut être vendu à un autre. Cette mise en concurrence, témoignant d’un
certain volontarisme de la part de la collectivité, a poussé les prétendants à donner le meilleur
d’eux-mêmes : « Il faut du courage pour le faire, parce que les promoteurs ont du pouvoir.
N’empêche que le mot est passé et qu’on ne fait pas n’importe quoi. »265. Des concours ont
permis de mettre en concurrence trois équipes (composées chacune d’un promoteur, d’un
bailleur, d’un architecte) sur chaque îlot. Seul le meilleur projet était sélectionné, ce qui a
encouragé les équipes à proposer des projets de qualité au meilleur prix possible, sans que la
collectivité n’ait besoin d’imposer quoi que ce soit d’autre que des exigences minimales.
Mais des exemples contraires viennent relativiser la success story des écoquartiers
toulousains. Les déboires récents du RAUD ont tôt fait de rappeler aux services de Toulouse
métropole l’importance d’un portage politique en interne, condition sine qua none de
l’aboutissement de leurs projets. Malgré sa genèse (une commande politique), son inscription
dans le PCET qui est par ailleurs une démarche totalement portée, et le travail en
transversalité important fourni par les services pour son élaboration, la publication du RAUD
est aujourd'hui en suspens. Des contraintes budgétaires et calendaires ont amené les élus à
reporter sa parution à une date ultérieure, celui-ci ne pouvant sortir à six mois des élections.
« Jusqu’à présent on a été plus ou moins soutenus, mais maintenant on n’en entend plus parler. On
connaît la raison, mais on pensait faire sortir le RAUD en décembre 2012 (…). Les services en interne
étaient de plus en plus motivés de travailler avec nous, c’était de plus en plus intéressant. (…) Et puis en
janvier-février on nous a demandé "prouvez-moi concrètement qu’en appliquant le RAUD l’opération
d’aménagement ne coûtera pas plus cher". »266
C’est ainsi que la parution du RAUD s’est trouvée conditionnée à un test préalable,
destiné à prouver que le développement urbain durable n’est pas plus onéreux que les
pratiques habituelles. Par la suite, la campagne électorale est venue ajouter des contraintes
264
Cadre de la SEM Oppidea, entretien, 11/12/2012.
AMO développement durable d’Andromède, entretien, 05/12/2012
266
Agent de la CUTM, entretien, 30/07/2013.
265
88
d’ordre communicationnelles, qui auraient empêché de valoriser le RAUD auprès des acteurs
du territoire et donc limité son impact.
« Disons qu’on est sûrement bloqués par une campagne électorale pour les municipales. On ne fait plus
aucune communication sur des opérations d’aménagement et sur le RAUD n’en parlons pas. Il ne se
passera rien au moins jusqu’en mars de l’année prochaine voire mai ou juin, puis il y a les vacances
donc le démarrage se fera à mon avis à partir de septembre. Ce n’est pas un blocage, c’est vraiment une
grande pause à cause d’une période électorale. »267.
On devine alors que l’avenir du référentiel est entre les mains de la future équipe
municipale, qui pourrait très bien être issue de l’opposition actuelle et/ou abandonner le
projet. Les modifications actuelles pour mésententes de l’organigramme de la CUTM
(éclatement de la direction développement durable écologie urbaine, rattachement du Plan
Climat au GPV et de l’écologie urbaine à la direction de l’environnement) inquiète les
services quant à l’avenir du RAUD et plus généralement la mise en œuvre du développement
durable sur le territoire. À l’inverse, l’écoquartier de la Salade, qui faisait partie du
programme électoral de Pierre Cohen, bénéficie de nombreuses réunions et ne connaît pas la
crise. Cet exemple nous montre combien le portage politique des projets est une condition
essentielle à leur aboutissement et à leur ambition.
« Disons qu’on parle en termes de ville durable mais si on n’a pas l’argent on ne pourra rien, tout est
bloqué… Tout dépend du portage qui est fait c'est-à-dire que si les élus le portent… J’avais participé à
une réunion pour le portage de la Salade, il y avait un élu qui était présent et qui nous a dit clairement
que s’il y avait besoin d’argent on mettrait plus de moyens, pour des raisons d’étiquette. Au moins
c’était clair. S’il y a un portage politique et du coup financier ça se fera, et ça se fera même très bien. Le
point positif découle de ces points négatifs : la ville durable se fait quand il y a portage. »268
Entre héritages des politiques passées, persistance des habitudes, difficultés contextuelles
et logiques politiques, les principes de l’urbanisme durable principalement développés dans
les écoquartiers et capitalisés dans le RAUD rencontrent de nombreux obstacles à leur
diffusion malgré un virage évident – et pas seulement discursif – de l’action publique et des
pratiques professionnelles dans l’agglomération. La complexité inhérente au développement
durable et au fonctionnement des villes reste encore aujourd'hui difficile à appréhender.
267
268
Idem.
Idem.
89
CONCLUSION
La production d’écoquartiers à Toulouse métropole a suscité des effets d’apprentissage et
d’entraînement pour une incorporation du développement durable dans les pratiques
d’urbanisme. Forts de nouveaux savoirs et savoir-faire acquis au contact de ces projets, les
services de Toulouse métropole ont élaboré un outil de capitalisation et de diffusion de ces
connaissances au reste de la ville. Fruit d’une prise de recul sur les limites mises en évidence
par les écoquartiers, le RAUD devra s’adapter au territoire et s’améliorer de manière continue
par le biais d’évaluations successives. L’introduction de cette réflexivité dans les modes de
production de l’urbain vise à prévenir les écueils actuels de l’urbanisme durable :
standardisation, technicisation… La ville durable reste pour l’instant un horizon, dont le
modèle n’est pas fixé et dont les solutions sont à réinventer en permanence. Le changement
discursif opéré par le RAUD, qui ne promeut plus les écoquartiers mais les opérations
d’aménagement durable, est significatif : assiste-t-on pour autant à une véritable remise en
question économique, sociale et culturelle des modes de développement urbain de
l’agglomération toulousaine ? Les critiques adressées aux écoquartiers et plus généralement
au projet urbain métropolitain montrent que le changement n’est qu’entamé. La remise en
cause de la publication du RAUD et son avenir incertain font craindre le ralentissement du
processus de transformation des pratiques. Plus généralement, de nombreuses raisons peuvent
dissuader les élus de conduire un changement profond : la crise économique confortant des
obstacles structurels.
Faut-il en conclure que le changement restera superficiel au motif que les logiques
électorales et politiques ne favorisent pas une remise en cause profonde de nos pratiques et de
nos valeurs ? Certains portent leurs espoirs sur la démocratie participative, qui se présente
théoriquement comme une solution pour appréhender collectivement la complexité du
développement durable et en diminuer les coûts financiers. Il est vrai que les instances
participatives à Toulouse métropole font preuve d’un véritable dynamisme. La Fabrique a
constitué le lieu d’élaboration d’un projet urbain partagé avec les habitants de Toulouse puis
de l’intercommunalité. Son succès et son influence est d’ailleurs ressentie sur le territoire :
« …c’est quelque chose ça la Fabrique Urbaine : c’est un outil important qui a fait émerger
pas mal de réflexions. (…) Nous ne sommes pas directement impliqués, mais on ressent sa
90
dynamique.»269. Ainsi, la délibération peut avoir un véritable impact. Au-delà de dispositifs de
participation « classiques », les initiatives citoyennes se multiplient sur le territoire, comme
l’habitat groupé. À côté de projets spontanés comme Mange-Pomme à Ramonville270
fleurissent les appels à candidature pour développer l’habitat participatif (à la Cartoucherie, la
Salade, Vidailhan, le quartier Petit bois de Bellefontaine). En inscrivant l’habitat participatif
dans les actions spécifiques de son PLH, la CUTM a affirmé sa volonté de développer ces
expériences. Elles constituent une piste intéressante pour infléchir les modes de
développement urbain, en véhiculant des valeurs fortes de solidarité et d’écologie, bousculant
notre conception majoritairement individualiste du logement. Resteront-elles réservées à une
poignée de militants écologistes car trop éloignées des valeurs dominantes de la société ?
Elles pourraient constituer un levier pour insuffler de nouvelles valeurs : selon le livre blanc
de l’habitat participatif, un tiers des français serait potentiellement intéressés par le
principe271.
Une autre piste pour la ville durable pourrait être celle du projet BIMBY272. Il propose
aux ménages un compromis plus acceptable, celui de diviser leur parcelle pour y construire un
nouveau logement, densifiant ainsi les tissus périurbains de l’intérieur. BIMBY se présente
comme une solution à l’étalement urbain tout en permettant l’accession à la maison
individuelle, et ne prétend pas à des transformations politiques et sociales. Il va sans dire que
le territoire de la CUTM se prête particulièrement à la déclinaison d’une telle démarche,
compte tenu des proportions prises par l’étalement urbain.
Comment démocratiser ces deux types d’initiatives citoyennes, vecteurs d’innovation et
donc tremplins de la ville durable ? L’expérimentation citoyenne, plaçant l’habitant au cœur
des projets, mériterait d’être approfondie, en ce sens qu’elle nous paraît être un moyen pour
faire évoluer la société de l’intérieur, par la montée en puissance de valeurs plus proches de
celles véhiculées par la ville durable.
269
Cadre de l’ADEME, entretien, 30/04/2013.
Plus d’informations sur le site de l’habitat groupé du canal, en charge du projet
https://sites.google.com/site/habitatgroupeducanal/
271
Voir :
http://www.ecoquartier-strasbourg.net/images/documentsPDF/EQS-2012-12-LivreBlancHabitatParticipatif.pdf
272
Pour « Build In My Back Yard », construire dans mon jardin en français. Voir : http://www.bimby.fr
270
91
LISTE DES ANNEXES
-
ANNEXE 1 : Toulouse, quatrième aire urbaine de France.
-
ANNEXE 2 : L’aire urbaine de Toulouse en 2010.
-
ANNEXE 3 : Les écoquartiers de la Communauté Urbaine du Grand Toulouse en 2012.
-
ANNEXE 4 : Tableaux récapitulatifs des caractéristiques des écoquartiers à Toulouse
métropole.
ANNEXE 1 : Toulouse, quatrième aire urbaine de France.
Source : AUAT (http://www.aua-toulouse.org/)
92
ANNEXE 2 : L’aire urbaine de Toulouse en 2010.
93
ANNEXE 3 : Les écoquartiers de la
Communauté Urbaine du Grand
Toulouse en 2012.
Source : CUTM.
94
ANNEXE 4 : Tableaux récapitulatifs des caractéristiques des écoquartiers à Toulouse métropole
Les tableaux qui vont suivre ont pour objectif de synthétiser l’ensemble des
informations que nous avons pu rassembler sur les écoquartiers de
Toulouse métropole en projet ou en cours de réalisation.
Ils n’ont pas vocation à l’exhaustivité : certaines informations ont pu nous
échapper. Ainsi, nous avons choisi de ne pas traiter le quartier La Salade,
sur lequel très peu d’informations récentes circulent. Par ailleurs, si nous
avons essayé de toujours prendre l’information la plus récente et dont la
source est la plus fiable, il se peut que les données que nous faisons figurer
ne soient pas les plus récentes.
Ces tableaux ont surtout pour but de permettre au lecteur une comparaison
rapide des écoquartiers du territoire.
Quartier Vidailhan à Balma
Sources :
- Sites Internet de la Communauté Urbaine de Toulouse
métropole et des communes-membres
- Le journal La Dépêche.fr
- Eco-quartiers.fr : études de cas.
SEM
Oppidea :
d’aménagement.
présentation
des
opérations
95
Projet pour le quartier du Tucard.
Vidailhan (Balma)
Description
Rôle dans la ville / la CUTM
Position géographique, desserte et
mobilité
Environnement et cadre de vie
Andromède (Blagnac, Beauzelle)
 Ancien site agricole, 31 ha, 1750 logements, 1800 emplois
 209 hectares, 4000 logements





 Au cœur du projet structurant Aéroconstellation
 Accompagner le développement du programme A380 d’Airbus
 Accompagner le développement de l’agglomération
Un des quatre quartiers de la ZAC de Balma-Gramont.
Accueillir les nombreux nouveaux habitants de l’agglomération
Rééquilibrer l’activité économique vers le Nord-est
Densifier la première couronne
Rentabiliser le métro
 A mi-chemin entre centre-ville et métro
 Lignes de bus et liaisons douces
 Voiries calibrées pour limiter l'usage de la voiture
 Ligne 1 du tramway qui relie le quartier à la ligne A du métro
 15 km de pistes cyclables
 Maillage par les modes doux







 Un tiers de la superficie en espaces verts, création d’une coulée verte structurante
 Équipements : lycée, complexe sportif, crèche, centre de loisirs, foyer de jeunes
travailleurs, gendarmerie, commerces de proximité
 Gestion alternative des eaux pluviales : bassins de rétention et noues paysagées
 Logements offrant un confort thermique été/hiver
 Bâtiments tertiaires et équipements publics en HQE
 Certification Habitat et Environnement
34 ha d’espaces publics dont 14 ha de parcs, création d’îlots de fraîcheur
Commerces, services, école, crèche, maison de quartier
Enfouissement de la ligne haute tension
Biodiversité et forme initiale du site au centre du projet
Gestion différenciée des espaces verts
Gestion alternative des eaux pluviales : Noues paysagées, toitures végétalisées
Orientation des bâtiments optimisée
 Chaufferie mutualisée combinant énergie solaire et biomasse
 Chauffage par géothermie profonde permettant d’économiser jusque 70 % des charges
 Concours par îlot incitant à présenter les projets de qualité par la mise en concurrence
 25% d'habitat social, 5% de logements sociaux en accession à la propriété
 20% d’habitat social
Concertation et vie de quartier
 Coproduction du projet dans la durée
 Distribution d'un guide écoquartiers, actions annuelles de sensibilisation aux enjeux
de l'écoquartier
 Jardins familiaux à venir
 32 logements en habitat participatif et accession sociale
 Concertation tout au long du projet
Capitalisation et diffusion des
connaissances
 Référence sur le territoire
 Suivi pendant 8 ans auprès des usagers et exploitants pour capitaliser les
connaissances et intervenir en cas de problème
Innovations et expérimentations
Mixité sociale
Récompenses
Quelques critiques
 Primé au palmarès EcoQuartiers 2011
 Prix du public 2012 des Victoires du Paysage, et 3e place dans la catégorie
« aménagement de quartier »
 Mauvaise prise en compte de la dimension économique (difficultés de commercialisation
des bureaux)
 « Strict minimum » en matière de mixité et de lien social
96
Les Izards-Trois Cocus (Toulouse)
Description
Rôle dans la ville / la CUTM
Position géographique,
desserte et mobilité
 Quartier en renouvellement urbain
 33 hectares, 3000 logements
 Une friche industrielle




 Réhabiliter une friche industrielle
 Densifier la ville
Site pilote du projet Mi Ciudad AC2
Créer de la continuité avec les quartiers environnants
Redynamiser le quartier
Maintien de l’agriculture urbaine maraîchère
 Création de places de stationnement enterrées
 Développement des modes doux
 Équipements : création d’un centre petite enfance, revalorisation de la place Micoulaud,
création d’un pôle médical, implantation de nouvelles activités commerciales Amélioration du
confort des locataires et diminution de leurs consommations d’énergie
 Densification autour des transports en commun
Environnement et cadre de vie
 Aménagement des friches
 Préservation et maintien d’une agriculture maraîchère
 Mise en place de petits aménagements spécifiques, propices au développement de la
biodiversité pour agrémenter le projet
 121 nouveaux logements dont 1/3 en accession libre, 1/3 en locatif social et 1/3 en accession
sociale
 Renforcement du lien social : réfection des espaces publics, jardins partagés et familiaux
Concertation et vie de quartier  Réunions de concertation avec les habitants pour recueillir les attentes et expliquer le projet
Quelques critiques
 Le long de l'avenue de Grande-Bretagne, entre le quartier St Cyprien et l'hôpital
Purpan
 Excellente desserte : tramway T1, ligne C, 2 lignes de bus
 Des voies cyclables, piétonnes et une centrale de mobilité pour faciliter les
déplacements en transport en commun, en covoiturage, en autopartage, afin de
préserver le cœur du quartier de la circulation automobile
 Équipements : crèche, groupe scolaire, espace culturel, proximité Zénith, proximité
hôpital
 Conception bioclimatique, orientation des bâtiments optimisée
 Chauffage collectif issu de l'incinérateur du Mirail.
 Développement de l’autopartage et du covoiturage
 Noues pour la gestion de l’eau et infiltration des eaux pluviales privées à la parcelle,
un bassin de recueillement des eaux pluviales pour restitution à la nappe
phréatique,
 Composition paysagère via une trame verte, des zones tampons non bâties entre
les constructions pour éviter les îlots de chaleur,
 Parkings silos mutualisés à l’entrée du quartier (inédit dans la métropole)
 90 logements réservés à de l’habitat participatif
 Installation d’une centrale de mobilité, promotion de l’autopartage
Innovations et
expérimentations
Mixité sociale
La Cartoucherie (Toulouse)
 Une opération de renouvellement urbain classique et non un écoquartier ?
 35% d'habitat social,
 25% de logements en accession
 Promotion des nouveaux modes d’habiter et de vivre ensemble via l’habitat
participatif
 La dépollution du site ne s’est achevée qu’au 7 août 2013
97
Monges-Croix du Sud (Cornebarrieu)
Description
Rôle dans la ville / la
CUTM
 57 ha
 1000 logements environ
Montaudran Aérospace (Toulouse)
Laubis (Seilh)
 Campus de 56 ha ; ancienne piste de
décollage (lieu symbolique et de mémoire) ; 1 100
logements
 Lauréat de l'appel à projet du ministère « ville de
demain », dans le cadre du projet territorial de
Plaine Campus
 Projet issu d’un concours européen (Europan 10)
 600 logements
 9,5 hectares sur une zone d’étude de 20 hectares pour permettre une intégration
de l’environnement existant.
 Site en surplomb de la Garonne, bordé par une zone naturelle au sud.
 Dans le cadre du projet communautaire
 Mixité fonctionnelle : campus universitaire,
Constellation, destiné à accueillir le grand parc
plateforme de recherche, quartiers résidentiels,
aéronautique du nord-ouest toulousain.
lieux de loisirs et de promenades
 Rééquilibrer emploi et habitat dans l’agglomération  Pôle d’excellence européen de l’aéronautique
 Créer un quartier résidentiel durable, convivial et animé
 S’inscrit dans la dynamique de développement des grands projets du nord-ouest
toulousain (Aéroconstellation, Andromède, Parc des expositions…)
 Proposer un autre modèle que le lotissement pavillonnaire pour des communes
de deuxième couronne
 Au cœur d'une nature agricole et forestière en
périphérie du centre-ville de Cornebarrieu
Position géographique,  4,5 km de cheminements piétons/cycles
desserte et mobilité
 Une seule ligne de bus vers le centre de
Cornebarrieu
 TAD (Transport à la demande) vers le tram
 Au Sud-est de Toulouse
 Ancienne piste Aéropostale dédiée aux modes de
transport doux
 TCSP en site propre qui desservira le quartier et
aboutira au métro à Rangueil et à la LMSE
 Une halte TER à la gare de Montaudran avec
renforcement cadencement SNCF
 15 km au nord-ouest du centre de Toulouse
 En périphérie du centre-ville
 Déplacements piétons favorisés
 Équipements : Commerces de proximité, crèche,
école, médiathèque, salle des fêtes
 Quartier qui s’organise autour d’un parc de 12
hectares, 1000 arbres
 Gestion maîtrisée des eaux pluviales
Environnement et cadre
 Qualité architecturale et environnementale des
de vie
programmes de logements (Habitat &
Environnement, HQE)
 Isolation par l’extérieur,
 Toits végétalisés,
 Eau chaude solaire, pompes à chaleur…
 Équipements : Activités tertiaires, Recherche et
enseignement supérieur, Commerces et services,
équipements public
 Approche paysagère
 Ancienne piste aéropostale jouera le rôle de
corridor vert
 Gestion des eaux de pluie pour favoriser les
zones humides
 Conception bioclimatique des bâtiments
 Emploi des énergies renouvelables
 Plus de 80% des besoins énergétiques de
chauffage de l’opération seront constitués par des
énergies renouvelables ou fatales
 Équipements : intégration d’équipements servant aussi au sud de la commune
(crèche, locaux de la mairie, commerces, espace polyvalent, structure d’accueil
en lien avec les hôpitaux de Toulouse…), proximité du futur parc des expositions,
extension prévue du parc d’activités aéronautiques.
 S’appuyer sur les structures paysagères existantes
 Place privilégiée de l’eau : requalification du fossé mère existant comme structure
de collecte des eaux de pluie.
 Respect de la logique de centralité : cohésion avec l’ensemble de la ville
Innovations
Mixité sociale
 Recherche de qualité urbaine et architecturale :
formes urbaines denses et basses
 25% de logements sociaux
Concertation et vie de
quartier
Quelques critiques
 Étude de faisabilité en cours pour chauffer 350 logements en récupérant la
chaleur des eaux usées de Ginestous
 Diversité de logements
 Diversité de logements
 Concertation préalable au dossier de réalisation
de la ZAC
 Ateliers de concertation pour préciser les objectifs du quartier
 Mauvaise desserte en transports en commun
98
Le Tucard (St Orens)
Description
Rôle dans la ville / la CUTM
Position géographique,
desserte et mobilité
Environnement et cadre de vie
Mixité sociale
Concertation et vie de quartier
H2M (Toulouse, St Orens de Gameville)
Les Ramassiers (Colomiers)
 Site à vocation agricole situé à proximité du coteau de Cayras,
 36 ha
 1375 logements individuels et collectifs prévu.
 113 ha, objectif de 8000 à 8500 logements, 3500 emplois
 138 ha
 2000 logements collectifs et
individuels
 Attirer de nouvelles populations pour plus de mixité sociale
 Développer la mixité de logements et augmenter le parc social de
Saint Orens
 Revalorisation de la Bastide
 Donner des repères urbains et sociaux au secteur sur le modèle de
l’ancienne Bastide du Moyen-âge
 Créer des liens avec l’urbain à St Orens
 Compléter la synergie créée par
Montaudran Aérospace à l’ouest de
Toulouse
 Situé aux limites de Toulouse et de St Orens
 Proximité du futur pôle Montaudran Aerospace
 3 quartiers : un à proximité du centre-ville et deux le long de la route
 Bonne desserte : voies structurantes comme la route de Labège et
de Revel (axe majeur de l'agglomération toulousaine)
celle de Revel, proximité du périphérique, arrivée prochaine de la
 Quartier accessible par TCSP, connexion au métro
LMSE avec développement des TCSP
 Modes de déplacement doux privilégiés
 Souhait de repenser la hiérarchie du réseau routier, mettre en place
des réseaux adaptés, faciliter l’accès par les modes doux
 Équipements : 11300 m² de bureaux, commerces de proximité et
services, école, crèche, maison de quartier …
 30 % de la surface dédiée aux espaces verts, parc urbain de 6,5 ha
 Charte environnementale pour protéger la biodiversité
 Système de gestion autonome de stockage des eaux usées
 Maintien des corridors écologiques (trames vertes et bleues)
 Construction à partir de la topographie du site et de la nature
présente
 Souhait d’intégrer équipements et espaces publics : commerces de
proximité, cafés, marché, services
 Préserver la nature en ville et constituer un réseau naturel (avec les
trois cours d’eau, le lac et le bois)
 Valorisation du paysage
 Système de « jardins actifs » : gestion alternative de l’eau, loisirs,
lien social, potagers…
 Densification : des logements pouvant aller jusque R+8, typologies
variées
 Proximité gare de Colomiers, Ligne C
(Colomiers – Arènes)
 Lignes de bus
 15 min en voiture du centre-ville de
Toulouse
 5,2 kms de pistes cyclables
 Équipements publics : un groupe
scolaire, un complexe sportif, une
maison du projet… 50 000m² de
bureaux, 4000 m² de commerces de
proximité
 Conserver et renforcer la trame
paysagère, valoriser la végétation
préexistante : domaine de la
Pujouane, talus boisé du parc de
l’Armurié, etc.
 Parc naturel de 46 ha
 23,5 hectares d’espaces naturels et
de parc urbain
 Bassins d’orages
 30% d’habitat social
 7% d’accession sociale
 Diversité des logements
 Information des habitants
 Concertation préalable à la création
de la ZAC
99
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Saint-Etienne, 2011, p.37-57
3
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION ............................................................................................................... 2
I – Pourquoi et comment la ville devient-elle le terrain du développement durable ? ... 4
II – Un objet urbanistique singulier : l’écoquartier ........................................................ 6
III – Choix empiriques et méthodologiques, présentation du territoire d’étude ............ 8
PREMIÈRE PARTIE : L’URBANISME DURABLE, UN COURANT DÉPOURVU DE
SOCLE THÉORIQUE QUI ÉMERGE GRACE A L’EXPÉRIMENTATION .......... 12
I – Une ville durable aux problématiques naissantes ................................................... 12
1) Une critique de l’urbanisme moderne............................................................... 12
2) Des initiatives locales diverses encouragées par l’Union Européenne ............. 15
3) La ville durable, un cadre flou et malléable ..................................................... 17
4) Une appropriation lente du développement durable en France ........................ 18
II – L’écoquartier, un laboratoire grandeur nature au service de la ville durable ........ 20
1) Un terrain privilégié d’expérimentations et d’apprentissages qui se répandent au
reste de la ville ...................................................................................................... 21
a) Les écoquartiers, entre solutions technologiques et innovations sociales ....... 21
b) Des effets de levier sur le territoire .................................................................. 23
c) Redonner du sens à la notion de quartier ......................................................... 24
3) Des contradictions manifestes : limites des écoquartiers ................................. 26
a) La reproduction d’une ségrégation socio-spatiale ........................................... 26
b) Écoquartiers et éco-citoyens, un lien qui n’a rien d’évident ............................ 28
c) Des fragments de la ville ................................................................................... 29
3) Des défis qui restent à relever : lutter contre les inégalités environnementales et
reconstruire la ville sur elle-même ........................................................................ 30
a) Inégalités sociales et inégalités environnementales ......................................... 30
b) Articuler renouvellement urbain et développement durable ............................ 32
DEUXIÈME PARTIE : LES ÉCOQUARTIERS MÉTROPOLITAINS, ÉCOLES DE
LA DURABILITÉ POUR LE TERRITOIRE ................................................................ 34
I – Une fonction d’entraînement plus que d’expérimentation ..................................... 35
1) Les écoquartiers métropolitains : présentation succincte ................................. 35
2) Quelques expérimentations ponctuelles ........................................................... 36
3) Impulser le développement urbain durable en prouvant sa faisabilité ............. 37
II – Des effets d’apprentissage ..................................................................................... 40
1) Appréhender la complexité et le compromis inhérent au développement urbain
durable ................................................................................................................... 40
a) La ville durable, un « produit transactionnel » ................................................ 40
b) Articuler les trois dimensions du développement durable, « une synthèse
complexe » .................................................................................................................... 41
c) Maîtriser les solutions techniques et sociales ................................................... 43
2) Construire le quartier avec les habitants ? L’apprentissage de la concertation 44
a) La concertation, un moyen d’appréhender collectivement la complexité et de
favoriser l’acceptabilité sociale des décisions ............................................................. 45
b) La concertation dans les écoquartiers, un creuset de l’écocitoyenneté ? ........ 47
c) La concertation, des coûts initiaux élevés pour des résultats à long terme...... 48
III – Les écoquartiers et après ? Esquisses de la ville durable ..................................... 50
1) Capitaliser l’expérience des écoquartiers pour diffuser les principes de
l’aménagement durable : le RAUD ....................................................................... 50
2) Évaluer le développement urbain durable : le RAUD comme outil réflexif et
d’amélioration continue ........................................................................................ 54
a) Une mise en problématique du développement urbain durable ....................... 55
b) Le RAUD, support de l’apprentissage des méthodes d’évaluation .................. 57
c) L’inscription dans une logique d’amélioration continue .................................. 58
3) Un référentiel est-il un instrument pertinent pour la ville durable ? ................. 60
a) Certifications, labels, référentiels et bonnes pratiques : des écueils à éviter .. 60
b) De la professionnalisation de la ville durable à l’appropriation de la
problématique par la collectivité ................................................................................. 63
TROISIÈME PARTIE : TOULOUSE MÉTROPOLE, UNE VILLE DURABLE ?
OBSTACLES PERSISTANTS......................................................................................... 66
I – Le projet territorial de développement durable de Toulouse métropole : atouts et
faiblesses ...................................................................................................................... 66
1) Le développement durable à Toulouse métropole : historique ......................... 67
2) Le Plan Climat, instrument de coordination des actions de développement durable
à Toulouse métropole ............................................................................................ 69
3) Composer avec le résultat des politiques précédentes : inertie de la ville et sentiers
de dépendance ....................................................................................................... 72
4) Un territoire qui intègre progressivement le développement durable............... 75
a) Les écoquartiers sont-ils aussi vertueux qu’ils le prétendent ? Quelques
critiques adressées à Andromède ................................................................................. 76
b) Des phénomènes de résistance au changement ................................................ 77
c) Le renouvellement urbain, un levier d’action progressivement investi par le
développement durable ................................................................................................ 80
II – La volonté politique, condition sine qua none du développement urbain durable 83
1) Un contexte de crise économique et politique .................................................. 83
2) Des logiques électorales qui demeurent prégnantes ......................................... 85
3) Un déficit de portage politique ? ...................................................................... 87
CONCLUSION .................................................................................................................. 90
LISTE DES ANNEXES .................................................................................................... 92
BIBLIOGRAPHIE .......................................................................................................... 100
« Des écoquartiers à la ville durable. Appropriation et diffusion des
principes de l’urbanisme durable à Toulouse métropole. »
Mémoire de recherche présenté par Anaelle Sorignet, sous la direction de Julien Weisbein.
Résumé :
À travers ce mémoire de recherche, il s’agira de caractériser la manière dont la Communauté
Urbaine de Toulouse métropole s’est appropriée les préceptes du développement durable pour
les intégrer dans ses pratiques d’aménagement et d’urbanisme. Comme dans beaucoup
d’autres villes françaises et européennes, les écoquartiers ont contribué à l’introduction des
thématiques de la ville durable à Toulouse métropole, par des effets nombreux :
expérimentation, entraînement, apprentissage, démonstration, affichage… Leurs défauts et
leurs limites montrent le chemin qu’il reste à parcourir pour construire une ville durable. Dans
un souhait de capitaliser et d’étendre ces connaissances nouvelles au reste de la ville,
Toulouse métropole a élaboré en interne un outil de diffusion et d’incitation : le Référentiel
d’Aménagement et d’Urbanisme Durables (RAUD). Son élaboration a permis aux services de
l’intercommunalité de consolider leur expertise et d’intégrer l’intérêt d’une évaluation en
continu des projets d’urbanisme durable. Le savoir-faire technique n’est toutefois pas
suffisant : c’est au politique de porter le projet de ville durable. Malgré des progrès certains,
un changement profond des façons de penser et des méthodes est encore à faire, comme dans
la plupart des aires urbaines françaises. La participation citoyenne, à ses divers degrés, a pu
être envisagée comme une solution pour renouveler la gouvernance de la ville durable. Les
expériences réalisées jusqu’ici à Toulouse métropole ou ailleurs montrent que ces processus
sont encore et toujours maîtrisés par le politique : quelles solutions envisager aujourd'hui pour
poursuivre la mise en mouvement du territoire ?
Mots-clés :
Écoquartiers ; ville durable ; développement urbain durable ; Toulouse métropole ;
démocratie participative.