2004-01 LE MULTICANAL La stratégie de contact avec les
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2004-01 LE MULTICANAL La stratégie de contact avec les
2004-01 LE MULTICANAL La stratégie de contact avec les clients au moyen de canaux multiples : une nécessite mais des dangers réels Jean-Pierre HELFER et Géraldine MICHEL Professeur à l’IAE de Paris - Maitre de Conférences à l’IAE de Paris Résumé : Les entreprises, quel que soit leur secteur, se sont lancées dans la pratique du multicanal pour entrer en contact avec leurs clients et leurs prospects. Les sites Internet, le emailing, les centres d’appel, les SMS, pour ne citer que les principaux supports, sont venus compléter le traditionnel face à face. La gestion de la complexité due au recours à des canaux multiples peut faire naître des déboires importants si des précautions élémentaires de cohérence ne sont pas prévues. La décision du multicanal est d’abord stratégique. Elle doit être prise avec une vision globale de l’entreprise pour procurer tous ses bienfaits. Les progrès de la technique d’une part, les préoccupations d’engager avec le client une réelle relation d’autre part conduisent les entreprises à mettre en œuvre une démarche multicanal de contact avec leurs acheteurs et leurs prospects. La stratégie multicanal trouve son essor à travers les nouvelles possibilités de communication (Internet, SMS, UMTS) mais aussi grâce à l’explosion des sources d’informations (le scanning, le suivi des consultations des pages Web, la connaissance des lieux et montants des dépenses effectuées avec les cartes de crédits, etc.). Ces deux éléments permettent d’apporter des réponses toujours plus adaptées aux besoins des individus. Par ailleurs, la préoccupation d’un marketing plus relationnel a conduit les entreprises à préserver leur capital client en faisant de la bonne gestion de leurs fichiers une source de richesse toujours renouvelée. De ce fait, les entreprises se sont engagées dans de véritables stratégies multi-canaux pour tisser autour de leurs clients un réseau de relations le plus dense possible. Prendre contact avec ses clients ou des prospects par téléphone, mailing, Internet ou encore par des magazine de marque puis commercialiser ses produits dans différents canaux de distribution est devenu possible et, au surplus, est estimé comme particulièrement rentable, voire indispensable. Toutefois, ces actions ne risquent-elles pas de rentrer en compétition les unes avec les autres ? Ne comportent-elles pas en elles-même des germes d’incompatibilité, de non-acceptabilité par le client, de désagréments divers ? C’est à ces interrogations que l’article tentera de répondre en apportant des pistes de solutions. Que les entreprises appartiennent au « B to B » ou au « B to C », elles se sont engagées dans la voie du multicanal avec, plus qu’une détermination, une réelle frénésie pourrait-on dire. La stratégie multicanal consiste à intégrer plusieurs canaux de vente et/ou de contact dans un même système capable de gérer les interactions avec un client. Certains secteurs sont emblématiques de la situation, tel celui des banques, mais tous les domaines, ou presque, sacrifient à la tendance. Nous tâcherons d’abord d’en discerner les raisons avant de dépeindre les méthodes utilisées puis de souligner les éventuels dangers que recèle une maîtrise non parfaite de la démarche. 1 LES OBJECTIFS DU MULTICANAL Comme cela a été souligné en introduction, la pratique du multicanal ne pouvait voir le jour qu’à partir du moment ou des technologies nouvelles l’autorisaient. De plus, ce n’est pas une réelle nouveauté pour les entreprises de souhaiter prendre contact avec leurs clients de la manière la plus étroite qui soit, mais trois principaux objectifs peuvent être avancés pour expliquer l’essor de cette pratique. 1.1 Créer un contact relationnel Le marketing relationnel correspond à une orientation de l’entreprise vers le client, celui-ci étant considéré comme une ressource stratégique. Il consiste à établir des relations durables avec des clients, sélectionnés selon leur contribution potentielle au succès de l’entreprise. Les entreprises sont toutes engagées stratégiquement dans l’amélioration de la relation avec leurs clients. Cette amélioration repose sur quatre principes fondamentaux : la personnalisation : une relation par client, IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne) - GREGOR - 2004-01 - 2 - l’interactivité : le client répond aux sollicitations, la durabilité : tout au long de la vie du client, la continuité : tous les jours, quel que soit le canal choisi par le client. La stratégie multicanal, qui permet de toucher et contacter le client par tous les canaux disponibles, s’insère dans cette politique du management de la relation client. La relation avec le client, chacun en convient, constitue une facette complémentaire de la conquête du prospect. L’imbrication entre relationnel et transactionnel est parfaite et la stratégie multicanal permet de jouer sur les deux leviers du marketing que sont la conquête et la fidélisation. En effet, le prospect, cerné par une multitude de contacts se décidera plus naturellement à acheter. La conquête est la première marche de la fidélité. Par ailleurs, la fidélisation, par le maintien d’une relation de qualité, s’entretient par des transactions répétées. Pour cerner et entretenir le client dans une densité relationnelle forte, la simple logique conduit à multiplier les occasions de contacts. Cette multiplication peut s’opérer avec une fréquence renforcée sur un seul canal ; elle peut l’être d’autant plus si plusieurs canaux sont utilisés. De plus, l’utilisation de plusieurs canaux de contact favorise la personnalisation des messages dans la mesure où les médias sélectionnés peuvent cibler différents segments de clientèle. L’interactivité avec les individus est également plus efficace en recourant à la stratégie muticanal dans la mesure où les échanges avec les individus peuvent s’appuyer sur différents supports (téléphone, mail, etc). Ajoutons y le fait que la stratégie multicanal, par la diversité des contacts qu’elle engendre, permet de pister, cibler, séduire le prospect de façon continue, ce qui l’intègre parfaitement dans le marketing relationnel. 1.2 Appliquer l’ultra segmentation L’ultra segmentation consiste à considérer que chaque client, chaque prospect constitue un segment et que, en conséquence, pour chacun, une offre commerciale adaptée doit être mise en œuvre. Si tel est le cas, les canaux de communication, de prise de contact, relevant d’un univers de masse, perdent totalement leur pertinence. Les canaux adaptés à chacun, les canaux capables de viser chacune des cibles en fonction de leurs habitudes, de leurs intérêts, sont les seuls à rencontrer une efficacité. La SNCF déploie ainsi divers outils dans l’optique d’une relation client intégrant -en complément de la force de vente- courrier, téléphone, fax, e-mailing et SMS. Les alertes SMS sont réservées aux informations de dernières minutes, l’e-mailing est utilisé pour les offres commerciales et le courrier pour les informations plus détaillées. On observe ici une démarche qui vise à segmenter, hiérarchiser les informations et correspond à un véritable programme de communication multicanal à destination de la clientèle. Le site de vente des produits culturels Alapage use également de la stratégie multicanal pour toucher distinctement ses différentes cibles. Le distributeur Alapage joue ainsi sur la personnalisation en envoyant des mails d’alerte sur la sortie de nouveaux produits à ceux qui en ont fait la demande et en prévenant, en priorité, leurs meilleurs clients du début des soldes. Cette approche d’ultra segmentation vise ainsi à mieux fidéliser les clients et trouve son application dans la stratégie multicanal. Par ailleurs, pour fidéliser le client, une des solutions possibles consiste à multiplier les occasions de contact et donc à rechercher tous les canaux susceptibles de provoquer l’achat mais aussi susceptibles de maintenir la relation avec le client. Le multicanal s’impose dès lors que chacun doit être joint fréquemment et personnellement. La segmentation de Surcouf au service de sa stratégie multicanal Pour améliorer la relation avec ses clients, Surcouf (distributeur de matériel informatique) multiplie les moyens de contacts. Le service client peut ainsi être contacté par téléphone ou par e-mail. L’entreprise utilise également son catalogue comme autre points de contact car il permet de conserver la relation clientèle sur le long terme. En effet, le catalogue représente un guide d’achat et sert de relais pour le service après-vente et la commande. Pour tirer profit de ses différents points de contact, Surcouf distingue cinq segments de clientèle : le B to B, les « bidouilleurs », les « fashions », les « gameurs » et les utilisateurs de PC. L’objectif de Surcouf est de contacter ces cibles au moyen des newsletters différenciées et d’entretenir ainsi une relation privilégiée avec sa clientèle. D’après le Journal du Net, 19 mars 2002 IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne) - GREGOR - 2004-01 - 1.3 3 Diminuer ses coûts grâce à la synergie des différents canaux Le marketing ne s’est jamais désintéressé du calcul de l’efficacité (atteint-on ses objectifs ?) et de la question de l’efficience (les actions sont-elles menées aux meilleures conditions de coûts ?). Mais, aujourd’hui, cette seconde préoccupation est devenue cruciale. C’est ainsi que le calcul du coût d’un contact clientèle, de la gestion d’une carte de fidélité, du suivi des primes réservées aux bons ou « gros » clients, des cadeaux de bienvenue aux nouveaux clients, des mille appels dans un centre téléphonique, de l’entretien d’un automate téléphonique, du pilotage permanent d’un site Internet est devenu une préoccupation d’un premier rang pour les directions marketing. Dès lors que chaque occasion de créer ou de maintenir une relation avec le client s’inscrit dans un calcul précis de profitabilité, il devient naturel de comparer les coûts et les rendements de chaque action au moyen de chaque canal possible. Le simple entretien d’un client banal s’accommode aisément d’un contact régulier par voie postale mais ne supporte pas le coût d’une relance téléphonique. A l’inverse, la visite régulière d’un compte clé par un vendeur s’impose même si le coût est fort élevé. Aujourd’hui, pour rendre profitable leur contact clientèle les entreprises ont accès à une gamme élargie de canaux qu’elles doivent gérer avec précision tant les contraintes sont renforcées. Ainsi Général Electric’s Medical Systems a su profiter de la complémentarité du centre d’appels et de sa force de vente pour diminuer ses coûts de cinquante pourcents. L’intégration du centre d’appels a permis à la force de vente de se consacrer davantage à des actions à forte valeur ajoutée, comme la vente de systèmes d’imagerie médicale de plusieurs millions d’euros et de se décharger de la vente d’accessoires d’un montant de moins de dix euros, gérés aujourd’hui par le centre d’appels. Dans le domaine bancaire, les Caisses d’Epargne profitent de leur stratégie muticanal pour facturer différemment les ordres de bourse selon qu’ils lui parviennent d’une l’agence (100%), par téléphone (80%) ou par Internet (60%). Pour cibler le plus grand nombre de clients, distribuer ses produits ou services par plusieurs canaux est à présent une nécessité. Il y a quelques années, des sociétés comme Xerox ou IBM, par exemple, ne vendaient que par l’intermédiaire de leurs commerciaux. Aujourd’hui, ces entreprises vendent par différents canaux. La gamme professionnelle est présente chez les revendeurs spécialisés, mais aussi chez les grossistes. Quant aux grands comptes, ils restent la cible de la force de ventes des deux marques Xerox et IBM. Passer par plusieurs canaux et réseaux permet d’obtenir des synergies et par conséquent de rentabiliser les investissements. Au delà du simple fait de vendre, les réseaux rendent des services inestimables : ils stockent, facturent, font du conseil et parfois du service après-vente. Les entreprises qui ont sacrifié au multicanal ont très généralement vu leur chiffre d’affaires s’accroître. Au surplus, de nombreuses études attestent que les consommateurs « multicanaux », c’est-à-dire ceux achetant à la fois, dans les magasins, sur catalogue et en ligne, consomment plus que les clients monocanal. Ainsi, les gains d’une stratégie multicanal ne sont pas uniquement engendrés par l’addition des ventes de chaque canal mais par la capacité d’un canal à influencer les ventes d’un autre canal. La stratégie multicanal des AGF Les AGF sont impliquées dans une stratégie multicanal et multiréseaux. La société d’Assurances distribue ses produits à la fois par des agents généraux d’assurances, des courtiers spécialisés, des salariés AGF spécialisés par métiers (santé, patrimoine, assurancevie, etc.), un site Web et des partenariats avec le Crédit Lyonnais, les trois Suisses ou des banques de gestion privée » (internet). Toutefois, le système de distribution n’est pas un système intégré dans la mesure où chaque cible n’est touchée que par un seul réseau de distribution. Il n’y a donc pas de confusion pour la clientèle mais le système ne tire ainsi pas totalement parti de son potentiel. IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne) - GREGOR - 2004-01 - 2 4 LE ROLE DU MULTICANAL DANS LA STRATEGIE MARKETING Nouer des contacts avec les clients ou avec les prospects a, depuis toujours, été une nécessité majeure des forces marketing et commerciales de l’entreprise. Aujourd’hui, il est indispensable d’associer différents canaux de contact pour répondre aux trois grands besoins que sont prospecter, fidéliser ou encore communiquer. Pour chacun de ces objectifs, nous présenterons les stratégies multicanal les plus adaptées. 2.1 Prospecter Toute entreprise se doit de recruter de nouveaux clients pour renouveler son portefeuille clients mais également pour élargir sa cible. Pour atteindre cet objectif avec plus d’efficacité, les entreprises associent plusieurs canaux de contact. Dans une approche de prospection, les outils les plus souvent utilisés sont les centres d’appels, le SMS et le e-mailing. Les centres d’appels Dans une approche de prospection, les centres d’appels, de par leurs coûts réduits par rapport à une visite en face à face, connaissent un succès bien compréhensible. L’usage du téléphone représente un gain de temps qui permet aux sociétés de conquérir à moindre coût de nouveaux marchés. Le téléphone peut être qualifié de rencontre interactive, rapide, chaleureuse et adaptée. Si les techniques de vente par téléphone ont peu évolué (script, argumentaire, guide d’entretien), la façon d’aborder les personnes s’est, en revanche, transformée. Les contacts téléphoniques sont aujourd’hui mieux ciblés, grâce aux logiciels de scoring et l’approche est devenue "plus douce". L’objectif est d’identifier, de comprendre le besoin de l’individu et non plus de vendre un produit à tout prix. La prospection téléphonique est généralement couplée à l’envoi d’un courrier ou à la visite d’un vendeur. Ainsi, dans le contexte de l’ouverture d’une nouvelle agence bancaire, par exemple, la banque adresse un courrier aux clients potentiels et contacte les non détenteurs de compte en s’appuyant sur le géomarketing afin de mieux cibler les appels. En B to B, le télémarketing peut être utilisé pour cerner l’adéquation entre l’offre de l’entreprise et la cible avant de mener une opération de mailing relative à l’envoi d’une documentation. Toujours dans le secteur B to B, le télemarketing peut être utilisé pour détecter les projets en voie de réalisation. Le téléopérateur assure ainsi un rôle dans la détection de projets, celle-ci pouvant être suivie d’une prise de rendez-vous. Les six étapes de construction d’un plan stratégique autour des centres d’appels (Oxford Associates, 1998) 1 - Définir les objectifs commerciaux du centre d’appels 2 - Définir les applications du centre d’appels (vente directe, pénétration de marché, prospection) 3 - Définir la couverture du centre d’appels (les segments de marché choisis) 4 - Construire un plan d’investissement (types de ressources engagées, modèle de coûts d’exploitation) 5 - Construire un plan de coordination avec les autres canaux (intégration avec la force de vente, les partenaires d’affaires et Internet) 6 - Etablir les indices de performance (mesure de l’efficacité et des coûts) Le SMS Aujourd’hui le téléphone s’élargit au téléphone mobile et permet de nouveaux contacts au travers de ce qu’on appelle mini-messages, textos ou SMS. Il s’agit de messages courts diffusés sur les téléphones mobiles. Loin de se cantonner au public des 15-25 ans, qui ont été les premiers à le plébisciter, le SMS peut potentiellement toucher les 37 millions de possesseurs de téléphones portables. Les envois de SMS doivent se faire exclusivement auprès des personnes ayant explicitement donné leur accord pour recevoir des messages à caractère publicitaire ou de celles qui ont communiqué leur numéro de téléphone dans le cadre d’une relation avec la marque. Le contact SMS rentre dans la logique du marketing de « permission » au risque de subir ultérieurement des retombées négative sur la marque. IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne) - GREGOR - 2004-01 - 5 Pour s’assurer un bon retour sur investissement, les annonceurs doivent définir des messages ciblés, à haute valeur ajoutée et surtout coupler leurs messages textes à des campagnes de communication. Le message SMS doit, en effet, permettre à l’abonné de bénéficier d’avantages, d’informations personnalisés et exclusifs. C’est ainsi que pour le lancement de sa gamme de produit Oligo 25, Vichy, en complément d’une communication presse, a adressé un message SMS qui invitait les consommatrices à venir chercher un échantillon du nouveau soin en pharmacie. Le message « Vous avez moins de 35 ans ? Oligo 25 est arrivé ! Vichy lance le nouveau soin hydratant antiteint terne. Votre échantillon vous attend en pharmacie » était tout à fait ciblé. Soixante dix mille femmes, âgées de 15 à 34 ans, sélectionnées en fonction de leur centre d’intérêt « hygiène/beauté » ont alors profité de cette action promotionnelle (Marketing Direct, N°69, Novembre 2002). Les bénéfices et limites d’une campagne SMS - - Le SMS représente de nombreux avantages pour l’annonceur et le consommateur, il connaît toutefois certaines limites importantes à connaître. Les bénéfices Les annonceurs peuvent toucher en one to one 37 millions de personnes. Le SMS est un support qui permet d’améliorer la relation client grâce à son caractère immédiat et affectif. Le SMS est simple d’utilisation et améliore l’interactivité. Le SMS permet de joindre le consommateur quel que soit l’endroit où il se trouve. Une campagne SMS peut dynamiser l’image de marque de l’annonceur. C’est un canal peu coûteux. Les limites Le SMS s’il n’est pas inscrit dans une démarche de « permission » peut être considéré comme intrusif. Le message SMS est aujourd’hui limité à 160 caractères. Source : Marketing Direct, N°69, Novembre 2002 2.2 Fidéliser La fidélisation des clients passe par une amélioration de la relation client. Pour cela, la plupart des entreprises mènent une stratégie multicanal qui s’appuie notamment sur le mailing et le e-mailing. Nous y ajouterons le rôle du service clients. Le mailing Le mailing demeure l’outil utilisé par tous. Les entreprises de distribution informent leurs clients de leur zone de chalandise des promotions effectuées. Les industriels envoient catalogues et offres diverses à leurs clients et à leurs prospects. Les banquiers sollicitent leurs clients pour leur vendre de nouveaux produits. Les compagnies aériennes proposent des cartes de crédit co-brandées avec des banques. Le succès du mailing est notamment dû à la gestion des bases de données, à une savante collecte d’informations et au recours aux logiciels de scoring. Le coût de tout ceci est relativement modeste, comparé au contact en face à face. Toutefois, la constitution et l’entretien d’une base de données coûtent cher, de plus, les investissements doivent être mis en relation avec les retours. Un taux de remontée de 5 à 10% - exceptionnel – procure une rentabilité inespérée, un taux de 0,5 % à 1 % - plus habituel précipite l’opération vers la perte. Toutefois, le mailing gagne toute son efficacité lorsqu’il est couplé à d’autres canaux de contacts. Dans une approche de fidélisation, l’avantage du multicanal est de répondre au mieux aux attentes des clients et donc de renforcer la relation entre marque et consommateur. C’est ainsi que les Galeries Lafayette ont choisi dans leur programme de fidélisation des 1525 ans d’associer des SMS à la carte Lafayette Mod’pass. Les jeunes détenteurs de la carte, acceptant de donner leur numéro de téléphone portable, reçoivent des mailings plus des SMS qui leur permettent de bénéficier d’avantages exclusifs rapidement. Une opération de mailing peut également s’appuyer sur la richesse d’expression du magazine de marque. Le magazine de marque, nommé également « consumer magazine », fait partie des canaux privilégiés par les entreprises pour rentrer en contact avec leur client. On IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne) - GREGOR - 2004-01 - 6 peut citer le magazine « Maison en vie » de Leroy Merlin ou encore les magazines des distributeurs Carrefour et BHV. Le magazine de marque a notamment pour objectif de créer une relation de proximité et de connivence avec les cibles visées. Cette stratégie est notamment développée par les magazines des marques de transport, destinés aux porteurs de cartes, comme Grands Voyageurs de la SNCF ou A/R du groupe des transporteurs d’Ile de France (RATP, SNCF, Transilien). Ces magazines présentent un contenu éditorial riche en informations, qui peut porter à la fois sur la marque, ses produits, ainsi que sur les loisirs et les sujets de société. En tant qu’outil relationnel mais aussi en tant qu’expression identitaire de la marque par les sujets traités et le ton utilisé le magazine doit refléter les valeurs de la marque. Afin d’entretenir une relation à long terme et développer une histoire commune avec ses clients, le magazine de marque se doit d’être à la fois un outil pédagogique, divertissant et interactif. L’interactivité éditoriale consiste à donner la parole aux lecteurs, à les laisser s’exprimer et à témoigner de leur expérience. Dans une approche multicanal, l’interactivité commerciale incite à intégrer dans le magazine un média de réponse qui renvoie à un contact téléphonique, à un service Minitel ou à un site Internet. Le e-mailing Les envois de courriers électroniques directs sont en augmentation rapide, notamment en raison des faibles coûts de ce média. Si 500 euros représentent le coût d’une visite avec un vendeur comme indiqué plus haut, 50 euros seront le coût d’un contact par téléphone et un contact par Internet coûtera 5 euros, ou même moins. Toutefois, le succès du e-mailing ne s’explique pas seulement par des contraintes de coûts, ce nouveau canal de communication permet, en effet, d’améliorer le contact clientèle grâce à un échange immédiat et interactif. Ainsi, le client fidèle d’une entreprise lui confie son adresse mail et accepte très volontiers d’entretenir, par ce canal, une histoire à répétition. Les offres proposées par l’annonceur sont alors adaptées, donc bien accueillies par le consommateur. Les bénéfices et limites d’une campagne d’e-mailing - - Le e-mail représente certains avantages pour l’annonceur et le consommateur, il connaît toutefois de nombreuses contraintes importantes à connaître. Les bénéfices Les annonceurs peuvent toucher leur cible en one to one. L’e-mail permet d’améliorer la relation client grâce à son caractère immédiat. Le e-mail améliore l’interactivité. Le e-mail permet de donner des informations précises et de jouer sur la création publicitaire. Une campagne d’e-mailing peut dynamiser l’image de marque de l’annonceur. C’est un canal peu coûteux. Les limites L’efficacité du e-mailing peut être remis en cause par la fiabilité des adresses. L’internaute peut craindre d’ouvrir un courrier inconnu en raison des risques de propagation des virus. S’il n’est pas inscrit dans une démarche de « permission » le e-mail peut être considéré comme une violation intempestive de l’intimité de chacun. Le service clients Le service clients prend appui sur le canal téléphonique. A la différence des centres d’appels où l’entreprise prend contact avec des prospects ou des clients, le service clients permet au client d’être l’initiateur du contact. Par cette originalité, le service consommateur est devenu un moyen privilégié des entreprises pour fidéliser leur client. La hot-line, permet en effet aux individus de solliciter 24h/24 un conseil, une information, de déposer une réclamation ou de passer une commande. Dès que le consommateur contacte de lui-même l’entreprise, le téléphone a le mérite d’être rapide, et interactif. Toutefois, les téléopérateurs font face à des questions, des réclamations et doivent défendre l’identité de la marque. L’éventuel danger du service clients est de détériorer l’image de l’entreprise par le manque de connaissance de la marque, surtout lorsque le service est externalisé. D’où l’importance d’une cellule propre à l’entreprise, bien rattachée à sa culture où le responsable de marque doit veiller à la pertinence du discours des téléconseillers. IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne) - GREGOR - 2004-01 - 7 Le service clients De plus en plus, le service consommateur est utilisé comme un outil de marketing dont l’objectif est de faciliter la relation d’un client avec la marque. Sur les emballages de l’ensemble des marques de Lever Fabergé (Skip, Omo, Cif, Cajoline, Rexona, etc.) figure ainsi un numéro Azur pour les clients. Par ailleurs, le service consommateur se transforme en outil de la gestion de la relation client. Le consommateur a, en effet, de plus en plus d’attentes vis-à-vis de la marque et si le service client lui propose des réponses adaptées, la confiance s’accroît et la proximité se développe. Les Centres Leclerc viennent ainsi de lancer un service consommateurs baptisé « Allo E. Leclerc » qui permet de répondre rapidement et de façon adaptée aux demandes des clients. Enfin, le fait que de nombreux services consommateurs soient rattachés à la direction générale de l’entreprise, comme ceux de Nestlé et Procter et Gamble, révèle l’importance de cette unité dans le management de la relation client. D’après Marketing Direct, N°66, janvier 2002 2.3 Informer Pour communiquer les valeurs de la marque mais aussi pour améliorer les relations clients, les entreprises s’appuient sur le face à face et le site Internet. Ces supports, bien gérés, permettent à l’entreprise de s’exprimer librement avec la plus grande clarté. Le face à face La rencontre en face à face est très évidemment la plus ancienne de toutes les méthodes de contact avec un client. Que ce soit à son domicile, dans une agence ou dans un lieu de réunion, le client particulier a depuis toujours été sollicité par les vendeurs. La formule se raréfie pour ce qui est du démarchage à domicile mais conserve toute sa forme avec les déplacements du client vers l’entreprise. Pour ce qui est du client entreprise, dans le domaine du B to B, la pratique est universellement plus répandue. On en comprend à l’évidence l’intérêt. La rencontre permet d’écouter le client pour mieux reformuler sa demande et autorise l’argumentation et la réactivité. On peut montrer son offre, la faire vivre dans une situation, en préciser l’intérêt en fonction des réactions du client. Tout ceci est une caractéristique qui ne peut trouver d’équivalent dans un aucun autre canal de communication. Souplesse, réactivité, adaptation, capacité à démontrer, le face à face rassemble tous les suffrages. De l’automobile au matériel de bureau, de l’ordinateur portable au vêtement, du contrat d’assurance au voyage de vacances, on ne peut imaginer une méthode plus puissante et plus adaptée que le face à face. La contrepartie de ces avantages nombreux est le coût élevé de ce contact. Une visite, une rencontre, un face à face comporte un coût, variable selon le temps d’accès, la durée de l’entretien et les compétences du vendeur. Une visite d’un vendeur très qualifié, donc bien rémunéré, qui nécessite une journée de préparation, en comptant une journée d’approche, va coûter plusieurs centaines d’euros et ceci en ignorant les frais de déplacement. On avance fréquemment, dans le domaine industriel, le coût de 500 euros pour une visite. Voilà à n’en pas douter, une moyenne même si elle masque des réalités différentes. Lorsque c’est le client qui se rend dans une entreprise, dans une agence, dans un magasin ou un show room, le coût du contact est évidemment réduit mais demeure important. Toutefois, pour assurer un retour sur investissement maximal, les entreprises ont bien compris que la force de vente devait être intégrée dans une stratégie multicanal. IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne) - GREGOR - 2004-01 - 8 Optimiser la force de vente dans un contexte multicanal Trois principes peuvent être prescrits afin d'améliorer l'efficacité ? d'une force de vente impliquée dans un dispositif multicanal : 1- Recentrer l'activité de la force de vente sur l'acquisition et la pénétration de grands comptes, en réduisant notamment le rôle de la force de vente dans les processus d’approvisionnement ou de support après-vente 2- Fournir un support technologique à la force de vente. L’information aux commerciaux doit leur permettre d’identifier de nouvelles opportunités et de conclure des ventes. De ce fait, l’information fournie aux vendeurs doit être rapide d’accès, actualisée de façon continue, être intégrée au système d’information de l’entreprise. Enfin, il est important d’utiliser des technologies collaboratives et Internet pour améliorer l’agrégation des informations sur un même compte. 3- Former la force de vente aux interactions avec les autres canaux. Si les canaux de vente alternatifs peuvent aider la force de vente à concentrer leur activité sur l’acquisition de grands comptes, cela ne peut se faire sans une maîtrise des interactions entre les différents canaux. Une formation spécifique des commerciaux peut éviter de graves déconvenues quant à l’efficacité d’un dispositif multicanal. Le site Internet Les sites Internet pour lesquels le client décide, par lui-même, de la prise de contact connaissent un grand succès auprès des marques qui veulent développer leur marketing relationnel. Les marques intègrent ainsi de plus en plus l’adresse de leur site Internet au sein de leurs campagnes publicitaires dans la presse, à la télévision ou en affichage. Outre l’image de modernité que confère le Web, les sites Internet permettent aux marques de mettre en place un nouveau canal d’échange avec les consommateurs. Par exemple, le site Internet de Cyrillus, marque vestimentaire pour les enfants et leur maman, permet de relayer l’image de la marque, de présenter les nouveaux produits et de mettre en place les offres promotionnelles. Toute cette communication est, de plus, relayée par des campagnes d’e-mailing personalisées. Le site Internet peut également être un moyen pour créer une relation privilégiée avec sa cible. Quelques mois avant le lancement de la Mini One et relayé par une campagne de communication, BMW proposait une visite virtuelle au volant de la nouvelle voiture sur le site mini.com. Yop, la première marque à avoir osé le discours décalé dans l’univers des produits ultra-frais, a refondu son site pour donner naissance à la Yop city et y décline la Yop attitude : zone de jeux, bons plans, goodies à télécharger. Le site Internet permet à la marque Yop de revendiquer son style de vie jeune, décontracté et d’entretenir une relation de proximité avec le public. Le site Internet peut devenir une véritable opportunité pour faire vivre une marque. C’est ainsi que la marque Monsieur Propre a rajeuni son image depuis l’ouverture de son site Internet lancé en juin 2000. En organisant sur Monsieurpropre.com un concours d’affiches et de slogans publicitaires P&G a créé du trafic sur le site et a surtout mieux su faire connaître sa marque apposée sur des tee-shirts que l’on repère aujourd’hui dans les quartiers à la mode de la capitale parisienne. Toutefois, l’efficacité du site Internet dans une stratégie multicanal dépend notamment de son interactivité, de sa simplicité, de sa bonne ergonomie, de son design attractif et de sa préoccupation en matière de sécurité pour protéger les transactions. Les grands précurseurs de la vente tels Amazon.com mais aussi les banques, les agences de voyages ont su habituer l’internaute à nouer des contacts par le Web. Les avantages sont immenses pour l’entreprise comme pour le client. Pour l’entreprise, le coût réduit a déjà été relevé mais il convient d’y ajouter la capacité à présenter, à faire vivre les offres, à entrer dans une relation très individualisée avec une forte interactivité et une rapidité excellente. Il suffit pour s’en convaincre d’observer les résultats d’une entreprise comme Dell. Quant au client, il retrouve en continu toute l’information souhaitée. S’il s’agit d’une simple prise de contact pour une information ou une réclamation, le dépôt de sa demande est immédiat. Dans le domaine bancaire, par exemple, les clients prennent conscience des bénéfices de la stratégie multicanal qui leur permet de réaliser par Internet la consultation des comptes et les opérations bancaires simples, y compris la vente et l’achat d’actions. Notons qu’Internet est IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne) - GREGOR - 2004-01 - 9 devenu un lien de contact aussi bien en B to B (à preuve le développement lent mais continu des places de marché) qu’en B to C. 3 LA PRATIQUE DU MULTICANAL : DES DANGERS REELS Les entreprises surfent sur les différents canaux de communication possibles. Mais se pose aujourd’hui la question, non plus du choix d’un canal, mais de la combinaison optimale entre plusieurs canaux. Tableau 1 : L’association des différents canaux de contact selon les objectifs marketing Objectifs poursuivis Force de vente Mailing, emailing Prospecter Fidéliser Informer X XX X X XX X Télémarketing Centre d’appels Service clients XX X SMS Site Internet XX XX X X X XX Le multicanal offre de nouvelles opportunités aux entreprises commerciales qu’il s’agisse de mieux servir les clients, d’en atteindre de nouveaux, d’accroître la fréquence des contacts ou d’améliorer le ciblage des actions marketing. Ces opportunités posent, toutefois, de nouveaux défis et risques. Il ne s’agit pas de dresser la liste des limites que ces méthodes, comme toutes autres actions commerciales, peuvent rencontrer. Nous nous attachons ici à mettre en évidence les dangers potentiels de cette démarche. Les entreprises parviennentelles à suivre finement les comportements de leurs clients d’un canal à l’autre ? N’y a-t-il pas une grand risque d’aboutir pour elles à une vision morcelée du client ? 3.1 Une accumulation de canaux de contact sans véritable intégration globale Lorsqu’un seul, voir deux canaux existent pour prendre contact avec le client, par exemple, la visite et le courrier, la réception dans une agence et le téléphone, le téléphone et le courrier, la segmentation en terme de communication est relativement simple. Les clients importants sont visités et joints par téléphone, les clients plus modestes sont contactés par téléphone, les plus petits clients ne méritent qu’un simple courrier. A terme, si de nombreux canaux sont mis en œuvre pour chaque client, la démarche conduit à rattacher chaque canal à un besoin spécifique. De ce fait le client, traité de façon morcelée, devient insatisfait. Chaque canal est spécialisé pour un seul problème Aujourd’hui chaque segment, voire chaque client, est rattaché à un canal spécifique selon ses besoins. La banque en constitue un bon exemple. Un client « moyen » n’est supposé se rendre dans son agence que pour acquérir de nouveaux produits mais il n’a pas d’autres ressources qu’Internet ou un automate téléphonique pour collecter des informations et suivre l’état de son compte. Comment alors faire admettre au client, que lors de son passage dans l’agence, il peut, par exemple, retirer un bijou d’un coffre mais qu’il ne lui sera pas possible de se faire remettre de l’argent liquide et qu’il doit recourir au distributeur automatique de billets. Le client peine à accepter que son statut se modifie à chaque opération et que l’entreprise lui impose un canal de contact différent pour résoudre les divers problèmes. Il souhaite un service complet au moment de chaque contact et déplore vivement de ne pas pouvoir disposer de ce que l’on appelle le « guichet unique ». La pratique s’observe de la même manière dans l’assurance, chez les opérateurs de téléphonie mobile, les vendeurs d’appareils électroménagers ou d’ordinateurs. Là se trouve une réelle limite du multicanal. Celui-ci entend tronçonner le client selon la nature et l’objet du contact alors que le client, lui, bien au contraire, veut une porte d’entrée unique capable de répondre à toutes ses interrogations que ce soit une demande d’informations (coûteuse pour l’entreprise), une réclamation (utile mais très onéreuse pour l’entreprise), une décision d’achat d’un faible montant ou d’un montant élevé. Dans le cadre du B to B, les entreprises ont parfaitement compris ce danger en créant des responsables de comptes-clés qui coordonnent l’ensemble des contacts avec un seul client. Mais a-t-on pensé à ce qu’il convient de faire pour un compte « non clé » ? De même, les fabricants ont ajouté des responsables d’enseignes dans leur organigramme pour IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne) - GREGOR - 2004-01 - 10 maintenir un contact harmonieux avec les grands distributeurs en dépit de la multitude de canaux utilisés pour les contacter. CRM multicanal : la grande embrouille « Dans leur stratégie CRM, les entreprises ont répondu pour la plupart à une logique de juxtaposition et non d’intégration » affirme Xavier Gazay, responsable du CRM France et Benelux chez Accenture. Et, à en croire Olivier Bourassion, responsable du partenariat Siebel chez CSC Peat Marwick, le constat a tout autant d’acuité aujourd’hui. Selon lui, la tendance à l’agrégation se confirme : « Dans la phase de conduite de projet, les entreprises travaillent de moins en moins sur des schémas globalisants. Elles entrent dans la relation client par un canal, comme les centres d’appels ou encore Internet. Par la suite seulement et progressivement, elles intègrent d’autres canaux. » L’exemple du Club Med, souvent cité, est éloquent. Voici une entreprise, très soucieuse de sa communication, qui a d’emblée souhaité élargir les points de contact avec la clientèle, ne lésinant pas sur les dépenses autour du mailing courrier, du centre d’appels, d’Internet (sans parler de la pub et des points de vente). Le hic, c’est que, dans la restructuration souhaitée il y a quelques années par le PDG, les passerelles n’ont jamais été sérieusement établies entre la base de données gérée par les agences et le siège, celle accolée au call center et celle attenante au Web. Ce qui donne parfois lieu, dans la teneur de la communication avec la clientèle, à des détails pour le moins cocasses. Source : Marketing Direct, février 2002 Une absence de vision globale Les opérations de contact par un canal ou un autre sont encore trop fréquemment décidées sans une vision globale dans l’entreprise. Un segment de population reçoit une offre par courrier car il répond à certains critères alors qu’au sein de cette population certains clients, parce qu’ils répondent en même temps à d’autres critères, vont recevoir la même offre ou une offre voisine par un contact téléphonique. De plus, le client, au regard d’une vente, peut apparaître comme multifacettes : il est chef de l’entreprise dont la banque détient le compte de par son métier, mais il est particulier en raison de ses comptes personnels. Combien d’entreprises sont à même de surpasser ces différences pour voir le client globalement ? De fait, l’usage du multicanal peut s’opérer de façon désordonnée. Ceci est d’autant plus vrai lorsque les activités appartiennent, sur le plan organisationnel, à des structures différentes. Le centre d’appel, par exemple, relève du département CRM au sein de la division marketing ; les équipes de vendeurs sont sous l’autorité de la direction commerciale ; les opérateurs, qui font des mailings appartiennent à une cellule promotion rattachée au chef de produit ou au chef de groupe concerné. La coordination, les échanges d’informations, les actions d’intégration des plans commerciaux, le décloisonnement des axes de travail sont autant de voies absolument indispensables pour assurer l’efficacité de la stratégie multicanal. 3.2 Des clients insatisfaits par des canaux inadaptés A ce stade, on ne peut éviter de s’interroger sur la pertinence du développement des canaux de contact dont le coût est sans aucun doute très diminué mais qui n’apportent au client qu’une satisfaction réduite. Des canaux inadaptés aux besoins des clients Centres d’appels et sites Internet sont en perpétuel développement et s’améliorent de jour en jour mais engendrent encore beaucoup de difficultés. Les enquêtes clients sont saturées des exposés des désagréments ressentis : hot-line jamais joignable, numéros de téléphone toujours occupés ou ne répondant pas, automates téléphoniques qui sont organisés pour dissuader le client d’aller choisir le contact direct avec un conseiller, sites Internet dont le maniement est incompréhensible, voire dont certaines pages sont impossibles à ouvrir, fichiers Pdf rompant la connexion au moment de l’ouverture, impossibilité d’imprimer les pages utiles, absence de renseignements précis sur ce que l’on souhaite. Pour une satisfaction réelle sur la qualité, la précision, la rapidité d’un contact, combien d’histoires négatives rapportées ! Le IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne) - GREGOR - 2004-01 - 11 point de vue donné ici ne doit pas masquer tout l’intérêt de ces canaux récents. Il est développé uniquement pour en souligner les difficultés. Par ailleurs, il est important de préciser que plus le nombre de canaux est élevé plus la coordination est délicate. La gestion en parallèle des actions de marketing direct et des équipes de vente dans l’automobile, par exemple, a donné lieu à de nombreuses réflexions il y a plusieurs années. Aujourd’hui, marier avec habileté le site qui donne de l’information et permet de prendre des commandes, le catalogue général, les mailings spécifiques, le contact direct grâce aux vendeurs spécialistes, les supports techniques, les responsables de comptes, le e-mailing, les prises de rendez-vous grâce à un centre d’appel et le bon accueil dans un show room ou une agence relève d’un véritable exploit. C’est ici que la nouveauté se trouve, dans la notion même de canaux multiples. La Camif se vante ainsi de sa stratégie multicanal à travers le slogan « un article peut être choisi sur le catalogue papier, essayé en magasin et acheté sur le web ». On imagine comment la chaîne peut être rompue si une des phases n’est pas en parfaite harmonie avec les deux autres. Il reste désormais à étudier, ce qu’en pensent les clients ou les prospects, comment ils vivent les multiples approches dont ils font l’objet au travers de ces canaux multiples. Faible intégration des différents canaux Durant le dernier trimestre 2001, Accenture a mené une enquête auprès des responsables marketing de grandes entreprise britanniques et américaines. 175 entretiens téléphoniques ont été menés dans divers secteurs d’activité (produits de grande consommation, distribution, construction et vente automobile, services, finance). S’il ne concerne pas précisément les entreprises françaises, ce focus est intéressant en ce qu’il révèle la relativement faible intégration des différents canaux et médias des entreprises. En l’occurrence, rien ne laisse supposer que les choses soient plus avancées dans l’Hexagone. 68 % des entreprises sondées ne sont pas en mesure d’évaluer le retour sur investissement de leurs actions de marketing. Ce, du fait d’une trop faible intégration des différents outils impliqués : vente, marketing relationnel, centres d’appels. 65 % des personnes interrogées affirment avoir du mal à connecter les diverses données, clients recueillies via les différents canaux (Web, mailings, call centers…). D’autant que, comme le signale Accenture, les moyens exploités pour contacter la clientèle sont de plus en plus nombreux, accentuant toujours plus la fragmentation des actions et campagnes de marketing relationnel. Or, si la dimension "créative" et production de cette multiplicité est assez bien maîtrisée, la vision unifiée est beaucoup plus précaire côté dimension analytique des données enregistrées et côté exploitation intégrée des informations. 67 % des entreprises jugent nécessaire une meilleure intégration de ces canaux. Source : Marketing Direct, février 2001 Des clients peu satisfaits Les attentes des clients envers une entreprise, dans toutes les formes de contact possibles, sont différentes entre les domaines des services (Air France, BNP Paribas, Deloitte et Touche) d’une part et les fabricants (Danone, Sony, Dell) d’autre part. Toutefois, le client attend une réponse rapide, précise, chaleureuse lorsqu’il est l’initiateur du contact. Lorsque l’entreprise est à l’origine du contact, le consommateur souhaite être contacté de manière ciblée, c’est-à-dire dans des conditions qui ne l’importunent pas. Sur ces deux plans, le multicanal pourrait présenter des limites. • Les canaux à distance sont une source emblématique de l’insatisfaction des clients. Internet et les centres d’appel ou les automates téléphoniques sont à même de répondre utilement à de nombreux types de contacts. Lorsque l’information souhaitée ou sollicitée est factuelle, lorsqu’elle ne comporte ni ambiguïté ni adaptation nécessaire, ni réactivité, ni reformulation, elle peut aisément transiter par des canaux électroniques. En revanche, lorsqu’un client attend un contact adapté, lorsqu’il se trouve dans une situation singulière, lorsqu’il pense avoir droit à un traitement personnel, le canal à distance, sans la présence d’un interlocuteur, ruine la qualité perçue du service. L’éloignement général des entreprises de leurs clients pour des raisons multiples (longueur et complexité des circuits de commercialisation, délocalisation, regroupement des ressources dans des lieux précis) rend la qualité du contact encore plus cruciale. Toute diminution de certains indicateurs de IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne) - GREGOR - 2004-01 - 12 satisfaction engendre chez le client, à très court ou à plus long terme, un désir de changer de fournisseur pour retrouver une richesse relationnelle jugée perdue. • Le client n’admet pas les traitements différenciés Le client est une personne unique, qui ne peut se résoudre à être traité de façon différente selon les services qu’il attend. De plus, le client est à l’évidence, client de plusieurs entreprises, dont il peut aisément comparer les offres, qu’elles soient dans un même domaine d’activité ou non. Le particulier compare les efforts de son banquier pour le solliciter ou l’informer avec ceux entrepris par une autre banque – lorsqu’il est multi bancarisé – ou avec ceux de son concessionnaire automobile. La comparaison porte par exemple sur les facilités d’accès au service client de SFR d’une part avec l’achat en ligne d’un billet SNCF d’autre part. Ou encore, l’entreprise vérifie le service offert par son fournisseur de fournitures de bureau avec le démarchage de son banquier pour une flotte de transport. Tout est comparé, tout est vérifié. Le client repère les qualités, les défauts, et les limites de la stratégie multicanal de leurs fournisseurs, qui en atténuant leur coût de contact, prennent le risque de la dégradation de la qualité du service offert. Les grandes marques à réseau peinent à maîtriser leur dispositif multicanal Chacun reconnaît que « cette multiplication des canaux a complexifié la relation que les banques entretiennent avec leurs clients. Nous avons tous eu tendance à développer ces canaux en les impliquant de manière successive et peut être un peu trop cloisonné (Banques Populaires). Les banques ont conçu Internet en termes d’architecture informatique, davantage comme un nouveau produit que comme un nouveau canal. Résultat : les systèmes fonctionnent mais des progrès considérables peuvent être accomplis en matière de cohérence. Source : Les Echos, novembre 2002 3.3 Les conséquences d’un multicanal désordonné La logique même du multicanal est d’offrir à chaque client un service adapté, au moindre coût, répondant à chacune de ses demandes. Le multicanal est né, comme nous l’avons dit, d’une force « push » - la technologie l’a permis - et d’une force pull – offrir au consommateur les mille moyens d’entrer en relation avec l’entreprise à tout moment. Le CRM n’est pas simple à mettre en œuvre ; les choix sont délicats ; la réussite à court terme n’est pas nécessairement au premier détour du chemin mais la formule ne connaît pas de détracteurs. Mieux connaître le client pour le fidéliser avec des contacts variés est admis par tous. Un multicanal adapté à chaque situation et qui parvient à dominer son désir de conserver tous les clients pour, au contraire, ne retenir que les meilleurs et accepter de détourner de l’entreprise les clients fidèles mais trop peu rentables, sont des actions qui représentent le lot au quotidien des spécialistes du marketing. Mais, comme on le dit aujourd’hui, c’est dans la mise en œuvre que se trouve la réussite. Le principe de multicanal n’est contesté par personne. En revanche, des actions de multicanal mal préparées, mal coordonnées sont au cœur du problème. C’est ce que nous allons décrire autour de quelques idées force. Une compétition entre les canaux Il est tellement aisé de franchir le pas entre la complémentarité souhaitable et la compétition ruineuse. Le multicanal repose, par construction, sur le credo de l’intérêt de la complémentarité. Dans tous les domaines, et donc bien évidemment dans celui du marketing, la volonté affichée dans l’entreprise de la plus parfaite harmonie est réelle mais la réalité est parfois bien différente. Les structures sont telles que, très souvent, ou plutôt trop souvent, les départements sont en lutte les uns contres les autres. Les vendeurs se heurtent aux opérations de marketing direct, la publicité grands média dispute sont budget à la promotion des ventes, le mailing ciblé souhaite tirer à lui une couverture qui, jusque-là, protégeait les envois en masse. Dans une entreprise, toute opération est en compétition redoutable avec les autres. La simple naïveté pourrait faire croire qu’une profonde harmonie règne mais ceci est généralement erroné. Le désir de chaque titulaire de la responsabilité d’une action de faire prévaloir son efficacité à tout prix le conduit à mener ses batailles dans une sorte d’isolement. Combien de luttes ont été menées dans une vision de conquête et de fidélisation de clientèle – et c’est très normal – mais sans la prise en compte raisonnée des faits induits par un moyen d’actions sur les autres moyens ? Quel responsable de centre d’appel a en tête que son activité IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne) - GREGOR - 2004-01 - 13 est d’abord destinée à conférer un support aux équipes de vente ? Quel chef de produit n’a jamais lancé de mailing sans avoir repéré au préalable, avec le gestionnaire du site Internet, les risques d’effets imprévus sur les clients ? Quel Web Master n’a-t-il pas modifié une offre, créé une bannière, établi un lien entre sites sans repérer avec précision l’effet sur l’image auprès des clients ? Le monde marketing et commercial n’est pas un monde idéal. Tout au contraire, et sans que les compétences des uns et des autres ne soient nullement mises en cause, observons la réalité : les informations circulent mal, le décloisonnement n’est jamais ce que l’on attend, les efforts de transversalité ne portent leurs fruits qu’à terme. Une mise en oeuvre difficile Les imperfections de la communication, dans le cadre du multicanal, engendrent des immenses difficultés puisque plusieurs canaux visent un seul objectif, une seule personne, le client. Toute action désordonnée, toute concertation non parfaite, toute coordination non assurée vient révéler son inefficacité au cœur de l’entreprise. Celui-ci, dans un même temps, apprend à déjouer les erreurs du multicanal car il en découvre instantanément les limites en mettant à jour les pratiques de l’entreprise. Segmentation, ciblage, positionnement, pour parvenir à leur efficacité maximale sont des actions qui doivent travailler dans la plus parfaite symbiose. Lorsque leur mise en œuvre, en sens contraire, révèle des faiblesses, elles impriment dans l’esprit du client, ce qui ne devrait jamais s’y trouver : la mise à jour de la stratégie commerciale. Dans cette voie, le multicanal par ses excès, ses imperfections court les plus grands dangers. Il révèle ce qui devrait être logiquement masqué. Il indique au client qu’il n’est qu’une ligne d’un fichier et que ses désirs sont soigneusement décortiqués, analysés afin de déterminer des réponses adaptées et guidées par les seules nécessités de l’entreprise. Si nous prenons quelque hauteur de vue, on observe ici que les principes du multicanal sont sans défaut mais que leur mise en application, parce qu’elles touchent les hommes et les structures, peut nous plonger dans la dure constatation de la réalité et, ici, le constat est sévère. Le mauvais, ou tout au moins le multicanal imparfait, plonge l’entreprise dans les pires difficultés. EN CONCLUSION, quelques recommandations Le multicanal, en offrant à chaque client un service adapté et répondant à chacune de ses demandes, est devenu un fait incontournable et rentable aussi bien pour l’entreprise que pour le client. Mais c’est dans la mise en œuvre que se trouve la réussite ou l’échec de la stratégie. Des actions multicanal mal préparées, mal coordonnées peuvent ainsi engendrer des difficultés dans le management de la relation client. Deux conseils peuvent alors être donnés pour améliorer la mise en œuvre de cette stratégie. Le premier est de bien comprendre, du côté de l’entreprise, que plus le nombre de canaux utilisés s’accroît, plus la complexité et donc plus les risques d’erreurs augmentent. A un doublement du nombre de canaux correspond sans doute une multiplication par six de la complexité. Le multicanal ne peut tolérer d’imperfections. Le recours à un canal unique, ou à deux canaux, permet de combler aisément les lacunes, de les contourner, de les atténuer. Le multicanal, tout au contraire, avec les interactions qu’il crée, voit toute erreur beaucoup plus difficilement gommée. Le second conseil est celui de prendre, encore plus régulièrement qu’auparavant, l’avis de la clientèle sur la qualité des contacts entretenus. La perception simple d’une insatisfaction qu’un vendeur en face à face pouvait recueillir, ou qu’un conseiller au téléphone décodait facilement n’est plus de mise avec la distance et le multicanal. L’ordinateur, l’automate, Internet sont mal équipés pour comprendre une tonalité, un agacement de la part du client. Une visite sur un site, trop vite quitté par un client parce que l’ergonomie n’était pas pertinente, n’est pas nécessairement mesurée comme une insatisfaction. Il convient donc, pour les entreprises, de mettre au point des baromètres sur cet aspect de la satisfaction du contact en prenant en compte plus particulièrement les effets du multicanal. La réussite future est à ce prix. Le jeu en vaut la chandelle. 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Les papiers de recherche du GREGOR sont accessibles sur INTERNET à l’adresse suivante : http://gregoriae.univ-paris1.fr/ Site de l’IAE de Paris : http://www.iae-paris.com 2004-01 LE MULTICANAL La stratégie de contact avec les clients au moyen de canaux multiples : une nécessite mais des dangers réels Jean-Pierre HELFER et Géraldine MICHEL Professeur à l’IAE de Paris - Maitre de Conférences à l’IAE de Paris IAE de Paris (Université Paris 1 • Panthéon - Sorbonne) - GREGOR - 2004-01 - 16