Le Journal de l`Institut Curie - n°69

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Le Journal de l`Institut Curie - n°69
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LE JOURNAL
DE
L’INSTITUT CURIE
COMPRENDRE POUR AGIR CONTRE LE CANCER
ACTUALITÉS
Avec la tomothérapie,
une nouvelle étape franchie
par la radiothérapie
ENTRE NOUS
Soyons jonquille 2007 :
mobilisation nationale
contre le cancer
DOSSIER
L’angiogenèse,
une cible anti-cancer
qui fait ses preuves
# 69 - MARS 2007 - 1,25 € - ISSN 1145-9131
ACTUALITÉS
INSTITUT CURIE
SOMMAIRE
ÉDITORIAL
p. 3
Avec la tomothérapie : nouvelle étape
franchie par la radiothérapie
Au-delà de la génétique :
p. 4
l’épigénétique
Cancer du côlon : découverte d’un facteur
p. 5
d’agressivité des tumeurs
p. 6
Cancer du col de l’utérus :
La vaccination oui, mais le frottis avant tout
FICHE PRATIQUE
h
Rétinoblastome
p. 7
h DOSSIER
p. 8
L’ANGIOGÉNÈSE,
UNE CIBLE
ANTI-CANCER
QUI FAIT
SES PREUVES
Trois questions au Dr Diéras
L’IRM fonctionnelle, une fenêtre
sur l’angiogénèse
Accident vasculaire et cancer,
un même intérêt pour les vaisseaux
p. 9
p. 11
p. 13
ENTRE NOUS
h
Initiatives
Rétrospective
Claudius Regaud, un pionnier
de la cancérologie
p. 19
1. Journal de l’Institut Curie, # 67, août 2006.
Amélie Mauresmo, marraine de l’Institut Curie
P. Perreira/Institut Curie
Témoignage : « Ceux qui ont croisé
p. 15
sa route ne l’oublieront jamais »
Soyons Jonquille 2007 : mobilisation
p. 16
nationale contre le cancer
Des célébrités lutte
contre les cancers féminins
p. 18
Depuis 2004, la championne de tennis apporte bénévolement son
soutien aux chercheurs, aux soignants de l’Institut Curie et, plus
encore, aux malades du cancer. Marraine de l’Institut, elle « espère
pouvoir leur donner du courage et un peu de bonheur », et assure
qu’« il faut toujours aller de l’avant, se battre. Parfois, on est moins
motivé et, à d’autres moments, on reprend confiance en soi. »
LE JOURNAL DE L’INSTITUT CURIE COMPRENDRE POUR AGIR CONTRE LE CANCER EST ÉDITÉ PAR L’INSTITUT CURIE - 26, RUE D’ULM, 75248 PARIS CEDEX 05 - FAX: 01 43 25 17 56 - [email protected]
- WWW.CURIE.FR - DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : PR CLAUDE HURIET - RÉDACTRICE EN CHEF : NATHALIE BOISSIÈRE – RÉDACTION : CLEMENCE MUSA – ICONOGRAPHIE : CÉCILE CHARRÉ
(01 44 32 40 51) ET RUBRIQUE RÉTROSPECTIVE LENKA BROCHARD - DONS ET ABONNEMENTS: YOVAN VUJOSEVIC (01 44 32 40 80) - ONT PARTICIPÉ À CE NUMÉRO: PR PIERRE BEY, DR VERONIQUE DIERAS,
DR LAURENCE DESJARDINS, ALAIN EYCHENE, DR PHILIPPE GIRAUD, NATHALIE HUCHETTE, PR CLAUDE HURIET, PR DANIEL LOUVARD, FATIMA MECHTA-GRIGORIOU, CLAUDE MONNERET, PR JEAN-YVES PIERGA,
SYLVIE ROBINE, DR XAVIER SASTRE, DR VINCENT SERVOIS, DR DOMINIQUE STOPPA-LYONNET, ANDREAS VOLK DE L'INSTITUT CURIE – LE SOMMAIRE, LES TITRES, CHAPÔS, INTERTITRES, ILLUSTRATIONS
ET LÉGENDES SONT DE LA RESPONSABILITÉ DE LA RÉDACTION EN CHEF ET N’ENGAGENT PAS LES AUTEURS - PHOTO DE COUVERTURE: BSIP - ABONNEMENT POUR 4 NUMÉROS/AN: 5 € - CRÉATION ET
RÉALISATION:
(01 53 00 10 00) – FABRICATION: TC GRAPHITE (MONTREUIL) – IMPRESSION: IMPRIMERIE VINCENT - 26 RUE CHARLES-BEDOUX – 37042 TOURS - NUMÉRO DE COMMISSION
PARITAIRE: 0907H82469 - DÉPÔT LÉGAL DU N° 69: MARS 2007 - CE NUMÉRO A ÉTÉ IMPRIMÉ À 160 000 EXEMPLAIRES, ACCOMPAGNÉ DU PROGRAMME « UNE JONQUILLE POUR CURIE ».
02,
LE JOURNAL DE
L’INSTITUT CURIE
Avec la tomothérapie,
GÉNÉROSITÉ
Des
financements
pour l’innovation
nouvelle étape franchie
par la radiothérapie
e 10 janvier 2007, pour la première
fois en France, les radiothérapeutes
de l’Institut Curie ont fait bénéficier
un patient de l’une des dernières
évolutions techniques de radiothérapie,
la tomothérapie. Cet homme de 45 ans,
atteint d’un cancer des voies aérodigestives supérieures (VADS), a débuté
ce jour-là un traitement que seul l’Institut
Curie était capable de délivrer en France.
Le tout nouvel appareil a en effet été
acquis par l’Institut en 2006 (lire encadré)
faisant de son plateau de radiothérapie
le plus diversifié d’Europe.
Ce programme est piloté par
le Dr Philippe Giraud, radiothérapeute,
et Alejandro Mazal, radiophysicien.
types de radiothérapie : certains cancers
des VADS, du sein et du poumon, des
sarcomes des membres et certaines
maladies hématologiques, dans le cas
de situations complexes rendant
le traitement classique long et risqué
voire impossible à cause de la proximité
d’organes sensibles.
L’irradiation mieux maîtrisée
h
Actualités générales
Le Centre de protonthérapie de l’Institut Curie
à Orsay (Essonne) va connaître un développement
considérable grâce à la générosité des donateurs
et à l’investissement des pouvoirs publics. Seuls
dix-huit centres dans le monde, dont deux en
France, pratiquent cette forme de radiothérapie
Pr Claude Huriet, ultra-précise qui cible la tumeur cancéreuse avec
président de une exactitude de l’ordre du millimètre. Ce Centre
l’Institut Curie se place parmi les premiers dans le monde avec plus
de 3 500 malades traités depuis son ouverture en 1991. Afin de soigner
davantage de patients atteints de certains cancers de l’œil ou du cerveau,
une extension du Centre de protonthérapie a été programmée.
Elle consiste à installer un nouvel accélérateur de particules – pour
fabriquer les protons indispensables au traitement – et à construire
une troisième salle de traitement dédiée particulièrement aux enfants.
Dans cette salle, un équipement aux dimensions impressionnantes
– 10 mètres de haut et plus de 100 tonnes – permettra une rotation du faisceau
d’irradiation autour du patient. Ce programme d’extension, initié en 2005,
a déjà été couronné d’une première médicale française avec le traitement
sous anesthésie d’une petite fille de deux ans 1. Il permettra de porter
de 350 à quelque 600 le nombre de patients traités par an à partir de 2010.
Le coût de l’équipement s’élève à environ 30 millions d’euros,
auxquels s’ajoutent les coûts de construction et d’aménagement.
Cet investissement n’a été possible que grâce au soutien financier
important du ministère de la Santé que complète l’apport de l’Institut Curie
sur ses ressources propres issues notamment de la générosité publique.
Le coût du traitement sera pris en charge par l’Assurance maladie.
En se dotant de cet équipement unique en France, l’Institut Curie conforte
sa place d’hôpital de pointe en cancérologie à l’échelle européenne.
Ce soutien exceptionnel de l’État et de nos donateurs est une reconnaissance
pour le savoir-faire de l’Institut Curie dans les traitements des cancers
et sa capacité à diffuser les connaissances acquises. Cette avancée est
une parfaite illustration des valeurs de l’Institut Curie : depuis un siècle,
les découvertes de Marie Curie et de ses « héritiers scientifiques » sont à
l’origine de progrès médicaux considérables qui permettent de sauver des vies.
L
La tomothérapie permet de réaliser une
distribution de dose extrêmement précise.
Les champs d’irradiation sont
parfaitement adaptés à la forme et au
volume de la tumeur, les organes voisins
protégés et la réalisation pratique de
l’irradiation simplifiée. Forte de cette
précision millimètrique, la tomothérapie
se rapproche de la précision de la
chirurgie. L’appareil de tomothérapie est
couplé à un scanner générant à chaque
séance des images en trois dimensions.
Ceci permet de vérifier la bonne position
du patient au millimètre près. Pendant la
séance, le patient ne doit pas bouger.
Conçu sur mesure, un système de
contention – un masque dans le cas d’une
tumeur des VADS par exemple (photo) –
immobilise le patient.
Dans un premier temps, cinq localisations
tumorales ont été choisies pour évaluer
la tomothérapie par rapport à d’autres
Le coût d’acquisition de l’appareil
de tomothérapie installé à l’Institut
Curie est de 3,5 millions d’euros. Cet
investissement a été possible grâce à
l’Institut national du cancer (0,6 million),
au ministère de la Santé (1,7 million
d’euros) et aux ressources propres
de l’Institut Curie (1,2 million d’euros)
issues notamment de la générosité
publique. Le fonctionnement est pris
en charge par l’Assurance maladie
grâce à une tarification spéciale.
Plusieurs hôpitaux impliqués
Les malades touchés par l’une de ces
pathologies et pris en charge au Centre
René-Huguenin (Saint-Cloud), à la
Clinique Hartmann (Neuilly-sur-Seine) et,
à Paris, à l’Hôpital européen GeorgesPompidou ou à l’Hôpital Necker (AP-HP),
ont accès à la tomothérapie à l’Institut
Curie. D’ici fin 2007, deux autres appareils
permettront aux patients de l’Ouest et du
Sud-Ouest de la France d’accéder à cette
radiothérapie ultra-précise grâce au
prochain équipement du Centre RenéGauducheau à Nantes et de l’Institut
Bergonié à Bordeaux.
Déjà mise en œuvre aux États-Unis et
dans quelques centres européens, elle est
impulsée en France par l’Institut national
du cancer (Inca) avec pour objectif de
combler le retard français en la matière.
10 janvier 2007 à l’Institut Curie : premier patient
en France à bénéficier d’une tomothérapie.
Un déploiement en perspective
P. Lombardi/Institut Curie
ACTUALITÉS
h
Institut Curie
Noak / Le bar Floréal / Institut Curie
,PREMIÈRE MÉDICALE
La protonthérapie, l’excellence
au service des patients
D’ici 2008, l’évaluation médicale et
médico-économique, coordonnée au
niveau national par l’Inca, permettra
d’établir si le déploiement de ces
techniques est justifié au regard du
bénéfice apporté aux patients. Une
comparaison entre les radiothérapies
conformationnelles (conventionnelles
avec ou sans modulation d’intensité,
protonthérapie et tomothérapie)
permettra de proposer à chaque patient
le traitement le mieux adapté
à sa pathologie.
Alice Devaux
LE JOURNAL DE
L’INSTITUT CURIE
,03
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ACTUALITÉS
ACTUALITÉS
INSTITUT CURIE
UN GÈNE POLYVALENT
Une équipe CNRS-Institut Curie
vient de montrer qu’un même
gène, le gène B-RAF, était
à l’origine de la fabrication
de plusieurs protéines – ce
qui arrive parfois – qui auraient
chacune un rôle différent
dans le développement des
cancers – ce qui serait assez
exceptionnel. Il s’agit d’un
oncogène, gène responsable
de tumeurs, que ces chercheurs
ont identifié en 1988 et qui est
muté dans des cancers comme
les mélanomes (cancer de
la peau) et certains cancers
de la thyroïde, notamment.
Dirigés par le chercheur Inserm
Alain Eychène, les biologistes
ont identifié comment, chacune
à leur manière, les protéines
issues de ce gène agissent
sur la prolifération des cellules.
Cette découverte devrait
permettre de mieux comprendre
le rôle de certains signaux
dans l’apparition de cancers,
« cancérogenèse », et d’imaginer
des stratégies thérapeutiques
destinées à pallier les défauts
de la cellule cancéreuse.
h
A. Eychène/Institut Curie
Source : Molecular and Cellular Biology,
janvier 2007.
Grâce au gène B-RAF, ces cellules
tumorales d’hypophyse (vertes) ont
une forte aptitude à développer des « bras ».
04,
LE JOURNAL DE
L’INSTITUT CURIE
,CANCER DU CÔLON
outes les informations héréditaires
nécessaires au fonctionnement
cellulaire ne sont pas uniquement
portées par nos gènes. C’est à l’étude
de ces informations, dites épigénétiques,
que se consacrent les chercheurs
de l’unité CNRS dirigée par
Geneviève Almouzni, à l’Institut Curie.
Elle s’est notamment demandé comment
celles-ci sont transmises pour permettre
le bon fonctionnement des cellules,
de génération en génération lors de
leur division. On savait que l’ADN, porteur
de nos gènes, était recopié et vérifié, mais
qu’en était-il des facteurs épigénétiques ?
Les chercheurs ont découvert que ces
derniers étaient eux aussi transmis lors
de la division cellulaire. Et, mieux encore,
ils ont mis en évidence que, comme l’ADN,
ils bénéficiaient d’un « contrôle qualité » :
ainsi, des processus assurent
la vérification et la réparation des
éléments épigénétiques qui peuvent
être abîmés au fil du temps. Un
phénomène vital car leur altération
compromettrait le fonctionnement
de la cellule et le développement d’un
organisme, voire pourrait participer à
l’apparition de cancers. Tout récemment,
d’autres chercheurs de l’Institut Curie ont
également fait une avancée significative
dans la compréhension de ce phénomène.
Pour la première fois a été
identifié l’ensemble des régions de
nos chromosomes qui sont touchées par
des modifications d’ordre épigénétique en
cas de cancer de la vessie. Ces anomalies
expliquent l’« extinction » de gènes
suppresseurs de tumeurs observée
dans ce cancer. En temps normal, ces
derniers empêchent le développement
de cancers. « Éteints » par des anomalies
EN BREF
Découverte d’un facteur
d’agressivité des tumeurs
Au-delà de
la génétique :
l’épigénétique
T
épigénétiques, ils ne remplissent plus
leur rôle protecteur. Ce résultat est le fruit
de recherches menées à l’Institut Curie,
et tout particulièrement par l’équipe CNRS
de François Radvanyi et l’Unité CNRS
de bioinformatique 1. Il est l’aboutissement
d’une nouvelle approche informatique
appliquée à la biologie mise au point
par ces chercheurs, suivie d’une validation
à l’aide de tests sur des prélèvements
tumoraux. Cette découverte illustre toute
la pertinence des collaborations entre
médecins, biologistes et bio-informaticiens
pour appréhender le fonctionnement de
la cellule normale ou cancéreuse. Ici, elle
a permis de dresser une carte des gènes
qui s’expriment « de concert ». Décryptée
par la puissance informatique, celle-ci a
apporté un nouveau degré d’informations
sur le profil génétique de ces tumeurs.
Cette cartographie constitue une
« signature » de ce cancer, précieuse
pour le reconnaître et mieux le prendre
en charge. Déjà, le recours à plusieurs
techniques d’exploration des cellules
cancéreuses participe à l’établissement
d’une « carte d’identité » des tumeurs,
compilant une masse considérable de
données. Celle-ci sera la pierre angulaire
du développement des traitements ciblés
adaptés aux caractéristiques moléculaires
de chaque tumeur et, par conséquent,
personnalisé à chaque patient.
e cancer se développe à la suite
de l’accumulation d’erreurs dans
plusieurs gènes. La nature de ces
altérations et l’ordre de leur survenue
sont distincts d’un cancer à l’autre.
Les gènes APC et K-Ras, bien
connus des biologistes du cancer, sont
respectivement impliqués dans 80 %
et 50 % des cancers du côlon. Dans 30 %
des cas, les deux gènes sont « actifs »
ensemble. Quelles conséquences leur
altération concomitante entraîne-t-elle ?
De récents travaux permettent à l’équipe
de Daniel Louvard et Sylvie Robine (CNRS,
Inserm) à l’Institut Curie de répondre que
la tumeur est beaucoup plus agressive
lorsque APC et K-Ras sont tous les deux
«mutés». L’existence de mutations
L
h
Des chercheurs de l’Institut Curie ont identifié
la protéine (en vert sur l’image) à l'origine de l’agressivité
de certaines tumeurs. Pénétrant dans les noyaux (en bleu)
des cellules, elle active les gènes APC et K-Ras.
START-UP
LES JEUNES POUSSES
DE L’INSTITUT CURIE
S’ILLUSTRENT
à la fois dans le gène K-Ras et le gène
APC agit donc en synergie, démultipliant
la prolifération anarchique des cellules
tumorales. La tumeur résiste
alors d’autant plus aux tentatives
de traitement. La recherche et
l’identification des mutations dans les
cellules cancéreuses de patients atteints
de cancer du côlon, bientôt l’objet de tests
cliniques, devraient permettre d’affiner
le diagnostic et le pronostic de la maladie,
et d’orienter le choix thérapeutique.
Source : Gastroenterology, janvier 2007.
K.-P. Janssen/Institut Curie
BIOLOGIE
,RECHERCHE
L. Levivier/Institut Curie
EN BREF
INSTITUT CURIE
Issue des travaux de l’équipe
Inserm de Marie-France Poupon
à l’Institut Curie, la société
XenTech, plate-forme préclinique
en oncologie, s’est vue remettre le
prix Coup de cœur de la 5e édition
de BioRIF, à l’initiative du Conseil
régional d’Ile-de-France. Cette
manifestation entend favoriser
et accélérer les échanges
entre de jeunes entreprises, des
porteurs de projet innovants et
des acteurs majeurs des sciences
du vivant en Ile-de-France.
Quelques semaines plus tôt,
c’était DNA-therapeutics, start-up
qui développe de nouveaux
médicaments anticancéreux
à partir de recherches menées
à l’Institut Curie qui se voyait
remettre le grand prix des
Sciences de la vie à l’occasion
de la 8e édition du Tremplin
Entreprises du Sénat.
Source : Molecular Cell. 20 octobre 2006, et Cell,
3 novembre 2006, Nature Genetics, décembre 2006,
publication en ligne.
1. Journal de l’Institut Curie, # 66, juin 2006.
LE JOURNAL DE
L’INSTITUT CURIE
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Vendu en pharmacie, le vaccin n’est
pas « la » solution au cancer du col
de l’utérus. La recherche de lésions par
le frottis est encore la meilleure arme.
ACTUALITÉS
GÉNÉRALES
FICHE PRATIQUE
RÉTINOBLASTOME
,CANCER DU COL DE L’UTÉRUS
es laboratoires Sanofi Pasteur MSD
commercialisent un vaccin destiné
à prévenir les infections génitales dues
à certains types de virus (HPV) impliqués
dans le développement ultérieur
des cancers du col de l’utérus.
Si cette innovation est prometteuse
en matière de santé publique, elle
comporte certaines limites. En premier
lieu, le vaccin protège contre deux types
de virus qui ne sont rencontrés que
dans 70 % des cancers du col utérin.
Cela implique que le dépistage des
précancers (dysplasies du col) par frottis
cervico-vaginal et leur traitement soient
maintenus, y compris chez les femmes
ayant bénéficié de ce vaccin préventif.
Il faut également savoir qu’en France
30 % des femmes n’ont aucun suivi
gynécologique, et que des progrès
importants restent à faire dans ce
domaine. Un autre point à souligner est
que le vaccin actuellement disponible
n’a pas montré d’efficacité dans le
traitement des lésions déjà constituées.
Il s’agit donc d’un vaccin strictement
préventif (prophylactique) pour
lequel la population cible est celle des
préadolescentes, avant le début de toute
activité sexuelle, afin d’être sûr que les
jeunes filles ne soient pas déjà infectées
par HPV. Il faut enfin avoir à l’esprit que,
C. Charré/Institut Curie
La vaccination oui,
mais le frottis
avant tout
L
compte tenu du délai de quinze ans
en moyenne entre l’infection et le
développement du cancer du col, l’effet
de la vaccination ne sera mesurable
que dans de nombreuses années. Sans
préjuger des recommandations et des
décisions quant au remboursement qui
seront connues d’ici à juin 2007, la lutte
« première » contre le cancer du col de
l’utérus repose toujours sur le dépistage
et le traitement des lésions, même
si l’apport du vaccin peut se révéler dans
le futur très intéressant. De nombreuses
études au long cours sont encore
nécessaires pour mesurer l’impact
de ce vaccin sur la santé des femmes.
,ENVIRONNEMENT
EN BREF
MALADIES DE LA PEAU
DÉPISTAGE GRATUIT
Montrez votre peau le 24 mai 2007,
9e Journée nationale de prévention
et de dépistage des cancers
de la peau dans toute la France.
Organisée par le Syndicat national
des dermatologues-vénéréologues
en partenariat avec l’Institut national
du cancer, la manifestation de 2006
avait une fois encore montré
l’intérêt d’une telle démarche :
sur 16 071 personnes examinées, 41 %
présentaient une ou plusieurs lésions
cutanées, parmi lesquelles des lésions
de type « mélanome » à surveiller,
des carcinomes et des kératoses
actiniques, ces lésions précancéreuses
de la peau dues au soleil. Au total,
c’est près de 200 lésions qui ont
été détectées de manière précoce,
donnant un maximum de chance
aux traitements d’être efficaces.
06,
LE JOURNAL DE
L’INSTITUT CURIE
La qualité de l’air
domestique inquiète
I
l est désormais interdit de fumer
en France dans les lieux fermés
et couverts, ouverts au public ou
qui constituent des lieux de travail,
dans les établissements de santé,
les transports en commun, les écoles,
collèges et lycées publics et privés
(y compris les endroits ouverts
tels les cours de récréation), ainsi
que dans les établissements destinés
à l’accueil de mineurs. Malgré cette
décision saluée par les pneumologues 1,
malgré celle annoncée pour
janvier 2008 qui protégera également la
population très exposée dans les tabacs,
cafés, restaurants et discothèques,
l’air que l’on respire contient encore
des particules nocives pour la santé 2.
Parmi celles-ci, les émissions dues
Un cancer qui s’attaque
aux yeux des enfants
à la combustion ménagère du charbon,
qui ont été déclarées cancérogènes 3
après un examen complet des études
scientifiques publiées à ce sujet.
Dans les pays développés,
la majorité des habitations disposent
d’une ventilation adéquate (cheminée,
hotte, etc.) permettant de réduire
l’exposition à l’air intérieur pollué par la
combustion du bois, du charbon ou des
fritures. Mais la moitié de la population
mondiale utilise du bois ou du charbon
pour cuisiner ou se chauffer, et ce,
dans des espaces peu ou pas ventilés.
1. Déclaration commune du Comité national
contre les maladies respiratoires, de la
Fédération française de pneumologie et de
la Société de pneumologie de langue française.
2. Pour en savoir plus : www.air-interieur.org
3. Centre international de recherche sur le cancer
Le rétinoblastome est une tumeur cancéreuse de la rétine qui se déclare le plus souvent chez l’enfant de moins
de cinq ans. Rare, il touche chaque année, en France, un nouveau-né sur 15 000 à 20 000. Dans certains cas,
il existe une prédisposition héréditaire que les généticiens savent identifier. Les traitements actuels permettent
de guérir 95 % des enfants, grâce à leur performance croissante et à leur personnalisation à chaque malade.
h
h
DES SIGNES D’ALERTE
Quel que soit l’âge de l’enfant,
certaines anomalies doivent imposer
très vite une consultation ophtalmologique
avec un examen du fond d’œil :
• un reflet blanc dans la pupille ou
leucocorie : au début, il n’est visible
que dans certaines directions du regard
et sous certains éclairages. Il peut être
vu précocement sur des photos au flash;
• la persistance d’un strabisme : le fait
de loucher par intermittence et pour une
courte durée est banal chez le nourrisson.
En revanche, un strabisme permanent
d’un œil ou des deux yeux peut
signaler une atteinte de la rétine.
h
LES EXAMENS CLINIQUES
Le diagnostic du rétinoblastome
repose essentiellement sur l’examen
du «fond d’œil». La pupille, trou noir
au centre de l’iris, est dilatée grâce
à des gouttes. Le fond de l’œil est
ensuite éclairé pour examiner
ses trois éléments principaux : la rétine,
les vaisseaux sanguins et le départ du
nerf optique. L’administration des gouttes
peut se révéler désagréable, et l’examen
peut provoquer un éblouissement,
mais il est tout à fait indolore. Le fond
d’œil exige une parfaite immobilisation :
• pour les plus jeunes patients,
une anesthésie générale de très courte
durée est souvent nécessaire;
• pour les enfants âgés de plus
de 4 ans, capables de comprendre
les recommandations du médecin et de
maîtriser leurs gestes, cet examen se
A. Lescure/Institut Curie
2/03/07
A. Lescure/Institut Curie
JIC69_4-7SR2
fait sans anesthésie. Un fond d’œil peut
aussi être pratiqué pour rechercher une
maladie oculaire (myopie, décollement
de rétine, glaucome, dégénérescence
maculaire liée à l’âge, rétinoblastome…)
ou générale (le diabète).
Dans le cas du rétinoblastome, le fond
d’œil permet de préciser le nombre,
la taille et la localisation de la ou
des tumeurs, ainsi que d’observer s’il
existe une atteinte d’une autre partie
de l’œil. Des examens complémentaires
peuvent être nécessaires: scanner,
IRM ou échographie oculaire.
Si la tumeur est volumineuse, une
recherche de métastases sera effectuée.
h
LES TRAITEMENTS
De nombreux traitements sont
disponibles en préservant autant que
possible l’œil et la vision : cryothérapie,
chimiothérapie, thermochimiothérapie,
photocoagulation, radiothérapie
externe et curiethérapie, ablation
chirurgicale de l’œil, dite énucléation,
suivie de la pose d’une prothèse.
Le choix dépend du type de la tumeur,
de sa localisation dans l’œil,
de son volume et de l’âge de l’enfant.
L’HÉRÉDITÉ
Pour assister les familles dont un
membre est atteint ou a été atteint
d’un rétinoblastome, des consultations
génétiques existent 1. En France,
toutes les analyses génétiques
sont réalisées à l’Institut Curie. Leur
objectif est d’améliorer la surveillance
de l’enfant atteint, de ses frères
et sœurs, des cousin(e)s germain(e)s
et celle des enfants à venir.
Nathalie Boissière
1. Il existe une cinquantaine de consultations
dites d’oncogénétique (génétique des cancers) en
France. Une consultation dédiée au rétinoblastome
existe à l’Institut Curie depuis plus de sept ans.
GRÂCE
À VOUS
Le
rétinoblastome, au
cœur de la recherche
Fort de la générosité publique *,
l’Institut Curie finance un programme
ambitieux sur trois ans, à hauteur
de 153 000 euros, auquel une vingtaine
de médecins et chercheurs participent.
L’amélioration des méthodes
de détection, la recherche de nouveaux
traitements et le perfectionnement
de ceux existant sont une priorité
pour les médecins et chercheurs
de l’Institut Curie, afin de préserver
au mieux la vision de l’enfant.
L’Institut Curie est en effet le centre
de référence en France pour la prise
en charge du rétinoblastome, avec plus
de 60 enfants traités chaque année,
soit environ 80 % des nouveaux cas.
* Dons spontanés et ceux sollicités lors
des manifestations Courir pour la Vie, Courir pour
Curie 2006 et « Soyons jonquille » 2007 (Lire p. 16-17).
DR LAURENCE DESJARDINS, CHEF DU SERVICE D’OPHTALMOLOGIE ONCOLOGIQUE,
ET DR DOMINIQUE STOPPA-LYONNET, CHEF DU SERVICE DE GÉNÉTIQUE ONCOLOGIQUE, INSTITUT CURIE
LE JOURNAL DE
L’INSTITUT CURIE
,07
JIC69_8-14-SR1
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Page 8
DOSSIER
L’ANGIOGÉNÈSE,
UNE CIBLE ANTI-CANCER
QUI FAIT SES PREUVES
En 1971, naît le concept selon lequel on pourrait lutter
contre le cancer en coupant les voies de communication
sanguine entre la tumeur et son environnement.
Une trentaine d’années plus tard, les médicaments qui
étayent cette idée émergent. Aujourd’hui, cette lutte
« anti-angiogénique » se développe, en synergie avec
la chimiothérapie, la radiothérapie et l’immunothérapie.
Dossier réalisé par Marie-Laure Moinet
08,
LE JOURNAL DE
L’INSTITUT CURIE
L’
initiation de vaisseaux sanguins, ou
« vasculogénèse », est inhérente au
développement de l’embryon. À l’âge
adulte, l’arbre vasculaire ainsi formé
se stabilise. Le bourgeonnement de
petits vaisseaux, les capillaires, à partir de ceux
préexistants, phénomène appelé angiogénèse, intervient pour le meilleur lorsqu’il s’agit de cicatriser
une blessure, ou de pallier l’obstruction d’un vaisseau ; mais également pour le pire dans les cancers,
l’arthrite rhumatoïde, certaines maladies ophtalmologiques comme la rétinopathie diabétique ou la
h
C. Charré/Institut Curie
ANGIOGÉNÈSE
Forts de premières
applications très
prometteuses, la recherche
sur l’angiogénèse mobilise
chercheurs et médecins
à l’Institut Curie comme
ceux de l’Unité «Génétique
et biologie des cancers»
(Inserm/Institut Curie).
TROIS QUESTIONS À ...
DR
dégénérescence maculaire liée à l’âge…
Une cellule ne peut survivre à plus de quelques
dixièmes de millimètres d’un vaisseau sanguin,
notamment les cellules tumorales très gourmandes
en oxygène et en énergie. Toute tumeur a donc
besoin, pour se développer au-delà du millimètre
cube, de détourner ou de fabriquer de nouveaux vaisseaux. C’est en 1971 qu’un biologiste américain,
le Dr Judah Folkman, formula le concept alors
novateur de médicaments « anti-angiogéniques ».
Il émit l’hypothèse qu’en entravant la formation de
ces nouveaux vaisseaux, on affamerait la tumeur et
on empêcherait les cellules tumorales d’emprunter
le réseau sanguin pour aller fonder des cancers
secondaires (métastases) dans d’autres organes.
Son article, publié dans le très réputé New England
Journal of Medicine, ouvrit un boulevard à la
recherche de stratégies contre la néo-angiogénèse
tumorale.
Mais les premiers médicaments testés – angiostatine, endostatine, interférons, inhibiteurs de matrice
métalloprotéinases… – furent décevants. Cependant,
ces échecs permirent de comprendre le « switch »
angiogénique. On nomme ainsi la conversion des
cellules de la paroi des vaisseaux, les cellules endothéliales, habituellement dormantes, en cellules
actives qui communiquent de façon nouvelle avec
leur environnement (lire encadré p. 13). En conditions normales, ces cellules ne se renouvellent que
tous les deux ou trois ans et sont recouvertes par
d’autres cellules, les péricytes, qui stabilisent le
vaisseau, réduisent sa perméabilité et régulent le flux
sanguin. Dans une tumeur, les facteurs pro-angiogéniques, qui favorisent l’angiogénèse, prennent
le dessus sous l’effet de multiples stimuli : manque
d’oxygène (hypoxie), de glucose, baisse de pH,
inflammation, stress oxydatif (lire encadré p. 12).
Sous l’effet de ces facteurs, les celAffamer lules endothéliales se divisent alors,
la tumeur migrent et établissent des ponts avec
leurs voisines (voir « Décryptage »
p. 10). Un réseau sinueux de capillaires instables,
dilatés et poreux s’installe, conduisant un flux sanguin paresseux et irrégulier. La pression dans
le milieu environnant augmente, ce qui freine la
délivrance des médicaments. Paradoxalement en
revanche, les médicaments anti-angiogéniques
améliorent l’efficacité de la chimiothérapie. L’hypothèse avancée pour l’expliquer est qu’avec la disparition des néovaisseaux très perméables, la pression
du milieu dans lequel baignent les cellules ■ ■ ■
VÉRONIQUE DIÉRAS,
CHEF DE SERVICE
DE LA RECHERCHE
CLINIQUE AU
DÉPARTEMENT
D’ONCOLOGIE
MÉDICALE,
RESPONSABLE
DE L’UNITÉ
D’INVESTIGATION
CLINIQUE.
Le bevacizumab a-t-il fait ses preuves
dans les cancers du sein?
Déjà utilisé contre des cancers colorectaux,
il est encore en évaluation face au cancer
du sein. Dans un essai clinique américain,
son association avec un médicament
de chimiothérapie, le paclitaxel, a été bénéfique
par rapport au paclitaxel seul dans la lutte
contre les métastases. Un essai international,
l’essai Ribbon, est en cours pour confirmer
son intérêt en association avec la chimiothérapie.
L’Institut Curie y participe en comparant l’effet
respectif de trois cytotoxiques associés.
Pourquoi l’associer à la chimiothérapie ?
La progression tumorale est multifactorielle
et le bevacizumab, comme tout anticorps
monoclonal, ne cible qu’un mécanisme.
Ainsi, chez les patientes dont la tumeur
exprime le récepteur membranaire HER2
en excès, trois sur quatre répondent à
la synergie trastuzumab/chimiothérapie,
contre une sur quatre au trastuzumab seul.
La différence, pour le bevacizumab, est que
nous ne possédons pas le critère de réponse
au traitement. Le taux sanguin de VEGF
n’est pas un biomarqueur pertinent. Celui
des cellules endothéliales circulantes,
mesuré à l’Institut Curie, est une piste évaluée
dans le cadre d’un essai multicentrique.
Quelles sont les autres associations
prometteuses ?
L’Institut Curie et l’Institut Gustave-Roussy
étudient un dérivé de la combrétastatine
en association soit avec le docetaxel, soit
avec le cisplatine. Un nouveau protocole évalue
l’association capecitabine/sunitinib, une petite
molécule multicibles (voir article). Un autre
teste celle d’un traitement anti-angiogénique de
la même classe, le pazopanib avec le lapatinib,
molécule ciblant les récepteurs HER1 et HER2.
Les essais cliniques sont nécessaires
pour valider l’efficacité des médicaments,
préciser leur tolérance et définir les meilleurs
schémas d’administration: rythme, dosages.
LE JOURNAL DE
L’INSTITUT CURIE
, 09
JIC69_8-14-SR1
2/03/07
14:29
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DOSSIER
DÉCRYPTAGE
ANGIOGÉNÈSE
ANGIOGÉNÈSE
La croissance du cancer et l’apparition de métastases sont étroitement liées à la vascularisation
de la tumeur primitive. La compréhension des mécanismes de formation des nouveaux vaisseaux
permet de développer des stratégies anticancéreuses qui la prennent pour cible.
1. La néo-angiogénèse est la formation de nouveaux vaisseaux capillaires par
migration et prolifération de cellules endothéliales issues des vaisseaux préexistants.
Lorsque le volume d’une tumeur dépasse le seuil critique de quelques millimètres
cubes, le manque d’oxygène et de nutriments dans les cellules du centre rompt
un équilibre.
2. Les cellules tumorales sécrètent alors des facteurs
Tumeur
qui enclenchent la néo-angiogénèse. Certains,
comme le facteur de croissance vasculaire VEGF,
activent les cellules endothéliales jusqu’ici au repos ;
d’autres, comme les enzymes spécifiques MMP,
Matrice extracellulaire
dégradent la matrice dans laquelle
baignent les cellules, facilitant
la progression des nouveaux capillaires.
3. Ces cellules endothéliales formant les
nouveaux capillaires apportent oxygène
et nutriments aux cellules de la tumeur
qui se développe.
Néoréseau veineux
et lymphatique
VEGF
MMP
4. Les néoréseaux veineux
et lymphatique évacuent les
déchets, mais aussi les cellules
cancéreuses qui peuvent
former ailleurs
des métastases.
Vaisseaux sanguins
Péricyte
Globule
rouge
Capillaires
Cellules
endothéliales
À la différence des vaisseaux normaux, les nouveaux
capillaires tumoraux sont désorganisés, dilatés
et perméables ; les péricytes, qui stabilisent
les vaisseaux matures, sont moins nombreux.
Leurres
Blocage du VEGF
Illustrations : É. Lamoglia/Institut Curie
Récepteur des VEGF
Cellule endothéliale
Blocage de la cascade
angiogénique
Cascade de signaux
angiogéniques
Les stratégies anti-angiogéniques consistent à neutraliser le VEGF avant qu’il n’atteigne
ses récepteurs à la surface des cellules endothéliales. Pour être actif, le VEGF doit se
lier à ses récepteurs; il déclenche alors une cascade de signaux qui aboutit à
l’angiogénèse. Une autre manière de contrer son action est donc de faire pénétrer dans
la cellule endothéliale des leurres qui bloquent cette cascade de signaux.
10,
LE JOURNAL DE
L’INSTITUT CURIE
diminue, et les médicaments peuvent à nouveau facilement sortir des vaisseaux pour atteindre
la tumeur.
La quête de facteurs responsables de cette
conversion angiogénique culmina en 1989 avec la
découverte, par l’Italien Napoleone Ferrara et le Français Jean Plouët à l’université de San Francisco
(États-Unis), du principal fauteur de trouble, le
Vascular Endothelial Growth Factor (VEGF). Ce
facteur de croissance est composé de protéines
produites et sécrétées principalement par les cellules
tumorales en état de stress. Les cinq types de VEGF
se lient, avec des affinités variables, aux trois sortes
de récepteurs présents à la surface des cellules
endothéliales : VEGF-R1, -R2 et -R3. Ancrés dans
la membrane, ils diffèrent par leur domaine extraet intra-cellulaire. Plusieurs approches moléculaires
sont donc poursuivies pour juguler l’action du
VEGF. « Il y a les mammouths, qui traquent
leur cible à l’extérieur de la cellule, et les renards,
plus rusés, qui entrent dans la cellule », résume le
Dr Jean-Pierre Armand, oncologue à l’Institut
Gustave-Roussy (Villejuif, Essonne).
Les « mammouths », qui traquent donc leur cible
à l’extérieur, sont principalement les anticorps
monoclonaux ou Mab1. Dans l’anti-angiogénèse, leur
vedette est le bevacizumab (Avastin® des laboratoires
Roche). Injecté au patient, il neutralise un type de
VEGF circulant dans les capillaires ou diffus
dans la tumeur, le VEGF-A. Sa première indication
fut en 2004 pour le cancer colorectal métastatique,
en association avec une chimiothérapie. Il est aujourd’hui en essais cliniques contre les cancers du rein
métastatiques, du poumon et du sein (lire interview
p. 9). Mais on observe qu’il accroît le risque d’hypertension et d’hémorragie. « Son activité n’est pas
anodine. Les patients traités à l’hôpital doivent
être sous étroite surveillance cardiovasculaire »,
prévient le Pr Pierre Corvol, médecin à l’hôpital
européen Georges-Pompidou (Paris), et professeur
au Collège de France. Espoir, donc, mais aussi
prudence.
D’autres molécules ciblant le VEGF sont à l’étude.
Citons un faux récepteur VEGF-R1 circulant, le
« VEGF trap » (Aventis), un anticorps bloquant le
récepteur VEGF-R2 (Celltech), enfin un fragment
d’anticorps, le Lucentis (Novartis), version raccourcie du bevacizumab, qui peut être injecté dans l’œil.
Les « renards », qui entrent dans la cellule grâce
■■■
1. Monoclonal AntiBody, en anglais. Anticorps monclonal.
H
Activées par des
facteurs angiogéniques,
certaines cellules
des vaisseaux sanguins,
les cellules endothéliales
(cellules vertes au noyau
rose sur l’image) s’étirent,
facilitant ainsi leur
migration vers la tumeur.
J.-Y. Pierga/Institut Curie
Comprendre « l’alimentation » de la tumeur
pour lui couper les vivres
à leur petite taille, sont également un grand
succès clinique de la lutte anti-angiogénique. Deux
médicaments ont obtenu coup sur coup, en 2006,
leur autorisation de mise sur le marché pour le
traitement du cancer du rein métastatique le plus
commun, le carcinome rénal métastatique, après
échec de l’immunothérapie : le sunitinib (Pfizer)
et le sorafenib (Bayer-Onyx). « Aucune gamme de
molécules n’avait suscité un tel espoir dans ce
cancer depuis plus de dix ans ! », note le Pr Arnaud
Méjean, urologue à l’hôpital Necker (Paris).
Ces « simples » comprimés, ou gélules, présentent
en effet des résultats thérapeutiques encourageants et leur forme orale améliore la qualité de vie
des patients, même si, là encore, les bénéfices
sont quelque peu entachés d’effets
secondaires comme l’hypertenDe nouveaux traitements
sion, la fatigue ou des problèmes
complémentaires contre des
de peau.
De plus, en janvier 2007, le sunicancers colorectaux et rénaux
tinib a reçu le feu vert de la Commission européenne pour étendre son utilisation
aux traitements de première ligne du cancer du rein
avancé et/ou métastatique. Cette autorisation
s’appuie sur les résultats de l’étude clinique présentée
en juin dernier à l’occasion d’un des plus importants
congrès internationaux pour les oncologues médicaux. Menée avec 750 malades, elle comparait le
traitement standard d’immunothérapie à ce nouveau
traitement anti-angiogénique. L’étude a démontré
la supériorité de sunitinib en termes d’efficacité
avec un meilleur taux de réponse et une augmentation de la durée de survie sans progression ■ ■ ■
LE JOURNAL DE
L’INSTITUT CURIE
, 11
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DOSSIER
DOSSIER
1. « Spectroscopie et Imagerie par RMN
biomédicale expérimentale », Unité « Imagerie
intégrative » Inserm/Institut Curie.
L’IRM pourrait être un outil
de suivi et d’appréciation de l’efficacité
des traitements visant à priver la tumeur
de sa vascularisation. Au vu des résultats,
chercheurs et médecins, de par le monde,
étudient cette hypothèse.
h L’IRM fonctionnelle peut désormais
permettre de suivre l’évolution des régions
vascularisées (ici en bleu) de la tumeur.
Après un traitement à base de
combrétastatine visant à détruire
les vaisseaux, l’IRM montre que ces zones
bleues régressent. Ainsi visualisé,
l’effet du traitement anti-vasculaire peut
être rapidement apprécié. C’est ce qu’ont
montré des chercheurs de l’Institut Curie,
en 2006, sur un modèle de tumeur.
■ ■ ■ tumorale. Le sunitinib est également prescrit depuis quelques mois en seconde ligne contre
un cancer rare des tissus mous : les tumeurs stromales gastro-intestinales (ou Gist) métastatiques.
Dans le même temps, la célèbre revue britannique
scientifique et médicale, le New England Journal
of Medicine, publiait les résultats de l’étude
clinique tant attendue sur le sorafenib. L’étude
LE JOURNAL DE
12 , L’INSTITUT CURIE
A. Volk/Institut Curie
Les donateurs de l’Institut Curie
ont permis de financer à 100 %
un programme exceptionnel sur
l’angiogénèse tumorale. De 2001 à 2004,
612000 euros ont été investis dans
ces recherches prometteuses, unissant
chercheurs et cancérologues. Et les résultats
furent au rendez-vous avec notamment
le développement d’un outil d’imagerie pour
mesurer l’impact des candidats-médicaments
asphyxiant la tumeur, par l’équipe
d’Andréas Volk1. Alors que la classique IRM
(imagerie par résonance magnétique)
donne essentiellement des informations
sur la forme de la tumeur, mais aucune
sur son contenu, l’IRM dite fonctionnelle
est plus instructive. Elle permet en effet
d’explorer d’autres facteurs de dangerosité
de la tumeur comme le volume et la
perméabilité des vaisseaux. Par un habile
montage expérimental, ces chercheurs ont
réussi à visualiser et distinguer des vaisseaux
selon leur oxygénation. La faible oxygénation
des vaisseaux de la tumeur se traduit par une
image plus claire en IRM. Ces zones bleues
claires, reflétant une angiogénèse intense,
peuvent être représentées en trois
dimensions (photo ci-contre). La visualisation
de la rétraction des vaisseaux sous l’effet
d’un médicament permet d’apprécier
l’effet anti-vasculaire de ce dernier.
Un test préclinique avec la combrétastatine
A-4-phosphate utilisant cette approche a
montré la rapidité de cet effet. Ces mêmes
chercheurs ont également mis en évidence
comment repérer avec l’IRM la grande
perméabilité des vaisseaux, caractéristique
des capillaires nouvellement formés.
Noak/Le bar Floréal/Institut Curie
L’IRM fonctionnelle, une fenêtre directe sur l’angiogénèse
h
GRÂCE
À VOUS
ANGIOGÉNÈSE
LES 12-25 ANS
Target (Treatment Approaches in Renal Cancer
Global Evaluation Trial pour Évaluation globale
des approches thérapeutiques dans le cancer du
rein) menée avec 900 patients atteints de cancer
du rein avancé – la plus vaste jamais conduite dans
ce type de cancer – a annoncé le doublement de la
survie sans progression de la tumeur chez ces
patients traités avec sorafenib.
L’efficacité de ces deux molécules est due au fait
que non seulement, elle peuvent pénétrer dans plusieurs types de cellules, mais en plus elles bloquent
plusieurs serrures : les récepteurs 1 et 2 du VEGF,
celui du PDGF2, et, pour le sunitinib, le c-kit, exprimé
dans les cellules cancéreuses de ces tumeurs gastrointestinales. Encore en essais cliniques, le pazopanib
(GSK) bloque les trois récepteurs du VEGF ; le
vandetanib (AstraZeneca) agit en plus sur le récepteur de l’EGF3, tandis que la molécule expérimentale BIBF 1120 (Boehringer Ingelsheim) vise les
récepteurs du VEGF, du PDGF et du FGF4, synthétisés par les cellules des vaisseaux matures, etc.
« Après avoir recherché des armes très spécifiques
dites “clean”, on préfère aujourd’hui les molécules
multicibles, dites “dirty”. Pour des raisons simples:
la cellule est comme un réseau de métro, avec ses
stations, ses lignes, ses correspondances. Une seule
station fermée [médicaments dits clean, N.D.L.R.]
est facile à contourner. Mais si vous bloquez plusieurs stations [drogues dirty], c’est tout le réseau
qui est paralysé… », résume Jean-Pierre Armand.
Complémentaires des -mab, les -nib multicibles
marquent aussi le retour de la synDes molécules qui thèse chimique dans la pharmacologie.
« Tout compte fait, elle n’est pas plus
bloquent plusieurs serrures chère, ni plus lente à sortir de nouveaux
médicaments que les biotechnologies»,
souligne le biochimiste Claude Monneret, qui
a coordonné à l’Institut Curie le Programme
incitatif et coopératif « Angiogénèse ». Financé à
hauteur de 153 000 euros par an de 2001 à 2004,
soit plus de 600 000 euros, ce programme a exploré
la néo-angiogénèse, comme cible thérapeutique
et comme outil de pronostic (lire encadré « Grâce
à vous » p. 12). « L’enjeu aujourd’hui est de mesurer
quantitativement l’efficacité de thérapeutiques
ciblées. Parmi les méthodes d’imagerie, l’IRM
fonctionnelle donne accès à des paramètres décrivant la vascularisation des tumeurs comme le volume
sanguin et la perméabilité capillaire. Un des
objectifs est de les utiliser en routine de façon fiable
et reproductible », estime le Dr Vincent Servois,
cancérologue dans le Département d’imagerie
médicale à l’Institut Curie. L’IRM fonctionnelle
a déjà permis de vérifier l’effet anti- ■ ■ ■
2. PDGF: Platelet-Derived Growth Factor, facteur
de croissance dérivé des plaquettes.
3. EGF: Epithelial Growth Factor,
facteur de croissance épithéliale.
4. FGF: Fibroblast Growth Factor,
facteur de croissance des fibroblastes.
ENTRETIEN AVEC ...
ANNE EICHMANN,
DIRECTEUR
DE L’UNITÉ INSERM
« ANGIOGENÈSE
EMBRYONNAIRE
ET PATHOLOGIQUE »
AU COLLÈGE
DE FRANCE.
DR
ANGIOGÉNÈSE
Accident vasculaire et
cancer, un même intérêt
pour les vaisseaux
Les cellules endothéliales qui tapissent
la paroi des vaisseaux sanguins présentent
à leur surface des récepteurs distincts selon
qu’elles constituent des veines ou des artères.
Cette différenciation est stable et maintenue
par la direction et la force du flux sanguin.
Habituellement, les cellules endothéliales
sont à l’état dormant. Mais dans des contextes
exceptionnels, comme l’obstruction d’un
vaisseau ou la présence d’une tumeur, elles
sont actives et prolifèrent. Ce changement
d’état dit « switch angiogénique » résulte de
la production de nouveaux récepteurs, chacun
spécifiquement adapté à une des nouvelles
molécules de l’environnement, comme une
serrure à sa clef, ici appelée ligand. Ainsi,
des récepteurs vont être couplés aux facteurs
de croissance produits par les cellules
tumorales ; d’autres aux molécules qui vont
guider la croissance des nouveaux vaisseaux.
« À l’extrémité du capillaire, il y a la “tip-cell1“,
qui est une véritable tête chercheuse,
explique Anne Eichmann, directeur de
l’Unité Inserm “Angiogénèse embryonnaire
et pathologique” au Collège de France.
Comme un neurone, la tip-cell a des tentacules
qui dirigent sa croissance en fonction des
récepteurs activés. Pour certains, la fixation
du ligand va provoquer l’allongement du
capillaire ; pour d’autres, sa ramification ».
Ces nouveaux couples « ligands-récepteurs »
constituent autant de nouvelles cibles pour
le diagnostic et la thérapeutique : contre
les tumeurs, en bloquant l’allongement des
vaisseaux ou après un accident vasculaire,
pour, au contraire, favoriser leur repousse.
1. Cellule apicale, en anglais.
LE JOURNAL DE
L’INSTITUT CURIE
, 13
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DOSSIER
ENTRE NOUS
ANGIOGENÈSE
INITIATIVES
VOTRE FONDATION
H Chez la souris, l’adénocarcinome mammaire (photo) –
L’Institut Curie dispose de l’expertise, des structures et des ambitions nécessaires pour « prendre
le cancer de vitesse ». La continuité de la recherche et des soins dans un même lieu, unique en son
genre, stimule l’innovation, favorise les échanges et le travail commun des chercheurs, médecins
et soignants pour accélérer la mise à disposition des nouveaux traitements aux patients. Notre volonté
de progresser est encouragée par le soutien et la générosité de nos donateurs, testateurs et partenaires.
équivalent à un cancer du sein– est provoqué par la mutation
d’un gène, le gène Ras. «Attirés» par des facteurs
angiogéniques, des vaisseaux sanguins viennent irriguer
la tumeur et participent directement à la croissance tumorale.
Le métabolisme effréné des cellules tumorales produit des
molécules oxydantes toxiques. À l’Institut Curie, des biologistes
ont mis en évidence que les oxydants stimulent fortement la
quantité de vaisseaux sanguins et leur taille (photo médaillon).
Ainsi, plus le stress oxydant est fort, plus l’angiogénèse
est stimulée et la croissance tumorale favorisée.
,TÉMOIGNAGE
Suite à l’ouverture du testament de Paulette L., disparue
en 2003 à l’âge de 89 ans, son notaire a informé l’Institut Curie
qu’il en est bénéficiaire. Aujourd’hui, sa nièce témoigne.
À la source
de l’angiogénèse
Dès que la taille d’une tumeur dépasse
quelques millimètres cubes, la pression
en oxygène diminue en son centre.
Les cellules soumises à ces conditions
déclenchent le signal de l’angiogénèse.
Le donneur d’ordre est le HIF (Hypoxia
Inducible Factor), une molécule identifiée
en 1995. En conditions normales, HIF est
absent car aussitôt fabriqué, il est détruit.
Mais le manque d’oxygène, ou hypoxie,
inhibe les enzymes responsables
de cette dégradation. D’où l’accumulation
de HIF qui active une vingtaine de gènes
pro-angiogéniques, dont celui du VEGF
(voir article).
Cependant, il arrive que HIF s’accumule
et stimule l’angiogénèse dans des tumeurs
bien oxygénées. Directeur de recherche,
Fatima Mechta-Grigoriou, qui dirige
une équipe de recherche labellisée Inserm
Avenir à l’Institut Curie, vient d’élucider
ce paradoxe. Le moteur de l’angiogénèse,
est dans ce cas, la présence de molécules
oxydantes toxiques formées par
le métabolisme excessif des cellules
cancéreuses. Ce «stress oxydatif»
angiogénique de la combrétastatine A4. Cette
molécule s’attaque aux microtubules indispensables
à la division cellulaire, les empêchant de se former.
On a découvert que les cellules endothéliales sont
très sensibles aux agents anti-microtubules (vincaalcaloïdes, taxanes) surtout à des doses faibles et
répétées.
La recherche a encore du pain sur la planche. En
France, une des équipes de l’Institut Curie étudie
la lactadhérine, présente en grande quantité dans
certaines tumeurs, et apparemment nécessaire à
l’action du VEGF. Une autre a testé l’efficacité
antiangiogénique d’une molécule de « guidage »
des vaisseaux, la nétrin 4.
■■■
LE JOURNAL DE
14 , L’INSTITUT CURIE
«
chronique inhibe lui aussi les enzymes
responsables de la dégradation de HIF, et
le Dr Mechta-Grigoriou a même démasqué
l’agent inhibiteur: l’élément fer sous
sa forme oxydée (fer ferrique). Aux mêmes
causes, les mêmes effets: l’accumulation
de HIF stimule l’angiogénèse.
Pour avoir notamment mis en évidence le
rôle pro-angiogénique du stress oxydatif, le
Dr Mechta-Grigoriou a reçu le prix Olga Sain
2005 du Comité de Paris de la Ligue contre
le cancer, et le prix de Cancérologie 2006
de la Fondation Simone et Cino Del Duca. ■
En décembre 2005, la revue scientifique anglaise
Nature, qui consacrait son numéro à l’angiogénèse,
dénombrait plus de 300 inhibiteurs, dont 80 en cours
d’essais cliniques. Environ 4 milliards de dollars
étaient alors investis dans la recherche thérapeutique
mondiale sur l’angiogénèse et l’anti-angiogénèse!
POUR EN SAVOIR PLUS :
Que sait-on du cancer? Maryse Delehedde.
Coll. Bulles de sciences - Éd. EDP Sciences. Cette
synthèse, d’un niveau accessible au grand public,
fait le point sur les connaissances, les traitements
standards et les stratégies thérapeutiques en cours
de développement.
l n’est pas surprenant que ma tante ait fait
un legs à l’Institut Curie, au profit des
malades et de la recherche. Décédée il y
a plus de trois ans, Paulette était une femme
remarquable; ceux qui ont croisé sa route
ne l’oublieront jamais. Sa vie tout entière est
le reflet de son implication au profit des
autres et de son ouverture au monde.
Bordelaise, elle a 13 ans en 1926 quand elle
suit ses parents en Algérie, où est muté son
père. Trois ans plus tard, son bac mention
très bien en poche, ma tante convainc ses
parents de la laisser partir seule en France
y suivre des études supérieures, chose alors
inconcevable pour une jeune fille de 16 ans.
Elle va préparer l’École normale supérieure
de Sèvres et sortira major de sa promotion.
I
DR
D. Gerald/Institut Curie
« CEUX QUI ONT CROISÉ SA ROUTE
NE L’OUBLIERONT JAMAIS. »
de professeur de français, latin et grec. Pendant la Seconde Guerre mondiale, son mari
se cache, tandis qu’elle, active militante
communiste, est arrêtée. Ses compagnes de
cellule resteront marquées par sa personh Dans les
nalité. Paulette est alors tuberculeuse et
années trente,
Paulette L. sort
perd un poumon. Après la guerre, elle est
major de l’École
mutée à Villemomble (Seine-Saint-Denis)
normale supérieure
où elle restera jusqu’à sa retraite, et écrit un
de jeunes filles à
Sèvres. Là même où recueil sur Rabelais. Toutes les générations
Marie Curie donna
d’élèves qui passent dans sa classe sont
des cours. À sa
elles aussi marquées par la personnalité et
mort, Paulette L.
choisira de faire un
le charisme de ma tante. Le couple n’a pas
legs au profit de
d’enfant, mais en parraine plusieurs. Ma
l’Institut Curie.
tante profitera de sa retraite pour s’instruire
et voyager dans le monde entier. Elle donnera beaucoup de son temps et de son énerElle s’engage au Parti communiste au grand
gie aux activités de sa commune, écrira de
dam de sa famille, retourne à Oran (Algérie)
nombreux articles de-ci de-là. Ses dernières
où son futur mari a été appelé sous les dravolontés suivent sans aucun doute le fil
peaux. Elle occupe alors son premier poste
conducteur de toute sa vie. »
LA GÉNÉROSITÉ, LE MAILLON
FORT DE L’INSTITUT CURIE
,LEGS
DES DERNIÈRES VOLONTÉS À LA GÉNÉROSITÉ
EXCEPTIONNELLE : 4,5 MILLIONS D’EUROS
a création d’un pôle de recherche
international«Biologie du développement et cancer», qui doit ouvrir ses
portes en 2008, est l’un des grands projets
de l’Institut Curie. «C’estune étape majeure
de notre politique scientifique et médicale
ambitieuse, dont l’objectif est de créer un
contexte propice à l’innovation dont les
malades puissent bénéficier le plus rapidement possible », a déclaré le Pr Claude
L
Huriet, président de l’Institut Curie. Sa
construction nécessite un investissement
de 24millions d’euros, dont la moitié financée par la générosité publique. Alors que
l’Institut Curie sensibilisait ses donateurs à
cette cause, il a bénéficié d’un legs exceptionnel de 4,5 millions d’euros provenant
d’une donatrice fidèle à l’Institut depuis
vingt ans. Décédée en 2004 à l’âge de
94 ans, cette résidante de la Région Midi-
En 2006*, environ 1/8e des ressources
totales de l’Institut Curie sont issues de
la générosité publique, soit plus de
16 millions d’euros de legs et plus de
9 millions d’euros de dons.
* Lire «Le compte d’emplois et de ressources 2006
de l’Institut Curie» dans notre prochain numéro.
Pyrénées avait souhaité faire de l’Institut
Curie le légataire de ses biens. Ce legs–le
plus élevé que l’Institut Curie ait reçu ces
vingt dernières années – participera donc au
tiers du financement provenant de la générosité publique.
LE JOURNAL DE
L’INSTITUT CURIE
, 15
ENTRE NOUS
ENTRE NOUS
INITIATIVES
INITIATIVES
,16-18 MARS 2007
,PANTHÉON
SOYONS JONQUILLE 2007 :
LE JARDIN POUR LA VIE : UN GRAND BAIN D’ESPOIR
MOBILISATION NATIONALE
CONTRE LE CANCER
u 16 au 18 mars 2007, dans le cadre de
l’opération nationale Jonquille 2007, le
public est invité au Panthéon, à Paris,
à soutenir la recherche sur le cancer et
fêter l’arrivée du printemps dans le nouveau jardin éphémère de 40000 jonquilles,
symbole de la lutte contre le cancer. En
« cueillant » une ou plusieurs jonquilles,
signes d’espoir, en échange d’un don
au profit de l’Institut Curie, les visiteurs
soutiendront un programme de recherches
pour optimiser les traitements des enfants
atteints d’un cancer de la rétine, le rétinoblastome (lire p. 7).
Étonnant, décalé, ludique : «Panthéon-lesBains !» sera le thème de cette 4e édition.
La scénographie du jardin, faite de verdure
et d’eau, met en scène une cinquantaine
de plans d’eau remplis de jonquilles agré-
D
,RUGBY
h
Michel Hantz/Institut Curie
L
Le jeune comédien du spot télévisé de l’Institut
Curie, au milieu des colosses du XV de France.
LE JOURNAL DE
16 , L’INSTITUT CURIE
porté par ses coéquipiers, pour attraper le
ballon ovale. Un enfant apparaît au sommet de la pyramide humaine formée par
les rugbymen de l’équipe de France pour
attraper le ballon orange, aux couleurs de
l’Institut Curie. Il est l’ambassadeur de cet
appel
de l’Institut Curie à développer les programmes de recherche sur les cancers de
l’enfant.
Durant le mois de mars, ce spot sera diffusé
gracieusement sur des chaînes de télévision. Des radios, ainsi que la presse sportive relaieront également le message. Quant
au site Internet rugby.curie.fr, il permet de
faire des dons en ligne, et de profiter d’informations exclusives concernant les coulisses du tournage par exemple.
Mais la solidarité des joueurs ne s’arrête
pas là car tous porteront une jonquille, brodée sur leur maillot officiel, durant ce grand
match du 17 mars, tout comme lors du
match France-Angleterre du Tournoi des VI
Nations 2006. Et le ballon du match sera
apporté sur le terrain du Stade de France
Noak/Le bar Floréal/Institut Curie
a Fédération française de rugby
s’engage aux côtés de l’Institut Curie
pour soutenir l’opération Une Jonquille
pour Curie. Le 17 mars, le match FranceÉcosse du Tournoi des VI Nations se jouera
en effet aux couleurs de l’Institut.
Un spot télévisé appelant à s’associer à cet
engagement a été tourné au Centre national d’entraînement de Marcoussis avec
l’équipe de France de rugby. Il met en scène
une phase spectaculaire du jeu, dite de l’ascenseur, dans laquelle un joueur s’élève,
M. Hantz/Institut Curie
MATCH FRANCE - ÉCOSSE,
AU PROFIT DE L’INSTITUT CURIE
h Du 16 au
18 mars prochain,
le Panthéon
s’habillera de
jonquilles,
symboles de la
lutte contre le
cancer, pour un
week-end caritatif
au profit de
l’Institut Curie.
Zelda Georgel
Afin de soutenir un programme de recherche sur les cancers de l’enfant, l’Institut Curie lance l’opération
nationale « Une Jonquille pour Curie 2007 » du 16 au 18 mars. En ce début de printemps, il sera possible,
partout en France, d’acheter des jonquilles au profit de la recherche sur le cancer. Par solidarité, de nombreuses
entreprises ont aussi décidé d’offrir des jonquilles à leurs clients et à leurs salariés. À Paris, le Panthéon
se pare de jaune de la tête aux pieds. Un jardin de jonquilles, original et éphémère, accueille les visiteurs
dans une ambiance conviviale, populaire et festive. Cette manifestation sera parmi les événements caritatifs
majeurs de l’année dans l’hexagone. La mobilisation autour de cette quatrième édition prend une nouvelle
ampleur, forte de l’implication de ses nombreux partenaires: le milieu sportif à travers la Fédération française
de rubgy, de nombreuses entreprises dont Truffaut - partenaire historique de l’Institut Curie-, et les médias qui
soutiennent cet élan de générosité national en faveur de la lutte contre le cancer.
mentant une pelouse déroulée pour la circonstance sur le parvis du Panthéon. Ponctuées de palmiers, de bananiers ou d’autres
plantations exotiques, plusieurs petits bassins déclineront, chacun à leur manière,
une ambiance de fête, de plaisir ou de surprises, comme la pêche aux canards, la piscine à bulles ou encore la « mer Jaune ».
Tout comme les trois années précédentes,
de nombreuses animations (lire ci-contre)
feront de ces journées de solidarité et
d’espoir dans la lutte contre ce cancer un
moment fort de convivialité. Si le soleil
est de la partie, tout est fait pour que les
citadins puissent profiter de cet espace vert
pour un temps de partage et de détente.
En écho à cette manifestation parisienne,
une vente de jonquilles au profit de la lutte
contre le rétinoblastome sera assurée par
des bénévoles dans toutes les jardineries
Truffaut de France.
PARTOUT EN FRANCE,
TRUFFAUT SOLIDAIRE
« SOYONS JONQUILLE »
SUR LA TOILE
par un enfant soigné à l’Institut Curie.
L’intégralité des fonds collectés grâce à
cette campagne sera consacrée au financement de la recherche en pédiatrie à l’Institut Curie et en particulier la recherche sur
le rétinoblastome, une tumeur rare et
sévère de l’œil chez le jeune enfant (lire p.7).
Dans les 46 magasins Truffaut * seront vendus au profit de « Soyons Jonquille 2007 »
la jonquille fraîche, le sac jonquille et
la broche jonquille de l’Institut Curie.
Des bénévoles de l’Institut Curie
vous accueilleront tout au long de
ce week-end d’espoir et de solidarité.
h rugby.curie.fr : pour faire un don en ligne, en
* Retrouvez sur le site jonquille.curie.fr
la liste des magasins Truffaut participants.
Savez-vous planter « virtuel » ? C’est très
simple et c’est ouvert 24h/24, 7j/7. Faites
le test avec jonquille.curie.fr, le site de
l’opération. Vous choisissez le nombre de
jonquilles que vous souhaitez planter, leur
emplacement dans le jardin virtuel et, en
lieu et place de l’étiquette du jardinier, vous
pouvez laisser un message, témoignage,
encouragement aux chercheurs ou aux
malades… Paiement et reçu fiscal en ligne.
savoir plus sur l’objectif de cet événement et sur la
recherche sur les cancers pédiatriques parmi
lesquels le rétinoblastome
h L’ABC des animations
A pour artistes de rue, ateliers de jardinage, ateliers
de loisirs créatifs et d’art floral, atelier maquillage,
ateliers créations animés par les étudiants de
l’École nationale supérieure des arts décoratifs;
B pour balades historiques en bus des années 1930;
C pour clowns et contes au musée Curie.
Et aussi M pour musiciens et V
pour visites-conférences du Panthéon.
Où ? Parvis du Panthéon, Paris 5e.
Quand ? Du vendredi 16 au dimanche 18 mars,
de 10 heures à 20 heures.
ILS NOUS
SOUTIENNENT
Truffaut
Fidèle à l’Institut Curie
et à sa devise « Plus belle
sera la terre », le pépiniériste
participe chaque année à
cette manifestation et offre
40 000 jonquilles, la scénographie
et l’installation du jardin, l’animation
des ateliers de loisirs créatifs et d’art
floral, et relaie l’événement dans ses
46 magasins.
Le Centre des monuments
nationaux
Depuis la première édition en 2004,
le Centre des monuments nationaux
met gracieusement à la disposition
de l’Institut Curie, le Panthéon, l’un des
plus prestigieux édifices parisiens dans
lequel ont été transférées les cendres
de Pierre et Marie Curie en 1995.
Au moment de l’impression
du journal, d’autres entreprises
proposaient leur soutien.
LE JOURNAL DE
L’INSTITUT CURIE
, 17
JIC69_18-19-SR2
2/03/07
14:30
Page 18
ENTRE NOUS
ENTRE NOUS
INITIATIVES
RÉTROSPECTIVE
,CHARENTE-MARITIME
, CLAUDIUS REGAUD
C
,SOIRÉE DE GALA
DES CÉLÉBRITÉS
CONTRE LES
CANCERS FÉMININS
h
P. Lombardi/I.C.
Le Dr Sastre, chef
du département de biologie
des tumeurs à l’Institut
Curie, et Amélie Mauresmo,
marraine de l’Institut.
«
haque année, environ 4500 cancers de
l’ovaire sont diagnostiqués en France. Ce
cancer est le plus souvent dépisté à un
stade tardif, ce qui représente un élément de
gravité qui réduit les chances de survie des
patientes. Il est également parfois très difficile
de faire la distinction entre un cancer de l’ovaire
« primitif » et l’expansion (métastase) à l’ovaire
d’un cancer d’une autre origine, en particulier
d’un cancer du sein. À l’Institut Curie, chercheurs et cliniciens développent ensemble
une approche visant à classer et différencier
ces tumeurs. Grâce aux puces à ADN, nous
pensons pouvoir déterminer leur profil génétique. Ce dernier pourra être rapproché de celui
des tumeurs déjà traitées chez les mêmes
patientes. Cette comparaison devrait permettre
de préciser le diagnostic et d’améliorer la prise
en charge thérapeutique des femmes. Grâce
à la vente caritative “Un Bagage pour la Vie,
Un Bagage pour Curie1”, aux maisons Goyard
et Baccarat, aux champagnes Delamotte et aux
parfums Annick Goutal, le financement de ce
programme de recherche est d’ores et déjà
assuré. L’ensemble des fonds collectés lors de
cette soirée s’élève à 80000 euros.»
C
Dr Xavier Sastre
1. Lire Le Journal de l’Institut Curie # 68
(novembre 2006) et www.unbagagepourcurie.com
LE JOURNAL DE
18 , L’INSTITUT CURIE
comité local de la pêche de La Rochelle,
et à l’aide des élèves du lycée maritime,
500 litres de soupe de poissons ont pu
être préparés par une cuisinière émérite,
Marie-Christine. Cartes postales, aquarelles, galets décorés et gourmandises
diverses ont également été vendus au
cours de diverses manifestations comme
le concours de belote, des cours de gym, le
marché de Noël ou le concert de clôture.
Félicitations à toutes les associations locales
qui ont assuré le succès de cette Semaine,
et particulièrement la Promotion de l’Houmeau et sa section peinture, l’Houmeau Animation, la gym volontaire, l’École en marche,
le club de l’Ormeau (le club des aînés),
l’Houmeau rencontre, Art’Monique, ainsi
bien sûr qu’à tous les bénévoles.
EN BREF
Chloé Waysfeld, soprano, Anne-Marie
Podevin, piano, ont interprété des œuvres
de Strauss, Poulenc, Duparc et
d’Isabelle Aboulker. L’émotion et
la performance musicale ont fait de cette
soirée une grande réussite et ont permis
de récolter plus de 2 000 euros au profit
des missions de l’Institut Curie, faisant
ainsi passer à près de 11 000 euros
la collecte totale depuis 2004.
LA « BANQUE D’INVESTISSEMENTS
ET DE PROJETS » S’ENGAGE
Le Comité central d’établissement
de Natixis a organisé en novembre
dernier un concert classique
interprété par les lauréats de
la fondation Natixis pour ses employés.
Grâce à l’engagement de la mairie
du 6e arrondissement de Paris, cette
soirée musicale a permis de récolter
1 300 euros au profit de l’Institut Curie.
LA FIDÉLITÉ DES CHARENTONNAIS
Le 8 janvier dernier, pour la 6e année
consécutive, le service des retraités
du centre communal d’action sociale
et la municipalité de Charenton-le-Pont
(94) ont remis près de 28 000 euros
au profit de la recherche sur le cancer
du sein chez la femme jeune. C’est
le fruit d’une année de mobilisation
à confectionner les objets pour
l’exposition-vente de Noël.
LE GOÛT DE LA GÉNÉROSITÉ
En hommage à un proche, le restaurant
parisien Nomad’s (12, rue du marché
Saint-Honoré) organise chaque année
une soirée caritative au profit de
l’Institut Curie. Record battu, puisqu’il
a récolté plus de 10 000 euros en 2006,
portant le total de son engagement
depuis trois ans à plus de 21 000 euros.
PLEINS FEUX SUR
L’ASSOCIATION PHARES
Sous l’impulsion de sa présidente,
l’asssociation Phares a organisé son
3e concert au profit de l’Institut Curie.
ENGAGEMENT SUR LES PLANCHES
Créée en 2005, la pièce de théâtre
Creuser la montagne avec les dents, dont
une partie des recettes est reversée à
l’Institut Curie, connaît un beau succès.
Son auteur, ses actrices, son éditeur
et les professionnels qui les entourent
se sont en effet engagés à faire de ce
moment culturel un acte de générosité
et de sensibilisation autour du cancer du
sein. Gageure réussie, avec notamment
la soirée caritative du 23 janvier dernier
au Théâtre de Neuilly (92).
À VOS AGENDAS
> 2E ÉDITION DE LA COURSE DE TIMO,
le 27 mai, à Seiches-sur-Loire (49),
organisée par les parents du petit
Timothée, décédé en juillet 2005
à l’âge de 6 ans, d’une tumeur
cérébrale (curie.fr/actualites)
> LES MARDIS DE L’INSTITUT CURIE,
le dernier mardi de chaque mois,
conférence grand public
à 18 heures, 12 rue Lhomond,
Paris 5e (curie.fr/conferences)
UN
PIONNIER
DE LA CANCÉROLOGIE
Une avenue parisienne 1, un sommet alpin 2, le centre
de lutte contre le cancer de la Région Midi-Pyrénées à
Toulouse, un bâtiment de l’Institut Curie portent son nom :
Claudius-Regaud. Pourtant ce cancérologue, véritable
pionnier de la lutte contre le cancer et de son organisation,
reste méconnu du public.
n 1913, c’est un Lyonnais de 43 ans,
médecin spécialisé en anatomie et
physiologie, qui est nommé directeur
du laboratoire de radiophysiologie du tout
nouvel Institut du radium 3 de Paris, encore
en construction. Le Pr Claudius Regaud va
alors former avec Marie Curie, qui dirige le
laboratoire de physico-chimie, un duo de professionnels qui va établir la première passerelle entre recherches et soins. Jusqu’alors
partagé entre l’enseignement à la faculté de
médecine de Lyon et la recherche sur la sensibilité des cellules aux rayons X (découverts
en 1895), Claudius Regaud va développer
son goût inné de l’organisation des soins.
Mais la Première Guerre mondiale éclate.
E
VIENT DE PARAÎTRE
LES CARNETS DU MUSÉE CURIE
Le Jardin de Marie Curie inaugure la collection
originale des Carnets du musée Curie. Illustré
par un choix de textes et de documents,
parfois inédits, il emmène le lecteur dans
ces lieux où Marie Curie, ses proches et ses
collaborateurs aimaient à se ressourcer et
trouvaient du réconfort. Aujourd’hui, seul
subsiste intact le petit jardin qu’elle avait
composé elle-même lors de la construction de
son laboratoire en 1914 et que l’Institut Curie
entretient fidèlement au fil des saisons. Page
après page, le lecteur découvre d’autres coins
de verdure, véritable kaléidoscope du jardin
– secret – de Marie Curie.
Le Jardin de
Marie Curie,
Éd. Institut Curie.
52 p., 14,90 €.
En vente au Musée
Curie, 11 rue Pierreet-Marie-Curie, Paris5e
h
haque année, L’Houmeau, un petit village de bord de mer face à l’île de Ré
et aux portes de La Rochelle, organise « sa » Semaine de solidarité. Elle se
tenait cette année au profit de la recherche
et de la lutte contre le cancer menées à
l’Institut Curie. Du 20 au 26 novembre 2006,
2 000 euros ont été collectés. Grâce à la
générosité des marins-pêcheurs et du
e
Mobilisé comme médecin major de 2 classe,
Claudius Regaud mène des réformes dans
le fonctionnement du service de santé
des Armées. Près de Reims, en Champagne,
il structure un centre thérapeutique original
réunissant des spécialistes de diverses
disciplines. C’est là une expérience décisive
pour son action future.
De retour à l’Institut du radium après les
hostilités, Claudius Regaud veut faire de
son laboratoire et de celui de Marie Curie un
grand Institut de recherche et de thérapeutique par les radiations. C’est ensemble qu’ils
créent la Fondation Curie en 1920, reconnue
d’utilité publique un an après. L’année suivante, dons et subventions leur permettent
de construire un dispensaire pour soigner
les malades du cancer. Jour après jour,
Claudius Regaud bâtit une « médecine scientifique du cancer ». Avec son idéal de « fusion
de la recherche scientifique avec la médecine
pratique », il introduit dans la pratique médicale et scientifique une idée révolutionnaire
qu’il a appliquée pendant la guerre, la pluridisciplinarité, et qui va modifier profondément l’approche du cancer. Cette organisation en synergie des différentes disciplines
autour du malade est encore la principale
règle de fonctionnement des centres de lutte
contre le cancer. Ainsi, la Fondation Curie
est hissée au rang d’exemple pour les spécialistes du cancer du monde entier.
Son équipe se compose de médecins, soignants, biologistes et techniciens. Nombre
d’entre eux collaborent avec des physiciens
et des chimistes de l’équipe de Marie Curie.
ACJC
L’HOUMEAU, VILLAGE SOLIDAIRE
Le Pr Claudius
Regaud dans son
laboratoire de l’Institut
du radium, vers 1930.
« L’association étroite des sciences physiques,
de la radiophysiologie et de la radiothérapie est
une nécessité pour les progrès de celle-ci »,
écrit-il en 1930. C’est grâce à cette passerelle qu’ils révolutionnent la radiothérapie
et que les résultats sont au rendez-vous.
Ce « modèle Curie », qui prône multidisciplinarité et transfert des résultats de
la recherche fondamentale aux soins, est
toujours d’actualité. Pionnier de l’Institut
Curie, fondateur des bases de la cancérologie moderne, conseiller et président de
nombreuses sociétés savantes, Claudius
Regaud décède à Couzon-au-Mont-d’Or
(Rhône), le 28 décembre 1940.
Nathalie Huchette,
Musée Curie, Institut Curie
1. Le prénom savoyard Claudius a été délaissé
au profit de Claude pour baptiser cette avenue
du 13e arrondissement de Paris.
2. Le pic Regaud, qui culmine à plus de 3 200 m,
a été officiellement baptisé, à la fin du XIXe siècle,
après son ascension réussie par un alpiniste
chevronné, membre du Club alpin français,
Claudius Regaud !
3. L’Institut du radium deviendra plus tard
l’Institut Curie.
h Les archives de Claudius Regaud sont
conservées au Musée Curie. Pour plus d’information:
musee.curie.fr
h À lire :
• L’Institut Curie, son histoire, ses valeurs,
Éd. Institut Curie, 2003, 32 p., 5 €.
En vente au musée Curie et par correspondance.
• Pionniers de la radiothérapie, J.-P. Camilleri et
J. Coursaget, EDP Sciences, 2005, 240 p., 25 €.
(nominé pour le Prix Roberval 2006)
LE JOURNAL DE
L’INSTITUT CURIE
, 19