Galerie de Bayser

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Galerie de Bayser
Dessins • Tableaux • Sculptures
DE BAYSER
Catalogue Beaux-Arts
Novembre 2011
Charles Meynier cat n°11 (détail)
DE BAYSER
Dessins • Tableaux • Sculptures
69 rue Sainte Anne – 75002 Paris
Tel : 33 1 47 03 49 87 – Fax: 01 42 97 51 03
E-mail : [email protected] – www.debayser.com
1
Girolamo di Tommaso, dit GIROLAMO DA TREVISO
(Trévise vers 1498 - Boulogne sur mer 1544)
Apollon musicien
Plume et encre brune, lavis brun, pierre noire et rehauts de gouache blanche
23,5 x 18,7 cm
Bibliographie
Nathalie Strasser, Dessins Italiens de la Renaissance au siècle des Lumières, Collection Jean Bonna, Genève
2010, n°36 p.92
Girolamo da Treviso, dont le nom indique clairement les attaches dans l’une des principales cités
du Veneto, arrive à Bologne en 1523, et travaille sur le chantier de la chapelle de Santa Maria della
Pace à San Petronio. Il entre alors en contact avec les principaux artistes émiliens, Innocenzo da
Imola, Bartolomeo Bagnacavallo et Biaggio Puppini. Sa présence à Bologne est attestée jusqu’en
1526, puis il se rend à Mantoue pour assister Giulio Romano dans les peintures de la Camera dei
Venti et de la Camera de Psiche du Palazzo Te entre septembre 1527 et juillet 1528. C’est cette double
influence, émilienne et raphaélesque, qui caractérise le style de notre dessin et plus généralement le
style des dessins de Girolamo da Treviso des années 1530.
Notre lavis brun rehaussé de gouache blanche représente Apollon assis, couronné de lauriers et jouant
du violon, accompagné de Cupidon. Il est en tout point similaire à une autre feuille de Girolamo
(fig.1), représentant une Figure féminine jouant du cistre, conservée dans la collection de Jean Bonna, et
qui selon M. Rearick, date des années 1530, alors que Girolamo da Trévise travaille à Venise. Les deux
feuilles, dont les personnages sont situés à la retombée de voûtes, ont été conçues au même moment, et
pour le même décor de sujet mythologique. Il s’agit semble-t-il d’études préparatoires1 pour le cycle de
décoration extérieure à fresque, malheureusement détruit, que Girolamo réalisa dans la villa d’Andrea
Odoni (1478-1545), important collectionneur d’origine milanaise.
Fig.1 : Figure féminine jouant du cistre
1- : Lettre de M. Rearick du 15 août 2002
Girolamo di Tommaso, dit GIROLAMO DA TREVISO
(Trévise vers 1498 – Boulogne sur mer 1544)
La carrière itinérante de Girolamo da Treviso le conduit à
Venise où il réalise plusieurs décorations, notamment pour
le palazzo Andrea Odone. On le retrouve sur le chantier
du Palazzo Te à Mantoue vers 1527-1528, puis sur celui du
Palazzo Doria à Gênes. Sa présence est attestée dès 1523
en Emilie et en Romagne. Vers 1541, peu avant son départ
pour l’Angleterre, il est à Bologne et peint une Présentation
de la Vierge au Temple, destinée à l’autel pour la chapelle des
étudiants anglais dans l’église San Salvador. En 1542, il est
à Londres et occupe entre autres la charge d’architecte et
d’ingénieur au service d’Henry VIII. Sur le chemin du retour
pour l’Italie, il est contraint de se réfugier à Boulogne, assiégée
par les Anglais, et il décède lors des combats, emporté par
un boulet de canon.
2
Denys CALVAERT
(Anvers vers 1540 - Bologne 1619)
Saint François d’Assise recevant une palme des mains de l’enfant Jésus
Plume et encre brune, lavis brun et rehauts de gouache blanche. Traces de sanguine.
Passé au stylet pour report gravure.
27,5 x 19 cm
Dessin gravé en sens inverse par Hieronymus Wierix (1553-1619) sous le titre Saint François d’Assise recevant
une palme des mains de l’enfant Jésus (fig.1)
Bibliographie
Marie Mauquoy-Hendrickx, Les Estampes des Wierix, Catalogue raisonné, Bruxelles, Bibliothèque Royale
Albert 1er, 1979, n°1139 p. 205, reproduit pl. 151.
Le premier biographe de Denys Calvaert, Carlo Malvasia (1619-1693), dans son Felsina Pittrice, vite dei pittori
bolognese écrit en 1678, raconte comment les dessins de Calvaert passaient avec une incroyable admiration
d’une main à l’autre et étaient achetés à prix d’or. Notre dessin correspond à la période bolonaise de
l’artiste, dans les années 1580-90, qui marquent l’apogée de son talent. Le musée du Louvre conserve un
dessin du Mariage mystique de sainte Catherine, très proche, dont le tableau est conservé à Rome, au musée
du Capitole. Denys Calvaert joue habilement avec le lavis brun et les rehauts de gouache blanche qui
viennent nuancer une écriture rapide à la plume.
Notre dessin a été gravé en sens inverse par Hieronymus Wierix, membre d’une famille de graveurs
anversois réputés pour la virtuosité et la finesse de leurs gravures. Les quelques 3000 planches gravées
par la famille Wierix sont un véritable monument de l’illustration anversoise de la fin du XVIe siècle. Pour
obtenir une vraie similitude entre notre dessin et la gravure, Hieronimus Wierix a eu recours au stylet.
Passé sur les contours du dessin, ce dernier permet d’obtenir une épreuve ou un poncif qui, piqué de
trous et posé sur le cuivre, permet d’appliquer une poudre colorante, et d’obtenir ainsi une reproduction
fidèle.
Fig.1 : Estampe de Hieronymus Wierix
Denys CALVAERT
(Anvers vers 1540 – Bologne 1619)
Denys Calvaert a été à Anvers l’apprenti d’un peintre de
paysage, Cerstiaen Van de Quebron. Il se rend ensuite en
Italie, où il séjourne une vingtaine d’années, d’abord à Bologne
dans l’atelier de Prospero Fontana, puis dans celui de Lorenzo
Sabbatini. On le retrouve à Rome en 1572, où, sous la direction
de Sabbatini, il participe à la décoration de la sala Regia aux
palais pontificaux. Puis il quitte Sabbatini et met alors son séjour
romain à profit pour dessiner d’après les grands maîtres de la
Renaissance. Rentré à Bologne aux environs de 1575, il s’y installe définitivement. Grâce à sa riche collection de gravures
et aussi à sa vaste culture acquise par son travail de copie, il
ouvre une école où se formèrent nombre de grands peintres
comme Guido Reni, Domenichino ou Francesco Albani. Fidèle
à son style maniériste, Calvaert poursuit une carrière brillante à
Bologne où il meurt en 1619.
3
Giambattista TIEPOLO
(Venise 1696 – Madrid 1770)
Tête de jeune femme
Sanguine et rehauts de craie blanche sur papier bleu
22 x 16 cm
Au verso, essais de sanguine
Provenance
Collection Giovanni Domenico Bossi (1767-1853), son code de prix au verso à la plume et encre brune
Par descendance à sa fille Maria Théresa Karoline Bossi (1825-1881)
Puis par descendance à son mari, Carl Christian Friedrich Beyerlen (1825-1881), sa vente, Stuttgart,
H.G.Gutekunst, 27 mars 1882
Bibliographie
Christel Thiem, Ein Zeichnungsalbum der Tiepolo in Würzburg, Hirmer Verlag München, 1996, n°62,
reproduit p.161.
Pour préparer ses peintures, à fresque ou à l’huile, Giambattista Tiepolo réservait de préférence l’usage de
la sanguine pour les études anatomiques, et spécialement pour les visages. D’une grande sensibilité, notre
étude de tête de jeune femme est exécutée dans une technique très légère : quelques coups de crayon suffisent à bâtir les grandes lignes du visage, et l’estompe, savamment posée, suggère le volume. Quelques traits
de craie blanche posent les reflets. Si la paternité des dessins à la sanguine sur papier bleu demeure un point
sensible chez les Tiepolo, Domenico et Lorenzo ayant aussi largement utilisé cette technique, notre visage
montre une économie de moyens et une intensité graphique propres à la manière de Giambattista.
Une copie de notre dessin se trouve d’ailleurs dans l’album Würzburg (fig.2). Cet album, conservé au
musée universitaire Martin von Wagner de Würzburg, rassemble quatre vingt copies attribuées à Lorenzo
Tiepolo, d’après des dessins de Giambattista Tiepolo. Christel Thiem propose de voir dans notre visage une
étude pour la figure d’Abigaïl dans le tableau David et Abigaïl (Furth, Schloss Burgfarubarch) commandé en
1751 par la sœur du prince évêque de Würzburg.
Fig.1 : verso
Fig.2 : album de Würzburg, n°62
Giambattista TIEPOLO
(Venise 1696 – Madrid 1770)
L’admiration de Giambattista Tiepolo pour l’art de Véronèse le
conduit vers la grande peinture décorative qu’il fait triompher
à Venise, en Vénétie et à l’étranger. Ses premières commandes
le mènent à Udine en 1726, où il peint plusieurs scènes de
l’Ancien Testament à l’archevêché, en 1731 à Milan, où il décore
les plafonds du palais Archinto, puis ceux du palais Dugnani,
enfin en 1732 à Bergame, où on lui doit des épisodes de la vie de
saint Jean-Baptiste à la chapelle Colleoni. Ses talents de fresquiste
lui valent de nombreuses commandes de décors dans les villas de
Vénétie, notamment à la villa Cordellina à Montecchio Maggiore
en 1743, à la villa Valmarana à Vicence en 1757, puis à la villa Pisani
à Stra vers 1760. A Venise même, il réalise des décorations profanes
au palais Labia en 1747 et à la Ca’Rezzonico en 1758, mais aussi
des compositions religieuses à Santa Maria dei Gesuati en 1737,
à la Scuola dei Carmini en 1740, ou encore à San Francesco della
Vigna en 1743.
A partir de 1750, la renommée de Tiepolo le conduit à l’étranger:
tout d’abord à la résidence du prince-évèque de Wurzbourg, où
il décore le plafond de l’escalier d’honneur puis celui de la salle
impériale. En 1762, il se rend à Madrid, à l’invitation du roi Charles
III, pour peindre aux plafonds des salles du palais royal l’Allégorie
de l’Espagne et l’Apothéose de la monarchie espagnole. Parallèlement à
cette intense activité de décorateur, Giambattista Tiepolo réalise
de nombreux tableaux mythologiques et religieux, souvent
précédés de remarquables esquisses. Il a laissé une œuvre dessinée
considérable, et plusieurs séries d’eaux-fortes, comme les célèbres
Scherzi et Capricci, d’une imagination débordante.
4
Charles Joseph NATOIRE
(Nîmes 1700 – Castel Gandolfo 1777)
Mercure et l’Amour
Sanguine
33 x 23,5 cm
Annoté au crayon en bas à droite « c. Natoire »
Etude pour le tableau Mercure et l’Amour (fig.1), commandé en 1731 par Philibert Orry pour son château
de la Chapelle-Godefroy, et conservé au musée des Beaux-Arts de Troyes.
Bibliographie
Charles-Joseph Natoire, peintures, dessins, estampes et tapisseries des collections publiques françaises, Troyes, musée
des Beaux-Arts, Nimes, musée des Beaux-Arts, Rome, Villa Médicis, mars-juin 1977, pp.54-59.
« Tous les arts du luxe et de la volupté semblent s’être réunis au pinceau de Natoire pour orner l’appartement principal qu’occupait la divinité de cette maison de la Chapelle ». Ainsi s’exprimait le citoyen Lassertey
dans un rapport relatif à sa visite chez quelques émigrés, présenté à l’Assemblée administrative du Département
de l’Aube en 1793. Le commanditaire de ces œuvres était Philibert Orry (1689-1747), comte de Vignory,
important personnage du règne de Louis XV. Il fut conseiller au Parlement de Paris, contrôleur général des
finances de 1730 à 1745, et également directeur général des Bâtiments du Roi de 1737 à 1745.
Le travail entrepris par Natoire pour cette décoration fut d’une grande importance pour sa carrière et le
consacra. La commande, réalisée entre 1731 à 1740, comporte quatre séries de toiles. La première suite de
tableaux, dite de l’Histoire des Dieux, comprenait neuf tableaux, deux étant datés de 1731. C’est de cette série
que date le tableau Mercure et l’Amour (fig.1), pour lequel notre dessin est préparatoire. La deuxième série
fut vraisemblablement exécutée peu avant 1735. La troisième suite, l’Histoire de Clovis, fut réalisée entre 1735
et 1738, et enfin la quatrième, l’Histoire de Télémaque, fut terminée en 1740. Des vingt-cinq toiles se trouvant
au château de la Chapelle-Godefroye, quinze sont parvenues au musée des Beaux-Arts de Troyes, constituant l’ensemble le plus important de Natoire qui soit conservé dans un musée.
Fig.1 : Musée de Troyes
Charles Joseph NATOIRE
(Nîmes 1700 – Castel Gandolfo 1777)
Elève de Louis Galloche puis de François Lemoine dont il sera
un des élèves les plus doués et les plus fidèles, Natoire obtient
le Prix de Rome en 1721, mais ne se rend à Rome qu’en 1723.
Son séjour à l’Académie dure cinq ans, en compagnie entre
autres des sculpteurs Bouchardon et Adam. Sur le chemin du
retour, il s’attarde en Italie du Nord où sont attestés ses passages
à Venise et Milan, avant de regagner Paris où son talent déjà
signalé par le directeur de l’Académie lui vaut de multiples commandes, tant royales que privées : pour la chambre de la reine,
pour le duc d’Antin, surintendant des Bâtiments du Roi. Pour
les demeures royales, il travaille à Fontainebleau, à Versailles, à
Marly, et participe à la décoration du cabinet des médailles de la
Bibliothèque du Roi.
Sa carrière parisienne culmine en 1750-51 avec la décoration de la
chapelle de l’Hospice des enfants trouvés et sa nomination comme
directeur de l’Académie de France à Rome. Il repart à Rome à la fin
de 1751 pour diriger l’institution pendant plus de vingt ans. Natoire
se consacre alors presque exclusivement au dessin, en particulier au
paysage : il fit de la campagne romaine une Arcadie sincère, nourrie
d’observations familières et rustiques.
5
Louis Carrogis, dit CARMONTELLE
(Paris 1717 – Paris 1806)
Transparent : promenade dans un parc
Aquarelle gouachée, plume et encre noire sur 17 feuilles de papier Whatmann
13 m
Boîte avec le mécanisme permettant de lire le transparent
Provenance
Probablement Vente Carmontelle, 17 avril 1807, lot de 11 « boites de rouleaux transparents »
Ancienne collection de M. et Mme Gabriel Dessus, dispersée en 1936
Collection particulière
Bibliographie
Pierre Francastel, Les transparents de Carmontelle, L’Illustration, 17 août 1929, p.159, reproduit pp. 160-161.
Georges Poisson, Un transparent de Carmontelle, Bulletin de la Société de l’Histoire de l’Art Français,
1986, pp. 169-175.
Louis de Carrogis, Mémoire sur les tableaux transparents du citoyen Carmontelle l’an IIIe de la liberté, Paris,
Bibliothèque d’Art et d’Archéologie, carton 8.
Homme de théâtre et de divertissement, dessinateur, créateur de jardins, Carmontelle inventa en 1783 un
nouveau moyen d’amuser la société de son entourage, le transparent. Tendu entre deux bobines et éclairé
par transparence, un rouleau peint défilait devant les yeux des spectateurs en leur donnant l’impression de
se mouvoir à travers un charmant paysage. Les scènes représentées sont bien souvent analogues à celles de
ses fameux proverbes, sortes de petites comédies improvisées, comme le remarquaient Portalis et Beraldi :
« Carmontelle n’avait pas de plus grand plaisir, a-t-on dit, que de mettre ses proverbes en transparents et ses
transparents en proverbes » (Les graveurs du XVIIIe siècle, Paris, 1880, t.I). Dans la veine de Robertson, inventeur dans les années 1790 des Fantasmagories où il mêlait lanterne magique, illusion et musique, Carmontelle
réunit théâtre, musique et image animée dans une composition éphémère, nouvelle sorte de spectacle
adaptable à des publics différents, transportable et maniable par une seule personne.
Il a lui même décrit avec une grande précision son invention dans un manuscrit conservé à la Bibliothèque
d’Art et d’Archéologie de Paris (opus cité), et dont nous publions ici quelques extraits.
« Ces tableaux sont peints sur une bande de papier de Chine ou de papier vélin de la hauteur d’environ 15
pouces et de la longueur de 80 à 180 pieds selon la quantité d’objets successifs qu’on veut représenter, et
cette bande de papier est bordée par le haut et par le bas d’un galon noir qui l’empêche de se déchirer.
Pour que les objets peints sur cette bande de papier passent successivement, elle est montée sur deux
rouleaux de bois renfermés dans une boite noircie et placés à ses extrémités. Cette boite a deux ouvertures d’environ 26 pouces carrés où sont deux portes qui se révèlent pour laisser passer la lumière du jour
au travers du papier peint. A l’axe de ces rouleaux on adapte une manivelle qui fait tourner un des rouleaux
sur lequel se replie toute la bande de papier qui enveloppe l’autre rouleau qui, tournant ainsi, fait passer
successivement tous les objets peints sur ce papier.
Louis Carrogis, dit CARMONTELLE
(Paris 1717 – Paris 1806)
Fils d’un cordonnier ariégeois fixé à Paris, Louis Carrogis de
Carmontelle prend le pseudonyme de Carmontelle pour cacher
sa modeste origine. En 1754, il apparaît au château de Dampierre
comme favori du Duc de Chevreuse et de Luynes. Il enseigne le
dessin au vidame d’Amiens, et à ce titre se fait remarquer par
son gouverneur, le Comte de Pons Saint-Maurice. Ce dernier,
plus connu sous le nom de Chevalier de Pons, l’emmène avec
lui rejoindre l’armée de Westphalie à titre d’aide de camp et
d’officier ingénieur topographe. Carmontelle écrit des contes,
des farces, et s’amuse à croquer les silhouettes des officiers qui
l’entourent. Revenu à Paris, M. de Pons le fait nommer lecteur
du Duc d’Orléans, installé l’été à Villers-Cotterêts et l’hiver au
Palais-Royal. Pour le théâtre d’Orléans, il écrit des proverbes
dont il règle la mise en scène : ses croquis de mœurs légères
enchantent les spectateurs et offrent une galerie de caractères
qui complète ses portraits dessinés. En 1778, le Duc de Chartres
le charge pour sa folie, à l’emplacement actuel du parc Monceau,
de dessiner un parc somptueux dans le genre des jardins anglais.
De tout cela il ne reste aujourd’hui que la Naumachie du parc
Monceau et la Rotonde du boulevard de Courcelles. On lui doit
surtout l’invention, en 1783, d’un nouveau moyen d’amuser la
société de son entourage, que Carmontelle dénommait ses
« décors transparents animés ».
Pour peindre ces papiers transparents, il faut les appuyer, avant l’installation dans la boite, sur un des
carreaux d’une croisée, pour voir l’effet des nuances des couleurs à mesure que l’on travaille ; car si
l’on peignait ce papier à plat sur une table, comme on dessine ordinairement, on serait surpris du peu
d’effet que ferait cet ouvrage, au lieu que de l’autre manière on y arrive très surement. Pour peindre
les différents objets qu’on a représentés, on n’emploie que des couleurs gommées qui sont le bleu de
Prusse, le carmin, l’encre de Chine, l’indigo, la laque verte, qui mêlée avec la gomme gutte, donne
différents tons aux verts. Pour les ombres, du noir d’ivoire, du brun rouge ou du bistre, pour les tons
rougeâtres du vermillon plus ou moins fort ».
Notre transparent, complet et agrémenté de sa boite permettant la lecture, correspond en tous points
à la description faite par Carmontelle dans son Mémoire. A l’image du cinéma des temps modernes, le
transparent s’ouvre sur une bande noire, et le spectateur est invité à prendre place dans une charrette.
Défilent alors des scènes animées se déroulant dans des jardins de fantaisie, dans le style des parcs
paysagers de l’époque, avec leurs parterres et leurs charmilles, semés de petits châteaux, de folies, de
statues, et de fabriques bien sûr, temples, rotondes, pavillons, ruines. Les pièces d’eau sont le théâtre
des scènes les plus croquignoles, à l’image de ces barques d’amour où de jeunes couples convolent au
fil de l’eau. Carmontelle révèle ici tout le talent d’architecte paysagiste qui conduisit le duc d’Orléans
à lui confier l’agencement du parc Monceau.
Si tous les personnages d’une société revivent dans ses portraits dessinés, c’est donc toute une société
qui se ranime dans ses transparents, avec le décor dans lequel ils vécurent. Dans son article consacré
aux transparents de Carmontelle (op. cit), Pierre Francastel souligne l’importance de l’œuvre de
l’artiste : « Considérée dans son ensemble, son œuvre, qui du seul point de vue littéraire ne dépasse
pas le second rang, devient l’une des plus vivantes et des plus complètes qui soient. C’est au premier
rang des mémorialistes et chroniqueurs du siècle qu’il faut le placer, comme l’un de ceux qui nous ont
donné le plus fidèle spectacle de leur temps ».
6
Jean-Honoré FRAGONARD
(Grasse 1732 – Paris 1806)
L’enlèvement de Ganymède
Lavis de bistre sur esquisse au crayon
36 x 27,5 cm
Copie dessinée du tableau de Rembrandt L’enlèvement de Ganymède, peint en 1635, et conservé à la
Gemäldegalerie de Dresde.
Provenance :
Collection de M. Louis Rohan-Chabot, sa vente le 8/12/1807, n°42
Collection Mestrallet
Bibliographie :
A. Ananoff, L’œuvre dessinée de Fragonard, F.de Nobele, Paris, 1961, n°475 p.190, fig. 164
Le 5 octobre 1773, Jean Honoré Fragonard entreprend, avec le financier Bergeret de Grancourt (17151785), un second voyage en Italie. Pendant un an, ils vont sillonner l’Italie, passant par Gènes, Florence,
Rome et Naples. Le voyage de retour se fera par le nord, et comporte comme étapes Venise, Vienne, Prague,
Dresde, Francfort et Strasbourg. L’activité artistique de Fragonard durant ce voyage fut abondante, variée et
uniquement consacrée au dessin : des paysages, des scènes de genre souvent liées à tel épisode du voyage,
des portraits et des copies d’après les maîtres. Ces œuvres se distinguent de celles du premier voyage en
Italie par leur technique, le lavis de bistre, qui nécessite l’emploi du pinceau, remplaçant la pierre noire
comme la sanguine.
Bergeret et ses compagnons de voyage arrivèrent à Dresde le 20 août 1774. Le lundi 22, il se rend « aux
galeries où est établi M. et Mme Fragonard dès le matin, pour y faire récolte de desseins » (PJO Bergeret,
Journal, p.409). La collection de l’électeur de Saxe fit forte impression sur Bergeret qui la visita à de
nombreuses occasion durant son séjour. Fragonard y copie avec fidélité plusieurs tableaux, dont le célèbre
tableau de Rembrandt L’enlèvement de Ganymède (fig.1). Le chemin parcouru depuis le premier voyage en
Italie est immense : à la pierre noire des copies d’après les maîtres exécutées pour l’abbé de Saint-Non, il
préfère la technique bien plus picturale du lavis, qui fera sa renommée à Paris dans la seconde moitié des
années 1770.
Fig.1 : Rembrandt Dresde
Jean-Honoré FRAGONARD
(Grasse 1732 – Paris 1806)
Elève favori de Boucher, Fragonard remporte, à peine âgé de vingt ans, le prix de Rome. Il accède ainsi à l’Ecole Royale
des élèves protégés et part étudier longuement en Italie (1756-1761) les plus grands artistes. Revenu à Paris, il est
unanimement applaudi avec son Corésus et Callirhoé. L’Académie Royale l’agrée parmi ses membres, mais il ne réalisera
jamais son morceau de réception. Il décide en effet rapidement de se détourner des honneurs officiels, abandonne la
peinture d’histoire et la grande décoration pour répondre aux goûts d’une clientèle mondaine, toujours séduite par
le genre galant qu’avait imposé Boucher. L’œuvre dessinée de Fragonard comprend des copies d’après les maîtres, des
projets destinés à l’illustration, des études de figures ainsi que les plus beaux paysages dessinés qu’ait laissé le XVIIIe
siècle.
7
Joseph DUCREUX
(Nancy 1735 – Paris 1802)
Portrait du citoyen Brichard
Pastel sur plusieurs feuillets de papier brun collés en plein sur une feuille de papier crème bordée sur
chassis (fig1)
73 x 57 cm
Annoté au dos du montage au crayon « Ducreux Cen Brichard »
Exposition
Salon de 1793, n°105 Portrait de Brichard, notaire
Bibliographie
Georgette Lyon, Joseph Ducreux (1735-1802) Premier peintre de Marie-Antoinette, La Nef de Paris Editions,
1958, p.171
Favori de la Reine, protégé de l’Ancien Régime, Joseph Ducreux traverse pourtant la Révolution sans être
inquiété grâce sans doute à son amitié avec David. Sa fuite à Londres en 1791 ne fut que temporaire. A
son retour en France, il manifeste beaucoup d’application à prouver son civisme patriotique : membre de
la Société des amis de la Constitution en 1791, engagé volontaire de la garde nationale de Paris en 1792,
chargé en 1793 de rechercher les armes illégales, membre du comité de l’instruction publique. Ducreux se
veut le citoyen au dessus de tout soupçon que l’on ne peut inquiéter.
Au Salon de 1793, il expose ainsi, avec notre portrait, les portraits de Maximilien de Robespierre et de
Georges Couthon. Notaire du duc d’Orléans, Me Brichard (1776-1794) adhère au Club des Jacobins en
1790. Arrêté, ainsi que son principal clerc, Métivier, sur ordre du Comité de Sûreté générale, le 23 nivôse
an II (13 janvier 1794), il est condamné à mort par le Tribunal révolutionnaire, et guillotiné le 26 pluviôse
an II (14 février 1794).
Fig 1 : Académie au dos du montage
Joseph DUCREUX
(Nancy 1735 – Paris 1802)
Installé à Paris en 1760, voyageant à Londres en 1764 et en
1791, et à Vienne, où il séjourna quelques années à partir de
1769, Joseph Ducreux devint premier peintre de la reine. Ce
fut un portraitiste incisif, comme en témoignent ses nombreux
Autoportraits, très expressifs, presque grimaçants, où il se figure
parfois riant aux éclats ou se montrant du doigt. Comme son
maître La Tour, il porte tout son intérêt sur le visage humain,
qu’il veut vivant. Le refus des accessoires et un métier vigoureux
lui permettent de rendre très émouvante l’effigie de ses modèles,
mêmes officiels, comme son fameux Portrait de Louis XVI, conservé
au musée Carnavalet.
8
Victor-Jean NICOLLE
(Paris 1754 – 1826)
Vue du pont dit de Carignan, Gènes
Aquarelle, plume et encre brune
20,4 x 31 cm
Signé en bas à droite « V.J. Nicolle »
9
Victor-Jean NICOLLE
(Paris 1754 – 1826)
Vue de l’arc de Janus et du forum romain
Aquarelle, plume et encre brune
20 x 30,5 cm
Signé en bas à gauche « V.J. Nicolle »
Victor-Jean NICOLLE
(Paris 1754 – 1826)
Après être resté peu de temps à l’Ecole Royale gratuite que venait
de fonder Bachelier, où il remportait brillamment le prix de
perspective en 1771, et avoir consacré deux ou trois ans d’études
sérieuses à suivre les leçons du fameux architecte Petit-Radel,
Nicolle prend son libre essor à vingt ans. Ses premières années
de travail se passent à Paris, mais l’Italie l’attire invinciblement
et, impatient de s’y rendre, il part et traverse la France tout en
travaillant ça et là. L’Italie, Rome surtout, s’emparèrent de lui
tout entier ; aussi est-ce un nombre considérable de vues de
cette belle terre latine qui résulta de deux séjours prolongés (de
1787 à 1798 et de 1806 à 1811) qu’il y fit.
Henri Boucher, auteur d’un article référence sur Nicolle,
décrit ainsi l’œuvre de l’artiste (Gazette des Beaux-Arts, Février
1923, page 113) : « On peut dire qu’il fut avant tout un peintre
de mouvements et en même temps, ce que nous appelons
aujourd’hui un « plein-airiste ». (…) Il fut un plein-airiste
sensible, délicat, saisissant de nuances toutes spéciales le ciel
italien ».
10
Franz KEISERMAN
(Yverdon 1765 – Rome 1833)
Vue du temple de la Sybille à Tivoli
Aquarelle et gouache sur esquisse au crayon
90 x 66 cm
Dans les années 1780, les riches voyageurs européens réalisant le Grand Tour aimaient à emporter un
souvenir de leur séjour, et beaucoup de paysagistes espéraient en profiter pour trouver fortune. A Rome, la
production de Vedute connut alors un essor extraordinaire. Malgré la concurrence de Desprez et de Piranèse,
de l’atelier de Jacob Philipp Hackert et des boutiques de marchands comme Bouchard et Gravier sur le
Corso, le Suisse Louis Ducros, qui connut la gloire à Rome entre 1776 et 1793, joua un rôle majeur dans
cette évolution. Sans doute encouragé par le succès de ses grandes estampes aquarellées, il réalisa à partir
de 1784 des aquarelles de grand format qui donnent aux paysages une échelle tout à fait exceptionnelle.
Lorsque Keiserman arrive à Rome, il entre au service de Ducros comme assistant, travail consistant
principalement à aquareller les estampes du maître. De ces années de formation, il gardera le sens du
gigantisme, le souci du détail et une grande minutie, qualités qui plaisaient particulièrement aux voyageurs
anglais et allemands. D’un format exceptionnel, notre aquarelle montre des paysans italiens dansant devant
le temple de la Sibylle à Tivoli. La précision du rendu de l’architecture, la chaleur de la lumière dorée du
ciel et des montagnes avoisinantes, l’ampleur du feuillage verdoyant en font une œuvre de très grande
qualité.
Detail
Franz KEISERMAN
(Yverdon 1765 – Rome 1833)
Fils d’un tailleur de pierre, Franz Keiserman est né en 1765 à
Yverdon, dans le canton de Vaud. En 1789 il part pour Rome
et devient assistant dans l’atelier de Louis Ducros avec lequel
il partage son logement en 1790-91. A la suite de nombreux
désaccords, il quitte l’atelier et s’installe à son compte en 1792
via Otto Cantoni. Après quelques années passées à Naples, il
revient à Rome et s’entoure de plusieurs assistants. Vers 1805, il
fait ainsi appel, pour dessiner ses figures, à Bartolomeo Pinelli
(1781-1835), célèbre pour ses costumes, brigands et scènes
populaires italiennes. Il trouve en Pauline Bonaparte, princesse
Borghese, et son époux le prince Camillo, des protecteurs
mécènes. Ils lui commandent alors de grandes aquarelles de
la campagne romaine et des sites romains connus. Il fait venir
successivement de Suisse ses cousins François et Charles François
Knebel pour l’assister. Keiserman devient l’un des artistes favoris
des érudits faisant le Grand Tour au début du XIXe siècle.
11
Charles MEYNIER
(Paris 1768 – Paris 1832)
La France, sous les traits de Minerve, protégeant les Arts
Huile sur toile sur trait de crayon, traces de mise au carreau
50 x 61 cm
Esquisse préparatoire pour le plafond de la salle Percier et Fontaine (fig.1), 1818-1819, Musée du
Louvre.
Bibliographie
I.Mayer-Michalon, Charles Meynier (1768-1832), Arthéna, Paris 2008, n°P68 reproduit p.153 et en couleur
p.73.
I.Mayer-Michalon, Les plafonds peints de Charles Meynier (1768-1832) au Louvre et aux Tuileries, Bulletin de
la Société de l’Histoire de l’Art français, année 1999.
Le comte de Forbin, directeur général des Musées Royaux, commanda en 1818 à Charles Meynier le premier
des trois plafonds qu’il exécutera au Louvre pendant la Restauration. Ce plafond, qui sera payé 8.000 Frs,
était destiné à décorer la voûte du grand escalier du musée, actuelle salle Percier et Fontaine. Le second
plafond de cette voûte était confié à Prud’hon, qui renonça finalement à la commande et c’est finalement
Abel de Pujol qui exécuta La renaissance des Arts, plafond détruit en même temps que l’escalier en 1855. Le 24
juin 1818, Meynier, dans une lettre adressée au comte de Pradel donna des détails sur le sujet qu’il comptait
peindre, La France sous les traits de Minerve protégeant les Arts. La Peinture, la Sculpture et l’Architecture
viennent offrir l’hommage de leurs travaux à la France, présentée sous les traits de Minerve, couronnée et
portant le panache blanc d’Henri IV. Il avait alors terminé les esquisses et les études préparatoires.
Il existe deux autres esquisses peintes pour ce projet, l’une conservée au Musée du Louvre, l’autre au Musée
Magnin à Dijon. Les trois esquisses présentent la même différence majeure avec l’œuvre définitive : le
génie ailé, dans la partie supérieure gauche, y brandit des armes et un bouclier. L’artiste montre alors la
Paix éloignant la Guerre. Dans le plafond, la figure de la Paix est toujours présente, elle tient une corne
d’abondance en plus du rameau d’olivier, mais le génie éclaire la scène de son flambeau et montre la palme
de l’immortalité, récompense des plus grands talents. La référence guerrière a été supprimée. Seule notre
esquisse comporte des traces de mise au carreau avec une échelle, laissant supposer qu’elle serait la dernière
réalisée dans le processus de création du plafond.
Fig.1 : Plafond de la salle Percier et Fontaine,
Musée du Louvre
Charles MEYNIER
(Paris 1768 – Paris 1832)
Elève de François-André Vincent, Charles Meynier remporte le
Grand Prix en 1789 qui lui permet de s’installer à Rome, mais
les guerres révolutionnaires l’obligent à rentrer en 1793. De
retour à Paris, il expose régulièrement au Salon de 1795 à 1824.
En 1805, il peint le portrait de Ney pour la salle des Maréchaux
aux Tuileries et en 1807 participe au concours ouvert pour la
Bataille d’Eylau et dont le vainqueur fut Gros. La seconde partie
de sa carrière est dominée par les décorations pour les plafonds
du Louvre : la France protégeant les Arts (1819 salle Percier),
le Triomphe de la peinture française (1820 salle Duchâtel), les
Nymphes de Parthénope (1827, salle des Antiquités égyptiennes). Il
collabore ensuite avec Abel de Pujol au décor en trompe l’oeil
monochrome, les Quatre Parties du monde, exécuté dans la salle
principale de la Bourse de Paris.
12
Pierre-Anasthase CHAUVIN
(Paris 1774 – Rome 1832)
Vue prise des jardins de la villa d’Este
Huile sur papier
40,5 x 30,4 cm
Bibliographie
Marie-Madeleine Aubrun, Pierre-Anasthase Chauvin, Bulletin de la Société de l’Histoire de l’Art Français,
année 1977, pp.191-215
Faisant partie de la première génération des paysagistes formés par Pierre-Henri de Valenciennes à la doctrine
néo-classique, Pierre-Anasthase Chauvin fut recherché par une riche clientèle internationale qui appréciait
ses paysages composés donnant l’impression d’avoir été peints en plein air. Une des particularités de l’artiste
est l’utilisation presque systématique du pin parasol comme un élément structurant de ses tableaux, la haute
silhouette de cet arbre permettant de couper ou de souligner les accidents du site représenté. Si les paysages
composés en atelier sont plutôt nombreux, ses études préparatoires à l’huile sur papier, dont notre paysage
est un merveilleux exemple, sont extrêmement rares.
Notre huile sur papier date du début du séjour romain de l’artiste, vers 1810. Elle prépare un ensemble de
peintures composées plus tard en atelier et mettant en scène les jardins de la villa d’Este à Tivoli. Au Salon
de 1810, Chauvin expose sous les numéros 167 et 168, deux Vues de la villa d’Este à Tivoli. Non localisé par
Marie Madeleine Aubrun dans son article référence sur l’artiste, l’un des deux tableaux a refait surface sur
le marché de l’art parisien en 2000 (Danseurs et musiciens dans le jardin de la villa d’Este, Huile sur toile datée
1809, passée en vente chez Me de Cagny, Drouot, le 9 juin 2000, n°103 (fig.1)). Une autre Vue de la villa
d’Este, datée de 1811, est conservée à Copenhague, au musée Thorvaldsen (fig.2).
Fig.1 : Villa d’Este
Fig.2 : Villa d’Este,
Musée Thorvaldsen
Pierre-Anasthase CHAUVIN
(Paris 1774 – Rome 1832)
Pierre-Anasthase Chauvin étudie la perspective et la peinture
dans l’atelier de Valenciennes. En 1802, il décide de partir
pour l’Italie et s’inspire des sites de la campagne romaine et
des environs de Naples. Dès son arrivée, il aurait partagé avec
Granet un atelier situé dans le couvent des Capucins. Sans
fortune, il est le protégé de Monsieur Morin, amateur éclairé,
puis de Talleyrand à qui il enverra deux tableaux chaque
année. En 1804, il s’installe à Rome où il travaille pour une
clientèle internationale. Il envoie de manière intermittente ses
tableaux aux Salons, principalement des paysages. Il épouse en
1812 la fille de Charles Hayard, marchand de couleurs dont
la boutique est fréquentée par les peintres français de la villa
Médicis, en particulier par Ingres dont il est l’un des témoins
de son mariage. Très tôt lié à Pierre-Narcisse Guérin, il côtoie
Granet, Boguet, Bodinier, Fabre et les paysagistes allemands
Catel et Reinhart. Sa réputation ne cesse de s’élargir et en 1813,
il est nommé membre de l’Académie de Saint-Luc. Il devient
membre correspondant de l’Institut en 1827 et reçoit la Légion
d’honneur en 1828.
13
Jean Auguste Dominique INGRES
(Montauban 1780 – Paris 1867)
L’Arétin et l’envoyé de Charles Quint
Huile sur toile
41,5 x 32,5 cm
Signé et daté en bas à droite « J.INGRES 184[8] »
Au verso du cadre deux étiquettes anciennes, l’une de la vente de 1884, l’autre manuscrite, avec
l’adresse: « Les Eparses par Giromagny Territoire de Belfort. Ingres L’Arétin 341 »
Provenance Peint par Ingres pour Monsieur Marcotte-Genlis en 1848, avec son pendant aujourd’hui au
Metropolitan Museum de New York (collection Lehman)
Vente de M. Marcotte-Genlis, Paris (Me Sibire), 17 – 18 février 1868, n° 19, racheté par un des Marcotte
Vente de M. M, Paris, le 18 février 1884, n° 28
Cette œuvre est restée jusqu’à ce jour dans la descendance de la famille Marcotte
Expositions Exposition Universelle, Paris, 1855, n° 3361
David et ses élèves, Paris, Petit-Palais, 1913, n° 188
Mise en scène : Charles Quint et l’imagination du XIXème siècle, Gand, Musée des Beaux Arts, 1999 - 2000
Bibliographie Ingres, Cahier X, répertorié
A. Magimel, Œuvres de Jean Auguste Ingres gravées au trait sur acier par A. Reveil 1800 – 1850, Paris, 1851, gravé
sous le n° 27 avec cette légende : « Ce poëte, par ses écrits satiriques, était arrivé à se faire craindre de tous
les souverains de l’Europe ; on l’avait surnommé le Fléau des rois. Charles Quint, après une expédition
malheureuse devant Alger, voulut acheter son silence en lui envoyant une chaîne d’or. L’Arétin eut
l’insolence de répondre à son envoyé : « C’est un bien petit cadeau pour une si grande sottise. » Ce
tableau fait partie du cabinet de M. Marcotte Genlis.
C. Vignon, « Exposition Universelle de 1855 », Beaux - Arts, Paris, 1855, p. 191 : « au nombre des tableaux
hors ligne, d’abord tous les petits tableaux d’intérieur, où le maître a déployé avec son inspiration et son
admirable étude des physionomies et des expressions, cette science prodigieuse de détails archéologiques
qui est une de ses gloires … Le poète Arétin recevant avec dédain une chaîne d’or que lui envoie Charles
Quint … »
T. Silvestre, Histoire des Artistes vivants, Etude d’après nature, Paris, 1855, cité p. 35
E. Saglio, « Un nouveau tableau de Monsieur Ingres, Liste complète de ses œuvres », La Correspondance
littéraire, 5 février 1855, p. 75 – 80
O. Merson, Ingres, sa vie et ses œuvres avec le Catalogue Raisonné de ses œuvres, par Emile Bellier de la
Chavignerie, Paris, 1867, p. 117
H. Delaborde, Ingres, sa vie, ses travaux, sa doctrine, Paris, 1870, n° 59
H. Lapauze, Ingres, sa vie et son œuvre, Paris, 1911, p. 188
G. Wildenstein, Ingres, Londres, 1954, n° 252, rep. fig. 159
D. Ternois, Ingres, Paris, 1980, n° 114, rep. p. 177
Ingres, in pursuit of perfection, catalogue d’exposition, Louisville - Kentucky, Speed Art Museum, 1983 - 1984,
Fort Worth - Texas, Kimbell Art Museum, 1984, p. 240
D. Ternois, Tout l’œuvre peint de Ingres, Paris, 1971, n° 84b, rep.
G. Vigne, Ingres, Paris, 1995, p. 336, n° 194
Romance and Chevalry, catalogue d’exposition, Museum of Art, New Orleans,
1996, p. 260, n° 35
D. Ternois, « Lettres d’Ingres à Marcotte d’Argenteuil. Dictionnaire », Archives
de l’Art français. Nouvelle période, tome XXXVI, Nogent le Roi, 2001, p. 44, fig.
42, rep.
Œuvres en rapport L’Arétin chez le Tintoret, huile sur toile, 1848, Metropolitan Museum of Art, New
York
De nombreux dessins préparatoires conservés au musée de Montauban (voir
G. Vigne, Dessins d’Ingres, édition Gallimard, RMN, 1995, n° 1101 – 1114)
L’Arétin et l’envoyé de Charles Quint et L’Arétin chez le Tintoret, huiles sur panneaux,
1815, (deux collections privées américaines distinctes)
En 1815, alors qu’il séjourne à Rome, Ingres aborde pour la première fois le thème de L’Arétin et l’envoyé
de Charles Quint, avec en pendant L’Arétin chez le Tintoret, peintures à l’huile sur une paire de petits
panneaux (tableaux aujourd’hui conservés dans deux collections américaines distinctes). Ingres fut l’un
des chantres de l’art troubadour, ou plutôt de ce romantisme littéraire dont les peintres s’entichèrent
comme les écrivains, en revenant sur les épisodes de la petite histoire qui leur semblent synthétiser les
grands évènements et dont la portée morale perdure, que ce soit sur les périodes du Moyen-Age, de la
Renaissance ou du Grand Siècle.
En 1848, il reprend le thème arétin pour Marcotte Genlis, le frère de son mentor et ami Marcotte
d’Argenteuil, qui possédait également plusieurs autres œuvres d’Ingres. Il peint deux nouvelles versions
sur toile avec de nombreux changements d’importance. Ingres en parle à nouveau dans deux lettres
à Marcotte d’Argenteuil datées du 16 juin et du 12 août 1851, précisant que les tableaux de Monsieur
Genlis sont enfin « parachevés de tous mes soins ». Il demande s’il peut les adresser à un parent, en
l’absence du destinataire, « dans leurs cadres, à leur place pour faire plaisir à votre cher frère ». Outre le
perfectionnisme dont Ingres est coutumier, il est probable que ces reprises sont dues à la publication par
Magimel des œuvres d’Ingres gravées par Réveil en 1850 – 1851.
A la suite du décès de sa première femme en 1849, les amis d’Ingres tentent de le distraire de son
chagrin et en 1850, sur le conseil d’Edouard Gatteaux, Ingres entreprend avec l’éditeur Magimel de
réunir l’essentiel de sa production réalisée pendant un demi-siècle. Les deux tableaux de Marcotte Genlis
sont reproduits, mais à la date de 1815 (!), celle des deux premières versions. Sans doute le peintre, un
peu cachottier et voulant montrer le meilleur de lui-même, voulût-il donner au public les versions qu’il
considérait comme les plus abouties d’un travail qu’il envisageait dans une continuité artistique et non
chronologique. Et c’est sans doute pour retoucher une dernière fois avant publication ses compositions
qu’il aurait repris à Marcotte - Genlis ses tableaux, avant de les lui restituer en 1851. Dans le Cahier X, à
l’année 1850, Ingres écrit : « Une quantité de compositions revues et redessinées ».
Jean-Baptiste Joseph Marcotte (1781 – 1867), dit Marcotte-Genlis, était le frère cadet de son ami Charles
Marcotte d’Argenteuil (1773 – 1864). Marcotte-Genlis, célibataire, était receveur général des Finances
à Mézières dans les Ardennes. Ingres reçut avec plaisir Marcotte-Genlis, lors de plusieurs voyages de ce
dernier à Rome. Ils étaient de la même génération à un an près, ce qui développe souvent plus facilement
les affinités. Cette affection ressort des lettres adressées à Marcotte d’Argenteuil :
28 août 1835 – Vous devez penser le plaisir que nous avons eu de voir à Rome Marcotte-Genlis. Je ne puis exprimer
combien nous étions heureux de voir un second vous-même et l’image de vous tous en lui.
9 septembre 1837 – Nous avons eu le bonheur de posséder quelques jours à Rome notre cher Marcotte-Genlis.
En 1849, Ingres, en villégiature chez Flandrin, projette d’aller voir Marcotte-Genlis à Mézières, mais il
renonce à ce projet. Il lui fait parvenir les deux tableaux sur l’Arétin et le rencontre sûrement à nouveau
en 1852, puisqu’il lui dédicace son deuxième portrait dessiné à cette date (collection Eugène Thaw, New
York) – le premier fut exécuté en 1830 (collection particulière).
En célébrant l’Arétin (1492 – 1556), Ingres rend hommage à celui qui, le premier, fit comprendre aux
Princes de ce monde que l’artiste, s’il n’était pas leur égal en pouvoir, était un homme libre, et donc
dangereux. Libre de l’orientation politique de ses écrits, libre de mener une vie licencieuse, libre de se
vendre au plus offrant. Passant du baume au pape, puis caressant alternativement François I ou Charles
Quint dans le sens du poil, il joue de leur rivalité et se maintient ainsi en équilibre sur sa gondole vénitienne.
En 1525, lorsque François I est fait prisonnier à la bataille de Pavie, il écrit au souverain français une
admirable lettre où le vaincu surpasse le vainqueur par la noblesse de sa position : « Les victoires sont
la ruine des vainqueurs et le salut des vaincus parce que les vainqueurs sont aveuglés par leur orgueil
quand les vaincus sont auréolés d’humilité. » Mais François I met huit ans à le remercier de son épître,
et de quelle manière! Il lui fait parvenir une chaîne d’or émaillée gravée en latin de ce message royal :
« Sa langue dira le mensonge ». L’Arétin n’en peut mais admire le trait en connaisseur ; cela lui permet
de repasser au service de Charles Quint sans avoir à justifier du moindre scrupule. Lorsque l’Empereur
se lance dans l’expédition de Tunis en 1534 contre les barbaresques (tandis que François I s’est allié aux
Turcs), il envoie une chaîne en or à l’Arétin pour le payer de ses mots contre François I. L’Arétin ne se
satisfait pas du cadeau et réplique à l’envoyé de l’Empereur que voilà « un bien mince cadeau pour une
si grande sottise ».
C’est avec délectation qu’Ingres choisit ce moment précis où le poète affirme sa liberté avec insolence.
Ingres avait déjà traité le sujet en 1815 mais avec une raideur timide. C’était une habitude de travail
chez Ingres, et même plus de comportement artistique, que de reprendre les sujets qui lui tenaient à
cœur en cherchant à les améliorer. Cette poursuite de la perfection témoignait à la fois d’une souffrance
psychologique face aux critiques endurées (voir à ce propos le thème de « L’Arétin chez le Tintoret »)
comme d’un sentiment perpétuel d’inachèvement, car au fond, on peint ou on écrit toujours la même
chose, vue sous un angle différent, selon les circonstances et l’expérience que l’on a de la vie.
L’envoyé de Charles Quint est debout, en manteau d’apparat, tandis que l’Arétin le reçoit affalé dans
un siège curule en tenue d’intérieur, les jambes négligemment croisées, jouant du bout du pied avec sa
pantoufle. Il est assis à sa table de travail, tandis que des brouillons froissés parsèment le sol. Il soupèse
mollement d’une main le présent, un collier en or, tourne sa tête vers l’envoyé avec une moue d’ennui
tout en se désignant la tête de l’index de la main gauche. Sous l’injure faite à son roi, l’envoyé replie son
poing et porte l’autre main à la garde de son épée, mais se garde bien de dégainer. Dans le fond, cachée
derrière le lit à baldaquin aux rideaux fermés, une femme nue derrière laquelle se cache une seconde,
elles écoutent entre admiration et crainte, leur amant remettre l’envoyé de l’Empereur à sa place. Sur la
gauche, un autoportrait de Titien, portraitiste officiel de l’Empereur, semble apporter sa caution à son
ami vénitien. Cette licence affichée montre aussi combien l’artiste peut prendre de liberté avec les mœurs
du temps, quand bien même Charles Quint était le plus dévot des hommes (l’Empereur finira même ses
jours au monastère après avoir abdiqué au profit de son fils Philippe II).
Ingres restitue cependant l’ordre établi par l’éclairage. La lumière du tableau se focalise sur le manteau
jaune de l’envoyé vu de dos, comme ruisselant d’or, tandis que l’Arétin porte sa robe « d’intérieure
noirceur ». La matière lisse, onctueuse, vient épouser en souplesse les couleurs. La pose presque efféminée
de l’Arétin souligne sa sensualité. La maîtresse nue, les papiers froissés au sol, la tenue d’intérieur de
l’Arétin : Ingres a voulu montrer l’aplomb du poète, capable de recevoir l’envoyé de l’Empereur sans
cacher à ce dernier qu’il vient d’interrompre une partie fine. Il montre aussi combien l’Arétin - et donc
sans doute Ingres – considérait les plaisirs de la vie bien plus importants que les rigueurs politiques, une
politique dont il ne faisait ainsi qu’un moyen de gagner de l’argent pour s’épanouir. Il dit en gros aux
politiques : donnez-moi de l’argent ou je dis tout. Et de surcroît, il se permet de vivre comme bon lui
semble.
Le pendant de ce tableau, L’Arétin et le Tintoret, conservé au Metropolitan Museum of Art (collection
Lehman), contrebalance cet effet en montrant le poète sous un jour plus couard. Ayant appris que l’Arétin
le calomnie le Tintoret le fait venir sous prétexte de faire son portrait. Le peintre brandit une arme sous
le nez du poète, qui croit sa dernière heure arrivée. Ingres illustre ici à la fois la supériorité morale du
peintre et la petitesse de la critique, situation à laquelle chaque artiste s’identifie aisément.
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Merry-Joseph BLONDEL
(Paris 1781 – Paris 1853)
Le chant d’Ossian
Huile sur toile
20,5 x 25,7 cm
Signé, localisé et daté en bas à droite « Blondel à Rome 1811»
Bibliographie
Ossian, 15 février – 15 avril 1974, Grand Palais, Paris
En 1761, le jeune poète James Macpherson publie Fingal, une épopée qui, selon lui, a été composée par
Ossian, barde écossais du IIIe siècle de notre ère. Macpherson dit avoir traduit du gaélique cette épopée,
retrouvée à partir de collectes de chants populaires dans les Highlands et les îles écossaises. Bien que des
controverses éclatent rapidement sur l’authenticité de l’épopée et grâce à de nombreuses traductions, les
poèmes d’Ossian ont connu une vogue exceptionnelle auprès des romantiques de toute l’Europe.
En France, c’est sous l’impulsion donnée par Bonaparte que les peintres français ont glorifié Ossian. Le
baron Gros entreprend le premier, en Italie, une Malvina pleurant, tableau inachevé et disparu. Vient ensuite
en 1800 la commande pour le décor du Salon doré du château de Malmaison : le baron Gérard y peint
Ossian évoque les fantômes au son de la harpe (fig.1) et Anne-Louis Girodet L’Apothéose des Héros français morts
pour la patrie pendant la guerre de la Liberté (fig 2). C’est enfin Ingres qui, en 1811, avec Le songe d’Ossian (fig.3)
reçoit la commande du plafond de la chambre de l’Empereur au palais de Monte Cavallo, actuel palais du
Quirinal .
Fig.1 : Baron Gérard
Fig.2 : Anne-Louis Girodet
Fig 3 : Ingres
Merry-Joseph BLONDEL
(Paris 1781 – Paris 1853)
Après un premier apprentissage à la manufacture de porcelaines
Dihl et Guerhard, où il est l’élève d’Étienne Charles Leguay, il
étudie la peinture auprès de Jean-Baptiste Regnault. Son Énée
portant son père Anchise lui vaut le prix de Rome en 1803. Il
séjourne à la Villa Médicis de 1809 à 1812, puis remporte au
Salon de 1817 une médaille d’or pour sa Mort de Louis XII. Il
entame alors une carrière de décorateur : salon et galerie
de Diane au Château de Fontainebleau, plafond du Palais
Brongniart, plafonds du Musée du Louvre, notamment celui de
la galerie d’Apollon, salle des séances du Palais du Luxembourg,
Sénat. Il travaille également au décor des églises Notre-Dame de
Lorette et Saint-Thomas d’Aquin. C’est à partir de ses dessins
qu’est réalisée, par Joseph Dufour, la série Psyché de papier
peint panoramique en 1815.
15
Alexandre-Denis ABEL DE PUJOL
(Valenciennes 1785 – Paris 1861)
Joseph expliquant les songes de l’échanson et du panetier de pharaon
Plume et encre brune, lavis brun sur esquisse au crayon
30 x 38 cm
Signé et daté en bas à droite « Abel de Pujol 1822 »
Dessin préparatoire pour le tableau (fig.1) Joseph expliquant les songes de l’échanson et du panetier de pharaon
exposé au Salon de 1822 sous le n°2 et conservé au Musée des Beaux-Arts de Lille.
Abel de Pujol illustre ici l’épisode du livre de la Genèse où Joseph, jeté injustement en prison après avoir
repoussé les avances de Putiphar, interprète les songes de ses codétenus, l’échanson et le panetier de
Pharaon. Debout à droite, Joseph élève la main, trois doigts ouverts, indiquant par ce geste que dans trois
jours Pharaon libèrera de prison les deux officiers. Il prédit au panetier que son maître lui fera trancher la
tête, tandis que l’échanson recouvrera la liberté. Le premier, accoudé au premier plan, exprime son effroi
par un geste de refus, tandis que le second, assis derrière, contemple incrédule les trois doigts de sa main.
La théâtralité de la scène, la géométrie mystérieuse du décor, la rigueur de la ligne tracée à la plume, la
nudité des corps… Abel de Pujol reste ici fidèle aux principes du dessin néo-classique appris dans l’atelier
de David. Le sujet quant à lui annonce le plafond l’Egypte sauvée par Joseph qu’il réalisera en 1827 pour la
création du département des antiquités égyptiennes du Louvre.
Fig 1 : Musée des Beaux-Arts de Lille
Alexandre-Denis ABEL DE PUJOL
(Valenciennes 1785 – Paris 1861)
Elève de David, Abel de Pujol obtient le Prix de Rome en 1810.
En 1820, il peint à fresque la voûte de la chapelle Saint-Roch
de l’Eglise Saint Sulpice à Paris. Il collabore à la décoration du
musée Charles X au Louvre en 1827, et la protection de Louis
Philippe lui vaut une part importante des peintures du musée
historique de Versailles en 1837. Il exécute ensuite le décor en
trompe l’oeil monochrome, les Quatre Parties du monde, pour la
salle principale de la Bourse de Paris. Son œuvre dessinée fait
l’admiration des critiques, unanimes devant la rare facilité de
son coup de crayon ou de pinceau, ses contours sûrs, ses rehauts
de lumière accentuant la fluidité élégante d’une figure ou d’un
drapé.
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Jean-Charles-Joseph REMOND
(Paris 1795 – Paris 1875)
Vue prise dans Rome près de San Pietro in Vincoli
Huile sur papier marouflé sur toile
26 x 38,5 cm
Signé en bas à droite « Rémond »
Situé au verso à la plume et encre brune : « Vue prise dans Rome près de S. Pietro in Vincoli »
Provenance
Vente Rémond, 21 février 1842, n°13
Lauréat, élu à l’unanimité, du Grand Prix de Rome de paysage historique en 1821, Charles Joseph Rémond
part aussitôt pour l’Italie où il séjournera jusqu’en 1826. Pensionnaire de la Villa Médicis, il se lie d’amitié
avec quelques condisciples : le peintre Joseph-Désiré Court, qui peindra son portrait en 1824, le sculpteur
Charles Emile Seurre et l’architecte Guillaume Abel Blouet, qui deviendra son beau frère. Déjà détenteur
d’une belle technique, acquise durant sa formation académique, Rémond va profondément mûrir durant
ce séjour italien. Il dessine beaucoup, d’un trait de crayon très sûr, et réalise de nombreux paysages peints à
l’huile, d’une facture à la fois libre et précise, d’une grande luminosité. Les trois ventes publiques organisées
de son vivant à Paris, réunissant 420 paysages, ont permis de prendre conscience de la sensibilité de son
regard porté sur la nature et de sa technique sans faille.
Les diverses études peintes ramenées d’Italie nous permettent de suivre l’itinéraire de ses séances de travail
en plein-air. Nous savons qu’il est à Tivoli en 1822, puis à Naples, la même année, quelques mois après son
arrivée. Il travaille également devant la grotte du Pausilippe, et voyage à Capri. L’année suivante, il est à
Narni. En 1825, il travaille près du lac de Trasimène, puis nous le trouvons à Venise et Padoue en mars 1825.
Nous savons qu’il est passé par Amalfi. Il exécute aussi, comme tous ses collègues de la Villa Médicis, de
nombreuses vues de Rome, dont notre huile sur papier est un merveilleux exemple. L’église San Pietro in
Vincoli, en français Basilique Saint-Pierre-aux-Liens, est une église de Rome située dans le rione de Monti,
connue pour abriter la version définitive du Tombeau de Jules II et sa célèbre statue de Moïse par MichelAnge.
Rome, via cavour
Jean-Charles-Joseph REMOND
(Paris 1795 – Paris 1875)
Fils d’un imprimeur d’estampes du quartier St-Jacques, Rémond
fréquente dès l’âge de 15 ans l’Ecole des Beaux-Arts où il est élève
de Jean-Baptiste Regnault. Il s’initie au paysage dans l’atelier du
paysagiste néoclassique Jean-Victor Bertin, et entretient aussitôt
des relations amicales avec certains de ses condisciples comme
Achille-Etna Michallon. En 1821, il est lauréat du prix de Rome
de paysage historique avec l’Enlèvement de Proserpine par
Pluton. Durant les 4 années de son premier séjour italien, il
voyage à Naples et Capri, dessine et peint dans les environs de
Rome, visite Tivoli, le lac de Narni, Rieti et Olevano. En 1826,
il rentre à Paris en passant par Venise. Rémond épouse alors la
fille du lithographe Delpech, ouvre un atelier qui comptera une
trentaine d’élèves dont le jeune Théodore Rousseau. Voyageant
fréquemment et travaillant en Suisse (1835-1837) et en France,
il revint en Italie en 1842 séjournant cette fois en Sicile.
17
George SAND
(Paris 1804 – Nohant 1876)
Dendrite
Aquarelle et rehauts de gouache blanche
9,8 x 15,8 cm
Au verso : dendrite (fig.1)
Annoté au verso « Dendrite de G. Sand… », et daté 1873.
George Sand, comme beaucoup d’écrivains de son époque, savait peindre et dessiner. Jeune fille, elle avait
pratiqué l’aquarelle et plus tard elle fit souvent des croquis de ses proches. Elle avait d’abord tenté de gagner
sa vie en utilisant ce savoir faire, et peignit des fleurs et des oiseaux sur des tabatières et des étuis à cigares.
En 1838, elle réalise avec Auguste Charpentier un éventail – actuellement au musée de la Vie romantique –
qui est une charge humoristique la représentant entourée de ses amis à Nohant. Au début des années 1860
elle se met à fabriquer des dendrites. La technique consistait à retoucher au pinceau ou à la plume une
forme abstraite obtenue par pliage de taches d’encre ou de pigment projetées sur papier.
« Il suffit d’une feuille de papier ou de carton d’un pouvoir absorbant déterminé, de préférence du bristol
pas trop gras, qu’on presse fortement sur une ou des taches de couleur (beaucoup de vert) préalablement
jetés au pinceau sur une feuille de papier à dessin. La feuille supérieure retirée, on obtient une tache étalée
et de forme aléatoire, dont la surface présente des ramifications et des arborescences, par diffusion du
liquide dans le papier » (George Sand, Une nature d’artiste, Paris, Musée de la Vie Romantique, 2004). Des
paysages légèrement oniriques émergeaient de ces formes retravaillées. Notre dendrite recto-verso présente
l’avantage de montrer une dendrite à l’état d’ébauche au verso, et une dendrite retravaillée composant un
véritable paysage au recto. George Sand décrit ainsi le processus de création : « Mon imagination aidant, j’y
vois des bois, des forêts ou des lacs, et j’accentue les formes vagues produites par le hasard »..
Fig 1 : verso
George SAND
(Paris 1804 – Nohant 1876)
Femme de lettre française, George Sand a laissé derrière elle
une œuvre romanesque remarquable, assortie de contes, de
nouvelles, de pièces théâtrales, de textes autobiographiques et
d’une immense correspondance. George Sand, de son vrai nom
Aurore Dupin, grandit à la campagne, auprès de sa grand-mère,
à Nohant. Elle se marie au baron Casimir Dudevant en 1822.
Dès ses premiers écrits, elle s’inspire du nom de son amant, Jules
Sandeau, pour prendre le pseudonyme de George Sand. Très vite,
les talents de la jeune écrivaine sont reconnus, notamment par
Sainte-Beuve et Chateaubriand. Elle connaît plusieurs passions
amoureuses, parmi lesquelles figurent Frédéric Chopin et
Alfred de Musset. Auteur prolifique, George Sand écrira jusqu’à
son dernier souffle. Après s’être consacrée quelques temps au
théâtre, elle entreprend la rédaction de son autobiographie,
Histoire de ma vie (1854-1855). La musique était sa passion, mais
George Sand s’est intéressée à tous les arts : peinture, gravure,
photographie, théâtre… Elle était liée avec les artistes de son
temps et musiciens, peintres, graveurs, sculpteurs, comédiens
furent accueillis dans ce havre de création qu’était Nohant.
18
Prosper MARILHAT
(Vertaizon 1811 – Paris 1847)
Paysage de la campagne romaine
Huile sur toile
33 x 55,5 cm
Signé « P. Marilhat » en bas à gauche
L’Egypte et l’Auvergne ont été les principales sources d’inspiration de Prosper Marilhat : il les appelait
ses deux muses. Arrivé à l’âge de 24 ans, il n’avait toujours pas fait le voyage d’Italie, et ses amis le lui
reprochaient. C’est donc sur les conseils insistants de son ami Théodore Caruelle d’Aligny qu’il partit à l’été
1835, faire le voyage classique : il visite Rome, Livourne, Venise, Bologne, Milan.
De son voyage, troublé par des accidents nerveux de la nature la plus inquiétante, il rapporte de rares
paysages d’après nature influencés par l’art de Corot et de Caruelle d’Aligny, dont notre Paysage de la
campagne romaine est un heureux témoignage. Prosper Marilhat s’insère ici dans la lignée des grands peintres
de plein air effectuant le voyage en Italie.
Détail
Prosper MARILHAT
(Vertaizon 1811 – Paris 1847)
Arrivé à Paris en 1829, Prosper Marilhat fréquente l’atelier
de Roqueplan et débute au Salon de 1831. Sa vocation
d’orientaliste se révèle à la faveur d’un voyage au Moyen Orient
qu’il entreprend en compagnie du Baron Von Hugel. Entre
avril 1831 et mai 1833, il découvre la Grèce, la Syrie, le Liban, la
Palestine et l’Egypte où il séjourne à Alexandrie et au Caire. Il
y accumule croquis et études peintes qu’il utilisera par la suite
pour composer ses tableaux. Face à Decamps qui inaugure à
la même époque le courant orientaliste, Marilhat s’affirme par
l’élégance de son dessin, une palette aux couleurs vives et une
finesse d’ensemble.
En 1835, une médaille d’or lui est décernée pour Souvenir de la
campagne de Rosette. L’été de la même année, à l’instigation de
Caruelle d’Aligny, il se rend en Italie et visite Rome, Livourne,
Venise, Bologne, Milan et Naples. L’été suivant, il voyage avec
Corot en Provence, et ses toiles provençales se ressentent
alors de son influence. Pendant quelques temps, il va subir
l’ascendant de Caruelle d’Aligny et de Cabat et s’essaye aux
paysages historiques. Il meurt à Paris à 36 ans après avoir perdu
la raison.
19
Henri LEHMANN
(Kiel 1814 – Paris 1882)
Delphica et le prophète Elie
Grisaille sur toile en forme d’écoinçon
72 x 91,8 cm
Cachet de l’atelier en bas au centre
Grisaille préparatoire au décor d’un des pendentifs (fig.1) de la coupole de la chapelle de l’Institution
des Jeunes Aveugles à Paris réalisé entre 1843 et 1850.
Provenance
Ancienne collection du marquis d’Amat
Bibliographie
Marie Madeleine Aubrun, Henri Lehmann (1814-1882), Catalogue raisonné de l’œuvre, Paris , 1984, n°774,
reproduit p.163.
Exposition Henri Lehmann, 1814-1882, Portraits et décors parisiens, Paris, Musée Carnavalet, 1983, n°79, reproduit p.75
Créée en 1784 par Valentin Haüy, l’Institut Royal des Jeunes Aveugles est la première institution française
à s’occuper de l’éducation des jeunes aveugles. Installée initialement rue Coquillère à Paris, elle s’installe
ensuite rue Notre Dame des Victoires. En 1791, elle devient l’Institution Nationale des Jeunes Aveugles par
décret de l’Assemblée constituante et se déplace dans le couvent des Célestins, puis dans la maison des filles
de Sainte Catherine. De 1800 à 1815, elle est rattachée à l’hôpital des Quinze-Vingts. Louis Braille, inventeur
de l’écriture qui porte son nom, y fut élève puis professeur.
Le 18 juillet 1838, une loi décidait la création d’un bâtiment
spécial pour les Jeunes Aveugles, au 56 boulevard des Invalides.
Construite sur les plans de l’architecte Philippon, l’institution
était achevée en 1843. Dès lors, on pensa à Henri Lehmann pour
décorer la chapelle. La commande comprend la peinture murale
de l’abside, au dessus du maître autel, et de plusieurs pendentifs.
Les nombreuses œuvres préparatoires répertoriées nous éclairent
sur la méthode de travail de l’artiste. Henri Lehmann travaille
en effet selon la méthode classique, c’est à dire que son œuvre
peint est mûri, longuement élaboré, préparé par des dessins,
calques, études mises au carreau. Après les multiples variantes
qui préludent à la création, ses premières pensées aboutissent
à des cartons, grisailles et esquisses peintes. D’une belle sûreté
d’exécution, notre grisaille en forme d’écoinçon illustre à
merveille une des phases de sa démarche créatrice.
Fig.1 Pendentif de la coupole
Henri LEHMANN
(Kiel 1814 – Paris 1882)
Né en Allemagne, Henri Lehmann est envoyé à Paris en 1831,
et fait connaissance d’Ingres et de Guérin par l’intermédiaire
de l’architecte Hittorff et du peintre Gérard. Ingres, dont
il devient l’élève, le fait inscrire en 1832 à l’Ecole des BeauxArts. Lehmann part à la fin de 1838 pour Rome, où il retrouve
son maître Ingres, alors directeur de l’Académie de France.
Il fréquente la villa Médicis et rencontre Franz Liszt dont il
fera le portrait. A Paris, qu’il regagne en 1842, il entreprend
plusieurs ensembles décoratifs, notamment à l’Hôtel de Ville de
Paris et au Luxembourg. Naturalisé français en 1847, il est élu à
l’Institut en 1864, puis nommé professeur à l’Ecole des BeauxArts en 1875.
20
Adolph von MENZEL
(Breslau 1815 – Berlin 1905)
Peintre au travail
Crayon et estompe
20 x 12,3 cm
Signé et daté en bas à gauche « A.M. 88 »
Etude préparatoire pour la figure du peintre (fig.1) dans la gouache Beati possidentes – Heureux
propriétaires, réalisée en 1888 et conservée dans la collection Georg Schäfer, à Euerbach.
Dessinateur insatiable, Adolphe Menzel avait toujours dans ses poches un ou plusieurs carnets à dessin qu’il
remplissait de ses observations quotidiennes. L’œuvre graphique qu’il a ainsi laissé est considérable, plusieurs
milliers de ses dessins, aquarelles, gouaches et pastels sont conservés en Allemagne, principalement à la
Neue Nationalgalerie de Berlin. Caractéristique de ses dessins de la fin des années 1880, l’utilisation d’un
crayon de charpentier donne à Menzel une grande liberté de nuance dans les noirs, passant énergiquement
d’un trait noir gras et autoritaire à un modelé gris tendre et souple obtenu par estompe.
Dans notre dessin, Menzel représente un peintre au travail, un pinceau à la main, pris dans deux positions
différentes, tout d’abord de face, courbé sur sa table, puis de profil. C’est avec autorité qu’il décide de
rayer de son premier dessin le bras droit du peintre tenant le pinceau, pour mieux le redessiner un peu
plus bas. Tout le génie du dessinateur réside dans le positionnement de cette reprise du bras qui crée un
lien avec la figure du peintre vu de profil, et donne l’illusion de décomposition d’un mouvement.
Fig.1 Détail Heureux propriétaires
Adolph von MENZEL
(Breslau 1815 – Berlin 1905)
Peintre et graveur allemand, Adolphe von Menzel est le plus
célèbre peintre berlinois de la seconde moitié du XIXe siècle.
Fils d’un imprimeur lithographe venu s’établir à Berlin en 1790,
il dirige l’entreprise familiale dès 1832. Autodidacte, il doit à
la gravure ses premiers succès : L’Histoire de Frédéric le Grand,
pour lequel il exécute 400 illustrations, contribue beaucoup à
sa renommée. Entre 1849 et 1856, il peint les scènes les plus
célèbres de la vie de Frédéric le Grand (1712-1786). A partir de
1861, il peint divers épisodes de la vie de Guillaume 1er. Plus
encore que dans ses tableaux historiques, on trouve dans ses
paysages et ses intérieurs l’expression de son talent réaliste. Mais
il fut surtout le chroniqueur de la vie berlinoise, de ses foules, de
ses fêtes et de ses travailleurs : La Forge, sans doute son tableau
le plus connu, compte parmi les pages les plus importantes
consacrées par les peintres du XIXe siècle au travail dans les
usines. Son style s’inscrit dans la tradition du réalisme berlinois
du XIXe siècle, qu’il prolonge. En Allemagne, il fut comblé
d’honneurs et fut le premier peintre à être décoré de l’Ordre
de l’Aigle noir.
21
Albert-Ernest CARRIER BELLEUSE
(Anisy-le-Château 1824 - Sèvres 1887)
L’Automne
Terre cuite
h: 55 cm
Signée «A.Carrier»
Carrier Belleuse fut un des sculpteurs les plus féconds du XIXe siècle et modela une foule de bustes, de
petits groupes et de statuettes qui firent fureur sous l’Empire. Edouard Lockroy écrivait ainsi en 1865, dans
la revue l’Artiste : « C’est presque une machine à sculpter que M. Carrier Belleuse. Chaque jour sortent de
son atelier des bustes, des ornements, des statues, des statuettes, des candélabres, des cariatides ; bronze,
marbre, plâtre, albâtre, il taille tout, il façonne tout, il creuse tout ; mais que cette machine a d’esprit,
d’imagination, de verve ! »
Tout le charme et la finesse du sculpteur se retrouvent dans notre figure allégorique de l’automne, aux
lèvres sensuelles et au regard intense. Posées délicatement sur la chevelure ondulée du modèle, les grappes
de raisins et les feuilles de vigne composent un décor végétal bucolique. On est saisi par la dextérité de
Carrier Belleuse avec l’argile, qualité qu’il transmettra à son élève Auguste Rodin, qui travailla pour lui
de 1864 à 1871.
Albert-Ernest CARRIER BELLEUSE
(Anisy-le-Château 1824 - Sèvres 1887)
Albert-Ernest Carrier Belleuse commençe très tôt sa vie d’artiste :
dès 1824, il a alors 10 ans, il entre dans l’atelier du ciseleur
Bauchery. puis dans celui de l’orfèvre Fauconnier. Il se forme
véritablement à l’Ecole Royale de Dessin et de Sculpture où il
se lie avec Carpeaux, Charles Garnier et Henri Chapu. Il expose
pour la première fois au Salon de 1850. Il se signale dès lors
comme un artiste extraordinairement doué et prolifique. Son
œuvre présente une galerie de portraits de ses contemporains :
Napoléon III, les hommes politiques et des Arts (dont Dumas,
Daumier, Rodin), les demi-mondaines (principalement Marguerite
Bellanger et Hortense Schneider). Il a également sculpté de
nombreux sujets allégoriques : l’Innocence tourmentée par l’Amour,
le Réveil et le Sommeil, la Source… Il a enfin travaillé à des œuvres
plus importantes, notamment à l’église de saint Augustin, au
palais des Tuileries, au Louvre, à l’Opéra, à l’Hôtel de Ville et
au Théâtre Français.
22
Venanci VALLMITJANA Y BARBANY
(Barcelone 1826 – Barcelone 1919)
Femme nue domptant un lion
Terre cuite
40 x 62 cm
Signé « V Vallmitjana » sur la terrasse
Cartouche sur le socle annoté : « A Sarah Bernhardt su admirador y amigo J.Carbonell Barna Mayo
1882 »
Provenance
Ancienne collection Sarah Bernhardt
Après avoir quitté avec éclat la Comédie Française en 1880, Sarah Bernhardt crée sa compagnie avec
laquelle elle part jouer et faire fortune à l’étranger jusqu’en 1917. Elle joue successivement à Londres,
Copenhague, aux Etats-Unis, en Russie et en Espagne. Elle se produit alors à Barcelone, au théâtre
lyrique, d’avril à mai 1882, et enchante les spectateurs dans le rôle de la Dame aux Camélias. L’actrice est
photographiée par l’artiste catalan Pau Audouard, et la presse relate l’événement (Sarah Bernhardt en
Barcelona, Ilustracion artistica, 30 mars 1882, p.138).
Dédicacée à Sarah Bernhardt en mai 1882 par « son ami et admirateur » J. Carbonell, notre terre cuite
du sculpteur catalan Venancio Vallmitjana témoigne donc du succès de l’actrice lors de son passage à
Barcelone. Nous n’avons malheureusement pas pu identifier le généreux donateur, mais il s’agit semblet-il d’une personnalité influente, car les plus importants personnages de la ville et du pays passaient par
l’atelier du sculpteur pour lui faire des commandes.
Venanci VALLMITJANA Y BARBANY
(Barcelone 1826 – Barcelone 1919)
Elève à l’Ecole de la Lonja de Barcelone du sculpteur Damian
Campeny, Venancio Vallmitjana reçoit sa première commande
officielle en 1854 pour l’église de Los Santos Justos y pastor.
En 1860, la reine Isabelle II lui commande un saint George.
En 1873, il participe au concours organisé par Le Figaro, et sa
sculpture, conservée au Musée d’Art Moderne de Barcelone,
sans obtenir le premier prix, lui permet de rentrer en contact
avec les sculpteurs Carpeaux et Laurens. Il travaille à la
décoration de l’Université de Barcelone, mais c’est sans doute
sa Venus dominant les cascades du parc de la Ciudadela qui
est considérée comme son œuvre majeur. En 1883, il devient
professeur à l’Ecole des Beaux-Arts de Barcelone, et forme
entre autres de nombreux sculpteurs modernistes comme Pablo
Gargallo ou Josep Llimona. La carrière de Venancio Vallmitjana
est indissociable de celle de son frère Agapito, avec lequel il
partagea son atelier jusqu’en 1883.
23
Gustave DORE
(1832 - 1883)
Les sorcières de Macbeth
Crayon noir, lavis brun et gris
50 x 40,5 cm
Provenance
Atelier de l’artiste, son cachet en bas à droite (Lugt n°681a).
Bibliographie
Gabriele Forberg, Gunter Metken, Gustave Doré, Das Graphische Werk in zwei Bänden, 1975, Tome 2, p.1050
Gustave Doré échafaudait un projet ambitieux pour l’illustration de Macbeth de Shakespeare qui devait
marquer le couronnement de sa carrière. Il écrivait à ce sujet à son éditeur anglais Cassel : « Mon
intention est de faire du Shakespeare mon chef d’œuvre ; d’ajouter aux grandes planches indépendantes
du texte une foule d’illustrations moindres… Enfin mon idée serait d’annoncer mille dessins ». Certains
biographes de Gustave Doré affirment même qu’il envisageait d’être son propre éditeur pour cette œuvre
considérable. Malheureusement l’artiste ne devait jamais parvenir à la réalisation de son dessein, fauché
par une mort brutale en 1883. Les premières ébauches subsistent néanmoins : 6 bois gravés parus dans La
Semaine des Enfants en 1859 et dans le Journal pour Tous en 1862, quelques bois inédits et un grand nombre
de dessins.
Notre dessin prépare le bois gravé (fig.1) illustrant la première scène de l’acte IV de Macbeth : les trois
sorcières vont faire surgir des esprits de leur chaudron, afin de renseigner Macbeth sur son avenir.
L’atmosphère nocturne, fantastique, est rendue par un travail dit en contrepartie : dans un premier
temps, Doré a recouvert sa feuille d’un léger lavis de brun, puis il a dégagé les figures et le chaudron avec
un lavis plus foncé. Les sorcières sortent ainsi de l’obscurité et se mêlent à la fumée du chaudron comme
si elles étaient elles-mêmes des apparitions. Un autre dessin, plus abouti et avec des rehauts de gouache
blanche, est conservé au musée des Beaux-Arts de Budapest.
Fig.1 : Bois gravé circa 1870, BNF, Cabinet des estampes
Gustave DORE
(1832 - 1883)
Illustrateur, dessinateur, graveur, peintre, sculpteur, Gustave
Doré a laissé derrière lui une œuvre considérable. Dans son
Catalogue de l’œuvre complète de Gustave Doré publié en 1931, Henri
Leblanc a recensé 9850 illustrations, 526 dessins, 283 aquarelles,
133 peintures, 45 sculptures... Doré est tellement prolifique qu’il
lui arrive d’engager plus de quarante graveurs et entre 1860 et
1880, il publie un livre illustré tous les huit jours. C’est dans
l’illustration d’œuvres littéraires qu’il a le plus brillé. En 1854,
il illustre d’une centaine de ses gravures les œuvres de Rabelais
de l’éditeur Joseph Bry. C’est un succès extraordinaire. L’année
suivante, il illustre de 425 dessins et vignettes les Contes Drolatiques
de Balzac. En 1861, il illustre l’Enfer de Dante. Il continue,
illustrant ainsi, avec une imagination fertile, plus de 120 œuvres
dont quelques uns des chefs d’œuvres de la littérature: Les
Contes de Perrault (1862), Don Quichotte (1863), Le Paradis Perdu
(1866), La Bible (1866), Les Fables de la Fontaine (1867), deux
autres parties de la Divine Comédie de Dante. Si son succès en tant
qu’illustrateur a été immense et sa renommée mondiale, il n’en
est pas de même de ses peintures. Ce n’est qu’à la fin de sa vie
que ses aquarelles auront un certain succès.
24
Alfred ROLL
(Paris 1846 – Paris 1919)
Impression marine
Pastel
40 x 60 cm
Signé « Roll » au crayon, en bas à droite
Exposition
Probablement Exposition des pastellistes de 1888.
Utilisé à l’origine pour l’art du portrait, le pastel acquiert, au siècle de la photographie, une large
autonomie, donnant à l’artiste les moyens de relever des impressions fugaces comme de se libérer du
sujet : l’impression devenant, parfois, l’œuvre elle-même. Si Jean François Millet et Edgar Degas ont été
les véritables chefs de file de la redécouverte du médium dans la seconde moitié du XIXe siècle, c’est sans
doute Eugène Boudin qui, dans ses paysages au pastel, sera le plus novateur par sa vision directe « sur
nature ». Avant les Impressionnistes, il choisira le pastel pour la souplesse du matériau qui lui permet de
fixer rapidement le spectacle mouvant des ciels nuageux. Ses paysages au pastel vont exercer une grande
influence sur les paysagistes de la fin du siècle, et notamment sur Claude Monet, qui répètera à maint
reprises que Boudin lui a ouvert les yeux.
C’est lors d’un séjour d’été dans sa résidence normande de Sainte-Marguerite-sur-mer, à l’ouest de
Dieppe, près de Varengeville-sur-mer, qu’Alfred Roll a semble-t-il réalisé notre pastel, où l’impression
vire à l’abstraction. Membre de la société des pastellistes, crée en 1885 pour promouvoir le medium, il y
expose, en 1888, un ensemble de pastels atmosphériques : Soleil couchant à Quiberville, Au crépuscule, Etude
de mer, Au bord de l’eau, sont autant de témoignages intimes de l’activité d’Alfred Roll paysagiste.
Alfred ROLL
(Paris 1846 – Paris 1919)
Issu d’un milieu d’artisans du bois originaires d’Alsace, Alfred
Roll reçoit les premiers rudiments de dessin de l’ornemaniste
Liénard, grâce à qui il se lie d’une amitié durable avec le sculpteur
Dalou et le peintre Rixens. Contre la volonté paternelle et sur les
conseils d’Henri Harpignies, il entre à l’Ecole des Beaux-Arts où
il fréquente l’atelier de Gérôme puis celui de Bonnat, et débute
au Salon de 1870. Paysagiste sincère, il se montre surtout habile
dans ses fraîches scènes campagnardes (Manda Lametrie fermière,
1887, Orsay) ou ses études sociales, d’un robuste réalisme (le
Travail, chantier de Suresnes, 1885, mairie de Cognac). Marqué
par le socialisme, il exprime avec force ses idées humanitaires
dans la Grève des mineurs (1884, musée de Valenciennes). Il
effectue un parcours brillant couronné de succès, récoltant
médailles (en 1875, 1877, Exposition universelle de 1900) et
décorations (chevalier, commandeur puis grand officier de
la Légion d’Honneur), achats et commandes officielles. Pour
la salle des Commissions de la Sorbonne, il livre en 1881 une
peinture décorative et, en 1899, un plafond pour un des salons
d’introduction de l’Hôtel de Ville de Paris. La même année,
il est nommé membre du jury de l’Exposition universelle et
adhère à la Société Nationale des Beaux-Arts, dont il devient
président en 1904.
25
Paul GAUGUIN
(Paris 1848 – Iles Marquises 1903)
Pot en grès émaillé à décor de moutons et de motifs végétaux – 1886-1887
Grès partiellement émaillé et rehauts d’or
10 x 17 cm
Signé « PGo » à droite des moutons
Sur le fond, marque du céramiste Chaplet avec H&Co au centre (Fig.1). Son numéro personnel « 31 »
correspondant à un modèle de pot.
Provenance
Ancienne collection Gustave Fayet, Béziers
Madame P. Bacou, Paris, puis par descendance Jean-Pierre Bacou, Paris
Bibliographie
Christopher Gray, Sculpture and ceramics of Paul Gauguin, Hacker art Books, New York, 1980, n°42,
reproduit p.154
Haruko Hirota, Catalogue raisonné informatisé de l’œuvre sculpté, Thèse de doctorat, Université de Paris I la
Sorbonne, n°12
Detail de la signature
Paul GAUGUIN
(Paris 1848 – Iles Marquises 1903)
Né à Paris, Paul Gauguin passe les années de sa plus tendre
enfance à Lima. Après avoir fait ses études à Orléans, il
s’embarque dans la marine marchande puis dans la marine
française et navigue sur les mers du monde durant six ans.
A son retour en France en 1870, il se convertit en agent de
change à la bourse à Paris et connaît un certain succès dans
ses affaires. Son tuteur, Gustave Arosa, homme d’affaires et
grand amateur d’art, l’introduit auprès des impressionnistes
avec qui il exposera en 1876, 1880-1882 et 1886.
En 1882, il abandonne son emploi à la bourse pour se consacrer
à la peinture.
Entre 1886 et 1891, Gauguin vit principalement en Bretagne,
à Pont-Aven, à l’exception d’un voyage au Panama et en
Martinique en 1887 et 1888. Sous l’influence du peintre
Emile Bernard, son style évolue, il devient plus naturel et
plus synthétique. En 1888, il part peindre avec Vincent Van
Gogh à Arles, mais leur cohabitation tourne mal et se termine
sur le fameux épisode de l’oreille coupée. En 1891, ruiné,
Gauguin s’embarque pour la Polynésie et s’installe à Tahiti
où il espère pouvoir fuir la civilisation européenne et tout ce
qui est artificiel et conventionnel. Il passera désormais toute
sa vie dans ces régions tropicales, d’abord à Tahiti puis dans
les Îles Marquises. Il ne rentrera en France qu’une seule fois.
A Tahiti, il fait la connaissance de Téhura, elle devient son
modèle et même sa femme. Il est très inspiré et peint 70 toiles
en quelques mois.
En juin 1886, à la suite de la huitième exposition impressionniste, Gauguin fit, par l’intermédiaire
du graveur Félix Braquemond, la connaissance du céramiste Ernest Chaplet (1835-1909). Ce dernier
cherchait alors la collaboration d’artistes afin de créer des grès artistiques dans sa fabrique de la rue
Blomet, à Vaugirard. Gauguin, quant à lui, cherchait un moyen de diversifier son œuvre, et voyait en la
céramique un moyen de vivre à une époque où sa peinture ne se vendait pas. Il trouve immédiatement
dans la céramique une technique de choix où peut s’exprimer son goût de la matière brute et son
tempérament de décorateur. Le goût de Gauguin pour les arts de la terre et du feu a sans doute été formé
dès son plus jeune âge, car sa mère possédant semble-t-il une collection de poteries péruviennes. Chez son
tuteur, Gustave Arosa, Gauguin a également pu admirer des spécimens de céramiques anthropomorphes
du Pérou qui allaient fortement influencer son œuvre.
S’il reste une soixantaine de pièces sorties des mains de l’artiste, on évalue à une centaine de pièces
l’ensemble de son œuvre céramique, de nombreux objets ayant disparu, perdus ou irrémédiablement
détruits. Notre pot est un des rares exemples attestés de la collaboration effective entre Gauguin et Ernest
Chaplet au cours de l’hiver 1886-1887. A la différence d’autres céramiques de la même période modelées
par Gauguin lui même, il porte sur le fond la marque de Chaplet (fig.1), indiquant qu’il a été exécuté
au tour par Chaplet, la décoration émaillée étant l’œuvre de Gauguin. Celle-ci se compose, d’un côté, de
deux moutons noirs rehaussés d’or, l’un allongé sur une herbe bleue verte, l’autre dont la tête dépasse le
col ; de l’autre côté Gauguin réalise un décor de plantes en relief, incisées et rehaussées d’or. Les motifs
utilisés sont reliés aux peintures et croquis du premier séjour breton de Gauguin à Pont Aven, réalisé en
été 1886. On retrouve ainsi les deux moutons de notre pot dans le tableau La Bergère bretonne (Newcastleupon-Tyne, Laing Art Gallery), et dans plusieurs croquis préparatoires à la fin du carnet de Bretagne
(Fig.2) National Gallery of Art, Washington, Collection Armand Hammer, page 101).
Artiste et collectionneur Biterrois, Gustave Fayet (1865-1925) réunit, à partir de 1889, une des collections
les plus importantes de France d’œuvres impressionnistes et postimpressionistes, possédant des œuvres
de Degas, Manet, Monet, Pissarro et surtout d’Odilon Redon et de Paul Gauguin, dont il fut l’un des
tous premiers collectionneurs. Dès 1900, Gauguin exécute pour lui, par l’intermédiaire de Monfreid, des
monotypes et des bois sculptés, dont La Guerre et La Paix. Il réunit ainsi un remarquable ensemble de
peintures, de céramiques et de sculptures et fut l’un des principaux prêteurs pour les rétrospectives de
l’artiste à Weimar en 1905 et à Paris en 1906.
Fig 1 : Dessous du pot, marque du céramiste Chaplet
Fig 2 : Dessin préparatoire pour le motif desiné
26
Armand POINT
(Alger 1861 – Naples 1932)
Salomé dansant devant Hérode - 1898
Crayon noir
92 x 72 cm
Dessin préparatoire pour le tableau Salomé dansant devant Hérode, ancienne collection Emile Demelette,
principal mécène d’Armand Point, et passé en vente chez Sotheby’s Londres le 16 Novembre 2004, n°234.
Provenance
Probablement Vente de l’atelier Armand Point, 1932, n°141
Exposition
Armand Point, Galerie Georges Petit, Avril 1899
Armand Point, Galerie Coligny, Paris 1981, n°22, étiquette au verso
Bibliographie
Robert Doré, Armand Point, de l’orientalisme au symbolisme, Bernard Giovanangeli éditeur, 2010, p.87 fig.72 repr.
A partir du Moyen-Age, de très nombreux artistes ont été fascinés par l’histoire de l’arrestation et de la décapitation de saint Jean-Baptiste, entre séduction et horreur, entre faste décadent et barbarie de cour. Lorsque
le roi Hérode Antipas entendit Jean-Baptiste l’accuser d’avoir pour maîtresse Hériodade, épouse de son frère
Philippe, il le fit arrêter. Connaissant les faibleses d’Hérode, la perfide Hériodade convainquit sa fille Salomé,
d’une grande beauté, de danser devant le roi pendant un banquet. Séduit et subjugué, Hérode promit à Salomé
de lui accorder tout ce qu’elle demanderait, « fut-ce la moitié de son royaume ». Salomé consulta sa mère, qui
conseilla de demander la tête de Jean-Baptiste sur un plat. Il envoya donc un soldat dans la prison où était enfermé Jean-Baptiste pour le décapiter. La tête fut apportée sur un plat à Salomé, qui la remit à Hérodiade.
Armand Point illustre ici l’épisode de la danse de Salomé. Hérode est assis à côté de la perfide Hérodiade, qui
lui fait observer la grâce de Salomé. Il existe un autre dessin (fig.2), aux crayons de couleur et pastel, conservé
dans une collection particulière à Paris, reprenant la même composition que notre dessin. Les deux préparent
une peinture de l’ancienne collection du principal mécène d’Armand Point, Emile Demelette, qui figurait à
l’exposition Cinquantenaire du Symbolisme organisée par la Bibliothèque nationale en 1936 (sous le n° 1081).
On ne peut s’empêcher en regardant cette scène de penser aux fresques de la cathédrale de Prato réalisée par
Filippo Lippi entre 1452 et 1464, représentant les Scènes de la vie de saint Jean-Baptiste. De ce thème inspiré par les
représentations les plus raffinées du Quatrocento, Armand Point nous livre une représentation éminemment
caractéristique du mouvement symboliste.
Fig 1
Fig 2
Armand POINT
(Alger 1861 – Naples 1932)
Né à Alger de mère espagnole, Armand Point expose au Salon
à partir de 1882 des huiles à l’orientalisme lumineux. Elève
de Herst, Cormon, puis de Hippolyte Lazerges, il continue de
peindre des œuvres orientalistes suscitant plusieurs acquisitions
de l’Etat. Cependant son inspiration évolue lentement vers
une note symboliste et Joséphin Péladan l’invite à exposer
aux Salons de la Rose Croix. En 1893, ayant atteint la limite
d’âge pour bénéficier d’une bourse de voyage, il supplie avec
succès le ministre des Beaux-Arts. L’impression ressentie en
Italie, où il séjourne en 1894 marque profondément l’artiste.
Convaincu de la vacuité des tendances contemporaines, il
prône à son retour en France un art placé sous les auspices
de la tradition. S’inspirant toujours des anciens, il crée dans la
forêt de Fontainebleau, à Marlotte, une communauté d’artistes,
peintres, sculpteurs, émailleurs, orfèvres… qui appliquent aux
art décoratifs ses préceptes esthétiques et spirituels. Baptisé
Haute Claire, ce haut lieu du Symbolisme devient aussi un
cénacle intellectuel que visitent la plupart des artistes et poètes
du temps (Elémir Bourges, Stuart Merril, Mallarmé, Oscar
Wilde). Entouré d’ouvriers et d’élèves nordiques, belges et
italiens. Armand Point se livre aussi à la théorie et à la critique
d’art. À partir de 1914, il travaille à Crozant où il rencontre
Guillaumin, puis à Murols, où il réalise de nombreux paysages
tout en continuant à réaliser des œuvres symbolistes. Il fut tout
au long de sa vie admiratif de la beauté des femmes.
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Henri de TOULOUSE-LAUTREC
(Albi 1864 – Malromé 1901)
Le jeune Routy
Fusain
45 x 60 cm
Cachet du monogramme rouge en bas à gauche (Lugt 1338)
Provenance
Ancienne collection O. de Toulouse-Lautrec
Collection particulière
Bibliographie
M.G. Dortu, Toulouse-Lautrec et son œuvre, Paul Brame et C.M. De Hauke, Collectors éditions, New York
1971, tome V, catalogue D 1.909, p.316, reproduit p.317
Exposition
Toulouse-Lautrec et son milieu familial, Musée de Rennes, 5 février - 17 mars 1963, n°34, reproduit p.39
Exposition du Centenaire de Toulouse-Lautrec, Albi juin septembre 1964, Paris octobre décembre 1964, n°87
Pendant l’été, Toulouse-Lautrec, comme la plupart de ses condisciples aisés, passait ses vacances dans des lieux
de plaisance ou dans des propriétés familiales, au Bosc, à Ceyleran puis à Malromé. Ces villégiatures étaient des
moments de repos mais aussi de travail intense. Pendant l’été 1882, il produisit plusieurs dizaines de dessins,
notamment des portraits familiaux, mais aussi des portraits de travailleurs dans les champs ou les vignes des
propriétés familiales. C’est sans doute en raison d’une certaine connivence due à leur jeunesse que le jeune
Routy, l’un des paysans travaillant à Ceyleran, fut pour Lautrec l’un de ses modèles de prédilection. Pas moins
de onze œuvres le représentant subsistent : sept fusains (fig.1 et 2), un calque et trois tableaux, la plupart
conservés à Albi, au musée Toulouse-Lautrec.
Les portraits de cette période sont généralement brossés au fusain, technique de prédilection du jeune Lautrec
apprise dans l’atelier de Léon Bonnat. Dans notre portrait du jeune Routy, il applique librement le fusain de
trois façons : d’abord par des zébrures marquées pour construire l’image, puis par estompage pour créer les
valeurs dans une grande variété d’intensités, et enfin par gommage, pour figurer l’herbe er créer la lumière.
Le cadrage volontairement large du portrait, la position désinvolte du jeune pâtre allongé dans l’herbe… notre
dessin préfigure les recherches de Lautrec vers le naturalisme rural, de plein-air, qui se manifestera dans les
portraits peints du jeune Routy à l’été 1883.
Fig 1
Fig 2
Henri de TOULOUSE-LAUTREC
(Albi 1864 – Malromé 1901)
Fils d’Adèle Tapié de Céleyran et de son cousin germain
Alphonse, comte de Toulouse-Lautrec, Henri de ToulouseLautrec grandit entre le château du Bosc, situé au Nord d’Albi
dans le Rouergue et le château de Céleyran, près de Narbonne.
Il souffre très jeune d’une maladie osseuse d’origine congénitale
probablement due au mariage consanguin de ses parents.
Elle orientera définitivement la destinée du jeune homme.
Immobilisé de longs mois, il occupe en effet ses journées en
dessinant, puis en peignant, développant un goût largement
répandu dans son entourage, et un don qu’il avait manifesté très
jeune, jusqu’à en faire une vocation. A partir de 1882, ToulouseLautrec complète sa formation dans les ateliers académiques de
Léon Bonnat, puis de Fernand Cormon, situés à Montmartre.
Son immersion dans la vie de la Butte achève sa mutation :
confronté à tous les mouvements artistiques qu’il découvre aux
cimaises parisiennes, il s’engage dans la modernité, et devient
acteur autant que témoin d’une bohème montmartroise qui
lui fournit son inspiration. Portraitiste de génie, ToulouseLautrec immortalise les stars, d’Aristide Bruant à Jane Avril,
d’Yvette Guilbert à la Loïe Füller. Familier des maisons closes,
il s’attache à la simple réalité quotidienne des prostituées.
Le théâtre, la Comédie-Française, le vaudeville ou les scènes
d’avant-garde pour lesquelles il conçoit programmes et décors,
alimentent son goût insatiable pour la comédie humaine. Les
31 affiches qu’il conçoit de 1891 à 1900 s’imposent par leur
force et leur magistrale simplification de l’image, et font de lui
un précurseur de l’affiche du vingtième siècle.
28
Jean ou Jordi PIE
(Tarragona 1890 – vers 1943)
Eve
Bas-relief
36 x 27,5 cm
Signé en bas à gauche « J. Pié »
Exposition
Salon des Indépendants 1924, n°2449, Eve (panneau de bois sculpté)
Sculpteur d’origine catalane, Jordi Pié arrive en 1910 à Paris, et est accueilli par le sculpteur basque Paco Durrio,
qui eut une influence déterminante sur son œuvre. Arrivé à Paris en 1888, Paco Durrio s’est très rapidement
imposé comme l’une des personnalités les plus dynamiques de la colonie d’artistes espagnols implantés à
Montmartre et devient l’ami de Picasso, Nonell et Gris. La figure humaine tient une place prépondérante dans
sa production céramique : ses visages fermés aux lèvres et paupières closes, aux traits sauvages traduisent une
interrogation sur l’origine de la vie, la mort et le silence.
À l’époque, les contemporains y virent la double influence de Goya et de Redon. De nos jours, c’est surtout le
nom de Gauguin qui est avancé. On sait que Durrio avait noué des relations avec Gauguin lors de son retour
en France après son premier voyage à Tahiti, c’est-à-dire entre 1893 et 1895. On sait aussi que Durrio acquis un
nombre important de toiles de Gauguin lors de la vente d’atelier en 1895. On ressent fortement, dans notre basrelief figurant une Eve accroupie, la double influence de Durrio et de Gauguin sur l’œuvre de Jordi Pié. Traitant
heureusement le bois, on connaît de lui de nombreux bas-reliefs, dont le style personnel montre qu’il n’ignore
pourtant pas les arts indigènes de l’Ile de Pâques (Fig.1). Maîtrisant tous les domaines de son art, il est des seuls
qui cisèlent et patinent leurs sculptures, obtenant de la sorte la plénitude de son expression sculpturale.
Fig 1 : Jordi Pié, Collection particulière
Jean ou Jordi PIE
(Tarragona 1890 – vers 1943)
Elève du sculpteur barcelonais Josep Llimona (1864-1934)
et de l’Ecole des Beaux-Arts de Barcelone, il y apprend la
sculpture sur bois et le modelage, et c’est au sculpteur Bequini
qu’il doit d’avoir appris le travail de la pierre. Il obtient une
médaille d’or au Mexique. Arrivé à Paris en 1910, il découvre
la céramique avec Paco Durrio, et apprend l’art du grand feu.
Il expose au Salon d’Automne en 1919 et en devient sociétaire
l’année suivante.
29
Balthasar Kłossowski (de Rola), dit « Balthus »
(Paris 1908 - Rossinière, Suisse 2001)
Portrait de Laurence Bataille
Plume et encre brune, reprises au crayon
26,9 x 21 cm
Annoté au crayon au verso : « dessin de Balthus dessin authentifié par Balthus par l’intermédiaire de
mme Virginie Monnier en juillet 99 ». Numéroté « 46 » au crayon.
Provenance Don de Laurence Bataille à Lena Leclercq en 1951
Ancienne collection Pierre Mourin, son cachet au verso.
Balthus rencontre Laurence Bataille lors d’un diner sur le port de Golfe Juan, lorsqu’il revient en France en
1947. La jeune fille, alors âgée de 17 ans, partage sa vie jusqu’en 1951. Elle appartenait à une famille très
présente dans le milieu intellectuel depuis les années 30. Son père, l’écrivain Georges Bataille, était lié à Pierre
Klossowski, le frère aîné de Balthus. Sa mère, Sylvia, comédienne qui tourna notamment avec Renoir et Marcel
Carné était proche du groupe d’Octobre et de Jacques Prévert. Amie de Picasso, Sylvia était également la belle
sœur d’André Masson. D’une forte personnalité, Laurence Bataille se consacre ensuite à la médecine après une
brève carrière de comédienne, puis, à partir de 1969, à la psychanalyse. Comme d’autres membres de sa famille,
elle était également très engagée politiquement.
Il existe trois portraits peints de Laurence Bataille, conservés dans des collections particulières, deux réalisés
en 1949, et le troisième en 1951. Notre dessin a semble-t-il été réalisé un peu plus tôt, vers 1947-1948, tout
comme une autre feuille d’études conservée dans une collection particulière1, où l’on retrouve notre visage
dans un style moins abouti. Balthus montre ici toutes ses qualités de dessinateur, juxtaposant pour un même
profil, la vigueur et la fermeté de la plume à la douceur et la légèreté du crayon. Le premier rappelle les leçons
de Théodore Géricault, dont Balthus a copié en 1938 des portraits d’enfants2 tandis que la reprise au crayon
évoque la modernité de Matisse.
1. Virginie Monnier, Balthus, Catalogue Raisonné, de l’œuvre complet, D569, reproduit p.240
2. Jean Clair, Dominique Radrizzani, Balthus, 100e anniversaire, Fondation Pierre Gianadda, Martigny, Novembre 2008, n°94, reproduit p.200
Balthasar Kłossowski (de Rola), dit « Balthus »
(Paris 1908 - Rossinière, Suisse 2001)
Né d’un père allemand d’origine polonaise, et d’une mère née
en Silésie, tous deux peintres, Balthus suit en 1924 à Paris les
cours de l’académie de la Grande Chaumière, où il fréquente
Pierre Bonnard et Maurice Denis. En 1926, il découvre Florence
et Arezzo, admire les œuvres de Masaccio et Masolino, et copie
Piero della Francesca dans la basilique San Francesco. En 1933,
il s’installe à Paris, rue de Furstenberg. Pierre Loeb, défenseur
des surréalistes l’expose dans sa galerie ; cette manifestation
permet à certains artistes comme Breton et Giacometti où des
connaisseurs comme Pierre Matisse de le découvrir. En 1938,
Pierre Matisse, devenu son marchand, décide d’organiser
une exposition à New York. Balthus s’installe ensuite avec
son épouse Antoinette près d’Aix les Bains, où il peint deux
versions de Salon, avant de s’établir en Suisse. C’est à Genève
qu’il achève Les Beaux Jours. Sa séparation le ramène à Paris,
où il retrouve Giacometti, et en 1948, Camus lui confie la
réalisation des décors et costumes de sa pièce L’Etat de siège.
La volonté de prendre ses distances avec Paris et son milieu
artistique le conduit en 1953 à s’établir au château de Chassy,
dans le Morvan, où il demeure jusqu’en 1961. André Malraux
le nomme cette année là directeur de la villa Médicis à Rome.
Durant les seize années de son séjour romain, l’artiste peint
peu, tout occupé qu’il est par la restauration de la Villa Médicis.
En 1977, il s’installe à Rossinière, et y mène la vie aisée d’un
peintre reconnu et admiré dans le monde entier.
INDEX
Abel de Pujol (Alexandre-Denis)
15
Balthus (Balthasar Kłossowski (de Rola), dit
29
Blondel (Merry-Joseph)
14
Calvaert (Denys)
2
Carmontelle (Louis Carrogis dit)
5
Carrier-Belleuse (Albert-Ernest)
21
Chauvin (Pierre-Anasthase)
12
Doré (Gustave)
23
Ducreux (Joseph)
7
Fragonard (Jean Honoré)
6
Gauguin (Paul)
25
Ingres (Jean Auguste Dominique)
13
Keiserman (Franz)
10
Lehmann (Henri)
19
Marilhat (Prosper)
18
Menzel (Adolph von)
20
Meynier (Charles)
11
Natoire (Charles Joseph)
4
Nicolle (Victor-Jean)
8
Nicolle (Victor-Jean)
9
Pié (Jean)
28
Point (Armand)
26
Rémond (Jean-Charles-Joseph)
16
Roll (Alfred)
24
Sand (George)
17
Tiepolo (Giambattista)
3
Toulouse - Lautrec (Henri de)
27
Trévise (Girolamo di Tommaso)
1
Vallmitjana (Venanci)
22
Illustration de couverture: détail du Toulouse Lautrec cat n° 27
Illustration de la 4ème de couverture: Adolf Menzel cat n° 20
Conception et réalisation par Blandine Mandin
Photographies studio Sebert
Imprimé par Cloître Imprimerie
Octobre 2011