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Préparation et conservation de squelettes de cétacés, sans moyens techniques élaborés Preparation and Conservation of Fatty Skeletons without Great Financial Means Pierre-Henry FONTAINE Enseignant de biologie à la retraite, Fondateur-Conservateur du Musée du Squelette de l'Île-Verte Retired biology teacher, Founder and Curator of the Museum of the Skeleton Musée du Squelette de l’Île-Verte, Québec, Canada Résumé : Que faire après la récolte d'un squelette de mammifère marin, lorsqu'on se trouve sur une île, avec beaucoup d'espace, mais des moyens techniques et financiers limités ? Le problème avec les mammifères marins est la grande quantité de gras que leur squelette contient, et la fragilité de leurs os, malgré leur taille. En effet comme le squelette est un immense réservoir de graisse, les os sont surtout composés d'os spongieux recouvert d'une mince pellicule d'os compact. L'élimination de la graisse à l'aide de solvants est problématique du fait de la taille des structures à dégraisser, du coût des solvants et de leur évacuation. La solution consiste à laisser travailler la nature de diverses façons, mais en ayant toujours présent à l'esprit que nous avons affaire à des structures essentiellement fragiles. Abstract: How deal with the stranding of a marine mammal, when one leaves on an island, with a lot of space, but technical and financial means limited ? The problem with marine mammals’ skeletons is the great quantity of fat they contain, and the brittleness of the bones, in spite of their size. Indeed as the skeleton is an immense tank of grease, the bones are especially made of spongy bone covered by a thin layer of compact bone. The elimination of the grease with solvents is problematic because of size of the structures to degrease, the cost of the solvents and their removal. The solution consists in letting Nature works in various ways, keeping in mind that bones are very fragile. Bonjour, je suis très honoré d’avoir été invité à participer à cette table ronde. En effet, bien que je prépare et monte des squelettes depuis de nombreuses années, je l’ai toujours fait comme quelque chose de connexe à mon travail qui consistait à enseigner la biologie aux élèves du secondaire. J’utilisais, en effet, l’aspect très mécanique du squelette pour essayer de donner une méthode d’étude reposant plus sur la réflexion que sur l’apprentissage par cœur de données mal comprises. Ce n’est que depuis que j’ai pris ma retraite de l’enseignement et que j’ai fondé le Musée du Squelette sur une petite île du Saint Laurent, au Québec, que la préparation de squelette et leur montage a pris une plus grande importance dans ma vie. Ne recevant aucune subvention, je ne peux, cependant, investir beaucoup dans le matériel qui me faciliterait pourtant bien la tâche, aussi dois-je me débrouiller avec les moyens du bord. Ça implique un peu plus de travail, mais j’arrive quand même à mes fins. C’est pourquoi ma communication en fera peut être sourire certains, sûrement bien mieux équipés que moi pour faire le même travail, mais peut-être sera-t-elle utile à ceux qui commencent ou qui, comme moi courent tout le temps après les sources de financement. Beaucoup squelettes de cétacés sont exposés dans de nombreux musées. Parmi les choses que ces musées ont en commun, à part des squelettes de rorquals mal montés, ce sont des squelettes qui laissent encore suinter leur graisse même après de longues périodes d’exposition. Ce n’est pas esthétique et même parfois franchement désagréable si la graisse peut tomber sur le public ! Lorsqu’un mammifère marin s’échoue, et qu’on veut en récupérer le squelette, on est confronté à plusieurs problèmes : Taille de l’animal Lieu de l’échouage Temps disponible pour la récupération du squelette Transport des os vers un endroit où ils pourront être nettoyés Nettoyage des os Dégraissage des os Seuls les grands cétacés posent de véritables problèmes en ce qui concerne la récupération et le transport des os. Le cachalot et tous les rorquals (sauf le Petit Rorqual, Balaenoptera acutorostrata) pèsent plusieurs dizaines de tonnes et posent des problèmes majeurs simplement pour déplacer gras, viscères et chairs pour atteindre le squelette, et naturellement ensuite pour le transport des os de la tête. Le reste du squelette se manipule assez facilement. Les plus petits cétacés, quant à eux ne posent pas vraiment de problème en ce qui concerne la taille et le poids, puisqu’ils peuvent être rapidement découpés en parties facilement transportables, même si on ne dispose pas de machinerie lourde. Ce qui peut poser problème à tous les niveaux, ce sont les contraintes imposées par la nature et l’accessibilité du lieu d’échouage, la proximité des habitations, et, bien sûr les lois et règlements locaux concernant les mammifères marins. J’ai récolté et dirigé la récolte de plusieurs squelettes de cétacés, allant du cachalot et de la baleine bleue au marsouin commun, le tout, sauf dans le cas des cachalots, sans machinerie et avec des équipes ne dépassant pas une dizaine de personnes. J’ai connu le plaisir de travailler dans plusieurs décharges sous la pluie et le soleil, et j’ai contribué à l’économie locale en me faisant voler une remorque, dans une de ces décharges justement. Ce n’est pas la récolte du squelette, donc, qui pose problème, c’est surtout le dégraissage des os. En effet les os des cétacés sont un immense réservoir de graisse. Un cétacé ne peut pratiquement pas utiliser son gras de couverture (lard) comme réserve de nourriture. Ce lard est son isolant thermique, son « costume de plongée », sans lequel il perdrait rapidement sa chaleur corporelle puisqu’il vit dans un milieu très conducteur de chaleur. Ce sera donc dans son squelette qu’il va accumuler les réserves qu’il utilisera en cas de disette. Les os des cétacés sont composés principalement d’os spongieux, où s’accumuleront les graisses de réserve, enveloppé d’une couche relativement mince d’os compact. Cette mince couche d’os compact les rend très fragiles. Il n’y a qu’à voir à quelle vitesse des os roulés par la mer sur une plage s’usent pour le réaliser. Le problème avec les os de cétacés, c’est d’en extraire le gras sans les endommager. On peut faire bouillir les os d’un mammifère terrestre assez longtemps pour qu’une bonne partie du gras s’en échappe (parce que fluidifié par la chaleur et moins dense que l’eau). C’est beaucoup plus risqué de le faire avec les cétacés, car la minceur et la porosité de l’os compact le rendent très vulnérable. On peut se retrouver avec un squelette complètement ramolli, qui ne supportera pas les manipulations nécessaires à son montage. Certains produits chimiques sont très efficaces pour dissoudre les graisses (acétone, diluants à peinture), toluène, et relativement doux pour les os, mais le prix de ces solvants est prohibitif lorsqu’il s’agit de gros squelettes, ils sont extrêmement toxiques et il faut en disposer après de façon sécuritaire et non dommageable pour l’environnement, ce qui entraîne des frais supplémentaires et un risque non négligeable pour celui-ci. Pour les gens comme moi qui ne disposent pas d’un budget important, l’utilisation de ces solvants est impossible, sauf pour les petits squelettes et quand les délais de préparation et de montage l’imposent. Que faire alors ? Laisser travailler la nature, les insectes et les bactéries qui y foisonnent. J’ai pu me procurer à bas prix des réservoirs en plastique de 2m3 dans lesquels je transporte d’abord, puis dispose mes ossements que je recouvre d’eau. Ces réservoirs sont placés dans un endroit où le soleil peut chauffer l’eau une bonne partie de la journée. Il ne me reste plus qu’à laisser macérer le squelette un an ou deux. Je sors ensuite les os de la cuve et je les place sur un rocher bien exposé au soleil, lui aussi. Ce qui peut rester de graisse finit par s’écouler après un été ou deux d’exposition. On peut aussi les laisser macérer dans un fossé, mais il faut alors enlever les petits os qui risqueraient de se perdre dans la vase. Le temps de macération peut paraître long, mais le climat du Québec est assez rude et tout s’arrête entre novembre et juin. J’ai utilisé cette méthode pour trois squelettes de petits rorquals et les os n’ont pas souffert, à part peut-être un changement de couleur (ils sont devenus plus gris que blancs). Pour ce qui est des bélugas et des autres petits cétacés, je les laisse pourrir dans des bacs, en fait de vieux congélateurs qui ont terminé leur carrière et que je récupère. Comme ils sont isolés, ils prolongent un peu la durée de vie active des insectes et des bactéries, ce qui est important à cause de notre climat. J’utilise aussi des tonneaux en plastique. Il ne faut pas oublier de percer le fond de ces récipients pour que les liquides produits par la putréfaction et la graisse puissent s’écouler, sinon les os submergés vont mettre beaucoup plus longtemps à se débarrasser de leur chair. Puis je les mets dans un récipient avec de l’eau que je garde chaude, mais en-dessous du point d’ébullition pendant quelques heures. Ensuite, je les fais macérer dans des tonneaux où je place un chauffe-aquarium et un aérateur d’aquarium. Ce procédé accélère considérablement le dégraissage sans endommager les os. Pour les animaux de la taille du marsouin commun et des phoques, je me sers d’une étuve récupérée dans un magasin de surplus d’hôpitaux. Une tête de marsouin sera nettoyée et dégraissée sans dommage en trois semaines. Je me sers aussi de l’étuve pour dégraisser les caudales qui sont toujours plus grasses que les autres vertèbres. Je n’aime pas les os très blancs mais une fois dégraissés je les place dans du peroxyde d’hydrogène, pour les éclaircir un peu. Quand j’ai le temps, je les place à un endroit ensoleillé, en prenant soin de les retourner régulièrement. En un été, ils auront blanchi suffisamment pour être montés. Je ne pense pas vous avoir appris grand chose avec mes méthodes bien rudimentaires, étant sûr que vous avez dû les pratiquer à un moment ou à un autre. Il est évident que j’ai la chance d’avoir une épouse très compréhensive et une terre assez grande, pour pouvoir les utiliser sans avoir mes voisins sur le dos, car soyons honnêtes, si elles sont efficaces et peu coûteuses, elles sont par contre extrêmement nauséabondes.
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