dossier - Infirmier Sapeur Pompier
Transcription
dossier - Infirmier Sapeur Pompier
N° 2 - Décembre 2004 LA REVUE PRATIQUE DE LA CARDIOLOGIE DE L’EFFORT ÉVÉNEMENT Le suivi médical des sportifs aux JO THÉRAPEUTIQUE Bêtabloquants et sport CAS CLINIQUE La syncope chez un sportif de haut niveau RÉADAPTATION Activité sportive et insuffisance cardiaque ANALYSE D’ARTICLES � Caractéristiques échocardiographiques des sportifs “ultra-endurants” � Réserve coronaire en altitude ➧ CONGRÈS Cœur et Sport 2004 Dossier pratique LA MORT SUBITE DU SPORTIF DE HAUT NIVEAU (1RE PARTIE) ÉPIDÉMIOLOGIE, DÉFINITIONS ET ÉTIOLOGIES ■ Les accidents cardiovasculaires à l’effort : coup de projecteur en Bretagne et en Aquitaine ■ Pourquoi meurt-on subitement sur le terrain de sport ? ■ Etiologies des morts subites lors de l’activité sportive ■ Les difficultés du diagnostic étiologique : le point de vue de l’anatomopathologiste n juin 2003, Marc-Vivien Foé, milieu de terrain international de l’équipe du Cameroun, s’écroulait brutalement à l’âge de 28 ans, en direct à la télévision. Quelques mois plus tard, le basketteur Letton Raimond Jumikis (23 ans) et le footballeur hongrois Miklos Feher (24 ans) décédaient eux aussi subitement sur le terrain de jeu. Récemment, c’est l’arrière-gauche de Sao Caetano, Paulo Sergio de Oliviera Silva (30 ans), dit “Serginho”, qui a succombé à un arrêt cardiaque, survenu lors d’une rencontre du championnat brésilien. E Aucune discipline sportive n’est épargnée. Mais à côté des sportifs de haut niveau, et de manière tout aussi dramatique, des dizaines de sportifs anonymes, jeunes, surtout des hommes, décèdent chaque année dans le monde lors de la pratique d’une activité physique (dans 90 % des cas) ou immédiatement après. Dans le contexte actuel de suspicion généralisée de dopage, certaines conclusions pourraient être tirées un peu trop à la hâte… Mais si on laisse de côté cette explication qui ne peut être invoquée dans tous les cas, la mort subite du sportif demeure une source d’interrogations. Pourquoi peut-on mourir jeune, en apparente bonne santé, en faisant du sport ? Et surtout, peut-on prévenir ces accidents ? Alors que l’on sait aujourd’hui que la cause est presque toujours d’origine cardiovasculaire par fibrillation ventriculaire, que des anomalies sont souvent détectables sur un simple électrocardiogramme, et que les sportifs ont souvent eu des petits signes d’alerte avant l’événement fatal, on ne comprend pas très bien pourquoi aucune politique de prévention en France n’est menée, comme cela existe par exemple en Italie. A côté d’une politique de promotion de l’activité physique, il faut militer pour la mise en place d’une véritable politique de santé publique de sensibilisation et de prévention de la mort subite en impliquant et en sensibilisant les fédérations, le ministère de la Jeunesse et des Sports, et les sportifs eux-mêmes. Dr Stéphane Doutreleau Service des EFR et de l’exercice, Hôpital civil, Strasbourg. ÉVÉNEMENT p.4 Le suivi médical des sportifs aux JO Dr Maurice Vrillac (Paris) THÉRAPEUTIQUE p.7 Bêtabloquants et sport Dr Jean-Claude Verdier (Paris) DOSSIER p.9 La mort subite du sportif DPPI édito SOMMAIRE (1re partie) Epidémiologie, définitions, étiologies Introduction Pr Hervé Douard (Pessac) � Les accidents cardiovasculaires à l’effort : coup de projecteur en Bretagne et en Aquitaine Pr François Carré (Rennes), Dr Laurent Chevalier (Bordeaux-Mérignac) � Pourquoi meurt-on subitement sur le terrain de sport ? Pr François Carré (Rennes) � Etiologies des morts subites lors de l’activité sportive Pr Hervé Douard (Pessac) � Les difficultés du diagnostic étiologique : le point de vue de l’anatomopathologiste Dr Paul Fornès (Paris) CAS CLINIQUE p.25 Syncope chez un sportif de haut niveau Dr Marc Ferrière (Montpellier) RÉADAPTATION p.29 Activité sportive et insuffisance cardiaque Pr Jean-Paul Broustet (Pessac) ANALYSE D’ARTICLES p.33 � Caractéristiques échocardiographiques des sportifs “ultra-endurants” � Réserve coronaire en altitude Pr François Carré (Rennes) CONGRÈS p.35 Congrès Cœur et Sport 2004 Dr Stéphane Doutreleau (Strasbourg), Pr François Carré (Rennes) AGENDA p.38 •Rédacteur en Chef : Pr François Carré. Rédacteur en chef adjoint : Pr Hervé Douard. •Comité de rédaction : Dr Laurent Chevalier, Dr Stéphane Doutreleau, Dr Marc Ferrière, Dr Jean-Claude Verdier. •Comité scientifique : Dr Jacques Tricoire, Dr Pascal Poncelet, Dr Richard Brion, Dr Alain Ducardonnet, Dr Elisa Pedroni, Dr Jean-Michel Chevallier, Dr Thierry Laporte, Pr Dominique Midy, Dr Pierre Dumoulin, Pr Philippe Mabo, Dr Catherine Montpère, Dr Philippe Vernochet, Dr Sonia Corone, Pr Alain Cohen-Solal, Pr Patrice Virot, Dr François Marçon, Dr Louis Auriacombe, Pr Jean-Paul Broustet, Dr Vincent Lafay, Dr Jean Gauthier, Dr Dany Marcadet, Dr Richard Amoretti. Distribué par les Laboratoires Menarini France : Jennifer Gangnard. 1, rue du Jura, SILIC 528, 94633 Rungis Cedex - Tél. : 01 45 60 77 20 - Fax : 01 46 87 94 31 Edition Expressions Santé S.A. - Directeur de la publication : Dr Antoine Lolivier •Chef du Service Rédaction : Odile Mathieu •Rédacteur : Yann Cornillier •Secrétaire de rédaction : Annaïg Bévan •Chef de Production et Fabrication : Gracia Bejjani •Direction artistique : Michel Haessler Photo de couverture : DPPI •Impression : Imprimerie de Compiègne, 60205 Compiègne - ISSN : en cours. 3 Cardio&Sport • n°2 Le Docteur Maurice Vrillac, Président de la Commission médicale du comité national olympique et sportif français, revient sur 40 ans de suivi médical des sportifs en France, et plus particulièrement dans la préparation aux Jeux Olympiques. Propos recueillis par le Pr François Carré (Hôpital Pontchaillou de Rennes) et Yann Cornillier. François Carré : Pouvez-vous nous raconter vos débuts et ceux du suivi médical des sportifs français aux Jeux Olympiques ? Maurice Vrillac : En 1963, à mon retour d’Algérie, j’ai été affecté comme médecin militaire au Bataillon de Joinville, qui est devenu plus tard l’Ecole interarmées d’entraînement physique et des sports de Joinville. J’ai alors participé à toute la préparation des sportifs pour les Jeux Olympiques de Tokyo en 1964, mais je n’ai pas été sollicité pour aller sur le terrain lors de cette “campagne” japonaise. Je n’ai été en fait vraiment impliqué qu’à partir de 1968, année depuis laquelle je suis responsable de la commission médicale du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), mis à part un intermède lié à la guerre froide entre les EtatsUnis et l’URSS. Comme j’étais militaire, en 1980 je n’ai donc pas pu participer aux JO d’été de Moscou ni à ceux d’hiver de Lake Placid. En outre, dès 1963, le suivi médical était effectué régulièrement. taire de base, l’autre basé à Joinville était chargé de l’entraînement physique et technique de haut niveau. A l’époque, était déjà utilisé un livret médical, dérivé du livret militaire médical obligatoire et qui avait été modifié en fonction des circonstances d’utilisation pour les sportifs. Pour eux, avait été ajouté à ce livret médical, des épreuves fonctionnelles cardiaques, statiques et dynamiques comme le test de “Flack” (surtout pratiqué dans l’armée de l’air) et le test de “Ruffier-Dickson”. A cette époque, ces tests étaient réalisés sans électrocardiogramme (ECG) et je me souviens que l’on devait classer les disciplines sportives en fonction de leur “adaptation” cardiaque à l’effort. En fait, l’effort choisi, c’était le “Ruffier-Dickson” et comme par hasard, les meilleurs étaient les spécialistes du volley-ball : les sauts les prédestinaient. Des indices morphologiques (le rapport Pignet, etc) ont été vite délaissés car ils n’avaient pas d’utilité dans ce domaine. év L’ECG et la mesure de la pression artérielle au repos étaient obligatoires. L’ECG d’effort servait parfois de complément. Je me souviens ainsi d’un cycliste, avec des bouffées d’extrasystoles sur l’ECG de repos, qui sur le vélo avait un ECG merveilleux, ce qui m’incitait à lui dire : « Surtout ne descends plus de vélo ! ». F. C. : Au niveau cardiologique, pouvez-vous nous résumer l’évolution que vous avez vécue depuis 40 ans ? M. V. : En 1963, l’école interarmées se composait de deux groupements : l’un situé à Pau, qui assurait la formation mili- Cardio&Sport • n°2 DR événement Le suivi cardiologique des sportifs français aux JO 4 Il n’y avait pas de bilan sanguin au début, son utilisation a été introduite très progressivement. Nous nous sommes longtemps bornés à la formule sanguine : taux de cholestérol et taux d’acide urique. Sur le plan urinaire, nous recherchions les hématuries des sportifs qui “pissaient le sang” après des efforts intenses. Donc, indépendamment des hématies, pour certains sportifs, les entraînements étaient régulés en partie en fonction des urines (la réaction de Donagio, qui était à base de molybdate d’ammonium, pour détecter les glycoprotéines dans les urines). Puis, le service s’est agrandi, et mon ami de longue date, le Docteur Molinié, qui était aussi médecin militaire, est arrivé de Pau. C’est lui qui est devenu chargé du service d’exploration fonctionnelle des sportifs. Le livret médical sportif a donc été édifié à ce moment uniquement au bataillon de Joinville, mais en liaison permanente avec l’Institut National du Sport (INS) qui était situé géographiquement juste à côté et où exerçaient les Docteurs Andrivet, Chignon et Leclerc. M. V. : C’est un cheminement. En 1967, nous sommes partis à Fontainebleau où s’est créée l’Ecole Interarmées des Sports (EIS), absorbant le bataillon de Joinville et celui d’Antibes, chargé de la formation des spécialistes d’entraînement physique militaire. C’était un nouveau départ pour le bataillon de Joinville, aménagements et nouvelles installations se sont succédés : piscines, gymnases, stades, terrains de sports, salles spécialisées permettant ainsi aux athlètes d’acquérir un haut niveau sportif. Le bataillon de Joinville était déjà important. C’était une lourde responsabilité dès le début puisque qu’il y avait entre 1 000 et 1 100 sportifs qui étaient regroupés dans toutes les disciplines. En s’établissant à Fontainebleau, notre équipe médicale s’est étoffée. Le Docteur Chaix, un cardiologue de l’armée de l’air, et le Docteur Léger, médecin chef d’Antibes, nous ont rejoints. Nous avons monté un cabinet dentaire et nous avons exigé qu’un pharmacien biologiste vienne nous renforcer. Ainsi, nous formions une équipe compétitive au service des sportifs. F. C. : C’est donc un peu par hasard que la cardiologie a pris une telle importance dans le suivi médical des sportifs français ? F. C. : Et vous aviez accès aux données de l’INS pour les sélectionnés olympiques ? M. V. : Oui bien sûr, j’étais président de la commission médicale. C’était le temps où je devais réunir, quand la liste des présélectionnés était connue, tous les médecins de chacune des disciplines, pour examiner les dossiers ensemble. Je me souviens, par exemple, du cas d’un gymnaste atteint d’une pseudarthrose du scaphoïde avant les jeux. Il a été collégialement décidé de l’autoriser à participer. Voilà le genre de décision que l’on prenait. Si cela avait été un problème cardiaque, cela aurait été la même concertation avec les spécialistes et nous aurions déterminé la voie à suivre. événement Un instrument de liaison avec le ministère de la Jeunesse et des Sports existait : l’obligation était donnée de communiquer au colonel Crespin, directeur des sports d’alors, tous les noms et les résultats des observations. De même, quand un sportif militaire était libéré officiellement, je devais être présent, pour la visite médicale de sortie afin de certifier qu’elle avait bien été réalisée. vénement Concernant le CNOSF, Monsieur Collard, son président de l’époque, m’avait nommé secrétaire de sa commission médicale. Puis, lorsqu’il a voulu monter une commission médicale sur le type du Comité International Olympique, ne trouvant pas de personnalité désireuse d’en assurer la présidence, j’ai été désigné par le conseil d’administration pour assurer celle-ci. A partir de là, ce livret médical sportif a évolué en fonction des sports. Petit à petit, on a pris conscience de l’importance de la cardiologie ; d’autant plus que j’avais à mes côtés un éminent conseiller technique, le Professeur Fernand Plas, qui était le conseiller de l’armée de l’air pour tous les pilotes et faisait tous les examens cardiologiques. Un de mes camarades de promotion, le Docteur Sepetjian, cardiologue, est ensuite arrivé en poste. Il s’occupait de ce qui est devenu maintenant la médecine aérospatiale. Tous les mercredis, nous revoyions ensemble les examens pratiqués dans la semaine. J’avais donc les experts les plus qualifiés pour interpréter les ECG. C’est ainsi que nous avons observé en 1964 le premier syndrome de Wolff-ParkinsonWhite chez un patineur artistique. F. C. : Quelles relations existaient en réalité entre l’INS et le bataillon de Joinville ? M. V. : De bonnes relations avec l’INS étaient établies. Notre cellule était entièrement militaire : il n’y avait que des médecins militaires, les consultations spécialisées bénéficiaient des hôpitaux militaires, mais la relation avec les médecins de l’INS persistait. F. C. : Aviez-vous également un rôle au niveau de l’entraînement ? M. V. : Oui, un rôle très intéressant. Par exemple, tous les jours à midi, la plupart des entraîneurs nationaux venaient nous rencontrer. Notre collaboration avec eux était réelle. Ils nous amenaient les sportifs, et en cas de défaillance ou de baisse de performance, l’avis médical était pris en considération. De nombreux centres de recherche français avaient leur cellule à Fontainebleau au sein de l’EIS. F. C. : Donc, outre le suivi médical et le suivi de l’entraînement, il y avait des cellules de recherche à l’EIS ? M. V. : Oui, le Docteur Baron, un neuro-ophtalmologiste, par exemple, nous a permis d’obtenir le premier statokinésimètre : pour le tir c’était intéressant. Ainsi, la première fois qu’on l’a utilisé sur des tireurs, il a été possible de corriger, avec des verres prismatiques, des hétérophories dues à la fatigue. Le Docteur Baron avait préparé des lentilles pour un match international en Suisse, mais certains tireurs se sont trompés et ont mis les >>> 5 Cardio&Sport • n°2 événement >>> lentilles à l’envers ! Par la suite, mise à part ce petit incident, la rectification a vite montré ses bénéfices potentiels. De même, étaient réalisés des travaux sous l’impulsion des services de physiologie de Cochin, de Lyon, de Bordeaux dans les domaines des explorations fonctionnelles, cardiaques (télémétrie) pulmonaires, valeurs des VO2max, lactates… F. C. : Et qu’en était-il alors du livret médical ? M. V. : Le livret s’améliorait, et avec le pharmacien, les examens chimiobiologiques (dosage de la lactatémie…) se mettaient en place. Mais, l’ECG du sportif comme aide pour guider l’entraînement, c’était surtout en France que ça se passait. En 1968, c’était la théorie des “endurants” et des “résistants” définis à partir d’ECG. En 1970, c’est en voulant vérifier que “l’endurant” avait une paroi mince et un volume développé, et le “résistant” avait une paroi épaisse, que s’est développé avec le Docteur Pernaud l’échocardiographie chez le sportif. Notre personnel médical s’était renforcé et il m’était facile d’affecter aux différentes équipes les médecins du contingent spécialisés en médecine du sport. Dans le même ordre d’idée, nous avions une forte équipe de masseurs-kinésithérapeutes qui était sur le terrain, au service des sportifs de toute discipline. Ainsi, les équipes sportives étaient encadrées, entraînées, suivies médicalement et paramédicalement. événement F. C. : J’ai l’impression qu’il y a eu une période où l’ECG a dominé le suivi médical. M. V. : Il y a eu une transition en fait. Elle s’est passée à l’INS. Une réunion a eu lieu pour coordonner les éléments du bilan médical ; étaient invités les Docteurs Leclerc et Chignon, qui étaient de fervents défenseurs de l’ECG. Ainsi, en 1968 à Mexico, les athlètes bénéficiaient d’un ECG quasijournalier et les entraîneurs dirigeaient ou modifiaient le contenu des séances d’entraînement suivant les interprétations de cet examen. Le Docteur Lacour lors de cette réunion montrait l’intérêt des consommations d’oxygène. A partir de cette mise en commun des connaissances, l’évolution des bilans a pu se poursuivre. F. C. : Pouvez-vous nous résumer, en quelques mots, l’évolution du suivi médical au niveau des JO ? M. V. : Au début, en 1968 à Mexico, il y avait 7 ou 8 médecins et 15 masseurs- kinésithérapeutes pour la délégation française, y compris le Professeur Creff qui s’occupait de la diététique. Il n’y avait pas de cardiologue dans la délégation française, mais le cardiologue de l’INS avait au préalable examiné tous les sélectionnés. J’étais chargé des pays d’Afrique parce que les pays francophones n’avaient pas d’équipe médicale à cette époque, et un cardiologue, le Professeur Edmond Bertrand, détaché en Côte d’Ivoire, était à la disposition des athlètes africains et français. Quant à notre matériel, il provenait de l’EIS et de l’INS. Notre équipe comprenait un urgentiste, un ORL, un ophtalmologiste et chaque autre médecin était initié à la cardiologie du sport (les accréditations ont été beaucoup plus difficiles à obtenir qu’à Atlanta). Il y a eu une évolution dans le contenu du suivi du sportif. Ainsi, revenons au livret médical, établi pour la première fois sur support papier à Angers en 1970, puis établi sur carte informatique en 1987. Obligatoire pour tous les sportifs, il comprenait : des examens morphostatiques, des examens des différents appareils, des tests de réaction, des renseignements radiologiques, des critères cardiologiques (Flack, Systolic Tension Time, RuffierDickson) et ECG, puis, pendant une période, les indices de résistance/endurance de Chignon et Leclerc. Un bilan psychologique était réalisé. Nous insistions aussi beaucoup sur la vision, quelle que soit la discipline (et pas simplement en tir) ; une bonne vision est indispensable : à l’époque, des tests de corrections, de vision binoculaire, de relief, de sens chromatique, de résistance à l’éblouissement étaient réalisés. Notamment, la pratique sportive sous lumière artificielle, lors des entraînements ou compétitions nocturnes, réclame une bonne résistance à l’éblouissement. événement F. C. : D’autres paramètres, aujourd’hui oubliés, étaient-ils utilisés ? M. V. : Quelques fois je regrette que soient oubliés des examens simples : le pincement de la différence tensionnelle, c’était un signe de fatigue par exemple ! Nous avons aussi commencé à développer le suivi de l’entraînement avec l’ECG par télémétrie. Puis, s’est développée la vectocardiographie. Cardio&Sport • n°2 F. C. : Et qu’en était-il lors des JO d’Athènes cet été ? M. V. : Nous étions 55 personnes accréditées au total, 22 médecins et 33 masseurs-kinésithérapeutes. 6 Ce suivi médical, aujourd’hui déterminé par décret, a tendance à se simplifier. Je suis un peu dubitatif par rapport à la transition à laquelle on assiste. Aujourd’hui, il est conseillé de ne plus faire qu’un ECG par ci, par là, une échocardiographie une fois dans la carrière, ce qui me semble trop peu. Entre la période que je vous ai décrite, avec sa profusion d’examens qui était, je vous l’accorde avec le recul, un peu exagérée, et les recommandations actuelles, un juste milieu pourrait être trouvé. C’est ce que nous avons, avec la commission médicale du CNOSF, voulu améliorer, en surplus des examens rendus obligatoires par décret. ❚ thérapeutique Bêtabloquants et sport Les bêtabloquants, classe thérapeutique majeure, possèdent leurs indications précises. De par leurs actions multiples, ils peuvent être soit bénéfiques, soit limitants lors de la pratique sportive, ce en fonction de la spécialité pratiquée. Ils sont donc placés au rang de substances dopantes et sont interdits dans MOTS CLÉS certaines disciplines. Cela souligne la nécessité de pouvoir, en toutes circonsBêtabloquant, performances, tances, en justifier l’utilisation. L’hypersélectivité des bêtabloquants de dernière cardiosélectivité, génération, associée à une bonne connaissance de leur pharmacodynamique, compétition, permet une meilleure prise en charge des patients sportifs relevant de leur utiliste de produits dopants lisation. Dr Jean-Claude Verdier, Institut Cœur Effort Santé, Paris. également grâce à des prises adaptées : migraines, tremblements essentiels, palpitations, anxiété… Seuls sont étudiés ici les effets à long terme (1). Les effets “non désirés” Les effets bénéfiques • Dans le cadre d’un traitement au long court Leur action protectrice sur le système cardiovasculaire est bien établie. Ils sont notamment largement utilisés dans le traitement de la cardiopathie coronaire et font partie du traitement de l’insuffisance cardiaque. Ils participent au contrôle des troubles du rythme (tachyarythmie, fibrillation atriale, extrasystoles ventriculaires…) et des tachycardies fonctionnelles (hyperadrénergie, hyperthyroïdie…). Le traitement de l’hypertension artérielle, nécessitant une bithérapie dans près de 50 % des cas, fait largement appel à eux, d’autant plus si cette pathologie s’accompagne d’une baisse de la réserve coronarienne très préjudiciable à l’effort (2). Ces effets cardiovasculaires résultent essentiellement d’une action bloquante sur les récepteurs de type bêta 1. Pour toutes ces raisons, les récentes recommandations européennes préconisent leur utilisation (3). • Traitement “ponctuel” Certains syndromes en bénéficient Lors d’une prise ponctuelle, il est souvent rapporté une asthénie physique et psychique, voire sexuelle. Lors d’un traitement au long court, cette asthénie n’est pas plus fréquente qu’avec tout autre type de molécule. Les effets dus au blocage des récepteurs bêta 2 sont bien connus (4) : - limitation de la bronchodilatation ; - limitation de la vasodilatation périphérique ; - limitation à la libération d’insuline et de glucagon ; - limitation à la lipolyse et à la glycogénolyse. Les effets métaboliques sont fonction de la durée de l’exercice et très dépendants du degré d’entraînement (5). Grâce au progrès de la recherche pharmaceutique, “l’hypersélectivité” bêta 1 a été développée et a fortement réduit ces effets indésirables. L’utilisation de molécules “cardiosélectives” permet donc de conserver les effets bénéfiques du blocage des récepteurs bêta 1 sur le système cardiovasculaire, en limitant les effets indésirables du blocage des récepteurs bêta 2 sur le système ventilatoire et sur les performances (6). Les bêtabloquants sont placés au rang des substances dopantes et sont interdits lors des compétitions. 7 Cardio&Sport • n°2 >>> DR > Bêtabloquants : des médicaments efficaces thérapeutique >>> > Bêtabloquants et performance Activités physiques brèves et intenses Il y a peu d’impact négatif des bêtabloquants lors des efforts de type isométrique qui ne nécessitent pas une augmentation importante du débit cardiaque. En effet, lors de ce type d’exercice, les vaisseaux intramusculaires sont fortement comprimés lors de la phase de contraction, perfusant faiblement les masses musculaires mobilisées. Sur le plan du métabolisme énergétique, ce type d’effort mobilise les filières de type anaérobie, peu consommatrices de substrats apportés par la circulation (lipides, glucides). Seule la vitesse d’élimination des déchets et de reconstitution des stocks énergétiques sera altérée, imposant des phases de récupération plus longues. Ceci souligne l’importance de phases d’échauffement et de récupération active. Activités physiques de longue durée Elles imposent certes une augmentation majeure du débit cardiaque, mais au profit des territoires musculaires actifs. Après une période d’adaptation au traitement, grâce à la baisse des résistances périphériques et au phénomène de redistribution vasculaire, il n’est pas noté de baisse significative de la consommation maximale d’oxygène ou des capacités lors d’une épreuve d’effort (6). Sur le plan du métabolisme énergétique, ces efforts mobilisent la filière aérobie, basée sur la lipolyse et la glycogénolyse. Elle sera plus ou moins perturbée en fonction de l’intensité et de la durée de l’exercice : un footing de 40 minutes, effectué à 60 % de VO 2max, se déroulera avec aisance, tandis qu’une course d’endurance, entamée à 75 % de VO2max, risque de se terminer au pas. Cardio&Sport • n°2 Mais il n’est pas rare de rencontrer des marathoniens sous petite dose de bêtabloquants. Les modifications induites soulignent l’intérêt de réaliser une épreuve d’effort avec analyse des échanges gazeux lors de la prescription des activités physiques. De plus, il est difficile d’utiliser les règles classiques de prescription : exprimer l’intensité des activités en pourcentage de la FMT (Fréquence Maximale Théorique). Les seuils ventilatoires et leur correspondance en fréquence cardiaque (FC) seront ici très utiles (7). > Les bêtabloquants en pratique sportive Trois points sont à retenir. 1. A chaque fois qu’ils sont nécessaires, savoir les prescrire dans leurs indications. 2. La prise de bêtabloquants ne contre-indique pas la pratique des activités physiques. 3. Les bêtabloquants sont interdits en compétition (sauf AUT). Au final, chez un sportif, à chaque fois que cela est possible et à bénéfice thérapeutique équivalent, il convient de privilégier un autre traitement. ❚ Activités physiques en compétition Toute compétition, y compris contre soi-même, est stressante, avec son cortège de sueurs froides, tremblements, tachycardie… Le remède miracle serait-il le bêtabloquant ? C’est pourquoi les bêtabloquants font partie des produits interdits dans certaines disciplines (tir, saut à ski, automobile) et sont inscrits en tant que substances dopantes. Comme pour tout traitement, le médecin est souverain, mais devra accompagner sa prescription d’une autorisation à usage thérapeutique (AUT). La prescription thérapeutique Comme pour tout médicament, il faut tenir compte d’éventuelles modifications de la pharmacocinétique : l’entraînement régulier influence l’absorption digestive par modification des circulations gastro-intestinales et du temps de transit. De même, le volume de distribution est modifié (pourcentage de masse maigre, pourcentage de masse grasse, augmentation des protéines plasmatiques et du volume plasmatique). De plus, la clairance hépatique est majorée. Ceci souligne la nécessité de personnaliser le traitement (8) et de rappeler au patient qu’une bonne hydratation est indispensable. 8 Bibliographie 1. Gullestad L et al. The effect of acute vs chronic treatment with beta-adrenoceptor blockade on exercise performance, haemodynamic and metabolic parameters in healthy men and women. Br J Clin Pharmacol 1996 ; 41 : 57-67. 2. Kozakova M et al. Coronary vasodilator capacity and exercise-induced myocardial ischemia are related to the pulsatile composent of blood pressure in patients with essential hypertension. J Hypertens 2003 ; 21 : 1407-14. 3. Stoschitzky et al. Nouvelles recommandations de la Société Européenne de Cardiologie, Groupe de pharmacologie cardiovasculaire et thérapeutique. European Journal of Cardiology 2004 ; 4. 4. Head A et al. Exercise Metabolism and beta blocker therapy. Sports Med 1999 ; 27 : 81-96. 5. Vanhees L et al. Effect of calcium channel blockade and beta-adrenoceptor blockade on short and single-level endurance exercises in normal men. Eur J Appl Physiol 1988 ; 58 : 1-12. 6. Brion R et al. Comparative effects of bisoprolol and nitrendipine on exercise capacity in hypertensive patients with regular physical activity. J Cardiovas Pharmacol 2003 ; 35 : 78-83. 7. Wonisch M et al. Influence of betablocker use on percentage of target heart rate exercise prescription. Eur J Cardiovasc Prev Rehabil 2003 ; 10 : 296301. 8. Persky AM et al. A review of chronic exercise and physical fitness level on resting pharmacokinetics. Int J Clin Pharmacol Ther 2003 ; 41 : 504-16. DOSSIER Epidémiologie, définitions, étiologies Introduction Pr Hervé Douard, Hôpital cardiologique, Pessac DPPI La mort subite du sportif (1re partie) MOTS CLÉS Mort subite, terrain de sport, accidents cardiovasculaires à l’effort, étiologies accidents cardiovasculaires à l’effort : �Les coup de projecteur en Bretagne et en Aquitaine p. 10 p. 10 Pr François Carré, CHU Pontchaillou, Université Rennes 1 Dr Laurent Chevalier, Clinique du Sport, Bordeaux-Mérignac meurt-on subitement �Pourquoi sur le terrain de sport ? Pr François Carré, CHU Pontchaillou, Université Rennes 1 des morts subites �Etiologies lors de l’activité sportive p. 12 p. 18 Pr Hervé Douard, Hôpital cardiologique, Pessac difficultés du diagnostic étiologique : �Les le point de vue de l’anatomopathologiste Dr Paul Fornès, Hôpital Européen Georges Pompidou, Paris 9 p. 20 Cardio&Sport • n°2 dossier DOSSIER C Introduction Pr Hervé Douard, Hôpital Cardiologique, Pessac. es derniers mois ont été marqués par la survenue de décès chez des sportifs de haut niveau, événements très médiatisés car touchant notamment les sports très populaires que sont le football ou le cyclisme. L’inconscient populaire assimile classiquement l’activité sportive à celle d’une image de bonne santé, et à juste raison dans l’immense majorité des cas. Aussi, quand la mort subite frappe un sportif, a fortiori connu, et que cet événement est relayé par les images toujours impressionnantes de ces événements dramatiques, elle n’est pas sans soulever quelques interrogations… En premier lieu et malheureusement non sans raison, quelle est la part potentielle du dopage, qui demeure un fléau dans le sport de haut niveau ? Certains comportements de toxicologie ont souvent été initiés lors d’une carrière sportive de haut niveau, justifiant ainsi la création de structures spécifiques de sevrage pour ces sportifs. En second lieu, quelles sont les responsabilités médicales de non détection préalable d’anomalies structurales, ne pouvant guère passer à travers les mailles d’un suivi de plus en plus spécialisé (ECG, épreuve d’effort, échocardiographie…) ? Problème de compétence ou pression des staffs sportifs et du sponsoring trop importante ? Enfin, l’intensité des entraînements et le rythme soutenu des compétitions dans certaines disciplines ne sont-ils pas préjudiciables pour la santé de ces sportifs ? Les intérêts financiers du “sport spectacle” ne priment-ils pas sur les risques, certes avant tout traumatiques mais aussi parfois cardiovasculaires, d’athlètes souvent jeunes, malléables et mal conseillés ? Le rôle de gardes fous, que sont les métiers de santé, passe par l'information, aussi objective et complète que possible, à laquelle ce dossier, dont nous remercions chaleureusement les auteurs qui ont bien voulu y contribuer et apporter leurs compétences sur le sujet, espère modestement contribuer. � Les accidents cardiovasculaires à l’effort : coup de projecteur en Bretagne et en Aquitaine Dr Laurent Chevalier, Clinique du Sport, Bordeaux-Mérignac. Pr François Carré, Hôpital Pontchaillou, Rennes. > Epidémiologie générale Cœur et activité physique entretiennent une relation ambiguë : l’exercice régulier améliore la protection cardiovasculaire sur le long terme, en Cardio&Sport • n°2 prévention primaire comme en prévention secondaire, mais durant l’exercice lui-même, le risque d’accident cardiovasculaire est augmenté par rapport à une situation de repos. Des méta-analyses, réalisées sur des sous- 10 groupes particuliers (1-3), ont essayé de quantifier ce risque, avec des projections donnant des valeurs de l’ordre de 1 décès/200000 adolescents sportifs/an et de 1 décès/18000 sportifs entre 25 et 75 ans/an. Mais, aucun pays développé n’est capable à l’heure actuelle de fournir des données exactes sur la prévalence des accidents cardiovasculaires durant l’activité sportive, de loisir ou de compétition, dans la population générale. ne sont pas recensées. Elles ont néanmoins le mérite, de proposer des chiffres récents sur les étiologies des accidents graves survenus sur les terrains de sport dans ces deux régions. > Le cas particulier de la Bretagne > Le cas particulier de l’Aquitaine Il est donc très difficile actuellement, voire impossible, de préciser le nombre annuel d’accidents cardiovasculaires survenus sur les terrains de sport en France. Seule des estimations plus ou moins précises sont à notre disposition. Dans le cadre de ce dossier sur la mort subite, nous avons essayé de nous faire une petite idée de l’incidence annuelle de ces accidents. Pour la région Bretagne, deux unités ont été interrogées (Ille et Vilaine, Finistère). Selon les données recueillies (Tab. 1), les causes traumatologiques d’appels dominent très largement. Dans tous les cas les problèmes cardiovasculaires ont concernés des hommes de 40 ans et plus. Les autres causes cardiologiques ont été un bloc auriculoventriculaire, une péricardite, une syncope. Enfin, les causes d’intervention non cardiaques et non traumatologiques ont été deux déshydratations, deux hypoglycémies, une crise de spasmophilie, deux causes neurologiques, trois crises d’épilepsie, une brûlure, trois noyades, une lésion par arme blanche et… un accouchement ! Il faut souligner le caractère incomplet de ces données (de même dans le cas de l’Aquitaine), dans lesquelles les interventions des autres systèmes d’urgence (pompiers, secouristes…) Protocole Dans ce cas particulier, nous avons tenté d’avoir une première approche quantitative du problème en sollicitant nos confrères des Samu-Smur des Centres Hospitaliers de Bayonne, Bordeaux, Dax, Libourne, Mont de Marsan, Pau et Périgueux (pas de logiciel permettant une étude rétrospective à Agen). Nous leur avons demandé d’analyser, de façon rétrospective, sur les 12 derniers mois, tous les appels concernant des problèmes d’ordre cardiovasculaire s’étant produits sur des “terrains” de sport au sens large (piscine, terrains, vestiaires, montagne…). - 5 infarctus du myocarde (IDM), - 10 décès sans diagnostic étiologique certain. La moyenne d’âge des sujets ayant présenté une crise angineuse certaine ou un IDM est de 53 ans. La moyenne d’âge de 8 des 10 décédés pour lesquels nous disposons de l’âge est de 48,3 ans. Curieusement, les disparités selon les centres sont importantes puisque 3 hôpitaux suscités ne signalent aucun appel pour un motif cardiovasculaire significatif, alors que l’un d’entre eux en annonce 33, les 3 autres centres se situant dans des fourchettes intermédiaires. Rapporté à la population couverte par ces différents SAMU (2,4 millions d’habitants), le taux est de 2 IDM/million d’habitants/an, soit un taux de 4 décès/million d’habitants/an. dossier DOSSIER � Résultats Les résultats bruts sont donc les suivants : - 71 malaises étiquetés vagaux, - 22 douleurs thoraciques intenses sans arguments francs en première intention en faveur d’une origine angineuse, - 6 crises d’angor, - 3 poussées hypertensives, - 1 péricardite, - 1 syncope d’effort, - 2 tachycardies supraventriculaires, - 1 tachycardie ventriculaire, Interprétations Ces résultats sont évidemment tout à fait sous-estimés, et ce, pour deux raisons essentielles : la première est en rapport avec notre méthode de recueil des données. En ne retenant pas l’item de lieu “voie publique”, nous délaissons tout le contingent des accidents cardiovasculaires chez les joggers et les cyclistes, population souvent plus âgée que dans d’autres sports, et donc plus à risque. Les logiciels ne permettant pas la recherche par pathologie : repérer dans cette énorme nébuleuse à forte composante traumatologique le sousgroupe cardiovasculaire aurait demandé des dizaines d’heures de Tableau 1 • Données recueillies en Bretagne concernant les appels au SAMU. Département Année Total (%) Mort subite (%) Coronaires (%) Cardio autre cause (%) Traumatologie (%) Ille et Vilaine (35) 2002 16 (100) 0 1 (6,3) 2 (12,5) 11 (68,8) Ille et Vilaine (35) 2003 13 (100) 1 (7,6) 1 (7,6) 0 6 (46,1) Finistère (29) 2001 24 (100) 1 (4,2) 2 (8,3) 1 (4,2) 15 (62,5) Finistère (29) 2002 13 (100) 1 (7, 6) 1 (7,6) 0 7 (53,8) 11 Cardio&Sport • n°2 >>> dossier DOSSIER >>> travail d’archivage, que nos confrères urgentistes ne pouvaient évidemment pas nous consacrer. Or, nous avons comptabilisé déjà 5 décès en Gironde ces 12 derniers mois sur des courses pédestres officielles (non recensées dans notre travail). Qu’en est-il alors durant les dizaines de milliers d’heures d’entraînement ? La seconde cause de sous-estimation du phénomène vient du fait que tous les accidents survenant au décours de l’activité physique, dans la voiture, à domicile, ne sont pas comptabilisés comme induits par l’activité physique. Trois cas de ce type, vus à la consultation ces 4 dernières semaines dans notre seul établissement, peuvent donner une idée de l’ampleur du phénomène. A titre de comparaison, Ayrolles, dans son étude prospective (4), réalisée dans la région de Grenoble entre 1992 et 1996, sur une population de 685000 habitants, en utilisant une méthodologie plus performante, avait recensé : 51 IDM et 20 morts subites en rapport avec l’activité physique sur un suivi de 41 mois, � soit 21,7 IDM/million d’habitants/an et à 8,5 morts subites/million d’habitants/an, soit 10 fois plus d’IDM et 2 fois plus de morts subites que dans notre travail rétrospectif. Par ailleurs, parmi les 71 malaises étiquetés “vagaux”, on ne peut éliminer avec certitude un trouble du rythme ventriculaire paroxystique pour un ou plusieurs d’entre eux. De même, pour les 22 douleurs thoraciques intenses sans caractère angineux, quid d’une dissection aortique fruste, d’une péricardite, d’un spasme coronaire transitoire ? Quoi qu’il en soit, même si le pool des décès en rapport avec des anomalies congénitales (pré-excitation, QT long, dysplasie VD…) reste stable, la pratique sportive se développant au sein d’une population à plus haut risque cardiovasculaire (obésité, tabac, quinqua, sexa et même septuagénaires), et sur un mode parfois totalement déraisonnable (manque de préparation physique, charges de travail énormes, conditions extrêmes), les accidents cardiovasculaires sont probablement appelés à aug- menter dans les années à venir. A l’heure où les décès de la route (128/million d’habitants/an) sont présentés, à juste titre, comme une priorité nationale, les décès du sport mériteraient sûrement un peu plus d’attention de la part des acteurs de santé, car là aussi, le nombre d’années de vie perdues n’est pas négligeable. ❚ Bibliographie 1. Maron BJ, Gohman TE, Aeppli D. Prevalence of sudden cardiac death during competitive sports activities in Minnesota high school athletes. J Am Coll Cardiol 1998 ; 32 : 1881-4. 2. Siscovick DS, Weiss NS, Fletcher R et al. The incidence of primary cardiac arrest during vigorous exercise. N Engl J Med 1984 ; 311 : 875-7. 3. MacAuley D. Does preseason screening for cardiac disease really work : the British perpective. Med Sci Sports Exerc 1998 ; 30 suppl 10 : 345-50. 4. Ayrolles O. Les accidents coronariens au cours ou au décours de l’activité physique : étude prospective dans la région grenobloise. Thèse DES. Université Grenoble ; 1997. Pourquoi meurt-on subitement sur le terrain de sport ? Pr François Carré, CHU Pontchaillou, Université Rennes 1. E n 490 av JC, le décès tragique, sur l’agora d’Athènes, de Phidippides, hémérodrome chargé d’annoncer la victoire surprise des Grecs sur les Perses, constitue à notre connaissance la première mort subite à l’effort publiée, d’un homme entraîné. Si l’on s’en tient à la description des faits, dont la véracité reste sujette à caution, il est logique de penser que Cardio&Sport • n°2 la cause de son décès a été un coup de chaleur. L’exercice musculaire aigu constitue un véritable “banc d’essai” pour l’organisme. Pour répondre de manière adaptée aux contraintes majeures imposées, ses différents systèmes, en particulier cardiovasculaire, doivent présenter une parfaite intégrité. Ainsi, la majorité des 12 contre-indications définitives à la pratique sportive de compétition est d’origine cardiovasculaire (1). Les conditions de survenue de la mort subite peuvent varier selon la définition retenue. La mort subite du “sportif” peut être définie comme la survenue inattendue d’un décès dans l’heure suivant le début des symptômes touchant un sujet pratiquant une activité sportive, quelque soit son niveau d’entraînement. Dans ce cadre, les causes cardiovasculaires représentent près de 95 % des cas. Les rares cas de dissection ou de rupture d’anévrysme aortique, d’embolie pulmonaire ou d’hémorragie cérébroméningée massive complètent ces étiologies (2). Dans le cadre des causes cardiovasculaires, le mécanisme de la mort subite est, dans la grande majorité des cas, un trouble du rythme ou plus rarement une anomalie de la conduction. Les autres causes nettement plus rares sont les chutes brutales du débit cardiaque et les traumatismes thoraciques directs. Les principaux facteurs déclenchants des arrêts cardiaques peuvent survenir lors ou dans les suites immédiats d’un effort et créer ou entretenir une arythmie fatale. Tableau 1 • Principaux facteurs déclenchants des arrêts cardiaques. Phénomène d’ischémie/ reperfusion • Cause organique - Sténose coronaire serrée - Rupture ou érosion de plaque - Spasme coronaire • Cause fonctionnelle Inadéquation entre masse et vascularisation myocardique Déséquilibres systémiques • Inadaptation hémodynamique • Acidose • Hypoxie • Troubles électrolytiques • Acides gras libres Dysrégulations neurologiques • Centrales ou périphériques • Myocardiques Prise de produits potentiellement toxiques • Traitement chez un cardiaque connu - Anti-arythmiques - Diurétiques... • Produits dopants arythmogènes - Cocaïne - Amphétamine... La notion de décès inattendu sousentend qu’une pathologie sousjacente était soit inconnue soit sous-estimée volontairement ou involontairement. Il est donc classiquement considéré, actuellement, que la mort subite qui survient lors d’une activité sportive touche un “cardiaque ignoré”. La possibilité que la pratique sportive intense, prolongée et bien conduite, puisse faire le lit à long terme d’une pathologie cardiaque reste très discutée. s’accélère alors que le volume d’éjection systolique diminue et que le débit cardiaque varie peu. Les pressions systolique et diastolique augmentent beaucoup, d’autant plus que l’effort est réalisé en respiration bloquée (Valsalva). Des hypotensions rapidement résolutives peuvent être observées au décours de ces exercices. Enfin, lors des activités mixtes (cyclisme, aviron, canoë-kayak…), les adaptations aiguës sont intermédiaires. � > L’exercice musculaire aigu : une contrainte majeure pour l’organisme La plupart des systèmes de l’organisme, pulmonaire, cardiovasculaire, nerveux, endocrinien et électrolytique, sont déséquilibrés par la pratique aiguë d’un effort musculaire. Retentissement cardiovasculaire de l’exercice Outre le type de l’exercice, quatre facteurs interviennent dans le niveau de la contrainte cardiovasculaire : son intensité, sa durée, l’environnement et le niveau d’entraînement (3). • Le type Lors des exercices dynamiques (marche, course à pied, ski de fond…), les modifications hémodynamiques sont surtout de type volumétrique. L’élévation du débit cardiaque est proportionnelle à l’intensité de l’effort. Elle est due à une tachycardie et à une augmentation du volume d’éjection systolique. Les résistances périphériques diminuent et la pression artérielle systolique augmente modérément. Lors d’un effort statique pur qui est rarement maintenu lors de la pratique sportive (culturisme, haltérophilie, tir à la corde…), la contrainte cardiovasculaire est surtout barométrique. Les résistances périphériques augmentent. La fréquence cardiaque • L’intensité Lors d’un exercice dynamique, la contrainte devient majeure au delà du premier “seuil” (ventilatoire ou lactique), c’est-à-dire lorsque l’essoufflement devient net (entre 60 et 80 % de la VO 2 max selon le niveau d’entraînement). Lors d’un exercice statique, l’exercice devient intense au-delà de 40-60 % de la force maximale volontaire. Plus l’exercice est intense, plus les modifications hémodynamiques, neurohormonales (catécholergiques) et humorales (acidose) sont importantes. Le respect de périodes d’échauffement et de récupération active, encadrant la séance d’entraînement, atténue la brutalité des déséquilibres. • La durée Plus l’exercice est prolongé, plus la contrainte cardiovasculaire est grande. Les durées “seuils” dépendent de l’intensité de l’effort. Lors d’un exercice dynamique d’intensité constante audelà de 30 à 50 minutes, une dérive de la fréquence cardiaque apparaît. Elle répond à une relative hypovolémie par déshydratation et peut-être à une fatigue myocardique (4). Avec la durée de l’effort, la réponse catécholergique s’accroît et une hyperviscosité relative apparaît. Lors d’un exercice statique, la durée critique dépend de l’intensité de l’effort (quelques secondes à 3-4 minutes). L’élévation de la pression artérielle est proportionnelle au temps de maintien. >>> 13 Cardio&Sport • n°2 dossier DOSSIER dossier DOSSIER >>> • L’environnement Il peut être éventuellement hostile pour la réalisation d’un exercice musculaire et accroître alors les contraintes cardiovasculaires. Ainsi, chaleur et degré d’hygrométrie élevés vont perturber les mécanismes de thermorégulation. Le froid intense limite aussi les adaptations, en particulier lors de la phase initiale de l’effort. L’altitude qui est souvent associée au froid et à une déshydratation majore aussi le travail cardiaque, en particulier en l’absence de phase d’acclimatation. Enfin, le milieu aquatique reste un grand pourvoyeur de mort subite. Il faut garder à l’esprit que tout “malaise” survenant lors de la plongée sous-marine risque de se transformer en “mort subite”. A ces conditions naturelles, peuvent se surajouter d’autres facteurs défavorables comme la prise de drogues ou de produits dopants, telle que la cocaïne, ou plus simplement une consommation de cigarette dans l’heure précédent ou suivant l’effort. • Le niveau d’entraînement Son influence est majeure, quel que soit le type d’exercice réalisé. Les risques cardiovasculaires de l’exercice aigu sont d’autant plus nets que le sujet est peu entraîné. Ainsi, chez un sédentaire de plus de 40 ans, le risque relatif de survenue d’un infarctus du myocarde pendant ou dans l’heure qui suit la pratique d’un effort physique très intense est multiplié par 107 ! Ce risque diminue rapidement en cas d’entraînement régulier (5) ; d’où la nécessité de toujours respecter une progressivité dans l’intensité d’une pratique sportive. Le facteur d’adaptation principal est le débit coronaire dont l’augmentation repose sur la capacité de vasodilatation, surtout des artérioles coronaires. La réserve coronaire normale est voisine de 5. Un arbre coronaire altéré répondra donc mal à cette demande par une vasodilatation insuffisante voire un spasme (6). A ce surcroît de travail cardiaque se surajoutent, sur les coronaires épicardiques, les contraintes mécaniques pariétales internes, par élévation du débit sanguin et externes de traction, compression, étirement, torsion. Les plaques athéroscléreuses présentent deux types de risque : un risque mécanique avec possibilité de rupture et un risque fonctionnel avec possibilité d’érosion. Les contraintes dues à l’exercice augmentent ces risques au niveau des lésions parfois minimes (7). La rupture de ces plaques instables qui sont plus nombreuses chez les sédentaires survient au niveau de la capsule centrale, alors que, lorsqu’elle surviennent au repos, elles concernent en général la zone d’épaulement endothélium sain et lésé (5). L’exercice aigu peut aussi favoriser la survenue de spasme coronaire secondaire à la vasoconstriction alpha-adrénergique, risque qui est majoré par une consommation tabagique récente. Il existe, de plus, lors de l’exercice aigu, des altérations hémorhéologiques, une hypercoagulabilité et une hyperagrégabilité favorisées par la déshydratation, mais aussi par l’effet des catécholamines et par la libération de facteurs pro-agrégants (8). Enfin, une ischémie myocardique “fonctionnelle” peut survenir, en particulier en cas d’inadéquation entre la masse et la vascularisation intramyocardique. � Autres retentissements de l’exercice aigu D’autres perturbations homéostasiques vont retentir sur le fonctionnement cardiovasculaire à l’exercice. Elles peuvent induire ou pérenniser la survenue d’arythmies cardiaques. Toutes les modifications électrolytiques (hyperkaliémie, hypomagnésémie, acidose, déshydratation...), neuro-hormonales (baisse progressive du tonus parasympathique jusqu’à 50-60 % de la VO 2 max, puis élévation du tonus sympathique et des catécholamines circulantes), et humorales (élévation des radicaux libres, des acides gras libres…), associées à l’étirement cellulaire mécanique, créent une instabilité électrophysiologique (9). Globalement, l’exercice physique augmente la conduction et raccourcit les Foyer arythmogène Fibrose, cicatrice d’infarctus… Exercice aigu et circulation coronaire Les trois déterminants principaux de la consommation myocardique d’oxygène (MO2), la fréquence cardiaque, la pression artérielle et la contractilité, sont augmentés à l’effort. A l’exercice dynamique maximal la MO2 est multipliée par 10 environ. Cardio&Sport • n°2 Gâchette Extrasystole Environnement Déshydratation, catécholamines Figure 1 • Les acteurs du triangle arythmogène proposé par Philippe Coumel (1984) peuvent être regroupés lors de l’exercice aigu favorisant alors le déclenchement d’une arythmie. 14 périodes réfractaires, avec un risque d’aggravation d’une inhomogénéité électrophysiologique au sein d’un foyer arythmogène. Ainsi, la survenue d’une extrasystole va pouvoir déclencher, à partir d’une zone ischémique organique ou fonctionnelle, une arythmie qui se pérennisera grâce aux modifications environnementales (Fig. 1 et 2). Des bradyarythmies peuvent aussi survenir en cas de troubles de perfusion s’accompagne pas, en règle générale, d’arythmies cardiaques sévères. Au contraire, l’effort, grâce à l’effet “antirythmique” indirect du système sympathique et des catécholamines qui en accélérant la fréquence cardiaque inhibent des foyers extrasystoliques, peut les faire disparaître (10). De plus, lors de l’exercice aigu, des substances anti-arythmiques, en particulier d’origine endothéliale, sont libérées. Le cœur sain est Effort Sympathique Vague Catécholamines Métabolites Ischémie myocardique Etirement cellulaire Irritabilité myocardique Arythmie cardiaque Figure 2 • Les modifications neuro-hormonales et mécaniques qui accompagnent la réalisation aiguë d'un exercice peuvent favoriser le déclenchement d'arythmies cardiaques. du nœud sinusal ou du tissu de conduction. Paradoxalement, lors de la récupération postexercice immédiate, le risque d’arythmie n’est pas totalement écarté, car le débit cardiaque et la pression artérielle diminuent brutalement, tout comme le débit coronaire, alors que la MO2 reste élevée et qu’aux perturbations homéostasiques déjà décrites se surajoute le retour du “frein” vagal. Le risque d’“orage” rythmique est donc toujours possible dans les premières minutes de récupération surtout si celle-ci est passive (Fig. 3). Ainsi, on comprend aisément que la pratique d’un exercice intense puisse, sur un cœur pathologique, favoriser la survenue d’arythmies cardiaques parfois létales. Sur un cœur sain, heureusement, en dépit de tous ces facteurs favorisants, la réalisation d’un effort physique ne donc a priori à l’abri de la survenue d’une arythmie fatale, en dehors de l’association à une hyperthermie maligne, des troubles électrolytiques majeurs et/ou la prise illicite de drogues. Ces perturbations homéostasiques, et en particulier l’acidose, la déshydratation, l’hyperthermie, les troubles glucidiques et kaliémiques, associés à l’exercice musculaire, peuvent aussi gêner et diminuer l’efficacité des manœuvres de réanimation imposées par la survenue d’un accident cardiovasculaire sur un terrain de sport. Mécanismes non arythmiques des morts subites sur le terrain de sport Une chute brutale du volume d’éjection systolique a aussi été évoquée. Elle peut être due à une obstruction sur la chambre de chasse ventriculaire. Ainsi, une sténose aortique ou une cardiomyopathie hypertrophique obstructive peuvent limiter l’éjection ventriculaire gauche. Une gêne au remplissage diastolique peut aussi potentiellement être en cause. Enfin, des cas rares de syncopes vagales d’effort, dont la physiopathologie reste mal comprise, ont aussi été décrits. La période posteffort peut aussi favoriser des troubles hémodynamiques majeurs. Ainsi, des hypotensions sévères ont été décrites chez certains patients porteurs de cardiomyopathie hypertrophique. La cardiomyopathie hypertrophique regroupe la plupart des mécanismes potentiels de mort subite à l’effort, Post-effort Métabolites Vague Sympathique Catécholamines Retour veineux Facteurs thrombogènes Ischémie myocardique Instabilité électrophysiologique Arythmie cardiaque Figure 3 • Lors de la récuparation, en particulier passive, les cinétiques de récupération différentes des modifications neuro-hormonales et hémodynamiques peuvent aussi favoriser le déclenchement d’arythmies cardiaques. 15 dossier DOSSIER Cardio&Sport • n°2 >>> dossier DOSSIER >>> arythmies, ischémie coronaire fonctionnelle, trouble de remplissage et parfois de vidange, dysrégulation tensionnelle à l’effort. contraintes hémodynamiques prolongées qu’il impose, mais aussi l’environnement neuro-hormonal et donc la régulation du système cardiovasculaire. � Le commotio cordis Un traumatisme thoracique direct par un projectile de petite taille (balle de baseball, puck de hockey…), ou plus rarement par choc avec un autre joueur, peut entraîner une mort subite. Ces accidents rares concernent le plus souvent les jeunes sportifs qui présentent un thorax encore déformable. Le mécanisme final du décès est une fibrillation ventriculaire secondaire au choc. Celui-ci doit toucher la partie centrale du cœur et survenir lors de la phase vulnérable de la repolarisation (11). Encore plus rarement, un traumatisme thoracique direct très violent peut entraîner des dissections des coronaires, des contusions ou lésions myocardiques avec hémo-péricarde, ou encore des dissections ou ruptures aortiques. > Le cœur d’athlète : facteur de risque de la mort subite ? Les effets cardiovasculaires bénéfiques de la pratique régulière et modérée d’une activité physique sont actuellement admis par tous (12). Actuellement cependant, certains sportifs, en particulier d’endurance, vont à contre-courant de l’idée des 35 heures dans leur programme d’entraînement. Ainsi, la pratique prolongée d’un entraînement de haut niveau, quantitative et qualitative, peut induire des modifications électrocardiographiques, morphologiques et fonctionnelles, parfois majeures, regroupées sous le terme de syndrome du “cœur d’athlète”. La question des limites de ces adaptations reste cependant posée (13). L’entraînement intense modifie non seulement la morphologie et les fonctions du myocarde par les Cardio&Sport • n°2 L’hypertrophie cardiaque du sportif peut-elle être arythmogène ? Entre 10 et 15 % des décès survenus chez des sportifs sont associés à des hypertrophies cardiaques isolées, sans signes histologiques de cardiomyopathie hypertrophique. De plus, des anomalies cardiaques ne sont retrouvées que chez 33 % des sportifs qui présentent des arythmies ventriculaires complexes. La possibilité d’une prévalence accrue des arythmies cardiaques ventriculaires chez le sportif par rapport au sédentaire est discutée (14, 15). Pour certains, leur découverte peut témoigner de limites individuelles d’adaptabilité à l’entraînement (16). Lors d’un exercice intense, le ventricule droit est soumis à une contrainte proportionnellement plus intense que le ventricule gauche (17), ce qui pourrait favoriser la survenue d’arythmies ventriculaires à type de retard gauche (18) chez les athlètes. L’hypertrophie cardiaque est une adaptation du myocarde en réponse aux contraintes qui lui sont appliquées. Chez le sportif, l’hypertrophie est le plus souvent modérée et harmonieuse, touchant les quatre cavités et respectant un équilibre entre dilatation cavitaire et hypertrophie pariétale réactionnelle. A l’inverse des causes pathologiques d’hypertrophie cardiaque, celle liée à l’entraînement est caractérisée par l’adéquation de la vascularisation à la masse musculaire et par l’absence de fibrose généralisée. Cependant, cette hypertrophie est surtout due à une augmentation de la taille, donc de la surface membranaire des cardiomyocytes. De par cette modification, la capacitance électrique de ces cellules peut être modifiée. Bien que les particularités électrophysiolo- 16 giques de l’hypertrophie secondaire à l’entraînement aient été peu étudiées, il est prouvé que la durée du potentiel d’action cellulaire est allongée. Dans les hypertrophies d’origine pathologique, cette modification est due à un déséquilibre entre les courants membranaires entrants et sortants, avec le plus souvent une réduction du courant potassique sortant I to , d’où une repolarisation retardée. Dans les modèles expérimentaux d’hypertrophie cardiaque liée à l’entraînement, surtout de type endurance, une inhomogénéité régionale de la taille et des caractéristiques électrophysiologiques des cellules a été décrite. Ainsi, les potentiels d’actions les plus longs sont enregistrés dans l’endocarde et les plus courts dans l’épicarde. Cette altération de la dispersion des périodes réfractaires, associée à une altération de la conduction intercellulaire, peut favoriser au moins potentiellement la survenue d’arythmies cardiaques par réentrée ou d’une activité déclenchée par post-dépolarisations précoces ou tardives (19). Ces altérations électrophysiologiques associées à une dilatation auriculaire persistante ont été proposées pour expliquer les arythmies supraventriculaires, relativement fréquemment observées chez les sportifs vétérans (20). L’exercice chronique : un créateur de foyers arythmogènes ? L’entraînement intense, prolongé et répété pourrait favoriser l’apparition et le développement de foyers arythmogènes (21). En effet, les catécholamines peuvent favoriser la survenue de microfoyers de nécrose. La baisse des défenses immunitaires décrites chez certains sportifs de haut niveau d’entraînement peut faciliter le développement de myocardites a minima (22). Les perturbations du bilan magnésique parfois décrit chez ces sujets peuvent aussi favoriser le développement d’arythmies cardiaques (9). Globalement, l’entraînement améliore quantitativement et fonctionnellement la circulation coronaire (23). Cependant, des troubles majeurs de la repolarisation à l’effort sont décrits chez 15 % des athlètes (24). La physiopathogénie de ces troubles reste mal expliquée. Il est possible que les lésions endothéliales secondaires aux stress pariétaux répétés liées à l’hyperdébit sanguin et/ou que des périodes d’ischémie relative prolongées puissent induire une fibrose localisée (9, 21). Enfin, à ces risques inhérents à la pratique “propre” d’un entraînement intense et régulier peuvent bien sûr se surajouter les effets favorisants de différents produits dopants. L’exercice chronique : modulateur des arythmies ? La balance autonomique est modifiée par l’entraînement chronique. En bref, l’influence du parasympathique est accrue et celle du sympathique est diminuée (25). Ces modifications a priori bénéfiques peuvent dans certains cas extrêmes favoriser la survenue et le développement d’arythmies en cas de substrat arythmogène sousjacent. En conclusion L’exercice aigu intense, de par les perturbations qu’il induit, peut, sur un cœur pathologique favoriser, la survenue d’une arythmie cardiaque qui reste la cause principale des morts subites sur le terrain de sport (26). Sur un cœur sain, même hyper entraîné, l’effort est parfaitement toléré dans l’immense majorité des cas. La possibilité de création d’une cardiopathie, en règle arythmogène, chez certains sportifs présentant une susceptibilité individuelle, a été évoquée. Elle ne peut être totalement exclue mais, dans l’état actuel de nos connaissances, elle demande confirmation. ❚ Bibliographie 1. Corrado D, Basso C, Schiavon M et al. Screening for hypertrophic cardiomyopathy in young athletes. N Engl J Med 1998 ; 339 : 364-9. 2. Loire R. la mort subite : données anatomo-pathologiques. STV 1996 ; 8 : 120-6. 3. Carré F. Les adaptations cardiovasculaires à l’exercice musculaire en cardiologie du sport. Amoretti R. et Brion R. eds. Paris : Masson, 2000 : 16-20. 4. Dawson E, George K, Shave R et al. Does the human heart fatigue subsequent to prolonged exercise ? Sports Med 2003 ; 33 : 365-80. 5. Tofler G, Mittleman M, Muller JE. Physical activity and the triggering of myocardial infarction : the case for regular exercise. Heart 1996 ; 75 : 323-5. 6. Gordon JB, Ganz J, Nabel EG et al. Atherosclerosis influences the vasomotor responses of epicardial coronary arteries to exercise. J Clin Invest 1989 ; 83 : 1946-52. 7. Giri S, Thompson PD, Kiernan FJ et al. Clinical and angiographic characteristics of exertion related acute myocardial infarction. JAMA 1999 ; 282 : 1731-6. 8. Li N, Wallen H, Hjemdahl P. Evidence of prothrombotic effects of exercise and limited protection by aspirin. Circulation 1999 ; 100 : 1374-9. 9. Carré F. Physiopathologie des arythmies induites par l’exercice physique. Revue du Praticien 2001 : S42-3. 10. Paterson DJ. Antiarrhythmic mechanisms during exercise. J Appl Physiol 1996 ; 80 : 1853-62. 11. Maron BJ, Mitten MJ, Burnett CG. Criminal consequences of commotio cordis. Am J Cardiol 2002 ; 89 : 210-3. 12. Shephard RJ, Balady GJ. Exercise as a cardiovascular therapy. Circulation 1999 ; 99 : 963-72. 13. Pellicia A, Di Paolo FM, Maron BJ. The athlete’s heart : remodelling, electrocardiogram and preparticipation screening. Cardiol Rev 2002 ; 10 : 85-90. 14. Palatini P, Maraglino G, Sperti G et al. Prevalence and possible mechanisms of ventricular arrhythmias in athletes. Am Heart J 1985 ; 110 : 560-7. 15. Bjornstad H, Storstein L, Meen HD et al. Ambulatory electrocardiographic findings in top athletes, athletic students and control subjects. Cardiology 1994 ; 84 : 42-50. 16. Claessens P, Claessens C, Claessens M et al. Ventricular premature beats in triathletes : still a physiological phenomenon ? Cardiology 1999 ; 1 : 28-38. 17. Hammermeister KE, Morrison DA. Extreme exertion and right ventricular function. J Am Coll Cardiol 1990 ; 15 : 70-1. 18. Heidbuchel H, Hoogsteen J, Fagard R et al. High prevalence of right ventricular involvment in endurance athletes with ventricular arrhythmias. Role of an electrophysiologic study in risk stratification. Eur Heart J 2003 ; 24 : 1473-80. 19. Hart G. Exercise-induced cardiac hypertrophy : a substrate for sudden death in athletes ? Experimental Physiology 2003 ; 88 : 639-44. 20. Jensen-Urstad K, Bouvier F, Saltin B et al. High prevalence of arrhythmias in elderly male athletes with a lifelong history of regular strenuous exercise. Heart 1998 ; 79 : 161-4. 21. Rowe WJ. Endurance exercise and injury to the heart. Sports Med 1993 ; 16 : 73-9. 22. Futterman LG, Myerburg R. Sudden death in athletes. An update. Sports Med 1998 ; 26 : 335-50. 23. Laughlin MH, Oltman CL, Bowles DK. Exercise training-induced adaptations in the coronary circulation. Med Sci Sports Exerc 1998 ; 30 : 352-60. 24. Bouvier F, Nejat M, Berglund B et al. High incidence of scintigraphic myocardial uptake defects at rest and during exercise in male elite runners. Heart 1997 ; 77 : 252-5. 25. Aubert AE, Seps B, Beckers F. Heart rate variability in athletes. Sports Med 2003 ; 33 : 889-919. 26. Corrado D, Basso C, Rizzoli G et al. Does sports activity enhance the risk of sudden death in adolescents and young adults ? J Am Coll Cardiol 2003 ; 42 : 1959-63. 17 Cardio&Sport • n°2 dossier DOSSIER � dossier DOSSIER Etiologies des morts subites lors de l’activité sportive Pr Hervé Douard, Hôpital cardiologique, Pessac. L a fréquence réelle et les étiologies précises des causes de morts subites survenant lors d’une activité sportive sont inconnues. Plusieurs raisons sont ainsi à évoquer. - Dans beaucoup de pays, l’autopsie est peu pratiquée, pour des raisons culturelles, religieuses ou autres. L’autopsie est souvent vécue comme une épreuve supplémentaire par l’entourage, alors que sa finalité ne repose pas sur une curiosité morbide, mais implique une réelle attitude en terme de dépistage et de prise en charge médicale des collatéraux. - L’analyse approfondie d’un cœur requiert des compétences cardiologiques et anatomiques spécifiques que peu de nos confrères légistes ont pu acquérir dans leur carrière. - Les décès ou accidents cardiaques graves survenus lors de la pratique sportive sont mal répertoriés dans les structures de prise en charge des urgences (pompiers, Samu, Smur…), ainsi que sur les certificats de décès ou les données Inserm. - Certains accidents graves ou décès surviennent peu de temps après une activité sportive, mais n’y sont pas imputés, si la prise en charge initiale n’est pas réalisée sur le terrain de sport. et d’autre part de l’état du “substrat”, dont l’interaction initie l’arythmie potentiellement létale. Ainsi, le stress émotionnel, les facteurs environnementaux, l’ischémie myocardique, les changements des systèmes sympathiques et parasympathiques, survenant en compétition, modifient la “gâchette”, et l’entraînement intensif peut aggraver le “substrat” de la maladie, structurelle et électrique. En cas de myocardiopathie hypertrophique, la fréquence répétée des épisodes d’ischémie myocardique pendant l’entraînement induit certaines morts cellulaires et un remplacement myocardique par de la fibrose favorisant l’instabilité électrique. Chez les patients avec dysplasie, l’entraînement physique intensif et régulier peut provoquer une surcharge volumétrique ventriculaire droite qui en retour accélère l’atrophie fibroadipocytaire. Cardio&Sport • n°2 > Les données disponibles Deux grandes séries publiées sont actuellement disponibles : l’une américaine, la série de Maron (Fig. 1), Nombre MCH Commotio cordis Anomalies coronaires HVG Myocardites Marfan DVDA Pont myocardique RA Coronaropathie acquise MCNO PVM Autres QT long Sarcoïdose cardiaque > Facteurs de risque et pathologies associées La pratique de la compétition suppose cependant un entraînement régulier et assidu, modifiant défavorablement les conditions de déclenchement, d’une part de la “gâchette” Dans la maladie de Marfan, le stress hémodynamique favorisé dans l’aorte par l’augmentation de la pression et du volume d’éjection lors de l’activité sportive intense, notamment lors des accélérations et décélérations rapides, favorise l’élargissement aortique. Les rapports sont plus complexes dans d’autres pathologies tel que le Brugada où la majorité des événements graves surviennent en période de repos, et notamment de repos nocturne. Mais l’activité sportive intensive, en favorisant l’activité du système parasympathique, peut théoriquement favoriser ce risque de mort subite. Affections Figure 1 • Série de Maron. 18 Coronaropathie acquise DVDA Valvulopathies Anomalies coronaires Myocardites Anomalies tissu conductif MCH Rupture aortique MCNO Cardiopathie congénitale opérée Embolie pulmonaire Autres Cœur structurellement normal Affections Figure 2 • Série de Corrado. l’autre italienne, la série de Corrado (Fig. 2). Si elles ont le mérite d’exister, elles n’apportent cependant qu’un éclairage partiel sur la réalité. Elles sont en effet très critiquables, surtout celle publiée par Maron, d’un point de vue méthodologique. Ces deux séries stigmatisent néanmoins sur les variations géographiques, mais aussi ethniques, et sur les supports génétiques des principales pathologies en cause. Gageons qu’une série de ce type établie dans un pays asiatique révèlerait des étiologies proportionnellement très différentes. La myocardiopathie domine aux Etats-Unis, elle est plus rare en Italie, probablement parce que mieux dépistée dans ce pays. La dysplasie arythmogène est plus fréquente dans la série de Corrado, probablement parce qu’un “foyer” existe dans la province italienne de Vénétie, que des émigrants ont reproduit dans une région de Grèce ! Le commotio cordis est probablement encore sousestimé en Europe, même s’il est induit souvent lors d’activités sportives plus répandues aux Etats-Unis. > Les nouvelles causes de morts subites La découverte progressive de nouvelles causes de ces morts subites suppose que d’autres sont probablement encore à explorer… Ainsi, le syndrome décrit il y a une dizaine d’années par les frères Brugada authentifie une pathologie dont la particularité (vis-à-vis de la dysplasie arythmogène du ventricule droit déjà anciennement connue) a été longtemps contestée. Elle se révèle néanmoins quelques années plus tard lié à des anomalies génétiques non univoques. Egalement, le syndrome du QT court, encore mal connu, serait probablement responsable d’un nombre non négligeable d’accidents graves. concernent la poursuite d’une activité sportive de loisir, dont les bénéfices, notamment en terme de protection vis-à-vis de l’athérosclérose coronaire, sont par ailleurs largement démontrés. On admet l’hypocrisie relative des recommandations actuelles en la matière, les contraintes cardiovasculaires pouvant être intenses lors de certaines pratiques sportives même sans esprit de compétition, ou encore sachant combien il est difficile d’interdire à un enfant de courir tout simplement avec ses camarades dans une cour d’école. Si la connaissance exacte des causes de mort subite chez les athlètes reste donc encore imprécise et imparfaitement démantelée, la stratégie de dépistage de celle-ci est encore plus débattue. Les difficultés essentielles tiennent à l’“heureuse” rareté de ces accidents. Cela nécessite une politique raisonnable en terme économique, mais aussi une politique d’efficacité afin d’éviter une iatrogénie potentielle (explorations invasives inutiles ou traitements inappropriés). Ainsi, les myocardiopathies hypertrophiques représentent l’étiologie principale des morts subites, mais des essais de dépistage par “échocardiographie de masse” dans les collèges aux Etats-Unis se sont révélés peu rentables. Beaucoup s’accordent pour réaliser en première intention un examen physique et un interrogatoire bien conduits, focalisés sur des signes fonctionnels parfois frustres, mais dont la syncope reste bien sûr l’élément le plus suspect, associé à la connaissance des antécédents familiaux (décès brutal de collatéraux à un âge jeune). La qualité des certificats d’aptitude est en effet bien souvent médiocre, dite de “complaisance”, ou parfois réalisés par les médecins ignorants de la problématique. Ainsi aux Etats-Unis, les soignants habilités à ces examens de dépistage incluent parfois de simples chiropracteurs. � D’une manière générale, le nombre de pathologies à support génétique, comportant un risque accru de mort subite pendant la pratique sportive, augmente. C’est le cas de la myocardiopathie hypertrophique obstructive, de la dysplasie arythmogène du ventricule droit, du syndrome de Marfan, de pathologies des canaux ioniques tel que le syndrome du QT long, le syndrome de Brugada et des tachycardies ventriculaires polymorphes catécholergiques. Leur survenue plus fréquente, notamment à l’adolescence ou dans le début de la vie adulte, âge également où la pratique sportive est la plus fréquente, constitue un drame pour les familles proches, mais aussi pour les responsables sportifs et parfois médicaux qui suivaient ces sujets. Parfois, cela implique des dispositions médicolégales. > Politiques de prévention et de dépistage Dépister une telle anomalie contreindique formellement la pratique de la compétition sportive dans la plupart des cas. Les interrogations >>> 19 Cardio&Sport • n°2 dossier DOSSIER Nombre dossier DOSSIER >>> Nous avons ainsi été marqués au cours de notre internat par l’histoire clinique d’un enfant de 8 ans emmené en catastrophe par son institutrice paniquée par une syncope heureusement spontanément régressive de l’enfant, et imputée selon son père, psychiatre, à une nouvelle manifestation de conversion hystérique. Il fut difficile malgré un QT particulièrement allongé à l’électrocardiogramme de repos, de le convaincre de la probable supériorité d’un bon traitement anti-arythmique, face à une psychothérapie comportementale, afin de prévenir une récidive. L’Italie mène depuis 30 ans une politique de prévention tout à fait exemplaire en la matière chez les sportifs de tout niveau, expliquant probablement partiellement le faible nombre relatif des morts subites attribué à une myocardiopathie hypertrophique. Cette anomalie est en effet la plus facilement détectable par un électrocardiogramme 12 dérivations, où des anomalies spécifiques sont � présentes dans 95 % des cas chez les sujets encore asymptomatiques ou sans anomalie d’auscultation. Une décision d’interdiction par cette autorité nationale médicale, quelle soit définitive ou temporaire (comme c’est le cas pour certaines myocardites) est ainsi incontournable et incontestée, et permet de ne pas céder aux pressions de certaines instances sportives, des sponsors ou des athlètes eux-mêmes soucieux de retrouver l’arène sportive, sa gloire… et ses revenus ! L’actualité très récente nous rapporte ainsi le cas d’un footballeur professionnel très connu qui, après avoir rechuté (malaise à l’échauffement) après une fulguration pour extrasystolie ventriculaire, a “bénéficié” d’un défibrillateur intrathoracique pour lui permettre de reprendre le sport en ligue 1 anglaise… Actuellement, sont seulement disponibles (et référencées ci-après) les données des deux séries, Maron et Corrado, et les plus récentes recom- mandations chez les sportifs, uniquement américaines, publiées dans cette optique de dépistage et d’autorisation ou non à la pratique sportive. En 2005, seront réactualisés les classiques recommandations de Bethesda, et publiées les premières recommandations européennes et françaises dans le domaine de l’hypertrophie ventriculaire gauche et des coronaropathies chez les sportifs. ❚ Bibliographie 1. Corrado D et al. Sudden cardiac death in young people with apparently normal heart. Cardiovasc Res 2001 ; 50 : 399-408. 2. Maron BJ et al. Sudden death in young athletes. N Engl J Med 2003 ; 349 : 1064-75. 3. Maron BJ et al. 26th Bethesda Conference : cardiovascular abnormalities in the athlete : recommendations regarding eligibility for competition. J Am Coll Cardiol 1994 ; 24 : 845-99. 4. Maron BJ et al. Recommendations for physical activity and recreational sports participation for young patients with genetic cardiovascular diseases. Circulation 2004 ; 109 : 2807-16. Les difficultés du diagnostic étiologique : le point de vue de l’anatomopathologiste Dr Paul Fornès, Hôpital Européen Georges Pompidou, Paris. L a prévention de la mort subite chez le sportif de haut niveau doit s’appuyer sur une connaissance épidémiologique approfondie. En France, il n’existe pas de registre permettant de connaître précisément l’incidence de ces morts subites. Une très large majorité de ces morts subites est d’origine cardiaque. Si les cardiopathies susceptibles de se compliquer Cardio&Sport • n°2 de mort subite sont identifiées, leur fréquence respective n’est pas connue. Il est pourtant crucial d’établir le diagnostic étiologique de chacune de ces morts subites : d’une part, la majorité des cardiopathies causales est héréditaire, nécessitant une enquête génétique familiale, d’autre part, l’analyse rétrospective des antécédents et prodromes de la 20 victime pourrait améliorer le dépistage de ces cardiopathies. Par ailleurs, le rôle du dopage dans la survenue de ces morts subites reste à préciser. Le dopage peut entraîner des morts subites liées à la prise aiguë ou plus souvent répétée de substances entraînant à long terme des altérations cardiaques. Les connaissances scientifiques actuelles dossier DOSSIER arythmogène, les myocardites, les anomalies de trajet des artères coronaires, les valvulopathies, sont rencontrées avec une fréquence variable en fonction des études (1-12). > Le diagnostic des cardiopathies Figure 1 • Désorganisation architecturale myocytaire dans une cardiomyopathie hypertrophique primitive, dans le cas de la mort subite, au cours de l'entraînement, d'un footballeur de 22 ans (coloration : hématoxyline-éosine ; grossissement d'origine : X 400). sur le retentissement cardiovasculaire du dopage sont théoriques et on ne dispose pas de données précises sur les effets cardiovasculaires du dopage sur la population sportive. Cet article examine l’apport des autopsies et de l’anatomie pathologique à la recherche des causes de ces morts subites chez le sportif, les dispositions légales permettant ces investigations, et les difficultés auxquelles se heurtent les médecins lorsqu’ils souhaitent rechercher l’étiologie d’une mort subite chez un sportif. > Les causes de mort subite De nombreuses études autopsiques, principalement américaines et italiennes, ont permis de connaître les différentes causes de mort subite survenant au cours d’une activité sportive (1-12). Leur fréquence respective varie en fonction de l’âge des sujets, du niveau d’activité sportive (loisir ou haut niveau), du sport pratiqué, et des pays considérés (3, 7, 9-12). Chez le sportif de haut niveau, la cardiomyopathie hypertrophique est considérée comme la plus fréquente (1-3). Les autres cardiopathies, représentées principalement par la cardiomyopathie ventriculaire droite Il repose sur un examen macroscopique minutieux du cœur et un examen histologique approfondi de nombreux prélèvements, par un anatomopathologiste expérimenté, spécialisé en pathologie cardiovasculaire (13). En effet, si l’examen macroscopique permet de démontrer, par exemple, une hypertrophie ventriculaire gauche et de la caractériser, avec ou sans dilatation, concentrique ou asymétrique, obstructive ou non, seul l’examen microscopique permet de démontrer une désorganisation architecturale myocytaire (Fig. 1), des A B Figure 2 • Glycogénose cardiaque isolée, dans le cas du décès pendant le sommeil, après une soirée d'entraînement, d'un footballeur de 23 ans (coloration : PAS, avant (A) et après (B) digestion enzymatique démontrant la nature glycogénique de la surcharge ; grossissement d'origine : X 1000). Figure 3 • Cardiomyopathie ventriculaire droite arythmogène, dans le cas de la mort subite à l'échauffement d'un footballeur de 25 ans : remplacement adipeux massif et importante fibrose (coloration : trichrome ; grossissement d'origine : X 40). anomalies des artères coronaires intramyocardiques, et de préciser la topographie de la fibrose et son étendue. L’examen histologique est également essentiel pour distinguer une cardiomyopathie hypertrophique d’une hypertrophie physiologique développée au cours de la pratique sportive (14). Une hypertrophie cardiaque peut être secondaire à de nombreuses causes (Fig. 2). Le diagnostic de cardiomyopathie ventriculaire droite arythmogène repose également sur l’examen microscopique de nombreux prélèvements des deux ventricules (Fig. 3). La fibrose associée au remplacement adipeux du myocarde du ventricule droit est parfois discrète. L’inflammation peut être minime. Il existe parfois une atteinte du ventricule gauche. La fréquence des myocardites, le plus souvent d’origine virale, comme cause de mort subite est souvent sous-estimée car l’examen macroscopique du cœur est le plus souvent normal, et seul l’examen histologique permet le diagnostic (16, 17). De nombreux prélèvements sont nécessaires en raison du caractère focal des lésions nécroticoinflammatoires. L’examen du tissu de conduction requiert une grande expérience pour ne pas interpréter à tort, comme >>> 21 Cardio&Sport • n°2 dossier DOSSIER >>> pathologiques, des images artéfactuelles ou physiologiques. Il n’est qu’exceptionnellement possible d’établir un diagnostic de pathologie des voies de conduction sans confrontation avec des données électrocardiographiques. Les examens macroscopiques et histologiques peuvent être normaux (18). Certaines morts subites sont dues à des pathologies non lésionnelles, tel que le syndrome du QT long. Le diagnostic d’une cardiopathie n’implique pas qu’elle soit la cause de la mort. Il faut souligner en effet la faible corrélation entre la sévérité anatomique de la cardiopathie et le risque de mort subite (19). Les autres constatations autopsiques éventuelles doivent être analysées minutieusement, et des analyses toxicologiques approfondies sont nécessaires. En effet, des substances médicamenteuses ou des stupéfiants peuvent avoir favorisé la mort subite. Ces recherches doivent être effectuées non seulement dans le sang et l’urine, mais également dans les phanères (cheveux, poils pubiens, ongles). La prise chronique de substances, éventuellement dans un but de dopage, peut avoir contribué au développement de la cardiopathie et à la mort subite. Le diagnostic étiologique de la mort subite repose donc sur une autopsie complète, des investigations anatomopathologiques approfondies de tous les organes, des analyses toxicologiques exhaustives par un toxicologue expérimenté, bénéficiant d’équipements adéquats, et l’analyse des circonstances du décès. Ces conditions sont trop rarement réunies, en dépit des dispositions légales qui permettraient ces investigations. > Les dispositions légales Lorsqu’un médecin constate le décès d’un sportif survenu subitement au cours de sa pratique sportive, il doit décider si cette mort subite pose un Cardio&Sport • n°2 problème médicolégal, et en conséquence coche la case obstacle médicolégal sur le certificat de décès. L’article 74 du Code de procédure pénale dispose qu’en cas de découverte d’un cadavre, qu’il s’agisse ou non d’une mort violente, si la cause en est inconnue ou suspecte, l’officier de police judiciaire qui en est avisé informe immédiatement le procureur de la République, se transporte sans délai sur les lieux et procède aux premières constatations. Le procureur de la République se rend sur place, s’il le juge nécessaire, et se fait assister de personnes capables d’apprécier la nature des circonstances du décès. Lorsque la mort survient au cours de la pratique sportive, ou au décours immédiat, dans la phase de récupération ou dans le vestiaire, les témoins attestent qu’il s’agit d’une mort naturelle, non suspecte. Dans ce contexte, le médecin peut être enclin à ne pas cocher la case “obstacle médicolégal”. Si le médecin coche cette case parce qu’il considère avec raison que cette mort de cause inconnue requiert une autopsie et des investigations judiciaires, il peut se heurter à la réticence de l’officier de police judiciaire, puis à celle du procureur de la République. Celui-ci, du fait de l’absence d’infraction évidente, peut ne pas considérer une autopsie justifiée, et classera l’affaire sans suite. Seul le procureur de la République peut en effet décider si une autopsie doit être pratiquée. Néanmoins, le jeune âge habituel des victimes, par ailleurs en bonne santé apparente, peut conduire le magistrat à demander une autopsie. Cette autopsie conclura à une mort naturelle, mais la cardiopathie causale sera rarement identifiée de façon certaine sans un examen anatomopathologique. Cet examen anatomopathologique ne peut être effectué que sur réquisition du procureur dans le cadre d’une enquête décès préliminaire (avant l’ouverture éven- tuelle d’une information), ou bien sur ordonnance de commission d’experts d’un juge d’instruction, lorsqu’une information est ouverte. Dans ce contexte de mort naturelle, sans indice d’infraction, une expertise anatomopathologique peut ne pas apparaître justifiée pour le magistrat. Dans le cas contraire où l’expertise anatomopathologique est demandée, il est essentiel que l’expert anatomopathologiste soit spécialisé en pathologie cardiovasculaire. Les rapports d’autopsie et d’expertise anatomopathologique sont adressés au magistrat. Il est rare alors que celui-ci complète systématiquement ces investigations par une expertise toxicologique. Idéalement, le magistrat confiera au médecin légiste une mission de synthèse consistant à établir, à partir des constatations autopsiques et anatomopathologiques, des résultats toxicologiques et des données de l’enquête, la cause et les circonstances du décès. La personne la plus proche du défunt a légalement accès à l’ensemble des informations. Elle peut ainsi demander des explications à son médecin traitant. Les familles ne sont pas toujours informées de cette possibilité. Le médecin doit savoir guider la famille dans le cadre d’une enquête génétique. � 22 Il apparaît donc que si les dispositions légales permettent des investigations approfondies et la connaissance précise de la cause du décès, de nombreux obstacles sont susceptibles d’interrompre la chaîne des investigations. De surcroît, l’accès aux données est réservé à la famille. Les informations ne sont pas utilisables à des fins de santé publique. > L’avis de l’anatomopathologiste Nous pensons qu’une autopsie devrait être systématiquement pratiquée en cas de mort inexpliquée d’un sportif de compétition. Le médecin qui constate le décès devrait toujours cocher la case “obstacle médicolégal” du certificat de décès, et le procureur de la République, saisi en vertu de l’article 74 du Code de procédure pénale, devrait systématiquement faire pratiquer une autopsie. L’examen du cœur devrait être effectué par un anatomopathologiste spécialiste des maladies cardiovasculaires. Une expertise toxicologique approfondie, recherchant en particulier les substances dopantes, devrait être effectuée systématiquement, non seulement dans le sang et l’urine, mais également dans les phanères, ces dernières donnant une information sur la prise chronique de substances. Des dispositions légales devraient permettre de rassembler ces données dans un registre national en respectant l’anonymat. Ce registre permet- trait de suivre l’incidence des morts subites chez le sportif de haut niveau, et de confronter rétrospectivement les données post-mortem aux informations des dossiers médicaux et du suivi longitudinal. Définir des modalités diagnostiques implique, d’une part, une connaissance approfondie des pathologies à l’origine des morts subites et, d’autre part, d’améliorer la reconnaissance des éventuels symptômes ou signes cliniques. La loi du 23 mars 1999 relative à la protection des sportifs et à la lutte contre le dopage (dite “loi Buffet”) et le décret du 6 février 2004 relatif aux examens médicaux obligatoires pour les licenciés inscrits sur la liste des sportifs de haut niveau ou dans les filières d’accès au sport de haut niveau ou pour les candidats à cette inscription, soulignent la volonté du législateur d’améliorer le dépistage des pathologies susceptibles de se compliquer en mort subite. Toutefois, il convient d’évaluer l’efficacité de ce dépistage et d’analyser la pertinence des critères encadrant actuellement l’aptitude médicale à la compétition. Seule une confrontation entre les paramètres recueillis au cours du suivi longitudinal et les données recueillies par l’analyse des morts subites et des accidents cardiovasculaires permettra d’évaluer leur valeur prédictive en terme d’événements cardiovasculaires. Une collaboration étroite entre la justice, dont dépend la pratique des autopsies et des expertises anatomopathologiques et toxicologiques, les médecins légistes et anatomopathologistes spécialisés en pathologies cardiovasculaires, s’avère donc impérative pour mener à bien non seulement la mission judiciaire mais également celle de santé publique. ❚ Bibliographie 1. Maron BJ, Epstein SE, Roberts WC. Causes of sudden death in competitive athletes. J Am Coll Cardiol 1986 ; 7 : 204-14. 2. Maron BJ, Shirani J, Poliac LC et al. Sudden death in young competitive athletes. Clinical, demographic, and pathological profiles. JAMA 1996 ; 276 : 199-204. 3. Maron BJ, Gohman TE, Aeppli D. Prevalence of sudden cardiac death during competitive sports activities in Minnesota high school athletes. J Am Coll Cardiol 1998 ; 32 : 1881-4. 4. Corrado D, Basso C, Rizzoli G et al. Does sports activity enhance the risk of sudden death in adolescents and young adults ? J Am Coll Cardiol 2003 ; 42 : 1959-63. 5. Maron BJ. Sudden death in young athletes. N Engl J Med 2003 ; 349 : 1064-75. 6. Basso C, Corrado D, Thiene G. Cardiovascular causes of sudden death in young individuals including athletes. Cardiol Rev 1999 ; 7 : 127-35. 7. Maron BJ, Carney KP, Lever HM et al. Relationship of race to sudden cardiac death in competitive athletes with hypertrophic cardiomyopathy. J Am Coll Cardiol 2003 ; 41 : 974-80. 8. Corrado D, Thiene G, Nava A et al. Sudden death in young competitive athletes : clinicopathologic correlations in 22 cases. Am J Med 1990 ; 89 : 588-96. 9. Maron BJ. Cardiovascular risks to young persons on the athletic field. Ann Intern Med 1998 ; 129 : 379-86. 10. Maron BJ, Poliac LC, Roberts WO. Risk for sudden cardiac death associated with marathon running. J Am Coll Cardiol 1996 ; 28 : 428-31. 11. Fornès P, Lecomte D. Mort subite et activité physique et sportive. Rev Prat 2001 ; 51 : 31-5. 12. Fornès P, Lecomte D. Pathology of sudden death during recreational sports activity : an autopsy study of 31 cases. Am J Forensic Med Pathol 2003 ; 24 : 9-16. 13. Fornès P. L’examen anatomopathologique du cœur. Ann Pathol 1999 ; 19 : 166-77. 14. Maron BJ, Pelliccia A, Spirito P. Cardiac disease in young trained athletes. Insights into methods for distinguishing athlete’s heart from structural heart disease, with particular emphasis on hypertrophic cardiomyopathy. Circulation 1995 ; 91 : 1596-601. 15. Fornès P, Ratel S, Lecomte D. Pathology of arrhythmogenic right ventricular cardiomyopathy/dysplasia. An autopsy study of 20 forensic cases. J Forensic Sci 1998 ; 43 : 777-83. 16. Fontaine G, Fornès P, Fontaliran F. Myocarditis as a cause of sudden death. Circulation 2001 ; 103 : 12. 17. Lecomte D, Fornès P, Fouret P et al. Isolated myocardial fibrosis as a cause of sudden cardiac death and its possible relation to myocarditis. J Forensic Sci 1993 ; 38 : 617-21. 23 Cardio&Sport • n°2 dossier DOSSIER cas clinique Syncope chez un sportif de haut niveau Ce cas clinique illustre le diagnostic et la prise en charge d’un sportif de haut niveau suite à une syncope. Au-delà, ce cas permet de mettre en parallèle le rôle du cardiologue du sport et celui du cardiologue non spécialisé. Dr Marc Ferrière, CH de Montpellier. • Monsieur N., volleyeur professionnel d’origine africaine âgé de 24 ans, n’a jamais eu de problème de santé significatif. Il a passé les tests médicaux usuels, quand pour la première fois, à la fin d’un échauffement (une partie de foot en salle), il fait une chute avec perte de connaissance et traumatisme (fracture de dents et hémorragie buccale). La perte de connaissance est suffisamment durable pour que son entraîneur lui fasse un massage. A son réveil, il dit avoir ressenti des palpitations inhabituelles juste avant le malaise. Il est hospitalisé par Une syncope chez un sporle SAMU dans l’hôpital tif de haut niveau nécessite le plus proche. un bilan spécialisé. > Les commentaires aux “urgences” L’urgentiste Il observe des « troubles ECG majeurs ». Concluant à « une cardiopathie probable », il insiste sur « la nécessité d’un bilan spécialisé ». L’équipe paramédicale Elle observe un « cœur usé, vieilli, certainement perdu pour le sport ». Le commentaire le plus marquant étant : « Et vous pouvez être inquiet pour l’avenir ». C’est en réalité la traduction de l’impression médicale initiale discutée par les urgentistes, elle MOTS CLÉS Syncope, arythmie, ECG, échocardiogramme, potentiels tardifs, HVG adaptative A l’admission, le bilan clinique est normal. L’électrocardiogramme (ECG) du sportif montre une hypertrophie du ventricule gauche (HVG) déjà connue. L’échocardiogramme et l’enregistrement des potentiels tardifs sont faits avant le rapatriement dans sa ville d’origine. Les caractéristiques de l’échocardiogramme révèlent une HVG adaptative. Les potentiels tardifs sont normaux pour les trois critères. Les examens initiaux concluent à une syncope par tachycardie chez un sportif de haut niveau, nécessitant un bilan spécialisé. A ce stade, le rôle du cardiologue du sport est-il réellement différent du cardiologue lambda ? Le dossier a été analysé par le docteur B., cardiologue sans orientation vers la cardiologie sportive. Nous rapportons également les commentaires faits aux urgences par le personnel médical et paramédical qui a géré le patient aux premières heures de son admission. n’a pas été transmise au patient, mais elle traduit une inquiétude du personnel paramédical. La soumission de l’équipe au secret médical peut être rappelée par ailleurs, devant l’assaut de questions des camarades d’équipe du sportif, dont on peut imaginer le moral devant de telles affirmations, que ce soit pour leur camarade ou pour eux-mêmes. Le cardiologue lambda Il conclut à « une syncope d’effort par tachycardie chez un sportif de haut niveau », avec « des anomalies ECG importantes, imposant échocardiogramme et épreuve d’effort ». Il conclut également à « la nécessité d’éliminer une cardiopathie hypertrophique et une dysplasie ventriculaire droite arythmogène ». Pour lui, « la négativité des potentiels tardifs est rassurante, mais insuffisante pour se passer d’examens invasifs, si échocardiographie et épreuve d’effort n’apportent pas le diagnostic ». Le cardiologue du sport L’abord clinique n’est pas différent. Néanmoins, l’interrogatoire des circonstances du malaise fait intervenir un regard sportif, de manière très précise : - Les indications transmises par le SAMU reprennent les indications >>> 25 Cardio&Sport • n°2 cas clinique >>> reçues par téléphone et celles du médecin de premier secours : “malaise syncopal précédé de palpitations au cours d’un effort”. Le problème, vu sous cet angle, est celui d’une tachycardie d’effort (composante catécholergique). - L’analyse précise permet d’apporter un jour différent aux circonsFigure 1 • Electrocardiogramme de repos. tances du malaise. En effet, le malaise est survenu en réalité alors que l’échauffe- déré comme pathologique. Chez un ment était terminé : l’athlète a pris sportif “vrai”, de tels ECG sont fréune corde à sauter pour reprendre quemment rencontrés : une hyperun échauffement différent, il est resté trophie du ventricule gauche (HVG) seul debout, tous ses collègues étant chez 20 % des athlètes et un indice de allongés pour une séance de stret- Sokolov significativement plus élevé. ching. C’est dans ces conditions et Ce cas est possible dès que l’activité avant toute reprise d’activité phy- physique dépasse 6 heures par sique que survient le malaise. Une semaine, et il est plus fréquent pour composante vagale doit être évoquée les sports d’endurance et chez les sur ces données, ce qui ne résout pas athlètes de race noire. le problème des palpitations. - La décortication de l’activité, précé- Actuellement, on met l’accent sur les dant immédiatement le malaise, et une connaissance des habitudes d’entraînement, en fonction du sport, oriente donc parfois différemment l’impression initiale. A ce stade, aucun diagnostic n’a été fait. Le cardiologue du sport a analysé les anomalies ECG mais ne les a pas retenus. Le cardiologue moins spécialisé n’a pas eu une attitude vraiment différente, mais il est inquiet de l’existence possible d’une cardiomyopathie hypertrophique (CMH). Les premières conclusions présentées au sportif n’ont pas la même charge émotionnelle quant à l’avenir sportif du patient, ceci étant encore plus accentué pour son entourage. > L’électrocardiogramme Chez un sujet non sportif, un tel ECG (Fig. 1) serait définitivement consi- Cardio&Sport • n°2 Figure 2 • Echocardiogramme en mode TM (Temps/Mouvement). 26 facteurs génétiques et notamment le caractère II du gène de l’enzyme de conversion (II signifie “inséré”). La présence de ce gène est plus fréquemment associée à une masse HVG augmentée chez le sportif : - cette HVG, ainsi que les troubles de la repolarisation, comme dans ce cas, sont une réponse génétique différente à l’entraînement physique ; elle est sans rapport avec la quantité de travail physique, ni avec les performances ; même s’il y a des relations démontrées avec la capacité aérobie et l’endurance (sujets II), par opposition aux sujets DD qui n’ont pas ce gène de l’enzyme de conversion (D signifiant delete) et qui ont un taux de cet enzyme plus faible dans les tissus et le sérum ; - ces troubles de la repolarisation sont souvent variables au cours d’une saison sportive et disparaissent après quelques mois d’interruption de l’activité physique. Ces troubles miment les anomalies rencontrées dans la cardiopathie hypertrophique et le sportif ne doit pas être dispensé d’échocardiographie, bien au contraire. > L’échocardiogramme Sur la figure 2, le septum est à 13,6 mm d’épaisseur et la masse cardiaque est estimée à une valeur hors des normes. L’idéal est d’indexer ces valeurs à la surface corporelle (388 g est très élevé, sauf si l’on tient compte des 2,54 m2 de surface, comme dans le cas d’une récente consultation d’un handballeur de 17 ans envoyé pour hypertrophie septale). La valeur limite actuellement retenue pour la CMH est 13 mm pour le septum interventriculaire. Il y a une zone grise entre 13 et 16 mm, 10 % des athlètes sont dans cette zone grise (essentiellement des cyclistes, des adeptes de l’aviron, toujours des hommes, jamais les athlètes féminines). Au-delà de 16 mm, il s’agit d’une CMH. L’échocardiogramme montre ici un ventricule droit apparemment normal, tant dans sa dimension que dans sa morphologie. Dans la recherche de dysplasie ventriculaire droite arythmogène (DVDA), l’échocardiogramme sert de dépistage, mais il n’est pas suffisant pour éliminer ce diagnostic (l’ECG ne montre aucune anomalie dans ce sens, mais il souffre de la même absence de sensibilité). cas clinique La fonction diastolique et le rapport E/A (E et A : pics de vélocité) sont normaux chez les sportifs. Les adolescents ayant une CMH familiale peuvent cependant garder longtemps un rapport E/A normal, et on connaît des formes génétiques formelles de CMH à échocardiogrammes longtemps normaux. Le Doppler tissulaire est le plus souvent pathologique dans ces CMH sans critères classiques de CMH alors que les sportifs ont un Doppler tissulaire normal. Il faut donc chez un sportif “vrai”, chaque fois qu’il y a une HVG, notamment septale, étudier la fonction diastolique et le Doppler tissulaire. Inversement, il est important d’avoir un Doppler tissulaire chez un sportif qui a eu une syncope inexpliquée, un DTI anormal isolé (Doppler Tissue Imaging), pouvant être le seul signe d’une CMH. contre un substrat arythmogène. La présence de potentiels tardifs est extrêmement fréquente en cas de DVDA. Leur absence ne résout pas le problème posé. Figure 4 • Electrocardiogramme d’effort. > Les autres examens Examens invasifs Ils sont réalisés dans un deuxième temps. Les deux cardiologues ont demandé les mêmes à une exception près : le cardiologue du sport a demandé un test d’inclinaison, ce qui n’est pas une distinction fondamentale. Ces examens ont pour but de résoudre le problème de l’HVG, d’une éventuelle dysplasie ventriculaire droite, et d’apprécier une réponse tachycardique à une décharge catécholergique. D’emblée est envisagée une exploration invasive en cas de négativité des premiers examens. Le cardiologue du sport les juge obligatoires, y compris avec des protocoles dits “agressifs au point de vue rythmologique”, eu égard à une carrière potentielle de plus de 10 ans. Résultats des examens non invasifs • Epreuve d’effort (Fig. 4) : normalisation ECG en fin d’effort suivie de la réapparition très rapide de l’aspect > Les potentiels tardifs L’enregistrement des potentiels tar- initial ; charge atteinte = 300 watts difs, autre examen réalisé en urgence, (50 watts - 2 minutes) ; petit malaise est normal selon les trois critères vagal à la récupération. (Fig. 3). Sa négativité est un signe fort • Test d’inclinaison : normal. • Echo-Doppler tissulaire cardiaque : pas de trouble de la fonction diastolique (Fig. 5). • Holter : ECG normal. • IRM : montre une hypertrophie homogène sans perturbation du signal, élimine une dysplasie et confirme une HVG Figure 3 • Enregistrement des potentiels tardifs. adaptative. • Le cardiologue du sport demande, dans le même temps que l’exploration électrophysiologique, une coronarographie, jugée non utile par son collègue. Elle se révèle normale. • L’exploration électrophysiologique sera perturbée par un passage en fibrillation auriculaire (FA) bien tolérée, reproduisant la même sensation de palpitations que celle précédant le malaise. Cette FA est à réponse ventriculaire lente avec des diastoles longues (Fig. 6). • Une stimulation ventriculaire programmée agressive sans et avec isuprel est effectuée ; elle est normale et ne déclenche pas de troubles du rythme ventriculaire. • La fibrillation auriculaire cède en quelques heures. En définitive, le diagnostic est le même avec néanmoins des nuances, dans l’approche thérapeutique en particulier : fibrillation auriculaire paroxystique syncopale pour le cardiologue lambda, et origine vagale pour le cardiologue du sport. > Discussion thérapeutique Pour le cardiologue du sport Il prône plutôt l’abstention thérapeutique, avec la délivrance de conseils à l’entourage (kiné, entraîneur), sur la gestion de l’entraînement et de petits malaises éventuels. Il invoque les raisons suivantes : il n’y a pas de cardiopathie sousjacente, il s’agissait d’un premier épisode, l’origine est vagale (il n’y a pas de risque thrombotique), le >>> 27 Cardio&Sport • n°2 cas clinique >>> risque de récidive est faible, et un traitement antiarythmique chez un sportif comporte un risque reconnu. Bibliographie Pour le cardiologue lambda Il préconise un essai de bêtabloquants ou de flécaïne, avec, pour suivi, épreuve d’effort et Holter ECG sous traitement. Si le traitement est mal toléré, il préconise alors l’abstention thérapeutique. La fibrillation auriculaire est certainement le trouble du rythme le plus fréquemment rencontré chez le sportif sans cardiopathie (probablement par une masse auriculaire gauche plus importante). Si la FA du sujet jeune sans cardiopathie représente 0,5 % des cas, elle touche 1,5 % des sportifs jeunes. Dans 50 % des cas, elle ne récidivera jamais et ne justifie pas de traitement anticoagulant. Dans 2/3 des cas, elle survient à l’effort et elle est de composante catécholergique (d’où l’intérêt des bêtabloquants). Dans 1/3 des cas, elle est vagale, nocturne ou après un effort, apparaissant à l’occasion d’une bradycardie vagale (la flécaïne est réputée pour être le traitement de choix, les bêtabloquants ont parfois un effet paradoxal d’aggravation). Les malaises sont souvent liés à la pause post-tachycardique, dont il paraît logique qu’elle soit plus marquée dans un contexte vagal. Si les bêtabloquants peuvent être utilisés en respectant les recommandations, les autres antiarythmiques ne Figure 5 • Echo-Doppler tissulaire cardiaque. sont pas conseillés, essentiellement du fait de leur potentiel arythmogène pouvant être majoré par les troubles ioniques transitoires potentiels, induits par l’exercice. En somme pour ce sportif • Pas de contre-indication au sport professionnel. • Pas de traitement en l’absence de récidives. • En terme d’éducation et de prévention du malaise vagal : pas d’arrêt brutal de l’activité physique (mais le type de sport pratiqué ne facilite pas cela) ; éviter le surentraînement ; éviter toute hypoglycémie et gestion par le repos allongé de tout “petit malaise” ; éviter la station debout sans bouger ; éduquer entraîneurs, kinésithérapeutes et autres préparateurs physiques à la gestion du malaise vagal. • Entraînement normal. • Rechute non exclue pendant l’ensemble de sa Figure 6 • Enregistrement de la fibrillation auriculaire. carrière sportive. Cardio&Sport • n°2 28 1. Cardim N, Oliveira AG, Longo et all. Doppler tissue imaging : regional myocardial function in hypertrophic cardiomyopathy and in athlete's hert. J Am Soc Echocardiogr 2003 ; 16 : 223-32. 2. Coelho A, Palileo E , Ashley W et al. Tachyarrhythmias in young athletes. J Am Coll Cardiol 1986 ; 7 : 237-43. 3. Coumel Ph. Autonomic Arrhytmogenic Factors in Paroxysmal Atrial Fibrillation. Atrial Fibrillation. New York : Futura Publishing Company, inc Armonk, 1994. 4. Fioranelli M, Piccoli M, Mileto GM et al. Analysis of heart rate variability five minutes before the onset of paroxysmal atrial fibrillation. Pacing Clin Electrophysiol 1999 ; 22 : 743-9. 5. Franck R, Hidden-Lucet F, Himbert C. Comment gérer un trouble du rythme ou de la conduction chez un sportif. In : Brion R, Amoretti R, Cardiologie du sport. Paris : Masson 2000. 6. Furlanello F, Bertoldi A, Dallago M et al. Atrial Fifrillation in elite athletes. J Cardiovasc Electrophysiol 1998 ; 9 : 63-68. 7. Hoogsteen J, Hoogeveen A, Schaffers H et al. Left atrial and ventricular dimensions in highly trained cyclists. Int J Cardiovasc Imaging 2003 ; 19 : 211-7. 8. Kopoecky SL, Gersh BJ, Mc Goon MD et al. The natural history of lone atrial fibrillation. A population-based study over three decades. N Engl J Med 1987 ; 317 : 669-74. 9. Le Heuzey JY. La Fibrillation auriculaire. Paris : Louis Pariente, 1998. 10. Link MS, Homoud MK, Wang PJ, Estes NA. Cardiac arrhythmias in the athlete : the evolving role of the électrophysiology. Curr Sports Med Rep 2002 ; 1 : 75-85. 11. Rich BS, Havens SA. The athletic heart syndrome. Curr Sports Med Rep 2004 ; 3 : 84-8. 12. Shapiro LM. Physiological left ventricular hypertrophy. Br Heart J 1984 ; 52 : 130-5. 13. Scharhag J, Urhausen A, Scneider G et al. Left ventricular mass in enduranceathletes with athlete's heart and untrained subjects-comparison between different echocardiographic methods and MRI. Z Kardiol 2003 ; 92 : 309-18. 14. Zehender M, Meinertz T, Keul J et al. ECG variants and cardiac arrhythmias in athletes : clinical relevance and ptognostic importance. Am Heart J 1990 ; 119 : 1378-91. > Quelle surveillance ? Il faut surveiller l’hypertrophie avec une échographie annuelle et bien sûr appliquer la surveillance classique de tout sportif de haut niveau. ❚ réadaptation Activité sportive et insuffisance cardiaque Pourquoi recommander le sport, ou plus exactement l’entraînement physique, dans le cas d’une insuffisance cardiaque avérée, puisque le pronostic est médiocre et les malades très fatigués ? Pr Jean-Paul Broustet, Hôpital du Haut l’Evêque, Pessac. L a fonte musculaire de l’insuffisant cardiaque (IC) s’explique d’abord par le “repos” souhaité et prescrit. Longtemps, les IC furent traités comme les patients avec infarctus des années cinquante : « 20 jours au lit, 20 jours à la chambre… ». Saltin (1) avait montré qu’après 20 jours au lit, des étudiants perdaient 26 % de leur VO2max et avaient, à effort égal, une fréquence cardiaque (FC) plus élevée de 20 battements. Longtemps, les patients avec infarctus ayant une IC n’étaient pas réadaptés par crainte d’une aggravation progressive ou brusque d’ordre hémodynamique ou arythmique. En 1987, Sullivan (2) eut le mérite d’entraîner en endurance des IC ayant une dysfonction systolique sévère (fraction d’éjection : FE < 24 ± 10 %), mais le faible niveau du seuil anaérobique empêchait un travail en endurance suffisant pour modifier réellement le métabolisme musculaire et la réponse circulatoire à l’effort. L’observation que le travail en résistance intense d’un seul groupe musculaire était bien toléré et sollicitait peu la FC, a conduit à développer des protocoles d’entraînement (EP) segmentaire sur banc de musculation adapté (3). Ensuite, l’IC entraîne des anomalies du métabolisme musculaire qui seraient indépendantes de la sédentarité. Néanmoins, le débat reste ouvert car des malades atteints de broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) sans IC conges- tive, mais condamnés à l’inaction physique, ont les mêmes altérations. Dans l’IC, les cytokines de l’inflammation augmentent au niveau des muscles et du sang : ( TNF)alpha, interleukine (IL)-6, iNOS, inducteur de la NO-synthase. Cela entraîne un catabolisme musculaire accéléré. Après 6 mois d’EP améliorant le pic de VO2 de 29 % chez des IC ayant une FE à 24 %, le taux de ces cytokines se normalise au niveau des muscles alors que leurs taux sériques restent élevés (4); une diminution de l’expression des facteurs de transcription mitochondriaux est responsable d’une perte d’énergie musculaire expliquant la fatigue ou l’épuisement, même en dehors de l’effort chez les IC graves. Dans l’IC, l’EP considéré ici entraîne une sollicitation notable de l’appareil cardiovasculaire : il s’agit d’une activité d’endurance provoquant chez un sujet normal une augmentation nette de la ventilation physiologique. Si l’effort est localisé à un groupe musculaire, un petit nombre de répétitions (manipulation de barres, séries d’abdominaux) déclenche rapidement une fatigue localisée, obligeant à interrompre l’effort. Le bon sens exclut de telles activités chez les IC, sous traitement bien adapté, ayant une stase nette, une FE inférieure à 20 %, une hypertension pulmonaire au repos ou un pic de VO 2 très bas après correction par l’âge et l’excès de masse grasse. Sont également exclus ceux qui ont, MOTS CLÉS Insuffisance cardiaque, réentraînement, VO2, fraction d’éjection, pressions pulmonaires à l’effort ou en récupération, malgré les bêtabloquants, des extrasystoles ventriculaires en salves, ou nombreuses et polymorphes, qui impliquent un risque relatif de décès de 1,43 à 3 ans (5), ou des salves de fibrillation atriale. Ces réserves ne doivent pas contreindiquer toute activité physique. Il reste la musculation segmentaire, la marche en terrain plat… sans quoi la fonte musculaire aggravera rapidement les symptômes. > Qu’est-ce que l’insuffisance cardiaque d’effort ? Pour les classiques, on entend par IC : l’incapacité du cœur à fournir aux organes le débit nécessaire à leur fonctionnement normal sans augmentation des pressions de remplissage. En effet, bien des IC sédentaires ont une vie sociale et professionnelle normale avec une élévation acceptable des pressions pulmonaires et une dyspnée d’effort dont ils prennent plus ou moins conscience. Mais lors des efforts physiques importants, l’appareil musculaire prélève plus de 80 % du débit cardiaque. Aussi, proposons-nous la définition “sportive” suivante de l’IC : l’insuffisance cardiaque commence quand la pompe cardiaque n’est plus capable de délivrer aux muscles tout l’oxygène qu’ils sont capables d’utiliser. Pour exemple : un marathonien s’entraînait à 17 km/h, après >>> 29 Cardio&Sport • n°2 réadaptation >>> un “point de bronchite”, il s’étouffait à partir de 15 km/h. L’ECG montra un infarctus antéro-apical semi-récent qui provoquait sans doute une augmentation des pressions de remplissage génératrice de dyspnée “relative”. Il y a peu d’espoir d’obtenir une nette amélioration de la fonction cardiaque par l’EP. On attend de celui-ci une amélioration de la fonction endothéliale et de l’extraction musculaire de l’oxygène pour le même débit local, et un gain de force musculaire anaérobique facilitant les efforts de la vie quotidienne. > Comment évaluer la sévérité de l’IC vis-à-vis de l’activité sportive ? Les paramètres les plus représentatifs sont : la FE, les pressions pulmonaires et la VO2 limitée par les symptômes. La FE est le marqueur de la dysfonction systolique, mais sa valeur de repos ne prédit pas toujours son comportement à l’effort. Par ailleurs, les corrélations entre FE et capacité d’effort sont très faibles. Dans la plupart des publications, la FE de repos tourne autour de 25-30 % ± 10 %. En cas d’IC postinfarctus, si d’autres segments myocardiques viables deviennent ischémiques à l’effort, la FE s’effondre. De même, la régurgitation mitrale “fonctionnelle” des VG dilatés (ventricule gauche) augmente à l’effort, d’où la brusque élévation des pressions pulmonaires générant une dyspnée limitante. Les pressions pulmonaires de repos mesurées en décubitus dorsal sont peu représentatives des grandeurs d’effort. L’orthopnée nocturne est compatible avec une appréciable activité diurne : les IC très dyspnéisantes à l’effort sont graves si leur cause n’est pas curable par la chirurgie valvulaire ou la revascularisation d’un territoire ischémique à l’effort. Cardio&Sport • n°2 Dans ce dernier cas, la prise préventive de trinitrine sublinguale peut permettre une session d’EP profitable. Quand le pic de VO 2 est très bas, il faut seulement faire travailler, les uns après les autres contre des résistances (élastiques ou poids légers), les groupes musculaires des jambes et des bras, et les muscles respiratoires, chez un sujet assis ou debout. On peut entretenir les muscles des malades en attente de greffe ayant une VO 2 inférieure à 15 ml/min/kg. > Bénéfices apportés par l’activité physique Bénéfices musculaires Des IC s’exercent en endurance ou en exercice isométrique portant sur les extenseurs de la jambe (7). Après 24 séances en 8 semaines, la force isométrique et dynamique augmente de 45 % et 40 %, la surface du quadriceps Dans son étude, Erb (6) tire au sort 10 patients de 55 ans en IC sévère (en classe III selon la classification fonctionnelle des cardiopathies de la New York Heart L’insuffisance cardiaque commence quand la pompe carAssociation, NYHA), diaque n’est plus capable de délivrer aux muscles tout l’oxydont 9 myocardiopagène qu’ils sont capables d’utiliser. thies non obstructives (MCNO). La FE moyenne est de 23 %, le pic de VO 2 de de 9 %, et le rapport capillaire/fibres de 16,1 ml/min/kg. Les patients pédalent 47 %. L’activité oxydative enzymatique 20 minutes à domicile, chaque jour, du vastus lateralis augmente de 50 %. à une FC correspondant à 70 % de De même, un EP segmentaire en leur pic de VO2. Après 6 mois, la VO2 résistance sollicitant successivement augmente de 3,7 ml/min/kg au seuil tous les groupes musculaires imporventilatoire et de 5,2 ml/min/kg tants, montre après 8 semaines un au maximum. Cinq patients entraînés gain de VO2max de 8 %, une augmenacceptèrent un cathétérisme compa- tation de 11 % au test de marche de ratif à l’effort : le débit systolique a aug- 6 minutes, et une diminution du taux menté en moyenne de 15 ml au repos de norépinéphrine plasmatique au et de 17 ml à l’effort maximum, et la repos et à l’effort de 32 % (8). FE de 27 à 33 %. Les résistances pul- L’EP facilite le captage du glucose à monaires étaient abaissées de l’effort et pas seulement chez les dia242 ± 185 dynes.s.cm-5 au repos et de bétiques : à charge égale, chez des 187 ± 104 dynes.s.cm-5 à l’effort ; cette MCNO, après EP augmentant la capadiminution de plus de 20 % peut expli- cité d’effort de 27 %, la consommation de glucose augmente de 53 % au quer l’amélioration fonctionnelle. Dans le groupe témoin, aucun des niveau musculaire pour le même taux paramètres précédents n’a montré d’insulinémie (9). d’amélioration significative. Il est donc L’électromyogramme au repos et possible d’entraîner des IC sévères, à divers niveaux de contraction isodonc des moins sévères, sans être trop métrique chez des IC, ayant une rigoriste, en l’absence d’arythmies amyotrophie du quadriceps, montre une faible augmentation à l’effort ventriculaires d’effort. 30 Bénéfices sur la fonction endothéliale La dysfonction endothéliale de l’IC est la grande responsable de la vasoconstriction catastrophique par l’augmentation de la post-charge. Le syndrome neuro-hormonal est amélioré par les divers inhibiteurs de l’angiotensine, mais la vasodilatation NO-dépendante reste diminuée. Les études animales suggèrent que l’étirement (shear stress) des vaisseaux pendant l’effort stimule la production de L-arginine endothéliale et de la NO-synthase. Cette action se retrouve au niveau des coronaires, elle est en partie responsable de l’amélioration de l’ischémie par l’EP. De nombreux travaux font état d’une amélioration du débit instantané en réponse à un donneur de NO après EP. On observe une réduction des résistances périphériques au même niveau d’effort. Après EP en résistance des membres supérieurs, le gain de force est supérieur à 20 %, le débit instantané dans l’avant-bras augmente de 20 % au repos et de 32 % à l’effort (12). Bénéfices sur la fonction respiratoire Le renforcement des muscles respiratoires diminue le caractère pénible de la dyspnée et de l’hyperventilation, dont le seuil d’apparition est retardé. Chez des IC, après EP, la capacité de diffusion du CO et la conductance alvéolocapillaire augmentent respectivement de 25 % et 15 %. Malheureusement, après 8 semaines de “désentraînement”, les bénéfices ont disparu (13). Pour l’anecdote, chez des IC, la même équipe a démontré un effet majeur du sidenafil sur les valeurs de repos des pressions pulmonaires (14). Bénéfices en longévité et en capacité d’effort Smart (15) a publié une méta-analyse de 81 études pertinentes portant sur un total de 2 387 patients. Le pic de VO2 augmente de 17 % chez ceux qui ont eu un EP en endurance, 9 % chez les entraînés en résistance, et 16 % quand seuls les muscles inspiratoires ont été entraînés. Aucun décès n’est rapporté en 60 000 heures/patient en EP et dans les essais randomisés ; le risque relatif de décès est de 0,71 pour les IC entraînés. A première vue, cet EP peut paraître fatigant, voire pénible pour des patients en stade II-III de la NYHA, qui partie des “réadaptés” au même titre que les malades relevant de la chirurgie ou d’un infarctus. Plus on part de bas, plus les progrès même modestes sont sensibles. Chez des femmes âgées atteintes de dysfonction diastolique en classe II-III, l’EP améliore les scores de qualité de vie et de dépression de manière significative, par rapport au groupe témoin (16). > Comment organiser et superviser l’activité physique des cardiaques ? On a pu constater le faible nombre de cas des méta-analyses citées. Tout ou presque est à faire… Mais que faut-il faire et comment ? Quelques mesures simples sont à prendre. D’abord, il faut bien évaluer la capacité d’effort : - épreuves d’effort standard et avec mesure du pic de VO2 ; - identification des critères d’arrêt : inadaptation tensionnelle (préoccupante s’il ne s’agit pas d’un surdosage en IEC, bêtabloquants, diurétiques), salves de tachycardies ventriculaires (TV) ou de fibrillation auriculaire (FA). Ensuite, il faut entraîner le patient au début en milieu hospitalier, soit à Il faut d’abord bien évaluer sa capacité d’effort et ensuite titre externe dans un entraîner le patient. gymnase proche d’un service de cardiologie, ont par définition des symptômes à soit en maison de convalescence spél’effort. C’était notre sentiment en cialisée en cardiologie où les modalités 1988 quand nous avions démarré l’en- d’EP sont adaptées par les kinésithératraînement segmentaire chez des peutes, soit par musculation segment patients graves. Or, après la période par segment pour commencer, soit par d’essai, 80 % d’entre eux sollicitèrent alternance d’effort d’endurance et de la poursuite du programme et c’est renforcement musculaire. cette demande qui fut à l’origine du Après quelques semaines, l’EP à banc de Koch. Les IC sont trop laissés domicile est presque toujours posà eux-mêmes et apprécient de faire sible avec des haltères légers et un >>> 31 Cardio&Sport • n°2 réadaptation des potentiels musculaires (66 % versus 114 % en moyenne chez des “normaux”). Cette réduction est parallèle à la perte de force mesurée et à la fatigabilité (10). Roveda (11) a mesuré par microneurographie l’activité nerveuse au niveau du péronier latéral. Chez l’IC, le nombre de décharges (“burst”) est plus élevé que chez les “normaux”. Après EP, il diminue de 60 à 38 bursts/100 battements cardiaques. réadaptation >>> cyclo-ergomètre qui peut être loué. Mais, il faut entretenir la motivation. Bien des patients souhaitent une EP au long cours par la structure de réadaptation où ils ont “fait leurs classes”, mais ces structures ne peuvent dispenser cet EP au long cours que dans le cadre d’un acte de réadaptation forfaitisée au mieux à 40 séances. Dans ces structures, un cardiologue doit être présent, des moyens de réanimation sont obligatoires, et le transport débouche immanquablement sur les coûteux véhicules sanitaires légers (VSL) pour ces malades en affections de longue durée (ALD). On doit comprendre que la sécurité sociale ne peut accepter ces séances au-delà d’un forfait de 40 séances. Les clubs Cœur et Santé de la Fédération de Cardiologie ne peuvent admettre que des IC légers qui sont capables de faire des kilomètres de marche ou de vélo à allure modérée. En définitive, c’est bien encadré par les rares cardiologues motivés, les infirmières et les kinésithérapeutes impliqués dans les réseaux d’insuffisance cardiaque qu’on peut espérer entraîner à domicile ou dans des gymnases hospitaliers des patients motivés et encore capables de conduire, ou de s’exercer chez eux. Mais le financement reste à définir… > Et les sports ? Tout repose sur leurs exigences en VO2. Le bon sens et la connaissance des divers sports suffisent à permettre, autoriser, déconseiller ou interdire des sports-passion, allant de la pétanque à l’alpinisme. Mais, d’une part, l’IC impose vite ses limitations symptomatiques aux plus optimistes et, d’autre part, la marche et la musculation légère sont possibles à un stade avancé de IC, comme le montrent les publications citées. Il faut alors limiter les accélérations violentes, le port de sacs à dos lourds, la natation en eaux agitées, le vélo en côte, le tennis en simple, et toujours envisager les possibilités de secours en cas d’œdème pulmonaire aigu (OAP) ou d’arythmies. ❚ Cardio&Sport • n°2 À RETENIR (à retenir) • Mesures indispensables : - fraction d’éjection - pressions pulmonaires - pic de VO2 • Entraînement en résistance par groupe musculaire si pic de VO2 très bas • Prudence si arythmies ventriculaires d’effort • Bénéfices hémodynamiques, musculaires et psychologiques très importants • Structures et réadaptateurs peu disponibles • Sports paisibles possibles chez des insuffisants cardiaques légers Bibliographie 1. Saltin B, Blomqvist G, Mitchell JH et al. Response to exercise after bed rest and after training. Circulation 1968 ; 38 : suppl VII. 2. Sullivan MJ, Higginbotham MB, Cobb FR. Exercise training in patients with severe left ventricular dysfunction : hemodynamic and metabolic effects. Circulation 1988 ; 78 : 506-15. 3. Koch M, Douard H, Broustet JP. The benefice of graded exercise in chronic heart failure. Chest 1992 ; 101 : 231-5. 4. Krankel N, Adams V, Gielen S et al. Differential gene expression in skeletal muscle after induction of heart failure : impact of cytokines on protein phosphatase 2A expression. Mol Genet Metab 2003 ; 80 : 262-71. 5. O’Neill JO, Young JB, Pothier CE et al. Severe frequent ventricular ectopy after exercise as a predictor of death in patients with heart failure. J Am Coll Cardiol 2004 ; 44 : 820-6. 6. Erbs S, Linke A, Gielen S et al. Exercise training in patients with chronic heart failure : impact on left ventricular performance and cardiac size. Eur J Cardiac Rehab 2003 ; 10 : 336-44. 7. Magnusson G, Gordon A, Kaijser L et al. High intensity knee extensor training, in patients with chronic heart failure. Major skeletal muscle improvement. Eur Heart J 1996 ; 17 : 1048-55. 8. Tyni-Lenne R, Denker K, Gordon A et al Comprehensive local muscle training increases aerobic working capacity, and quality of life and decreases neurohormonal activation in patients with chronic heart failure. Eur J Heart Fail 2001 ; 3 : 47-52. 9. Kemppainen J, Stolen K, Kalliokoski KK et al. Exercise training improves insulin stimulated skeletal muscle glucose uptake independent of changes in perfusion in patients with dilated cardiomyopathy. J Card Fail 2003 ; 9 : 286-95. 10. Roveda F, Middlekauff HR, Rondon MU et al. The effects of exercise training on sympathetic neural activation in advanced heart failure : a randomized controlled trial. J Am Coll Cardiol 2003 ; 42 : 854-60. 11. Schulze PC, Linke A, Schoene N et al. Functional and morphological skeletal muscle abnormalities correlate with reduced electromyographic activity in chronic heart failure. Eur J Cardiovasc Prev Rehabil 2004 ; 11 : 155-61. 12. Katz SD, Krum H, Khan T et al. Exercise-induced vasodilation in forearm circulation of normal subjects and patients with congestive heart failure : role of endothelium-derived nitric oxide. J Am Coll Cardiol 1996 ; 28 : 585-90. 13. Guazzi M, Reina G, Tumminello G et al. Improvement of alveolar-capillary membrane diffusing capacity with exercise training in chronic heart failure. J Appl Physiol 2004 ; 97 : 1866-73. 14. Guazzi M, Tumminello G, Di Marco F et al. Influences of sildenafil on lung function and hemodynamics in patients with chronic heart failure. Clin Pharmacol Ther 2004 ; 76 : 371-8. 15. Smart N, Marwick TH. Exercise training for patients with heart failure. A systematic review of factors that improve mortality and morbidity. Am J Med 2004 ; 116 : 693-706. 16. Gary RA, Sueta CA, Dougherty M et al. Home based exercise improves functional performance and quality of life in women with diastolic heart failure. Heart and Lung 2004 ; 33 : 210-8. 32 échocardiographiques des sportifs “ultra-endurants” Nagashima J, Musha H, Takada H et al. New upper limit of physiologic cardiac hypertrophy in Japanese participants in the 100-km ultramarathon. Am J Cardiol 2003 ; 42 : 1617-23. Pr François Carré, CHU Pontchaillou, Université Rennes 1. HD à venir Le diamètre ventriculaire gauche d’un “ultra-endurant” peut excéder 70 mm. > Protocole Ainsi, de 1995 à 1997, 291 participants aux 100 km de Lake Saroma ont bénéficié, la veille du départ de “l’ultramarathon”, d’un échocardiogramme uniquement TM (Temps/Mouvement). Le critère d’inclusion unique était de terminer l’épreuve dans le temps imparti, soit moins de 14 heures. Un questionnaire permettant de préciser la quantité d’entraînement et l’absence de pathologies, en particulier cardiovasculaires, a été secondairement rempli par les coureurs. Comme en témoignent les accidents dramatiques et hypermédiatisés récents, les limites du “cœur d’athlète” restent un sujet d’actualité. Cette étude japonaise s’est intéressée aux caractéristiques échocardiographiques d’une discipline d’ultra-endurance, la course de 100 kilomètres. Nous avons relativement peu de données concernant ce type de sportifs. Selon les auteurs, les valeurs de certains des paramètres analysés, beaucoup plus élevés que les valeurs classiques, peuvent être dues à l’âge des sportifs et peut-être à une influence génétique chez ces sujets asiatiques, ainsi qu’au type de sport pratiqué qui avait été peu étudié jusqu’ici. L’absence de corrélation avec la surface corporelle, pourtant classique, peut s’expliquer par le fait que tous les sportifs pratiquent la même discipline. Ils insistent donc sur la possibilité d’observer, chez certains sportifs ultraendurants, des valeurs des paramètres échographiques plus élevées que les limites classiquement rapportées. > Commentaires > Résultats (Tab. 1) Concernant le diamètre télédiastolique, il était supérieur à 70 mm chez 33 des athlètes. Les analyses de régression simple ont principalement révélé une bonne corrélation (r > 0,5 et p < 0,0001) entre la quantité d’entraînement mensuel, la fréquence cardiaque de repos (r = 0,56) et les diamètres du ventricule gauche (VG) (télédiastole : r = 0,73 ; télésystole : r = 0,58). Les épaisseurs pariétales ventriculaires (SIV : r = 0,25 ; PP : r = 0,24) et le diamètre de l’aorte (r = 0,27) étaient faiblement corrélés avec l’âge. MOTS CLÉS Cœur d’athlète, échocardiogramme, ultra-endurants Les résultats de cette étude japonaise, malgré ces limites (inhomogénéité de la population, absence d’analyse des fonctions ventriculaires, manque de suivi cardiologique des sujets), méritent d’être gardées en mémoire. En effet, elle concerne un grand échantillon de sportifs ultra-endurants pour lesquels nous avons peu de données. Les données chiffrées rapportées ne manquent pas d’interpeller, d’autant que la surface corporelle des sujets est relativement faible (1,66 ± 0,1 m2), une indexation de ces paramètres ne ferait que les majorer. Une des conclusions principales pourrait être que l’on peut participer et terminer une course de 100 km avec un diamètre ventriculaire gauche de plus de 70 mm ! ❚ Tableau 1 • Données relevées sur les participants. Paramètres Moyenne Ecart-type Range Age (ans) 41,8 9,7 20-73 Entraînement (km/mois) 409 206 0-920 Fréquence cardiaque (bpm) 50,6 5,6 30-79 VG télédiastole (mm) 61,8 6,9 42-75 VG télésystole (mm) 39,6 6,0 23-55 Septum IV (mm) 10,2 1,9 5-19 Paroi postérieure (mm) 10,0 1,4 5-15 Aorte (mm) 38,5 4,0 27-50 OG (mm) 40,2 4,8 26-49 33 Cardio&Sport • n°2 analyse d’articles � Caractéristiques analyse d’articles � Réserve coronaire en altitude MOTS CLÉS Altitude, sténose, réserve coronaire, exercice physique Retzet G et al. Influence of altitude exposure on coronary flow reserve. Circulation 2003 ; 108 : 1202-7. Pr François Carré, CHU Pontchaillou, Université Rennes 1. L’exposition à l’altitude impose une contrainte au système cardiorespiratoire, en majorant le travail cardiaque, et augmente le risque d’accidents cardiaques lors ou en dehors d’une activité sportive chez les coronariens. C’est pourquoi, il est couramment recommandé aux coronariens désireux d’arpenter les cimes de ne pas dépasser une altitude de 2 000-2 500 mètres. Cette altitude correspond, par ailleurs, au niveau de pressurisation de la plupart des avions de ligne. A u “repos”, l’extraction d’oxygène par le myocarde est quasi-maximale. Ainsi, lors de l’exercice musculaire, l’augmentation du débit coronaire est le facteur d’adaptation à la demande accrue en oxygène du myocarde. Peu de chose est connu sur la réponse de la circulation coronaire à l’exposition à l’altitude. Dans le domaine expérimental, il a été récemment montré que le débit coronaire de repos et le débit coronaire maximal étaient augmentés en réponse à une exposition aiguë ou chronique à l’hypoxie. Chez l’homme, l’équipe responsable de cette étude a précédemment montré qu’une exposition à la haute altitude s’accompagnait d’une augmentation du débit coronaire de repos chez les sujets sains. Dans ce travail complémentaire, la réserve coronaire, exercice et pharmacologique dépendante, a été étudiée chez des sujets sains et des coronariens non adaptés à l’altitude. > Protocole Dix sujets sains (23 ± 2 ans) et 8 coronariens stables présentant des sténoses entre 50 et 90 % ont été exposés à une haute altitude (4 500 m pour les sujets sains et 2 500 m pour les coronariens), par respiration d’un gaz de composition adaptée. La réserve Cardio&Sport • n°2 coronaire a été mesurée par Il faut conseiller aux patients coronariens modérés PET-scan (tomographie de limiter leurs activités physiques en altitude d’émission de positons), moyenne. après injection intraveineuse (IV ) d’adénosine et après exercice sur ergocycle en posi- conjugué de l’exercice et de la haute tion couchée (70 % de la capacité altitude. Par contre, chez les coronamaximale). riens modérément sévères, le débit coronaire s’adapte mal à l’exercice intense en altitude. La baisse de la réserve coronaire semble due à une > Résultats Lors de l’exposition en altitude, chez altération de la réponse vasomotrice tous les patients, l’augmentation du à l’effort car la réponse à l’adénosine produit de la pression artérielle et de la est conservée. Cette altération, fréquence cardiaque (PA x FC) s’accom- concernant essentiellement les segpagne d’une majoration de l’angor (cli- ments sténosés, confirme que l’exernique et électrique) à l’effort. Le débit cice qui dilate les artères saines coronaire basal est augmenté et le débit aggrave les sténoses coronaires. coronaire maximal n’est pas augmenté ni à l’effort ni sous adénosine. Surtout, En conclusion, les résultats de cette la réserve coronaire à l’effort est dimi- étude nous invitent à conseiller à nos nuée (-18 %, p < 0,005). Chez les sujets patients coronariens modérés (au sains, pourtant exposés à une altitude moins masculins, l’étude ne comporplus élevée, le débit coronaire de repos tant pas de femmes) de limiter leurs est augmenté, les réponses à l’adéno- activités physiques en altitude sine ne sont pas modifiées et le débit moyenne et à être prudent pour les coronaire maximal est augmenté à l’ef- patients les plus sévères vis-à-vis des fort (+38 %, p < 0,01). La réserve coro- voyages en avion. Les valeurs seuils de fréquence cardiaque (ischémique, naire à l’effort est conservée. rythmique, clinique), déterminées lors d’une épreuve d’effort réalisée au niveau de la mer, mériteraient donc > Commentaires Ces résultats montrent donc les capa- d’être revues à la baisse pour la pracités d’adaptation remarquables des tique d’activités physiques en altiartères coronaires saines au stress tude moyenne. ❚ 34 Lille a accueilli, du 16 au 18 septembre dernier, le 8e congrès international sur l’homme et l’effort, plus communément appelé “congrès Cœur et Sport”, organisé par le Dr Pascal Poncelet et le Club des Cardiologues du Sport. Outre son interactivité illustrée par la disMOTS CLÉS Cardiologie du sport, cussion de cas cliniques et des ateliers, cette réunion scientifique a livré des troubles du rythme, mises au point sur les questions les plus actuelles de la cardiologie du sport. Dr Stéphane Doutreleau, Service des EFR et de l’exercice, Hôpital civil, Strasbourg - Pr François Carré, CHU Pontchaillou, Université Rennes 1. > Troubles du rythme et sport Lors de la session sur “troubles du rythme et sport”, les intervenants ont insisté sur l’importance du caractère symptomatique des troubles et sur l’absolue nécessité de mettre en évidence l’existence d’un substrat arythmogène. L’intérêt de l’exploration électrophysiologique des syndromes de WolffParkinson-White chez le sportif, même intermittente, a été rappelé par le Pr Lacroix (Lille). Concernant les troubles du rythme ventriculaire, le Pr Mabo (Rennes) a rappelé qu’une arythmie ventriculaire en apparence bénigne peut perdre cette caractéristique dans le contexte de l’effort, vu les perturbations neurohormonales et électrolytiques qui l’accompagnent ; ceci d’autant qu’il n’est pas exclu que l’hypertrophie cardiaque “physiologique” du sportif, en dehors de toute anomalie fonctionnelle, puisse parfois favoriser le développement de mécanismes arythmogènes comme des phénomènes de réentrée. Les difficultés posées par la découverte d’un QT long chez le sportif ont été abordées par le Pr Drici (Nice). L’intérêt de réaliser un électrocardiogramme (ECG), avec hyperventilation dans un contexte clinique évocateur, a été rappelé pour aider au diagnostic de QT long. La difficulté de la mesure précise de la durée de QT chez les grands bradycardes, vu les limites de la formule de Bazett dans ce contexte, a aussi été soulignée. Certaines conditions observées lors des épreuves sportives (stress, hyperventilation, natation) peuvent favoriser la survenue d’accidents chez les patients porteurs de QT long. Les formes musculation, entraînement, urgence vitale LQT1 et LQT2 sont des contre-indications formelles à la pratique sportive. Enfin, les limites de l’enquête génétique (coût, délai d’obtention des résultats, existence de mutations sans expression...) en restreignent actuellement l’utilisation, dans le contexte de la non contre-indication à la pratique sportive. > Musculation et système cardiovasculaire Les questions classiques concernant les relations entre musculation et système cardiovasculaire n’ont pas été oubliées. Le Dr Pascal Poncelet a tout d’abord souligné la nécessité formelle de traiter les sportifs hypertendus (malgré la pratique sportive), chez qui la performance physique est diminuée par l’hypertension artérielle (HTA) non traitée. Le Pr Chanudet (Paris) a ensuite corrigé les fausses idées négatives associées à la pratique de la musculation sur les chiffres tensionnels. Les réponses “explosives” de pression artérielle concernent les efforts purement statiques qui sont rares. De même, les limites de la mesure isolée de la pression artérielle ont été soulignées, la contrainte pariétale vasculaire dépendant en fait du gradient pression intravasculaire et pression >>> 35 Cardio&Sport • n°2 congrès Congrès Cœur et Sport 2004 congrès >>> extravasculaire (augmentée lors d’une manœuvre de Valsalva par exemple). Ainsi, la pratique d’un renforcement musculaire d’intensité adapté et techniquement bien réalisé peut être autorisée chez l’hypertendu. En réadaptation cardiovasculaire, il doit même être proposé de manière adaptée comme l’a rappelé le Dr Jean-Claude Verdier (Paris). > Les vaisseaux Ils jouent un rôle important dans les adaptations du système cardiovasculaire aux contraintes de l’exercice musculaire. Les artères comme les veines vont présenter chez les sportifs de haut niveau d’entraînement (8-10 heures par semaine) des adaptations bénéfiques morphologiques et fonctionnelles, en particulier de la fonction endothéliale. Ces dernières s’observent aussi chez les cardiaques réentraînés (Pr François Carré, Rennes). L’intérêt de la mesure tensionnelle simultanée, au niveau des quatre membres (rapport PA membre inférieure/membre supérieur) pour l’exploration des pathologies vasculaires chez le sportif, a été rappelé par le Dr Abraham (Angers). Les informations données par cet examen associé aux données de l’interrogatoire permettent de diagnostiquer la majorité des endofibroses artérielles. La mesure de la pression d’O2 transcutanée, par électrode cutanée, permet aussi de diagnostiquer des insuffisances artérielles touchant des territoires très localisés. > Les interactions cœur/poumons lors de l’exercice La nécessité d’une collaboration plus étroite entre les pneumologues et les cardiologues a été illustrée par la session sur “les interactions cœur/poumons lors de l’exercice”. La plongée sous-marine illustre de Cardio&Sport • n°2 façon quasi-expérimentale ces interactions. Après un rappel sur les caractéristiques physiologiques de cette activité, le Dr Vincent Lafay (Marseille) nous a rappelé la prudence qui doit être observée chez les “cardiaques”. Un malaise en plongée sous-marine se transforme souvent en mort subite et les risques lors de la plongée en scaphandre autonome (“avec bouteilles”) sont les mêmes, quelle que soit la profondeur. L’asthme reste une contre-indication formelle à la pratique de la plongée en scaphandre autonome. Son diagnostic chez le sportif n’est pas toujours aisé et il est souvent porté de façon excessive, d’autant qu’il existe manifestement des formes d’hyperréactivité bronchique chez les “endurants” qui ne sont pas vraiment des “asthmes”. Le Pr Wallaert (Lille) a ainsi confirmé que le pratiquant, en particulier de sports de plein air, était plus exposé aux risques de cette affection. Son diagnostic reposera sur des explorations fonctionnelles de bonne qualité (repos posteffort, tests de provocation), réalisées par un pneumologue. L’existence de l’anaphylaxie d’effort d’origine alimentaire a aussi été rappelée. Cette affection non rare se caractérise par une réaction allergique, allant de l’éruption cutanée modérée jusqu’à l’œdème de Quinck, lors de la réalisation d’un effort intense ou non, suite à l’ingestion d’aliments allergènes. Parmi ceux-ci, les plus fréquents sont les crustacés, les céréales et les cacahuètes. La fréquence des indications d’épreuves d’effort avec analyse des échanges gazeux (calcul de la VO2max.) va en croissant. Dans le cadre de la difficulté de diagnostic étiologique de certaines dys- 36 pnées, le Dr Poirier (Montréal) a insisté sur les renseignements que pouvait apporter l’analyse de la cinétique et des valeurs absolues du pouls d’oxygène. Ce paramètre obtenu en divisant la VO2 par la fréquence cardiaque correspond, selon l’équation de Fick, au produit du volume d’éjection systolique (facteur central des adaptations) et de la différence artérioveineuse (facteur périphérique). Il reflète donc, dans certaines limites, la contractilité myocardique, et son altération peut être en faveur d’une origine cardiaque à la dyspnée. > Les questions des cardiologues sur l’entraînement La dernière session de ce congrès a essayé de répondre aux questions que “le cardiologue aimerait savoir sur l’entraînement sans oser le demander”. Les exposés se sont limités aux efforts d’endurance. Le Dr Richard (Strasbourg) nous a ainsi appris que la VO 2 max n’était pas la seule responsable de la performance des efforts de longue durée. Deux autres facteurs au moins interviennent de façon majeure : l’endurance (ou capacité aérobie) qui se définit par la capacité de maintenir pendant un temps prolongé un haut pourcentage de la VO2max, et le coût énergétique (économie de course en course à pied) qui correspond à la VO 2 utilisé par un sportif pour réaliser son geste à une intensité donnée (VO2 consommée pour courir à 15 km/h par exemple). La puissance maximale du métabolisme aérobie (PMA) correspond au début du plafonnement de la VO 2. Cette PMA (vitesse maximale aérobie, > Le suivi médical des sportifs de haut niveau Les cardiologues vont être sollicités par le nouvel arrêté paru au Journal contre le dopage (CPLD). Seules ces instances sont aptes à prendre la décision d’autoriser le sportif à participer à des compétitions avec le traitement proposé. Les dossiers et informations complètes sont accessibles sur le site rappelé ci-dessus. > La gestion des urgences vitales lors des manifestations sportives Officiel concernant “le suivi médical des sportifs entrants ou faisants partie des filières de haut niveau” (13 à 15 000 sujets). En effet, comme l’a rappelé le Pr François Carré (Rennes), ces pratiquants devront, entre autres, bénéficier d’un échocardiogramme transthoracique de repos une fois dans leur carrière (deux pour les plus jeunes) et au moins d’une épreuve d’effort tous les 4 ans. Le coût de ces examens est à la charge de la fédération ou du pratiquant. Les curieux pourront en savoir plus en allant visiter le site www.santesport.gouv.fr. La classique “justification thérapeutique” sur simple ordonnance n’est plus valable, elle est remplacée par “l’Autorisation d’usage à des fins thérapeutiques”. L’AUT concerne la prescription de médicaments figurant sur la liste des produits interdits chez les sportifs, liste qui sera harmonisée et unique en 2005. Si l’état de santé de l’athlète le justifie, un dossier rempli en partie par le médecin prescripteur devra être envoyé à la fédération concernée ou au Conseil de lutte et de prévention 37 Une table ronde a cherché à faire le point sur “la gestion des urgences vitales lors des manifestations sportives”. Les preuves de l’intérêt des défibrillateurs semi-automatiques ainsi que les difficultés et les réticences qui subsistent pour leur déploiement dans les différentes enceintes sportives de l’hexagone ont été rappelés par le Dr Jean Gauthier (Arles). Suite aux dramatiques accidents médiatisés survenus récemment, le Dr Gorodetzki (Paris) nous a appris qu’une réflexion était en cours auprès des fédérations internationales pour assouplir les règlements en cours, dans le but de faciliter les interventions des équipes d’urgentistes sur le terrain en cas d’urgence vitale. Enfin, le Dr Lestavel (Lille) a montré la difficulté de gestion de la sécurité pour les pratiquants et surtout, car ils sont plus à “risques”, pour les spectateurs, lors d’une manifestation sportive de grande envergure. Dans ce cadre, un véritable plan intégrant différentes équipes d’horizons divers et permettant un fonctionnement bien huilé doit être réfléchi et proposé. La conclusion de cette édition 2004 du congrès Cœur et Sport a été faite par le Dr Pascal Poncelet, qui a passé le relais aux deux organisateurs de la prochaine édition, les Docteurs Jean Gauthier et Vincent Lafay. Le 9e congrès Cœur et Sport se tiendra à Marseille du 09 au 11 juin 2006. A vos agendas ! ❚ Cardio&Sport • n°2 congrès VMA ou VAM des coureurs à pied) qui dépend de la VO 2max et du coût énergétique peut être maintenue pendant une durée relativement brève (4 minutes chez le sédentaire à 8 minutes en moyenne chez les sportifs de haut niveau). En réalité, ce temps limite de maintien de la VO 2 max varie selon les athlètes (entre 6 et 12 minutes), il mérite donc d’être évalué dans cette population. Le but de l’entraînement chez les athlètes sera d’améliorer de façon harmonieuse les différentes pièces du puzzle de la performance. Ainsi, comme l’a souligné le Pr Bosquet (Lille), les adaptations à l’entraînement aérobie dépendent de son intensité. En-dessous de 80 % de la VO 2max, l’effet est surtout central (myocarde) et, au-delà de 90 % de la VO2max, les bénéfices sont surtout périphériques. Les effets de l’entraînement de la force sont aussi intensité-dépendants. En-dessous de 80 % de la force maximale volontaire (FMV), les adaptations prédominent au niveau périphérique et, au-delà de 90 % de la FMV, le rôle du recrutement des unités motrices devient prédominant. L’intérêt de la pratique d’une musculation spécifique, à doses adaptées (< 80 % FMV ), ne développant pas une hypertrophie musculaire, pour l’amélioration des performances dans les efforts d’endurance, a été souligné. agenda 25E JOURNÉES DE L'HYPERTENSION ARTÉRIELLE 16-17 décembre 2004 Paris • Thèmes - Marqueurs de l’inflammation et atteinte vasculaire - Réduction du risque vasculaire : antihypertenseurs ou statines - Nouveautés sur les récepteurs AT2 - HTA et dysrégulation du baroréflexe… • Renseignements HTA 2004 - Colloquium 12, rue de la Croix-Faubin 75557 Paris Cedex 11 Tél. : 01 44 64 15 15 - Fax : 01 44 64 15 16 E-mail : [email protected] Site : www.sfhta.org 15E JOURNÉES EUROPÉENNES DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE CARDIOLOGIE CONGRÈS HIGH TECH CARDIO • Thèmes - Attitude du coronarien à la compétition sportive - Fibrillation auriculaire et insuffisance cardiaque - Sport sur ordonnance en cardiologie - Rythmologie - Réadaptation et sport… 26-28 janvier 2005 Marseille • Thèmes - La coronarographie non invasive va-t-elle s’imposer ? - Stents à libération de principe actif : le présent, le futur - Stents actifs - Infarctus du myocarde : stratégies thérapeutiques… • Renseignements Société Française de Cardiologie 15 rue Cels - 75014 Paris Tél. : 01 43 22 33 33 Sites : www.sfcardio.fr Secrétariat scientifique Tél. : 01 43 22 24 15 - Fax : 01 43 22 63 61 E-mail : [email protected] • Inscriptions Albine Conseil 5 rue Saint Pantaléon - BP 844 31015 Toulouse Cedex 06 Tél. : 05 34 45 26 45 - Fax : 05 34 45 26 46/47 E-mail : [email protected] • Renseignements CR2 Conseil 60, rue du Dessous des Berges 75013 Paris Tél. : 01 53 79 05 05 - Fax : 01 53 79 26 88 E-mail : [email protected] Site : www.cr2conseil.com nda age (JOURNÉES MIREILLE BROCHIER) 19-22 janvier2005 Paris Salut Louis ! Louis Auriacombe nous a quitté dans le courant du mois d’août. Louis était un “touche à tout” de talent. Cardiopédiatre reconnu par ses pairs, il était réputé pour ses qualités de cathétériseur qu’il exerçait à l’hôpital Necker à Paris. Louis a été un des membres fondateurs du Club des Cardiologues du Sport dont il occupait la fonction de vice-président. La toute jeune revue Cardio & Sport a eu l’honneur et la chance de le compter parmi ses auteurs puisqu’il a été le coordinateur de son premier dossier sur le cœur de l’enfant sportif. Louis aimait passionnément le sport. Spectateur, certaines fois même supporter, il était assidu aux diverses compétitions parisiennes. Il était aussi pratiquant, et ces dernières années il s’était mis au golf. Et même si il était parfois un peu bavard sur le sujet, il se débrouillait bien le bougre ! Cardio&Sport • n°2 38 Fou de cinéma, Louis était un autodidacte qui jouait aussi de divers instruments de musique. Il excellait dans la clarinette et n’était jamais le dernier pour participer à un “bœuf” impromptu. Il interprétait d’ailleurs très bien “Les copains d’abord”, morceau dont il était l’illustration parfaite. S'il me fallait résumer Louis en un mot, je choisirai “humain”. Oui, Louis était profondément humain et avoir pu discuter avec lui pendant de longs moments de tout et de rien reste pour moi un privilège. Arrivederci Louis ! François Carré, rédacteur en chef