La clinique de l`embolie pulmonaire
Transcription
La clinique de l`embolie pulmonaire
La Revue de médecine interne 28 (2007) 394–399 http://france.elsevier.com/direct/REVMED/ Mise au point La clinique de l’embolie pulmonaire : décidément difficile Clinical diagnosis of pulmonary embolism: a real challenge G. Le Gala,*, M. Righinib, D. Mottiera a Département de médecine interne et pneumologie (GLG, DM), centre hospitalier universitaire de la Cavale Blanche, EA 3878 (Groupe d’étude de la Thrombose de Bretagne Occidentale), boulevard Tanguy-Prigent, 29609 Brest cedex, France b Division d’angiologie et d’hémostase (MR), hôpitaux universitaires de Genève, Genève, Suisse Reçu le 23 août 2006 ; accepté le 2 novembre 2006 Disponible sur internet le 27 novembre 2006 Résumé Les signes cliniques de l’embolie pulmonaire ne sont pas suffisamment sensibles et spécifiques pour que le diagnostic puisse être éliminé ou affirmé sur la seule foi de l’interrogatoire et de l’examen clinique. Une douleur thoracique reproductible à la palpation ne doit pas par exemple faire écarter le diagnostic. Pourtant, l’évaluation clinique des patients suspects d’embolie pulmonaire est primordiale car elle permet de déterminer de façon implicite ou à l’aide de scores de prédiction la probabilité clinique d’embolie pulmonaire, étape indispensable des stratégies diagnostiques. Chez les sujets âgés, le diagnostic de l’embolie pulmonaire est particulièrement difficile. En effet, alors que le diagnostic doit être affirmé ou infirmé avec certitude, la sensibilité des signes cliniques diminue, et l’évaluation de la probabilité clinique est donc plus difficile. Par ailleurs, un certain nombre de tests ont des performances diagnostiques diminuées. La diminution de la prévalence de l’embolie pulmonaire parmi les patients suspects de ce diagnostic pose le problème de la définition même de la suspicion clinique de l’embolie pulmonaire, et constitue un nouveau défi pour le clinicien. La maladie veineuse thromboembolique par sa complexité diagnostique et thérapeutique est dans le champ d’expertise de l’interniste. © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Abstract Clinical signs of pulmonary embolism are neither sensitive nor specific enough to rule in or out the diagnosis in suspected patients. As an example, a chest pain that is reproducible at palpation in suspected patients was recently shown not to be associated with a lower proportion of confirmed cases of pulmonary embolism. However, clinical evaluation of patients with suspected pulmonary embolism is important, because it allows the physician to assess the clinical probability of pulmonary embolism, a mandatory step in diagnostic strategies for this disease. In elderly patients, the diagnosis of pulmonary embolism is particularly challenging. Indeed, the diagnostic value of symptoms and clinical signs of pulmonary embolism is reduced, the evaluation of the clinical probability is more difficult, and performances of some diagnostic tests are diminished with increasing age. The diminution of the proportion of confirmed cases among suspected patients is a new challenge for physicians, and raises the question of what is a clinical suspicion of pulmonary embolism. © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Embolie pulmonaire ; Clinique ; Diagnostic ; Score de prédiction clinique Keywords: Pulmonary embolism; Signs and symptoms; Diagnosis * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (G. Le Gal). 0248-8663/$ - see front matter © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.revmed.2006.11.002 G. Le Gal et al. / La Revue de médecine interne 28 (2007) 394–399 1. Introduction Le diagnostic de l’embolie pulmonaire reste difficile : les signes cliniques ne sont ni suffisamment sensibles ni suffisamment spécifiques pour autoriser le clinicien à affirmer ou à éliminer le diagnostic sur la seule foi de son interrogatoire et de son examen. Or, l’embolie pulmonaire est grave, régulièrement mortelle si elle n’est pas traitée, son traitement par anticoagulant est long (plusieurs mois), contraignant (surveillance par INR), et non dénué de risques (mortalité de l’ordre de 0,5 à 1 % par an par accidents hémorragiques graves) [1]. Enfin, alors que ces éléments imposent un diagnostic de certitude (positif ou négatif), l’examen de référence, l’angiographie pulmonaire, est un examen coûteux, invasif, et non dénué de risques. Cela explique le développement de multiples stratégies diagnostiques au cours des deux dernières décennies pour remplacer cet examen de référence (ou gold standard). Ces stratégies se sont révélées sûres et efficaces dans des études prospectives mais l’utilisation séquentielle de multiples tests est parfois ressentie comme contraignante et peu pratique par les cliniciens. Il est important de rappeler que les examens diagnostiques utilisés dans ces stratégies ne sont eux-mêmes ni parfaitement sensibles, ni parfaitement spécifiques, et qu’ils ont donc dû être associés à l’évaluation de la probabilité clinique, c’est-à-dire à l’estimation du risque de maladie chez chaque patient, pour augmenter leur utilité diagnostique (nous y reviendrons). La probabilité clinique d’embolie pulmonaire peut être évaluée par le clinicien implicitement ou à l’aide de scores de prédiction, avant la réalisation des examens complémentaires. Le décor est donc planté : l’embolie pulmonaire est une maladie potentiellement mortelle si elle n’est pas traitée, dont le diagnostic est difficile (faisant appel à des stratégies diagnostiques basées sur la probabilité clinique), pourtant indispensable au moment d’entreprendre un traitement long et délicat. Cela explique l’attention toute particulière portée à la valeur de l’examen clinique chez les patients suspects de cette pathologie. 2. Peut-on combiner les données cliniques pour améliorer leurs performances diagnostiques ? Si aucune donnée d’interrogatoire ou d’examen n’est suffisante seule pour éliminer ou affirmer le diagnostic, la combinaison de plusieurs de ces critères permet d’obtenir des informations plus précises et utiles à la prise en charge diagnostique des patients. Les examens diagnostiques développés pour remplacer l’angiographie pulmonaire n’ont pas une sensibilité et une spécificité parfaites. Toutefois, une propriété importante des tests diagnostiques est qu’à sensibilité et spécificité égales, leurs performances diagnostiques varient en fonction de la prévalence de la maladie parmi les patients testés. Un test sensible a une valeur prédictive négative d’autant plus forte que la prévalence de la maladie dans la population testée est faible. Il est possible, pour améliorer leur rendement diagnostique, d’exploi- 395 ter cette propriété des tests en utilisant la probabilité clinique : dans un groupe de patients pour lesquels la probabilité clinique est faible, la prévalence de l’embolie pulmonaire est faible. À l’inverse, la prévalence de l’embolie est élevée parmi les patients ayant une probabilité clinique forte. La détermination de la probabilité clinique est ainsi devenue une étape indispensable dans l’évaluation des patients suspects d’embolie pulmonaire. Elle permet d’isoler un groupe de patients dans lequel la prévalence de la maladie est faible, et dans lequel la stratégie diagnostique peut être simplifiée et le diagnostic éliminé même par des examens imparfaitement sensibles, alors qu’il pourra être utile de poursuivre les investigations dans un groupe de patients ayant une forte probabilité clinique, et donc appartenant à un groupe de patients dans lequel la prévalence de l’embolie pulmonaire est forte. La probabilité clinique peut être déterminée de façon implicite par le clinicien grâce à son expérience, en fonction des données de l’interrogatoire et de l’examen. Elle peut également se faire à l’aide des scores de prédiction clinique. Ceux-ci ont l’avantage de s’affranchir de la subjectivité de l’évaluation implicite, grâce à leur caractère standardisé, ce qui peut être particulièrement utile pour les plus jeunes, souvent en première ligne aux urgences auprès de ces patients. La stratégie et la conclusion diagnostiques peuvent varier de façon importante en fonction de la probabilité clinique. Dans ce contexte, il peut être plus rassurant pour le clinicien de disposer d’un élément objectif pour la prise de décision. Enfin, la plupart des stratégies diagnostiques validées ces dernières années pour le diagnostic de l’embolie pulmonaire utilisent la probabilité clinique telle qu’évaluée par un score de prédiction. Or, l’importance de respecter de façon stricte les stratégies diagnostiques validées a récemment été soulignée par un travail français. Dans cette étude, une multiplication par 4 du risque thromboembolique à trois mois était observée chez les patients considérés indemnes d’embolie et non anticoagulés sur la foi d’une démarche diagnostique non-appropriée [2]. Les scores permettent aussi d’identifier clairement et de connaître les paramètres les plus fortement associés à la présence d’une embolie chez les patients suspects, et par-là même d’améliorer l’évaluation implicite de la probabilité clinique par les cliniciens. En effet, ils sont obtenus en sélectionnant par un modèle de régression logistique chez des patients suspects — les facteurs de risque acquis ou constitutionnels, les circonstances à risque, les signes cliniques de maladie veineuse thromboembolique, l’existence ou non d’un diagnostic alternatif — ceux qui sont le plus fortement et indépendamment associés à la présence d’une embolie pulmonaire. Le nombre de points attribué à chaque paramètre pour le calcul du score est fonction de l’intensité avec laquelle la présence de ce paramètre augmente la probabilité qu’une embolie soit présente. Il est possible ensuite d’estimer pour chaque patient en fonction du nombre de points la probabilité qu’il ait réellement une embolie. Les scores disponibles ne permettent toutefois pas non plus d’éliminer ou d’affirmer à eux seuls de façon sûre le diagnostic. Au mieux, ils permettent d’identifier d’une part un groupe 396 G. Le Gal et al. / La Revue de médecine interne 28 (2007) 394–399 Tableau 1 Les scores de prédiction de l’embolie pulmonaire Âge 60–79 ans ≥80 Antécédent de MVTE Chirurgie récente FC>100 PaCO2 <36 mmHg 36–39 Score de Genève [4] PaO2 +1 <49 +2 49–59,9 +2 60–71,2 +3 71,3–82,4 +1 Radiographie Atélectasie +2 Élévation de +1 coupole +4 +3 +2 +1 +1 +1 Probabilité clinique Points EP (%) Faible Intermédiaire Forte 0–4 5–8 ≥9 8–13 % 34–43 % 69–90 % Score de Wells [3] Cancer +1 Hémoptysie +1 Antécédent de MVTE +1,5 FC>100 +1,5 Chirurgie/immobilisation +1,5 Signes cliniques de TVP +3 Diagnostic alternatif moins +3 probable que l'EP Probabilité clinique Faible Intermédiaire Forte de patients ayant une probabilité clinique dite faible, avec une prévalence d’embolie pulmonaire de 10 % environ, et d’autre part un groupe de forte probabilité dans lequel la prévalence de l’embolie est supérieure à 60 %. Parmi les scores existants, deux d’entre eux ont été plus largement validés, et leur utilité démontrée. Il s’agit du score canadien (score de Wells) [3], et du score de Genève [4]. Ils sont rappelés dans le Tableau 1. Les performances diagnostiques de ces deux scores se sont révélées comparables [5], et similaires à l’estimation implicite par un clinicien expérimenté, l’estimation par les scores permettant toutefois une meilleure reproductibilité [6]. L’originalité du score de Genève est l’utilisation des résultats de la radiographie du thorax et de la gazométrie artérielle. C’est aussi sa limite, car ces examens ne sont pas réalisés chez tous les patients suspects [5]. Le score de Wells est également largement utilisé, bien qu’il inclut la notion de « diagnostic alternatif moins probable que l’embolie ». Cet item a un poids majeur dans ce score. Pourtant, l’appréciation par le clinicien de la probabilité d’un éventuel diagnostic alternatif, si elle est un puissant prédicteur de l’embolie, ne peut être standardisée et repose sur l’expertise du clinicien qui évalue le patient, limite dont les scores veulent justement s’affranchir. Cela explique pourquoi nous avons voulu développer un nouveau score, simple, entièrement clinique et facile à calculer, complètement standardisé et reposant sur des paramètres aisément recueillis. Pour cela, nous avons volontairement exclu des candidats prédicteurs la probabilité d’un diagnostic alternatif par rapport à celle de l’embolie (car elle ne peut être standardisée, cf l’item « diagnostic alternatif moins probable que l’embolie » figurant dans le score de Wells), et les résultats de la gazométrie et de la radiographie du thorax (car ces tests ne sont pas toujours réalisés en pratique) [7]. Ce nouveau score est rapporté dans le Tableau 1. Il a fait l’objet d’une validation externe dans un collectif de patients différents de celui qui a servi à le construire. Cependant, sa validation finale dans une étude prospective où la probabilité clinique évaluée par ce score devient décisionnelle et guide la stratégie diagnostique n’est pas terminée. Points EP (%) <2 2–6 >6 2–6 % 17–24 % 54–78 % Score révisé de Genève [7] Âge>65 ans +1 Cancer +2 Hémoptysie +2 Antécédent de MVTE +3 Douleur spontanée du mollet +3 Chirurgie ou fracture récente +2 Signes cliniques de TVP +4 Fréquence cardiaque 75–94 +3 ≥95 +5 Probabilité Points EP (%) clinique Faible 0–3 7–12 % Intermédiaire 4–10 24–31 % Forte ≥11 58–82 % 3. Valeur différentielle de la clinique de l’embolie pulmonaire en fonction de l’âge Les patients âgés constituent une population particulièrement à risque vis-à-vis de la maladie veineuse thromboembolique : l’incidence de cette pathologie dépasse 1 % par an après 75 ans, contre 0,5 pour mille et par an avant 40 ans [8], et la mortalité est plus importante. Les patients âgés sont souvent atteints d’autres pathologies cardiopulmonaires qui partagent symptômes et signes cliniques avec l’embolie pulmonaire : insuffisance cardiaque, bronchopneumopathie chronique obstructive. Cela complique encore l’interprétation des données issues de l’interrogatoire et de l’examen clinique. Vérifier les performances de la clinique dans ce contexte est d’autant plus important que bon nombre d’examens complémentaires utilisés pour le diagnostic de l’embolie pulmonaire voient leur sensibilité ou leur spécificité diminuer chez les sujets âgés. Par exemple, si les D-Dimères gardent une sensibilité et donc une valeur prédictive négative identiques, leur spécificité (et donc leur utilité) est réduite chez le sujet âgé. En effet, chez les patients suspects d’embolie pulmonaire âgés de plus de 80 ans, ils sont négatifs dans seulement 5 % des cas environ, imposant la poursuite des examens complémentaires, alors qu’avant 50 ans, ils sont négatifs une fois sur deux, permettant d’écarter le diagnostic sans autres explorations [9,10], chez les patients ayant une probabilité clinique non forte. Nous avons vérifié les performances diagnostiques des scores de prédiction cliniques chez les sujets âgés. Pour cela, nous avons calculé à la fois le score de Wells et le score de Genève dans une cohorte de patients suspects d’embolie pulmonaire [11]. Jusqu’à 75 ans, les deux scores permettent d’identifier à la fois un groupe de patients de faible probabilité avec une proportion d’embolies confirmées de moins de 10 %, et un groupe de forte probabilité clinique avec une proportion d’embolies de plus de 60 %. Après 75 ans, le score de Wells semble moins à même d’identifier de tels groupes, avec une prévalence de l’embolie de 15 % dans le groupe classé comme ayant une faible probabilité clinique, et de 55 % dans G. Le Gal et al. / La Revue de médecine interne 28 (2007) 394–399 397 ● un certain nombre de paramètres ne sont d’aucune valeur pour le diagnostic d’embolie pulmonaire quel que soit l’âge : le sexe, un antécédent d’AVC avec paralysie, d’insuffisance cardiaque, de varices des membres inférieurs, la notion de syncope ou la constatation d’une turgescence jugulaire ; ● à l’inverse, l’existence d’une histoire personnelle ou familiale de maladie veineuse thromboembolique, la notion d’une chirurgie récente, d’une tachypnée à l’admission et la constatation de signes de surcharge ventriculaire droite à l’électrocardiogramme, sont associées à une plus grande proportion d’embolies pulmonaires confirmées, avec un RVP constant d’environ 2 quel que soit le groupe d’âge ; ● dans un troisième groupe, les symptômes et les signes cliniques de thrombose veineuse profonde sont significativement associés à une plus grande proportion d’embolies pulmonaires confirmées dans tous les groupes d’âge, mais leur valeur diagnostique décroît significativement avec l’âge. Par exemple, la valeur diagnostique de la présence à l’examen d’un œdème et/ou d’une douleur à la palpation d’un membre inférieur est supérieure avant 50 ans (RVP=5,4) qu’après 75 ans (RVP=2). Dans ce même groupe, nos résultats indiquent que l’appréciation implicite par le clinicien du caractère plus ou moins probable d’un diagnostic alternatif à celui d’embolie est moins performante chez le sujet âgé ; ● enfin, d’autres paramètres voient leur valeur diagnostique complètement disparaître chez les patients les plus âgés : l’hémoptysie est associée à l’embolie pulmonaire seulement le groupe de patients ayant une probabilité clinique forte, alors que ces proportions étaient respectivement de 6 et de 92 % pour le score de Genève [12]. Afin d’éclaircir les raisons d’une telle différence, nous avons voulu étudier la valeur diagnostique différentielle des facteurs de risque, symptômes, signes cliniques et résultats d’examens complémentaires simples, pour le diagnostic d’embolie pulmonaire en fonction de l’âge. Pour cela, nous avons analysé les données issues de deux études prospectives de stratégies diagnostiques, qui ont inclu en tout 1721 patients suspects d’embolie pulmonaire admis aux urgences [11,13]. La valeur diagnostique pour l’embolie pulmonaire de chacun des signes recueillis était estimée par le calcul de leur rapport de vraisemblance positif (=sensibilité/[1 – spécificité]) qui traduit, approximativement, la façon dont la probabilité de maladie est augmentée en présence de ce signe [14]. Ainsi, si le rapport de vraisemblance positif d’un signe clinique est égal à deux, cela veut dire que la présence du signe multiplie la probabilité d’avoir la maladie par deux. S’il est égal à 10, la présence du signe multiplie la probabilité d’avoir la maladie par 10. Les résultats sont résumés dans le Tableau 2 [15]. Premier constat : quel que soit le groupe d’âge, la très grande majorité des rapports de vraisemblance positifs (RVP) calculés sont aux environs de deux, un seul dépassant 4, alors qu’un signe clinique est en règle générale considéré comme discriminant pour faire le diagnostic d’une pathologie si son RVP dépasse 10. Les paramètres testés peuvent être schématiquement divisés en quatre groupes : Tableau 2 Ratios de vraisemblance positifs pour le diagnostic d’embolie pulmonaire en fonction de l’âge Caractéristiques générales, facteurs de risque Sexe masculin Antécédent personnel de MVTE Antécédent familial de MVTE Chirurgie récente Cancer actif BPCO Insuffisance cardiaque AVC avec paralysie Varices des membres inférieurs Symptômes et signes cliniques Douleur thoracique Dyspnée Douleur des membres inférieurs Hémoptysie Syncope Douleur à la palpation et/ou œdème des membres inférieurs Turgescence jugulaire Tachypnée>20/min Tachycardie>100/min Electrocardiogramme, radiographie du thorax Épanchement pleural Atélectasie Ascension de coupole Signes de cœur droit à l'ECG Autre diagnostic plus probable que l'EPa MVTE : maladie veineuse thromboembolique ; AVC : accident vasculaire électrocardiogramme ; EP : embolie pulmonaire [13]. a Ratio de vraisemblance négatif. <50 ans 50–74 ans >75 ans 1,3 1,9 1,4 2,2 1,7 2,0 1,4 0,9 1,4 (1,0–1,7) (1,1–3,2) (0,9–2,3) (1,1–4,3) (0,6–4,5) (0,6–6.0) (0,2–12,0) (0,1–7,4) (0,7–2,8) 1,1 1,9 1,9 1,8 1,9 0,5 0,5 2,2 1,1 (0,9–1,3) (1,4–2,7) (1,3–2,9) (1,0–3,4) (1,3–2,7) (0,3–0,9) (0,2–1,0) (0,7–6,9) (0,8–1,5) 1,0 1,9 2,4 2,2 0,8 0,5 0,7 0,9 1,3 (0,8–1,3) (1,4–2,5) (1,4–4,2) (1,0–5,2) (0,5–1,5) (0,3–0,9) (0,5–1,1) (0,3–2,4) (1,0–1,6) 0,9 1,3 3,0 3,4 0,8 5,4 1,8 1,5 2,2 (0,8–1,0) (1,1–1,5) (2,0–4,4) (1,6–7,2) (0,4–1,5) (3,1–9,6) (0,4–8,8) (1,2–1,9) (1,7–3,0) 0,8 1,3 3,0 1,0 1,3 3,4 1,8 1,4 1,5 (0,7–0,9) (1,2–1,4) (2,3–4,0) (0,5–2,3) (0,9–1,8) (2,4–4,7) (1,0-3,1) (1,2–1,6) (1,2–2,0) 1,0 1,1 1,6 1,2 1,1 2,0 1,3 1,1 1,3 (0,8–1,2) (1,0–1,2) (1,2–2,2) (0,5–2,7) (0,8–1,7) (1,4–2,9) (0,9–1,8) (1,0–1,3) (1,0–1,7) 1,9 (1,0–3,4) 1,8 3,8 (1,8–8,0) 3,0 3,8 (2,4–6,1) 2,0 1,9 (1,2–2,9) 1,8 3,2 (2,5–4,1)a 4,2 cérébral ; min : minute ; BPCO : (1,3–2,6) 0,7 (0,5–1,1) (1,8–4,8) 1,6 (1,0–2,6) (1,3–2,9) 1,3 (0,9–2,0) (1,3–2,5) 1,7 (1,3–2,3) (3,5–5,2)a 2,7 (2,2–3,4)a bronchopneumopathie chronique obstructive ; ECG : 398 G. Le Gal et al. / La Revue de médecine interne 28 (2007) 394–399 avant 50 ans (RVP à 3,4 contre 1,0 après 75 ans), l’existence d’un cancer ne renforce la probabilité d’embolie chez un patient suspect qu’avant 75 ans. La présence d’une tachycardie, d’un épanchement pleural ou d’une élévation de coupole sur le cliché thoracique n’est plus associée à une plus grande proportion d’embolies chez les patients âgés. La plus grande fréquence des comorbidités cardiopulmonaires chez le patient âgé est l’explication la plus probable à ces moindres performances diagnostiques. Ainsi, même en présence de ces signes chez un sujet âgé, le clinicien doit considérer avec autant d’attention les diagnostics alternatifs chez le patient suspect d’embolie. Il doit également se méfier de son estimation implicite de la probabilité clinique, qui pourrait s’en trouver altérée, quand celle-ci est particulièrement utile chez les patients âgés. S’il fait le choix d’un score de prédiction, il devra préférer chez le sujet âgé le score de Genève (qui inclut l’âge parmi les prédicteurs) à celui de Wells, dont cinq des sept critères font partie des paramètres que nous avons trouvés être moins performants chez le sujet âgé. 4. Quelle signification donner à une douleur thoracique reproduite par la palpation chez un patient suspect d’embolie pulmonaire ? Qui parmi nous n’a pas palpé le thorax d’un patient se présentant aux urgences pour des douleurs thoraciques, à la recherche d’une « douleur reproduite à la palpation », synonyme de douleur pariétale musculosquelettique bénigne et de retour à domicile sans autre exploration ? Nous avons récemment étudié la valeur diagnostique de ce signe d’examen chez 965 patients consécutifs (âge moyen 61 ans, proportion de femmes 58 %) adressés aux urgences pour une suspicion d’embolie pulmonaire définie par l’apparition récente d’une dyspnée et/ou d’une douleur thoracique sans diagnostic alternatif évident. Ces patients étaient inclus dans une étude multicentrique de validation d’une stratégie diagnostique de l’embolie pulmonaire basée sur la probabilité clinique, le dosage des D-Dimères par méthode Elisa, l’écho-doppler veineux des membres inférieurs et l’angioscanner thoracique spiralé [11]. La notion d’une douleur thoracique reproduite à la palpation faisait partie des items systématiquement recueillis à l’admission, avant tout test diagnostique. Ce signe était retrouvé chez 191 patients (20 %). Le diagnostic d’embolie pulmonaire était ensuite établi selon un algorithme standardisé. Le résultat de cette étude est que la proportion d’embolies pulmonaires confirmées chez les patients ayant une douleur thoracique reproductible à la palpation n’était pas différente de celle observée parmi les patients chez lesquels ce signe clinique n’était pas retrouvé : 20 % (38/191) contre 24 % (184/774), p=0,25 [16]. La principale limite de cette étude était le manque de standardisation dans la façon de rechercher ce signe clinique. Une explication avancée au manque de valeur prédictive négative de ce signe serait que la mobilisation thoracique exacerbe aussi la douleur pleurale de l’embolie pulmonaire. Chez un patient suspect d’embo- lie pulmonaire, une douleur thoracique reproductible à la palpation ne doit pas faire éliminer ce diagnostic, et les explorations doivent être poursuivies, car ce signe n’est pas associé à une prévalence moindre d’embolie. 5. Clinique de l’embolie pulmonaire : les nouveaux défis De nouveaux défis attendent le clinicien face à une suspicion d’embolie pulmonaire. Alors que dans les années 1960, où l’on ne disposait pour le diagnostic que de l’angiographie pulmonaire, la proportion d’embolies confirmées dans les études dépassait 50 % des suspicions, cette proportion a chuté à 33 % à la fin des années 1980 [17]. Elle est actuellement aux environs de 20 à 25 % en Europe [11,13], beaucoup plus faible en Amérique du Nord, jusqu’à 5 % de suspicions confirmées. Cela se traduit par une explosion du nombre de patients suspects à explorer pour trouver une embolie : d’une embolie sur deux patients suspects en 1960, à une sur 20 dans les dernières séries nord-américaines. Dans cette situation, l’utilisation des D-Dimères autorisant s’ils sont négatifs d’éliminer le diagnostic sans imagerie chez les patients ayant une probabilité clinique non forte, permet au mieux de réduire le nombre de patients à explorer par imagerie pour trouver un cas d’embolie après un résultat de D-Dimères positif à 12 environ [18]. Ainsi, la question posée aujourd’hui est « Chez qui faut-il suspecter l’embolie pulmonaire ? ». Il est probable qu’à des niveaux si faibles de cas confirmés, tout patient ayant une plainte thoracique ou respiratoire est suspect d’embolie. La définition retenue dans nos études — dyspnée et/ou douleur thoracique d’apparition ou d’aggravation récente sans diagnostic alternatif évident — n’est pas non plus parfaitement standardisée. La pression médicolégale, ou encore la disponibilité croissante des tests non invasifs comme les D-Dimères sont avancées comme des explications possibles. Pour contrer cette tendance, des travaux récents cherchent à isoler parmi les patients se présentant aux urgences pour quelque plainte cardiorespiratoire que ce soit un groupe de patients « à risque si faible qu’il ne faut même pas suspecter chez eux le diagnostic d’embolie pulmonaire » [19]. Ces démarches se heurtent toutefois à nouveau à l’absence de critères suffisamment sensibles pour être utilisables en pratique quotidienne. Un autre défi est d’accepter que nos stratégies diagnostiques soient devenues des stratégies plus thérapeutiques que strictement diagnostiques, sélectionnant les patients chez lesquels un traitement anticoagulant n’est pas nécessaire (alors que l’angiographie pulmonaire permettait du moins en théorie d’affirmer ou d’infirmer le diagnostic). Elles sont en effet validées par l’estimation du risque thromboembolique dans les trois mois suivant une suspicion infirmée d’embolie pulmonaire, ce risque étant comparé à celui qui était observé dans les trois mois suivant une angiographie pulmonaire négative. En d’autres termes, ces stratégies ne permettent pas d’exclure formellement l’embolie pulmonaire mais permettent d’affirmer que les patients chez lesquels la stratégie est négative ne justifient pas d’un traitement anticoagulant (qu’ils aient ou qu’ils n’aient pas d’embolie pulmonaire). L’angioscanner thoracique monobar- G. Le Gal et al. / La Revue de médecine interne 28 (2007) 394–399 rette ne permet pas de visualiser les artères pulmonaires soussegmentaires. Pourtant, chez un patient ayant une probabilité clinique non forte d’embolie, l’association d’un scanner monobarrette négatif et d’une échographie veineuse négative permet de ne pas le traiter de façon sûre. À l’inverse, alors que cette nouvelle technologie permet de les visualiser, il n’y a aucun argument aujourd’hui qui justifie le traitement anticoagulant d’une embolie pulmonaire sous-segmentaire isolée dépistée au scanner multibarrette. La maladie veineuse thromboembolique est une pathologie complexe à plus d’un titre. La démarche diagnostique est difficile, l’expertise clinique reste au premier plan quand elle est détrônée par les examens complémentaires dans d’autres pathologies. Multifactorielle, elle demande une démarche étiologique experte : facteurs de risque acquis ou constitutionnels, transitoires ou permanents, médicaments, pathologies cancéreuses, de système, auto-immunes ou encore génétiques. Son traitement est tout aussi délicat, long, parfois dangereux. Les interactions sont multiples, les coprescriptions de plus en plus fréquentes et difficiles à appréhender (stents coronaires actifs et double antiagrégation plaquettaire par aspirine et clopidogrel), l’appréciation du bénéfice–risque délicat, la prise en compte des préférences et des valeurs du patient indispensable. Ainsi, la maladie veineuse thromboembolique par sa complexité diagnostique et thérapeutique est dans le champ d’expertise de l’interniste. Références [1] [2] [3] [4] Landefeld CS, Beyth RJ. Anticoagulant-related bleeding: clinical epidemiology, prediction, and prevention. Am J Med 1993;95:315–28. Roy P-M, Meyer G, Vielle B, et al. Appropriateness of Diagnostic Management and Outcomes of Suspected Pulmonary Embolism. Ann Intern Med 2006;144:157–64. Wells PS, Anderson DR, Rodger M, et al. Derivation of a simple clinical model to categorize patients probability of pulmonary embolism: increasing the models utility with the SimpliRED D-dimer. Thromb Haemost 2000;83:416–20. Wicki J, Perneger TV, Junod AF, Bounameaux H, Perrier A. Assessing clinical probability of pulmonary embolism in the emergency ward: a simple score. Arch Intern Med 2001;161:92–7. 399 [5] Chagnon I, Bounameaux H, Aujesky D, et al. Comparison of two clinical prediction rules and implicit assessment among patients with suspected pulmonary embolism. Am J Med 2002;113:269–75. [6] Iles S, Hodges AM, Darley JR, et al. Clinical experience and pre-test probability scores in the diagnosis of pulmonary embolism. QJM 2003; 96:211–5. [7] Le Gal G, Righini M, Roy P-M, et al. Prediction of Pulmonary Embolism in the Emergency Department: The Revised Geneva Score. Ann Intern Med 2006;144:165–71. [8] Oger E. Incidence of venous thromboembolism: a community-based study in Western France. EPI-GETBO Study Group. Groupe d’Etude de la Thrombose de Bretagne Occidentale. Thromb Haemost 2000;83:657– 60. [9] Righini M, Le Gal G, Perrier A, Bounameaux H. The challenge of diagnosing pulmonary embolism in elderly patients: influence of age on commonly used diagnostic tests and strategies. J Am Geriatr Soc 2005;53: 1039–45. [10] Mottier D, Couturaud F, Oger E, Leroyer C. Clinical usefulness of Ddimer tests in excluding pulmonary embolism is highly dependent upon age. Thromb Haemost 1998;80:527. [11] Perrier A, Roy PM, Aujesky D, et al. Diagnosing pulmonary embolism in outpatients with clinical assessment, D-dimer measurement, venous ultrasound, and helical computed tomography: a multicenter management study. Am J Med 2004;116:291–9. [12] Righini M, Le Gal G, Perrier A, Bounameaux H. Effect of age on the assessment of clinical probability of pulmonary embolism by prediction rules. J Thromb Haemost 2004;2:1206–8. [13] Perrier A, Roy PM, Sanchez O, et al. Multi-detector row computed tomography in outpatients with suspected pulmonary embolism. N Engl J Med 2005;352:1760–8. [14] Quenet S, Presles E, Le Gal G. Evaluation des examens diagnostiques. Médecine Thérapeutique 2005;11:318–23. [15] Le Gal G, Righini M, Roy PM, et al. Differential value of risk factors and clinical signs for diagnosing pulmonary embolism according to age. J Thromb Haemost 2005;3:2457–64. [16] Le Gal G, Testuz A, Righini M, Bounameaux H, Perrier A. Reproduction of chest pain by palpation: diagnostic accuracy in suspected pulmonary embolism. BMJ 2005;330:452–3. [17] The PIOPED Investigators. Value of the ventilation/perfusion scan in acute pulmonary embolism. Results of the prospective investigation of pulmonary embolism diagnosis (PIOPED). JAMA 1990;263:2753–9. [18] Le Gal G, Bounameaux H. Diagnosing pulmonary embolism: running after the decreasing prevalence of cases among suspected patients. J Thromb Haemost 2004;2:1244–6. [19] Kline JA, Mitchell AM, Kabrhel C, Richman PB, Courtney DM. Clinical criteria to prevent unnecessary diagnostic testing in emergency department patients with suspected pulmonary embolism. J Thromb Haemost 2004;2:1247–55.
Documents pareils
outpatients versus inpatients treatment for patients with acute
Le critère principal de jugement a été la récidive d’accidents thrombo-emboliques (MTE) dans les 90 jours. Les critères
en matière de sécurité ont été l’existence de saignements majeurs à 14 et 90 ...