Le conseil général du Lot agit pour la valorisation du patrimoine lotois
Transcription
Le conseil général du Lot agit pour la valorisation du patrimoine lotois
Un patrimoine de lumière Les vitraux du Lot du Moyen Âge à nos jours Le conseil général du Lot agit pour la valorisation du patrimoine lotois 2 Un patrimoine riche de sens et de couleurs Si l’Ile-de-France est le berceau du vitrail français, les quelques 900 églises que compte le Lot abritent presque toutes des verrières, d’une qualité parfois remarquable. Une production lotoise majeure e au XIX siècle Quelques vestiges épars attestent de la production de vitraux au Moyen Âge dans le département. Mais certaines verrières anciennes ont été détruites et d’autres irrémédiablement mutilées par le manque d’entretien et les conflits humains. Au XIXe siècle, la majorité des églises lotoises a été ornée de vitraux réalisés par des maîtres verriers du sud-ouest de la France ce qui leur confère une grande unité stylistique. Vitrail circulaire daté du XIIIe siècle provenant de la basilique SaintSauveur de Rocamadour. Il représente saint Martin mourant et déjouant les embûches du Diable. Cette œuvre est le témoignage le plus ancien de l’art du vitrail dans le Lot. Le vitrail au fil du temps Dans le chœur de la cathédrale Saint-Étienne de Cahors, la verrière datée du XIXe siècle présente des vestiges de vitraux médiévaux. Ve siècle après JC Apparition du vitrail en France, selon Grégoire de Tours (539-594), évêque, historien et chroniqueur. Les multiples fonctions du vitrail -Un usage avant tout pratique : le vitrail permet de fermer et de protéger l’édifice contre des agents extérieurs (intempéries ou pollution) tout en laissant entrer la lumière. Art monumental, il entretient un lien étroit avec l’architecture d’où la fréquente collaboration entre les maîtres verriers et les architectes, maçons et ferronniers. XII siècle e Développement du vitrail dans les cathédrales et les abbayes du Nord de la France. Mais les vitraux, coûteux, sont rares dans les églises romanes aux baies étroites et aux murs épais. XIII siècle e Des fragments archéologiques de vitraux médiévaux ont été retrouvés dans certaines maisons du Lot comme ici à Figeac (5 place Champollion) : deux verres bleus entourent un verre circulaire rouge. -Un élément décoratif : simple décor géométrique ou véritable tableau figuré, chaque vitrail est une création originale, témoin des particularités techniques et iconographiques de son époque et de son créateur. -Le porteur d’un message religieux : chargé dans les églises de créer une ambiance propice au recueillement, le vitrail se fait aussi l’illustration de thèmes bibliques, hagiographiques ou typologiques, en rapport avec le programme iconographique de l’édifice. Le vitrail n’est pas un objet de culte contrairement aux statues ou aux reliques. Cependant, en faire don est pour les fidèles une façon de contribuer à l’embellissement de leur église, individuellement ou collectivement, avec peut-être la satisfaction de voir leur nom apparaître au bas du vitrail. Âge d’or du vitrail : il devient une technique artistique majeure. Dans l’architecture gothique percée de baies, les vitraux sont conçus comme une continuité plastique du mur. L’homme comprend alors la relation entre l’espace architectural et la lumière incolore dans l’édifice. XVe-XVIe siècles La mairie de Saint-Céré est décorée de vitraux datés du XIXe siècle. Ces allégories inspirées de la Renaissance représentent l’agriculture, les arts, les sciences et le commerce. À la Renaissance, les pièces de verre s’agrandissent et les couleurs s’enrichissent. Certaines « écoles » sont très vivantes (Troyes, Rouen, Paris...) et des noms deviennent célèbres (Arnaud de Moles à l’église Saint-Maur de Martel). Après 1560, l’art du vitrail subit une longue période de décadence. Les guerres de Religion et les difficultés économiques stoppent de nombreux chantiers. XVIII siècle e Paradoxalement, le siècle dit « des Lumières » est fatal à l’art du vitrail. L’architecture classique prône la sobriété, l’épure et la lumière blanche dans les églises. XIX siècle e Au milieu du siècle, grâce au dynamisme de la foi catholique et au développement urbain, l’art du vitrail connaît une véritable renaissance. XX-XXIe siècles Entre rupture et continuité, le vitrail réinvestit les questions de l’iconographie et de la symbolique dans l’art sacré contemporain. Exposition produite par le Conseil général du Lot, écrite par Alexandra Moreau (service Culture-Patrimoine historique, mai 2011) avec la collaboration scientifique des ateliers de restauration et de création de vitraux Creunier et Le Bras-Girault et le soutien financier du Conseil régional Midi-Pyrénées. Sauf mentions contraires, clichés du Conseil général du Lot et de l’atelier Le Bras-Girault. Découvrez le patrimoine du Lot sur www.patrimoine-lot.com et sur www.patrimoines.midipyrenees.fr Le conseil général du Lot agit pour la valorisation du patrimoine lotois t 3 Une technique d e fabrication complexe et minutieuse Contrairement à la peinture à l’huile, la fabrication d’un vitrail ne laisse aucune place à l’improvisation. Découverte au Moyen Âge, cette technique a été décrite par le moine rhénan Théophile au début du XIIe siècle (Traité des Divers Arts). Théoriquement, le maître verrier doit pouvoir réaliser l’ensemble des étapes, de la maquette au montage du vitrail proprement dit. En fait, il existe, au sein de la profession, plusieurs spécialités : le maquettiste, le cartonnier, le coupeur, le metteur en plombs, le peintre-verrier et le poseur. I. La réalisation de documents graphiques La conception de supports graphiques est un préalable indispensable à la réalisation de vitraux : - le relevé de la fenêtre : les panneaux doivent reprendre les dimensions exactes de la baie, les vitraux n’étant ni extensibles ni compressibles. -une esquisse à échelle réduite (1/10°), indiquant la forme du vitrail, les lignes du dessin, les modelés, la répartition des couleurs et le tracé des plombs. -un modèle à grandeur d’exécution, le carton (1/1), précisant chaque couleur par une lettre pièce après pièce. II. Le choix du verre Le verre est obtenu par la fusion du sable mêlé de chaux et de potasse ou de soude. Au Moyen Âge, il était fabriqué par des verriers près des forêts, les fours à pots étant chauffés au bois. L’invention à la fin du XIXe siècle du four à bassin a conduit à un accroissement de la production de vitraux mais aussi à une certaine standardisation. Les pièces généralement peu épaisses (2 à 4 mm) sont composées de verre coloré, de verre plaqué, ou de verre soufflé dit verre « antique ». Ce dernier, fabriqué en feuilles, est encore produit aujourd’hui par la verrerie de Saint-Just-surLoire (Rhône-Alpes). III. La coupe La coupe au fer rouge s’effectue « à vue », en suivant un dessin sur le verre, ou « aux calibres » en suivant les contours du patron. L’utilisation depuis le XVIe siècle du diamant, aujourd’hui du coupe-verre, permet certaines audaces (incrustations ou mises « en chef-d’œuvre » dans des pièces). Les irrégularités de la coupe sont corrigées à l’aide d’une pince plate nommée grugeoir ou grésoir. IV. la coloration Au Moyen Âge, la peinture sur verre était considérée comme une science d’alchimistes reposant sur des procédés mystérieux. En fait, les techniques de la peinture sur vitrail s’inspirent de la peinture murale. Une fois assemblées, les pièces de verre sont colorées dans la masse grâce à un mélange d’agents colorants à base d’oxydes métalliques (fer, cuivre ou manganèse) ou de minerais (cobalt), d’un fondant (verre broyé) et d’un liant. La teinte obtenue dépend de l’épaisseur du verre, de la concentration d’oxyde métallique, de la composition de la pâte, de l’intensité (500 à 600 degrés), de la durée et de la méthode de cuisson. Au Moyen Âge, les maîtres verriers ne disposaient que de la grisaille, poudre d’oxyde de fer ou de cuivre d’un ton gris-brun. À partir du XIVe siècle, l’influence de la peinture à l’huile et des inventions techniques a permis d’élargir la palette chromatique des vitraux. Au musée départemental Rignault à Saint-Cirq-Lapopie, un vitrail daté du XVeXVIe siècles et représentant Siméon illustre la technique de peinture sur verre dite « des trois valeurs » décrite par le moine Théophile au début du XIIe siècle : un premier lavis très léger laissant à nu certaines zones du verre, un second plus dense pour les ombres et enfin un trait opaque. V. La grisaille à base de sanguine est une couleur vitrifiable brun-rouge constituée d’hématite de fer, improprement nommée « Jean Cousin » du nom d’un peintre de Sens. Le jaune d’argent, mélange d’ocre et de sels d’argent, est appliqué sur le revers du vitrail pour colorer partiellement le verre en jaune sans recourir à la coupe et à la résille de plombs (église SaintEtienne d’Albas). Les couleurs du vitrail résultent d’une savante composition entre la teinte du verre, les effets de la lumière et l’orientation du vitrail dans l’édifice. Lorsqu’elle traverse des couleurs translucides, la lumière produit des effets d’optique comme l’irradiation. Certaines couleurs s’estompent, s’animent ou s’étendent. La mise en plombs Panneton Le plomb fait partie intégrante du vitrail. Il participe à sa tenue en raison de sa malléabilité et de son bas point de fusion mais aussi à son esthétique, accentuant les lignes de la composition, isolant les tonalités, intensifiant les contrastes. Une fois cuites puis refroidies, les pièces sont disposées sur une table pour y être assemblées. Chaque pièce de verre est encastrée dans des baguettes de plomb étirées dont la section est en forme de H. Lorsque toutes les pièces d’un panneau sont reliées par le réseau de plomb, les points de jonction des différentes baguettes sont soudés à l’étain. Vergette Feuillard Clavette Barlotière Attache Les panneaux sont montés dans la fenêtre grâce à une grille métallique scellée dans la maçonnerie de la baie. Ces éléments superposés, généralement fabriqués par un serrurier, maintiennent la verticalité et la planéité du panneau vitré. Pour assurer son étanchéité et sa rigidité, le panneau est enduit à la brosse ou à la spatule d’un mastic (composé de blanc d’Espagne, d’huile de lin et de siccatif) sous les ailes du plomb. Rocamadour : revers du vitrail représentant saint Martin. Le conseil général du Lot agit pour la valorisation du patrimoine lotois 4 Un art à vocation monumentale Le vitrail a accompagné l’architecture religieuse au fil de son évolution dès l’apparition des fenêtres dans les abbayes romanes. Au milieu du XIIIe siècle, l’invention de la croisée d’ogive et l’avènement du style gothique ont offert plus de place à l’expression vitrée, transformant les parties hautes des façades en dentelle de pierre. Les lancettes étroites, difficilement utilisables sont souvent compartimentées en registres ou en médaillons superposés (église Saint-Pierreès-Liens aux Junies) La verrière du chœur de l’église Saint-Pierre de Gourdon est composée de 6 diptyques et d’un triptyque central. Ajour de réseau Lancette Meneau Le respect du cadre architectural Le vitrail a pour fonction première d’aménager une fenêtre. Il ne prend donc son sens que dans l’édifice qui l’accueille. Le maître verrier doit donc, pour créer une œuvre, s’adapter à différentes contraintes architecturales : la composition de la baie (dimension, style, divisions internes), la situation de cette dernière dans l’édifice (hauteur, orientation, points cardinaux, plan), l’architecture du bâtiment (volume, style, luminosité), la présence éventuelle de verrières anciennes (cohérence du programme iconographique), l’affectation de l’édifice. Le dialogue du verre avec l’architecture Face aux nombreuses contraintes architecturales, le talent du maître verrier consiste à trouver des motifs ornementaux ou figurés en parfaite adéquation avec la forme des baies. Si, par principe, les personnages représentés sur les vitraux n’ont jamais les dimensions du réel, les maîtres verriers privilégient généralement de petites figures sur des surfaces réduites et à l’inverse des proportions plus importantes sur de larges surfaces verrières. Mais l’armature métallique doit toujours respecter l’intégrité du décor vitré. Le remplage du vitrail (église Saint-Pierre de Luzech). Les représentations dépassent parfois leurs cadres ! (église Saint-Sauveur de Figeac). Les ajours (ouvertures) du réseau présentent différentes formes selon leur emplacement dans la composition : trèfle (trilobe), quatre-feuilles (quadrilobe), mouchette (tracé à courbe et contrecourbe comme une flamme ou goutte d’eau), soufflet (axe rectiligne), polylobes (cinq lobes et plus), écoinçon (triangle) (église Saint-Sauveur de Figeac). La « rose » ou « rosace », vitrail circulaire de plus de 50 cm souvent située au dessus des portails, peut comporter un réseau de 5 lobes ou plus (église Saint-Pierre de Gourdon). Au XIXe siècle, le motif du vitrail s’est progressivement affranchi des contraintes architecturales en envahissant les fenêtres. Dans ce vitrail de église Saint-Germain de Mercuès représentant la Nativité, la même scène se répartit entre différentes fenêtres d’une même baie, indépendamment de la coupure occasionnée par les meneaux. Exemple des verrières-tableaux peintes à l’émail coloré et dépourvues de plomb (église Notre-Dame-des-Récollets de Saint-Céré). Le conseil général du Lot agit pour la valorisation du patrimoine lotois 5 Le vitrail ancien Quelques chefs-d’œuvre Les nombreuses destructions pendant la guerre de Cent Ans et les guerres de Religion, la désaffection pour l’art du vitrail et le manque d’entretien des verrières expliquent la rareté des vitraux antérieurs à la Révolution française dans le Lot. Les vitraux des églises des Junies, de Martel et de la collégiale de Prudhomat sont d’autant plus précieux qu’ils sont rares. Les Junies dans la mouvance médiévale languedocienne Les grandes verrières du chœur de l’église SaintPierre-ès-Liens des Junies, contemporaines de la construction de l’édifice (1350-1360), retracent en trois lancettes le cycle de l’Enfance et de la Passion du Christ. La composition en médaillon avec alternance de fonds rouges ou bleus s’inspire des vitraux réalisés au XIIIe siècle dans le nord de la France. Mais l’épaisseur des verres, la coloration dans la masse, la grisaille, les rehauts de jaune d’argent, les décors fleuris, le traitement réaliste des personnages ou encore leur encadrement par des éléments architecturaux se retrouvent sur les vitraux de la cathédrale Saint-Nazaire de Carcassonne et de la primatiale Saint-Just et Saint-Pasteur de Narbonne. Ces œuvres sont certainement dues au même atelier : les évêques De Jean, seigneurs des Junies et fondateurs du monastère, se sont succédés à la chaire épiscopale de Carcassonne. Vue générale Couronnement du Christ : Arnaud de Moles fut l’un des précurseurs à la fin du Moyen Âge de la représentation de Dieu le Père sous des traits humains, alors que la religion catholique l’interdisait. Le cardinal Gaucelme de Jean porte la soutane rouge (habit des cardinaux depuis 1294) et le chapeau cardinalice (coiffure de cérémonie). La maquette de l’église et la bourse témoignent de son rang de haut dignitaire de la cour pontificale d’Avignon. Quel souci du détail pour des baies dont le réseau s’élève à plus de sept mètres de hauteur ! En bas du vitrail, un médaillon représente les armes du cardinal Gaucelme de Jean : deux lions dans un écusson surmonté d’un chapeau de cardinal avec deux cordons retombant de chaque côté. Au bas du vitrail figurent trois membres de la famille des de Jean : - le chevalier Philippe de Jean qui acheta la terre où fut construit le monastère, - le cardinal Gaucelme de Jean, évêque d’Albano et légat du pape, qui décida de l’installation des religieuses - l’évêque Gisbert de Jean qui aurait commandé les vitraux. Or la représentation de donateurs est assez rare dans le vitrail du XIVe siècle du sud de la France. Prudhomat Martel à la charnière du Moyen Âge et de la Renaissance Détruit lors de la guerre de Cent Ans, le chœur de l’église Saint-Maur de Martel a été restauré et pourvu de vitraux en 1511-1512 par un certain Redon, que la tradition dit membre de l’atelier d’Arnaud de Moles lui-même à l’origine des vitraux de la cathédrale Sainte-Marie d’Auch. Si la représentation de la Passion du Christ relève du corpus médiéval traditionnel, les vitraux de Martel imposent les nouvelles normes de la Renaissance italienne : architectures antiques, souci du détail vestimentaire et ornemental et début de la perspective. ou l’esthétique italienne Le chœur de la collégiale Saint-Louis de Prudhomat possède quelques vitraux datés du XVIe siècle. Mais l’installation au XVIIe siècle d’un grand retable dans le chœur a contribué à la disparition de la verrière centrale. La très grande richesse des étoffes et la composition architecturale font de ces vitraux des œuvres caractéristiques de la Renaissance. Sur le mur sud de la nef restent deux têtes et quelques fragments des vitraux en remploi représentant sainte Catherine et sainte Agnès. Les vitraux de Prudhomat représentent le baron Jean II de Castelnau-Caylus, chambellan de Louis XI, fondateur de la collégiale, agenouillé devant son saint patron Jean-Baptiste, et son épouse Anne de Culan en orante devant sainte Anne, Jésus et Jean-Baptiste. Le conseil général du Lot agit pour la valorisation du patrimoine lotois 6 Le vitrail ancien Membra disjecta Certaines verrières anciennes e ont fait l’objet au XIX siècle de l’intervention de maîtres verriers peu compétents ou peu soucieux de l’historicité des œuvres. Ces vestiges qui ornent certaines églises et châteaux du Lot bien que déplacés, démantelés ou transformés, constituent des œuvres d’art à part entière. Salviac Les couleurs chaudes, le rendu des reliefs, l’expression des visages et les motifs architecturaux s’inscrivent dans le même style, caractéristique du début de la Renaissance, que les vitraux de l’église Saint-Maur de Martel. Vandalisés pendant la Révolution française, les vitraux de l’église SaintJacques-le-Majeur de Salviac, datés de la seconde moitié du XIVe siècle, ont été maladroitement recomposés en 1870 et forment un puzzle inintelligible. Les vitraux de Salviac rendent hommage à saint Eutrope, premier évêque de Saintes, fouetté, lapidé et frappé d’un coup de hache sur la tête pour avoir converti au christianisme Eustelle, fille d’un gouverneur romain au Ier siècle après JC. Une légende née au XIXe siècle croyait reconnaître pourtant dans ce vitrail le supplice de l’évêque de Cahors, Hugues de Géraldi, condamné par la famille de Jean en 1317 après JC à être écorché vif et brûlé. Gourdon L’église Saint-Pierre présente dans son chœur des fragments de vitraux datés certains du XIVe siècle, d’autres du XVIe siècle. En 1610-1611, un verrier gourdonnais, Olivier Rey, aurait quant à lui « raccommodé » les vitraux du chœur en remployant des verres anciens. Médaillon polylobé de style XIVe siècle représentant un personnage mené par des soldats. Le Vigan Médaillon architecturé de style XVIe siècle représentant un baptême. Les châteaux de Castelnau-Bretenoux et Montal Dans l’église Notre-Dame-de-l’Assomption, la chapelle absidiale présente un vitrail où ont été réunis au XIXe siècle des fragments datés de la fin du XVe siècle. Les vitraux anciens ont fait l’objet au XIXe siècle d’un commerce florissant approvisionné par des antiquaires et marchands d’art passionnés. Des mécènes lotois ont ainsi acquis des vitraux datés du XVe-XVIe siècles pour orner leurs demeures : Mouliérat au château de Castelnau-Bretenoux à Prudhomat, Fenaille au château de Montal à Saint Jean-Lespinasse, mais aussi un siècle plus tard le collectionneur Joseph Rignault dans sa maison de Saint-Cirq-Lapopie aujourd’hui devenue musée départemental. L’objectif était souvent de restituer des fenêtres Renaissance de façon « archéologique » en insérant dans leur réseau de plomb des panneaux complets ou des fragments de verrières sélectionnés en raison de leur format et de leur composition colorée. Aux tons bleu, rouge et jaune, ces fragments de vitraux représentent saint Pierre, saint Jean et la Vierge. Le voile et la mentonnière de la Vierge sont caractéristiques du XVe siècle. Mouliérat acheta ce vitrail représentant la Crucifixion à Quimper lors d’une campagne de vente organisée pour la restauration de la cathédrale. Une copie quimpéroise permet de dater le vitrail du début du XVe siècle. Mouliérat fit percer une lucarne pour installer cette œuvre dans la salle à manger du château de Castelnau-Bretenoux ainsi transformée en oratoire ! Les autres salles du château de Castelnau-Bretenoux sont ornées de vitraux dits « macédoine » ou « antiquaire », montages esthétiques à partir de pièces disparates formant des sortes de puzzles inintelligibles. Le conseil général du Lot agit pour la valorisation du patrimoine lotois La majorité des vitraux du château de Montal sont des rondels, vitraux taillés dans une seule pièce de verre transparente. Apparus au XIVe siècle et faits en série au XVe et XVIe siècles essentiellement en Allemagne et aux Pays-Bas, ils étaient très appréciés de la clientèle laïque de par leur format réduit et la délicatesse de leurs coloris (grisaille et jaune d’argent). 7 Le vitrail au XIX siècle e D 11 A20 D9 6 une production florissante et homogène 9 D803 Gagnac sur-Cère Teyssieu D43 D20 D23 Souillac Belmont Bretenoux D19 D2 3 D90 40 D8 D6 73 D32 D17 D14 D13 Catus 1 D3 D19 D8 20 D21 D8 40 Vitraux du XIXème siècle Gesta Saint-Blancat Villiet-Feur Dagrand D7 D662 D8 D8 Saint-Cirq-Lapopie Cahors 11 D9 D24 D27 D2 Capdenac le-Haut D19 D 662 Pradines D 911 Douelle D22 D65 6 D9 11 D7 D65 6 Figeac La Madeleine D17 D41 D19 Saint-Vincent D23 Rive-d’Olt 2 Faycelles 11 Albas N122 D6 62 D8 4 40 D49 Mercuès D8 D4 D8 D41 D13 D12 D8 D80 D 653 D9 Soturac Issepts Camboulit D5 Luzech Saint-Cirgues D10 D 13 D811 3 D13 D17 A20 Puy-L’Évêque D40 D677 D 12 Cassagnes D65 Assier Gigouzac D6 73 D6 Le-Bourg Saint-Simon D802 D10 Frayssinet Saint-Germain du-Bel-Air Peyrilles Lherm Reillhac D820 D2 D 84 0 D2 D2 D1 7 D704 D13 D801 D2 3 D 67 Sainte Colombe 40 Carlucet D1 D Flaujac-Gare D48 Saint-Projet Lauresses Labathude 40 D9 D673 D801 Sousceyrac D19 D8 20 D40 D12 04 D7 Gourdon D8 D 39 D39 D15 07 D8 D673 Sénaillac Latronquière Lacam d’Ourcet Latronquière D48 Rocamadour D36 D67 L’essor démographique dans les campagnes et le renouveau de la foi dans le Lot au XIXe siècle ont permis la reconstruction et l’embellissement de nombreuses églises paroissiales. Des vitraux furent commandés en grand nombre à des ateliers du sud-ouest de la France tels Gesta, Saint-Blancat, Villiet, Feur et Dagrand. D3 D 653 D4 3 D14 D43 Comiac D3 D15 03 D8 D 653 Baladou D911 Cremps 4 D2 D653 D10 59 D6 D6 D19 D4 A20 D4 7 D4 D6 59 Les manufactures toulousaines Deux manufactures toulousaines sont intervenues dans le Lot dans la seconde moitié du XIXe siècle : Louis-Victor Gesta et Saint-Blancat. Reconnue en France et dans le monde, leur production industrielle s’appuyait sur une véritable stratégie commerciale. Il était fréquent, pour réduire les coûts et la durée du chantier, que ces ateliers travaillent en même temps ou se succèdent dans la même église sans rompre pour autant l’unité thématique et stylistique du programme iconographique, comme à l’église Saint-Vincent de Flaugnac. L’atelier de Louis-Victor Gesta à Toulouse, gravure extraite de L’album de la manufacture de vitraux peints de L.V. Gesta, Toulouse, 1864. Copyright : Service Patrimoine de la ville de Figeac. Pour identifier sa production, Louis-Victor Gesta insérait habituellement son nom dans un cartouche, au bas du vitrail, ou l’apposait en ligne le long de la barlotière inférieure (détail d’un vitrail de la chapelle Notre-Damede-Rocamadour). Les vitraux de Gesta dits « archéologiques » reprennent des formules médiévales comme les bordures en palmettes ou les grands personnages en pied sous arcatures. Les fonds damassés sont ornés de motifs floraux inspirés du répertoire oriental du XVIe siècle (église SaintVincent de Flaugnac). D55 D6 Flaugnac D19 D5 5 Les descendants de Louis-Victor Gesta (Louis et Henri) reprirent l’atelier jusque dans les années 30 mais les vitraux paraissent d’une qualité moindre (église SainteMarie-Madeleine de Teyssieu). Carte des interventions des maîtres verriers dans le Lot au XIXe siècle, d’après « L’iconographie des vitraux du XIXe siècle dans les églises du Lot », Pierre Dalon, in Bulletin de la Société des Études du Lot, 1991, CXII, p.215 Imprégné des recherches sur les vitraux médiévaux, SaintBlancat ornait l’encadrement des personnages de motifs néo-gothiques, de fleurons et de feuillages très stylisés (église Saint-Vincent de Flaugnac). Des artistes bordelais La ville de Figeac, et plus particulièrement l’église Saint-Sauveur, a vu l’intervention du maître verrier Joseph Villiet, formé chez Thibault et Thévenot à ClermontFerrand puis installé à Bordeaux, et de son élève Henri Feur. Ce dernier reprit l’atelier en 1877 et devint maître dans l’art d’adapter les cartons de son prédécesseur aux dimensions des fenêtres et d’en modifier le sens iconographique au gré du commanditaire. La signature de Gustave-Pierre Dagrand apparaît de 1871 à 1914 sur les vitraux d’une soixantaine de paroisses du Lot. Membre influent de l’Ecole des Beaux-Arts à Bordeaux, il est à l’origine des vitraux des cathédrales de Bayonne, Bilbao, Port-au-Prince, Lima, Valparaiso… Eglise Saint-Pierre-ès-Liens des Junies : vitrail signé Dagrand représentant le thème des « Sept douleurs de la Vierge » : la Vierge est représentée avec sept épées lui transperçant la poitrine, selon la prophétie de Siméon. Villiet et Feur peignaient le plus souvent leur monogramme à l’intérieur même de la composition du vitrail. Villiet a réalisé d’après une commande de l’abbé Massabie les vitraux de la nef de l’église Saint-Sauveur à Figeac en 1872. Les épisodes de la Vie de la Vierge sont figurés dans des médaillons superposés sur fond de résille colorée, selon l’esthétique médiévale. Les compositions sages, l’expression alanguie des visages et les paysages qui reflètent les sentiments des personnages s’inspirent du répertoire classique et romantique de la peinture du XIXe siècle. L’œuvre de Feur se distingue de celle de son prédécesseur Villiet par l’adoption systématique d’un fond bleu paysagé à la fois réaliste et lyrique, par l’irruption d’éléments pittoresques aux pieds des personnages comme des oiseaux ou des bouquets de fleurs et par la multiplication des détails comme les joyaux colorés incrustés dans les étoffes (église Saint-Sauveur de Figeac). Le conseil général du Lot agit pour la valorisation du patrimoine lotois Détail d’un vitrail de l’église Saint-Etienne d’Albas signé Dagrand. 8 Le vitrail e au XIX siècle u simple décor ornemental d au tableau figuré Certains édifices présentent un programme iconographique global cohérent, du plus élémentaire au plus étudié, les choix des représentations de la statuaire, des peintures et des vitraux se faisant écho. Un riche répertoire géométrique et végétal Le faible coût des verrières décoratives, leur rapidité d’exécution grâce à la technique du pochoir et la lumière diffuse qu’elles transmettent sont les trois principales raisons de leur fréquence dans les églises du Lot au XIXe siècle. Entrelacs qui rappellent les claustra byzantines ou islamiques, mosaïques, losanges… : ces motifs stylisés évoquent les schémas de composition des grisailles médiévales décrits par Viollet-le-Duc dans son « Dictionnaire raisonné ». Certains vitraux sont ornés de motifs floraux inspirés du répertoire botanique (rinceaux, palmettes, bouquets et feuillages, feuilles d’acanthe, branche de lys…). Entrelacs avec motifs floraux (église Saint-Martin de Sousceyrac). Une iconographie religieuse diversifiée Les vitraux des églises du Lot du XIXe siècle forment un inépuisable répertoire d’images pieuses inspirées des nombreux traités d’iconographie édités par l’Église mais aussi de la peinture religieuse de la Renaissance (MichelAnge, Raphaël). Le choix de la représentation sur le vitrail dépend étroitement de son emplacement dans l’édifice : cheminement christique et purification au Nord, Rédemption et Résurrection au Sud, manifestation de la divinité dans le chœur et Marie dans la chapelle de l’abside ou du chevet. Église Saint-Siméon de Gourdon : les quatre Évangélistes, représentés avec un rouleau de parchemin ou un livre à la main, sont identifiables par leurs costumes et leurs attributs : Matthieu et un ange, Marc et un lion, Luc et un taureau, Jean et un aigle. “Imago” La représentation de grandes figures de l’Église, en buste ou en pied, est généralement réservée aux fenêtres hautes, difficilement accessibles à l’œil. Aux évangélistes, apôtres et prophètes s’ajoutent les images de saints dont le culte connaît un certain renouveau dans la seconde moitié du XIXe siècle. Les vitraux rendent hommage au saint patron de l’église, le saint titulaire auquel l’édifice est dédié ainsi qu’au patron secondaire, protecteur de la paroisse, ou à d’autres saints dont les vertus thaumaturgiques ou prophylactiques sont évoquées contre les maladies, les guerres, les morts et autres catastrophes. Église de Sénaillac-Latronquière : sainte Cécile, patronne de l’église et des musiciens, est représentée avec son orgue. Un texte du XIIe siècle compare en effet la douceur de sa prière à celle de la musique. Église de Saint-Projet : ce vitrail associe saint Projet, évêque de Clermont-Ferrand et patron principal de l’église, à saint Bonaventure, moine franciscain devenu cardinal et patron secondaire de l’édifice. “Historia” Quadrilobes avec motifs floraux en arrière-plan (église de Saint-Simon). Dans les verrières mixtes, le décor figuratif n’occupe que le centre du vitrail. Il s’agit souvent d’un personnage en buste (parfois un simple visage) circonscrit dans un rond ou un losange, entouré de motifs floraux et géométriques (église Saint-Vincent de Flaugnac). Aux fenêtres basses de l’église, plus lisibles, sont généralement illustrés les préceptes de la Foi chrétienne en quelques scènes. Le déroulement du récit pictural sur les vitraux respecte généralement l’enchaînement des épisodes bibliques, de l’Ancien ou du Nouveau Testament. Verrières mariales, christiques, hagiographiques : le même personnage peut être représenté plusieurs fois dans le même édifice, à travers différentes scènes de sa vie. Au XIXe siècle, les maîtres verriers insistent sur les missions et le rôle du prêtre (le Bon Pasteur, saint Jean-Baptiste, le Christ accueillant les enfants) et les figures à résonance affective comme la sainte Famille. Église Saint-Siméon de Gourdon : l’Annonciation et le Couronnement de la Vierge : l’archange Gabriel vient annoncer à Marie qu’elle va enfanter le fils de Dieu. Dans un geste d’humilité, Marie répond qu’elle est la servante du Seigneur. La Vierge est reçue aux cieux par la Trinité (Jésus, Dieu le père et le saint Esprit) qui lui pose une couronne sur la tête. Le conseil général du Lot agit pour la valorisation du patrimoine lotois L’église Saint-Sauveur de Figeac présente un programme iconographique cohérent. Dans la nef, une procession de saints s’avance vers le chœur. Dans le transept sont évoqués les sacrements de l’Église et la filiation entre l’Ancien et le Nouveau Testament. Ici vitrail représentant Adam et Eve chassés du paradis. L’église de Saint-Germaindu-Bel-Air, entièrement reconstruite en 1888, possède dans le chœur des vitraux représentant des scènes de la vie de son saint titulaire saint Germain l’Auxerrois : la bénédiction de sainte Geneviève et la visite à l’Empereur à Ravenne. 9 Le vitrail au XIX siècle e commanditaires et donateurs Si au Moyen Âge toute la société participait à l’édification e et à l’ornementation des églises, au XIX siècle, donner un vitrail était un acte de piété doublé bien souvent d’une démarche sociale. Beaucoup de vitraux lotois ont été offerts par des paroissiens -familles, groupes de fidèles, corporations de métiers et confréries religieuses- spontanément ou en réponse à des souscriptions lancées par les fabriques. Église Saint-Siméon de Gourdon : la dévotion au Sacré-Cœur apparaît sur les vitraux à travers l’image du Christ portant le SacréCœur ici ou celle de MargueriteMarie Alacoque, visitandine de Paray-le-Monial au XVIIe siècle, béatifiée en 1864 et canonisée en 1920, à genoux devant l’apparition du Christ. L’illustration des dévotions à la mode au XIX siècle… e Les évêques, les curés « éclairés » et les fabriques ont joué au XIXe siècle un rôle parfois dirigiste dans le choix et l’agencement du décor des vitraux. Ceux-ci témoignent donc du succès de certaines dévotions comme celle des saints fondateurs d’ordre (François de Sales, François d’Assise, Vincent de Paul, Louis de Gonzague, Charles Borromée), du Sacré-Cœur, du pèlerinage de Lourdes et de Jeanne d’Arc. Ce vitrail reprend l’iconographie de la Vierge telle qu’elle apparût à Bernadette Soubirous à Lourdes en 1858 et telle qu’elle était véhiculée par les médailles miraculeuses : manteau blanc, écharpe bleue en ceinture, couronne et pieds ornés de roses (église Saint-Hilaire de Reilhac). La représentation de Pie IX est associée au dogme de l’Immaculée Conception qu’il institua en 1854 et au triomphe de l’ultramontanisme (église du bourg de Cézac). Un don ou le témoignage inscrit dans le vitrail d’une piété populaire locale Certains vitraux du Lot, plus originaux, révèlent la piété populaire et les dévotions locales nombreuses au XIXe siècle envers les saints quercynois (saint Namphaise, sainte Spérie, saint Perboyre, sainte Germaine de Pibrac ou sainte Philomène) ou le pèlerinage de Rocamadour. Par ailleurs, les vitraux commandités par les paroissiens, confréries religieuses ou les corporations de métiers rendent souvent hommage aux saints patrons de ces derniers. Église Saint-Saturnin du Bourg : vêtue d’une armure, Jeanne d’Arc tient l’oriflamme portant sa devise « Jésus Maria ». Une citation extraite d’un registre consulaire de la ville de Cahors en 1429 apparaît sous le personnage. Ce culte, encouragé par la République à des fins idéologiques après 1870, s’inscrit dans le mouvement de féminisation de la religion catholique au XIXe siècle. Rares sont les donateurs qui ont souhaité garder l’anonymat. Leur nom est souvent placé comme celui du maître verrier ostensiblement le long de la barlotière inférieure ou dans un cartouche en bas de la fenêtre, avec parfois des précisions sur le rang social du donateur ou son rôle au sein de la paroisse (curé, fabricien, missionnaire, regroupements paroissiaux, associations de prière…). Dans l’église Saint-Hilaire de Reilhac, l’oculus de la façade ouest est pourvu d’un vitrail représentant l’ermite lotois saint Namphaise et un bûcheron. Dans le fond de la scène un petit lac fait référence aux aménagements que ce saint du VIIIe siècle aurait entrepris sur le causse de Gramat afin d’abreuver les animaux. Vitrail de l’église Sainte-Marie-Madeleine de Teyssieu : précédés de la mention « don de », noms de plusieurs donateurs dont un curé, un maire et un fabricien. Un membre du clergé pouvait offrir un vitrail dans une église sans pour autant officier dans la paroisse concernée. Sur un vitrail de l’abside centrale de l’église Saint-Sauveur de Figeac consacré aux travaux de la vigne, la représentation de saint Fiacre, patron des jardiniers, rappelle que la chapelle a été restaurée grâce au don de la confrérie du dit saint. Le choix de la représentation d’un saint est parfois uniquement lié à l’existence d’un paroissien éponyme : un vitrail de l’église de Goujounac figurant saint Cérède, inconnu des hagiographes, aurait été offert par un paroissien étrangement prénommé Cérède ! Ce vitrail de l’église Saint-Clair honore saint Jean-Gabriel Perboyre, prêtre lotois qui, parti en mission en Chine, fut livré aux soldats de l’Empereur et mourut par strangulation sur un gibet en forme de croix le 11 septembre 1840. Il est vêtu d’une tunique rouge (tunique des condamnés à mort en Chine), lié à un poteau et à une corde autour du cou. Vitrail de l’église de Saint-Germaindu-Bel-Air représentant le blason de Monseigneur Grimardias. Les armoiries d’une commune ou d’un personnage témoignent de leur implication dans la commande de vitraux. Le conseil général du Lot agit pour la valorisation du patrimoine lotois Le mécénat apostolique joint à un souci de fierté conduisait parfois certains curés à se faire représenter sur leurs vitraux. Monseigneur Grimardias, évêque de Cahors à la fin du XIXe siècle et à l’origine de la construction ou de la reconstruction d’une soixantaine d’édifices dans son diocèse, fut « vitraillisé » de son vivant (église de Cézac). 10 Le vitrail e au XX siècle l’inscription dans son époque L’aventure du vitrail contemporain a débuté en France et dans le Lot par une prodigieuse inventivité technique et esthétique, mais aussi par l’influence des grands courants picturaux. Église Saint-Quirin de Lalbenque : vitrail représentant le combat de saint Georges et du dragon, réalisé par les frères Mauméjean. Fondée à Pau en 1860 et active jusqu’en 1957, cette entreprise familiale de renommée internationale a travaillé sur la texture et l’épaisseur des verres pour tirer le maximum d’effet de la matière. Leurs vitraux illustrent les textes bibliques par des symboles simples, chargés d’une grande puissance évocatrice. Les couleurs vives et harmonieuses rendent la fluidité et la richesse des tissus. Le début e du XX siècle du style saint-sulpicien à l’Art nouveau La séparation de l’Église et de l’État en 1905 avec la disparition des conseils de fabrique et de la commande publique, a délivré la création de vitraux du contrôle tatillon de l’État en lui permettant de s’ouvrir à la modernité. Les ateliers régionaux encore en activité dans le Lot comme Saint-Blancat ou Gesta perpétuent le style saint-sulpicien, néogothique et l’iconographie religieuse du siècle précédent, tandis que de nouveaux maîtres verriers comme Charles Champigneulle et Félix Gaudin marquent vers 1925 l’influence de l’Art nouveau sur le vitrail. Les années 50 L’influence du cubisme et de l’Art déco Dans les années 50, le vitrail a profité du renouveau en France de l’art chrétien promu par le père Couturier et la revue L’Art sacré. Des maîtres verriers qualifiés collaborent avec des peintres totalement étrangers à l’art du vitrail comme Henri Matisse, Fernand Léger, Georges Braque ou encore Marc Chagall. Le vitrail lotois est alors marqué par l’influence de deux styles : le cubisme qu’incarnent les frères Mauméjean, visant à l’essence même des formes, et l’Art déco qu’a introduit Francis Chigot dans l’art sacré. Église Saint-Hilaire de Reilhac : vitrail signé Saint-Blancat daté de 1924 présentant un Poilu expirant dans les bras d’un ange. L’inscription « Dieu et Patrie » (Pro Deo pro Patria) souligne le lien qui unissait alors sentiment religieux et devoir patriotique. En 1918, beaucoup d’églises lotoises se sont dotées d’un espace commémoratif dédié à la Grande Guerre avec des vitraux rendant hommage au courage des soldats. Vitrail signé Félix Gaudin à l’église Saint-Étienne de Calviac. Cet ancien officier d’artillerie reconverti au travail du verre et à la mosaïque, disciple de Viollet-le-Duc, a eu recourt au début du XXe siècle à des matériaux nouveaux comme le verre américain. Église Saint-Barthelémy de Thégra : vitrail représentant la mort du Christ tel un écorché anatomique signé Mauméjean. Le traitement presque cubiste des visages leur confère une force sculpturale, de même que la décomposition des personnages en facettes juxtaposées. Vitrail de l’église Saint-Pierre de Gramat signé Champigneulle : sur le côté droit, la République française met le genou à terre devant la Foi et tend ses bras vers le Sacré-Cœur du Christ. Le maître verrier parisien et son prolongement, la Société artistique de peinture sur verre, évoquent ici la loi du 24 juillet 1873 votée par l’Assemblée nationale qui décréta l’édification de la basilique du Sacré Cœur de Montmartre d’utilité publique. Ce vitrail est l’un des trois consacrés à ce thème en France ! Le conseil général du Lot agit pour la valorisation du patrimoine lotois Dans l’église de Goudou à Labastide-Murat, la fenêtre axiale du chœur représentant la décollation de saint JeanBaptiste, patron de l’église, est l’œuvre du maître verrier Chigot en 1941 d’après un dessin de Georges Lebacq. Francis Chigot a rénové l’art du vitrail français en ayant recourt à des verres industriels (verres imprimés, goutte d’eau, diamant, cathédrale, opalescent). À la limite entre le figuratif et l’abstrait, son œuvre donne une large place aux formes géométriques. 11 Le vitrail aujourd’hui, un champ d’investigation de l’art contemporain Entre rupture et continuité, une nouvelle génération de maîtres verriers réinvestit aujourd’hui les questions de l’iconographie et de la symbolique dans l’art sacré contemporain. Grâce à une grande diversité de techniques et une plus grande liberté de composition, le vitrail est devenu un nouveau lieu d’expression où l’abstraction prend une part grandissante. Une création lotoise dynamique et créative L’atelier Creunier, situé à Albas, se positionne dans la lignée des maîtres verriers médiévaux. Il met le vitrail au service du bâtiment et de ses bâtisseurs. Ses créations respectent l’histoire de l’édifice et son style afin d’assurer la cohérence de l’ensemble et sa compréhension par le public. Elles mettent en avant le rôle de la lumière, l’importance de la matière, l’esthétique et le rôle didactique du vitrail. Vitraux du XIXe siècle Dans la fenêtre nord du chœur de l’église de Lhospitalet, l’atelier Creunier a réalisé un vitrail orné de rameaux d’olivier et de feuillages. Il présente les mêmes teintes que les vitraux des autres fenêtres du chœur datées du XIXe siècle mais la composition est vivifiée par l’apport de taches jaunes (chlorure d’argent). Comme ces fenêtres étaient munies de «défenses» en fer datant du XIVe siècle, formant «chaînage» dans les baies, ces éléments, très présents visuellement, ont été «intégrés» dans la mise en plombs qui reprend exactement leur position. Création de Creunier Les vitraux de l’atelier Le Bras-Girault, installé à Figeac, tendent d’avantage vers l’abstraction. Les tons et les couleurs sont distribués en vue d’une harmonie générale et en accord avec l’architecture. Dans la chapelle Saint-Jean-des-Arades à Belfort-duQuercy, les créations de l’atelier Le Bras-Girault suggèrent un mouvement (celui du visiteur dans l’église). Dans la première baie, les lignes, évocatrices du vent, sont dirigées vers le bas. Elles accompagnent les touches de rouge (représentant le Saint-Esprit) qui grandissent tout au long du parcours, s’élèvent progressivement pour culminer dans le chœur et redescendre à la sortie. Elément de cohésion, le camaïeu de bleu et de gris (évocateur du ciel) souligne la sobriété du paysage qui pénètre ainsi librement les lieux par la transparence, les reflets et les projections. Vue générale du chœur de la cathédrale Saint-Étienne de Cahors Le rôle de la commande publique Dialogue entre patrimoine et art contemporain La commande publique joue un rôle majeur dans l’évolution du vitrail religieux contemporain dans les églises. Le programme iconographique, choisi généralement par les évêques en lien avec les Architectes des Bâtiments de France, doit s’insérer dans des monuments parfois millénaires sans effacer ni dénaturer leur fonction de témoin historique. Si les interventions en Midi-Pyrénées de Pierre Soulages (abbaye de Conques en 1994) n’ont pas toujours fait l’unanimité, elles témoignent de cette dynamique créative. À Cahors, a été lancé en 2010 un appel à projet pour la création de vitraux dans la nef de la cathédrale Saint Étienne, classée Monument Historique en 1862. Ces baies munies de verres blancs losangés, réalisés il y a 50 et 80 ans, laissent en effet pénétrer une lumière crue et brutale, en très fort contraste avec le chœur riche de vitraux colorés du XVIIIe siècle. La perception fragmentée des volumes et la mauvaise lecture de l’architecture et des décors nuisent au caractère exceptionnel de ce bâtiment. Une commande publique, sur la base d’un programme iconographique précis, a été élaboré et a permis de retenir cinq lauréats devant chacun produire une maquette. Résultats en 2012… Baies nord (7 et 5, nef / 3, transept / 1, chœur) Baies sud (2 chœur, 4 transept, 6 et 8 nef) 5 / 70 cm / 210 cm, 1 / 70 cm 190 cm (Baie 1) Baie axiale de la nef ouest 100 / 100 cm Le conseil général du Lot agit pour la valorisation du patrimoine lotois 12 Conservation et restauration « La valeur intrinsèque d’un vitrail est comparable à celle d’une œuvre d’art ou d’un monument patrimonial, indépendamment de son époque de création ou de sa valeur marchande » (ICOMOS ou Conseil international des monuments et des sites). Église de Figeac : cassures du verre. Un patrimoine fragile et menacé Les matériaux constitutifs du vitrail sont la première cause de leur altération. Les verres médiévaux à fondant potassique et à faible teneur en silice ont tendance à brunir, à devenir opaques et donc illisibles. Les vitraux du XIXe siècle ont certes un fondant sodique mais leurs plombs plus légers ont une durée de vie plus courte d’environ cent ans. Le vitrail peut être menacé par la corrosion de l’armature métallique (calfeutrement, mastic, cadre en pierre de la baie, réseau des plombs). Église des Carmes de Figeac : la pièce de verre peut être altérée dans sa translucidité et sa transparence (corrodée), dans sa couleur (décolorée ou opacifiée) ou dans son intégrité (amincie, effritée, fissurée, cassée). La dépigmentation est liée à l'emploi de certains constituants de la grisaille ou de liants utilisés en peinture. De plus, comme toute œuvre d’art, les vitraux sont sensibles aux outrages du temps et aux agressions atmosphériques (pollution, intempéries, oiseaux, lichens, dépôt de microorganismes, champignons, algues et bactéries…). Le climat est souvent instable dans les églises : humidité forte et condensations, élévation brusque de la température due au chauffage dominical. Enfin, les vitraux sont parfois exposés aux méfaits de l’homme (changement de goût, modifications des aménagements liturgiques, vandalisme) et souffrent d’un manque d’entretien dû à la baisse de fréquentation des églises. Vitrail de l’église Saint-Pierre de Luzech avec grillage anti-pigeons. L’importance de la conservation préventive Les vitraux les plus fragiles ne peuvent souvent plus assurer leur fonction mécanique de clôture de l’édifice et donc d’étanchéité. Deux outils permettent d’assurer leur conservation in situ sans les soumettre aux dégradations, à l’usure et au phénomène de condensation : - une grille métallique fixée à un cadre et attachée à la maçonnerie ou sur les ferrures derrière la verrière, discrète et esthétique aussi bien dans son aspect extérieur que dans sa vision par transparence - une double verrière composée de feuilles de verre trempé et de verre feuilleté, posée parallèlement au vitrail (utilisée essentiellement pour protéger les vitraux anciens). Les techniques de restauration Au XIXe siècle, les maîtres verriers restauraient comme ils créaient : ils réparaient avec des plombs de casse en rognant les pièces anciennes, complétaient les pièces manquantes avec du verre neuf, faisaient clôturer les vitraux détruits par des couvreurs ou des maçons. Aujourd’hui, l'éthique moderne de la restauration des vitraux, dictée par le Corpus Vitrearum, organisme international fondé en 1952, exige que les interventions sur les vitraux soient lisibles, réalisées a minima et réversibles. Le remplacement d’une pièce manquante ou la copie de pièces ne sont tolérés que pour restituer la lisibilité de l’œuvre. Les méthodes employées par les ateliers aujourd’hui font appel à des procédés scientifiques issus des dernières technologies (nettoyages chimiques par compresses, loupe binoculaire). Le nettoyage d’un vitrail permet de supprimer des dépôts divers (poussières, suies, résidus de mastic, patines artificielles). Le refixage de la grisaille se fait avec des résines synthétiques ou à froid (huile, vernis). Les pièces cassées peuvent être réparées par la pose d’un cuivre de casse (« montage Tiffany »), collées bord à bord ou doublées par un verre transparent. La restauration du réseau de plomb consiste à remplacer les plombs usagés par des plombs neufs avec une armature en matériau moins oxydable. Les mises en plombs anciennes qui présentent un intérêt historique doivent être préservées. Détail du vitrail de l’église de Douelle représentant la Crucifixion, avant restauration. Avant restauration Après restauration Restauration d’un vitrail de l’église d’Assier par l’atelier Le Bras-Girault : toute intervention sur des vitraux exige l’établissement d’un dossier de restauration. Légende : ……… Plomb de casse Comblement de lacune en plomb Remplacement pièce neuve Protection grisaille (paraloïd B72) • • • Vitrail de l'église de Douelle après restauration par l'atelier Creunier. Le conseil général du Lot agit pour la valorisation du patrimoine lotois 13 Des chantiers de restauration dans le Lot Le vitrail médiéval l’église des junies Dates du chantier : 2006-2007 Maître d’ouvrage : Direction Régionale des Affaires Culturelles de Midi-Pyrénées Maître d’œuvre : Agence Rebière (Architecte en Chef des Monuments Historiques) Entreprise : Atelier Pinto (Tusson, Charente) Coût HT : 24 786 euros Financements : État, commune, Conseil général, Gaz de France La grande verrière de la baie d’axe de l’église Saint-Pierre-ès-Liens des Junies, datée du XIVe siècle, présentait depuis plusieurs années des altérations dues à l’importance et à la fréquence des phénomènes de condensation : obscurcissements des verres, disparition des grisailles et développement d’algues. Les panneaux ont été déposés en 2006 pour une restauration dans l’atelier charentais Pinto. Celui-ci a privilégié la conservation de l’œuvre et mis l’accent sur le nettoyage minutieux des verres (suppression des coulures de mastic et des dépôts de surface, application d’un biocide). Les plombs des restaurations précédentes, trop larges, ont été remplacés par des plombs reprenant le dessin du réseau de plomb originel. Les verres cassés ont été recollés bord à bord. La grille métallique, après traitement antirouille, a été reposée, consolidée à l’extérieur de l’édifice par une verrière de protection. Avant la repose des vitraux, la maçonnerie des baies a été restaurée (jambages et meneaux en pierre de taille) : nettoyage et rejointoiement des glacis, remplacement des pierres altérées, mise en place d’une bande de protection en plomb sur le glacis. Cette intervention a bénéficié du mécénat de la Fondation d’entreprise Gaz de France. Relevé après restauration Le vitrail contemporain Le vitrail renaissance le château de Castelnau-Bretenoux l’église Saint-Barthélemy de Cahors Dates du chantier : 2007 Maître d’ouvrage : Centre des Monuments Nationaux Maître d’œuvre : Architecte des Bâtiments de France Entreprise : Atelier Le Bras-Girault (Figeac, Lot) Financements : État, Gaz de France Dates du chantier : travaux de strict entretien : campagne pluri-annuelle de 2007 à 2010 Maître d’ouvrage : commune de Cahors Maître d’œuvre : Architecte des Bâtiments de France Entreprise : Atelier Creunier (Albas, Lot) Coût TTC : 5 106,64 euros HT Financements : État, commune, Conseil général Achetés au XIXe siècle par Mouliérat pour la salle dite de l’oratoire du château de Castelnau-Bretenoux, deux vitraux représentant des anges musiciens avaient pâti de leur exposition sur les façades sud et ouest (soleil, vent, intempéries). Le démontage des panneaux a été précédé d’une prise d’empreinte des plombs par frottage. Les vitraux ont été débarrassés des restaurations anciennes. L’ancien mastic d’étanchéité a été retiré par un lessivage à l’eau déminéralisée. Les scènes de grisaille ont été consolidées par masticage. Les petites casses ont été résorbées par collage à la résine. Pour les cassures plus importantes, le plomb de casse a été remplacé grâce à la technique « tiffany » (bande de cuivre munie d’adhésif, complétée par une soudure à l’étain). Une opération de balayage doux à la brosse a été effectuée sur chaque panneau avant leur réinstallation au château pour éliminer les traces de poussières et de salissures. Relevé avant restauration Avant restauration Leur teinte verte, leur découpe par grugeage et leur décor de grisaille sont autant d’éléments de datation du XVIe siècle. Dominant la partie haute de la ville médiévale de Cahors, l’église Saint-Barthélemy a pris ce nom au XIVe siècle lorsqu’elle fut reconstruite sous l’impulsion du pape Jean XXII à partir de 1320. De l’édifice originel qui s’appelait Saint-Etiennedes-Soubirous, il ne reste qu’un pan de mur sur la façade nord. Ses vitraux contemporains ornés de motifs géométriques ont fait l’objet de travaux de strict entretien au cours d’une campagne pluriannuelle entre 2007 et 2010 : coupe et cintrage des armatures, brasure des éléments (cadres et traverses), découpe et couture des grillages au fil de cuivre et pose des fourches de fixation en cuivre forgé. Ces travaux ont été menés par la commune de Cahors, avec le soutien financier du Conseil général du Lot qui agit depuis plusieurs années pour la connaissance, la protection et la valorisation des vitraux du département. Après restauration Grillage de protection Vitrail avant restauration Le conseil général du Lot agit pour la valorisation du patrimoine lotois