A la recherche de l`Egypte pharaonique, des origines à l
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A la recherche de l`Egypte pharaonique, des origines à l
\ GROUPE VENDEEN D'ETUDES PREHISTORIQUES - N°13 - 1985 \ A LA RECHERCHE DE L'EGYPTE PHARAONIQUE \ (des origines à l'époque saïte> Charles-Albert BOURGUIGNON Première Partie: des origines à l'Ancien Empir~ ~~ INTRODUCTION : Elie Faure (in "l'Art antique" page 79, voir Bibliographie) commence son étude intuitive sur l'art égyptieri par cette phrase - "L'Egypte est la prem i ère de ces ondu 1a t ions que son t 1es sociétés ci vil i sées à 1a surface de l'histoire et qui paraissent naître du néant et retourner au néant après avoir passé par une cime". Ce texte a été écrit en 1909, puis revu en 1921. Il est certain que cette "Histoire de l'art" date un peu, compte tenu des nombreuses découvertes des archéologues frança i s, ang 1ais, américains, suédois, polonais et même japonais, sans oubl ier naturellement les chercheurs arabes ••• l'Arc'héologie, pour progresser, se doit d'être ouverte à toutes les nations. Pas de frontières en Archéologie. C'est ainsi que, dé sormais la période préhistorique et prédynastique est sortie du "néant", si je puis dire. Peu à peu les énigmes posées par la civilisation égyptienne sont résolues, mais il existe toujours des problèmes, pour cerner de plus près "le visage et le regard" de l'Art, qui naquit sur les rives du Ni 1.•. 1 - Un peu de géograph i e ••• L'en semble égyptien appartient aux cultures du Moyen-Orient et à celles de l'Afrique soudanaise (région de Khartoum, la Nubie et le pays de "Kouch" selon les chroniqueurs de Thoutmès III et de Ramsès Il) et 1ibyenne (Cyrénaique, Sahara, oasis de Siouah, etc ••• ) respectivement à l'E s t, au Sud de 1a Haute-Egypte et à l'Ouest du Nil. Au Nord, c'est 1a Méditerranée, avec le delta du fleuve sacré de l'Egypte et la Crète et Chypre, deux Îles dont les civilisations seront en contact avec le pays qu i nous occupe, tout comme l'Ana toi i e. .. Géograph i quement, l'Egypte, près d'Assouan, est tropicale (Tropique du Cancer) mais le cl imat doux et sec. L'Egypte, à l'abri des invasions, isolée par les déserts, n'a que très peu de pluies c'est le pays rêvé pour les archéologues, car tout s'y conserve (momies, sculpture sur bois et de pierre etc ••• etc ••• ) depuis la Haute jusqu'à la Basse Egypte (notamment à Tanis, fouilles de Pierre Montet). Ce fait que je viens de signaler fut surtout vrai dans l'Antiquité; le c limat, au XXème siècle, est devenu plus humide, depuis l'achèyement du barrage d'Assouan. Hérodote a dit, selon une formule célèbre "l'Egypte ' est un don du Nil" (in "les Histoires"). C'est ainsi que le Delta (ou "Ta-Meh" en égyptien ancien qui signifie: "La Terre du Nord") a favorisé l'éclosion de la civilisation de l'Ancien Empire, par l'apparition de l'agriculture (Néolithique, .ancêtre authe~tique de la culture des pharaons) au Nord, pu i s au Sud, dans 1a Haute-Egypte, comme nous 1e verrons plus loin. Selon les croyances des Egyptiens, l'orage, parce que rare et violent, manifestait la présence du Dieu Seth (surtout au moment où 'souffle "le khamsin" ou vent "des 50 jours"). Mais, il faut ajouter, comme le signale Joseph Wi esner, professeur de l'université de Fribourg-en-Brisgau (in "L'Egypte, Histoire de l'art" page 13, cf. Bibliographie) que ce climat sec et méditerranéen n'apparait qu'au Illème millénaire av. J.C •• an sait depuis les découvertes du Tassi 1i et du Tibesti, que la forêt vierge *Cet ouvrage est dédié à ma mère.' 39 recouvrait le Sahara (et y compris toute l'Egypte)" durant toute la Préhistoire. Puis, ce fut le recul dans la région du Bahr-el-Ghazal, de la faune, comme de la flore tropicale (au Sud du Soudan dont la capitale est Khartoum). Au poi nt de vue de l' Hi stoi re de l'art, qu i nous occupe, dans cet exposé, l'Egypte est 1e pays de 1api erre ell e se présente sous ses tro i s aspects et le granit, la poterie dur, noir et rose, (région d'Assouan) le grès dur (uti 1isé surtout te Egypte et de la Nubie) employé au Nouvel dans l'architecture, Empire, la sculpture en provenance de la Hau- et enfin le calcaire (rive du Nil depuis Edfou jusqu'au Delat, l'albâtre également employé mais provenant des montagnes du · désert bique) Il - Les pionniers de l'égyptologie avec Ara- : Cet exposé ne saura i t être exhaust if, bien entendu, devant 1e nombre des chercheurs de tous les pays. Néanmoins, il portera sur l'oeuvre de pionni ers (1 es pri nci paux), authent i ques fondateurs de l' Egyptol og i e. Ai nsi , l'art égypt i en, oub 1i é au temps de 1a conquête arabe, deva i t-i 1 être découvert par la science européenne, et notamment par 3 pays: l'Angleterre, l'Allemagne et surtout notre patrie, la France •.. En 1763, Winckelmann analyse, ' pour la première fois d'une manière rationnelle, dans son "Histoire de l'Art", la sculpture (pierre surtout) et les premiers éléments connus des monuments archi tecturaux de l'Egypte phara onique. Il sait que les momies étaient peintes, bien avant la plupart de ses contemporains. Pour la première Joachim Winckelmann (1717-1768) fonde l'Esthétique, et découvre l'art du portrait, chez les sculpteurs égyptiens. Chaque oeuvre d'art devient matlere à une étude sur la vie quotidienne du fellah, du prince ou du roi (voir plus loin). Je ne puis m'empêcher de citer, dans ce chapitre consacré aux pionniers de l'Archéologie égyptienne, le texte sobre et clair du professeur Joseph Wiesner · : "A l'époque de la publication de son livre (il s'agit de l'ouvrage de Winckelmann) celles-ci (sous-entendu les foui Iles archéologiques) reçurent une impulsion décisive grâce au voyage de Carsten Niebuhr, le "roi des explorateurs de l'Orient". C'est à partir du récit de ce dernier en 2 volumes ("Voyage en Arabie", 1774-1778) que le plan de recherches fut vite trouvé par Bonaparte et Vivant Denon ils n'avaient qu'à utiliser les travaux de Niebuhr. Wiesner poursuit "Aux riches découvertes de cette expédition (17981801), qui furent publ iées dans des ouvrages monumentaux, succéda le déchiffrement des hiéroglyphes égyptiens et la première étude de la langue par Jean-Françoi s Champoll ion (1790-1832). Au moyen des cartouches royaux de Ptolémée et Cléopâtre, il parvint à déchiffrer "la Pierre de Rosette", sur laquelle du grec était gravé à côté de l'égyptien hiéroglyphique et démotique ( i n : "L'Egypte" page 6 voir Bibliographie). Dès lors la Science nouvelle de l'Egyptologie était fondée définitivement, grâce au courage et au mérite d'un Français .•. L'Italien Battista Belloni (1778-1832) explora la Vallée des Rois, près de Thèbes (Haute-Egypte), découvrant ainsi le tombeau du pharaon du Nouvel EmR i re! Seth i 1 er et pénétrant en outre dans les chambres funéraires de la py.amide de Khéphren, roi de l'Ancien Empire (IVème dynastie, de 2650 à 2600 av. J.C.), à Gizeh (découverte faite de 1817-1818). L'Allemand Karl Richard Lepsius (1810-1884) conduisit une expédition en Egypte, de 1843 à 1845, et étudia notamment l'Ancien Empire c'était l'époque des recherches fondamentales de l'Assyriologie (fouilles de Botta, à Khorsabad et de Layard à Ninive - Kouyoundjik, en Irak actuel). Le Français Auguste Mariette (1821-1893) découvrit en 1850, le fameux Sérapeum de Sakkarah, et éga 1ement, 1e non moi ns cél èbre tOIJ'lbeau de Ti. Il fonda "1 e Musée égypt i en", pour sauvegarder 1es trésors 40 des rois et des vizirs (premier ministre dans l'Egypte pharaonique). L'Anglais William Matthew Flinders Petrie (1853-1942) mit au jour le comptoir grec de Naucratis (Basse Epoque), fonda la Paléocérémologie et découvrit la Préhistoire égyptienne (culture de Nagada). III - Préh i stoi re en Egypte : Cette période est encore très mal connue, malgré les efforts des archéologues, comme E. Vignard. La technique de débitage Levallois se trouve, à l'oasis de Kharga (ou Khargèh) mais la datation est du Paléol ithique Supérieur (voir Brézillon, "Dictionnaire de la Préhistoire" cf. Bibliographie) le site a donné son nom à un faciès industriel (le kaharguien). Le Sébilien représente un ensemble fonctionnel - si je puis dire - et industriel du paléolithique Supérieur et de l'Epipaléolithique, dont la définition fut faite, près de Kom-Ombo (Haute-Egypte), à Sébil. Le niveau le plus ancien révèle la présence de nombreux caractères moustériens il s'agit du sébilien 1. C'est E. Vignard qui fit cette remarquable découverte archéologique, à Kom-Ombo, en 1920. Depuis lors, P. Smith identifia deux faciès industriels, près du djebel Silsileh (dénommés le silsilien et le sebekien). "Des éclats à talon tronqué par retouche abrupte et dont l'un des tranchants est partiellement abattu pour en faire des couteaux à dos" ont été découverts, par Vignard (voir ouvrage cité, p. 218 "Dictionnaire de la Préhistoire", cf. Bibliographie) sur le site de Kom-Ombo (proche d'Assouan). Au niveau 'stratigraphique du sébilien Il (11 000 av. J.C.), les outils sont de plus petite forme "et des nucléus à 2 plans de frappe opposés voisinent avec de petits nucléus Levallois" (ouvr. cité, même page). Les éclats à talon recoupé possèdent une forme en "trapèze". Le mésolithï"que (phase culturelle entre le Paléolithique et le Néolithique d'une importance relativement grande) est caractérisé en Egypte, par le gisement d'Hélouan (près du Caire), avec ses objets de silex (armatures de flèches en lamelles triangulaires élancées, munies près de la base d'encoches symétriques, permettant la 1igature sur la hampe). Cette culture encore proche du paléolithique Supérieur semble, selon Brézillon, contemporaine du Natoufien de Palestine, par ses nombreux microlithes en segment de cercle (voir ouvr. cité p. 120, cf. Bibliographie). Dès le Néolithique, les cultures s'intensifient, avec "la Révolution agricole" (la formule est. de l'archéologue Gordon Childe): au Nord de l'Egypte, dans le Fayoum, à EI-Omari et à Mérimdé-Beni-Salamé, représentant "le mérimdien". La civilisation de Mérimdé est datée de 4 200 environ avant J.C. Elle marque l'adaptation des Proto-Egyptiens à la vie pastorale et agricole (voir notamment Grahame Clark, "Préhistoire de l'humanité" cf. Bibliographie), un formidable essor des industries, l'invention du tissage, de la vannerie et de la poterie... Les premieres formes structurales de la religion égyptienne font leur apparition, avec les coutumes funéraires et la croyance en la survie, dans un Au-delà (ou Eau-delà) (voir à ce sujet mon "Art et rel igion préhistoriques" première partie). En outre, voici l'édification des premieres cités, comme à Mérimdé. Ce sont les premières familles et le Néolithique est bien l'ancêtre de la civilisation de l'Egypte pharaonique. A Deir Tasa (Hw.ute-Egypte, dans la région de Mostaggeda, près d'Assouan et de Gourna) une cu 1ture se forme efficacement, probab 1ement issue de l' Afri que soudana i se, appel ée "tasi enne" par les spécialistes, qui date de 4 000 av. J.C., contemporaine de celle du Mérimdé. Au tasien, débute, avec l'ère chalcol ithique, l'industrie du cuivre, avec 1es ri ches mines de Nub i e et probab 1ement cell es du mont Si na, et également commence l' uti 1isation de l'émai 1 bleu •.• Vers 3 900 av. J.C., la période Prédynastique (ou énéolithique) voit le jour, avec la culture dite de Badari. L'Art connait un premier "soufflè" avec notamment 1es pa 1ettes à fard. Le Prédynast i que reste une longue pé- 41 riode, qui prépare l'avènement de la 1ère dynastie les chercheurs la rangent, dans la typologie, dans le Chalcolithique au point de vue chronologique. Il existe : le Prédynastique Ancien ou amratien ; Prédynastique Moyen ou gerzéen Prédynast i que Récent ou Préth i n i te péri ode du roi Scorpion. Toute cette nomenclature reste encore incertaine et varie, selon les archéologues eux-mêrres .• Originellement, les fami Iles étaient groupées en clans (voir Guy Rachet, "Dictionnaire de la civilisation égyptienne" page 206, cf. Bibl iographie) adorant le même totem, selon les recherches de Durkheim et de Marcel Mauss, qui représente de façon animale ou végétale, l'ancêtre commun (mythique). Les agglomérations se réunirent, par un processus de social isation (selon Tei Ihard de Chardin, in "le Phénomène humain" cf. Bibliographie), 'là où vivaient les clans, préfigurant ainsi la création des nomes (ou principautés, plus tard, regroupées en fédération politique, sous l'Ancien Empire, devenant ainsi plus ou moins urie circonscription administrative) arrêtant le nomadisme des Proto-Egyptiens. C'est Kurt Sethe qu i a proposé, dans 1es années 1930, une théori e qu i vaut ce qu'elle vaut, à la fois hypothétique et critiquaple, mais qui apporte, après avoi r synthét i sé tous 1es él émen ts archéol og i ques, une "résurrection de l'Histoire", selon la formule même de Jules Michelet; ainsi le Prédynastique peut-i 1 ressurgir, grâce aux archéologues et aux historiens bien entendu Dans 1a Basse-Egypte, 1a rég ion du Del ta du Nil, deux Etats se forment, issus pol itiquement et socialement des nomes, l'un à l'Ouest et l'autre à l'Est le premier avait pour Dieu Horus (capitale Behdet, aujourd'hui Damanhour) et le second Osiris (capitale busiris) puis il se créa ensuite une fusion socio-politique des deux Etats en un seul, avec Saïs, et enfin Behdet comme seule capit a le. 3ientôt, est attestée la croyance selon laquelle Horus serait le fils d'Osiris, dans les premiers balbutiements de la religi " spécifiquement égyptienne. Au Sud, la culture amratienne crée un royaume dont Ombos est la capitale et Seth, le dieu (au Nord de Louxor)." le Delta, avec son Dieu Horus, reconquit le Sud (après une courte révolte) dominé par Seth, et c'est un écho de ces guerres qu'on retrouve dans la légende d'Osiris" (voir Guy Rachet, ouvr. cité p. 206, cf. Bibliographie). Héliopolis devint la capitale de l'Egypte en gestation, avec son culte solaire (Rê ou Râ et par syncrétisme avec Horus Rô-Harakht i) si tuée dans 1a Basse-Egypte. Il est probab 1e que des populations asiatiques aient pénétré en Egypte, déchirée par ses luttes entre le Nord et le Sud, le combat d'horus contre Seth, après la mort d'Osiris. Les guerres civiles affaibliront l'Egypte (durant les périod es intermédiaires) tout au long de son Histoire, mais grâce à sa religion e t à ses institutions, la civilisation pharaonique, en embryogénèse si j e puis emprunter ce terme à la Biologie - durera des mi Ilénaires ••. Avec l e roi Scorpion et surtout Narmer (le "Ménès" d'Hérodote et de Manéthon, fondateur de la Première dynastie ou Aha selon d'autres archéologues du XXème siècle) l'Egypte entre dans l'Histoire •.. Il sera dès lors question avant tout des "facteurs" de civilisation, l'Art et la Religion, sans oubl i e r les grandes figures comme la vie quotidienne du menu peuple des f e llahs, dans le déroulement héroïque de son évolution culturelle, semée d e larmes, de souffrances, du sang, de la boue et de l'or nubien, de tout e une nation, l'une des premières civi 1 isations avec Sumer et ses citésé t a ts (ur, Lagash et Eri du, etc •.. ). IV L'Ancien Empire de 3 300 av. J.C. à (qepuis 2 423 av. la pério€le pré-thinite) J.C. J'ai volontairement esquissé simplement l'étude de l'Art préhistorique et protohistorique de l'Egyp-te, car je considère que la période pré-thinite, thinite et de l'Ancien Empire, fut une ère où la créativité de l'art égyptien devait produire des chefs-d'oeuvre, faits pour l'éternité ..• L'unification de la Basse-Egypte, de la Moyenne et de la H a ute, coincide aOec l'apparition d'un art national, profondément original et génial au point de permettre l'éclosion de l'esthétique grecque. 42 A - L'Art de l'époque pré-thinite et thinite Avec le règne du roi Scorpion, l'art issu de la Protohistoire connait un splendide archaïsme, notamment dans la palette schisteuse (objet votif) di te des Vi Iles (au Musée du Ca ire) et dans celle du Taureau (Musée du Louvre). Le roi de 1a Haute-Egypte est représenté sous 1a forme d'un jeune et fort taureau (sur la face de la palette) au revers est dessinée une ville-forte c'est un "bulletin de victoire", comme la stèle des Vautours (Eannatum, oeuvre d'art suméri enne) • "La palette de Narmer" a été découverte à Hiérakonpol is (dans la BasseEgypte) j elle marque le règne du premier pharaon (ou Ménès ou Aha) j comme le fait -remarquer Léonard Cottrell, c'est "un tournant de l'Histoire" (in "les Civilisations", cf. Bibliographie). En effet, l'art égyptien va pouvoir donner sa pleine mesure. Une tête de massue attribuée au roi Narmer (du mot "mer" = ciseau et "nar" = poisson, en égyption ancien) retrace le triomphe du pharaon sur ses ennemis ce dessin sera reproduit presque tel quel durant toute la durée de la civilisation préthinite. C'est l'Jarmer qui a fondé la ville de Memphis' (selon Hérodote, voir "les Histoires"). L'expression d'époque thinite vient de la cité de This (près d'Abydos), station éponyme. Joseph Wiesmer a pu écrire: "le symbole d'éternité qui caractérise l'esprit mégalithique sous sa forme nouvelle, règne désormais dans la grande sculpture comme dans l'art du rel ief" (voir ouvrage cité page 36, cf. Bibliographie). En dépit de rapprochements possibles mais non certains avec "l'art sumérien", l'indépendance de l'esthétique égyptienne est grande. Sous 1a Première dynast ie, l' écri ture est inventée (après Sumer) et prend rapidement un caractère magique et religieux, d'où le rôle du scribe, dans la société égyptienne et à la Cour du pharaon, comme il sera attesté plus tard (notamment dans la littérature et la ' sculpture, voir plus loin). C'est durant le règne d'Oudimou que la pierre est pour la première fois ut il i sée, dans l'arch i tecture. B - L'Architecture sous l'Ancien Empire: Sous 1a ferme di rect ion d' 1mhotep, consei Il er, mi n i stre du roi Djéser (1 1 1 ème dynast ie, de 2 778 à 2 723) et surtout arch i tecte, . 1a pyram i de de Sakkarah est le premier essai, dans cette conception rel igieuse et architecturale de type pyramidal. Le terme de pyramide, du grec "pyramis" (pluriel "pyramides") désigne, selon toute vraisemblance une sorte de gâteau de blé conique, rappelant le monument. Le pharaon se faisait enterrer dans la pyramide, comme le fit le premier Djéser j le caveau éta i t creusé sous 1a superstructure pyrami da 1e ou dans la pyramide elle-même. Par son travail, Imhotep devait produire un art qui a défié l'éternité il fut lui-même plus tard adoré comme un dieu. Imhotep découvrit la taille de la pierre c'était un génie universel. Le simple banc de sable et plus tard de briques = Mastaba, réservé aux su-jets est abandonné par le pharaon Djéser. La pyramide de Sakkarah est le résultat d'une série d'aggrandissements (selon Monique Péquignot). Au départ un mastabe carré, ensu i te une structure arch i tectura 1e à quatre degrés, puis à six degrés, recouvrant le mastaba. En égyptien, le mot "mer" désigne la pyramide. Dans le pays de Sumer, il y eût un élément analogue avec la "ziggourat" ou tour à étages, comme par exemple à Ur. C'est le dieu des arts, Ptah, qui inspire architectes, ouvriers, esclaves et pharaons. " anime la vie religieuse et artistique, dans sa puissante force créatrice, selon le célèbre document de "la théologie memphite", écrit sous la Illème ou IVème dynastie. Il est à noter que ce traité de théologie de Memphis a été conservé grâce à une table de granit de l'époque du roi éthiopien Shabaka (716.,...710 av. J.C., XXVème dynastie) simple copi"e de ce document que je viens de signaler. Je dois ce précieux renseignement à Joseph Weisner (in "l'Egypte" page 49, cf. Bibliographie). 43 Après la première réussite d'Imhotep, à Sakkarah, voici la deuxième avec la pyramide de Meïdoum, qui date, selon toute vraisemblance, du pharaon Snéfrou (fondateur de la IVème dynastie, 2 723 av. J.C.) et qui se composait d'une construction à huit degrés (aujourd'hui il n'en reste plus que trois). La troisième réussite, dans le cadre de l'évolution de l'architecture égyptienne, sous l'Ancien Empire, reste la pyramide de Dahshour, dénommée pyramide rhomboidale, également sur l'ordre du roi Snéfrou. Comme l'écrit Monique Péquignot (une fiche technique de la revue "Archéologia") "Cette fois, les quatre côtés sont continus et le sommet pointu mais on constate une rupture de pente à peu près à mi-hauteur". De nouvelles croyances se fon.t jour, autour du culte rendu à Rê, le dieu solaire de la théologie hél iopol itaine le pharaon Chephren prendra le titre de "fi Is de Rê" (en égyptien "Sa Rê") pour la première fois dans l'Histoire de l'Egypte; exemple que suivront tous les rois. C'est à Dahshour (à l'ouest de Memphis) que la pyramide mesure 97,50 m de hauteur et 188,50 m de côté; son revêtement en plaques calcaires de Toura a été conservé (selon Guy Rachet, ouvr. cité page 89, cf. Bibliographie). Sur le plateau calcaire de Gizeh, au N.O. de Memphis, s'élèvent les trois grandes pyram i des des pharaons de 1a 1Vème dynast ie, Chéops, Chéphren et Mykérinus (de 2 723 à 2 563 av. J.C.) ; elles avaient été appelées par les rois, sous l'inspiration de la religion solaire "Horizon de Chéops", "Grand est Chéphren" et "0 i vin est Mykéri nus". L'Egypte dev i ent un Emp ire religieux et totalitaire. L'édification de ces monuments a demandé le sacrifice de milliers et de mill 'iers d'esclaves. Tous leurs prodigieux efforts ne peuvent provenir que d'un acte de foi en Rê. La plus titanesque, mesure 230 m de côté et 146,59 m de hauteur c'est celle de Chéops. ' Sa construction, selon le témoignage d'Hérodote, aurait exigé trente années de travail et 100000 ouvriers relayés tous les trois mois •.. Seules les cathédrales du Moyen-Age ont marqué pareil effort pour la Foi en Dieu. La pyrami de de Chéphren a 215,25 m de côté sur 143,50 m de hauteur. Ce ll e de Mykéri nus est plus pet i te (108,40 m de côté sur 62 m de hauteur). Il conv i ent d'abandonner l' i mage trop vu 1gari sée dans 1e pub 1i c de 1a construction des pyramides. L e s temples de l'Ancien Empire ne sont guère connus, malgré les progrès d e l'Egyptologie. Seul temple non à usage funéraire est celui du Soleil a ttri bué à N iousserrê. (voi r plus loi n au sujet des sanctua ires du Nouvel Empire) . L'évolution de l'architecture sous la Vème dynastie (2563 av. J.C. à 2 423 av. J.C.) se découvre dans le temple de Sahouré les colonnes deviennent "papyriformes" et "palmiformes" sous forme de fleur de lotus. Il ex iste une différence profonde entre la colonne égyptienne et la colonne grecque la première est plus naturelle, moins abstraite que la seconde, plus architecturale et moins concrète. Toutefois, le calcul mathématique et la géométrie ont été utilisés par les Egyptiens, dès l'époque d'Imhotep et du roi Djéser. Mais je laisse parler Joseph Wiesner, professeur de l'Université de Fribourg-en-Brisgau (in ouvr. ci té page 51, cf. Bi b 1iograph i e) "Dans 1a grande cour de l'autel où il ne reste plus rien de l'atmosphère oppressante du temple de Khéphren, les colonnes palmiformes de granit rouge se dressaient, couvertes d'hiéroglyphes gravés en bleu, dans la lumière rayonnante du soleil, aud e ssus d'un sol de basalte noir, symb~le en pierre, immuable, de la fertil e terre noire égyptienne, et noir est aussi le socle de basalte sur lequel se trouvaient des reliefs calcaires polychromes, au-dessus d'une bande rouge encadrée de noi r et de jaune". C - La Sculpture sous Néanmoins t ec hnique, l'Ancien Empire l'Egypte n'a pas connu de civilisation sci .e ntifique ou purement tout comme d'ailleurs les autres cultures de l'Antiquité ;il ne 44 faut pas l'oublier. Toute la sculpture est imprégnée de religion, comme 1a pensée et arch i tecture (voi r paragraphe précédent). Au temps du pharaon Djéser, comme tous les arts, débuta la statuaire, par la représentation scu 1ptée de Djéser 1u i -même, fa i te grandeur nature, qu i fut cachée dans l'enceinte sacrée de Sakkarah "emmurée dans une petite salle", communiquant avec l'a i r 1i bre par deux pet i ts trous à 1a hauteur des yeux. Ce fait indiscutable n'est pas sans rappeler "le trou des âmes" de l'ère mégalithique, par les menhirs notamment. Au point de vue esthétique, cette représentation sculptée du roi Djéser évoque celle de Ka-Sekem (lIème dynastie). Elle en diffère par la perruque et la coiffe royale en étoffe rayée le Kalft - et la longue barbe postiche, comme le fait remarquer Wiesner. Malgré la séparation des rnil1éna ires, cette oeuvre n'est pas sans rappel er, par ses formes structurelles, le Cubisme du XXème siècle .•• Rien de nouveau sous le solei 1 Le scribe est représenté pour la première fois, dès le commencement de la civilisation égyptienne, et le sera jusqu'à la fjn de l'Art de l'Egypte pharaonique. Il marque la création d'une authentique bureaucratie, possédant l'art de l'écriture, comme je l'a i déjà signalé, et assurant la bonne marche de l'Etat et des affaires, non sans dureté parfois vis-à-vis du simple e t obscur fellah, ou de l'artisan, pauvre mais libre. Ma i s i l faut ajouter que c'est grâce aux scri bes qu'a pu être conservée la littérature si riche et si variée des temps pharaoniques ••. Une statuette en granit noir (d'une hauteur de 0, 285 m) marque bien la présence nouvelle de l'élite politique et culturelle. C'est au Musée du Louvre que je vis pour la premlere fois "le scribe accroupi" je découvrais, avec M. André Testard, professeur de dessin au Lycée J.J. Rousseau de Montmorency l'Art égyptien, dans la joie et l'émerveillement. •• Sans doute ma vocation d'archéologue et d'historien de l'art doit-elle beaucoup à ce bon maître et naturellement au Musée du Louvre. Guy Rachet a pu écrire dans son article sur "la sculpture" (voir: "Dictionnaire de la civilisation égyptienne" page 231, cf. Bibl iographie) "Dès l'Ancien Empire, les attitudes des personnages sont fi xées dans 1eur ensemb 1e ; 1e défunt est debout, dans l'attitude de la marche, la jambe gauche en avant, assis, les jambes s.errées les mains posées sur les cuisses, accroupi dans la position classique du scribe, représenté avec son épouse, assis ou debout, leurs enfants hauts comme leurs mollets, le défunt et les siens constituent le groupe fami 1ial, dans les pseudo-groupes, on représente le mort à des périodes différentes de sa vie terrestre". Ici , la beauté idéale est pleine de majesté et de grandeur, notamment dans 1es statues de Chephren, de ~p i et de Di doufri. Pour 1es si mp 1es part icu 1i ers, cet art possède 1a force et 1a vie, comme le maire de village (statue dite du "Cheik-el-Beled"). Ainsi, la statuaire égyptienne est-elle, avant tout, un art utilitaire mais profondément funéraire et rel igieux. D - La pei nture sous l' Anci en Emp ire : Sur 1es ori g i nes de 1a pei nture égypt i enne, nous possédons une "chasse à l'hippopotame", peinte sur lin, fragment provenant du champ funéraire de Gebel ei n, près de Louxor et de Thèbes (Haute-Egypte) d'une hauteur de 77 cm et datant de la période prédynastique (IVème millénaire). Sur ce tissu de cou 1eur brune, nous voyol'ts deux barques de forme i dent i que, comme l'a remarqué P '.P. Kahane (in "Histoire générale de la peinture" tome l, page 44, cf. Bibliographie) possédant double cabine en leur milieu; deux hommes 'manient la rame qui sert de gouvernail pour l'époque, tandis que d'autres rament dans l'une .•. Les bateaux superposés dans la peinture sont, dans la réalité côte à côte: cette ignorance de la perspect ive est caractéri st i que de l'art prédynast i que comme il 1e sera de l'art des pharaons jusqu'à l'extinction de la civi 1isation égyptienne antique. L'artiste, en Egypte, ne se dégagera jamais de l'héritage préhistorique, contrairement à l'art grec (voir mon: "L'Art grec"). 45 l En Egypte, la peinture est partout présente, dès l'Ancien Empire elle se trouve sur les statues, les rel iefs, les pylônes, les colonnes, les temples, les murs des palais et des maisons, les hiéroglyphes, etc •.• L'artiste égyptien uti 1ise la peinture à la détrempe, et notamment dans les tombes, avec des pinceaux, des brosses, des godets à eaux et des tessons, pour la préparation du noir (charbon), du blanc (la chaux) l'ocre jaune et rouge (comme pendant la Préhistoire), le bleu du lapis-lazuli, le vert de la malachite tous ces renseignements m'ont été fournis par le précieux ouvrage de Guy Rachet. Je ne puis m'empêcher de citer ce dernier " il ne faut pas oublier, en effet, que l'art égyptien possède un caractère rel igieux et que les personnages qui peuplent les tombes ne sont pas des ornements gratuits, mais doivent représenter les êtres qui s'unissent magiquement pour servir le KA du défunt". (in ouvrage cité, page 194195, cf. Bibliographie). On sait que le "ka", selon Maspéro, est "le double" du vivant comme du mort. Ici, se découvre toute la richesse spirituelle de l'art pictural égyptien, superieur sur ce plan à l'art grec luimême, proche ainsi du domaine passionnant de la peinture- préhistorique, encore si mal connue .... FIN de la Première Partie La bibliographie sera fournie ultérieurement 46