Séquence 2 - Fleurs d`encre

Fleurs d’encre 3e – Chapitre 6. Au nom de la dignité humaine
SUJET COMPLET NOUVEAU BREVET : DANS UNE CAGE A TIGRES
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Conforme aux nouvelles
dispositions de l’épreuve du
nouveau brevet des collèges
Dans une cage à tigres
L’auteur, Anna Moï, est née en 1955 à Saïgon au Vietnam où elle fait ses études en français. Fuyant
la guerre, elle s’est exilée en 1973 à Paris. Après une carrière dans la mode, elle est retournée
vivre au Vietnam où elle écrit des romans et nouvelles. La scène ci-dessous se situe au tout début du
roman : la narratrice et sa sœur, deux jeunes filles, viennent d’arriver dans une prison
vietnamienne dont le lecteur ignore encore tout.
Une fois la porte refermée, j’ai regardé la cour ensablée à travers un interstice1 du battant, et
contemplé la splendeur d’une feuille de noyer, grasse et épaisse.
Je n’ai pas fini de m’interroger sur le sens de tout ce qui m’arrivait, mais cette nuit-là, la
première nuit, je cherchais seulement à comprendre l’origine de la pulsation.
Le bloc de ciment qui sert de lit est froid contre mon dos. Nous sommes quatre, deux sur le
bloc et deux par terre, dans une pièce d’un mètre cinquante sur deux mètres cinquante, soit moins
d’un mètre carré par personne. La nuit est fraîche. Je me réchauffe en me plaçant dos à dos contre le
corps de ma sœur Tao. Elle dort. Parfois, elle grince des dents mais je suis la seule à entendre le
léger crissement de ses molaires.
Nous sommes épuisées. La nuit précédente, dans le bateau, à fond de cale, personne n’a
dormi. Imbibés par les projections d’eau de mer et projetés les uns contre les autres, les passagers
de la cale ont passé une nuit blanche. La houle s’est amplifiée après une heure à peine de
navigation, à la jonction des flots de Vung Tau et de ceux de la mer de Chine méridionale,
autrement dit l’océan Pacifique, un peu plus loin. Le doux roulis s’est transformé en tangage. La
cale, d’abord simplement humide, s’est couverte de flaques, ensuite la mer s’est infiltrée
insidieusement2, gagnant les chevilles, puis les genoux, les cuisses. Quand le niveau de l’eau a
atteint la taille, plusieurs femmes se sont mises à gémir et d’autres à striduler3 comme une nuée
d’insectes en détresse. Le tohu-bohu s’est amplifié de bruits de chaînes et de pleurs de bébés. Il y a
seulement deux bébés. Quatre cents femmes. Deux cents hommes. Je n’oublierai pas ce que les
hommes ont fait cette nuit-là. Leurs bras menottés tendus à l’horizontale au-dessus du niveau de
l’eau ont improvisé des brancards pour y reposer les corps las de nos camarades les plus éprouvées.
À les voir, si maigres à la suite des mois de privation, on n’aurait pu imaginer leur capacité à tenir
ainsi à bout de bras, pendant des heures, des femmes inertes.
Je suis la plus jeune. J’ai quinze ans. Ils m’ont proposé leurs bras mais j’ai refusé.
« Garde tes forces, ont-ils insisté.
– Gardez vos forces pour les autres », ai-je répondu.
La fatigue est là, bien sûr. Mais je tiens le coup. À quinze ans, je me sens invincible.
L’épreuve de l’eau n’est pas suivie de celle du feu, mais de celle du silence. Toute parole est
prohibée4. Les hurlements sont assimilés aux paroles et réprimandés. Personnellement, je n’ai pas
crié, et ma sœur non plus. Elle est plus âgée que moi d’un an.
1
petit espace.
insensiblement.
3
produire un crissement aigu.
4
interdite.
2
© Hachette Livre, 2012.
Fleurs d’encre 3e – Chapitre 6. Au nom de la dignité humaine
SUJET COMPLET NOUVEAU BREVET : DANS UNE CAGE A TIGRES
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Après m’être réchauffée contre son dos, je me remets à plat. Au-dessus de nous, le dessin
oblong5 des barreaux est partiellement enténébré, mais mes yeux le distinguent. Vingt barreaux
transversaux, et une barre au milieu.
C’est ma première nuit dans une cage à tigres du bagne de Poulo Condor6, et le bruit que
j’entends est celui de l’océan Pacifique.
Anna Moï, Riz noir © Éditions Gallimard, 2004.
Tous les droits d’auteur de ce texte sont réservés. Sauf autorisation, toute utilisation de celui-ci autre que la
consultation individuelle et privée est interdite. http://www.gallimard.fr/
5
6
de forme allongée.
prison sud-vietnamienne.
© Hachette Livre, 2012.
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Première partie : Compréhension de texte, réécriture et dictée
COMPRÉHENSION DU TEXTE
 Un témoignage
1. Quel(s) sentiment(s) avez-vous éprouvé(s) à la lecture de ce témoignage ?
2. Où le récit se situe-t-il au début et à la fin de l’extrait ? Répondez en citant le texte.
3. Qu’est-ce qui rend les conditions de détention particulièrement difficiles ? Expliquez.
4. a. Dans le 4e paragraphe, quelle est la fonction du GN « La nuit précédente » ? b. Observez
l’emploi des temps : que constitue le passage « La nuit précédente… ai-je répondu. » (7e paragraphe) dans le récit ?
5. Dans le 4e paragraphe, « La nuit précédente… un peu plus loin » : relevez les compléments
circonstanciels. Quelles circonstances précisent-ils ?
6. a. À travers quels sens (vue, ouïe…) les différentes expériences sont-elles rapportées ? Justifiez.
b. Relevez des déterminants numéraux. c. D’après ces relevés, proposez une caractéristique de ce
témoignage.
 La narratrice
7. a. Qui dit « je » dans le texte ? b. Que sait-on de ce personnage ?
8. De quelles qualités la narratrice fait-elle preuve ? Justifiez.
9. a. Relevez un passage du texte rédigé au discours direct. b. Transposez-le au discours indirect.
10. Quel sentiment la narratrice éprouve-t-elle pour les hommes de son peuple ? Expliquez.
 Question de synthèse
11. Qu’est-ce qui fait la force de ce témoignage ?
RÉÉCRITURE
Récrivez l’extrait ci-dessous, en conjuguant les verbes au passé simple de l’indicatif et en
accordant chaque adjectif qualificatif, adjectif verbal et participe passé employé comme adjectif.
La cale (étroit), d’abord simplement humide, s’est couverte de flaques (gênant), ensuite la mer
(houleux) s’est infiltrée insidieusement, gagnant les chevilles (endolori), puis les genoux (meurtri),
les cuisses (maigre). Quand le niveau de l’eau a atteint la taille, plusieurs (vieux) femmes se sont
mises à gémir et d’autres à striduler comme une nuée (vrombrissant) d’insectes en détresse.
DICTÉE
Aujourd’hui, il me reste à récupérer mon âme errante. Si vous la rencontrez, dites-lui que mon
corps est intact, presque intact. Quelques plaies suppurent7 encore, mais j’ai le temps.
Quand j’aurai quitté cet endroit, je n’oublierai pas le parfum vacillant des fruits mûrs des
anacardiers8 à la limite de la pourriture.
Des miasmes9 de ma chair sont restés ici, des traces de mes ongles, des gouttes de mon sang.
[…]
7
8
produisent du pus.
petit arbre tropical.
© Hachette Livre, 2012.
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Et, pourtant, en dépit de tout cela, je suis déjà nostalgique de cet endroit de sable blanc et de
murs noirs, où une partie de mon adolescence a été séquestrée.
Anna Moï, Riz noir © Éditions Gallimard, 2004.
Écrire au tableau : suppurer, un anacardier
Seconde partie : Rédaction
SUJET D’IMAGINATION
Vous vous trouvez pour la première fois dans un lieu inhabituel et hostile. Vous rendez compte de
votre expérience, en exprimant vos réactions et vos sentiments, en faisant intervenir différents
sens.
Consignes complémentaires :
Selon le choix du professeur ces consignes peuvent être ou non détaillées aux élèves. On peut aussi
leur demander d’expliciter les attentes.
 Vous préciserez le cadre de l’histoire et les circonstances de la scène.
 Vous veillerez à créer une atmosphère inquiétante.
 Vous veillerez aux accords, en particulier ceux des adjectifs.
 Vous soignerez votre expression (orthographe, grammaire, niveau de langue).
SUJET DE RÉFLEXION
Rédigez une lettre ouverte pour un journal dans laquelle vous dénoncerez les injustices dont
souffrent les enfants à travers le monde.
Consignes complémentaires :
Selon le choix du professeur ces consignes peuvent être ou non détaillées aux élèves. On peut aussi
leur demander d’expliciter les attentes.
 Votre lettre s’adressera directement aux lecteurs du journal.
 Vous sélectionnerez et classerez des formes d’injustice, en vous aidant de vos lectures et
de ce que vous avez appris en Histoire.
 Vous soignerez votre expression (orthographe, grammaire, niveau de langue).
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restes pestilentiels.
© Hachette Livre, 2012.
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Corrigé
Première partie : Compréhension de texte, réécriture et dictée
COMPRÉHENSION DU TEXTE
 Un témoignage
1. À la lecture de ce texte, on peut être attristé voire bouleversé par les événements racontés. On
est indigné par les conditions de vie sur le bateau, la souffrance des femmes et des enfants. De la
même manière, les conditions de vie au bagne de Poulo Condor scandalisent le lecteur qui ressent
alors de la compassion pour la narratrice et sa sœur.
2. Le récit commence et s’achève dans une cellule du bagne de Poulo Condor. On relève au début
du texte la phrase suivante : « Une fois la porte refermée » et à la fin du texte : « C’est ma
première nuit dans une cage à tigres du bagne de Poulo Condor ».
3. Les conditions de détention sont rendues particulièrement difficiles par la fraîcheur de la nuit,
par l’absence de tout confort dans la cage : « Le bloc de ciment qui sert de lit est froid » et enfin
par le manque d’espace : « soit moins d’un mètre carré par personne ».
4. a. Le GN est complément circonstanciel de temps du verbe dormir. b. Le passage constitue un
retour en arrière par rapport au début du texte (l’arrivée au bagne). La narratrice emploie ainsi le
passé composé pour raconter la nuit précédente sur le bateau.
5. Les compléments circonstanciels sont : « la nuit précédente », « dans le bateau », « à fond de
cale », « après une heure à peine de navigation », « à la jonction des flots de Vung Tau et de ceux
de la mer de Chine méridionale » ; ils indiquent soit le temps soit le lieu.
6. a. Les expériences sont rapportées à travers différentes sensations, telles que des sensations
tactiles : «imbibés », « projetés », « froid », « humide ». Les sensations auditives sont
particulièrement nombreuses : « gémir », « striduler », « grince », « bruits de chaînes », « pleurs
de bébés », « tohu-bohu ». On peut aussi relever des sensations visuelles : « à les voir », « tendus
à l’horizontale ». b. On peut relever : « quatre », « deux », « un mètre cinquante », « deux mètres
cinquante », « quatre cents », « deux cents », « quinze », « vingt », « une ». c. Ce témoignage se
fonde sur des données précises, il se veut donc le plus exact possible afin de rendre compte de la
réalité.
 La narratrice
7. a. La narratrice personnage dit « je » b. Il s’agit d’une jeune fille âgée de quinze ans, elle a une
sœur plus âgée qu’elle d’un an. Elle est enfermée dans une cage du bagne de Poulo Condor.
8. La narratrice fait preuve de beaucoup de détermination et de courage. Elle est altruiste car elle
pense aux femmes épuisées et aux enfants et refuse l’aide des hommes : « Ils m’ont proposé leurs
bras mais j’ai refusé ». Elle a beaucoup de force et croit en elle : « À quinze ans, je me sens
invincible ».
9. a. Le passage au discours direct est le suivant : « Garde tes forces, ont-ils insisté. – Gardez vos
forces pour les autres, ai-je répondu » b. Ils ont insisté pour que je garde mes forces, je leur ai
répondu de garder les leurs pour les autres.
10. Elle éprouve de l’admiration pour les hommes de son peuple. Épuisés et à bout de force, ils
font tout pour protéger les plus faibles : les femmes et les enfants. Elle a donc aussi de la
reconnaissance pour eux.
© Hachette Livre, 2012.
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 Question de synthèse
11. Ce témoignage est fort car il se veut très précis, il s’appuie sur des données, des faits. La
narratrice rend compte du voyage puis de la prison avec une grande précision, elle fait appel à
tous ses sens afin de faire vivre au lecteur les événements qu’elle raconte. La narratrice délivre un
message marquant car elle raconte avec justesse les événements. Enfin elle exprime avec une
grande force et une certaine pudeur ses sentiments et en particulier ceux de l’enfermement et de
l’angoisse.
RÉÉCRITURE
Récrivez le premier paragraphe en employant le passé composé comme temps du récit. Faites
tous les accords qui s’imposent.
La cale étroite, d’abord simplement humide, se couvrit de flaques gênantes, ensuite la mer
houleuse s’infiltra insidieusement, gagnant les chevilles endolories, puis les genoux meurtris, les
cuisses maigres. Quand le niveau de l’eau atteignit la taille, plusieurs vieilles femmes se mirent à
gémir et d’autres à striduler comme une nuée vrombissante d’insectes en détresse.
Seconde partie : Rédaction
SUJET D’IMAGINATION
Vous vous trouvez pour la première fois dans un lieu inhabituel et hostile. Vous rendez compte
de votre expérience, en exprimant vos réactions et vos sentiments, en faisant intervenir
différents sens.
Le sujet vise à évaluer la capacité de l’élève à rédiger un récit complexe. Il lui est demandé de
rédiger un récit : il doit poser un cadre spatio-temporel, indiquer les circonstances de la scène et
enchaîner plusieurs séquences narratives. Le discours descriptif doit également être développé :
l’élève devra décrire avec suffisamment de précision un lieu inhabituel et hostile et donc créer une
atmosphère inquiétante (présence du champ lexical de la peur, de la surprise, de l’étrange).
Enfin, comme dans nombre de sujets d’imagination, la capacité à rendre compte de sentiments et
d’émotions sera aussi évaluée.
SUJET DE RÉFLEXION
Rédigez une lettre ouverte pour un journal dans laquelle vous dénoncerez les injustices dont
souffrent les enfants à travers le monde.
Ce sujet demande à l’élève d’écrire un type de texte souvent étudié en classe de quatrième : la
lettre ouverte (respect de la situation d’énonciation).
Il s’agit aussi de développer un discours argumentatif. L’élève devra identifier le thème de la
rédaction : les injustices dont souffrent les enfants à travers le monde. Il s’agit d’une dénonciation
de ces injustices que l’on demande de classer (ex. : travail des enfants, enfants soldats, enfants
maltraités, enfants qui souffrent de la faim).
On demande aux élèves de s’appuyer sur leurs lectures (textes littéraires ou documentaires) et
bien sûr sur leurs connaissances (Ce sujet est abordé par le professeur d’histoire dans son cours
mais aussi peut être traité dans le cadre du socle commun de connaissances et de compétences.
Compétence 6)
© Hachette Livre, 2012.