L`État des Lieux - Le Point du Jour

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L`État des Lieux - Le Point du Jour
Centred’artÉditeur
DOSSIER ENSEIGNANTS
www.lepointdujour.eu
NOTIONS GÉNÉRALES
NOTIONS PAR NIVEAU
L’exposition permet une approche
sensible et pédagogique de la
photographie dans le cadre des
disciplines générales et artistiques
et de l’histoire des arts autour des
notions :
La visite de l’exposition, le contact direct avec les œuvres
exposées, le travail sur un questionnaire élaboré en relation
avec le service éducatif permettent d’interroger un ensemble de
notions au programme des classes du premier degré au lycée et de
travailler les compétences du socle commun.
• Arts, mythes et mythologies
personnelles
• Images et narration
• Cadre, cadrage, champ /hors
champ
• Réel/fiction
• Photographie et cinéma
• Paysage/portraits
PREMIER DEGRÉ
COLLÈGE
Compétences développées lors de
la visite de l’exposition et de son
exploitation en classe :
Cette exposition permet une
approche sensible et pédagogique
de la photographie d’aujourd’hui
autour de problématiques
contemporaines qui intéressent
l’histoire, la géographie, les lettres,
les arts plastiques et de façon
pluridisciplinaire l’histoire des
arts :
• Découvrir et explorer un centre
d’art
• Développer sa sensibilité
artistique au contact des œuvres
• Décrire les œuvres en utilisant
un vocabulaire spécifique
• Exprimer ses émotions
et préférences face à une
oeuvre d’art, en utilisant ses
connaissances
• Apprendre à se déplacer en
s’adaptant à l’environnement
La visite et le travail réalisé à
cette occasion s’inscrivent dans le
parcours artistique et culturel et le
« cahier culturel » de l’élève..
• Explorer le monde
• L’ici et l’ailleurs
• Les images et le réel
• Les relations textes/images
• L’espace et les œuvres
• L’espace, l’œuvre et le spectateur
LYCÉE
La visite de l’exposition,
le contact direct avec les
oeuvres exposées, permettent
d’interroger un ensemble de
notions au programme du lycée et
particulièrement :
• Mythes et héros
• L’ailleurs dans l’art
• L’œuvre, le monde
2
1.INTRODUCTION
Présentation de l’exposition
Biographie
2. TEXTES
Tavastia (1998-2000)
Éden (2000-2002)
Les Passagers (2005-2006)
Marseille (2009-2010)
La Montagne (2011) 3. PARCOURS DANS L’EXPOSITION
Cadrages, champs/hors champ, format des tirages
Séries, enchaînements thématiques, suites, récits...
Mythes et correspondances d’images
4. ATELIERS
Écriture
Photographie
Création plastique
5. ÉCHOS DANS L’HISTOIRE DE LA PHOTOGRAPHIE
William Eggleston
Lee Friedlander
Philip-Lorca diCorcia
Thomas Struth
6. ENTRÉES DISCIPLINAIRES
Littérature : Don Delillo et Jean-Philippe Toussaint
Arts visuels : Photographie et cinéma
7. AUTOUR DE L’EXPOSITION
Rencontres et projection
8.
BIBLIOGRAPHIE
Quelques livres disponibles au centre d’art
Bibliographie sélective autour de l’exposition
Bibliographie générale
9. INFOS PRATIQUES
3
1. INTRODUCTION
PRÉSENTATION DE L’EXPOSITION
Le titre de l’exposition indique son caractère
rétrospectif, puisque y sont présentés cinq ensembles
produits entre 1998 et 2011. Il pourrait aussi servir
à qualifier l’ambivalence de ton travail. « L’état des
lieux », ce serait à la fois les lieux réduits à leur
surface, presque sans caractéristiques, et les lieux en
tant qu’ils concentrent un état de conscience, induisent
une activité imaginaire. Quel serait le lien entre ces
deux aspects ?
Christophe Bourguedieu : Le constat est sans doute plus
approprié si nous parlons des images faites à l’étranger.
Je me méfie tellement de l’exotisme que j’élimine tout
signe de reconnaissance trop évident pour ne garder que
les grandes lignes. L’information passe par la lumière,
les textures et plus généralement par les climats, ce
qui me permet d’esquiver le folklore du voyage. De
ce fait, on est à la fois là où les photos sont prises
(Australie, Finlande, Californie) et dans un espace plus
général, qui relève moins de l’imaginaire que de la
réminiscence. Tout le monde a connu ce curieux état
de fatigue extrême à la descente d’un avion, quand
on est abruti par le voyage mais que certains détails
négligeables nous absorbent soudain. C’est ce genre de
sensation que j’essaie de faire durer et que j’enregistre
dans ces photos.
Avec Tavastia (1998-2000), en Finlande, apparaissent
un nombre limité de motifs qu’on retrouve sans cesse par
la suite : des personnages absorbés dans leurs pensées,
des bâtiments dont on ne voit pas les usagers, des
bords de ville et des bouts de nature, parfois des objets
plus ou moins significatifs. Cela relève-t-il d’une forme
d’obsession ? Quelles relations s’établissent entre ces
différents types d’images ?
C. B. : Il s’agit peut-être encore de ces « détails
négligeables » et de la manière dont la pensée flotte
pour se fixer sur des objets ou des visages que l’on
DOSSIER ENSEIGNANT / INTRODUCTION
croit reconnaître même lorsqu’ils sont nouveaux.
Ap r è s , p ou rq uoi e st- c e q ue je phot og r a ph ie
régulièrement des chiens alors que j’en ai peur ? Ou
des avions, alors que dans mes rêves ils ont longtemps
symbolisé des affects très négatifs ? Les questions
comptent plus que les réponses, à moins que les
formes ne constituent la seule réponse possible.
Si j’écris ici « attention flottante », tu comprends de quel
processus de pensée relèvent ces photos et comment les
associations d’idées se présentent. En cela, mon activité
consiste avant tout à savoir les recevoir. C’est plus tard,
en y revenant ou en regardant mes films, que j’en vois
la cohérence. Je dois me débrouiller avec les émotions,
l’inquiétude et le plaisir de construire de la pensée sur
de tels accidents.
On a souvent parlé, notamment à propos de Éden
(2000-2002) réalisé en Californie et en Arizona, de la
dimension cinématographique de ton travail. Elle ne
semble pas vraiment tenir au montage qui permettrait
de construire un récit. Comment la définir alors ? En
quoi le cinéma a pu t’inspirer ?
C. B. : Que tu choisisses Éden pour appuyer ta question
révèle ce que cette série a de plus sec et abstrait que
les autres. Tavastia parlait de l’Amérique alors que
l’on était au nord de l’Europe. Les images ellesmêmes étaient exubérantes et colorées à leur manière
réduite. Avec Éden, dans l’Amérique réelle, il fallait à
nouveau prendre le contre-pied de l’évidence exotique,
tout comme du naturalisme. Les gens arrêtés et les
lieux vides, souvent aveugles, disent sans doute cette
conscience de travailler sur des motifs, de produire
des images autant que des photographies. C ette
dimension cinématographique découle peut-être de cela,
bien que je refuse l’idée de fabriquer des photogrammes
fictifs ou des images isolées d’un film imaginaire.
De la même manière, l’hypothèse d’un montage
qu i for me r a it u n ré cit relève du plé on a sme,
les photos ét ant déjà relativement nar ratives.
En fait, il s’agirait plus de prendre en compte des
images communes – communes aux deux sens du
terme, comme celles du cinéma –, les images qui
préexistent à la situation et qui m’aident à installer
sur du concret le jeu avec la lumière ou la couleur.
La maison en Finlande à la tombée de la nuit existe bien
4
et elle subsiste objectivement comme le témoignage
d’une histoire particulière (un ancien quartier de familles
ouvrières qui a échappé à la destruction dans les années
1970). Mais lorsque le ciel prend cette teinte électrique
et que j’isole la maison dans le cadre, elle devient
presque inévitablement le lieu d’une action cachée.
C’est sans doute de cette dimension fictionnelle
minimale que l’on parle avec cette référence au cinéma.
Il est aussi possible que ma manière de traiter les lumières
de fin de journée, inspirée de certains chefs-opérateurs,
encourage cette perception. Bruce Surtees ou Robby
Müller [qui ont respectivement travaillé, entre autres,
avec Clint Eastwood et Wim Wenders] savaient se
servir des ombres sans trop les éclairer, alors que la
génération des photographes utilisant des films négatifs
couleur privilégiait le plus souvent une certaine égalité
de valeurs.
Les Passagers (2005-2006) est essentiellement
constitué de portraits en intérieur, comme hors du
temps. Paradoxalement, tu es allé au bout du monde,
à Perth en Australie, pour les réaliser. De manière générale,
tes personnages paraissent presque toujours détachés
de leur environnement. Ont-ils quelque chose en
commun ? Qu’est-ce qui t’intéresse chez eux ?
C. B. : Les lieux ne sont jamais indifférents. Si je les
comprends et que j’y suis bien, j’essaie d’en traduire
certaines caractéristiques, par la sensation mais
aussi par la description d’objets sur lesquels le regard
s’arrêterait sans que l’on se soucie d’en identifier la
fonction réelle (le canapé des Passagers ou la maison de
Tavastia, par exemple, dont seule la présence matérielle
importe). Il en va de même avec les individus et, pour
peu qu’un visage ou une posture m’attirent, que la
lumière convienne, une partie du travail est déjà faite.
En Australie, le soleil est très vertical. C’est une lumière
difficile. Comme partout, j’ai donc cherché des arrièreplans, un éclairage qui me satisfasse ; les maisons turn
of the century, avec leurs moulures et leurs murs beiges,
formaient un décor évident, comme un studio. J’ai
toujours du mal à photographier les scènes à plusieurs
personnages et le désordre me perturbe : c’est donc
naturellement que j’en arrivais à ces images dépouillées
au centre desquelles un seul personnage est installé.
On peut dire que la mélancolie qui en résulte est une
conséquence de ce dispositif.
DOSSIER ENSEIGNANT / INTRODUCTION
Marseille (2009-2010) est, pour la première fois, un titre
explicite. On y voit quelques personnages en groupe ou
occupés à une activité, jusqu’alors absents dans tes
images. C’est aussi le cas pour La Montagne (2011)
réalisé à Clermont-Ferrand. Comme si, désormais, la
vie quotidienne avait droit de cité. Est-ce dû au fait de
travailler en France plutôt qu’à l’étranger ?
C. B. : Les photos faites en France relèvent d’une autre
logique. Les individus y sont moins arrêtés qu’en attente
du photographe ; dans certains cas, ils semblent même
posés dans l’image, conscients d’endosser un rôle.
Voilà pour la relation avec le naturalisme, plus ambiguë ici.
Le désordre du monde pénètre aussi de manière
plu s d i r e c t e e t c r u e d a n s c e s i m a ge s : u n e
publicité sur une façade d’immeuble, un angle
de mur en par paings, la virgule d’une marque
mondialisée sur le polo d’un jeune homme, etc.
Je suppose que travailler chez soi ramène à des
émotions plus complexes. Ce dont on s’était débarrassé
en voyageant (les jugements, l’exaspération) revient
perturber la perception des choses. L’empathie aussi,
et une conscience plus évidemment politique des enjeux
de la description.
Dans Tavastia, Éden et Les Passagers, il n’y a pas ou
peu de variations de formats. Elles sont en revanche nettes
dans Marseille et La Montagne. Pourquoi un tel
choix ? Représente-t-il un changement important dans
ton travail ?
C. B. : À l’époque de Tavastia et d’Éden, l’argent
manquait pour faire des livres, produire les tirages,
les encadrements, etc. La priorité étant de faire exister
les projets et d’en commencer de nouveaux, il a fallu
transiger sur certaines décisions. En particulier, pour
des raisons d’économie, sur les variations de formats.
Ces choix ont certainement affecté mes projets de
l’époque, dès leur conception. Quand on les regarde
aujourd’hui, on note qu’ils fonctionnent sur une
intensité constante qui semble exclure les ruptures et
privilégie une lecture linéaire. Comme tu le remarques,
mes projets actuels obéissent à une autre logique,
plus grammaticale, dans des rapports de tension
différents.
Propos recueillis en juin 2014
5
L’EXPOSITION
« L’Ét at des lieu x » réu n it u ne ci nqu a nt ai ne
d e t i r a ge s c ou le u r, e nc a d r é s s ou s ve r r e.
Les œuvres présentées sont extraites de Tavastia (19982000), Éden (2000-2002), Les Passagers (2005-2006),
Marseille (2009-2010) et La Montagne (2011).
La Montagne a été produit dans le cadre de la
résidence photographique 2010 – Ville de ClermontFerrand. Marseille a bénéficié du soutien de l’Atelier
De Visu (Marseille) et de la galerie Le Bleu du ciel
(Lyon).
Christophe Bourguedieu, Sans titre, extrait de Éden, 2000-2002
BIOGRAPHIE
Né en 1961 à Mar rakech. Études de droit et de
sciences cr iminelles. Ch r istophe Bourg uedieu
enseigne la photographie à l’École nationale supér ieu re des ar ts décoratifs (Par is). Outre les
ensembles présentés dans l’exposition, il a participé
à la commande collective Images d’un renouvellement
à Cherbourg en 2007 et réalisé Chien noir (2002-…),
Frontera (Maroc, 2007-2009), Le Chien jaune (2005,
2009), Kyoto Dorama (Japon, 2004), Le Cartographe
(1996-1998), L’Amateur de jardins (Prix Kodak de la
critique photographique, 1996).
Parmi ses expositions personnelles : Atelier De Visu,
Marseille, 2013 ; Centre photographique de ClermontFerrand, 2012 ; Fremantle Arts Centre, Australie, 2008 ;
Musée d’art contemporain, Lyon, 2006 ; Musée de la
photographie, Anvers, Belgique, 2004 ; Noorderlicht,
Groningen, Pays-Bas, 2001 ; Musée des beaux-arts,
La Chaux-de-Fonds, Suisse, 1997 ; École nationale de
la photographie, Arles, 1996.
Christophe Bourguedieu a notamment publié La
Montagne en 2012 aux éditions Loco et, au Point du
Jour, Tavastia (2002), Les Passagers (2007), Éden
(2004).
DOSSIER ENSEIGNANT / INTRODUCTION
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2. TEXTES
SÉRIE « TAVASTIA », 1998-2000
« Vu du dehors, tout paraît indécidable en Finlande,
comme si l’entre-deux faisait la particularité de l’endroit : entre deux continents, entre deux époques,
entre deux atmosphères. Pour aller vite, statisme et
vivacité. Les liens contraints avec l’ex-URSS et le fantasme d’une Amérique de voitures et de surf music
expliquent en partie cette sensation. À moins que
l’inattendu pousse précisément à chercher une explication. Ce territoire pourrait être la forme idéale
d’une Europe lointaine, un cadre à peine fictionnel
où l’imagination travaille à partir du concret. Par un
curieux jeu de miroir, on finit alors par s’y retrouver.
Tavastia est le nom ancien d’une région de Finlande
qui n’apparaît aujourd’hui sur aucune car te. »
Christophe Bourguedieu, Tavastia, Le Point du Jour, 2002
Lorsque, au début des années 1980, vous commencez
de vous intéresser à la photographie, quel sentiment
vous anime face à un milieu qui commence à se structurer en dehors de l’héritage des photo-clubs et des
figures historiques ?
Ce qui me semble aujourd’hui avoir été le plus marquant, c’est le profond décalage qui existait alors entre
l’exigence que l’on pouvait trouver dans le cinéma, la
musique, et l’indigence du paysage photographique
tel qu’il m’apparaissait à l’époque. D’un côté, avec les
Cahiers du cinéma et la presse musicale, j’avais accès
à une culture relativement savante, avec ses références
et ses enthousiasmes. De l’autre, la critique n’existait
qu’à peine et les artistes – en dehors des grands noms
– restaient mal visibles. Mais, profondément, le plus
frustrant, c’était de ne pas trouver en photographie ce
qui me semblait si présent dans le cinéma ou le rock :
un niveau d’exigence qui frisait l’érudition même s’il
concernait un film ou un disque obscurs. Non que je
me sente lié à une vision puriste de cette culture, mais il
paraissait possible de s’affirmer par son goût d’amateur
pour des formes d’expression dans lesquelles l’énergie
n’excluait pas la culture et où l’intelligence ne se donnait pas nécessairement à voir. En regard de cela, la
photographie m’apparaissait comme un monde miné
par les complexes au regard du « métier » comme des
principes d’une « photographie d’art ». Cela a peu à
peu changé avec l’apparition de revues de qualité et
la mise en place d’une culture photographique. Mais
le décalage n’en était pas moins réel au départ. C’est
d’ailleurs ce qui m’a éloigné pour quelques années de
la photographie. […]
Lorsqu’on regarde les images de Tavastia, on observe
assez bien une sensibilité pour des faits ou des personnes qui ne sont ni des situations, ni des récits, mais
plutôt des climats. Cela participe-t-il de cette idée que
la simplicité peut être établie par des relâchements et
des tensions qui deviennent une forme en soi ?
Christophe Bourguedieu, Sans titre, extrait de Tavastia, 1998-2000
DOSSIER ENSEIGNANT / TEXTES
Je parlerais volontiers ici d’un goût pour le trivial,
au sens où Serge Daney opposait certains cinéastes
« triviaux » (Godard, Buñuel…) à quelqu’un comme
Greenaway, très installé dans la maîtrise. Le « trivial »,
nommons-le ainsi, ce serait autant une conscience du
caractère inévitablement (ou nécessairement) imparfait
du travail produit, qu’une manière de ne pas jouer au
plus malin avec son sujet. Pour moi qui suis autodidacte,
7
cette idée a longtemps été la seule façon d’appréhender
des systèmes, des dispositifs qui pouvaient me paraître
artificiels ou complaisants et par rapport auxquels
j’éprouvais du mal à me situer. C’était aussi un moyen
de retrouver une vague candeur alors même que j’en
suis désormais dépourvu. Le trivial comme forme ?
Peut-être pas tout à fait. Je le verrais plutôt comme rejet
du « grand sujet », de la posture. Moins en termes de
contenu iconographique donc – le trivial n’a rien avoir
avec le « trash » ou toutes autres négligences systématisées – qu’en tant que genre mineur (ce genre mineur
étant du reste un fantasme comme un autre). En ce qui
concerne Tavastia, ce livre n’est effectivement ni un
récit, ni une fiction. Il n’est pas non plus documentaire,
si ce n’est par la marge. J’ajoute que je ne continuerai
pas longtemps à travailler dans la veine de Tavastia.
Mais cette idée du « trivial » a été pour moi un instrument d’affirmation utile et fonctionnel. […]
D’un point de vue esthétique, Tavastia comprend des
images qui, en cherchant à rendre visible des climats
et des états d’âme, recherchent l’imperfection ou la
maladresse comme autant d’indices. Comment se passe
le moment d’acceptation d’images « imparfaites » ?
Correspondent-elles à une revendication ?
À vrai dire, il s’agit plutôt d’une attitude propre à la
compensation qu’opère le regard du myope. Regard
fait de supputations et d’hypothèses se nourrissant
d’elles-mêmes pour n’aboutir à rien de précis. Ce qui
était au départ une acuité sans mobile (observer) prend
un sens quand un objet la structure (voir). La mise en
forme tient à peu : le regard se porte sur un détail, un
visage particulier, une texture intrigante… Tout se
construit autour de ce point de scrutation, comme par
déduction. Au final, cela produit une forme d’attention particulière –liée à la conscience du peu de valeur
de l’information fournie – qui traduit assez bien par
l’imperfection l’idée même de faiblesse à laquelle je
suis sensible. Considérée sous un angle moins obsessionnel, cette attitude pourrait aussi manifester un
refus de prescrire du sens. À cet égard, il y a probablement un lien très fort entre la morosité que je mets
en avant dans ces photos de Finlande – morosité qui
n’excluait pas des moments d’euphorie – et l’acceptation
des limites de l’image. Je me sens souvent sur le fil,
entre la hantise de la séduction facile et la proximité
de l’échec. Certaines images contiennent cette idée
de déception à laquelle il faut parfois se confronter.
« La conscience du myope », entretien de Christophe Bourguedieu
avec Paul-Louis Roubert et Michel Poivert, Bulletin de la SFP, 7e
Il ne faut pas être trop complaisant avec cette idée
d’imperfection. Je dirais plutôt que je suis arrivé, plus
ou moins consciemment, à construire des images dans
lesquelles le sujet apparaît généralement au centre.
De fait – pour des raisons optiques, ou parce qu’il y a
peu de lumière – la profondeur de champ est souvent
réduite. Le sujet est ainsi plus ou moins désigné comme
tel, comme dans les cartes postales. Curieusement, à
l’usage, je constate qu’il laisse ouvert le hors-champ,
peut-être parce qu’il y a finalement peu à voir et qu’on
ne se résout pas à l’accepter. Le paradoxe est que, en
obsessionnel, je tends à sur-maîtriser cette forme en
principe simple, tout en étant dans le même temps
conscient de ce qu’une forme un peu boiteuse peut être
la meilleure des solutions. Ce qui ne m’empêche pas
de porter un soin maniaque aux détails, à la couleur
notamment : les photos sont bancales, mais en un sens
achevées. Ce côté « mal foutu » peut prendre la forme
d’un accident technique ou d’une approximation formelle. Après coup, je finis toujours par transiger avec
l’aléa sans trop d’états d’âme.
série, n°13, avril 2002
Cette opération optique à double détente – voir / regarder – procède-t-elle d’une méthode ?
Christophe Bourguedieu, Sans titre, extrait de Tavastia, 1998-2000
DOSSIER ENSEIGNANT / TEXTES
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SÉRIE « ÉDEN », 2000-2002
Quelques habitants de l’Arizona et de la Californie,
qui ont tenu à préserver leur anonymat. Ces citoyens
de l’Éden sont seuls dans le cadre, le regard souvent
flottant, lointain, pensif, voire fixé sur un objet
inconnu du spectateur : un horizon invisible, peutêtre la limite inconcevable de l’Éden, voire son
au-delà géographique ou mental, ou encore un bruit
de fond à peine audible mais insistant, une rumeur
sourde qui parlerait d’une catastrophe invisible, d’un
ailleurs, mais l’Éden a-t-il un ailleurs ? Un extérieur
? Un exotisme ? Est-il concevable qu’un ensemble
de normes aussi contraignantes puisse malgré tout
générer un hors-champ de pensée, un lieu ou plutôt
un non-lieu qui fascine à ce point ? En tout cas, ces
quelques citoyens atopiques sont en arrêt, à la fois
graves et absents, soudain figés, arrêtés dans leur
course ou dans le cours des choses par autre chose
qui jusque-là leur échappait apparemment et qui nous
échappe forcément.
Ces citoyens semblent se souvenir, se remémorer
– deux doigts de jeune fille montent vers la lèvre
inférieure : n’ai-je vraiment rien oublié ? Mes clefs,
mes cigarettes, mon agenda, ma montre, une adresse,
la carte routière de l’Éden ? […]
Christophe Bourguedieu, Sans titre, extrait de Éden, 2000-2002
DOSSIER ENSEIGNANT / TEXTES
Christophe Bourguedieu, Sans titre, extrait de Éden, 2000-2002
Lieux
L’Éden – l’Arizona et la Californie – n’est repérable sur
aucune carte. Insituable, on peut donc dire de lui qu’il est
partout. L’Éden a envahi la Terre entière, seuls quelques
lieux résistent encore à l’édénisation forcenée du globe,
mais pas pour longtemps. On y va à marche forcée.
Sans passé ni avenir, l’Éden biblique est un éternel présent ; il échappe au temps, au souvenir et à
l’oubli, à la honte et à la culpabilité ; l’Éden est prémétaphysique, il se situe avant toute division entre
l’âme et le corps. […] Ce que ces images donnent à
voir, c’est une sorte d’expressivité minimale de la pensée, un retrait de l’affairement, une absence de geste,
d’engagement – dans une action, une émotion, une
intersubjectivité –, une « faiblesse passagère » donc,
un soudain désintérêt, un désengagement par rapport
au monde proche, un désœuvrement ou un passage à
vide : ces êtres se défont, ils sont défaits (surtout les
femmes), mais dans et par cette défaite ils gagnent
une sorte de transparence diaphane qui est peut-être
leur « vrai » visage, leur présence à soi. Et dans ce
retrait, – qui n’a rien à voir avec un retrait hors du
monde, ni avec un quelconque « idéal ascétique », mais
qui nous renvoie plutôt au lapsus, à l’acte manqué,
au rêve éveillé ou à l’hypnose – c’est la toute puissance de la pensée qui semble prête à se manifester. […]
Il y a donc de la narration, même si nous ne savons pas
du tout ce qu’elle est – car en quelque sorte nous avons
seulement accès à ses effets, à ses répercussions sur les
visages et les corps.
9
SÉRIE « LES PASSAGERS », 2005-2006
Christophe Bourguedieu, Sans titre, extrait de Éden , 2000-2002
Costumes
Aucun nom de marque n’apparaît sur les vêtements
portés par les citoyens anonymes de l’Éden. Là-bas,
ici, voici le royaume de No Name et de No Logo,
même si No Name est aujourd’hui un nom de marque.
Mais ces vêtements sans marque visible – parka, blouson, chemise, pantalon, robe, bustier, chemisier, etc.
– appartiennent au prêt-à-porter international de la jeunesse et définissent un style, une mode mondialisée, une
uniformité, presque un uniforme, une forme unique. […]
De même, les citoyens d’Éden sont des génériques, non
pas des prototypes mais des produits dérivés, au sens
pharmaceutique du terme « générique » : la même molécule que le princeps, le médicament initial, marqué
au nom du laboratoire, jusqu’à ce que cette molécule
tombe dans le domaine public. Tous les personnages
d’Éden sont des entités génériques, des êtres dérivés,
tombés dans le domaine public. Non pas des clones,
lesquels sont identiques à leur modèle, mais des produits de deuxième, troisième, énième génération, de
même composition chimique que l’individu princeps,
premier, original – lequel est sans doute de nature cinématographique (l’Éden californien est tout proche
de Hollywood) –, dérivés sous forme de génériques.
Et toutes ces créatures génériques, issues d’un passé
plus ou moins proche, mais rigoureusement indéfini,
semblent murmurer d’une voix mélancolique ce qu’en
leur temps chantaient les Doors : The Future Ain’t
What It Used To Be, l’avenir n’est plus ce qu’il était. »
Brice Matthieussent, Éden, Le Point du Jour, 2004
DOSSIER ENSEIGNANT / TEXTES
« Il faut parfois s’éloigner de chez soi pour mieux voir
les choses, ou simplement les accepter comme elles sont.
L’Australie telle que peut la montrer ce livre n’en est
donc pas vraiment le sujet. Lorsqu’elle apparaît, c’est réduite à très peu, à des rues de banlieue ou des intérieurs
sans âge. Des affinités imprévues font pourtant de ce
bout de civilisation une scène idéale, le siège délocalisé
d’attentes que la distance rend du coup plus évidentes.
Et s’il nous semble reconnaître les passagers que l’on
y croise, c’est qu’ils appartiennent à cette géographie
particulière dans laquelle il leur est donné d’incarner l’idée, tellement rassurante somme toute, du héros
moderne aux prises avec une situation compromise.
Ces photos ont été prises à Perth et en Australie
Occidentale, entre le 28 mars 2004 et le 21 novembre 2006. »
Christophe Bourguedieu, Les Passagers, Le Point du Jour, 2007
Après le Maroc ( Le Car tographe), la Finlande
(Tavastia), les États-Unis (Éden), et le Japon (bourse
de l’AFAA à la Villa Kujoyoma), vous êtes parti en
Australie pour votre publication Les Passagers qui vient
de sortir chez l’éditeur Le Point du Jour. Pourriez-vous
nous expliquer votre prédilection pour ce pays et nous
raconter ce qui vous a le plus frappé pendant votre
séjour ?
Avant d’y aller, je ne me sentais rien en commun avec
ce pays, ou du moins l’image qu’on s’en fait. Puis j’ai
été invité à exposer sur la côte Ouest. Comme le fait
de prendre un avion amène toujours à un certain état
de réceptivité, je n’étais pas non plus indifférent au
moment d’arriver. À une heure du matin, la route qui
conduisait de l’aéroport à la côte sentait l’eucalyptus
et le kérosène. C’était comme un concentré du Maroc
et de la Californie. Sans rien voir, je me suis dit que
j’allais me sentir très bien dans cet endroit. Les gens qui
m’invitaient étaient désireux de m’aider, les conditions
de travail se présentaient bien. J’ai cherché de l’argent
et, un an et demi plus tard, j’y suis retourné. Quant à
ce qui m’aurait frappé… Certainement pas l’exotisme.
Je cherche seulement ce qui fait écho à une histoire que
je connais. C’est une voie d’accès comme une autre. Le
plus souvent, la surprise vient de ce que je ne croyais
10
Comme dans vos séries précédentes (Tavastia, Éden),
les personnages de Les Passagers donnent l’impression
qu’ils ne se sentent pas à l’aise dans leur environnement. Vous mentionnez dans le texte de votre livre :
« un héros moderne aux prises avec une situation
compromise. » Comment réfléchissez-vous à la représentation de l’aliénation de ces personnages ?
Christophe Bourguedieu,
Sans titre, extrait de Les Passagers, 2005-2006
plus possible de ressentir. Avec une certaine gratitude, je reconnais des sentiments un peu endormis et
il m’arrive même de voir s’incarner des émotions dont
je n’avais pas encore l’expérience ou le mode d’emploi.
Et puis surtout, la distance, le déplacement des codes,
le charisme particulier des personnages photographiés
me permettent de respirer, de m’éloigner des signes
de reconnaissance et de la représentation naturaliste
– ce qui ne fait pour autant obstacle ni au réalisme
ni à l’empathie, mais au moins, on s’épargne la navrante mise en image des aspirations et des angoisses
petites-bourgeoises.
D’où vient le titre de la série, Les Passagers ?
Probablement du moment où j’ai compris que l’image
du canapé aurait une telle importance pour la série. Ce
canapé se trouvait dans le salon que je partageais avec
deux autres personnes et les gens qui défilaient dans
cette maison s’y asseyaient nécessairement un jour
ou l’autre. Il apparaît d’ailleurs à deux autres reprises
dans le livre et devient comme la signature de ce décor,
l’indice qu’on se trouve bien dans un monde fermé,
dans un récit qui fonctionne selon ses propres règles.
« Les passagers » a donc deux sens et, éventuellement,
on pourra aussi entendre « Les naufragés ». Plus tard,
je me suis souvenu que le titre original de Profession
reporter est The Passenger. Je n’aime plus beaucoup
Antonioni, mais son cinéma m’a assez marqué pour que
je prête attention à ce fait.
DOSSIER ENSEIGNANT / TEXTES
Évidemment, on peut voir dans cette citation un point
de vue sur l’aliénation, mais je préfère m’arrêter sur ce
que cette idée d’héroïsme ordinaire a de touchant et
d’attirant. C’est d’ailleurs pourquoi je fais endosser ces
notions par des personnages ou des lieux que j’envisage sous un angle très sensoriel. Il y a une vérité de
la surface des choses qui permet aux émotions et aux
idées de coexister. Ceci posé, je ne travaille pas l’aspect
de représentation psychologique – ça, je sais que ça ne
marche pas. Comme j’ai une tendance à la mélancolie,
j’imagine plutôt que quelque chose de ce malaise passe
nécessairement dans l’image par ma relation avec mes
modèles, sans qu’il y ait pour autant de véritable calcul.
Mais ce qui compte, c’est moins les intentions que la
capacité à transformer en formes cet état de fait et à en
donner une traduction un tant soit peu complexe. On
pourra dire ce qu’on veut de ce que je produis, mais au
moins, je sais que je laisse le spectateur dans une expectative, inapte à conclure face à des images pourtant
simples en apparence. C’est bien le minimum et c’est ce
qui me permet, j’espère, de ne pas illustrer une énième
version de « l’angoisse moderne ». […]
Tenez-vous malgré tout à restituer un peu de la vérité
particulière des lieux ou vous est-elle indifférente ?
Je peux vous parler du dernier endroit où j’ai travaillé. Perth est une grande ville entourée de banlieues
uniformes. C’est aussi la capitale de l’Australie
Occidentale, un état immense et peu peuplé. Avant
que je commence mon projet, une amie m’avait parlé
de sa vie là-bas et du sentiment de solitude qu’elle y
avait toujours ressenti. Est-ce l’isolement géographique
ou plus simplement la forme que prend, en Australie,
la vie en groupe ? J’ai en tout cas vite retrouvé cette
combinaison d’extrême sociabilité formelle à l’anglosaxonne et de difficulté à communiquer hors des codes.
À l’origine de beaucoup de projets, il y a quoi qu’on
en dise l’envie de travailler sur une forme, et aussi des
réactions très directes à la lumière, à la couleur, à la
matière des choses. Le contenu vient là-dessus comme
11
pour remplir cette forme par du sens. Les Passagers ne
fait pas exception : les lieux et la lumière ont d’emblée
délimité mon cadre de travail, avant que les rencontres
me permettent d’incarner mon propos. Et c’est précisément parce que j’avais une intuition précise du
paysage psychologique que j’ai pu utiliser et dépasser
le contexte en retournant à mon goût pour les climats
ambigus, la sensualité, la dépression. Je ne m’intéresse
pas à la démonstration en photographie, ni au documentaire, ou du moins à cette figure imposée qu’il semble
être devenu. Je crois pourtant que ce que je fais a une
valeur d’information, justement parce que mon point de
vue, même limité, est clairement stipulé. Je fournis des
bouts de narration qui de toute évidence ne prétendent
à aucune objectivité, mais quelque chose de l’esprit des
lieux et de la texture des individus passe sans que soit
sacrifiée une dimension d’angoisse existentielle.
La lumière, les couleurs et les positions figées des
personnages dans Les Passagers me semblent très cinématographiques. Cette influence du cinéma est-elle
inconsciente ou recherchée ?
Les deux, sans doute. Il y a longtemps que je place
mes personnages dans ces postures incertaines.
Une certaine conception des rapports humains peut
inévitablement y être lue, mais à l’origine, cette
manière de faire exprimait très consciemment un
refus du prétendu « naturel » véhiculé par la photo
spontanéiste à la française, et une défiance face au
portrait frontal à prétentions socio-psychologiques.
Il y avait aussi la référence à ce qu’on appelait
« le cinéma à hauteur d’homme » ou « la frontalité classique », des concepts devenus des clichés aujourd’hui,
mais qui, défendus par les critiques des années 1950
au nom d’une morale de la forme, ont été repris à leur
compte par un certain nombre de post-modernes,
d’Antonioni à Jarmusch. Avec eux aussi, la pose ou
la posture prennent acte de l’impossibilité d’imiter
littéralement le réel. Sur un mode plus lapidaire, je
pense aussi au Pickpocket de Bresson. Ces idées ont
compté pour moi, sans être des dogmes. Disons qu’elles
m’évitent de copier le « genre cinéma » et m’aident à
formuler une idée du style que je pourrais tout aussi
bien définir par des équivalences avec la musique ou la
littérature. (C’est aussi l’occasion de dire que la généralisation dans la photographie actuelle de ces attitudes,
DOSSIER ENSEIGNANT / TEXTES
sans perspective claire ou autre que décorative, me perturbe. Le motif est tellement évident – cette adéquation
littérale modernité / mal de vivre… J’espère qu’il y a
quand même un peu plus de jouissance et d’ambiguïté
dans mes photos). Mais pour revenir au style, en ce qui
me concerne, « less is more », comme on dit. […]
Pourriez-vous me parler de la relation que vous avez
avec les personnes représentées dans Les Passagers ?
Comment choisissez-vous les personnes que vous photographiez ? Les connaissez-vous personnellement ?
Certaines étaient déjà des amis, d’autres ont été rencontrées par hasard. Ce que toutes ont en commun,
c’est une netteté de caractère – je parle d’enveloppe
physique, d’une capacité très simple et très rare à incarner des émotions ou des idées. Au fond, le casting
n’est pas différent selon qu’il s’agit d’un canapé de
mauvais goût façon Las Vegas ou d’une jeune fille
en chemise à carreaux. Ce qui compte, c’est mon attirance pour eux, quels qu’en soient les ressorts, et
comment je vais la creuser pour donner corps à autre
chose que du désir. « Pourquoi ceux-là plutôt que
d’autres ? » n’est plus une question que je me pose. […]
Saskia Ooms, entretien avec Christophe Bourguedieu, Edit-Revue,
2007
Christophe Bourguedieu, Sans titre, extrait de Marseille, 2009-2010
12
SÉRIE « MARSEILLE », 2009-2010
« Au départ de cette histoire, il y avait l’envie de
photographier la France des années 2000. Pendant
longtemps, le décalage rassurant de la distance m’avait
évité d’entrer dans le détail et permis de formuler des
représentations génériques, des prototypes d’individus
ou de lieux. Par un accident bienvenu, Marseille est
devenu le cadre de ce projet, même si j’aurais tout aussi
bien pu y travailler dans les Alpes, la forêt des Landes,
à Brest ou à Châteauroux.
Puisque c’est là que je me retrouvais, en plein été, la
lumière aussi changeait. Plus brutale, elle menait directement aux vieux mythes méditerranéens, à l’idée d’un
drame sous le soleil. Divers personnages sont apparus,
des décors nouveaux et des matières plus précisément
décrites (maisons provençales aux murs crépis, parpaings fonctionnels montés dans la nuit), auxquels il
a fallu trouver une dramaturgie commune. L’homme
au pantalon rouge titubant sous la dure lumière des
calanques en est ainsi devenu l’étalon, Ulysse contemporain « auteur d’exploits dérisoires dans une situation
d’égarement ». Il permet aux autres protagonistes de
s’installer dans la même dimension, à cheval sur les
grands récits et le trivial de la vie : ici se rencontrent la
métaphysique et le mia. »
Christophe Bourguedieu, mai 2014
Christophe Bourguedieu, Sans titre, extrait de Marseille, 2009-2010
DOSSIER ENSEIGNANT / TEXTES
Christophe Bourguedieu, Sans titre, extrait de La Montagne, 2011
SÉRIE « LA MONTAGNE », 2011
« […] La Montagne décrit la puissance et la douceur,
mais encore la sensualité de ce monde présent que
l’imaginaire de la mondialisation a recouvert. Ce
monde provincial n’est en rien coupé de l’économie
globale — il la subit ou bien en profite, en tous les
cas y participe à son échelle — ceux qui l’habitent
circulent et communiquent. Leurs enfants travaillent
peut-être en Inde, un voisin revient de Chine et pourtant une force presque aussi puissante que l’attraction
terrestre les ralentit comme à l’atterrissage. Ils redeviennent ici des humains.
Aux États-Unis (Éden), en Finlande (Tavastia) ou
bien encore en Australie (Les Passagers), Christophe
Bourguedieu travaille depuis longtemps à saisir par les
corps, les regards, les chemins et les architectures le
sentiment d’un monde contemporain occidental. Ce que
l’artiste perçoit est le réservoir des humains. Des lieux
où une communauté maintient dans un transparent
secret l’héritage démocratique. Pour une fois en France,
il nous livre avec La Montagne une ballade — genre
réservé à la musique mais dont je vois ici un équivalent
— une ballade photographique donc, pour se plonger
dans l’espace de la collectivité. […]
Sur son piédestal, la plongeuse prend appui sur son
propre corps — immense torse gainé, penché sur des
jambes que découpe une lumière franche. L’épaule est
encore parsemée de gouttes d’eau. Le visage se relève,
13
tendu à la proue d’une chevelure mouillée, sa position
est animale et interdite, ni menaçante, ni inquiète, ni
debout, ni assise — comme ces figures cézaniennes à
la perspective biaise. Le regard scrute au loin, sa beauté
lui épargne d’être aimable. Une silhouette irréprochable
surmontée d’un visage singulier. Le lieu est économe
en couleurs, mais elles sont franches avec ces coloris
jaunes et bleus qui jouent avec le blanc et le noir du
maillot du personnage. Cette sobriété s’accompagne de
la géométrie des formes, cercles et rectangles, lignes
des barrières ; les piscines municipales ont toujours
quelque chose des architectures de Oud. Et là, au milieu
de l’avant-garde dissoute dans le prosaïque, le corps de
la nageuse apporte son quotient d’humanité à l’environnement moderne.
Les stades, les piscines et les terrains de sport sont
des espaces calculés, leurs proportions sont données
à coup de règles et de marquages aux sols ; ils sont la
géométrie des exploits collectifs. Ces espaces dessinés
en plan accueillent les attitudes passionnelles, les cris et
les pleurs, les renoncements parfois. Ils sont le théâtre
des apprentissages. Christophe Bourguedieu joue de
la dissonance des activités de cette jeunesse, dans les
stades et dans le refuge de la solitude, comme cette difficulté de concilier les deux temps, dans la construction
de soi, de la méditation et de l’action. […]
L’inquiétude est le ressort qui unit les personnages
de la collectivité et la présence de la nature. Sentier
s’enfonçant par une courbe sombre dans les sous-bois,
mais aussi, bâtiments gagnés par une nature verdoyante
qui l’encadre : à la géométrie des architectures et des
équipements, la nature oppose ses vagues et ses treillis
de formes sombres. Mais il faut insister sur la forêt. Le
traitement que lui réserve le photographe est une manière d’allégorie politique : un portrait de groupe où les
corps sont à la fois identiques et singuliers, des troncs
avant d’être des arbres — comme des corps avant d’être
des gens — à leur place et fiers, reliant par le chemin
invisible de la sève, la terre et le ciel. Vous observez le
premier, et c’est tous les autres qui appellent la comparaison. Unis dans leurs positions pourtant distinctes, les
arbres sont à leur juste place de semblables.
Une démocratie à portée de main, un projet accompli que l’homme occidental semble désormais laisser
dormir aux abords des villes. Cette société végétale
apparaît, encore, en plan plus rapproché, et semble
une destination possible du promeneur à la chemise à
DOSSIER ENSEIGNANT / TEXTES
Christophe Bourguedieu, Sans titre, extrait de La Montagne, 2011
carreaux. Mais, ici, la lumière frappe un tronc, sa base
et jusqu’à sa souche enfouie, c’est une sorte d’élu. La
lumière s’est faufilée dans le sous-bois, l’arbre est traité
comme le sont les portraits d’humains : l’être est mis
au premier plan sans autre légitimité que la singularité
qu’il impose au monde. Christophe Bourguedieu n’est
pas un photographe des objets ou même des choses, sa
poésie est essentiellement celle des êtres vivants et des
lieux. […]
La Montagne est un livre sur la collectivité, mais une
collectivité qui s’est réunie sans rompre le dialogue
avec la nature et ce qu’elle porte de plus solitaire chez
l’homme. Le dedans de la ville (rue, stades, pont) et
son dehors (champs, bois, animaux) constituent une
dynamique de la description du lieu mais elle met
surtout en tension les deux aspects du comportement
humain. Le livre relie ainsi les figures isolées et méditatives à la nature, et les groupes à la ville et à son
centre. Il n’y a pas de collectivité sans la distinction
de ces états, comme il n’y a pas de discours public
sans l’exercice permanent du soliloque. Être seul et
plongé dans la méditation, être au sein du groupe et
faire valoir sa part d’existence, expérimenter, ici, la
théorie de soi et mesurer, là, l’hypothèse de son être,
ces temps et ces espaces sont reliés dans La Montagne.
La mise en scène de cette disjonction existentielle
a trouvé une règle générale pour s’exprimer : produire formellement l’indistinction de traitement des
règnes au profit de la constitution des Semblables. »
Michel Poivert, « La Constitution des semblables », La Montagne
Loco, 2012
14
3. PARCOURS
CADRAGES, CHAMP/HORS CHAMP, FORMAT DES
TIRAGES ?
« De fait – pour des raisons optiques, ou parce qu’il
y a peu de lumière – la profondeur de champ est
souvent réduite. Le sujet est ainsi plus ou moins
désigné comme tel, comme dans les cartes postales.
Curieusement, à l’usage, je constate qu’il laisse ouvert
le hors-champ, peut-être parce qu’il y a finalement
peu à voir et qu’on ne se résout pas à l’accepter. Le
paradoxe est que, en obsessionnel, je tends à surmaîtriser cette forme en principe simple, tout en
étant dans le même temps conscient de ce qu’une
forme un peu boiteuse peut être la meilleure des
solutions. Ce qui ne m’empêche pas de porter un soin
maniaque aux détails, à la couleur notamment : les
photos sont bancales, mais en un sens achevées. »
Christophe Bourguedieu,
Sans titre, extrait de Les Passagers, 2005-2006
« La conscience du myope », entretien de Christophe Bourguedieu
avec Paul-Louis Roubert et Michel Poivert, Bulletin de la SFP, 7e
série, n°13, avril 2002
1 / Définissez à partir d’images précises la notion de
champ/hors champ.
2 / Observez les changements de cadrage et l’espace
autour des personnages, que disent-ils des rapports
(proximité, relation ? ) entre le photographe et son
sujet ?
Christophe Bourguedieu
Sans titre, extrait de Marseille, 2009-2010
3 / Les formats des tirages sont-ils constants tout au
long de l’exposition ?
DOSSIER ENSEIGNANT / PARCOURS
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Christophe Bourguedieu, Sans titre, extrait de Éden, 2000-2002
SÉRIES, ENCHAÎNEMENTS THÉMATIQUES,
SUITES, RÉCITS...
Dans l’accrochage de l’exposition, comment définiriezvous les regroupements d’images : série, enchaînement,
suites d’« images » ?
« Selon les critères en vigueur, il s’agit plutôt de séries :
des projets construits comme des ensembles de photos
qu’il est mieux de voir en contexte qu’isolément. Les
unes et les autres se répondent, se complètent ou se
contredisent. Je préfère malgré tout parler d’ensembles,
la notion étant plus ouverte. Et comme mes photos
peuvent apparaître narratives, le grand piège serait de
faire « comme au cinéma », l’accrochage redoublant le
supposé récit. C’est pourquoi je préfère les montrer avec
des variations d’intensité, des trous, des ellipses. C’est
donc bien un genre de récit, mais qui progresse plus
par ses manques que par une narration claire et par des
relations de formes ou des correspondances sur le mode
de l’association libre. J’espère aussi que certaines images
sont suffisamment intrigantes pour être vues seules. »
Entretien avec Christophe Bourguedieu, juin 2014
1 / Analysez la dimension narrative de certaines
photographies. Cherchez les « variations d’intensité,
les ellipses »
2 / Consultez à la bibliothèque les livres de Christophe
Bourguedieu et confrontez cette expérience avec la
découverte des photographies dans l’exposition.
DOSSIER ENSEIGNANT / PARCOURS
Christophe Bourguedieu, Sans titre, extrait de Marseille, 2009-2010
MYTHES ET CORRESPONDANCES D’IMAGES ?
« Quentin Bajac dit « ... à l’origine de toute série...
(il y a) un mythe ou une mythologie ». Êtes-vous
d’accord avec cette assertion ? Est-il possible d’associer
un mythe, une mythologie pour chaque série ?
Lesquels ?
« J’allais vous répondre « Non, pas forcément », et
puis je me reprends : « Oui, sans doute ». Comme suis
photographe et pas théoricien, je travaille avec des
intuitions que je comprends très bien mais que je me
garde de creuser. C’est donc presque avec surprise que
je perçois à un moment que - pour reprendre l’exemple
déjà cité -, tel personnage en pantalon rouge sur fond
de calanques marseillaises m’évoque Ulysse et que le
reste des images va bénéficier de cette découverte. […]
Ce que soulève cette idée du mythe, c’est le fait qu’une
image réaliste, attentive aux détails de l’ordinaire,
dépasse le motif qu’elle représente : elle montre un
individu bien singulier, un lieu ou une situation,
mais au-delà, elle rappelle autre chose. Une image
qui est déjà là, peut-être. Elle correspond, disons. »
Entretien avec Christophe Bourguedieu, juin 2014
1 / Partez à la recherche des mythes et mythologies
qu’évoque Christophe Bourguedieu, établissez une liste
de ceux-ci : personnages et lieux et objets mythiques,
héros de film...
2 / À quoi renvoient ces images, ces « mythes » dans
d’autres domaines artistiques : peinture, cinéma,
littérature.
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4. ATELIERS
ÉCRITURE
« La maison en Finlande à la tombée de la nuit existe
bien et elle subsiste objectivement comme le témoignage
d’une histoire particulière (un ancien quartier de
familles ouvrières qui a échappé à la destruction dans
les années 1970). Mais lorsque le ciel prend cette teinte
électrique et que j’isole la maison dans le cadre, elle
devient presque inévitablement le lieu d’une action
cachée. C’est sans doute de cette dimension fictionnelle
minimale que l’on parle avec cette référence au cinéma. »
Christophe Bourguedieu, Sans titre, extrait de Tavastia, 1998-2000
Christophe Bourguedieu, juin 2014
Inventer un récit ou un scénario à partir d’une image
de l’exposition. Utilisez obligatoirement les mots
suivants : évanouissement, épuisement, proximité...
PHOTOGRAPHIE
« De manière générale avec les écrivains, comme avec
les musiciens, il s’agit plus d’équivalences de matière
ou de langage, d’intuitions qui m’aident à définir un
programme ou à débloquer un problème. Si on reparle de Simenon, sa façon économe de construire
le récit me rappelle à la nécessité d’une clarté dans
la formulation, clarté qui habille parfois des affects
plus compliqués. L’image a beau être ordonnée et lisible, le hors-champ vient quand même quand même
y installer un bruit de fond.» Inventez un récit ou
un scénario à partir d’une image de l’exposition. »
« Les Passagers est un livre de photographies sur la
proximité, sur la relation, sur la communauté pensée
en images et en expérience à l’heure où ces choses
sont devenues illusoires. Évitons d’emblée tout malentendu : ces corps amis accueillis dans des postures
indécises qui traduisent la simple possibilité d’une rencontre ou d’un renoncement, ne sont porteurs d’aucun
désir exagéré de paix et de conciliation. Bourguedieu
n’est pas un artiste irénique. Nous sommes dans un lieu
où agissent de singuliers motifs : des modillons traités
à la manière de cornes d’abondance ou bien encore
des portes dont les poignées sont trop hautes, si bien
que les personnages semblent vivre dans une maison
où ils seraient traités comme d’éternels enfants. Un
divan magnifiquement kitsch mais nullement décoratif scande l’espace et revient sous différents angles.
Il est suffisamment important pour être présenté au
début du livre comme un personnage à part entière.
On dirait un animal à cornes, on sent son souff le.
Les personnages passent au long de lui, une femme
mystérieuse prend le risque de s’y abandonner. »
E n t r e t i e n a v e c C h r i s t o p h e B o u r g u e d i e u , j u i n 2 014
Michel Poivert, Les Passagers, livre du désir contemporain,
CRÉATION PLASTIQUE
Imaginez par le dessin ou la peinture, le hors champ
d’une des photographies de l’exposition.
DOSSIER ENSEIGNANT / ATELIERS
ViteVu, blog de la SFP, 2007
Réalisez un polyptyque associant trois « sujets »
présents dans l’exposition : un portrait, un objet, un
paysage. Prévoyez les articulations entre les différents
panneaux et trouvez un titre à cette réalisation.
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5. ÉCHOS DANS L’HISTOIRE
DE LA PHOTOGRAPHIE
WILLIAM EGGLESTON
« William Eggleston (né en 1939) est une icône
du monde de la photographie, au moins pour deux
raisons. Sa carrière atypique et sa participation, avec
Joel Meyerowitz et Stephen Shore, à l’imposition
de la photog raphie couleu r dans le monde de
la photographie créative. Photographe rare (il a
relativement peu produit), monomaniaque (ses sujets
sont presque exclusivement des vues de son Sud
natal), c’est aussi une sorte de dilettante (on sent un
photographe qui n’a manifestement pas besoin de son
art pour vivre). À ces deux titres, Eggleston est un
maillon important de l’histoire de la photographie au
XXe siècle. Mais c’est aussi un photographe dont les
images peuvent donner accès à une appréciation de
la photographie créative à un plus large public. […]
Le titre, extrait d’un texte de l’auteur, « At war
with the obvious », n’est pas l’une des moindres
réussites de cette nouvelle exposition. Il dit, sous
une forme compacte, cette tension qui traverse toute
la photographie vernaculaire depuis Walker Evans
jusqu’aux contemporains en passant par les célèbres
« nouveaux topographes ». Bien loin de la facilité
qu’un certain psittacisme maniéré d’aujourd’hui
a transformé en une vulgate photographique (la
frontalité du cadrage et la banalité des sujets), le travail
d’Eggleston n’est ni mécanique, ni simple, et toujours
dans un permanent équilibre pour essayer de percer
(« at war ») le quotidien d’un environnement qui est
profondément indéchiffrable parce que trop présent
bien plus que banal (ou alors au sens juridique de
« commun »). La présence de rares personnages dans
l’image ne fait d’ailleurs qu’ajouter à son épaisseur.
On a ici, avec Eggleston, un rappel salutaire, et
une belle « expérience » pour le spectateur qui (au
moins si j’en crois les quelques commentaires saisis
au vol) finit par percevoir ce que ces images portent
de questions. Cette exposition est aussi importante
pour deux raisons : sa force visuelle et sa présence
au MET. Les photographies d’Eggleston procurent
un indéniable plaisir esthétique. Eggleston utilise en
William Eggleston, Le plafond rouge, Greenwood, Mississippi, 1973
William Eggleston, Sans titre (Été, Mississippi, Cassidy Bayou à Background), 1971
effet pour ses tirages le procédé du dye-transfer. Il
s’agit, comme le Technicolor dont il est proche, d’une
impression par pigments sur papier. Le résultat est
spectaculaire par la richesse des tons obtenus, même
si ceux-ci ne visent pas à une hypothétique « réalité »,
et par l’épaisseur presque physique de l’image qui
lui confère une exceptionnelle présence. […] »
Jean Kempf, At War with the Obvious Photographs by William
Eggleston, Transatlantica, 2012
À consulter à la bibliothèque du Point du Jour William Eggleston
Marion de Beaupré, 1998
William Eggleston Guide John Szarkowski
MoMA, 2002
DOSSIER ENSEIGNANT / ÉCHOS DANS L’HISTOIRE DES ARTS
18
LEE FRIEDLANDER
« Com me Walker Evans et Rober t Fran k, Lee
Friedlander capte l’ordinaire de la ville et du quotidien
américains, les devantures des magasins, les annonces
publicitaires, la télévision, les voitures, la vie urbaine
dans son ensemble. L’influence pop, les facéties spontanées et les innovations formelles marquent ses débuts
de photographe dans les années 1950 et caractériseront toujours son travail. Toutefois, à l’orée des années
1970, sa sensibilité, son style et ses sujets s’élargissent.
Un flot continu d’observations nourrit ses photographies d’où se dégagent charme et lyrisme. À l’affût
des variations subtiles des formes et de la lumière, il
produit des images urbaines richement descriptives,
révélant l’énergie incontrôlable de la ville et dévoilant
le pouvoir de la photographie à transformer ce qui est
donné à voir. Au début des années 1990 il photographie
les paysages de l’Ouest américain où il est né - tirages
qui illustrent son goût pour les décors grandioses ou
étranges et témoignent de l’intensité de son regard.
« Lee Friedlander repère les étrangetés indéfinissables,
et souvent très temporaires, des espaces urbains,
comme des apparitions de signes éphémères d’une
présence espiègle et incontrôlée. Il sait transformer un
environnement familier en un cryptage dans lequel
l’œil retrouvera des codes au second degré. Il traite des
ambivalences d’espace, des difficultés d’interprétation
visuelle, de la confusion optique et des similitudes d’indices formels (des poteaux verticaux, des enseignes,
des feuillages) ; il orchestre les reflets des vitrines,
les miroirs improvisés, les images en incrustation, les
ombres métamorphosées par l’objet sur lequel elles se
projettent (autoportraits). Lee Friedlander a modelé un
visage imprévu de son pays — désarticulé en regard de
la stabilité ancestrale vantée par Evans ou Abbott —
et constitué petit à petit le lexique du rêve américain,
fait d’apparitions télévisées, de miroirs inconstants, de
lumières clignotantes ou d’autoroutes désertes. Il offre
une ouverture inconditionnelle et médusée aux imprévus du regard. […] » 1
Lee Friedlander, Aloha, Washington, 1967
Lee Friedlander, Boston, 1985
À consulter à la bibliothèque du Point du Jour At work
Lee Friedlander
Steidl, 2005
Lee Friedlander
MoMA, 2005
1. Extrait d’un texte de Michel Frizot, Photo Poche, Centre National
de la Photographie, 1989
Lee Friedlander, site du Jeu de Paume, 2006
DOSSIER ENSEIGNANT / ÉCHOS DANS L’HISTOIRE DES ARTS
19
PHILIP-LORCA DICORCIA
« […] Dans les images de rue, « Streetworks »,
« Two Hours » puis « Heads », Philip-Lorca diCorcia
va plus loin. Il plante son trépied sur le trottoir et
décide d’introduire encore plus d’aléatoire dans un
travail jusqu’alors entièrement composé. Comme il
le dit lui-même dans l’entretien d’Art Press, il veut
voir « ce qui se produit lorsqu’il photographie des
situations et des sujets qu’il ne peut pas contrôler ». Il
expérimente « les possibilités dramatiques du hasard ».
Pour « dramatiser », c’est-à-dire théâtraliser la rue,
l’artiste dispose des flashs connectés au déclencheur de
l’appareil qu’il actionne au moment qu’il estime propice,
à l’insu des personnes concernées. Il en résulte un effet
d’arrêt sur image très cinématographique ou encore un
effet pictural. La lumière extrait des individus de la
masse indifférenciée des passants et les fige dans un
statut d’élu à la manière de l’auréole byzantine ou du
clair obscur caravagesque. Par la magie du flash, ils
deviennent des saints offerts à toutes les dévotions ou
les héros d’une fiction ouverte à toutes les projections.
Mais, contrairement aux héros et aux saints, les
« élus » de la prise de vue restent inconscients de leur
éphémère transfiguration. Absorbés dans leurs pensées,
ils sont les acteurs involontaires d’une pièce qui se joue
ailleurs, étrangers à l’énigme que véhicule leur image
volée. Leur mise en lumière ne s’inscrit dans aucune
construction narrative, sociale ou religieuse. Elle
prouve encore une fois la capacité de la photographie
à transformer notre vision de la réalité sans lui donner
pour autant un sens. C’est au contexte de le suggérer
et au spectateur d’écrire le scénario du film. (...) Sa
démarche donne l’impression qu’après avoir éprouvé
ce pouvoir dans le monde de la mode, Philip-Lorca
diCorcia cherche à l’exorciser par une mise à distance
du médium, une analyse approfondie de ses ressorts et
un rapport différent au spectateur. Dans son entretien
avec Denis Angus, il fait de la photographie de mode
une sorte de repoussoir : « j’essaie de critiquer la bête
avec qui je travaille. Ce monstre avec qui je partage
mon lit est aussi mon sujet ». La violence du rejet
suggère l’existence d’une véritable dialectique de
travail entre les deux sphères de l’activité de l’artiste.
Il réagit en affichant sa volonté, dans son travail
personnel, d’éviter de manipuler le spectateur pour
lui laisser « une grande place », « un grand espace,
Philip-Lorca diCorcia, Brent Booth, 21 ans, Des Moines, Iowa, 1990-1992
Philip-Lorca diCorcia, Gerald Hughes (Alias Savage Fantasy), environ 25
ans, Californie du sud, 1990-1992
pour réagir non seulement à l’image mais à toutes les
question impliquées par la situation ». Il affirme vouloir
lui permettre de se poser la question « de la situation
photographique : comment le médium entre en relation
avec le monde, comment une photographie reste un
moment déterminé par des facteurs extérieurs dont
nous sommes rarement conscients ». En intégrant une
certaine dose (il continue malgré tout à choisir ses
situations et ses modèles) d’instantané documentaire
dans un travail qui n’en visait jusqu’alors que le style,
Philip-Lorca diCorcia parvient à ralentir le regard du
spectateur et à l’impliquer dans la réflexion qui se joue
autour de l’image. Mais quelle dose de réalité faut-il
introduire pour équilibrer la magie déréalisante de la
photographie ? Est-ce bien une question de dosage ? »
Pauli ne de Laboulaye, Dicorcia, Cent re Nat ional de la
photographie, 2004
DOSSIER ENSEIGNANT / ÉCHOS DANS L’HISTOIRE DES ARTS
20
« Je faisais des photos dans des chambres d’hôtel, et puis
je retournais dans la rue, comme les clients ordinaires
des prostitués. Je m’avançais et je leur disais : Je veux
vous prendre en photo, je vous paierai exactement ce que
l’on vous paie pour une passe. » raconte l’artiste PhilipLorca diCorcia au sujet de sa série « Hollywood »,
réalisée en 1990. Rencontrés par hasard sur le Santa
Monica Boulevard, lieux de prostitution masculine
à Hollywood, des hommes posent sur les clichés de
l’artiste. Leurs corps semblent figés, comme arrachés
au flux électrique de la ville, et leurs visages, tels des
masques fixent des expressions où l’on déchiffre tantôt
la lassitude, tantôt la tristesse.
Dans les séries suivantes, Philip-Lorca diCorcia se laisse
immerger dans l’ambiance de l’espace urbain, ainsi, il
se saisit de tous ces instants qui nous échappent mais
qui pourtant se composent en tableaux. Intitulée Two
Hours, cette série est une succession de onze images
de grands formats prises dans une rue de La Havane,
au même endroit, à l’aide d’un dispositif d’éclairage
automatique. Les gestes des passants semblent se
répondre, les attitudes se croisent tandis que s’évitent
les regards.
A Storybook life, son travail le plus récent, rassemble
de nombreuses photos réalisées au cours de ces vingt
dernières années. Comme dans un livre, les images se
succèdent, et montrent des personnages « à l’œuvre »
dans le quotidien : un père et sa fille séparés par le
château de sable qu’il vient de construire pour elle,
un jeune homme sourit au travers de la fenêtre d’une
voiture à une femme assise à l’intérieur dont on
s’aperçoit qu’elle ne porte qu’un maillot de bain, une
cuisinière, les yeux dans le vague, tient en main un grand
couteau qui semble ne jamais s’abattre sur la planche
de travail. Chaque expression est accentuée et, face aux
différentes mises en scène de Philip-Lorca diCorcia,
on imagine l’amorce d’une trame narrative, on évoque
des récits cinématographiques, et, en même temps on
devient le témoin de moments d’une vie où se tissent
différentes rencontres. Pour Philip-Lorca diCorcia, la
vérité sur nous-mêmes jaillit des faits et, même si l’on
s’égare dans la contingence de la réalité, les morceaux
éparpillés de nos vies nous conduisent toujours à ce
sentiment d’inquiétante étrangeté.
Né en 1953 aux États-Unis, Philip-Lorca diCorcia
vit et travaille à New-York. En 1989, Philip-Lorca diCorcia reçoit une bourse d’Etat attribuée par le National
Endowment of the Arts. Celui-ci venait d’être accusé
par des politiques comme le sénateur Jesse Helms
de soutenir des artistes dont le travail était qualifié
d’obscène : les photographies de Robert Mapplethorpe
Philip-Lorca diCorcia, New York, 1997
Philip-Lorca diCorcia, W Magazine, Cuba, 2000
étaient le sujet de controverses. Le NEA demanda alors
à Philip-Lorca diCorcia de signer un contrat précisant que la projet subventionné ne comporterait aucun
caractère obscène. Suite à l’obtention de cette bourse,
l’artiste part en 1990 à Hollywood et réalise des photos
de prostituées sur le Santa Monica boulevard. Puis il
titre chacun de ses clichés avec le nom, l’âge et le lieu
de naissance du modèle, ainsi son travail pouvant se
situer comme art conceptuel fut accepté par le NEA
malgré le sujet choisi. »
Extrait du site Creative TV
À consulter à la bibliothèque du Point du Jour
Heads
Philip-Lorca diCorcia
Steidl, 2001
DOSSIER ENSEIGNANT / ÉCHOS DANS L’HISTOIRE DES ARTS
21
THOMAS STRUTH
Les forêts silencieuses de Thomas Struth, un désir
éblouissant de nature vierge.
« Mon travail est analytique, c’est un mot important
pour moi, j’observe la réalité », aime à répéter
Thomas Struth, 47 ans, artiste allemand célèbre pour
ses séries de photographies, visages, f leurs, villes,
paysages de bords de route, intérieurs de musées et
d’églises. Fidèle à son éditeur Schirmer-Mosel qui
lui compose toujours des ouvrages majestueusement
beaux, Str uth propose aujourd’hui son sixième
livre, New Pictures from Paradise, que les Parisiens
pu rent contempler lors de son exposition à la
galerie Marian Goodman, au début de l’année 2000.
Vert est la couleur dominante de ce paradis terrestre
dont Struth ne révèle pas l’adresse précise, mais qui, si
l’on en croit les légendes des vingt-quatre reproductions,
se situe dans plusieurs pays : en Chine, au Brésil, au
Japon, en Californie, et même en Allemagne. Ces
photographies montrent des forêts engorgées d’arbres
et de végétations, des forêts enchantées, des forêts
originelles où personne ne semble avoir pénétré tant
l’impression de densité y est forte, avec des trouées de
lumière qui tombent parfois du ciel pour éclairer cette
nature trop indisciplinée. Pour autant, cette absence
ostentatoire de traces d’hommes (ou d’animal) est une
illusion, car Struth est si présent derrière l’objectif
qu’on a l’impression que c’est son oeil qui a directement
capturé le motif, comme s’il était devenu un aigle
planant sur ces territoires en attente d’être regardé.
De la même façon que les fleurs avaient vivifié et même
humanisé le travail de cet artiste formé à rude école, la
fameuse Académie de Düsseldorf où enseignent Bernd
et Hilla Becher, New Pictures from Paradise confirme
l’énergie visuelle de Struth, grand amateur de jazz et du
cinéma d’Ozu. On peut y voir comment, s’approchant
d’un sujet pictural, il réussit à le cerner sans tomber
dans l’exotisme baba cool, parce qu’il choisit avec
rigueur son cadre et sa composition. Et qu’il ne cherche
pas à le transformer en future carte postale écolo (ou
en timbre, c’est tendance). Et, tout à coup, ce désir
éblouissant de nature vierge apparaît comme une
nouvelle preuve de la philosophie zen de Thomas Struth.
Rien ne vaudra jamais le silence d’une photographie,
murmure-t-il, pas même les couleurs attractives
d’une jungle verdoyante qui ressemble au paradis.
Thomas Struth, Jardin du Lindberg avec tournesols (Garden on the Lindberg with Sunflowers), no. 1, Winterthur, 1992
Thomas Struth, Paradise 26 (Bougainville), Palpa, Pérou, 2003
À consulter à la bibliothèque du Point du Jour
Still
Thomas Struth
Schirmer/Mosel, 2011
Brigitte Ollier, Le vert du décor, Libération, 2002
DOSSIER ENSEIGNANT / ÉCHOS DANS L’HISTOIRE DES ARTS
22
6. ENTRÉES DISCIPLINAIRES
LITTÉRATURE
DON DELILLO
« BODY ART »
« Quand je cite Don DeLillo (Bruit de fond, Actes Sud,
Babel, 1986) ou Jean-Philippe Toussaint (La télévision,
Éd. Minuit, 1997), c’est moins pour des thèmes particuliers ou les enjeux que leur écriture soulève (une
distance postmoderne, un commentaire sur le récit ? )
que parce que l’un et l’autre accordent une précision
parfois exagérée aux détails, sans que jamais on puisse
conclure quoi que ce soit de fiable. C’est ce que j’aime
quand je fais des photos : montrer, décrire, mais laisser
un doute quant à la solidité de l’information fournie. »
« Ce très court roman s’ouvre sur une longue scène
d’un petit déjeuner banal entre Lauren Hartke, 36 ans et
son mari Rey Robbles, 64 ans. Pas de quoi fouetter un
chat, c’est même un peu long. Elle est artiste de body
art, lui est cinéaste. Puis apparaît la notice nécrologique
de Rey qui a choisi de mettre fin à ses jours ; Lauren
se retrouve seule dans une grande maison vide, retirée
et nue. Dans l’expérience à la fois cinglante et douce
du deuil, elle découvre un être étrange, ni tout à fait
ici, ni tout à fait ailleurs, dont la voix est celle de Rey,
puis la sienne également mêlée. À travers cet homme
semblent se rejouer les derniers mots du couple avant
la mort et Lauren y puise une sorte de fascination
libératrice. Voilà un livre bien étonnant, difficilement
descriptible, malgré une relecture. Plus qu’une histoire,
il s’agit d’une expérience à laquelle j’associerais des
mots comme nudité, dépouillement, étreinte, temps,
corporalité, voix, lâcher-prise. Don Delillo expérimente
la conscience de soi et du monde à travers la plongée
dans un monde à la limite de l’absurde servi de mots
tantôt fiévreux, tantôt secs et désenchantés. Loin
d’apporter des éléments de réponses, ce livre, bien au
contraire, pose question. Autant le dire très clairement,
il pourra aussi prodigieusement ennuyer. Moi-même,
je ne parviens pas à m’en faire une idée en terme de
« plaisir » de lecture. Tout comme la première fois où
je l’ai lu, j’ai simplement envie de fermer les yeux et
de méditer - c’est signe, sans doute, qu’au-delà de la
superficialité de l’agrément, il a fait résonner des cordes
sensiblement plus profondes. Pour conclure, quelques
mots de l’auteur merveilleusement adaptés à son art attribués dans l’ouvrage à une performance de Lauren
Hartke : « Son art, dans ce spectacle, est obscur, lent,
difficile et parfois insoutenable Mais il ne s’agit jamais
de l’agonie grandiose d’images et de décors imposants.
Il s’agit de vous et de moi. Ce qui commence dans une
altérité solitaire devient familier et même personnel.
Il s’agit de qui nous sommes vraiment quand nous ne
somme pas affairés à être qui nous sommes. » »
Christophe Bourguedieu, 2014
À consulter à la bibliothèque du Point du Jour
Body Art
Don Delillo
Actes Sud, Babel, 2003
Extrait du blog La petite marchande prose, 2012
DOSSIER ENSEIGNANT / ENTRÉES DISCIPLINAIRES
23
23
LITTERATURE
ARTS VISUELS
JEAN-PHILIPPE TOUSSAINT
« L’APPAREIL-PHOTO »
PHOTOGRAPHIE ET CINÉMA
« Au lieu de s’imposer au réel et de lui imposer un
ordre né de l’intention, à la manière d’un personnage
romanesque traditionnel, le narrateur de notre roman
souhaite au contraire laisser le réel s’imposer à lui :
ainsi, à la page 14 de L’Appareil photo, le narrateur
évoque-t-il son « jeu d’approche [face à la réalité],
assez obscur en apparence » et consistant « à ne
jamais rien brusquer ». Cette manière qu’a le narrateur
de laisser le réel s’offrir à ses yeux est extrêmement
significative dans la dernière scène du roman, lors
de laquelle celui-ci se retrouve assis dans une cabine
téléphonique après avoir raté le dernier train suite
à un dîner chez des amis puis marché le long d’une
route, et qu’il regarde l’aube naissante : Le jour se
levait maintenant, je le voyais se lever derrière les
parois de la cabine, c’était encore la nuit, mais une nuit
atténuée d’aube claire et bleutée, rien ne bougeait dans
la campagne avoisinante, et le jour se levait lentement
sous mes yeux, enrobant peu à peu l’air alentour
de teintes lumineuses et légères qui enveloppaient
l’atmosphère de clarté transparente et tremblante, et,
assis derrière les vitres de cette cabine téléphonique
complètement isolée dans la campagne déserte, je
regardais le jour se lever et songeais simplement
au présent, à l’instant présent […] (p.126 -127 ). »
« Il y a sans doute quelque chose de plus évident, qui a
à voir avec la puissance du sujet, que l’on peut effectivement retrouver dans certaines images de cinéma (les
visages, la présence de l’acteur), mais qui ressemblerait
surtout pour le photographe à ce que Barthes décrit au
début de La chambre claire du côté du spectateur : « Un
jour, il y a bien longtemps, je tombai sur une photographie du dernier frère de Napoléon, Jérôme (1852). Je me
dis alors, avec un étonnement que depuis je n’ai jamais
pu réduire : « Je vois les yeux qui ont vu l’empereur ».
Je parlais parfois de cet étonnement, mais comme personne ne semblait le partager, ni même le comprendre
(la vie est ainsi faite de petites solitudes), je l’oubliai. »
Delphine Albrecht, Images en récits, récits d’images, Université de
Lausanne, 2010
À consulter à la bibliothèque du Point du Jour
L’Appareil-photo
Jean-Philippe Toussaint
Éditions de Minuit, 2007
Christophe Bourguedieu, 2014
« Le cinéma, la photographie. Il faut attendre la grande
exposition « Film un Foto » pour que soit posée
solennellement la question de leurs rapports, à Stuttgart
en 1929, à la veille du cinéma parlant et en plein
renouveau de la photographie. Aujourd’hui, à un moment
où l’on parle de la crise du cinéma et où la photographie
fait l’objet d’un regain d’attention, la question est
à nouveau d’actualité, dans la multiplicité de ces
occurrences : la photographie dans le cinéma, le cinéma
dans la photographie, de la photographie au cinéma, la
photographie de film, les photographes cinéastes, les
films à thèmes ou à forme photographiques, etc. [...] Le
cinéma et la photographie, se côtoient, se conjuguent,
s’interpénètrent, se concurrencent, se redoublent, ils ne
cessent en un mot de brouiller les pistes, de déjouer
les définitions, de retourner la question de leur écart. »
André Rouillé, Le cinéma, La photographie. Paris Audiovisuel,
1987
DOSSIER ENSEIGNANT / ENTRÉES DISCIPLINAIRES
24
7. AUTOUR DE L’EXPOSITION
RENCONTRES ET PROJECTION
Dimanche 22 juin à 15h :
Rencontre avec Christophe Bourguedieu
Samedi 13 septembre à 18h :
Rencontre avec Michel Poivert
Vendredi 26 septembre à 19h :
Les rendez-vous d’Anna
Chantal Akerman (1978, 122 min.)
avec Aurore Clément, Helmut Griem, Magali Noël,
Lea Massari et Jean-Pierre Cassel
Anna est une jeune cinéaste belge installée à Paris.
Au cours d’un voyage en Allemagne pour présenter
un film, elle rencontre par hasard deux hommes et la
mère d’un ancien fiancé, puis revoit sa propre mère à
Bruxelles avant de retrouver son amant parisien. Ces
rendez-vous, qui sont autant de portraits, se déroulent
dans des lieux de passage (trains, chambres d’hôtel...).
De retour chez elle, Anna écoute les messages laissés
sur son répondeur. Ce film de la solitude ordinaire est
de bout en bout porté par des cadrages et des lumières
d’une beauté fantastique.
La projection sera suivie d’une discussion avec
Christophe Bourguedieu qui a choisi de présenter Les
Rendez-vous d’Anna en écho à l’exposition.
Christophe Bourguedieu, Sans titre,
extrait de Les Passagers, 2005-2006
Christophe Bourguedieu
Sans titre, extrait de La Montagne, 2011
DOSSIER ENSEIGNANT / AUTOUR DE L’EXPOSITION
25
8. BIBLIOGRAPHIE
Les Passagers
La Montage
Christophe Bourguedieu
Christophe Bourguedieu
Le Point du jour
Loco
2012
Tavastia
Christophe Bourguedieu
At work
Le Point du Jour
Lee Friedlander
2002
Textes Richard Benson
Steild
2002
Éden
Christophe Bourguedieu
Le Point du Jour
2004
Self Portraits
Lee Friedlander
Textes Richard Benson
MoMA New York
2005
Le cartographe
Christophe Bourguedieu
Stems
Textes Sélim Nassib
Lee Friedlander
Le Point du Jour
Steildl
2000
2003
DOSSIER ENSEIGNANT / BIBLIOGRAPHIE
26
Lee Friedlander
Still
Richard Benson
Thomas Struth
MoMA New York
Schirmer/Mosel
2005
2011
William Eggleston
Marion de Beaupré
1998
Body Art
Don Delillo
Traduit de l’américain
par Marianne Véron
Actes Sud, Babel
2003
William Eggleston Guide
Textes de John
Szarkowski
MoMA
2002
L’Appareil-photo
Jean-Philippe Toussaint
Éditions de Minuit
2007
Heads
Philip-Lorca diCorcia
Steidl, 2001
Thousand
Philip-Lorca diCorcia
Steidl, 2007
DOSSIER ENSEIGNANT / BIBLIOGRAPHIE
27
BIBLIOGRAPHIE ET SITOGRAPHIE SÉLECTIVE AUTOUR DE L’EXPOSITION
Bibliographie
Sur le lien entre cinéma et photographie
Bellour Raymond, L’Entre-Images. Photo. Cinéma.
Vidéo, Paris, La Différence, coll. « Les Essais », 2002
Campany David, Photography and Cinema, London,
Reaktion Books, 2008.
Chik Caroline, L’image paradoxale. Fixité et mouvement, Villeneuve d‘Ascq, Presses Universitaires du
Septentrion, coll. « Arts du spectacle », sous-coll.
« Images et Sons », 2011.
Couchot Edmond, La Technologie dans l’art. De la
photographie à la réalité virtuelle, Nîmes, Jacqueline
Chambon, 1998
Ischaghpour Youssef, D’une image à l’autre. La nouvelle modernité du cinéma, Paris, Denoël Gonthier,
Bibliothèque Médiations, 1982.
Le Maître Barbara, Entre film et photographie. Essai
sur l’empreinte, Saint-Denis, Presses universitaires de
Vincennes, coll. « Esthétique Hors cadre », 2004
Païni Dominique, Le temps exposé. Le cinéma de la
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Fleischer Alain, Les laboratoires du temps. Écrits
sur le cinéma et la photographie 1, Paris, Galaade
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Fleischer Alain, L’Empreinte et le tremblement.
Écrits sur le cinéma et la photographie 2, Paris,
Galaade Édition, 2009.
Guido Laurent, Lugon Olivier (sous la direction de),
Fixe/animé : croisements de la photographie et du
cinéma au XXe siècle, Lausanne (Suisse), Paris, L’Âge
d’homme, 2010.
DOSSIER ENSEIGNANT / BIBLIOGRAPHIE
Christophe Bourguedieu
Sans titre, extrait de Les Passagers, 2005-2006
28
BIBLIOGRAPHIE GÉNERALE
Sur la photographie
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L’extrême contemporain, Le Regard, 2004.
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. Louis Mesplé, L’Aventure de la photo contemporaine
de 1945 à nos jours, Le Chêne / Hachette, 2006
. Michel Poivert, La Photographie contemporaine,
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. André Rouillé, La Photographie, Gallimard, 2005
. François Soulages, Esthétique de la photographie.
La perte et le reste, Armand Colin, 2005
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Les Pratiques pauvres. Du sténopé au téléphone
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DOSSIER ENSEIGNANT / BIBLIOGRAPHIE
Sites spécifiques
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lettres.ac-versailles.fr
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des clics & des classes
crdp-limousin.fr
pedagogie.ac-nantes.fr
(espace pédagogique / approches de l’ombre)
Centre Pompidou - Dossiers pédagogiques en ligne
La couleur, 2011
Les nouveaux médias, 2011
Le film, 2010
La subversion des images, 2009
Expérimentations photographiques en Europe.
De 1920 à nos jours, 2008
Tendance de la photographie contemporaine, 2007
Son et lumière - une histoire du son dans l’art
du 20e siècle, 2005
Le mouvement des images, 2006
Jean-Luc Godard, 2006
Luis Buñuel, Un chien andalou, 2005
Sophie Calle, 2004
Statut et pouvoir du narrateur, 2003
Roland Barthes, 2002
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INFOS PRATIQUES
UN CENTRE D’ART, TOURNÉ
VERS LA PHOTOGRAPHIE
QUI ASSOCIE EXPOSITIONS,
ÉDITION, RÉSIDENCES ET
FORMATION
Le Point du Jour, inauguré en novembre 2008, est
le premier centre d’art / éditeur en France tourné
vers la photographie.
Le bâtiment a été conçu par Éric Lapierre, lauréat
du Prix de la première œuvre en 2003, décerné au
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la photographie.
Régulièrement, des artistes sont invités à réaliser
un travail photographique dans la région, suivi le
plus souvent d’une exposition et d’un livre.
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Samedi et dimanche de 14h à 19h
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concernant la photographie. Elle accueille aussi
régulièrement des conférences et des rencontres.
Des visites et des formations sont organisées, notamment à destination des enseignants, tout au
long de l’année.
DOSSIER ENSEIGNANT / INFOS PRATIQUES
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