L`État des Lieux - Le Point du Jour
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L`État des Lieux - Le Point du Jour
Centred’artÉditeur DOSSIER ENSEIGNANTS www.lepointdujour.eu NOTIONS GÉNÉRALES NOTIONS PAR NIVEAU L’exposition permet une approche sensible et pédagogique de la photographie dans le cadre des disciplines générales et artistiques et de l’histoire des arts autour des notions : La visite de l’exposition, le contact direct avec les œuvres exposées, le travail sur un questionnaire élaboré en relation avec le service éducatif permettent d’interroger un ensemble de notions au programme des classes du premier degré au lycée et de travailler les compétences du socle commun. • Arts, mythes et mythologies personnelles • Images et narration • Cadre, cadrage, champ /hors champ • Réel/fiction • Photographie et cinéma • Paysage/portraits PREMIER DEGRÉ COLLÈGE Compétences développées lors de la visite de l’exposition et de son exploitation en classe : Cette exposition permet une approche sensible et pédagogique de la photographie d’aujourd’hui autour de problématiques contemporaines qui intéressent l’histoire, la géographie, les lettres, les arts plastiques et de façon pluridisciplinaire l’histoire des arts : • Découvrir et explorer un centre d’art • Développer sa sensibilité artistique au contact des œuvres • Décrire les œuvres en utilisant un vocabulaire spécifique • Exprimer ses émotions et préférences face à une oeuvre d’art, en utilisant ses connaissances • Apprendre à se déplacer en s’adaptant à l’environnement La visite et le travail réalisé à cette occasion s’inscrivent dans le parcours artistique et culturel et le « cahier culturel » de l’élève.. • Explorer le monde • L’ici et l’ailleurs • Les images et le réel • Les relations textes/images • L’espace et les œuvres • L’espace, l’œuvre et le spectateur LYCÉE La visite de l’exposition, le contact direct avec les oeuvres exposées, permettent d’interroger un ensemble de notions au programme du lycée et particulièrement : • Mythes et héros • L’ailleurs dans l’art • L’œuvre, le monde 2 1.INTRODUCTION Présentation de l’exposition Biographie 2. TEXTES Tavastia (1998-2000) Éden (2000-2002) Les Passagers (2005-2006) Marseille (2009-2010) La Montagne (2011) 3. PARCOURS DANS L’EXPOSITION Cadrages, champs/hors champ, format des tirages Séries, enchaînements thématiques, suites, récits... Mythes et correspondances d’images 4. ATELIERS Écriture Photographie Création plastique 5. ÉCHOS DANS L’HISTOIRE DE LA PHOTOGRAPHIE William Eggleston Lee Friedlander Philip-Lorca diCorcia Thomas Struth 6. ENTRÉES DISCIPLINAIRES Littérature : Don Delillo et Jean-Philippe Toussaint Arts visuels : Photographie et cinéma 7. AUTOUR DE L’EXPOSITION Rencontres et projection 8. BIBLIOGRAPHIE Quelques livres disponibles au centre d’art Bibliographie sélective autour de l’exposition Bibliographie générale 9. INFOS PRATIQUES 3 1. INTRODUCTION PRÉSENTATION DE L’EXPOSITION Le titre de l’exposition indique son caractère rétrospectif, puisque y sont présentés cinq ensembles produits entre 1998 et 2011. Il pourrait aussi servir à qualifier l’ambivalence de ton travail. « L’état des lieux », ce serait à la fois les lieux réduits à leur surface, presque sans caractéristiques, et les lieux en tant qu’ils concentrent un état de conscience, induisent une activité imaginaire. Quel serait le lien entre ces deux aspects ? Christophe Bourguedieu : Le constat est sans doute plus approprié si nous parlons des images faites à l’étranger. Je me méfie tellement de l’exotisme que j’élimine tout signe de reconnaissance trop évident pour ne garder que les grandes lignes. L’information passe par la lumière, les textures et plus généralement par les climats, ce qui me permet d’esquiver le folklore du voyage. De ce fait, on est à la fois là où les photos sont prises (Australie, Finlande, Californie) et dans un espace plus général, qui relève moins de l’imaginaire que de la réminiscence. Tout le monde a connu ce curieux état de fatigue extrême à la descente d’un avion, quand on est abruti par le voyage mais que certains détails négligeables nous absorbent soudain. C’est ce genre de sensation que j’essaie de faire durer et que j’enregistre dans ces photos. Avec Tavastia (1998-2000), en Finlande, apparaissent un nombre limité de motifs qu’on retrouve sans cesse par la suite : des personnages absorbés dans leurs pensées, des bâtiments dont on ne voit pas les usagers, des bords de ville et des bouts de nature, parfois des objets plus ou moins significatifs. Cela relève-t-il d’une forme d’obsession ? Quelles relations s’établissent entre ces différents types d’images ? C. B. : Il s’agit peut-être encore de ces « détails négligeables » et de la manière dont la pensée flotte pour se fixer sur des objets ou des visages que l’on DOSSIER ENSEIGNANT / INTRODUCTION croit reconnaître même lorsqu’ils sont nouveaux. Ap r è s , p ou rq uoi e st- c e q ue je phot og r a ph ie régulièrement des chiens alors que j’en ai peur ? Ou des avions, alors que dans mes rêves ils ont longtemps symbolisé des affects très négatifs ? Les questions comptent plus que les réponses, à moins que les formes ne constituent la seule réponse possible. Si j’écris ici « attention flottante », tu comprends de quel processus de pensée relèvent ces photos et comment les associations d’idées se présentent. En cela, mon activité consiste avant tout à savoir les recevoir. C’est plus tard, en y revenant ou en regardant mes films, que j’en vois la cohérence. Je dois me débrouiller avec les émotions, l’inquiétude et le plaisir de construire de la pensée sur de tels accidents. On a souvent parlé, notamment à propos de Éden (2000-2002) réalisé en Californie et en Arizona, de la dimension cinématographique de ton travail. Elle ne semble pas vraiment tenir au montage qui permettrait de construire un récit. Comment la définir alors ? En quoi le cinéma a pu t’inspirer ? C. B. : Que tu choisisses Éden pour appuyer ta question révèle ce que cette série a de plus sec et abstrait que les autres. Tavastia parlait de l’Amérique alors que l’on était au nord de l’Europe. Les images ellesmêmes étaient exubérantes et colorées à leur manière réduite. Avec Éden, dans l’Amérique réelle, il fallait à nouveau prendre le contre-pied de l’évidence exotique, tout comme du naturalisme. Les gens arrêtés et les lieux vides, souvent aveugles, disent sans doute cette conscience de travailler sur des motifs, de produire des images autant que des photographies. C ette dimension cinématographique découle peut-être de cela, bien que je refuse l’idée de fabriquer des photogrammes fictifs ou des images isolées d’un film imaginaire. De la même manière, l’hypothèse d’un montage qu i for me r a it u n ré cit relève du plé on a sme, les photos ét ant déjà relativement nar ratives. En fait, il s’agirait plus de prendre en compte des images communes – communes aux deux sens du terme, comme celles du cinéma –, les images qui préexistent à la situation et qui m’aident à installer sur du concret le jeu avec la lumière ou la couleur. La maison en Finlande à la tombée de la nuit existe bien 4 et elle subsiste objectivement comme le témoignage d’une histoire particulière (un ancien quartier de familles ouvrières qui a échappé à la destruction dans les années 1970). Mais lorsque le ciel prend cette teinte électrique et que j’isole la maison dans le cadre, elle devient presque inévitablement le lieu d’une action cachée. C’est sans doute de cette dimension fictionnelle minimale que l’on parle avec cette référence au cinéma. Il est aussi possible que ma manière de traiter les lumières de fin de journée, inspirée de certains chefs-opérateurs, encourage cette perception. Bruce Surtees ou Robby Müller [qui ont respectivement travaillé, entre autres, avec Clint Eastwood et Wim Wenders] savaient se servir des ombres sans trop les éclairer, alors que la génération des photographes utilisant des films négatifs couleur privilégiait le plus souvent une certaine égalité de valeurs. Les Passagers (2005-2006) est essentiellement constitué de portraits en intérieur, comme hors du temps. Paradoxalement, tu es allé au bout du monde, à Perth en Australie, pour les réaliser. De manière générale, tes personnages paraissent presque toujours détachés de leur environnement. Ont-ils quelque chose en commun ? Qu’est-ce qui t’intéresse chez eux ? C. B. : Les lieux ne sont jamais indifférents. Si je les comprends et que j’y suis bien, j’essaie d’en traduire certaines caractéristiques, par la sensation mais aussi par la description d’objets sur lesquels le regard s’arrêterait sans que l’on se soucie d’en identifier la fonction réelle (le canapé des Passagers ou la maison de Tavastia, par exemple, dont seule la présence matérielle importe). Il en va de même avec les individus et, pour peu qu’un visage ou une posture m’attirent, que la lumière convienne, une partie du travail est déjà faite. En Australie, le soleil est très vertical. C’est une lumière difficile. Comme partout, j’ai donc cherché des arrièreplans, un éclairage qui me satisfasse ; les maisons turn of the century, avec leurs moulures et leurs murs beiges, formaient un décor évident, comme un studio. J’ai toujours du mal à photographier les scènes à plusieurs personnages et le désordre me perturbe : c’est donc naturellement que j’en arrivais à ces images dépouillées au centre desquelles un seul personnage est installé. On peut dire que la mélancolie qui en résulte est une conséquence de ce dispositif. DOSSIER ENSEIGNANT / INTRODUCTION Marseille (2009-2010) est, pour la première fois, un titre explicite. On y voit quelques personnages en groupe ou occupés à une activité, jusqu’alors absents dans tes images. C’est aussi le cas pour La Montagne (2011) réalisé à Clermont-Ferrand. Comme si, désormais, la vie quotidienne avait droit de cité. Est-ce dû au fait de travailler en France plutôt qu’à l’étranger ? C. B. : Les photos faites en France relèvent d’une autre logique. Les individus y sont moins arrêtés qu’en attente du photographe ; dans certains cas, ils semblent même posés dans l’image, conscients d’endosser un rôle. Voilà pour la relation avec le naturalisme, plus ambiguë ici. Le désordre du monde pénètre aussi de manière plu s d i r e c t e e t c r u e d a n s c e s i m a ge s : u n e publicité sur une façade d’immeuble, un angle de mur en par paings, la virgule d’une marque mondialisée sur le polo d’un jeune homme, etc. Je suppose que travailler chez soi ramène à des émotions plus complexes. Ce dont on s’était débarrassé en voyageant (les jugements, l’exaspération) revient perturber la perception des choses. L’empathie aussi, et une conscience plus évidemment politique des enjeux de la description. Dans Tavastia, Éden et Les Passagers, il n’y a pas ou peu de variations de formats. Elles sont en revanche nettes dans Marseille et La Montagne. Pourquoi un tel choix ? Représente-t-il un changement important dans ton travail ? C. B. : À l’époque de Tavastia et d’Éden, l’argent manquait pour faire des livres, produire les tirages, les encadrements, etc. La priorité étant de faire exister les projets et d’en commencer de nouveaux, il a fallu transiger sur certaines décisions. En particulier, pour des raisons d’économie, sur les variations de formats. Ces choix ont certainement affecté mes projets de l’époque, dès leur conception. Quand on les regarde aujourd’hui, on note qu’ils fonctionnent sur une intensité constante qui semble exclure les ruptures et privilégie une lecture linéaire. Comme tu le remarques, mes projets actuels obéissent à une autre logique, plus grammaticale, dans des rapports de tension différents. Propos recueillis en juin 2014 5 L’EXPOSITION « L’Ét at des lieu x » réu n it u ne ci nqu a nt ai ne d e t i r a ge s c ou le u r, e nc a d r é s s ou s ve r r e. Les œuvres présentées sont extraites de Tavastia (19982000), Éden (2000-2002), Les Passagers (2005-2006), Marseille (2009-2010) et La Montagne (2011). La Montagne a été produit dans le cadre de la résidence photographique 2010 – Ville de ClermontFerrand. Marseille a bénéficié du soutien de l’Atelier De Visu (Marseille) et de la galerie Le Bleu du ciel (Lyon). Christophe Bourguedieu, Sans titre, extrait de Éden, 2000-2002 BIOGRAPHIE Né en 1961 à Mar rakech. Études de droit et de sciences cr iminelles. Ch r istophe Bourg uedieu enseigne la photographie à l’École nationale supér ieu re des ar ts décoratifs (Par is). Outre les ensembles présentés dans l’exposition, il a participé à la commande collective Images d’un renouvellement à Cherbourg en 2007 et réalisé Chien noir (2002-…), Frontera (Maroc, 2007-2009), Le Chien jaune (2005, 2009), Kyoto Dorama (Japon, 2004), Le Cartographe (1996-1998), L’Amateur de jardins (Prix Kodak de la critique photographique, 1996). Parmi ses expositions personnelles : Atelier De Visu, Marseille, 2013 ; Centre photographique de ClermontFerrand, 2012 ; Fremantle Arts Centre, Australie, 2008 ; Musée d’art contemporain, Lyon, 2006 ; Musée de la photographie, Anvers, Belgique, 2004 ; Noorderlicht, Groningen, Pays-Bas, 2001 ; Musée des beaux-arts, La Chaux-de-Fonds, Suisse, 1997 ; École nationale de la photographie, Arles, 1996. Christophe Bourguedieu a notamment publié La Montagne en 2012 aux éditions Loco et, au Point du Jour, Tavastia (2002), Les Passagers (2007), Éden (2004). DOSSIER ENSEIGNANT / INTRODUCTION 6 2. TEXTES SÉRIE « TAVASTIA », 1998-2000 « Vu du dehors, tout paraît indécidable en Finlande, comme si l’entre-deux faisait la particularité de l’endroit : entre deux continents, entre deux époques, entre deux atmosphères. Pour aller vite, statisme et vivacité. Les liens contraints avec l’ex-URSS et le fantasme d’une Amérique de voitures et de surf music expliquent en partie cette sensation. À moins que l’inattendu pousse précisément à chercher une explication. Ce territoire pourrait être la forme idéale d’une Europe lointaine, un cadre à peine fictionnel où l’imagination travaille à partir du concret. Par un curieux jeu de miroir, on finit alors par s’y retrouver. Tavastia est le nom ancien d’une région de Finlande qui n’apparaît aujourd’hui sur aucune car te. » Christophe Bourguedieu, Tavastia, Le Point du Jour, 2002 Lorsque, au début des années 1980, vous commencez de vous intéresser à la photographie, quel sentiment vous anime face à un milieu qui commence à se structurer en dehors de l’héritage des photo-clubs et des figures historiques ? Ce qui me semble aujourd’hui avoir été le plus marquant, c’est le profond décalage qui existait alors entre l’exigence que l’on pouvait trouver dans le cinéma, la musique, et l’indigence du paysage photographique tel qu’il m’apparaissait à l’époque. D’un côté, avec les Cahiers du cinéma et la presse musicale, j’avais accès à une culture relativement savante, avec ses références et ses enthousiasmes. De l’autre, la critique n’existait qu’à peine et les artistes – en dehors des grands noms – restaient mal visibles. Mais, profondément, le plus frustrant, c’était de ne pas trouver en photographie ce qui me semblait si présent dans le cinéma ou le rock : un niveau d’exigence qui frisait l’érudition même s’il concernait un film ou un disque obscurs. Non que je me sente lié à une vision puriste de cette culture, mais il paraissait possible de s’affirmer par son goût d’amateur pour des formes d’expression dans lesquelles l’énergie n’excluait pas la culture et où l’intelligence ne se donnait pas nécessairement à voir. En regard de cela, la photographie m’apparaissait comme un monde miné par les complexes au regard du « métier » comme des principes d’une « photographie d’art ». Cela a peu à peu changé avec l’apparition de revues de qualité et la mise en place d’une culture photographique. Mais le décalage n’en était pas moins réel au départ. C’est d’ailleurs ce qui m’a éloigné pour quelques années de la photographie. […] Lorsqu’on regarde les images de Tavastia, on observe assez bien une sensibilité pour des faits ou des personnes qui ne sont ni des situations, ni des récits, mais plutôt des climats. Cela participe-t-il de cette idée que la simplicité peut être établie par des relâchements et des tensions qui deviennent une forme en soi ? Christophe Bourguedieu, Sans titre, extrait de Tavastia, 1998-2000 DOSSIER ENSEIGNANT / TEXTES Je parlerais volontiers ici d’un goût pour le trivial, au sens où Serge Daney opposait certains cinéastes « triviaux » (Godard, Buñuel…) à quelqu’un comme Greenaway, très installé dans la maîtrise. Le « trivial », nommons-le ainsi, ce serait autant une conscience du caractère inévitablement (ou nécessairement) imparfait du travail produit, qu’une manière de ne pas jouer au plus malin avec son sujet. Pour moi qui suis autodidacte, 7 cette idée a longtemps été la seule façon d’appréhender des systèmes, des dispositifs qui pouvaient me paraître artificiels ou complaisants et par rapport auxquels j’éprouvais du mal à me situer. C’était aussi un moyen de retrouver une vague candeur alors même que j’en suis désormais dépourvu. Le trivial comme forme ? Peut-être pas tout à fait. Je le verrais plutôt comme rejet du « grand sujet », de la posture. Moins en termes de contenu iconographique donc – le trivial n’a rien avoir avec le « trash » ou toutes autres négligences systématisées – qu’en tant que genre mineur (ce genre mineur étant du reste un fantasme comme un autre). En ce qui concerne Tavastia, ce livre n’est effectivement ni un récit, ni une fiction. Il n’est pas non plus documentaire, si ce n’est par la marge. J’ajoute que je ne continuerai pas longtemps à travailler dans la veine de Tavastia. Mais cette idée du « trivial » a été pour moi un instrument d’affirmation utile et fonctionnel. […] D’un point de vue esthétique, Tavastia comprend des images qui, en cherchant à rendre visible des climats et des états d’âme, recherchent l’imperfection ou la maladresse comme autant d’indices. Comment se passe le moment d’acceptation d’images « imparfaites » ? Correspondent-elles à une revendication ? À vrai dire, il s’agit plutôt d’une attitude propre à la compensation qu’opère le regard du myope. Regard fait de supputations et d’hypothèses se nourrissant d’elles-mêmes pour n’aboutir à rien de précis. Ce qui était au départ une acuité sans mobile (observer) prend un sens quand un objet la structure (voir). La mise en forme tient à peu : le regard se porte sur un détail, un visage particulier, une texture intrigante… Tout se construit autour de ce point de scrutation, comme par déduction. Au final, cela produit une forme d’attention particulière –liée à la conscience du peu de valeur de l’information fournie – qui traduit assez bien par l’imperfection l’idée même de faiblesse à laquelle je suis sensible. Considérée sous un angle moins obsessionnel, cette attitude pourrait aussi manifester un refus de prescrire du sens. À cet égard, il y a probablement un lien très fort entre la morosité que je mets en avant dans ces photos de Finlande – morosité qui n’excluait pas des moments d’euphorie – et l’acceptation des limites de l’image. Je me sens souvent sur le fil, entre la hantise de la séduction facile et la proximité de l’échec. Certaines images contiennent cette idée de déception à laquelle il faut parfois se confronter. « La conscience du myope », entretien de Christophe Bourguedieu avec Paul-Louis Roubert et Michel Poivert, Bulletin de la SFP, 7e Il ne faut pas être trop complaisant avec cette idée d’imperfection. Je dirais plutôt que je suis arrivé, plus ou moins consciemment, à construire des images dans lesquelles le sujet apparaît généralement au centre. De fait – pour des raisons optiques, ou parce qu’il y a peu de lumière – la profondeur de champ est souvent réduite. Le sujet est ainsi plus ou moins désigné comme tel, comme dans les cartes postales. Curieusement, à l’usage, je constate qu’il laisse ouvert le hors-champ, peut-être parce qu’il y a finalement peu à voir et qu’on ne se résout pas à l’accepter. Le paradoxe est que, en obsessionnel, je tends à sur-maîtriser cette forme en principe simple, tout en étant dans le même temps conscient de ce qu’une forme un peu boiteuse peut être la meilleure des solutions. Ce qui ne m’empêche pas de porter un soin maniaque aux détails, à la couleur notamment : les photos sont bancales, mais en un sens achevées. Ce côté « mal foutu » peut prendre la forme d’un accident technique ou d’une approximation formelle. Après coup, je finis toujours par transiger avec l’aléa sans trop d’états d’âme. série, n°13, avril 2002 Cette opération optique à double détente – voir / regarder – procède-t-elle d’une méthode ? Christophe Bourguedieu, Sans titre, extrait de Tavastia, 1998-2000 DOSSIER ENSEIGNANT / TEXTES 8 SÉRIE « ÉDEN », 2000-2002 Quelques habitants de l’Arizona et de la Californie, qui ont tenu à préserver leur anonymat. Ces citoyens de l’Éden sont seuls dans le cadre, le regard souvent flottant, lointain, pensif, voire fixé sur un objet inconnu du spectateur : un horizon invisible, peutêtre la limite inconcevable de l’Éden, voire son au-delà géographique ou mental, ou encore un bruit de fond à peine audible mais insistant, une rumeur sourde qui parlerait d’une catastrophe invisible, d’un ailleurs, mais l’Éden a-t-il un ailleurs ? Un extérieur ? Un exotisme ? Est-il concevable qu’un ensemble de normes aussi contraignantes puisse malgré tout générer un hors-champ de pensée, un lieu ou plutôt un non-lieu qui fascine à ce point ? En tout cas, ces quelques citoyens atopiques sont en arrêt, à la fois graves et absents, soudain figés, arrêtés dans leur course ou dans le cours des choses par autre chose qui jusque-là leur échappait apparemment et qui nous échappe forcément. Ces citoyens semblent se souvenir, se remémorer – deux doigts de jeune fille montent vers la lèvre inférieure : n’ai-je vraiment rien oublié ? Mes clefs, mes cigarettes, mon agenda, ma montre, une adresse, la carte routière de l’Éden ? […] Christophe Bourguedieu, Sans titre, extrait de Éden, 2000-2002 DOSSIER ENSEIGNANT / TEXTES Christophe Bourguedieu, Sans titre, extrait de Éden, 2000-2002 Lieux L’Éden – l’Arizona et la Californie – n’est repérable sur aucune carte. Insituable, on peut donc dire de lui qu’il est partout. L’Éden a envahi la Terre entière, seuls quelques lieux résistent encore à l’édénisation forcenée du globe, mais pas pour longtemps. On y va à marche forcée. Sans passé ni avenir, l’Éden biblique est un éternel présent ; il échappe au temps, au souvenir et à l’oubli, à la honte et à la culpabilité ; l’Éden est prémétaphysique, il se situe avant toute division entre l’âme et le corps. […] Ce que ces images donnent à voir, c’est une sorte d’expressivité minimale de la pensée, un retrait de l’affairement, une absence de geste, d’engagement – dans une action, une émotion, une intersubjectivité –, une « faiblesse passagère » donc, un soudain désintérêt, un désengagement par rapport au monde proche, un désœuvrement ou un passage à vide : ces êtres se défont, ils sont défaits (surtout les femmes), mais dans et par cette défaite ils gagnent une sorte de transparence diaphane qui est peut-être leur « vrai » visage, leur présence à soi. Et dans ce retrait, – qui n’a rien à voir avec un retrait hors du monde, ni avec un quelconque « idéal ascétique », mais qui nous renvoie plutôt au lapsus, à l’acte manqué, au rêve éveillé ou à l’hypnose – c’est la toute puissance de la pensée qui semble prête à se manifester. […] Il y a donc de la narration, même si nous ne savons pas du tout ce qu’elle est – car en quelque sorte nous avons seulement accès à ses effets, à ses répercussions sur les visages et les corps. 9 SÉRIE « LES PASSAGERS », 2005-2006 Christophe Bourguedieu, Sans titre, extrait de Éden , 2000-2002 Costumes Aucun nom de marque n’apparaît sur les vêtements portés par les citoyens anonymes de l’Éden. Là-bas, ici, voici le royaume de No Name et de No Logo, même si No Name est aujourd’hui un nom de marque. Mais ces vêtements sans marque visible – parka, blouson, chemise, pantalon, robe, bustier, chemisier, etc. – appartiennent au prêt-à-porter international de la jeunesse et définissent un style, une mode mondialisée, une uniformité, presque un uniforme, une forme unique. […] De même, les citoyens d’Éden sont des génériques, non pas des prototypes mais des produits dérivés, au sens pharmaceutique du terme « générique » : la même molécule que le princeps, le médicament initial, marqué au nom du laboratoire, jusqu’à ce que cette molécule tombe dans le domaine public. Tous les personnages d’Éden sont des entités génériques, des êtres dérivés, tombés dans le domaine public. Non pas des clones, lesquels sont identiques à leur modèle, mais des produits de deuxième, troisième, énième génération, de même composition chimique que l’individu princeps, premier, original – lequel est sans doute de nature cinématographique (l’Éden californien est tout proche de Hollywood) –, dérivés sous forme de génériques. Et toutes ces créatures génériques, issues d’un passé plus ou moins proche, mais rigoureusement indéfini, semblent murmurer d’une voix mélancolique ce qu’en leur temps chantaient les Doors : The Future Ain’t What It Used To Be, l’avenir n’est plus ce qu’il était. » Brice Matthieussent, Éden, Le Point du Jour, 2004 DOSSIER ENSEIGNANT / TEXTES « Il faut parfois s’éloigner de chez soi pour mieux voir les choses, ou simplement les accepter comme elles sont. L’Australie telle que peut la montrer ce livre n’en est donc pas vraiment le sujet. Lorsqu’elle apparaît, c’est réduite à très peu, à des rues de banlieue ou des intérieurs sans âge. Des affinités imprévues font pourtant de ce bout de civilisation une scène idéale, le siège délocalisé d’attentes que la distance rend du coup plus évidentes. Et s’il nous semble reconnaître les passagers que l’on y croise, c’est qu’ils appartiennent à cette géographie particulière dans laquelle il leur est donné d’incarner l’idée, tellement rassurante somme toute, du héros moderne aux prises avec une situation compromise. Ces photos ont été prises à Perth et en Australie Occidentale, entre le 28 mars 2004 et le 21 novembre 2006. » Christophe Bourguedieu, Les Passagers, Le Point du Jour, 2007 Après le Maroc ( Le Car tographe), la Finlande (Tavastia), les États-Unis (Éden), et le Japon (bourse de l’AFAA à la Villa Kujoyoma), vous êtes parti en Australie pour votre publication Les Passagers qui vient de sortir chez l’éditeur Le Point du Jour. Pourriez-vous nous expliquer votre prédilection pour ce pays et nous raconter ce qui vous a le plus frappé pendant votre séjour ? Avant d’y aller, je ne me sentais rien en commun avec ce pays, ou du moins l’image qu’on s’en fait. Puis j’ai été invité à exposer sur la côte Ouest. Comme le fait de prendre un avion amène toujours à un certain état de réceptivité, je n’étais pas non plus indifférent au moment d’arriver. À une heure du matin, la route qui conduisait de l’aéroport à la côte sentait l’eucalyptus et le kérosène. C’était comme un concentré du Maroc et de la Californie. Sans rien voir, je me suis dit que j’allais me sentir très bien dans cet endroit. Les gens qui m’invitaient étaient désireux de m’aider, les conditions de travail se présentaient bien. J’ai cherché de l’argent et, un an et demi plus tard, j’y suis retourné. Quant à ce qui m’aurait frappé… Certainement pas l’exotisme. Je cherche seulement ce qui fait écho à une histoire que je connais. C’est une voie d’accès comme une autre. Le plus souvent, la surprise vient de ce que je ne croyais 10 Comme dans vos séries précédentes (Tavastia, Éden), les personnages de Les Passagers donnent l’impression qu’ils ne se sentent pas à l’aise dans leur environnement. Vous mentionnez dans le texte de votre livre : « un héros moderne aux prises avec une situation compromise. » Comment réfléchissez-vous à la représentation de l’aliénation de ces personnages ? Christophe Bourguedieu, Sans titre, extrait de Les Passagers, 2005-2006 plus possible de ressentir. Avec une certaine gratitude, je reconnais des sentiments un peu endormis et il m’arrive même de voir s’incarner des émotions dont je n’avais pas encore l’expérience ou le mode d’emploi. Et puis surtout, la distance, le déplacement des codes, le charisme particulier des personnages photographiés me permettent de respirer, de m’éloigner des signes de reconnaissance et de la représentation naturaliste – ce qui ne fait pour autant obstacle ni au réalisme ni à l’empathie, mais au moins, on s’épargne la navrante mise en image des aspirations et des angoisses petites-bourgeoises. D’où vient le titre de la série, Les Passagers ? Probablement du moment où j’ai compris que l’image du canapé aurait une telle importance pour la série. Ce canapé se trouvait dans le salon que je partageais avec deux autres personnes et les gens qui défilaient dans cette maison s’y asseyaient nécessairement un jour ou l’autre. Il apparaît d’ailleurs à deux autres reprises dans le livre et devient comme la signature de ce décor, l’indice qu’on se trouve bien dans un monde fermé, dans un récit qui fonctionne selon ses propres règles. « Les passagers » a donc deux sens et, éventuellement, on pourra aussi entendre « Les naufragés ». Plus tard, je me suis souvenu que le titre original de Profession reporter est The Passenger. Je n’aime plus beaucoup Antonioni, mais son cinéma m’a assez marqué pour que je prête attention à ce fait. DOSSIER ENSEIGNANT / TEXTES Évidemment, on peut voir dans cette citation un point de vue sur l’aliénation, mais je préfère m’arrêter sur ce que cette idée d’héroïsme ordinaire a de touchant et d’attirant. C’est d’ailleurs pourquoi je fais endosser ces notions par des personnages ou des lieux que j’envisage sous un angle très sensoriel. Il y a une vérité de la surface des choses qui permet aux émotions et aux idées de coexister. Ceci posé, je ne travaille pas l’aspect de représentation psychologique – ça, je sais que ça ne marche pas. Comme j’ai une tendance à la mélancolie, j’imagine plutôt que quelque chose de ce malaise passe nécessairement dans l’image par ma relation avec mes modèles, sans qu’il y ait pour autant de véritable calcul. Mais ce qui compte, c’est moins les intentions que la capacité à transformer en formes cet état de fait et à en donner une traduction un tant soit peu complexe. On pourra dire ce qu’on veut de ce que je produis, mais au moins, je sais que je laisse le spectateur dans une expectative, inapte à conclure face à des images pourtant simples en apparence. C’est bien le minimum et c’est ce qui me permet, j’espère, de ne pas illustrer une énième version de « l’angoisse moderne ». […] Tenez-vous malgré tout à restituer un peu de la vérité particulière des lieux ou vous est-elle indifférente ? Je peux vous parler du dernier endroit où j’ai travaillé. Perth est une grande ville entourée de banlieues uniformes. C’est aussi la capitale de l’Australie Occidentale, un état immense et peu peuplé. Avant que je commence mon projet, une amie m’avait parlé de sa vie là-bas et du sentiment de solitude qu’elle y avait toujours ressenti. Est-ce l’isolement géographique ou plus simplement la forme que prend, en Australie, la vie en groupe ? J’ai en tout cas vite retrouvé cette combinaison d’extrême sociabilité formelle à l’anglosaxonne et de difficulté à communiquer hors des codes. À l’origine de beaucoup de projets, il y a quoi qu’on en dise l’envie de travailler sur une forme, et aussi des réactions très directes à la lumière, à la couleur, à la matière des choses. Le contenu vient là-dessus comme 11 pour remplir cette forme par du sens. Les Passagers ne fait pas exception : les lieux et la lumière ont d’emblée délimité mon cadre de travail, avant que les rencontres me permettent d’incarner mon propos. Et c’est précisément parce que j’avais une intuition précise du paysage psychologique que j’ai pu utiliser et dépasser le contexte en retournant à mon goût pour les climats ambigus, la sensualité, la dépression. Je ne m’intéresse pas à la démonstration en photographie, ni au documentaire, ou du moins à cette figure imposée qu’il semble être devenu. Je crois pourtant que ce que je fais a une valeur d’information, justement parce que mon point de vue, même limité, est clairement stipulé. Je fournis des bouts de narration qui de toute évidence ne prétendent à aucune objectivité, mais quelque chose de l’esprit des lieux et de la texture des individus passe sans que soit sacrifiée une dimension d’angoisse existentielle. La lumière, les couleurs et les positions figées des personnages dans Les Passagers me semblent très cinématographiques. Cette influence du cinéma est-elle inconsciente ou recherchée ? Les deux, sans doute. Il y a longtemps que je place mes personnages dans ces postures incertaines. Une certaine conception des rapports humains peut inévitablement y être lue, mais à l’origine, cette manière de faire exprimait très consciemment un refus du prétendu « naturel » véhiculé par la photo spontanéiste à la française, et une défiance face au portrait frontal à prétentions socio-psychologiques. Il y avait aussi la référence à ce qu’on appelait « le cinéma à hauteur d’homme » ou « la frontalité classique », des concepts devenus des clichés aujourd’hui, mais qui, défendus par les critiques des années 1950 au nom d’une morale de la forme, ont été repris à leur compte par un certain nombre de post-modernes, d’Antonioni à Jarmusch. Avec eux aussi, la pose ou la posture prennent acte de l’impossibilité d’imiter littéralement le réel. Sur un mode plus lapidaire, je pense aussi au Pickpocket de Bresson. Ces idées ont compté pour moi, sans être des dogmes. Disons qu’elles m’évitent de copier le « genre cinéma » et m’aident à formuler une idée du style que je pourrais tout aussi bien définir par des équivalences avec la musique ou la littérature. (C’est aussi l’occasion de dire que la généralisation dans la photographie actuelle de ces attitudes, DOSSIER ENSEIGNANT / TEXTES sans perspective claire ou autre que décorative, me perturbe. Le motif est tellement évident – cette adéquation littérale modernité / mal de vivre… J’espère qu’il y a quand même un peu plus de jouissance et d’ambiguïté dans mes photos). Mais pour revenir au style, en ce qui me concerne, « less is more », comme on dit. […] Pourriez-vous me parler de la relation que vous avez avec les personnes représentées dans Les Passagers ? Comment choisissez-vous les personnes que vous photographiez ? Les connaissez-vous personnellement ? Certaines étaient déjà des amis, d’autres ont été rencontrées par hasard. Ce que toutes ont en commun, c’est une netteté de caractère – je parle d’enveloppe physique, d’une capacité très simple et très rare à incarner des émotions ou des idées. Au fond, le casting n’est pas différent selon qu’il s’agit d’un canapé de mauvais goût façon Las Vegas ou d’une jeune fille en chemise à carreaux. Ce qui compte, c’est mon attirance pour eux, quels qu’en soient les ressorts, et comment je vais la creuser pour donner corps à autre chose que du désir. « Pourquoi ceux-là plutôt que d’autres ? » n’est plus une question que je me pose. […] Saskia Ooms, entretien avec Christophe Bourguedieu, Edit-Revue, 2007 Christophe Bourguedieu, Sans titre, extrait de Marseille, 2009-2010 12 SÉRIE « MARSEILLE », 2009-2010 « Au départ de cette histoire, il y avait l’envie de photographier la France des années 2000. Pendant longtemps, le décalage rassurant de la distance m’avait évité d’entrer dans le détail et permis de formuler des représentations génériques, des prototypes d’individus ou de lieux. Par un accident bienvenu, Marseille est devenu le cadre de ce projet, même si j’aurais tout aussi bien pu y travailler dans les Alpes, la forêt des Landes, à Brest ou à Châteauroux. Puisque c’est là que je me retrouvais, en plein été, la lumière aussi changeait. Plus brutale, elle menait directement aux vieux mythes méditerranéens, à l’idée d’un drame sous le soleil. Divers personnages sont apparus, des décors nouveaux et des matières plus précisément décrites (maisons provençales aux murs crépis, parpaings fonctionnels montés dans la nuit), auxquels il a fallu trouver une dramaturgie commune. L’homme au pantalon rouge titubant sous la dure lumière des calanques en est ainsi devenu l’étalon, Ulysse contemporain « auteur d’exploits dérisoires dans une situation d’égarement ». Il permet aux autres protagonistes de s’installer dans la même dimension, à cheval sur les grands récits et le trivial de la vie : ici se rencontrent la métaphysique et le mia. » Christophe Bourguedieu, mai 2014 Christophe Bourguedieu, Sans titre, extrait de Marseille, 2009-2010 DOSSIER ENSEIGNANT / TEXTES Christophe Bourguedieu, Sans titre, extrait de La Montagne, 2011 SÉRIE « LA MONTAGNE », 2011 « […] La Montagne décrit la puissance et la douceur, mais encore la sensualité de ce monde présent que l’imaginaire de la mondialisation a recouvert. Ce monde provincial n’est en rien coupé de l’économie globale — il la subit ou bien en profite, en tous les cas y participe à son échelle — ceux qui l’habitent circulent et communiquent. Leurs enfants travaillent peut-être en Inde, un voisin revient de Chine et pourtant une force presque aussi puissante que l’attraction terrestre les ralentit comme à l’atterrissage. Ils redeviennent ici des humains. Aux États-Unis (Éden), en Finlande (Tavastia) ou bien encore en Australie (Les Passagers), Christophe Bourguedieu travaille depuis longtemps à saisir par les corps, les regards, les chemins et les architectures le sentiment d’un monde contemporain occidental. Ce que l’artiste perçoit est le réservoir des humains. Des lieux où une communauté maintient dans un transparent secret l’héritage démocratique. Pour une fois en France, il nous livre avec La Montagne une ballade — genre réservé à la musique mais dont je vois ici un équivalent — une ballade photographique donc, pour se plonger dans l’espace de la collectivité. […] Sur son piédestal, la plongeuse prend appui sur son propre corps — immense torse gainé, penché sur des jambes que découpe une lumière franche. L’épaule est encore parsemée de gouttes d’eau. Le visage se relève, 13 tendu à la proue d’une chevelure mouillée, sa position est animale et interdite, ni menaçante, ni inquiète, ni debout, ni assise — comme ces figures cézaniennes à la perspective biaise. Le regard scrute au loin, sa beauté lui épargne d’être aimable. Une silhouette irréprochable surmontée d’un visage singulier. Le lieu est économe en couleurs, mais elles sont franches avec ces coloris jaunes et bleus qui jouent avec le blanc et le noir du maillot du personnage. Cette sobriété s’accompagne de la géométrie des formes, cercles et rectangles, lignes des barrières ; les piscines municipales ont toujours quelque chose des architectures de Oud. Et là, au milieu de l’avant-garde dissoute dans le prosaïque, le corps de la nageuse apporte son quotient d’humanité à l’environnement moderne. Les stades, les piscines et les terrains de sport sont des espaces calculés, leurs proportions sont données à coup de règles et de marquages aux sols ; ils sont la géométrie des exploits collectifs. Ces espaces dessinés en plan accueillent les attitudes passionnelles, les cris et les pleurs, les renoncements parfois. Ils sont le théâtre des apprentissages. Christophe Bourguedieu joue de la dissonance des activités de cette jeunesse, dans les stades et dans le refuge de la solitude, comme cette difficulté de concilier les deux temps, dans la construction de soi, de la méditation et de l’action. […] L’inquiétude est le ressort qui unit les personnages de la collectivité et la présence de la nature. Sentier s’enfonçant par une courbe sombre dans les sous-bois, mais aussi, bâtiments gagnés par une nature verdoyante qui l’encadre : à la géométrie des architectures et des équipements, la nature oppose ses vagues et ses treillis de formes sombres. Mais il faut insister sur la forêt. Le traitement que lui réserve le photographe est une manière d’allégorie politique : un portrait de groupe où les corps sont à la fois identiques et singuliers, des troncs avant d’être des arbres — comme des corps avant d’être des gens — à leur place et fiers, reliant par le chemin invisible de la sève, la terre et le ciel. Vous observez le premier, et c’est tous les autres qui appellent la comparaison. Unis dans leurs positions pourtant distinctes, les arbres sont à leur juste place de semblables. Une démocratie à portée de main, un projet accompli que l’homme occidental semble désormais laisser dormir aux abords des villes. Cette société végétale apparaît, encore, en plan plus rapproché, et semble une destination possible du promeneur à la chemise à DOSSIER ENSEIGNANT / TEXTES Christophe Bourguedieu, Sans titre, extrait de La Montagne, 2011 carreaux. Mais, ici, la lumière frappe un tronc, sa base et jusqu’à sa souche enfouie, c’est une sorte d’élu. La lumière s’est faufilée dans le sous-bois, l’arbre est traité comme le sont les portraits d’humains : l’être est mis au premier plan sans autre légitimité que la singularité qu’il impose au monde. Christophe Bourguedieu n’est pas un photographe des objets ou même des choses, sa poésie est essentiellement celle des êtres vivants et des lieux. […] La Montagne est un livre sur la collectivité, mais une collectivité qui s’est réunie sans rompre le dialogue avec la nature et ce qu’elle porte de plus solitaire chez l’homme. Le dedans de la ville (rue, stades, pont) et son dehors (champs, bois, animaux) constituent une dynamique de la description du lieu mais elle met surtout en tension les deux aspects du comportement humain. Le livre relie ainsi les figures isolées et méditatives à la nature, et les groupes à la ville et à son centre. Il n’y a pas de collectivité sans la distinction de ces états, comme il n’y a pas de discours public sans l’exercice permanent du soliloque. Être seul et plongé dans la méditation, être au sein du groupe et faire valoir sa part d’existence, expérimenter, ici, la théorie de soi et mesurer, là, l’hypothèse de son être, ces temps et ces espaces sont reliés dans La Montagne. La mise en scène de cette disjonction existentielle a trouvé une règle générale pour s’exprimer : produire formellement l’indistinction de traitement des règnes au profit de la constitution des Semblables. » Michel Poivert, « La Constitution des semblables », La Montagne Loco, 2012 14 3. PARCOURS CADRAGES, CHAMP/HORS CHAMP, FORMAT DES TIRAGES ? « De fait – pour des raisons optiques, ou parce qu’il y a peu de lumière – la profondeur de champ est souvent réduite. Le sujet est ainsi plus ou moins désigné comme tel, comme dans les cartes postales. Curieusement, à l’usage, je constate qu’il laisse ouvert le hors-champ, peut-être parce qu’il y a finalement peu à voir et qu’on ne se résout pas à l’accepter. Le paradoxe est que, en obsessionnel, je tends à surmaîtriser cette forme en principe simple, tout en étant dans le même temps conscient de ce qu’une forme un peu boiteuse peut être la meilleure des solutions. Ce qui ne m’empêche pas de porter un soin maniaque aux détails, à la couleur notamment : les photos sont bancales, mais en un sens achevées. » Christophe Bourguedieu, Sans titre, extrait de Les Passagers, 2005-2006 « La conscience du myope », entretien de Christophe Bourguedieu avec Paul-Louis Roubert et Michel Poivert, Bulletin de la SFP, 7e série, n°13, avril 2002 1 / Définissez à partir d’images précises la notion de champ/hors champ. 2 / Observez les changements de cadrage et l’espace autour des personnages, que disent-ils des rapports (proximité, relation ? ) entre le photographe et son sujet ? Christophe Bourguedieu Sans titre, extrait de Marseille, 2009-2010 3 / Les formats des tirages sont-ils constants tout au long de l’exposition ? DOSSIER ENSEIGNANT / PARCOURS 15 Christophe Bourguedieu, Sans titre, extrait de Éden, 2000-2002 SÉRIES, ENCHAÎNEMENTS THÉMATIQUES, SUITES, RÉCITS... Dans l’accrochage de l’exposition, comment définiriezvous les regroupements d’images : série, enchaînement, suites d’« images » ? « Selon les critères en vigueur, il s’agit plutôt de séries : des projets construits comme des ensembles de photos qu’il est mieux de voir en contexte qu’isolément. Les unes et les autres se répondent, se complètent ou se contredisent. Je préfère malgré tout parler d’ensembles, la notion étant plus ouverte. Et comme mes photos peuvent apparaître narratives, le grand piège serait de faire « comme au cinéma », l’accrochage redoublant le supposé récit. C’est pourquoi je préfère les montrer avec des variations d’intensité, des trous, des ellipses. C’est donc bien un genre de récit, mais qui progresse plus par ses manques que par une narration claire et par des relations de formes ou des correspondances sur le mode de l’association libre. J’espère aussi que certaines images sont suffisamment intrigantes pour être vues seules. » Entretien avec Christophe Bourguedieu, juin 2014 1 / Analysez la dimension narrative de certaines photographies. Cherchez les « variations d’intensité, les ellipses » 2 / Consultez à la bibliothèque les livres de Christophe Bourguedieu et confrontez cette expérience avec la découverte des photographies dans l’exposition. DOSSIER ENSEIGNANT / PARCOURS Christophe Bourguedieu, Sans titre, extrait de Marseille, 2009-2010 MYTHES ET CORRESPONDANCES D’IMAGES ? « Quentin Bajac dit « ... à l’origine de toute série... (il y a) un mythe ou une mythologie ». Êtes-vous d’accord avec cette assertion ? Est-il possible d’associer un mythe, une mythologie pour chaque série ? Lesquels ? « J’allais vous répondre « Non, pas forcément », et puis je me reprends : « Oui, sans doute ». Comme suis photographe et pas théoricien, je travaille avec des intuitions que je comprends très bien mais que je me garde de creuser. C’est donc presque avec surprise que je perçois à un moment que - pour reprendre l’exemple déjà cité -, tel personnage en pantalon rouge sur fond de calanques marseillaises m’évoque Ulysse et que le reste des images va bénéficier de cette découverte. […] Ce que soulève cette idée du mythe, c’est le fait qu’une image réaliste, attentive aux détails de l’ordinaire, dépasse le motif qu’elle représente : elle montre un individu bien singulier, un lieu ou une situation, mais au-delà, elle rappelle autre chose. Une image qui est déjà là, peut-être. Elle correspond, disons. » Entretien avec Christophe Bourguedieu, juin 2014 1 / Partez à la recherche des mythes et mythologies qu’évoque Christophe Bourguedieu, établissez une liste de ceux-ci : personnages et lieux et objets mythiques, héros de film... 2 / À quoi renvoient ces images, ces « mythes » dans d’autres domaines artistiques : peinture, cinéma, littérature. 16 4. ATELIERS ÉCRITURE « La maison en Finlande à la tombée de la nuit existe bien et elle subsiste objectivement comme le témoignage d’une histoire particulière (un ancien quartier de familles ouvrières qui a échappé à la destruction dans les années 1970). Mais lorsque le ciel prend cette teinte électrique et que j’isole la maison dans le cadre, elle devient presque inévitablement le lieu d’une action cachée. C’est sans doute de cette dimension fictionnelle minimale que l’on parle avec cette référence au cinéma. » Christophe Bourguedieu, Sans titre, extrait de Tavastia, 1998-2000 Christophe Bourguedieu, juin 2014 Inventer un récit ou un scénario à partir d’une image de l’exposition. Utilisez obligatoirement les mots suivants : évanouissement, épuisement, proximité... PHOTOGRAPHIE « De manière générale avec les écrivains, comme avec les musiciens, il s’agit plus d’équivalences de matière ou de langage, d’intuitions qui m’aident à définir un programme ou à débloquer un problème. Si on reparle de Simenon, sa façon économe de construire le récit me rappelle à la nécessité d’une clarté dans la formulation, clarté qui habille parfois des affects plus compliqués. L’image a beau être ordonnée et lisible, le hors-champ vient quand même quand même y installer un bruit de fond.» Inventez un récit ou un scénario à partir d’une image de l’exposition. » « Les Passagers est un livre de photographies sur la proximité, sur la relation, sur la communauté pensée en images et en expérience à l’heure où ces choses sont devenues illusoires. Évitons d’emblée tout malentendu : ces corps amis accueillis dans des postures indécises qui traduisent la simple possibilité d’une rencontre ou d’un renoncement, ne sont porteurs d’aucun désir exagéré de paix et de conciliation. Bourguedieu n’est pas un artiste irénique. Nous sommes dans un lieu où agissent de singuliers motifs : des modillons traités à la manière de cornes d’abondance ou bien encore des portes dont les poignées sont trop hautes, si bien que les personnages semblent vivre dans une maison où ils seraient traités comme d’éternels enfants. Un divan magnifiquement kitsch mais nullement décoratif scande l’espace et revient sous différents angles. Il est suffisamment important pour être présenté au début du livre comme un personnage à part entière. On dirait un animal à cornes, on sent son souff le. Les personnages passent au long de lui, une femme mystérieuse prend le risque de s’y abandonner. » E n t r e t i e n a v e c C h r i s t o p h e B o u r g u e d i e u , j u i n 2 014 Michel Poivert, Les Passagers, livre du désir contemporain, CRÉATION PLASTIQUE Imaginez par le dessin ou la peinture, le hors champ d’une des photographies de l’exposition. DOSSIER ENSEIGNANT / ATELIERS ViteVu, blog de la SFP, 2007 Réalisez un polyptyque associant trois « sujets » présents dans l’exposition : un portrait, un objet, un paysage. Prévoyez les articulations entre les différents panneaux et trouvez un titre à cette réalisation. 17 5. ÉCHOS DANS L’HISTOIRE DE LA PHOTOGRAPHIE WILLIAM EGGLESTON « William Eggleston (né en 1939) est une icône du monde de la photographie, au moins pour deux raisons. Sa carrière atypique et sa participation, avec Joel Meyerowitz et Stephen Shore, à l’imposition de la photog raphie couleu r dans le monde de la photographie créative. Photographe rare (il a relativement peu produit), monomaniaque (ses sujets sont presque exclusivement des vues de son Sud natal), c’est aussi une sorte de dilettante (on sent un photographe qui n’a manifestement pas besoin de son art pour vivre). À ces deux titres, Eggleston est un maillon important de l’histoire de la photographie au XXe siècle. Mais c’est aussi un photographe dont les images peuvent donner accès à une appréciation de la photographie créative à un plus large public. […] Le titre, extrait d’un texte de l’auteur, « At war with the obvious », n’est pas l’une des moindres réussites de cette nouvelle exposition. Il dit, sous une forme compacte, cette tension qui traverse toute la photographie vernaculaire depuis Walker Evans jusqu’aux contemporains en passant par les célèbres « nouveaux topographes ». Bien loin de la facilité qu’un certain psittacisme maniéré d’aujourd’hui a transformé en une vulgate photographique (la frontalité du cadrage et la banalité des sujets), le travail d’Eggleston n’est ni mécanique, ni simple, et toujours dans un permanent équilibre pour essayer de percer (« at war ») le quotidien d’un environnement qui est profondément indéchiffrable parce que trop présent bien plus que banal (ou alors au sens juridique de « commun »). La présence de rares personnages dans l’image ne fait d’ailleurs qu’ajouter à son épaisseur. On a ici, avec Eggleston, un rappel salutaire, et une belle « expérience » pour le spectateur qui (au moins si j’en crois les quelques commentaires saisis au vol) finit par percevoir ce que ces images portent de questions. Cette exposition est aussi importante pour deux raisons : sa force visuelle et sa présence au MET. Les photographies d’Eggleston procurent un indéniable plaisir esthétique. Eggleston utilise en William Eggleston, Le plafond rouge, Greenwood, Mississippi, 1973 William Eggleston, Sans titre (Été, Mississippi, Cassidy Bayou à Background), 1971 effet pour ses tirages le procédé du dye-transfer. Il s’agit, comme le Technicolor dont il est proche, d’une impression par pigments sur papier. Le résultat est spectaculaire par la richesse des tons obtenus, même si ceux-ci ne visent pas à une hypothétique « réalité », et par l’épaisseur presque physique de l’image qui lui confère une exceptionnelle présence. […] » Jean Kempf, At War with the Obvious Photographs by William Eggleston, Transatlantica, 2012 À consulter à la bibliothèque du Point du Jour William Eggleston Marion de Beaupré, 1998 William Eggleston Guide John Szarkowski MoMA, 2002 DOSSIER ENSEIGNANT / ÉCHOS DANS L’HISTOIRE DES ARTS 18 LEE FRIEDLANDER « Com me Walker Evans et Rober t Fran k, Lee Friedlander capte l’ordinaire de la ville et du quotidien américains, les devantures des magasins, les annonces publicitaires, la télévision, les voitures, la vie urbaine dans son ensemble. L’influence pop, les facéties spontanées et les innovations formelles marquent ses débuts de photographe dans les années 1950 et caractériseront toujours son travail. Toutefois, à l’orée des années 1970, sa sensibilité, son style et ses sujets s’élargissent. Un flot continu d’observations nourrit ses photographies d’où se dégagent charme et lyrisme. À l’affût des variations subtiles des formes et de la lumière, il produit des images urbaines richement descriptives, révélant l’énergie incontrôlable de la ville et dévoilant le pouvoir de la photographie à transformer ce qui est donné à voir. Au début des années 1990 il photographie les paysages de l’Ouest américain où il est né - tirages qui illustrent son goût pour les décors grandioses ou étranges et témoignent de l’intensité de son regard. « Lee Friedlander repère les étrangetés indéfinissables, et souvent très temporaires, des espaces urbains, comme des apparitions de signes éphémères d’une présence espiègle et incontrôlée. Il sait transformer un environnement familier en un cryptage dans lequel l’œil retrouvera des codes au second degré. Il traite des ambivalences d’espace, des difficultés d’interprétation visuelle, de la confusion optique et des similitudes d’indices formels (des poteaux verticaux, des enseignes, des feuillages) ; il orchestre les reflets des vitrines, les miroirs improvisés, les images en incrustation, les ombres métamorphosées par l’objet sur lequel elles se projettent (autoportraits). Lee Friedlander a modelé un visage imprévu de son pays — désarticulé en regard de la stabilité ancestrale vantée par Evans ou Abbott — et constitué petit à petit le lexique du rêve américain, fait d’apparitions télévisées, de miroirs inconstants, de lumières clignotantes ou d’autoroutes désertes. Il offre une ouverture inconditionnelle et médusée aux imprévus du regard. […] » 1 Lee Friedlander, Aloha, Washington, 1967 Lee Friedlander, Boston, 1985 À consulter à la bibliothèque du Point du Jour At work Lee Friedlander Steidl, 2005 Lee Friedlander MoMA, 2005 1. Extrait d’un texte de Michel Frizot, Photo Poche, Centre National de la Photographie, 1989 Lee Friedlander, site du Jeu de Paume, 2006 DOSSIER ENSEIGNANT / ÉCHOS DANS L’HISTOIRE DES ARTS 19 PHILIP-LORCA DICORCIA « […] Dans les images de rue, « Streetworks », « Two Hours » puis « Heads », Philip-Lorca diCorcia va plus loin. Il plante son trépied sur le trottoir et décide d’introduire encore plus d’aléatoire dans un travail jusqu’alors entièrement composé. Comme il le dit lui-même dans l’entretien d’Art Press, il veut voir « ce qui se produit lorsqu’il photographie des situations et des sujets qu’il ne peut pas contrôler ». Il expérimente « les possibilités dramatiques du hasard ». Pour « dramatiser », c’est-à-dire théâtraliser la rue, l’artiste dispose des flashs connectés au déclencheur de l’appareil qu’il actionne au moment qu’il estime propice, à l’insu des personnes concernées. Il en résulte un effet d’arrêt sur image très cinématographique ou encore un effet pictural. La lumière extrait des individus de la masse indifférenciée des passants et les fige dans un statut d’élu à la manière de l’auréole byzantine ou du clair obscur caravagesque. Par la magie du flash, ils deviennent des saints offerts à toutes les dévotions ou les héros d’une fiction ouverte à toutes les projections. Mais, contrairement aux héros et aux saints, les « élus » de la prise de vue restent inconscients de leur éphémère transfiguration. Absorbés dans leurs pensées, ils sont les acteurs involontaires d’une pièce qui se joue ailleurs, étrangers à l’énigme que véhicule leur image volée. Leur mise en lumière ne s’inscrit dans aucune construction narrative, sociale ou religieuse. Elle prouve encore une fois la capacité de la photographie à transformer notre vision de la réalité sans lui donner pour autant un sens. C’est au contexte de le suggérer et au spectateur d’écrire le scénario du film. (...) Sa démarche donne l’impression qu’après avoir éprouvé ce pouvoir dans le monde de la mode, Philip-Lorca diCorcia cherche à l’exorciser par une mise à distance du médium, une analyse approfondie de ses ressorts et un rapport différent au spectateur. Dans son entretien avec Denis Angus, il fait de la photographie de mode une sorte de repoussoir : « j’essaie de critiquer la bête avec qui je travaille. Ce monstre avec qui je partage mon lit est aussi mon sujet ». La violence du rejet suggère l’existence d’une véritable dialectique de travail entre les deux sphères de l’activité de l’artiste. Il réagit en affichant sa volonté, dans son travail personnel, d’éviter de manipuler le spectateur pour lui laisser « une grande place », « un grand espace, Philip-Lorca diCorcia, Brent Booth, 21 ans, Des Moines, Iowa, 1990-1992 Philip-Lorca diCorcia, Gerald Hughes (Alias Savage Fantasy), environ 25 ans, Californie du sud, 1990-1992 pour réagir non seulement à l’image mais à toutes les question impliquées par la situation ». Il affirme vouloir lui permettre de se poser la question « de la situation photographique : comment le médium entre en relation avec le monde, comment une photographie reste un moment déterminé par des facteurs extérieurs dont nous sommes rarement conscients ». En intégrant une certaine dose (il continue malgré tout à choisir ses situations et ses modèles) d’instantané documentaire dans un travail qui n’en visait jusqu’alors que le style, Philip-Lorca diCorcia parvient à ralentir le regard du spectateur et à l’impliquer dans la réflexion qui se joue autour de l’image. Mais quelle dose de réalité faut-il introduire pour équilibrer la magie déréalisante de la photographie ? Est-ce bien une question de dosage ? » Pauli ne de Laboulaye, Dicorcia, Cent re Nat ional de la photographie, 2004 DOSSIER ENSEIGNANT / ÉCHOS DANS L’HISTOIRE DES ARTS 20 « Je faisais des photos dans des chambres d’hôtel, et puis je retournais dans la rue, comme les clients ordinaires des prostitués. Je m’avançais et je leur disais : Je veux vous prendre en photo, je vous paierai exactement ce que l’on vous paie pour une passe. » raconte l’artiste PhilipLorca diCorcia au sujet de sa série « Hollywood », réalisée en 1990. Rencontrés par hasard sur le Santa Monica Boulevard, lieux de prostitution masculine à Hollywood, des hommes posent sur les clichés de l’artiste. Leurs corps semblent figés, comme arrachés au flux électrique de la ville, et leurs visages, tels des masques fixent des expressions où l’on déchiffre tantôt la lassitude, tantôt la tristesse. Dans les séries suivantes, Philip-Lorca diCorcia se laisse immerger dans l’ambiance de l’espace urbain, ainsi, il se saisit de tous ces instants qui nous échappent mais qui pourtant se composent en tableaux. Intitulée Two Hours, cette série est une succession de onze images de grands formats prises dans une rue de La Havane, au même endroit, à l’aide d’un dispositif d’éclairage automatique. Les gestes des passants semblent se répondre, les attitudes se croisent tandis que s’évitent les regards. A Storybook life, son travail le plus récent, rassemble de nombreuses photos réalisées au cours de ces vingt dernières années. Comme dans un livre, les images se succèdent, et montrent des personnages « à l’œuvre » dans le quotidien : un père et sa fille séparés par le château de sable qu’il vient de construire pour elle, un jeune homme sourit au travers de la fenêtre d’une voiture à une femme assise à l’intérieur dont on s’aperçoit qu’elle ne porte qu’un maillot de bain, une cuisinière, les yeux dans le vague, tient en main un grand couteau qui semble ne jamais s’abattre sur la planche de travail. Chaque expression est accentuée et, face aux différentes mises en scène de Philip-Lorca diCorcia, on imagine l’amorce d’une trame narrative, on évoque des récits cinématographiques, et, en même temps on devient le témoin de moments d’une vie où se tissent différentes rencontres. Pour Philip-Lorca diCorcia, la vérité sur nous-mêmes jaillit des faits et, même si l’on s’égare dans la contingence de la réalité, les morceaux éparpillés de nos vies nous conduisent toujours à ce sentiment d’inquiétante étrangeté. Né en 1953 aux États-Unis, Philip-Lorca diCorcia vit et travaille à New-York. En 1989, Philip-Lorca diCorcia reçoit une bourse d’Etat attribuée par le National Endowment of the Arts. Celui-ci venait d’être accusé par des politiques comme le sénateur Jesse Helms de soutenir des artistes dont le travail était qualifié d’obscène : les photographies de Robert Mapplethorpe Philip-Lorca diCorcia, New York, 1997 Philip-Lorca diCorcia, W Magazine, Cuba, 2000 étaient le sujet de controverses. Le NEA demanda alors à Philip-Lorca diCorcia de signer un contrat précisant que la projet subventionné ne comporterait aucun caractère obscène. Suite à l’obtention de cette bourse, l’artiste part en 1990 à Hollywood et réalise des photos de prostituées sur le Santa Monica boulevard. Puis il titre chacun de ses clichés avec le nom, l’âge et le lieu de naissance du modèle, ainsi son travail pouvant se situer comme art conceptuel fut accepté par le NEA malgré le sujet choisi. » Extrait du site Creative TV À consulter à la bibliothèque du Point du Jour Heads Philip-Lorca diCorcia Steidl, 2001 DOSSIER ENSEIGNANT / ÉCHOS DANS L’HISTOIRE DES ARTS 21 THOMAS STRUTH Les forêts silencieuses de Thomas Struth, un désir éblouissant de nature vierge. « Mon travail est analytique, c’est un mot important pour moi, j’observe la réalité », aime à répéter Thomas Struth, 47 ans, artiste allemand célèbre pour ses séries de photographies, visages, f leurs, villes, paysages de bords de route, intérieurs de musées et d’églises. Fidèle à son éditeur Schirmer-Mosel qui lui compose toujours des ouvrages majestueusement beaux, Str uth propose aujourd’hui son sixième livre, New Pictures from Paradise, que les Parisiens pu rent contempler lors de son exposition à la galerie Marian Goodman, au début de l’année 2000. Vert est la couleur dominante de ce paradis terrestre dont Struth ne révèle pas l’adresse précise, mais qui, si l’on en croit les légendes des vingt-quatre reproductions, se situe dans plusieurs pays : en Chine, au Brésil, au Japon, en Californie, et même en Allemagne. Ces photographies montrent des forêts engorgées d’arbres et de végétations, des forêts enchantées, des forêts originelles où personne ne semble avoir pénétré tant l’impression de densité y est forte, avec des trouées de lumière qui tombent parfois du ciel pour éclairer cette nature trop indisciplinée. Pour autant, cette absence ostentatoire de traces d’hommes (ou d’animal) est une illusion, car Struth est si présent derrière l’objectif qu’on a l’impression que c’est son oeil qui a directement capturé le motif, comme s’il était devenu un aigle planant sur ces territoires en attente d’être regardé. De la même façon que les fleurs avaient vivifié et même humanisé le travail de cet artiste formé à rude école, la fameuse Académie de Düsseldorf où enseignent Bernd et Hilla Becher, New Pictures from Paradise confirme l’énergie visuelle de Struth, grand amateur de jazz et du cinéma d’Ozu. On peut y voir comment, s’approchant d’un sujet pictural, il réussit à le cerner sans tomber dans l’exotisme baba cool, parce qu’il choisit avec rigueur son cadre et sa composition. Et qu’il ne cherche pas à le transformer en future carte postale écolo (ou en timbre, c’est tendance). Et, tout à coup, ce désir éblouissant de nature vierge apparaît comme une nouvelle preuve de la philosophie zen de Thomas Struth. Rien ne vaudra jamais le silence d’une photographie, murmure-t-il, pas même les couleurs attractives d’une jungle verdoyante qui ressemble au paradis. Thomas Struth, Jardin du Lindberg avec tournesols (Garden on the Lindberg with Sunflowers), no. 1, Winterthur, 1992 Thomas Struth, Paradise 26 (Bougainville), Palpa, Pérou, 2003 À consulter à la bibliothèque du Point du Jour Still Thomas Struth Schirmer/Mosel, 2011 Brigitte Ollier, Le vert du décor, Libération, 2002 DOSSIER ENSEIGNANT / ÉCHOS DANS L’HISTOIRE DES ARTS 22 6. ENTRÉES DISCIPLINAIRES LITTÉRATURE DON DELILLO « BODY ART » « Quand je cite Don DeLillo (Bruit de fond, Actes Sud, Babel, 1986) ou Jean-Philippe Toussaint (La télévision, Éd. Minuit, 1997), c’est moins pour des thèmes particuliers ou les enjeux que leur écriture soulève (une distance postmoderne, un commentaire sur le récit ? ) que parce que l’un et l’autre accordent une précision parfois exagérée aux détails, sans que jamais on puisse conclure quoi que ce soit de fiable. C’est ce que j’aime quand je fais des photos : montrer, décrire, mais laisser un doute quant à la solidité de l’information fournie. » « Ce très court roman s’ouvre sur une longue scène d’un petit déjeuner banal entre Lauren Hartke, 36 ans et son mari Rey Robbles, 64 ans. Pas de quoi fouetter un chat, c’est même un peu long. Elle est artiste de body art, lui est cinéaste. Puis apparaît la notice nécrologique de Rey qui a choisi de mettre fin à ses jours ; Lauren se retrouve seule dans une grande maison vide, retirée et nue. Dans l’expérience à la fois cinglante et douce du deuil, elle découvre un être étrange, ni tout à fait ici, ni tout à fait ailleurs, dont la voix est celle de Rey, puis la sienne également mêlée. À travers cet homme semblent se rejouer les derniers mots du couple avant la mort et Lauren y puise une sorte de fascination libératrice. Voilà un livre bien étonnant, difficilement descriptible, malgré une relecture. Plus qu’une histoire, il s’agit d’une expérience à laquelle j’associerais des mots comme nudité, dépouillement, étreinte, temps, corporalité, voix, lâcher-prise. Don Delillo expérimente la conscience de soi et du monde à travers la plongée dans un monde à la limite de l’absurde servi de mots tantôt fiévreux, tantôt secs et désenchantés. Loin d’apporter des éléments de réponses, ce livre, bien au contraire, pose question. Autant le dire très clairement, il pourra aussi prodigieusement ennuyer. Moi-même, je ne parviens pas à m’en faire une idée en terme de « plaisir » de lecture. Tout comme la première fois où je l’ai lu, j’ai simplement envie de fermer les yeux et de méditer - c’est signe, sans doute, qu’au-delà de la superficialité de l’agrément, il a fait résonner des cordes sensiblement plus profondes. Pour conclure, quelques mots de l’auteur merveilleusement adaptés à son art attribués dans l’ouvrage à une performance de Lauren Hartke : « Son art, dans ce spectacle, est obscur, lent, difficile et parfois insoutenable Mais il ne s’agit jamais de l’agonie grandiose d’images et de décors imposants. Il s’agit de vous et de moi. Ce qui commence dans une altérité solitaire devient familier et même personnel. Il s’agit de qui nous sommes vraiment quand nous ne somme pas affairés à être qui nous sommes. » » Christophe Bourguedieu, 2014 À consulter à la bibliothèque du Point du Jour Body Art Don Delillo Actes Sud, Babel, 2003 Extrait du blog La petite marchande prose, 2012 DOSSIER ENSEIGNANT / ENTRÉES DISCIPLINAIRES 23 23 LITTERATURE ARTS VISUELS JEAN-PHILIPPE TOUSSAINT « L’APPAREIL-PHOTO » PHOTOGRAPHIE ET CINÉMA « Au lieu de s’imposer au réel et de lui imposer un ordre né de l’intention, à la manière d’un personnage romanesque traditionnel, le narrateur de notre roman souhaite au contraire laisser le réel s’imposer à lui : ainsi, à la page 14 de L’Appareil photo, le narrateur évoque-t-il son « jeu d’approche [face à la réalité], assez obscur en apparence » et consistant « à ne jamais rien brusquer ». Cette manière qu’a le narrateur de laisser le réel s’offrir à ses yeux est extrêmement significative dans la dernière scène du roman, lors de laquelle celui-ci se retrouve assis dans une cabine téléphonique après avoir raté le dernier train suite à un dîner chez des amis puis marché le long d’une route, et qu’il regarde l’aube naissante : Le jour se levait maintenant, je le voyais se lever derrière les parois de la cabine, c’était encore la nuit, mais une nuit atténuée d’aube claire et bleutée, rien ne bougeait dans la campagne avoisinante, et le jour se levait lentement sous mes yeux, enrobant peu à peu l’air alentour de teintes lumineuses et légères qui enveloppaient l’atmosphère de clarté transparente et tremblante, et, assis derrière les vitres de cette cabine téléphonique complètement isolée dans la campagne déserte, je regardais le jour se lever et songeais simplement au présent, à l’instant présent […] (p.126 -127 ). » « Il y a sans doute quelque chose de plus évident, qui a à voir avec la puissance du sujet, que l’on peut effectivement retrouver dans certaines images de cinéma (les visages, la présence de l’acteur), mais qui ressemblerait surtout pour le photographe à ce que Barthes décrit au début de La chambre claire du côté du spectateur : « Un jour, il y a bien longtemps, je tombai sur une photographie du dernier frère de Napoléon, Jérôme (1852). Je me dis alors, avec un étonnement que depuis je n’ai jamais pu réduire : « Je vois les yeux qui ont vu l’empereur ». Je parlais parfois de cet étonnement, mais comme personne ne semblait le partager, ni même le comprendre (la vie est ainsi faite de petites solitudes), je l’oubliai. » Delphine Albrecht, Images en récits, récits d’images, Université de Lausanne, 2010 À consulter à la bibliothèque du Point du Jour L’Appareil-photo Jean-Philippe Toussaint Éditions de Minuit, 2007 Christophe Bourguedieu, 2014 « Le cinéma, la photographie. Il faut attendre la grande exposition « Film un Foto » pour que soit posée solennellement la question de leurs rapports, à Stuttgart en 1929, à la veille du cinéma parlant et en plein renouveau de la photographie. Aujourd’hui, à un moment où l’on parle de la crise du cinéma et où la photographie fait l’objet d’un regain d’attention, la question est à nouveau d’actualité, dans la multiplicité de ces occurrences : la photographie dans le cinéma, le cinéma dans la photographie, de la photographie au cinéma, la photographie de film, les photographes cinéastes, les films à thèmes ou à forme photographiques, etc. [...] Le cinéma et la photographie, se côtoient, se conjuguent, s’interpénètrent, se concurrencent, se redoublent, ils ne cessent en un mot de brouiller les pistes, de déjouer les définitions, de retourner la question de leur écart. » André Rouillé, Le cinéma, La photographie. Paris Audiovisuel, 1987 DOSSIER ENSEIGNANT / ENTRÉES DISCIPLINAIRES 24 7. AUTOUR DE L’EXPOSITION RENCONTRES ET PROJECTION Dimanche 22 juin à 15h : Rencontre avec Christophe Bourguedieu Samedi 13 septembre à 18h : Rencontre avec Michel Poivert Vendredi 26 septembre à 19h : Les rendez-vous d’Anna Chantal Akerman (1978, 122 min.) avec Aurore Clément, Helmut Griem, Magali Noël, Lea Massari et Jean-Pierre Cassel Anna est une jeune cinéaste belge installée à Paris. Au cours d’un voyage en Allemagne pour présenter un film, elle rencontre par hasard deux hommes et la mère d’un ancien fiancé, puis revoit sa propre mère à Bruxelles avant de retrouver son amant parisien. Ces rendez-vous, qui sont autant de portraits, se déroulent dans des lieux de passage (trains, chambres d’hôtel...). De retour chez elle, Anna écoute les messages laissés sur son répondeur. Ce film de la solitude ordinaire est de bout en bout porté par des cadrages et des lumières d’une beauté fantastique. La projection sera suivie d’une discussion avec Christophe Bourguedieu qui a choisi de présenter Les Rendez-vous d’Anna en écho à l’exposition. Christophe Bourguedieu, Sans titre, extrait de Les Passagers, 2005-2006 Christophe Bourguedieu Sans titre, extrait de La Montagne, 2011 DOSSIER ENSEIGNANT / AUTOUR DE L’EXPOSITION 25 8. BIBLIOGRAPHIE Les Passagers La Montage Christophe Bourguedieu Christophe Bourguedieu Le Point du jour Loco 2012 Tavastia Christophe Bourguedieu At work Le Point du Jour Lee Friedlander 2002 Textes Richard Benson Steild 2002 Éden Christophe Bourguedieu Le Point du Jour 2004 Self Portraits Lee Friedlander Textes Richard Benson MoMA New York 2005 Le cartographe Christophe Bourguedieu Stems Textes Sélim Nassib Lee Friedlander Le Point du Jour Steildl 2000 2003 DOSSIER ENSEIGNANT / BIBLIOGRAPHIE 26 Lee Friedlander Still Richard Benson Thomas Struth MoMA New York Schirmer/Mosel 2005 2011 William Eggleston Marion de Beaupré 1998 Body Art Don Delillo Traduit de l’américain par Marianne Véron Actes Sud, Babel 2003 William Eggleston Guide Textes de John Szarkowski MoMA 2002 L’Appareil-photo Jean-Philippe Toussaint Éditions de Minuit 2007 Heads Philip-Lorca diCorcia Steidl, 2001 Thousand Philip-Lorca diCorcia Steidl, 2007 DOSSIER ENSEIGNANT / BIBLIOGRAPHIE 27 BIBLIOGRAPHIE ET SITOGRAPHIE SÉLECTIVE AUTOUR DE L’EXPOSITION Bibliographie Sur le lien entre cinéma et photographie Bellour Raymond, L’Entre-Images. Photo. Cinéma. Vidéo, Paris, La Différence, coll. « Les Essais », 2002 Campany David, Photography and Cinema, London, Reaktion Books, 2008. Chik Caroline, L’image paradoxale. Fixité et mouvement, Villeneuve d‘Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, coll. « Arts du spectacle », sous-coll. « Images et Sons », 2011. Couchot Edmond, La Technologie dans l’art. De la photographie à la réalité virtuelle, Nîmes, Jacqueline Chambon, 1998 Ischaghpour Youssef, D’une image à l’autre. La nouvelle modernité du cinéma, Paris, Denoël Gonthier, Bibliothèque Médiations, 1982. Le Maître Barbara, Entre film et photographie. Essai sur l’empreinte, Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes, coll. « Esthétique Hors cadre », 2004 Païni Dominique, Le temps exposé. Le cinéma de la salle au musée, Cahiers du cinéma, essais, 2002 Vancheri Luc (sous la direction de), Images contemporaines. Arts, formes, dispositifs, Lyon, Aléas Cinéma, 2009. Dubois Philippe, La question vidéo. 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De 1920 à nos jours, 2008 Tendance de la photographie contemporaine, 2007 Son et lumière - une histoire du son dans l’art du 20e siècle, 2005 Le mouvement des images, 2006 Jean-Luc Godard, 2006 Luis Buñuel, Un chien andalou, 2005 Sophie Calle, 2004 Statut et pouvoir du narrateur, 2003 Roland Barthes, 2002 29 INFOS PRATIQUES UN CENTRE D’ART, TOURNÉ VERS LA PHOTOGRAPHIE QUI ASSOCIE EXPOSITIONS, ÉDITION, RÉSIDENCES ET FORMATION Le Point du Jour, inauguré en novembre 2008, est le premier centre d’art / éditeur en France tourné vers la photographie. Le bâtiment a été conçu par Éric Lapierre, lauréat du Prix de la première œuvre en 2003, décerné au meilleur jeune architecte français. ADRESSE ET INFORMATIONS Le Point du Jour Centre d’art/Éditeur 107, avenue de Paris 50100 Cherbourg-Octeville Tél. 02 33 22 99 23 www.lepointdujour.eu Contact : Anne Gilles [email protected] SERVICE ÉDUCATIF Codirigé par Béatrice Didier, David Barriet et David Benassayag, Le Point du Jour est issu de l’activité, durant une dizaine d’années, de la maison d’édition du même nom et du Centre régional de la photographie de Cherbourg-octeville. Denis Tessier t. 02 33 22 99 23 f. 02 33 22 96 66 [email protected] sur rendez-vous Quatre expositions sont proposées par an : l’une concerne la région, deux présentent des artistes contemporains et la dernière est consacrée à un photographe du passé. HORAIRES D’OUVERTURE Le Point du Jour publie parallèlement trois ouvrages, liés aux expositions ou essais concernant la photographie. Régulièrement, des artistes sont invités à réaliser un travail photographique dans la région, suivi le plus souvent d’une exposition et d’un livre. Du mardi au vendredi de 14h à 18h Samedi et dimanche de 14h à 19h et sur rendez-vous Entrée libre Réalisation du dossier : David Benassayag, Anne Gilles et Denis Tessier Enfin, Le Point du Jour organise, avec le soutien de la Fondation Neuflize Vie, le Prix Roland Barthes. Ce prix récompense des travaux de jeunes universitaires sur la photographie. La bibliothèque réunit près de deux mille ouvrages concernant la photographie. Elle accueille aussi régulièrement des conférences et des rencontres. Des visites et des formations sont organisées, notamment à destination des enseignants, tout au long de l’année. DOSSIER ENSEIGNANT / INFOS PRATIQUES 30